Responsabilité et performance des organisations. 20 propositions pour renforcer la démarche de responsabilité sociale des entreprises (RSE). Rapport et note documentaire.
LE DIVENAH, Jean-Paul ;FRIBOURG, Michaël ;LENOIR, Christian ;BATAILLIE, Claire ;BROVELLI, Lydia ;DRAGO, Xavier ;MOLINIE, Eric
Auteur moral
France. Conseil général de l'environnement et du développement durable
;France. Inspection générale des finances
;France. Inspection générale des affaires sociales
Auteur secondaire
Résumé
Le rapport expose le résultat de plusieurs mois d'expertises, auditions, consultations et analyses sur les leviers d'évolution et de diffusion de la responsabilité sociale des entreprises (RSE) dans l'économie et la société, à l'échelle française et internationale. Pour réussir à faire de la responsabilité globale des entreprises, des organisations et des administrations publiques un levier de performance durable, la mission a d'abord identifié quatre défis clés pour la RSE à l'horizon 2020 : la crédibilité des démarches engagées, l'échelle d'analyse et de niveau de mise en oeuvre des politiques RSE, l'accélération du rythme de changement et la mobilisation ambitieuse des parties prenantes. Le rapport identifie 20 enjeux auxquels répondent des convictions et propositions organisées autour de quatre axes de progrès: développer une culture de performance, assurer une mesure fiable et pertinente de la performance globale des entreprises et des organisations, encourager l'investissement responsable, valoriser l'ambition, l'avance et le savoir-faire français à l'international. La note documentaire, complémentaire au rapport dont il constitue un « mode d'emploi », vise à procurer des informations, des outils pratiques ou des orientations méthodologiques permettant de faire de la RSE un enjeu du dialogue social.
Editeur
CGEDD
;IGA
;IGAS
Descripteur Urbamet
développement durable
;fonctionnement économique
;fonctionnement des institutions
;entreprise
;analyse économique
;stratégie
;investissement
;mesure
Descripteur écoplanete
responsabilité sociétale des entreprises
Thème
Méthodes - Techniques
;Economie
;Administration publique
Texte intégral
CGEDD n° 008946-01
Rapport public au Gouvernement
Lydia BROVELLI
Xavier DRAGO
Eric MOLINIÉ
RESPONSABILITÉ ET PERFORMANCE DES ORGANISATIONS
20 propositions pour renforcer la démarche de responsabilité sociale des entreprises (RSE)
Juin 2013
Co-rapporteurs Michaël FRIBOURG Inspecteur des finances Christian LENOIR Inspecteur général des affaires sociales Assistés de Claire Bataillie Jean-Paul LE DIVENAH Inspecteur général de l'administration du développement durable
MINISTÈRE DE L'ÉCONOMIE ET DES FINANCES
MINISTÈRE DU COMMERCE EXTÉRIEUR
MINISTÈRE DE L'ÉCOLOGIE DU DÉVELOPPEMENT DURABLE ET DE L'ÉNERGIE
MINISTÈRE DU TRAVAIL DE L'EMPLOI, DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE ET DU DIALOGUE SOCIAL
RESPONSABILITÉ ET PERFORMANCE DES ORGANISATIONS
20 propositions pour renforcer la démarche de responsabilité sociale des entreprises (RSE)
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RÉSUMÉ
« La responsabilité demande du courage
parce qu'elle nous place à la pointe extrême de la décision agissante » Wladimir JANKÉLÉVITCH (1967)
Ce rapport, établi à la demande de quatre ministres du Gouvernement français, est issu de plusieurs mois de travaux et d'auditions pilotés par Lydia BROVELLI, Xavier DRAGO et Éric MOLINIÉ. Il expose les leviers d'évolution et de diffusion de la RSE dans l'économie et la société. Pour réussir à faire de la responsabilité globale des entreprises, des organisations et des administrations publiques un levier de performance durable, la mission a d'abord identifié quatre défis clés pour la RSE à l'horizon 2020 : i) un défi de crédibilité des démarches engagées, ii) un défi d'échelle d'analyse et de niveau de mise en oeuvre des politiques RSE, iii) un défi d'accélération du rythme de changement et iv) un défi de mobilisation ambitieuse des parties prenantes. En France, ces quatre défis prennent place dans un contexte de renouveau des initiatives publiques, marqué par les conférences sociales de 2012 et 2013, la conférence environnementale de 2012, la conférence sur la transition énergétique de 2013 et bien sûr, par la création, début 2013, de la Plateforme RSE. Ce rapport identifie 20 enjeux auxquels répondent, à chaque fois, des convictions et propositions mobilisatrices à destination des pouvoirs publics et de l'ensemble des praticiens. Ces propositions sont organisées autour de quatre grands axes de progrès.
1. DÉVELOPPER UNE CULTURE DE PERFORMANCE GLOBALE AU SEIN DES ENTREPRISES, DES ORGANISATIONS ET DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES
Développer la RSE dans la société française suppose un engagement et une volonté mis au service d'une culture de performance globale, tant au sein des entreprises priÎes que des organismes publics. Pour cela, la politique extra-financière doit être entièrement incorporée aux stratégies et modèles d'affaires. La mission préconise l'adoption de stratégies de performance globales et intégrées assorties d'un engagement continu des dirigeants et des managers (proposition n° 1). Elle considère à cet égard que l'ensemble des parties prenantes doivent être mieux associées qu'aujourd'hui à la définition de telles stratégies. Cet objectif de performance globale ne peut être atteint sans un dialogue social ambitieux. Or, le dialogue social reste à ce jour trop peu constructif et n'aborde pas assez, au-delà des sujets de négociations obligatoires ou facultatives, les questions liées à la responsabilité globale des entreprises. Partant de ce constat, il convient d'accroître la place accordée aux sujets RSE dans le dialogue social à tous les échelons possibles de concertation (proposition n° 2).
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La démarche de RSE doit aussi s'appliquer à l'ensemble de la sphère publique. Or celle-ci n'est pas toujours exemplaire, notamment dans sa politique d'achat ou en qualité de prestataire de service public. Il s'agit donc de passer des intentions aux actes en matière d'État exemplaire (proposition n° 3). Cette orientation devrait pouvoir prendre la forme, dans le cadre du programme de modernisation des administrations publiques, d'un projet ambitieux de performance globale, financière et extra-financière. La diffusion de la RSE dans la société française ne saurait être obtenue sans un effort soutenu de formation des étudiants et salariés français, qu'il s'agisse de la formation initiale ou continue (proposition n° 4). À cette fin, les dimensions environnementale, sociale et de gouvernance (ESG) doivent être intégrées à l'ensemble des cursus de formation et devenir progressivement une dimension transversale de ceux-ci. Autres acteurs essentiels de la RSE, les PME doivent pouvoir s'impliquer dans la recherche de performance globale, ce qui suppose qu'elles bénéficient d'outils d'aide à la décision adéquats (proposition n° 5). Dans les faits, une partie des PME n'entre dans la RSE que par la contrainte de devoir s'inscrire dans les politiques d'achats responsables menées par les grandes entreprises dont elles sont les fournisseurs. Nombre de PME souhaitent s'inscrire dans la démarche de leur propre initiative mais elles doivent pour cela disposer d'un cadre réglementaire et d'outils adaptés d'aide à la décision dont elles sont actuellement dépourvues pour la plupart. Les politiques d'achat des entreprises et des administrations focalisent nombre de controverses favorisées par une généralisation de politiques fondées sur la maximisation économique quelles qu'en soient les conséquences. Systématiser les démarches d'achat et de sous-traitance responsables (proposition n° 6) constitue ainsi un facteur majeur dans la réussite d'une stratégie de performance globale. Pour ce faire, les entreprises doivent à la fois mieux gérer les risques ESG chez leurs sous-traitants et associer ces derniers à leur stratégie d'achats responsables. De leur côté, les administrations et établissements publics doivent motiver plus clairement dans les règlements des marchés publics leurs critères de choix financiers et extra-financiers. L'entrepreneuriat social joue un rôle de plus en plus marqué dans l'économie hexagonale et européenne. Mais il peine à être reconnu comme référence en matière de croissance durable. Il paraît opportun, de ce point de vue, de stimuler le développement économique de l'entrepreneuriat social (proposition n° 7). Les perspectives offertes par les actions de mécénat des entreprises en faveur de causes philanthropiques ou d'actions de développement sont prometteuses. Les démarches de mécénat les plus actives des entreprises méritent ainsi d'être encouragées (proposition n° 8).
2. ASSURER UNE MESURE FIABLE ET PERTINENTE DE LA PERFORMANCE GLOBALE DES ENTREPRISES ET DES ORGANISATIONS
Aujourd'hui, les entreprises sont tenues de publier un nombre sans doute trop important de rapports, parfois peu lus, quelquefois formels et rarement coordonnés. La mission estime cependant qu'il est difficile de retenir dans l'immédiat l'idée d'un reporting intégré compte tenu de la diversité des publics auxquels s'adressent les rapports existants et tant que des stratégies de performance globale n'auront pas été engagées. En revanche, un premier progrès pourrait être enregistré en faisant converger les différents rapports d'information établis par les entreprises pour stimuler, à long terme, la construction d'un reporting plus intégré (proposition n° 9).
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En corollaire du constat précédent, le nombre d'indicateurs à renseigner pour nourrir les reportings est fréquemment déploré. Entre les 42 informations de la réglementation française qui ne sont pas adaptées à tous les types d'activité et les 20 informations suivies en Allemagne, la mission propose une option alternative. Celle-ci consiste à adapter, à l'initiative des branches d'activité et dans le dialogue avec les parties prenantes, le contenu et le nombre des indicateurs de performance extra-financière publiés par les entreprises (proposition n° 10). En outre, plusieurs acteurs interviennent dans l'exercice de Îrification des informations présentées dans les reportings. Cette fonction nécessaire peut-être assurée, entre autres, par les commissaires aux comptes mais les modalités de ce contrôle ne sont à ce jour pas encore fixées. Il est pourtant indispensable de fiabiliser la nature des informations diffusées en finalisant le dispositif français de Îrification par un tiers extérieur (proposition n° 11). Cela suppose notamment de publier rapidement l'arrêté fixant les modalités de Îrification de ces informations par un tiers indépendant. Parallèlement, et en cohérence avec les ambitions définies en 2012 par le Président de la République française, il convient de favoriser, au-delà des cercles d'investisseurs, l'émergence et la diffusion des notations sociales et environnementales. Dans cet esprit, il serait efficace d'encourager les grandes entreprises à rendre publique leur notation extra-financière (proposition n° 12), et à établir, selon des protocoles Îrifiables et certifiés par leurs « tiers Îrificateurs », une communication plus ouverte sur leurs différentes notations. Il s'agit de tenir compte du niveau effectif de maturité en France des sujets RSE. Par ailleurs, le paysage des agences de notation est diversifié, leurs méthodes variables selon les organismes. Tout en prenant acte de cette variété, il ressort parfois un sentiment d'insatisfaction tant de la part des investisseurs qui conduisent souvent leur propre expertise complémentaire, que des entreprises notées qui déplorent le manque de transparence des agences en question. C'est pourquoi il est recommandé d'établir un cadre européen de régulation des organismes de notation extra-financière (proposition n° 13), ce qui ne pourrait qu'améliorer la crédibilité et la viabilité de ces structures dont le modèle économique demeure fragile.
3. ENCOURAGER L'INVESTISSEMENT RESPONSABLE
En matière d'investissement socialement responsable, sept approches différentes peuvent être identifiées. Le degré d'engagement responsable est variable selon le système de valeurs retenu dans chacune des approches. Il s'ensuit à la fois un manque de lisibilité pour les épargnants comme pour les investisseurs et une difficulté récurrente à évaluer les montants financiers dédiés à l'investissement responsable. La mission est ainsi convaincue de la nécessité de promouvoir la création d'un label ISR unique et enrichi, et de mieux mettre en valeur les démarches de capital-investissement responsable (proposition n° 14), d'autant que l'investissement responsable est devenu l'une des spécialités françaises reconnues dans la gestion d'actifs. Afin d'accentuer l'orientation précédente, il s'aÏre opportun d'inciter les investisseurs institutionnels à privilégier les produits de placement responsables (proposition n° 15) car ils peuvent jouer un rôle d'entraînement pour la diffusion de l'investissement responsable. Certains d'entre eux se sont depuis longtemps engagés dans cette voie mais sans obligation. Il est pour cela souhaitable d'étendre formellement aux investisseurs institutionnels intervenant en France, l'obligation de transparence à laquelle sont soumises les sociétés de gestion d'actifs. La prise en compte des dimensions extra-financières dans l'octroi de certains crédits bancaires aux entreprises, activités ou projets les plus exemplaires pourrait être également renforcée (proposition n° 16).
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Parmi les investissements à la fois performants et attractifs, l'assurance vie mérite quant à elle une attention particulière dans la mesure où elle n'est pas assez investie dans les produits d'investissement responsable. C'est à cette fin qu'il est préconisé d'orienter une part croissante de l'assurance vie, placement de long terme, vers les produits d'investissement responsable (proposition n° 17). Pour atteindre cet objectif, il serait justifié de conditionner progressivement le maintien d'un régime fiscal particulier pour l'assurance vie à une orientation ISR d'une partie des investissements.
4. VALORISER L'AMBITION, L'AVANCE ET LE SAVOIR-FAIRE FRANÇAIS À L'INTERNATIONAL
Au plan international, la France doit soutenir activement et au plus haut niveau l'actuelle initiative communautaire de directive sur la publication des informations extra-financières des entreprises (proposition n° 18). S'inscrivant dans le cadre de la déclaration finale de la conférence Rio+20, ce texte doit être l'occasion pour la France de poursuivre ses efforts de conviction diplomatique quant au bien-fondé du projet européen. Lorsque les entreprises françaises sont exemplaires en matière de responsabilité globale, elles offrent pour leurs exportations et leurs investissements à l'étranger des garanties tant en terme de qualité que de sécurité, notamment juridique. Les accords-cadres internationaux conclus par plusieurs sociétés françaises sur la RSE avec leurs syndicats ou des fédérations internationales et l'obligation de reporting extra-financier ne sont pas suffisamment mis en valeur par les entreprises elles-mêmes mais également par la diplomatie économique française. Or généraliser et mettre en valeur les démarches exemplaires des entreprises françaises à l'international (proposition n° 19) contribuerait à renforcer la compétitivité de la « Marque France » à l'international y compris dans la recherche de nouveaux débouchés. Il serait également judicieux, en complément de cette action, de tirer profit d'une application plus systématique des « Principes directeurs de l'OCDE à l'intention des entreprises multinationales » et de renforcer les moyens du Point de contact national créé par ces Principes directeurs et destiné à traiter les controverses qui lui sont soumises en matière de comportement des entreprises. Plus globalement, il s'agit pour la diplomatie française dont la crédibilité est régulièrement soulignée , de poursuivre la promotion, dans les enceintes et négociations internationales, des conceptions françaises en matière de responsabilité globale (proposition n° 20). Ceci est d'autant plus opportun que la RSE n'est reconnue que partiellement, en particulier au-delà de l'Union européenne. Or, pour garantir des pratiques commerciales plus responsables, dans le cadre d'une concurrence loyale, il est urgent de renforcer le poids des exigences sociales et environnementales dans les accords commerciaux internationaux.
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Les trois auteurs tiennent à remercier chaleureusement Michaël FRIBOURG, Jean-Paul LE DIVENAH, Christian LENOIR et Claire BATAILLIE, corapporteurs de la mission, ainsi que l'ensemble des personnes auditionnées et celles qui ont adressé des contributions écrites.
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SOMMAIRE
1. Développer une culture De performance globale au sein Des entreprises, Des organisations et Des aDministrations publiques
Proposition n° 1 : Encourager l'adoption de stratégies de performance globales et intégrées économique, sociale, sociétale, environnementale et de gouvernance , avec un engagement continu des dirigeants et des managers Proposition n° 2 : Accroître la place consacrée aux sujets de RSE dans le dialogue social, d'entreprise, de branche, interprofessionnel, territorial ou international Proposition n° 3 : Passer des intentions aux actes en matière d'État exemplaire Proposition n° 4 : Mieux former aux enjeux de la RSE, que ce soit par la formation initiale ou continue Proposition n° 5 : Permettre aux PME de mieux s'impliquer dans la recherche d'une performance globale en mettant à leur disposition des outils d'aide à la décision Proposition n° 6 : Systématiser les démarches d'achat et de sous-traitance responsable Proposition n° 7 : Encourager et favoriser le développement économique de « l'entrepreneuriat social » Proposition n° 8 : Encourager, parmi les actions de mécénat des entreprises, les démarches de mécénat les plus « actives »
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2. assurer une mesure fiable et pertinente De la performance globale Des entreprises et Des organisations
Proposition n° 9 : Faire converger les différents rapports d'information établis par les entreprises pour stimuler, à long terme, la construction d'un reporting plus intégré Proposition n° 10 : Adapter, à l'initiative des branches d'activité et dans le dialogue avec les parties prenantes, le contenu et le nombre des indicateurs de performance extra-financière publiés par les entreprises Proposition n° 11 : Fiabiliser la nature des informations diffusées en finalisant le dispositif français de Îrification par un tiers extérieur Proposition n° 12 : Favoriser, au-delà des cercles d'investisseurs, l'émergence et la diffusion des notations sociales et environnementales Proposition n° 13 : Établir un cadre européen de régulation des organismes de notation extra-financière
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3. encourager l'investissement responsable
Proposition n° 14 : Promouvoir la création d'un « label ISR » unique et enrichi et davantage mettre en valeur les démarches de capital-investissement responsable Proposition n° 15 : Inciter les investisseurs institutionnels à privilégier les produits de placement les plus responsables Proposition n° 16 : Tenir compte des dimensions extra-financières dans l'octroi de certains crédits bancaires Proposition n° 17 : Orienter une part croissante de l'assurance vie, placement de long terme, vers les produits d'investissement responsable
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4. valoriser l'ambition, l'avance et le savoir-faire français à l'international
Proposition n° 18 : Soutenir activement l'actuelle initiative de directive communautaire sur la publication des informations extra-financières des entreprises Proposition n° 19 : Généraliser et mieux mettre en valeur les démarches exemplaires des entreprises françaises en matière d'approvisionnement, d'exportation et d'implantation à l'international Proposition n° 20 : Continuer à promouvoir, dans les enceintes et négociations internationales, les conceptions françaises en matière de responsabilité globale
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anneXes
Annexe n° 1 : Lettre de mission Annexe n° 2 : Liste des personnes auditionnées et origine des contributions écrites
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PRÉAMBULE
« La responsabilité demande du courage parce qu'elle nous place à la pointe extrême de la décision agissante » Wladimir JANKÉLÉVITCH (1967) Le présent rapport, établi en juin 2013 à la demande de quatre ministres du Gouvernement français, expose le résultat de plusieurs mois d'expertises, d'auditions, de consultations très ouvertes et d'analyses approfondies et indépendantes sur le potentiel d'évolution et de diffusion de la RSE dans l'économie et la société, à l'échelle française, européenne et internationale. Aujourd'hui, beaucoup s'interrogent sur la capacité des économies développées à sortir de la crise tout en continuant d'innover dans les domaines économiques, technologiques, sociaux, sociétaux, environnementaux et de gouvernance. Les lignes qui suivent, délibérément resserrées sur une trentaine de pages, proposent de premières réponses à cette question et établissent 20 propositions pour faire de la responsabilité globale un levier de performance durable. La mission est partie de la définition que donne l'Union européenne de la « responsabilité sociale ou sociétale des entreprises »1 (RSE), définition qu'elle reprend naturellement à son compte et qui est apparue consensuelle lors des auditions. Les auteurs ont souhaité enrichir cette définition par le concept de « responsabilité globale », qui désigne l'ensemble des engagements économiques, sociaux, sociétaux, environnementaux et de gouvernance qu'une organisation, publique ou priÎe, adopte, de la façon la plus concertée et ouverte possible, pour déployer une stratégie intégrée de performance durable, pertinente et mobilisatrice pour ses actionnaires, ses clients, ses collaborateurs et les territoires où elle opère. L'expression « responsabilité globale » présente l'avantage d'aller au-delà de la définition de l'Union européenne et de préciser les champs que recouvre cette responsabilité et son mode d'intégration à la vie des organisations. Cette conception de « responsabilité globale » est une invitation à dépasser une simple logique de conformité à des règles de droit ou à des référentiels volontaires dont est parfois trop empreinte la notion de RSE. Parler de « responsabilité globale » comme nous le faisons dans ces pages, c'est nécessairement se projeter dans une logique d'impact des activités des organisations, dans la recherche d'une performance durable au service d'une croissance retrouÎe.
(1) L'Union européenne définit la RSE comme « la responsabilité des entreprises vis-à-vis des effets qu'elles exercent sur la société». L'Union ajoute que « pour assumer cette responsabilité il faut au préalable que les entreprises respectent la législation en vigueur et les conventions collectives conclues entre partenaires sociaux ». Dans ce sens, la RSE est « la mise en oeuvre des principes du développement durable au sein des entreprises ou des organisations ».
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Rapport de praticiens au Gouvernement, mais aussi rapport de praticiens pour des praticiens, ce travail de réflexion est parti du contexte nouveau, exposé en introduction, dans lequel s'inscrit la RSE. Il identifie 20 enjeux clés du déploiement de la RSE à l'horizon 2020. En réponse à ces 20 enjeux, la mission a tenu à exprimer clairement, et malgré de naturels écarts de sensibilités en son sein, 20 convictions mobilisatrices et qu'elle juge indispensables à l'édification d'une performance durable des entreprises et des organisations. Empreintes d'un double esprit d'idéalisme constructif et de réalisme ambitieux, conçues pourêtre exploitables par les différentes parties prenantes les directions d'entreprises, les actionnaires, les salariés et leurs représentants, les clients, les fournisseurs et sous-traitants, les ONG et les territoires , les convictions exposées ici sont déclinées en mesures opérationnelles, également décrites pour servir de référence, et que la mission invite à mettre en oeuvre.
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INTRODUCTION
relever les Défis De la rse à l'HoriZon 2020
Ce rapport vise à préparer « une nouvelle étape dans le déploiement et l'effectivité de la démarche de responsabilité sociale, sociétale, environnementale des entreprises et du dialogue social qui l'accompagne »2. La mission a identifié que pour y parvenir, il faudra relever quatre défis clés qui transforment, dès à présent, les modalités de diffusion de la RSE dans l'économie. Répondre à ces quatre défis offrira l'opportunité, comme le propose ce rapport, de franchir une nouvelle étape pour mettre la responsabilité globale des entreprises, des organisations et des administrations publiques au service d'une performance durable de nos économies et de nos sociétés.
le défi de la crédibilité
Au cours des quinze dernières années, la prise en compte des dimensions sociales, sociétales, environnementales et de gouvernance a fait des progrès, dans le secteur priÎ, comme dans le secteur public qui n'était d'ailleurs pas spécifiquement en avance sur ces sujets. De nombreux « accidents industriels » survenus en France comme à l'étranger (catastrophes environnementales, scandales comportementaux, suicides de salariés, conflits de gouvernance...) ont mis en évidence, pour ceux qui en douteraient encore, le bien-fondé de la RSE. Cependant, la recherche de performance globale reste encore trop souvent perçue comme une simple « mode managériale », l'affichage d'intentions peu suivies d'effets, une cosmétique organisationnelle3 ou encore un marché d'opportunités pour certains experts. Cette perception imprègne encore trop fortement l'intérêt concret porté à la RSE, dans et en dehors des organisations, priÎes et publiques. Répondre au défi de la crédibilité supposera de rendre plus lisibles, Îrifiables, auditables et comparables les informations et démarches extra-financières présentées et débattues avec les parties prenantes.
le défi de l'échelle d'analyse
Aujourd'hui, et plus encore demain, l'échelle de la RSE se déplace. La mondialisation de l'économie, la prise de conscience environnementale, les aspirations sociales et sociétales se sont approfondies. Dans ce contexte, rien ne serait pire que de raisonner sur ces matières en « village
(2) Cf. en pièce jointe, les termes de la lettre de mission conjointement signée le 20 février 2013 par le ministre de l'Économie et des Finances, le ministre du Travail, de l'Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social, la ministre de l'Écologie, du Développement durable et de l'Énergie et la ministre du Commerce extérieur. (3) « Window dressing » ou « green washing ».
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gaulois ». Rien ne serait plus dommageable que de négliger les différents niveaux auxquels se déploie désormais la performance globale, des PME aux grands groupes, des collectivités locales aux administrations d'État, des entités priÎes aux ONG. Changer d'échelle d'analyse imposera de tenir compte de la complexité des organisations au XXIe siècle. Le périmètre juridique des entreprises et des administrations ne coïncide plus avec leur périmètre économique, social, environnemental et sociétal. Les organisations fonctionnent en réseau, en interne comme en externe, des PME aux grands groupes, en passant par leurs prestataires et sous-traitants. La mondialisation des circuits de production et de distribution rend délicate la pleine maîtrise des risques sur l'ensemble de la chaîne de valeur. Elle rend aussi délicate la mobilisation uniforme d'acteurs dont le niveau de développement reste encore très différent. Dans beaucoup d'économies émergentes, il n'existe encore ni syndicats légitimes et reconnus, ni dialogue social, ni protection sociale, ni même un État de droit aussi avancé que dans les économies de l'OCDE.
le défi du changement de rythme
L'accélération du temps historique, économique et social est le troisième paramètre qui exerce une pression accrue sur tout processus d'enrichissement et de développement de la RSE. La mission a constaté le potentiel d'innovation sociale, environnementale, sociétale et de gouvernance des organisations. Elle est aussi lucide sur la faculté de contournement des engagements pris qui anime certains acteurs, qu'ils le fassent de façon délibérée ou non. Répondre au défi du rythme suppose de penser un cadre de régulation qui ne « court » pas après les pratiques devenues « standard », mais qui soit capable de précéder, encourager et diffuser les démarches les plus innovantes. Réussir à changer de rythme supposerait aussi que l'État s'applique à lui-même les objectifs d'excellence qu'il promeut auprès des acteurs priÎs. Cela supposerait également qu'à tous les niveaux, les responsables publics du Parlement, du Gouvernement et des administrations se préoccupent plus souvent, avant l'annonce de nouvelles réformes, de la complète finalisation des dispositifs existants - par exemple, l'adoption des textes d'application législatifs, qui sont parfois attendus pendant plusieurs années.
le défi d'une mobilisation ambitieuse des parties prenantes
Enfin, la mission a souhaité finir son introduction en insistant sur la nécessité de renouveler l'ambition assignée à la responsabilité extra-financière. Aujourd'hui, la recherche de performance globale ne saurait se résumer à une simple mais certes utile maîtrise des risques fondamentaux et réputationnels. S'il est une conviction fondatrice que nous nous sommes forgée au fil de notre expérience et au cours de cette mission, c'est que les dimensions sociales, environnementales, sociétales et de gouvernance peuvent et doivent devenir un moteur stratégique pour la conduite du changement dans les organisations. Reconnaître à sa juste valeur la recherche de performance globale des entreprises et des organisations suppose une mobilisation effective, loyale et sincère des parties prenantes, dans le cadre d'un dialogue social rénoÎ et élargi. Il faut décloisonner, culturellement et en pratique, la RSE pour l'insérer pleinement dans le projet d'avenir et le modèle durable de nos organisations. Ceci supposera, bien sûr, de résoudre des paradoxes, des conflits d'objectifs, chez chaque partie prenante et entre parties prenantes. Mais n'est-ce pas là le cours naturel du progrès ?
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1. DÉVELOPPER UNE CULTURE DE PERFORMANCE GLOBALE AU SEIN DES ENTREPRISES, DES ORGANISATIONS ET DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES
Proposition n° 1 : Encourager l'adoption de stratégies de performance globales4 et intégrées économique, sociale, sociétale, environnementale et de gouvernance , avec un engagement continu des dirigeants et des managers
problème constaté Quand elle existe, la stratégie extra-financière reste, au sein des entreprises, trop fréquemment dissociée de la stratégie économique. Parfois, la stratégie RSE résulte moins d'une réflexion sur le modèle global de développement de l'entreprise que d'une reconstruction a posteriori d'initiatives dispersées : la politique de ressources humaines, les démarches environnementales, les stratégies de communication interne et externe, le mécénat... Au mieux, la RSE est alors conçue comme un outil de maîtrise des risques. Au pire, elle se résume à un engagement formel de respecter les règles de droit ou de consensus et les exigences morales du « politiquement correct ». Cette vision minimaliste et court-termiste de la RSE ne permet pas de tirer pleinement parti du potentiel de performance globale qu'offre un engagement concret des entreprises dans la recherche de performances extra-financières. conviction de la mission La mission estime que, pour servir la performance globale des entreprises, la politique extrafinancière, qu'elle soit économique, sociale, sociétale, environnementale ou de gouvernance doit être totalement incorporée aux stratégies et modèles d'affaires5. Émerge dans l'opinion générale économique et sociale, un consensus sur la nécessité de passer de stratégies distinctes, voire cloisonnées, à des stratégies intégrées. Les entreprises seront ainsi conduites à évaluer, dans un dialogue constructif et correctif avec leurs parties prenantes, leurs forces, leurs faiblesses, leurs risques et leurs opportunités en croisant, en permanence, les enjeux financiers et extrafinanciers. Elles pourront ainsi créer « de nouvelles richesses matérielles et immatérielles pour leurs actionnaires, leurs clients, leurs collaborateurs et leurs territoires »6. modalités de transformation des pratiques La culture, le modèle et la stratégie de performance globale financière et extra-financière des entreprises doivent être impulsés, définis et suivis par les organes de direction des entreprises comme une stratégie intégrée, englobant les filiales. Les centres de décision dans l'entreprise (conseils d'administration [CA] ou de surveillance, assemblées générales des
(4) Notion définie dans l'introduction. (5) « Business model » en anglais. (6) Citation de M. Henri Lachmann, co-auteur du rapport Lachmann Larose Pénicaud (avril 2010).
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actionnaires [AG], comités exécutifs) se saisissent de plus en plus formellement des enjeux extrafinanciers (résolutions ou engagements en CA ou AG, comités spécialisés des conseils dédiés aux questions d'« éthique », de « bien-être » ou de « développement durable »...). Ces initiatives doivent être diffusées et approfondies. Aller plus loin suppose, comme le font déjà plusieurs entreprises de tailles différentes, d'intégrer analyse financière et extra-financière dans les revues de stratégie trop exclusivement focalisées sur les objectifs technologiques, commerciaux, industriels et financiers. Actionnaires, collaborateurs, clients, territoires et autres parties prenantes intéressées doivent être mieux associés à la définition de la stratégie de performance globale, conscients des objectifs poursuivis et des résultats atteints ou à atteindre. Une fois adoptées, les stratégies de performance globale doivent être diffusées à l'ensemble des parties prenantes des entreprises sous la responsabilité directe des managers. Trop souvent, ces stratégies restent l'apanage d'experts dans ou en dehors des entreprises, lesquelles se privent d'un levier puissant de transformation interne. Enfin, les managers devront, à l'avenir, être de plus en plus évalués avec les conséquences que cela peut impliquer pour la structuration de leur rémunération sur leurs engagements et résultats en matière de RSE.
Proposition n° 2 : Accroître la place consacrée aux sujets de RSE dans le dialogue social, d'entreprise, de branche, interprofessionnel, territorial ou international
problème constaté En France, le dialogue social, qui n'est ni assez développé ni assez constructif, n'aborde pas suffisamment les questions non matérielles ou qualitatives et n'est pas suffisamment inscrit dans la recherche de performance globale des organisations. Comme méthode d'échange, le dialogue social reste trop conflictuel et « descendant » ou « unilatéral », ce qui procède d'antagonismes persistants ou d'incompréhensions récurrentes entre employeurs et salariés. Les salariés dénoncent des consultations trop formelles (sans marges réelles de débat et donc de négociation) avec un agenda principalement défini par les directions. Pour leur part, les employeurs critiquent la multiplicité des enceintes de discussions (comités d'établissement, d'entreprise, européens, de groupe, CHSCT...) et ce qu'ils perçoivent parfois comme un syndicalisme de posture, pas toujours conscients de l'environnement concurrentiel ni familier des fondamentaux microéconomiques d'entreprise. Dans leur contenu, les négociations entre employeurs et syndicats, qui portent sur des sujets de négociations obligatoires et facultatives, se sont étendues ces dix dernières années à de nouveaux sujets : égalité entre les femmes et les hommes, gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC), travail des séniors et en 2013 la qualité de vie au travail... Mais, à quelques exceptions près, et au-delà des intentions, trop peu d'accords efficaces et à portée opérationnelle sont conclus sur ces domaines nouveaux. Dans un contexte de crise, la rémunération du travail, la gestion des compétences, l'organisation horaire du travail ou la gestion des effectifs restent des sujets prédominants par rapport au bien-être au travail, à l'impact environnemental des activités et à la qualité du dialogue managérial.
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conviction de la mission La mission estime qu'il ne peut y avoir de performance globale dans le secteur public ou priÎ sans dialogue social ambitieux étendu aux dimensions ESG7 et responsable donc correctif et constructif. Le dialogue social gagnerait à être moins « défensif » et plus « prospectif » sur l'avenir des entreprises et du secteur public. Il faut s'inspirer des meilleures pratiques, plutôt priÎes à ce stade, qui prolongent généralement des cultures d'entreprises historiquement sensibles aux questions ESG. Plusieurs grandes entreprises françaises (Danone, Rhodia/Solvay...) ont ainsi conclu des accords RSE mondiaux, qui permettent d'améliorer les pratiques et de les diffuser, y compris dans les filiales implantées dans les économies émergentes. modalités de transformation des pratiques L'implication des représentants des salariés sur les thématiques ESG doit être renforcée tant la performance durable des organisations participe de la défense des intérêts salariaux. Les syndicats n'ont pas vocation à se substituer aux actionnaires, aux dirigeants ou aux parties prenantes externes à l'entreprise (clients ou donneurs d'ordre, territoires, collectivités territoriales...). Toutefois, ils sont pleinement légitimes à questionner le modèle environnemental, sociétal ou de gouvernance. Car la durabilité, l'avenir des entreprises et des emplois en dépend. C'est pourquoi il est crucial de combler le retard d'implication de certaines instances représentatives du personnel sur les questions « ESG », ce qui suppose également des formations adaptées des représentants des salariés. Symétriquement, les entreprises ne doivent pas réserver leurs informations extra-financières aux investisseurs ou aux médias. Elles doivent associer les salariés à l'information publiée sur les résultats obtenus. D'ailleurs, les entreprises ont l'obligation de présenter les dimensions RSE de leur rapport annuel de gestion au comité d'entreprise et, pour les plus avancées d'entre elles, impliquent les représentants des salariés dans des « panels RSE » ou « panels développement durable » associant l'ensemble de leurs parties prenantes (des clients aux riverains) pour examiner la politique ESG de l'entreprise. Ce type de démarches innovantes existe, à ce stade, à la libre initiative des entreprises, selon la maturité de leur engagement ESG. Mais à terme, il est souhaitable que ces pratiques se diffusent. Les pouvoirs publics pourraient encourager les partenaires sociaux à conclure davantage d'accords sur les sujets ESG, au niveau interprofessionnel, des branches, dans les entreprises, à l'échelle nationale et internationale. À l'instar de l'accord national interprofessionnel sur la qualité de vie au travail négocié en 2013, la négociation collective offre l'opportunité d'établir des référentiels partagés et opposables pour la mise en oeuvre, dans les entreprises, d'engagements ambitieux de performance sociale, sociétale, environnementale et de gouvernance. Une négociation pourrait être ouverte sur les modalités de mise en oeuvre des stratégies ESG dans les entreprises et sur leurs modalités de suivi par les instances représentatives du personnel. Il s'agirait là de définir un référentiel de méthode, sans préjudice du contenu opérationnel des politiques ESG menées dans chaque entreprise. Il faut par ailleurs inciter, au sein des entreprises, à davantage négocier sur la prise en compte du développement durable (et sur l'accès des instances du personnel à l'information associée), sur le handicap, sur la diversité et sur l'organisation de la formation professionnelle. Il ne s'agit pas d'ajouter une négociation RSE à la liste des négociations obligatoires. Ce qui compte en revanche, c'est que la culture de responsabilité globale inspire bien, opérationnellement, l'ensemble des négociations qui sont conduites.
(7) Environnement, social et gouvernance (ESG).
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Proposition n° 3 : Passer des intentions aux actes en matière d'État exemplaire
problème constaté Les administrations publiques (État, collectivités locales, hôpitaux) et leurs démembrements (opérateurs8, établissements publics...) n'ont pas toujours, comme employeur, acheteur et prestataire de service public, un comportement social et environnemental à la hauteur de leurs missions d'intérêt général. À l'instar de beaucoup d'entreprises, il manque dans les administrations une stratégie de performance globale (économique, sociale, sociétale et environnementale). Les forces, faiblesses, risques et opportunités sociaux et environnementaux ne sont pas suffisamment intégrés aux stratégies de réforme du service public. Au plan social, la diffusion des meilleures pratiques de gestion des ressources humaines continue de s'effectuer avec retard, la gestion des règles prévalant encore trop souvent sur un accompagnement personnalisé et dynamique des agents publics. Le contenu et la portée du dialogue social dans les trois fonctions publiques de l'État, des collectivités territoriales et hospitalière s'en ressentent. Au plan environnemental, les avancées ont été plus marquées grâce au plan national d'action pour les achats publics durables (2008), mais sans déboucher sur une réforme en profondeur ni même un questionnement des méthodes de production et de délivrance du service public. L'approche environnementale des administrations reste trop souvent une approche d'économat au quotidien sans que soit questionnée la façon de rendre le service public. Enfin, les entités publiques n'ont toujours pas l'obligation de rendre compte de leurs performances extrafinancières, en raison de la portée inopérante des dispositions prévues en cette matière dans la loi Grenelle II (art. 226 de la loi). conviction de la mission La mission estime que, pour jouer un rôle d'entraînement et d'influence sur les pratiques des acteurs priÎs, les administrations devraient d'abord s'appliquer à elles-mêmes une stratégie claire, ambitieuse et mesurable de performance extra-financière. Le contrôle démocratique du secteur public et la nature d'intérêt général de ses missions ne suffisent pas à assurer que le service est conçu et rendu dans des conditions de performance globale. Ceci vaut pour tous les échelons d'administrations, que le service public soit exercé en direct ou sous forme déléguée. Un changement culturel dans le secteur public supposerait une moindre dispersion des responsabilités entre ministères et niveaux hiérarchiques et une moindre propension à faire des annonces séduisantes mais parfois trop précipitées sur l'aÏnement de l' « État exemplaire ». On notera que ce dernier renaît, à échéances répétées, à la faveur d'une conférence de presse ou d'une interview ministérielle. Comme pour les entreprises, la méthode d'excellence consistera, pour les organisations publiques, à discuter, clarifier et rendre publics les objectifs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) internes puis à mesurer, exposer et expliquer les résultats obtenus. modalités de transformation des pratiques L'élaboration, sous la responsabilité du Premier ministre, d'un projet ambitieux et étayé de performance globale, financière et extra-financière, des administrations permettrait de tracer une trajectoire claire de transformation et de modernisation du service public. Ce projet de performance globale des administrations devrait être articulé, beaucoup plus qu'aujourd'hui, avec l'exercice en cours de modernisation des administrations publiques (MAP) qui a succédé
(8) Exemples : agences de l'État (agences de l'eau...), autorités administratives indépendantes, musées, établissements d'enseignement supérieur...
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en 2012 à la révision générale des politiques publiques. Pourrait y être associée ou y prendre part utilement la plateforme RSE créée et placée auprès du Premier ministre en 2013. Il est évident que la réforme de l'État est urgente et qu'elle doit aussi, plus que jamais, s'appuyer sur les meilleurs standards d'innovation sociale et environnementale. Une entité comme le Groupe La Poste, entreprise publique et deuxième employeur de France, s'est engagée avec succès, depuis 2002 et selon une méthode intégrant stratégie financière et extra-financière, dans de très profondes et délicates mutations économiques, sociales, sociétales et environnementales. Bon nombre d'administrations sont en capacité de progresser. Reste à leur en donner le mandat, le temps et les moyens, dans le cadre d'un débat avec la représentation nationale et l'ensemble de leurs parties prenantes.
