Évaluation de la politique de l'eau. Rapport d'analyse.
LEVRAUT, Anne-Marie ;PAYEN, Denis ;COPPINGER, Nathalie ;CHOLLEY, François ;MADIGNIER, Marie-Laurence ;BENEZIT, Jean-Jacques ;SIMONI, Marie-Louise ;LAGANIER, Richard
Auteur moral
France. Conseil général de l'environnement et du développement durable
;France. Inspection générale de l'administration
;France. Inspection générale des finances
;France. Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux
;France. Conseil général de l'industrie, de l'énergie et des technologies
Auteur secondaire
Résumé
<div style="text-align: justify;">La politique de l'eau couvre un large champ avec un budget annuel de 23 Md ¤ et une gouvernance par grands bassins hydrographiques. Basée sur de grands principes législatifs, elle est fortement encadrée sur le plan communautaire. Dans le cadre de la modernisation de l'action publique, le rapport dresse un diagnostic, s'applique à redéfinir l'objectif du bon état des masses d'eau et examine le financement de la totalité de la politique (petit et grand cycle). Au-delà de la satisfaction des besoins, celle-ci vise la préservation et la reconquête de la qualité des milieux aquatiques et des ressources en eau. Le diagnostic souligne une gestion de l'eau satisfaisante pour le petit cycle et une planification performante du grand cycle. Des points de vigilance subsistent dans un contexte lié aux pollutions et au changement climatique entravant l'atteinte des objectifs de la directive-cadre sur l'eau (DCE). Le rapport aborde de nombreux thèmes comme la planification, la connaissance (recherche, SIE), les établissements publics, les défis futurs et la soutenabilité. Les propositions d'amélioration concernent l'articulation avec d'autres politiques, le renforcement de la police de l'eau, le respect du principe pollueur-payeur dans la détermination des ressources des Agences de l'eau, une aide aux porteurs de projets...</div>
Editeur
CGEDD
;IGA
;IGF
;CGAAER
;CGIET
Descripteur Urbamet
évaluation des politiques publiques
;eau
;aspect juridique
;financement
;gestion de l'eau
;planification
Descripteur écoplanete
politique de l'eau
;DIRECTIVE CADRE SUR L'EAU
;MASSE D'EAU
Thème
Ressources - Nuisances
Texte intégral
Conseil général de l'environnement et du développement durable N° 008843-01
Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux
Inspection générale des finances Conseil Général de l'Économie, de l'Industrie, de l'Énergie et des Technologies
Inspection générale de l'administration Université Paris-Diderot
Évaluation de la politique de l'eau
Rapport d'analyse
Établi par : Responsable opérationnelle : Anne-Marie LEVRAUT Ingénieure Générale des Ponts, des Eaux et des Forêts, Conseil général de l'environnement et du développement durable Équipe opérationnelle : Denis PAYEN Ingénieur Général des Ponts, des Marie-Laurence MADIGNIER Ingénieure Eaux et des Forêts Générale des Ponts, des Eaux et des Forêts Nathalie COPPINGER Inspectrice Générale des Jean-Jacques BENEZIT Ingénieur Général des Finances Ponts, des Eaux et des Forêts François CHOLLEY Ingénieur Général des Mines Marie-Louise SIMONI Inspectrice Générale de l'Administration Richard LAGANIER professeur de géographie
Juin 2013
Sommaire
..............................................................................................................................................1
Table des matières
..............................................................................................................................................1 Résumé................................................................................................................................5 . 1Préambule méthodologique..........................................................................................9 . 2État des lieux : Une organisation complexe autour de principes fondateurs simples...............................................................................................................................11 .........................2.1. La politique de l'eau traduit des enjeux majeurs et s'appuie sur des principes simples et pertinents............................................................................11
.........................2.1.1. De quoi parle-t-on ?......................................................................11 .........................2.1.2. Une politique sous l'influence de déterminants externes et enjeu majeur de développement...............................................................................................12 .........................2.1.3. Une politique très encadrée par les textes européens et la loi française ........................................................................................................................ 12 .........................2.1.4. Les principes de la politique de l'eau font consensus...................15
.........................2.2. Des acteurs nombreux organisés en échelles emboîtées .......16
.........................2.2.1. Une construction fruit de l'histoire.................................................16 .........................2.2.2. L'organisation interdépendante du petit cycle et du grand cycle...17 .........................2.2.3. De très nombreux acteurs articulés à trois niveaux d'intervention : national, bassin et local ..................................................................................................18
.........................2.3. Les leviers multiples de l'action publique .................................20
.........................2.3.1. Les actions de planification et de contrôle...................................20 .........................2.3.2. les incitations financières pour changer ou infléchir les comportements...............................................................................................................22 .........................2.3.3. des actions d'éducation, de sensibilisation, d'information et de participation pour influencer le comportement des usagers de l'eau et acteurs territoriaux ........................................................................................................................................ 25 .........................2.3.4. la recherche de solutions techniques innovantes .........................26
.........................2.4. Un contexte en pleine évolution................................................27 . 3Le diagnostic : Beaucoup d'atouts, mais maintenir la vigilance et renforcer l'implication territoriale pour gérer des problématiques complexes .........................28 .........................3.1. Malgré un contexte naturel favorable, des résultats plus convaincants sur le petit cycle que sur le grand cycle...............................................28
.........................3.1.1. La situation géographique naturelle de la France lui procure des ressources abondantes et de qualité, mais demain ?......................................................28 .........................3.1.2. Le petit cycle de l'eau: une situation globalement satisfaisante...30 .........................3.1.3. Des difficultés situées en grande partie sur le grand cycle de l'eau ........................................................................................................................................ 39
.........................3.1.4. Mais des réussites porteuses d'enseignements pour l'avenir.......56
.........................3.2. Une articulation difficile des politiques publiques, y compris au plan européen............................................................................................................58
.........................3.2.1. Des politiques publiques aux déterminants économiques et sociaux tenant insuffisamment compte des enjeux liés à l'eau........................................58 .........................3.2.2. Des politiques publiques environnementales insuffisamment en synergie.......................................................................................................................... 69 .........................3.2.3. Une tentative d'intégration territoriale : les plans grands fleuves.. 79
.........................3.3. Une gouvernance à consolider pour une mise en oeuvre plus efficace de la politique de l'eau..................................................................................81
.........................3.3.1. Un risque majeur : la démobilisation des acteurs territoriaux au service des objectifs du grand cycle de l'eau..................................................................81 .........................3.3.2. Une gouvernance de bassin performante pour la planification mais perfectible en termes de pilotage de la mise en oeuvre (connaissance, concertation, évaluation)...................................................................................................................... 87 .........................3.3.3. Une organisation nationale insuffisamment coordonnée...............89
.........................3.4. Face à une problématique très complexe, des progrès nécessaires pour parfaire, mobiliser et diffuser les connaissances au service de l'action .......................................................................................................................95
.........................3.4.1. Une recherche et développement de bon niveau mais encore trop faible dans certains secteurs...........................................................................................95 3.4.2. Le système d'information sur l'eau, un dispositif essentiel mais complexe au bilan insuffisant........................................................................................................................ 98
.........................3.5. Mieux articuler les leviers de l'action publique........................108
.........................3.5.1. Un levier régalien à moderniser pour le rendre plus efficace et mieux compris...............................................................................................................108 .........................3.5.2. Les aides financières, aujourd'hui mieux coordonnées avec les objectifs réglementaires.................................................................................................111
.........................3.6. La connaissance des flux financiers relatifs à la politique de l'eau est très difficile.................................................................................................114
.........................3.6.1. Les données disponibles dans le cadre de cette évaluation.......114 .........................3.6.2. Une reconstitution « à dire d'expert » au niveau national recoupant plusieurs sources .......................................................................................................... 114 .........................3.6.3. Les données disponibles du bassin Loire-Bretagne permettent de conforter les analyses supra et de les affiner.................................................................117 .........................3.6.4. Application des principes contenus dans la DCE........................118 .........................3.6.5. Une mise en pratique très imparfaite du principe pollueur-payeur ...................................................................................................................................... 119
. 4.Synthèse opérationnelle...........................................................................................124 .........................4.1. Efficacité : Une politique de l'eau globalement efficace sur le petit cycle de l'eau mais qui rencontre des difficultés pour maintenir en bon état voire reconquérir la ressource en eau et la qualité des milieux aquatiques............124
.........................4.1.1. Pollutions diffuses et substances toxiques difficiles à traiter obèrent une efficacité globalement satisfaisante .......................................................................124 .........................4.1.2. Assainissement non collectif, croissance démographique différente selon les territoires et pollutions résiduelles du milieu peuvent mettre en péril le bon état des eaux....................................................................................................................... 124 .........................4.1.3. Pour le grand cycle, des objectifs trop ambitieux et des outils de mise en oeuvre faiblement opérationnels.......................................................................125 .........................4.1.4. Une action de l'État nécessaire pour assurer la transparence de la
qualité des services au niveau du petit cycle de l'eau et indispensable pour le grand cycle ...................................................................................................................................... 125 .........................4.1.5. Une multiplicité d'intervenants publics et de politiques publiques qui peuvent se neutraliser si les objectifs ne sont pas partagés ...................................126
.........................4.2. Efficience : des progrès possibles dans un environnement social, économique et politique qui restera par nature complexe...........................126
.........................4.2.1. Gouvernance : une coordination et une planification efficaces à l'échelle des bassins, mais une mise en oeuvre locale confrontée à un émiettement des responsabilités et à une organisation inadaptée ...........................................................126 .........................4.2.2. Utilisation des ressources : une évaluation macro-économique imparfaite...................................................................................................................... 127
.........................4.3. Soutenabilité : la politique a-t-elle la capacité à répondre aux défis futurs ?.............................................................................................................128
.........................4.3.1. Consentement à payer : le système de la ressource affectée et des programmes pluriannuels appréciés de tous les acteurs...............................................128 .........................4.3.2. Améliorer la prise en compte des analyses coûts avantages (ACA) et des analyses coûts bénéfices (ACB), ainsi que des approches plus stratégiques.....128 .........................4.3.3. S'inscrire dans une démarche de prospective pour anticiper les changements futurs ......................................................................................................128
. 5.Conclusion.................................................................................................................130 Liste des annexes :.........................................................................................................131
Résumé
L'évaluation de la politique de l'eau s'inscrit dans le processus de la modernisation de l'action pu blique. Elle doit permettre de construire une vision partagée de la politique et d'apprécier son efficacité sur la base de critères explicites. Cette évaluation s'est appuyée sur un questionnaire évaluatif, dont la base avait été discutée en comité de pilotage, et qui identifiait les questions relatives à l'efficacité, l'efficience et la soutenabilité de la politique. L'équipe opérationnelle s'est efforcée d'entendre toutes les différentes catégories d'acteurs. Elle a auditionné 130 personnes et a bénéficié, de plus, des réflexions du groupe de travail du Comité National de l'Eau. La lettre de mission, adressée le 21 février 2013 à la responsable opérationnelle lui demandait de veiller à la cohérence d'ensemble des différentes missions conduites en parallèle, telle que celle confiée à Monsieur le député Michel Lesage par le Premier Ministre. Si l'équipe opérationnelle a bien rencontré ce parlementaire, la coordination n'a pas pu être menée à son terme, notamment en raison des délais. Par ailleurs, la mission a rencontré Monsieur le député Philippe Martin qui conduisait lui aussi une mission pour le Premier Ministre sur la gestion quantitative de l'eau en agriculture, donc corrélée avec l'objet de l'évaluation. L'équipe opérationnelle a aussi bénéficié des apports de plusieurs missions confiées au Conseil général de l'environnement et du développement durable, notamment celle sur l'évaluation des SDAGE à mi-parcours, mais aussi celle sur la révision de la stratégie de surveillance des eaux en France. La lettre de mission du 21 février 2013 mettait l'accent sur deux points prioritaires : la redéfinition de l'objectif du bon état des masses d'eau afin que celui-ci soit réaliste mais conforme à la DCE ; l'amélioration de la capacité des acteurs à résoudre les problèmes entraînant le déclassement des masses d'eau (pollutions diffuses agricoles, continuité écologique des cours d'eau). Elle rappelait que l'évaluation s'inscrivait dans le cadre du redressement des finances publiques et que les propositions futures viseraient à améliorer l'efficience de la politique sans en accroître les moyens. Le cahier des charges adopté par le premier comité de pilotage du 4 mars 2013 a très sensiblement élargi le champ de l'évaluation, en demandant d'examiner notamment le financement de la totalité de la politique de l'eau (petit et grand cycle), et d'examiner d'autres sujets comme les DOM, la gestion du DPF... Enfin, la Ministre a souhaité que l'évaluation concerne aussi les données sur l'eau. *** Le rapport d'analyse rappelle le fort encadrement communautaire de la politique de l'eau, qui doit nous inciter à la vigilance, certains contentieux (nitrates, ERU) étant en cours. Le rapport souligne que les principes législatifs de la politique de l'eau font consensus : l'eau patrimoine commun de la Nation ; le droit de chacun à l'usage de l'eau et à l'accès à l'eau potable de qualité à un coût acceptable ; l'application du principe pollueur-payeur (« l'eau paye l'eau », y compris l'intégration des coûts pour l'environnement, en tenant compte des conséquences sociales, économiques et environnementales). De même, le système opérationnel de la gestion intégrée par bassin hydrographique, avec des agences de l'eau bénéficiant de ressources affectées garanties et des programmes pluriannuels d'intervention, continue de faire ses preuves et est apprécié de tous les acteurs : c'est un acquis fondamental à préserver, gage d'efficacité et de soutenabilité de la politique. Les comités de bassin, «parlements de l'eau», jouent un rôle clef dans la planification et le dimensionnement de la mutualisation de l'effort financier : leur composition est questionnée, notamment quant au poids des représentants de la société civile, bénéficiaire finale de l'action
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publique. Malgré des progrès très importants accomplis ces dernières années en matière de réduction des pollutions ponctuelles classiques, avec en particulier la mise aux normes issues de la directive « eaux résiduaires urbaines » de l'assainissement collectif, il existe une forte probabilité pour que l'objectif retenu par le Grenelle de l'environnement d'atteindre le bon état écologique (BEE) pour 2/3 des masses d'eau superficielles (MESU) en 2015 ne soit pas atteint. En effet, si l'état de la qualité des masses d'eau et des milieux aquatiques en France en 2009 était dans la moyenne européenne, le niveau d'ambition pour 2015 alors déterminé est particulièrement volontariste (passer de 41 % à 66 % des MESU en BEE). Cet effort a été décidé sur la base de connaissances entachées d'une forte incertitude, notamment sur l'état initial et sur le lien entre pression et état qualitatif. Les difficultés rencontrées concernent des thématiques complexes, impliquant des acteurs multiples, pas toujours bien identifiés : pollutions diffuses, pollutions résiduelles dont les pollutions toxiques ou par temps de pluie, morphologie des cours d'eau, gestion sous tension des étiages. Les progrès accomplis sur ces thématiques sont variables, malgré des efforts soutenus, certains objectifs environnementaux se heurtant aux logiques économiques, voire à d'autres politiques publiques (agricoles pour les pollutions diffuses, énergétiques pour la morphologie). Cependant, sur certains territoires, des effets positifs ont résulté d'actions transversales conduites, telles que l'adaptation des pratiques agricoles dans des aires d'alimentation de captages, ou la conclusion d'un protocole d'accord avec les hydroélectriciens. De plus, les solutions sont potentiellement très laborieuses si ce n'est très coûteuses, avec des bénéfices environnementaux certains mais différés dans l'espace et dans le temps, impliquant un très grand nombre d'acteurs extérieurs à la politique de l'eau, et présentant des spécificités territoriales fortes. Ceux qui préparent et approuvent les engagements via la planification ne maîtrisent pas tous les leviers de la mise en oeuvre, qui dépendent de l'intégration plus ou moins effective des aspects liés à l'eau dans les politiques publiques, d'une part, et de la mobilisation des acteurs territoriaux, d'autre part. Si la coordination des acteurs de l'eau et la planification sont efficaces au niveau des bassins, la mise en oeuvre locale est peu efficiente car elle reste confrontée à une difficulté d'appropriation des enjeux, à un émiettement des responsabilités et à une organisation inadaptée qui ne favorisent ni la construction d'une vision stratégique partagée ni la déclinaison opérationnelle en actions sur le terrain. L'absence de compétence obligatoire attribuée pour la gestion des milieux aquatiques nuit à la mise en oeuvre des mesures locales déclinant les SDAGE. Sauf dans des cas où des syndicats de rivières (sous-bassins) avaient été initiés (avec ou sans SAGE), le manque de maîtres d'ouvrages ayant les capacités techniques et financières est aussi un handicap notoire. De plus, les financements croisés peuvent entraîner une neutralisation des priorités retenues, si les cofinanceurs n'ont pas partagé en amont les objectifs pour prioriser les actions de la politique de l'eau. La politique de l'eau doit être mieux articulée avec d'autres politiques publiques environnementales proches, qui font aussi l'objet de directives communautaires, la politique sur les inondations d'une part et celle sur les milieux marins d'autre part. En effet, existe un risque de sectorisation des politiques alors que l'approche doit être transversale et systémique, via le dialogue entre les gouvernances spécifiques, les systèmes d'information, l'animation des acteurs territoriaux et l'intervention financière des agences de l'eau. La demande sociale est prioritairement axée sur la satisfaction des besoins vitaux : disposer d'eau potable, d'un assainissement évitant nuisances et maladies, d'eaux de baignades propres et de coquillages sains. La relation pourtant étroite entre qualité du grand cycle de l'eau et du petit cycle n'est pas immédiatement perçue par la population ni les professionnels. L'efficacité de la politique du petit cycle de l'eau est bonne, sauf dans les DOM qui connaissent des
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retards structurels importants, retards dus à une prise de conscience plus tardive, à une difficulté à mobiliser des ressources propres suffisantes et à une ingénierie locale trop faible : le recours aux fonds structurels et la solidarité inter-bassins sont indispensables. En revanche, l'efficience de l'organisation des très nombreux services publics d'eau et d'assainissement existants (35 000 SPEA) ne saurait être considérée comme bonne, moins encore optimale. La demande des consommateurs porte aussi sur la transparence de la qualité du service rendu par les SPEA et sur le prix de l'eau. L'observatoire des SPEA connaît des difficultés d'alimentation en données, la transmission des rapports annuels (RPQS) établis par les maires n'étant pas obligatoire. Par ailleurs, même si le prix de l'eau est, sauf exception, dans la moyenne européenne, les consommateurs sont vigilants à ce que la facture d'eau reflète la stricte application de « l'eau paye l'eau ». Le rapport d'analyse s'est penché sur la façon dont la connaissance permet de piloter et d'évaluer l'action. La recherche sur l'eau et les milieux aquatiques mobilise près de 5260 ETP, les trois quarts dans le secteur public ; elle est reconnue de bon niveau et sa mobilisation pour appuyer les politiques publiques a progressé avec la création de l'ONEMA et de son conseil scientifique. Il reste à couvrir cependant de nombreux besoins sur des aspects liés à l'écologie, l'agronomie, l'évolution des comportements, l'évaluation des aménités, les solutions techniques ; de même, la valorisation des résultats souffre d'un déficit d'organisation permettant de déboucher sur des actions d'innovation. Le système d'informations sur l'eau (SIE), qui est en construction depuis une dizaine d'années, est l'un des rares systèmes d'informations dédié à une politique publique qui soit formalisé. L'ONEMA en assure la coordination technique. Le champ du SIE s'est progressivement élargi. Axé prioritairement sur les informations nécessaires pour rendre compte à la Commission européenne de la mise en oeuvre des directives, il a permis d'effectuer dans les délais le premier rapportage de la DCE en 2009. Le SIE souffre cependant d'un pilotage stratégique insuffisant, aggravé par l'absence d'autorité sur des acteurs extérieurs à la sphère État, d'une rationalisation incomplète des réseaux de mesures, et d'un dispositif qualité incomplet. En effet, au-delà de dispositifs sectoriels, il manque encore un dispositif qualité d'ensemble basé sur une cartographie des processus et des risques assorti de dispositifs de contrôles réguliers. La mise à disposition par les producteurs de données validées est tardive (3 ans en moyenne), et l'accès à ces données, notamment par le public, mais aussi par les décideurs, est difficile. La capacité des producteurs à produire ou faire produire les données interroge : ils peinent par exemple à encadrer l'activité des laboratoires placés en situation monopolistique, faute de compétences suffisantes. Les moyens financiers consacrés sont significatifs (80 M/an au minimum en 2011) mais les moyens humains affectés sont fragiles et en diminution : la soutenabilité de ce système d'information, indispensable pour conduire et évaluer la politique, est questionnée. L'articulation des différents leviers dont dispose l'État et ses établissements publics est perfectible, alors que la complémentarité incitation-sanction est indispensable. L'efficacité de la police de l'eau, levier régalien de contrôle et de sanction dans un contexte où la crédibilité de la politique est en jeu, est insuffisante, notamment du fait des moyens consacrés : le rapport entre les moyens consacrés à la police judiciaire et à l'incitation n'est que de un pour cent. La question du rééquilibrage entre incitation et coercition se pose en termes d'efficience relative. Le signal donné par les sanctions est indispensable : l'évaluation CIMAP de la police de l'environnement devrait approfondir cette question. A contrario, même si elle est variable selon les bassins et les départements, la coordination administrative entre les services déconcentrés et les établissements publics via les missions inter-services de l'eau et de la nature (MISEN) semble avoir beaucoup progressé. En revanche, peu de départements semblent avoir mis en place un système de gestion
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par projet et de chef de filât de la représentation de l'État pour le suivi des projets territoriaux, alors qu'un accompagnement de ces projets est indispensable à l'atteinte des objectifs de résultats et que les moyens humains de l'État ne permettent plus la dispersion de ses moyens. L'organisation des établissements publics de l'État a évolué vers plus de mutualisation. Si l'ONEMA mutualise certains aspects techniques (méthodologies, certains outils), cet établissement public, qui n'a aucune autorité sur les agences de l'eau, n'a pas compétence ou vocation à couvrir l'ensemble des besoins. La mutualisation entre les agences de l'eau a progressé, mais doit être accélérée et renforcée (base de données de coûts de référence par exemple). La politique de l'eau mobilise d'importantes ressources financières et humaines. Selon l'évaluation conduite, 17 Mds d'euros environ sont mobilisables annuellement dans le petit cycle de l'eau (dont 1 Md d'euros d'emprunt des collectivités locales) et 5,6 Mds d'euros sont mobilisés par le grand cycle de l'eau dont la moitié en provenance du contribuable au niveau national. La répartition actuelle des contributions des usagers au financement des agences de l'eau continue de faire débat, malgré le rééquilibrage amorcé par les 10èmes programmes. Certains choix méritent une vigilance particulière : plusieurs systèmes actuels de redevances au bénéfice des agences de l'eau (obstacles, prélèvement...) ne contribuent pas efficacement aux objectifs qui les justifient. La mise en place de règles telles que le que le respect d'un prix minimum de l'eau pour être éligibles aux aides des agences de l'eau ou la fongibilité asymétrique (pour éviter des transferts du grand cycle vers le petit cycle) vont dans le bon sens. Sur le plan des ressources humaines de l'État, l'absence de masse critique dans la plupart des services en charge de la police de l'eau peut nuire à la qualité de l'expertise des dossiers de police administrative et à une pression de contrôle suffisante. Par ailleurs, les compétences nécessaires ne sont pas toujours présentes, notamment dans les domaines émergents (exemples : hydromorphologie, toxiques, etc.). Des programmes d'intervention comme Ecophyto n'ont pas encore fait la preuve de leur efficacité et ont une gouvernance complexe. Ils comprennent trop d'intermédiaires qui entraînent des coûts de transaction excessifs et le dispositif génère une déresponsabilisation alors même que l'utilisation des crédits a fait l'objet d'un cadrage ministériel au niveau national. La soutenabilité de la politique de l'eau et sa capacité à répondre aux défis futurs est questionnée, notamment par l'insuffisance d'analyses coût-avantages. Les analyses économiques devraient pourtant constituer un élément majeur d'aide à la décision et d'amélioration de l'efficacité et de l'efficience. L'appréciation des coûts disproportionnés est d'autant plus importante qu'elle peut constituer un argument de demande de dérogations de délais et d'objectifs dans la mise en oeuvre des mesures complémentaires de la DCE. Enfin, de nombreux défis comme les conséquences du changement climatique, les dynamiques de répartition des populations et des activités économiques, les effets à terme des micropolluants, l'érosion de la biodiversité invitent à s'inscrire dans une démarche prospective pour anticiper les changements futurs. Cet avenir par définition incertain doit aussi nous inciter à conforter la gestion intégrée par bassin versant, en associant davantage les acteurs territoriaux et la population de plus en plus urbaine et moins consciente des enjeux liés au fonctionnement des milieux aquatiques. Enfin, les contraintes économiques nous incitent à avoir d'autant plus de rigueur sur les priorités.
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. 1 Préambule méthodologique
L'équipe opérationnelle a dû réaliser dans un délai court (moins de trois mois entre l'adoption du cahier des charges de l'évaluation par le Comité de Pilotage et le deuxième COPIL) un diagnostic évaluatif de la politique de l'eau, politique partenariale vaste et en pleine évolution. Elle s'est appuyée sur le guide méthodologique du Comité Interministériel pour la modernisation de l'action publique (CIMAP) et en particulier sur son questionnaire évaluatif, qui a complété et enrichi celui, provisoire, dressé par le premier COPIL. Conformément à la lettre de mission (en Annexe 1), elle a en particulier cherché à se coordonner avec les réflexions des parlementaires en mission : M. Philippe Martin sur la gestion quantitative de l'eau en agriculture et M. Michel Lesage sur l'évaluation de la mise en oeuvre de la directive cadre sur l'eau (DCE). Elle s'est aussi rapprochée des équipes opérationnelles de deux évaluations CIMAP de première vague, concernant des politiques publiques qui interfèrent avec la politique de l'eau : la politique de développement agricole d'une part, et la politique maritime d'autre part. L'évaluation CIMAP de la police de l'environnement, qui démarre, pourra, elle aussi, interférer avec les réflexions objet de la présente évaluation. Ces coordinations ont cependant été compliquées, pour des raisons notamment de calendrier décalé. La coordination avec les parlementaires s'est faite grâce à des auditions et à une discussion avec les membres des Conseils Généraux nommés en appui aux deux parlementaires. Enfin, des rencontres périodiques avec le directeur de l'eau et de la biodiversité, coordinateur de l'évaluation, et ses équipes ont permis de comprendre le contexte légal et les difficultés de mise en oeuvre de la politique du point de vue de l'administration centrale. Au final, les principes de la méthodologie adoptée ont été les suivants : · privilégier la prise de recul à l'approfondissement des sujets : · échantillonner les catégories d'acteurs pour garantir la représentativité à défaut d'exhaustivité ; · aborder la masse importante d'informations existantes en prenant connaissance de la plupart des rapports d'études récents sur le sujet ; · hiérarchiser les problèmes ; · mobiliser une équipe importante de participants à l'évaluation pour : · auditionner le plus d'acteurs possible dans un temps court ; participer aux réunions du groupe de travail du Comité National de l'Eau et aux séances plénières du CNE, organe national de concertation sur la politique de l'eau. 1 ; étudier les modalités de construction du diagnostic du CNE et en tirer parti ; étudier les contributions écrites reçues ; · croiser les différents regards d'évaluateurs pour élargir la vision ; · prendre en compte l'évolution en cours de la politique de l'eau et les axes de mutation engagés (le sujet est en pleine évolution avec de nombreux rapports en parallèle), ainsi que l'évolution du contexte législatif : · s'intéresser aux missions en cours pour en intégrer les tendances : missions des corps d'inspection (évaluation des SDAGE à mi-parcours, révision des réseaux de surveillance...), missions parlementaires ; · envisager les hypothèses et scénarios tendanciels pour le futur ; · prendre l'avis de la Commission Européenne ; · orienter le rapport vers un outil d'aide à la décision par une réflexion développant divers angles de vue ; · proposer des axes d'analyse et de progrès simples et lisibles à partager par le plus grand nombre.
1
Le Comité National de l'Eau est l'instance de concertation nationale dans le domaine de l'eau.
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Un soin particulier a été accordé à plusieurs aspects de l'évaluation : la question de la connaissance et en particulier du système d'information sur l'eau (SIE), celle des interactions entre politique agricole et politique de l'eau, la question de l'estimation des enjeux financiers de la politique et de la récupération des coûts. En revanche, la question des effectifs et celle des compétences associées consacrés par l'État et ses établissements publics n'a pu être analysée de façon approfondie. Elle nécessiterait un complément d'investigations.
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. 2 État des lieux : Une organisation complexe autour de principes fondateurs simples
.........................2.1. La politique de l'eau traduit des enjeux majeurs et s'appuie sur des principes simples et pertinents .........................2.1.1. De quoi parle-t-on ?
L'eau est un objet politique : elle est à la fois un patrimoine partagé et un bien économique en raison de sa qualité, sa rareté et de sa mise à disposition pour de multiples usages. C'est une ressource vitale qui concerne toute l'humanité. Elle est aussi une cause de risques majeurs. Elle est enfin une ressource qui ne peut être gérée qu'à long terme. L'eau est indispensable à la vie. C'est une composante essentielle des écosystèmes. L'eau est nécessaire à la quasi-totalité des usages économiques. La maîtrise des eaux, l'approvisionnement de la population en eau potable et l'assainissement des effluents demeurent l'une des responsabilités principales reconnues aux autorités publiques. La politique de l'eau s'intéresse : · au grand cycle de l'eau (GCE) : il s'agit du cycle naturel du nuage à la mer (évaporation, précipitations, infiltration et ruissellement jusqu'à la mer ou l'océan) ; l'eau est par nature une ressource réutilisable ; · au petit cycle de l'eau (PCE) : il s'agit du cycle domestique concernant l'eau potable (captage, traitement, stockage et distribution) et l'assainissement, collectif ou non collectif (collecte, épuration, rejet). Le petit cycle, géré localement, et le grand cycle sont interdépendants : une ressource de qualité permet une eau potable sans traitement lourd, des rejets bien épurés minimisent l'impact sur le milieu. La ressource est unique, les usages sont multiples. La politique de l'eau vise donc à satisfaire les besoins essentiels des populations, à arbitrer les conflits d'usage et à maintenir une ressource suffisante en quantité et qualité pour les générations futures. Elle s'intéresse non seulement à l'eau (l'élément chimique H2O) mais aussi aux écosystèmes associés : les milieux aquatiques et les zones humides. Elle prend en considération les eaux douces, superficielles (rivières, lacs...) ou souterraines, ainsi que les eaux littorales et de transition (estuaires, lagunes...), voire la qualité des milieux marins. L'ensemble des deux cycles mettrait en jeu des flux annuels de l'ordre de 23Md 2 : Le petit cycle de l'eau représenterait environ 17,2Md et le grand cycle environ 5,6Md . La valeur à neuf des réseaux (, canalisations et stations, incluant les installations privées d'assainissement) est estimée dans une fourchette de 330 à 400 Md (services d'eau potable 165/175Md ; services d'assainissement 165/225 Md ). Ces montants ne sont que des ordres de grandeur et doivent être considérés comme des évaluations basses. La connaissance fine des flux financiers se heurte à des problèmes méthodologiques et de périmètre de définition en ce qui concerne surtout le grand cycle et à des imprécisions et des difficultés d'accès à l'information en ce qui concerne le petit cycle. Retenons surtout l'importance économique relative du secteur de l'eau, à plus d'un point de PNB et, au sein de celui-ci, la prépondérance du petit cycle.
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Cf chapitre 3-6. 11/131
.........................2.1.2. Une politique sous l'influence de déterminants externes et enjeu majeur de développement
L'usage de l'eau conditionne de nombreuses activités humaines et notamment économiques : l'eau est nécessaire aux besoins vitaux de l'homme, des animaux et des plantes. Sans eau, pas d'urbanisation, ni d'agriculture, ni de pêche. C'est une ressource indispensable à la plupart des activités industrielles : composant chimique, source de refroidissement, de transport ou de dilution. L'eau est aussi une source d'énergie ou une source froide peu coûteuse. Elle est également voie de transport. La présence d'eau de qualité est nécessaire au tourisme et aux loisirs (baignade, promenade...). Tous ces usages influent sur la ressource en eau au plan quantitatif ou qualitatif (pollution, réchauffement...) et sur les écosystèmes aquatiques (destruction ou modification des habitats...). La plupart de ces usages s'inscrivent dans des logiques économiques qui dépassent le cadre national et même européen sans prendre en compte, ou pas suffisamment, les aspects environnementaux dans une logique de développement durable. Des conflits d'usage se font jour : même si la ressource en eau est jugée abondante en France, l'accroissement des besoins couplé à des perspectives de raréfaction (impact du changement climatique ou des pollutions) pourrait conduire à la remise en cause de certains usages et plus généralement de notre modèle de croissance. Différents usages sont eux-mêmes promus ou encadrés par des politiques publiques. La politique de l'eau s'articule ainsi avec de nombreuses politiques publiques, sans que la hiérarchie de ces enjeux ne soit arrêtée. Par ailleurs, il est important que la politique de l'eau en France soit perçue comme efficace et performante, car c'est aussi un élément de visibilité de notre pays à l'étranger. L'offre française d'équipements et de services liés à l'eau est importante à l'international. Elle concerne les acteurs publics de notre offre de coopération et d'aide au développement, dans le cadre d'actions bi et multilatérales. Elle impacte aussi les acteurs privés, les industriels et les sous-traitants de la chaîne de l'eau, réalisant à l'export un chiffre d'affaires double de celui réalisé en France. Cette situation est toutefois menacée par la concurrence notamment asiatique.
.........................2.1.3. Une politique très encadrée par les textes européens et la loi française
2.1.3.1 L'encadrement communautaire : une rupture
80 % de la réglementation nationale en matière d'environnement est d'origine communautaire (très nombreuses directives, quelques règlements). En effet, il est rapidement apparu que le niveau d'exigence environnementale pouvait nuire à l'égalité de la concurrence entre États. Avec l'entrée en vigueur du traité de Maastricht, la plupart des décisions en matière environnementale est désormais adoptée à la majorité qualifiée avec le Parlement en codécision. Cet encadrement communautaire implique une rupture dans la mise en oeuvre des politiques. Comme tous les autres États Membres, notre pays se doit de rendre des comptes à la Commission sur les objectifs fixés, les efforts accomplis et les résultats obtenus. En cas de défaut de transposition, de compte-rendu ou de mise en oeuvre, des contentieux sont possibles, avec le risque, en cas de manquement sur manquement, de sanctions financières. Les directives demandent en particulier l'atteinte d'objectifs de résultats, alors que la tradition administrative française fixe des obligations de moyens. Cette nouvelle approche des politiques publiques intègre une logique d'évaluation économique et environnementale qui peut être porteuse d'efficacité et d'efficience si elle est comprise par les acteurs chargés de sa mise en oeuvre. Cette rupture culturelle peut cependant être source de difficultés dans l'application. Et ce d'autant plus que la mise en oeuvre des directives génère souvent un idiome spécifique, approprié par quelques experts, et qui éloigne les
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non spécialistes de la compréhension des enjeux.
Les directives applicables à la politique de l'eau La politique de l'eau européenne compte aujourd'hui plus de 40 ans d'histoire. Elle trouve ses fondements dès 1972 avec la conférence de Paris qui initia le cadre d'une politique environnementale commune. Ceci se traduisit par un premier programme d'action pour l'environnement visant à préserver la santé publique, protéger l'environnement, harmoniser les règles environnementales avec celles du marché commun. Dans le domaine de l'eau ceci a conduit à l'adoption de bon nombre de directives depuis le milieu des années 70. Certaines de ces directives visaient à protéger l'environnement comme : la directive sur la qualité des eaux de surface (75/440/EEC - du 16/06/75) la directive sur les substances dangereuses (76/464/EEC - du 4/05/76) la directive sur la protection des eaux douces à usage piscicole (78/659/EEC - du 18/07/1978) la directive sur les eaux résiduaires urbaines (91/271/EEC - du 24/05/1991) la directive nitrates (91/676/EEC - du 12/12/1991) etc...
D'autres directives avaient pour but la protection de la santé publique, des biens et des personnes : la directive sur l'eau potable (80/778/EEC - du 15/07/1980) la directive sur les eaux de baignade (75/160/EEC - du 8/12/1975) ... Ces directives permirent de poser les premiers jalons d'une politique communautaire de l'eau. Certaines directives ont été révisées. Mais, dès le milieu des années 90, il est apparu qu'une simple mise à jour des directives ne serait pas suffisante pour atteindre un bon état écologique des eaux, à moyen terme en Europe. Ce constat a abouti à la volonté de créer une directive cadre sur l'eau (DCE) adoptée le 23 octobre 2000 à une large majorité au parlement et à l'unanimité au conseil. Cette directive établit un cadre pour la gestion et la protection des eaux intérieures de surface, des eaux souterraines, des eaux de transition et des eaux côtières, par grand bassin hydrographique. Son objectif est d'atteindre un «bon état» écologique et chimique de toutes les eaux communautaires. Elle a été complétée par l'adoption de directives filles ( la directive 2006/118/CE du 12 décembre 2006 sur la protection des eaux souterraines contre la pollution et la détérioration, ainsi que la directive 2008/105/CE du 16 décembre 2008 établissant des normes de qualité environnementale dans le domaine de l'eau). Ce cadre a depuis été complété par l'adoption de la directive sur l'évaluation et la gestion des risques d'inondations (2007/60/CE du 23 octobre 2007), dite « directive inondations » (DI) et par la directive cadre « Stratégie des milieux marins » (2008/56/CE du 17 juin 2008) (DCSMM) non applicable à l'outre-mer. Certaines des directives sectorielles sont appelées à perdurer (Nitrates) et leur application est articulée avec celle de la DCE (notamment prise en compte comme objectifs DCE (art 4 1 c) des « zones protégées (art 6 annexe IV) : nitrates, ERU, baignades, Oiseaux, Habitats, ... ) ; d'autres directives sont appelées à disparaître (Voir art 22 DCE), leurs objectifs étant intégrés à la DCE ( fin 2013 au plus tard : eaux conchylicoles, eaux piscicoles, ...).
2.1.3.2 Des principes constitutionnels
La charte de l'environnement adossée à la constitution en 2003 pose des principes majeurs, applicables directement ou pris en compte par la loi. Les principes rappelés ci-dessous s'appliquent en particulier à la politique de l'eau.
Les principes de la charte constitutionnelle · articles applicables directement : 1 (droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé) ; 2 (devoir de prendre part à la préservation et amélioration de l'environnement) ; 5 (principe de précaution) ; 6 (promotion du développement durable) ; 8 (éducation et formation à l'environnement) ; 9 (recherche et innovation) et 10 (action européenne et internationale) · articles applicables dans les conditions définies par la loi (3 : principes de prévention et de réduction des conséquences ; 4 : principe de réparation ; 7 : information et participation du public)
2.1.3.3 Un droit interne ancien : du droit de propriété à la gestion des usages, puis à la gestion intégrée de l'eau par bassin versant
Les premiers textes modernes concernant le droit de l'eau remontent au code napoléonien. Leur objectif
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principal était de déterminer le régime de propriété de l'eau. Depuis 1898, la loi définit deux catégories de rivières : · domaniales : l'État et les collectivités territoriales propriétaires du domaine public fluvial (DPF) sont propriétaires du lit du cours d'eau et ont une obligation d'entretien limité aux travaux nécessaires pour maintenir la capacité naturelle d'écoulement du cours d'eau. Les propriétaires riverains disposent du droit d'usage de l'eau, car l'eau étant une chose commune (res communis), elle ne peut faire l'objet d'un droit de propriété ; ils disposent aussi du droit d'utiliser et exploiter les produits du domaine (extraction) et des droits y afférents (chasse et pêche par ex.). La gestion de certaines voies navigables du domaine public est confiée à l'établissement public Voies navigables de France (VNF); certains cours d'eau domaniaux sont transférables aux collectivités territoriales, d'autres non ; · non domaniales : elles sont régies par le droit privé (code civil), le code rural et le code de l'environnement. Le lit du cours d'eau appartient aux propriétaires riverains sur lesquels pèse l'obligation d'entretien régulier du cours d'eau. Les riverains ont un droit d'usage privilégié malgré sa qualification de « chose commune » et à cet effet, ils peuvent se servir de l'eau à son passage pour leur usage personnel et domestique, à charge pour eux de la restituer à la sortie de son fonds à son cours normal (cf. art. 644 du code civil et droits des propriétaires en aval et fonds inférieurs). Ils ont le droit de circuler librement sur la rivière et possèdent le droit de pêche. Enfin, ils ont également le droit d'extraire tous produits du lit à condition de ne pas modifier le régime des eaux et d'en exécuter l'entretien (art. L. 215-2 du code de l'environnement). Sinon ils demeurent soumis à autorisation si l'activité est effectuée dans un but lucratif, en quantité industrielle (non domestique) avec risque d'impact sur le cours d'eau. La gestion de l'eau a longtemps été appréhendée sous l'angle des « usages de la ressource » (irrigation, santé publique, voie navigable, risques naturels, usages économiques, loisirs ...). Trois grandes lois sur l'eau (1964, 1992, 2006) ont progressivement modifié cette approche : l'eau est désormais considérée comme un bien commun nécessaire à l'homme et à toutes ses activités, une ressource rare et un milieu à préserver pour la biodiversité qu'il abrite. La puissance publique est passée d'une approche sectorielle à une gestion intégrée de la ressource et des milieux. C'est également l'orientation européenne : la DCE énonce dans son article 1er la priorité accordée aux écosystèmes aquatiques afin d'assurer un approvisionnement suffisant en eau de surface et en eau souterraine de bonne qualité pour les besoins d'une utilisation durable, équilibrée et équitable de l'eau3. L'ensemble des textes relatifs à la police et la gestion de l'eau et des milieux aquatiques est codifié au livre
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L'article 1 de la DCE : « La présente directive a pour objet d'établir un cadre pour la protection des eaux intérieures de surface, des eaux de transition, des eaux côtières et des eaux souterraines, qui : a) prévienne toute dégradation supplémentaire, préserve et améliore l'état des écosystèmes aquatiques ainsi que, en ce qui concerne leurs besoins en eau, des écosystèmes terrestres et des zones humides qui en dépendent directement ; b) promeuve une utilisation durable de l'eau, fondée sur la protection à long terme des ressources en eau disponibles ; c) vise à renforcer la protection de l'environnement aquatique ainsi qu'à l'améliorer, notamment par des mesures spécifiques conçues pour réduire progressivement les rejets, émissions et pertes de substances prioritaires, et l'arrêt ou la suppression progressive des re jets, émissions et pertes de substances dangereuses prioritaires ; d) assure la réduction progressive de la pollution des eaux souterraines et prévienne l'aggravation de leur pollution, et e) contribue à atténuer les effets des inondations et des sécheresses, et contribue ainsi : -- à assurer un approvisionnement suffisant en eau de surface et en eau souterraine de bonne qualité pour les besoins d'une utilisation durable, équilibrée et équitable de l'eau, -- à réduire sensiblement la pollution des eaux souterraines, -- à protéger les eaux territoriales et marines, -- à réaliser les objectifs des accords internationaux pertinents, y compris ceux qui visent à prévenir et à éliminer la pollution de l'environnement marin par une action communautaire au titre de l'article 16, paragraphe 3, à arrêter ou supprimer progressivement les rejets, émissions et pertes de substances dangereuses prioritaires présentant un risque inacceptable pour ou via l'environnement aquatique, dans le but ultime d'obtenir, dans l'environnement marin, des concentrations qui soient proches des niveaux de fond pour les substances présentes naturellement et proches de zéro pour les substances synthétiques produites par l'homme ». 14/131
II du code de l'environnement.
.........................2.1.4. Les principes de la politique de l'eau font consensus
L'ensemble du corpus décrit supra peut être résumé en trois grands principes 4, que tous les acteurs auditionnés considèrent comme appropriés : Le premier principe affirme que « l'eau fait partie du patrimoine commun de la nation ». Sa protection, sa mise en valeur et le développement de la ressource utilisable, dans le respect des équilibres naturels, sont d'intérêt général. La gestion de la ressource en eau intégrée à l'échelle du bassin versant doit permettre d'assurer une qualité et une quantité d'eau suffisantes pour les usages et les milieux. Le second principe établit que « l'usage de l'eau appartient à tous » et que "chaque personne physique, pour son alimentation et son hygiène, a le droit d'accéder à l'eau potable dans des conditions économiques acceptables par tous." Le respect de ce principe repose sur l'organisation des services publics d'eau potable et d'assainissement des eaux usées (qu'il soit collectif ou non collectif), sous la responsabilité des collectivités locales qui les gèrent. Le troisième principe est issu de l'application du principe pollueur payeur. Ainsi, "les coûts liés à l'utilisation de l'eau, y compris les coûts pour l'environnement et les ressources elles-mêmes, sont supportés par les utilisateurs en tenant compte des conséquences sociales, environnementales et économiques ainsi que des conditions géographiques et climatiques". Cette partie de la politique de l'eau est menée à plusieurs niveaux. La récupération des coûts liés aux investissements et au fonctionnement des ouvrages est assurée à l'échelle d'un service, qu'il soit public (cas des services d'eau potable et d'assainissement) ou privé (cas des installations industrielles et des systèmes d'irrigation). En ce qui concerne les coûts environnementaux, le système français repose sur les redevances des agences de l'eau, qui permettent d'imposer les usagers en fonction de leurs usages de l'eau et de financer les actions d'intervention des agences pour aider les investissements et travaux réalisés par les collectivités locales et les industriels. La politique de l'eau fonctionne donc ainsi à ces différents niveaux sur la base d'une affectation de la ressource financière selon le principe de « l'eau paie l'eau ».
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L'article faîtier du livre II, qui concerne toutes les eaux, y compris marines (Article L210-1 du code de l'environnement : « L'eau fait partie du patrimoine commun de la nation. Sa protection, sa mise en valeur et le développement de la ressource utilisable, dans le respect des équilibres naturels, sont d'intérêt général. Dans le cadre des lois et règlements ainsi que des droits antérieurement établis, l'usage de l'eau appartient à tous et chaque personne physique, pour son alimentation et son hygiène, a le droit d'accéder à l'eau potable dans des conditions économiquement acceptables par tous. Les coûts liés à l'utilisation de l'eau, y compris les coûts pour l'environnement et les ressources elles-mêmes, sont supportés par les utilisateurs en tenant compte des conséquences sociales, environnementales et économiques ainsi que des conditions géographiques et climatiques ». 15/131
.........................2.2. Des acteurs nombreux organisés en échelles emboîtées .........................2.2.1. Une l'histoire construction fruit de
Issues d'un corpus législatif et réglementaire national abondant et ancien et encadrées par les textes européens, les principales lois sur l'eau ont mis en place le modèle français de la gestion intégrée de l'eau par bassin versant. La gestion de l'eau implique un grand nombre d'acteurs pouvoirs publics, collectivités territoriales et leurs groupements, acteurs économiques, associations et s'exerce sur une multiplicité d'échelles géographiques : le cadre européen5, le cadre national avec les sept grands bassins versants de métropole et les cinq bassins d'outre-mer, l'ensemble des régions, des départements et des communes ainsi que leurs regroupements. La loi du 16 décembre 1964 relative au régime de répartition des eaux et à la lutte contre les pollutions a posé les bases d'une gestion de l'eau très décentralisée fondée sur une gouvernance organisée au niveau de grands bassins hydrographiques dans le cadre de comités de bassin. Elle a créé sur la base des principes « pollueur payeur » et « l'eau paye l'eau » les agences de l'eau en métropole. La loi du 3 janvier 1992 sur l'eau reconnaît l'eau comme patrimoine commun de la Nation, et inscrit le droit français de l'eau dans son contexte européen par la création d'instruments de planification par une approche par bassin et sous-bassin. À ce titre, elle définit les bases de la planification dans le domaine de l'eau au niveau des grands bassins hydrographiques via les schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) et au niveau des sous bassins via les schémas d'aménagement et de gestion des eaux (SAGE), et renforce les outils de police de l'eau (instruction des autorisations et déclarations via une nomenclature et contrôle). La loi du 20 décembre 2006 sur l'eau et des milieux aquatiques de 2006 (LEMA) achève la transposition de la DCE, qui fixe l'objectif ambitieux d'atteindre le bon état des eaux en 2015. Elle crée l'office national de l'eau et des milieux aquatiques (ONEMA) pour parfaire le lien entre grand et petit cycles de l'eau, et assurer la cohérence entre orientations communautaires et mise en oeuvre déconcentrée par bassin. Tout le territoire national est concerné y compris les DOM, auxquels s'applique la DCE. Les départements d'outre-mer sont néanmoins dans une situation particulière, liée d'une part à leur contexte géographique et climatologique, et d'autre part, à leur situation administrative et institutionnelle Le cas des COM est différent, puisque leur autonomie de gestion est plus grande : les directives européennes ne s'appliquent pas à ces territoires, à l'exception de Saint-Martin. Les problématiques sont différentes également, l'accès à l'eau potable étant souvent mal assuré et restant donc une priorité. Les responsabilités de la politique de l'eau sont partagées entre les services déconcentrés de l'État, les agences régionales de santé (ARS), les établissements publics de l'État (en particulier agences de l'eau et ONEMA) et les collectivités territoriales (en particulier les communes et leurs groupements -intercommunalités et syndicats- pour les compétences d'eau et d'assainissement). Aussi, la gouvernance requière-t-elle une bonne coordination entre acteurs et un partage clair des responsabilités dans la mise en oeuvre des politiques, conformément aux objectifs fixés par les textes européens. Cette organisation est en phase d'évolution à la suite de la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales dont la mise en oeuvre est presque achevée, mais n'est pas évaluée, et qui a prévu notamment la rationalisation de la carte de l'intercommunalité.
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Auquel s'ajoute le cadre international notamment pour les fleuves (DOM pour Guyane) et les conventions marines internationales.
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.........................2.2.2. L'organisation du petit cycle et du grand cycle
interdépendante
Les acteurs intervenant à chaque échelle sont bien distincts, ce qui n'est pas sans conséquences. En effet les interlocuteurs auditionnés par la mission ont souvent insisté sur le caractère fictif de cette séparation entre petit et grand cycle de l'eau : au final il n'y a qu'un cycle de l'eau et des usages. À l'échelle du petit cycle de l'eau, les quatre prestations production et distribution de l'eau, collecte et traitement des eaux usées (en station de traitement des eaux usées avant leur rejet ou par des systèmes d'assainissement autonomes) peuvent être dissociées ou regroupées au sein d'une même autorité organisatrice, ce qui ouvre la voie à de nombreuses configurations. Elles peuvent, en outre, être exercées directement par la commune (en régie directe ou sous forme de délégation de service public) ou transférées (en tout ou partie) à un EPCI à fiscalité propre ou à un syndicat in tercommunal. Les métropoles et les communautés urbaines exercent la compétence d'assainissement ; les compétences eau ou assainissement sont des compétences optionnelles (trois à choisir parmi cinq) pour les communautés d'agglomération. En 2009, il y avait 31 445 services publics d'eau et d'assainissement (SPEA) si l'on compte toutes les collectivités impliquées dans le cycle de l'eau soit 14 217 pour l'eau po table et 17 228 pour les services d'assainissement mais 5 000 SPEA comptant plus de 3 500 habitants représentent entre 80 et 90 % de la population. La réforme des collectivités (loi du 16 décembre 2010, 2010-1583 relative à la réforme des collectivités ter ritoriales) a contribué au regroupement de ces structures morcelées, voire à l'unification des compétences eau potable et assainissement. Le bilan de la mise en oeuvre de la rationalisation de la carte communale au 1er janvier 2013 a fait l'objet d'une communication en Conseil des Ministres en février 2013. A cette date, on comptait 2451 communautés soit de communes (2223), soit d'agglomération (213) et soit urbaines (15). Le bilan définitif ne sera connu qu'au 1er janvier 2014, puisque la mise en oeuvre des schémas départementaux de coopération intercommunale continue, les préfets voyant leurs pouvoirs exceptionnels s'arrêter mi-2013. Le nombre de communes isolées est déjà très sensiblement réduit et la réduction du nombre d'EPCI à fiscalité propre a déjà permis une augmentation de la population moyenne desservie de ces EPCI de 15 à 20 %, ce qui favorise les possibilités de mutualisation de compétences. Le projet de loi de décentralisation devrait permettre de ré duire encore ce nombre (cf. infra). Les dépenses des services publics d'eau et d'assainissement collectif, comme celles du service public d'as sainissement non collectif (SPANC), sont en principe couvertes par les seules redevances perçues auprès des usagers du service6. Des subventions des agences de l'eau pour investissements ainsi que des conseils généraux peuvent toutefois être versées aux collectivités. Depuis le 1er juillet 2012, de nouvelles règles en matière d'assainissement non collectif sont entrées en vi gueur. Le SPANC est un service public local qui incombe aux communes. Mais la compétence peut être transférée à un groupement de communes (syndicat, communauté de communes...) existant ou créé spécifiquement pour cette mission. Le SPANC est soumis aux mêmes règles juridiques et financières que le ser vice d'assainissement collectif. Le SPANC exerce obligatoirement une compétence de contrôle, et peut exercer des compétences facultatives d'entretien et de réhabilitation. À l'interface du petit cycle et du grand cycle de l'eau, la compétence « eaux pluviales » est du ressort des communes : elle constitue un service public administratif qui relève du budget général, mais peut faire l'objet d'une taxe affectée7. La gestion du grand cycle de l'eau couvre la préservation et la restauration des milieux aquatiques, la
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L'obligation de budget séparé pour l'eau potable d'une part et l'assainissement d'autre part ne s'applique pas aux communes de moins de 3 000 habitants ou à leurs groupements `instruction comptable M49). 7 Art. L. 2333-97 du CGCT : « La gestion des eaux pluviales urbaines correspond à la collecte, au transport, au stockage et au traitement des eaux pluviales des aires urbaines et constitue un service public administratif relevant des communes... Ce service est dési gné sous la dénomination de service public de gestion des eaux pluviales urbaines ». Les communes peuvent transférer tout ou par tie de leur compétence « eaux pluviales » à l'échelon intercommunal qui peut également créer un service public administratif de gestion des eaux pluviales urbaines. 17/131
gestion et l'entretien des cours d'eau et des milieux humides, des corridors alluviaux et la gestion des inondations (zones d'expansion des crues et lits majeurs). L'entretien des cours d'eau non domaniaux incombe aux propriétaires riverains, avec une possibilité de substitution par une collectivité territoriale après déclaration d'intérêt général (DIG). C'est ainsi que sont nés des syndicats de bassins versants. Pour être convenablement exercées, ces compétences nécessitent des maîtres d'ouvrages publics dotés de compétences techniques et de moyens financiers selon un périmètre cohérent avec la logique hydrographique. À défaut de disposer d'une carte des intercommunalités à fiscalité propre adaptée aux enjeux de la gestion de l'eau, le Grenelle de l'environnement a donné toute sa place aux établissements publics territoriaux de bassin (EPTB) comme instances de coordination, voire de planification pour le portage des SAGE et de maîtrise d'ouvrage, à l'échelle des grands bassins (bassins fluviaux et grandes rivières)8. Cependant cette articulation reste encore largement à mettre en place pour être opérationnelle.