Proposition n° 4 : Mieux former aux enjeux de la RSE, que ce soit par la formation initiale ou continue
problème constaté Les dimensions environnementales, sociales, sociétales et de gouvernance sont, sauf exception, insuffisamment présentes, mal positionnées et trop souvent exposées de façon abstraite dans les cursus de formation. En résulte un paradoxe : le niveau général de formation et de technicité des salariés, y compris des managers, augmente mais leur maîtrise des enjeux de performance non technique et extra-financière reste au mieux schématique, au pire inexistante. Pour les managers de proximité, la formation au dialogue social et aux relations sociales est notoirement insuffisante. Sont concernées les formations initiales généralistes ou professionnalisantes et la formation continue, dont les modalités, les inégalités d'accès et le contenu font l'objet de critiques récurrentes sans qu'il y ait eu de progrès décisif depuis quarante ans. Parce qu'elle sert l'adaptation des salariés aux mutations économiques, la formation professionnelle devrait par ailleurs être beaucoup mieux inscrite dans les stratégies de performance sociale des organisations, publiques et priÎes. conviction de la mission La mission estime que la performance globale des organisations ne doit pas seulement être une matière d'enseignement mais devenir, structurellement, une dimension transversale à bon nombre de formations. Un enseignement dédié à la RSE ou au développement durable existe et est utile puisqu'il offre aux étudiants et salariés une première approche de dimensions souvent méconnues. Mais, à moyen terme, il ne fera plus grand sens de délivrer un apprentissage séparé des questions sociales, sociétales, environnementales ou de gouvernance : que l'on se forme, par exemple, aux professions artisanales du bâtiment, aux métiers du transport, au marketing, aux métiers de service, du numérique ou de la finance, les dimensions ESG influencent et doivent désormais inspirer la manière d'exercer son métier et de le réinventer en permanence. Parallèlement, les filières et cursus de formation au développement durable, qui structurent le mieux une formation généraliste d'excellence intégrant les dimensions ESG, doivent être, sur le marché du travail, davantage mis en valeur et considérés pour ce qu'ils sont : un atout d'employabilité. Ils offrent en effet à leurs bénéficiaires une aptitude inédite à intégrer les dimensions techniques, financières et extra-financières de leurs activités.
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modalités de transformation des pratiques Intégrer pleinement les dimensions ESG dans chaque enseignement et dans la construction des parcours de formation permettrait de franchir une étape pour la concrétisation de la performance globale de l'économie. Pour être considérées comme essentielles et non plus accessoires, et d'abord par les étudiants ou les salariés en formation, les dimensions ESG doivent être inscrites dans chaque enseignement en renforçant les mises en situation pratiques, comme l'initie, par exemple, Audencia Nantes. Seraient particulièrement utiles, dans la construction et la rénovation de ces formations, la participation à ces formations de représentants des entreprises, de salariés, d'organisations syndicales, d'ONG, d'associations, de collectivités locales, autant d'acteurs qui innovent au quotidien pour faire de la responsabilité des organisations un levier de modernisation de l'économie et de réforme du service public9.
Proposition n° 5 : Permettre aux PME de mieux s'impliquer dans la recherche d'une performance globale en mettant à leur disposition des outils d'aide à la décision
problème constaté Communautés économiques « à taille humaine », généralement bien insérées dans leurs territoires, les PME ont une appétence naturelle pour les sujets de RSE mais elles manquent de ressources internes pour accroître leur performance dans ces domaines. Le développement volontaire de la RSE dans les PME reste en effet limité pour plusieurs raisons : la complexité des normes, la spécificité des besoins selon les activités ou filières et parfois les territoires, le manque d'informations, de formation et l'insuffisance des moyens que les entreprises, notamment les très petites entreprises, peuvent consacrer à ce sujet très souvent considéré comme une source de coûts. Dans ce contexte, le principal levier d'adoption par les PME d'une démarche ESG résulte aujourd'hui de la nécessité, pour nombre d'entre elles, de répondre aux politiques d'achat responsables des donneurs d'ordre. conviction de la mission La mission estime que les PME sont en capacité de s'approprier une démarche RSE spécifique à condition de leur offrir un cadre réglementaire simple et des outils adaptés d'aide à la décision. Deux erreurs doivent être évitées : d'une part, imaginer pour les PME une « RSE au rabais », d'autre part, concevoir pour les PME des obligations définies avant tout pour de grandes entreprises, voire des entreprises de taille mondiale. Il faut donc admettre que pour les PME le degré de formalisation des politiques ESG soit évidemment différent de celui des grands groupes dotés d'équipes internes spécialisées sur ces sujets. Parallèlement, il faut tout particulièrement veiller à mettre en valeur l'esprit spontanément responsable des dirigeants de PME et de leurs collaborateurs. Quand il s'agit d'une PME, si les clients, les salariés, les riverains ou d'autres parties prenantes identifient un problème ou une insuffisance, il est évident qu'ils savent facilement et rapidement à qui s'adresser, avec des effets réputationnels ou juridiques immédiats. Il faut tenir compte de la capacité qu'ont les PME à avoir un impact ESG très direct et visible. Il va par ailleurs de soi que le développement constructif du rôle des institutions représentatives du personnel pourra également servir la performance globale des PME.
(9) Il convient que ces témoignages exposent concrètement les méthodes de transformation des organisations dans le sens d'une performance globale et ne se résument pas à des exercices de communication institutionnelle.
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modalités de transformation des pratiques Accélérer la diffusion auprès des PME de guides d'élaboration d'une démarche ESG favoriserait l'approfondissement de leur engagement naturel sur ces thématiques. Il importe que les PME puissent, selon leur secteur d'activité, se concentrer sur des enjeux et opportunités clés en matière sociale, sociétale, environnementale et de gouvernance. Plusieurs initiatives positives ont été engagées, par le Centre des jeunes dirigeants (CJD) ou certaines branches professionnelles telle que la fédération de la propreté. Parallèlement, il faut aider les PME françaises à mieux valoriser leur performance globale auprès de leurs clients comme des investisseurs. Une simplification utile pourrait enfin consister à unifier les questionnaires ESG en provenance des grands donneurs d'ordre car, au-delà de leur intérêt intrinsèque, leur profusion et leur redondance sont chronophages et coûteuses pour les PME.
Proposition n° 6 : Systématiser les démarches d'achat et de soustraitance responsable
problème constaté Les politiques d'achat des entreprises comme des administrations publiques demeurent, malgré les efforts, largement surdéterminées par les objectifs de maximisation économique. Il ne s'agit aucunement de minorer l'indispensable efficacité économique des politiques d'achat. Pour autant, on ne compte plus les controverses survenues au cours de la décennie écoulée en matière d'achats ou de sous-traitants contrevenant aux droits de l'homme et aux normes internationales du travail ou témoignant d'un comportement négligent. Quand elles surviennent, ces controverses sont toujours le reflet d'un échec à intégrer, dans la politique de performance globale, l'ensemble d'une chaîne de valeur de plus en plus complexe. Dans ce contexte, se diffuse une prise de conscience nouvelle des risques et opportunités financiers et extra-financiers qu'offrent les politiques d'achat ou de sous-traitance. conviction de la mission La mission estime que les politiques d'achat et de sous-traitance devront, à l'avenir, être beaucoup plus alignées sur les démarches de performance globale, financière et donc extrafinancière, des entreprises. En sélectionnant et en travaillant de façon plus responsable avec leurs fournisseurs et sous-traitants, les entreprises comme les administrations pourront enrichir et pérenniser leur modèle de développement. modalités de transformation des pratiques Les stratégies ESG des entreprises doivent être davantage déclinées vis-à-vis de leurs fournisseurs et sous-traitants, par une politique active d'achats responsables. La sophistication de l'organisation des circuits de production de biens ou de services a renforcé la part des activités externalisées. Aussi convient-il, d'une part d'inviter les entreprises à mieux gérer les risques ESG présents chez leurs sous-traitants, d'autre part d'associer ces sous-traitants à la construction même de la stratégie ESG de leurs grands clients. Une telle évolution, déjà en cours dans de nombreuses filières, supposerait de faire évoluer la relation client-fournisseur d'un rapport « donneur d'ordre - sous-traitant » à une culture de « coopération performante ». De ce point de vue, les grandes entreprises françaises et leurs filiales gagneraient à davantage s'inspirer des coopérations entre entreprises, clients et fournisseurs pratiquées en Allemagne.
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À très court terme, les administrations doivent pour leur part devenir encore plus sensibles à l'impact social et environnemental de leurs achats. La prise en compte des critères extrafinanciers dans la sélection des fournisseurs a indéniablement progressé, notamment sous l'impulsion méthodologique et opérationnelle de l'Union des groupements d'achats publics, même s'il reste à harmoniser les critères et référentiels utilisés d'un appel d'offres à l'autre. Il importe aussi que les administrations explicitent plus clairement, dans les notifications de marché, leur analyse des volets extra-financiers des différentes offres en présence. Si la sélection des fournisseurs importe, la sélection des besoins à satisfaire importe aussi fondamentalement. Or, des progrès urgents et conséquents sont à accomplir dans la spécification des besoins des administrations, pour privilégier les solutions, services et technologies les plus durables. Quand les collectivités publiques acquièrent une flotte de Îhicules électriques pour remplacer leurs Îhicules thermiques, elles font bien plus qu'intégrer des critères de performance extra-financière des fournisseurs : elles changent la façon qu'elles auront d'exercer le service public, achètent des Îhicules conçus pour être mutualisés, plus économes et moins polluants. La performance globale passe aussi par une rénovation de la culture d'achat.
Proposition n° 7 : Encourager et favoriser le développement économique de « l'entrepreneuriat social »
problème constaté Le potentiel de développement de l'entrepreneuriat social (« social business ») reste en France largement sous-exploité. L'entrepreneuriat social désigne « une activité priÎe d'intérêt général, organisée à partir d'une démarche entrepreneuriale et n'ayant pas comme raison principale la maximisation des profits mais la satisfaction de certains objectifs économiques et sociaux ainsi que la capacité de mettre en place, dans la production de biens et de services, des solutions innovantes aux problèmes de l'exclusion et du chômage » (OCDE). L'entrepreneuriat social10, qui vient de faire l'objet d'un colloque et de travaux approfondis du Centre d'analyse stratégique11, peine à être reconnu, accompagné et défendu comme modèle de croissance durable. Ce n'est pas faute de compter de remarquables réussites dans ces formes d'entreprises, à toutes les échelles (des TPE aux coopératives de référence internationale). Ce modèle intégré d'activité performante manque de visibilité, de financements à la création et de moyens, y compris techniques et réglementaires, pour se développer et se consolider. Le projet de loi sur l'économie sociale et solidaire en cours de préparation devra, de ce point de vue, constituer un point d'appui. Par ailleurs, le cadre traditionnel d'évaluation de la performance économique des activités, le « retour sur investissement » n'appréhende qu'un aspect réducteur pour les entreprises sociales, alors que ce qui compte est la performance globale (monétaire et non monétaire) par rapport aux sommes investies (ce que les Anglo-Saxons appellent le « social return on investment »). conviction de la mission L'entrepreneuriat social ou « social business » doit être « démarginalisé » des politiques de soutien aux entreprises. Avec des succès devenus parfois mondiaux, les entreprises sociales ne sont plus une exception mais des acteurs à part entière de la croissance et du développement de l'emploi. Sous l'impulsion personnelle du commissaire européen Michel BARNIER, la
(10) La mission précise qu'elle n'évoque ici ni le cas des associations ni le cas des fondations, évoqués plus loin au point 1.8. (11) Centre d'analyse stratégique, « L'entrepreneuriat social en France - Réflexions et bonnes pratiques », 2013.
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Commission européenne l'a d'ailleurs reconnu via son « Initiative pour l'entrepreunariat social ». La capacité d'innovation sociale, sociétale et environnementale, mérite une reconnaissance et un soutien accrus par les pouvoirs publics comme par les autres entreprises qui peuvent y voir des partenaires durables. Les entreprises sociales peuvent aujourd'hui changer d'échelle sans changer de valeurs. modalités de transformation des pratiques La visibilité des entreprises sociales doit être accrue pour les rendre attractives à tous (salariés, porteurs de projets, investisseurs, clients, territoires). Il faut d'abord susciter des vocations, ce qui suppose de communiquer, d'informer et de former sur ces modèles d'activités. Il est intéressant de relever qu'aux États-Unis, c'est la prestigieuse université de Harvard, suivie par la Ivy League, qui a mis pour la première fois sur pied des programmes complets de formation sur l'entrepreneuriat social. Les initiatives semblables engagées en France (exemple : des programmes lancés par l'Essec ou HEC) doivent être encouragées. Au-delà, il est nécessaire de mieux reconnaître les entreprises sociales dans les politiques d'achat, de partenariat industriel et de coopération des entreprises et du secteur public. La diversification des sources de financement et le conseil aux entreprises sociales doivent être renforcés et encore plus professionnalisés qu'aujourd'hui. Il faut d'abord lever les freins psychologiques et techniques au financement des entreprises sociales. Ceci peut passer par le développement des fonds de capital-risque et de capital-développement dédiés à ces entreprises : les fonds d'épargne solidaires ou à fort impact social (« impact investing ») tracent déjà une voie qui ne demande qu'à être plus largement empruntée. Seraient également pertinentes la reconnaissance de l'innovation sociale comme « innovation » éligible aux financements de la Banque publique d'investissement ainsi que la création d'une plateforme étendue d'échange de titres d'entreprises sociales. Parallèlement, les entreprises sociales sont en droit de bénéficier, plus qu'aujourd'hui, de conseils financiers spécifiques pour accompagner leur développement : comme le suggère le Collectif pour le développement de l'entrepreunariat social (Codes), il manque aujourd'hui une offre de haut niveau de « banque d'affaires de l'entrepreunariat social » à même d'intégrer les nombreuses dimensions de ces entreprises, notamment pour les ETI et les grandes entreprises sociales, généralement négligées, voire « dédaignées » par les grands conseils financiers de la place. Pourrait être également adapté en France le modèle britannique des « Community Interest Companies » (CIC). Ces dernières exercent leur activité dans l'intérêt d'une communauté et bénéficient d'un régime fiscal favorable au réinvestissement de l'intégralité de leurs bénéfices. Ces CIC peuvent par ailleurs sécuriser financièrement leurs actifs au service de leur objet social (asset lock). L'ensemble de ces différentes initiatives pourrait être complété par le lancement d'un « Social Business Act Européen », comme le suggère le Mouvement des entrepreneurs sociaux.
Proposition n° 8 : Encourager, parmi les actions de mécénat des entreprises, les démarches de mécénat les plus « actives »
problème constaté L'engagement sincère de certaines entreprises, grandes ou moins grandes, en faveur de causes philanthropiques pourrait être mieux concentré sur les initiatives offrant le plus fort impact social et sociétal à long terme. Au cours des dix dernières années, en France comme dans l'ensemble des pays développés, les entreprises ont très largement diversifié leurs
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engagements philanthropiques, notamment dans les zones fragiles ou en développement. Certaines entreprises ont créé ou doté des fondations d'entreprises, d'autres ont accru leur effort de mécénat direct. Ces engagements, qui bénéficient d'importants soutiens fiscaux, servent la mise en place d'initiatives de qualité. Dans le même temps, l'impact social, environnemental ou sociétal des projets soutenus dans ce cadre pourrait être encore plus éleÎ, par un effort supplémentaire de sélection et d'accompagnement des projets. conviction de la mission La mission estime que les meilleures pratiques en matière de mécénat gagneraient à être diffusées pour passer d'un mécénat très utile mais parfois un peu « passif » à un mécénat plus « actif » à fort impact global. Les initiatives d'entrepreneuriat social, qui acquièrent un poids croissant dans les pays développés, constituent un levier de développement encore sousexploité dans les économies moins avancées ou émergentes. C'est pourquoi il faut encourager toute démarche de mécénat favorisant, en France comme à l'étranger, les formes d'activités « dont l'objectif est de résoudre une problématique sociale ou environnementale sur le long terme tout en étant autosuffisante[s] financièrement. [Ces formes d'activités] consacre[nt leurs] bénéfices à la diminution des coûts et à la production d'avantages sociaux et ne rémunère[nt] pas ou très peu [leurs] actionnaires » (Mohammed YUNUS). modalités de transformation des pratiques Encourager et privilégier le mécénat à fort impact social, sociétal ou environnemental renforcera la performance d'ensemble de l'écosystème économique. Les mécénats financiers, techniques ou de compétences peuvent servir le ciblage des meilleures initiatives. Ces mécénats offrent à leurs bénéficiaires l'opportunité de développer leurs « capabilités » au sens conféré à ce concept par le prix Nobel d'économie Amartya SEN . Dans cet esprit, les règles juridiques et fiscales du mécénat d'entreprise devraient aussi pouvoir soutenir12 ce qui n'est hélas pas toujours le cas aujourd'hui les entreprises à vocation sociale dont le statut fait l'objet d'actuelles réflexions.
(12) « Les capabilités humaines incluent une bonne santé, l'éducation, le fait d'être actif et tout ce qui enrichit une vie. Les capabilités sociales incluent l'appartenance sociale, le fait de savoir se prendre en main, les relations de confiance, les valeurs qui donnent un sens à la vie et la capacité de s'organiser. Les capabilités politiques incluent la capacité à se représenter soi-même ou à représenter les autres, à être informé, à s'organiser et participer à la vie politique d'une communauté ou d'un pays. » (In Rapport « Empowerment and Poverty Reduction: A Sourcebook », Banque Mondiale, Washington, 2002).
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2. ASSURER UNE MESURE FIABLE ET PERTINENTE DE LA PERFORMANCE GLOBALE DES ENTREPRISES ET DES ORGANISATIONS
Proposition n° 9 : Faire converger les différents rapports d'information établis par les entreprises pour stimuler, à long terme, la construction d'un reporting plus intégré
problème constaté Face à la prolifération des rapports publiés par une même entreprise, les parties prenantes ne savent plus nécessairement quel document est le plus pertinent et reflète le plus sincèrement l'engagement et la stratégie globale mise en oeuvre. En France, comme dans les grandes économies développées, les entreprises sont tenues, quelle que soit leur taille d'établir un rapport de gestion et de publier leurs comptes, et pour les entreprises cotées d'établir un document de référence à destination des actionnaires et investisseurs. Par ailleurs, la France a rendu obligatoire la publication du bilan social (1977) et surtout, depuis la loi sur les nouvelles régulations économiques (NRE, 2001), la production par les entreprises cotées d'un rapport sur « les conséquences sociales et environnementales de leurs activités » (la non-production de ce rapport, qui concerne encore de nombreuses entreprises cotées, ne donne toutefois pas lieu à sanction, faute de texte). La loi Grenelle II (2010) a étendu cette dernière obligation aux entreprises non cotées de plus de 100 M de chiffre d'affaires et de plus de 500 salariés (art. 225 de la loi Grenelle II). Cette prolifération soulève des contraintes en accroissant la complexité, le coût interne et la chronophagie de la collecte des différentes données. En résulte un risque, parfois Îrifié, de présentations formelles d'engagements ESG ou RSE, « politiquement correctes », mais dans lesquelles les parties prenantes, internes (et d'abord les salariés) et externes, ne retrouvent pas toujours l'entreprise dans laquelle elles travaillent ou avec laquelle elles sont en contact. Par exemple, les salariés sont souvent mentionnés dans ces rapports en référence à des catégories d'appartenance (femmes, jeunes, cadres, séniors) et non comme un collectif de travail partie constitutive du capital humain de l'entreprise. conviction de la mission La mission estime qu'à ce stade les différents rapports doivent être mieux coordonnés en conservant leurs spécificités, dans leur objet, leur contenu et leur destinataire. La mise en place obligatoire ou systématique d'un reporting intégré13 apparaît à ce jour prématurée, malgré les initiatives internationales comme l'International Integrated Reporting Initiative et le reporting intégré d'ores et déjà adopté par certains groupes très avancés dans leur politique ESG. Il ne faut pas négliger la difficulté qu'il y aurait, en l'état des pratiques et des dispositions d'esprit des acteurs, à établir un rapport simultanément pertinent pour des lecteurs aussi différents que les actionnaires, les investisseurs, les clients, les salariés, la société civile et les territoires. Seule
(13) La mission entend ici par « reporting intégré » un document unique qui rassemblerait les éléments clés financiers et extra-financiers.
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l'adoption de stratégies de performance globale, qui contribuera à aligner les objectifs, intérêts et priorités des différentes parties prenantes, autorisera la présentation consolidée de la façon dont l'entreprise conçoit sa performance durable. C'est à cet horizon, nécessairement de plus long terme, que deviendra pertinente la généralisation d'un reporting intégré. modalités de transformation des pratiques Le statut du rapport RSE ou « développement durable » parmi l'ensemble des publications des entreprises doit être mieux valorisé. Une telle évolution suppose qu'il soit davantage partagé et débattu en interne, au niveau du conseil de surveillance ou d'administration et avec les parties prenantes internes et extérieures à l'entreprise. Parallèlement, une réflexion sur une fusion entre le bilan social et le rapport RSE mériterait d'être engagée. La centralisation, sur un même portail internet, de l'ensemble des derniers rapports RSE ou des rapports intégrés des entreprises françaises, en favoriserait l'accès à l'ensemble des parties prenantes14. Plusieurs sites internet ont engagé en France cet exercice, qui reste à achever.
Proposition n° 10 : Adapter, à l'initiative des branches d'activité et dans le dialogue avec les parties prenantes, le contenu et le nombre des indicateurs de performance extra-financière publiés par les entreprises
problème constaté Le nombre d'indicateurs à renseigner paraît éleÎ sans nécessairement rendre compte de façon pertinente d'un engagement effectif de l'entreprise en matière ESG. Le dispositif français, tel qu'il est décrit par l'article 225 de la loi Grenelle II (2010) et son actuel décret d'application (avril 2012), établit une liste de pas moins de 42 informations15 ayant vocation à figurer dans le rapport extra-financier des entreprises cotées16. Par comparaison, la loi allemande définit 20 indicateurs à renseigner. Outre le caractère proprement français de certaines informations, ce qui complique la tâche des groupes français implantés internationalement (exemple : la répartition entre CDD et CDI), certains items, très pertinents pour les activités industrielles ou artisanales, apparaissent moins adaptés à d'autres activités (exemples : consommation d'eau, nuisances sonores, mesures prises pour développer la biodiversité...). Certains indicateurs manquent par ailleurs de dynamisme : ainsi, le nombre d'heures de formation, qui doit être renseigné, ne dit rien de la réalité de la politique d'anticipation des compétences et de gestion prospective des ressources humaines mise en place dans l'entreprise. Des problématiques sont totalement absentes : la qualité de vie au travail, la politique de loyauté de l'information communiquée aux consommateurs, la politique d'innovation sociale dans l'entreprise, la politique d'incubation, d'essaimage et de portage des PME, de même que l'exposition de la façon dont certaines entreprises surmontent leurs conflits d'objectifs et gèrent leurs tensions, les conflits et controverses dont certaines peuvent faire l'objet...
(14) La mission a par ailleurs noté que l'accord national interprofessionnel sur la sécurisation de l'emploi du 11 janvier 2013 a prévu la création, au sein des entreprises, d'une base de données unique intégrant, à destination des représentants des salariés, une série d'informations sociales (que la loi transposant cet accord a étendu aux informations environnementales). (15) 29 de ces 42 informations sont obligatoires pour toutes les entreprises, cotées ou non cotées, et les 42 sont obligatoires pour les entreprises cotées. (16) Les entreprises ne sont pas obligées de renseigner ces 42 informations, mais si l'une d'entre elles n'est pas renseignée, elles doivent s'en expliquer (logique dite « comply or explain »).
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conviction de la mission La mission estime que la pertinence des informations publiées compte plus qu'un exercice formel et inatteignable d'exhaustivité. Les actes comptent plus que les intentions. Si le rapport développement durable a pu servir d'impulsion à l'approfondissement des dimensions ESG dans la gestion des entreprises, la diffusion des meilleures pratiques ne passe pas par la prolifération continue des indicateurs. La logique de performance globale promue par le présent rapport sera d'autant mieux mise en place que sera abandonnée l'approche formelle de remplissage de cases à cocher, faussement séduisante en termes de communication, mais peu opérante pour construire un projet de transformation collectif des organisations. modalités de transformation des pratiques Quand un accord de branche en dispose, les entreprises17 pourraient, alternativement aux 42 informations standard prévues par loi, se concentrer sur la publication d'informations associées à des « problématiques clés » de la branche. Il s'agirait là d'une option ouverte aux entreprises, avec à défaut d'accord de branche, l'obligation persistante de publier les informations aujourd'hui prévues par la loi Grenelle II et son décret d'application (2012). Les branches d'activités désireuses de concentrer l'information publiée sur les critères et problématiques les plus parlants seraient incitées à conclure des accords pour assurer la pertinence de leur reporting extra-financier. Cette évolution pourrait tout à fait s'inscrire dans le cadre de la révision en cours du décret d'application précité. À titre indicatif, les problématiques clés susceptibles d'être formulées au sein d'une branche d'activité, pourraient prendre la forme d'indicateurs spécifiques à un secteur d'activité mais aussi, de façon privilégiée, de « questionnements dynamiques », par exemple : · Comment l'entreprise intègre-t-elle les dimensions ESG dans la construction et la mise en oeuvre de sa stratégie de performance globale ? · Quelles sont les priorités dans le domaine de la RSE définies par l'entreprise à horizon de trois ans ? · Quelle place occupent les dimensions ESG dans le management de proximité, l'évaluation et la rémunération des managers et des dirigeants ? · Quels outils de motivation des salariés sur les questions ESG ont été mis en oeuvre en cours d'année ? · Quel mode de résolution des conflits et controverses a été mis en place en cours d'année ? · Quels progrès ont été obtenus en matière d'innovation sociale au cours de l'année, dans les domaines de la sécurité, de la santé au travail, du recrutement, de la formation, de la gestion des carrières et de la diversité ? · Quels progrès ont été obtenus en matière d'innovation environnementale au cours de l'année, dans les domaines de l'approvisionnement, de la production, de la commercialisation et du recyclage ? · Quels progrès ont été obtenus dans la mise en oeuvre de critères environnementaux et sociaux pour la sélection des fournisseurs et le suivi de leur évolution sociale et environnementale ? · Quelles améliorations ont été apportées à l'insertion de l'entreprise et de ses principaux établissements dans leurs territoires ? ·...
(17) Les entreprises concernées ici sont celles aujourd'hui concernées par les textes d'application de la loi Grenelle II, à savoir les entreprises cotées comme les entreprises non cotées.
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Proposition n° 11 : Fiabiliser la nature des informations diffusées en finalisant le dispositif français de Îrification par un tiers extérieur
problème constaté La fiabilité et la sincérité des informations diffusées par les entreprises sur les domaines ESG ne sont à ce stade pas assez Îrifiées, le dispositif légal français n'ayant au surplus toujours pas été finalisé. Plusieurs acteurs prennent aujourd'hui part à l'exercice complexe de Îrification des informations. Cherchant à généraliser les initiatives de Îrification extérieures des informations déjà mises en oeuvre spontanément par certaines entreprises, l'article 225 de la loi Grenelle II a prévu que les informations sociales, environnementales et sociétales publiées à titre obligatoire doivent faire « l'objet d'une Îrification par un organisme tiers indépendant, selon des modalités fixées par décret en Conseil d'État. Cette Îrification donne lieu à un avis qui est transmis à l'assemblée des actionnaires ou des associés en même temps que le rapport du conseil d'administration ou du directoire. [...] L'avis de l'organisme tiers indépendant comporte notamment une attestation sur la présence de toutes les informations devant figurer au regard des obligations légales ou réglementaires ». Un décret publié en 2012 précise les modalités d'application de ces dispositions, mais il fait l'objet de recours toujours phase d'examen par le Conseil d'État18. L'arrêté d'application de ce décret sur les « modalités dans lesquelles le tiers indépendant conduit sa mission » n'ayant toujours pas été adopté, les entreprises attendent toujours des réponses aux questions suivantes : qui peut procéder à ces Îrifications ? En quoi consistent-elles (attestation de présence, avis de sincérité) ? Quelles sont les sanctions en cas de manquement ? conviction de la mission La mission estime que l'exercice de Îrification externe est indispensable à la crédibilité, la loyauté et la transparence des informations extra-financières publiées par les entreprises. Elle n'a, à ce jour, pas identifié de motif de réserver aux seuls commissaires aux comptes un monopole de la Îrification des informations extra-financières qui sont publiées. Par ailleurs, il importe de bien expliciter, au sein même des rapports publiés, le statut de l'intervention du tiers Îrificateur. Considérant qu'il ne pourra jamais délivrer une attestation de conformité semblable à celle délivrée sur l'information financière, son intervention consistera à exprimer un « avis » sur la sincérité des informations produites. Par ailleurs, la production de cet avis devrait, logiquement, conduire l'Autorité des marchés financiers, à pouvoir davantage sanctionner les manquements à l'obligation de diffusion d'une information financière, et désormais extrafinancière, loyale et sincère. modalités de transformation des pratiques Trois ans après l'adoption de dispositions ambitieuses de Îrification extérieure dans la loi Grenelle II, l'heure est venue de publier l'ensemble de ses textes d'application. Il importe en effet que s'opère une structuration très rapide et robuste de l'offre de service de Îrification extrafinancière. Les acteurs auditionnés par la mission sont, sur ce point, particulièrement sensibles à une stabilité des règles dans le temps.
(18) Ce décret indique que l'organisme doit émettre une attestation sur la présence des informations et un « avis sur leur sincérité ». Il doit également émettre un avis « sur les explications relatives, le cas échéant, à l'absence de certaines informations ». Cet avis a été rendu obligatoire dès les publications sur l'exercice 2012 pour les entreprises cotées et laissait jusqu'à 2016 pour les entreprises non cotées. L'organisme Îrificateur est, dans la version du décret d'application de 2012, tenu de présenter les « diligences qu'il a mises en oeuvre pour conduire sa mission de Îrification ». Il précise également les conditions d'indépendance des Îrificateurs (accréditation par le Comité français d'accréditation ou un équivalent européen) et d'incompatibilité (modèle repris des incompatibilités des commissaires aux comptes).
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Proposition n° 12 : Favoriser, au-delà des cercles d'investisseurs, l'émergence et la diffusion des notations sociales et environnementales
problème constaté Aujourd'hui, les notations extra-financières existantes restent principalement destinées aux investisseurs. Le Président de la République française a souhaité, en 2012, ouvrir une réflexion sur l'opportunité d'un plus ample recours à la notation sociale et environnementale des entreprises. Dans de nombreux contextes, il pourrait être intéressant pour les parties prenantes de connaître le niveau de performance extra-financière d'une entreprise ou d'une organisation priÎe ou publique. Par exemple, lors d'une implantation industrielle, les parties prenantes voudront s'assurer de l'exemplarité de l'entreprise. De même, la performance sociale d'une entreprise sera une information potentiellement pertinente pour ses éventuels clients (particuliers, entreprises ou administrations), collaborateurs et partenaires, en France comme à l'étranger. conviction de la mission La mission estime que l'extension des pratiques de notation sociale et environnementale et de l'accès à cette notation servirait le renforcement de la performance globale des entreprises et organisations. La complexité des questions en jeu et la diversité des parties prenantes susceptibles de porter une appréciation sur la performance extra-financière des entreprises rendent nécessairement spécifique la notation extra-financière. Autrement dit, il n'est pas envisageable de pouvoir établir une notation sociale définitive, comme il existe, par exemple en France, une « cotation » financière des entreprises établie par la Banque de France. La logique même de RSE, qui implique le respect d'une grande diversité d'analyses et d'approches, empêche d'envisager l'établissement d'une note sociale et environnementale unique ou exclusive. En revanche, il serait particulièrement utile qu'une diversité de notations, obéissant à des prismes différents et dont certaines sont déjà établies par les organismes existants de notation extra-financière, soit accessible aux parties prenantes. Sur ce sujet, la mission, dont les travaux ne sauraient se substituer à ceux des administrations et conformément à l'esprit de sa lettre de mission, a veillé à proposer ici aux pouvoirs publics et praticiens une possible doctrine d'emploi d'une telle notation et une méthode de diffusion qui garantissent le bon usage de la notation et qui préviennent les abus, de la part des entreprises comme d'éventuels acteurs aux intentions potentiellement déloyales - la notation ne saurait, par exemple, devenir une arme de dénigrement injustifié par des concurrents mal intentionnés. modalités de transformation des pratiques Dans un premier temps, il serait efficace d'expérimenter la diffusion, au-delà des parties prenantes financières, des notations sociales et environnementales ou des notations intégrées. À ce stade et pour commencer, les grandes entreprises pourraient être encouragées à rendre publique leur notation extra-financière, voire à établir, selon des protocoles Îrifiables et certifiés par leurs « tiers Îrificateurs », une communication plus ouverte sur leurs différentes notations. En effet, compte-tenu de l'ensemble des efforts préalables de fiabilisation et d'approfondissement des démarches RSE identifiés par la mission, la systématisation de la notation extra-financière apparaît innovante à condition de ne pas être trop prématurée. Pour prévenir toute précipitation qui se retournerait contre l'objectif poursuivi, une expérimentation, comme proposée ici, permettrait d'appréhender les pratiques effectivement constatées dans les grandes entreprises, préalablement à toute généralisation.
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Proposition n° 13 : Établir un cadre européen de régulation des organismes de notation extra-financière
problème constaté Le modèle économique des organismes de notation extra-financière n'est toujours pas stabilisé et les méthodologies restent très différentes d'un organisme à l'autre. Les organismes de notation extra-financière produisent, comme les agences de notation financière sur les sujets financiers, des analyses ESG destinées aux investisseurs. Certaines stuctures proposent d'ores et déjà une « notation intégrée », financière et extra-financière, particulièrement appréciée des investisseurs. Il apparaît que l'investissement responsable, qui a certes connu un essor depuis dix ans, ne s'est pas encore assez développé pour permettre aux organismes de notation de trouver des débouchés économiques importants, ce qui peut, sauf exception, limiter leur capacité de développement et de recrutement. Les grandes agences de notation extra-financière de référence européenne ou mondiale cumulent, avec des mécanismes d'étanchéité qui restent, parfois à tort, questionnés, des activités d'analyse indépendante pour les investisseurs et des activités de conseil auprès des émetteurs. Par ailleurs, les méthodologies de travail (grille d'analyse, modalités de dialogue avec les entreprises ou entités analysées, rythme d'actualisation des analyses) varient beaucoup entre organismes et ne donnent pas toujours pleinement satisfaction aux investisseurs qui développent aussi en interne leurs propres équipes d'analyse et d'expertise. conviction de la mission La mission estime qu'il importe et de reconnaître les organismes de notation dans leur diversité et de contribuer à la crédibilité et la valorisation de leurs expertises. Alors que l'oligopole existant entre les agences de notation financière est critiqué, il serait paradoxal de dénoncer la prolifération (en fait limitée) des organismes de notation extra-financière. Coexistent aujourd'hui de grandes agences mondiales, issues de consolidations entre structures plus petites, et des organismes plus spécialisés sur des problématiques ciblées (sur l'environnement, sur la problématique carbone, sur la gouvernance, sur l'éthique...). Cette diversité suscite une émulation positive et répond à la complexité des différentes responsabilités à l'oeuvre en matière sociale, sociétale, environnementale et de gouvernance. Dans le même temps, la qualité et la transparence des méthodologies mises en oeuvre, ainsi que la profondeur du dialogue engagé avec les émetteurs et les parties prenantes doivent être renforcées pour assurer la crédibilité de l'offre de notation extra-financière. À moyen terme, la viabilité des différents organismes sera fonction de leur capacité à produire des analyses d'un niveau toujours meilleur et, bien sûr, d'un développement accru de l'investissement responsable sur les marchés de la gestion d'actifs. modalités de transformation des pratiques La promotion d'un référentiel méthodologique européen et international servirait la crédibilité des organismes de notation extra-financière. De premières initiatives ont été engagées en ce sens, par exemple sous l'égide de l'Association for Responsible Investment Services, qui a établi une méthodologie d'audit formalisée englobant l'ensemble des activités des agences de recherche ISR. Cette méthodologie, la norme Arista, qui garantit la satisfaction d'exigences de qualité et d'intégrité, est très présente en France et en Europe, mais ne s'est pas diffusée suffisamment aux organismes anglo-saxons, qui pour certains jouissent au demeurant d'une très solide réputation. Un dialogue européen sur ce sujet, entre acteurs de la notation extra-financière, mériterait d'être engagé pour faire converger la crédibilité des pratiques dans les années qui viennent.
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3. ENCOURAGER L'INVESTISSEMENT RESPONSABLE
Proposition n° 14 : Promouvoir la création d'un « label ISR » unique et enrichi et davantage mettre en valeur les démarches de capitalinvestissement responsable
problème constaté Coexistent aujourd'hui une multiplicité d'approches d'investissement responsable, à quoi s'ajoute une multiplicité de référentiels, ce qui est peu lisible pour les épargnants comme pour les investisseurs institutionnels. Sont schématiquement utilisées, alternativement ou de façon combinée, sept approches différentes d'investissement responsable, correspondant à des engagements d'intensité variable des investisseurs : l'exclusion normative19, l'exclusion thématique20, l'intégration générale des dimensions ESG dans l'analyse financière21, l'engagement actionnarial22, l'engagement spécifique sur des thématiques ESG23, la sélection ESG24, les fonds éthiques ou solidaires25. Il existe de nombreuses passerelles entre approches, avec une tendance plutôt anglo-saxonne d'exclusion et une tendance plutôt européenne d'approche positive d'évaluation (« best in class », thématique, solidaire). En pratique, les gestionnaires d'actifs « reconditionnent » ou « reformatent » ces approches. Il n'existe donc pas d'approche ISR « pure », tant la performance extra-financière d'une entité peut être débattue selon le système de valeurs retenu en référence. Pour inciter les gestionnaires de fonds à une transparence de leurs pratiques, plusieurs référentiels se sont mis en place, sur une base volontaire, avec là encore, un manque de comparabilité pour les épargnants et investisseurs : · les Principes d'Investissement Responsable (PRI) des Nations unies, dont les signataires prennent plusieurs engagements26 ;
(19) L'investisseur exclut de son univers d'investissement les entreprises ou émetteurs contrevenant aux conventions internationales en matière de droits humains, de droits des enfants, d'environnement, de commerce des armes. (20) L'investisseur exclut de son univers d'investissement des secteurs qu'il juge néfaste pour la société : alcool, tabac, armement, jeux d'argent, pornographie, OGM, nucléaire. (21) Parallèlement à son analyse financière, qui reste prioritaire pour définir son univers d'investissement, l'investisseur tient compte des résultats extra-financiers des entreprises et émetteurs de l'univers retenu. Cette approche, également appelée « engagement ESG », se décline le plus souvent par l'existence d'un dialogue actionnarial plus fourni sur les thématiques extra-financières (politiques de vote actives en assemblée générale sur les thématiques ESG...). (22) Cet engagement, qui intervient en complément de l'intégration générale des dimensions ESG, prend la forme d'un suivi attentif de l'impact ESG des résolutions soumises à l'approbation des assemblées générales des entreprises, et d'un exercice actif des droits de vote. (23) L'investisseur investit dans des entreprises ou émetteurs spécifiquement actifs sur les questions liées au développement durable, telles que les énergies renouvelables, l'eau, la santé ou le changement climatique, l'éco-efficience, la santé ou le vieillissement de la population. (24) L'investisseur définit son univers d'investissement par application d'un filtre permettant de choisir des entreprises ou émetteurs qui sont, sous l'angle extra-financier, les meilleurs de leur secteur (approche dite « best-in-class »), les meilleurs tous secteurs confondus (approche dite « best-in-universe »), en incluant ou pas les acteurs s'illustrant par les meilleures dynamiques de progrès. Alternativement, existent des techniques de surpondération des émetteurs ayant les meilleures pratiques. (25) L'investisseur se concentre sur des projets d'investissement particulièrement éthiques, voire philanthropiques (fonds sociaux, fonds de développement...), également qualifiés d'« impact investing ». (26) i) Prendre en compte les questions ESG dans les processus d'analyse et de décision en matière d'investissement, ii) se comporter en investisseurs actifs et prendre en compte les questions ESG dans les politiques et pratiques d'actionnaires, iii) demander aux entités dans lesquelles les investisseurs investissent de publier des informations appropriées sur les questions ESG, iv) favoriser l'acceptation et l'application des principes auprès des acteurs de la gestion d'actifs, v) travailler ensemble pour accroître leur efficacité dans l'application des principes, vi) rendre compte individuellement, dans un rapport annuel, de leurs activités et de leurs progrès dans l'application des principes.