.........................2.2.3. De très nombreux acteurs articulés à trois niveaux d'intervention : national, bassin et local
L'annexe n°2 décrit précisément le rôle et l'articulation des acteurs aux différents niveaux.
2.2.3.1 Au niveau national, les acteurs assurent l'élaboration et le suivi général de la politique de l'eau ainsi que l'articulation avec l'Union européenne
Le ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie (MEDDE) est chargé de la politique de l'eau. C'est la direction de l'eau et de la biodiversité (DEB) qui la pilote, la direction générale de la prévention et des risques (DGPR) étant quant à elle chargée de la politique de prévention des inondations.. D'autres ministères (ou d'autres DG au sein du MEDDE, chargées de fonctions de maîtrise d'ouvrage ou de régulation : DGITM, DGEC) sont amenés à intervenir pour défendre leurs intérêts particuliers, notamment le ministère en charge de la santé, le ministère en charge de l'agriculture et le ministère en charge de l'industrie. Ces administrations se coordonnent au sein de la mission interministérielle de l'eau (MIE). La politique de l'eau étant une politique partenariale, le Comité National de l'Eau (CNE), placé auprès du Ministre en charge de l'environnement, donne un avis sur toutes les questions d'ordre national. L'office national de l'eau et des milieux aquatiques (ONEMA) est un établissement public national en charge de la mutualisation technique sur de nombreux sujets, notamment méthodologiques ou sur l'information et les données, ainsi que la police de l'eau. De nombreuses associations nationales interviennent pour faire le lien entre leurs intérêts, qui s'expriment souvent au niveau local et les instances nationales. Citons certaines têtes de réseaux : l'association française des établissements publics territoriaux de bassins (AFEPTB), la fédération nationale des collectivités concédantes et des régies (FNCCR), mais aussi les représentants des usagers de l'eau, économiques comme la fédération nationale des industriels utilisateurs d'eau (FENARIVE) ou la FP2E, ou non économiques (fédération nationale de la pêche de loisirs, fédérations nationales d'associations de protection de l'environnement, associations de sports nautiques ou encore les associations de consommateurs). L'office international de l'eau (OIEAU) a quant à lui des missions de coopération internationale, d'information et de formation professionnelle.
2.2.3.2. Au niveau des bassins, se situe la responsabilité de la planification et de l'incitation financière
Depuis la loi du 16 décembre 1964, l'organisation administrative dans le domaine de l'eau s'appuie sur la notion de grand bassin hydrographique, dénommé « district hydrographique » par la directive cadre sur l'eau : la France est partagée en 7 bassins métropolitains et 5 bassins ultramarins.
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Le 3ème volet du projet de loi portant acte III de la décentralisation prévoit à la fois la création d'un bloc de compétences pour les EPCI à fiscalité propre et une généralisation du dispositif d'EPTB. 18/131
Le préfet coordonnateur de bassin anime et coordonne l'action des Préfets et services de l'État sur le bassin ; il est autorité compétente vis-à-vis de l'Union européenne pour la mise en oeuvre des directives sur l'eau. Il s'appuie sur le DREAL délégué de bassin. Le Comité de Bassin, « parlement de l'eau » du bassin, joue un rôle clef dans la planification (élaboration des schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux ou SDAGE), et dans le dimensionnement des efforts financiers faits sur les bassins en termes de mutualisation ( les délibérations du CA de l'agence de l'eau qui approuvent le taux des redevances et le programme pluriannuel d'interventions sont prises sur avis conforme du Comité de Bassin, dans le respect du cadre voté par le Parlement). Chaque bassin métropolitain dispose d'une agence de l'eau, établissement public de l'État à caractère administratif territorialisé, chargé du secrétariat du comité de bassin et doté de ressources affectées, les redevances, qui permettent de financer un programme pluriannuel d'intervention de 6 ans. Les bassins ultramarins sont dotés d'un office de l'eau, établissement public local pouvant percevoir des redevances et mettant en oeuvre un programme pluriannuel d'interventions.
2.2.3.3.Le niveau local a la responsabilité de la mise en oeuvre et du suivi
Le niveau local, et notamment départemental, est celui de la mise en oeuvre opérationnelle : il décline la planification de bassin en jouant sur les leviers régaliens (police) et incitatifs (appui des conseils généraux et régionaux). Les préfets et les services déconcentrés de l'État mettent en oeuvre la politique de l'État. La mission inter-services de l'eau et de la nature (MISEN) articule, sous l'autorité du préfet l'action des différents services de l'État et des délégations territoriales des établissements publics (ONEMA et agences de l'eau notamment). Le préfet de région arrête désormais les programmes nitrates ce qui constitue une exception au bloc de compétence du préfet de bassin. La DREAL, dernier niveau de représentation du ministère en charge de l'environnement, pilote, anime et coordonne au plan technique l'action des services départementaux et joue un rôle d'expertise, en lien avec les établissements publics. Le Parquet dirige la police judiciaire. Les collectivités locales, qui ont la responsabilité du petit cycle de l'eau (niveau communal voire intercommunal), peuvent aussi se mobiliser pour élaborer des projets territoriaux dans le domaine de l'eau : les schémas d'aménagement et de gestion des eaux (SAGE). Certains sous-bassins versants se sont organisés volontairement sous forme de syndicats de rivières, ou d'EPTB. Régions et départements peuvent9 faire le lien entre politique d'aménagement du territoire et politique de l'eau par des financements et apporter une aide technique et financière aux communes et intercommunalités. Le point de vue de la société civile est porté notamment au travers du CODERST par les acteurs économiques (industriels, agriculteurs notamment), qui sont des utilisateurs de l'eau de premier plan et leurs chambres consulaires, ainsi que par les acteurs associatifs. Tous ces acteurs portent des intérêts très hétérogènes.
9
L'article L.3232-1-1 du Code Général des Collectivités Territoriales, (CGCT) créé par la loi sur l'eau du 30 décembre 2006, dis pose que « le Département met à disposition des communes ou des établissements publics de coopération intercommunale qui ne bénéficient pas des moyens techniques suffisants pour l 'exercice de leur compétence dans le domaine (...) de l'assainissement, une assistance technique dans des conditions déterminées par une convention ». Champ de compétence : de l'expertise et l'assistance technique aux stations d'épuration des petites communes, leurs missions se sont progressivement étendues à d'autres domaines de la gestion de l'eau, en lien avec la diminution du nombre de collectivités éli gibles ( des services d'expertise et d'assistance en matière de rivière (SATER) d'eau potable (SATEP) et d'assainissement non col lectif (SATANC). 19/131
.........................2.3. Les leviers multiples de l'action publique
Pour prévenir les impacts ou réparer les dommages et nuisances susceptibles d'altérer le bon état des masses d'eau, quatre types d'instruments peuvent être mobilisés : des instruments d'intervention juridique et réglementaire ; des leviers financier et économique ; des outils et démarches visant à sensibiliser et informer les acteurs et les citoyens, et à mettre en discussion les choix stratégiques à opérer dans les territoires ; des leviers d'intervention techniques. Chacun d'entre eux, par leurs modalités de mise en oeuvre et leur application, permet de construire le lien entre diverses politiques publiques et la politique de l'eau. L'utilisation à bon escient et l'articulation de ces différents leviers est essentielle pour atteindre les objectifs de la politique.
.........................2.3.1. de contrôle
Les actions de planification et
Elles visent d'une part à donner une visibilité et à orienter l'action publique, et d'autre part, à assujettir les usagers de l'eau et les acteurs territoriaux à des interdictions, des restrictions, des obligations ou des astreintes. Encadrés à l'échelle européenne et définis à l'échelle nationale, lois, décrets, circulaires et autres arrêtés fixent ainsi les normes de mise en oeuvre de la politique de l'eau et des autres politiques publiques. Le contrôle de l'application de ces mesures et la sanction en cas de non respect sont essentiels à la crédibilité de la politique.
2.3.1.1. La planification réglementations :
à
l'origine
des
orientations
politiques
et
des
À l'échelle des bassins, les SDAGE10 plans de gestion de la directive cadre sur l'eau, adoptés en 2009 pour six ans (révision en 2015), fixent les orientations de la gestion équilibrée de la ressource en eau, arrêtent les échéances d'atteinte du bon état des masses d'eau au titre de la DCE, et engagent l'État sur des mesures prioritaires pour éviter la dégradation et opérer la restauration de la qualité des milieux aquatiques par des «programmes de mesures» (PDM). Le SDAGE a une valeur juridique particulière : les programmes et les décisions administratives dans le domaine de l'eau doivent être compatibles ou rendus compatibles avec ses dispositions11 Les documents d'urbanisme schémas de cohérence territoriale (SCOT), plans locaux d'urbanisme (PLU), cartes communales ainsi que les schémas d'aménagement et de gestion des eaux (SAGE) doivent être compatibles avec les orientations fondamentales et avec les objectifs de qualité et de quantité des eaux définis par le SDAGE. 12 Les schémas départementaux des carrières (SDC) doivent être compatibles avec les dispositions du SDAGE.13 Le SAGE est un document de planification facultatif au niveau du sous-bassin. Il fixe des objectifs généraux d'utilisation, de mise en valeur, de protection quantitative et qualitative de la ressource en eau. Le SAGE est établi par une Commission Locale de l'Eau, présidée par un élu local, représentant les divers acteurs du territoire, et est approuvé par le préfet, après présentation au Comité de Bassin. Compatible avec le SDAGE, il est doté d'une portée juridique car les décisions dans le domaine de l'eau doivent être compatibles ou rendues compatibles avec ses dispositions et les documents d'urbanisme doivent prendre en compte son règlement et ses documents graphiques.
10 11
(établis en application de l'article L.212-1 du code de l'environnement). (article L.212-1 XI du code de l'environnement). 12 (article L.121-3 du code de l'environnement, articles L.122-1, L.123-1 et L.124-1 du code de l'urbanisme). 13 (article L.515-3 du code de l'environnement). 20/131
Document élaboré à l'échelle départementale par une mission interservices de l'eau et de la nature (MISEN), le plan d'actions opérationnel territorialisé (PAOT) récapitule les actions concrètes14 à réaliser pour mettre en oeuvre le programme de mesures et atteindre ainsi les objectifs fixés dans le SDAGE.
2.3.1.2. Police de l'eau :
La gestion équilibrée et durable de la ressource en eau et des milieux aquatiques est garantie par l'application concomitante de plusieurs outils de police administratifs et judiciaires :
·
Un régime d'instruction, soumettant à autorisation ou déclaration les installations, ouvrages, travaux, activités (IOTA) ayant une incidence sur l'eau ou les milieux aquatiques. Le Préfet statue sur la recevabilité du dossier et fixe les prescriptions visant à éviter, réduire ou compenser les incidences sur la ressources en eau, dans une logique de compatibilité avec les SDAGE La mise en oeuvre d'une réglementation territoriale, par laquelle l'autorité compétente (en l'occurrence le Préfet de Bassin, de Région ou de Département selon les cas) fixe les prescriptions applicables sur une zone prioritaire (zone de répartition des eaux, zone sensible, zone vulnérable, zone soumise à contrainte environnementale, cours d'eau classés, etc.) Le contrôle administratif, avec compétence liée de l'autorité compétente pour mettre en demeure quiconque réalise une opération sans le titre requis, ou ne respecte pas les prescriptions administratives édictées. Le refus d'obtempérer à la mise en demeure permet à l'autorité compétente de prononcer une ou plusieurs mesures et sanctions administratives (suspension, consignation, exécution d'office, suppression, et bientôt amende et astreinte). Le contrôle judiciaire, sous l'autorité du Procureur : la loi spéciale « eau » définit les incriminations en cas d'atteinte à la ressource en eau et aux milieux aquatiques, les sanctions applicables, la responsabilité des personnes morales, les personnes habilités et les règles de procédures.
·
·
·
La police administrative, sous l'autorité du Préfet, a essentiellement une fonction préventive et réparatrice. La police judiciaire, sous l'autorité du procureur, a essentiellement une fonction répressive (dissuasion, rétribution et réparation).
Une police de l'eau en difficulté
La police de l'eau a été identifiée par de nombreux acteurs, notamment la Cour des Comptes (rapport public 2010) et le Conseil d'État (rapport sur « l'eau et son droit », 2010) comme imparfaitement assurée :
Elle est dispersée entre des acteurs insuffisamment coordonnés (cf supra). Elle serait appliquée de façon hétérogène : plusieurs personnes auditées par la mission attestent que d'une part les dossiers d'instruction sont traités différemment selon les services instructeurs, et d'autre part, les actions répressives sont, elles aussi exercées de façon hétérogène ce qui introduit des éléments d'iniquité et d'aléas nuisibles à l'application efficace et pédagogique de la loi. Elle donne lieu à relativement peu de sanctions, étant plus administrative que répressive, ce qui donne l'impression d'une efficience à améliorer. Cette situation est notamment liée à l'insuffisance des suites à donner de la part des tribunaux : ce sujet a été vivement critiqué également par plusieurs intervenants et rejoint le constat de la Cour des Comptes. Outre que cette situation fait le jeu des intervenants, elle pose problème également par
14
Identification du maître d'ouvrage de l'action, membre de la MISE pilote, identification des masses d'eau concernées, échéances de mise en oeuvre, éléments de financement, volet régalien le cas échéant... 21/131
rapport à « l'obligation dans laquelle se trouve la France de justifier de son activité de contrôle devant la Commission » (rapport public 2010, p. 625 ».
Enfin, les sanctions prononcées ne seraient pas proportionnées aux dommages occasionnés : « ...les amendes prononcées sont peu dissuasives au regard des avantages économiques que les auteurs de l'infraction peuvent en retirer » (rapport public 2010, p.626).
Néanmoins, ces dispositifs ont fait l'objet ces dernières années de plusieurs réformes structurantes, conduites dans un contexte de réorganisation des services de l'État et des Établissements publics. La coordination des polices a été renforcée depuis 2010, avec le rapprochement des services départementaux en charge des missions de police des DDT-M, de l'ONEMA et de l'ONCFS, dans le cadre d'une Mission Inter services de l'Eau et de la Nature, pilotée par le Préfet (plan de contrôles inter-services). Afin de mieux arti culer les outils de police administrative et de police judiciaire, des protocoles d'accord ont été signés dans chaque département entre Préfets et Parquets en application de la circulaire CRIM du 23 mai 2005.
Une réforme organisationnelle a été menée pour assurer une meilleure coordination des acteurs en charge des missions de polices, par la circulaire du 12 novembre 2010 :
· · · · ·
renforçant le rôle de pilotage régional (DREAL), et définissant les Missions Inter services de l'Eau et de la Nature (MISEN) ; organisant la signature de conventions entre Préfet-Oncfs-Onema dans tous les départements ; donnant un cadre national du plan de contrôle pluriannuel inter-services eau et nature avec des objectifs qualitatifs et quantitatif de contrôles ; rappelant l'importance d'un Protocole d'accord type entre Préfet, Parquet, ONEMA, et ONCFS, validé par le MJL (Dépêche Chancellerie du 23 mai 2005) ; exigeant une communication sur les enjeux et activités de contrôles.
Des améliorations supplémentaires sont attendues avec la mise en oeuvre de l'ordonnance « police de l'environnement » entrant en vigueur au 1er juillet 2013.
Statistiques en 2012 (tous services confondus) : 1209 autorisations instruites dont 23 refus 915 autorisations temporaires 2203 actions de régularisation 873 arrêtés de prescriptions complémentaires 11390 déclarations instruites dont 200 oppositions à déclaration et 1387 arrêtés de prescriptions particulières. 31142 contrôles administratifs (dont 3404 sont non conformes) sur pièces et 29188 contrôles sur sites (dont 9540 non conformes), et 6147 suites administratives (courriers de rappel, mises en demeure ou sanction) 7734 infractions relevées.
Une évaluation de la police de l'environnement doit se dérouler dans le cadre de la modernisation de l'action publique. Elle se consacrera notamment à l'examen des différents points de faiblesse de la police de l'eau mentionnés ci-dessus, et explorera les pistes de réformes susceptibles d'être envisagées.
.........................2.3.2.
les incitations financières pour changer ou infléchir les comportements.
Initiée dans le domaine de l'eau dès 1964 par l'application du principe pollueur-payeur, cette catégorie vise, à travers des instruments économique et financier, à orienter le comportement des usagers de l'eau et acteurs territoriaux par des outils incitatifs, dissuasifs ou stimulants, en agissant sur les coûts, les prix ou à partir de subventions ou de compensations financières. Il s'agit tout à la fois de taxer par la fiscalité écologique les comportements non vertueux (redevances des agences de l'eau, Taxe générale sur les activités polluantes), et d'aider les comportements vertueux (aides des programmes pluriannuels d'intervention des agences de l'eau).
22/131
La loi (articles L213-9 et suivants du CE) définit les ressources financières des agences 15, qui sont des ressources affectées, dénommées redevances, ainsi que le principe du programme pluriannuel d'intervention (6 ans, en cohérence avec les cycles de la DCE). Ce programme d'intervention détermine les domaines et les conditions de l'action de l'Agence de l'eau et prévoit le montant des dépenses et des recettes nécessaires à sa mise en oeuvre. Il est adopté par le Comité de bassin et le Conseil d'administration de l'Agence de l'eau. Le Parlement fixe le plafond global de leurs recettes de redevances en loi de finances sur la période considérée ainsi que celui des contributions annuelles des agences à l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques (ONEMA).
2.3.2.1. Les redevances
À ce jour, les agences perçoivent 7 redevances différentes auprès des usagers domestiques et collectivités, des industriels, des agriculteurs et des pêcheurs. Elles sont perçues par chaque agence dans son bassin et sont affectées dans le même bassin. Trois d'entre elles, ayant des taux identiques sur l'ensemble du territoire national, sont collectées de façon mutualisée ce qui en minimise le coût global (perception et contrôle) : 1.48 % pour l'ensemble des agences en tenant compte de l'indemnisation forfaitaire des distributeurs d'eau et 0.93 % hors ce coût particulier. Ces redevances sont construites comme une déclinaison du principe pollueur payeur par catégorie d'acteur au niveau français et du principe de récupération des coûts tel que défini dans la DCE. Les recettes des agences sur l'ensemble du 10 ème programme (2013-2018) ont été plafonnées par le Parlement à 13,8 milliards d'euros (hors part de redevances pour pollutions diffuses reversée à l'ONEMA dans le cadre du plan Ecophyto et hors contribution au budget général de l'ONEMA), un excédent éventuel en fin de programme devant être reversé au budget général de l'État. Ce plafond se décline en plafonds annuels cumulés sur la durée du programme.
·
Les redevances pour pollution représentent plus de la moitié du montant total des redevances : 121916M
La redevance pour pollution de l'eau d'origine domestique est perçue au travers de la facture d'eau par l'exploitant du service d'eau potable. L'assiette est composée du volume d'eau facturé aux abonnés domestiques et assimilés, comprenant également les volumes prélevés sur les autres sources que le réseau de distribution: 1013M ; La redevance pour pollution de l'eau d'origine non domestique est désormais calculée sur la base de la pollution annuelle rejetée dans le milieu naturel. L'assiette de la redevance prend en compte la pollution éliminée par les dispositifs d'épuration soit propres aux industriels, soit les stations d'épuration domestiques pour les industries raccordées au réseau public : 107M ; La redevance pour pollution de l'eau d'origine non domestique liée aux activités d'élevage est, quant à elle, calculée sur la base d'un taux unique par « unité de gros bétail » : la recette correspondante est de 3,5M. Il n'existe pas de redevance sur les engrais minéraux. La redevance pour pollutions diffuses porte sur l'utilisation des produits phytopharmaceutiques. Son taux est modulé selon la toxicité de ces produits. Cette redevance est systématiquement répercutée sur l'utilisateur final. Son montant est très faible au regard des coûts potentiels engendrés (entre 0,5/kg et 3/kg vendu, alors que le coût de traitement pour la potabilisation de l'eau est de 60k par kg éliminé) : la recette correspondante est de 95,96M ; Les redevances pour prélèvement représentent 18 % Les taux sont désormais fixés en fonction de l'usage et de la pression de prélèvement sur la ressource en eau dans la zone où est effectué le prélèvement. Après changement de système (avant la LEMA, les assiettes étaient disparates
15
·
Les ressources des agences de l'eau sont aussi constituées des retours sur avances remboursables accordées pour aider au financement des projets, en sus ou à la place des subventions d'investissements. 16 Montants 2012, donc indicatifs ; pour le 10ème programme, élargissement des assiettes et augmentation des taux plafonds de certaines redevances afin de mieux prendre en compte les problématiques liées aux substances toxiques et aux prélèvements d'eau des usages non domestiques. 23/131
selon les bassins), globalement, pour l'ensemble des redevances prélèvement, après une forte baisse en 2008 à 266M (contre 312M en 2007), due à la transition entre les dispositifs ante et post LEMA, le montant des recettes au titre des prélèvements sur la ressource en eau est aujourd'hui supérieur au montant ante LEMA, atteignant un montant de 356M en 2012. · Les autres redevances représentent 30 % La redevance pour modernisation des réseaux de collecte concerne les personnes dont les activités entraînent des rejets d'eaux usées dans un réseau public de collecte d'eaux usées. La redevance est assise sur le volume d'eaux usées rejetées au réseau d'assainissement pris en compte pour le calcul de la redevance communale d'assainissement : 641M. La redevance pour stockage d'eau en période d'étiage est due par toute personne qui dispose d'une installation de stockage de plus d'un million de mètres cubes et qui procède au stockage de tout ou partie du volume écoulé dans un cours d'eau en période d'étiage Il s'agit d'une redevance dissuasive destinée à restreindre cette pratique, qui porte préjudice aux usagers en aval : 1,3M. La redevance pour obstacle sur les cours d'eau est désormais due par toute personne possédant un ouvrage de plus de 5m de hauteur, constituant un obstacle continu joignant les deux rives d'un cours d'eau d'un débit supérieur à 0,3m³/s. Les propriétaires d'ouvrages hydroélectriques assujettis à la redevance pour prélèvements sur la ressource en eau en sont exonérés. Elle ne touche que 3 % des ouvrages et son montant reste modeste mais elle constitue le seul levier, malheureusement symbolique, de la récupération du coût des atteintes à la morphologie des cours d'eau : 0,28M. La redevance pour protection du milieu aquatique remplace la taxe piscicole perçue auparavant par le conseil supérieur de la pêche. Elle est due par les pêcheurs amateurs et professionnels. Le tarif est fixé selon la catégorie de pêcheur. Son taux est uniforme au plan national et est fixé à 8,80 (88 % du taux plafond) pour une carte de pêche annuelle : 8,5M.
2.3.2.2. Le programme pluriannuel d'intervention des agences de l'eau
Le plafond du montant pluriannuel des dépenses des agences de l'eau et sa répartition par grand domaine d'intervention et par agence fait l'objet d'un arrêté conjoint des ministres chargés de l'environnement et des finances17. Le plafond de dépenses s'élève ainsi à 13,3 milliards d'euros pour les 10èmes programmes (2013-2018), réparti entre les 3 grands domaines d'intervention : · le domaine 1 concerne les actions de connaissance, de planification et de gouvernance : acquisition des données, communication, soutien aux acteurs nationaux et internationaux de la politique de l'eau (plafond : 2 337M) ; · le domaine 2 concerne les mesures générales de gestion de l'eau dont l'application est invariante sur le territoire et visent à assurer la bonne application des textes, quel que soit l'état du milieu ou l'effet attendu sur le milieu. Il s'agit notamment des mesures financées au titre de la directive « eaux résiduaires urbaines » ou de la directive « eau potable » (plafond : 6 444 M) ; · le domaine 3 concerne les mesures territoriales qui viennent compléter les mesures nationales et sont motivées par la réalisation des objectifs de la directive cadre européenne, la lutte contre les effets de la sécheresse et certaines mesures de prévention des inondations (plafond : 4 519M). Les dépenses sous plafond n'incluent pas les primes pour épuration, le fonds de concours à l'ONEMA et la fraction de la redevance pour pollutions diffuses reversée à l'ONEMA au titre d'Ecophyto. La contribution à l'ONEMA a été augmentée par la loi de finances initiale pour 2012, passant d'un plafond de 108 M à 150 M par an pour la période 2013-2018, notamment pour augmenter la solidarité envers les DOM et la Corse, renforcer l'innovation et l'expérimentation, etc. Par ailleurs, les dépenses prévues dans ces domaines par chaque agence ne sont plus fongibles entre elles.
17
Arrêté interministériel du 26 février 2013 encadrant le montant pluriannuel des dépenses du programme pluriannuel d'interven tions des agences de l'eau, publié au JO du 9 mars 2013. 24/131
Les dépenses du domaine 1 peuvent alimenter le domaine 2 et le domaine 3, celles du domaine 2 peuvent alimenter le domaine 3, mais l'inverse n'est pas possible. Ces programmes marquent d'importantes évolutions dans la structure des dépenses prévisionnelles des agences de l'eau. Les objectifs cibles techniques à atteindre sur ces différents domaines dans les 10èmes programmes n'ont pas encore été définis. Les contrats d'objectifs des agences de l'eau arrivant à échéance fin 2012, la préparation de la nouvelle génération de contrats d'objectifs a été lancée. Ils s'appliqueront sur la période 2013-2018, coïncidant avec la mise en oeuvre des 10èmes programmes.
2.3.2.3. les crédits budgétaires connaissent une baisse régulière depuis quelques années
Dans le cadre de la politique de décroisement des finances publiques entre l'État et ses opérateurs, les crédits budgétaires dans le domaine de l'eau sont aujourd'hui réduits à un montant de 14,6M pour 2013 (avant répartition du surgel budgétaire et hors coût des personnels) et concernent essentiellement la gestion du DPF(5,5M), la police de l'eau et certaines actions d'études et de soutien à des opérateurs autres que les agences de l'eau (4,9M), le soutien à la gouvernance, notamment dans les DOM et la coopération internationale (commissions fluviales transfrontalières) et le financement des laboratoires d'hydrobiologie des DREAL. On mentionnera également la participation au financement de l'Établissement public du marais poitevin. La tendance est à la poursuite de la réduction de ces crédits budgétaires du fait du surgel du budget 2013 (impact sur les crédits du DPF notamment).
2.3.2.4. le financement apporté par les collectivités territoriales : régions, départements, lui aussi en baisse
Les collectivités territoriales, principaux maîtres d'ouvrages du domaine de l'eau (petit cycle et grand cycle), apportent la majeure partie des financements (voir partie 3.6). On assiste ces dernières années à un retrait progressif des conseils généraux voire régionaux qui se replient sur leurs compétences obligatoires. Néanmoins, certains conseils maintiennent voire développent leurs actions dans le domaine de l'eau qu'ils jugent prioritaires.
.........................2.3.3. des actions d'éducation, de sensibilisation, d'information et de participation pour influencer le comportement des usagers de l'eau et acteurs territoriaux
Afin que les enjeux liés à l'eau et les bonnes pratiques à mettre en oeuvre puissent être discutées et appropriées par le plus grand nombre, l'action sur les comportements est essentielle. La convention d'Aarhus et la charte de l'environnement garantissent le droit à l'information, l'éducation et à la participation des citoyens (voir § 2.1.3.2.) Ces interventions sont aujourd'hui portées par l'État et ses établissements publics, mais aussi par les collectivités territoriales ou des associations. En matière d'éducation, les programmes de l'Éducation nationale comprennent des aspects liés à l'eau. De même, les 80 centres permanents d'initiatives pour l'environnement (CPIE) organisent des classes vertes ou journées de découvertes afin d'éduquer et de sensibiliser tous les publics aux questions environnementales, dont les questions de ressource en eau ou de biodiversité des milieux aquatiques. Des campagnes de communication s'inscrivent dans le cadre d'initiatives internationales (2013 a été proclamée par l'ONU « année internationale de la coopération dans le domaine de l'eau » ; le 22 mars, journée mondiale de l'eau, est l'occasion de campagnes nationales).
25/131
Dans le cadre de la participation du public à l'élaboration des SDAGE, des consultations sur Internet organisées par les agences de l'eau se sont déroulées jusqu'au 30 avril 2013. Les résultats n'en sont pas encore connus. De très nombreux sites Internet (dont le site mutualisé « Eaufrance ») ou brochures permettent d'accéder à une information générale de qualité.
.........................2.3.4. la techniques innovantes
recherche
de
solutions
Il s'agit de proposer des actions afin de prévenir les impacts sur les milieux aquatiques ou les limiter. Les « solutions techniques » à développer relèvent à la fois d'aspects technologiques et d'une meilleure compréhension des écosystèmes aquatiques (cf. § 3.4.1. sur la recherche).
26/131
.........................2.4. Un contexte en pleine évolution
La politique de l'eau est un sujet médiatique avec de très nombreux reportages, colloques, publications..., sujet qui peut être polémique voire passionné. C'est une politique dont s'emparent de très nombreuses instances : pendant la durée de l'évaluation, ont ainsi été publiés par exemple des rapports du centre d'analyse stratégique (CAS) sur les enjeux de l'eau en France, du conseil économique social et environnemental (CESE) sur la gestion et l'usage de l'eau en agriculture qui a été adopté après avis en séance plénière du 23 avril 2013. La « commission de Perthuis » sur la fiscalité écologique consacre une partie de ses réflexions à la fiscalité de l'eau (essentiellement sur la mise en place de taxes sur l'azote et les phytosanitaires). De très nombreux rapports officiels étudient cette politique : rapports d'information parlementaires, rapports de la Cour des comptes, du conseil d'État, des différents corps d'inspection... C'est une politique interfacée avec nombre d'autres politiques publiques, qui sont en cours d'évolution : · Les discussions en cours au niveau européen (Commission, États membres et Parlement) sur la réforme de la politique agricole commune (PAC) pour la période 2014-2020 avec un volet verdissement, puis le projet de loi d'avenir sur l'agriculture pourraient faire évoluer les interactions entre agriculture et bon état de l'eau ; · Le projet de loi sur la décentralisation traite partiellement des aspects liés à l'organisation institutionnelle dans le domaine de l'eau ; · Le projet de loi sur la biodiversité pourrait lui aussi modifier assez sensiblement l'organisation administrative au niveau national et au niveau déconcentré : il est ainsi prévu la création d'une agence française de la biodiversité (AFB) compétente pour la totalité de la biodiversité terrestre, aquatique et marine ; les options actuellement à l'étude plaident pour une agence intégrée allant du pilotage à l'intervention. Ainsi, selon les scénarios étudiés par les préfigurateurs 18, l'AFB devrait englober l'ONEMA, voire élargir certaines missions des agences de l'eau : interventions financières sur la connaissance ou la restauration des milieux aquatiques, possibilité de se porter maîtres d'ouvrages, opérateur foncier pour certains milieux dont les zones humides... · Le projet de loi sur l'urbanisme et la ville porterait aussi sur l'artificialisation des espaces et proposerait une nouvelle articulation des documents de planification, susceptible de reposer la question de la hiérarchie des normes dans l'application des procédures administratives (SCOTPLU/SDAGE-SAGE/Permis de construire-Autorisations loi sur l'eau) ; Le choc de simplification porté par le Gouvernement pourrait modifier assez sensiblement les procédures réglementaires. Dans ce cadre, les états généraux de la modernisation du droit de l'environnement, lancés le 25 juin 2013, se pencheront sur cette question d'articulation entre les procédures réglementaires et incitatives, entre les documents de planification des différentes politiques (urbanisme, eau, nature, etc.), entre les compétences des autorités (décentralisées et de l'État), etc... Le comité pour la fiscalité écologique (CFE), mis en place après la conférence environnementale de septembre 2012 se penche sur la fiscalité de l'eau. Un groupe de travail spécifique a étudié le système actuel des redevances des Agences de l'eau dans le secteur agricole et a proposé l'augmentation des redevances sur les pesticides, les prélèvements et la création d'une redevance sur l'azote minéral. Ces propositions n'ont pas fait l'objet d'un consensus au niveau du CFE. L'équipe opérationnelle s'est efforcée de prendre en compte dans son évaluation les orientations déjà déci dées afin d'examiner dans quelle mesure ces évolutions peuvent constituer des opportunités pour améliorer l'efficacité et l'efficience de la politique de l'eau, ou au contraire, dans quelle mesure ces évolutions font peser un risque sur cette politique.
18
Rapports de février 2013 et du 23 avril 2013. 27/131
. 3 Le diagnostic : Beaucoup d'atouts, mais maintenir la vigilance et renforcer l'implication territoriale pour gérer des problématiques complexes
.........................3.1. Malgré un contexte naturel favorable, des résultats plus convaincants sur le petit cycle que sur le grand cycle .........................3.1.1. La situation géographique naturelle de la France lui procure des ressources abondantes et de qualité, mais demain ?
3.1.1.1. La France dans une situation climatique globalement favorable
500 milliards de m³ de précipitations annuelles, en métropole, se traduisent par 180 milliards de m³ disponibles pour notre territoire, dont 80 milliards ruissellent et alimentent les eaux de surface et 100 milliards vont en infiltration et en recharge des nappes. 33,4 milliards de m³ sont prélevés pour satisfaire les activités humaines. Ce n'est donc qu'une toute petite proportion de l'eau qui tombe qui est ainsi utilisée 19 par les hommes. Ces prélèvements se répartissent, en 2007, entre l'énergie (60 %), le secteur domestique (17 %), l'irrigation (9 %) et l'industrie (10 %). Selon la finalité de ces prélèvements, la consommation nette peut être très différente, avec une restitution rapide et volumineuse dans les cours d'eau pour certains usages (industrie ou énergie) ou au contraire par infiltration partielle et plus lente pour d'autres comme l'irrigation. Après restitution, cette consommation finale se répartit, en 2009, entre l'énergie (22 %), les usages domestiques (24 %), l'irrigation (48 %) et l'industrie (6 %). Cette abondance globale au niveau de la France peut masquer des difficultés plus locales et saisonnières : le cumul des besoins en période d'été, en particulier pendant les années sèches peut conduire à des conflits d'usage, aggraver les impacts sur l'équilibre biologique des eaux de surface notamment et faire baisser le niveau des nappes.. La situation est plus critique dans les départements d'outre-mer, notamment les îles, avec des conséquences particulières : fort ruissellement, événements climatiques (cyclones, submersions), difficultés liées à la qualité des eaux (problèmes de potabilité) et à l'acheminement (régions ne disposant pas d'eau potable ou nécessitant d'importants transferts d'eau). En outre, l'équivalent de 50 % de notre consommation en eau est en réalité « invisible » via des produits importés ayant utilisé de l'eau lors de leur fabrication (tissu) ou comprenant de l'eau (fruits et légumes, plus indirectement céréales et viande) : l'empreinte eau mesure la quantité d'eau de ces produits et les externalités liées à leur cycle de fabrication (pollutions). 20
19
On peut distinguer en fait entre des usages de l'eau, qui correspondent à des activités n'ayant pas d'impact significatif sur l'état des masses d'eau (exemple : pêche, baignade) et des utilisations qui sont des activités ayant un impact significatif sur l'état des masses d'eau (prélèvements, rejets polluants, cultures non irriguées impliquant une pollution diffuse d'une masse d'eau...). 20 L'empreinte eau permet de mesurer le volume total d'eau douce utilisé pour produire les biens et services consommés par l'individu ou la communauté, ou produits par l'entreprise (ou le producteur agricole). Un projet de norme international pour mesurer cette empreinte ISO 14 046 est en cours de discussion. Chaque français « consomme » ainsi en moyenne 1875m3/an, dont 28/131
3.1.1.2. Le « spectre » du changement climatique
Données et conséquences sur la ressource « Le réchauffement du système climatique est sans équivoque » (Rapport de synthèse du GIEC, 2007). Le changement climatique est déjà en cours et ses effets commencent à se manifester: remontée du niveau de la mer, réchauffement naturel des cours d'eau. La question de l'eau et de l'évolution de sa disponibilité dans un avenir plus ou moins lointain est centrale pour tous les utilisateurs de l'eau ainsi que pour la qualité future des milieux aquatiques. Elle est centrale tant pour l'adaptation de l'activité économique au changement que pour les mesures d'atténuation dans l'émission de gaz à effets de serre de ces activités. Les projections climatiques se référant au quatrième rapport du GIEC comportent une marge d'incertitude importante, mais convergent vers les évolutions suivantes qui ont constitué la base des travaux collectifs d'élaboration du plan national d'adaptation au changement climatique paru en 2011 :
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une élévation de température de +1,6°C à +6°C pour la fin du siècle ; un déficit de 2 milliards de m3 par an pour satisfaire les besoins de l'industrie, de l'agriculture (irrigation) selon les pratiques actuelles et de l'alimentation en eau potable à l'horizon 2050, en considérant une stabilité de la demande ; une baisse des écoulements des cours d'eau de 15 à 30 % en 2050, avec aggravation significative des étiages (réduction des glaciers et neige) et changement modéré des crues moyennes ; une baisse de la recharge des nappes qui pourrait atteindre 30 % à la fin du XXIème siècle, les bassins de la Garonne et de la Seine étant plus particulièrement touchés ; le réchauffement « naturel » des cours d'eaux et tension sur les rejets thermiques industriels. La température des rivières pourrait excéder spontanément la limite actuelle réglementaire des rejets industriels ; la possible prolifération de micro-organismes, producteurs de toxines avec des effets directs ou indirects sur la santé. De nouveaux micro-organismes à risques commencent à être décelés sur les côtes françaises ; un risque de dépérissement des forêts par manque d'adaptation, pouvant provoquer une instabilité des terrains et une aggravation des crues ; une élévation du niveau de la mer de 20 à 60cm d'ici la fin du siècle, voire 1 mètre, rendant vulnérables à l'érosion ou à la submersion les côtes des zones de faible altitude ou gagnées sur la mer, et conduisant à la remontée du biseau salé dans les embouchures ; l'accroissement de certains événements climatiques exceptionnels faisant peser des risques accrus sur les personnes et sur les activités économiques.
Le projet Explore 2070, dont les conclusions ont été rendues en octobre 2012, annonce à l'échéance 20502070 une baisse moyenne du débit des cours d'eau de 20 %, accentuée l'été ainsi que pour certaines régions (Seine-Normandie, etc.). La recharge des nappes baisserait en moyenne de 30 %, là aussi avec des impacts plus forts dans certaines régions (Vendée, etc.). Atténuation, adaptation... Ces évolutions climatiques doivent également être mises en regard des évolutions de pressions liées aux activités économiques, en particulier quand elles-mêmes sont impactées par le changement climatique, comme l'irrigation en agriculture. Se jouent ici des questions de sécurité alimentaire dans une zone euro méditerranéenne où des pénuries de céréales, notamment, sont projetées dans plusieurs pays voisins. Le plan national d'adaptation au changement climatique fixe un objectif de diminution des prélèvements de 20 % hors stockage de substitution en hiver, ce qui suppose d'agir également sur les pratiques et systèmes de
47% sont importés (étude WWF 2012). Un français va donc utiliser 150 litres d'eau (eau visible) par jour (Toilettes, vaisselles, douches, brossage dents...) soit 4 % de ses besoins ! Il aura besoin de plus de 5000 litres d'eau (eau non visible) par jour pour fabriquer tout ses biens de consommations (alimentation, transport, textile, matériel technologique...) soit 96 % de ses besoins. 29/131
culture, ainsi que sur l'industrie agroalimentaire qui les accompagne, pour préparer les évolutions à long terme. La forêt et l'agroforesterie ont également un rôle à jouer dans ces évolutions. La question se pose déjà pour le refroidissement des centrales nucléaires alors que le besoin énergétique risque de progresser en période d'étiage (climatisation). De même, l'étalement urbain actuel et le rafraîchissement des villes sont à aborder avec cette perspective de rareté de la ressource. Concernant les milieux aquatiques, outre la nécessité de limitation des prélèvements, la baisse des débits en été risque de conduire à une concentration en micropolluants, tandis que les sols, en présence de moins d'eau, pourraient à l'inverse fixer et dégrader davantage de ces molécules. Il conviendrait de considérer alors la biodiversité des sols comme un élément d'une politique de l'eau, qui conduit à penser globalement les évolutions de pratiques à conduire. Mais les milieux humides et autres milieux naturels riches en biodiversité s'adapteront inévitablement aux évolutions climatiques, dans un sens qui n'est pas totalement prévisible à ce jour. En regard de ces évolutions significatives à l'horizon de quelques décennies, les SDAGE se doivent de préparer dès maintenant les évolutions nécessaires aux différentes échelles territoriales. Mais les autres schémas traitant du changement climatique tels que les schémas régionaux du climat, de l'air et de l'énergie ou les « plans climat énergie territoriaux » assurent-ils la cohérence avec la prise en compte du facteur « eau » ?
.........................3.1.2. Le petit cycle de l'eau: une situation globalement satisfaisante
3.1.2.1.L'organisation des services publics d'eau et d'assainissement
Quel que soit le mode de gestion retenu (direct ou délégué), la collectivité (autorité organisatrice) reste propriétaire des équipements et responsable vis-à-vis des usagers. Les services d'eau ou d'assainissement de plus de 3500 habitants doivent disposer d'un budget distinct du budget général et les dépenses d'investissement et de fonctionnement doivent être couvertes par les recettes du service (SPIC). En 2007, en France, la distribution de l'eau potable était très majoritairement assurée en gestion déléguée (52 % des communes mais 72 % des usagers desservis). L'assainissement, quant à lui, est de plus en plus souvent confié à des opérateurs privés (55 % des usagers en 2007 contre seulement 35 % en 1997). Au total, on compte 9 000 contrats de délégation de service. Lorsque la collectivité décide de faire appel à la compétence d'un opérateur, c'est dans le cadre d'un contrat pluriannuel et après mise en concurrence. En moyenne, en France, environ 500 à 700 contrats sont en mis en concurrence chaque année. Il existe trois principaux modes de gestion.
La gestion directe ou « régie » : c'est la commune qui assure la responsabilité complète des investissements et du fonctionnement des services des eaux, ainsi que des relations avec les usagers. Les employés de la régie sont des fonctionnaires territoriaux et ont un statut public. La régie concerne de grandes villes qui ont des services techniques très structurés ou de petites collectivités rurales. La gestion déléguée : la collectivité délègue la gestion de tout ou partie du service d'eau à une entreprise industrielle publique ou privée, dans le cadre d'une convention de délégation de service public dont la durée est limitée à 20 ans (elle était en moyenne de 18 ans dans les années 1990, aujourd'hui d'environ 13 ans et les contrats renouvelés ont une durée moyenne inférieure à 11 ans (observatoire loi Sapin) ). Les modalités d'évolution du tarif sont fixées dans le contrat de délégation. L'affermage et la concession sont les deux types de contrats généralement utilisés. Le plus fréquent est l'affermage. - En affermage, la collectivité réalise et finance directement les investissements et ne confie que l'exploitation des installations à l'opérateur. Ce dernier se rémunère sur le prix de l'eau. Il collecte pour le compte de la collectivité propriétaire les sommes correspondantes aux dépenses d'amortissement technique et financier des ouvrages. - En concession, c'est l'opérateur qui construit les ouvrages et les exploite à ses frais en se remboursant
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intégralement sur le prix de l'eau. Le candidat concessionnaire doit évaluer les investissements qu'il s'engage à réaliser. Dans les deux cas, le risque de déficit (ou de bénéfice) est assumé par l'opérateur et en fin de contrat, l'opérateur devra remettre le réseau et les ouvrages, les logiciels d'exploitation, le plan des réseaux et le fichier client. La gestion mixte : Il existe des situations intermédiaires entre régie et gestion déléguée. La délégation ne concerne souvent qu'un ouvrage (station d'épuration, postes de relèvements,...) ou qu'une partie des ouvrages, ou encore une partie du service seulement (la facturation, la gestion de la clientèle,...). Par exemple, la collectivité peut exploiter elle-même les ouvrages de production d'eau potable et déléguer seulement la distribution. Autre exemple, l'action commerciale (facturation, recouvrement) est de plus en plus souvent confiée à un opérateur spécialisé distinct dans le cadre d'une procédure de marché public. De ce fait, une même facture d'eau potable et d'assainissement implique fréquemment plusieurs opérateurs, alors qu'elle est émise par un seul d'entre eux. Ceci reflète la souplesse et la complexité du système français.
Cette souplesse et cette complexité du système français ont suscité une demande forte de transparence de la qualité des services, pour que les usagers puissent vérifier le bien-fondé des sommes facturées. En effet, depuis une vingtaine d'années, plusieurs dossiers ont fait polémique et ont pu connaître des suites judiciaires. La Commission Européenne s'était d'ailleurs inquiété de la situation de la concurrence du marché de l'eau en France, mais elle a finalement notifié le 25 avril 2013 à Suez Environnement sa décision de clôturer l'enquête commencée en avril 2010 et formellement ouverte en janvier 2012 portant notamment sur sa filiale Lyonnaise des Eaux et le marché de l'eau en France. Cette question très sensible rend en tout état de cause indispensable une information précise des usagers et des citoyens. La Loi Barnier de 1995 impose aux Maires de présenter chaque année au conseil municipal un rapport annuel sur le prix et la qualité des services de l'eau et de l'assainissement (RPQS). Ce rapport est mis à la disposition du public en mairie. Il comprend des informations techniques (organisation des services d'eau, projet de développement...) et financières (coûts des services, prix de l'eau, investissements...). Depuis 2009, l'observatoire des services publics d'eau et d'assainissement (SISPEA) rassemble des données pour permettre la comparaison entre les services d'eau des différentes communes. La loi Grenelle 2 du 12 juillet 2010 impose au maire de joindre à son rapport annuel la note établie par l'agence de l'eau sur la répartition des redevances entre tous les usagers de l'eau et la redistribution qui en est faite sous forme d'aides et sur la réalisation de son programme d'intervention.
3.1.2.2. Globalement, la situation est satisfaisante :
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La quasi totalité de la population (99 %) est raccordée à un réseau public de distribution d'eau potable ; la majorité de la population (83 %) est raccordée à un réseau public d'assainissement, le complément étant en assainissement non collectif. La capacité installée d'épuration des eaux usées correspond à 100 millions d'habitants. L'équipement du territoire est pratiquement achevé. Ces réseaux (1,2 millions de km) auraient une valeur à neuf estimée21 entre 330 à 400 milliards d'euros, difficilement visible par les usagers. Ces réseaux sont toutefois souvent vieillissants et leur renouvellement pourrait être problématique. La dépollution sur des paramètres classiques est un succès, via l'assainissement collectif et la mise en oeuvre de la directive ERU (applicable aux collectivités locales et aux industries agroalimentaires) , l'interdiction du phosphore dans les lessives, de gros efforts faits sur les sites industriels, une réduction très sensible des apports de polluants dans les milieux, un taux de raccordement en fort progrès, la fin des problèmes de traitement et d'élimination des boues de stations d'épuration. En revanche, le raccordement des effluents non domestiques dans les réseaux avec un défaut de police du maire pour les autorisations de déversements peut encore poser problème pour certains toxiques. Le financement des dépenses courantes des services publics d'eau et assainissement (SPEA) est, de
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Ernst and Young étude avril 2012 sur comptes 2009.
fait, assuré par les ménages (70 %) et les activités économiques (30 %)22. Les activités économiques comprennent, à parts égales, les activités de production et les activités de production assimilées domestiques (APAD, c'est-à-dire les commerces, hôtels, restaurants,...). La définition des APAD a été introduite par la LEMA (L 213-10-2 et R 213-48-1 du code de l'environnement), les APAD étant depuis assujetties aux redevances de pollution domestique perçues par les agences. La loi Brottes 23 a introduit la possibilité pour les collectivités de distinguer les usagers domestiques des APAD dans leur tarification. Le code général des collectivités territoriales (article L. 2224-12-1) stipule désormais que « Toute fourniture d'eau potable, quel qu'en soit le bénéficiaire, fait l'objet d'une facturation au tarif applicable à la catégorie d'usagers correspondante, les ménages, occupants d'immeubles à usage principal d'habitation, pouvant constituer une catégorie d'usagers. » Il est donc désormais possible d'appliquer une tarification distincte pour les utilisations de l'eau à des fins domestiques ou pour les APAD.
3.1.2.3. Le service est de bonne qualité.
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4 milliards de m3 d'eau potable sont distribués annuellement et on constate très peu de discontinuité du service pour non potabilité temporaire (essentiellement pour pollution bactériologique); en plus des contrôles réglementaires effectués par les ARS, les opérateurs surveillent eux-mêmes la qualité de l'eau tout au long du procesus de production et de distribution. Plus de 4 millions d'analyses sont effectuées chaque année. En 2008, le taux de conformité des analyses bactériologiques était de 99,61 % et le taux de conformité des analyses physico-chimiques était de 98,65 %. Le baromètre CI Eau/TNS Sofres 2009 confirmait la satisfaction de plus des ¾ de la population interrogée vis à vis de l'eau du robinet, et ce, pour la 4ème année consécutive. Les réseaux d'assainissement sont aux normes ou en voie de l'être ; il existe 17 302 stations d'épuration. (cf. § 3.3.3.1. sur les contentieux communautaires). Il existe en revanche un retard structurel sur les DOM : cf. § 3.1.2.5.
3.1.2.4. Un prix de l'eau dans la moyenne européenne
Pour une famille consommant 120 m3 par an, la facture moyenne d'eau et d'assainissement est de 434 TTC. Cette dépense correspond à 1,25 % du revenu disponible moyen d'un ménage français mais, dans certains cas, les charges liées à l'eau peuvent représenter plus de 3 % du revenu (la loi Brottes ouvre la possibilité d'expérimenter la mise en place d'une tarification sociale). Selon l'observatoire national, en 2009, le prix moyen de l'eau s'établissait à 3,62 TTC/m3 : 1,55 pour l'eau potable, 1,54 pour l'assainissement collectif, auxquels s'ajoutent 0,53 pour la TVA et les redevances perçues par les agences de l'eau et VNF. La tarification doit comporter une part variable calculée en fonction de la consommation et elle peut prévoir une part fixe (plafonnée hors communes touristiques à 30 ou 40 % de la facture totale) destinée à couvrir tout ou partie des charges fixes du service. Le prix de l'eau augmente (avec une augmentation supérieure à l'inflation) et la quote-part d'assainissement devrait dépasser à terme celui de l'eau potable. Ce prix connaît une assez grande variabilité entre services selon le contexte géographique, la dispersion des habitations (le prix diminue avec la densité), la qualité de l'eau brute (coût du traitement de potabilisation), l'activité touristique (dimensionnement des infrastructures), les exigences liées au milieu récepteur (coût des procédés d'assainissement). Le mode de gestion paraît assez peu discriminant même si le prix moyen en gestion déléguée est supérieur respectivement de 15 % pour l'eau et de 4 % pour l'assainissement. En
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Ernst and Young, déjà citée. Loi n° 2013-312 du 15 avril 2013 visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre et portant diverses dispositions sur la tarification de l'eau et sur les éoliennes.
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revanche la taille du service a une influence : si les services desservant moins de 1000 habitants ont un prix moyen de l'eau nettement inférieur à la moyenne grâce à un coût de production bas, pour les autres services le prix décroît avec l'augmentation de la taille par économie d'échelle. Pour l'assainissement collectif, le prix augmente avec la taille jusqu'à 10000 abonnés et décroît ensuite. Pour les prix pratiqués dans les cinq plus grandes villes des pays européens (étude NUS Consulting), le prix moyen des villes françaises était de 3,09 /m3 en 2008, inférieur de 10 % à la moyenne européenne, les différences étant importantes entre les différents pays (de 6,42 au Danemark à 0,88 en Italie).
3.1.2.5. Il reste des points de vigilance :
Assainissement (y compris pluvial) Pertinence du choix du mode d'assainissement La définition des zones d'assainissement collectif et non collectif relève de la responsabilité des collectivités territoriales. Le choix entre zone d'assainissement collectif et non collectif est lourd de conséquences, notamment financières pour la collectivité et les habitants , le principal déterminant du coût étant la longueur du réseau. C'est pourquoi il est important que les réglementations soient adaptées aux enjeux ; en particulier, il faut veiller à ce que la réglementation applicable à l'assainissement non collectif ne soit pas dissuasive vis-à-vis de ce type d'assainissement qui peut être le plus adapté, notamment en zone rurale. En effet, la demande sociale tend souvent à pousser dans le sens du « tout à l'égout », solution jugée moins chère et surtout moins contraignante par les particuliers potentiellement concernés par l'ANC, mais pouvant revenir beaucoup plus cher pour la collectivité..
L'analyse économique pour le particulier dépend de nombreux facteurs :
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assainissement individuel : le choix de l'installation, qui dépend lui-même de la surface disponible permettant ou non un épandage, peut entraîner un coût d'investissement (typiquement entre 5 et 10 000 euros) et surtout un coût de fonctionnement plus ou moins élevés, et passant par des à coups lors de la vidange de l'installation ; le particulier paye alors l'eau moins chère (n'est pas assujetti à la part redevance d'assainissement) ; assainissement collectif : le particulier paye lors de l'installation le branchement privé, une participation pour l'assainissement collectif,(participation pour le financement de l'assainissement collectif-PFAC), qui est à l'initiative de la collectivité et plafonnée à 80 % du coût d'une installation individuelle et un prix au m3 comprenant la redevance assainissement.
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Les règles de cofinancement des agences de l'eau peuvent contribuer à orienter les choix pertinents, faits en application de la LEMA, de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement et de leurs décrets et arrêtés d'application. Assainissement collectif : Si la mise aux normes de l'assainissement collectif avec les exigences de la DERU est en bonne voie, la mise aux normes des installations des petites collectivités de moins de 2 000 habitants est encore largement devant nous ; ceci explique d'ailleurs en partie le montant très important du domaine 2 du 10 ème programme des agences de l'eau. L'équipe opérationnelle s'est interrogée sur l'adéquation de la réglementation française applicable aux rejets des stations de moins de 2 000 habitants avec les strictes exigences de la DERU. Cette directive demande en effet que pour ces rejets de petite taille, des traitements appropriés soient mis en place pour éviter l'eutrophisation des eaux et pour respecter les objectifs de qualité de la DCE. La DERU n'impose pas pour ces installations de petite taille de norme de rejet minimale obligatoire. Après examen, il apparaît que les objectifs de traitements imposés au plan national correspondent au
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minimum de ce que l'on peut attendre d'un « traitement approprié » défini dans la DERU comme « le traitement des eaux résiduaires urbaines par tout procédé et/ou système d'évacuation permettant, pour les eaux réceptrices de rejets, de respecter les objectifs de qualité retenus ainsi que de répondre aux dispositions pertinentes de la présente directive et d'autres directives communautaires ». Le niveau exigé est beaucoup plus faible que ce qui est demandé pour les agglomérations de plus de 2 000 Eh. Il correspond à un seul étage de filtre planté ce qui permet d'éliminer le plus gros de la pollution. Le niveau est calé sur ce qui est demandé pour l'ANC pour les installations individuelles. L'équipe opérationnelle n'a en revanche pas pu regarder la façon dont les exigences nationales sont traduites localement au plan des arrêtés préfectoraux d'autorisations. Une investigation complémentaire (mission spécifique) pourrait être particulièrement opportune . Assainissement non collectif : Plus de 5 millions de logements représentant 12 millions de personnes sont équipés d'une installation d'assainissement non collectif. La réglementation encadre le type d'installations permises 24. La réforme donnant depuis le 1er juillet 2012 des compétences obligatoires aux SPANC en termes de contrôles de mise aux normes fait actuellement l'objet d'un bilan national par la DGCL dont les conclusions ne sont pas connues. Des alertes ont été émises sur les difficultés de mise en place de la réforme : ainsi, la chambre des notaires s'est plainte du blocage de certaines ventes par défaut du certificat de conformité obligatoire 25. Concernant la pollution des eaux :
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L'ANC ne pose pas de problème sanitaire ou de qualité des eaux sur une grande partie du territoire26; Des problèmes de pollution diffuse subsistent sur la bande côtière (largeur correspondant à un temps de transfert de la pollution de 24 à 48h ; soit environ 20km), ainsi que dans les DOM (en Martinique par exemple, 98 % de non conformité), au voisinage de têtes de captages, dans les têtes de bassins versants (cumul dans les zones hydrographiques en araignée). Ces questions sont abordées par la réglementation ANC dans le cadre des zones à enjeu sanitaire ou environnemental. Une réglementation plus différentiée à partir d'un zonage de ces portions de territoires à problèmes serait source d'efficience.
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Les raccordements : La gestion des autorisations de déversements d'effluents non domestiques relève de la police spéciale d'assainissement, qui relève donc de l'EPCI compétent en matière d'assainissement, sauf si le maire le refuse : il y aurait environ 40 % de transferts de compétence. La question de la cohérence entre la gestion des raccordements et celle de la gestion des réseaux et de l'épuration est pourtant nécessaire pour éviter des
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la réglementation permet aujourd'hui aux particuliers de mettre en place, soit une filière dite traditionnelle (fosse toute eaux puis traitement et épandage) déjà prévue par les textes antérieurs encadrant l'ANC (arrêté du 6 mai 1996), soit des installations plus intensives, dites « microstations » dont la mise en oeuvre n'était auparavant possible que sur dérogation préfectorale. Ces dernières ont été intégrées comme technique de traitement réglementairement admis en routine en raison des engagements communautaires de la France au titre du règlement « produit de construction » - marquage CE. Ces « microstations » doivent être titulaires d'un agrément délivré conjointement par les ministères de la santé et de l'écologie qui a notamment pour but de s'assurer d'un niveau minimal de performance. De manière générale, le montant relatif à l'investissement pour une microstation - variable toutefois d'un constructeur à un autre (plus de 100 installations sur le marché actuellement) - est inférieur à celui nécessaire pour une filière « traditionnelle ». Ces installations plus intensives consomment toutefois de l'énergie (électrique) et nécessitent en moyenne une vidange de leurs boues plus régulière ce qui conduit à des coûts d'exploitation plus élevés que les filières traditionnelles qui fonctionnent généralement sans apport d'énergie et avec des vidanges relativement espacées dans le temps.
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Ces plaintes semblent avoir pour origine l'absence de SPANC qui n'avait pas été créé par les collectivités concernées malgré l'obligation qui leur en est faite par la loi. Une circulaire a depuis été adressée aux préfets afin qu'il soit veillé à ce que les SPANC soient créés lorsque cela est nécessaire (ie existence d'installations ANC sur le territoire de la commune).
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Suite à une évaluation réalisée entre janvier et mars 2011 sur 20 000 habitations par des SPANC : 46 % n'étaient pas équipées d'installation de traitement (dont 13 % qui présentaient un risque sanitaire direct et 10 % étaient localisées en zone à enjeux sanitaire ou environnemental reliquat 23 % ni risque sanitaire direct, ni zone à enjeu mais toutefois aucun traitement des EU), 46 % des installations étaient incomplètes ou fonctionnaient mal (répartis en 12 % qui présentaient un risque sanitaire direct et 5 % situées dans une zone à enjeu sanitaire ou environnemental, reliquat 21 % ni risque sanitaire direct ni zone à enjeu environnemental). 34/131
dysfonctionnements nuisibles aux performances du système épuratoire. Ces échanges sont organisés par la réglementation. Les difficultés peuvent provenir de la multiplication des structures concernées par le rendu du service d'assainissement (collecte, transport, traitement ...). Gestion du temps de pluie : La gestion des eaux pluviales pose deux types de problèmes : la gestion quantitative, avec la question de la gestion des inondations par ruissellement urbain et la question qualitative :
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le problème se pose en particulier sur le littoral et pour les agglomérations d'une taille disproportionnée par rapport aux capacités du milieu récepteur et revêt deux aspects. Le premier est quantitatif : l'intensité des ruissellements peut entraîner des inondations violentes et dommageables (dimensionnement des réseaux, bassins écrêteurs) ; le deuxième est qualitatif : pollution liée aux mauvais branchements, flux d'orages. Les conséquences sont importantes :
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Fermeture des plages plusieurs semaines par an ; Rejet d'une proportion importante des flux polluants dans les milieux naturels, avec des conséquences potentielles sur les usages à l'aval : conchyliculture, baignade, micros et macro-déchets allant dans les milieux marins ; Effets pouvant être dévastateurs sur l'activité des conchyliculteurs (étang de Thau et baie de Morlaix) ; Pollution généralisée par les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP)27.
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La résolution de cette question, dont un certain nombre de collectivités locales ont pris conscience, se heurte à des questions de financement et d'organisation 28. On notera que la conformité des déversements de temps de pluie avec la DERU commence à être soulevée avec insistance par la Commission européenne. Le Royaume-Uni a ainsi été condamné sur ce point par la CJUE pour les déversements excessifs de l'agglomération londonienne, contraignant cette agglomération à décider d'un programme d'investissement d'un coût supérieur à 4 milliards de livres.
Un retard structurel dans les DOM qui entraîne des difficultés d'atteinte des objectifs de la DERU (et de la DCE) Les DOM sont confrontés à quarante ans de retard dans la mise en oeuvre de la politique de l'eau. Ceci s'explique par des aspects structurels (taille des bassins), historiques (la création très récente des Offices de l'eau), économiques (la faiblesse des ressources financières propres malgré un prix de l'eau relativement élevé) et des capacités techniques limitées. De plus, la potabilité de l'eau reste une priorité pour les DOM et les TOM (en Guyane, par exemple, 12 % de la population n'a pas accès à l'eau potable). Au 1er janvier 2013, 29 agglomérations restaient non conformes à la DERU en Guadeloupe, à la Martinique, en Guyane et à La Réunion. Parmi elles, 17 agglomérations n'ont pas commencé les travaux nécessaires à la mise en conformité. Sur les 74 nouvelles stations de taille moyenne identifiées comme prioritaires dans le nouveau plan d'actions pour la politique d'assainissement jusqu'en 2018, 10 concernent l'outre-mer. Les financements à appeler pour la mise en conformité sont très lourds. Le retard structurel d'équipement
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Wikipedia : « Les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) sont une sous-famille des hydrocarbures aromatiques. Ce sont des composés présents dans tous les milieux environnementaux et qui montrent une forte toxicité. Ils proviennent notamment de résidus de combustion.
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Ce sont toujours les communes qui sont responsables de l'assainissement et de la gestion des eaux pluviales sur leur territoire. L'assainissement est un service public industriel et commercial avec un budget annexe au budget communal. Le financement des ouvrages de gestion des eaux pluviales est assuré par le budget général de la commune. Une commune peut transférer sa compé tence assainissement à un EPCI fréquent cela pourrait également être le cas pour le pluvial plus rare-. 35/131
entraîne dès lors une forte dépendance aux fonds structurels et à la solidarité interbassins. Pour l'assainissement, les besoins sont estimés sur la période 2014-2020 à 700 M pour les 4 DOM et à 250 M pour Mayotte, même si pour ce territoire la France a demandé un report à 2021 et 2027 pour l'atteinte de la conformité. La meilleure prise en compte du temps de pluie est également un enjeu fondamental des DOM au regard de l'attractivité touristique et de l'usage baignade de ces destinations. Or la mise en application de la DCE et des directives associées, ainsi que l'atteinte des résultats s'appliqueront également à Mayotte à partir de 2014 quand l'île aura le statut de région ultrapériphérique, avec un report d'échéance à 2021 et 2027 pour l'application de la directive ERU si le Parlement et le Conseil européen valident la proposition des services de la Commission européennes suite aux négociations avec la France. Il est important de continuer à mobiliser des fonds européens sur l'assainissement pour poursuivre les efforts de mise aux normes. Dans le cas contraire, la France s'exposerait à des condamnations financières sur les contentieux DERU en cours, voire à de nouveaux contentieux lourds, au titre de la DERU, et de la directive « eaux de baignade ». L'élaboration des programmes opérationnels européens (POE) pour la période 2014-2020 est en cours. Des inquiétudes se manifestent sur l'éligibilité des actions du petit cycle de l'eau pour ce nouveau cycle. Par ailleurs, la préparation de ces futurs PO doit également prendre en compte les besoins liés à la mise en oeuvre des autres directives et notamment de la DCE. Au-delà du rattrapage du retard structurel, et de la mobilisation des fonds structurels, la solidarité interbassins demeurera nécessaire pendant de longues années, à la fois pour rattraper le retard en équipements, pour répondre aux enjeux relatifs au grand cycle de l'eau et pour atteindre les objectifs fixés par les directives européennes ERU et DCE.
Eau potable Les aires d'alimentation de captages et la pollution diffuse 29 : Les périmètres de protection des captages d'eau potable assurent une bonne protection contre les pollutions bactériologiques, mais des problèmes subsistent vis-à-vis des pollutions diffuses (nitrates et pesticides). Deux réglementations coexistent :
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une réglementation sanitaire axée sur la protection bactériologique et la protection contre les pollutions ponctuelles et accidentelles (les périmètres de protection de captages : périmètres immédiats à acquérir, périmètres rapprochés avec servitudes et zones éloignées) ; une réglementation environnementale issue de la LEMA, visant à protéger les captages spécifiquement contre les pollutions diffuses d'origine agricole. Elle s'appuie sur des zones pouvant être beaucoup plus vastes avec un dispositif à deux phases d'abord contractuel puis, en cas d'échec, normatif. Les SDAGE ont identifié quelque 2500 captages affectés par des pollutions diffuses. Au sein de ces captages, la loi Grenelle en a identifié 507 prioritaires. À ce jour, la plupart des aires d'alimentation de captages ont engagé la démarche et réalisé la délimitation et plus de la moitié ont élaboré leur plan d'actions. Si la réglementation environnementale offre une garantie de mise en oeuvre des mesures, sa mobilisation n'est pas rendue obligatoire sur tous les captages avec une problématique de pollutions diffuses.
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Une mission d'audit sur l'intérêt de rapprocher les deux dispositifs a été demandée le 15/09/2012 par les Ministres (Santé-Agriculture-Écologie). Taux de fuite : Le taux moyen national de rendement sur les réseaux d'eau potable est estimé à 78 %. Le décret du 27 janvier 2012 pris en application de l'article 168 de la loi Grenelle II prévoit la réalisation d'un descriptif dé 29
Voir aussi le § 3.1.3.2. 36/131
taillé des réseaux d'eau et d'assainissement et d'un plan d'actions pour la réduction des pertes d'eau dans les réseaux de distribution. Les taux de rendement devront être progressivement portés à une valeur supérieure à 85 % dans les zones urbaines et à une valeur entre 65 et 85 % en zone rurale selon le linéaire et les volumes. Pour y parvenir, les services publics d'eau devront s'engager dans une connaissance fine de leur pa trimoine de réseaux, effectuer des mesures (entrée-sortie) et se fixer des objectifs pour engager un plan d'ac tions. Cependant, l'intérêt des travaux reste soumis à une équation économique, autrement dit, le coût de l'eau perdue doit être supérieur au coût de recherche et réparation du défaut engendrant la perte. De plus, la réduction des fuites se heurtera à la capacité de financement des SPEA, notamment lorsque les réseaux, anciens, n'ont pas été amortis (le prix de l'eau va augmenter et ce d'autant plus que les consommations baissent).
Organisation et gouvernance L'émiettement de la gouvernance est sans doute le problème majeur du petit cycle en termes d'efficience : Le caractère local (communal ou intercommunal) des services de distribution d'eau et d'assainissement des eaux usées explique leur multitude. Il existe près de 35 000 services d'eau potable et d'assainissement collectif. (eau potable 14 376 ; assainissement 17 686 ; assainissement non collectif 3 297). A titre de comparaison, il y en a mille fois moins en Grande-Bretagne ! Un grand nombre d'autorités organisatrices sont de très petite taille et bon nombre d'entre elles n'atteignent pas la taille critique pour laquelle on peut distinguer les fonctions d'autorité organisatrice et d'opérateur. Il en découle des lacunes techniques, qui interrogent sur la réelle capacité à contrôler le délégataire, ou à effectuer le service en régie dans de bonnes conditions. Une attente forte des consommateurs sur la transparence de l'information sur la qualité des services La qualité du service et le prix de l'eau (régie/délégation) est source de débats, justifiant la création d'un « observatoire de l'eau » permettant d'améliorer la transparence des services (coûts, performances, ...) et d'alimenter les réflexions en cours sur la tarification de l'eau en tant que bien essentiel. Cependant, il subsiste des difficultés à assurer la transparence prévue par la loi à cause de processus de remontée et de saisie d'information insuffisamment performant.. Or, l'observatoire des services d'eau et d'assainissement instauré par la LEMA est l'option alternative à la mise en place d'un régulateur national demandé par certaines associations de protection des consommateurs depuis de nombreuses années, à l'instar de l'OFWAT qui existe en Grande-Bretagne. Voir § 3.4.2.2. sur le SIE
Le projet de loi de décentralisation et l'organisation du service public d'assainissement La mutualisation des compétences d'eau potable et d'assainissement présente de nombreux avantages en termes de capacité des autorités organisatrices à organiser un service efficace et efficient, en particulier en contrôlant plus efficacement leurs prestataires de services. Le projet de loi de décentralisation volet 3 prévoit de donner aux EPCI à fiscalité propre la compétence obligatoire sur l'assainissement collectif et non collectif, avec possibilité de la transférer à des syndicats mixtes. Cette disposition serait de nature à rationaliser l'organisation des services d'eau et d'assainissement et à améliorer leur efficacité globale et leur efficience.
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3.1.2.6. et des problèmes émergent :
Sous investissements, manque de renouvellement de réseaux vieillissants.
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Le financement des investissements est assuré à 10 % par des subventions provenant de l'impôt et à 90 % par la facture d'eau (autofinancement) et par l'emprunt, ces 90 % incluant l'apport des aides des agences issues aussi via des redevances de la facture d'eau notamment,. Ce financement par le prix de l'eau est à la charge des ménages (70 %) et des activités économiques (30 %). Le modèle actuel a des faiblesses du point de vue de sa soutenabilité car son assiette diminue comme la consommation d'eau. Ce problème doit être analysé dans le cadre de la commission qui va être mise en place sur ce sujet (cf. infra). La question du financement du renouvellement des réseaux est posée et sera très délicate surtout dans les zones rurales. La question de la mutualisation de cet effort via le financement par les agences de l'eau est un point de discussion. En effet, le problème se pose surtout pour les réseaux qui n'ont pas fait l'objet d'une provision pour amortissement suffisante. Cette situation peut se rencontrer surtout pour des réseaux anciens et ceux qui ont été subventionnés à une époque où les règles de la comptabilité publique ne prévoyaient pas d'amortissement pour la part subventionnée des investissements. Il faudra cependant être attentif à ne pas pénaliser les maîtres d'ouvrages qui ont provisionné suffisamment, et qui ont du, de ce fait augmenter le prix de l'eau. Dynamique spatiale de la population : L'évolution constatée de la répartition des populations depuis quelques décennies nécessite des investissements supplémentaires liés à la concentration dans certaines zones (littoral, métropoles) et la nécessité de sécuriser les services (interconnexions...). La baisse de population dans certaines zones en revanche induit un renchérissement du coût. Baisse des consommations : La baisse des consommations, qui est vertueuse du point de vue des comportements des consommateurs, entraîne un certain nombre de difficultés :
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Les ventes d'eau connaissent des évolutions contrastées selon la typologie des secteurs desservis. Elles sont globalement en baisse (151 l/personne/jour) et les projections actuelles font état d'une poursuite de cette baisse. Cette contraction du marché pose les mêmes problèmes pour les services délégataires que pour les régies ; Les charges fixes sont proportionnellement plus importantes : les économies d'eau ne feront pas baisser le prix. Cette diminution d'assiette réduit de facto l'épargne brute nécessaire au renouvellement des réseaux. Elle peut aussi conduire à la tentation d'augmenter le prix de l'eau pour compenser, avec le danger pour les exploitants d'entrer dans un cercle : l'augmentation de prix accélérant la diminution des ventes. La solution est plutôt à rechercher du côté des gains de productivité des opérateurs. La diminution d'assiette entraîne aussi une diminution des redevances de pollution domestique assises sur la consommation d'eau. La baisse des volumes peut parfois induire des problèmes sanitaires (prolifération bactériologique liée à la stagnation d'eau dans les tuyaux).
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De nouvelles exigences qualitatives risquent de renchérir le prix de l'eau : De nombreux facteurs vont nécessiter des épurations plus poussées : les rejets résiduels par temps de pluie, la baisse des débits d'étiage de certains cours d'eau du fait du changement climatique et donc de leur capacité de dilution... De nouvelles pollutions sont détectées et constituent des « risques émergents pour la santé » qui interrogent de plus en plus scientifiques, gestionnaires et opinion publique. Il s'agit en particulier de résidus de médicaments, de nanomatériaux, de produits d'hygiène, de détergents ou de biocides, de perturbateurs endocriniens... qui rejoignent les cours d'eau faute d'avoir été éliminés. En effet les techniques de traitement n'existent pas toujours, ni même parfois les techniques permettant de détecter ces polluants. Une station de
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traitement d'eau potable sur trois dispose d'un traitement au charbon actif pour faire face à certains de ces problèmes. Certaines de ces molécules échappent à ces dispositifs. Si la qualité des eaux brutes potabilisables se dégrade, des traitements plus poussés seront nécessaires afin de garantir la qualité de l'eau potable. Ces nouvelles exigences risquent de renchérir le prix de l'eau. Certaines substances potentiellement toxiques peuvent se retrouver dans l'eau distribuée et font déjà l'objet d'un suivi particulier : Le plomb
Le plomb dans l'eau potable provient généralement de la circulation d'une eau dite douce qui dissout les
métaux dont sont faites les canalisations. Le plomb s'accumule dans l'organisme vivant et peut engendrer de graves dérèglements organiques. Le taux limite de plomb dans l'eau potable a été fixé par la directive européenne relative a la qualité des eaux destinées à la consommation humaine.de 1998 à 20 µg/l puis abaissé à 10 µg/l à partir du 25 décembre 2013. Jusqu'aux années 1970, voire parfois au-delà, beaucoup de branchements entre les canalisations de distribution collectives et les distributions intérieures aux habitations ont été réalisés en plomb. Historiquement les réseaux intérieurs des habitations étaient en plomb, ils sont désormais en cuivre. Les mesures faites en entrée de local et après purge révèlent que les taux plafonds ne sont jamais atteints. Ils ne sont cependant pas rigoureusement représentatifs puisqu'ils ne mesurent pas la présence de plomb au robinet dans des locaux desservis par des canalisations en plomb. Depuis dix ans, les collectivités ont lancé des programmes de remplacement systématique des branchements en plomb afin de contribuer à abaisser la teneur en plomb de l'eau et éviter les risques juridiques. On estime que 95 % des branchements ont été remplacés. En revanche, les propriétaires ou occupants d'habitations n'ont pas procédé au remplacement systématique, qui n'était pas obligatoire pour les particuliers. On constate que 6 % des analyses dépassent le seuil, ce qui doit inciter à poursuivre les campagnes de conseil (faire couler l'eau avant de la boire, remplacer les canalisations intérieures en plomb 30 et surveiller les populations exposées). Enfin, les recommandations édictées par le Conseil supérieur d'hygiène publique en 2004 pourraient être généralisées (telle l'opportunité de recourir aux orthophosphates) pour le traitement de l'eau potable.
Les radionucléides L'ASN, la DGS et l'IRSN ont dressé en 2011 un second bilan de la qualité radiologique des eaux du robinet en France pour la période 2008-2009, sur la base des analyses réalisées par les ARS. Le contrôle sanitaire se généralise. La qualité radiologique de l'eau distribuée est globalement satisfaisante. Les quelques dépassements ponctuels, quoique de très faible ampleur, qui ont été relevés sont liés à la nature géologique du sous-sol parfaitement connu. Le radon dissous dans l'eau dégaze au robinet et la dose résiduelle est infime ; même si la présence de radon dans l'eau ne présente pas d'enjeu sanitaire à court terme, une réflexion a été entreprise sur l'encadrement réglementaire qui pourrait être mis en place. Accessoirement le risque chimique de l'uranium dissous dans l'eau est supérieur au risque radiologique.
.........................3.1.3. Des difficultés situées en grande partie sur le grand cycle de l'eau
Les objectifs retenus en Europe via la DCE visent à préserver et améliorer l'état des écosystèmes aquatiques et les besoins en eau des écosystèmes terrestres, ainsi qu'à protéger à long terme les ressources en eau
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Le coût est estimé à 17 milliards d'euros. 39/131
disponibles, afin d'assurer un approvisionnement suffisant en eau de bonne qualité pour les besoins d'une utilisation durable, équilibrée et équitable de l'eau. Ce projet de développement durable prend en compte les besoins des générations futures et les impacts du changement climatique, mais aussi la capacité des acteurs d'aujourd'hui à supporter les efforts supplémentaires nécessaires (par rapport aux directives sectorielles obligatoires). Une certaine latitude est laissée aux États membres en matière de niveau d'ambition et de rythme de réalisation. Si l'état de la qualité des masses d'eau et des milieux aquatiques en France en 2009 était dans la moyenne européenne, le niveau d'ambition pour 2015 issu du Grenelle de l'environnement était particulièrement volontariste. Or, cet effort a été décidé dans un contexte de forte incertitude sur la connaissance réelle de l'état des masses d'eau, les paramètres d'évaluation, la capacité des milieux à récupérer un état biologique adéquat. Malgré les progrès très importants accomplis en matière de réduction des pollutions ponctuelles, notamment avec la mise en oeuvre de la DERU pour l'assainissement collectif, il existe une forte probabilité pour que les objectifs retenus ne soient pas atteints en 2015. Les difficultés rencontrées concernent des thématiques complexes, impliquant des acteurs multiples : pollutions diffuses, pollutions résiduelles dont les toxiques, morphologie des cours d'eau, gestion sous tension des étiages. Les solutions sont elles aussi complexes, avec des bénéfices environnementaux certains mais différés dans l'espace et dans le temps.
3.1.3.1. La mise en oeuvre de la DCE : des objectifs très volontaristes au regard d'une évaluation intégratrice de l'état des milieux aquatiques
a) La DCE : objectifs et principes : La DCE définit un cadre pour la gestion et la protection des eaux et des milieux aquatiques par grand bassin hydrographique au plan européen dans une perspective de développement durable et fixe un objectif de résultat pour préserver et restaurer l'état des eaux superficielles (eaux douces, eaux côtières et eaux de transition) et des eaux souterraines. Sa déclinaison par bassin versant dans le programme de mesures passe par :
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des mesures de base, socle minimal obligatoire, avec en particulier le respect des normes et objectifs des autres directives communautaires relatives à l'eau(directive nitrates ou DERU par exemple) et des mesures complémentaires, nécessaires à l'atteinte de l'objectif fixé pour chaque masse d'eau par le plan de gestion (le SDAGE). Ces objectifs peuvent faire l'objet de dérogations (report de délais, objectifs moins stricts) motivées par les difficultés techniques et/ou le coût exagéré, dans le délai, des mesures envisagées, ou enfin par le temps de réaction du milieu aux mesures retenues.
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Les principaux objectifs visés par la DCE sont : · l'atteinte du bon état des masses d'eau d'ici 2015, sauf dérogation motivée, · la non dégradation des ressources et des milieux et le respect des objectifs des zones protégées, · la non augmentation de la concentration de polluants issus d'activités humaines dans les eaux souterraines, · la réduction de la pollution due aux substances prioritaires et l'arrêt des rejets de substances dangereuses prioritaires. La loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement assigne certains objectifs à sa déclinaison dans les SDAGE en France31.
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Article 27 de la loi n°2009-867 du 9 août 2009, «L'État se fixe l'objectif de ne pas recourir aux reports de délais, autorisés par cette directive, pour plus d'un tiers des masses d'eau. », et article 30 « La surveillance des milieux aquatiques sera renforcée afin de répondre aux obligations, notamment celles de la convention d'Aarhus signée par la France en 1998, liées à l'information environnementale et à l'accès à cette information et de préparer, à partir de 2012, les programmes de mesures pour la période 2016-2021 en application des objectifs de la directive-cadre sur l'eau. Elle permettra de mieux évaluer les impacts à la fois des pollutions historiques, notamment dans les sédiments, des pollutions émergentes et des mo difications de l'hydromorphologie des masses d'eau. À cet effet, une aide budgétaire supplémentaire de 10 millions d'euros par an pourra être allouée par l'État. Les résultats des réseaux de surveillance des milieux aquatiques seront mis à disposition des partenaires concernés et du public dans un délai d'un an après la réalisation de la campagne de mesure. Des interfaces de mise à disposition plus simples d'utilisation seront dévelop -
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b) Bilan de l'état des masses d'eau en 2009 Le bon état global des eaux de surface se définit comme la combinaison d'un bon état écologique et d'un bon état chimique. La règle pour qualifier l'état d'une masse d'eau est celle du paramètre déclassant (un seul paramètre non conforme déclassant l'ensemble de la masse d'eau). Le dernier inventaire date de 2009, sur des données de 2006-2007. Il établit que :
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41 % des masses d'eau de surface étaient estimées en bon état écologique (39 % en moyenne pour l'ensemble des États membres) et 43 % en bon état chimique (35 % en moyenne pour l'ensemble des États membres), ce qui situe la France au 14ème rang européen. Il faut néanmoins noter l'importance de l'incertitude liée à l'absence de données mesurées pour le tiers des masses d'eau, notamment pour qualifier l'état chimique, mais aussi aux paramètres incomplets mesurés sur certaines masses d'eau32. La qualité des eaux souterraines était globalement meilleure que celle des eaux de surfaces. 60 % d'entre elles étaient estimées en bon état chimique en France, les causes de dégradation se partageant en part égale entre nitrates et pesticides. 90 % des masses d'eau souterraines étaient estimées en bon état quantitatif, soit un peu plus que la moyenne européenne.
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Les masses d'eau artificielles ou fortement modifiées sont soumises aux mêmes critères, sauf ceux relatifs à la morphologie justifiant leur classement, on y cible un « bon potentiel ».
c) Une amélioration est très visible, dans la durée, là où ont été traitées les pollutions ponctuelles domestiques et industrielles. Les pollutions ponctuelles ont été l'objet principal des actions impulsées depuis 40 ans par l'État et les agences de l'eau et menées par les collectivités pour les rejets domestiques et les acteurs économiques pour les rejets industriels. Ces pollutions ont l'avantage d'être facilement identifiables tant géographiquement que par la nature des effluents rejetés. Il existe des solutions techniques souvent onéreuses, mais qui ont pu être mises en place progressivement. Les aides des agences de l'eau aux collectivités ont permis à ces dernières de s'équiper de traitements adéquats, réduisant significativement le risque de contentieux « eaux résiduaires urbaines »33. Quelques problèmes subsistent là où l'accroissement général ou saisonnier de la population dépasse les capacités techniques de la station. La procédure d'installation classée ICPE a fourni l'outil réglementaire pour fixer les obligations de traitement pour les industriels comme pour les principaux éleveurs. Ainsi par exemple, la qualité de la Seine, fortement dégradée il y a quelques décennies a bénéficié d'interventions importantes, sur les pollutions domestiques et industrielles, qui ont porté leurs fruits de façon assez spectaculaire:
pées par l'État et les agences ou les offices de l'eau ».
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Une masse d'eau classée en bon état en 2009 peut se retrouver déclassée du fait d'un paramètre en mauvais état qui n'était pas suivi avant 2007 alors que la masse d'eau n'a pas subi de dégradation, ou pire, que des efforts ont été réalisés pour en améliorer l'état... 33 Relatif à la directive « Eaux Résiduaires Urbaines » 41/131
d) Des objectifs pour 2015 fixés par le Grenelle de l'environnement particulièrement ambitieux : La DCE indique que le bon état des eaux dans l'Union Européenne (bon état écologique et chimique pour les eaux de surface, bon état quantitatif et chimique pour les eaux souterraines) doit être atteint en 2015 sauf si les « plans de gestion » (SDAGE) démontrent masse d'eau par masse d'eau qu'ils ne peuvent jamais l'être, ou pas à cette échéance. C'est la notion d'exemption motivée par des coûts disproportionnés (économiques et sociaux), la faisabilité technique ou les conditions naturelles (inertie du milieu). Ceci mène soit à des reports temporels soit à un objectif dit « moins strict » pour la masse d'eau concernée. On peut constater a posteriori que l'analyse technique initiale de 2009 était déjà optimiste. Elle aurait conduit à des objectifs d'amélioration de 15 %, mais le Grenelle de l'environnement (loi n° 2009-967 du 9 août 2009) a voulu relever à un niveau particulièrement ambitieux l'objectif d'atteinte du bon état écologique des eaux de surface pour 66 % des masses d'eau dès 2015 (amélioration de 25 %). Les 34 % restant font l'objet d'un report d'échéance à 2021 ou 2027, essentiellement pour des raisons techniques, et
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les exemptions pour objectifs moins stricts dans les SDAGE se limitent à 0,5 % des masses d'eau, ce qui paraît très optimiste. La loi précitée prévoit également de renforcer la surveillance des milieux aquatiques pour mieux évaluer l'impact des pollutions historiques, des pollutions émergentes et des modifications hydromorphologiques des masses d'eau. Ainsi, la France a fait appel aux reports de délais plutôt qu'aux objectifs moins stricts et à une interprétation plus contraignante des causes d'exemptions :
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un recours plus limité que d'autres pays au motif d'exemption pour coûts disproportionnés 34, en conduisant à relativement peu de reports à ce titre (par exemple pour l'état écologique 12 % contre 42 % au Royaume-Uni, 51 % en Autriche, 55 % aux Pays-Bas) ; à noter toutefois que la Commission demande une justification étayée de la pertinence de ces exemptions une faible utilisation des masses d'eau fortement modifiées (MEFM). Ces masses d'eau fortement modifiées constituent 7,5 % des masses d'eau superficielles en France, alors que la moyenne européenne est de 25 %, certains pays comme l'Allemagne ayant qualifié ainsi la moitié de ses masses d'eau, il est vrai avec des usages comme la navigation qui n'existent pas en France à ce niveau. Il est difficile, dans les bassins internationaux de faire la part dans les classements observés entre les causes « objectives », géographiques, et des approches différentes entre États membres. Cette désignation doit être réexaminée lors du deuxième cycle de la DCE. une interprétation optimiste des zones d'incertitude : lors du premier état des lieux où était apprécié l'état de chaque masse d'eau et le risque de non atteinte des objectifs de bon état, les connaissances sur l'état du milieu étaient lacunaires et les appréciations ont largement résulté de dires d'experts. Par défaut, de nombreuses masses d'eau ont été classées par les SDAGE avec un objectif de bon état à l'échéance 2015. D'autres États membres ont eu une approche beaucoup plus prudente dans l'interprétation des zones d'incertitude.
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En outre se pose la question pour le cas des DOM : la DCE s'applique déjà avec des critères de définition du bon état spécifiques à leur situation, mais les indicateurs sont en cours de mise au point et les marges de manoeuvre doivent cependant être explicitées auprès des acteurs locaux.
e) Des objectifs qui ne seront très probablement pas atteints en 2015 pour plusieurs raisons :
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un premier « effet thermomètre » résulte de la prise de données de terrain, là où il n'y en avait pas, puisque l'extension du réseau de surveillance des masses d'eau est intervenue depuis le premier inventaire. L'exploitation des données vient souvent démentir l'expertise antérieure : les données de surveillance montrent des déclassements de masse d'eau dus à la simple amélioration de la connaissance ; un très grand nombre d'évaluations de la qualité des masses d'eau est le résultat d'extrapolation, seules 15 % le sont par mesure directe, ce qui limitera l'effet des évolutions de pratique locale (évolution des pressions) sur le résultat ; une sous-estimation de la difficulté et du temps nécessaire à la mise en oeuvre des mesures correctives en matière de pollution diffuse et de morphologie des cours d'eau, ainsi qu'une surestimation de leurs effets sur la biologie, due à la complexité technique et sociologique des changements à engager, au-delà des actions réglementaires et financières ; enfin, le principe de déclassement global de toute la masse d'eau à partir d'un seul paramètre déclassant nuit à la visibilité des progrès accomplis tant qu'il demeure un paramètre déclassant (principe « one out, all out »). Cela pose un vrai problème de motivation des acteurs. C'est ainsi par exemple que les DOM publient un suivi avec et sans chlordécone pour présenter l'impact positif des actions menées sur les autres polluants.
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Le principe de la DCE consistant à définir les coûts disproportionnés en analysant le rapport des coûts supplémentaires des ac tions engagées rapportés aux bénéfices supplémentaires a laissé place en France à une analyse du rapport des coûts supplémentaires rapportés aux bénéfices totaux ; il est vrai que le fait que la France ne soit pas en règle vis-à-vis des mesures de bases n'a pas facilité la différenciation des bénéfices liés aux mesures supplémentaires. 43/131
Pour le cycle suivant (2016-2021), la situation devrait s'aggraver du fait d'une modification de la règle du jeu35 (à la demande de la Commission) avec, d'une part, l'introduction de concentrations minimales pour de nouvelles substances chimiques et, d'autre part, des modifications apportées à certains indicateurs biologiques. Même si les nouveaux indicateurs sont calés en moyenne sur la France, ils ne refléteront pas forcément de la même façon la qualité de l'eau au niveau d'un bassin, d'un département ou, a fortiori d'une masse d'eau, conduisant à des déclassements de fait. Cette approche plus fine risque de masquer les réels progrès accomplis sur l'état d'un grand nombre de milieux, et donc de décourager les acteurs, ce qui nécessitera une communication adaptée.
3.1.3.2. Les difficultés rencontrées : morphologie et zones humides, pollutions diffuses agricoles, pollutions chimiques émergentes
a) Morphologie La qualité des habitats aquatiques est essentielle à la diversité biologique : toutes les espèces ont besoin de circuler pour trouver les espaces nécessaires à leur reproduction, leur croissance, leur alimentation, leur repos. Or, de très nombreux aménagements ont conduit à banaliser les milieux, à les fragmenter, voire à les artificialiser : recalibrage, érection de seuils ou de barrages, digues... Ces altérations morphologiques sont la cause du déclassement de la moitié des masses d'eau de surface. Il s'agit aujourd'hui de retrouver une continuité écologique, en priorité dans les cours d'eau à fort enjeu : ceux qui servent de réservoirs biologiques ou qui abritent des espèces migratrices, pour lesquelles la possibilité de migration est vitale. La politique de l'État et de ses établissements publics vise donc à éviter toute dégradation supplémentaire (sauf intérêt public majeur et alors avec des compensations des impacts résiduels), puis, dans la mesure du possible, à améliorer la situation, en priorisant les actions en fonction des enjeux et d'analyses coûtavantages. Cette action s'est d'abord concrétisée par un accompagnement des maîtres d'ouvrages sur la restauration des cours d'eau, pour les aider à passer d'une approche hydraulique à une approche écologique du fonctionnement du cours d'eau. La prise en compte de l'hydromorphologie des cours d'eau comme clef de leur gestion amène à élargir l'approche initiale de leur restauration, centrée sur les berges, notamment au travers de la prise en compte des objectifs de continuités latérale et longitudinale. La gestion s'intéresse ainsi aux lits des cours d'eau, aux ouvrages transversaux et aux espaces associés plus ou moins directement (lits majeurs, nappes d'accompagnement et zones humides associées). Autant de priorités qui amènent à considérer la gestion des cours d'eau comme étroitement liée aux politiques et décisions d'aménagement du territoire et de gestion du foncier. Les difficultés de mise en oeuvre de cet objectif sont de plusieurs ordres :
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Le droit de propriété, en vertu du code civil (556-563) et du code de l'environnement (L215-1 et suivants), implique un entretien des cours d'eau par leurs propriétaires sur les cours d'eau non domaniaux qui représentent plus de 500 000km de linéaire, qu'il s'agisse des berges ou des ouvrages, or nombre de propriétaires sont défaillants ou ignorants de leurs obligations. La LEMA (L215-15 du CE : opérations groupées d'entretien) a imposé que l'éventuelle prise en charge par les collectivités, en cas de défaillances, se fasse à une échelle hydrographique cohérente sur la base d'un plan de gestion pluriannuel (jusque 10 ans) soumis à autorisation ou déclaration au titre de la police de l'eau. Ces procédures sont lourdes. En application de l'article L 214-17 du code de l'environnement, deux listes de cours d'eau classés ont été élaborées dans chaque bassin : l'objectif du classement en liste 1 est la préservation des milieux aquatiques contre toute nouvelle fragmentation longitudinale et/ou transversale de cours
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La règle de l'évaluation de l'état.
d'eau ; l'objectif de la liste 2 est l'amélioration du fonctionnement écologique des cours d'eau à un niveau permettant l'atteinte des objectifs de la DCE, en rétablissant notamment la circulation des poissons migrateurs et un transport suffisant des sédiments. Sur les cours d'eau classés en site Natura 2000 au titre des poissons migrateurs, cette politique est parfaitement synergique avec les obligations nationales relatives à la biodiversité. Dans certains cas, la suppression d'obstacles et la renaturation de tronçons de cours d'eau pourra être justifiée pour atteindre cet objectif, mais souvent l'amélioration sera obtenue par des aménagements des ouvrages ou des modifications des modalités de gestion. Cette amélioration doit être effective dans les 5 ans après la publication de cette liste36, pour tous les ouvrages concernés. Plus de 60 000 ouvrages, obstacles potentiels ont ainsi été identifiés par l'ONEMA sur l'ensemble des cours d'eau français. La France a classé peu de masses d'eau en « fortement modifiées » ; ceci a été interprété comme un défaut d'usage de la plupart de ces ouvrages. Un plan d'action pour la restauration écologique des cours d'eau (PARCE) a été établi en 2010, avec l'objectif de résorber 1200 ouvrages prioritaires d'ici 2012. Les besoins en moyens humains et financiers ont souvent été sous-estimés, ainsi que la nécessaire motivation des propriétaires pour détruire des ouvrages dont la construction fut parfois historique (vieux moulins) ou encouragée par les pouvoirs publics (lacs artificiels, retenues de loisirs ou d'eau potable, redressement et protection des berges...) et dont l'existence est appréciée de la population. Il faut également régler au cas par cas la question des droits d'eau parfois très anciens auxquels les riverains sont attachés. Ce plan national est intervenu après l'adoption des programmes de mesures des SDAGE. Les agences de l'eau ont attribué des aides à la réalisation de près de 1400 opérations de suppression ou d'adaptation de seuils au cours du 9 ème programme, mais le tableau de bord permettant de s'assurer que ces mises à niveau correspondent bien aux ouvrages prioritaires sur l'ensemble des bassins n'existe pas encore37. Le classement au titre de la « directive habitat, faune, flore » (DHFF) ne semble pas toujours avoir été pris en compte pour établir les priorités compte tenus d'enjeux synergiques DCE-DHFF. De même, la mission n'a pas pu avoir accès à l'état de réalisation des travaux subventionnés sur les ouvrages (il s'écoule du temps entre la décision de financer et la réalisation). Si les réalisations concourant à cette amélioration avancent, elles le font à un rythme moins élevé que prévu au PARCE. Il manque clairement des maîtres d'ouvrage, en milieu rural, pour des travaux d'ampleur nécessitant de mobiliser de l'ingénierie technique, financière et d'organiser l'articulation des acteurs sur les territoires autour de diagnostics partagés. La concertation avec les acteurs locaux est essentielle pour éviter tout blocage supplémentaire, et créer une dynamique positive, mais le délai de 5 ans prévu par la loi pour atteindre le rétablissement de la continuité écologique reste très exigeant. Ces classements en liste 2 constituent donc un programme d'action hiérarchisé et seront suivis dans le cadre des programmes de mesures et de leur déclinaison en programmes d'actions opérationnelles territorialisées par département. Malgré des actions de capitalisation des expériences et de méthodologie engagées par l'ONEMA, les travaux de renaturation engagés (reméandrage, remises en connexion de zones humides, reconstitution des profils d'équilibre du cours d'eau...) butent encore sur le faible retour d'expérience scientifique concernant leurs effets écologiques sur les processus hydromorphologiques et sur l'état des masses d'eau. En effet, cela permettrait de mieux hiérarchiser et dimensionner les travaux à réaliser à l'échelle d'une masse d'eau ou d'un bassin versant (et non d'un seul site) pour avoir un effet d'amélioration significatif. Cela améliorerait en outre la motivation des maîtres d'ouvrages potentiels.
b) Zones humides et biodiversité La première définition des zones humides en droit français a été posée par la loi sur l'eau en 1992 : « On entend par zone humide les terrains, exploités ou non, habituellement inondés ou gorgés d'eau douce,
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Fin 2017 pour les 4 bassins septentrionaux et fin 2018 pour Adour-Garonne et Rhône-Méditerranée. Ce tableau de bord est en cours de construction et s'appuie sur le logiciel OSMOSE retravaillé dans ce sens. 45/131
salée ou saumâtre de façon permanente ou temporaire ; la végétation, quand elle existe, y est dominée par des plantes hygrophiles pendant au moins une partie de l'année » (article L 211-1 du code de l'environnement). Les zones humides, non systématiquement cartographiées, présentent un grand intérêt en matière de biodiversité et de fonctionnement écologique des milieux aquatiques : régulation des quantités d'eau, recharge des nappes phréatiques, épuration des eaux, régulation des microclimats... La dernière estimation de la superficie de zones humides au sens large en France métropolitaine fait état de 2,4Mha de milieux à composante humide 38. On estime généralement que les deux tiers d'entre elles ont disparu depuis le début du XX°siècle, leur état de conservation suit globalement la même tendance depuis vingt ans: 48 % d'entre elles continuent à se dégrader, 42 % restent stables et près de 10 % s'améliorent. Le plan national Zones Humides institué en 2010 n'a pas inversé les tendances observées précédemment. La dégradation des sites est due davantage à la détérioration de l'état de conservation des milieux humides qu'à la régression de leur superficie. Cette altération de l'état de conservation peut se traduire par exemple par le boisement d'un milieu ouvert ou par le comblement d'une dépression arrière-littorale. Entre 2000 et 2010, la fréquentation et l'urbanisation sont les activités humaines qui progressent le plus, tandis que la chasse et l'agriculture s'intensifient localement dans certains sites. La pression anthropique est plus marquée dans les vallées alluviales, conséquence d'un grand nombre d'activités par site, dont l'exploitation de granulats. Au total, toutes activités confondues, la pression sur les ZH est évaluée de forte à très forte sur près de 52 % des sites pris en compte par l'observatoire national des zones humides (ONZH). L'évolution du regard sur les ZH dans les décisions d'aménagement du territoire est plus lente que dans beaucoup d'autres domaines liés à la DCE ou à la biodiversité. Et pourtant ces zones participent pour une large part à la richesse de la « Trame verte et bleue (TVB) » dont la mise en place est inscrite dans les conclusions du Grenelle de l'environnement. Il s'agit de l'expression d'une volonté déjà ancienne de reconnaître le fonctionnement de la nature, celui des habitats mais aussi le déplacement des espèces avec une vision dynamique intégrant pleinement toute la nature, y compris la plus « commune ». Les zones humides sont à l'interface de la politique de l'eau et de celle de la biodiversité, comme en témoigne la diversité des instruments incitatifs : mesures agro-environnementales (MAE) de la politique agricole commune cofinancées par les agences de l'eau, documents d'objectifs (DOCOB) pour celles classées Natura 2000, acquisitions foncières par les agences de l'eau Depuis 2007, près de 90 000 ha de zones humides ont bénéficié d'un financement de l'agence de l'eau pour leur entretien ou leur restauration. En matière d'acquisition, l'objectif du Grenelle de l'environnement est d'acquérir 15 000 ha de zones humides d'ici 2015. Les agences ont un objectif intermédiaire de 10 000 ha acquis entre 2009 et 2012 : celui-ci est d'ores et déjà atteint, et même dépassé avec 10 893 ha acquis à fin 2011. 35 % des aides attribuées et 43 % des surfaces aidées à l'acquisition le sont au bénéfice du Conservatoire du littoral. La dynamique est très hétérogène en fonction des zones concernées : on note un intérêt des collectivités pour l'acquisition des zones humides remarquables, faisant l'objet de mesures de protection (arrêtés de biotopes, réserves naturelles, classement en zone Natura 2 000, etc.) , alors que les autres zones humides peuvent être tout aussi essentielles pour l'atteinte du bon état. Eu égard à ce constat, les agences prévoient de se rapprocher des conservatoires régionaux d'espaces naturels (CREN) ou des SAFER. Un autre type de biodiversité d'une richesse extraordinaire est constituée par la biodiversité marine. Elle est toutefois encore peu connue et de nombreuses menaces pèsent sur elle. Elle est mise en péril par des pressions croissantes d'origine humaine, notamment à travers les déversements fluviaux et est également sensible aux perturbations d'origine atmosphérique qui ont notamment des conséquences sur l'acidification des océans. Il est donc essentiel de mieux connaître la biodiversité marine et la préserver. À cet égard la France a une responsabilité particulière dans la mesure où elle possède la deuxième zone économique exclusive du monde avec près de 11 millions de km2 et abrite, notamment dans les eaux maritimes d'outremer une part riche de la biodiversité mondiale : récifs coralliens, mangrove. La loi du 14 avril 2006 sur les parcs nationaux, les parcs naturels marins et les parcs naturels régionaux a
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Les milieux à composante humide en France, Observatoire National des Zones Humides, Service de l'Observation et des Statistiques - CGDD MEEDDAT avec l'appui scientifique du MNHN, Version 2 / mai 2009. 46/131
créé un réseau d'aires marines protégées, une agence des aires marines protégées et un nouvel outil : le parc naturel marin qui met sur un pied d'égalité l'objectif de protection de la nature et l'objectif d'exploitation durable des ressources. Ce dispositif complète le réseau de sites Natura 2000 et les réserves naturelles marines côtières. Plus de 10 % des eaux métropolitaines sont dans les aires marines protégées. Dans les DOM plusieurs parcs naturels marins ont été créés ou sont en projet. Toutefois ce dispositif est encore insuffisamment articulé avec les autres institutions en charge de la protection de l'eau : conservatoire du littoral et agences de l'eau.
c) Pollutions diffuses La résorption des principaux points noirs polluants a rendu plus évidente la pollution diffuse, facteur important de déclassement des masses d'eau. Cette pollution diffuse provient principalement des pollutions d'origine agricole. Elle est accompagnée d'une pollution diffuse d'origine domestique liée à l'assainissement non collectif, dont le mauvais fonctionnement peut poser problème dans des secteurs sensibles, ainsi qu'à l'utilisation de pesticides par les particuliers ou pour l'entretien des infrastructures (environ 10 % de la consommation totale). Les pollutions diffuses sont beaucoup plus difficiles à combattre, l'émetteur individuel étant le plus souvent impossible à identifier ou contrôler et les statistiques d'utilisation des pesticides et des fertilisants difficiles à rassembler au niveau territorial pertinent. Les pollutions diffuses d'origine agricole, dues aux pesticides ou aux nitrates, ont schématiquement deux sources qu'il convient de traiter avec des outils différents :
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les pollutions diffuses « accidentelles » dues à des équipements défaillants (fuites ou mauvais réglages, fosses de stockage sous dimensionnées) ou des pratiques inadaptées (non respect des zones non traitées ou ZNT, vidage dans un fossé, emballages jetés, épandage sur sol nu ou gelé...). L'évolution de la réglementation accompagnée d'aides aux mises aux normes et d'une intensification des contrôles depuis 2008 sur l'épandage des phytosanitaires contribue à résorber ces pollutions progressivement39. les pratiques agronomiques basées sur un usage intensif d'intrants : des fertilisants pour maximiser les capacités productives des plantes, des pesticides pour prévenir (rôle d'assurance) ou guérir les maladies ou infestations indésirables. La réduction passe alors par une conjugaison de méthodes complémentaires visant à réduire la pression sanitaire sur les cultures pour limiter les interventions. Les incitations financières passent par des mesures agro-environnementales volontaires (peu attractives en conditions favorables du marché des céréales) ou l'aide à la conversion ou au maintien de l'agriculture biologique. La loi permet, dans les situations critiques, relatives notamment aux aires d'alimentation de captages 40, de rendre ces pratiques obligatoires.
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Ces pollutions diffuses engendrent non seulement des dysfonctionnements des écosystèmes mais aussi des coûts supplémentaires pour la potabilisation de l'eau (60 k pour traiter 1 kg de pesticides).
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Les pesticides :
Ils sont présents actuellement dans 91 % des points de mesure en eau superficielle et 55 % des points de mesure en eau souterraine. Dans la moitié de ces cas, la concentration relevée dégrade le niveau de qualité des masses d'eau concernées. La répartition des pesticides sur le territoire français est relativement homogène tant en eau superficielle que souterraine. Les pollutions souterraines sont souvent le fruit de pratiques anciennes et cumulatives, elles sont apparues avec un délai dû à la durée du transit des molécules du sol dans les eaux souterraines.
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Ces pollutions ont constitué le premier motif de PV de la police judiciaire, avec une montée en puissance depuis 2008 du contrôle du respect des zones non traitées(ZNT). 40 Voir § 312. 47/131
Les molécules retrouvées dans l'eau peuvent être très anciennes et interdites depuis des années, avec une forte persistance, comme l' atrazine, herbicide interdit depuis une dizaine d'années 41 ou le chlordécone aux Antilles, nématicide interdit depuis plus de vingt ans. Des molécules plus récentes sont également présentes, comme le glyphosate (matière active du Round up) ou sa molécule de dégradation l'AMPA. Et, malheureusement, les effets des pratiques actuelles ne seront visibles que plus tard.