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· le label français établi par Novethic27, attribué en 2012 à 109 fonds, gérant 30 Md, label qui refuse de considérer comme ISR les fonds qui ne font que de l'exclusion ou de l'intégration générale ESG ; · les chartes ISR : chartes de l'Association française du capital-investissement (Afic), « Code de transparence pour les fonds ISR ouverts au public » obligatoires pour tous les fonds ISR ouverts par des sociétés de gestion adhérentes de l'Association française de gestion (AFG) ou du Forum de l'investissement responsable (FIR) ; · le label du Comité intersyndical de l'épargne salariale (CIES), décerné à 15 gammes de fonds d'épargne salariale gérant en 2013 plus de 10 Md. La diversité des référentiels d'investissement et la concurrence entre approches d'investissement responsable ne facilitent pas la commercialisation des produits d'épargne ISR. Certains experts rencontrés ont souligné que cette prolifération de référentiels pouvait paradoxalement favoriser les acteurs les moins engagés, ceux-ci trouvant toujours un référentiel à disposition pour un engagement même minimal. conviction de la mission La mission estime que le potentiel de développement de l'investissement responsable, qui présente un Îritable attrait pour les épargnants, peut être beaucoup mieux exploité, en rendant les pratiques plus transparentes et plus comparables. L'investissement responsable est devenu l'une des spécialités françaises très reconnues dans la gestion d'actifs et portée par des acteurs français de référence internationale. Les sociétés françaises de capital-investissement, qui se sont pour une cinquantaine d'entre elles, engagées dans des pratiques - certes plus ou moins approfondies - d'investissement responsable, en font une marque de différenciation dans un contexte français qui présente une sensibilité très forte aux risques sociaux et environnementaux. modalités de transformation des pratiques La création en France, après concertation de place, d'un label « ISR » qui présenterait, sur une échelle d'intensité des engagements pris, la position du produit proposé, faciliterait la diffusion de l'investissement responsable. Il s'agit de s'inspirer de l'étiquetage qui existe dans d'autres domaines, par exemple, aujourd'hui de l'étiquetage de la performance énergétique des bâtiments, des Îhicules ou des biens électroménagers. La feuille de route pour la transition écologique de la conférence environnementale de septembre 2012 mentionne déjà dans son point 15 l'objectif de l'élaboration d'un label ISR. Pour être labellisé, un fonds devrait adhérer au code de transparence FIR/AFG et respecter, au moins, les cinq conditions suivantes : i) décrire explicitement ses objectifs, ii) s'appuyer sur une analyse ESG, iii) décrire son processus d'investissement et son approche d'investissement responsable, iv) attester d'une démarche d'engagement, v) faire preuve, en continu, d'une transparence et d'une information approfondie auprès de ses mandants. Il faudrait, le cas échéant, que ce label « ISR » tienne compte de spécificités de l'investissement dans les entreprises non cotées, et qu'il mette notamment en évidence la capacité des capital-investisseurs à accompagner les entreprises vers des démarches très positives de progrès. Ce label « ISR » pourrait favoriser une plus ample communication et publicité des distributeurs de produits ISR auprès des épargnants.
(27) Novethic est une structure d'analyse, d'expertise et de recherche sur le développement durable rattachée à la Caisse des dépôts et consignations.
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Parallèlement, il serait souhaitable de mieux valoriser les démarches de « capital-investissement responsable ». D'ores et déjà, une soixantaine de sociétés françaises de capital-investissement sont signataires des Principes pour l'investissement responsable des Nations unies28. Il existe par ailleurs un « Guide de communication d'informations ESG pour le capital-investissement » établi par l'AFIC. L'intégration ESG est donc un élément important d'exemplarité et de différenciation de nombreux acteurs français de ce marché29. C'est pourquoi il serait d'une part nécessaire d'accroître la visibilité de ces offres en encourageant notamment tous les distributeurs de ces produits à davantage les mettre en avant, notamment pour les FIP, les FCPI et les placements ultramarins. D'autre part, il serait justifié d'accroître les incitations fiscales en faveur des produits de capital-investissement responsable, d'autant qu'ils contribuent très fortement au financement primaire des entreprises les plus dynamiques de l'économie dans un contexte préoccupant de recul et de complexification de certains financements ou cofinancements bancaires.
Proposition n° 15 : Inciter les investisseurs institutionnels à privilégier les produits de placement les plus responsables
problème constaté Les investisseurs institutionnels, qui se sont pour certains d'entre eux, résolument engagés et de longue date dans l'investissement responsable, n'ont pas aujourd'hui l'obligation d'orienter leurs placements vers les produits responsables. La loi Grenelle II30 a prévu l'obligation, pour les sociétés de gestion, qui travaillent notamment pour ces investisseurs, d'être transparentes sur leur politique ESG. Celles-ci doivent en effet préciser comment elles prennent en compte simultanément dans leur politique d'investissement et de vote des critères de développement durable relatifs au respect d'objectifs environnementaux, sociaux, et de gouvernance (objectifs dits « ESG »). Pour autant, en l'absence d'obligation pour les investisseurs institutionnels (notamment les banques, les assurances, les caisses de retraites...), ces derniers ne privilégient pas toujours les produits d'investissement responsable. conviction de la mission La mission estime que les investisseurs institutionnels peuvent jouer un rôle décisif d'entraînement pour la diffusion de l'investissement responsable. Plusieurs grands investisseurs institutionnels publics jouent dès à présent, en France, un rôle moteur qui peut être consolidé : la Caisse des dépôts et consignations, France Investissement, mais aussi le Fonds de réserve des retraites et la Retraite additionnelle de la fonction publique (Erafp), qui ont vu leurs statuts spécifier que la gestion des fonds devait satisfaire des critères d'investisseur responsable. Diffuser ces pratiques parmi les investisseurs institutionnels apparaît d'autant plus essentiel que depuis
(28) Les PRI ont été mis en place en 2005 à l'initiative du Secrétaire général des Nations unies dans le cadre du Programme des Nations unies pour le développement Initiative financière (UNEP FI). Ces principes offrent aux professionnels de l'investissement « un cadre de travail leur permettant d'atteindre un meilleur retour sur investissement à long terme et des marchés plus durables ». Les signataires s'engagent notamment à réaliser un reporting annuel : « Reporting and Assessment Survey ». Ce reporting les conduit à réaliser un bilan ESG de leur activité et de leurs participations. (29) Parmi les acteurs du capital-investissement les plus innovants sur ces sujets, peuvent à simple titre d'exemple et de façon non exclusive, être entre autres cités Omnium Capital, 21 Central Partners, Cerea Unigrains, ACG Capital, Viveris Management, MBO Partenaires, Eurazeo PME, Axa Private Equity, Qualium Investissement, Amundi Private Equity, Astorg Partners, Azulis Capital, Citizen Capital, Alto Investment, les fonds du Fonds stratégique d'investissement, de France Investissement, de la Caisse des dépôts et consignations, de BPI France... (30) Article 224 modifié de la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement et son décret d'application du 30 janvier 2012 relatif à l'information par les sociétés de gestion de portefeuille des critères sociaux, environnementaux et de gouvernance pris en compte dans leur politique d'investissement.
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le début de la crise financière de 2008, l'investissement responsable trouve un nouvel espace d'intérêt, de légitimité et de développement31. modalités de transformation des pratiques Il est souhaitable d'étendre formellement aux investisseurs institutionnels intervenant en France (assureurs, banques, organismes paritaires, caisses de retraite, Caisse des dépôts et consignations...) l'obligation de transparence à laquelle sont désormais soumises les sociétés de gestion d'actifs. Cette évolution renforcerait la confiance des épargnants et contribuerait à diffuser, dans les métiers d'investissement, la culture de performance globale que la présente mission appelle de ses voeux.
Proposition n° 16 : Tenir compte des dimensions extra-financières dans l'octroi de certains crédits bancaires
problème constaté La prise en compte des critères sociaux, environnementaux et sociétaux des projets par les financeurs bancaires n'est pas assez fréquente. Aujourd'hui, le statut des paramètres extrafinanciers dans l'examen des projets n'apparaît pas toujours clairement, ce qui reflète la large prédominance des dimensions financières. Des analyses intégrées et formalisées comme telles sont conduites par les acteurs de la finance solidaire ou les structures de financement du développement. Mais les opérateurs bancaires plus classiques ne tirent pas pleinement profit d'un enrichissement de leur analyse aux dimensions sociales, sociétales ou environnementales des projets. D'ailleurs, si au plan international il existe des mécanismes, notamment les Principes de l'Équateur, qui conditionnent certains financements de projets au regard de critères sociaux, sociétaux et environnementaux32, il n'en existe pas au plan domestique. conviction de la mission La mission estime qu'il serait souhaitable d'encourager les démarches d'inclusion de l'analyse extra-financière dans les critères d'attribution des crédits bancaires aux entreprises quand le projet est porteur de performance globale et durable. Cette inclusion ne doit aucunement être perçue ni conçue comme une contrainte de plus mais bien comme une opportunité d'identifier les projets ou activités qui s'inscrivent dans une Îritable logique de développement durable ou responsable. modalités de transformation des pratiques Il serait opportun que, dans le cadre d'une réflexion de place, les établissements de financement s'emparent de cette problématique d'inclusion de critères extra-financiers pour l'examen des projets et activités à impact social, sociétal et environnemental significatif. Il s'agit, en cohérence avec l'ensemble des ambitions portées par le présent rapport, de reconnaître
(31) L'investissement responsable offre en effet des réponses aux questions des épargnants, comme le souligne l'économiste Philippe ZAOUTI, par ailleurs président de la marque d'investissement ISR MIROVA (Natixis AM) : « à quoi va servir concrètement les sommes que j'investis ? comment puis-je m'assurer que mon épargne est utilisée de façon saine ? que mes placements respecteront a minima certaines valeurs fondamentales ? que je ne finance pas sans le savoir des entreprises ou des secteurs économiques qui sont en contradiction avec mes idées ? comment puis-je concilier la rentabilité de mon épargne avec un rôle social, une incitation à construire une finance et une économie plus vertueuse ? » (in, Investir « responsable », en quête de nouvelles valeurs pour la finance, éditions Lignes de repères, 2009). (32) Créés en 2003 à l'initiative de la Banque mondiale, les Principes de l'Équateur sont signés par de grandes banques internationales. Ils impliquent la prise en compte de critères sociaux, sociétaux et environnementaux dans les projets financés.
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que les éléments de performance extra-financière servent la performance globale et la valeur durable des projets.
Proposition n° 17 : Orienter une part croissante de l'assurance vie, placement de long terme, vers les produits d'investissement responsable
problème constaté L'assurance vie, qui reste le placement préféré des Français, n'est pas assez investie dans les produits d'investissement responsable. Cette situation est d'autant plus paradoxale que, s'agissant de placements dont la maturité, supérieure en moyenne à neuf ans, est plutôt longue, la durabilité des valeurs dans lesquelles le gestionnaire investit apparaît indispensable. Jouant en France un Îritable « rôle sociétal », l'assurance vie est en mesure d'aligner ses pratiques sur la perception protectrice qu'en ont les épargnants. conviction de la mission La mission estime que l'assurance vie peut être encore plus orientée vers l'investissement responsable qu'elle ne l'est actuellement. Cette mobilisation de l'assurance vie apparaît d'autant plus souhaitable que dans le contexte de consolidation des finances publiques, cette forme d'épargne a conserÎ une fiscalité particulière, que certains économistes jugent d'ailleurs « préférentielle » ou « dérogatoire ». modalités de transformation des pratiques Il serait justifié de conditionner progressivement le maintien d'un régime fiscal particulier pour l'assurance vie à une orientation ISR d'une partie des investissements. Schématiquement, le produit généré par les assurances vie est taxé aujourd'hui à 7,5 % au titre de l'impôt sur le revenu pour les contrats de plus de huit ans, auxquels s'ajoutent 15,5 % de prélèvements sociaux annuels. Actuellement, ce régime fiscal n'est pas subordonné à une orientation « responsable » des placements gérés par les assureurs vie. Compte-tenu de la durée moyenne de détention des contrats d'assurance vie (supérieure à dix ans) et du poids de l'assurance vie dans le patrimoine des ménages français, le maintien du régime fiscal existant pourrait être conditionné au respect d'engagements en matière d'investissement responsable. La mission n'a pas souhaité définir a priori un quantum d'enveloppe ISR « idéale », mais elle considère qu'un quantum d'au moins 30 %, contrôlé par l'AMF, serait une base raisonnable pour des discussions de place. Elle considère cependant qu'il serait efficace qu'une partie de l'investissement responsable prenne la forme d'investissement dans des structures de capital-investissement elles-mêmes engagées.
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4. VALORISER L'AMBITION, L'AVANCE ET LE SAVOIR-FAIRE FRANÇAIS À L'INTERNATIONAL
Proposition n° 18 : Soutenir activement l'actuelle initiative de directive communautaire sur la publication des informations extra-financières des entreprises
enjeux Un projet de directive rendant obligatoire la publication d'informations extra-financières pour les entreprises domiciliées en Europe sera prochainement soumis au Parlement et au Conseil de l'Union européenne. Cette directive, qui serait à transposer avant le 31 décembre 2014, serait applicable à toutes les entreprises, à l'exception de celles de moins de 500 salariés et qui ne dépassent pas 40 millions d'euros de chiffre d'affaires. Elle prévoit que les entreprises doivent publier une « déclaration non financière » contenant des informations, et le cas échéant des indicateurs, relatifs aux questions environnementales, sociales, sociétales, de respect des droits humains et de lutte contre la corruption. Dans ce cadre, les entreprises devraient également informer de la politique de diversité mise en oeuvre dans la gouvernance de l'entreprise. Il est prévu que les entreprises doivent se justifier lorsqu'elles ne présentent pas l'une des informations prescrites (logique dite « comply or explain »). conviction de la mission La France doit soutenir d'autant plus activement cette initiative qu'elle constitue un « test » pour la diffusion de la RSE chez nos partenaires européens. Les États signataires de la déclaration finale de la conférence Rio+20 ont reconnu « l'importance de la communication, par les entreprises, d'informations sur l'impact environnemental de leurs activités » en les encourageant, « en particulier s'agissant des entreprises cotées et des grandes entreprises, à étudier la possibilité d'insérer dans leurs rapports périodiques des informations sur la soutenabilité de leurs activités [...] » (paragraphe 47 de la déclaration finale). En référence à ce texte, l'Afrique du Sud, le Brésil, le Danemark et la France ont lancé l'initiative des « Amis du paragraphe 47 » en juin 2012 dans l'objectif de promouvoir le reporting intégré des entreprises. Ce projet de directive est en deçà du dispositif français, mais reste en ligne avec les engagements internationaux de la France sur ces sujets. modalités de transformation des pratiques La France doit poursuivre très activement son exercice de conviction diplomatique auprès de ses principaux partenaires. Les échanges que la mission a pu avoir au niveau européen montrent qu'il importe de veiller à convaincre, au plus haut niveau de l'exécutif, nos partenaires sur le bien-fondé même du projet, la taille des entreprises soumises à l'obligation de publication des informations extra-financières et le calendrier de mise en oeuvre. Pour que ce projet apporte une valeur ajoutée effective par rapport aux obligations d'informations déjà présentes dans les textes existants (par exemple les directives comptables), il convient que son application ne soit pas optionnelle pour les entreprises entrant dans son champ d'application, sans quoi la directive serait priÎe de tout effet.
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Proposition n° 19 : Généraliser et mieux mettre en valeur les démarches exemplaires des entreprises françaises en matière d'approvisionnement, d'exportation et d'implantation à l'international
enjeux Certaines entreprises françaises sont pionnières dans l'adoption de démarches de responsabilité globale. Plusieurs entreprises françaises ont été les premières à conclure des accords cadres internationaux sur la RSE avec leurs parties prenantes et syndicats à l'échelle mondiale. L'engagement approfondi sur les thématiques extra-financières, qui n'est pas encore il faut le reconnaître systématique, peut servir la qualité des formes d'intervention des entreprises françaises à l'étranger, comme importateur, opérateur, investisseur ou exportateur. Quand ils sont effectifs, le savoir-faire et l'avantage comparatif français dans l'intégration des dimensions financières et extra-financières des activités économiques ne sont pas suffisamment pris en compte ni mis en valeur sur les marchés étrangers les plus disputés. Par ailleurs, les entreprises françaises ne s'impliquent pas suffisamment, à ce jour, dans les enceintes de négociation multilatérales auxquelles elles sont parties prenantes (notamment la Global Reporting Initiative et International Integrated Reporting Council). conviction de la mission La mission estime que la diplomatie économique française pourrait beaucoup mieux tirer parti du modèle de performance globale dans lequel se sont engagées certaines entreprises françaises. Le fait qu'une entreprise française ait, dans son pays d'origine, à rendre compte formellement de l'ensemble de ses comportements extra-financiers à l'échelle mondiale, est une singularité trop peu mise en valeur auprès de nos clients ou partenaires potentiels. Les obligations de transparence auxquelles sont soumises les entreprises françaises tranchent parfois nettement avec les libertés comportementales que s'adjugent ou dont jouissent parfois certains concurrents des entreprises et groupes français. L'objectif doit être de susciter une émulation positive visant un nivellement par le haut de l'ensemble des comportements des entreprises, françaises comme étrangères. modalités de transformation des pratiques La mise en place d'une communication plus offensive sur le modèle de performance globale des entreprises françaises contribuerait à renforcer la compétitivité de la « Marque France » à l'international. La recherche de nouveaux débouchés à l'exportation, organisée par les acteurs de la diplomatie économique française sur des secteurs de forte exemplarité et sur les secteurs d'avenir33, doit s'inscrire dans le cadre de cette approche, d'ores et déjà promue par la direction générale de la Mondialisation du Quai d'Orsay. Cette promotion de la marque « France » mérite d'être appuyée, renforcée et diffusée. Dans leurs approvisionnements et expansions internationales, les entreprises françaises pourraient tirer profit d'une application plus systématique des Principes directeurs de l'OCDE à l'intention des entreprises multinationales. Ces principes, particulièrement lisibles, définissent des règles de comportement jugées, par les entreprises et parties prenantes rencontrées, très adaptées aux spécificités et contraintes qui entourent les interventions à l'international. Les « Points de contact nationaux » (PCN)34, qui sont pour les parties prenantes des instances de recours quand des violations des principes sont présumées, jouent un rôle opérationnel
(33) Notamment les secteurs de l'agroalimentaire, la santé, les éco-industries, les infrastructures... (34) Ces Points de contact nationaux (PCN) sont prévus par les Principes directeurs de l'OCDE.
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et doivent, notamment en ce qui concerne le PCN français, voir leur fonctionnement et leurs moyens renforcés.
Proposition n° 20 : Continuer à promouvoir, dans les enceintes et négociations internationales, les conceptions françaises en matière de responsabilité globale
enjeux Malgré d'importantes avancées, la RSE continue de faire l'objet d'une reconnaissance variable dans les discussions et négociations multilatérales. Au-delà de l'Union européenne, plusieurs organisations internationales, aux côtés desquelles la France a joué et continue de jouer un rôle actif35, cherchent à diffuser des normes ou référentiels d'exemplarité en matière sociale, sociétale et environnementale, principalement à destination des entreprises. C'est naturellement le cas des Nations unies, qui ont adopté à l'unanimité en juin 2011 des Principes directeurs pour les droits de l'homme et les entreprises. Sont également très actifs le Conseil de l'Europe, l'Organisation internationale de la francophonie, l'OCDE, l'Organisation internationale du travail (très innovante avec le programme Better Work36) ainsi que l'Organisation mondiale du commerce et l'Organisation de normalisation internationale - qui a adopté la norme de référence ISO 26 000 sur la RSE. Les normes édictées et les initiatives prises par ces organisations internationales font toujours l'objet d'un intérêt contrasté selon les pays et les entreprises. Surtout, ces initiatives et normes n'ont pas toujours une portée contraignante pour les opérateurs économiques, ce qui en affaiblit parfois la portée de façon regrettable. conviction de la mission La France et son réseau diplomatique disposent d'une vraie crédibilité pour poursuivre leur effort de conviction et leur travail d'impulsion internationale sur les sujets de responsabilité extra-financière des entreprises. Dans une économie globale, il importe de contribuer tout particulièrement, dans les discussions multilatérales, à la diffusion la plus large des normes considérées en France et en Europe comme des normes minimales d'exemplarité et des normes de progrès, de performance durable et de loyauté commerciale. modalités de transformation des pratiques Pour garantir des pratiques commerciales conformes aux meilleurs standards internationaux et une concurrence loyale, il est urgent de renforcer le poids des exigences sociales et environnementales dans les accords commerciaux internationaux. Ce renforcement doit concerner les négociations à venir, conduites au plan bilatéral ou multilatéral (notamment dans le cadre de l'OMC), mais aussi les accords existants. À cet égard, il convient de s'assurer que les pays bénéficiant du système des préférences commerciales européennes droits de douane plus faibles pour accéder au marché européen respectent bien des normes et standards satisfaisants en matière sociale et environnementale.
(35) Cet activisme, reconnu au plan international y compris par certains partenaires moins volontaires sur le sujet, a été notamment favorisé par l'existence, en France, d'un ambassadeur chargé de la RSE. (36) Initiative entre l'OIT et des entreprises donneuses d'ordre de la filière textile et confection qui vise à mieux faire respecter les principes et droits fondamentaux au travail et accroître la compétitivité de ces secteurs dans les pays en développement.
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À Paris, le 11 juin 2013
lydia brovelli Membre honoraire du Conseil économique, social et environnemental
Xavier Drago Directeur développement durable d'Air Liquide
éric molinié Président du Samu social de Paris Ancien Président de la Halde
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ANNEXES
ANNEXE N° 1 LETTRE DE MISSION
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ANNEXE N° 2 LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES ET ORIGINE DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES
1. entreprises priÎes / entreprises et établissements publics
· AÉROPORTS DE PARIS - Didier HAMON · ALCATEL-LUCENT - Alain VIALLIX · ANIA (Association nationale des industries agroalimentaires) - Carole FONTA - Morgan OYAUX · AP-HP (Assistance publique Hôpitaux de Paris) - Christian POIMBOEUF · BANQUE DE FRANCE - Judith L'HORSET · BOSCH France - Guy MAUGIS (et CCI Franco Allemande) · C DISCOUNT - Arnaud VIALARD · CASINO - Mathieu RICHE · CHâTEAU LAROSE TRINTAUDON (groupe ALLIANZ) - Brice AMOUROUX · COOP DE FRANCE - Olivier DE CARNÉ - Jacques WEIL · DANONE - Marguerite MOLLEUX - Muriel PÉNICAUD · EDF - Claude NAHON - Catherine DELPIROU · ESSILOR INTERNATIONAL - Claude DARNAULT · FEP (Fédération des entreprises de Propreté) - Philippe JOUANNY · FIVES - Michel DANCETTE - Estelle FONTENAY · FRANCE TÉLÉVISION - Sophie DELORME · GENERALI - François GARREAU · GDF-SUEZ - Françoise GUICHARD - Jacques SPELKENS · GROUPE LA POSTE - Jean Paul BAILLY - Christine BARGAIN · IFP ÉNERGIES NOUVELLES - Valérie HERSCHLIKOVITZ
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· LA FRANÇAISE DES JEUX - Christine SCHMITTE · LABEL RS RELATION CLIENT - Éric LESTANGUET · LAFARGE - Philippe JACQUESSON - Kareen RISPAL · LES VIGNERONS DE TUTIAC - Éric HENAU · MICHELIN - Bénédicte PERONNIN · RELATION CLIENT - Michel GUIDO · PMU - Mylène COLLIN - Benoit CORNU - Judicaël LEFEBURE
· PôLE EMPLOI - Dominique VERNAUDON-PRAT · RFF (Réseau Ferré de France) - Anne-Laure GENTY - Sophie JALABERT · RHODIA- SOLVAY - Jacques KHELIFF · SCHNEIDER Electric - Gilles VERMOT DESROCHES · Sté ADAM - Jean Claude RIN · TELEPERFORMANCE - Brigitte DAUBRY · THALES - Anne DE RAVARAN
2. partenaires sociauX
2.1. Organisations patronales · MEDEF - Noémie CHEVALIER - Robert DURDILLY · CGPME - Guillaume DE BODART - Florian MASSEUBE · UPA - Pierre BURBAN - Élodie CORIEU - Chantal PINEAU 2.2. Organisations salariales · CFDT - Olivier BERDUCOU - Jean-Paul BOUCHET - Marc FERRON - Frédéric FRITSCH - Christian GAMARRA - Manu LECOT - Aline LEVRON - François PELEGRINA - Patrick PIERRON - Patrice PONCEAU - Cyrille POUGHON - Christophe QUAREZ - Jean-François RENUCCI · CFE-CGC - Jean-Frédéric DREYFUS - Isabelle COUTURIER - Francine DIDIER - Éric VIDAL · CFTC - Bernard IBAL · CGT - Jean-François BOLZINGER - Pierre Yves CHANU - André CLUZEL - Loïc CORNEAUD - Pascal LAMBOLEZ - Éric MANANT - Sylvain MORENO - Dominique RAPHEL - Jean-Pierre SOTURA · CGT - FORCE OUVRIèRE - Yves GIQUEL - Laurent GROGNU - Pascal PAVAGEAU · IndustriALL - Kemal OZKAN
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3. ong et associations
· AMNESTY INTERNATIONAl - Sabine GAGNIER, · ATD QUART MONDE - Didier PONCEAU · CCFD-TERRE SOLIDAIRE - Antonio MANGANELLA · CLCV (Consommation, logement et cadre de vie) - Thierry SANIEZ · FIDH (Fédération internationale des droits de l'homme) - Elin WRZONCKI · FNE (France nature environnement) - Rita FAHD · FONDATION NICOLAS HULOT - Marion COHEN - Cécile OSTRIA - Cécile RENOUARD · FORUM CITOYEN POUR LA RSE - Michel CAPRON · MAX HAVELAAR FRANCE - Olivier CABRERA - André PEL · NOVETHIC - Dominique BLANC - Anne-Catherine HUSSON-TRAORÉ · SHERPA : - Pauline KIENLEN · UFC Que choisir ? - Cédric MUSSO · WWF - Jérôme DUPUIS
4. normalisation
· AFNOR - Anne-Eugénie GASPAR - Stéphane MATHIEU - Pierre MAZEAU
5. autres personnalités qualifiées
· Michel CAPRON, professeur émérite des universités · Michel DOUCIN, ambassadeur chargé de la RSE et la bioéthique · Henri LACHMANN, co-auteur du rapport « Bien être et efficacité au travail » · Christian LAROSE, co-auteur du rapport « Bien être et efficacité au travail » · Muriel PÉNICAUD, co-auteur du rapport « Bien être et efficacité au travail »
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6. organismes De notation eXtra-financière
· EIRIS - Thiphaine de BORNE - Johanna HARIRI - Nadia LAINE · MSCI ESG Research - Rémi BRIAND - Aurélie CAMBIER - Perrine DUTRONC · VIGEO - Émilie BERAL - Nicole NOTAT - Pierre-Yves LE TRADIC - Sophie THIERY
7. Îrificateurs
· DELOITTE - Éric DUGELAY · ERNST & YOUNG - Éric DUVAUD
8. opérateurs financiers
· AFIC / Eurazeo PME - Olivier MILLET - Yannick GRANDJEAN · 21 CENTRALE PARTNERS - Henry Huyghues DESPOINTES - Gérard PLUVINET · ACG CAPITAL / VIVERIS - Jean-François COURT · AFG - Laure DELAHOUSSE · ALTO INVESTMENT - Antoine VALDES · AMUNDI - Laurence LAPLANE - Pierre SCHERECK · ASTORG Partners - Xavier MORENO - Thibault SURER · AXA PRIVATE EQUITY - Candice BRENET · AZULIS Capital - Franck BOGET · CEREA - Michel CHABANEL · CIES (Comité intersyndical de l'épargne salariale) - Pierre Yves CHANU (CGT) - Jean CONAN (CFE- CGC) - Dominique DROUET (CFDT) · CITIZEN CAPITAL - Pierre-Olivier BARENNES - Laurence MÉHAIGNERIE · EFRAP (Établissement de retraite additionnelle de la fonction publique) - Philippe DESFOSSÉS · MBO Partenaires - Richard BROCHE · NATIXIS ASSET MANAGEMENT - Pascal VOISIN - Philippe ZAOUTI · ODDO & Cie - Jean-Philippe DESMARTIN · OMNES CAPITAL - Fabien PRÉVOST · QUALIUM Investissement Marc AUBERGER · UNIGRAINS : Jean-François LAURAIN · ECOFI Investissements - Annaïg ANTOINE - Bruno PELLAN · PWC - ADVISORY - Sylvain LAMBERT
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9. eXperts, observatoires, clubs De réfleXions, think tankS
· AFEP (Association française des entreprises priÎes) - Élisabeth GAMBERT - François SOULMAGON · C3D (Collège des directeurs du développement durable) - Jean-Louis JOURDAN - Hélène VALADE · CFIE (Centre français d'information sur les entreprises) - Martial COZETTE · CJD (Centre des jeunes dirigeants) - Gaëlle BRIèRE · DIALOGUES - Philippe BOURGALLÉ - Jean-Louis TARDIVAUD · EcoVadis - Pierre-François THALER - Sylvain GUYOTON · EPE (Association des entreprises françaises pour l'environnement) - Claire TUTENUIT · IEP (Institut d'études politiques de Paris) - Daniel HURSTEL · Institut RSE - Patrick d'HUMIèRES · ORÉE (Organisation pour le respect de l'environnement dans l'entreprise) - Nathalie BOYER · ORSE (Observatoire de la RSE) - François FATOUX - Daniel LEBèGUE · OSI (Observatoire social international) - Marc DELUZET · SECAFI-ALPHA - Pascal ADDARI - Natacha SEGUIN · SYNDEX - Olivier CHABROL
10. écoles De formation et management
· AUDENCIA - André SOBCZAK · Association française des étudiants pour la ville (AFEV) - Élise RENAUDIN · Conférence des grandes écoles - Gérald MAJOU DE LA DÉBUTRIE · ENPC (École des Ponts ParisTech) - Armel DE LA BOURDONNAYE · HEC - Bénédicte FAIVRE-TAVIGNOT · Université de NANTERRE - Christophe BRECHET
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11. aDministrations et structures publiques
· ANACT (Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail) - Clément RUFFIER - Pascale LEVET · CARSAT Aquitaine (Caisse d'assurance retraite et de la santé au travail) - Dominique SAITTA · CCI Aquitaine (Chambre de commerce et d'industrie) - Jean-Luc LAMOURE · Chambre d'agriculture d'Aquitaine - Michel DULON · Conseil régional Aquitaine, service Environnement Développement durable - Antoine PROFIT · DIRECCTE Aquitaine (Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi) - Gérard CASCINO - Serge LOPEZ · DREAL Aquitaine (Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement) - Anne COUVEZ · Ministère des Affaires étrangères, (Direction des Entreprises et de l'Économie mondiale) - Jacques MAIRE - Sybille MERT · Ministère de l'Économie et des Finances, DG Trésor (Direction générale du Trésor) - Charles SARRAZIN - Vincent PERROTIN · Ministère du Travail, de l'Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social (Direction générale de l'Emploi et de la Formation professionnelle) - Christophe STRASSEL - Pierre RAMAIN · Ministère du Travail, de l'Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social DGT (Direction générale du Travail) - Jean-Denis COMBREXELLE - Valérie DELAHAYE- GUILLOCHEAU - Marie-Soline CHOMEL · Ministère de l'Écologie, du Développement durable et de l'Énergie (Commissariat général au développement durable) - Hélène BÉGON - Pierrick BILLAN - Sylvie DIDIER-PEROT
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12. conseil économique, social et environnemental (cese)
· Jean-Paul DELEVOYE, Président du CESE · Conseillers - Anne DE BETHENCOURT, section Activités économiques - Marc BLANC, section Environnement - Sylvie BRUNET, section Travail et emploi - Pierrette CROSEMARIE, section Environnement - Bernard GUIRKINGER, section Affaires européennes et internationales - Dominique HÉNON, section Délégation aux droits des femmes et à l'égalité - Christophe QUAREZ, section Affaires européennes et internationales - Émilie RAFAEL, section Activités économiques · Personnalités associées - Sonia HAMOUDI, section Activités économiques · Administrateurs - Élisabeth DIVOY, section Délégation aux droits des femmes et à l'égalité - Rémi INDART, section Travail et emploi - Damien LANEL, section Affaires européennes et internationales - Serge PÉRON, section Environnement - Philippe DE RATULD, section Activités économiques
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13. organisations et organismes internationauX
· Commission Européenne - Michel BARNIER, vice-président de la Commission, commissaire européen au marché intérieur et services - Axel de MARTENE - Massimo ZAFFIRO · Mission permanente de la France auprès des Nations unies à Genève - Nicolas NIEMTCHINOW, ambassadeur, représentant permanent de la France - Jacques PELLET - Marc BOISNEL - Frédérique DUPUY - Pierre LE GOFF · ONU-OHCHR à Genève (Haut-commissariat des Nations unies aux droits de l'homme) - Jyoti SANGHERA - Michael VAN GELDEREN - Lene WENDLAND · OCDE, Unité responsabilité des entreprises et principes directeurs (Organisation de coopération et de développement économiques) Marie-France HOUDE · OIT à Genève (Organisation internationale du travail) Programme Better Work Laetitia DUMAS Programme des entreprises multinationales Emily SIMS Département ACTRAV - Anna BIONDI - Dan CUNNIAH Département gouvernance et tripartisme - Konstantin PAPADAKIS - Lou TESSIER Département ACT/EMP Roy CHACKO Bureau de l'OIT à Paris Jean-François TROGRLIC · Représentation permanente de la France auprès de l'Union européenne à Bruxelles Cécile CHADUTEAU-MONPLAISIR
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Origine des principales contributions écrites
Ambassadeur Michel DOUCIN Anact (Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail) Astrées (Association travail emploi Europe société) CESE (Conseil économique, social et environnemental) CGPME (Confédération générale du patronat des petites et moyennes entreprises) CJD (Centre des jeunes dirigeants) Club des établissements publics pour le développement durable Confédération CFDT Confédération CFTC Confédération CGC Confédération CGT Confédération CGT-Force Ouvrière EIRIS Research ESSILOR Fédération CFE-CGC de la métallurgie Fédération des entreprises de propreté FIDH (Fédération internationale des droits de l'homme) FNH (Fondation Nicolas Hulot pour la nature et l'homme) FCRSE (Forum citoyen pour la RSE) François BEAUJOLIN, FCRSE GDF-SUEZ MSCI OIT (Organisation internationale du travail) ORSE (Observatoire de la RSE) OSI (Observatoire social international) Pierre MAZEAU, AFNOR SECAFI-ALPHA SYNDEX Syndicat CFDT Lafarge ciments Syndicat CGT Lafarge ciments Terra Nova USGERES (Union de syndicats et groupements d'employeurs représentatifs dans l'économie sociale) Union confédérale des ingénieurs et cadres CFDT UGICT (Union des ingénieurs, cadres et techniciens CGT) UNSA (Union nationale des syndicats autonomes) Vigeo
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Inspection générale des affaires sociales N°RM2013-141A
Conseil général de l'environnement et du développement durable N° CGEDD 008946-01
Responsabilité sociale des entreprises (RSE) et des organisations et dialogue social Mode d'emploi
Note documentaire
Établie par Christian LENOIR
Membre de l'Inspection générale des affaires sociales
Jean-Paul LE DIVENAH
Inspecteur général de l'administration et du développement durable
- Juillet 2013 -
IGAS, RAPPORT N°RM2013-141A / CGEDD N° 008946-01
3
INTRODUCTION
[1] Cette note documentaire a été réalisée dans le prolongement du rapport « Responsabilité et performance des organisations » élaboré par Lydia BROVELLI, Xavier DRAGO et Éric MOLINIÉ. Lors de la remise du rapport aux ministres commanditaires1, le 13 juin 2013, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a souhaité que les membres de la mission puissent adresser aux ministres un document complémentaire, plus technique, portant sur les volets du rapport relatifs au dialogue social. En effet, il s'est aÎré que tant les auditions conduites par la mission, que les documents recueillis et exploités ainsi que les expérimentations présentées lors de ces rencontres, constituaient une mine d'informations très appréciable. D'un commun accord, il a été estimé que celle-ci devait être mise à la disposition de tous ceux qui ont le souhait de voir progresser conjointement le dialogue social et la responsabilité sociétale des organisations. S'agissant d'un document de méthode, il a été également convenu entre les membres de la mission et le cabinet du ministre chargé du travail et du dialogue social de confier la synthèse des renseignements accumulés aux inspecteurs ayant accompagné les trois personnes missionnées dans la préparation de leur rapport. Le présent travail, en forme de note complémentaire au rapport précité dont il constitue un « mode d'emploi », vise à procurer aux parties prenantes qui le souhaitent des informations, des outils pratiques ou des orientations méthodologiques leur permettant de faire de la responsabilité sociétale des entreprises un enjeu du dialogue social. Il a été réalisé par deux inspecteurs généraux de la mission d'appui, le troisième ayant été appelé à de nouvelles fonctions dans l'intervalle. Il existe par conséquent un lien direct entre cette note documentaire et les recommandations du rapport remis aux ministres, notamment avec les propositions 1, 2, 4, 5, 6 et 10 formulées par la mission, sachant que le dialogue social est également l'une des composantes des propositions des propositions 9, 14 et 19.
[2]
[3]
[4]
[5]
1 M. Pierre MOSCOVICI, ministre de l'économie et des finances, Nicole BRICQ, ministre du commerce extérieur, Delphine BATHO, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, Michel SAPIN, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Lettre de mission du 20 février 2013.