Ecophyto, un plan pour réduire la pression des pesticides sur les cultures et sur l'environnement Face à la difficulté d'établir un lien précis et simple entre l'application de produits et leur effet différé, l'effort s'est concentré sur la réduction des pressions agricoles, avec un plan « Ecophyto » visant à accompagner une réduction de 50 % des utilisations de pesticides d'ici à 2018. Au regard des changements techniques et culturels à engager à grande échelle (300 000 exploitations professionnelles), ce plan a été instauré dans le cadre du Grenelle de l'environnement et met en oeuvre divers moyens pour faire évoluer les pratiques: - - - - - observation sanitaire des cultures, comme outil d'aide à la décision de traiter ou non formation systématique des agriculteurs à l'usage de produits phytopharmaceutiques réseau de fermes de démonstration sur lesquelles s'appuyer comme référence accentuation de la recherche appliquée et de l'enseignement agricole sur ces questions sensibilisation des utilisateurs non agricoles
Outre la mise en oeuvre de moyens, le plan est évalué globalement par la consommation nationale de pesticides. Si la mise en oeuvre des moyens se déploie progressivement depuis 2009, l'indicateur de consommation n'a pas encore baissé et un renforcement de ce plan a été décidé en 2012. Avec le même objectif, un plan « éco-antibio » a été mis en place plus récemment pour les médicaments vétérinaires.
Cet herbicide néanmoins autorisé dans certains états-membres voisins, fait l'objet d'importations illégales, notamment dans les régions frontalières. 48/131
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Les nitrates
Outre les questions sanitaires qui ont imposé des normes de potabilité, les nitrates sont co-responsables de phénomènes d'eutrophisation, notamment dans les eaux littorales. En particulier, ils sont à l'origine de la prolifération algues vertes dans certains estuaires de Bretagne. La situation des zones où les teneurs en nitrates dans l'eau dépassent ou s'approchent de 50mg/l et des secteurs exposés à l'eutrophisation a donné lieu à la définition de zones vulnérables qui ont été ajustées en 2012 pour prendre en compte les évolutions de concentrations en nitrates à l'échelle des cantons. 44 % du territoire national et près de la moitié des exploitations agricoles est concernée, principalement dans les zones d'élevages s'agissant des eaux superficielles et les bassins de grandes cultures pour les eaux souterraines. Des contentieux concernant la mise en oeuvre de la directive nitrates en France sont en cours actuellement, et un arrêt de la CJUE, rendu le 13 juin 2013, condamne la France pour insuffisance de désignation de zones vulnérables, avant l'ajustement de 2012.
Dans les zones vulnérables, des programmes d'action doivent être établis pour réduire ou prévenir ces pollutions. Un contentieux concernant ces programmes d'action nitrates en France est en cours actuellement. Des plans d'actions renforcés dans certaines zones critiques comme en Bretagne ont permis de stabiliser voire améliorer la situation des eaux superficielles vis-à-vis des nitrates issus des effluents d'élevage. Il s'est agi, avec une volonté commune aux politiques, aux collectivités et à la profession agricole, de résorber la pollution avec une mise aux normes des installations de stockage et un traitement des effluents d'élevage, un contrôle accru des installations, une aide à la fermeture des petites exploitations incapables de respecter ces normes, une limitation du nombre d'animaux et la mise en oeuvre de mesures agro-environnementales. Outils incitatifs et réglementaires ont été conjugués à cette fin. En revanche, les concentrations s'accroissent dans les nappes en zones céréalières, effets cumulatifs de fertilisations minérales excessives passées et de pratiques présentes. Aujourd'hui la fertilisation minérale n'entre pas dans le champ de la redevance relative à la pollution par les nitrates et son encadrement par la directive nitrates (4ème programme) s'est avéré insuffisant pour enrayer la dégradation des masses d'eau.
EMAA (énergie, méthanisation autonomie azote), un plan pour réduire la consommation d'azote en agriculture La dissociation géographique progressive mais irréversible de l'élevage et des grandes cultures conduit à devoir régler simultanément un problème d'effluents azotés surabondants dans les régions d'élevage, et un besoin d'engrais dans les plaines céréalières. Le transfert entre ces zones est difficile à cause des volumes en cause et du statut de déchet des effluents ou des digestats de méthanisation qui interdit le transport et la commercialisation de produits partiellement
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substituables à l'azote minéral. Le plan EMAA, publié début 2013, s'inscrit dans une logique agronomique de fertilisation équilibrée et de réduction des intrants azotés minéraux et énergétiques des exploitations Une analyse des freins techniques et juridiques est en cours et des mesures déjà engagées pour développer la méthanisation à la ferme, normaliser des produits de digestats azotés transférables dans d'autres régions, encourager des inter-cultures de légumineuse, développer des références et un conseil technique adapté...
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Les aires d'alimentation de captages, des territoires prioritaires de lutte contre les pollutions diffuses (voir aussi § 3.2.1.1.)
La loi relative au Grenelle de l'environnement a identifié 507 captages prioritaires parmi les captages inventoriés dans les SDAGE, pour lesquels les moyens d'action doivent être concentrés pour réduire les pollutions diffuses. Ces captages font l'objet d'une procédure spécifique de délimitation, de diagnostic de territoire, puis d'élaboration concertée d'un plan d'action visant à réduire les pollutions diffuses par des changements de pratiques, parfois drastiques (y compris la conversion en agriculture biologique). Un outil réglementaire peut être mobilisé pour rendre le plan d'action obligatoire au bout d'un certain délai en cas d'échec de la démarche volontaire. Les outils pour agir sont de plusieurs ordres : - l'aide au développement de l'agriculture biologique, par une animation visant la conversion des exploitations et un soutien des acteurs de la production et de la transformation biologique, avec des plans territorialisés « bio et eau » dans des aires d'alimentation de captage ciblées ; - des mesures agro-environnementales territorialisées (MAEt), d'une durée limitée à 5 ans, en faveur de la réduction des intrants ont couvert 78 513 nouveaux ha en 2011 ; - des actions foncières en liaison avec les SAFER se traduisant par des remembrements localisés, l'acquisition de parcelles sensibles et la conclusion de baux environnementaux. Cette solution présente l'avantage d'être pérenne sur les parcelles les plus contributives. Les agences de l'eau ont un rôle moteur pour la mise en oeuvre de ces outils. Elles y ont consacré dans le cadre du programme de développement rural hexagonal « PDRH », un budget annuel de près de 80M en 2011, que complète une intervention communautaire du même ordre pour le soutien de l'agriculture biologique. La dimension territoriale est essentielle à la résolution des problèmes : seul le travail à une échelle permettant d'impliquer tous les acteurs concernés peut aboutir à un plan d'action partagé et efficace. Nombre de situations de blocage analysées par différents organismes en témoignent, ainsi que des expériences de réussites qui livrent quelques clés, autour d'une « solidarité de territoire » où chacun peut se mobiliser pour un objectif partagé.
d) Les substances toxiques et les médicaments : des problèmes émergents Au-delà des nitrates et des pesticides fréquemment évoqués, il existe une multitude de substances susceptibles de se trouver dans l'eau à l'état naturel ou importé. On peut citer les produits pharmaceutiques, les biocides, les solvants, de nombreux sous-produits industriels... Elles doivent être appréciées sous le double angle de leur impact sur l'environnement et de leur impact sanitaire, car elles peuvent être à certaines doses potentiellement cancérigènes, mutagènes ou toxiques pour la santé publique et l'environnement. Enfin ces substances sont pour certaines, étudiées depuis longtemps, et d'autres depuis peu, avec des incertitudes sur leurs effets. La politique communautaire s'est emparée du sujet depuis presque 40 ans. La philosophie sous-jacente vise à mieux caractériser le problème (identifier les substances et leur origine, qualifier leur dangerosité) et maîtriser les émissions pour atteindre un niveau de présence dans le milieu acceptable pour l'environnement et la santé humaine. Il s'agit de l'approche dite combinée, rappelée dans l'attendu n° 40 de la DCE : « En matière de prévention et de contrôle de la pollution, il convient que la politique communautaire de l'eau soit fondée sur une approche combinée visant la réduction de la pollution à la source par la fixation de valeurs limites d'émission et de normes de qualité environnementale ». Plusieurs directives et règlements communautaires traitent de ces produits : recherche, interdiction,
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autorisation de mise sur le marché, ... Environ 30 00042 substances sont utilisées à raison de plus d'une tonne par an, parmi lesquelles les micropolluants peuvent avoir une action toxique à doses infimes. La DCE a repris le cadre de la lutte contre la pollution par les substances dangereuses fixé par la directive 76/464/CEE du Conseil sur la pollution causée par certaines substances dangereuses déversées dans le milieu aquatique de la Communauté. Fin 2013, cette directive de 1976 doit être abrogée. La DCE se fixe ainsi pour objectif ultime d' assurer l'élimination de substances dangereuses prioritaires et de contribuer à obtenir, dans l'environnement marin, des concentrations qui soient proches des niveaux de fond pour les substances présentes naturellement. Pour les autres substances prioritaires, l'objectif est d'obtenir une réduction progressive permettant d'atteindre les normes de qualité environnementale. La liste des substances prioritaires ne recouvre pas la totalité des substances potentiellement dangereuses ; elle cible celles pour lesquelles les États membres se sont engagés à réduire les émissions voire les supprimer. L'industrie rejette 90 % des métaux toxiques. De gros efforts menés dans les dernières décennies pour améliorer les processus de production en limitant les rejets et pour traiter ces derniers ont permis de réduire fortement la pollution issue de l'industrie. La disparition des implantations industrielles les plus lourdes (sidérurgie...) y a également contribué. Cependant, il subsiste des pollutions anciennes qui se sont accumulées dans les sédiments des fleuves, des retenues et des estuaires : PCB, mercure, éléments métalliques... et qui sont relarguées épisodiquement à l'occasion de crues, de vidanges de barrages, occasionnant une dégradation significative de la vie aquatique. L'état des lieux réalisé pour la DCE met en évidence un mauvais état chimique pour 21 % des rivières et 40 % des nappes souterraines. Or la réduction des micropolluants dans les milieux aquatiques répond à des enjeux environnementaux (toxicité à faible dose sur les milieux), sanitaire (protection des eaux potables) et économique (réduction des coûts de traitement). De nouvelles pollutions apparaissent et constituent des « risques émergents pour la santé ». Deux « plans nationaux santé-environnement » ont été établis en 2004 puis 2009, avec notamment un volet de biosurveillance et le lancement d'études sur l'impact de la dégradation de l'environnement et de la pollution chimique sur le développement, la santé et la socialisation des enfants. Ils ont été complétés en 2010 par un plan micropolluants et un plan national sur les résidus de médicaments. Le plan « micropolluants43 2010-2013 » est articulé autour de quatre axes, eux-mêmes relayés par des plans particuliers le cas échéant :
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réduire les pollutions à la source et prioriser les actions : agir sur les substances les plus préoccupantes, sur les secteurs les plus contributeurs, agir sur les milieux les plus dégradés ; améliorer la connaissance de l'état des masses d'eau ; améliorer les connaissances scientifiques et techniques ; suivre et communiquer sur les progrès accomplis.
Médicaments La France est le 4ème pays consommateur de médicaments au monde. Plus de 3 000 médicaments à usage humain et 300 à usage vétérinaires sont disponibles sur le marché. Les substances biologiquement actives ou leur dérivés sous forme de métabolites se retrouvent excrétés naturellement. On retrouve les substances destinées aux humains dans les réseaux d'assainissement et en sortie de station d'épuration selon leur biodégradabilité et les capacités de traitement des stations. On retrouve dans les milieux naturels les substances et leurs dérivés destinées aux animaux après épandage ou celles destinées aux humains après épandage des boues des stations.
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Elles relèvent du règlement REACH sur l'enregistrement, l'évaluation, l'autorisation et les restrictions des substances chimiques, entré en vigueur le 1° juin 2007.
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Un micropolluant est une substance susceptible d'avoir une action toxique à faible dose dans un milieu donné. 53/131
Certains produits sont retrouvés dans les eux souterraines ou de surface comme en sortie de stations d'épuration à des seuils proches de l'écotoxicité ; de plus, les effets des mélanges ne sont pas encore connus au plan scientifique. Le « plan national sur les résidus de médicaments dans l'eau » de mai 2010 a défini trois axes et une action transversale :
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l'évaluation des risques sanitaires et environnementaux : renforcer la connaissance de l'état des milieux et sur les effets de l'exposition aux résidus de médicaments ; la gestion des risques : surveiller, réduire les émissions et informer ; renforcer et structurer les actions de recherche ; prioriser les molécules et métabolites sensibles.
Les résultats de la campagne de mesure du laboratoire nationale d'hydrologie de Nancy (ANSES) dans les eaux destinées à la consommation humaine a été publié en février 2011. 45 substances ont pu être recherchées. Sur 75 % des échantillons aucune substance n'a été décelée dans les eaux souterraines et superficielles. Pour les autres 25 %, on constate la présence simultanée de une à quatre molécules à des concentrations de 1000 à un million de fois inférieures aux doses thérapeutiques. Via un exercice d'évaluation des risques sur deux médicaments, les experts ont conclu en 2013 à un risque négligeable pour la santé mais l'acquisition des connaissances se poursuit et les dispositions pour éviter que ces substances ne se retrouvent dans l'eau doivent être encouragées. Par ailleurs, il ne faut pas masquer que l'utilité des médicaments doit être évaluée en fonction du rapport bénéfice/risque sur la santé. Pour les milieux aquatiques, dans les différentes études, les concentrations rencontrées sont de l'ordre de la dizaine de nanogrammes par litre (ng/l) pour les eaux souterraines et de surface, et atteignent le microgramme par litre (g/l) pour les effluents de station de traitement des eaux usées. Certains produits sont retrouvés dans les effluents à des concentrations proches des seuils d'écotoxicité mais les effets chroniques des mélanges ne sont pas connus. La directive relative aux substances prioritaires est en finalisation et permet le réexamen de la liste de substances à prendre en compte dans la DCE (annexe X), avec : · 12 nouvelles substances prioritaires s'ajoutant aux 33 existantes et dont les États membres doivent réduire puis supprimer progressivement les émissions, · des objectifs renforcés sur l'état des eaux pour 7 substances déjà prises en compte, · un mécanisme de vigilance pour 10 nouvelles substances (dont 3 médicamenteuses) dans la perspective d'une inscription ultérieure dans la liste prioritaire, que ces plans se proposent de réduire. Il demeure un déficit certain en matière de connaissance des effets de ces produits sur la santé et sur la biodiversité, de techniques de détection et de traitement. C'est pourquoi la question de la prise en compte ou non de résidus médicamenteux et desquels dans la liste des substances prioritaires communautaires a récemment fait l'objet de discussions intenses avec la Commission : la Commission s'est engagée à élaborer une stratégie générale de vigilance des substances médicamenteuses avant les prochains élargissements de la liste des substances prioritaires. Sans attendre de disposer de toute cette connaissance, il est primordial de réduire à la source ces pollutions et d'infléchir les pratiques conduisant à cette situation dont l'effet cumulatif est prévisible : procédures d'agrément de médicaments à usage vétérinaire ou humain intégrant l'étude de leur impact sur les milieux, récupération des médicaments non utilisés et des déchets dangereux diffus, prescriptions et usages des produits à personnaliser, voire le traitement des effluents issus des établissements de soins... Il est aussi utile de chercher à travailler sur des indicateurs biologiques intégrateurs qui permettraient de prendre en compte les effets cocktails dus au cumul de ces substances.
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3.1.3.3. Gestion quantitative et partage de la ressource : des tensions sur les usages
Les situations sont localement très contrastées ; la gestion quantitative de l'eau est liée aux aspects qualitatifs évoqués supra44.Des étiages sévères artificiels altèrent la qualité biologique des cours d'eau. Des manques d'eau récurrents et la perspective d'aggravation liée aux évolutions climatiques peuvent induire des tensions temporaires fortes sur l'utilisation quantitative de la ressource ; ces tensions peuvent concerner des concurrences entre usages et, le plus souvent, une concurrence entre les usages et les écosystèmes aquatiques. a) Agriculture et irrigation L'irrigation étant le meilleur moyen d'optimiser et de sécuriser les capacités productives des cultures et l'économie des filières agricoles qui en dépendent, la superficie irriguée en France avait crû jusque vers le milieu des années 1990. Les deux derniers recensements agricoles font ressortir une stabilisation des superficies irriguées à 1,575 millions d'hectares, soit 5,8 % des surfaces cultivées, avec une forte hétérogénéité spatiale. Ces données placent néanmoins la France en deçà de ses voisins méditerranéens : l'irrigation porte sur 13,7 % de la SAU en Espagne, 21 % en Italie, 32 % en Grèce, plus encore dans les pays du sud de la Méditerranée, pays qui seront encore plus durement touchés par les évolutions climatiques à l'avenir et s'inquiètent pour leur sécurité alimentaire. On a assisté au XXème siècle au niveau français à un redéploiement géographique des cultures irriguées depuis le sud-est (18 % des surfaces) vers le bassin parisien (26 %) et le sud-ouest (38 %). En outre, les volumes prélevés se sont fortement réduits lors des dix dernières années, du fait d'une réduction des surfaces en maïs irrigué, d'une amélioration des pratiques d'irrigation (réduction du gravitaire traditionnel) et de l'urbanisation qui gagne sur des terres agricoles irriguées. Ils sont ainsi passés de 4,9 milliards de m³ en 2000 à 3,2 milliards de m³ sur la période 2007-2009, la baisse portant essentiellement sur les prélèvements en eaux de surface. Les acteurs agricoles mettent en avant ces efforts de maîtrise des prélèvements et le besoin vital de pouvoir assurer des cultures de plus en plus soumises à des sécheresses estimées imprévues. Il en demeure néanmoins un déséquilibre marqué entre usages et ressources disponibles qui concerne près de 20 % du territoire national et qui devrait s'accentuer dans les décennies à venir, du fait du changement climatique. La réforme issue de la loi sur l'eau de 2006 vise à mettre en place une gestion collective de l'irrigation par les organismes uniques (OU) sur la base des volumes prélevables, et non plus par gestion des potentielles sécheresses et crises associées. Sa mise en oeuvre a mis en lumière les difficultés de certains bassins versants contraints à réduire de façon drastique leurs prélèvements autorisés. Deux voies d'amélioration ont été conduites parallèlement : · l'amélioration des performances des matériels et des réseaux d'irrigation et le recentrage des ressources disponibles sur des cultures moins gourmandes en eau (remplacement du maïs par des céréales à paille) et à plus forte valeur ajoutée (irrigation prioritaire des productions de semences ou de légumes...) ; · la création de retenues d'eau de substitution permettant de reporter en hiver un prélèvement antérieurement effectué en étiage, dans des conditions compatibles avec la qualité des milieux. Ces évolutions volontaristes ne peuvent qu'être lentes, tant elles doivent entraîner le changement de comportement d'acteurs, eux-mêmes imbriqués dans les économies régionales (notamment transformations agroalimentaires). Elles passeront par une confrontation pragmatique des parties prenantes sur les enjeux et solutions possibles. Il demeure de sérieuses difficultés d'acceptabilité par les associations et les riverains qui craignent le développement de cultures industrielles trop consommatrices en eau, ainsi que des blocages locaux qui ne peuvent trouver de solution que par une approche équilibrée et territoriale.
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La DCE fixe des objectifs de quantité pour les eaux souterraines ; pour les eaux de surface, elle rappelle que « le contrôle de la quantité constitue un élément complémentaire garantissant une bonne qualité de l'eau et, par conséquent, il convient de prendre également des mesures relatives à la quantité, subordonnées à l'objectif d'une bonne qualité ». L'article 1 de la DCE rappelle qu'elle contribue à atténuer les effets des inondations et des sécheresses. 55/131
b) Conflits sur la gestion des étiages Depuis des années, avec une accélération dans la dernière décennie, les périodes estivales font l'objet d'une gestion des conflits d'usage sur un mode de gestion de crise. Quand les débits passent sous un seuil critique, les préfets prennent des mesures visant la limitation des usages. Les interférences entre usages et avec la qualité biologique des cours d'eau sont nombreuses. Ainsi : · l'occupation estivale de certaines zones rurales induit des besoins domestiques (piscines, arrosages...) ; · un pompage en nappe peut se répercuter sur le niveau des débits d'étiage des cours d'eau ; · le réchauffement de l'eau rejetée par les centrales thermiques n'est plus supportable par la vie aquatique ; · la dilution de la pollution n'est plus assurée correctement, même si les rejets sont aux normes ; · un arrêt de l'irrigation à certaines périodes critiques peut condamner la récolte ; · les lâchers d'eau de soutien d'étiage réduisent les potentialités énergétiques des barrages (même si ces lâchers donnent lieu à indemnisation) ;
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Le manque d'eau conduit déjà à des conflits durs qui seront aggravés avec le changement climatique. La hiérarchie des usages en droit interne rend prioritaire l'eau potable et la sécurité des personnes, elle doit faire l'objet d'une « gestion équilibrée » au niveau des territoires pour les autres usages, en rappelant que le débit biologique minimum (garantissant en permanence la vie, la circulation et la reproduction des espèces vivantes dans ses eaux) doit être laissé à la rivière.Ce point est évoqué dans le « blueprint » de la Commission
c) Un gaspillage encore trop important de l'eau Si le partage nécessaire de l'eau est perçu par la plupart des acteurs, il n'en est pas de même du gaspillage. Ce dernier se constate à tous les niveaux, malgré des efforts continus d'amélioration : fuites dans les réseaux d'eau potable, irrigation gravitaire qui consomme dix fois plus d'eau que le goutte à goutte, usages urbains accentués par une urbanisation désordonnée... La réutilisation des eaux usées, très répandue dans les pays les plus en tension, reste encore très contrainte par des dispositions d'ordre réglementaire et sanitaire 45 mais aussi économiques (rentabilité des infrastructures) qui en freinent le développement. Indirectement, le gaspillage alimentaire contribue au gaspillage en eau, compte tenu de l'empreinte eau des aliments que nous consommons. C'est ainsi que 30 % des matières produites ne sont pas consommées, pour des raisons de gestion des stocks et de péremption des denrées au niveau familial, de la restauration ou de la distribution. Il est donc important de s'attaquer à ces problèmes qui ne font qu'accroître la tension sur la demande en eau.
.........................3.1.4. Mais des réussites porteuses d'enseignements pour l'avenir
Plusieurs exemples d'actions réussies donnent à réfléchir sur les clefs du succès : la résolution des contentieux communautaires DERU et « production d'eau potabilisable » en Bretagne, d'une part, des situations plus localisées de reconquête de la qualité d'autre part.
45
Surtout vis-à-vis de l'aspersion. La réutilisation des eaux usées est encadrée au plan sanitaire par un arrêté d'août 2010, arrêté qui va évoluer pour simplifier l'utilisation des eaux usées par aspersion suite à une saisine de l'ANSES ). Le ministère de la Santé est assez réticent à la réutilisation des eaux pluviales à l'intérieur de l'habitat (risque de mauvais branchements), pratique encadrée par l'arrêté du 21 août 2008. 56/131
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La Commission a clôturé la procédure en infraction concernant la directive 75/740 du 16 juin 1975 sur la qualité des eaux superficielles destinées à la production d'eau alimentaire, suite aux mesures prises par la France en Bretagne (plan d'actions ayant conduit à la fermeture de 4 points de captages et la réduction moyenne de 30 % de la quantité d'engrais épandue dans ces zones, surveillance trimestrielle des concentrations en nitrates et des résultats de contrôles auprès des agriculteurs). La directive "eaux résiduaires urbaines" (directive 91/271 du 21 mai 1991) : Non-respect de l'échéance 31/12/1998. La France avait été condamnée en septembre 2004 au titre de l'article 258 TFUE, avec le risque en cas de non-exécution de l'arrêt de constatation du manquement d'une deuxième condamnation financière au titre de l'article 206 TFUE pouvant entraîner le paiement de sommes très importantes (400M avaient été provisionnés). Des mesures énergiques ont été prises pour rétablir la confiance avec la Commission et mettre en mouvement tous les acteurs (circulaire du 8 décembre 2006) demandant aux préfets de prendre des mesures coercitives et aux agences de l'eau d'encadrer les aides financières ; mise en place d'une base de données fiables sur le fonctionnement des ouvrages avec un site Internet tout public de valorisation des données d'assainissement; travail collectif à tous les niveaux de l'État avec un fort soutien politique; suivi fin de chaque projet ; formation et assistance opérationnelle des acteurs...). L'investissement dans les stations d'épuration a quasi doublé entre 2004 et 2009. Ces efforts ont abouti au classement de la procédure le 24 janvier 2013, tous les travaux étant terminés. Il subsiste toutefois deux procédures actives. Des projets de territoire sur des enjeux agricoles : exemple du captage d'Arcier (25). 44 % de l'approvisionnement de la ville de Besançon est fourni par un captage en zone karstique contaminé par divers herbicides. 74 agriculteurs ont une parcelle dans l' aire d'alimentation de captage, d'autres sources de pollution sont fournies par des équipements tels que routes, chemin de fer, aérodrome, golf... L'objectif d'éviter des coûts de traitement de l'eau brute supplémentaires, via la réduction d'utilisation de phytosanitaires, a été porté par la collectivité en agissant auprès de tous les acteurs concernés. Sur une dizaine d'années, à partir d'un diagnostic fin, elle a pris le temps d'impliquer chaque acteur individuellement ainsi que la coopérative agricole, de clarifier le rôle de chacun de façon cohérente avec ses missions, de communiquer les résultats d'analyse, les efforts faits par chacun et les bénéfices qu'il peut y trouver en donnant à tous les acteurs une vision globale du projet. Au bout de 5 ans, les agriculteurs avaient réduit de 25 % leurs herbicides, les autres utilisateurs de pesticides de 80 % et les normes sanitaires n'étaient quasiment plus jamais dépassées .
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On peut noter des points communs à ces cas : · La menace de sanctions financières ou de surcoûts importants entraîne la mobilisation politique, la définition d'un objectif ciblé assorti d'un plan d'actions et la mise oeuvre de différents leviers : contrainte (police, menace) / incitations ( aides bonifiées, MAE, soutien technique) ; · Les différents acteurs se mobilisent au service d'un objectif partagé ; · Les actions sont hiérarchisées et la répartition des rôles clarifiée ; un suivi précis est mis en place, avec publication des résultats. Au final, l'efficacité de l'action publique dépend de la mobilisation conjointe de tous ses leviers et de tous les acteurs sur des priorités bien identifiées.
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.........................3.2. Une articulation difficile des politiques publiques, y compris au plan européen
La politique de l'eau, dès la loi de 1964 et plus encore avec celle de 1992, incite le décideur, l'aménageur ou le concepteur d'un schéma de développement à l'échelle de la nation, d'une région ou aux échelles locales communales et intercommunales, à avoir une vision la plus intégrée possible des problèmes et de l'emboîtement des systèmes. Elle demande tout particulièrement une très grande attention en termes de coordination des actions et des décisions de manière à veiller à la compatibilité et à la cohérence des actes de gestion et d'aménagement de l'espace. Et pourtant, certaines de ces autres politiques publiques peuvent contredire les objectifs poursuivis par la politique de l'eau. La mise en oeuvre conjointe de ces différents instruments contribue d'abord aux objectifs assignés à chacune des actions d'aménagement, au regard de la politique sectorielle qui l'encadre (politiques de l'énergie, des transports, de l'urbanisme, du tourisme, agricole...), mais elle participe pour partie aux objectifs de la poli tique de l'eau. La cohérence globale des actions d'aménagement et de développement territorial sur la res source en eau, les milieux aquatiques et leur utilisation implique donc une recherche de la compatibilité de l'ensemble des objectifs, ceux de la politique de l'eau et ceux des autres politiques publiques et actions territorialisées. Ainsi, les thématiques suivantes peuvent se confronter sur les territoires : l'énergie (hydroélectricité et refroidissement des centrales nucléaires thermiques), l'agriculture (quantité et qualité des eaux, morphologie), les transports (infrastructures linéaires terrestres, voies d'eau), la santé publique (captages, eaux de baignade, rejets médicaux), l'urbanisation et les transports (eaux usées et pluviales), l'industrie (prélèvements et rejets toxiques, extractions, pollutions historiques), la prévention des risques (inondations), le paysage, la biodiversité, le tourisme et les sports nautiques, les extractions de granulats... Un focus est fait ci-après sur quelques politiques impactantes. L'articulation des échelles pertinentes pour la mise en oeuvre de ces différentes politiques publiques est une difficulté supplémentaire. Au final, c'est bien l'entrée par le territoire qui permet de faire une synthèse accessible aux acteurs de ce territoire. Une distinction est faite dans l'analyse qui suit entre les politiques publiques conduites en fonction d'objec tifs économiques et sociaux très marqués qui ne considèrent l'eau que comme une ressource et provoquent des pressions et celles axées sur la préservation prioritaire de l'environnement pour lesquelles le risque est la sectorisation des approches environnementales alors que la problématique est transversale et systémique.
.........................3.2.1. Des politiques publiques aux déterminants économiques et sociaux tenant insuffisamment compte des enjeux liés à l'eau
3.2.1.1. Entre productivisme et qualité environnementale : une agriculture sous tensions
a) L'agriculture est dans une position singulière : elle se développe sur les ressources naturelles et impacte dans le même temps leur qualité et leur quantité.
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L'agriculture couvre près des deux tiers du territoire et historiquement, la dimension patrimoniale constitue l'héritage de l'agriculteur qui en est culturellement le gardien, avec un lien à la terre très fort : il en utilise les ressources et en fait partie intégrante. Ainsi, l'activité agricole n'a pas le même rapport au sol et à son environnement que les activités industrielles cadrées par une autorisation préalable. Pendant des siècles, l'agriculteur a été implicitement reconnu comme le protecteur de l'environnement et des cours d'eau, celui qui en assurait l'entretien. La révolution agricole avec la mécanisation, une utilisation plus aisée des engrais et des pesticides, et la concentration et la spécialisation des exploitations a progressivement éloigné l'agri culteur de cette fonction tandis qu'il remplissait de mieux en mieux le rôle de sécurité alimentaire qui lui était assigné et améliorait ses conditions de vie. L'agriculture n'est donc pas une activité comme une autre qui se poserait sur un milieu en en minimisant son effet : elle consiste à faire « produire » le milieu dans ses conditions optimales, en pérennisant en principe durablement sa qualité environnementale (bon fonctionnement du sol, capacité épurative, pollinisateurs...), tout en veillant aux impacts négatifs possibles (compactage, pollution de l'eau, perte de biodiversi té...). L'activité agricole et forestière peut même contribuer au bon fonctionnement des fonctions régularisatrices du sol et de l'écoulement des eaux : la forêt comme les prairies rendent de réels services environnementaux, qu'il est difficile de chiffrer. b) Son évolution dans le temps a accru son impact environnemental : le modèle agricole actuel se trouve questionné. La politique agricole commune (PAC) fait partie du socle historique de l'Union européenne. Elle se renégocie par cycle de 6 ans, le cycle actuel arrivant à échéance en 2013.
La PAC s'était organisée pour améliorer la productivité en développant simultanément des techniques éprouvées, un conseil de proximité, une organisation économique performante... qui se sont traduits par la mise à disposition de produits agricoles à coûts modérés. Le modèle dominant issu des dernières décennies a permis des gains de rendements considérables, au prix d'une artificialisation des méthodes culturales puisant largement dans les possibilités offertes par l'énergie et la chimie pour développer des productions dans des régions autrefois déshéritées : Champagne pouilleuse, Bretagne, Aquitaine... Cette évolution mondiale, qui a permis de baisser considérablement le prix des produits, met aujourd'hui les agriculteurs dans des conditions de concurrence internationale qui tend à renforcer la concentration. En outre, au plan intérieur, les meilleures terres, souvent à proximité des villes sont l'objet d'une préemption urbaine qui renforce également l'intensification voisine.
La prise en compte des questions environnementales, au fur et à mesure de leur apparition dans les années 1990, ont conduit à introduire dans la PAC des volets visant à réduire les effets négatifs de la production agricole :
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les aides aux producteurs et à l'organisation des marchés, qui représentent annuellement en Franceprès de 9 milliards d'euros financés à 100 % par l'UE-, ne sont quasiment plus liées aux quantités produites (découplage) et font l'objet d'une conditionnalité environnementale46. Une partie d'entre elles est dédiée à des productions bénéfiques à l'environnement comme, par exemple, l'agriculture biologique (86 M/an), les protéagineux (40 M) ou la revalorisation du soutien à l'herbe .
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1Il s'agit de conditionner l'attribution de certaines aides, notamment les aides surfaciques du 1er pilier et du 2ème pilier, au res pect de la réglementation (notamment la directive nitrates) et à des bonnes conditions agricoles et environnementales fixées par chaque État membre. Les BCAE ayant un impact sur l'eau sont les suivantes : bande tampon non cultivée, de 5m le long des cours d'eau, diversité des assolements, prélèvements pour irrigation : autorisation et comptage obligatoire, gestion des surfaces en herbe en vue de leur maintien global, maintien des particularités topographiques : 4 % de la surface agricole utile (SAU) composée par équivalence de bandes enherbées, haies, mares, murets, bordures de champ..., traçabilité et stockage des produits phytosanitaires, contrôle des pulvérisateurs, formation des utilisateurs...
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le programme de développement rural, d'un montant annuel d'environ 1 Md de FEADER cofinancé par des aides publiques d'un montant presque équivalent , permet de financer des actions répon dant aux différents défis du développement durable, y compris l'eau, et pour certaines desquelles les agences de l'eau apportent un cofinancement de près de 15 %. Des mesures agro-environnementales territorialisées visent des changements volontaires de pratiques, sur des zones ciblées sur l'eau ou la biodiversité, celle-ci comportant un volet important sur les zones humides. Ces mesures dans lesquelles interviennent les agences de l'eau ont été financées à hauteur de 76 M en 2011. En outre, d'autres mesures non ciblées territorialement mais favorables à la qualité de l'eau par la réduction des intrants, concernent la rotation des cultures et l'élevage extensif à l'herbe. Elles ont représenté en 2011 près de 275 M cofinancées par le budget du MAAF.
On a assisté ces dernières années à une réelle montée en puissance du dispositif, notamment dans les aires d'alimentation des captages. En 2011, 78 512 nouveaux hectares ont été couverts par des mesures agro-environnementales (MAE), dont 37 % dans le bassin Rhin-Meuse et 22 % dans celui de Loire-Bretagne. L'agence de l'eau Adour Garonne a vu le nombre d'hectares de surfaces agricoles faisant l'objet d'une MAE multiplié par 8 par rapport à 2010. Cette montée en puissance qui témoigne de l'engagement des acteurs locaux est toutefois inégale et inférieure aux capacités de financement ouvertes par les agences de l'eau dans leur IXème programme et a fortiori dans leur Xème programme. Par ailleurs, un plan de modernisation des bâtiments d'élevage (PMBE) a permis des investissements limitant les rejets d'effluents d'élevage, et un plan végétal pour l'environnement (PVE) pour matériels minimi sant les impacts de pesticides.47 En outre, ces questions environnementales ont fait l'objet de normes ou de réglementations, comme on réglemente une installation classée de nature industrielle classique, se traduisant généralement par des coûts et des procédures administratives ressenties comme lourdes pour des entreprises le plus souvent de petite taille. Ces différentes mesures ont pourtant donné des résultats souvent insuffisants au plan environnemental. Il faut néanmoins souligner que l'agriculture présente des profils très variés, tant au niveau économique qu'au niveau des pratiques agronomiques et de leur impact sur l'eau et l'environnement en général. Cette agriculture plurielle peut offrir des opportunités d'adaptation aux problèmes des territoires les plus sen sibles, si les filières économiques traitant les débouchés des productions accompagnent la démarche. C'est ainsi que les agences de l'eau aident par exemple le développement de l'agriculture biologique dans des aires d'alimentation de captage, ou celui de la filière chanvre peu consommatrice en eau dans des secteurs en tension sur la ressource. Cette diversification des cultures a fait l'objet d'études récentes. c) Freins et leviers à la diversification des cultures
Une étude de l'INRA pour comprendre la faible progression de ce facteur de réduction des intrants
La diversification des cultures est souvent présentée comme un levier d'action favorisant une réduction des intrants extérieurs à l'exploitation -pesticides, engrais, eau- , et des nuisances associées à leur utilisation excessive. Et pourtant, malgré son inscription dans divers plans successifs, son développement est faible. À partir de cas représentatifs des exploitations agricoles, de la diversité des filières de transformation et de leur organisation, l'étude fait l'hypothèse que ces freins relèvent du fonctionnement global du système
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Entre 2005 et 2011, le plan de modernisation des bâtiments d'élevage (PMBE) a permis la mise aux normes de 45 000 bâtiments pour 940 M, le plan végétal pour l'environnement (PVE) a financé 14 000 projets pour 83 M. 60/131
agro-industriel dominant et de la capacité de développement de filières valorisant les cultures de diversification :
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un progrès génétique moins rapide que sur les grandes espèces, un manque de solutions en protection des cultures contre les bio-agresseurs, un déficit de références techniques et une diffusion d 'informations très inégale selon les cultures, la concurrence des grandes espèces sur les marchés de matière première pour l'alimentation ani male, une diversité et une complexité des modes de relation entre acteurs. L'étude trace quelques pistes pour déverrouiller cette situation : promouvoir de nouveaux débouchés pour consolider des niches d'innovation: restauration collective (circuits de proximité), marchés de construction (chanvre), qualité nutritionnelle (lin), certification (HVE), favoriser la coordination des acteurs (producteurs, recherche, conseil, élus des territoires...) et la structuration de ces filières d'amont à l'aval, soutenir l'innovation technologique et génétique, ainsi que la recherche agronomique sur ces cultures, inciter le système socio-technique standard à évoluer pour mieux intégrer des filières de diversification, via la PAC, la commande publique, les plans de réduction des intrants (écophyto, ema,..).
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« freins et leviers à la diversification des cultures. Étude au niveau des exploitations agricoles et des filières. » janvier 2013
d) Quelle alternative possible pour faire converger politique de l'eau et de l'agriculture ? L'agriculteur est soumis à plusieurs déterminants : d'une part la logique économique (notamment les cours des matières agricoles) et l'organisation dans laquelle s'inscrit sa production et, d'autre part, des objectifs environnementaux se traduisant par un cortège législatif et réglementaire imposant mais relativement ineffi cace. Si les ambitions des directives environnementales sont fortes, avec des outils principalement réglementaires, la logique économique de l'Union Européenne laisse peu de latitude dans l'adaptation des outils de la PAC incitant au changement de pratique (limitation aux surcoûts, notification de barèmes fixes, libre concurrence entre territoires...). Le verdissement de la future PAC, en négociation actuellement, pourrait cependant être une nouvelle marche en faveur de la convergence des logiques, avec la difficulté d'une négo ciation à 27 États-membres. Les négociations en cours, puis la déclinaison nationale de la PAC sont une occasion à saisir absolument. Des alternatives sont d'ores et déjà explorées depuis des années par certains agriculteurs qui concilient un mode de production à moindre impact environnemental, tout en maintenant des rendements importants, avec une viabilité économique et sociale. Il s'agit d'une rupture profonde des pratiques, avec réelle prise de risque économique. Cela met en jeu une plus grande complexité de pratiques agronomiques pour réduire à la base les pressions sur les cultures et de ce fait réduire les intrants énergétiques, phytosanitaires et adapter la fertilisation. L'accent est mis sur l'équilibre durable du système sol-culture qui permet une réduction des apports d'intrants à long terme et une meilleure capacité de résistance des cultures aux conditions difficiles : épisodes de sécheresse, pression des adventices, sols appauvris... C'est ce qu'on qualifie d'agro-écologie et qui fait l'objet actuellement d'un plan gouvernemental « produisons autrement ».
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Il faut noter alors l'importance du conseil agricole pour accompagner des changements de pratiques qui feront prendre à l'agriculteur des risques économiques, notamment durant la transition. Ce conseil fait l'objet actuellement d'une évaluation de la politique publique dite du « développement agricole ». La question est cependant de savoir à quel rythme l'écart entre les besoins environnementaux et les résultats actuels induits par les pratiques issues des pressions économiques pourraient se réduire. Seule une inflexion majeure de la politique agricole -et singulièrement de la politique agricole commune- permettrait d'inverser la tendance pour reconquérir la qualité des milieux aquatiques. La politique de l'eau ne pourra pas infléchir seule la politique agricole, qui relève de déterminants économiques et sociaux puissants ; en revanche, la politique de l'eau peut permettre d'éviter la dégradation des milieux voire leur reconquête sur un certain nombre de secteurs à forts enjeux. Après diagnostic à la parcelle, l'adaptation et la combinaison des outils au plus près du secteur concerné (à la parcelle), comme l'implication sans réserve des acteurs agricoles sont les gages de réussite du changement.
3.2.1.2. Pêche et aquaculture : une exigence forte en termes de qualité des eaux indispensable à des activités, elles-mêmes sources de pressions
Le secteur aquacole français se place au second rang au sein de l'Union Européenne, après l'Espagne. L'aquaculture française comprend essentiellement la conchyliculture 48 (huîtres, moules et autres coquillages) et dans une moindre mesure la pisciculture (salmoniculture d'eau douce, pisciculture d'étang 49 , pisciculture marine et production d'esturgeons). La production d'algues se développe mais reste encore très limitée. La production française, bien qu'en baisse, était en 2010 d'un peu plus de 202 600 tonnes de coquillages, poissons, algues et caviar, assurée par près de 3 500 entreprises employant plus de 19 000 personnes (11 250 ETP) et générant un chiffre d'affaires global de 680 millions d'euros. Ce chiffre d'affaires provient pour l'essentiel (490 M) de la conchyliculture, tandis que la pisciculture (190 M) ne couvre que 20 % des besoins de consommation française.
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La qualité de l'eau est un enjeu majeur pour l'aquaculture et la pêche à pied du fait de son impact direct sur l'état sanitaire des coquillages et des poissons. Les menaces résident principalement dans :
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la pollution bactériologique et virale issue de dysfonctionnements de stations d'épuration, de l'assainissement non collectif ou du ruissellement d'effluents d'élevage. Ainsi l'étang de Thau a été pollué à plusieurs reprises par des débordements domestiques en temps de pluie, et un mauvais fonctionnement de la station d'épuration de Paimpol a été identifié comme une cause d'hépatite A. Ainsi, seules 2 % des zones conchylicoles peuvent élever et commercialiser directement les coquillages, sans traitement de purification spécifique. Cette purification est coûteuse pour les producteurs (1 par kilo d'huîtres) qui demandent une application plus stricte de la réglementation sur les rejets. Les algues sont une gêne pour la croissance et la récolte des coquillages.. Leur prolifération peut avoir des conséquences létales sur les coquillages (anoxie). Les dérogations données pour épandage dans une proximité inférieure à 500m des zones conchylicoles contribuent à aggraver la situation et le dialogue entre responsables agricoles et conchyliculteurs semble très difficile. Quant au phytoplancton, certaines espèces après un parcours au déterminisme encore inconnu « bloo-
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La production conchylicole française s'élève en 2010 à 153 240 tonnes (vente pour la consommation) dont 80 650 tonnes d'huîtres, 70 340 tonnes de moules et 2 250 tonnes d'autres coquillages pour un chiffre d'affaires total de 490 millions d'euros dont 71 % pour les huîtres.
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Le secteur de la pêche professionnelle en eau douce compte aujourd'hui quelque 430 pêcheurs (347 pêcheurs fluviaux continentaux, 26 compagnons et 57 marins pêcheurs, ces derniers exerçant leur activité dans les eaux mixtes des estuaires) et induit 6000 emplois selon le Comité National des pêcheurs professionnels en eau douce.
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ment »50 dans certains estuaires et sont très sensibles aux changements de proportions de sels minéraux, notamment entre azote et phosphore.
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Les pollutions phytosanitaires ou médicamenteuses sont suspectées d'avoir un effet indirect sur la reproduction ainsi que sur la croissance via le phytoplancton, mais les connaissances sont encore lacunaires dans ce domaine. Les coquillages situés en proximité immédiate du littoral sont plus vulnérables que les élevages de poisson un peu plus au large.
Les aspects quantitatifs ont également une influence sur les capacités reproductives des coquillages, via la salinité du milieu. Cette question est évoquée, sans que la preuve formelle ait été apportée, en Poitou-Cha rentes, comme une des causes multifactorielles de la baisse de production. Les pêcheurs professionnels d'eau douce estiment que leur profession est en danger du fait, d'une part, de la pollution des fleuves par le PCB qui a conduit à des interdictions de commercialisation et, d'autre part, du fait de la concurrence déloyale du braconnage des civelles. La production aquacole à son tour peut être cause de pollution par les déjections et les pertes d'aliments des élevages. Des travaux sont menés pour définir de bonnes pratiques d'élevage et des investissements sont réalisés pour minimiser l'impact sur l'environnement. Cependant la petite taille des structures d'élevage aquacole est un frein indéniable. Un autre frein sur le littoral est la concurrence avec l'urbanisme et les loisirs pour l'utilisation de l'espace. En outre, certaines politiques environnementales peuvent avoir un effet indirect sur la pisciculture (par exemple, les arasements de seuils, favorables à la circulation des espèces, permettent aussi la propagation des maladies pisciaires). Enfin , les SDAGE ne sont pas jugés suffisamment protecteurs pour la qualité de l'eau nécessaire à l'activité aquacole dans la mesure où l'analyse des profils de vulnérabilité permettant de classer les eaux de bai gnade à protéger n'a pas été étendue aux eaux conchylicoles. Un dernier article manquant à la transposition de la DCE pourrait permettre cette prise en compte.
3.2.1.3. La politique de santé, des intérêts convergents avec la politique de l'eau
Après sa découverte des microbes et des bactéries, Louis Pasteur affirmait « nous buvons 90 % de nos maladies ». De nos jours, la maîtrise de la qualité sanitaire de l'eau reste encore l'enjeu primordial de la santé publique dans le monde. En France, quelques grandes villes, comme Paris ont été dotées dès la fin du XIXème siècle de réseaux sommaires de distribution d'eau et d'évacuation des eaux usées. Toutefois, il a fallu attendre le dernier demi-siècle pour voir se généraliser l'alimentation en eau potable et l'assainisse ment des agglomérations, et les dix dernières années pour voir équiper l'ensemble des collectivités du territoire de stations de traitement des eaux usées performantes. La politique de l'eau est une politique de santé, la première en matière de prévention dans ce domaine, tant les investissements et les réalisations y sont importants pour maintenir à tout instant une eau potable chez des millions de français, des milieux salubres dans l'ensemble des villes et campagnes de France, des eaux de baignade sanitairement irréprochables sur tout le territoire, des zones conchylicoles saines tout le long du littoral. Cette politique de prévention sanitaire n'est cependant pas achevée et mériterait d'être menée à terme. a) Eau potable : Aujourd'hui la qualité d'alimentation en eau potable ne pose pas de problème majeur au plan bactériologique. Si la qualité de l'eau distribuée est bonne pour les unités de plus de 5000 habitants, la connaissance est perfectible sur les unités de moins de 5000 habitants (18 000 unités de production) qui ne faisaient pas l'objet jusqu'à présent d'une obligation de rapportage auprès de la commission européenne. À noter quelques cas d'épidémies hydriques dans les DOM et en particulier des cas de typhoïdes en Guyane.
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C'est-à-dire développent des inflorescences toxiques. 63/131
Des efforts restent à faire en matière d'institution de servitudes de périmètres de protection des captages. Dans certains départements, une action très volontariste a permis une couverture à 100 % de ces périmètres de protection (maîtrise d'ouvrage de l'Agence de l'eau et sous-traitance à un bureau d'étude). Le problème émergent est celui des pollutions diffuses agricoles, notamment par les pesticides qui concernent des périmètres d'alimentation beaucoup plus étendus (aires d'alimentation de captages). La question de la fusion des procédures de servitudes de périmètres de protection des captages et d'aire d'ali mentation des captages est ouverte. Les nitrates ont entraînés la fermeture d'un grand nombre de captages (en Seine et Marne, sur 500 captages, 25 % ont disparu en 10 ans). Concernant les résidus médicamenteux dans l'eau un plan national conjoint des ministères chargés de l'écologie et de la santé est en cours de mise en oeuvre. b) Baignades : La France déclare 3300 sites de baignade (1800 sur le littoral, 1500 en eau douce). Les rejets directs en ri vières ou en mer non traités (déversoirs d'orage, eaux noires des bateaux...) peuvent entraîner des contami nations. La directive « baignade » de 2006 demande l'établissement de profils de baignade pour chaque site (étude de vulnérabilité du site) pour 2013 sous la responsabilité du Ministère de la Santé. c) Hygiène publique : En matière d'hygiène publique la situation est contrastée et peut se dégrader par manque d'équipements publics accessibles à tous (toilettes publiques, fontaines publiques, bains publics...) et notamment aux plus démunis.
3.2.1.4. Politique énergétique : la force de l'eau une ressource renouvelable mais qui impacte les milieux aquatiques
a) L'hydroélectricité ou la recherche du compromis entre énergie renouvelable et continuité écologique des cours d'eau L'usage de la force motrice des eaux remonte en France au Moyen-Âge avec la multiplicité des moulins dis posant pour les plus anciens des droits fondés en titre. À la fin du XIXe siècle, la France comptait 100 000 moulins à eau. Depuis la fin du XIXème siècle, l'énergie hydraulique est surtout utilisée pour produire de l'électricité. L'hydroélectricité consiste soit à utiliser la chute d'eau (énergie potentielle) pour entraîner des turbines qui vont produire du courant électrique soit à utiliser la force continue du courant (énergie cinétique) pour entraîner les turbines. La loi du 16 octobre 191951 a posé le principe selon lequel l'usage de la force motrice des eaux appartenait à l'État au-dessus d'un certain seuil (concession hydroélectrique) et relevait du domaine privé en dessous de ce seuil, mais devait, dans tous les cas, être « autorisé » par l'État. Les grands ouvrages hydroélectriques ont été construits majoritairement après la seconde guerre mondiale sous maîtrise d'ouvrage EDF qui venait d'être créé pour des concessions d'une durée de 75 ans. Les ouvrages de haute chute (retenues couplée à une forte hauteur de chute) fournissent une énergie de pointe quasi instantanée. Les grands barrages ont ainsi l'immense avantage d'être l'une des solutions les plus efficaces pour stocker de l'énergie et de pouvoir la restituer très rapidement pour les pointes de demande d'électricité. Les ouvrages au fil de l'eau (sans retenue) produisent en continu une énergie peu chère. L'hydroélectricité produit ainsi 12 % de la consommation électrique et 80 % de l'électricité renouvelable en France en 2012. La petite hydroélectricité s'est développée principalement dans les années 1940 à 1970 en réutilisant souvent des anciens seuils de moulins et des canaux de dérivation. Les installations de moins de 4,5 MW
51
Loi du 16 octobre 1919 « Droit d'eau : » « nul ne peut disposer de l'énergie des marées, des lacs et des cours d'eau, quel que soit leur classement, sans une concession ou une autorisation de l'État » ; complété par la LEMA de 2006. 64/131
doivent obtenir une autorisation préfectorale à durée limitée. On en compterait de l'ordre de 1 800 autorisées (sans doute un à deux milliers supplémentaires existant non répertoriés) soit 1,3 GW de puissance installée et 4,5 TWh de production annuelle ou encore 1,5 % de la production électrique52. L'Union européenne a développé une politique en faveur des énergies renouvelables, notamment pour lutter contre l'émission des gaz à effet de serre, facteur de changement climatique. La France s'est ainsi engagée à augmenter sa part de production d'énergie renouvelable à 23 % d'ici 2020. Dans ce cadre, diverses mesures ont été prises pour encourager le développement de l'hydroélectricité, et notamment de la petite hydroélectricité, la plupart des grands sites étant déjà occupés. La petite hydroélectricité (moins de 12 MW) bénéficie ainsi d'une obligation d'achat de sa production électrique par EDF et d'un tarif permettant d'amortir les in vestissements engagés. Cependant, même s'il s'agit d'une énergie renouvelable, cette production a des effets réels sur l'environnement aquatique. Les barrages représentent un problème pour l'environnement pour plusieurs raisons :
· ·
le stockage des sédiments dans le barrage peut accroître la concentration de polluants et favorise l'incision des cours d'eau ainsi que l'érosion des berges en aval des retenues ; les retenues d'eau en amont des barrages constituent des plans d'eau artificiels qui modifient l'écosystème naturel de la rivière (phénomène dit de potamisation : transformation d'un écosystème d'eaux vives fraîches en un écosystème de plan d'eau, plus banal) ; des éclusées ou des lâchers d'eau destinés à cette production provoquent en aval une brusque mon tée des eaux et un afflux de sédiments suivi d'un reflux tout aussi rapide qui occasionnent un « choc » déstabilisant voire destructeur sur le milieu naturel de la rivière ; la migration des poissons est empêchée ou du moins rendue difficile à la montaison comme à la dévalaison.
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·
Les tronçons court-circuités connaissent un régime fortement modifié n'étant plus alimentés que par le débit réservé, sauf en période de crue. Depuis les années 1980, une prise de conscience de ces effets a conduit à une montée des exigences envi ronnementales vis-à-vis de ces équipements (la loi sur la chaleur de 1980 a instauré les premiers classements en rivières « réservées » interdites à toute nouvelle installation hydroélectrique ; la loi pêche de 1984 impose les débits réservés et les premières passes à poissons sur les ouvrages existants ; la loi sur l'eau de 1992 soumet clairement les installations hydroélectriques à autorisation au titre de la police de l'eau ...). Cependant, les impacts ne peuvent être totalement réduits ou compensés. Les pouvoirs publics se sont donc efforcés de construire des compromis entre les objectifs énergétiques et ceux du bon état des mi lieux aquatiques. Une convention d'engagements pour le développement d'une hydroélectricité durable a été signée le 23 juin 2010 entre l'État, les représentants des producteurs, des élus et des associations environnementales. Elle porte sur les enjeux suivants :
·
compatibilité entre les objectifs de la DCE et les objectifs de développement de l'hydroélectricité en tant qu'énergie renouvelable : assurer la pertinence de l'objectif quantitatif, s'orienter vers les zones à impact environnemental limité, réduire et compenser les impacts environnementaux, préserver les parties de rivière à fort enjeu environnemental ; réduction de l'impact des installations existantes tout en augmentant leur performance : augmenter les débits en aval, conditionner les aides financières,...