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Sommaire
INTRODUCTION ...................................................................................................................3 NOTE DOCUMENTAIRE ......................................................................................................7 1 UNE CULTURE DE PERFORMANCE GLOBALE AU SEIN DES ENTREPRISES SERA FAVORISEE PAR UN PROCESSUS DE CO-CONSTRUCTION MULTIPARTITE .......................... 7 1.1 L'implication des instances de gouvernance sur la RSE et leur positionnement dans la stratégie globale de l'entreprise .......................................................................................... 7 1.2 La RSE au coeur des responsabilités du management ..................................................8 1.3 Une co-construction de la RSE avec l'ensemble des parties prenantes, et en premier lieu, avec les organisations syndicales ....................................................................................9 1.4 Une gouvernance de la RSE incluant toutes les parties prenantes ............................ 10 1.5 Une illustration de la performance globale à travers la fonction achat ..................... 11
2
LA RSE DOIT POUVOIR CONSTITUER UN ELEMENT CENTRAL DU DIALOGUE SOCIAL ........................................................................................................................... 12 Grâce à la RSE, une mise en cohérence entre des problématiques gérées séparément . ................................................................................................................................... 12 2.2 Le dialogue social sur la RSE peut être structuré selon plusieurs logiques et niveaux . ................................................................................................................................... 13 2.3 Une articulation entre les négociations obligatoires au niveau des entreprises et des groupes rendue possible grâce à la RSE ............................................................................... 14 2.1
3
UNE OPTIMISATION POSSIBLE DE LA RSE EN INVESTISSANT LES ENJEUX DU TRAVAIL ........................................................................................................................ 15 3.1 La négociation interprofessionnelle d'un accord-cadre national sur la qualité de vie au travail via la RSE ............................................................................................................. 15 3.2 L'inclusion de l'organisation du travail dans le dialogue social ................................. 16 3.3 Les enjeux posés par la RSE sont l'occasion de revisiter la formation professionnelle continue (FPC) .................................................................................................................... 16
4
LA DIMENSION INTERNATIONALE DE LA RSE PEUT ETRE NOURRIE PAR LE DIALOGUE SOCIAL ......................................................................................................... 18 4.1 Une meilleure prise en compte des droits de l'homme et des conventions de l'OIT dans les accords-cadre internationaux .................................................................................. 18 4.2 La négociation internationale sur la RSE est à articuler avec les accords multilatéraux par pays ......................................................................................................... 20
IGAS, RAPPORT N°RM2013-141A / CGEDD N° 008946-01
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NOTE DOCUMENTAIRE
1 UNE
CULTURE DE PERFORMANCE FAVORISEE PAR GLOBALE UN AU SEIN DE DES COENTREPRISES SERA PROCESSUS
CONSTRUCTION MULTIPARTITE [6] Nombre d'acteurs du monde du travail mettent en avant une image peu favorable de la RSE, souvent considérée comme une affaire de spécialistes, pilotée et conçue par la direction de l'entreprise, parfois pour en faire principalement un outil de communication. Cependant, la communication organisée autour des démarches RSE ne doit pas masquer les actions d'entreprises qui s'engagent à long terme dans le développement d'une économie intégrant des valeurs de responsabilité globale. D'autant que malgré la crise, la RSE n'est pas remise en cause ; au contraire, elle tend à acquérir une dimension de plus en plus stratégique. Néanmoins, si certaines entreprises associent les salariés ou leurs représentants à l'élaboration et à la conduite de cette démarche, la RSE n'est pas toujours considérée, loin s'en faut, comme devant faire l'objet d'un dialogue social. Ce dernier demeure le plus souvent cantonné au domaine des relations du travail et conduit sur un mode consultatif. L'engagement dans la RSE est parfois contraint et le plus souvent volontaire ; toutefois, dès lors que cet engagement est décidé, la mise en oeuvre de la démarche de responsabilité globale ne peut pas s'effectuer sur un mode unilatéral. Les quelques paragraphes qui suivent tendent ainsi à montrer, à partir des exemples d'entreprises rencontrées, qu'un processus de coconstruction multipartite constitue un atout indéniable pour atteindre un niveau de performance globale satisfaisant.
[7]
[8]
[9]
1.1
[10]
L'implication des instances de gouvernance sur la RSE et leur positionnement dans la stratégie globale de l'entreprise
Toute entreprise, du fait de son activité, produit un impact plus ou moins marqué sur son environnement, au sens large. Elle en prend conscience dès lors qu'elle choisit d'assumer cette responsabilité, ce que les contraintes juridiques ou d'image lui imposent parfois. Cette prise de conscience tend à se généraliser progressivement, à telle enseigne que pour nombre de sociétés cette responsabilité devient un enjeu stratégique de moyen ou long terme, tant sur le plan environnemental, social qu'en matière de gouvernance (ESG). Il s'agit dès lors de savoir si cet enjeu est l'apanage des experts et du management ou s'il doit être partagé. Une directrice des ressources humaines et du développement durable d'un grand groupe industriel français estime ainsi que la RSE interroge d'abord l'entreprise dans sa stratégie au sens de la question : « fait-on du business de manière responsable ? et c'est quoi la manière d'exercer de façon responsable son métier ? ». Dans cette optique, les outils du reporting ne font que répondre de façon objective à la question sur le sens de l'activité de l'entreprise, « mais il ne faut pas se donner l'illusion que les indicateurs suffisent, et il faut s'interroger sur l'empreinte que laisse une entreprise. »
[11] [12]
8
IGAS, RAPPORT N°RM2013-141A / CGEDD N° 008946-01
[13]
Pour le dirigeant d'un autre grand groupe français, la RSE permet de mieux appréhender le rôle de l'entreprise dans sa contribution à un développement équilibré de la société, qu'il s'agisse de son apport économique, de son soutien au développement des territoires ou encore de son apport au développement de ses propres salariés. Ce positionnement stratégique est largement partagé.2 En somme, la RSE constitue une sorte de paradoxe. Elle doit combiner une ambition globale elle concerne tous les hommes et toutes les activités et un caractère éminemment discrétionnaire puisque la décision de se lancer dans un processus RSE est de la responsabilité de la direction de l'entreprise-. À l'issue des investigations de la mission, il est apparu nettement que la résolution de ce paradoxe passait par un dialogue social élargi, mobilisant toutes les parties prenantes. A noter que c'est ce processus qui fera que les engagements de l'entreprise seront, d'emblée, crédibles. Par parties prenantes, il faut comprendre l'ensemble des acteurs intéressés par les activités et décisions de l'entreprise : actionnaires, salariés et leurs représentants, clients, fournisseurs, élus locaux, riverains, administrations publiques, associations non gouvernementales etc. Le concept de parties prenantes est indissociable de la notion de RSE. Il n'en demeure pas moins que si la stratégie RSE doit être co-produite notamment entre la direction et les organisations syndicales, l'impulsion initiale ne peut venir que de la direction de l'entreprise. La RSE, si elle est bien objet de management et de dialogue social devient alors propice à l'instauration d'un climat de confiance et d'un partenariat aux règles claires et précises.
[14]
[15]
[16]
[17]
1.2
[18]
La RSE au coeur des responsabilités du management
Pour l'un des chefs d'entreprise auditionnés, le rôle du management est de trouver un juste équilibre entre quatre piliers : les actionnaires, le personnel, les clients fournisseurs et les territoires. Mais la RSE requiert, en outre, une vision de long terme et transversale, portée par une gouvernance globale. Ainsi le niveau stratégique doit mobiliser l'ensemble des responsables de la structure : la direction des ressources humaines bien sûr, mais aussi les directions opérationnelles, celle en charge du développement durable, les directions achats, financières, etc. (cf. proposition n° 1 du rapport). Chacun des managers, pas seulement ceux du siège, doit pouvoir partager, diffuser et favoriser l'implication des équipes sur le sens des enjeux entrepreneuriaux et ceux de l'efficacité collective3. Il s'agit de « redonner du sens ensemble » pour reprendre l'expression mise en avant par une organisation syndicale de salariés. Plusieurs conditions sont de nature à favoriser cette évolution : des conditions de travail et des mesures relatives à l'organisation du travail correctement mises en oeuvre et gérées ; un décloisonnement entre les directions de l'entreprise afin de passer d'une vision en termes de « coûts sociaux » à une vision en termes « d'investissements sociaux ».
[19]
[20]
[21]
Sous cet angle, la participation des salariés à la détermination et à l'amélioration de leurs conditions de travail ne peut que s'aÎrer profitable. Elle contribue en effet au bien-être au travail, à l'efficacité économique et à l'élévation du niveau de compétences des travailleurs.
Les représentants de la Confédération générale des PME ont indiqué à la mission que la RSE constituait un enjeu stratégique intégré par cette confédération. 3 En rappelant que la RSE est un facteur de progression, l'ONG de consommateurs Max Havellaar a exprimé la même préoccupation : Quelle est l'intégration de la RSE dans les entreprises ? Est-ce un sujet stratégique relayé par toutes les directions (de production, de communication, de RH) ?
2
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9
[22]
Au moment où on leur demande plus d'autonomie, les cadres ont également un rôle majeur à jouer dans la stratégie RSE. Une certaine liberté d'expression peut leur être consentie, contrepartie d'un engagement professionnel, d'un niveau de responsabilité éleÎ et d'une loyauté forte. Le cadre doit donc pouvoir disposer de réels leviers d'action, d'un excellent niveau d'informations et d'un pouvoir d'initiative suffisant pour agir sur son environnement de proximité. Ceci étant, « tant que les relations sociales en France seront fondées sur la méfiance et l'incompréhension, parfois alimentées par la maladresse4. », le dialogue social rencontrera des difficultés pour progresser Les relations sociales ne pourront s'améliorer que si chacun connaît les règles du jeu, comprend les positions des différents acteurs, est capable de « décoder » tel ou tel point de vue. Or, les personnels d'encadrement, qui doivent gérer ces relations au quotidien, sont peu formés à ces techniques qu'en général les responsables des ressources humaines maîtrisent mieux, et quelquefois accaparent comme l'ont souligné des directeurs développement durable auditionnés. L'insertion de ces questions dans le cursus de formation des futurs cadres des entreprises s'aÏre donc indispensable. Du reste, des expérimentations ont été lancées à cette fin dans plusieurs universités et grandes écoles, sensibilisées en cela par des associations comme RDS (Réalités du Dialogue Social), à l'activité de laquelle participent les organisations syndicales de salariés et d'employeurs, ce qui devrait intéresser le ministère de l'enseignement supérieur (cf. proposition n° 4 du rapport).
[23]
[24]
1.3
[25]
Une co-construction de la RSE avec l'ensemble des parties prenantes, et en premier lieu, avec les organisations syndicales
Souvent interpellées par les ONG, les entreprises élargissent de plus en plus leurs partenariats. Il n'en demeure pas moins que le dialogue social au sein de l'entreprise est fondamental et à ce titre fortement préconisé au plan international. Ainsi, la norme ISO 26 000 adoptée en 2010 identifie-t-elle sept questions centrales dont la troisième traite des relations et des conditions de travail. Pour cette norme, la responsabilité sociétale des organisations s'analyse vis-à-vis « des impacts de leurs décisions et leurs activités dans la société et sur l'environnement se traduisant par un comportement transparent et éthique qui contribue au développement durable y compris à la santé et au bien-être de la société, prend en compte les parties prenantes, (...) et est intégré dans l'organisation et mis en oeuvre dans ses relations. » La RSE tire sa force de deux facteurs qui doivent s'équilibrer. Premier élément, la RSE constitue un instrument pertinent lorsque les impacts des activités de l'organisation sur l'environnement sociétal sont bien identifiés et lorsque le dialogue avec les parties prenantes permet de mettre en place les actions régulatrices que nécessitent éventuellement ces impacts. Second élément, la RSE ne fonctionne correctement que dans la transparence et la capacité des acteurs à intégrer des problématiques multiples, à piloter les plans adoptés dont il est rendu compte par des indicateurs pertinents. La plupart des organisations syndicales rencontrées tiennent un discours pro-actif sur la RSE, certaines en faisant même un axe fort de leur stratégie. La responsabilité sociale des entreprises « concerne l'ensemble des dimensions de la vie sociale ce qu'il est convenu d'appeler les « parties prenantes » - mais elle s'exerce de manière particulière à l'égard de ses salariés qui sont au coeur du fonctionnement de l'entreprise.5 »
[26]
[27]
[28]
4 5
Cf Hubert Landier « La formation des managers », AEF. Extrait de la contribution écrite transmise à la mission par la CGT février 2013.
10
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[29]
L'une de ces organisations, défavorable par principe au concept de RSE, n'interdit cependant pas à ses mandants locaux ou sectoriels de signer des accords sur la RSE au niveau des branches ou des entreprises6. Le rôle des organisations syndicales dans la dynamique RSE est donc fondamental et suppose que soit au préalable bien cerné le contenu du champ devant faire l'objet du dialogue social. La direction d'une société multinationale a ainsi confirmé devant la mission que les « activités de RSE ne sont crédibles que si elles sont conduites en dialogue avec les parties prenantes, dont les organisations syndicales. La RSE est un « booster » de la modernisation sociale dès lors qu'il y a effectivement concertation en amont de la définition du contenu retenu en termes de développement durable ». Les associations de protection de l'environnement sont sur ces mêmes lignes : « La RSE doit résulter d'une cohérence d'ensemble, les enjeux sont interdépendants et il ne peut y avoir de concurrence entre les différents volets de la RSE (...) ; l'environnement peut être utilisé comme levier en faveur du social.7 » En ce qui concerne les parties prenantes associatives, se pose la question de leur représentativité. A la différence des organisations syndicales dont la représentativité est mesurée à l'aune de leurs résultats aux élections professionnelles puis fixée selon la loi et réglementairement par les pouvoirs publics8, la représentativité des ONG est appréciée très différemment. La loi Grenelle 2 renvoyait à des textes réglementaires la définition de la représentativité des ONG environnementales, textes qui ont été publiés en 20119. Pour l'essentiel, pour pouvoir être désignées au sein de certaines instances consultatives, outre le respect des lois et règlements relatifs aux associations et à leur comptabilité, les ONG devront avoir une existence d'au moins trois ans, faire état d'un nombre minimum de membres et justifier d'une expérience ou de savoirs reconnus illustrés par des travaux de recherche ou des publications. Mais, pour une entreprise qui souhaite constituer un panel de parties prenantes externes, il reste à mieux déterminer comment « choisir » parmi les ONG. Les directions auditionnées ont fait part leur embarras à ce sujet.
[30]
[31]
[32]
[33]
1.4
[34]
Une gouvernance de la RSE incluant toutes les parties prenantes
Il est souhaitable que la gouvernance des organisations puisse évoluer afin de devenir un levier efficace d'évolution des activités économiques vers un modèle plus soutenable. Pour le moment, le débat contradictoire dans les lieux de gouvernance est rare et il n'existe que peu de comités RSE auprès des conseils d'administration.
CGT-FO. Entretien avec France nature environnement (FNE). 8 La représentativité d'un syndicat résulte de sept critères légaux cumulatifs énoncés à l'article L 2121-1 et suivants du code du travail. reprennent ceux d'une position commune du 9 avril 2008 sur la représentativité syndicale salariale signée par la CGT, la CFDT, le MEDEF et la CGPME puis transposée dans la loi du 20 août 2008. Concernant les critères de la représentativité des organisations patronales, la conférence sociale des 20 et 21 juin 2013 a acté un processus pour leur clarification et leur déclinaison opérationnelle. 9 Le Journal officiel du 13 juillet 2011 publie deux décrets et trois arrêtés sur l'agrément et la représentativité des ONG environnementales dont le décret n° 2011-832 du 12 juillet 2011 relatif à (...) la désignation des associations agréées, organismes ou fondations reconnues d'utilité publique au sein de certaines instances.
7
6
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11
[35]
Pourtant nombre d'acteurs plaident en faveur de cet élargissement de la gouvernance : « la performance globale de l'entreprise, c'est le bon sens retrouÎ. Son efficacité repose sur une évidence trop souvent oubliée : dans une communauté humaine, ici une communauté de travail, la réussite d'un projet dépend de l'engagement de tous (...). Négliger une des parties prenantes qui concourt au succès, c'est prendre le risque de dérégler le bon fonctionnement de l'ensemble. 10 » Plusieurs modalités d'association des parties prenantes peuvent être imaginées. L'un des groupes internationaux consultés a ainsi mis en place un panel de parties prenantes dont les membres ont été choisis pour leur haut niveau de connaissances et de compétences en matière de développement durable. La fonction de ce panel est de suggérer des améliorations, de formuler chaque année un avis sur la performance du groupe et sur sa responsabilité sociale. Les auditions ont cependant souligné que son bon fonctionnement suppose que les membres du panel soient eux-mêmes formés à la démarche RSE. Une autre voie pouvant être suivie consisterait à adosser au comité d'entreprise une instance ad hoc, par exemple une commission développement durable, ouverte aux parties prenantes. Pour d'autres, « le renforcement de la gouvernance à cinq, comme pour le Grenelle de l'environnement avec les parties prenantes que sont l'Etat, les organisations syndicales de salariés, le patronat, les associations, les collectivités territoriales correspond à une fabrication plurielle en phase avec le Bien commun. 11 »
[36]
[37]
[38]
1.5
[39]
Une illustration de la performance globale à travers la fonction achat
Les achats représentent en moyenne plus de 50 % du chiffre d'affaires des entreprises. A l'instar de l'accord national interentreprises du 11 janvier 2013 qui inclut notamment les paramètres de sous-traitance dans la base de données, l'essor des politiques d'achats et l'évolution organisationnelle du fonctionnement en « entreprises étendues » appellent d'autres approches novatrices par les partenaires sociaux. L'entreprise dite étendue est ainsi imbriquée dans un ensemble plus vaste d'entreprises dont résultent ses approvisionnements, ses ventes ou encore sa logistique. Cette interdépendance rend encore plus nécessaire la RSE car la performance globale des chaînes de valeur ne se résume pas à la somme des diverses composantes. Une mauvaise analyse des risques sur l'un des maillons de cette chaîne peut ainsi entraîner des conséquences très préjudiciables pour une entreprise12. Une entreprise ou groupe d'entreprises conduisant une politique RSE n'est pas à l'abri de controverses séÏres car « l'absence de dialogue social tout au long de la chaîne de valeur des entreprises multinationales qui s'engagent activement dans la RSE limite considérablement l'efficacité de cette dernière. 13 »
[40]
[41]
10
Centre des jeunes dirigeants (CJD) : « La performance globale des entreprises responsables. Pour une économie au service de l'homme et de la vie ». 2ème édition - 2012. 11 Contribution écrite de la CFTC février 2013. 12 Suite à l'explosion de l'usine AZF à Toulouse le 21 septembre 2001, la cour d'Appel de Toulouse, dans un arrêt du 24 septembre 2012 précise que c'est l'absence de maîtrise des modalités de la sous-traitance industrielle de gestion des rebuts de production qui a généré les conditions ayant rendu possible cette catastrophe. 13 Extrait du Rapport du BIT « Dialogue social », 102° session de la Conférence Internationale du Travail, 2013.
12
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[42]
L'enjeu consiste donc à aligner RSE et politique d'achats pour en faire un vecteur de la transformation du système productif (cf. proposition n° 6 du rapport). La mission a ainsi pris connaissance du texte de plusieurs accords montrant la voie14. Ces accords insistent tout particulièrement sur l'application des principes de la RSE à tous les employés, sous-traitants, fournisseurs, ceux-ci devant au minimum s'engager à « respecter les lois et règlements, ainsi que les droits humains tels que les expriment les conventions et normes internationales ». Certaines multinationales vont jusqu'à demander à tous leurs fournisseurs de signer une charte sociale et concourent à l'alimentation d'une base d'informations partagées15 en lui communiquant ses audits fournisseurs : tout fournisseur déréférencé chez un concurrent le devient est chez l'autre.
[43]
2
[44]
LA RSE
DOIT POUVOIR CONSTITUER UN ELEMENT CENTRAL DU
DIALOGUE SOCIAL Comme indiqué précédemment, le dialogue social se limite le plus souvent aux thématiques devant faire l'objet de négociations obligatoires ou facultatives. Ceci explique peutêtre pourquoi les désaccords en milieu de travail se règlent plus souvent par le conflit que par la négociation. « La régulation sociale en France est un sujet d'étonnement hors de France. La question sociale (...) débouche périodiquement sur des conflits majeurs, tandis qu'employeurs, syndicats et gouvernement ont beaucoup de mal à négocier des compromis au quotidien.16 » De ce point de vue, la RSE est une opportunité à saisir pour réussir la modernisation des relations sociales en France (cf. proposition n° 2 du rapport).
[45]
[46]
2.1
[47]
Grâce à la RSE, une mise en problématiques gérées séparément
cohérence
entre
des
Selon l'une des organisations syndicales rencontrées, « Pour inviter les organisations à plus de dialogue dans la logique de RSE, il faut en faire un objet de dialogue social. L'élargissement de ce dialogue social vaut pour les sujets abordés comme pour les acteurs de ce dialogue (...).17 » Les termes de l'enjeu sont ainsi clairement posés. La RSE aborde des champs très diversifiés, le dialogue et la concertation ne devant exclure aucun de ces champs, ni se cantonner aux aspects ne concernant que les salariés. Elle doit en outre pouvoir s'appuyer sur des données de moyen et long terme. Il s'agit ainsi de dépasser une définition trop restreinte de l'épithète « social ». Le terme recouvre plusieurs sens, ce qui rend ambiguë la notion de responsabilité sociale. Comme préconisé par des personnalités qualifiées18, la mission qui a rendu le rapport a considéré qu'il fallait l'interpréter au sens anglo-saxon du terme, dans lequel « social » inclut cumulativement le « social » français - comprenant les aides sociales ou encore le champ social des relations du travail - et le vocable « sociétal » qui englobe toutes les dimensions liées au développement durable.
[48]
[49]
14 15
GDF-Suez, Lafarge, Rhodia-Solvay, Danone. Telle que la base internationale Sedex, organisation sans but lucratif visant à promouvoir les améliorations responsables et éthiques au niveau des pratiques en vigueur dans les chaînes d'approvisionnement. http://www.sedexglobal.com/fr/ 16 Henri Rouilleault : « Où va la démocratie sociale ? » Editions de l'Atelier, 2010. 17 Extrait de la contribution écrite remise par la CFDT (février 2013). 18 Voir notamment l'ouvrage de Michel Capron, Françoise Quaire-Lanoizelée « La responsabilité sociale d'entreprise », éditions la Découverte.
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13
[50]
Pour souhaitable qu'il soit, l'élargissement du social aux questions sociétales et environnementales entraîne inéluctablement un élargissement du champ des interlocuteurs concernés : acteurs internes mais aussi externes de l'entreprise. Une telle globalité peut dans un premier temps, faire hésiter. C'est pourquoi il semble préférable de procéder par étapes, en considérant que « la RSE n'est pas un substitut au dialogue social, mais elle participe de son évolution (...), conduisant à le transformer en un dialogue non pas uniquement centré autour de l'entreprise mais également tourné vers son environnement au sens large du terme. La RSE et le développement durable doivent être intégrés dans le champ du dialogue social. 19 » Pour faciliter ce cheminement qu'il convient de négocier entre partenaires sociaux, il est suggéré de se référer à une image fruitière. Dans une première approche, le dialogue peut aborder le noyau central de la RSE constitué des sujets sociaux relatifs aux relations de travail au plan local et national. L'extension vers la chair du fruit peut ensuite passer par le traitement de la chaîne d'approvisionnement, sans occulter les questions liées aux droits de l'homme, le respect des conventions internationales de l'OIT, l'extension de la protection sociale, la gestion responsable des ressources naturelles. L'enveloppe du fruit est constituée d'éléments tels que l'organisation du processus, de l'écoute et de l'ouverture au dialogue.
[51]
[52]
2.2
[53] [54]
Le dialogue social sur la RSE peut être structuré selon plusieurs logiques et niveaux
En France, un double constat s'impose : la RSE est à ce jour essentiellement une affaire de grandes entreprises ; si au sein des entreprises la RSE fait l'objet de concertation, parfois de négociations, en revanche elle n'est guère abordée au niveau des branches.
Or la RSE doit pouvoir être le levier dont les PME s'emparent pour leur développement harmonieux au sein des territoires où se situent leurs intérêts économiques et sociaux. Soulignant que la part prépondérante du tissu économique est le fait de PME et d'artisans, les représentants concernés soulignent que le développement durable nécessite que les branches professionnelles s'y impliquent20. Il apparaît que les branches ont en effet un rôle important à jouer. Tel est l'enseignement qui peut être tiré de deux exemples précis : Premier exemple, celui de la branche propreté qui a fait de la RSE un instrument stratégique à la portée de toutes les entreprises du secteur, quelle que soit leur taille : en incluant un accompagnement, des outils en ligne, une approche globale favorisée par le dialogue social de branche ; Second exemple : le secteur de l'agro-alimentaire dans la région Aquitaine où le réseau Coop de France propose des démarches collectives et accompagnées d'élaboration de diagnostics et d'élaboration de plans d'actions.
[55]
[56]
En demandant de rester prudent sur les dispositifs ayant surtout pour effet de mobiliser des consultants, des spécialistes, et de ce fait ont pour effet aussi d'exclure les entreprises petites ou moyennes, c'est la nécessité de dispositifs sectoriels et de mutualisation qui a été soulignée au cours des auditions. Comme le souligne le rapport (cf. proposition n°5), il s'agit de proposer aux PME des outils adaptés tels que des supports d'autodiagnostics, des outils d'accompagnement, des programmes de formation, des bases de données incluant les bonnes pratiques etc.
19 20
Extrait de la contribution écrite adressée par la CFE-CGC (mars 2013). Pour l'Union professionnelle artisanale (UPA), « Il faut favoriser l'approche sectorielle ».
14
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[57]
Il paraît également opportun de revisiter la panoplie des informations que les grands groupes doivent fournir dans leurs rapports RSE21 afin de les adapter aux spécificités des PME22. Cette question interpelle le dialogue social de branche. Or il y a cependant lieu de considérer à ce stade que la négociation collective sectorielle en France est extrêmement dispersée, ce qui peut compromettre la dynamique décrite ci-dessus. Plusieurs rapports23 et colloques ont, ces dernières années, souleÎ le problème du regroupement des branches professionnelles (dont le nombre approche 60024), comme cela a pu s'effectuer pour les Organismes professionnels collecteurs agréés (OPCA). Une telle réforme, qui peut s'effectuer par la négociation25 paraît en effet hautement souhaitable.
[58]
[59]
2.3
[60] [61]
Une articulation entre les négociations obligatoires au niveau des entreprises et des groupes rendue possible grâce à la RSE
De manière générale, la présentation des bilans sociaux d'entreprise ou des plans de formation devant les comités d'entreprise ne donne lieu qu'à peu de débats. Par ailleurs la législation contraint les partenaires sociaux à négocier sur de nombreuses thématiques comme les salaires, l'organisation du travail, l'égalité hommes-femmes ou encore l'insertion professionnelle. Mais chacune de ces négociations a son cadre, sa propre dynamique et son propre mode de gestion. Ainsi, la conduite du dialogue social s'appuie sur des règles établies par les lois et stipulations conventionnelles alors que la RSE est d'origine unilatérale (volonté de la direction générale), ce qui comporte donc des aléas. L'enjeu devient clair : réussir l'articulation entre la structuration robuste du dialogue social et son élargissement à la RSE ou encore ouvrir le champ du dialogue social à des champs nouveaux comme le sociétal et l'environnemental et saisir l'occasion de renouveler les champs sociaux plus classiques. La RSE ouvre de fait la voie à une autre logique dans laquelle peuvent s'inscrire les représentants des salariés dans le cadre d'un dialogue constructif avec la direction de l'entreprise. En effet : en favorisant une dynamique pluriannuelle, la démarche RSE, sans devenir un objet de négociation supplémentaire, peut s'intégrer dans l'ensemble des négociations ; le mode d'approche RSE permet de prendre le contrepied de la pratique habituellement statique en matière de bilan social, en attendant que rapport RSE et bilan social soient éventuellement fusionnés ; la RSE permet de mieux articuler certaines thématiques proches comme la gestion prévisionnelle des emplois et compétences et le plan de formation.
[62]
[63]
[64]
21
Cf décret n° 2012-557 du 24 avril 2012 relatif aux obligations de transparence des entreprises en matière sociale et environnementale. 22 Le MEDEF insiste ainsi sur « l'importance de tenir compte des spécificités de chaque entreprise, et en fait, de chaque secteur d'activité (...) et cela pour prévenir le risque de confusion entre l'outil et la finalité. L'enjeu de la RSE est de redonner du sens. » 23 Cf « Rapport sur la négociation collective et les branches professionnelles » qui dénombre 371 branches nationales et 581 branches territoriales. 2009, M. JF Poisson, député. 24 Hors branches agricoles. Source : Direction générale du travail. 25 En l'absence de toute définition des branches professionnelles dans le code du travail, il n'y a aucun obstacle juridique à une restructuration négociée de leur périmètre respectif, pour être plus à même de garantir l'égalité de traitement en termes d'effectivité du droit à la négociation collective.
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15
[65]
Certains accords RSE préconisent cette logique transversale. L'un d'entre eux26 prévoit ainsi une méthode pour étudier la situation respective des hommes et des femmes dans l'entreprise, une analyse des effets de la formation sur les évolutions professionnelles et sur les qualifications dans la société, une ouverture des sources de recrutement pour favoriser la diversité et des formations pour lutter contre les stéréotypes dans le but de favoriser l'égalité des chances. Il en résulte que l'appropriation par les salariés de comportements socialement et écologiquement plus responsables ne pourra qu'être favorisée par une méthode RSE qui, misant sur la responsabilité collective, n'ignorera pas l'implication individuelle des salariés comme celle des cadres dirigeants. Comme on le voit, cela suppose aussi une certaine évolution dans l'approche que les organisations syndicales peuvent avoir du dialogue social. Si leur légitimité est incontestable pour les relations au travail, le partage de l'approche avec les associations environnementales sur les sujets plus sociétaux est nécessaire, ce que reconnaissent plusieurs organisations syndicales. Parallèlement, en élargissant leur champ d'intervention, les organisations syndicales ont l'opportunité de consolider leur légitimité d'autant que du fait de leur structuration, elles sont à même d'aborder des débats « sociaux, environnementaux et sociétaux dans le cadre de négociations d'entreprise et de divers rapprochements avec les parties prenantes. Les syndicalistes sont en effet à la fois salariés, riverains, consommateurs, acteurs politiques, spécialistes de la négociation.27 » Elles vont d'ailleurs jusqu'à faire le lien entre RSE et investissements socialement responsables (cf. proposition n° 14 du rapport) : le CIES (Comité intersyndical pour l'épargne salariale) décerne ainsi un label à 15 gammes de fonds d'épargne salariale. Ces éléments ne peuvent également que contribuer à la cohérence du discours syndical, parfois divergent sur la RSE entre les échelons confédéraux, les fédérations professionnelles, les unions territoriales et les syndicats ou sections syndicales d'entreprises.
[66]
[67]
[68]
[69]
[70]
3
[71]
UNE
OPTIMISATION POSSIBLE DE LA
RSE
EN INVESTISSANT LES
ENJEUX DU TRAVAIL La RSE, enjeu d'un dialogue social élargi, offre l'opportunité d'investir plus complètement les sujets liés aux conditions de travail elles-mêmes. Comme le souligne l'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail (ANACT) : « La RSE a, de notre point de vue, manqué son rendez-vous avec la thématique du travail (...) » Ainsi la RSE incite-t-elle à intégrer la problématique des conditions de travail ainsi que celle du bien-être au travail, comme le souligne un rapport remis sur cette question en 201028. Plusieurs dispositifs permettent de traiter ces questions.
[72]
3.1
[73]
La négociation interprofessionnelle d'un accord-cadre national sur la qualité de vie au travail via la RSE
La RSE consistant à mettre en place les principes du développement durable, elle doit nécessairement prendre en compte l'ensemble du capital humain et de son implication dans les processus de production. Ceci suppose des conditions de travail de qualité que la négociation interprofessionnelle lancée en septembre 2012 tend à promouvoir.
Convention entre le groupe Danone et l'UITA. Marc Morin, professeur de gestion des ressources humaines. Entreprises et carrières, avril 2013. 28 Rapport « Bien être et efficacité au travail » d'Henri LACKMANN, Christian LAROSE et Muriel PENICAUD.
27
26
16
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[74]
Pour préparer cette négociation, l'ANACT a produit un document dans lequel elle définit la qualité de vie au travail comme l'ensemble des dispositions permettant de concilier les modalités de l'amélioration des conditions de travail et la performance collective de l'entreprise. Cette agence ajoute que la qualité de vie au travail « est un des éléments constitutifs d'une responsabilité sociale d'entreprise assumée. » De nombreux sujets sont à traiter dans ce cadre, depuis les risques psycho-sociaux jusqu'aux problèmes de harcèlements en passant par le mal-être au travail. La réussite de cette négociation importante sera garantie dès lors que chacun s'accordera à reconnaître la synergie entre amélioration de la qualité au travail, croissance et productivité de l'entreprise.
[75] [76]
3.2
[77] [78]
L'inclusion de l'organisation du travail dans le dialogue social
Une fois qu'un accord-cadre national aura été signé, il s'agira de le transposer et d'inclure l'organisation du travail dans le dialogue social de branches et dans les entreprises. Mais pour que cette déclinaison puisse s'effectuer dans de bonnes conditions, à côté de l'implication de la direction générale, la participation des salariés est essentielle. Plusieurs exemples montrent que cette stratégie participative s'aÏre gagnante : l'accord-cadre Rhodia-Solvay souligne que la RSE « suppose une large implication des salariés (...), un dialogue social riche et équilibré entre le management d'une part et les représentants des salariés d'autre part fait partie des valeurs et de l'identité de Rhodia » ; dans un vignoble du Bordelais29, la stratégie « Vignoble responsable » s'est appuyée sur une remise à plat de toutes les procédures en concertation étroite avec l'ensemble des collaborateurs du vignoble.
3.3
[79]
Les enjeux posés par la RSE sont l'occasion de revisiter la formation professionnelle continue (FPC)
La loi fondatrice du 16 juillet 1971 avait fait de la formation professionnelle une obligation nationale en posant un double objectif : permettre l'adaptation des personnes aux changements de techniques et des conditions de travail ; favoriser la promotion sociale.
[80]
Les entreprises participent financièrement à la formation professionnelle, cette contribution s'étant éleÎe à 31,5 milliards d'euros en 2010, soit 41 % de la dépense totale. Face aux difficultés économiques actuelles, cet effort doit devenir un Îritable levier de performance, pour elles-mêmes, pour l'employabilité des personnels et pour l'économie du pays. Mais la formation professionnelle est la cible de plusieurs critiques : les travailleurs diplômés en seraient les principaux bénéficiaires alors que celle-ci devrait être principalement ciblée vers les demandeurs d'emploi, les jeunes sans qualification ou les salariés les moins qualifiés30 ; les décisions de formation contribueraient rarement à donner aux salariés des compétences susceptibles d'être valorisées sur le marché du travail.
[81]
[82]
Or la majorité des études empiriques confirment un lien entre investissement en formation générale, socle d'une Îritable sécurisation des parcours professionnels, et stabilité dans l'emploi.
29 30
Larose Trintaudon. Selon un sondage IFOP publié dans la revue Acteurs publics le 2 mai 2013, les trois quarts des personnes interrogées estiment que l'argent public consacré à la formation professionnelle est inefficace et n'est pas ciblée sur les bons publics.
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17
[83]
Si l'on considère que l'employabilité des salariés constitue l'un des facteurs de succès de la RSE, celle-ci devrait être inscrite dans un cadre négocié assorti d'indicateurs tangibles et mesurables Trois enjeux majeurs sont dès lors à prendre en compte par les partenaires sociaux : orienter, voire réorienter l'appareil de formation continue vers les compétences professionnelles relevant du développement durable, qu'il s'agisse des métiers en cours d'évolution ou de nouveaux métiers ; former l'encadrement aux indicateurs RSE ainsi que les salariés et leurs représentants ; faire de la formation un thème de négociation dans l'entreprise, les salariés devenant parties prenantes de la construction de leur avenir professionnel. Concrètement, pour chaque strate, cela se traduirait de la manière suivante. Pour ce qui concerne l'entreprise tout d'abord, celle-ci ne constitue pas à proprement parler un niveau de négociation sur la formation professionnelle. Mais comme le montrent certains accords collectifs novateurs, les partenaires sociaux dans les entreprises peuvent tout à fait redynamiser, via la grille d'analyse RSE, le sens et l'évaluation des résultats obtenus par la formation continue. A une plus grande échelle, le développement de productions et d'un mode de consommation plus respectueux de l'environnement a une incidence sur la nature des emplois qui se perçoit nettement au niveau des branches professionnelles. Ce doit être l'occasion pour elles de mobiliser les moyens juridiques et financiers dont elles disposent au profit d'une stratégie RSE globale du secteur, notamment en matière de formation. C'est par exemple à ce niveau que pourrait s'organiser la formation des salariés et de leurs représentants aux indicateurs RSE. C'est enfin au niveau interprofessionnel qu'il paraît souhaitable de traiter la question du caractère inégalitaire de la formation continue. Suite à la conférence sociale de juin 2012, les partenaires sociaux ont justement été invités à engager une négociation relative à la formation professionnelle pour que celle-ci contribue réellement à la sécurisation des parcours professionnels et pour qu'elle puisse renforcer son rôle dans la compétitivité de l'économie. Quelques orientations peuvent être suggérées à cette fin : investir les domaines de l'innovation et de la recherche ; rééquilibrer l'effort de formation en direction des agents les moins qualifiés ; couvrir les risques de perte d'emploi en favorisant les accès aux formations qualifiantes tournées vers les emplois de demain. Certes, il est à ce stade, plus rationnel (dans un objectif de productivité) pour une entreprise (qui finance fortement) de privilégier une formation d'adaptation au poste de travail. Mais cette stratégie est contre-productive au plan macro-économique, dans la mesure où ce sont les formations plus générales qui favorisent l'employabilité externe des salariés en cas de nécessité.
[84]
[85] [86]
[87]
[88]
[89]
[90] [91]
Or le faible accès des employés les moins qualifiés à la formation représente un coût éleÎ pour l'assurance-chômage. Dès lors, la RSE étant, par essence même, une démarche de rapprochement des thématiques et de transversalité, pourquoi ne pas articuler deux négociations nationales : celle sur la formation professionnelle avec celle qui est menée sur l'assurance-chômage ? Des entreprises prennent d'ores et déjà en compte le développement humain à travers leur démarche RSE et cela représente un effort pour elles. Pour les autres, afin de préserver le devenir des salariés qui doivent les quitter, l'introduction d'un système de bonus-malus à l'assurance-chômage pourrait être imaginée.
[92]
18
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4
[93]
LA DIMENSION INTERNATIONALE DE
PAR LE DIALOGUE SOCIAL
LA
RSE PEUT ETRE NOURRIE
La mondialisation atteint un tel seuil que la dimension internationale de la RSE ne peut être occultée. Quelques 50 000 multinationales emploient avec leurs 450 000 filiales plus de 200 millions de salariés et « jouent un rôle capital dans les flux d'investissements directs étrangers à destination des pays en développement ainsi que dans le changement de configuration de la production et donc de l'emploi. »31 Des instruments normatifs internationaux existent, tels que ceux adoptés par l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) ou par l'Organisation internationale du travail (OIT)32 pour tenter de répondre aux effets de cette croissance des entreprises internationales, De son côté, la France s'efforce de privilégier une définition de la RSE ambitieuse qui ne se limite pas à une application plus ou moins flexible des droits humains et des conventions de l'OIT. Il s'agit par conséquent de tendre progressivement à une extension mondiale des principes de la RSE via la signature d'accords-cadre internationaux. Mais pour qu'ils acquièrent une réelle portée, ces accords doivent s'articuler avec des conventions internationales, notamment celles adoptées par l'OIT.
[94]
[95]
[96]
4.1
[97]
Une meilleure prise en compte des droits de l'homme et des conventions de l'OIT dans les accords-cadre internationaux
L'existence d'accords-cadre internationaux (ACI) est liée à la nécessaire dimension internationale de la RSE des groupes opérant à cette échelle. Certaines entreprises françaises sont pionnières en la matière (cf. proposition n° 19 du rapport). Mais les marges de progrès demeurent importantes puisque les statistiques du BIT indiquent que seulement huit millions de salariés sont couverts par un ACI. De leur côté, les organisations syndicales se montrent favorables à un développement des ACI, notamment parce qu'ils concernent non seulement les salariés de la maison-mère mais aussi ceux des filiales, en particulier de celles implantées dans les pays du Sud. Ces accords constituent néanmoins pour elles un défi car leur culture et leur activité restent avant tout ancrées dans des cadres nationaux. L'approche internationale les amène, chaque fois que possible, à coopérer avec les syndicats d'autres pays, pour qu'a minima, les ACI reconnaissent les droits fondamentaux des salariés là où le droit du travail est peu développé. Dans la mesure où l'entreprise signataire devra appliquer les clauses de l'ACI partout dans le monde, une option consiste à privilégier de signer l'accord avec un syndicat de stature internationale33, plutôt que de multiplier les syndicats nationaux. Mais l'objectif global de diversification et d'enrichissement du contenu des ACI ne doit bien entendu par être perdu de vue. La fédération internationale des organisations de travailleurs de la métallurgie mentionne ainsi plusieurs thèmes de négociations possibles parmi d'autres : le progrès social ;
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31 32
Extrait du rapport BIT op.cit. La Déclaration de principes tripartites sur les entreprises multinationales et la politique sociale adoptée en 1977 pour promouvoir des principes d'action favorables au développement durable, est le seul instrument de l'OIT qui s'applique non seulement aux États, aux organisations d'employeurs et de travailleurs mais aussi aux entreprises. 33 L'accord mondial signé par Rhodia en 2005 l'a été avec la fédération internationale des syndicats de travailleurs de la chimie. Cette fédération est désormais elle-même regroupée dans un ensemble plus vase : IndustriALL.
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le respect de l'environnement ; le respect des normes de l'OIT ; une rémunération et des conditions de travail correctes.
En sus de ces thématiques, les ACI peuvent aussi être des facteurs d'extension des dispositifs de protection sociale à l'échelle mondiale. Ceci revient en somme à tenter d'ajuster la portée du dialogue social à la réalité internationale des échanges économiques. L'OIT donne la définition suivante du dialogue social : « Le dialogue social désigne la participation des travailleurs, des employeurs et des gouvernements aux décisions relatives à l'emploi et à toute question afférente au lieu de travail. (...) Le dialogue social est à la fois un moyen de réaliser des progrès sociaux et économiques et un objectif en soi puisqu'il donne à la population l'occasion de se faire entendre et d'exercer une influence sur la société et le lieu de travail. »34 À noter que pour l'OIT, le dialogue social reÐt une plus grande importance encore en période de crise économique. Le dialogue social est inscrit dans presque toutes les conventions et recommandations de l'OIT. Il est également inscrit dans son Agenda du « travail décent », fondé sur l'idée selon laquelle le travail est source de dignité personnelle, de stabilité familiale, de paix dans la communauté, de démocratie et de croissance économique. En tout état de cause, il importe que les ACI soient un vecteur de diffusion et d'application des conventions internationales de l'OIT et que soient visées sans exception ses huit conventions fondamentales, ce qui n'est pas toujours le cas. Même si elles ne s'imposent pas à elles, les entreprises peuvent aussi de leur côté, directement s'inspirer des traités internationaux relatifs aux droits de l'homme tels que : les « Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l'homme » adoptés par l'Organisation des Nations Unies en juin 2011 ; les « Principes directeurs de l'OCDE à l'intention des entreprises multinationales qui contiennent depuis 2011 un chapitre dédié aux droits de l'homme. Les litiges relatifs à la mise en oeuvre de ces principes sont traités par les Points de contacts nationaux (PCN) tels que prévus par l'Organisation.
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Pour toutes ces questions, la négociation des ACI peut aussi s'appuyer, de façon coordonnée avec les organisations syndicales, sur les connaissances des organisations non gouvernementales qui soulèvent souvent des questions neuves ou peu abordées. Il reste que la question de la portée effective des ACI demeure pendante. « Dans la mesure où les Accords-cadres internationaux n'obéissent pas à des règles de droit nationales ou internationales, se pose la question de leur opposabilité aux différentes parties intéressées par les accords. »35 Pour en assurer une bonne application, il est nécessaire d'organiser en amont la diffusion des informations : Informations, d'abord pour s'assurer d'une large connaissance des engagements souscrits sur tout le périmètre international couvert, en mobilisant tous les moyens disponibles, notamment internet : l'idéal étant, à la diligence des négociateurs, d'inscrire les modalités de cette diffusion dans l'accord lui-même ;
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Extrait du rapport BIT op.cit. Répertoire sur les pratiques des entreprises en matière de négociation des accords-cadre internationaux. Observatoire de la RSE (ORSE), décembre 2006.
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Informations, ensuite, concernant le suivi des engagements contractés, ce qui nécessite de convenir des moyens et des modalités tant de collecte et de partage des informations, que du suivi paritaire de la mise en oeuvre de l'accord.
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Les dispositifs partagés de suivi peuvent prendre la forme, optimale, d'une commission paritaire de suivi, mais il a été constaté qu'il en va plutôt rarement ainsi dans les ACI consultés. Toutefois l'accord-cadre mondial Rhodia précité montre bien cette voie en instituant un « Global Safety Panel » ayant « pour mission de suivre la situation de sécurité au sein du Groupe. » (... Il) « élargira progressivement ses interventions aux domaines de l'hygiène et de l'environnement ». Cette instance est illustrative d'une stratégie partagée entre les parties pour s'assurer d'une couverture universelle36, à compétence mondiale. « La réunion annuelle est tenue sur un site du groupe choisi par les parties. Le Global Safety Panel réalise à cette occasion une visite du site pour Îrifier les conditions de sécurité et de travail ainsi que le bon respect des politiques du groupe en ces domaines ». La mission a noté que cette visite comporte une rencontre bilatérale entre les syndicats locaux et la délégation syndicale internationale. Au total, l'ensemble des lieux d'implantation du groupe dans le monde a ainsi vocation à faire l'objet d'une visite de la commission et de rencontres entre les syndicats locaux et la délégation syndicale internationale de la commission.
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4.2
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La négociation internationale sur la RSE est à articuler avec les accords multilatéraux par pays
Aux côtés des conventions internationales, il peut être établi des accords multilatéraux dont les signataires ne sont pas seulement les États. Un exemple en est donné par le programme Better work, fruit d'un partenariat original entre le Bureau international du travail et des financeurs internationaux. Ce programme a pour double objectif de mieux faire respecter les principes et droits fondamentaux du travail, la législation nationale du travail dans les chaînes d'approvisionnement du textile et du Ðtement, et d'accroître la compétitivité de ce secteur dans les pays en développement. La traduction de ce programme s'effectue par accord entre un État, des organisations professionnelles nationales, un ensemble d'entreprises et des organisations syndicales de salariés avec constitution d'un comité tripartite. Ce programme est opérationnel dans sept pays (Cambodge, Haïti, Indonésie, Jordanie, Lesotho, Nicaragua, Vietnam). Il couvre 800 usines, 900 000 travailleurs et concerne 70 donneurs d'ordre internationaux. Better Work ne constitue donc pas un label mais un processus d'amélioration continue des actions de conformité aux normes du travail (application des huit conventions fondamentales de l'OIT). Les entreprises impliquées font l'objet de visites par des membres de l'OIT recrutés sur place et formés à cette fin. Des programmes de formation sont aussi prévus pour les employeurs et les syndicats. Il semble qu'aucune entreprise française ne figurait parmi les 70 donneurs d'ordre partenaires de ce programme international au moment où la mission rendait ses conclusions. Au-delà des éÏnements dramatiques qui se sont produits au Bangladesh au printemps 2013, les donneurs d'ordre français ont néanmoins plusieurs motifs pour s'engager dans ce programme : d'une part pour des questions d'image de marque. Les consommateurs sont de plus en plus sensibles à l'origine et aux conditions de fabrication des produits qu'ils acquièrent ;
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La composition en est paritaire : 3 représentants du groupe Rhodia nommés par la Direction Générale, 2 représentants de la structure centrale de l'ICEM et un représentant par zone géographique désigné par l'ICEM parmi les salariés Rhodia de la zone concernée, celles-ci étant respectivement l'Amérique du Nord, l'Amérique Latine, l'Europe et l'Asie.
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d'autre part parce qu'ils interviennent souvent pour le compte d'entreprises elles-mêmes engagées dans des démarches RSE.
La RSE prend ainsi tout son sens : une démarche globale, préventive, inscrite dans le long terme dont l'ensemble des parties prenantes tirent le sentiment qu'elles oeuvrent en commun en faveur du progrès tant pour l'homme que pour la planète.
Signé
Christian LENOIR
Signé
Jean-Paul LE DIVENAH
(ATTENTION: OPTION ées ? comment puis-je concilier la rentabilité de mon épargne avec un rôle social, une incitation à construire une finance et une économie plus vertueuse ? » (in, Investir « responsable », en quête de nouvelles valeurs pour la finance, éditions Lignes de repères, 2009). (32) Créés en 2003 à l'initiative de la Banque mondiale, les Principes de l'Équateur sont signés par de grandes banques internationales. Ils impliquent la prise en compte de critères sociaux, sociétaux et environnementaux dans les projets financés.
33
que les éléments de performance extra-financière servent la performance globale et la valeur durable des projets.
Proposition n° 17 : Orienter une part croissante de l'assurance vie, placement de long terme, vers les produits d'investissement responsable
problème constaté L'assurance vie, qui reste le placement préféré des Français, n'est pas assez investie dans les produits d'investissement responsable. Cette situation est d'autant plus paradoxale que, s'agissant de placements dont la maturité, supérieure en moyenne à neuf ans, est plutôt longue, la durabilité des valeurs dans lesquelles le gestionnaire investit apparaît indispensable. Jouant en France un Îritable « rôle sociétal », l'assurance vie est en mesure d'aligner ses pratiques sur la perception protectrice qu'en ont les épargnants. conviction de la mission La mission estime que l'assurance vie peut être encore plus orientée vers l'investissement responsable qu'elle ne l'est actuellement. Cette mobilisation de l'assurance vie apparaît d'autant plus souhaitable que dans le contexte de consolidation des finances publiques, cette forme d'épargne a conserÎ une fiscalité particulière, que certains économistes jugent d'ailleurs « préférentielle » ou « dérogatoire ». modalités de transformation des pratiques Il serait justifié de conditionner progressivement le maintien d'un régime fiscal particulier pour l'assurance vie à une orientation ISR d'une partie des investissements. Schématiquement, le produit généré par les assurances vie est taxé aujourd'hui à 7,5 % au titre de l'impôt sur le revenu pour les contrats de plus de huit ans, auxquels s'ajoutent 15,5 % de prélèvements sociaux annuels. Actuellement, ce régime fiscal n'est pas subordonné à une orientation « responsable » des placements gérés par les assureurs vie. Compte-tenu de la durée moyenne de détention des contrats d'assurance vie (supérieure à dix ans) et du poids de l'assurance vie dans le patrimoine des ménages français, le maintien du régime fiscal existant pourrait être conditionné au respect d'engagements en matière d'investissement responsable. La mission n'a pas souhaité définir a priori un quantum d'enveloppe ISR « idéale », mais elle considère qu'un quantum d'au moins 30 %, contrôlé par l'AMF, serait une base raisonnable pour des discussions de place. Elle considère cependant qu'il serait efficace qu'une partie de l'investissement responsable prenne la forme d'investissement dans des structures de capital-investissement elles-mêmes engagées.
34
4. VALORISER L'AMBITION, L'AVANCE ET LE SAVOIR-FAIRE FRANÇAIS À L'INTERNATIONAL
Proposition n° 18 : Soutenir activement l'actuelle initiative de directive communautaire sur la publication des informations extra-financières des entreprises
enjeux Un projet de directive rendant obligatoire la publication d'informations extra-financières pour les entreprises domiciliées en Europe sera prochainement soumis au Parlement et au Conseil de l'Union européenne. Cette directive, qui serait à transposer avant le 31 décembre 2014, serait applicable à toutes les entreprises, à l'exception de celles de moins de 500 salariés et qui ne dépassent pas 40 millions d'euros de chiffre d'affaires. Elle prévoit que les entreprises doivent publier une « déclaration non financière » contenant des informations, et le cas échéant des indicateurs, relatifs aux questions environnementales, sociales, sociétales, de respect des droits humains et de lutte contre la corruption. Dans ce cadre, les entreprises devraient également informer de la politique de diversité mise en oeuvre dans la gouvernance de l'entreprise. Il est prévu que les entreprises doivent se justifier lorsqu'elles ne présentent pas l'une des informations prescrites (logique dite « comply or explain »). conviction de la mission La France doit soutenir d'autant plus activement cette initiative qu'elle constitue un « test » pour la diffusion de la RSE chez nos partenaires européens. Les États signataires de la déclaration finale de la conférence Rio+20 ont reconnu « l'importance de la communication, par les entreprises, d'informations sur l'impact environnemental de leurs activités » en les encourageant, « en particulier s'agissant des entreprises cotées et des grandes entreprises, à étudier la possibilité d'insérer dans leurs rapports périodiques des informations sur la soutenabilité de leurs activités [...] » (paragraphe 47 de la déclaration finale). En référence à ce texte, l'Afrique du Sud, le Brésil, le Danemark et la France ont lancé l'initiative des « Amis du paragraphe 47 » en juin 2012 dans l'objectif de promouvoir le reporting intégré des entreprises. Ce projet de directive est en deçà du dispositif français, mais reste en ligne avec les engagements internationaux de la France sur ces sujets. modalités de transformation des pratiques La France doit poursuivre très activement son exercice de conviction diplomatique auprès de ses principaux partenaires. Les échanges que la mission a pu avoir au niveau européen montrent qu'il importe de veiller à convaincre, au plus haut niveau de l'exécutif, nos partenaires sur le bien-fondé même du projet, la taille des entreprises soumises à l'obligation de publication des informations extra-financières et le calendrier de mise en oeuvre. Pour que ce projet apporte une valeur ajoutée effective par rapport aux obligations d'informations déjà présentes dans les textes existants (par exemple les directives comptables), il convient que son application ne soit pas optionnelle pour les entreprises entrant dans son champ d'application, sans quoi la directive serait priÎe de tout effet.
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Proposition n° 19 : Généraliser et mieux mettre en valeur les démarches exemplaires des entreprises françaises en matière d'approvisionnement, d'exportation et d'implantation à l'international
enjeux Certaines entreprises françaises sont pionnières dans l'adoption de démarches de responsabilité globale. Plusieurs entreprises françaises ont été les premières à conclure des accords cadres internationaux sur la RSE avec leurs parties prenantes et syndicats à l'échelle mondiale. L'engagement approfondi sur les thématiques extra-financières, qui n'est pas encore il faut le reconnaître systématique, peut servir la qualité des formes d'intervention des entreprises françaises à l'étranger, comme importateur, opérateur, investisseur ou exportateur. Quand ils sont effectifs, le savoir-faire et l'avantage comparatif français dans l'intégration des dimensions financières et extra-financières des activités économiques ne sont pas suffisamment pris en compte ni mis en valeur sur les marchés étrangers les plus disputés. Par ailleurs, les entreprises françaises ne s'impliquent pas suffisamment, à ce jour, dans les enceintes de négociation multilatérales auxquelles elles sont parties prenantes (notamment la Global Reporting Initiative et International Integrated Reporting Council). conviction de la mission La mission estime que la diplomatie économique française pourrait beaucoup mieux tirer parti du modèle de performance globale dans lequel se sont engagées certaines entreprises françaises. Le fait qu'une entreprise française ait, dans son pays d'origine, à rendre compte formellement de l'ensemble de ses comportements extra-financiers à l'échelle mondiale, est une singularité trop peu mise en valeur auprès de nos clients ou partenaires potentiels. Les obligations de transparence auxquelles sont soumises les entreprises françaises tranchent parfois nettement avec les libertés comportementales que s'adjugent ou dont jouissent parfois certains concurrents des entreprises et groupes français. L'objectif doit être de susciter une émulation positive visant un nivellement par le haut de l'ensemble des comportements des entreprises, françaises comme étrangères. modalités de transformation des pratiques La mise en place d'une communication plus offensive sur le modèle de performance globale des entreprises françaises contribuerait à renforcer la compétitivité de la « Marque France » à l'international. La recherche de nouveaux débouchés à l'exportation, organisée par les acteurs de la diplomatie économique française sur des secteurs de forte exemplarité et sur les secteurs d'avenir33, doit s'inscrire dans le cadre de cette approche, d'ores et déjà promue par la direction générale de la Mondialisation du Quai d'Orsay. Cette promotion de la marque « France » mérite d'être appuyée, renforcée et diffusée. Dans leurs approvisionnements et expansions internationales, les entreprises françaises pourraient tirer profit d'une application plus systématique des Principes directeurs de l'OCDE à l'intention des entreprises multinationales. Ces principes, particulièrement lisibles, définissent des règles de comportement jugées, par les entreprises et parties prenantes rencontrées, très adaptées aux spécificités et contraintes qui entourent les interventions à l'international. Les « Points de contact nationaux » (PCN)34, qui sont pour les parties prenantes des instances de recours quand des violations des principes sont présumées, jouent un rôle opérationnel
(33) Notamment les secteurs de l'agroalimentaire, la santé, les éco-industries, les infrastructures... (34) Ces Points de contact nationaux (PCN) sont prévus par les Principes directeurs de l'OCDE.
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et doivent, notamment en ce qui concerne le PCN français, voir leur fonctionnement et leurs moyens renforcés.
Proposition n° 20 : Continuer à promouvoir, dans les enceintes et négociations internationales, les conceptions françaises en matière de responsabilité globale
enjeux Malgré d'importantes avancées, la RSE continue de faire l'objet d'une reconnaissance variable dans les discussions et négociations multilatérales. Au-delà de l'Union européenne, plusieurs organisations internationales, aux côtés desquelles la France a joué et continue de jouer un rôle actif35, cherchent à diffuser des normes ou référentiels d'exemplarité en matière sociale, sociétale et environnementale, principalement à destination des entreprises. C'est naturellement le cas des Nations unies, qui ont adopté à l'unanimité en juin 2011 des Principes directeurs pour les droits de l'homme et les entreprises. Sont également très actifs le Conseil de l'Europe, l'Organisation internationale de la francophonie, l'OCDE, l'Organisation internationale du travail (très innovante avec le programme Better Work36) ainsi que l'Organisation mondiale du commerce et l'Organisation de normalisation internationale - qui a adopté la norme de référence ISO 26 000 sur la RSE. Les normes édictées et les initiatives prises par ces organisations internationales font toujours l'objet d'un intérêt contrasté selon les pays et les entreprises. Surtout, ces initiatives et normes n'ont pas toujours une portée contraignante pour les opérateurs économiques, ce qui en affaiblit parfois la portée de façon regrettable. conviction de la mission La France et son réseau diplomatique disposent d'une vraie crédibilité pour poursuivre leur effort de conviction et leur travail d'impulsion internationale sur les sujets de responsabilité extra-financière des entreprises. Dans une économie globale, il importe de contribuer tout particulièrement, dans les discussions multilatérales, à la diffusion la plus large des normes considérées en France et en Europe comme des normes minimales d'exemplarité et des normes de progrès, de performance durable et de loyauté commerciale. modalités de transformation des pratiques Pour garantir des pratiques commerciales conformes aux meilleurs standards internationaux et une concurrence loyale, il est urgent de renforcer le poids des exigences sociales et environnementales dans les accords commerciaux internationaux. Ce renforcement doit concerner les négociations à venir, conduites au plan bilatéral ou multilatéral (notamment dans le cadre de l'OMC), mais aussi les accords existants. À cet égard, il convient de s'assurer que les pays bénéficiant du système des préférences commerciales européennes droits de douane plus faibles pour accéder au marché européen respectent bien des normes et standards satisfaisants en matière sociale et environnementale.
(35) Cet activisme, reconnu au plan international y compris par certains partenaires moins volontaires sur le sujet, a été notamment favorisé par l'existence, en France, d'un ambassadeur chargé de la RSE. (36) Initiative entre l'OIT et des entreprises donneuses d'ordre de la filière textile et confection qui vise à mieux faire respecter les principes et droits fondamentaux au travail et accroître la compétitivité de ces secteurs dans les pays en développement.
37
À Paris, le 11 juin 2013
lydia brovelli Membre honoraire du Conseil économique, social et environnemental
Xavier Drago Directeur développement durable d'Air Liquide
éric molinié Président du Samu social de Paris Ancien Président de la Halde
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ANNEXES
ANNEXE N° 1 LETTRE DE MISSION
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ANNEXE N° 2 LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES ET ORIGINE DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES
1. entreprises priÎes / entreprises et établissements publics
· AÉROPORTS DE PARIS - Didier HAMON · ALCATEL-LUCENT - Alain VIALLIX · ANIA (Association nationale des industries agroalimentaires) - Carole FONTA - Morgan OYAUX · AP-HP (Assistance publique Hôpitaux de Paris) - Christian POIMBOEUF · BANQUE DE FRANCE - Judith L'HORSET · BOSCH France - Guy MAUGIS (et CCI Franco Allemande) · C DISCOUNT - Arnaud VIALARD · CASINO - Mathieu RICHE · CHâTEAU LAROSE TRINTAUDON (groupe ALLIANZ) - Brice AMOUROUX · COOP DE FRANCE - Olivier DE CARNÉ - Jacques WEIL · DANONE - Marguerite MOLLEUX - Muriel PÉNICAUD · EDF - Claude NAHON - Catherine DELPIROU · ESSILOR INTERNATIONAL - Claude DARNAULT · FEP (Fédération des entreprises de Propreté) - Philippe JOUANNY · FIVES - Michel DANCETTE - Estelle FONTENAY · FRANCE TÉLÉVISION - Sophie DELORME · GENERALI - François GARREAU · GDF-SUEZ - Françoise GUICHARD - Jacques SPELKENS · GROUPE LA POSTE - Jean Paul BAILLY - Christine BARGAIN · IFP ÉNERGIES NOUVELLES - Valérie HERSCHLIKOVITZ
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· LA FRANÇAISE DES JEUX - Christine SCHMITTE · LABEL RS RELATION CLIENT - Éric LESTANGUET · LAFARGE - Philippe JACQUESSON - Kareen RISPAL · LES VIGNERONS DE TUTIAC - Éric HENAU · MICHELIN - Bénédicte PERONNIN · RELATION CLIENT - Michel GUIDO · PMU - Mylène COLLIN - Benoit CORNU - Judicaël LEFEBURE
· PôLE EMPLOI - Dominique VERNAUDON-PRAT · RFF (Réseau Ferré de France) - Anne-Laure GENTY - Sophie JALABERT · RHODIA- SOLVAY - Jacques KHELIFF · SCHNEIDER Electric - Gilles VERMOT DESROCHES · Sté ADAM - Jean Claude RIN · TELEPERFORMANCE - Brigitte DAUBRY · THALES - Anne DE RAVARAN
2. partenaires sociauX
2.1. Organisations patronales · MEDEF - Noémie CHEVALIER - Robert DURDILLY · CGPME - Guillaume DE BODART - Florian MASSEUBE · UPA - Pierre BURBAN - Élodie CORIEU - Chantal PINEAU 2.2. Organisations salariales · CFDT - Olivier BERDUCOU - Jean-Paul BOUCHET - Marc FERRON - Frédéric FRITSCH - Christian GAMARRA - Manu LECOT - Aline LEVRON - François PELEGRINA - Patrick PIERRON - Patrice PONCEAU - Cyrille POUGHON - Christophe QUAREZ - Jean-François RENUCCI · CFE-CGC - Jean-Frédéric DREYFUS - Isabelle COUTURIER - Francine DIDIER - Éric VIDAL · CFTC - Bernard IBAL · CGT - Jean-François BOLZINGER - Pierre Yves CHANU - André CLUZEL - Loïc CORNEAUD - Pascal LAMBOLEZ - Éric MANANT - Sylvain MORENO - Dominique RAPHEL - Jean-Pierre SOTURA · CGT - FORCE OUVRIèRE - Yves GIQUEL - Laurent GROGNU - Pascal PAVAGEAU · IndustriALL - Kemal OZKAN
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3. ong et associations
· AMNESTY INTERNATIONAl - Sabine GAGNIER, · ATD QUART MONDE - Didier PONCEAU · CCFD-TERRE SOLIDAIRE - Antonio MANGANELLA · CLCV (Consommation, logement et cadre de vie) - Thierry SANIEZ · FIDH (Fédération internationale des droits de l'homme) - Elin WRZONCKI · FNE (France nature environnement) - Rita FAHD · FONDATION NICOLAS HULOT - Marion COHEN - Cécile OSTRIA - Cécile RENOUARD · FORUM CITOYEN POUR LA RSE - Michel CAPRON · MAX HAVELAAR FRANCE - Olivier CABRERA - André PEL · NOVETHIC - Dominique BLANC - Anne-Catherine HUSSON-TRAORÉ · SHERPA : - Pauline KIENLEN · UFC Que choisir ? - Cédric MUSSO · WWF - Jérôme DUPUIS
4. normalisation
· AFNOR - Anne-Eugénie GASPAR - Stéphane MATHIEU - Pierre MAZEAU
5. autres personnalités qualifiées
· Michel CAPRON, professeur émérite des universités · Michel DOUCIN, ambassadeur chargé de la RSE et la bioéthique · Henri LACHMANN, co-auteur du rapport « Bien être et efficacité au travail » · Christian LAROSE, co-auteur du rapport « Bien être et efficacité au travail » · Muriel PÉNICAUD, co-auteur du rapport « Bien être et efficacité au travail »
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6. organismes De notation eXtra-financière
· EIRIS - Thiphaine de BORNE - Johanna HARIRI - Nadia LAINE · MSCI ESG Research - Rémi BRIAND - Aurélie CAMBIER - Perrine DUTRONC · VIGEO - Émilie BERAL - Nicole NOTAT - Pierre-Yves LE TRADIC - Sophie THIERY
7. Îrificateurs
· DELOITTE - Éric DUGELAY · ERNST & YOUNG - Éric DUVAUD
8. opérateurs financiers
· AFIC / Eurazeo PME - Olivier MILLET - Yannick GRANDJEAN · 21 CENTRALE PARTNERS - Henry Huyghues DESPOINTES - Gérard PLUVINET · ACG CAPITAL / VIVERIS - Jean-François COURT · AFG - Laure DELAHOUSSE · ALTO INVESTMENT - Antoine VALDES · AMUNDI - Laurence LAPLANE - Pierre SCHERECK · ASTORG Partners - Xavier MORENO - Thibault SURER · AXA PRIVATE EQUITY - Candice BRENET · AZULIS Capital - Franck BOGET · CEREA - Michel CHABANEL · CIES (Comité intersyndical de l'épargne salariale) - Pierre Yves CHANU (CGT) - Jean CONAN (CFE- CGC) - Dominique DROUET (CFDT) · CITIZEN CAPITAL - Pierre-Olivier BARENNES - Laurence MÉHAIGNERIE · EFRAP (Établissement de retraite additionnelle de la fonction publique) - Philippe DESFOSSÉS · MBO Partenaires - Richard BROCHE · NATIXIS ASSET MANAGEMENT - Pascal VOISIN - Philippe ZAOUTI · ODDO & Cie - Jean-Philippe DESMARTIN · OMNES CAPITAL - Fabien PRÉVOST · QUALIUM Investissement Marc AUBERGER · UNIGRAINS : Jean-François LAURAIN · ECOFI Investissements - Annaïg ANTOINE - Bruno PELLAN · PWC - ADVISORY - Sylvain LAMBERT
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9. eXperts, observatoires, clubs De réfleXions, think tankS
· AFEP (Association française des entreprises priÎes) - Élisabeth GAMBERT - François SOULMAGON · C3D (Collège des directeurs du développement durable) - Jean-Louis JOURDAN - Hélène VALADE · CFIE (Centre français d'information sur les entreprises) - Martial COZETTE · CJD (Centre des jeunes dirigeants) - Gaëlle BRIèRE · DIALOGUES - Philippe BOURGALLÉ - Jean-Louis TARDIVAUD · EcoVadis - Pierre-François THALER - Sylvain GUYOTON · EPE (Association des entreprises françaises pour l'environnement) - Claire TUTENUIT · IEP (Institut d'études politiques de Paris) - Daniel HURSTEL · Institut RSE - Patrick d'HUMIèRES · ORÉE (Organisation pour le respect de l'environnement dans l'entreprise) - Nathalie BOYER · ORSE (Observatoire de la RSE) - François FATOUX - Daniel LEBèGUE · OSI (Observatoire social international) - Marc DELUZET · SECAFI-ALPHA - Pascal ADDARI - Natacha SEGUIN · SYNDEX - Olivier CHABROL
10. écoles De formation et management
· AUDENCIA - André SOBCZAK · Association française des étudiants pour la ville (AFEV) - Élise RENAUDIN · Conférence des grandes écoles - Gérald MAJOU DE LA DÉBUTRIE · ENPC (École des Ponts ParisTech) - Armel DE LA BOURDONNAYE · HEC - Bénédicte FAIVRE-TAVIGNOT · Université de NANTERRE - Christophe BRECHET
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11. aDministrations et structures publiques
· ANACT (Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail) - Clément RUFFIER - Pascale LEVET · CARSAT Aquitaine (Caisse d'assurance retraite et de la santé au travail) - Dominique SAITTA · CCI Aquitaine (Chambre de commerce et d'industrie) - Jean-Luc LAMOURE · Chambre d'agriculture d'Aquitaine - Michel DULON · Conseil régional Aquitaine, service Environnement Développement durable - Antoine PROFIT · DIRECCTE Aquitaine (Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi) - Gérard CASCINO - Serge LOPEZ · DREAL Aquitaine (Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement) - Anne COUVEZ · Ministère des Affaires étrangères, (Direction des Entreprises et de l'Économie mondiale) - Jacques MAIRE - Sybille MERT · Ministère de l'Économie et des Finances, DG Trésor (Direction générale du Trésor) - Charles SARRAZIN - Vincent PERROTIN · Ministère du Travail, de l'Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social (Direction générale de l'Emploi et de la Formation professionnelle) - Christophe STRASSEL - Pierre RAMAIN · Ministère du Travail, de l'Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social DGT (Direction générale du Travail) - Jean-Denis COMBREXELLE - Valérie DELAHAYE- GUILLOCHEAU - Marie-Soline CHOMEL · Ministère de l'Écologie, du Développement durable et de l'Énergie (Commissariat général au développement durable) - Hélène BÉGON - Pierrick BILLAN - Sylvie DIDIER-PEROT
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12. conseil économique, social et environnemental (cese)
· Jean-Paul DELEVOYE, Président du CESE · Conseillers - Anne DE BETHENCOURT, section Activités économiques - Marc BLANC, section Environnement - Sylvie BRUNET, section Travail et emploi - Pierrette CROSEMARIE, section Environnement - Bernard GUIRKINGER, section Affaires européennes et internationales - Dominique HÉNON, section Délégation aux droits des femmes et à l'égalité - Christophe QUAREZ, section Affaires européennes et internationales - Émilie RAFAEL, section Activités économiques · Personnalités associées - Sonia HAMOUDI, section Activités économiques · Administrateurs - Élisabeth DIVOY, section Délégation aux droits des femmes et à l'égalité - Rémi INDART, section Travail et emploi - Damien LANEL, section Affaires européennes et internationales - Serge PÉRON, section Environnement - Philippe DE RATULD, section Activités économiques
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13. organisations et organismes internationauX
· Commission Européenne - Michel BARNIER, vice-président de la Commission, commissaire européen au marché intérieur et services - Axel de MARTENE - Massimo ZAFFIRO · Mission permanente de la France auprès des Nations unies à Genève - Nicolas NIEMTCHINOW, ambassadeur, représentant permanent de la France - Jacques PELLET - Marc BOISNEL - Frédérique DUPUY - Pierre LE GOFF · ONU-OHCHR à Genève (Haut-commissariat des Nations unies aux droits de l'homme) - Jyoti SANGHERA - Michael VAN GELDEREN - Lene WENDLAND · OCDE, Unité responsabilité des entreprises et principes directeurs (Organisation de coopération et de développement économiques) Marie-France HOUDE · OIT à Genève (Organisation internationale du travail) Programme Better Work Laetitia DUMAS Programme des entreprises multinationales Emily SIMS Département ACTRAV - Anna BIONDI - Dan CUNNIAH Département gouvernance et tripartisme - Konstantin PAPADAKIS - Lou TESSIER Département ACT/EMP Roy CHACKO Bureau de l'OIT à Paris Jean-François TROGRLIC · Représentation permanente de la France auprès de l'Union européenne à Bruxelles Cécile CHADUTEAU-MONPLAISIR
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Origine des principales contributions écrites
Ambassadeur Michel DOUCIN Anact (Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail) Astrées (Association travail emploi Europe société) CESE (Conseil économique, social et environnemental) CGPME (Confédération générale du patronat des petites et moyennes entreprises) CJD (Centre des jeunes dirigeants) Club des établissements publics pour le développement durable Confédération CFDT Confédération CFTC Confédération CGC Confédération CGT Confédération CGT-Force Ouvrière EIRIS Research ESSILOR Fédération CFE-CGC de la métallurgie Fédération des entreprises de propreté FIDH (Fédération internationale des droits de l'homme) FNH (Fondation Nicolas Hulot pour la nature et l'homme) FCRSE (Forum citoyen pour la RSE) François BEAUJOLIN, FCRSE GDF-SUEZ MSCI OIT (Organisation internationale du travail) ORSE (Observatoire de la RSE) OSI (Observatoire social international) Pierre MAZEAU, AFNOR SECAFI-ALPHA SYNDEX Syndicat CFDT Lafarge ciments Syndicat CGT Lafarge ciments Terra Nova USGERES (Union de syndicats et groupements d'employeurs représentatifs dans l'économie sociale) Union confédérale des ingénieurs et cadres CFDT UGICT (Union des ingénieurs, cadres et techniciens CGT) UNSA (Union nationale des syndicats autonomes) Vigeo
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Inspection générale des affaires sociales N°RM2013-141A
Conseil général de l'environnement et du développement durable N° CGEDD 008946-01
Responsabilité sociale des entreprises (RSE) et des organisations et dialogue social Mode d'emploi
Note documentaire
Établie par Christian LENOIR
Membre de l'Inspection générale des affaires sociales
Jean-Paul LE DIVENAH
Inspecteur général de l'administration et du développement durable
- Juillet 2013 -
IGAS, RAPPORT N°RM2013-141A / CGEDD N° 008946-01
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INTRODUCTION
[1] Cette note documentaire a été réalisée dans le prolongement du rapport « Responsabilité et performance des organisations » élaboré par Lydia BROVELLI, Xavier DRAGO et Éric MOLINIÉ. Lors de la remise du rapport aux ministres commanditaires1, le 13 juin 2013, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a souhaité que les membres de la mission puissent adresser aux ministres un document complémentaire, plus technique, portant sur les volets du rapport relatifs au dialogue social. En effet, il s'est aÎré que tant les auditions conduites par la mission, que les documents recueillis et exploités ainsi que les expérimentations présentées lors de ces rencontres, constituaient une mine d'informations très appréciable. D'un commun accord, il a été estimé que celle-ci devait être mise à la disposition de tous ceux qui ont le souhait de voir progresser conjointement le dialogue social et la responsabilité sociétale des organisations. S'agissant d'un document de méthode, il a été également convenu entre les membres de la mission et le cabinet du ministre chargé du travail et du dialogue social de confier la synthèse des renseignements accumulés aux inspecteurs ayant accompagné les trois personnes missionnées dans la préparation de leur rapport. Le présent travail, en forme de note complémentaire au rapport précité dont il constitue un « mode d'emploi », vise à procurer aux parties prenantes qui le souhaitent des informations, des outils pratiques ou des orientations méthodologiques leur permettant de faire de la responsabilité sociétale des entreprises un enjeu du dialogue social. Il a été réalisé par deux inspecteurs généraux de la mission d'appui, le troisième ayant été appelé à de nouvelles fonctions dans l'intervalle. Il existe par conséquent un lien direct entre cette note documentaire et les recommandations du rapport remis aux ministres, notamment avec les propositions 1, 2, 4, 5, 6 et 10 formulées par la mission, sachant que le dialogue social est également l'une des composantes des propositions des propositions 9, 14 et 19.
[2]
[3]
[4]
[5]
1 M. Pierre MOSCOVICI, ministre de l'économie et des finances, Nicole BRICQ, ministre du commerce extérieur, Delphine BATHO, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, Michel SAPIN, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Lettre de mission du 20 février 2013.
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Sommaire
INTRODUCTION ...................................................................................................................3 NOTE DOCUMENTAIRE ......................................................................................................7 1 UNE CULTURE DE PERFORMANCE GLOBALE AU SEIN DES ENTREPRISES SERA FAVORISEE PAR UN PROCESSUS DE CO-CONSTRUCTION MULTIPARTITE .......................... 7 1.1 L'implication des instances de gouvernance sur la RSE et leur positionnement dans la stratégie globale de l'entreprise .......................................................................................... 7 1.2 La RSE au coeur des responsabilités du management ..................................................8 1.3 Une co-construction de la RSE avec l'ensemble des parties prenantes, et en premier lieu, avec les organisations syndicales ....................................................................................9 1.4 Une gouvernance de la RSE incluant toutes les parties prenantes ............................ 10 1.5 Une illustration de la performance globale à travers la fonction achat ..................... 11
2
LA RSE DOIT POUVOIR CONSTITUER UN ELEMENT CENTRAL DU DIALOGUE SOCIAL ........................................................................................................................... 12 Grâce à la RSE, une mise en cohérence entre des problématiques gérées séparément . ................................................................................................................................... 12 2.2 Le dialogue social sur la RSE peut être structuré selon plusieurs logiques et niveaux . ................................................................................................................................... 13 2.3 Une articulation entre les négociations obligatoires au niveau des entreprises et des groupes rendue possible grâce à la RSE ............................................................................... 14 2.1
3
UNE OPTIMISATION POSSIBLE DE LA RSE EN INVESTISSANT LES ENJEUX DU TRAVAIL ........................................................................................................................ 15 3.1 La négociation interprofessionnelle d'un accord-cadre national sur la qualité de vie au travail via la RSE ............................................................................................................. 15 3.2 L'inclusion de l'organisation du travail dans le dialogue social ................................. 16 3.3 Les enjeux posés par la RSE sont l'occasion de revisiter la formation professionnelle continue (FPC) .................................................................................................................... 16
4
LA DIMENSION INTERNATIONALE DE LA RSE PEUT ETRE NOURRIE PAR LE DIALOGUE SOCIAL ......................................................................................................... 18 4.1 Une meilleure prise en compte des droits de l'homme et des conventions de l'OIT dans les accords-cadre internationaux .................................................................................. 18 4.2 La négociation internationale sur la RSE est à articuler avec les accords multilatéraux par pays ......................................................................................................... 20
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NOTE DOCUMENTAIRE
1 UNE
CULTURE DE PERFORMANCE FAVORISEE PAR GLOBALE UN AU SEIN DE DES COENTREPRISES SERA PROCESSUS
CONSTRUCTION MULTIPARTITE [6] Nombre d'acteurs du monde du travail mettent en avant une image peu favorable de la RSE, souvent considérée comme une affaire de spécialistes, pilotée et conçue par la direction de l'entreprise, parfois pour en faire principalement un outil de communication. Cependant, la communication organisée autour des démarches RSE ne doit pas masquer les actions d'entreprises qui s'engagent à long terme dans le développement d'une économie intégrant des valeurs de responsabilité globale. D'autant que malgré la crise, la RSE n'est pas remise en cause ; au contraire, elle tend à acquérir une dimension de plus en plus stratégique. Néanmoins, si certaines entreprises associent les salariés ou leurs représentants à l'élaboration et à la conduite de cette démarche, la RSE n'est pas toujours considérée, loin s'en faut, comme devant faire l'objet d'un dialogue social. Ce dernier demeure le plus souvent cantonné au domaine des relations du travail et conduit sur un mode consultatif. L'engagement dans la RSE est parfois contraint et le plus souvent volontaire ; toutefois, dès lors que cet engagement est décidé, la mise en oeuvre de la démarche de responsabilité globale ne peut pas s'effectuer sur un mode unilatéral. Les quelques paragraphes qui suivent tendent ainsi à montrer, à partir des exemples d'entreprises rencontrées, qu'un processus de coconstruction multipartite constitue un atout indéniable pour atteindre un niveau de performance globale satisfaisant.