·
Cette convention concerne tous les ouvrages mais demandera plus d'efforts pour s'appliquer aux petits ouvrages. Il convient en outre de noter qu'elle n'a été signée ni par France Nature Environnement ni par la Fédération Nationale des Pêcheurs.
52
Source : l'observatoire des énergies renouvelables. 65/131
Dans le cadre de la DCE, la France a pris des engagements forts en matière de restauration de la continuité écologique des cours d'eau. Elle a considéré que peu d'ouvrages conduisaient à classer les masses d'eau concernées comme des masses d'eau fortement modifiées sauf pour la grande ou moyenne électricité. L'augmentation des débits réservés à l'aval des ouvrages prévu par l'article L214-18 du code l'environne ment devrait être effective au 1er janvier 2014. Des difficultés d'application apparaissent : validité d'un débit réservé nul en cas de cours d'eau à fonctionnement atypique (ex. :-milieu karstique) ; difficultés d'application du plancher au 20ème du module pour les ouvrages qui contribuent à la production électrique en période de pointe si à l'aval les ouvrages doivent respecter le 10ème du module ; cas particulier des cours d'eau méditerranéens à fort étiage. Ces difficultés dépassent cependant les seules installations hydroélectriques d'importance qui s'y sont préparées depuis longtemps. La mise en oeuvre est parfois plus délicate en ce qui concerne d'autres usages nécessitant des barrages (piscicultures, AEP, irrigation, neige de culture, etc.). En revanche certains petits ouvrages posent question compte-tenu de leur moindre intérêt énergétique et de leur nombre, la multiplication des obstacles étant le problème majeur pour la circulation des espèces 53.
La succession des obstacles : un escalier vite infranchissable hypothèse : un ouvrage laisse passer 80% des poissons (ouvrage assez performant) trois ouvrages : la moitié seulement (0,8x0,8x0,8) cinq ouvrages : un tiers...
En application de l'article L 214-17 du code de l'environnement, deux listes de cours d'eau classés ont été élaborées dans chaque bassin (cf. partie 3.1.3.2. morphologie) : l'objectif du classement en liste 1 est la préservation des milieux aquatiques contre toute nouvelle fragmentation longitudinale et/ou transversale de cours d'eau ; l'objectif de la liste 2 est l'amélioration du fonctionnement écologique des cours d'eau à un niveau permettant l'atteinte des objectifs de la DCE, en rétablissant notamment la circulation des poissons migrateurs et un transport suffisant des sédiments. Sur la grande hydroélectricité, des compromis ont été trouvés pour pérenniser cette énergie renouvelable in dispensable dans un meilleur respect de l'environnement. Les textes sur la procédure de renouvellement avec mise en concurrence des concessions imposent trois critères de sélection des offres: l'optimisation énergétique, la protection de la gestion équilibrée de l'eau et la redevance financière. A noter la démarche intéressante « Gestion Équilibrée et Durable de la Ressource en Eau » (GEDRE), lancée pour plusieurs concessions suite au lancement du programme de renouvellement en 2010. C' est une phase d'écoute des acteurs locaux destinée à établir les enjeux et les attentes locales, en particulier en termes de protection des milieux aquatiques et de complémentarité des usages de l'eau. Ce format de concertation à panel élargi permet d'obtenir une synthèse représentative des attentes locales. La question du développement de nouvelles installations voire du maintien d'installations existantes sur les cours d'eau sensibles (listes 1 et 2) se pose. Cette question sensible fait l'objet de débats assez vifs. Ainsi une mission parlementaire estime que les progrès technologiques telles les toutes petites turbines au fil de l'eau pourraient représenter un bon compromis et une voie à investiguer. Le classement des rivières en liste 1 (aucun ouvrage pour une préservation totale de la continuité) et liste 2 (ouvrages compatibles avec la continuité écologique possibles) pourrait être affiné pour tenir mieux compte des potentiels hydroélectriques valorisables du cours d'eau. En revanche, WWF a alerté l'équipe opérationnelle sur la remise en état d'un barrage existant aujourd'hui désaffecté 54 estimant qu'elle était incompatible avec l'objectif DCE et qu'un démantèlement s'imposait. Quand elles sont requises, les actions de démantèlement exigent une police de l'eau rigoureuse effective et un effort d'explication pour aller à rebours des idées reçues et des inté rêts particuliers.
53
Pour certaines espèces, la circulation est une nécessité vitale (grands migrateurs : nécessité de rejoindre les aires permettant la reproduction). L'exemple encadré est à relativiser (performance de l'ouvrage) en fonction du type d'obstacle. 54 Il s'agit d'un ouvrage qui n'a pas de vocation hydroélectrique. 66/131
Concernant les petits ouvrages, l'évaluation des impacts des propositions de classements en liste 1 sur le potentiel hydroélectrique a fait l'objet de quelques divergences entre les services de bassins et l'Union française d'Électricité. Néanmoins, les services de l'État (DEB et DGEC) ont mis en oeuvre une étude dite de « convergence », en cours de finalisation, afin de disposer d'une vision partagée du potentiel hydroélectrique français et de l'incidence des classements en liste 1 sur ce potentiel. Cette étude montre d'ores et déjà que les projets de classement en liste 1 impactent 72 % du potentiel hydroélectrique de construction d'ouvrages neufs, mais qu'il préserve une capacité de production supplémentaire d'environ 3 TWh. L'impact des classements ne pourra être connu définitivement que lorsque les arrêtés de classements seront pris en Rhône-Méditerranée et en Adour-Garonne. La compatibilité des classements avec l'objectif de développement de la production 'hydroélectrique de 3 TWh net par an d'ici 2020 prévu dans la convention devra être vérifiée à l'aune de ces résultats. Le potentiel de création d'ouvrages neufs de 3 TWh, auquel s'ajoutent l'équipement des seuils existants (estimé à 1,2 TWh) et l'optimisation des ouvrages existants sera en effet diminué de la hausse des débits réservés. . Les arrêtés de classements des 4 bassins qui les ont déjà publiés font tous l'objet de contentieux en annula tion par des associations des moulins ou d'hydroélectriciens. Il est à craindre que ce sera le cas également sur les deux autres bassins métropolitains restants. La police de l'eau et l'incitation financière doivent être articulées pour permettre d'arriver aux résultats de la DCE dans les meilleurs délais. En conclusion, l'articulation entre politique de l'eau et politique de l'hydroélectricité est bien engagée même si certains points durs restent encore en discussion. Le fait d'avoir clairement identifié des cours d'eau à fort enjeu sur lesquels doit être donnée la priorité en termes de continuité écologique est une avan cée. Symétriquement et comme le conseil d'État l'a suggéré dans son rapport de 2010 « L'eau et son droit », il pourrait être défini des cours d'eau à fort enjeu énergétique dans lesquels le développement de l'hydroélectricité est privilégié. Cela pourrait prendre la forme des « zones stratégiques » définies dans le SRCAE de la région Rhône-Alpes. Cela contribuerait à un développement raisonné de l'électricité renouvelable et à la préservation des milieux aquatiques. La compatibilité de cette approche avec la DCE reste cependant à démontrer.
b) Le refroidissement des centrales thermiques de production d'électricité Un grand nombre de centrales thermiques, notamment nucléaires, ont été implantées en bordure des cours d'eau pour profiter de leur potentiel de refroidissement. L'eau ainsi utilisée est en grande partie restituée au cours d'eau mais avec une qualité dégradée : pollution thermique, pollution métallique (Cuivre) en particulier. Ces impacts, notamment thermiques, ont conduit à une modification des populations piscicoles et peuvent poser problème en période d'étiage et de canicule. Des mesures de gestion du refroidissement ci blées dans l'année ont été mises en place. Les évolutions liées au changement climatique interrogent sur la pérennité de ce mode de refroidissement qui est par ailleurs essentiel au bon fonctionnement du système électrique et à la sécurité du réseau (service public de l'électricité). Une analyse coûts / bénéfices approfon die pourrait être menée. Remarque : les difficultés mentionnées existent principalement à certaines périodes ciblées de l'année (étiage / canicule). Cela appelle donc à des mesures de gestion du refroidissement ciblées dans l'année (dont la plupart existent déjà) mais pas à la remise en cause totale de ce mode de refroidissement.
3.2.1.5. L'urbanisme : une clef pour intégrer de façon globale une diversité d'enjeux environnementaux
Les défis démographiques et économiques que doit relever l'urbanisme sont pressants. La demande en logement est très forte, pour faire face à la croissance urbaine des territoires sous pression des migrations rési dentielles, en particulier dans le péri-urbain, et pour reloger dignement des populations mal logées. En
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outre, les aspirations de nos concitoyens vont vers un modèle de logement avec jardin, induisant un étale ment urbain important au-delà du périurbain organisé, alors même que la ville durable tendrait davantage à concevoir une ville compacte. L'activité économique suscite un besoin continu d'infrastructures de transport. Le désir des communes d'attirer des entreprises à proximité de leurs populations conduit aussi à la création ou l'extension de zones d'activités, qui peinent parfois à se remplir. Néanmoins, ce phénomène additionné à la demande en logements est très consommateur d'espace naturel et agricole, dont une part importante est artificialisée. L'équivalent d'un département disparaît ainsi tous les 10 ans, à un rythme qui ne fait que s'accroître, malgré les intentions affichées lors du Grenelle de l'environnement. Le lien entre la politique de l'eau et l'urbanisme est donc très fort et exige une prise en compte de nom breuses problématiques: pression exercée sur la ressource en eau et les milieux aquatiques par la ville, notamment du fait de la consommation en eau et des impacts associés (prélèvements et rejets), de l'imperméa bilisation et des inondations, résilience du système urbain à travers une adaptation au risque du fonctionne ment des villes et des réseaux qui les structurent, maîtrise des eaux pluviales, biodiversité avec le dévelop pement d'une politique de trames verte et bleue. L'eau en ville, c'est aussi la baignade et les loisirs, les fon taines et la promenade des bords de rivière. Afin de concilier le développement urbain avec les objectifs majeurs de la politique de l'eau, le Code de l'urbanisme explicite l'articulation des documents de planification urbaines (SCOT, SDRIF en Île-deFrance, PLU, cartes communales) avec les documents de planification dans le domaine de l'eau : ces documents d'urbanisme doivent être compatibles avec les orientations fondamentales d'une gestion équilibrée de la ressource en eau et les objectifs de qualité et de quantité des eaux définis par les SDAGE, ainsi qu'avec les objectifs de protection définis par les SAGE. Cette notion de compatibilité signifie que le document d'urbanisme ne doit pas remettre en cause les orien tations ou objectifs visés et la contrainte sera d'autant plus grande que les documents SDAGE et SAGE seront précis. Il y a peu de jurisprudence sur la compatibilité des documents d'urbanisme avec les SDAGE ou SAGE. Aussi bien les maîtres d'ouvrages des documents de planification réglementaire et leurs bureaux d'étude que les services de l'État (services associés ou chargés du contrôle de légalité) peinent à apprécier cette compatibilité. Les collectivités territoriales, responsables de l'élaboration des documents d'urbanisme et des choix d'aménagement du territoire ont donc une responsabilité particulière sur la prise en compte de l'eau, dans la ville, non seulement dans ses fonctions liées au petit cycle, mais aussi dans celles liées au grand cycle. Encore faut-il que ces dispositions soient connues et comprises : le porter à connaissance de l'État (PAC) pourrait jouer un rôle important, à condition que celui-ci ne se limite pas à de simples données techniques et réglementaires, qui ne suffisent pas à bien caractériser les enjeux. La seule liste des documents de gestion de l'eau existants sur le territoire ne suffit pas à créer le lien nécessaire. De même, l'évaluation environne mentale des SCOT et PLU intercommunaux, obligatoire depuis le 1 er février 2013, est une opportunité à saisir pour la prise en compte des enjeux de l'eau dans l'élaboration des options urbaines. L'artificialisation des sols, source de pollution par les eaux pluviales mal maîtrisées L'imperméabilisation du sol urbain entraîne des problèmes tant qualitatif (lessivage d'un sol urbain pollué par temps sec) que quantitatif (augmentation brutale du ruissellement pluvial). Pour des raisons essentiellement économiques, parfois techniques, les eaux pluviales issues des bâtiments, mais aussi des écoulements sous voiries n'ont pas été, dans bien des cas séparées des eaux usées domestiques (40 % des réseaux seraient unitaires). Avec l'artificialisation croissante des surfaces, le volume collecté a grossi. Ces eaux pluviales collectées concentrent ainsi une charge de polluants issus des toitures, des parkings et des voiries (hydrocarbures, mé taux lourds, biocides...) différente des eaux domestiques mais parfois aussi polluante. En outre, elles subissent une très forte variabilité dans le temps en fonction du rythme des précipitations, et peuvent alors saturer les systèmes d'évacuation en entraînant d'une part des rejets directs dans les cours d'eau (by-pass) pour éviter l'ennoyage des stations d'épuration et des débordements de l'ensemble des eaux usées dans le milieu sans traitement d'autre part, provoquant localement des inondations par ruissellement pluvial.
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Depuis la LEMA, les collectivités doivent délimiter des zones où limiter l'imperméabilisation des sols et d'autres où prendre des mesures de traitement de ces eaux pluviales à problème 55 . Des techniques d'infiltration à la parcelle ou de micro-stockage existent mais sont peu mises en oeuvre et le coût d'une séparation des réseaux ex-post est exorbitant. Mais sans mise en oeuvre de dispositifs spécifiques, le coût de traitement des eaux pluviales représente néanmoins près de 30 % du coût d'assainissement.
1
L'enjeu est donc considérable à plusieurs titres et soulève plusieurs interrogations :
·
qui est en mesure de financer le coût de prévention et/ou de traitement de ces eaux pluviales ? (communes avec la taxe instituée par le Grenelle sur l'imperméabilisation ? conseils généraux qui tendent à se désengager des travaux d'assainissement ?...) ; les communes ont-elles pris des mesures pour limiter l'étalement urbain et encadrer des techniques permettant à l'eau de s'infiltrer ? (taxe sur l'étalement urbain peu instituée...) ; les urbanistes sont-ils partie prenante des orientations visant la reconquête du bon état des eaux (présence dans les CLE,...) et prennent-ils en compte la question de l'eau dans la conception de la ville, de l'habitat, des infrastructures...?
· ·
.........................3.2.2. Des politiques publiques environnementales insuffisamment en synergie
Les politiques environnementales (eau, biodiversité, inondation, milieux marins, évaluation environnementale des projets, des plans et des programmes...) ont toutes en commun d'être fortement dépendantes des autres politiques publiques et d'être fortement interdépendantes entre elles. La transversalité devrait donc être un principe structurant des politiques publiques environnementales. Pour autant, constat est fait d'un manque réel de synergie entre les politiques environnementales alors qu'au niveau européen, ces différentes politiques font l'objet de directives qui obéissent aux mêmes logiques visant le développement durable et par là exigeant une transversalité. De plus parce que leur acceptabilité dans les territoires ne va pas de soi, l'intervention publique en ces domaines reste aussi une clef de réussite.
3.2.2.1. Biodiversité
L'eau est nécessaire à la préservation des écosystèmes et les écosystèmes fonctionnels rendent des services à la ressource en eau.
55
L'élaboration du PLU nécessite la prise en compte des aspects liés à l'eau potable et à l'assainissement. Les annexes du PLU in cluent, « à titre informatif », les annexes sanitaires, à savoir « les schémas des réseaux d'eau et d'assainissement et des systèmes d'élimination des déchets, existants ou en cours de réalisation » ainsi que les « emplacements retenus pour le captage, le traitement et le stockage des eaux destinées à la consommation, les stations d'épuration des eaux usées et le stockage et le traitement des dé chets » (code de l'urbanisme, art. R. 123-14). Plus précisément, concernant l'assainissement, elles incluent le zonage d'assainissement prévu à l'article L. 2224-10 du CGCT et dont le contenu a été élargi à deux nouvelles zones par la loi du 12 juillet 2010 : outre les zones d'assainissement collectif et celles d'assainissement non collectif, les annexes incluent dorénavant « les zones où des mesures doivent être prises pour limiter l'imper méabilisation des sols et pour assurer la maîtrise du débit et de l'écoulement des eaux pluviales et de ruissellement » et celles « où il est nécessaire de prévoir des installations pour assurer la collecte, le stockage éventuel et, en tant que de besoin, le traitement des eaux pluviales et de ruissellement lorsque la pollution qu'elles apportent au milieu aquatique risque de nuire gravement à l'efficacité des dispositifs d'assainissement ». La loi a également prévu l'établissement, avant fin 2013, d'un « schéma d'assainissement collectif » comprenant « un descriptif détaillé des ouvrages de collecte et de transport des eaux usées » qui devra faire l'objet d'une mise à jour selon une périodicité fixée par décret (CGCT, art. L. 2224-8 I). Ce schéma devrait logiquement figurer dans les annexes du PLU, comme le nouveau « schéma de distribution d'eau potable » (CGCT, art. L. 2224-7). 69/131
La politique de la biodiversité est encadrée par de nombreux textes internationaux et européens (Convention Ramsar (1986) relative aux zones humides d'importance internationale; Directive « Habitats, faune, flore » (DHFF) et « Oiseaux » (DO) de 1992) déclinés au sein des livres 3 et 4 du code de l'environnement. La directive cadre sur l'eau organise le lien entre l'eau et la biodiversité humide à travers la prise en compte des « zones protégées » dans les plans de gestion (les SDAGE) et l'appréciation de la qualité de l'eau à partir d'indicateurs biologiques. La politique de l'eau en France inclut déjà une politique de préservation et de reconquête des milieux aqua tiques. La loi du 30 décembre 2006 a fait apparaître en droit français un nouveau paradigme, à travers les notions nouvelles de continuité écologique, de réservoir biologique et de transit sédimentaire. L'accent est mis davantage sur l'eau en tant que milieu naturel et sur la rivière en tant qu'écosystème et espace de vie, que sur leurs dimensions productives et utilitaristes. Ce qui n'est pas sans engendrer un changement en profondeur dans les approches fonctionnelles, sociétales, politiques et juridiques de la gestion des cours d'eau. En 2010, la loi Grenelle II pose la définition de la Trame verte et bleue, en intégrant à sa composante aquatique les cours d'eau, parties de cours d'eau et canaux classés ainsi que des zones humides, notamment celles mentionnées à l'article L. 211-3 du code de l'environnement et en affirmant le lien entre les milieux terrestres et aquatiques pour le bon fonctionnement de la Trame. SDAGE, SAGE et schémas régionaux de cohérence écologique (SRCE) s'articulent désormais en application des dispositions des articles L. 371-3 56 et L. 212-157 du code de l'environnement. Des études à l'échelle internationale tendent à montrer que la restauration écologique facilite la récupération des services écosystémiques et permet d'augmenter de 44 % la biodiversité et de 25 % les services écosystémiques58. À l'inverse, il n'y a pas de récupération biologique tant que dure l'altération physicochimique, et l'artificialisation des milieux aquatiques (chenalisation par exemple) pourrait être à l'origine d'une réduction de 80 % ou plus de la biomasse des poissons. La mise en pratique reste perfectible. Si les SDAGE ont fait de vrais efforts pour mentionner les zones protégées Natura 2000, et si les MISEN (missions inter-services eau et nature de l'État) créées en 2010 ont permis une certaine transversalité, l'approche des unités opérationnelles travaillant au sein de l'administration sur ces sujets reste encore cloison née, alors que les propositions d'actions pour l'atteinte du bon état des masses d'eau au titre de la DCE sont favorables à l'objectif de bonne conservation des habitats et des espèces de la DHFF et de la DO, et nécessitent dans les deux cas une maîtrise d'ouvrage et une approche intégrée qui valorise les actions entreprises pour un double motif. Sur le terrain, les gestionnaires des milieux aquatiques ont parfois eu des difficultés à intégrer la biodiversi té dans les opérations d'entretien ou de restauration des cours d'eau. Certaines collectivités et quelques acteurs locaux préfèrent encore le vieux modèle d'artificialisation des cours d'eau liée au développement de l'agriculture intensive et de l'urbanisation, même si l'état d'esprit évolue vite. Cela résulte d'un manque de cadrage méthodologique, d'une insuffisante mutualisation et valorisation des retours d'expérience et d'une insuffisante acceptabilité des maîtres d'ouvrages (collectivités) à investir sur ce champ d'intervention. Cependant les interventions des Agences de l'eau ont permis d'infléchir les pratiques et de faire émerger dans certains cas des structures maître d'ouvrages à l'échelle de bassins versants en respect avec la directive cadre qui nous engage sur une nouvelle gestion des rivières, faite de renaturation (reméandrages, remises en
56
Les SRCE prennent en compte les éléments pertinents des SDAGE et réciproquement, les SDAGE et SAGE prennent en compte les SRCE.
57
Les SDAGE déterminent les aménagements et dispositions nécessaires, comprenant la mise en place de la trame bleue figurant dans les SRCE [...].
58
1 Rey-Benayas J.M., Newton A.C., Diaz A., Bullock J. (2009). «Enhancement of Biodiversity and Ecosystem Services by Ecological Restoration: A Meta-Analysis.» Science 325(5944): 1121 1124 (in Onema : Pourquoi restaurer , mai 2010 et in Rapport du CGEDD de décembre 2012 « Plan d'actions pour la restauration de la continuité écologique des cours d'eau (Parce) Diagnostic de mise en oeuvre »).
70/131
connexion des zones humides), de mise en « transparence » des seuils qui entravent la circulation des poissons et des sédiments. Aujourd'hui un certain nombre d'espaces remarquables aquatiques sont gérés par des structures de bassin versant qui assurent ainsi l'intégration des problématiques de l'eau et de la biodiversité aquatique. Cette intégration est au coeur de la politique de l'eau.
3.2.2.2. Une insuffisante articulation entre politique de prévention des inondations et politique de l'eau alors que les directives européennes afférentes y invitent
La DCE énonce dans son article 1er que la DCE, qui permet de protéger l'état des écosystèmes aquatiques, contribue à atténuer l'effet des inondations et des sécheresses ; elle ne traite en revanche pas de la question de la gestion des inondations de façon détaillée. La DCE a été complétée en 2007 par la directive sur l'éva luation et la gestion des risques d'inondation, qui est interfacée avec la DCE dans son organisation, son process, son calendrier et ses objectifs, puisque la DI vise à réduire les conséquences négatives potentielles des inondations sur la santé humaine, l'activité économique, le patrimoine culturel, mais également sur l'environnement. Comment la mise en oeuvre de ces deux directives s'articule-t-elle en France ? Le Gouvernement a mis en place depuis très longtemps des mesures de prévention des risques naturels : la loi de 1982 sur l'indemnisation des catastrophes naturelles a posé le principe d'une prévention par l'État en contrepartie de l'indemnisation par les assurances : ce sont les PPRN, plans de prévention des risques naturels, servitudes d'utilité publique qui s'imposent après leur approbation aux documents d'urbanisme. La loi de 2003 a institué les services de prévision des crues, la LEMA de 2006 les dispositions relatives au contrôle de la sécurité des ouvrages hydrauliques. La gestion des risques d'inondation est une responsabilité partagée entre l'État, qui dispose du pouvoir régalien et a une responsabilité particulière en matière de prévision des crues et les collectivités territoriales qui sont responsables de l'urbanisme et donc de l'implantation des enjeux et sont maîtres d'ouvrages, mais aussi toute la population : la loi de 2004 sur la modernisation de la sécurité civile a posé le principe que chacun doit être acteur de sa propre sécurité. La directive « inondation » 2007/60/CE (transposée par la loi Grenelle de juillet 2010) conduit les Étatsmembres à réviser et structurer leurs politiques en matière d'inondations, que ce soit des inondations de plaine (débordement des cours d'eau, remontée de nappes), de montagne (crues torrentielles) ou du littoral (submersion marine) ou bien des ruissellements urbains.
La directive « inondations » (DI) :
·
elle se fixe comme objectif de réduire les conséquences potentielles des inondations sur la santé humaine, l'activité économique, l'environnement et le patrimoine culturel. Elle est applicable en métropole et dans les DOM ; elle fonctionne par grands cycles d'amélioration continue de 6 ans et s'articule avec la DCE ; la participation du public est requise ; les étapes :
· · · ·
· ·
réalisation d'une évaluation préliminaire par district fin 2011 pour quantifier les enjeux soumis à inondation, identification des territoires prioritaires d'intervention : les territoires à risque important d'inondation (TRI), d'ici fin 2013, pour ces territoires, élaboration d'une cartographie des aléas sur trois niveaux (événements fréquent, moyen au moins centennal et extrême) et des enjeux exposés, élaboration pour fin 2015 des Plans de Gestion des Risques d'Inondation (PGRI révisés tous les 6
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ans) comprenant des objectifs et des mesures d'application à l'échelle du bassin à décliner prioritairement (ou particulièrement) sur les TRI.
La DI impulse une démarche stratégique, articulant les objectifs de réduction des risques, laissés à la libre décision de chaque État, et les moyens nécessaires pour les atteindre. Chaque État est ainsi maître de l'intensité de ses efforts qui dépend du niveau de risque accepté. Afin de mobiliser les démarches existantes de gestion territoriale des risques par les collectivités, la France a choisi d'expliciter les objectifs et mesures déclinés pour les TRI dans une stratégie locale pour chaque TRI, élaborées conjointement par les collectivités et l'État. La France a fait également le choix d'encadrer l'exercice par district avec une stratégie nationale de gestion des risques d'inondation, en cours d'élaboration par l'État en s'appuyant sur la Commission Mixte Inondations (commission partenariale de concertation émanant pour partie du Comité National de l'Eau). La synthèse des évaluations préliminaires au niveau national montre l'importance des enjeux potentiellement liés aux inondations : près de 14 millions d'habitants et 40 % de nos emplois. La réduction des risques d'inondation (réduction des dommages potentiels) passe par le respect du bon fonctionnement des milieux (limitation de l'imperméabilisation, maintien ou rétablissement des zones d'expansion des crues en particulier), par des mesures de protection (digues et éventuellement barrages écrêteurs de crues) mais surtout par la maîtrise et l'adaptation des enjeux situés en zone inondable (les projets territo riaux d'aménagement). Enfin, la gestion des risques d'inondation comprend la prévision des inondations, l'alerte, l'information et l'éducation des populations et la gestion de crise, pour améliorer la résilience des populations et des entreprises. L'articulation avec la DCE est essentielle, en théorie garantie par le calendrier (approbation des SDAGE et des PGRI dans les mêmes délais : d'ici le 22 décembre 2015), par le choix des autorités compétentes qui sont identiques -sauf en Corse- (ce sont les Préfets coordonnateurs de bassin) et surtout par un chapitre commun au SDAGE et au PGRI sur les objectifs de gestion des risques en lien avec la gestion des milieux aquatiques. En effet, les PGRI sont élaborés par l'État (préfet coordonnateur de bassin) et s'appuient sur quatre catégo ries de dispositions :
· · · ·
les orientations et dispositions des SDAGE pour l'inondation relatives au bon fonctionnement des milieux, la prévision et l'alerte, la réduction de la vulnérabilité des populations et des territoires, l'information des populations et le développement de la culture du risque.
Les dispositions des PGRI seront opposables dans une relation de compatibilité aux documents d'urbanisme (SCOT, PLU, CC, SDRIF...) et devront être compatibles avec les orientations des SDAGE. Lorsque le PGRI sera approuvé, les dispositions du SDAGE relatives aux inondations ne seront plus opposables. Les inondations ont souvent été un moteur de la volonté politique du fait de la demande sociale pour mettre en place des démarches de gestion globale de l'eau à l'échelle des bassins versants, telle que SAGE, contrat de milieux... Les liens entre les deux approches sont étroits et anciens mais mais restent complexes. . 1) L'introduction des PAPI a permis une séparation entre contrat de milieux ou SAGE et volet inondation, ce dernier ayant acquis sa propre identité et son financement séparé ; ceci n'est pas facteur d 'intégration ;
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2) Par ailleurs, l'accent mis à juste titre depuis 2010 avec le plan « submersions rapides » sur la restauration des ouvrages de protection dont la défaillance induit un risque grave pour les personnes pourrait brouiller les messages sur la limite de la politique de protection et la nécessité d'avoir une vision globale de gestion des risques.La demande des populations a été principalement jusqu'ici de supprimer l'inondation, par la construction d'ouvrages (parfois des barrages écrêteurs de crues, digues essentiellement). Cette demande sociale est combattue depuis des décennies par les pouvoirs publics qui réservent la construction d'ouvrages à la protection de lieux densément habités. La construction d'ouvrages de protection a en effet de nombreux effets pervers que rappellent de nombreuses catastrophes récentes : Les digues, en l'absence de mécanismes de compensation adaptés, induisent un faux sentiment de sécurité et diminuent la vigilance des habitants de ces zones protégées et pourtant toujours inondables. Les ouvrages sont faillibles, ils peuvent être dépassés et les conséquences de l'inondation en cas de dé faillance d'ouvrage sont alors bien plus graves qu'en l'absence d'ouvrages. Quelques barrages écrêteurs de crues posent des problèmes de sécurité : ce sont des ouvrages techniquement complexes dont les maîtres d'ouvrages, essentiellement des collectivités territoriales, n'ont pas toujours les moyens techniques et financiers nécessaires. Les digues (ou le remblaiement des zones inondables) suppriment des champs d'expansion des crues et modifient le niveau et le mode d'écoulement des eaux, induisant une aggravation de la situation en d'autres points du bassin versant ; ce phénomène est souvent peu perceptible localement, mais son effet cumulé est loin d'être négligeable. Les ouvrages sont d'autant plus faillibles qu'ils ne sont pas gérés par un maître d'ouvrage ayant les moyens d'exercer ses responsabilités. La question de la maîtrise d'ouvrage de ces digues se pose : la règle est celle de la responsabilité du riverain (loi du 16 septembre 1807, toujours en vigueur), règle devenue obsolète. La France est dotée d'environ 9000 km de digues, la plupart en mauvais état. La majorité a été conçue au départ pour protéger des terres agricoles mais avec l'expansion urbaine se sont transformées en digues urbaines sans que leurs caractéristiques n'en soient adaptées ; de plus, leur entretien est défaillant. La réglementation en matière de sécurité qui est basée sur la responsabilité des gestionnaires d'ouvrages se trouve alors de fait inopérante. Une clarification de la définition de maîtrises d'ouvrages pour les travaux en cours d'eau et la protection des populations contre les inondations est aujourd'hui nécessaire et reconnue par les différents acteurs. Le projet de loi de décentralisation et de réforme de l'action publique constitue une opportunité pour construire ce nouveau cadre législatif pour l'entretien des cours d'eau et la prévention des inondations et des submersions.
3) Un risque pour la préservation des milieux aquatiques pourrait émerger en cas d'application trop sectorisée de la DI. En effet, l'accent mis sur les liens étroits entre gestion des risques inonda tion et aménagement du territoire risque d'éloigner la gestion des inondations actuelle de la notion de bassin versant et de fonctionnement des milieux en priorisant l'action sur la réduction de la vul nérabilité des enjeux, alors que les deux démarches sont complémentaires.
Réduire le risque en agissant sur les enjeux et l'aléa :
·
des mesures sur l'aménagement des territoires et les constructions ou activités existantes, qui relèvent clairement des politiques de gestion des risques et d'urbanisme, et qui ont intérêt à s'apprécier à l'échelle urbaine ; des mesures sur le fonctionnement des cours d'eau, qui sont à l'interface de la politique de l'eau et de la politique de gestion des risques, et qui ont tout intérêt à être appréhendées à l'échelle géogra phique pertinente (bassins versants pour les débordements de cours d'eau, zones côtières morpholo73/131
·
giquement cohérentes...).
De plus, les compétences risques et celles relatives à la gestion de l'eau restent souvent séparées dans les services de l'État et la synthèse territoriale nécessaire n'est pas toujours réalisée. Les services de l'État, les agences de l'eau, des établissements ou syndicats intercommunaux doivent être davantage porteurs de cette intégration, dès lors qu'une démarche de gestion globale et concertée est engagée. La révision des SDAGE qui ne devraient plus, sur le volet inondation, comporter de mesures sur l'aménagement du territoire pourrait cependant conduire à éloigner encore les acteurs de l'eau de ceux des risques si l'on n'y prend garde. L'intégration des outils de gestion des inondations type PAPI ou (demain) Stratégie locale dans les dé marches de gestion globale telles que SAGE et contrat de milieux, pourrait de même être fragilisée (mena cée) par la spécialisation de ces outils et leur labellisation séparée notamment au sein de la Commission mixte inondations. Les liens entre risques d'inondation et fonctionnement naturel paraissent cependant évidents.. Personne ne conteste que les enjeux en matière d'inondation sont d'apprendre à vivre avec les inondations (phénomène naturel), de cesser d'aggraver la situation par des choix raisonnés d'aménagement du territoire (agir sur les enjeux) et des options de respect du fonctionnement des milieux (agir sur l'aléa : retrouver des espaces de liberté pour réduire des goulets hydrauliques, préserver voire retrouver des zones d'expansion des crues, limi ter les écoulements par des rétentions à la source...), puis de résorber progressivement l'héritage en adaptant l'existant pour diminuer les enjeux et en fiabilisant les ouvrages de protection qui protègent des lieux densément habités. Les futures stratégies locales devront donc jouer sur ces deux registres. Pour préparer les porteurs de projets à cette double approche, le cahier des charges des PAPI insiste sur la complémentarité des approches, qui doit cependant être adaptée à la nature des territoires et des enjeux concernés. Certaines stratégies concernent d'abord la réduction de vulnérabilité au sein du territoire à risque important d'inondations (TRI), d'autres le rééquilibrage des écoulements et la mobilisation à bon escient des zones humides du bassin ver sant au profit du TRI et de tout son bassin versant. Plusieurs plans gouvernementaux visent à améliorer la situation et à infléchir les comportements : ainsi, le plan « submersions rapides », adopté en février 2011 pour répondre aux drames de 2010 de la tempête Xynthia (41 morts par noyade au domicile) et de la crue de la Dracénie (25 morts) et l'appel à projets PAPI (pro grammes d'action de prévention des inondations). Ces plans visent à faire émerger des projets locaux stratégiques, dans l'esprit de la DI et des maîtres d'ouvrages. Le principe est que ces programmes locaux doivent se pencher sur tous les axes de la prévention, pour ne pas privilégier les seules digues mais au contraire bâtir une stratégie territoriale prenant en compte tous les enjeux dont les enjeux des milieux naturels. Leur financement est assuré essentiellement par le fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM), ali menté par un prélèvement sur le produit de la cotisation additionnelle des assurances en matière de risques naturels. Ce fonds permet de subventionner des collectivités territoriales qui se portent maîtres d'ouvrages de travaux de prévention. Depuis février 2011, 51 projets PAPI et PSR ont ainsi été labellisés, pour un mon tant total de 674 millions d'euros dont près de 260 millions d'euros de contribution État, principalement via le Fonds de Prévention des Risques Naturels Majeurs (FPRNM). Les Agences de l'eau n'ont aujourd'hui pas trouvé leur place dans le champ des inondations alors qu'elles ont été progressivement conduites à s'en préoccuper au vu des impacts évidents de la gestion des inonda tions sur le grand cycle de l'eau. La question d'un cofinancement des opérations contractualisées spécifiques aux inondations et notamment du volet lié au bon fonctionnement des milieux ou à la rétention des eaux à la source par les agences de l'eau a été posée. Elle continue de faire débat quant aux opérations éligibles. En particulier, la question du financement par les agences de l'eau des digues est au coeur des discussions dans les bassins : les acteurs de
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l'eau craignent que la mise en place de subventions par les agences de l'eau, qui ont des ressources finan cières importantes, avant que ne soient précisées les responsabilités en cas de nouvelles constructions en zone inondable protégée n'entraîne une densification et donc une aggravation du risque. À tout le moins, ils souhaitent la mise en place préalable d'une redevance spécifique qui permettrait une régulation minimale et une source de financement. Au titre de la DCE, les SDAGE et leurs programmes de mesures, mis en oeuvre par les agences, comportent déjà plusieurs orientations et volets d'action en faveur de la préservation des zones naturelles d'expansion des crues, des zones humides, de la réduction de l'érosion, et de la maîtrise des eaux pluviales, mais seule ment en vue de protéger la qualité de l'eau. La question se pose donc pour les agences de l'eau d'intervenir plus méthodiquement et systématiquement en matière de prévention douce pour diminuer le risque inondation dans les zones vulnérables. Elles sont en mesure de participer activement à la mise en cohérence des diverses politiques publiques en faveur de la prévention des risques d'inondations, de la biodiversité et de la protection de l'eau. De même, l'enjeu de définir une gouvernance adaptée et de réaliser des équipements visant la maîtrise quantitative du régime des eaux à une échelle cohérente de bassin versant afin de structurer, grâce aux milieux aquatiques, de véritables « infrastructures vertes », allant ainsi dans le sens souhaité par les instances européennes, semble insuffisamment porté59. Le 10ème programme des agences de l'eau permet déjà des interventions dans ce sens sans que le portage soit vraiment affirmé. En conclusion, l'articulation de la politique de l'eau et de la politique de gestion des risques d'inondation pose la question de l'absence de hiérarchie claire et explicite des enjeux de la part des pouvoirs publics ; elle résulte de l'histoire du territoire (y a-t-il eu une inondation récemment ?), du poids des acteurs portant tel ou tel enjeu, de l'impact de la réglementation, des contextes locaux... À quelle échelle doivent se résoudre ces contradictions ? Dans quelles instances ? Les Comités de Bassins, dans une composition éventuellement adaptée pourraient-ils jouer ce rôle ?
3.2.2.3. La gestion du domaine public fluvial (DPF), un secteur « orphelin »
a) La métropole compte environ 16 300 km de cours d'eau et canaux domaniaux Ainsi, aujourd'hui, environ la moitié du DPF est constituée de cours d'eau, canaux ou lacs toujours inscrits à cette nomenclature, dits « navigables ». L'autre moitié est constituée de cours d'eau, canaux ou lacs qui ont été rayés de la nomenclature des voies navigables et maintenus dans le domaine public fluvial. Les cours d'eau des DOM sont tous domaniaux et n'ont jamais été inscrits à la nomenclature des voies navigables, Les propriétaires-gestionnaires de ce DPF sont l'État pour un peu moins de 15 000km (en métropole) + DOM hors Mayotte et les collectivités territoriales pour environ 1 750 km.
b) La politique de gestion par l'État du DPF « non navigable » dans une impasse Le domaine public fluvial (DPF) non navigable est constitué de cours d'eau, canaux et lacs désaffectés de la navigation. Il intègre également des ouvrages (digues, seuils, barrages), historiquement liés à la navigation et aujourd'hui plus ou moins réappropriés par d'autres usages.
59
Voir : RAPPORT DE LA COMMISSION AU PARLEMENT EUROPÉEN ET AU CONSEIL relatif à la mise en oeuvre de la di rective-cadre sur l'eau (2000/60/CE) - Plans nationaux de gestion des bassins hydrographiques - 2012. 75/131
Des possibilités de transfert aux collectivités ou de déclassement au profit des riverains privés sont possibles (pas sur tous les tronçons) mais ont été peu mises en oeuvre. Une réflexion est en cours à ce sujet et pourrait faire l'objet d'une inscription à la loi de décentralisation. Les crédits affectés à l'entretien et à la gestion du DPF non navigable sont en baisse constante depuis 2010. Ils étaient de 10 millions d'euros en 2010. Ils ont chuté à 4,5 millions en 2012 et s'établissent à près de 2 millions en 2013 (sachant qu'1,3 M sont normalement nécessaires annuellement à la seule Loire). De plus, avec la décentralisation des routes, l'État n'a plus de personnels d'exécution pouvant faire en régie les travaux d'entretien. Compte tenu de cette situation, l'État ne sera pas en mesure de satisfaire aux obligations qui lui sont fixées par la loi60, et qui sont celles de tout propriétaire. Cette situation rend plus urgent le transfert ou le déclasse ment du DPF, alors même que la diminution des crédits risque de les rendre plus difficiles. Il est de plus difficile de gérer le lit sans se préoccuper des digues protégeant des populations qui bordent les rives : les deux sujets sont physiquement liés.
c) Une situation périlleuse du point de vue juridique Cette situation comporte de nombreux risques pour l'État, dont celui lié à sa responsabilité pénale. Le défaut d'entretien de certains cours d'eau entraîne un relèvement de la ligne d'eau, notamment en cas d'embâcles, aggravant le risque d'inondation, créant un véritable facteur de danger pour les populations. La combinaison entre ces difficultés de gestion du DPF non navigable par l'État et l'évaluation de la poli tique de l'eau intégrant la problématique plus générale de la gestion des cours d'eau, conduit à devoir s'in terroger de manière ouverte et objective sur l'avenir de ce domaine et sur les raisons et la pertinence du maintien de sa domanialité publique à l'échelon national ou à un autre échelon.
3.2.2.4. Les milieux marins, lieu de superposition des politiques sectorielles
La directive cadre pour la stratégie des milieux marins (DCSMM), adoptée en 2008, fixe un objectif de bon état des eaux marines pour 2020. DCE et DCSMM ont une zone géographique de recouvrement (le territoire compris entre la ligne de base jusqu'au 1 mille nautique pour l'état écologique, mais jusqu'à 12 milles nautiques pour l'état chimique), des finalités et des pressions communes, qui nécessitent une mutualisation des objectifs et des moyens. Elles impliquent cependant des gouvernances différentes, compte-tenu, notamment sur les aspects littoraux et marins, de la diversité des thématiques écologiques à traiter derrière l'objectif de « bon état » (qualité des eaux mais aussi biodiversité et réseaux trophiques, intégrité des fonds marins, déchets, bruit sous-marin...). La superposition de ces objectifs environnementaux et des gouvernances associées posent question. Le littoral, milieu de transition, de grande richesse et de grande fragilité en matière de biodiversité, subit également d'intenses pressions issues de différentes politiques d'aménagement économique et urbain. La densité de population y est souvent importante et l'attractivité touristique provoque des fluctuations difficiles à gérer au niveau des équipements d'assainissement.
60
Néanmoins, il est important de préciser que les crédits DPF ne doivent pas être dédiés :
ni au retrait d'embâcles sur des ouvrages situés sur le DPF (ponts routiers, barrages exploités...) mais dont le retrait relève de la responsabilité du gestionnaire de l'ouvrage ; ni à la correction d'impacts hydromorphologiques liés à des aménagements (grands barrages) qui devrait être intégrée aux obligations du gestionnaire de l'ouvrage dès la conception de l'ouvrage ; ni au nettoyage de campements illégaux suite à une demande d'évacuation ordonnée par le ministère de l'Intérieur (et à ca ractère récurrent). 76/131
Les eaux littorales sont sous forte pression. Cette pression est exercée en ce qui concerne la pollution à plus de 80 % par des éléments venus de la terre, transportés par les fleuves ou rejetées par les stations d'épuration urbaines ou industrielles proches des rivages. Les pressions s'exerçant sur le littoral et le milieu marin ne se limitent pas aux pollutions et découlent des nombreuses activités humaines qui s'y exercent. Les principaux constats réalisés pour le « Grenelle de la mer » présentent une situation contrastée de l'état des eaux littorales : · une baisse de la concentration de certains polluants dans le milieu marin. Ceci est avéré pour le lindane, le DDT, le plomb entre autres, mais d'autres apparaissent comme les retardateurs de flamme ; · une stagnation de la qualité micro biologique des eaux côtières à un niveau insatisfaisant 61 depuis plusieurs années ; · des explosions algales (plancton ou macro algues) non maîtrisées ; · l'apparition de nouvelles inquiétudes, encore insuffisamment documentées, notamment sur les résidus médicamenteux au large de certaines agglomérations côtières. L'économie liée à la mer impose des infrastructures et des capacités d'accueil portuaires et touristiques (plaisance, etc.) importantes, ainsi que des implantations industrielles ou agroalimentaires dans l'arrièrepays, induisant une pollution spécifique (eutrophisation, phénomènes de blooms algaux et marées vertes, clapages de sédimentes contaminés, artificialisation des sols, modification du trait de côte à l'origine de phénomènes érosifs perturbateurs pour les milieux et les activités humaines, etc.). L'épuisement des ressources terrestres, et par conséquent l'exploitation renforcée de ressources marines est aussi à la base du développement attendu d'activités en mer (par exemple les granulats marins, les énergies marines renouvelables,.. ). L'économie de la pêche et de la conchyliculture exige à la fois de la qualité dans les eaux utilisées et des infrastructures à terre. Elle est très sensible aux pollutions directes ou indirectes via les cours d'eau, issues des activités, et se déversant à proximité de ses installations. Les activités agricoles à l'amont ainsi que le dérèglement du traitement des eaux pluviales peuvent condamner temporairement l'exercice de leur activité. Or, tant les exigences de santé publique que le respect des conventions internationales auxquelles la France a adhéré 62 et les deux directives européennes qui s'appliquent de façon combinée sur les zones littorales : DCE et DCSMM ainsi que la directive « nitrates » nécessitent des actions ciblées et interfacées par des acteurs identifiés et coordonnés disposant de moyens adaptés. Des actions ciblées La finalisation fin 2012 des évaluations initiales des eaux marines permet aujourd'hui de disposer d'une première synthèse de l'ensemble des connaissances disponibles sur le milieu marin dans un format d'approche écosystémique, sur la base d'une mobilisation inédite de l'expertise scientifique. Surtout, elles permettent de formuler un diagnostic partagé sur les enjeux écologiques, à savoir ce sur quoi la France va porter son effort63.
61
Le comité national de la conchyliculture souligne que 98 % des zones conchylicoles sont insalubres du point de vue de la microbiologie (2 % seulement sont en catégorie A « bonne qualité », ce qui impose un traitement des coquillages avant leur commercialisation. Les dysfonctionnements de l'assainissement non collectif et celui des stations d'épuration en temps de pluie apparaissent comme es causes de cette situation.
62
(1) : convention OSPAR pour la protection du milieu marin de l'Atlantique Nord, convention de Barcelone pour la Méditerranée, convention de Carthagène pour la région Caraïbes, convention de Nairobi pour l'océan indien occidental, convention de Nouméa pour le Pacifique sud.
63
Introduction de substances et de nutriments ; modification des paramètres physiques et hydrologiques des fonds marins ; perturbations sonores ; introduction de déchets marins ; introduction / prolifération de micro-organismes pathogènes et toxigènes ; introduction d'espèces non indigènes ; modification des populations : extraction sélective d'espèces, captures accidentelles. 77/131
Des actions devront répondre à ces enjeux et seront à inscrire dans les programmes de mesures à élaborer d'ici fin 2015 et à mettre en oeuvre dès 2016. Ce macro-calendrier étant commun avec celui de la DCE, le choix effectué par la France est d'articuler finement les processus afin notamment d'être en mesure de consulter l'ensemble des instances concernées et le grand public sur des documents cohérents à compter de novembre 2014. L'objectif à atteindre est de réaliser ou maintenir un bon état écologique du milieu marin en 2020. Pour cela, les besoins suivants ont été identifiés : 1. La protection de l'environnement marin, en particulier sa biodiversité et les aires marines protégées tel que les sites du réseau Natura 2000 (établi en application des directives Habitat Faune Flore et Oiseaux) ; les mesures de gestion de l'espace marin (comme la création et la gestion d'aires marines protégées), d'évolution des usages, de lutte contre les pollutions (notamment dans le cadre d'une amélioration de la mise en oeuvre de la DCE Eaux littorales), d'aménagements, de restauration des écosystèmes, etc. nécessaires pour l'atteinte du bon état écologique des eaux marines (à définir d'ici 2015 et à mettre en oeuvre dés 2016 dans le cadre de la Directive Cadre Stratégie sur le Milieu Marin DCSMM) ;
2.
Les acteurs publics sur le littoral et le milieu marin sont nombreux et encore insuffisamment coordonnés. Pour ce qui concerne les services de l'État, le maillage administratif est à la fois dense et imprécis entre les préfets en charge du littoral, les préfets de région et les préfets coordonnateurs de bassin. Le préfet coordonnateur de bassin n'est en particulier pas membre de droit des conseils maritimes de façades qui vont donner un avis sur les plans d'actions pour le milieu marin (PAMM). Si le préfet coordonnateur de bassin est bien membre du collège chargé d'élaborer les PAMM, collège qui regroupe l'ensemble des préfets compétents sur une sous région marine, conformément au décret relatif à la mise en oeuvre de la DCSMM, le préfet coordonnateur de bassin n'a pas de place privilégiée dans cette instance . Or, les plans de gestion des eaux continentales et des eaux marines doivent être physiquement liés : comment définir la réduction des flux arrivant dans les milieux marins, nécessaire pour le bon état des eaux marines, sans réflexion au niveau des émissions terrestres via les SDAGE ? Le décret d'application de la loi Grenelle qui devait définir les liens entre les documents stratégiques de façades et les documents terrestres, dont les SDAGE, n'est toujours pas paru. Les nouveaux SDAGE de 2015 risquent d'être élaborés sans lien officiel entre les deux documents de gestion : PAMM et SDAGE, ce qui constitue une fragilité juridique. Cependant, le projet de loi cadre sur la biodiversité devrait prévoir un lien de compatibilité réciproque entre PAMM et SDAGE. De plus, le calendrier adopté par la DEB pour l'établissement des premiers programmes de surveillance et des premiers programmes de mesures a été volontairement calé sur celui de la révision des SDAGE, ce qui a nécessité d'accélérer de 10 mois le process DCSMM vis-à-vis du calendrier communautaire qui n'avait aucunement veillé à cela... Du fait de la continuité physique entre l'eau douce et l'eau salée dans les eaux territoriales et de l'origine majoritairement terrestre des pollutions littorales, une meilleure symbiose doit être atteinte entre les opérateurs publics, notamment les agences de l'eau, l'Ifremer, l'ONEMA, l'agence des aires marines protégées, le conservatoire du littoral et le BRGM (hydromorphologie du littoral), le CETMEF, etc. pour la connaissance de l'état du milieu littoral et marin, des pressions et des impacts, la prévention des pollutions et des altérations des milieux aquatiques et pour les programmes de mesure. Le travail déjà bien engagé entre les agences de l'eau, l'ONEMA, et l'IFREMER en ce qui concerne la DCE doit être prolongé en impliquant l'AAMP pour l'extension à la DCSMM.
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L'action publique doit être renforcée par une meilleure intégration des politiques de l'eau continentales et marines, dans l'esprit des directives européennes, ce qui passera parune gouvernance accordant une place plus importante au préfet coordonnateur de bassin et par une contribution accrue des agences de l'eau. Elles bénéficient pour cela de leur expérience : concertation (comités de bassin, commissions territoriales, contrats de milieux, ...), surveillance des milieux, élaboration des plans de gestion (SDAGE, SAGE, contrats de milieux), programmation, gestion financière de redevances fiscales, attribution d'aides. Une plus grande ouverture des agences de bassin aux acteurs de la mer permettrait d'envisager une contribution plus significative qu'actuellement à la préparation des plans d'action pour le milieu marin. C'est dans ce contexte que, suite au « Grenelle de la Mer », les textes ont été pris pour permettre d'atteindre un objectif de 15 % de membres des comités de bassin représentant des enjeux littoraux et maris lors du prochain renouvellement en 2014.
3.2.2.5. L'évaluation environnementale : un levier insuffisamment utilisé ?
L'évaluation environnementale représente un levier puissant pour l'intégration des enjeux environnementaux dans les projets, les plans et les programmes. Elle permet d'intervenir en amont et d'accompagner la conception des projets. La sectorisation des autorisations environnementales induit aujourd'hui des difficultés à faire prendre en compte les enjeux de la politique de l'eau très en amont des projets, le sujet étant souvent renvoyé à l'instruction au titre de la loi sur l'eau. Ce sujet mériterait réflexion en termes d'efficacité de l'action administrative.
3.2.2.6. Les installations classées pour la protection de l'environnement : une politique intégrée
La législation des ICPE intègre de fait tous les aspects environnementaux dont les aspects liés à l'eau : une autorisation ICPE vaut donc autorisation au titre de la loi sur l'eau. Cette logique de législation intégrée vise la simplification pour les pétitionnaires. La logique ICPE a longtemps été une logique industrielle privilégiant l'égalité de traitement entre industriels d'une même branche, dans un souci d'égalité face à la concurrence. Le travail collaboratif au sein des MISEN permet aujourd'hui une meilleure intégration des objectifs liés aux caractéristiques des milieux aquatiques dans les autorisations de rejets. Des progrès sont cependant encore possibles pour coordonner les approches et améliorer le lien entre les législations ICPE (livre 5 du code de l'environnement) et celles concernant l'eau (livre 2 du code), notamment sur les élevages. Les plans de contrôle entre les contrôles de la police de l'eau et ceux des ICPE sont insuffisamment coordonnés autour de thèmes communs.
.........................3.2.3. Une tentative d'intégration territoriale : les plans grands fleuves.