[7]
[8]
[9]
1.1
[10]
L'implication des instances de gouvernance sur la RSE et leur positionnement dans la stratégie globale de l'entreprise
Toute entreprise, du fait de son activité, produit un impact plus ou moins marqué sur son environnement, au sens large. Elle en prend conscience dès lors qu'elle choisit d'assumer cette responsabilité, ce que les contraintes juridiques ou d'image lui imposent parfois. Cette prise de conscience tend à se généraliser progressivement, à telle enseigne que pour nombre de sociétés cette responsabilité devient un enjeu stratégique de moyen ou long terme, tant sur le plan environnemental, social qu'en matière de gouvernance (ESG). Il s'agit dès lors de savoir si cet enjeu est l'apanage des experts et du management ou s'il doit être partagé. Une directrice des ressources humaines et du développement durable d'un grand groupe industriel français estime ainsi que la RSE interroge d'abord l'entreprise dans sa stratégie au sens de la question : « fait-on du business de manière responsable ? et c'est quoi la manière d'exercer de façon responsable son métier ? ». Dans cette optique, les outils du reporting ne font que répondre de façon objective à la question sur le sens de l'activité de l'entreprise, « mais il ne faut pas se donner l'illusion que les indicateurs suffisent, et il faut s'interroger sur l'empreinte que laisse une entreprise. »
[11] [12]
8
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[13]
Pour le dirigeant d'un autre grand groupe français, la RSE permet de mieux appréhender le rôle de l'entreprise dans sa contribution à un développement équilibré de la société, qu'il s'agisse de son apport économique, de son soutien au développement des territoires ou encore de son apport au développement de ses propres salariés. Ce positionnement stratégique est largement partagé.2 En somme, la RSE constitue une sorte de paradoxe. Elle doit combiner une ambition globale elle concerne tous les hommes et toutes les activités et un caractère éminemment discrétionnaire puisque la décision de se lancer dans un processus RSE est de la responsabilité de la direction de l'entreprise-. À l'issue des investigations de la mission, il est apparu nettement que la résolution de ce paradoxe passait par un dialogue social élargi, mobilisant toutes les parties prenantes. A noter que c'est ce processus qui fera que les engagements de l'entreprise seront, d'emblée, crédibles. Par parties prenantes, il faut comprendre l'ensemble des acteurs intéressés par les activités et décisions de l'entreprise : actionnaires, salariés et leurs représentants, clients, fournisseurs, élus locaux, riverains, administrations publiques, associations non gouvernementales etc. Le concept de parties prenantes est indissociable de la notion de RSE. Il n'en demeure pas moins que si la stratégie RSE doit être co-produite notamment entre la direction et les organisations syndicales, l'impulsion initiale ne peut venir que de la direction de l'entreprise. La RSE, si elle est bien objet de management et de dialogue social devient alors propice à l'instauration d'un climat de confiance et d'un partenariat aux règles claires et précises.
[14]
[15]
[16]
[17]
1.2
[18]
La RSE au coeur des responsabilités du management
Pour l'un des chefs d'entreprise auditionnés, le rôle du management est de trouver un juste équilibre entre quatre piliers : les actionnaires, le personnel, les clients fournisseurs et les territoires. Mais la RSE requiert, en outre, une vision de long terme et transversale, portée par une gouvernance globale. Ainsi le niveau stratégique doit mobiliser l'ensemble des responsables de la structure : la direction des ressources humaines bien sûr, mais aussi les directions opérationnelles, celle en charge du développement durable, les directions achats, financières, etc. (cf. proposition n° 1 du rapport). Chacun des managers, pas seulement ceux du siège, doit pouvoir partager, diffuser et favoriser l'implication des équipes sur le sens des enjeux entrepreneuriaux et ceux de l'efficacité collective3. Il s'agit de « redonner du sens ensemble » pour reprendre l'expression mise en avant par une organisation syndicale de salariés. Plusieurs conditions sont de nature à favoriser cette évolution : des conditions de travail et des mesures relatives à l'organisation du travail correctement mises en oeuvre et gérées ; un décloisonnement entre les directions de l'entreprise afin de passer d'une vision en termes de « coûts sociaux » à une vision en termes « d'investissements sociaux ».
[19]
[20]
[21]
Sous cet angle, la participation des salariés à la détermination et à l'amélioration de leurs conditions de travail ne peut que s'aÎrer profitable. Elle contribue en effet au bien-être au travail, à l'efficacité économique et à l'élévation du niveau de compétences des travailleurs.
Les représentants de la Confédération générale des PME ont indiqué à la mission que la RSE constituait un enjeu stratégique intégré par cette confédération. 3 En rappelant que la RSE est un facteur de progression, l'ONG de consommateurs Max Havellaar a exprimé la même préoccupation : Quelle est l'intégration de la RSE dans les entreprises ? Est-ce un sujet stratégique relayé par toutes les directions (de production, de communication, de RH) ?
2
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[22]
Au moment où on leur demande plus d'autonomie, les cadres ont également un rôle majeur à jouer dans la stratégie RSE. Une certaine liberté d'expression peut leur être consentie, contrepartie d'un engagement professionnel, d'un niveau de responsabilité éleÎ et d'une loyauté forte. Le cadre doit donc pouvoir disposer de réels leviers d'action, d'un excellent niveau d'informations et d'un pouvoir d'initiative suffisant pour agir sur son environnement de proximité. Ceci étant, « tant que les relations sociales en France seront fondées sur la méfiance et l'incompréhension, parfois alimentées par la maladresse4. », le dialogue social rencontrera des difficultés pour progresser Les relations sociales ne pourront s'améliorer que si chacun connaît les règles du jeu, comprend les positions des différents acteurs, est capable de « décoder » tel ou tel point de vue. Or, les personnels d'encadrement, qui doivent gérer ces relations au quotidien, sont peu formés à ces techniques qu'en général les responsables des ressources humaines maîtrisent mieux, et quelquefois accaparent comme l'ont souligné des directeurs développement durable auditionnés. L'insertion de ces questions dans le cursus de formation des futurs cadres des entreprises s'aÏre donc indispensable. Du reste, des expérimentations ont été lancées à cette fin dans plusieurs universités et grandes écoles, sensibilisées en cela par des associations comme RDS (Réalités du Dialogue Social), à l'activité de laquelle participent les organisations syndicales de salariés et d'employeurs, ce qui devrait intéresser le ministère de l'enseignement supérieur (cf. proposition n° 4 du rapport).
[23]
[24]
1.3
[25]
Une co-construction de la RSE avec l'ensemble des parties prenantes, et en premier lieu, avec les organisations syndicales
Souvent interpellées par les ONG, les entreprises élargissent de plus en plus leurs partenariats. Il n'en demeure pas moins que le dialogue social au sein de l'entreprise est fondamental et à ce titre fortement préconisé au plan international. Ainsi, la norme ISO 26 000 adoptée en 2010 identifie-t-elle sept questions centrales dont la troisième traite des relations et des conditions de travail. Pour cette norme, la responsabilité sociétale des organisations s'analyse vis-à-vis « des impacts de leurs décisions et leurs activités dans la société et sur l'environnement se traduisant par un comportement transparent et éthique qui contribue au développement durable y compris à la santé et au bien-être de la société, prend en compte les parties prenantes, (...) et est intégré dans l'organisation et mis en oeuvre dans ses relations. » La RSE tire sa force de deux facteurs qui doivent s'équilibrer. Premier élément, la RSE constitue un instrument pertinent lorsque les impacts des activités de l'organisation sur l'environnement sociétal sont bien identifiés et lorsque le dialogue avec les parties prenantes permet de mettre en place les actions régulatrices que nécessitent éventuellement ces impacts. Second élément, la RSE ne fonctionne correctement que dans la transparence et la capacité des acteurs à intégrer des problématiques multiples, à piloter les plans adoptés dont il est rendu compte par des indicateurs pertinents. La plupart des organisations syndicales rencontrées tiennent un discours pro-actif sur la RSE, certaines en faisant même un axe fort de leur stratégie. La responsabilité sociale des entreprises « concerne l'ensemble des dimensions de la vie sociale ce qu'il est convenu d'appeler les « parties prenantes » - mais elle s'exerce de manière particulière à l'égard de ses salariés qui sont au coeur du fonctionnement de l'entreprise.5 »
[26]
[27]
[28]
4 5
Cf Hubert Landier « La formation des managers », AEF. Extrait de la contribution écrite transmise à la mission par la CGT février 2013.
10
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[29]
L'une de ces organisations, défavorable par principe au concept de RSE, n'interdit cependant pas à ses mandants locaux ou sectoriels de signer des accords sur la RSE au niveau des branches ou des entreprises6. Le rôle des organisations syndicales dans la dynamique RSE est donc fondamental et suppose que soit au préalable bien cerné le contenu du champ devant faire l'objet du dialogue social. La direction d'une société multinationale a ainsi confirmé devant la mission que les « activités de RSE ne sont crédibles que si elles sont conduites en dialogue avec les parties prenantes, dont les organisations syndicales. La RSE est un « booster » de la modernisation sociale dès lors qu'il y a effectivement concertation en amont de la définition du contenu retenu en termes de développement durable ». Les associations de protection de l'environnement sont sur ces mêmes lignes : « La RSE doit résulter d'une cohérence d'ensemble, les enjeux sont interdépendants et il ne peut y avoir de concurrence entre les différents volets de la RSE (...) ; l'environnement peut être utilisé comme levier en faveur du social.7 » En ce qui concerne les parties prenantes associatives, se pose la question de leur représentativité. A la différence des organisations syndicales dont la représentativité est mesurée à l'aune de leurs résultats aux élections professionnelles puis fixée selon la loi et réglementairement par les pouvoirs publics8, la représentativité des ONG est appréciée très différemment. La loi Grenelle 2 renvoyait à des textes réglementaires la définition de la représentativité des ONG environnementales, textes qui ont été publiés en 20119. Pour l'essentiel, pour pouvoir être désignées au sein de certaines instances consultatives, outre le respect des lois et règlements relatifs aux associations et à leur comptabilité, les ONG devront avoir une existence d'au moins trois ans, faire état d'un nombre minimum de membres et justifier d'une expérience ou de savoirs reconnus illustrés par des travaux de recherche ou des publications. Mais, pour une entreprise qui souhaite constituer un panel de parties prenantes externes, il reste à mieux déterminer comment « choisir » parmi les ONG. Les directions auditionnées ont fait part leur embarras à ce sujet.
[30]
[31]
[32]
[33]
1.4
[34]
Une gouvernance de la RSE incluant toutes les parties prenantes
Il est souhaitable que la gouvernance des organisations puisse évoluer afin de devenir un levier efficace d'évolution des activités économiques vers un modèle plus soutenable. Pour le moment, le débat contradictoire dans les lieux de gouvernance est rare et il n'existe que peu de comités RSE auprès des conseils d'administration.
CGT-FO. Entretien avec France nature environnement (FNE). 8 La représentativité d'un syndicat résulte de sept critères légaux cumulatifs énoncés à l'article L 2121-1 et suivants du code du travail. reprennent ceux d'une position commune du 9 avril 2008 sur la représentativité syndicale salariale signée par la CGT, la CFDT, le MEDEF et la CGPME puis transposée dans la loi du 20 août 2008. Concernant les critères de la représentativité des organisations patronales, la conférence sociale des 20 et 21 juin 2013 a acté un processus pour leur clarification et leur déclinaison opérationnelle. 9 Le Journal officiel du 13 juillet 2011 publie deux décrets et trois arrêtés sur l'agrément et la représentativité des ONG environnementales dont le décret n° 2011-832 du 12 juillet 2011 relatif à (...) la désignation des associations agréées, organismes ou fondations reconnues d'utilité publique au sein de certaines instances.
7
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11
[35]
Pourtant nombre d'acteurs plaident en faveur de cet élargissement de la gouvernance : « la performance globale de l'entreprise, c'est le bon sens retrouÎ. Son efficacité repose sur une évidence trop souvent oubliée : dans une communauté humaine, ici une communauté de travail, la réussite d'un projet dépend de l'engagement de tous (...). Négliger une des parties prenantes qui concourt au succès, c'est prendre le risque de dérégler le bon fonctionnement de l'ensemble. 10 » Plusieurs modalités d'association des parties prenantes peuvent être imaginées. L'un des groupes internationaux consultés a ainsi mis en place un panel de parties prenantes dont les membres ont été choisis pour leur haut niveau de connaissances et de compétences en matière de développement durable. La fonction de ce panel est de suggérer des améliorations, de formuler chaque année un avis sur la performance du groupe et sur sa responsabilité sociale. Les auditions ont cependant souligné que son bon fonctionnement suppose que les membres du panel soient eux-mêmes formés à la démarche RSE. Une autre voie pouvant être suivie consisterait à adosser au comité d'entreprise une instance ad hoc, par exemple une commission développement durable, ouverte aux parties prenantes. Pour d'autres, « le renforcement de la gouvernance à cinq, comme pour le Grenelle de l'environnement avec les parties prenantes que sont l'Etat, les organisations syndicales de salariés, le patronat, les associations, les collectivités territoriales correspond à une fabrication plurielle en phase avec le Bien commun. 11 »
[36]
[37]
[38]
1.5
[39]
Une illustration de la performance globale à travers la fonction achat
Les achats représentent en moyenne plus de 50 % du chiffre d'affaires des entreprises. A l'instar de l'accord national interentreprises du 11 janvier 2013 qui inclut notamment les paramètres de sous-traitance dans la base de données, l'essor des politiques d'achats et l'évolution organisationnelle du fonctionnement en « entreprises étendues » appellent d'autres approches novatrices par les partenaires sociaux. L'entreprise dite étendue est ainsi imbriquée dans un ensemble plus vaste d'entreprises dont résultent ses approvisionnements, ses ventes ou encore sa logistique. Cette interdépendance rend encore plus nécessaire la RSE car la performance globale des chaînes de valeur ne se résume pas à la somme des diverses composantes. Une mauvaise analyse des risques sur l'un des maillons de cette chaîne peut ainsi entraîner des conséquences très préjudiciables pour une entreprise12. Une entreprise ou groupe d'entreprises conduisant une politique RSE n'est pas à l'abri de controverses séÏres car « l'absence de dialogue social tout au long de la chaîne de valeur des entreprises multinationales qui s'engagent activement dans la RSE limite considérablement l'efficacité de cette dernière. 13 »
[40]
[41]
10
Centre des jeunes dirigeants (CJD) : « La performance globale des entreprises responsables. Pour une économie au service de l'homme et de la vie ». 2ème édition - 2012. 11 Contribution écrite de la CFTC février 2013. 12 Suite à l'explosion de l'usine AZF à Toulouse le 21 septembre 2001, la cour d'Appel de Toulouse, dans un arrêt du 24 septembre 2012 précise que c'est l'absence de maîtrise des modalités de la sous-traitance industrielle de gestion des rebuts de production qui a généré les conditions ayant rendu possible cette catastrophe. 13 Extrait du Rapport du BIT « Dialogue social », 102° session de la Conférence Internationale du Travail, 2013.
12
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[42]
L'enjeu consiste donc à aligner RSE et politique d'achats pour en faire un vecteur de la transformation du système productif (cf. proposition n° 6 du rapport). La mission a ainsi pris connaissance du texte de plusieurs accords montrant la voie14. Ces accords insistent tout particulièrement sur l'application des principes de la RSE à tous les employés, sous-traitants, fournisseurs, ceux-ci devant au minimum s'engager à « respecter les lois et règlements, ainsi que les droits humains tels que les expriment les conventions et normes internationales ». Certaines multinationales vont jusqu'à demander à tous leurs fournisseurs de signer une charte sociale et concourent à l'alimentation d'une base d'informations partagées15 en lui communiquant ses audits fournisseurs : tout fournisseur déréférencé chez un concurrent le devient est chez l'autre.
[43]
2
[44]
LA RSE
DOIT POUVOIR CONSTITUER UN ELEMENT CENTRAL DU
DIALOGUE SOCIAL Comme indiqué précédemment, le dialogue social se limite le plus souvent aux thématiques devant faire l'objet de négociations obligatoires ou facultatives. Ceci explique peutêtre pourquoi les désaccords en milieu de travail se règlent plus souvent par le conflit que par la négociation. « La régulation sociale en France est un sujet d'étonnement hors de France. La question sociale (...) débouche périodiquement sur des conflits majeurs, tandis qu'employeurs, syndicats et gouvernement ont beaucoup de mal à négocier des compromis au quotidien.16 » De ce point de vue, la RSE est une opportunité à saisir pour réussir la modernisation des relations sociales en France (cf. proposition n° 2 du rapport).
[45]
[46]
2.1
[47]
Grâce à la RSE, une mise en problématiques gérées séparément
cohérence
entre
des
Selon l'une des organisations syndicales rencontrées, « Pour inviter les organisations à plus de dialogue dans la logique de RSE, il faut en faire un objet de dialogue social. L'élargissement de ce dialogue social vaut pour les sujets abordés comme pour les acteurs de ce dialogue (...).17 » Les termes de l'enjeu sont ainsi clairement posés. La RSE aborde des champs très diversifiés, le dialogue et la concertation ne devant exclure aucun de ces champs, ni se cantonner aux aspects ne concernant que les salariés. Elle doit en outre pouvoir s'appuyer sur des données de moyen et long terme. Il s'agit ainsi de dépasser une définition trop restreinte de l'épithète « social ». Le terme recouvre plusieurs sens, ce qui rend ambiguë la notion de responsabilité sociale. Comme préconisé par des personnalités qualifiées18, la mission qui a rendu le rapport a considéré qu'il fallait l'interpréter au sens anglo-saxon du terme, dans lequel « social » inclut cumulativement le « social » français - comprenant les aides sociales ou encore le champ social des relations du travail - et le vocable « sociétal » qui englobe toutes les dimensions liées au développement durable.
[48]
[49]
14 15
GDF-Suez, Lafarge, Rhodia-Solvay, Danone. Telle que la base internationale Sedex, organisation sans but lucratif visant à promouvoir les améliorations responsables et éthiques au niveau des pratiques en vigueur dans les chaînes d'approvisionnement. http://www.sedexglobal.com/fr/ 16 Henri Rouilleault : « Où va la démocratie sociale ? » Editions de l'Atelier, 2010. 17 Extrait de la contribution écrite remise par la CFDT (février 2013). 18 Voir notamment l'ouvrage de Michel Capron, Françoise Quaire-Lanoizelée « La responsabilité sociale d'entreprise », éditions la Découverte.
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13
[50]
Pour souhaitable qu'il soit, l'élargissement du social aux questions sociétales et environnementales entraîne inéluctablement un élargissement du champ des interlocuteurs concernés : acteurs internes mais aussi externes de l'entreprise. Une telle globalité peut dans un premier temps, faire hésiter. C'est pourquoi il semble préférable de procéder par étapes, en considérant que « la RSE n'est pas un substitut au dialogue social, mais elle participe de son évolution (...), conduisant à le transformer en un dialogue non pas uniquement centré autour de l'entreprise mais également tourné vers son environnement au sens large du terme. La RSE et le développement durable doivent être intégrés dans le champ du dialogue social. 19 » Pour faciliter ce cheminement qu'il convient de négocier entre partenaires sociaux, il est suggéré de se référer à une image fruitière. Dans une première approche, le dialogue peut aborder le noyau central de la RSE constitué des sujets sociaux relatifs aux relations de travail au plan local et national. L'extension vers la chair du fruit peut ensuite passer par le traitement de la chaîne d'approvisionnement, sans occulter les questions liées aux droits de l'homme, le respect des conventions internationales de l'OIT, l'extension de la protection sociale, la gestion responsable des ressources naturelles. L'enveloppe du fruit est constituée d'éléments tels que l'organisation du processus, de l'écoute et de l'ouverture au dialogue.
[51]
[52]
2.2
[53] [54]
Le dialogue social sur la RSE peut être structuré selon plusieurs logiques et niveaux
En France, un double constat s'impose : la RSE est à ce jour essentiellement une affaire de grandes entreprises ; si au sein des entreprises la RSE fait l'objet de concertation, parfois de négociations, en revanche elle n'est guère abordée au niveau des branches.
Or la RSE doit pouvoir être le levier dont les PME s'emparent pour leur développement harmonieux au sein des territoires où se situent leurs intérêts économiques et sociaux. Soulignant que la part prépondérante du tissu économique est le fait de PME et d'artisans, les représentants concernés soulignent que le développement durable nécessite que les branches professionnelles s'y impliquent20. Il apparaît que les branches ont en effet un rôle important à jouer. Tel est l'enseignement qui peut être tiré de deux exemples précis : Premier exemple, celui de la branche propreté qui a fait de la RSE un instrument stratégique à la portée de toutes les entreprises du secteur, quelle que soit leur taille : en incluant un accompagnement, des outils en ligne, une approche globale favorisée par le dialogue social de branche ; Second exemple : le secteur de l'agro-alimentaire dans la région Aquitaine où le réseau Coop de France propose des démarches collectives et accompagnées d'élaboration de diagnostics et d'élaboration de plans d'actions.
[55]
[56]
En demandant de rester prudent sur les dispositifs ayant surtout pour effet de mobiliser des consultants, des spécialistes, et de ce fait ont pour effet aussi d'exclure les entreprises petites ou moyennes, c'est la nécessité de dispositifs sectoriels et de mutualisation qui a été soulignée au cours des auditions. Comme le souligne le rapport (cf. proposition n°5), il s'agit de proposer aux PME des outils adaptés tels que des supports d'autodiagnostics, des outils d'accompagnement, des programmes de formation, des bases de données incluant les bonnes pratiques etc.
19 20
Extrait de la contribution écrite adressée par la CFE-CGC (mars 2013). Pour l'Union professionnelle artisanale (UPA), « Il faut favoriser l'approche sectorielle ».
14
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[57]
Il paraît également opportun de revisiter la panoplie des informations que les grands groupes doivent fournir dans leurs rapports RSE21 afin de les adapter aux spécificités des PME22. Cette question interpelle le dialogue social de branche. Or il y a cependant lieu de considérer à ce stade que la négociation collective sectorielle en France est extrêmement dispersée, ce qui peut compromettre la dynamique décrite ci-dessus. Plusieurs rapports23 et colloques ont, ces dernières années, souleÎ le problème du regroupement des branches professionnelles (dont le nombre approche 60024), comme cela a pu s'effectuer pour les Organismes professionnels collecteurs agréés (OPCA). Une telle réforme, qui peut s'effectuer par la négociation25 paraît en effet hautement souhaitable.
[58]
[59]
2.3
[60] [61]
Une articulation entre les négociations obligatoires au niveau des entreprises et des groupes rendue possible grâce à la RSE
De manière générale, la présentation des bilans sociaux d'entreprise ou des plans de formation devant les comités d'entreprise ne donne lieu qu'à peu de débats. Par ailleurs la législation contraint les partenaires sociaux à négocier sur de nombreuses thématiques comme les salaires, l'organisation du travail, l'égalité hommes-femmes ou encore l'insertion professionnelle. Mais chacune de ces négociations a son cadre, sa propre dynamique et son propre mode de gestion. Ainsi, la conduite du dialogue social s'appuie sur des règles établies par les lois et stipulations conventionnelles alors que la RSE est d'origine unilatérale (volonté de la direction générale), ce qui comporte donc des aléas. L'enjeu devient clair : réussir l'articulation entre la structuration robuste du dialogue social et son élargissement à la RSE ou encore ouvrir le champ du dialogue social à des champs nouveaux comme le sociétal et l'environnemental et saisir l'occasion de renouveler les champs sociaux plus classiques. La RSE ouvre de fait la voie à une autre logique dans laquelle peuvent s'inscrire les représentants des salariés dans le cadre d'un dialogue constructif avec la direction de l'entreprise. En effet : en favorisant une dynamique pluriannuelle, la démarche RSE, sans devenir un objet de négociation supplémentaire, peut s'intégrer dans l'ensemble des négociations ; le mode d'approche RSE permet de prendre le contrepied de la pratique habituellement statique en matière de bilan social, en attendant que rapport RSE et bilan social soient éventuellement fusionnés ; la RSE permet de mieux articuler certaines thématiques proches comme la gestion prévisionnelle des emplois et compétences et le plan de formation.
[62]
[63]
[64]
21
Cf décret n° 2012-557 du 24 avril 2012 relatif aux obligations de transparence des entreprises en matière sociale et environnementale. 22 Le MEDEF insiste ainsi sur « l'importance de tenir compte des spécificités de chaque entreprise, et en fait, de chaque secteur d'activité (...) et cela pour prévenir le risque de confusion entre l'outil et la finalité. L'enjeu de la RSE est de redonner du sens. » 23 Cf « Rapport sur la négociation collective et les branches professionnelles » qui dénombre 371 branches nationales et 581 branches territoriales. 2009, M. JF Poisson, député. 24 Hors branches agricoles. Source : Direction générale du travail. 25 En l'absence de toute définition des branches professionnelles dans le code du travail, il n'y a aucun obstacle juridique à une restructuration négociée de leur périmètre respectif, pour être plus à même de garantir l'égalité de traitement en termes d'effectivité du droit à la négociation collective.
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Certains accords RSE préconisent cette logique transversale. L'un d'entre eux26 prévoit ainsi une méthode pour étudier la situation respective des hommes et des femmes dans l'entreprise, une analyse des effets de la formation sur les évolutions professionnelles et sur les qualifications dans la société, une ouverture des sources de recrutement pour favoriser la diversité et des formations pour lutter contre les stéréotypes dans le but de favoriser l'égalité des chances. Il en résulte que l'appropriation par les salariés de comportements socialement et écologiquement plus responsables ne pourra qu'être favorisée par une méthode RSE qui, misant sur la responsabilité collective, n'ignorera pas l'implication individuelle des salariés comme celle des cadres dirigeants. Comme on le voit, cela suppose aussi une certaine évolution dans l'approche que les organisations syndicales peuvent avoir du dialogue social. Si leur légitimité est incontestable pour les relations au travail, le partage de l'approche avec les associations environnementales sur les sujets plus sociétaux est nécessaire, ce que reconnaissent plusieurs organisations syndicales. Parallèlement, en élargissant leur champ d'intervention, les organisations syndicales ont l'opportunité de consolider leur légitimité d'autant que du fait de leur structuration, elles sont à même d'aborder des débats « sociaux, environnementaux et sociétaux dans le cadre de négociations d'entreprise et de divers rapprochements avec les parties prenantes. Les syndicalistes sont en effet à la fois salariés, riverains, consommateurs, acteurs politiques, spécialistes de la négociation.27 » Elles vont d'ailleurs jusqu'à faire le lien entre RSE et investissements socialement responsables (cf. proposition n° 14 du rapport) : le CIES (Comité intersyndical pour l'épargne salariale) décerne ainsi un label à 15 gammes de fonds d'épargne salariale. Ces éléments ne peuvent également que contribuer à la cohérence du discours syndical, parfois divergent sur la RSE entre les échelons confédéraux, les fédérations professionnelles, les unions territoriales et les syndicats ou sections syndicales d'entreprises.
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[67]
[68]
[69]
[70]
3
[71]
UNE
OPTIMISATION POSSIBLE DE LA
RSE
EN INVESTISSANT LES
ENJEUX DU TRAVAIL La RSE, enjeu d'un dialogue social élargi, offre l'opportunité d'investir plus complètement les sujets liés aux conditions de travail elles-mêmes. Comme le souligne l'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail (ANACT) : « La RSE a, de notre point de vue, manqué son rendez-vous avec la thématique du travail (...) » Ainsi la RSE incite-t-elle à intégrer la problématique des conditions de travail ainsi que celle du bien-être au travail, comme le souligne un rapport remis sur cette question en 201028. Plusieurs dispositifs permettent de traiter ces questions.
[72]
3.1
[73]
La négociation interprofessionnelle d'un accord-cadre national sur la qualité de vie au travail via la RSE
La RSE consistant à mettre en place les principes du développement durable, elle doit nécessairement prendre en compte l'ensemble du capital humain et de son implication dans les processus de production. Ceci suppose des conditions de travail de qualité que la négociation interprofessionnelle lancée en septembre 2012 tend à promouvoir.
Convention entre le groupe Danone et l'UITA. Marc Morin, professeur de gestion des ressources humaines. Entreprises et carrières, avril 2013. 28 Rapport « Bien être et efficacité au travail » d'Henri LACKMANN, Christian LAROSE et Muriel PENICAUD.
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26
16
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[74]
Pour préparer cette négociation, l'ANACT a produit un document dans lequel elle définit la qualité de vie au travail comme l'ensemble des dispositions permettant de concilier les modalités de l'amélioration des conditions de travail et la performance collective de l'entreprise. Cette agence ajoute que la qualité de vie au travail « est un des éléments constitutifs d'une responsabilité sociale d'entreprise assumée. » De nombreux sujets sont à traiter dans ce cadre, depuis les risques psycho-sociaux jusqu'aux problèmes de harcèlements en passant par le mal-être au travail. La réussite de cette négociation importante sera garantie dès lors que chacun s'accordera à reconnaître la synergie entre amélioration de la qualité au travail, croissance et productivité de l'entreprise.
[75] [76]
3.2
[77] [78]
L'inclusion de l'organisation du travail dans le dialogue social
Une fois qu'un accord-cadre national aura été signé, il s'agira de le transposer et d'inclure l'organisation du travail dans le dialogue social de branches et dans les entreprises. Mais pour que cette déclinaison puisse s'effectuer dans de bonnes conditions, à côté de l'implication de la direction générale, la participation des salariés est essentielle. Plusieurs exemples montrent que cette stratégie participative s'aÏre gagnante : l'accord-cadre Rhodia-Solvay souligne que la RSE « suppose une large implication des salariés (...), un dialogue social riche et équilibré entre le management d'une part et les représentants des salariés d'autre part fait partie des valeurs et de l'identité de Rhodia » ; dans un vignoble du Bordelais29, la stratégie « Vignoble responsable » s'est appuyée sur une remise à plat de toutes les procédures en concertation étroite avec l'ensemble des collaborateurs du vignoble.
3.3
[79]
Les enjeux posés par la RSE sont l'occasion de revisiter la formation professionnelle continue (FPC)
La loi fondatrice du 16 juillet 1971 avait fait de la formation professionnelle une obligation nationale en posant un double objectif : permettre l'adaptation des personnes aux changements de techniques et des conditions de travail ; favoriser la promotion sociale.
[80]
Les entreprises participent financièrement à la formation professionnelle, cette contribution s'étant éleÎe à 31,5 milliards d'euros en 2010, soit 41 % de la dépense totale. Face aux difficultés économiques actuelles, cet effort doit devenir un Îritable levier de performance, pour elles-mêmes, pour l'employabilité des personnels et pour l'économie du pays. Mais la formation professionnelle est la cible de plusieurs critiques : les travailleurs diplômés en seraient les principaux bénéficiaires alors que celle-ci devrait être principalement ciblée vers les demandeurs d'emploi, les jeunes sans qualification ou les salariés les moins qualifiés30 ; les décisions de formation contribueraient rarement à donner aux salariés des compétences susceptibles d'être valorisées sur le marché du travail.
[81]
[82]
Or la majorité des études empiriques confirment un lien entre investissement en formation générale, socle d'une Îritable sécurisation des parcours professionnels, et stabilité dans l'emploi.
29 30
Larose Trintaudon. Selon un sondage IFOP publié dans la revue Acteurs publics le 2 mai 2013, les trois quarts des personnes interrogées estiment que l'argent public consacré à la formation professionnelle est inefficace et n'est pas ciblée sur les bons publics.
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[83]
Si l'on considère que l'employabilité des salariés constitue l'un des facteurs de succès de la RSE, celle-ci devrait être inscrite dans un cadre négocié assorti d'indicateurs tangibles et mesurables Trois enjeux majeurs sont dès lors à prendre en compte par les partenaires sociaux : orienter, voire réorienter l'appareil de formation continue vers les compétences professionnelles relevant du développement durable, qu'il s'agisse des métiers en cours d'évolution ou de nouveaux métiers ; former l'encadrement aux indicateurs RSE ainsi que les salariés et leurs représentants ; faire de la formation un thème de négociation dans l'entreprise, les salariés devenant parties prenantes de la construction de leur avenir professionnel. Concrètement, pour chaque strate, cela se traduirait de la manière suivante. Pour ce qui concerne l'entreprise tout d'abord, celle-ci ne constitue pas à proprement parler un niveau de négociation sur la formation professionnelle. Mais comme le montrent certains accords collectifs novateurs, les partenaires sociaux dans les entreprises peuvent tout à fait redynamiser, via la grille d'analyse RSE, le sens et l'évaluation des résultats obtenus par la formation continue. A une plus grande échelle, le développement de productions et d'un mode de consommation plus respectueux de l'environnement a une incidence sur la nature des emplois qui se perçoit nettement au niveau des branches professionnelles. Ce doit être l'occasion pour elles de mobiliser les moyens juridiques et financiers dont elles disposent au profit d'une stratégie RSE globale du secteur, notamment en matière de formation. C'est par exemple à ce niveau que pourrait s'organiser la formation des salariés et de leurs représentants aux indicateurs RSE. C'est enfin au niveau interprofessionnel qu'il paraît souhaitable de traiter la question du caractère inégalitaire de la formation continue. Suite à la conférence sociale de juin 2012, les partenaires sociaux ont justement été invités à engager une négociation relative à la formation professionnelle pour que celle-ci contribue réellement à la sécurisation des parcours professionnels et pour qu'elle puisse renforcer son rôle dans la compétitivité de l'économie. Quelques orientations peuvent être suggérées à cette fin : investir les domaines de l'innovation et de la recherche ; rééquilibrer l'effort de formation en direction des agents les moins qualifiés ; couvrir les risques de perte d'emploi en favorisant les accès aux formations qualifiantes tournées vers les emplois de demain. Certes, il est à ce stade, plus rationnel (dans un objectif de productivité) pour une entreprise (qui finance fortement) de privilégier une formation d'adaptation au poste de travail. Mais cette stratégie est contre-productive au plan macro-économique, dans la mesure où ce sont les formations plus générales qui favorisent l'employabilité externe des salariés en cas de nécessité.
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[85] [86]
[87]
[88]
[89]
[90] [91]
Or le faible accès des employés les moins qualifiés à la formation représente un coût éleÎ pour l'assurance-chômage. Dès lors, la RSE étant, par essence même, une démarche de rapprochement des thématiques et de transversalité, pourquoi ne pas articuler deux négociations nationales : celle sur la formation professionnelle avec celle qui est menée sur l'assurance-chômage ? Des entreprises prennent d'ores et déjà en compte le développement humain à travers leur démarche RSE et cela représente un effort pour elles. Pour les autres, afin de préserver le devenir des salariés qui doivent les quitter, l'introduction d'un système de bonus-malus à l'assurance-chômage pourrait être imaginée.
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18
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4
[93]
LA DIMENSION INTERNATIONALE DE
PAR LE DIALOGUE SOCIAL
LA
RSE PEUT ETRE NOURRIE
La mondialisation atteint un tel seuil que la dimension internationale de la RSE ne peut être occultée. Quelques 50 000 multinationales emploient avec leurs 450 000 filiales plus de 200 millions de salariés et « jouent un rôle capital dans les flux d'investissements directs étrangers à destination des pays en développement ainsi que dans le changement de configuration de la production et donc de l'emploi. »31 Des instruments normatifs internationaux existent, tels que ceux adoptés par l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) ou par l'Organisation internationale du travail (OIT)32 pour tenter de répondre aux effets de cette croissance des entreprises internationales, De son côté, la France s'efforce de privilégier une définition de la RSE ambitieuse qui ne se limite pas à une application plus ou moins flexible des droits humains et des conventions de l'OIT. Il s'agit par conséquent de tendre progressivement à une extension mondiale des principes de la RSE via la signature d'accords-cadre internationaux. Mais pour qu'ils acquièrent une réelle portée, ces accords doivent s'articuler avec des conventions internationales, notamment celles adoptées par l'OIT.
[94]
[95]
[96]
4.1
[97]
Une meilleure prise en compte des droits de l'homme et des conventions de l'OIT dans les accords-cadre internationaux
L'existence d'accords-cadre internationaux (ACI) est liée à la nécessaire dimension internationale de la RSE des groupes opérant à cette échelle. Certaines entreprises françaises sont pionnières en la matière (cf. proposition n° 19 du rapport). Mais les marges de progrès demeurent importantes puisque les statistiques du BIT indiquent que seulement huit millions de salariés sont couverts par un ACI. De leur côté, les organisations syndicales se montrent favorables à un développement des ACI, notamment parce qu'ils concernent non seulement les salariés de la maison-mère mais aussi ceux des filiales, en particulier de celles implantées dans les pays du Sud. Ces accords constituent néanmoins pour elles un défi car leur culture et leur activité restent avant tout ancrées dans des cadres nationaux. L'approche internationale les amène, chaque fois que possible, à coopérer avec les syndicats d'autres pays, pour qu'a minima, les ACI reconnaissent les droits fondamentaux des salariés là où le droit du travail est peu développé. Dans la mesure où l'entreprise signataire devra appliquer les clauses de l'ACI partout dans le monde, une option consiste à privilégier de signer l'accord avec un syndicat de stature internationale33, plutôt que de multiplier les syndicats nationaux. Mais l'objectif global de diversification et d'enrichissement du contenu des ACI ne doit bien entendu par être perdu de vue. La fédération internationale des organisations de travailleurs de la métallurgie mentionne ainsi plusieurs thèmes de négociations possibles parmi d'autres : le progrès social ;
[98]
[99]
[100]
31 32
Extrait du rapport BIT op.cit. La Déclaration de principes tripartites sur les entreprises multinationales et la politique sociale adoptée en 1977 pour promouvoir des principes d'action favorables au développement durable, est le seul instrument de l'OIT qui s'applique non seulement aux États, aux organisations d'employeurs et de travailleurs mais aussi aux entreprises. 33 L'accord mondial signé par Rhodia en 2005 l'a été avec la fédération internationale des syndicats de travailleurs de la chimie. Cette fédération est désormais elle-même regroupée dans un ensemble plus vase : IndustriALL.
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le respect de l'environnement ; le respect des normes de l'OIT ; une rémunération et des conditions de travail correctes.
En sus de ces thématiques, les ACI peuvent aussi être des facteurs d'extension des dispositifs de protection sociale à l'échelle mondiale. Ceci revient en somme à tenter d'ajuster la portée du dialogue social à la réalité internationale des échanges économiques. L'OIT donne la définition suivante du dialogue social : « Le dialogue social désigne la participation des travailleurs, des employeurs et des gouvernements aux décisions relatives à l'emploi et à toute question afférente au lieu de travail. (...) Le dialogue social est à la fois un moyen de réaliser des progrès sociaux et économiques et un objectif en soi puisqu'il donne à la population l'occasion de se faire entendre et d'exercer une influence sur la société et le lieu de travail. »34 À noter que pour l'OIT, le dialogue social reÐt une plus grande importance encore en période de crise économique. Le dialogue social est inscrit dans presque toutes les conventions et recommandations de l'OIT. Il est également inscrit dans son Agenda du « travail décent », fondé sur l'idée selon laquelle le travail est source de dignité personnelle, de stabilité familiale, de paix dans la communauté, de démocratie et de croissance économique. En tout état de cause, il importe que les ACI soient un vecteur de diffusion et d'application des conventions internationales de l'OIT et que soient visées sans exception ses huit conventions fondamentales, ce qui n'est pas toujours le cas. Même si elles ne s'imposent pas à elles, les entreprises peuvent aussi de leur côté, directement s'inspirer des traités internationaux relatifs aux droits de l'homme tels que : les « Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l'homme » adoptés par l'Organisation des Nations Unies en juin 2011 ; les « Principes directeurs de l'OCDE à l'intention des entreprises multinationales qui contiennent depuis 2011 un chapitre dédié aux droits de l'homme. Les litiges relatifs à la mise en oeuvre de ces principes sont traités par les Points de contacts nationaux (PCN) tels que prévus par l'Organisation.
[104]
[105]
[106]
[107]
Pour toutes ces questions, la négociation des ACI peut aussi s'appuyer, de façon coordonnée avec les organisations syndicales, sur les connaissances des organisations non gouvernementales qui soulèvent souvent des questions neuves ou peu abordées. Il reste que la question de la portée effective des ACI demeure pendante. « Dans la mesure où les Accords-cadres internationaux n'obéissent pas à des règles de droit nationales ou internationales, se pose la question de leur opposabilité aux différentes parties intéressées par les accords. »35 Pour en assurer une bonne application, il est nécessaire d'organiser en amont la diffusion des informations : Informations, d'abord pour s'assurer d'une large connaissance des engagements souscrits sur tout le périmètre international couvert, en mobilisant tous les moyens disponibles, notamment internet : l'idéal étant, à la diligence des négociateurs, d'inscrire les modalités de cette diffusion dans l'accord lui-même ;
[108]
[109]
34 35
Extrait du rapport BIT op.cit. Répertoire sur les pratiques des entreprises en matière de négociation des accords-cadre internationaux. Observatoire de la RSE (ORSE), décembre 2006.
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Informations, ensuite, concernant le suivi des engagements contractés, ce qui nécessite de convenir des moyens et des modalités tant de collecte et de partage des informations, que du suivi paritaire de la mise en oeuvre de l'accord.