Né après la décision d'abandonner la construction de plusieurs barrages régulateurs sur le Loire, le Plan Loire grandeur nature (PLGN) fur le premier des plans grands fleuves, suivi ensuite par le plan Rhône, né après la crue de décembre 2003 et adopté par le CIADT en 2005. Aujourd'hui, les principaux fleuves français, la Loire et le Rhône, mais aussi la Seine, la Garonne, et, dans un contexte international, le Rhin et la Meuse, sont dotés d'un plan grand fleuve. Ces projets contractualisés par périodes de 6 ans entre l'État et les Régions dans le cadre de contrats interrégionaux État-Régions (CPIER), visent à réaliser des projets d'aménagement durable sur le fleuve et sa vallée, pour la gestion des inondations, la restauration des milieux aquatiques et de la qualité des eaux, voire des aspects liés à la valorisation du fleuve (aspects culturels et patrimoniaux, énergétiques, de transport fluvial). Le contenu de ces plans est très variable, le niveau d'intégration des ambitions et le degré de réalisation des actions aussi. L'évaluation de ces projets contractualisés comme CPIER, qui ont pour certains bénéficié de
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programmes opérationnels du FEDER spécifiques, souligne l'intérêt de ces démarches pour une meilleure intégration des différents enjeux liés aux fleuves. La question de la reconduction de la contractualisation sur ces projets est en cours d'étude.
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.........................3.3. Une gouvernance à consolider pour une mise en oeuvre plus efficace de la politique de l'eau .........................3.3.1. Un risque majeur : la démobilisation des acteurs territoriaux au service des objectifs du grand cycle de l'eau
3.3.1.1. L'eau, sujet majeur dont la complexité est mal appréhendée par les Français
Il faut reconnaître que les problèmes qui préoccupaient la population dans sa vie quotidienne, il y a quelques décennies, se sont en grande partie résolus : les coupures d'eau potable pour cause de pénurie saisonnière, la nécessité de boire de l'eau en bouteille pour questions sanitaires, la condamnation de la baignade sur les plages urbaines pour cause bactériologique...autant de situations qui ne se retrouvent plus que rarement. Les problèmes résiduels s'éloignant du quotidien, la question est désormais d'intéresser les consommateurs, élus et acteurs économiques, qui ne sont pas conscients de l'ampleur et de l'imbrication des enjeux, y compris parce que la moitié des gens qui habitent dans des immeubles collectifs ne voient pas leur facture d'eau globalisée dans leurs charges. Et pourtant, le principe de la participation du public prévu dans la DCE est mis en oeuvre avec des actions telles que la consultation du public lors de l'élaboration des SDAGE, l'information des consommateurs sur la performance du système d'eau et d'assainissement.
Les baromètres nationaux d'opinion des Français, mis en place par les pouvoirs publics avec IFOP, ou par le centre d'information sur l'eau, avec TNS-SOFRES, soulignent que la qualité de l'eau potable et la bonne gestion de la ressource sont des sujets majeurs de préoccupation des Français qui font confiance pour cela aux collectivités locales et à leurs élus. L'utilisation de l'eau du robinet progresse face à l'eau en bouteille, certainement confortée par des considérations économiques. Le souci de la pollution, la crainte d'une dégradation de la qualité et d'un possible manque d'eau dans l'avenir cèdent la place au souci du chômage et des inégalités sociales. Les consommateurs sont très sensibles à l'évolution du prix de l'eau, à la répartition des charges entre utilisateurs de cette eau, et à une plus grande transparence dans les choix politiques dans ce domaine.
Concernant les milieux aquatiques, l'opinion perçoit très peu la disparition de certains milieux, ni le programmes ou actions mis en oeuvre pour les préserver.
3.3.1.2. Une prise de conscience des décideurs à l'occasion de crises : l'eau peut être un problème
Depuis quelques décennies, la politique de l'eau n'est plus perçue comme un problème en dehors de quelques milieux profondément affectés par les séquelles des territoires industriels et miniers ou des pratiques agricoles. L'eau est largement considérée comme une ressource abondante et de qualité, le service aux usagers étant par ailleurs perçu comme un sujet technique et non politique confié à quelques élus spécialisés membres des instances de bassin. La complexité technique du sujet justifie notamment cette spécialisation alors que le « retour » politique est loin d'être évident. La gouvernance particulière des bassins, qui a mis en place des instances spécialisées à l'échelle des questions posées par la gestion des cycles de l'eau, a produit des circuits de spécialistes qui communiquent bien entre eux mais sont dissociés des autres questions d'aménagement du territoire. Les élus en charge de ces territoires ne sont en général pas ceux qui siègent dans les instances de bassin. Aussi les élus en charge de l'aménagement n'ont pas forcément l'information ni la formation nécessaire à la bonne intégration de sujets liés à l'eau aux logiques
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parfois antagonistes. Plus récemment un certain nombre de crises autour de l'eau ont favorisé une prise de conscience accompagnée de la production de nombreux rapports parlementaires : · inondations récurrentes avec des victimes, · émergence de conflits d'usages par manque d'eau lors d'épisodes fréquents depuis le début des années 2000, · contentieux européens (DERU, nitrates en Bretagne) avec des menaces de sanctions financières très conséquentes nécessitant une prise en charge globale sous contrainte. Du côté des acteurs dont l'activité économique ou les aménagements impactent la qualité des milieux aquatiques, en particulier des agriculteurs ou des élus de petites communes rurales, les grands enjeux de la DCE sont très mal appropriés localement avec notamment une grande difficulté à faire le lien entre les grands principes auxquels chacun adhère et la réalité de l'impact local. Plusieurs raisons peuvent être invoquées : insuffisante articulation entre acteurs du territoire local et leur représentation à l'échelle des bassins, effet cumulatif des impacts élémentaires (ex des prélèvements aux conséquences peu perceptibles), décalage des effets dans le temps (ex de la percolation et de la diffusion des polluants vers une nappe qui peut durer plus de dix ans)...
3.3.1.3. Un risque de démobilisation des acteurs territoriaux
Même si la France reste sous surveillance communautaire, le risque majeur de la politique de l'eau est aujourd'hui celui de la démobilisation des acteurs. Les deux sujets sont d'ailleurs étroitement liés puisque les directives dont la DCE supposent d'obtenir des résultats. La phase de mise en oeuvre est donc essentielle. Or, la mise en oeuvre des outils de planification suppose une prise en charge par des maîtres d'ouvrages, si l'on souhaite aboutir à un véritable programme d'action opérationnel, à partir des orientations assez générales et à l'échelle des districts des SDAGE. Deux déficits majeurs sont à souligner au niveau du diagnostic : · l'absence de maître d'ouvrage en certains territoires en charge de porter de façon cohérente et efficace le programme d'action ; · le plus souvent une faible voire une absence association des maîtres d'ouvrage dans le processus décisionnel visant à élaborer le programme d'action opérationnel. Au-delà des aspects juridiques, l'essentiel du problème semble lié à une déconnexion entre des acteurs ancrés dans les territoires, pour qui la politique de l'eau n'est qu'un des aspects des problématiques auxquelles ils ont à faire face, et une approche de plus en plus technique, avec un vocabulaire accessible aux seuls initiés64. Trop souvent en outre, le discours s'appuie sur les obligations communautaires et non plus sur des avancées concrètes pour le territoire, gage de développement durable et d'atouts pour ce territoire. Il est impératif de redonner du sens à l'action. a) Des compétences éparpillées voire orphelines à l'échelle locale Rappelons qu'il n'existe pas de service public « gestion de rivière ou bassin versant » , la règle restant celle de la responsabilité du riverain. Cette règle est devenue obsolète : les propriétaires riverains ne tirent plus profit des sous-produits de la rivière (graviers, essartement...), le cours d'eau devenant source de contraintes voire de danger. Le récent rapport sénatorial établi suite aux inondations dans le département du Var en 2011 a parfaitement décrit la déshérence de l'entretien des cours d'eau non domaniaux. La possibilité pour les collectivités de se substituer aux propriétaires riverains est peu utilisée, du fait de la complexité des procédures (DIG) et de la difficulté à percevoir les ressources sous forme de redevances pour service rendus. Un certain nombre de structures volontaires de bassins versants, syndicats de rivières et établissements publics territoriaux de bassin (EPTB), se sont pourtant mises en place, notamment après des crises pour mener à bien des projets de restauration des cours d'eau ou de lutte contre les inondations. Très souvent, la création de ces structures a permis la mise en oeuvre d'une véritable réflexion à l'échelle du bassin versant, grâce aux animations financées par les contrats passés avec les agences de l'eau : le rôle de l'animation est essentiel pour faire prendre conscience des enjeux aux différents acteurs, créer du lien et bâtir un projet
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Les « masses d'eau », le « bon potentiel », le « registre des zones protégées »... 82/131
collectif. Ces collectivités sont cependant inégalement réparties sur le territoire. Elles ont commencé à se structurer via les EPTB notamment. L'AFEPTB joue un rôle de centre de ressources appréciable pour les EPTB existants mais un certain nombre de bassins versants connaissant des problèmes particulièrement difficiles n'ont pas réussi à construire de maîtrise d'ouvrage à l'échelle du bassin versant. Cette situation qui est préoccupante depuis de nombreuses années devient aujourd'hui problématique du fait des engagements pris pour l'atteinte d'objectifs de restauration des milieux aquatiques au titre de la DCE et des futurs objectifs de réduction des risques de la DI. Deux outils se sont développés à l'échelle territoriale : les SAGE, projet locaux de bassins versants à l'initiative des collectivités territoriales, et les PAOT, à l'initiative de l'État, pour traduire les programmes de mesures en termes opérationnels sur les territoires. Ces outils permettent-ils d'assurer le lien nécessaire entre planification et mise en oeuvre et garantir ainsi l'atteinte des objectifs de résultats sur lesquels la France s'est engagés vis-à-vis de l'Europe ? On constate depuis 20 ans l'émergence de SAGE qui concernent aujourd'hui près de la moitié du territoire national. Leur répartition est très inégale. Près de 100 % du territoire breton est couvert alors qu'en RMC et Rhin-Meuse, peu de projets ont vu le jour 65. La plupart des SAGE ont émergé suite à une volonté politique forte de régler un problème local (inondation, pollution, conflits d'usages...). La Commission Locale de l'eau 66 (CLE) est au coeur du dispositif. Elle constitue un lieu de dialogue et d'arbitrage pour construire une vision commune à l'échelle du bassin versant de la rivière ou à l'échelle de la nappe. L'impulsion donnée par le Président de la CLE est déterminante. Un SAGE définit un véritable projet pour l'eau à l'échelle du bassin versant et pour les territoires qui les composent. Le SAGE approuvé est opposable aux décisions administratives et aux documents d'urbanisme. Il constitue donc potentiellement un puissant facteur d'intégration des politiques. Cependant, le SAGE connaît un certain nombre de limites : · la difficulté parfois à trouver une structure porteuse pour son élaboration ; dans un certain nombre de cas, les études préalables sont portées par des institutions éloignées du périmètre du SAGE (conseil général, région ,) · la durée d'élaboration entre 6 et 10 ans entre l'arrêté de constitution de la CLE et l'approbation du SAGE ; ce délai entraîne un renouvellement des membres élus de la CLE et éventuellement une démotivation notamment si le problème à l'origine de la décision d'élaborer le SAGE n'est plus aussi manifeste (ex une inondation qui ne s'est pas reproduite) ; selon les acteurs rencontrés, cette durée s'explique pour partie par la nécessaire phase d'apprentissage collectif des membres de la CLE afin de construire une vision commune mais aussi par les conséquences du caractère réglementaire du SAGE devenu contraignant, ce qui induit des jeux d'acteurs complexes, et parfois une posture des représentants de l'État trop prudente en raison de la portée future des dispositions et de la difficulté à mobiliser des cadres de bon niveau sur ces sujets territoriaux dans l'état actuel des effectifs des services départementaux ; de plus le formalisme pour la prise de certaines décisions (évolution de la composition de la CLE par ex) rallonge inutilement les délais ; · l'obligation de mise en compatibilité avec les nouveaux SDAGE tous les 6 ans (notamment pour l'atteinte des objectifs de bon état des masses d'eau) ; en effet les SAGE ont presque toujours été construits localement non comme une déclinaison du SDAGE mais comme une volonté locale portée par des Présidents de CLE et des membres qui ne sont pas automatiquement membres du Comité de bassin qui élabore le SDAGE ; · la difficulté à mettre en oeuvre de façon opérationnelle les dispositions contenues dans les SAGE : il n'existe pas de structure prédéterminée de maîtrise d'ouvrage pour porter la mise en oeuvre du SAGE ; certaines actions doivent être portées par des collectivités et des élus confrontés à des enjeux qui peuvent les éloigner du projet de l'eau validé par la CLE ; il n'existe pas de financement dédié qui impose qu'une fois le SAGE approuvé, les mesures envisagées soient prioritaires pour l'attribution des financements publics. De plus, la communication pour permettre la compréhension
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La volonté du législateur n'était pas de couvrir l'ensemble du territoire ni de faire du SAGE le seul outil de politique de gestion in tégrée de l'eau mais de venir palier l'absence de gestion concertée de la ressource en eaux sur certains territoires de bassin versants à enjeux fort en matière de partage de ressource entre acteurs. 66 Qui ne dispose pas d'une personnalité juridique. 83/131
des enjeux et du bien-fondé des objectifs et dispositions est inégalement portée par les élus membres de la CLE. Le SAGE peut être un très bon outil pour construire une conscience collective à l'échelle du bassin versant dans la durée mais c'est actuellement un outil lourd et ce n'est pas un outil immédiatement opérationnel. D'autres outils de mise en oeuvre complémentaires sont donc nécessaires pour la mise en oeuvre rapide des dispositions du SDAGE notamment pour atteindre les objectifs de la DCE. Ceci explique l'émergence de projets opérationnels parfois sectoriels comme les contrats territoriaux des agences de l'eau ou les PAPI pour les inondations, ainsi que la déclinaison opérationnelle des programmes de mesures : les PAOT. L'objet des SAGE n'est pas non plus homogène, certains étant orientés vers la gestion intégrée des milieux et les usages de l'eau, d'autres plus axés sur la résolution d'un problème particulier. Les structures supports de la CLE et leur Président n'ont pas souvent été associées aux processus retenus dans le bassin pour l'élaboration du SDAGE-PDM-PAOT. Le SAGE aurait pu être un outil de déclinaison des objectifs du SDAGE dans les territoires. La lenteur de la mise à jour du SAGE, contrepartie de la démocratie locale qu'ils organisent est par ailleurs un handicap à cette déclinaison dans les délais. Ces propos méritent sans doute d'être nuancés en tenant compte du fait que les délais d'appropriation des outils sont par nature toujours longs. L'État a défini, en lien avec les comités de bassin, les objectifs à atteindre et identifié les moyens nécessaires à la mise en oeuvre de ces objectifs via les programmes de mesures et les PAOT. Or, il n'y a pas de maître d'ouvrage ensemblier systématique prédéfini pour cette mise en oeuvre opérationnelle à l'échelle de la masse d'eau ou du sous bassin versant. De fait, l'État qui est responsable vis-à-vis de l'Europe de la mise en oeuvre de la DCE se sent investi de cette mission d'ensemblier : les PAOT peuvent être vus ainsi ; de même, les agences de l'eau peuvent aussi se sentir investies via des programmes d'actions de bassins versants ; mais ni l'État ni les agences n'ont vocation à être maîtres d'ouvrage. Il y a donc une ambiguïté grave dans le dispositif de mise en oeuvre. À défaut de l'attribution obligatoire de certaines compétences de maîtrise d'ouvrage à un certain niveau, l'action publique de l'État doit se contenter de susciter des vocations, essentiellement auprès de collectivités, avec des coûts de coordination et de transaction très élevés et des succès mitigés. Cette mission de conviction passe par une explicitation claire des enjeux pour les territoires, enjeux qui doivent eu-mêmes avoir été appropriés par les représentants de l'État. b) Une faible association des maîtres d'ouvrage dans le processus d'élaboration du programme d'action opérationnel. En général, les décideurs locaux chargés de la mise en oeuvre des actions n'ont pas été suffisamment associés à l'amont des processus de décision conduisant au diagnostic et à la définition des objectifs de résultat (par exemple, la définition du niveau d'ambition final sur l'atteinte des objectifs du bon état en 2015 n'a pas été défini avec les maîtres d'ouvrages futurs ni avec les Présidents de CLE; il en est de même pour la définition des débits d'objectifs d'étiage). En effet les étapes nécessaires à la résolution d'un problème sont les suivantes : · faire en sorte que les différents acteurs concernés reconnaissent l'existence du problème (sortir du déni). Cette étape est facilitée par une crise ou une situation conflictuelle ; · partager le diagnostic et les enjeux ; · discuter des objectifs ; · construire un plan d'actions. L'importance des deux premières étapes est souvent sous-estimée par les services de l'État, soumis euxmêmes à la nécessité de rendre compte de la pertinence de leurs actions aux instances européennes.. L'objectif global d'atteinte du bon état nécessite pour sa mise en oeuvre d'être décliné en un plan d'actions cohérent, définissant clairement ce qui est attendu de chacun et accompagné des moyens qui seront à mobiliser avec une évaluation transparente permettant de mesurer les progrès accomplis, l'ensemble devant être discuté en amont avec les maîtres d'ouvrage et les financeurs. Or ce processus est à l'oeuvre de façon très inégale selon les bassins. Dans certains cas, même les établissements publics spécialisés (ONEMA et Agences de l'eau) sont insuffisamment associés ; les collectivités sont alors encore moins associées. En revanche dans d'autres cas, les travaux conduits par les services déconcentrés de l'État et les établissements
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publics sont complètement interfacés et associent les acteurs de terrain (notamment dans les petits bassins). Selon les bassins, l'articulation des PDM avec les SAGE est loin d'être totalement effective. c) Une coordination encore insuffisante avec les conseils généraux et les régions Traditionnellement, les Départements et les Régions cofinancent les projets, notamment dans le secteur rural. Depuis quelques années, ces collectivités, investies de façon très variable dans le domaine de l'eau, connaissent des difficultés économiques liées à la crise. Un certain nombre de Conseils généraux se désengagent ainsi des politiques contractuelles pour se recentrer sur leurs compétences obligatoires (aides sociales...). Pourtant, la contractualisation des Agences de l'eau avec les Conseils Généraux sur le financement des opérations eau et assainissement du secteur rural, qui a progressivement élargi son assise du petit cycle de l'eau vers le grand cycle, résulte de pratiques anciennes et est à la base de la mise en oeuvre du volet solidarité urbain-rural des programmes des Agences de l'eau. Certaines Régions se sont investies plus particulièrement dans la planification : au-delà du cas particulier de la Corse (la collectivité territoriale de Corse approuve le SDAGE), ce mouvement est amplifié par les nouvelles missions confiées aux CR sur la biodiversité (Trame verte et bleue) et par la perspective de la décentralisation de la gestion des futurs fonds structurels à partir de 2014. Par exemple, la Région ProvenceAlpes-Côte d'Azur a fortement encouragé la couverture de son territoire par des structures de gestion de bassin versant. La Région Bretagne a émis le souhait d'une plus forte implication dans la planification de l'eau : elle souhaiterait la mise en place d'une Conférence régionale de l'eau qui pourrait alimenter les réflexions du Comité de Bassin concernant le SDAGE et surtout donner de la cohérence en matière de contractualisation sur les projets concernant l'eau en faisant converger sur des objectifs communs les financements européens, régionaux, de l'Agence de l'eau voire des Conseils généraux. S'y ajouterait la mise en place d'un guichet unique pour les porteurs de projets. D'une manière générale, le partage en amont des objectifs visés par la politique de l'eau avec les cofinanceurs est indispensable pour assurer une visibilité concernant les priorités de cette politique. À défaut, les hiérarchisations sont gommées : l'évaluation conduite par l'Agence de l'eau Adour-Garonne sur sa politique d'aménagement de rivière le met clairement en évidence.
3.3.1.4. Une organisation territoriale des services de l'État en profonde restructuration
L'État, au niveau local, est représenté par les Préfets, les services déconcentrés (DDT-M et DREAL, voire DDPP) et les établissements publics de l'État (ONEMA, Agences de l'eau) qui ont des délégations territoriales. Au plan local, il est permis de s'interroger sur les capacités de l'État d'exercer pleinement ses différentes fonctions : · l'État stratège qui définit les grandes orientations et distribue ses moyens en fonction de ces lignes directrices ; · l'État facilitateur et partenaire qui accompagne les acteurs et notamment les collectivités locales au service des politiques publiques et des projets d'intérêt général ; · l'État garant de l'État de droit et de l'utilité publique : fonctions régaliennes notamment police administrative et judiciaire ; arbitrage dans les conflits d'usages. La situation dans l'exercice de ces fonctions est très contrastée selon les territoires. D'ores et déjà, l'État semble avoir des difficultés à exercer certaines missions comme l'illustre l'exemple de la gestion du Domaine Public Fluvial (voir §3.2.2.3.). La répartition des rôles entre les services et les établissements publics de l'État est en théorie claire : la DREAL pilote la mise en oeuvre des politiques publiques et anime les services départementaux et les établissements publics au niveau régional ; la DDT, sous l'autorité du Préfet, exerce la police essentiellement administrative et l'accompagnement des acteurs ; l'ONEMA met en oeuvre la police judiciaire et contribue à l'acquisition des connaissances de terrain ; l'Agence de l'eau intervient notamment au plan de l'incitation. Dans les faits, l'imbrication des compétences est beaucoup plus forte que cette description ne le laisse apparaître. Ainsi, par exemple, depuis l'arrêt de l'ingénierie publique, les
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compétences techniques au niveau départemental ont fortement diminué, créant une attente vis-à-vis des établissements publics et notamment des représentants des Agences de l'eau pour accompagner les collectivités dans le montage de leur projet. Par ailleurs, les pratiques n'ont pas encore toujours suffisamment évolué pour tirer toutes les conséquences de la rationalisation nécessaire de la représentation de l'État. Ainsi, certains témoignages font état de la multiplicité des agents parlant au nom de l'État ou de ses établissements publics, voire de dissensions au niveau local entre les représentants de l'État à divers niveaux et des services de l'État avec des représentants d'établissements publics. Un groupe de travail impulsé par la DEB et rassemblant des représentants des différents niveaux déconcentrés et des établissements publics a proposé en 2012 des réponses sous forme de fonctionnement par projet avec désignation de chef de file et des points réguliers au sein de la MISEN. Il n'apparaît en effet ni souhaitable ni possible d'imposer à chaque échelon régional la même organisation, l'histoire, les compétences disponibles et l'implication des différents acteurs variant d'un territoire à l'autre. Et il serait inefficace de détruire les mécanismes de concertation et d'organisation du travail existants. Il convient donc à la fois de définir le cadre pour améliorer la coordination de l'action des services de l'État et de maintenir la souplesse nécessaire à la prise en compte des paradigmes locaux. La solution pragmatique envisagée par ce groupe de travail n'a pas encore été concrètement mise en oeuvre . Elle semble poser des questions : transfert de responsabilité, confiance dans le fait que les objectifs poursuivis par les différentes structures sont bien les mêmes, capacité à identifier des personnes capables d'être reconnues en tant que leaders... Pour autant, elle est préconisée pour l'élaboration des PAOT et le fonctionnement des MISEN. Cette question révèle aussi de la difficulté à créer une culture technique commune au sein des services. Une certaine démobilisation et un sentiment d'inefficacité des agents des services de l'État, parfois perceptibles, peuvent aussi être induits par le manque de priorisation qui amène à un sentiment de dispersion : par exemple, selon les DDT, les objectifs territoriaux d'atteinte du bon état DCE ont été perdus de vue au profit d'objectifs Grenelle comme le PARCE ou les aires d'alimentation de captages. Une vraie difficulté est celle d'adopter des démarches stratégiques et de faire des choix dans un quotidien soumis à de multiples sollicitations extérieures non prévisibles, d'ordre technique ou politique. La réalité de la déconcentration de la mise en oeuvre de la politique de l'eau au profit d'enjeux territoriaux prioritaires, mais restant compatibles avec les objectifs communautaires, est ainsi questionnée. En lien avec cette exigence accrue d'adaptabilité se pose la question des compétences des agents et de la structure hiérarchique des services. La question des compétences est correctement prise en charge au plan technique, via la formation continue67 et la .formation initiale68. En matière de recrutement, les compétences sensibles peuvent être pourvues avec des concours sur titre ou des contractuels (experts : hydrobiologistes, hydrogéologues, naturalistes). Mais les conditions de recrutement des agents au sein des services de police de l'eau étant soumises à des règles administratives diverses (plafond d'emploi, compteurs ministériels), l'adéquation des compétences aux profils des postes peut poser problème.
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La DEB pilote un plan stratégique de formation des agents et TOUS les agents de DDT-M en charge de la politique de l'eau bénéficient d'une formation « prise de poste » de deux semaines a minima. 68 Les programmes des écoles (agriculture, environnement) ont été adaptés pour intégrer les enjeux de la politique de l'eau. 86/131
.........................3.3.2. Une gouvernance de bassin performante pour la planification mais perfectible en termes de pilotage de la mise en oeuvre (connaissance, concertation, évaluation)
3.3.2.1. L'État et ses établissements publics
a) Le préfet coordonnateur de bassin En dehors des fonctions de planification et de programmation 69 , le préfet coordonnateur de bassin n'a pas de pouvoir de décisions opérationnelles, celles-ci étant du ressort des préfets de départements, qui délivrent les autorisations administratives dans le domaine de l'eau et en contrôlent l'application (police administrative). Il n'a pas en tant que tel de pouvoir d'évocation. Le Préfet coordonnateur de bassin préside la Commission administrative de bassin, qui réunit notamment tous les préfets de départements du bassin et examine notamment les projets de SDAGE. Cette CAB a une vigueur inégale selon les Bassins. Dans les bassins dotés d'un BOP de bassin (voir § ci-dessous), la CAB se prononce aussi sur le BOP de bassin. Le Préfet coordonnateur de bassin s'appuie sur le DREAL de bassin, délégué de bassin, et assure conjointement avec le directeur de l'agence de l'eau l'animation du secrétariat technique de bassin. Ce mode de fonctionnement semble efficace dans les différents bassins. Cette mission d'animation et de coordination des services locaux est essentielle à la cohérence et à la pertinence de la mise en oeuvre de la politique, qui se déploie d'abord à une échelle qui n'est pas une échelle administrative classique. La question de dépasser ces fonctions d'animation et de coordination pour aller vers des fonctions de pilotage avec de vrais pouvoirs peut se poser. Sur le littoral, territoire sur lequel il faut coordonner la mise en oeuvre de la DCE et de la DCSMM, le Préfet coordonnateur de bassin doit se coordonner avec les préfets compétents pour la DCSMM (préfet maritime et préfet de façade). Cette organisation complexe laisse craindre des dysfonctionnements. b) L'articulation entre les services déconcentrés de l'État des niveaux du bassin, des régions et des départements. L'articulation entre les niveaux des services de l'État s'exerce de façon différente selon les territoires : le niveau régional (DREAL), dernier niveau ministériel en charge de la mise en oeuvre des politiques publiques, est à l'interface entre le niveau départemental (DDT-M essentiellement), qui exerce les fonctions opérationnelles, et le niveau de Bassin (DREAL de bassin). En théorie, le niveau de Bassin anime et coordonne les niveaux régionaux qui eux-mêmes pilotent et animent le niveau départemental. L'exercice du pilotage technique entre le niveau régional et le niveau départemental semble plus ou moins efficace selon la taille des régions (le mode fonctionnement avec 2 départements est différent de celui d'une région à 8 départements), les pratiques des services, l'histoire 70, malgré une organisation qui favorise ce nouveau mode de fonctionnement des services. La DREAL participe aux MISEN ; le DREAL est RBOP pour les programmes concernant l'eau (PEB et PR), à l'exception des BOP de bassin évoqués plus loin, et à ce titre, a la responsabilité de la programmation des moyens financiers ; en tant que responsable de l'attribution des moyens humains sur la zone de gouvernance, il exerce aussi des responsabilités fortes sur
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S'il existe un BOP de bassin, ce qui n'est pas le cas dans tous les bassins ; de plus, mis à part pour le BOP PLGN, les BOP de bassin ne concernent que les inondations. 70 D'après l'audition de certains services déconcentrés. 87/131
l'attribution des moyens humains, même si l'exercice est encadré par le niveau national grâce au BBZ. Le dialogue de gestion est l'occasion d'ouvrir un dialogue stratégique avec les unités opérationnelles sur le bilan de l'année en cours et sur les perspectives de l'année future. Enfin, la feuille de route des services déconcentrés, tant celle de la DEB que celle de la DGPR, demande au niveau régional de veiller avec le niveau départemental à l'établissement de priorités territoriales, déclinant les priorités nationales en fonction des enjeux et du contexte local. L'articulation entre les DREAL de régions et la (les) DREAL de bassins est plus compliquée. En effet, selon la géographie, une région peut appartenir à un, deux voire trois bassins. Le cas de la Bretagne ou de la Franche-Comté, incluses dans un seul Bassin, est très différent de celui de la Bourgogne, qui voit le territoire régional partagé en trois tiers entre trois Bassins qui n'ont pas les mêmes enjeux à l'échelle du bassin (Loire-Bretagne, Seine-Normandie et Rhône-Méditerranée). Une DREAL à cheval sur plusieurs bassins (voire une DDT, comme la Côte d'Or) exerce son rôle d'interface avec plus de difficultés : elle doit élaborer des synthèses et assimiler des règles et des approches qui peuvent différer assez sensiblement d'un Bassin à l'autre. La géographie des bassins peut aussi influer : un bassin de plaine, très homogène, se prête mieux à l'exercice d'un PAOT départemental, qu'un territoire montagneux, pour lequel la concertation à l'échelle du bassin, éventuellement à une échelle interdépartementale semble nécessaire. De plus, l'architecture des BOP dans le domaine de l'eau est différente d'un bassin à l'autre : il existe dans certains Bassins des BOP de bassin 71 avec des géométries variables (Rhône-Méditerranée, SeineNormandie, Rhin-Meuse, plan Loire). Dans ce cas, c'est la DREAL de bassin (ou le Préfet de bassin) qui est responsable de BOP : elle s'appuie sur les DREAL de régions pour la programmation et le dialogue avec les services départementaux, mais la décision budgétaire revient au niveau du Bassin. Cette situation hétérogène au niveau national n'est pas très lisible. Enfin, selon la taille des bassins, le niveau régional a un rôle d'interface plus ou moins prononcé : dans les bassins de petite taille comme Rhin-Meuse, des habitudes de proximité avec le niveau départemental ont pu perdurer, ce qui est très difficile avec des bassins de très grande taille.
3.3.2.2. Les comités de bassin
Le rôle des Comités de Bassin est essentiel en termes de planification et de définition de l'ambition financière de la mutualisation interne au bassin. Pour être efficaces, les Comités de Bassins doivent être vécus comme légitimes et représentatifs. Le centre de gravité des préoccupations des Comités de Bassin a évolué au cours du temps : au départ, la préoccupation était la réduction des pollutions ponctuelles, industrielles et collectives. Avec la loi de 1992, il leur a été confié une responsabilité de planification avec l'élaboration des SDAGE. Aujourd'hui, les Comités de Bassin sont moteurs en matière de mise en oeuvre de la DCE. Leur composition doit refléter l'évolution de ces responsabilités. Des questions se posent : les CB doivent-ils être représentatifs de ceux qui payent (les redevables), de ceux qui bénéficient des aides des agences de l'eau, des bénéficiaires finaux (par exemple, les utilisateurs de la ressource en eau ou des milieux aquatiques) ? Et dans quelle proportion, pour permettre une mise en oeuvre efficace et donc assumée par tous les acteurs ? Les critiques entendues portent sur la composition des Comités de Bassin et sur le mode de nomination, la question de la désignation pouvant faire débat (une désignation est ressentie comme moins légitime qu'une élection). Concernant la composition, certains souhaitent des ajustements limités, comme la séparation du deuxième collège en deux collèges de 20 % l'un représentant les usagers de l'eau, l'autre la société civile (les ONG et défenseurs des milieux aquatiques...). D'autres souhaiteraient une modification plus importante, donnant la majorité aux élus, solution contestée par de nombreux acteurs, dont des élus, qui attirent l'attention sur le fait que l'intérêt de la composition actuelle des CB est que la discussion en cas de conflits est nécessaire, aucun collège n'étant majoritaire à lui seul, et que ceci permet de construire des consensus ou des compromis. Les membres des trois collèges visés ci-dessus représentant un sous-bassin peuvent se constituer en
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La volonté de créer des BOP de bassin correspondait à la volonté d'affirmer le niveau de bassin comme niveau de pilotage de la politique de l'eau pour l'État. 88/131
commission territoriale. Elle a pour mission de proposer au comité de bassin les priorités d'actions nécessaires à ce sous-bassin et de veiller à l'application de ces propositions. Certains trouvent que les commissions territoriales sont peu efficaces et souhaitent une plus grande importance aux instances de concertation élargies, forums de bassin. Dans certains bassins, en revanche, cet échelon de commission territoriale semble avoir été mobilisé pour élaborer des documents de planification opérationnelle.
3.3.2.3. Les offices de l'eau.
Outre-mer, il y semble y avoir une ambiguïté entre le rôle de la DEAL, secrétaire du CB et l'OE ; cette ambiguïté est en passe d'être levée par la passation de conventions entre État et OE qui précisent le rôle de chacun (exemple Martinique).:
.........................3.3.3. Une organisation nationale insuffisamment coordonnée
3.3.3.1. Des relations contrastées avec la Commission européenne
Aujourd'hui la France consacre la majeure partie de son expertise et de ses efforts humains et financiers dans le domaine de la politique de l'eau, à la mise en oeuvre de la directive cadre sur l'eau afin d'atteindre le bon état écologique des eaux à des niveaux croissants en 2015, 2021, 2027. L'ensemble des directives sectorielles (ERU, nitrates, eau potable,..) sont des mesures de bases de la DCE c'est-à-dire des conditions nécessaires, mais pas toujours suffisantes pour l'atteinte du bon état. L'effort doit être poursuivi et intensifié pour la mise en oeuvre de ces directives, dont certaines font l'objet de contentieux. Par ailleurs, des réflexions ont été entreprises pour améliorer le savoir-faire français en matière de travail avec l'Union Européenne ; Un séminaire organisé à l'automne 2012 sur la mise en oeuvre des politiques communautaires dans le domaine de l'eau, en présence de parlementaires européens a permis de tracer des voies de progrès. Enfin, la Commission Européenne reconnaît officiellement, notamment dans le Blueprint sur la mise en oeuvre de la législation européenne dans le domaine de l'eau, des atouts forts à la France. Contentieux : La France toujours sous surveillance, même si la situation s'est beaucoup améliorée En matière contentieuse, la situation s'est beaucoup améliorée : dans le domaine de l'eau, il n'y a plus de directive en retard de transposition, les contentieux pour défaut de mise en oeuvre, qui étaient très préoccupants au milieu des années 2000, se sont très nettement améliorés. À noter qu'il n'existe pas en France de mécanisme d'action récursoire par lequel l'État pourrait se retourner vers les collectivités territoriales pour le paiement des sommes forfaitaires (qui ont un rôle répressif) et des astreintes (fonction dissuasive). En France, l'État est mis à contribution pour le manquement d'une collectivité territoriale, conformément au traité de l'UE. Procédures contentieuses en cours : · la directive "nitrates" (directive 91/676/CEE du 12 décembre 1991 relative aux pollutions par les nitrates d'origine agricole) : pour la désignation des zones vulnérables (condamnation de la CJUE le 13 juin 2013 pour insuffisance de désignation) ; pour les programmes d'actions (en attente de la date d'audience de plaidoirie). La Commission a rappelé, lors de l'audition du 13 mai 2013 que la directive nitrates est une mesure de base obligatoire de la DCE (annexe VI, partie A). Cette substance peut être responsable de la non-atteinte du bon état. Concernant les algues vertes, une demande d'information de la Commission a été adressée en août 2011, réponse de la France le 20 octobre 2011. · La directive "eaux résiduaires urbaines" (directive 91/271 du 21 mai 1991):
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Non-respect de l'échéance 31/12/1998 : Les efforts ont abouti au classement de la procédure le 24 janvier 2013, tous les travaux étant terminés. Non-respect de l'échéance 31/12/2000 : contentieux en cours au titre de l'article 258 ; jugement attendu fin 2013/début 2014, au moment où les derniers travaux seront terminés (Cayenne, St-Denis, St-Claude-Basse-Terre, Bastia et Ajaccio) Non-respect de l'échéance du 31/12/2005 : il reste au 1er janvier 2013 une quarantaine de stations dont les travaux ne sont toujours pas terminés et pour 20 d'entre elles les travaux n'ont toujours pas démarré; il sera difficile de respecter l'objectif de fin des travaux à la fin 2013; un avis motivé devrait arriver prochainement.
Concernant la directive cadre sur l'eau aujourd'hui plus de 10 États font l'objet de procédures contentieuses ou pré-contentieuses mais pas la France. Le 5 septembre 2011, la France a rejoint le dispositif EU pilot, procédure informelle préalable au précontentieux, par voie électronique, qui permet à la Commission de demander sous dix semaines des explications sur des manquements potentiels (essentiellement sur des dossiers locaux) avant ouverture éventuelle d'un pré-contentieux : quelques dossiers concernent la DCE et la directive fille "eaux souterraines". Il est important de répondre dans les deux mois à ces EU Pilot pour clôturer les procédures potentielles très en amont. De même, la Commission apprécie une intervention à bon niveau le plus en amont possible. Un des risques de contentieux souvent oublié porte sur l'objectif de non dégradation des masses d'eau. La procédure d'autorisation loi sur l'eau doit permettre de le prendre en compte à travers la justification de la compatibilité avec le SDAGE. L'instruction adéquate des dossiers loi sur l'eau doit nous éviter les contentieux qui sont potentiellement de plus en plus nombreux : la procédure EU pilot est très aisée à déclencher pour une association environnementale. La plupart des procédure EU Pilot relatives à la DCE porte la dessus Un savoir-faire français en cours d'amélioration La position française auprès de la Commission Européenne est perfectible, pour influer le plus en amont possible sur l'élaboration des directives, les méthodologies de mise en oeuvre et d'évaluation, les procédures contentieuses et pré-contentieuses. Le droit communautaire étant d'inspiration anglo-saxonne, il conviendrait de s'inspirer des méthodes anglosaxonnes : les méthodes françaises traditionnelles, assez éloignées du lobbying, entraînent peu d'implication à l'amont. La France ne participe pas assez aux débats européens. Préparer quelques amendements ne suffit pas lorsqu'un texte a déjà fait l'objet de longs travaux et que les orientations stratégiques sont déjà arrêtées. À noter aussi un déficit de bureaux d'études capables de répondre aux appels d'offres de la Commission et de les remporter pour faire les études d'impact des textes ou du benchmark. Un point soulevé aussi par certains acteurs et notamment des parlementaires 72 est celui de l'insuffisante appropriation des réglementations européennes par les pays membres, qui s'explique notamment par une association insuffisante des acteurs de terrain aux débats sur les directives : ces acteurs, qui sont ensuite chargés de la mise en oeuvre, vivent les directives non comme des facteurs de progrès, mais comme des contraintes juridiques. Une fois les directives adoptées, la France a parfois des difficultés à effectuer la transposition de façon complète mais sans réinterpréter la directive : les deux écueils existent.
72
Cf. interventions de Fabienne Keller et de Michel Dantin à la rencontre nationale du 10 octobre 2012 : "pour une bonne application du droit européen dans le domaine de l'eau". 90/131
Ensuite, la France applique les textes avec bonne volonté, mais parfois maladroitement. La distinction entre une ambition politique, qui vise à mobiliser en interne et peut donc minimiser les difficultés, et des engagements fermes pris vis-à-vis de l'Union Européenne n'apparaît pas toujours (voir le § sur la pertinence des objectifs). De même, la nécessité de respecter les formes (délais, justifications) vis-à-vis des demandes de la Commission n'a pas toujours été perçue à sa juste mesure, ce qui a pu entraîner des contentieux. La Commission reproche par exemple à la France au titre du blueprint (sur la partie analyse des plans de gestion) de ne pas justifier suffisamment ses demandes de dérogations d'objectifs, alors que la France s'est fixée un saut qualitatif plutôt ambitieux concernant les objectifs de qualité écologique des eaux à l'horizon 2015. Dans les années 80, 90 et le début des années 2000 la France n'était pas considérée comme un « bon élève » dans la mise en oeuvre des directives (ERU, baignade, nitrates,... ). Nous avions de nombreuses procédures de contentieux tant sur la transposition, le rapportage, que sur la mise en oeuvre. Au début des années 2000, la France, s'est fortement investie pour rattraper son retard au niveau européen dans le secteur de l'eau. Elle l'a fait via diverses actions : · en renforçant sa présence à Bruxelles, la France a depuis le début des années 2000 placé des experts nationaux au sein de l'unité eau de la DG environnement, ce qui facilite et les contacts avec la Commission et permet de mieux comprendre quelles sont les sources potentielles d'amélioration ; · en améliorant la transposition des directives, des efforts ont été fait par les services juridiques pour améliorer la transposition des textes européens ; · en améliorant le rapportage, le ministère, les agences de l'eau, l'ONEMA, les services déconcentrés qui fournissent ont amélioré la qualité des données fournies à la Commission ; · le ministère a consacré une personne à plein temps a la résolution des contentieux sur la directive ERU. Aujourd'hui même si il subsiste quelques cas, la France est plutôt citée en exemple, à l'exception notable de la directive nitrates, (communication sur la situation des agglomérations visà-vis la DERU par exemple). La Commission Européenne reconnaît officiellement, notamment dans le Blueprint sur la mise en oeuvre de la législation européenne dans le domaine de l'eau, des atouts forts à la France : la gestion par bassins versant, la récupération des coûts, la participation du public sont mis en avant.
3.3.3.2. L'administration centrale
a) L'articulation des DG. La séparation de la politique de l'eau entre la DEB et la DGPR a été critiquée par le Conseil d'État dans son rapport sur "l'eau et son droit". De fait, le choix de rattacher la prévention des inondations à la DGPR résulte d'une volonté de traiter d'abord l'inondation comme un risque, c'est-à-dire, la juxtaposition d'un phénomène potentiellement dangereux et d'enjeux plus ou moins vulnérables, et non pas comme un problème de fonctionnement des milieux aquatiques : cette vision semble confortée par la directive européenne sur l'évaluation et la gestion des risques d'inondation ce qui ne dispense pas les deux directions d'administration centrale de se concerter pour permettre une bonne articulation des politiques : le décret d'organisation de l'administration centrale du MEDDE est rédigé dans ce sens. b) L'exercice du pilotage par la DEB 1) élaboration et évaluation de la politique nationale Le rapport de l'Inspection générale des finances (IGF) sur « l'État et ses opérateurs » analysait la situation particulière du domaine de l'eau. « La volonté d'associer les acteurs locaux aux décisions et à la mise en oeuvre des politiques de l'État en matière d'eau et de biodiversité a été renforcée dans le cadre du Grenelle de l'environnement : la politique de l'eau est caractérisée par un ancrage territorial important et la volonté de l'État d'associer l'ensemble
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des parties prenantes à la politique publique. En effet, il est nécessaire d'obtenir l'adhésion des différents acteurs et usagers et leur mobilisation pour le financement et l'accomplissement de certaines missions. De plus, la répartition de la ressource peut être conflictuelle : il est donc nécessaire de résoudre des oppositions locales. Ceci explique que l'État se retrouve minoritaire au sein des CA des agences de l'eau, avec 1/3 d'administrateurs. Ceci explique aussi le besoin de nombreuses instances de concertation, aussi bien au niveau national que local, au sein desquelles l'État et ses EP ont parfois du mal à imposer leurs orientations stratégiques. Cette gouvernance spécifique contraint donc l'exercice de tutelle et de pilotage stratégique de l'État : cette gouvernance interdit à la tutelle de s'inscrire uniquement dans une logique descendante : l'État doit s'inscrire dans une logique de négociation avec les parties prenantes et les acteurs locaux : définition de la stratégie en matière de politique de l'eau, dans le cadre de la définition des SDAGE (élaborés par les CB) et des programmations pluriannuelles des AE. L'État réalise donc un travail d'influence dans le cadre des obligations communautaires et des orientations nationales via l'envoi de lettres de cadrage et d'analyse du Ministre aux présidents de CB), ou la mise en place de démarches locales de négociation par les Préfets et les DREAL de bassin ». L'élaboration de la politique nationale, qui est fortement encadrée par les textes européens, doit être négociée avec les parties prenantes. Ceci représente une charge de travail importante, sur des sujets très techniques, qui demandent un pilotage très fort de la politique par la DEB. Concernant la mise en oeuvre de la DCE, l'organisation actuelle interroge : il existe un référent DCE, adjoint à un chef de bureau, très compétent, mais qui n'a pas un statut de chef de projet ensemblier ayant autorité sur l'ensemble des sujets techniques traités par quatre sous-directions et dont les moyens d'actions interrogent, l'essentiel des ressources étant dans les établissements publics. 2) pilotage et animation des services déconcentrés La DEB élabore régulièrement une instruction ministérielle adressée aux préfets leur adressant les priorités nationales et leur demandant une déclinaison de cette politique à l'échelon local, en fonction des enjeux territoriaux. Cette pratique est utile et appréciée, même si certains estiment que le nombre de priorités est trop important et regrettent que des circulaires intermédiaires perturbent parfois l'ordre des priorités. 3) coordination interministérielle (MIE) Des marges de progrès semblent possibles : entre ministères, la mission interministérielle de l'eau est vue comme un lieu purement administratif, d'examen des textes, mais ne se saisit pas des questions plus stratégiques de l'articulation entre les politiques, par exemple :comment la renégociation de la PAC prendelle en compte les effets sur la politique de l'eau ... N'y a-t-il pas là un champ de réflexion, au-delà des réunions d'arbitrages interministérielles, pour avoir une instance de réflexion stratégique au niveau des directeurs ? 4) tutelle des établissements publics La tutelle est encadrée par des textes et des pratiques administratives : contrats de performance systématiques, rapport annuel de performance analysé par la DEB dans le cadre d'une réunion annuelle stratégique organisée à la fin du premier trimestre de l'année N+1 ; généralisation de l'envoi de lettres de missions à chacun des directeurs ; part variable de performance mise en place pour les directeurs d'opérateurs. Quelques critiques ont pu être émises sur un nombre important d'objectifs et d'indicateurs qui nuit à la hiérarchisation des tâches et au caractère stratégique de ces documents. De même, les établissements se voient périodiquement confier des missions supplémentaires, pour des raisons de pénurie budgétaire plus que d'efficacité recherchée dans l'action, sans qu'une réflexion approfondie sur la manière de les intégrer à leurs missions ne soit conduite, ni sans toujours s'assurer de la disponibilité des moyens humains pour les assumer.
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c) Des incertitudes sur le devenir de l'ONEMA La gestion de l'ONEMA a fait l'objet d'une insertion dans le dernier rapport public de la Cour des comptes de février 2012. Après avoir reconnu les difficultés rencontrées par ce jeune établissement public, confronté à la nécessité de répondre dans les délais au rapportage de la directive cadre sur l'eau, et soumis à des demandes croissantes de la tutelle, sans que les moyens humains n'aient été mis en place (la Cour rappelle notamment la question de l'absence de statut adapté des contractuels de l'ONEMA pour les fonctions d'encadrement scientifique et technique), les critiques ont porté sur de nombreuses défaillances et irrégularités dans la gestion administrative et financière de l'établissement, qui font l'objet d'une saisine de la Cour de discipline budgétaire et financière (ce qui n'est pas l'objet de l'évaluation) mais aussi sur un doute quant à l' atteinte des objectifs de l'établissement. La Cour critique notamment la mise en oeuvre du système d'information sur l'eau (SIE) qu'elle estime défaillante (retards dans les projets informatiques du fait du manque de moyens et de compétences, absence de hiérarchisation) dans un contexte organisationnel complexe, et renvoie son appréciation définitive au bilan à mi-parcours des programmes de mesures; la Cour estime que la police de l'eau est mal coordonnée avec les services de l'État et insuffisante en termes de pressions, la tutelle en réponse contestant ces critiques ; enfin, la Cour conteste l'appui aux politiques de l'eau et de l'assainissement au titre de la solidarité inter-bassins (Corse et Outre-Mer), critique qui tombe en partie avec la clarification apportée par la loi de finances pour 2012 qui a conforté le rôle de l'ONEMA dans le dispositif. Le nouveau contrat d'objectifs de l'ONEMA pour 2013-2018 approuvé par son Conseil d'Administration répond aux différentes critiques de la Cour en matière de hiérarchisation des projets et de gestion administrative et financière. Le problème des statuts des personnels reste lui entier ; il conduit à fragiliser cet établissement qui perd petit à petit son personnel le plus qualifié et ses compétences. L'inertie des pouvoirs publics à résoudre cette question lancinante depuis des années trouve sa source notamment dans des désaccords interministériels (MEDDE, DB), un contrôle financier tatillon exercé en opportunité et non en droit et des arbitrages incomplets sur l'évolution de la situation des contractuels dans la fonction publique. Enfin, le projet de création de l'agence française de la biodiversité envisage d'englober l'ONEMA au sein de cette future Agence, qui pourrait être créée en application de la future loi-cadre sur la biodiversité d'ici 2015. Compte-tenu du rôle majeur de l'ONEMA pour la mutualisation des connaissances, des expertises et des données sur l'eau, qui vont bien au-delà de la seule biodiversité, il faudra veiller à ce que les missions spécifiques à l'eau ne souffrent pas d'une telle réorganisation. d) La mutualisation entre les agences de l'eau en progrès mais encore perfectible Les agences de l'eau et l'ONEMA se sont engagés dans le cadre de la révision générale des politiques publiques à mutualiser une partie de leurs moyens. Ceci s'est traduit notamment par : · le lancement de la création de banques de données nationales pour le système d'information sur l'eau ; · la centralisation de la perception des redevances dont les taux sont définis au niveau national : redevances élevage, pollutions diffuses, protection des milieux aquatiques ; · la mise en commun d'actions structurantes en matière de communication (cf. le baromètre de l'opinion des Français, créé en 2011, (voir § 3.3.1.1.) ; · le partage d'activités liées aux fonctions support, avec notamment la mutualisation des achats ; · le déploiement d'outils partagés en matière de gestion des ressources humaines (cf. bourse de l'emploi inter-établissements) ; · la mutualisation des systèmes d'information: gestion des redevances, télé services, comptabilité, ressources humaines. L'élaboration d'un cadre de cohérence commun des systèmes d'information doit permettre la mise en oeuvre de leur interopérabilité. Les mutualisations engagées devraient permettre d'obtenir des gains d'effectifs dans les domaines concernés, et un redéploiement en interne des effectifs, notamment des fonctions support vers les fonctions territoriales. Elles ont permis également un renforcement de la coopération entre les agences de l'eau et
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avec l'ONEMA. Elles donneront pleinement leurs résultats à moyen terme. Cependant, dans de nombreux domaines, une mutualisation plus poussée semblerait souhaitable : force est de constater que le rôle de « 7ème agence » que certains imaginaient voir jouer à l'ONEMA n'a pas pu aboutir, l'ONEMA n'étant pas et ne pouvant pas être une représentation nationale des agences de l'eau.
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.........................3.4. Face à une problématique très complexe, des progrès nécessaires pour parfaire, mobiliser et diffuser les connaissances au service de l'action
La conception, la mise en oeuvre et l'évaluation d'une politique aussi complexe que celle de l'eau nécessitent de pouvoir s'appuyer d'une part sur des connaissances issues de la recherche scientifique et, d'autre part, sur des données pertinentes, fiables et facilement accessibles.
.........................3.4.1. Une recherche et développement de bon niveau mais encore trop faible dans certains secteurs73
3.4.1.1. Les effectifs et la mise en réseau
Selon l'état des lieux dressé par l'ONEMA et l'Office International de l'Eau à partir du développement de la base CARTEAU, on compte au niveau national près de 5 260 ETP (équivalents temps plein) dans la recherche publique et privée sur l'eau. Environ 75 % des effectifs sont dans le secteur public (4 015 ETP dont 2 800 chercheurs et enseignantschercheurs répartis dans 193 unités de recherche pour la plupart développées en partenariat entre organismes et universités). Près de la moitié des effectifs est répartie dans six établissements publics de recherche (CNRS, IRSTEA, IRD, BRGM, INRA, IFREMER), et l'autre moitié distribuée de façon très inégale dans les universités. Les 2/3 des effectifs du secteur public se situent en Île-de-France, LanguedocRoussillon, Midi-Pyrénées et Rhône-Alpes. L'outre-mer représente environ 1% de la totalité des effectifs. La recherche dans le secteur privé représente environ 1 240 ETP répartis dans 56 unités de recherche, pour l'essentiel situé en Île-de-France. La mise en réseau (régionale ou thématique) des chercheurs et des unités de recherche se fait à travers la mise en place de structures collectives telles que Groupement d'Intérêt Scientifique (GIS), Groupement de Recherche (GDR) , Institut Fédératif de Recherche (IFR) ; Observatoire des Sciences de l'Univers ( OSU) ; Observatoire Régional de l'Environnement (ORE) ; Pôle de compétitivité ; cluster notamment.