[110]
Les dispositifs partagés de suivi peuvent prendre la forme, optimale, d'une commission paritaire de suivi, mais il a été constaté qu'il en va plutôt rarement ainsi dans les ACI consultés. Toutefois l'accord-cadre mondial Rhodia précité montre bien cette voie en instituant un « Global Safety Panel » ayant « pour mission de suivre la situation de sécurité au sein du Groupe. » (... Il) « élargira progressivement ses interventions aux domaines de l'hygiène et de l'environnement ». Cette instance est illustrative d'une stratégie partagée entre les parties pour s'assurer d'une couverture universelle36, à compétence mondiale. « La réunion annuelle est tenue sur un site du groupe choisi par les parties. Le Global Safety Panel réalise à cette occasion une visite du site pour Îrifier les conditions de sécurité et de travail ainsi que le bon respect des politiques du groupe en ces domaines ». La mission a noté que cette visite comporte une rencontre bilatérale entre les syndicats locaux et la délégation syndicale internationale. Au total, l'ensemble des lieux d'implantation du groupe dans le monde a ainsi vocation à faire l'objet d'une visite de la commission et de rencontres entre les syndicats locaux et la délégation syndicale internationale de la commission.
[111]
4.2
[112]
La négociation internationale sur la RSE est à articuler avec les accords multilatéraux par pays
Aux côtés des conventions internationales, il peut être établi des accords multilatéraux dont les signataires ne sont pas seulement les États. Un exemple en est donné par le programme Better work, fruit d'un partenariat original entre le Bureau international du travail et des financeurs internationaux. Ce programme a pour double objectif de mieux faire respecter les principes et droits fondamentaux du travail, la législation nationale du travail dans les chaînes d'approvisionnement du textile et du Ðtement, et d'accroître la compétitivité de ce secteur dans les pays en développement. La traduction de ce programme s'effectue par accord entre un État, des organisations professionnelles nationales, un ensemble d'entreprises et des organisations syndicales de salariés avec constitution d'un comité tripartite. Ce programme est opérationnel dans sept pays (Cambodge, Haïti, Indonésie, Jordanie, Lesotho, Nicaragua, Vietnam). Il couvre 800 usines, 900 000 travailleurs et concerne 70 donneurs d'ordre internationaux. Better Work ne constitue donc pas un label mais un processus d'amélioration continue des actions de conformité aux normes du travail (application des huit conventions fondamentales de l'OIT). Les entreprises impliquées font l'objet de visites par des membres de l'OIT recrutés sur place et formés à cette fin. Des programmes de formation sont aussi prévus pour les employeurs et les syndicats. Il semble qu'aucune entreprise française ne figurait parmi les 70 donneurs d'ordre partenaires de ce programme international au moment où la mission rendait ses conclusions. Au-delà des éÏnements dramatiques qui se sont produits au Bangladesh au printemps 2013, les donneurs d'ordre français ont néanmoins plusieurs motifs pour s'engager dans ce programme : d'une part pour des questions d'image de marque. Les consommateurs sont de plus en plus sensibles à l'origine et aux conditions de fabrication des produits qu'ils acquièrent ;
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[114]
[115] [116] [117]
36
La composition en est paritaire : 3 représentants du groupe Rhodia nommés par la Direction Générale, 2 représentants de la structure centrale de l'ICEM et un représentant par zone géographique désigné par l'ICEM parmi les salariés Rhodia de la zone concernée, celles-ci étant respectivement l'Amérique du Nord, l'Amérique Latine, l'Europe et l'Asie.
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d'autre part parce qu'ils interviennent souvent pour le compte d'entreprises elles-mêmes engagées dans des démarches RSE.
La RSE prend ainsi tout son sens : une démarche globale, préventive, inscrite dans le long terme dont l'ensemble des parties prenantes tirent le sentiment qu'elles oeuvrent en commun en faveur du progrès tant pour l'homme que pour la planète.
Signé
Christian LENOIR
Signé
Jean-Paul LE DIVENAH
INVALIDE) (ATTENTION: OPTION quête de nouvelles valeurs pour la finance, éditions Lignes de repères, 2009). (32) Créés en 2003 à l'initiative de la Banque mondiale, les Principes de l'Équateur sont signés par de grandes banques internationales. Ils impliquent la prise en compte de critères sociaux, sociétaux et environnementaux dans les projets financés.
33
que les éléments de performance extra-financière servent la performance globale et la valeur durable des projets.
Proposition n° 17 : Orienter une part croissante de l'assurance vie, placement de long terme, vers les produits d'investissement responsable
problème constaté L'assurance vie, qui reste le placement préféré des Français, n'est pas assez investie dans les produits d'investissement responsable. Cette situation est d'autant plus paradoxale que, s'agissant de placements dont la maturité, supérieure en moyenne à neuf ans, est plutôt longue, la durabilité des valeurs dans lesquelles le gestionnaire investit apparaît indispensable. Jouant en France un Îritable « rôle sociétal », l'assurance vie est en mesure d'aligner ses pratiques sur la perception protectrice qu'en ont les épargnants. conviction de la mission La mission estime que l'assurance vie peut être encore plus orientée vers l'investissement responsable qu'elle ne l'est actuellement. Cette mobilisation de l'assurance vie apparaît d'autant plus souhaitable que dans le contexte de consolidation des finances publiques, cette forme d'épargne a conserÎ une fiscalité particulière, que certains économistes jugent d'ailleurs « préférentielle » ou « dérogatoire ». modalités de transformation des pratiques Il serait justifié de conditionner progressivement le maintien d'un régime fiscal particulier pour l'assurance vie à une orientation ISR d'une partie des investissements. Schématiquement, le produit généré par les assurances vie est taxé aujourd'hui à 7,5 % au titre de l'impôt sur le revenu pour les contrats de plus de huit ans, auxquels s'ajoutent 15,5 % de prélèvements sociaux annuels. Actuellement, ce régime fiscal n'est pas subordonné à une orientation « responsable » des placements gérés par les assureurs vie. Compte-tenu de la durée moyenne de détention des contrats d'assurance vie (supérieure à dix ans) et du poids de l'assurance vie dans le patrimoine des ménages français, le maintien du régime fiscal existant pourrait être conditionné au respect d'engagements en matière d'investissement responsable. La mission n'a pas souhaité définir a priori un quantum d'enveloppe ISR « idéale », mais elle considère qu'un quantum d'au moins 30 %, contrôlé par l'AMF, serait une base raisonnable pour des discussions de place. Elle considère cependant qu'il serait efficace qu'une partie de l'investissement responsable prenne la forme d'investissement dans des structures de capital-investissement elles-mêmes engagées.
34
4. VALORISER L'AMBITION, L'AVANCE ET LE SAVOIR-FAIRE FRANÇAIS À L'INTERNATIONAL
Proposition n° 18 : Soutenir activement l'actuelle initiative de directive communautaire sur la publication des informations extra-financières des entreprises
enjeux Un projet de directive rendant obligatoire la publication d'informations extra-financières pour les entreprises domiciliées en Europe sera prochainement soumis au Parlement et au Conseil de l'Union européenne. Cette directive, qui serait à transposer avant le 31 décembre 2014, serait applicable à toutes les entreprises, à l'exception de celles de moins de 500 salariés et qui ne dépassent pas 40 millions d'euros de chiffre d'affaires. Elle prévoit que les entreprises doivent publier une « déclaration non financière » contenant des informations, et le cas échéant des indicateurs, relatifs aux questions environnementales, sociales, sociétales, de respect des droits humains et de lutte contre la corruption. Dans ce cadre, les entreprises devraient également informer de la politique de diversité mise en oeuvre dans la gouvernance de l'entreprise. Il est prévu que les entreprises doivent se justifier lorsqu'elles ne présentent pas l'une des informations prescrites (logique dite « comply or explain »). conviction de la mission La France doit soutenir d'autant plus activement cette initiative qu'elle constitue un « test » pour la diffusion de la RSE chez nos partenaires européens. Les États signataires de la déclaration finale de la conférence Rio+20 ont reconnu « l'importance de la communication, par les entreprises, d'informations sur l'impact environnemental de leurs activités » en les encourageant, « en particulier s'agissant des entreprises cotées et des grandes entreprises, à étudier la possibilité d'insérer dans leurs rapports périodiques des informations sur la soutenabilité de leurs activités [...] » (paragraphe 47 de la déclaration finale). En référence à ce texte, l'Afrique du Sud, le Brésil, le Danemark et la France ont lancé l'initiative des « Amis du paragraphe 47 » en juin 2012 dans l'objectif de promouvoir le reporting intégré des entreprises. Ce projet de directive est en deçà du dispositif français, mais reste en ligne avec les engagements internationaux de la France sur ces sujets. modalités de transformation des pratiques La France doit poursuivre très activement son exercice de conviction diplomatique auprès de ses principaux partenaires. Les échanges que la mission a pu avoir au niveau européen montrent qu'il importe de veiller à convaincre, au plus haut niveau de l'exécutif, nos partenaires sur le bien-fondé même du projet, la taille des entreprises soumises à l'obligation de publication des informations extra-financières et le calendrier de mise en oeuvre. Pour que ce projet apporte une valeur ajoutée effective par rapport aux obligations d'informations déjà présentes dans les textes existants (par exemple les directives comptables), il convient que son application ne soit pas optionnelle pour les entreprises entrant dans son champ d'application, sans quoi la directive serait priÎe de tout effet.
35
Proposition n° 19 : Généraliser et mieux mettre en valeur les démarches exemplaires des entreprises françaises en matière d'approvisionnement, d'exportation et d'implantation à l'international
enjeux Certaines entreprises françaises sont pionnières dans l'adoption de démarches de responsabilité globale. Plusieurs entreprises françaises ont été les premières à conclure des accords cadres internationaux sur la RSE avec leurs parties prenantes et syndicats à l'échelle mondiale. L'engagement approfondi sur les thématiques extra-financières, qui n'est pas encore il faut le reconnaître systématique, peut servir la qualité des formes d'intervention des entreprises françaises à l'étranger, comme importateur, opérateur, investisseur ou exportateur. Quand ils sont effectifs, le savoir-faire et l'avantage comparatif français dans l'intégration des dimensions financières et extra-financières des activités économiques ne sont pas suffisamment pris en compte ni mis en valeur sur les marchés étrangers les plus disputés. Par ailleurs, les entreprises françaises ne s'impliquent pas suffisamment, à ce jour, dans les enceintes de négociation multilatérales auxquelles elles sont parties prenantes (notamment la Global Reporting Initiative et International Integrated Reporting Council). conviction de la mission La mission estime que la diplomatie économique française pourrait beaucoup mieux tirer parti du modèle de performance globale dans lequel se sont engagées certaines entreprises françaises. Le fait qu'une entreprise française ait, dans son pays d'origine, à rendre compte formellement de l'ensemble de ses comportements extra-financiers à l'échelle mondiale, est une singularité trop peu mise en valeur auprès de nos clients ou partenaires potentiels. Les obligations de transparence auxquelles sont soumises les entreprises françaises tranchent parfois nettement avec les libertés comportementales que s'adjugent ou dont jouissent parfois certains concurrents des entreprises et groupes français. L'objectif doit être de susciter une émulation positive visant un nivellement par le haut de l'ensemble des comportements des entreprises, françaises comme étrangères. modalités de transformation des pratiques La mise en place d'une communication plus offensive sur le modèle de performance globale des entreprises françaises contribuerait à renforcer la compétitivité de la « Marque France » à l'international. La recherche de nouveaux débouchés à l'exportation, organisée par les acteurs de la diplomatie économique française sur des secteurs de forte exemplarité et sur les secteurs d'avenir33, doit s'inscrire dans le cadre de cette approche, d'ores et déjà promue par la direction générale de la Mondialisation du Quai d'Orsay. Cette promotion de la marque « France » mérite d'être appuyée, renforcée et diffusée. Dans leurs approvisionnements et expansions internationales, les entreprises françaises pourraient tirer profit d'une application plus systématique des Principes directeurs de l'OCDE à l'intention des entreprises multinationales. Ces principes, particulièrement lisibles, définissent des règles de comportement jugées, par les entreprises et parties prenantes rencontrées, très adaptées aux spécificités et contraintes qui entourent les interventions à l'international. Les « Points de contact nationaux » (PCN)34, qui sont pour les parties prenantes des instances de recours quand des violations des principes sont présumées, jouent un rôle opérationnel
(33) Notamment les secteurs de l'agroalimentaire, la santé, les éco-industries, les infrastructures... (34) Ces Points de contact nationaux (PCN) sont prévus par les Principes directeurs de l'OCDE.
36
et doivent, notamment en ce qui concerne le PCN français, voir leur fonctionnement et leurs moyens renforcés.
Proposition n° 20 : Continuer à promouvoir, dans les enceintes et négociations internationales, les conceptions françaises en matière de responsabilité globale
enjeux Malgré d'importantes avancées, la RSE continue de faire l'objet d'une reconnaissance variable dans les discussions et négociations multilatérales. Au-delà de l'Union européenne, plusieurs organisations internationales, aux côtés desquelles la France a joué et continue de jouer un rôle actif35, cherchent à diffuser des normes ou référentiels d'exemplarité en matière sociale, sociétale et environnementale, principalement à destination des entreprises. C'est naturellement le cas des Nations unies, qui ont adopté à l'unanimité en juin 2011 des Principes directeurs pour les droits de l'homme et les entreprises. Sont également très actifs le Conseil de l'Europe, l'Organisation internationale de la francophonie, l'OCDE, l'Organisation internationale du travail (très innovante avec le programme Better Work36) ainsi que l'Organisation mondiale du commerce et l'Organisation de normalisation internationale - qui a adopté la norme de référence ISO 26 000 sur la RSE. Les normes édictées et les initiatives prises par ces organisations internationales font toujours l'objet d'un intérêt contrasté selon les pays et les entreprises. Surtout, ces initiatives et normes n'ont pas toujours une portée contraignante pour les opérateurs économiques, ce qui en affaiblit parfois la portée de façon regrettable. conviction de la mission La France et son réseau diplomatique disposent d'une vraie crédibilité pour poursuivre leur effort de conviction et leur travail d'impulsion internationale sur les sujets de responsabilité extra-financière des entreprises. Dans une économie globale, il importe de contribuer tout particulièrement, dans les discussions multilatérales, à la diffusion la plus large des normes considérées en France et en Europe comme des normes minimales d'exemplarité et des normes de progrès, de performance durable et de loyauté commerciale. modalités de transformation des pratiques Pour garantir des pratiques commerciales conformes aux meilleurs standards internationaux et une concurrence loyale, il est urgent de renforcer le poids des exigences sociales et environnementales dans les accords commerciaux internationaux. Ce renforcement doit concerner les négociations à venir, conduites au plan bilatéral ou multilatéral (notamment dans le cadre de l'OMC), mais aussi les accords existants. À cet égard, il convient de s'assurer que les pays bénéficiant du système des préférences commerciales européennes droits de douane plus faibles pour accéder au marché européen respectent bien des normes et standards satisfaisants en matière sociale et environnementale.
(35) Cet activisme, reconnu au plan international y compris par certains partenaires moins volontaires sur le sujet, a été notamment favorisé par l'existence, en France, d'un ambassadeur chargé de la RSE. (36) Initiative entre l'OIT et des entreprises donneuses d'ordre de la filière textile et confection qui vise à mieux faire respecter les principes et droits fondamentaux au travail et accroître la compétitivité de ces secteurs dans les pays en développement.
37
À Paris, le 11 juin 2013
lydia brovelli Membre honoraire du Conseil économique, social et environnemental
Xavier Drago Directeur développement durable d'Air Liquide
éric molinié Président du Samu social de Paris Ancien Président de la Halde
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ANNEXES
ANNEXE N° 1 LETTRE DE MISSION
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ANNEXE N° 2 LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES ET ORIGINE DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES
1. entreprises priÎes / entreprises et établissements publics
· AÉROPORTS DE PARIS - Didier HAMON · ALCATEL-LUCENT - Alain VIALLIX · ANIA (Association nationale des industries agroalimentaires) - Carole FONTA - Morgan OYAUX · AP-HP (Assistance publique Hôpitaux de Paris) - Christian POIMBOEUF · BANQUE DE FRANCE - Judith L'HORSET · BOSCH France - Guy MAUGIS (et CCI Franco Allemande) · C DISCOUNT - Arnaud VIALARD · CASINO - Mathieu RICHE · CHâTEAU LAROSE TRINTAUDON (groupe ALLIANZ) - Brice AMOUROUX · COOP DE FRANCE - Olivier DE CARNÉ - Jacques WEIL · DANONE - Marguerite MOLLEUX - Muriel PÉNICAUD · EDF - Claude NAHON - Catherine DELPIROU · ESSILOR INTERNATIONAL - Claude DARNAULT · FEP (Fédération des entreprises de Propreté) - Philippe JOUANNY · FIVES - Michel DANCETTE - Estelle FONTENAY · FRANCE TÉLÉVISION - Sophie DELORME · GENERALI - François GARREAU · GDF-SUEZ - Françoise GUICHARD - Jacques SPELKENS · GROUPE LA POSTE - Jean Paul BAILLY - Christine BARGAIN · IFP ÉNERGIES NOUVELLES - Valérie HERSCHLIKOVITZ
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· LA FRANÇAISE DES JEUX - Christine SCHMITTE · LABEL RS RELATION CLIENT - Éric LESTANGUET · LAFARGE - Philippe JACQUESSON - Kareen RISPAL · LES VIGNERONS DE TUTIAC - Éric HENAU · MICHELIN - Bénédicte PERONNIN · RELATION CLIENT - Michel GUIDO · PMU - Mylène COLLIN - Benoit CORNU - Judicaël LEFEBURE
· PôLE EMPLOI - Dominique VERNAUDON-PRAT · RFF (Réseau Ferré de France) - Anne-Laure GENTY - Sophie JALABERT · RHODIA- SOLVAY - Jacques KHELIFF · SCHNEIDER Electric - Gilles VERMOT DESROCHES · Sté ADAM - Jean Claude RIN · TELEPERFORMANCE - Brigitte DAUBRY · THALES - Anne DE RAVARAN
2. partenaires sociauX
2.1. Organisations patronales · MEDEF - Noémie CHEVALIER - Robert DURDILLY · CGPME - Guillaume DE BODART - Florian MASSEUBE · UPA - Pierre BURBAN - Élodie CORIEU - Chantal PINEAU 2.2. Organisations salariales · CFDT - Olivier BERDUCOU - Jean-Paul BOUCHET - Marc FERRON - Frédéric FRITSCH - Christian GAMARRA - Manu LECOT - Aline LEVRON - François PELEGRINA - Patrick PIERRON - Patrice PONCEAU - Cyrille POUGHON - Christophe QUAREZ - Jean-François RENUCCI · CFE-CGC - Jean-Frédéric DREYFUS - Isabelle COUTURIER - Francine DIDIER - Éric VIDAL · CFTC - Bernard IBAL · CGT - Jean-François BOLZINGER - Pierre Yves CHANU - André CLUZEL - Loïc CORNEAUD - Pascal LAMBOLEZ - Éric MANANT - Sylvain MORENO - Dominique RAPHEL - Jean-Pierre SOTURA · CGT - FORCE OUVRIèRE - Yves GIQUEL - Laurent GROGNU - Pascal PAVAGEAU · IndustriALL - Kemal OZKAN
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3. ong et associations
· AMNESTY INTERNATIONAl - Sabine GAGNIER, · ATD QUART MONDE - Didier PONCEAU · CCFD-TERRE SOLIDAIRE - Antonio MANGANELLA · CLCV (Consommation, logement et cadre de vie) - Thierry SANIEZ · FIDH (Fédération internationale des droits de l'homme) - Elin WRZONCKI · FNE (France nature environnement) - Rita FAHD · FONDATION NICOLAS HULOT - Marion COHEN - Cécile OSTRIA - Cécile RENOUARD · FORUM CITOYEN POUR LA RSE - Michel CAPRON · MAX HAVELAAR FRANCE - Olivier CABRERA - André PEL · NOVETHIC - Dominique BLANC - Anne-Catherine HUSSON-TRAORÉ · SHERPA : - Pauline KIENLEN · UFC Que choisir ? - Cédric MUSSO · WWF - Jérôme DUPUIS
4. normalisation
· AFNOR - Anne-Eugénie GASPAR - Stéphane MATHIEU - Pierre MAZEAU
5. autres personnalités qualifiées
· Michel CAPRON, professeur émérite des universités · Michel DOUCIN, ambassadeur chargé de la RSE et la bioéthique · Henri LACHMANN, co-auteur du rapport « Bien être et efficacité au travail » · Christian LAROSE, co-auteur du rapport « Bien être et efficacité au travail » · Muriel PÉNICAUD, co-auteur du rapport « Bien être et efficacité au travail »
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6. organismes De notation eXtra-financière
· EIRIS - Thiphaine de BORNE - Johanna HARIRI - Nadia LAINE · MSCI ESG Research - Rémi BRIAND - Aurélie CAMBIER - Perrine DUTRONC · VIGEO - Émilie BERAL - Nicole NOTAT - Pierre-Yves LE TRADIC - Sophie THIERY
7. Îrificateurs
· DELOITTE - Éric DUGELAY · ERNST & YOUNG - Éric DUVAUD
8. opérateurs financiers
· AFIC / Eurazeo PME - Olivier MILLET - Yannick GRANDJEAN · 21 CENTRALE PARTNERS - Henry Huyghues DESPOINTES - Gérard PLUVINET · ACG CAPITAL / VIVERIS - Jean-François COURT · AFG - Laure DELAHOUSSE · ALTO INVESTMENT - Antoine VALDES · AMUNDI - Laurence LAPLANE - Pierre SCHERECK · ASTORG Partners - Xavier MORENO - Thibault SURER · AXA PRIVATE EQUITY - Candice BRENET · AZULIS Capital - Franck BOGET · CEREA - Michel CHABANEL · CIES (Comité intersyndical de l'épargne salariale) - Pierre Yves CHANU (CGT) - Jean CONAN (CFE- CGC) - Dominique DROUET (CFDT) · CITIZEN CAPITAL - Pierre-Olivier BARENNES - Laurence MÉHAIGNERIE · EFRAP (Établissement de retraite additionnelle de la fonction publique) - Philippe DESFOSSÉS · MBO Partenaires - Richard BROCHE · NATIXIS ASSET MANAGEMENT - Pascal VOISIN - Philippe ZAOUTI · ODDO & Cie - Jean-Philippe DESMARTIN · OMNES CAPITAL - Fabien PRÉVOST · QUALIUM Investissement Marc AUBERGER · UNIGRAINS : Jean-François LAURAIN · ECOFI Investissements - Annaïg ANTOINE - Bruno PELLAN · PWC - ADVISORY - Sylvain LAMBERT
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9. eXperts, observatoires, clubs De réfleXions, think tankS
· AFEP (Association française des entreprises priÎes) - Élisabeth GAMBERT - François SOULMAGON · C3D (Collège des directeurs du développement durable) - Jean-Louis JOURDAN - Hélène VALADE · CFIE (Centre français d'information sur les entreprises) - Martial COZETTE · CJD (Centre des jeunes dirigeants) - Gaëlle BRIèRE · DIALOGUES - Philippe BOURGALLÉ - Jean-Louis TARDIVAUD · EcoVadis - Pierre-François THALER - Sylvain GUYOTON · EPE (Association des entreprises françaises pour l'environnement) - Claire TUTENUIT · IEP (Institut d'études politiques de Paris) - Daniel HURSTEL · Institut RSE - Patrick d'HUMIèRES · ORÉE (Organisation pour le respect de l'environnement dans l'entreprise) - Nathalie BOYER · ORSE (Observatoire de la RSE) - François FATOUX - Daniel LEBèGUE · OSI (Observatoire social international) - Marc DELUZET · SECAFI-ALPHA - Pascal ADDARI - Natacha SEGUIN · SYNDEX - Olivier CHABROL
10. écoles De formation et management
· AUDENCIA - André SOBCZAK · Association française des étudiants pour la ville (AFEV) - Élise RENAUDIN · Conférence des grandes écoles - Gérald MAJOU DE LA DÉBUTRIE · ENPC (École des Ponts ParisTech) - Armel DE LA BOURDONNAYE · HEC - Bénédicte FAIVRE-TAVIGNOT · Université de NANTERRE - Christophe BRECHET
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11. aDministrations et structures publiques
· ANACT (Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail) - Clément RUFFIER - Pascale LEVET · CARSAT Aquitaine (Caisse d'assurance retraite et de la santé au travail) - Dominique SAITTA · CCI Aquitaine (Chambre de commerce et d'industrie) - Jean-Luc LAMOURE · Chambre d'agriculture d'Aquitaine - Michel DULON · Conseil régional Aquitaine, service Environnement Développement durable - Antoine PROFIT · DIRECCTE Aquitaine (Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi) - Gérard CASCINO - Serge LOPEZ · DREAL Aquitaine (Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement) - Anne COUVEZ · Ministère des Affaires étrangères, (Direction des Entreprises et de l'Économie mondiale) - Jacques MAIRE - Sybille MERT · Ministère de l'Économie et des Finances, DG Trésor (Direction générale du Trésor) - Charles SARRAZIN - Vincent PERROTIN · Ministère du Travail, de l'Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social (Direction générale de l'Emploi et de la Formation professionnelle) - Christophe STRASSEL - Pierre RAMAIN · Ministère du Travail, de l'Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social DGT (Direction générale du Travail) - Jean-Denis COMBREXELLE - Valérie DELAHAYE- GUILLOCHEAU - Marie-Soline CHOMEL · Ministère de l'Écologie, du Développement durable et de l'Énergie (Commissariat général au développement durable) - Hélène BÉGON - Pierrick BILLAN - Sylvie DIDIER-PEROT
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12. conseil économique, social et environnemental (cese)
· Jean-Paul DELEVOYE, Président du CESE · Conseillers - Anne DE BETHENCOURT, section Activités économiques - Marc BLANC, section Environnement - Sylvie BRUNET, section Travail et emploi - Pierrette CROSEMARIE, section Environnement - Bernard GUIRKINGER, section Affaires européennes et internationales - Dominique HÉNON, section Délégation aux droits des femmes et à l'égalité - Christophe QUAREZ, section Affaires européennes et internationales - Émilie RAFAEL, section Activités économiques · Personnalités associées - Sonia HAMOUDI, section Activités économiques · Administrateurs - Élisabeth DIVOY, section Délégation aux droits des femmes et à l'égalité - Rémi INDART, section Travail et emploi - Damien LANEL, section Affaires européennes et internationales - Serge PÉRON, section Environnement - Philippe DE RATULD, section Activités économiques
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13. organisations et organismes internationauX
· Commission Européenne - Michel BARNIER, vice-président de la Commission, commissaire européen au marché intérieur et services - Axel de MARTENE - Massimo ZAFFIRO · Mission permanente de la France auprès des Nations unies à Genève - Nicolas NIEMTCHINOW, ambassadeur, représentant permanent de la France - Jacques PELLET - Marc BOISNEL - Frédérique DUPUY - Pierre LE GOFF · ONU-OHCHR à Genève (Haut-commissariat des Nations unies aux droits de l'homme) - Jyoti SANGHERA - Michael VAN GELDEREN - Lene WENDLAND · OCDE, Unité responsabilité des entreprises et principes directeurs (Organisation de coopération et de développement économiques) Marie-France HOUDE · OIT à Genève (Organisation internationale du travail) Programme Better Work Laetitia DUMAS Programme des entreprises multinationales Emily SIMS Département ACTRAV - Anna BIONDI - Dan CUNNIAH Département gouvernance et tripartisme - Konstantin PAPADAKIS - Lou TESSIER Département ACT/EMP Roy CHACKO Bureau de l'OIT à Paris Jean-François TROGRLIC · Représentation permanente de la France auprès de l'Union européenne à Bruxelles Cécile CHADUTEAU-MONPLAISIR
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Origine des principales contributions écrites
Ambassadeur Michel DOUCIN Anact (Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail) Astrées (Association travail emploi Europe société) CESE (Conseil économique, social et environnemental) CGPME (Confédération générale du patronat des petites et moyennes entreprises) CJD (Centre des jeunes dirigeants) Club des établissements publics pour le développement durable Confédération CFDT Confédération CFTC Confédération CGC Confédération CGT Confédération CGT-Force Ouvrière EIRIS Research ESSILOR Fédération CFE-CGC de la métallurgie Fédération des entreprises de propreté FIDH (Fédération internationale des droits de l'homme) FNH (Fondation Nicolas Hulot pour la nature et l'homme) FCRSE (Forum citoyen pour la RSE) François BEAUJOLIN, FCRSE GDF-SUEZ MSCI OIT (Organisation internationale du travail) ORSE (Observatoire de la RSE) OSI (Observatoire social international) Pierre MAZEAU, AFNOR SECAFI-ALPHA SYNDEX Syndicat CFDT Lafarge ciments Syndicat CGT Lafarge ciments Terra Nova USGERES (Union de syndicats et groupements d'employeurs représentatifs dans l'économie sociale) Union confédérale des ingénieurs et cadres CFDT UGICT (Union des ingénieurs, cadres et techniciens CGT) UNSA (Union nationale des syndicats autonomes) Vigeo
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Inspection générale des affaires sociales N°RM2013-141A
Conseil général de l'environnement et du développement durable N° CGEDD 008946-01
Responsabilité sociale des entreprises (RSE) et des organisations et dialogue social Mode d'emploi
Note documentaire
Établie par Christian LENOIR
Membre de l'Inspection générale des affaires sociales
Jean-Paul LE DIVENAH
Inspecteur général de l'administration et du développement durable
- Juillet 2013 -
IGAS, RAPPORT N°RM2013-141A / CGEDD N° 008946-01
3
INTRODUCTION
[1] Cette note documentaire a été réalisée dans le prolongement du rapport « Responsabilité et performance des organisations » élaboré par Lydia BROVELLI, Xavier DRAGO et Éric MOLINIÉ. Lors de la remise du rapport aux ministres commanditaires1, le 13 juin 2013, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a souhaité que les membres de la mission puissent adresser aux ministres un document complémentaire, plus technique, portant sur les volets du rapport relatifs au dialogue social. En effet, il s'est aÎré que tant les auditions conduites par la mission, que les documents recueillis et exploités ainsi que les expérimentations présentées lors de ces rencontres, constituaient une mine d'informations très appréciable. D'un commun accord, il a été estimé que celle-ci devait être mise à la disposition de tous ceux qui ont le souhait de voir progresser conjointement le dialogue social et la responsabilité sociétale des organisations. S'agissant d'un document de méthode, il a été également convenu entre les membres de la mission et le cabinet du ministre chargé du travail et du dialogue social de confier la synthèse des renseignements accumulés aux inspecteurs ayant accompagné les trois personnes missionnées dans la préparation de leur rapport. Le présent travail, en forme de note complémentaire au rapport précité dont il constitue un « mode d'emploi », vise à procurer aux parties prenantes qui le souhaitent des informations, des outils pratiques ou des orientations méthodologiques leur permettant de faire de la responsabilité sociétale des entreprises un enjeu du dialogue social. Il a été réalisé par deux inspecteurs généraux de la mission d'appui, le troisième ayant été appelé à de nouvelles fonctions dans l'intervalle. Il existe par conséquent un lien direct entre cette note documentaire et les recommandations du rapport remis aux ministres, notamment avec les propositions 1, 2, 4, 5, 6 et 10 formulées par la mission, sachant que le dialogue social est également l'une des composantes des propositions des propositions 9, 14 et 19.
[2]
[3]
[4]
[5]
1 M. Pierre MOSCOVICI, ministre de l'économie et des finances, Nicole BRICQ, ministre du commerce extérieur, Delphine BATHO, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, Michel SAPIN, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Lettre de mission du 20 février 2013.
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Sommaire
INTRODUCTION ...................................................................................................................3 NOTE DOCUMENTAIRE ......................................................................................................7 1 UNE CULTURE DE PERFORMANCE GLOBALE AU SEIN DES ENTREPRISES SERA FAVORISEE PAR UN PROCESSUS DE CO-CONSTRUCTION MULTIPARTITE .......................... 7 1.1 L'implication des instances de gouvernance sur la RSE et leur positionnement dans la stratégie globale de l'entreprise .......................................................................................... 7 1.2 La RSE au coeur des responsabilités du management ..................................................8 1.3 Une co-construction de la RSE avec l'ensemble des parties prenantes, et en premier lieu, avec les organisations syndicales ....................................................................................9 1.4 Une gouvernance de la RSE incluant toutes les parties prenantes ............................ 10 1.5 Une illustration de la performance globale à travers la fonction achat ..................... 11
2
LA RSE DOIT POUVOIR CONSTITUER UN ELEMENT CENTRAL DU DIALOGUE SOCIAL ........................................................................................................................... 12 Grâce à la RSE, une mise en cohérence entre des problématiques gérées séparément . ................................................................................................................................... 12 2.2 Le dialogue social sur la RSE peut être structuré selon plusieurs logiques et niveaux . ................................................................................................................................... 13 2.3 Une articulation entre les négociations obligatoires au niveau des entreprises et des groupes rendue possible grâce à la RSE ............................................................................... 14 2.1
3
UNE OPTIMISATION POSSIBLE DE LA RSE EN INVESTISSANT LES ENJEUX DU TRAVAIL ........................................................................................................................ 15 3.1 La négociation interprofessionnelle d'un accord-cadre national sur la qualité de vie au travail via la RSE ............................................................................................................. 15 3.2 L'inclusion de l'organisation du travail dans le dialogue social ................................. 16 3.3 Les enjeux posés par la RSE sont l'occasion de revisiter la formation professionnelle continue (FPC) .................................................................................................................... 16
4
LA DIMENSION INTERNATIONALE DE LA RSE PEUT ETRE NOURRIE PAR LE DIALOGUE SOCIAL ......................................................................................................... 18 4.1 Une meilleure prise en compte des droits de l'homme et des conventions de l'OIT dans les accords-cadre internationaux .................................................................................. 18 4.2 La négociation internationale sur la RSE est à articuler avec les accords multilatéraux par pays ......................................................................................................... 20
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NOTE DOCUMENTAIRE
1 UNE
CULTURE DE PERFORMANCE FAVORISEE PAR GLOBALE UN AU SEIN DE DES COENTREPRISES SERA PROCESSUS
CONSTRUCTION MULTIPARTITE [6] Nombre d'acteurs du monde du travail mettent en avant une image peu favorable de la RSE, souvent considérée comme une affaire de spécialistes, pilotée et conçue par la direction de l'entreprise, parfois pour en faire principalement un outil de communication. Cependant, la communication organisée autour des démarches RSE ne doit pas masquer les actions d'entreprises qui s'engagent à long terme dans le développement d'une économie intégrant des valeurs de responsabilité globale. D'autant que malgré la crise, la RSE n'est pas remise en cause ; au contraire, elle tend à acquérir une dimension de plus en plus stratégique. Néanmoins, si certaines entreprises associent les salariés ou leurs représentants à l'élaboration et à la conduite de cette démarche, la RSE n'est pas toujours considérée, loin s'en faut, comme devant faire l'objet d'un dialogue social. Ce dernier demeure le plus souvent cantonné au domaine des relations du travail et conduit sur un mode consultatif. L'engagement dans la RSE est parfois contraint et le plus souvent volontaire ; toutefois, dès lors que cet engagement est décidé, la mise en oeuvre de la démarche de responsabilité globale ne peut pas s'effectuer sur un mode unilatéral. Les quelques paragraphes qui suivent tendent ainsi à montrer, à partir des exemples d'entreprises rencontrées, qu'un processus de coconstruction multipartite constitue un atout indéniable pour atteindre un niveau de performance globale satisfaisant.
[7]
[8]
[9]
1.1
[10]
L'implication des instances de gouvernance sur la RSE et leur positionnement dans la stratégie globale de l'entreprise
Toute entreprise, du fait de son activité, produit un impact plus ou moins marqué sur son environnement, au sens large. Elle en prend conscience dès lors qu'elle choisit d'assumer cette responsabilité, ce que les contraintes juridiques ou d'image lui imposent parfois. Cette prise de conscience tend à se généraliser progressivement, à telle enseigne que pour nombre de sociétés cette responsabilité devient un enjeu stratégique de moyen ou long terme, tant sur le plan environnemental, social qu'en matière de gouvernance (ESG). Il s'agit dès lors de savoir si cet enjeu est l'apanage des experts et du management ou s'il doit être partagé. Une directrice des ressources humaines et du développement durable d'un grand groupe industriel français estime ainsi que la RSE interroge d'abord l'entreprise dans sa stratégie au sens de la question : « fait-on du business de manière responsable ? et c'est quoi la manière d'exercer de façon responsable son métier ? ». Dans cette optique, les outils du reporting ne font que répondre de façon objective à la question sur le sens de l'activité de l'entreprise, « mais il ne faut pas se donner l'illusion que les indicateurs suffisent, et il faut s'interroger sur l'empreinte que laisse une entreprise. »
[11] [12]
8
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[13]
Pour le dirigeant d'un autre grand groupe français, la RSE permet de mieux appréhender le rôle de l'entreprise dans sa contribution à un développement équilibré de la société, qu'il s'agisse de son apport économique, de son soutien au développement des territoires ou encore de son apport au développement de ses propres salariés. Ce positionnement stratégique est largement partagé.2 En somme, la RSE constitue une sorte de paradoxe. Elle doit combiner une ambition globale elle concerne tous les hommes et toutes les activités et un caractère éminemment discrétionnaire puisque la décision de se lancer dans un processus RSE est de la responsabilité de la direction de l'entreprise-. À l'issue des investigations de la mission, il est apparu nettement que la résolution de ce paradoxe passait par un dialogue social élargi, mobilisant toutes les parties prenantes. A noter que c'est ce processus qui fera que les engagements de l'entreprise seront, d'emblée, crédibles. Par parties prenantes, il faut comprendre l'ensemble des acteurs intéressés par les activités et décisions de l'entreprise : actionnaires, salariés et leurs représentants, clients, fournisseurs, élus locaux, riverains, administrations publiques, associations non gouvernementales etc. Le concept de parties prenantes est indissociable de la notion de RSE. Il n'en demeure pas moins que si la stratégie RSE doit être co-produite notamment entre la direction et les organisations syndicales, l'impulsion initiale ne peut venir que de la direction de l'entreprise. La RSE, si elle est bien objet de management et de dialogue social devient alors propice à l'instauration d'un climat de confiance et d'un partenariat aux règles claires et précises.
[14]
[15]
[16]
[17]
1.2
[18]
La RSE au coeur des responsabilités du management
Pour l'un des chefs d'entreprise auditionnés, le rôle du management est de trouver un juste équilibre entre quatre piliers : les actionnaires, le personnel, les clients fournisseurs et les territoires. Mais la RSE requiert, en outre, une vision de long terme et transversale, portée par une gouvernance globale. Ainsi le niveau stratégique doit mobiliser l'ensemble des responsables de la structure : la direction des ressources humaines bien sûr, mais aussi les directions opérationnelles, celle en charge du développement durable, les directions achats, financières, etc. (cf. proposition n° 1 du rapport). Chacun des managers, pas seulement ceux du siège, doit pouvoir partager, diffuser et favoriser l'implication des équipes sur le sens des enjeux entrepreneuriaux et ceux de l'efficacité collective3. Il s'agit de « redonner du sens ensemble » pour reprendre l'expression mise en avant par une organisation syndicale de salariés. Plusieurs conditions sont de nature à favoriser cette évolution : des conditions de travail et des mesures relatives à l'organisation du travail correctement mises en oeuvre et gérées ; un décloisonnement entre les directions de l'entreprise afin de passer d'une vision en termes de « coûts sociaux » à une vision en termes « d'investissements sociaux ».
[19]
[20]
[21]
Sous cet angle, la participation des salariés à la détermination et à l'amélioration de leurs conditions de travail ne peut que s'aÎrer profitable. Elle contribue en effet au bien-être au travail, à l'efficacité économique et à l'élévation du niveau de compétences des travailleurs.
Les représentants de la Confédération générale des PME ont indiqué à la mission que la RSE constituait un enjeu stratégique intégré par cette confédération. 3 En rappelant que la RSE est un facteur de progression, l'ONG de consommateurs Max Havellaar a exprimé la même préoccupation : Quelle est l'intégration de la RSE dans les entreprises ? Est-ce un sujet stratégique relayé par toutes les directions (de production, de communication, de RH) ?