3.4.1.2. Les financements
En dehors du financement de base assuré par le ministère de la recherche, les sources de financement sont diversifiées : · les équipes françaises reçoivent en moyenne 10 % des financements des projets retenus sur le programme cadre de recherche de l'Union européenne (PCRD). Le montant annuel est environ de 10 M pour les projets eau (pour le PCRD, les programmes LIFE et INTERREG) ; · l'Agence Nationale de la Recherche (ANR) n'a pas de programme spécifique dédié à l'eau, mais différents programmes thématiques permettent de soumettre des projets sur l'eau. Ces derniers représentent un financement annuel de l'ordre de 10 à 12 M ; · le ministère chargé de l'environnement a lancé sur la décennie précédente de nombreux programmes thématiques abordant l'eau (eaux et territoires, écotoxicologie, zones humides, risques liés aux pesticides, aux perturbateurs endocriniens, aux inondations, écosystèmes tropicaux,
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A-P Mettoux-Petchimoutou (2012) Eaux et milieux aquatiques : panorama des acteurs de Recherche et Développement, Synthèse CARTEAU 2012, ONEMA-OIE, 28 p. AQUAE, Recherche et formation : deux atouts au service de la compétitivité des entreprises de l'eau, n°56, FP2E, 4 p. 95/131
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biodiversité et changement global, invasions biologiques, etc.) qui apportaient un montant de crédits incitatifs à la R&D sur l'eau de l'ordre de 2 M par an mais cette ressource se tarit ; l'ONEMA a dorénavant pris le relais du ministère pour financer les actions de recherchedéveloppement. En partenariat avec les agences de l'eau, il soutient le transfert et la valorisation des résultats issus des programmes de recherche, le développement d'outils et de méthodes opérationnelles vers les utilisateurs et vers les porteurs d'enjeux. Les Agences de l'eau interviennent également de leur côté en ciblant des thématiques de recherche en lien avec des questionnements spécifiques ancrés dans les enjeux territoriaux de leur bassin (PIREN Seine, Seine-aval, Plan Loire Grandeur Nature par exemple). Le montant des moyens apportés par l'ONEMA et les agences de l'eau est de l'ordre de 15 M par an ; les collectivités interviennent également et la moitié des contrats de projet État-région de métropole incluent des actions de R&D dans le domaine de l'eau. Des « clusters » de recherche publique et privée sur l'eau se sont ainsi développés en Rhône-Alpes, région Centre, Lorraine et Languedoc Roussillon. Ils sont à l'origine des trois pôles de compétitivité sur l'eau labellisés en 2010 (Eau à Montpellier, HYDREOS en Alsace-Lorraine et DREAM à Orléans). Leur action s'inscrit dans les priorités fixées par le groupe eau du Comité stratégique des éco-industries (COSEI) qui est l'un des comités de filière du Conseil national de l'industrie. les entreprises de l'eau investiraient par ailleurs 126 M par an dans la recherche et développement74 en particulier pour développer de nouvelles technologies pour la gestion de l'eau et la protection des milieux ; pilotage des usines en temps réel, recherche de fuites, traitement des boues, gestion patrimoniale, surveillance des eaux de baignade...
3.4.1.3. Une recherche de bon niveau, pluri-acteurs, où l'ONEMA joue de plus en plus un rôle d'orientation et de coordination
Globalement la recherche française sur l'eau est d'un bon niveau. La France est présente et souvent fortement impliquée dans les initiatives communautaires structurantes : plate-forme technologique sur l'eau et l'assainissement (avec la présence affirmée des grandes entreprises françaises), initiative communautaire d'interface entre la science et la politique de l'eau (coordonnée par l'ONEMA conjointement avec la direction générale de la recherche de la Commission), initiative de programmation conjointe sur l'eau (présence de l'ANR, de l'ONEMA et de l'alliance ALLENVI), partenariat européen sur l'innovation dans le secteur de l'eau. Au plan national, l'ONEMA joue un rôle d'orientation et de coordination de la recherche finalisée conformément à la mission qui lui a été confiée par la loi de 2006, en relation étroite avec les ministères, les établissements publics et les parties prenantes. En particulier des partenariats pluriannuels sont conventionnés entre l'ONEMA et les principaux organismes publics de recherche qui apportent leur soutien scientifique et leur capacité d'expertise pour appuyer la mise en oeuvre de la politique de l'eau.
3.4.1.4. Des progrès pour mieux anticiper les besoins des politiques publiques
Il convient cependant de relever, à l'expérience notamment de la DCE, que face à des politiques qui reposent sur des questions scientifiques difficiles (par exemple le concept de « bon état »), le besoin d'expertise a été insuffisamment anticipé dans le passé. La mobilisation organisée de la recherche pour appuyer les politiques publiques a progressé au cours des dernières années notamment avec la création de l'ONEMA et la création de son Conseil Scientifique. Il s'agit d'un enjeu important pour la pertinence et l'efficience de l'action publique, car la mobilisation du dispositif de recherche ne se fait pas spontanément, notamment en raison des contraintes centrifuges que représentent les critères d'évaluation de la recherche ou le repli sur des disciplines matures au détriment de disciplines émergentes (hydromorphologie, écotoxicologie, écologie fonctionnelle, ...). Il faut encore signaler la faiblesse relative de la recherche publique sur la technologie de l'eau qui peut poser des difficultés pour disposer d'une expertise publique suffisante et assurer une présence adaptée au niveau communautaire (normalisation).
74
Enquête BIPE/FP2E auprès des opérateurs en 2010-2011, AQUAE - mai 2013. 96/131
3.4.1.5. Une mobilisation de la recherche variable selon les enjeux scientifiques et techniques
La complexité des enjeux amène un développement inégal des différents domaines de recherche, en particulier face aux besoins d'innovation et d'expertise. a) Les enjeux thématiques prioritaires Les travaux doivent porter en priorité sur les thèmes suivants : · l'impact du changement global et notamment climatique sur l'évolution de la ressource en eau, la compatibilité des régimes hydrologiques perturbés avec la qualité biologique des milieux, l'aide à la décision pour la gestion intégrée de la ressource dans un contexte de rareté accrue, ... · le développement d'approches innovantes pour caractériser et évaluer l'état, le fonctionnement et les services des écosystèmes aquatiques, la mise au point d'indicateurs de fonctionnement des milieux pour évaluer leur restauration et qualifier les services rendus par les écosystèmes, ... · la compréhension des dynamiques sédimentaires et les méthodes de gestion de la continuité sédimentaire, la conception d'outils opérationnels pour l'ingénierie de la restauration de la continuité et des espaces de bon fonctionnement des milieux, ... · les nouvelles méthodes de hiérarchisation et de surveillance des contaminants, la gestion des sédiments contaminés, la réduction et la prévention des pollutions à la source, la prédiction du transfert des contaminants et de leurs impacts, l'anticipation des risques émergents, ... · l'évolution et l'évaluation des techniques en assainissement collectif et en assainissement non collectif, la gestion intégrée des eaux pluviales, le traitement et la valorisation des boues d'épuration, l'ingénierie écologique appliquée à la maîtrise des pollutions urbaines, les performances technologiques et socio-économiques des services d'eau et d'assainissement, ... · la caractérisation des pressions diffuses agricoles et de leurs impacts, les techniques agricoles moins consommatrices en intrants et à impact réduit sur les ressources en eau et les milieux aquatiques, l'ingénierie écologique en appui à la maîtrise des pollutions diffuses et la protection des aires d'alimentation de captage, ... L'ensemble de ces thématiques a fait l'objet de recherches tant fondamentales qu'appliquées au cours de ces dernières années. Néanmoins, plusieurs de ces enjeux souffrent encore d'un manque de connaissance et d'outils susceptibles de contribuer plus directement aux décisions. b) Une implication modeste des sciences humaines et sociales Outre ces enjeux thématiques, les sciences humaines et sociales ont insuffisamment investi le domaine de l'eau alors même qu'elles sont attendues pour améliorer la prise en compte des enjeux liés à l'eau dans certaines politiques sectorielles (agriculture, énergie, ...), pour contribuer à l'évaluation et à l'analyse des dommages environnementaux, de la valeur des services écologiques dans la prise de décision, ou encore dans la conception de nouveaux leviers économiques ou de modèles de gouvernance renforçant à la fois la performance économique, sociale, environnementale et financières de la politiques de l'eau. c) Des besoins spécifiques aux DOM insuffisamment pris en charge Les spécificités des thématiques de recherche sur l'eau dans les espaces tropicaux et équatoriaux français (Guyane, Antilles, Réunion, Mayotte) ont fait l'objet d'une attention particulière notamment à travers le soutien de l'ONEMA. Cependant, peu d'unités de recherche sont mobilisées sur ces thématiques et les partenariats scientifiques internationaux avec certains pays désormais très actifs sur le plan de la recherche (Brésil, frontalier de la Guyane par exemple) n'ont pas suffisamment été développés en lien avec les besoins de connaissances des décideurs de l'eau. d) De la recherche à l'action Les travaux de recherches finalisées portant sur des sujets d'interface entre thématiques et mobilisant plusieurs disciplines ont notamment été initiés sur des sites pilotes, des sites ateliers et des réseaux de démonstration. Globalement la valorisation des résultats de la recherche, la conception d'outils à disposition des gestionnaires, le test de méthodes innovantes et la capitalisation des retours d'expérience restent encore
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trop faibles par manque de partenariats pérennes, même s'il en existe quelques-uns, entre le monde de la recherche académique et les entreprises de l'eau. L'insuffisant effort d'innovation tient pour partie au manque d'orientations définies par le Comité Stratégique de Filières Eco-industries (COSEI) en tenant compte de la mise en place d'un partenariat européen pour l'innovation dans le domaine de l'eau, de la très faible coordination entre les trois pôles de compétitivité et des liens qui restent à conforter avec le dispositif public de recherche lui-même en évolution (fusion d'universités et développement des communautés d'universités qui devraient accroître la visibilité des pôles de recherche dans le domaine de l'eau comme pour l'Université de Lorraine; développement de structures collectives de type observatoires, plate-formes et autre GDR, développement des actions de l'alliance de recherche ALLENVI sur les sciences de l'environnement).
3.4.2. Le système d'information sur l'eau, un dispositif essentiel mais complexe au bilan insuffisant
Le système d'information sur l'eau (SIE) vise à recueillir, conserver et diffuser les données sur les différents types d'eau (souterraines, de surface continentales et côtières), les milieux associés, les usages, les pressions exercées par les activités humaines et leurs incidences. Il inclut des données d'observation et des données élaborées. Le SIE répond à quatre préoccupations majeures : · étayer la décision, c'est-à-dire la politique publique et donc permettre son évaluation ;
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enrichir la connaissance opérationnelle et scientifique des ressources, des milieux, des usages et des pressions ; servir de référence partagée en apportant de la lisibilité pour toutes les parties intéressées, notamment les associations, le public et les professionnels ; permettre le rapportage DCE auprès de la commission européenne dans les meilleures conditions.
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Le SIE est l'un des rares systèmes d'information dédié à une politique publique qui soit formalisé. Le décret n° 2009-1543 du 11 décembre 2009 institue, en application de la loi sur l'eau de 2006, un schéma national des données sur l'eau (SNDE) dont il fixe la structure, le mode d'approbation et la portée. Après avis du CNE, le SNDE a été approuvé par arrêté du 26 juillet 2010. Il fixe les objectifs, le périmètre et les modalités de gouvernance du SIE, décrit ses dispositifs de recueil, de conservation et de diffusion des données, précise les modalités d'élaboration des méthodologies et du référentiel des données, ainsi que les modalités d'échanges entre le SIE et d'autres systèmes d'information (voir annexe 4 : la cartographie du SNDE75). D'un système basé sur le volontariat, on passe à un système qui s'applique de manière obligatoire aux services de l'État et à ses établissements publics, auxquels il assigne des rôles, ainsi qu'à toute entité souhaitant participer de manière volontaire à la constitution du SIE (collectivités, associations,...). Le SIE implique donc un nombre important d'acteurs et de parties prenantes : État, établissements publics, collectivités, prestataires, professionnels, associations...
Historique Les réseaux de surveillance actuels sont basés sur des réseaux historiques dont certains remontent aux années 1950. Dès 1992, la direction de l'eau du ministère en charge de l'écologie avait engagé un programme d'envergure pour rassembler toutes les données sur l'eau et de disposer ainsi d'une vision nationale . Basé sur un protocole à adhésion volontaire, il portait sur un spectre plus restreint de données et visait la pollution domestique et la qualité de l'eau liée
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Auteur Philippe BOIRET, in "Révision de la stratégie de surveillance des eaux en France ", CGEDD, 2013, rapport à paraître.
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aux macro-polluants. Puis en 2003, la direction de l'eau complète cette initiative pour adapter le réseau national de l'eau, le dénommant système d'information de l'eau (SIE) et élargissant le nombre des partenaires. Il s'agit toujours d'un protocole à adhésion volontaire mais qui servira désormais à satisfaire aux besoins de la DCE. Le parlement vote la loi sur l'eau en 2006 et l'ONEMA est créée peu après. La Directive du 16 décembre 2008 établit des normes de qualité environnementale dans le domaine de l'eau et modifie la DCE d'octobre 2000. Elle introduit la mise en place d'un programme de surveillance de l'état des eaux, des procédures d'évaluation de caractère réglementaire pour toutes les catégories d'eau, une caractérisation des pressions d'ordre réglementaire et un rapportage avec .des données structurées et géographiques. Pour y répondre, un arrêté du 25 janvier 2010 établit le schéma national des données sur l'eau (SNDE) et organise le SIE : de portée globale, sa vocation était d'organiser les connaissances liées à la mise en oeuvre de la politique de l'eau. Le SNDE fixe des objectifs, des règles de gouvernance, des orientations fondamentales et définit les responsabilités des autorités publiques. D'un système basé sur le volontariat, on passe à un système obligatoire appuyé par un plan d'action validé par le ministère. L'ONEMA est chargée de la responsabilité de la coordination technique du SIE. La coordination du SIE a été confiée à l'ONEMA par la loi sur l'eau du 30 décembre 2006. Dès sa création mi 2007, l'ONEMA s'est investi dans la mise en place du SIE conformément à son mandat. Il a notamment préparé le schéma national des données sur l'eau (SNDE), défini par décret du 11 décembre 2009 et approuvé par arrêté interministériel du 26 juillet 2010.
En organisant un système initialement très déconcentré et peu coordonné, ce dispositif permet à la France de mieux répondre aux exigences communautaires. Toutefois un certain nombre de critiques relatives au SIE et plus généralement à la qualité des données mises à disposition du public ont été émises et débattues pour partie au sein du CNE. Ces critiques portent sur : · un manque d'exhaustivité des données, une critique sur leur représentativité et à tout le moins un retard dans la mise à disposition de celles-ci ; · une crainte sur la fiabilité et la privatisation de certaines données ; · des difficultés à accéder aux données, du fait de la complexité des systèmes de mise à disposition des données. Cette dernière critique a été émise non seulement par des associations, mais aussi par des services de l'État sur la qualité des eaux (dont des services de police des eaux qui ont pourtant besoin des informations récentes et si possible avec une vision de l'évolution de la qualité pour instruire les dossiers de demande d'autorisations de nouveaux usages en s'assurant du principe de non dégradation de la qualité des masses d'eau). Les questions évaluatives : · quelles sont les étapes de la chaîne de la connaissance ? · qui est responsable pour chaque étape (chef de file) ? · quelles sont les ressources (compétences, financements) ? · quelles garanties sur le résultat (fiabilité et complétude du système qualité) ? · quelle valorisation ? · quelle appropriation par les acteurs (continuent-ils de développer des systèmes propres sur le même objet) ?
La chaîne de la connaissance :
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En amont : les méthodes : quel réseau ? quelles mesures ? quelles fréquences ? quelles extrapolations ? comment mesurer la représentativité des stations, les incertitudes ou le degré de confiance des mesures ? La production des données : de quantité, de qualité (prélèvement, échantillonnage, analyse), par des producteurs qui réalisent ou sous-traitent les mesures ;
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La validation des données : le système qualité : la validation sous la responsabilité des producteurs ; pour les prestations sous-traitées : agrément des sous-traitants, contrôle des prestataires ; contrôle de deuxième niveau sur la qualité de la validation ; La bancarisation : les données sont classées dans des bases de données ; La valorisation : les données brutes sont traitées pour permettre d'en tirer des enseignements ; La diffusion : rendre accessibles les résultats.
3.4.2.1. Le référentiel technique, clé de voûte de la cohérence du SIE
Le référentiel technique du SIE comprend des méthodologies de production (protocoles, prélèvements, analyses, mesures, ...), de traitement (indicateurs, modèles) et de diffusion des données, un référentiel des données et un système de gestion de la qualité. L'ONEMA est responsable de la production de l'ensemble du référentiel technique (à l'exception des méthodes d'hydrométrie qui relèvent du service central d'hydrométéorologie et d'appui à la prévision des inondations76 (SCHAPI)) et il s'appuie pour partie à cet effet sur d'autres organismes qu'il finance (Aquaref77, OIEau, Cofrac, ANSES, ...). Au-delà des textes réglementaires qui prescrivent à un moment donné l'emploi de certaines méthodologies, le référentiel traduit un état de connaissances qui évolue notamment sous l'effet du progrès scientifique. La bonne organisation des processus de décision, à la fois technique et politique, sur l'évolution du référentiel méthodologique contribue à la confiance accordée aux données. Ces améliorations engendrent inévitablement une instabilité et des ruptures de continuité des séries. C'est par exemple le cas pour des indicateurs d'évaluation de la notion de bon état. Enfin pour des masses d'eau non surveillées, on s'appuie par extrapolation sur des indicateurs de pression et un raisonnement par analogie avec un certain niveau de confiance. Cela permet de fournir des données quand il n'existe pas de mesure mais sera toujours sujet à caution, même si cette méthode est explicitement prévue par la DCE.
3.4.2.2. La production des données, un domaine en expansion continue
Le SIE a vocation à rassembler toutes les données produites qui peuvent contribuer à la conception, à la mise en oeuvre ou à l'évaluation de la politique de l'eau. Cet objectif d'efficience globale vise à éviter la production redondante de données semblables qui ne seraient utilisées que par leur producteur. Toutefois l'efficacité incite à mettre en oeuvre cet objectif selon les priorités des politiques publiques et le souci de respecter les engagements souscrits. Ainsi les données prioritaires sont celles qui doivent être rapportées à la Commission européenne en application des directives. Les efforts ont porté en priorité sur les données nécessaires pour la DCE, ce qui a pu alimenter un sentiment d'incomplétude du SIE. Toutefois des actions sont également menées pour répondre à des préoccupations nationales (campagnes de surveillance liées aux plans nationaux micropolluants, résidus médicamenteux, PCB... ; observatoire des services d'eau et d'assainissement). Alors que la première loi sur l'eau de 1964 demandait uniquement un inventaire des pollutions, le champ à couvrir s'est considérablement étendu. En se limitant à l'application de la DCE qui a un rôle structurant pour la politique de l'eau, les besoins à satisfaire sont complexes. Ils concernent à la fois les activités qui font usage de l'eau, les pressions qui s'exercent sur la ressource et les milieux (pollutions, prélèvements, rejets,...), l'état des milieux et des ressources (quantité et qualité évaluée à partir d'éléments chimiques, biologiques, physico-chimiques et morphologiques), les impacts des changements d'état (sur la santé, les écosystèmes, les activités), ainsi que les réponses qui sont apportées pour réduire ces impacts
76
Service à compétence nationale rattaché à la DGPR et implanté sur la Météopôle à Toulouse, tête de réseau des services de prévi sion des crues (SPC). 77 Aquaref est un consortium qui est le laboratoire national de référence. 100/131
(réglementations, incitations, contrôles, ...). L'acquisition de ces données est obligatoire et l'État doit rendre compte à la Commission de leur utilisation pour justifier des décisions prises. Compte tenu du temps nécessaire pour élaborer les méthodologies, rassembler les données et en assurer l'harmonisation, il est possible de se contenter de connaissances approchées dans un premier temps à condition de s'inscrire dans un processus de progrès. Globalement et faute d'une anticipation suffisante, ces obligations ont conduit à superposer dans un laps de temps court et des délais contraints de multiples chantiers d'évolution du SIE qui n'a cessé de se complexifier sans que ces évolutions soient toujours compatibles avec les moyens disponibles. Les recueils de données sont effectués par une multitude d'organisations productrices de données ayant chacune leur histoire et leurs méthodes ; si les services de l'État (DREAL pour l'hydrobiologie) ou de l'ONEMA (données piscicoles, hydromorphologiques) assurent directement le recueil de certaines données, une grande partie des données est produite par d'autre opérateurs subventionnés par l'ONEMA ou les agences de l'eau (l'IFREMER pour les eaux littorales et de transition, le BRGM pour les eaux souterraines) ou par des prestataires ainsi que des collectivités locales. . S'y ajoutent par exemple les ARS pour la qualité des eaux potables et les collectivités pour les données sur les services d'eau et d'assainissement,... Pour ce qui concerne la surveillance exigée par la DCE, le SNDE précise l'organisation du dispositif (tableau ci-dessous) de production des données selon des modalités techniques précisées par circulaire DEB du 29 janvier 2013. L'organisation de la production des données pour la DCE Type de données responsable opérateur modalité Quantité ESU SCHAPI DREAL régie Quantité ESO DREAL bassin BRGM régie/soustraitance Qualité chimique Agences de l'eau AE et IFREMER sous-traitance (littoral) IFREMER Hydrobiologie Agences de l'eau DREAL régie et soustraitance Poissons Agences de l'eau ONEMA régie et soustraitance Hydromorphologie Agences de l'eau ONEMA régie financement DGPR ONEMA AE État et AE ONEMA ONEMA
La disparition progressive des laboratoires publics d'analyse au profit de laboratoires privés choisis après consultation conduit à une forte réduction de l'offre de prestataires ce qui représente un risque opérationnel et financier de surcoût croissant. Des difficultés sont également à prévoir en matière de biologie avec la réduction progressive de la capacité des structures publiques (DREAL, ONEMA) à assurer la production des données en régie. Globalement, les pratiques d'externalisation imposent de disposer de capacités de pilotage et de contrôle des prestataires dans les structures publiques. Mission CGEDD sur la stratégie de surveillance des eaux Une mission du CGEDD sur la stratégie de surveillance des eaux a rendu ses conclusions en mai 2013. Ses principales recommandations sont les suivantes : - clarifier et optimiser le cadre général de la surveillance (spécificité des réseaux RCS, RCO, RPP, DCSMM, réseaux locaux) ; - simplifier l'architecture du réseau d'acteurs ; - sécuriser les différentes étapes de la surveillance et de la qualité des données (référentiel, continuité des séries, fiabilité des données, assurance qualité des laboratoires) ; - assurer l'accessibilité des données, notamment au grand public ; - valoriser la politique menée en définissant des indicateurs nationaux appropriés ;
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- valoriser la démarche de la France à mi-parcours, actualiser l'état initial du fait du faible niveau de confiance des qualifications minimales des masses d'eau ; - utiliser les résultats de la surveillance pour mieux cibler l'action (pressions impacts) ; - mettre en place des outils et définir des programmes de recherche permettant de développer, compléter et améliorer les méthodes. La production de données rencontre d'autres difficultés. Tel est par exemple le cas des indicateurs de performance, normalisés depuis 2007, et basés sur les rapports des maires et présidents de communautés sur le prix et la qualité des services (RPQS) d'eau et d'assainissement (article L 2224-5 du CGCT) qui sont obligatoires depuis 1995. Leur transmission est facultative et les collectivités ne trouvent que peu d'intérêt à les transmettre ce qui rend difficile la mise en oeuvre de l'observatoire national des services 78 que la loi de 2006 a confié à l'ONEMA. Ainsi, une opération exceptionnelle de chargement du dispositif SISPEA a eu lieu pour collecter les données de l'exercice 2009 avec le concours des DDT (environ 90 ETP inscrits sur les effectifs du ministère de l'agriculture). Cela a permis d'atteindre un taux de population couverte d'environ 80 % pour l'eau potable et de plus de 60 % pour l'assainissement collectif. Depuis l'effort des collectivités et des DDT reste très inégal selon les départements malgré les outils mis à disposition par l'ONEMA pour intéresser les collectivités. Les saisies de l'exercice 2010 sont encore très incomplètes. Il est important que cette base de données SISPEA devienne l'outil unique pour les données concernant le petit cycle de l'eau, par exemple pour l'application du décret sur les fuites dans les réseaux. Enfin, il faut signaler que la production de données en outre-mer pose un problème spécifique à cause du manque de personnel qualifié et de difficultés méthodologiques dans la mesure où certains référentiels établis pour l'Europe ne sont pas adaptés aux caractéristiques des milieux ultramarins.
3.4.2.3. La fiabilité des données : renforcer le système qualité
La fiabilité des données utilisées dans le cadre de la politique de l'eau est un enjeu majeur à la fois pour garantir la crédibilité des résultats mais également pour fonder et faire évoluer les orientations de cette politique. À titre d'exemple, l'absence de données représentatives issues des réseaux de surveillance qui se mettaient seulement en place (les réseaux préexistants privilégiaient les pressions d'origine domestique), la délimitation des masses d'eau non achevée, la conception non encore engagée du système d'évaluation de l'état des eaux, n'ont pas permis d'étayer par des données de connaissance robustes l'engagement de nature politique de deux tiers de masses d'eau de surface en bon état écologique en 2015 inscrit dans la loi en 2009. Aujourd'hui, les utilisateurs des données produites considèrent généralement qu'elles sont satisfaisantes, correctement validées et donc exploitables. Cependant, si certains mettent en avant le coût élevé de l'acquisition des données, d'autres leur reprochent aussi de receler des contradictions, d'être produites selon une fréquence insuffisante, et d'être complétées par des extrapolations critiquables ce qui met en doute la qualité globale de l'évaluation de l'état. Il convient de distinguer clairement ce qui relève des obligations liées aux directives, notamment la DCE, et ce qui concerne des informations « facultatives » à l'initiative des autorités nationales ou de bassin. Le déploiement d'un système de gestion de la qualité tout au long de la chaîne de production, de gestion, de valorisation et de diffusion des données est une priorité forte. Les différents dispositifs de production des données comportent leurs propres démarches d'amélioration de la qualité, plus ou moins avancées (bien développés pour la chimie, en progrès pour l'hydrobiologie), avec des efforts menés par Aquaref pour caractériser l'incertitude attachée à la mesure. De même, la qualification des données entre leur production et leur mise à disposition est une tâche essentielle des administrateurs des banques de données qui prend du temps et mobilise des moyens souvent sous estimés.
78
Dénommé SISPEA : système d'information sur les services publics d'eau et d'assainissement. 102/131
Si des améliorations ont été apportées au cours des dernières années, ce qui permet à la France d'être bien classée dans l'évaluation menée par l'Agence européenne de l'environnement pour les données transmises dans le cadre de WISE, il manque encore une politique qualité d'ensemble basée sur une cartographie des processus et des risques, avec un plan d'action élaboré et suivi sous le pilotage d'un comité de gestion de la qualité (qui pourrait être le CNP), avec des dispositifs de contrôle régulier (audits notamment). Pour qu'il puisse assurer la fonction de responsable opérationnel de ce système qualité, il convient que l'ONEMA dispose des moyens humains et des compétences nécessaires complétées par des ressources externes (Aquaref, Cofrac79,...).
3.4.2.4. La gestion des données, un ensemble complexe de nombreux projets applicatifs liés
Le SIE repose sur une architecture et des outils qui résultent à la fois de décisions prises depuis les années 1990 et de projets nouveaux issus du SNDE. Il s'appuie sur des dizaines d'applications visant à administrer des données de référence, à gérer les données de connaissance (banques de données sur les usages, les pressions, les états, les réponses) et à les mettre à disposition (sites thématiques ou de bassin). Au sein du SIE, ces ensembles communiquent par des flux de données et le SIE échange des données avec d'autres systèmes d'information. Placée sous le pilotage de l'ONEMA, la rationalisation de l'architecture technique du SIE est donc un enjeu important pour assurer les échanges au sein de cet ensemble complexe qui fait intervenir de nombreux opérateurs eux-mêmes contraints par les choix d'architecture technique de leurs systèmes d'information. Il n'est donc pas étonnant que l'interopérabilité au sein du SIE soit un processus long et difficile à faire aboutir à partir du moment où le choix pragmatique s'est imposé de faire intervenir différents opérateurs au sein du SIE. La mise en place d'une plate-forme technique mutualisée pour les applications du SIE dans le cadre d'un partenariat entre l'ONEMA et le BRGM est une évolution positive pour favoriser l'interopérabilité des applications. Parmi les principaux projets du SIE, les prioritaires sont les suivants : · SANDRE : référentiel des données, modèles des données et format d'échange ; administré et hébergé par l'OIEAU80 dans le cadre d'une convention et sous le pilotage de l'ONEMA ; les modèles de données respectent les standards usuels (http,XML,...) ; parmi les référentiels on trouve de nombreux référentiels géographiques métropole et DOM (hydrographique-BD Carthage, hydrogéologique-BDLISA, ...) ; il existe un protocole avec l'IGN pour le référentiel à grande échelle mis à disposition au coût marginal de diffusion ; · ADES : application sur la quantité et la qualité des masses d'eau souterraines ; administré et hébergé par le BRGM81 par convention avec l'ONEMA ; · QUADRIGE : application sur la qualité physico-chimique et biologique des eaux littorales et de transition ; administré et hébergé par l'IFREMER par convention avec l'ONEMA ; · NAIADES : application sur la qualité des eaux de surface continentales (chimie, biologie, hydromorphologie) ; opérée par l'ONEMA et l'AESN avec hébergement par Logica-CGI ; en retard en raison de la défaillance de l'opérateur initialement retenu par le SNDE (INERIS) ; · SISPEA : application pour l'observatoire national des services publics d'eau et d'assainissement ; opéré par l'ONEMA et hébergé par le BRGM ; · BNPE : banque nationale des prélèvements d'eau ; administrée par ONEMA et hébergée par le BRGM ; · SEEE : système d'évaluation de l'état des eaux (calcul d'indicateurs dont ceux pour la DCE et stratégies d'évaluation de l'état des eaux) ; administrée par ONEMA et hébergée par le BRGM ; · RAPPORTAGE : banque des données et textes rapportés (notamment au titre des directives) ; opérée par l'ONEMA ; sera complétée par OSMOSE pour le suivi des programmes de mesures DCE (opérée par AERM pour le compte de l'ensemble des bassins).
79 80
Comité français d'accréditation et de certification. OIEau : association sans but lucratif reconnue d'utilité publique par décret du 13 septembre 1991 en convention avec l'ONEMA depuis 2008 (Limoges). 81 À Orléans avec serveurs dupliqués. 103/131
S'y ajoute l'application OPALE convergence, outil de suivi et de partage des actions de police de l'eau et de la nature (projet multipartenaires piloté par la DEB avec l'appui de l'ONEMA). Les priorités affichées dans le contrat d'objectifs entre l'État et l'ONEMA portent sur : NAIADES, SISPEA, BNPE, SEE. Hormis la banque sur la contamination de la faune aquatique par les PCB, il n'existe pas actuellement de banque de données rassemblant les données d'impacts en dehors de celles figurant dans le rapportage des plans de gestion. Il faut admettre que l'ambition du SIE est très vaste, le noyau dur très ambitieux et les sujets particulièrement complexes. Dès 2011, l'ONEMA faisait état de retards sur l'avancement de certains projets pour des raisons diverses, notamment de moyens humains disponibles. En janvier 2013, selon le rapport présenté au CNE, sur l'ensemble des trois années précédentes, trois quarts des outils attendus avaient été livrés, souvent avec retard. La complexité des projets induisant des difficultés à définir les besoins, le nombre d'acteurs concernés et les moyens humains contraints expliquent cette situation. L'appropriation des nouveaux outils par les usagers s'en ressent et suscite encore des inquiétudes nombreuses.
3.4.2.5. La valorisation, le rapportage européen et la mise à disposition des données
La valorisation des données fait l'objet d'un programme d'ensemble préparé par le groupe de valorisation de l'information rapportant au groupe de coordination inter bassins et bien entendu d'actions menées localement. L'évaluation de l'état des masses d'eau selon les méthodes décrites par l'arrêté du 25 janvier 2010 modifié est une forme de valorisation des données de surveillance. L'outil d'évaluation SEEE, maintenant disponible, permettra d'intégrer les méthodes d'évaluation et les données qualifiées pour une utilisation opérationnelle pour le second cycle de gestion de la DCE. Cet outil dont la complexité méthodologique et les délais d'alimentation en données ont été sous estimés représente une avancée importante pour rendre plus homogène la mise en oeuvre de la DCE entre les bassins. Pour rendre compte des directives au niveau européen, les rapports sont issus de plusieurs administrations (DEB, DGPR, DGS...) utilisant des systèmes différents alors qu'ils sont collectés dans un seul système d'information dit WISE82. Les spécifications du référentiel SANDRE intègrent celles de WISE afin de pouvoir l'alimenter. Ces données remontées sont disponibles sur le site de l'Agence européenne de l'environnement « www.europa.eu ». Ce site prouve que la France est en bonne position en ce qui concerne la remontée d'information. Pour ce qui concerne la DCE, les éléments sont préparés par l'ONEMA. Malgré les difficultés, la France serait plutôt en avance et respecte ses obligations en fournissant à l'UE un ensemble de données exploitables supérieur à son poids relatif. En 2010, la France a été l'un des 9 pays sur 27 à avoir rendu son rapportage de mise en place du premier plan de gestion DCE à temps et dans les formes. Cette opération coordonnée par l'ONEMA a exigé une forte mobilisation de moyens par les agences de l'eau et les DREAL pour la collecte, le traitement, la mise en forme et la saisie des données produites dans les bassins. Le prochain rapportage DCE prévu en 2016 devrait être anticipé, notamment pour assurer le contrôle de qualité des données des états des lieux qui seront adoptés fin 2013. En matière de diffusion, de même que la multiplicité des types de données, des producteurs et des circuits de validation font que l'idée d'une base de données unique qui contiendrait l'ensemble des données ne serait pas raisonnable, une interface unique de consultation n'est pas envisageable. Cependant un point d'entrée unique est constitué par le portail www.eaufrance.fr, piloté et géré par l'ONEMA et hébergé par le BRGM. Il permet d'accéder à une abondante documentation technique et aux données sur l'eau. Il englobe 15 sites thématiques nationaux et renvoie à 8 sites annexes (qualité de l'eau potable via
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WISE : Water Information System for Europ. 104/131
« www.sante.gouv.fr », statistiques station de traitement des eaux usées, ...). Il donne accès aux sites multithématiques de bassin. Un ensemble de services communs assure la cohérence de cet ensemble. Les données produites par l'État, par ses établissements publics, ou par des tiers dans des conditions contractuelles prévoyant le partage des droits patrimoniaux ou leur cession, peuvent être librement diffusées et réutilisées. Il faut noter que ces données issues de mesure ont certes un producteur mais pas nécessairement un propriétaire au sens de la propriété intellectuelle. La doctrine présentée au CNE le 6 juin 2011 confirme que toutes ces données ont vocation à être publiques. Les documents publiés sur le site www.eaufrance.fr sont sous le régime de la licence Creative Commons 83 conformément aux circulaires ministérielles en vigueur. Par conséquent, le dispositif respecte la directive européenne INSPIRE laquelle ne concerne cependant que les métadonnées. Il subsiste néanmoins quelques difficultés : certaines données sont à la fois des données environnementales donc publiques et des données de calcul d'assiette de redevances pour le compte des agences de l'eau et donc couvertes par le secret fiscal ; il en est ainsi des données relatives aux prélèvements d'eau collectées par les agences et qui ne peuvent pas être intégrées dans la banque nationale sur les prélèvements, établie au titre du suivi des pressions, ce qui peut nuire à notre capacité de rapportage. Ces points de blocage ont été répercutés au CNE. Par ailleurs, certaines données sensibles comme la position des captages affichent une géolocalisation volontairement brouillée pour le grand public mais restent accessibles pour les professionnels concernés, notamment les producteurs de données. Beaucoup de ces données sont aussi accessibles sur le site « data.gouv.fr » d'Etalab. Par ailleurs, outre le portail national www.eaufrance.fr et les synthèses qu'établit l'ONEMA, le Service de l'observation et des statistiques (SOeS) dépendant du Commissariat général au développement durable (CGDD) produit une synthèse nationale de l'état des milieux aquatiques en s'appuyant sur les données du SIE. Cette présentation nationale porte sur la qualité de l'eau et des indicateurs d'évolution. Par ailleurs, chaque agence diffuse tout ou partie des données concernant son territoire et les complète le cas échéant. Il en est de même des collectivités et des autres organismes tiers. Ce foisonnement de communications est largement redondant et entraîne la confusion sur les responsabilités.
3.4.2.6. Une gouvernance éclatée et insuffisante
La gouvernance est définie par le SNDE tant pour le niveau national que celui des bassins. Le pilotage stratégique est exercé au niveau national par l'État (DEB) qui s'appuie sur le Comité national de pilotage composé des directeurs des agences de l'eau, de l'ONEMA et des DREAL délégués de bassin. Le Comité national de l'eau intervient comme instance consultative en s'appuyant sur son comité permanent des usagers du SIE. La coordination technique est assurée par l'ONEMA avec le groupe de coordination interbassins (agences de l'eau, DREAL, bureaux de la DEB et des autres directions concernées par la mise en oeuvre du SIE) complété par des groupes techniques thématiques. Le pilotage stratégique s'avère insuffisant pour cadrer et coordonner les activités des différents groupes techniques. Au niveau des bassins, le pilotage est assuré par le secrétariat technique de bassin formé par l'agence de l'eau et la DREAL de bassin avec la participation de l'ONEMA. La plupart des projets du SIE se font en collaboration entre l'ONEMA et les autres parties prenantes, en fait souvent les producteurs de données, et sous le contrôle du comité des usagers du SIE. Dans les faits, la gouvernance éclatée complique l'analyse des besoins et rend instable la mise en oeuvre. Les plus importants projets sont aussi les plus complexes, ce qui explique en partie le retard de certains d'entre eux, qui résulte avant tout de la difficulté à mobiliser les compétences nécessaires. Pour des raisons de gouvernance large et parfois trop faible mais également de superposition de multiples chantiers imposés par les exigences et le calendrier communautaires, les niveaux de priorité entre les projets ne sont pas suffisamment précisés. La gouvernance de chaque projet manque de méthodes et des moyens permettant d'anticiper suffisamment
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CC BY-NC-SA 2.0FR. 105/131
les besoins et la complexité. De manière générale, les difficultés ont été sous-estimées, en particulier la nécessité de disposer de compétences informatiques de haut niveau que l'ONEMA n'est actuellement toujours pas en mesure de pouvoir recruter (inadéquation du statut des personnels contractuels). Par ailleurs les projets en coopération s'inscrivent le plus souvent dans le cadre des dispositifs de conventionnement entre l'ONEMA et d'autres établissements publics (BRGM, IFREMER,...). Toutefois certains autres projets qui ne sont pas pilotés opérationnellement par l'ONEMA n'ont pas fait l'objet d'une formalisation suffisante ce qui a rendu leur développement précaire. De surcroît, il manque une vision en coût complet des nombreuses composantes du SIE. Une démarche de collecte et d'analyse des coûts a néanmoins été initiée en novembre 2012. Le Comité permanent des usagers du SIE Comité national de l'eau s'est réuni régulièrement. Il a surtout examiné l'avancement des projets les plus prioritaires et fait état des attentes des parties prenantes. Ce n'est que récemment que les retards sont apparus comme posant véritablement problème par leur persistance.
3.4.2.7. Des moyens financiers significatifs mais une fragilité des moyens humains
Le coût annuel reconstitué du SIE a été chiffré à près de 80 M en 2011. En M Coordination, méthodes, outils ONEMA 9,7 7,5 Agences de l'eau 32,9 3 Ministère 3,6 0,2 Total 46,2 10,7 Source : rapport 2011 de l'ONEMA au CNE Réseau de mesures Personnel 11,6 7,4 4,1 23,1 Total 28,8 43,3 7,9 80
Ces données n'intègrent qu'une partie des coûts supportés par les autres organismes qui contribuent partiellement au SIE. En effet, le BRGM ou l'IFREMER contribuent en partie, à côté d'autres missions, au développement et à la gestion d'applications et aux mesures nécessaires au SIE. Seule la part de leurs coûts financée par l'ONEMA, les agences de l'eau et l'État pour les DREAL est ici prise en compte. La question des moyens ne peut se résumer à celle des financements. Au vu de l'ampleur de la tâche, les moyens humains que l'ONEMA a été en mesure d'affecter au SIE ont été insuffisants pour respecter le calendrier prévu. Cette insuffisance est à la fois quantitative (environ une vingtaine d'ETP hors production de données) et qualitative. Cette situation mise en exergue par la Cour des comptes résulte d'une part d'un plafond d'emplois inférieur aux prévisions initiales (alors que les missions n'ont cessé d'être étendues) et, d'autre part, de l'inadéquation du statut des personnels contractuels hérité du CSP qui ne permet pas de recruter de manière stable les compétences de haut niveau dont l'organisme a besoin. La priorisation et l'ajustement des objectifs aux moyens sont inscrits dans le contrat d'objectifs adopté en mars 2013. Rapport de la Cour des comptes sur l'ONEMA Le rapport de la Cour des comptes de février 2013 formule les recommandations suivantes concernant la mise en oeuvre du SIE par l'ONEMA : n° 1 : hiérarchiser les projets et valider cette hiérarchisation au niveau des instances de pilotage. n° 2 : traduire ces priorités dans le contrat d'objectifs de l'ONEMA en évaluant pour chaque projet les moyens à mobiliser. n° 3 : clarifier le montage juridique de certains projets en passant des conventions de délégation de MOA (ex. convention avec MEDDE concernant le développement et le déploiement en phase 2 d'OPALE convergence). n° 4 : mettre en place un système de reporting et de suivi d'avancement des projets. n° 5 : assurer un suivi des coûts des projets du SIE et dresser un bilan semestriel.
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n°6 : valoriser les données collectives et exploitées dans le SIE en le diffusant les plus largement possible. n° 7 : mettre en place l'appui nécessaire au niveau du siège en matière de SIE de façon à homogénéiser les pratiques des directions régionales et renforcer les capacités de stockage et de traitement des données SIE. n° 9 : achever le développement et le déploiement de l'outil de suivi et de partage des actions de police de l'eau OPALE convergence. n° 18 : associer à chaque action du contrat d'objectif les moyens mobilisables. n° 23 : organiser un meilleur suivi des prestations informatiques. N° 24 : hiérarchiser les projets informatiques et évaluer périodiquement les coûts et les moyens mobilisés dans un tableau de bord. n° 25 : mettre en place des tableaux de pilotage et de suivi financier partagé avec les directions métiers et la direction générale. n° 26 : faire un audit de sécurité informatique afin de corriger les vulnérabilités encore existantes. Afin d'apporter les mesures correctives attendues et d'« assurer une gestion rigoureuse de l'établissement en poursuivant les actions entreprises récemment », l'ONEMA a décidé de se doter d'un plan d'actions sur 3 ans qui a été soumis à son Comité Technique et adopté par son Conseil d'administration en mars 2013 conjointement avec le contrat d'objectifs 2013-2018 qui intègre les engagements pris dans ce plan d'actions. Le SIE est un projet fédérateur dont la coordination est confiée à l'une des parties concernées, l'ONEMA, qui n'a cependant aucune autorité formelle sur les tiers producteurs de données, d'une part, et responsables d'applications, d'autre part. Le SIE est donc soumis au bon vouloir de tiers dont le SIE n'est pas la priorité. Faute des moyens humains nécessaires et de concrétisation de l'évolution du statut de ses personnels contractuels annoncée dès la création de l'établissement et qui a fait l'objet d'arbitrages interministériels, l'ONEMA n'a pas été en mesure de pouvoir mettre en place les équipes, notamment informatiques, dimensionnées en volume et en compétences, qui auraient été nécessaires pour faire face aux exigences qui lui ont été assignées, et en particulier jouer efficacement un rôle de chef d'orchestre. Devant faire face aux contraintes des échéances communautaires et à la superposition des chantiers qui lui ont été imposés, il n'a pas pu adapter son calendrier de développement en fonction des moyens réellement en place. Il en a résulté des retards importants sur certains projets. De plus, l'ONEMA ne dispose pas de « l'autorité » sur tous les projets du SIE qui lui permettrait par exemple de donner un visa sur les développements de composants du SIE par des tiers. La mise au point des processus pour garantir le délai minimum entre l'acquisition de la donnée et sa mise à disposition doit être considérée comme un projet en soi. En effet, la mise à disposition des données, notamment de celles sur l'état des milieux, n'est effective aujourd'hui qu'au bout de trois ans, ce qui nuit à l'image du SIE et surtout prive les décideurs de mesures qui seraient précieuses pour apprécier l'efficacité de leurs actions. Concernant les données obligatoires produites par les collectivités territoriales sur l'eau potable et l'assainissement, il conviendrait de donner force législative et réglementaire à l'obligation de transmission par voie électronique au SIE de ces données que les collectivités ont l'obligation de produire et diffuser. Les données par elles-mêmes ne sont pas toutes définitivement définies ni disponibles. Il existe une forte pression pour augmenter la fréquence, le nombre de points de mesure et la nature des informations. Faute de débat sur l'impact économique de cette « amélioration permanente » et faute de débat sur la pertinence, le SIE risque de rester en devenir permanent engendrant de nombreuses frustrations. La distinction entre le respect des exigences fixées au niveau communautaire et des actions de connaissance induites par d'autres besoins doit être faite en tenant compte des coûts induits. Malgré son caractère encore parfois incomplet, le SIE n'est pas d'accès aisé pour le grand public par le trop plein d'informations et le souci de rigueur absolue ce qui affecte la lisibilité. Il s'agit là d'un aspect majeur qui altère l'image du SIE et nuit à son efficacité.
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.........................3.5. Mieux articuler leviers de l'action publique
les
Une politique publique efficace s'appuie sur différents leviers complémentaires. L'articulation des leviers coercitifs (« le bâton ») et des leviers incitatifs (« la carotte ») joue un rôle essentiel. Or, ces leviers sont maniés par des acteurs différents. Chacun de ces leviers est-il efficace ? Et comment ces leviers se renforcentils mutuellement ?
.........................3.5.1. Un levier régalien à moderniser pour le rendre plus efficace et mieux compris
3.5.1.1. Mieux appliquer la police de l'eau
a) Un régime d'instruction au titre de la « loi sur l'eau » stabilisé depuis 2005 Les IOTA sont soumis à autorisation ou à déclaration au titre de la police de l'eau. La LEMA et la révision du décret « procédure » en 2006 ont profondément réformé le dispositif avec trois objectifs : Fusionner des procédures redondantes au titre de la police de l'eau et de la police de la pêche, pour créer un régime unique. Relever les seuils des IOTA soumis à autorisation (six mois d'instruction puis refus tacite) pour ne réserver cette procédure qu'aux projets ayant les plus fortes incidences sur l'eau. Ainsi on est passé à partir de 2007 de 1 demande d'autorisation pour 5 dossiers déposés à 1 demande d'autorisa tion pour 12 dossiers déposés en 2011. On compte de l'ordre de 12 000 déclarations et 1200 autorisations par an. Introduire une possibilité d'opposition du préfet sur les déclarations, le silence gardé au bout de deux mois valant néanmoins « accord tacite ». En 2011, 118 déclarations sur 11 428 ont fait l'objet d'une opposition du Préfet (de l'ordre de 1 %).
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Des demandes récurrentes de simplification du droit sont portés à la connaissance de l'administration : relever les seuils des IOTA soumis à déclaration ou prévoir un régime déclaratif sans possibilité d'opposition du Préfet. réduire les délais d'instruction. Dans les faits, ces délais d'instruction sont rallongés par des demandes de compléments faites au pétitionnaire (ce qui semble être une pratique de bonne administration, évitant un refus simple du dossier) ; fixer par décret la composition du dossier par type de rubrique (ce qui relève plutôt d'arrêté ministériel de prescription) ; mieux articuler voire fusionner la procédure « loi sur l'eau » avec les autres procédures sectorielles. Or, l'application de la nomenclature « police de l'eau » est exclusive des ICPE et des INB, même si, dans les faits, quelques recouvrements subsistent (installations composites, boues, pisci cultures ...). De même, les récentes réformes dans le domaine de l'énergie (loi 2012-387) ont replacé les installations hydroélectriques soumises à autorisation au titre du code de l'énergie dans le droit commun de la police de l'eau, évitant ainsi une double procédure. Enfin, la réforme des études d'impact (loi 2010-788 et décret 2011-2019) a soumis à cette procédure la majorité des IOTA ins108/131
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truits dans le cadre d'une autorisation au titre de la loi sur l'eau : dès lors, le dossier d'étude d'impact déposé vaut dossier au titre de la loi sur l'eau, sous réserve d'actualisation. Ces sujets seront examinés dans le cadre des états généraux de la modernisation du droit de l'environnement. L'administration centrale assure la coordination des services instructeurs, garant de l'homogénéité de traite ment sur le territoire national (guides nationaux d'instruction à mettre à jour, rédaction des arrêtés ministé riels de prescription). b) Une coordination, une harmonisation et une réforme des dispositions répressives des polices administrative et judiciaire de l'environnement, qui entre en vigueur le 1er juillet 2013. Les activités de contrôle en police de l'eau ont été identifiées par de nombreux acteurs comme posant problème (cf. § 2312). L'ordonnance n°2012-934 du 11 janvier 2012 portant simplification, réforme et harmonisation des dispositions de police administrative et de police judiciaire du code de l'environnement, publiée au journal officiel du 12 janvier 2012, entrera en vigueur le 1er juillet 2013. Cette ordonnance, constitue une réponse aux différents rapports qui soulignaient la multiplicité et l'hétéro généité des polices spéciales de l'environnement. Les dispositions communes relatives aux contrôles administratifs, à la recherche et à la constatation des infractions, et aux sanctions administratives et pénales sont introduites au livre Ier du code de l'environnement (nouveau titre VII), et constituent le tronc commun des dispositions applicables à tous les domaines couverts par ce code.
Principales évolutions introduites par l'ordonnance du 11 janvier 2012 Les procédures harmonisées d'« accès aux locaux » prennent en compte les jurisprudences en matière de protection des libertés et du domicile. Le texte harmonise les mesures de police administrative lorsque des opérations sont menées sans le titre requis, ou en méconnaissance des prescriptions édictés. La mise en demeure demeurée infructueuse peut conduire l'autorité administrative à prononcer des sanctions administratives (consignation, exécution d'office, suspension), la fermeture ou la suppression de l'activité. Une amende (au plus égale à 15 000 ) et une astreinte (au plus égale à 1 500 ) peuvent également être prononcées. Cette harmonisation est particulièrement significative pour les régimes de police de la nature et des sites. Des outils communs sont mis à la disposition des agents des services de l'État et de leurs établissements publics qui recevront l'appellation « d'inspecteurs de l'environnement ». Un décret d'application doit uniformiser les procédures de commissionnement et d'assermentation. Certaines sanctions pénales sont harmonisées (défaut d'autorisation, non-respect d'une mise en demeure, d'une décision administrative ou judiciaire de suspension) conformément aux exigences de la directive 2008/99/CE du 19 novembre 2008 relative à la protection de l'environnement par le droit pénal. La transaction pénale, qui n'existait que dans les domaines de l'eau (depuis l'ordonnance 2005-805 précitée), des parcs nationaux et de la pêche en eau douce, est étendue à l'ensemble des domaines du code de l'environnement. Un décret d'application est en préparation.
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c) Des services en réorganisation constante et des personnels fragilisés Depuis 2004, les services de l'État et des établissements publics en charge de mission de police de l'eau ont été en réorganisation constante. Le constat partagé est que ces services sont aujourd'hui fragilisés dans l'exercice de leur mission (pas de continuité de services, fort renouvellement, démobilisation, ce qui a conduit l'administration centrale à déployer une « démarche qualité ».
En 2004 : constitution des services uniques de police de l'eau (circulaire BOMEDD n° 24 du 30 décembre 2004) par regroupement des effectifs de police au sein des DDE et de DDAF En 2007 : création de l'Office National de l'Eau et de Milieux Aquatiques (Loi sur l'eau de 2006), reprenant les effectifs du Conseil Supérieur de la Pêche En 2008 : création des DDEA, fusion des DDE et des DDAF (Décret n° 2008-1234 du 27 novembre 2008)
En 2009 : création des DDT-M, par fusion des DDEA et des services environnement des Préfectures (Décret n° 2009-1484 du 3 décembre 2009 relatif aux DDI) En 2011 : généralisation du rapprochement des DDT-M, des services départementaux de l'ONEMA et de l'ONCFS, dans le cadre de la mesure 148 de la RGPP (re-codifiée mesure 18). Contrairement à l'ambition initiale, le rapprochement des services de police ne s'est pas traduit par la création de services uniques départementaux de polices de l'eau et de la nature. Ce point fait l'objet d'un courrier du Secrétaire général aux organisations syndicales le 13 mai 2009. Les relations entre services ont alors été formalisées de manière conventionnelle, assurant la mise en oeuvre du cadre national établi (convention type, plan de contrôle inter-services, protocole parquet), garant d'un fonctionnement unifié et d'une synergie entre ONEMA, ONCFS et DDT, sous l'autorité du Préfet de département. Ce cadre conventionnel a été précisé dans le récent Décret n° 2012-509 du 18 avril 2012 pris en application de l'article 59-1 du décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 modifié relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action de l'État dans les régions et départements.
De plus, différents aspects nuisent à la mobilité qui serait nécessaire entre ces différentes fonctions : les personnels relèvent de statuts différents, la question des « compteurs » entre ministères peut nuire au remplacement de personnels qualifiés des DDT qui étaient décomptés sur les effectifs du MAAF alors qu'ils travaillaient pour le compte du MEDDE. Les conséquences de cette situation sont de fait très contrastées selon les territoires. Au final, devant ces difficultés organisationnelles et afin de pallier les difficultés d'adéquation mission/moyens, une démarche qualité a été déployée dans toutes les DREAL, DDT-M et à l'ONEMA. L'audit CIMAP concernant l'évaluation de la « police de l'environnement », qui a démarré en avril 2013, devrait approfondir ces différents points. Du point de vue de la politique de l'eau, il est indispensable que le levier police soit utilisé pleinement :
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les décisions administratives dans le domaine de l'eau doivent être applicables et vérifiables, c'est-àdire être proportionnées aux enjeux, écrites dans des termes compréhensibles par le pétitionnaire et vérifiables en cas de contrôle ; les contrôles doivent être en nombre suffisant, concerner aussi bien un pourcentage significatif des secteurs à risques qu'un certain nombre de contrôles aléatoires ; les plans de contrôle doivent veiller à une articulation des contrôles menés au titre de différentes législations : contrôles PAC, ICPE.... ; la police administrative doit être utilisée au maximum de ses possibilités : elle permet une réparation rapide ; les relations avec les procureurs doivent permettre de nouer des liens de compréhension des enjeux sur l'eau pour la justice, afin que les sanctions soient exemplaires et dissuasives ;
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une politique de communication doit être organisée avec l'aide de relais : nul n'est sensé ignorer la loi, mais les lois en matière d'environnement ne sont pas toujours connues et comprises : le volet pédagogique est important, à la fois pour prévenir et pour dissuader.