2
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9
[22]
Au moment où on leur demande plus d'autonomie, les cadres ont également un rôle majeur à jouer dans la stratégie RSE. Une certaine liberté d'expression peut leur être consentie, contrepartie d'un engagement professionnel, d'un niveau de responsabilité éleÎ et d'une loyauté forte. Le cadre doit donc pouvoir disposer de réels leviers d'action, d'un excellent niveau d'informations et d'un pouvoir d'initiative suffisant pour agir sur son environnement de proximité. Ceci étant, « tant que les relations sociales en France seront fondées sur la méfiance et l'incompréhension, parfois alimentées par la maladresse4. », le dialogue social rencontrera des difficultés pour progresser Les relations sociales ne pourront s'améliorer que si chacun connaît les règles du jeu, comprend les positions des différents acteurs, est capable de « décoder » tel ou tel point de vue. Or, les personnels d'encadrement, qui doivent gérer ces relations au quotidien, sont peu formés à ces techniques qu'en général les responsables des ressources humaines maîtrisent mieux, et quelquefois accaparent comme l'ont souligné des directeurs développement durable auditionnés. L'insertion de ces questions dans le cursus de formation des futurs cadres des entreprises s'aÏre donc indispensable. Du reste, des expérimentations ont été lancées à cette fin dans plusieurs universités et grandes écoles, sensibilisées en cela par des associations comme RDS (Réalités du Dialogue Social), à l'activité de laquelle participent les organisations syndicales de salariés et d'employeurs, ce qui devrait intéresser le ministère de l'enseignement supérieur (cf. proposition n° 4 du rapport).
[23]
[24]
1.3
[25]
Une co-construction de la RSE avec l'ensemble des parties prenantes, et en premier lieu, avec les organisations syndicales
Souvent interpellées par les ONG, les entreprises élargissent de plus en plus leurs partenariats. Il n'en demeure pas moins que le dialogue social au sein de l'entreprise est fondamental et à ce titre fortement préconisé au plan international. Ainsi, la norme ISO 26 000 adoptée en 2010 identifie-t-elle sept questions centrales dont la troisième traite des relations et des conditions de travail. Pour cette norme, la responsabilité sociétale des organisations s'analyse vis-à-vis « des impacts de leurs décisions et leurs activités dans la société et sur l'environnement se traduisant par un comportement transparent et éthique qui contribue au développement durable y compris à la santé et au bien-être de la société, prend en compte les parties prenantes, (...) et est intégré dans l'organisation et mis en oeuvre dans ses relations. » La RSE tire sa force de deux facteurs qui doivent s'équilibrer. Premier élément, la RSE constitue un instrument pertinent lorsque les impacts des activités de l'organisation sur l'environnement sociétal sont bien identifiés et lorsque le dialogue avec les parties prenantes permet de mettre en place les actions régulatrices que nécessitent éventuellement ces impacts. Second élément, la RSE ne fonctionne correctement que dans la transparence et la capacité des acteurs à intégrer des problématiques multiples, à piloter les plans adoptés dont il est rendu compte par des indicateurs pertinents. La plupart des organisations syndicales rencontrées tiennent un discours pro-actif sur la RSE, certaines en faisant même un axe fort de leur stratégie. La responsabilité sociale des entreprises « concerne l'ensemble des dimensions de la vie sociale ce qu'il est convenu d'appeler les « parties prenantes » - mais elle s'exerce de manière particulière à l'égard de ses salariés qui sont au coeur du fonctionnement de l'entreprise.5 »
[26]
[27]
[28]
4 5
Cf Hubert Landier « La formation des managers », AEF. Extrait de la contribution écrite transmise à la mission par la CGT février 2013.
10
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[29]
L'une de ces organisations, défavorable par principe au concept de RSE, n'interdit cependant pas à ses mandants locaux ou sectoriels de signer des accords sur la RSE au niveau des branches ou des entreprises6. Le rôle des organisations syndicales dans la dynamique RSE est donc fondamental et suppose que soit au préalable bien cerné le contenu du champ devant faire l'objet du dialogue social. La direction d'une société multinationale a ainsi confirmé devant la mission que les « activités de RSE ne sont crédibles que si elles sont conduites en dialogue avec les parties prenantes, dont les organisations syndicales. La RSE est un « booster » de la modernisation sociale dès lors qu'il y a effectivement concertation en amont de la définition du contenu retenu en termes de développement durable ». Les associations de protection de l'environnement sont sur ces mêmes lignes : « La RSE doit résulter d'une cohérence d'ensemble, les enjeux sont interdépendants et il ne peut y avoir de concurrence entre les différents volets de la RSE (...) ; l'environnement peut être utilisé comme levier en faveur du social.7 » En ce qui concerne les parties prenantes associatives, se pose la question de leur représentativité. A la différence des organisations syndicales dont la représentativité est mesurée à l'aune de leurs résultats aux élections professionnelles puis fixée selon la loi et réglementairement par les pouvoirs publics8, la représentativité des ONG est appréciée très différemment. La loi Grenelle 2 renvoyait à des textes réglementaires la définition de la représentativité des ONG environnementales, textes qui ont été publiés en 20119. Pour l'essentiel, pour pouvoir être désignées au sein de certaines instances consultatives, outre le respect des lois et règlements relatifs aux associations et à leur comptabilité, les ONG devront avoir une existence d'au moins trois ans, faire état d'un nombre minimum de membres et justifier d'une expérience ou de savoirs reconnus illustrés par des travaux de recherche ou des publications. Mais, pour une entreprise qui souhaite constituer un panel de parties prenantes externes, il reste à mieux déterminer comment « choisir » parmi les ONG. Les directions auditionnées ont fait part leur embarras à ce sujet.
[30]
[31]
[32]
[33]
1.4
[34]
Une gouvernance de la RSE incluant toutes les parties prenantes
Il est souhaitable que la gouvernance des organisations puisse évoluer afin de devenir un levier efficace d'évolution des activités économiques vers un modèle plus soutenable. Pour le moment, le débat contradictoire dans les lieux de gouvernance est rare et il n'existe que peu de comités RSE auprès des conseils d'administration.
CGT-FO. Entretien avec France nature environnement (FNE). 8 La représentativité d'un syndicat résulte de sept critères légaux cumulatifs énoncés à l'article L 2121-1 et suivants du code du travail. reprennent ceux d'une position commune du 9 avril 2008 sur la représentativité syndicale salariale signée par la CGT, la CFDT, le MEDEF et la CGPME puis transposée dans la loi du 20 août 2008. Concernant les critères de la représentativité des organisations patronales, la conférence sociale des 20 et 21 juin 2013 a acté un processus pour leur clarification et leur déclinaison opérationnelle. 9 Le Journal officiel du 13 juillet 2011 publie deux décrets et trois arrêtés sur l'agrément et la représentativité des ONG environnementales dont le décret n° 2011-832 du 12 juillet 2011 relatif à (...) la désignation des associations agréées, organismes ou fondations reconnues d'utilité publique au sein de certaines instances.
7
6
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11
[35]
Pourtant nombre d'acteurs plaident en faveur de cet élargissement de la gouvernance : « la performance globale de l'entreprise, c'est le bon sens retrouÎ. Son efficacité repose sur une évidence trop souvent oubliée : dans une communauté humaine, ici une communauté de travail, la réussite d'un projet dépend de l'engagement de tous (...). Négliger une des parties prenantes qui concourt au succès, c'est prendre le risque de dérégler le bon fonctionnement de l'ensemble. 10 » Plusieurs modalités d'association des parties prenantes peuvent être imaginées. L'un des groupes internationaux consultés a ainsi mis en place un panel de parties prenantes dont les membres ont été choisis pour leur haut niveau de connaissances et de compétences en matière de développement durable. La fonction de ce panel est de suggérer des améliorations, de formuler chaque année un avis sur la performance du groupe et sur sa responsabilité sociale. Les auditions ont cependant souligné que son bon fonctionnement suppose que les membres du panel soient eux-mêmes formés à la démarche RSE. Une autre voie pouvant être suivie consisterait à adosser au comité d'entreprise une instance ad hoc, par exemple une commission développement durable, ouverte aux parties prenantes. Pour d'autres, « le renforcement de la gouvernance à cinq, comme pour le Grenelle de l'environnement avec les parties prenantes que sont l'Etat, les organisations syndicales de salariés, le patronat, les associations, les collectivités territoriales correspond à une fabrication plurielle en phase avec le Bien commun. 11 »
[36]
[37]
[38]
1.5
[39]
Une illustration de la performance globale à travers la fonction achat
Les achats représentent en moyenne plus de 50 % du chiffre d'affaires des entreprises. A l'instar de l'accord national interentreprises du 11 janvier 2013 qui inclut notamment les paramètres de sous-traitance dans la base de données, l'essor des politiques d'achats et l'évolution organisationnelle du fonctionnement en « entreprises étendues » appellent d'autres approches novatrices par les partenaires sociaux. L'entreprise dite étendue est ainsi imbriquée dans un ensemble plus vaste d'entreprises dont résultent ses approvisionnements, ses ventes ou encore sa logistique. Cette interdépendance rend encore plus nécessaire la RSE car la performance globale des chaînes de valeur ne se résume pas à la somme des diverses composantes. Une mauvaise analyse des risques sur l'un des maillons de cette chaîne peut ainsi entraîner des conséquences très préjudiciables pour une entreprise12. Une entreprise ou groupe d'entreprises conduisant une politique RSE n'est pas à l'abri de controverses séÏres car « l'absence de dialogue social tout au long de la chaîne de valeur des entreprises multinationales qui s'engagent activement dans la RSE limite considérablement l'efficacité de cette dernière. 13 »
[40]
[41]
10
Centre des jeunes dirigeants (CJD) : « La performance globale des entreprises responsables. Pour une économie au service de l'homme et de la vie ». 2ème édition - 2012. 11 Contribution écrite de la CFTC février 2013. 12 Suite à l'explosion de l'usine AZF à Toulouse le 21 septembre 2001, la cour d'Appel de Toulouse, dans un arrêt du 24 septembre 2012 précise que c'est l'absence de maîtrise des modalités de la sous-traitance industrielle de gestion des rebuts de production qui a généré les conditions ayant rendu possible cette catastrophe. 13 Extrait du Rapport du BIT « Dialogue social », 102° session de la Conférence Internationale du Travail, 2013.
12
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[42]
L'enjeu consiste donc à aligner RSE et politique d'achats pour en faire un vecteur de la transformation du système productif (cf. proposition n° 6 du rapport). La mission a ainsi pris connaissance du texte de plusieurs accords montrant la voie14. Ces accords insistent tout particulièrement sur l'application des principes de la RSE à tous les employés, sous-traitants, fournisseurs, ceux-ci devant au minimum s'engager à « respecter les lois et règlements, ainsi que les droits humains tels que les expriment les conventions et normes internationales ». Certaines multinationales vont jusqu'à demander à tous leurs fournisseurs de signer une charte sociale et concourent à l'alimentation d'une base d'informations partagées15 en lui communiquant ses audits fournisseurs : tout fournisseur déréférencé chez un concurrent le devient est chez l'autre.
[43]
2
[44]
LA RSE
DOIT POUVOIR CONSTITUER UN ELEMENT CENTRAL DU
DIALOGUE SOCIAL Comme indiqué précédemment, le dialogue social se limite le plus souvent aux thématiques devant faire l'objet de négociations obligatoires ou facultatives. Ceci explique peutêtre pourquoi les désaccords en milieu de travail se règlent plus souvent par le conflit que par la négociation. « La régulation sociale en France est un sujet d'étonnement hors de France. La question sociale (...) débouche périodiquement sur des conflits majeurs, tandis qu'employeurs, syndicats et gouvernement ont beaucoup de mal à négocier des compromis au quotidien.16 » De ce point de vue, la RSE est une opportunité à saisir pour réussir la modernisation des relations sociales en France (cf. proposition n° 2 du rapport).
[45]
[46]
2.1
[47]
Grâce à la RSE, une mise en problématiques gérées séparément
cohérence
entre
des
Selon l'une des organisations syndicales rencontrées, « Pour inviter les organisations à plus de dialogue dans la logique de RSE, il faut en faire un objet de dialogue social. L'élargissement de ce dialogue social vaut pour les sujets abordés comme pour les acteurs de ce dialogue (...).17 » Les termes de l'enjeu sont ainsi clairement posés. La RSE aborde des champs très diversifiés, le dialogue et la concertation ne devant exclure aucun de ces champs, ni se cantonner aux aspects ne concernant que les salariés. Elle doit en outre pouvoir s'appuyer sur des données de moyen et long terme. Il s'agit ainsi de dépasser une définition trop restreinte de l'épithète « social ». Le terme recouvre plusieurs sens, ce qui rend ambiguë la notion de responsabilité sociale. Comme préconisé par des personnalités qualifiées18, la mission qui a rendu le rapport a considéré qu'il fallait l'interpréter au sens anglo-saxon du terme, dans lequel « social » inclut cumulativement le « social » français - comprenant les aides sociales ou encore le champ social des relations du travail - et le vocable « sociétal » qui englobe toutes les dimensions liées au développement durable.
[48]
[49]
14 15
GDF-Suez, Lafarge, Rhodia-Solvay, Danone. Telle que la base internationale Sedex, organisation sans but lucratif visant à promouvoir les améliorations responsables et éthiques au niveau des pratiques en vigueur dans les chaînes d'approvisionnement. http://www.sedexglobal.com/fr/ 16 Henri Rouilleault : « Où va la démocratie sociale ? » Editions de l'Atelier, 2010. 17 Extrait de la contribution écrite remise par la CFDT (février 2013). 18 Voir notamment l'ouvrage de Michel Capron, Françoise Quaire-Lanoizelée « La responsabilité sociale d'entreprise », éditions la Découverte.
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13
[50]
Pour souhaitable qu'il soit, l'élargissement du social aux questions sociétales et environnementales entraîne inéluctablement un élargissement du champ des interlocuteurs concernés : acteurs internes mais aussi externes de l'entreprise. Une telle globalité peut dans un premier temps, faire hésiter. C'est pourquoi il semble préférable de procéder par étapes, en considérant que « la RSE n'est pas un substitut au dialogue social, mais elle participe de son évolution (...), conduisant à le transformer en un dialogue non pas uniquement centré autour de l'entreprise mais également tourné vers son environnement au sens large du terme. La RSE et le développement durable doivent être intégrés dans le champ du dialogue social. 19 » Pour faciliter ce cheminement qu'il convient de négocier entre partenaires sociaux, il est suggéré de se référer à une image fruitière. Dans une première approche, le dialogue peut aborder le noyau central de la RSE constitué des sujets sociaux relatifs aux relations de travail au plan local et national. L'extension vers la chair du fruit peut ensuite passer par le traitement de la chaîne d'approvisionnement, sans occulter les questions liées aux droits de l'homme, le respect des conventions internationales de l'OIT, l'extension de la protection sociale, la gestion responsable des ressources naturelles. L'enveloppe du fruit est constituée d'éléments tels que l'organisation du processus, de l'écoute et de l'ouverture au dialogue.
[51]
[52]
2.2
[53] [54]
Le dialogue social sur la RSE peut être structuré selon plusieurs logiques et niveaux
En France, un double constat s'impose : la RSE est à ce jour essentiellement une affaire de grandes entreprises ; si au sein des entreprises la RSE fait l'objet de concertation, parfois de négociations, en revanche elle n'est guère abordée au niveau des branches.
Or la RSE doit pouvoir être le levier dont les PME s'emparent pour leur développement harmonieux au sein des territoires où se situent leurs intérêts économiques et sociaux. Soulignant que la part prépondérante du tissu économique est le fait de PME et d'artisans, les représentants concernés soulignent que le développement durable nécessite que les branches professionnelles s'y impliquent20. Il apparaît que les branches ont en effet un rôle important à jouer. Tel est l'enseignement qui peut être tiré de deux exemples précis : Premier exemple, celui de la branche propreté qui a fait de la RSE un instrument stratégique à la portée de toutes les entreprises du secteur, quelle que soit leur taille : en incluant un accompagnement, des outils en ligne, une approche globale favorisée par le dialogue social de branche ; Second exemple : le secteur de l'agro-alimentaire dans la région Aquitaine où le réseau Coop de France propose des démarches collectives et accompagnées d'élaboration de diagnostics et d'élaboration de plans d'actions.
[55]
[56]
En demandant de rester prudent sur les dispositifs ayant surtout pour effet de mobiliser des consultants, des spécialistes, et de ce fait ont pour effet aussi d'exclure les entreprises petites ou moyennes, c'est la nécessité de dispositifs sectoriels et de mutualisation qui a été soulignée au cours des auditions. Comme le souligne le rapport (cf. proposition n°5), il s'agit de proposer aux PME des outils adaptés tels que des supports d'autodiagnostics, des outils d'accompagnement, des programmes de formation, des bases de données incluant les bonnes pratiques etc.
19 20
Extrait de la contribution écrite adressée par la CFE-CGC (mars 2013). Pour l'Union professionnelle artisanale (UPA), « Il faut favoriser l'approche sectorielle ».
14
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[57]
Il paraît également opportun de revisiter la panoplie des informations que les grands groupes doivent fournir dans leurs rapports RSE21 afin de les adapter aux spécificités des PME22. Cette question interpelle le dialogue social de branche. Or il y a cependant lieu de considérer à ce stade que la négociation collective sectorielle en France est extrêmement dispersée, ce qui peut compromettre la dynamique décrite ci-dessus. Plusieurs rapports23 et colloques ont, ces dernières années, souleÎ le problème du regroupement des branches professionnelles (dont le nombre approche 60024), comme cela a pu s'effectuer pour les Organismes professionnels collecteurs agréés (OPCA). Une telle réforme, qui peut s'effectuer par la négociation25 paraît en effet hautement souhaitable.
[58]
[59]
2.3
[60] [61]
Une articulation entre les négociations obligatoires au niveau des entreprises et des groupes rendue possible grâce à la RSE
De manière générale, la présentation des bilans sociaux d'entreprise ou des plans de formation devant les comités d'entreprise ne donne lieu qu'à peu de débats. Par ailleurs la législation contraint les partenaires sociaux à négocier sur de nombreuses thématiques comme les salaires, l'organisation du travail, l'égalité hommes-femmes ou encore l'insertion professionnelle. Mais chacune de ces négociations a son cadre, sa propre dynamique et son propre mode de gestion. Ainsi, la conduite du dialogue social s'appuie sur des règles établies par les lois et stipulations conventionnelles alors que la RSE est d'origine unilatérale (volonté de la direction générale), ce qui comporte donc des aléas. L'enjeu devient clair : réussir l'articulation entre la structuration robuste du dialogue social et son élargissement à la RSE ou encore ouvrir le champ du dialogue social à des champs nouveaux comme le sociétal et l'environnemental et saisir l'occasion de renouveler les champs sociaux plus classiques. La RSE ouvre de fait la voie à une autre logique dans laquelle peuvent s'inscrire les représentants des salariés dans le cadre d'un dialogue constructif avec la direction de l'entreprise. En effet : en favorisant une dynamique pluriannuelle, la démarche RSE, sans devenir un objet de négociation supplémentaire, peut s'intégrer dans l'ensemble des négociations ; le mode d'approche RSE permet de prendre le contrepied de la pratique habituellement statique en matière de bilan social, en attendant que rapport RSE et bilan social soient éventuellement fusionnés ; la RSE permet de mieux articuler certaines thématiques proches comme la gestion prévisionnelle des emplois et compétences et le plan de formation.
[62]
[63]
[64]
21
Cf décret n° 2012-557 du 24 avril 2012 relatif aux obligations de transparence des entreprises en matière sociale et environnementale. 22 Le MEDEF insiste ainsi sur « l'importance de tenir compte des spécificités de chaque entreprise, et en fait, de chaque secteur d'activité (...) et cela pour prévenir le risque de confusion entre l'outil et la finalité. L'enjeu de la RSE est de redonner du sens. » 23 Cf « Rapport sur la négociation collective et les branches professionnelles » qui dénombre 371 branches nationales et 581 branches territoriales. 2009, M. JF Poisson, député. 24 Hors branches agricoles. Source : Direction générale du travail. 25 En l'absence de toute définition des branches professionnelles dans le code du travail, il n'y a aucun obstacle juridique à une restructuration négociée de leur périmètre respectif, pour être plus à même de garantir l'égalité de traitement en termes d'effectivité du droit à la négociation collective.
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[65]
Certains accords RSE préconisent cette logique transversale. L'un d'entre eux26 prévoit ainsi une méthode pour étudier la situation respective des hommes et des femmes dans l'entreprise, une analyse des effets de la formation sur les évolutions professionnelles et sur les qualifications dans la société, une ouverture des sources de recrutement pour favoriser la diversité et des formations pour lutter contre les stéréotypes dans le but de favoriser l'égalité des chances. Il en résulte que l'appropriation par les salariés de comportements socialement et écologiquement plus responsables ne pourra qu'être favorisée par une méthode RSE qui, misant sur la responsabilité collective, n'ignorera pas l'implication individuelle des salariés comme celle des cadres dirigeants. Comme on le voit, cela suppose aussi une certaine évolution dans l'approche que les organisations syndicales peuvent avoir du dialogue social. Si leur légitimité est incontestable pour les relations au travail, le partage de l'approche avec les associations environnementales sur les sujets plus sociétaux est nécessaire, ce que reconnaissent plusieurs organisations syndicales. Parallèlement, en élargissant leur champ d'intervention, les organisations syndicales ont l'opportunité de consolider leur légitimité d'autant que du fait de leur structuration, elles sont à même d'aborder des débats « sociaux, environnementaux et sociétaux dans le cadre de négociations d'entreprise et de divers rapprochements avec les parties prenantes. Les syndicalistes sont en effet à la fois salariés, riverains, consommateurs, acteurs politiques, spécialistes de la négociation.27 » Elles vont d'ailleurs jusqu'à faire le lien entre RSE et investissements socialement responsables (cf. proposition n° 14 du rapport) : le CIES (Comité intersyndical pour l'épargne salariale) décerne ainsi un label à 15 gammes de fonds d'épargne salariale. Ces éléments ne peuvent également que contribuer à la cohérence du discours syndical, parfois divergent sur la RSE entre les échelons confédéraux, les fédérations professionnelles, les unions territoriales et les syndicats ou sections syndicales d'entreprises.
[66]
[67]
[68]
[69]
[70]
3
[71]
UNE
OPTIMISATION POSSIBLE DE LA
RSE
EN INVESTISSANT LES
ENJEUX DU TRAVAIL La RSE, enjeu d'un dialogue social élargi, offre l'opportunité d'investir plus complètement les sujets liés aux conditions de travail elles-mêmes. Comme le souligne l'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail (ANACT) : « La RSE a, de notre point de vue, manqué son rendez-vous avec la thématique du travail (...) » Ainsi la RSE incite-t-elle à intégrer la problématique des conditions de travail ainsi que celle du bien-être au travail, comme le souligne un rapport remis sur cette question en 201028. Plusieurs dispositifs permettent de traiter ces questions.
[72]
3.1
[73]
La négociation interprofessionnelle d'un accord-cadre national sur la qualité de vie au travail via la RSE
La RSE consistant à mettre en place les principes du développement durable, elle doit nécessairement prendre en compte l'ensemble du capital humain et de son implication dans les processus de production. Ceci suppose des conditions de travail de qualité que la négociation interprofessionnelle lancée en septembre 2012 tend à promouvoir.
Convention entre le groupe Danone et l'UITA. Marc Morin, professeur de gestion des ressources humaines. Entreprises et carrières, avril 2013. 28 Rapport « Bien être et efficacité au travail » d'Henri LACKMANN, Christian LAROSE et Muriel PENICAUD.
27
26
16
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[74]
Pour préparer cette négociation, l'ANACT a produit un document dans lequel elle définit la qualité de vie au travail comme l'ensemble des dispositions permettant de concilier les modalités de l'amélioration des conditions de travail et la performance collective de l'entreprise. Cette agence ajoute que la qualité de vie au travail « est un des éléments constitutifs d'une responsabilité sociale d'entreprise assumée. » De nombreux sujets sont à traiter dans ce cadre, depuis les risques psycho-sociaux jusqu'aux problèmes de harcèlements en passant par le mal-être au travail. La réussite de cette négociation importante sera garantie dès lors que chacun s'accordera à reconnaître la synergie entre amélioration de la qualité au travail, croissance et productivité de l'entreprise.
[75] [76]
3.2
[77] [78]
L'inclusion de l'organisation du travail dans le dialogue social
Une fois qu'un accord-cadre national aura été signé, il s'agira de le transposer et d'inclure l'organisation du travail dans le dialogue social de branches et dans les entreprises. Mais pour que cette déclinaison puisse s'effectuer dans de bonnes conditions, à côté de l'implication de la direction générale, la participation des salariés est essentielle. Plusieurs exemples montrent que cette stratégie participative s'aÏre gagnante : l'accord-cadre Rhodia-Solvay souligne que la RSE « suppose une large implication des salariés (...), un dialogue social riche et équilibré entre le management d'une part et les représentants des salariés d'autre part fait partie des valeurs et de l'identité de Rhodia » ; dans un vignoble du Bordelais29, la stratégie « Vignoble responsable » s'est appuyée sur une remise à plat de toutes les procédures en concertation étroite avec l'ensemble des collaborateurs du vignoble.
3.3
[79]
Les enjeux posés par la RSE sont l'occasion de revisiter la formation professionnelle continue (FPC)
La loi fondatrice du 16 juillet 1971 avait fait de la formation professionnelle une obligation nationale en posant un double objectif : permettre l'adaptation des personnes aux changements de techniques et des conditions de travail ; favoriser la promotion sociale.
[80]
Les entreprises participent financièrement à la formation professionnelle, cette contribution s'étant éleÎe à 31,5 milliards d'euros en 2010, soit 41 % de la dépense totale. Face aux difficultés économiques actuelles, cet effort doit devenir un Îritable levier de performance, pour elles-mêmes, pour l'employabilité des personnels et pour l'économie du pays. Mais la formation professionnelle est la cible de plusieurs critiques : les travailleurs diplômés en seraient les principaux bénéficiaires alors que celle-ci devrait être principalement ciblée vers les demandeurs d'emploi, les jeunes sans qualification ou les salariés les moins qualifiés30 ; les décisions de formation contribueraient rarement à donner aux salariés des compétences susceptibles d'être valorisées sur le marché du travail.
[81]
[82]
Or la majorité des études empiriques confirment un lien entre investissement en formation générale, socle d'une Îritable sécurisation des parcours professionnels, et stabilité dans l'emploi.
29 30
Larose Trintaudon. Selon un sondage IFOP publié dans la revue Acteurs publics le 2 mai 2013, les trois quarts des personnes interrogées estiment que l'argent public consacré à la formation professionnelle est inefficace et n'est pas ciblée sur les bons publics.
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17
[83]
Si l'on considère que l'employabilité des salariés constitue l'un des facteurs de succès de la RSE, celle-ci devrait être inscrite dans un cadre négocié assorti d'indicateurs tangibles et mesurables Trois enjeux majeurs sont dès lors à prendre en compte par les partenaires sociaux : orienter, voire réorienter l'appareil de formation continue vers les compétences professionnelles relevant du développement durable, qu'il s'agisse des métiers en cours d'évolution ou de nouveaux métiers ; former l'encadrement aux indicateurs RSE ainsi que les salariés et leurs représentants ; faire de la formation un thème de négociation dans l'entreprise, les salariés devenant parties prenantes de la construction de leur avenir professionnel. Concrètement, pour chaque strate, cela se traduirait de la manière suivante. Pour ce qui concerne l'entreprise tout d'abord, celle-ci ne constitue pas à proprement parler un niveau de négociation sur la formation professionnelle. Mais comme le montrent certains accords collectifs novateurs, les partenaires sociaux dans les entreprises peuvent tout à fait redynamiser, via la grille d'analyse RSE, le sens et l'évaluation des résultats obtenus par la formation continue. A une plus grande échelle, le développement de productions et d'un mode de consommation plus respectueux de l'environnement a une incidence sur la nature des emplois qui se perçoit nettement au niveau des branches professionnelles. Ce doit être l'occasion pour elles de mobiliser les moyens juridiques et financiers dont elles disposent au profit d'une stratégie RSE globale du secteur, notamment en matière de formation. C'est par exemple à ce niveau que pourrait s'organiser la formation des salariés et de leurs représentants aux indicateurs RSE. C'est enfin au niveau interprofessionnel qu'il paraît souhaitable de traiter la question du caractère inégalitaire de la formation continue. Suite à la conférence sociale de juin 2012, les partenaires sociaux ont justement été invités à engager une négociation relative à la formation professionnelle pour que celle-ci contribue réellement à la sécurisation des parcours professionnels et pour qu'elle puisse renforcer son rôle dans la compétitivité de l'économie. Quelques orientations peuvent être suggérées à cette fin : investir les domaines de l'innovation et de la recherche ; rééquilibrer l'effort de formation en direction des agents les moins qualifiés ; couvrir les risques de perte d'emploi en favorisant les accès aux formations qualifiantes tournées vers les emplois de demain. Certes, il est à ce stade, plus rationnel (dans un objectif de productivité) pour une entreprise (qui finance fortement) de privilégier une formation d'adaptation au poste de travail. Mais cette stratégie est contre-productive au plan macro-économique, dans la mesure où ce sont les formations plus générales qui favorisent l'employabilité externe des salariés en cas de nécessité.
[84]
[85] [86]
[87]
[88]
[89]
[90] [91]
Or le faible accès des employés les moins qualifiés à la formation représente un coût éleÎ pour l'assurance-chômage. Dès lors, la RSE étant, par essence même, une démarche de rapprochement des thématiques et de transversalité, pourquoi ne pas articuler deux négociations nationales : celle sur la formation professionnelle avec celle qui est menée sur l'assurance-chômage ? Des entreprises prennent d'ores et déjà en compte le développement humain à travers leur démarche RSE et cela représente un effort pour elles. Pour les autres, afin de préserver le devenir des salariés qui doivent les quitter, l'introduction d'un système de bonus-malus à l'assurance-chômage pourrait être imaginée.
[92]
18
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4
[93]
LA DIMENSION INTERNATIONALE DE
PAR LE DIALOGUE SOCIAL
LA
RSE PEUT ETRE NOURRIE
La mondialisation atteint un tel seuil que la dimension internationale de la RSE ne peut être occultée. Quelques 50 000 multinationales emploient avec leurs 450 000 filiales plus de 200 millions de salariés et « jouent un rôle capital dans les flux d'investissements directs étrangers à destination des pays en développement ainsi que dans le changement de configuration de la production et donc de l'emploi. »31 Des instruments normatifs internationaux existent, tels que ceux adoptés par l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) ou par l'Organisation internationale du travail (OIT)32 pour tenter de répondre aux effets de cette croissance des entreprises internationales, De son côté, la France s'efforce de privilégier une définition de la RSE ambitieuse qui ne se limite pas à une application plus ou moins flexible des droits humains et des conventions de l'OIT. Il s'agit par conséquent de tendre progressivement à une extension mondiale des principes de la RSE via la signature d'accords-cadre internationaux. Mais pour qu'ils acquièrent une réelle portée, ces accords doivent s'articuler avec des conventions internationales, notamment celles adoptées par l'OIT.
[94]
[95]
[96]
4.1
[97]
Une meilleure prise en compte des droits de l'homme et des conventions de l'OIT dans les accords-cadre internationaux
L'existence d'accords-cadre internationaux (ACI) est liée à la nécessaire dimension internationale de la RSE des groupes opérant à cette échelle. Certaines entreprises françaises sont pionnières en la matière (cf. proposition n° 19 du rapport). Mais les marges de progrès demeurent importantes puisque les statistiques du BIT indiquent que seulement huit millions de salariés sont couverts par un ACI. De leur côté, les organisations syndicales se montrent favorables à un développement des ACI, notamment parce qu'ils concernent non seulement les salariés de la maison-mère mais aussi ceux des filiales, en particulier de celles implantées dans les pays du Sud. Ces accords constituent néanmoins pour elles un défi car leur culture et leur activité restent avant tout ancrées dans des cadres nationaux. L'approche internationale les amène, chaque fois que possible, à coopérer avec les syndicats d'autres pays, pour qu'a minima, les ACI reconnaissent les droits fondamentaux des salariés là où le droit du travail est peu développé. Dans la mesure où l'entreprise signataire devra appliquer les clauses de l'ACI partout dans le monde, une option consiste à privilégier de signer l'accord avec un syndicat de stature internationale33, plutôt que de multiplier les syndicats nationaux. Mais l'objectif global de diversification et d'enrichissement du contenu des ACI ne doit bien entendu par être perdu de vue. La fédération internationale des organisations de travailleurs de la métallurgie mentionne ainsi plusieurs thèmes de négociations possibles parmi d'autres : le progrès social ;
[98]
[99]
[100]
31 32
Extrait du rapport BIT op.cit. La Déclaration de principes tripartites sur les entreprises multinationales et la politique sociale adoptée en 1977 pour promouvoir des principes d'action favorables au développement durable, est le seul instrument de l'OIT qui s'applique non seulement aux États, aux organisations d'employeurs et de travailleurs mais aussi aux entreprises. 33 L'accord mondial signé par Rhodia en 2005 l'a été avec la fédération internationale des syndicats de travailleurs de la chimie. Cette fédération est désormais elle-même regroupée dans un ensemble plus vase : IndustriALL.
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le respect de l'environnement ; le respect des normes de l'OIT ; une rémunération et des conditions de travail correctes.
En sus de ces thématiques, les ACI peuvent aussi être des facteurs d'extension des dispositifs de protection sociale à l'échelle mondiale. Ceci revient en somme à tenter d'ajuster la portée du dialogue social à la réalité internationale des échanges économiques. L'OIT donne la définition suivante du dialogue social : « Le dialogue social désigne la participation des travailleurs, des employeurs et des gouvernements aux décisions relatives à l'emploi et à toute question afférente au lieu de travail. (...) Le dialogue social est à la fois un moyen de réaliser des progrès sociaux et économiques et un objectif en soi puisqu'il donne à la population l'occasion de se faire entendre et d'exercer une influence sur la société et le lieu de travail. »34 À noter que pour l'OIT, le dialogue social reÐt une plus grande importance encore en période de crise économique. Le dialogue social est inscrit dans presque toutes les conventions et recommandations de l'OIT. Il est également inscrit dans son Agenda du « travail décent », fondé sur l'idée selon laquelle le travail est source de dignité personnelle, de stabilité familiale, de paix dans la communauté, de démocratie et de croissance économique. En tout état de cause, il importe que les ACI soient un vecteur de diffusion et d'application des conventions internationales de l'OIT et que soient visées sans exception ses huit conventions fondamentales, ce qui n'est pas toujours le cas. Même si elles ne s'imposent pas à elles, les entreprises peuvent aussi de leur côté, directement s'inspirer des traités internationaux relatifs aux droits de l'homme tels que : les « Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l'homme » adoptés par l'Organisation des Nations Unies en juin 2011 ; les « Principes directeurs de l'OCDE à l'intention des entreprises multinationales qui contiennent depuis 2011 un chapitre dédié aux droits de l'homme. Les litiges relatifs à la mise en oeuvre de ces principes sont traités par les Points de contacts nationaux (PCN) tels que prévus par l'Organisation.
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Pour toutes ces questions, la négociation des ACI peut aussi s'appuyer, de façon coordonnée avec les organisations syndicales, sur les connaissances des organisations non gouvernementales qui soulèvent souvent des questions neuves ou peu abordées. Il reste que la question de la portée effective des ACI demeure pendante. « Dans la mesure où les Accords-cadres internationaux n'obéissent pas à des règles de droit nationales ou internationales, se pose la question de leur opposabilité aux différentes parties intéressées par les accords. »35 Pour en assurer une bonne application, il est nécessaire d'organiser en amont la diffusion des informations : Informations, d'abord pour s'assurer d'une large connaissance des engagements souscrits sur tout le périmètre international couvert, en mobilisant tous les moyens disponibles, notamment internet : l'idéal étant, à la diligence des négociateurs, d'inscrire les modalités de cette diffusion dans l'accord lui-même ;
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Extrait du rapport BIT op.cit. Répertoire sur les pratiques des entreprises en matière de négociation des accords-cadre internationaux. Observatoire de la RSE (ORSE), décembre 2006.
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Informations, ensuite, concernant le suivi des engagements contractés, ce qui nécessite de convenir des moyens et des modalités tant de collecte et de partage des informations, que du suivi paritaire de la mise en oeuvre de l'accord.
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Les dispositifs partagés de suivi peuvent prendre la forme, optimale, d'une commission paritaire de suivi, mais il a été constaté qu'il en va plutôt rarement ainsi dans les ACI consultés. Toutefois l'accord-cadre mondial Rhodia précité montre bien cette voie en instituant un « Global Safety Panel » ayant « pour mission de suivre la situation de sécurité au sein du Groupe. » (... Il) « élargira progressivement ses interventions aux domaines de l'hygiène et de l'environnement ». Cette instance est illustrative d'une stratégie partagée entre les parties pour s'assurer d'une couverture universelle36, à compétence mondiale. « La réunion annuelle est tenue sur un site du groupe choisi par les parties. Le Global Safety Panel réalise à cette occasion une visite du site pour Îrifier les conditions de sécurité et de travail ainsi que le bon respect des politiques du groupe en ces domaines ». La mission a noté que cette visite comporte une rencontre bilatérale entre les syndicats locaux et la délégation syndicale internationale. Au total, l'ensemble des lieux d'implantation du groupe dans le monde a ainsi vocation à faire l'objet d'une visite de la commission et de rencontres entre les syndicats locaux et la délégation syndicale internationale de la commission.
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La négociation internationale sur la RSE est à articuler avec les accords multilatéraux par pays
Aux côtés des conventions internationales, il peut être établi des accords multilatéraux dont les signataires ne sont pas seulement les États. Un exemple en est donné par le programme Better work, fruit d'un partenariat original entre le Bureau international du travail et des financeurs internationaux. Ce programme a pour double objectif de mieux faire respecter les principes et droits fondamentaux du travail, la législation nationale du travail dans les chaînes d'approvisionnement du textile et du Ðtement, et d'accroître la compétitivité de ce secteur dans les pays en développement. La traduction de ce programme s'effectue par accord entre un État, des organisations professionnelles nationales, un ensemble d'entreprises et des organisations syndicales de salariés avec constitution d'un comité tripartite. Ce programme est opérationnel dans sept pays (Cambodge, Haïti, Indonésie, Jordanie, Lesotho, Nicaragua, Vietnam). Il couvre 800 usines, 900 000 travailleurs et concerne 70 donneurs d'ordre internationaux. Better Work ne constitue donc pas un label mais un processus d'amélioration continue des actions de conformité aux normes du travail (application des huit conventions fondamentales de l'OIT). Les entreprises impliquées font l'objet de visites par des membres de l'OIT recrutés sur place et formés à cette fin. Des programmes de formation sont aussi prévus pour les employeurs et les syndicats. Il semble qu'aucune entreprise française ne figurait parmi les 70 donneurs d'ordre partenaires de ce programme international au moment où la mission rendait ses conclusions. Au-delà des éÏnements dramatiques qui se sont produits au Bangladesh au printemps 2013, les donneurs d'ordre français ont néanmoins plusieurs motifs pour s'engager dans ce programme : d'une part pour des questions d'image de marque. Les consommateurs sont de plus en plus sensibles à l'origine et aux conditions de fabrication des produits qu'ils acquièrent ;
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La composition en est paritaire : 3 représentants du groupe Rhodia nommés par la Direction Générale, 2 représentants de la structure centrale de l'ICEM et un représentant par zone géographique désigné par l'ICEM parmi les salariés Rhodia de la zone concernée, celles-ci étant respectivement l'Amérique du Nord, l'Amérique Latine, l'Europe et l'Asie.
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d'autre part parce qu'ils interviennent souvent pour le compte d'entreprises elles-mêmes engagées dans des démarches RSE.
La RSE prend ainsi tout son sens : une démarche globale, préventive, inscrite dans le long terme dont l'ensemble des parties prenantes tirent le sentiment qu'elles oeuvrent en commun en faveur du progrès tant pour l'homme que pour la planète.
Signé
Christian LENOIR
Signé
Jean-Paul LE DIVENAH
INVALIDE)