3.5.1.2. Mobiliser d'autres leviers réglementaires au profit de la politique de l'eau
La prise en charge de l'ensemble des problèmes à l'échelle du bassin versant semble un levier essentiel pour mieux répondre aux problématiques en lien avec le grand cycle de l'eau (restauration de la morphologie des cours d'eau, pollution diffuse, gestion des zones humides mais aussi gestion des inondations) et mieux articuler les multiples outils (SDAGE, SAGE, SAR, SCOT, PLU, ...), issus de législations autonomes, élaborés à des périodes différentes et reflets d'un mille-feuille hérité des évolutions de l'action publique passées. L'implication des acteurs directement concernés au plus près des problèmes à régler est essentielle. L' État doit pleinement jouer son rôle : le porter à connaissance, le contrôle de légalité et l'évaluation environnementale sont des leviers majeurs pour permettre cette intégration.
.........................3.5.2. Les financières, aujourd'hui coordonnées avec les réglementaires
aides mieux objectifs
Un bilan national a été fourni par la DEB.
Les IXèmes programmes pluriannuels d'intervention des agences de l'eau 2007-2012 étaient les premiers programmes de mise en oeuvre de la directive cadre sur l'eau (DCE). A une obligation de moyens, s'est ainsi ajoutée une obligation de résultats. Leur révision à mi-parcours, en 2009, a permis d'intégrer les objectifs des SDAGE 2010-2015 et du Grenelle de l'environnement. En parallèle, les contrats d'objectifs 2007-2012, qui ont couvert la période de mise en oeuvre des IXèmes programmes, ont eux aussi été révisés en 2010 pour intégrer ces objectifs. Enfin, toujours sur la même période 2007-2012, les agences de l'eau ont adapté leurs redevances aux dispositions introduites par la LEMA, entrées en vigueur le 1 er janvier 2008, et ont fait évoluer leurs programmes conformément à ces modifications. Sur le plan technique, les grandes avancées des IXèmes programmes d'intervention sont avant toute chose l'effort conséquent développé dans le cadre de la réponse aux objectifs de la directive Eaux Résiduaires Urbaines (DERU), dont les travaux de mise en conformité liée au contentieux communautaire devaient être ter minés fin 2013. Fin 2012, il restait 41 stations de traitement des eaux usées à mettre en conformité, contre 316 en 2008. L'exécution des programmes a ainsi marqué un pic en 2009 avec le lancement des derniers travaux d'assainissement de mise en conformité à la DERU, pour les grosses agglomérations (échéances 1998 et 2000). Le montant des aides spécifiques des agences en faveur des communes rurales (« Solidarité urbain rural » ou « SUR »), mises en place en application de la loi sur l'eau et les milieux aquatiques (LEMA) du 30 dé cembre 2006, s'est stabilisé depuis 2009 et l'objectif fixé par la LEMA de 1 Md d'aides supplémentaires en faveur de travaux d'assainissement et d'eau potable des communes rurales a été largement dépassé fin 2012, avec 1,22 Md d'aides sur 2007-2012. Dans les principaux domaines qui conditionnent l'état des eaux (la restauration et l'entretien des milieux aquatiques, des zones humides et des continuités écologiques, et la lutte contre les pollutions diffuses, majo111/131
ritairement d'origine agricole), les IXèmes programme ont d'ores et déjà renforcé les moyens. Dans ce cadre, les politiques en faveur des milieux aquatiques ont progressé. Depuis 2009, ce sont ainsi près de 126 000 ha de zones humides qui ont bénéficié d'un financement des agences de l'eau pour leur entretien ou leur restauration. En matière d'acquisition, l'objectif du Grenelle de l'environnement est de faire acquérir, via les agences de l'eau et le conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres (CELRL), 20 000 ha de zones humides d'ici 2015 à des fins de protection. Les agences ont un objectif intermédiaire de 10 000 ha acquis entre 2009 et 2012 : celui-ci est d'ores et déjà dépassé avec 13 500 ha de zones humides acquis ; on note qu'environ 35 % des aides attribuées et 43 % des surfaces aidées à l'acquisition le sont au bénéfice du CELRL, et que la dynamique est très hétérogène en fonction des zones concernées. À ce jour, l'aménagement ou l'effacement de près de 1 400 ouvrages a été aidé dans le cadre de la restauration de la continuité écologique des cours d'eau avec un rythme annuel d'aménagements en nette progression, même si une hétérogénéité est constatée en fonction des bassins. L'objectif Grenelle de 1 200 ouvrages aménagés en 2012 a donc été atteint. Les aides allouées par les agences de l'eau à la lutte contre les pollutions diffuses ont connu une forte progression en 2010. Elles se sont ensuite globalement stabilisées de 2011 à 2012. Des initiatives originales ont été lancées par certaines agences au cours du IXème programme pour améliorer leurs interventions dans ce domaine (appels à projets, notification de dispositifs dérogatoires au plan de développement rural hexagonal, ...), notamment sur les aires d'alimentation de captages prioritaires identifiées par le Grenelle de l'environnement. La dynamique enclenchée en 2010 sur certains bassins semble malgré tout s'essouffler, en raison notamment de la conjoncture économique, moins favorable à la souscription d'engagements agro-environnementaux, ainsi que les retards (conjoncturels) constatés en 2010 pour l'instruction et le paiement des me sures agri-environnementales, qui contribuent aux désengagements des professionnels de ces dispositifs. Les agences sont, dans ce domaine, liées aux dynamiques locales impulsées par les services de l'État. Les premières analyses des programmes de mesures mis en place pour atteindre les objectifs de la directive cadre sur l'eau montrent que la dynamique doit être significativement renforcée. Ainsi, une consolidation des résultats obtenus et un renforcement des actions des agences sur les thématiques à enjeu dans le cadre de l'atteinte du bon état des eaux est nécessaire au cours du Xème programme. Sur la durée des IXèmes programmes, des efforts importants ont été réalisés par les agences en matière de réduction d'effectifs et de diminution des dépenses de fonctionnement. La lettre de cadrage du budget pluri annuel 2011-2013 du Premier ministre en date du 11 mai 2010 leur avait en effet fixé un taux de réduction de 1,5 % des effectifs par an sur la période 2011-2013, et un objectif de diminution des dépenses de fonctionnement de 10 % à l'horizon 2013. À fin 2012, les dépenses de fonctionnement sous contrainte ont diminué de 14,7 %, dépassant l'objectif fixé de -7,5 % pour 2012, et atteignent d'ores et déjà l'objectif fixé pour 2013. Cette maîtrise est notamment due à des efforts de rationalisation (plus particulièrement sur les postes achats de matières et fournitures, loyers, frais de communication et de déplacement). Les agences ont également adapté leur organisation afin d'anticiper la baisse des effectifs attendue à l'hori zon 2013. Cet effort de réduction des effectifs s'est effectué dans un contexte de maintien et d'extension des missions et d'évolution des métiers. Globalement, les sommes prévues ont été engagées. Il y a eu une forte montée en puissance de l'assainisse ment, correspondant aux mises en conformité avec la DERU, mais aussi une montée en charge des actions permettant d'atteindre les objectifs de la DCE. Le principe de fongibilité asymétrique acté pour le 10ème programme semble un principe intéressant pour inciter les acteurs de l'eau et notamment les collectivités territoriales à s'investir dans ces domaines, qui étaient jusque-là minoritaires dans les interventions.
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Ces actions en faveur des objectifs de qualité des milieux, essentiellement territoriales, relèvent dorénavant du domaine 3 des 10èmes programmes : lutte contre la pollution diffuse agricole, restauration de cours d'eau notamment. À noter que la plupart de ces actions sont accompagnées du financement de structures d'anima tion de ces politiques, animation indispensable pour faire prendre conscience aux acteurs des enjeux et les aider dans la recherche de solutions innovantes, adaptées à leurs territoires. Or, ces actions relèvent dans les 10èmes programmes du domaine 1, qui est strictement contingenté. Les agences mettent en place avec les 10èmes programmes des règles financières plus strictes en termes de coûts plafonds, voire de conditionnalité des aides.
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.........................3.6. La connaissance des flux financiers relatifs à la politique de l'eau est très difficile
La mission d'évaluation s'est interrogée sur la possibilité de quantifier en flux financiers les différents éléments de la politique de l'eau tant du grand cycle que du petit cycle de l'eau. Il s'agissait de déterminer les montants concernés par catégorie de financeurs en grande masse. Cet exercice permet de répondre à la question « qui paie quoi » et donc de rendre compte de l'application des principes visés dans la DCE, en particulier celui de la récupération des coûts et celui dit « pollueur-payeur ».
.........................3.6.1. Les données disponibles dans le cadre de cette évaluation
Certaines données partielles existent au niveau national (études du CGDD, données de la Direction du Budget, étude Ernst and Young) ou des analyses faites au niveau de certaines agences de l'eau (notamment Seine Normandie et Loire-Bretagne). Les données du petit cycle sont en général mieux appréhendées que celles du grand cycle, pour lequel la définition même des items rentrant dans le décompte reste à faire. De plus, la présence d'un certain nombre de circuits intermédiaires de financements rendent la question des doubles comptages particulièrement complexe. Il en résulte que les chiffres proposés comportent un degré d'incertitude.
.........................3.6.2. Une reconstitution « à dire d'expert » au niveau national recoupant plusieurs sources
3.6.2.1. Le petit cycle de l'eau
L'analyse pour le petit cycle de l'eau a été faite par la ventilation des sources de financement (et non par les dépenses). · Les ressources financières (hors TVA) du petit cycle sont d'environ 17,2 Mds dont 70 % correspondent à la facture d'eau. · Les redevances prélevées par les agences de l'eau représentent 11 % de ce montant. · Les recettes n'équilibrent pas les dépenses : Les collectivités ont recours annuellement à l'emprunt pour un montant estimé à 0,94 Mds . · Les investissements ou renouvellement des équipements représentent environ 6,6 Mds . · Les collectivités peuvent se refinancer directement auprès des usagers. La PFAC (participation forfaitaire pour l'assainissement collectif) est payée par ceux qui veulent se raccorder au réseau d'as sainissement collectif existant (partage ex-post des coûts). Cette recette peut localement être signifi cative dans les budgets locaux d'assainissement. · Les données en compte propre de l'agriculture ne sont pas connues. · Les coûts des personnels fonctionnaires (au niveau central et déconcentré) en charge du petit cycle de l'eau ne sont pas connus. Le montant de leur financement (par le contribuable national) n'est pas indiqué. Il est marginal par rapport aux sommes globales et ne modifie pas les ordres de grandeur. · La dépense en coûts des personnels des SPEA est évalué à 1,18Mds (2011, source DB). Elle est a priori couverte par la facture d'eau et ne figure pas dans le tableau (qui ventile les financements et non les dépenses). 700M de TVA sont prélevés sur le petit cycle de l'eau. Ils ne figurent pas dans le tableau, bien qu'ils soient payés sur la facture d'eau. Le tableau ci-dessous récapitule les données par catégorie de financeurs et par type de financement.
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Catégorie de financeurs
Ménages APAD Industrie Agricultur Contribuabl contribua e e national ble local ou UE 8507 1833 1731 Somme 12 071
T y p e d e f i n a n c e m e n t
Facture eau et assainissement collectif (hors redevances agences de l'eau, hors TVA) complément budget collectivités pour investissement (*)
310 310
comptes propres: assainissement autonome non collectif comptes propres: prélèvement et assainissement Redevances Agences de l'eau dont redevance AE pollution domestique dont redevance AE modernisation collecte dont redevance AE prélèvement pour eau potable dont redevance AE prélèvement industriel (EDF...) dont redevance AE prélèvement irrigants dont redevance AE pollution non domestique dont redevance AE non domestique modernisation collecte Recours à l'emprunt pour investissements (*)
529
93 1286 ? 13
622 1 286 1 855 853 579 37 65 13 78 16 251 65 13 78 16 940 940 500 500 1 750 10,0 %
1393 725 492 176
253 128 87 38
196
subvention pour investissement à partir des budgets des collectivités (*) total 10 429 Proportion par financeur
2 179
3 213
13 0,1 %
0 0,0 %
17 584 100,0 %
59,3 % 12,4 % 18,3 %
Les financements comportant (*) sont estimés Source : mission d'évaluation, d'après MEDDE (DEB), jaunes Agences de l'Eau, données Direction du Budget ; les chiffres correspondent à l'année 2009, sauf pour le recours à l'emprunt qui correspond à l'année 2011.
Les données disponibles84 soulignent un sous-investissement au titre du renouvellement du patrimoine des services publics d'eau et d' assainissement. La politique d'amortissement des collectivités territoriales ne couvrirait qu'un tiers environ de la dépréciation réelle du patrimoine des SEA. L'écart entre, d'une part, les
84
(communication DEB, données DB, étude Ernst et Young); 115/131
dotations aux amortissements et les subventions de toutes origines, et, d'autre part, les investissements réalisés est de l'ordre de 2Mds/an environ. Cet écart est comblé, à parts quasi équivalentes, par les emprunts (940M en 2011) et les prélèvements sur la section de fonctionnement (de l'ordre de 1 à 1,2Mds). Ceci signifie que, pour les collectivités où le recours à l'emprunt ne serait pas possible ou serait limité, seule une augmentation de la facture d'eau ou des subventions pourrait permettre de poursuivre la politique d'investissement (neuf ou réhabilitation). Il est donc très important que le groupe de travail en cours d'élaboration(notamment suite à la publication du décret n°2012-97 du 27 janvier 2012, relatif à la définition d'un descriptif détaillé des réseaux des services publics de l'eau et de l'assainissement et d'un plan d'actions pour la réduction des pertes d'eau du réseau de distribution d'eau potable) et qui devrait associer la DGFiP puisse établir l'état complet des immobilisations et la situation réelle de leurs amortissements. Partant de cet état il devrait définir les conditions techniques minimales nécessaires pour améliorer la gestion patrimoniale des SPEA.
3.6.2.2. Le grand cycle de l'eau
Les données concernant le grand cycle de l'eau sont encore plus fragmentaires. Les données utilisées par la mission sont pour leur grande majorité issues d'une étude du CGDD « Le financement de la gestion des ressources en eau de 2012 ». Elles n'ont pu, malgré de nombreuses investigations et recherches être entièrement validées, ni croisées avec d'autres sources. Les chiffres ci-dessous doivent donc être pris avec précaution et considérés comme a minima. · Les données ci-dessous sont des dépenses, ventilées par catégorie de financeurs. · Le grand cycle mobiliserait 5,6Mds , dont plus de la moitié en provenance du contribuable au niveau national et 22 % en provenance de l'industrie. · Les dépenses seraient pour près de la moitié des dépenses d'emploi public au niveau central et déconcentré. · Les doubles comptages les plus probables ont été éliminés. · L'agriculture finance 1 % du total estimé des dépenses. · La dépense relative aux voies navigables est assurée, en partie, par la taxe (0,0123/m3) prélevée sur la facture d'eau. Le tableau ci-dessous récapitule les données par catégorie de financeurs et par type de dépenses.
Catégorie de financeurs
Mé APA Industrie nag D es Agriculture Contribuable contribuable Somme national ou local UE 697 697 177 2 040 1863
T y p e d e d
85
milieu et gestion des ressources naturelles dont protection des sols et des eaux souterraines et surface dont entretien et restauration des milieux aquatiques Administration et recherche dont Recherche et développement85 dont administration générale pour la protection
1 166 1166
177 0 0 1 717 967 750 984 984
177 2 701 967 1 734
Recherche et développement pour l'industrie : l'étude CGDD indique 695M. la mission considère que ces coûts sont supportés par la facture d'eau et concernent essentiellement le petit cycle.
116/131
é p e n s e s
patrimoine et dommages au grand cycle dont : inondations dont : voies navigables et littoraux86 dont: hydroélectricité87 Amélioration pollution diffuse via redevance AE pollution diffuse 88 Continuité écologique via redevance AE pour autres 10 usages89 total 10 0 Proportion par financeur 0% 0%
60
564 257 307
173 173
797 430 307 60
60 57 0,4 1 226 22% 57 1% 2 978 53% 1 334 24%
57 10 5 605 100%
Source Étude 62 CGDD et jaune budgétaire des Agences de l'eau
En toute rigueur, et en raison de la possibilité de doubles comptages entre sources de financements émanant du petit cycle et dépenses du grand cycle, on ne peut sommer les deux tableaux. Néanmoins et pour fixer les idées, la mission d'évaluation estime que le cycle de l'eau mettrait en jeu des flux annuels de l'ordre de 23,2 Mds d', dont ¾ sur le petit cycle et ¼ sur le grand cycle.
.........................3.6.3. Les données disponibles du bassin Loire-Bretagne permettent de conforter les analyses supra et de les affiner
Le tableau ci-dessous a été réalisé par l'Agence Loire Bretagne (qui représente 19 % environ de la population nationale). Il ne comprend pas le grand cycle de l'eau (à l'exception de certaines aides de l'UE).
86 87
45 Conservatoire du littoral (affectation contestable: 10 retenus). 225 (EDF) et 60 (CNR) répertoriée dans l'étude n°62 imputation contestable: ne devraient pas être comptées toutes les dépenses de maintenance de l'outil industriel hydroélectrique : 60 retenus. 88 Élevage 4; reste agricole 53; 90 à terme (41 retournent à ONEMA pour Ecophyto). 89 9,5 protection milieux aquatiques (pêcheurs).
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du document
Moyenne annuelle 2007-2012 En millions d'euros par an
Lien avec le titre
Indicateur de la récupération des coûts Sous-catégorie
Coûts annuel d'exploitation et de consommation de capital fixe Eau potable Assainissement Dont service individuel Couvert Non-couvert Autres coûts financiers (III) Transferts Impôts Environnement Coûts compensatoires Collectivité Europe Redevances Agence Onema (Ecophyto) Eau potable
Ménages
APAD
Industriel
Agriculteur
Contribuab Environne le ment
TOTAL
840 1300 200 1565 -375
265 345
430 445 340
70 90 160 0 0 56 107 167 107
1605 2180 700 2357 -728 56 107 167 107 293 11 1250 1107
Coûts annuels (I)
Renouvellement théorique
495 -115
297 -238
180 1 760 805 200 146 1 69
55
40
18 10
Financements (II)
240 255
250 47 340 160 29 10 17 107 23 42
Facture de l'eau et auto-financement financiers (III)
Assainissement Service individuel
700 293 11 167 107
Transferts
Aides agence Aides Onema Aides des collectivités (dont gestion des eaux Aides de l'Union Européenne
Toute catégorie de travaux
43 21
52 18
Source Agence Loire Bretagne
Les coûts annuels nécessaires pour exploiter et renouveler les équipements en eau potable et assainissement sont estimés à 3 785 M90(dont1 605 M pour l'eau potable et 2 180 M pour l'assainissement). La « facture d'eau » produit 2 357 M (redevances des agences incluses, mais hors TVA); l'autofinancement des usagers 700 M. Restent 728 M de renouvellement théorique qui ne sont pas financés.
.........................3.6.4. Application contenus dans la DCE
des
principes
L'analyse de l'agence Loire Bretagne permet d'apporter une réponse à la question qui paie quoi ? et quantifie sur une partie du flux (redevances Agences et Impôts soit 578k soit 20 % de l'ensemble des flux) les transferts financiers entre groupes contributeurs de l'ensemble.
Sous-catégorie
Total des coûts d'exploitation Equilibre des coûts et des recettes Total des recettes Partie non-couverte EQUILIBRE Total des recettes Equilibre des transferts financiers Total des aides EQUILIBRE
Ménages
2140 1765 375 0 181 216 -35
APAD
610 495 115 0 55 64 -9
Industriel
875 637 238 0 40 70 -30
Agriculteur
160 160 0 0 28 163 -135
Contribuab Environne le ment
TOTAL
3785 3057 728
Grands équilibres
0 274 0 274
0 0 65 -65
0 578 578 0
90
Ce chiffre est cohérent avec la dépense totale nationale de 19Mds et le poids du bassin par rapport au territoire national. 118/131
Source : Agence Loire-Bretagne
Le tableau ci-dessus montre schématiquement que 578 k d'aides sont redistribués à partir des aides des agences, des collectivités et des impôts. Le « taux de retour » est positif pour toutes les catégories de bénéficiaires, avec des variations importantes : · Les ménages reçoivent 120 % de leur contribution, tandis que les APAD en reçoivent 116 %. · L'industrie reçoit 175 % de sa contribution, tandis que l'agriculture en reçoit 582 %. · Le contribuable ne reçoit pas et contribue pour 47 % des sommes collectées, l'environnement (au sens DCE) ne contribue pas91 et reçoit 8 % des sommes distribuées. Il y a donc un transfert significatif, bien qu'il ne porte que sur 20 % du total des masses financières en jeu, dont les agriculteurs sont les principaux bénéficiaires. L'Agence Seine Normandie a procédé à une étude sur le même sujet (non strictement comparable à celle de Loire Bretagne, car les méthodologies ne sont pas identiques). Elle a abouti, pour son bassin versant aux résultats suivants : · Du point de vue des ménages, le transfert (charge) net est de 6,8 M soit 0,4 %du paiement des services. Si on inclut les transferts non monétaires via les surcoûts payés par les ménages consomma teurs d'eau potable (abandon de captage, dilution, tous travaux palliatifs de la mauvaise qualité, traitement complémentaire de l'eau, coûts de substitution, coût des dommages sanitaires) on obtient des surcoûts compris dans une fourchette de 260 à 407 M, soit 13 à 20 % du paiement des services (et de 29 % à 46 % rapportés aux seuls services d'eau potable). · Pour les APAD, le transfert (charge) net est de 8 M, soit 0,5 % du paiement des services. En intégrant les transferts indirects, la charge est de 48 M, soit 4,5 %. · Pour l'industrie, le transfert (gain) est de 70 M, soit 3 % du paiement des services. Les dépenses palliatives et traitements complémentaires correspondent à une charge de même montant : le bilan des transferts est nul. · L'agriculture bénéficie de transferts de 25 M d'aides publiques auxquels s'ajoutent 13 M en provenance des ménages et 7 M en provenance des APAD. Le total de 45 M équivaut à 204 % des paiements. La consolidation des données manque à l'échelle nationale, ce qui constitue un frein majeur aux comparaisons inter-bassins. On peut toutefois supposer que la situation mise en évidence par les agences de l'eau Loire Bretagne et Seine et Normandie peut être extrapolée à l'ensemble du territoire, modulo les spécificités de ces bassins. Ces études ne mettent pas en évidence les transferts intra-bassins, qui peuvent être néanmoins importants comme l'illustrent certaines données fournies par les agences Rhône-Méditerranée-Corse, SeineNormandie, et Loire-Bretagne.
.........................3.6.5. Une mise en imparfaite du principe pollueur-payeur
pratique
très
Le principe pollueur-payeur (PPP) est formalisé en 1972 par l'OCDE 92 dans le but d'inciter les États à ne pas prendre en charge avec de l'argent public les externalités créées par les acteurs privés et ainsi de ne pas leur conférer un avantage comparatif qui les inciterait à accentuer leur pression sur les ressources. Il s'agit avant tout d'un principe de non-subvention, mis en oeuvre au travers de deux mécanismes : le financement par les utilisateurs et non les contribuables des charges de gestion du bien environnemental ; l'absence de subventions croisées, impliquant des transferts financiers entre secteurs économiques.
91 92
Sauf à considérer que la dégradation de l'environnement est une forme de contribution. De façon plus complète, l'annexe 6 récapitule les travaux de l'OCDE dans le domaine de l'eau. 119/131
La DCE impose aux États membres de rendre compte de l'application des principes de non-subvention. Le plan de gestion de chaque district hydrographique doit rendre compte de la récupération des coûts par secteur économique, et en tenant compte de l'application du principe pollueur-payeur. Il ne s'agit toutefois nullement d'une obligation d'application du PPP, ni d'une obligation de récupération totale des coûts sur les utilisations de l'eau, mais bien plutôt d'une obligation de transparence et d'information du public. Le principe pollueur-payeur est inscrit à l'article 191 du traité sur le fonctionnement de l'Union Européenne. Il est transcrit en droit français dans l'article 1er de la loi du 2 février 1995 sur le renforcement de la protection de l'environnement. Enfin, la charte constitutionnelle (Loi n° 2005-205 du 1er mars 2005) impose à toute personne de contribuer à la réparation des dommages qu'elle cause à l'environnement.
3.6.5.1. Les redevances, élément principal de l'application du PPP
L'application du PPP devrait en théorie conduire à l'internalisation de tous les coûts et entraîner leur prise en charge par ceux qui en sont responsables. Les redevances, associées à la facture d'eau, remplissent en partie ce rôle. Elles présentent néanmoins une limite souvent rappelée dans la mesure où la répartition des contributions des acteurs n'est pas proportionnelle aux pollutions émises par ces mêmes acteurs 93. Le choix de la démocratie de bassin par le vote des redevances et du programme d'intervention des Agences de l'eau sert non seulement à orienter la politique de l'eau du bassin mais aussi à gérer la mutualisation et la répartition des coûts. Les redevances actuelles sont mieux adaptées à l'internalisation des coûts du petit cycle de l'eau qu'à celle de ceux du grand cycle. a) Les redevances des agences de l'eau répondent à plusieurs enjeux et objectifs parfois différents Objectif de « rendement » : les redevances constituent un impôt et doivent permettre de percevoir des sommes à la hauteur des objectifs d'internalisation des coûts environnementaux. Cela est le cas des principales redevances des agences (redevance pour pollution, prélèvement, modernisation des réseaux) Objectif « dissuasif » : certains paramètres peuvent être dimensionnés de façon à devenir dissuasif et impliquer un changement de pratique des acteurs concernés. L'objectif n'est plus de percevoir des ressources mais au contraire de tendre à éliminer les produits. Cela est le cas pour certaines substances de phytosanitaires Objectif « symbolique » : des redevances ont été construites pour montrer que le champ était couvert, mais pas forcément pour être efficaces d'un point de vue fiscal. Le coût de perception est élevé et le produit parfois très faible. Cela est le cas par exemple des redevances élevage, obstacle sur un cours d'eau et protection du milieu aquatique (pêche). b) Le système de redevances des agences évolue vers la fiscalisation en s'éloignant de l'application du principe pollueur-payeur La LEMA de 2006 a profondément modifié le régime des redevances 94. En effet, un principe de la loi de 1964 disparaît : la masse des redevances est légalement globalisée et il n'y a plus de corrélation entre un type de redevance et un type d'action. Le taux de la redevance n'est ainsi plus lié uniquement à l'utilité ou à la désutilité pour l'environnement ou pour l'usager.
93
À titre d'exemple, les usagers domestiques contribuent pour environ 80% des recettes de la redevance prélèvement alors que leur pression sur le milieu est de l'ordre de 15% en prenant en compte le refroidissement et 30% sans le prendre en compte. 94 La loi stipule que « en application du principe de prévention et du principe de réparation des dommages à l'environnement, l'Agence de l'eau perçoit des redevances ». 120/131
Les différences de taux de redevances fixées par le législateur par usage de l'eau sont désormais fondées davantage sur son appréciation des facultés contributives et du contexte socio-économique que fruit d'éléments techniques environnementaux. La démocratie de bassin et le souhait de rééquilibrer le prix de l'eau à l'échelle nationale ont pris le pas sur les considérations purement écologiques. c) Les redevances actuelles répondent aujourd'hui très imparfaitement au principe pollueur-payeur
·
Redevances de pollution : des différences sensibles sur le principe des assiettes entre pollution domestique et non domestique :
Pour la pollution domestique, il y a déconnexion entre l'assiette de la redevance et la pollution rejetée au milieu, ce qui n'est pas le cas pour la pollution des activités non domestiques. En effet, la dépollution des eaux usées avant rejet au milieu ne se traduit pas, comme pour les pollutions industrielles, par un abattement de redevances. Certes, des primes pour épuration sont versées aux gestionnaires de ces stations95, en fonction des performances du système d'assainissement. Il s'agit d'un montant très important de l'ordre de 300M par an. Mais ces primes, qui contribuent à la mise en oeuvre du principe pollueurpayeur, ne sont pas reconnues comme des redevances négatives, ce qu'elles devraient être, par similitude à la situation des industriels. Un obstacle peut être mis en avant : celui de la personnalité du redevable. Cette question pourrait être réexaminée, les collectivités ayant désormais une compétence obligatoire en matière d'assainissement. De même, pour les pollutions non domestiques, avant la LEMA, l'assiette était basée sur le flux moyen du mois de pollution maximale. La LEMA a remplacé ce système par un calcul basé sur le flux annuel, ce qui n'est pas représentatif des atteintes aux milieux, et élimine du système de redevances les industries saisonnières, qui peuvent être très perturbatrices. Un retour à une assiette plus représentative des atteintes aux milieux apparaît souhaitable. · Redevances de prélèvement : Les assiettes semblent adéquates avec le principe ; en revanche, les taux semblent insuffisamment dissuasifs. · Redevance pour stockage d'eau en période d'étiage Compte tenu du volume élevé des retenues prises en compte, cette redevance ne concerne pas les retenues d'irrigation ou de neige artificielle. · Redevance pour obstacle sur les cours d'eau La redevance ouvrage n'est clairement pas incitative. La redevance ouvrage est calculée comme le produit d'une hauteur de chute par le coefficient de débit, le coefficient d'entrave (coefficient de transit sédimentaire et coefficient de transit poisson). Il manque un certain nombre de facteurs fortement influençant (effets des remous, sensibilité des milieux, effets des usages). Par ailleurs, la redevance fait l'objet de fortes exonérations au principe et à l'application contestables , sur la hauteur (cette exonération est à 5 m, soit 5 fois la hauteur infranchissable pour les poissons les plus performants), sur le débit (la totalité du chevelu est exclue de la redevance alors même qu'on y trouve et qu'on y trouvera probablement de plus en plus de micro-centrales), sur ouvrages hydroélectriques (alors même que l'hydroélectricité est l'usage le plus pénalisant). Son taux de 150 /m est extrêmement faible et les coefficients en partie inadaptés. Enfin, la redevance actuelle ne fait aucune différence entre les rivières les plus exceptionnelles qu'il convient de préserver intégralement, les rivières moins exceptionnelles mais néanmoins suffisamment intéressantes pour bénéficier du classement au titre de l'article L214-17 2° du Code de l'Environnement, et
95
Dans tous les bassins, sauf en Loire-Bretagne. 121/131
enfin les rivières de moindre intérêt sur le plan environnemental. La très grande majorité des ouvrages parmi lesquels on rencontre les ouvrages les plus pénalisants sur le plan environnemental échappe complètement à la redevance ! La redevance ouvrage telle qu'elle est n'a donc aucun effet en terme environnemental et ne peut donc influencer de manière favorable les comportements des usagers, ni participer à l'amélioration de l'environnement et à l'atteinte du bon état.
Certains faits générateurs perturbant pour le milieu ne font l'objet d'aucune redevance : extractions
de granulats, suppression de champs d'expansion des crues, imperméabilisation, etc.
3.6.5.2. La mise en pratique du principe pollueur payeur dans le secteur agricole est difficile.
Les techniques actuelles de surveillance ne permettent pas de mesurer, pour un coût raisonnable, la pollution diffuse d'origine agricole dans les masses d'eau, mais aussi en raison des obstacles d'ordre juridique (droits de propriété). Outre la redevance élevage qui concerne les effluents azotés des unités d'élevage les plus importantes, l' instrument « internalisant » existant est la redevance « pour pollution diffuse », instaurée par la LEMA, qui a succédé à la TGAP sur certains produits phytosanitaires. Selon les cas, elle taxe les substances entre 0,9 /kg et 5,1 /kg (0,6 et 3,7 jusqu'en 2010) et rapporte environ 60 millions d'euros dont environ 31,8 millions d'euros par an pour les agences et le reste pour le financement du plan Ecophyto. Ces montants sont donc nettement inférieurs aux seuls coûts des traitements de potabilisation des eaux contaminées, et sans commune mesure avec les coûts externes d'un traitement hypothétique de l'ensemble des flux annuels chiffrés ci-dessus. Les chiffrages précédents laissent à penser que les taux actuels de la redevance pour « pollution diffuse » sont insuffisants pour couvrir l'ensemble des coûts externes, non seulement sanitaires mais aussi environnementaux. a) L'agriculture n'est pas la seule source de pollution diffuse aquatique, mais c'est la plus importante La pollution diffuse peut avoir plusieurs sources (industrielle, domestique, agricole) et il est malaisé de déterminer la part relative de chacune de ces causes. Le lien entre production agricole et pollution est d'une manière générale plus documenté que les autres, même si sa quantification se heurte à de nombreux obstacles méthodologiques et pratiques. Il n'en reste pas moins que l'agriculture est source de pollution par l'azote, le phosphore, les pesticides, les sédiments du sol ainsi qu'un nombre croissant de nouveaux contaminants (par exemple les médicaments vétérinaires). La pollution d'origine agricole a un fort impact redistributif sur la société, en raison du coût du traitement visant à décontaminer l'eau de boisson. Le coût de cette pollution d'origine agricole pèse également sur la société sous forme de perte des avantages liés aux loisirs (p. ex. baignade) et aux valeurs d'agrément (p. ex. paysages aquatiques) associés à l'eau ; de dommages sur les pêcheries commerciales et d'effets néfastes sur les écosystèmes. Comme le note l'OCDE dans son récent rapport « Qualité de l'eau et agriculture : un défi pour les politiques publiques (2012) », les coûts économiques, environnementaux et sociaux de la pollution de
l'eau due à l'agriculture dans les pays de l'OCDE représentent probablement au bas mot plusieurs milliards de $/an. Il n'existe pas d'estimation satisfaisante de ces coûts. Les mesures destinées à remédier à la pollution de l'eau par l'agriculture dans les pays de l'OCDE ont coûté aux contribuables des milliards de $/an.
Pour la France, les coûts de la pollution agricole peuvent être estimés à un minimum de 500M/an 96.
96
Une estimation réalisée par le ministère de l'écologie en 2009 (Étude n°52 du CGDD) évalue les dépenses courantes connues 122/131
b) La conchyliculture, un bon exemple de cette application imparfaite du principe polluer-payeur et de la difficulté de mise en oeuvre de ce dernier Le secteur conchylicole (774 M de CA) est confronté à un ensemble de surcoûts. Parmi ceux-ci et de manière non exhaustive, on peut citer : - L'obligation de traiter 98 % de la production ostréicole avant mise en marché du fait de la présence de germes dans 98 % des zones. Cette présence de germes est attribuée à des défauts d'ANC ou de fonctionnement de stations d'épuration par temps de pluie. - La surcharge de travail due à la prolifération des algues (retournement des poches 2 fois plus fréquent que la normale, donc coût de main d'oeuvre accru). - Les pertes de production due aux algues : mortalité due à l'anoxie par prolifération physique des algues - Les surcoûts dus au non respect de la zone tampon des 500m d'épandage. - L'impact des perturbateurs endocriniens, etc... L'ensemble de ces surcoûts qui pour l'instant sont passés sur le consommateur qui accepte de les payer peut être estimé à plusieurs centaines de millions d'euros pour la conchyliculture soit certainement de l'ordre de 20 à 30 % de la valeur finale de sa production. La répercussion de ces surcoûts à leurs auteurs par application du PPP s'avère très délicate, bien qu'on puisse globalement identifier les « responsables » (agriculteurs, ANC défaillantes, responsables de stations défaillantes...).
entraînées par les pollutions azotées de l'agriculture et de l'élevage dans une fourchette allant de 840 à 1310 millions d'euros par an, dont 740 à 1160 millions engagés par les ménages et 100 à 150 millions supportés par les collectivités territoriales. Cette évaluation est reprise et citée par tous les ouvrages postérieurs sur le sujet. La mission estime que ce chiffrage mériterait un débat tant sur la méthode que sur les résultats. 123/131
. 4 .Synthèse opérationnelle
À l'issue du diagnostic, plusieurs éléments permettent de caractériser la politique de l'eau en matière d'effi cacité, d'efficience ou de soutenabilité.
.........................4.1. Efficacité : Une politique de l'eau globalement efficace sur le petit cycle de l'eau mais qui rencontre des difficultés pour maintenir en bon état voire reconquérir la ressource en eau et la qualité des milieux aquatiques
La politique de l'eau cherche à répondre à des objectifs variés qui concernent à la fois le petit cycle de l'eau, le grand cycle de l'eau et l'interface entre petit et grand cycles.
.........................4.1.1. Pollutions diffuses et substances toxiques difficiles à traiter obèrent une efficacité globalement satisfaisante
Globalement l'efficacité est atteinte pour le petit cycle de l'eau. Ce dernier offre en effet une bonne qualité de service : qualité, quantité, disponibilité. La politique de l'eau a permis de grandes avancées dans la lutte contre les pollutions des stations de traitement des eaux usées notamment en application la directive « Eaux Résiduaires Urbaines » (DERU), dont les travaux de mise en conformité liée au contentieux communautaire devaient être terminés fin 2013, et l'accessibilité à l'eau potable est désormais assurée pour tous en métropole. Restent toutefois plusieurs territoires (DOM et plus encore Mayotte, TOM) où l'accès à l'eau potable et l'assainissement, enjeu majeur dans le développement, ne sont pas encore assurés en raison de l'état et surtout du manque d'infrastructures adéquats. Par ailleurs, malgré les efforts réalisés vers les 507 aires d'alimentation des captages prioritaires définis dans le cadre du Grenelle de l'Environnement, l'effort s'essouffle (conjoncture économique défavorable, retards dans les engagements agro-environnementaux). L'arrêt de certains captages d'eau potable affectés par des pollutions diffuses conduit à la recherche de nou veaux sites de prélèvement et est facteur de coûts supplémentaires alors même que certaines menaces émergent (risques liés notamment aux pesticides, résidus de médicaments...). Enfin la question du maintien en bon état et le renouvellement des infrastructures (réseaux AEP anciens ; stations de traitement, stratégie d'amortissement des réseaux à consolider...) constitue un des nouveaux enjeux du petit cycle de l'eau.
.........................4.1.2. Assainissement non collectif, croissance démographique différente selon les territoires et pollutions résiduelles du milieu peuvent mettre en péril le bon état des eaux
Quatre éléments qui posent encore problème viennent en appui de ce constat :
·
la réduction du taux de nitrate : problèmes de définition des zones vulnérables, de calendrier de réalisation des actions et d'efficacité des actions entreprises après ceux liés à la DERU qui ne sont pas terminés et pour lesquels l'effort doit se maintenir, l'assainissement non collectif qui contribue ponctuellement, notamment dans les zones perméables sensibles (espaces littoraux, milieux karstiques...), à la pollution des masses d'eaux littorales et souterraines,
124/131
·
·
le fonctionnement des systèmes d'assainissement en temps de pluie en milieu urbain qui, mal maîtrisé, peut affecter le bon état écologique des cours d'eau et provoquer des débordements nuisibles au milieu naturel, l'urbanisation et l'augmentation des déplacements motorisés, qui aggravent l'imperméabilisation des sols et les charges d'entretien (usage de pesticides, prélèvements et rejets) ;l'usage de produits dérivés du pétrole facteurs de dépôts toxiques sur le sol urbain est également un vecteur d'impact sur l'eau et les milieux aquatiques insuffisamment considérés (HAP, plomb...). Certaines de ces faiblesses sont liées à une faible intégration des enjeux liés à l'eau dans d'autres politiques publiques ( urbanisme, transport...), malgré une convergence forte avec la politique de santé publique.
·
.........................4.1.3. Pour le grand cycle, des objectifs trop ambitieux et des outils de mise en oeuvre faiblement opérationnels
Le « grand cycle de l'eau » recouvre les enjeux plus naturels tels que la préservation des milieux humides, la protection et la reconquête des ressource en eau et de la qualité des milieux aquatiques, la protection voire la reconquête de la qualité des milieux marins, la gestion des risques naturels liés à l'eau (ex : inondations, ruissellements, ...), la coordination et la planification à l'échelle des bassins versants. Globalement, pour le grand cycle de l'eau, l'efficacité demeure insuffisante au regard des objectifs de bon état écologique des cours d'eau fixés par la France pour 2015 dans le cadre de l'application de la DCE. Pour autant, la France se situe dans la moyenne des États membres de l'Union Européenne pour la qualité effective des masses d'eau. Trois points d'importance nécessitent un renforcement des efforts : (1) la réduction des pollutions diffuses (notamment agricoles), (2) la restauration morphologique des cours d'eau et (3) la protection des zones humides.
.........................4.1.4. Une action de l'État nécessaire pour assurer la transparence de la qualité des services au niveau du petit cycle de l'eau et indispensable pour le grand cycle
L'amélioration de la transparence de la gestion de l'eau potable et de l'assainissement collectif et non col lectif reste un enjeu important, notamment sur la réalité économique des coûts des différentes opérations tout au long du cycle de l'eau. Cette transparence est à rechercher tant au niveau du consommateur (informations disponibles sur la facture d'eau, cas des immeubles collectifs non individualisés) qu'au niveau des collectivités gestionnaires (consolidation de l'observatoire des services publics d'eau et d'assainissement). Dans le grand cycle de l'eau, les formes de régulation des relations entre acteurs ne vont pas de soi. Cette difficulté est accentuée par un manque de connaissances, des difficultés d'accès ou de compréhension des données brutes et la caractérisation du lien entre les pressions exercées sur l'eau et les milieux aquatiques, l'état de ces milieux et les réponses apportées. Le SIE est aussi confronté à de nombreuses difficultés, en raison 1)de la forte complexité du fonctionnement des hydrosystèmes qui rend parfois difficilement démon trables les liens de causalité entre actions entreprises et impacts sur l'état des milieux, 2) du choix fait de ne pas remettre à plat le réseau national des données sur l'eau historique, mais de progresser par améliorations successives, 3) de la multiplicité des producteurs de données sur lesquels le coordinateur technique (ONE MA) n'a pas toujours autorité, 4) de l'insuffisance du système qualité malgré des progrès importants, 5) de la limitation et du niveau de qualification des moyens humains affectés.
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.........................4.1.5. Une multiplicité d'intervenants publics et de politiques publiques qui peuvent se neutraliser si les objectifs ne sont pas partagés
Le diagnostic souligne les faiblesses en matière d'articulation entre les politiques publiques à visées socioéconomiques même si des actions visant à penser la transversalité et une meilleure articulation des poli tiques publiques ont montré des effets positifs (atténuation des conflits d'usage ; adaptation de pratiques agricoles ; plus grande prise en compte des enjeux de l'eau dans les projets d'aménagement...). Pour autant l'écoconditionnalité des aides en matière d'agriculture, si elle a été initiée, demeure insuffisante, et le contrôle de son respect insuffisamment lié à la police de l'eau et à la sensibilité des exploitations vis-à-vis de l'eau. Les porteurs des politiques d'urbanisme et de transports sous-estiment les enjeux dans le domaine de l'eau dans l'élaboration de leurs projets. Concernant l'hydroélectricité, les priorités concernant la vocation principale des cours d'eau devraient être plus affirmées (cours d'eau « énergétiques » classés MEFM et cours d'eau biologiques sur lesquels aucun nouveau projet ne devrait être autorisé). Quant aux politiques en vironnementales thématiques (biodiversité, inondations), le risque est celui d'une sectorisation de la mise en oeuvre de ces politiques. L'évaluation environnementale des projets, plans et programmes est insuffisamment utilisée pour faire prendre en compte les enjeux de l'eau et des milieux aquatiques en amont des projets. Par ailleurs, des financements croisés ont tendance à lisser la hiérarchisation des actions pourtant indispensable. Au final ils peuvent entraîner une neutralisation de l'incitation en raison des retards engrangés par le montage des dossiers et des avis contradictoires qui s'expriment, y compris entre services de l'État. Souli gnons aussi un manque de souplesse dans la mise en oeuvre des MAEt qui, malgré des lignes directrices clairement définies par les procédures, et en raison du nombre d'intervenants impliqués ajoute des coûts de transactions importants, limite in fine l'application efficace des mesures.
.........................4.2. Efficience : des progrès possibles dans un environnement social, économique et politique qui restera par nature complexe .........................4.2.1. Gouvernance : une coordination et une planification efficaces à l'échelle des bassins, mais une mise en oeuvre locale confrontée à un émiettement des responsabilités et à une organisation inadaptée
La gouvernance de l'eau se caractérise par un émiettement des responsabilités, voire leur ignorance, et une organisation pas toujours adaptée aux enjeux qu'elle a à traiter, ce qui, au total, ne favorise ni la construction d'une vision stratégique, ni l'atteinte des résultats escomptés. Ainsi, au niveau de l'État, la multiplication des instructions de la DEB nuit à la lisibilité des priorités des services déconcentrés. La complexité de la coordination sur les territoires littoraux entre Préfet de bassin, préfet de façade et préfet maritime pose question. L'amélioration de l'animation territoriale entre les services de l'État et ses établissements publics, entre services de l'État et collectivités doit faire l'objet d'une attention particulière alors même que des dissensions peuvent survenir entre services. L'expérience d'instauration d'un chef de filât selon les dossiers initiés en certains territoires pourrait être une réponse efficace à ce problème. Par ailleurs, un besoin de clarification des rôles entre l'État et ses établissements publics apparaît nécessaire. Le principe de spécialité des établissements publics doit être réaffirmé. La démarche est engagée dans le cas de l'ONEMA dont le nouveau contrat d'objectifs intègre les critiques de la Cour des comptes. Les
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mutualisations entre les agences de l'eau sont encore perfectibles, malgré les grands progrès accomplis ces dernières années. Leur coordination avec les autres acteurs de l'environnement, notamment ceux concernés par la biodiversité et les milieux littoraux, mériterait d'être renforcée. Par ailleurs, au niveau territorial, de nombreux acteurs ont fait valoir un manque de dialogue entre les acteurs en charge de l'urbanisme et les acteurs de l'eau. Entre un État légitime sur les enjeux environnemen taux et des collectivités légitimes sur l'aménagement de l'espace pour l'accueil des populations, activités et services, comment arriver à une compréhension commune des enjeux de l'eau ? La multiplication des SAGE est une bonne solution dans la durée. Elle se heurte cependant à une durée d'élaboration excessive, incompatible avec les objectifs de la DCE, et à des difficultés pour passer à la mise en oeuvre. L'absence de compétence obligatoire d'ensemblier à l'échelle des bassins versants (service public) nuit à la mise en oeuvre des mesures locales déclinant des SDAGE ainsi qu'un manque de maîtres d'ouvrages ayant les capacités techniques et financières sauf dans le cas où des syndicats de rivière avaient été initiés (avec ou sans SAGE). La question notamment de l'absence de ressource financière propre semble un frein majeur. La prise en charge de l'ensemble des problèmes à l'échelle du bassin versant semble un levier essentiel pour mieux répondre aux problématiques en lien avec le grand cycle de l'eau (restauration de la morphologie des cours d'eau, pollution diffuse, gestion des zones humides mais aussi gestion des inondations) et mieux articuler les multiples outils (SDAGE, SAGE, SAR, SCOT, PLU, ...), issus de législations autonomes, élaborés à des périodes différentes et reflets d'un mille-feuille hérité des évolutions de l'action publique passées. Les comités de bassin, dont le rôle structurant a été confirmé par tous, a aussi fait l'objet d'une demande d'ajustements dans sa composition par certaines catégories d'acteurs, pour répondre à un souci de meilleure représentation de la société civile. Le diagnostic souligne également le nombre trop important de services publics d'eau et d'assainissement, certains n'ayant pas la taille suffisante pour exercer leurs prérogatives d'autorité organisatrice (existence 35 000 SPEA dont 5000 représentent 80 % de la population). Cet émiettement apparaît nuisible à la rationalité des choix techniques.
.........................4.2.2. Utilisation des ressources : une évaluation macro-économique imparfaite
Malgré les résultats incertains issus du diagnostic sur les ressources financières et humaines relatives à la politique de l'eau, quelques points marquants peuvent être soulignés. 17 Mds d'euros sont mobilisables annuellement dans le petit cycle de l'eau. Globalement les recettes n'équilibrent pas les dépenses si l'on intègre l'investissement dans l'équilibre financier du service. Les col lectivités locales ont recours à l'emprunt à hauteur de 1 Mds d'euros par an pour mener une politique d'investissement dans ce secteur stratégique et bénéficient de plus d'aides des agences de l'eau, de conseils gé néraux (voire de fonds européens dans les DOM) et d'avances remboursables. De plus, certains choix d'investissement dans les domaines de l'AEP et de l'assainissement relèvent parfois de critères plus politiques que techniques ce qui peut conduire à des dépenses insuffisamment justifiées. Certains choix techniques méritent une vigilance particulière, en particulier le choix entre assainissement collectif et assainissement non collectif en zone rurale : les enjeux financiers sont potentiellement énormes et la soutenabilité du maintien de ces réseaux dans la durée interroge. En revanche la mise en place de certaines règles (prix minimum de l'eau pour être éligibles aux aides des Agences de l'eau, coûts plafonds voire coûts d'exclusion ; fongibilité asymétrique du Xème programme des Agences de l'eau pour éviter des transferts du grand cycle vers le petit cycle) vont dans le bon sens. Sur le plan des ressources humaines, une certaine perte de compétence des services de l'État et une expertise technique insuffisante par absence de masse critique dans les services peuvent nuire à la qualité de l'expertise des dossiers de police administrative et au suivi des projets (contrôle des SPEA par exemple). 5,6 Mds d'euros sont mobilisés par le grand cycle de l'eau dont la moitié en provenance du contribuable au niveau national. Certains programmes d'intervention financés dans le cadre de la gestion du grand cycle
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comme Ecophyto, comprennent trop d'intermédiaires qui entraînent des coûts de transaction et une déresponsabilisation alors même que l'utilisation des crédits a fait l'objet d'un cadrage au niveau national. Par ailleurs, les insuffisances de l'exercice de la police de l'eau sont régulièrement signalées (Cour des comptes 2010 et 2012; Conseil d'État 2010, Blueprint 2012 de la Commission européenne). Tous consi dèrent que la police de l'eau constitue un levier réglementaire de contrôle et de sanction insuffisamment appliqué dans un contexte où la coordination entre les acteurs de l'eau (financement au niveau des bassins ; police au niveau départemental) est difficile. Les faibles effectifs de certaines DDT peuvent amener à trai ter les dossiers de façon trop administrative et pas assez sur le fond, les vérifications de terrain étant délé guées, ce qui conduit à des applications hétérogènes d'un département à l'autre et ce d'autant plus que les services de l'ONEMA qui les assument sont aussi souvent en effectif insuffisant. De plus, constat est fait du peu de synergie entre la police de l'eau et les contrôles de la PAC.
.........................4.3. Soutenabilité : la politique a-t-elle la capacité à répondre aux défis futurs ? .........................4.3.1. Consentement à payer : le système de la ressource affectée et des programmes pluriannuels appréciés de tous les acteurs
Le consentement à payer est réel, d'autant que le prix de l'eau se situe dans la moyenne des aux autres États Membres de l'Union européenne. De plus le système de la ressource affectée avec définition de pro grammes pluriannuels d'intervention est très apprécié de tous les acteurs, publics et privés. Ils permettent de développer des actions dans le temps, sans subir les aléas de l'annualité budgétaire. En revanche, les consommateurs d'eau contestent la répartition des coûts pour l'aide publique au grand cycle de l'eau et des craintes se font jour en cas d'extension du champ d'intervention des agences de l'eau sans ressource supplémentaire affectée.
.........................4.3.2. Améliorer la prise en compte des analyses coûts avantages (ACA) et des analyses coûts bénéfices (ACB), ainsi que des approches plus stratégiques
En revanche, l'identification de coûts disproportionnés éventuels est insuffisamment prise en compte aujour d'hui dans la mise en oeuvre en France de la politique de l'eau. Les analyses économiques devraient pour tant constituer un élément important d'aide à la décision et d'amélioration de l'efficacité et de l'efficience. L'appréciation des coûts disproportionnés est d'autant plus importante qu'elle peut constituer un argument de demande de dérogations de délais et d'objectifs dans la mise en oeuvre des mesures complémentaires de la DCE.
.........................4.3.3. S'inscrire dans une démarche de prospective pour anticiper les changements futurs
De nombreux défis nous attendent : les conséquences liées au changement climatique et aux incertitudes temporelles de son évolution, les dynamiques de répartition des populations et des activités économiques, la culture d'une population de plus en plus urbaine et moins consciente des enjeux liés au fonctionnement des milieux aquatiques, la transformation du modèle économique, l'érosion de la biodiversité...
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Tout ceci amène à devoir préparer l'avenir , en effectuant des projections selon des scénarios alternatifs : cela suppose de faire preuve d'innovation, d'imagination, de flexibilité dans les outils, et d'améliorer la concertation avec le public, dont les modes de vie seront forcément impactés par tous ces changements.
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. 5 .Conclusion
Le système de gestion intégrée de l'eau par bassin versant avec des agences de l'eau bénéficiant de res sources affectées et de programmes pluriannuels d'intervention continue de faire ses preuves et est apprécié de tous les acteurs. C'est un acquis fondamental à préserver. La gestion du petit cycle de l'eau est globalement satisfaisante : l'accès à l'eau potable est garanti, la mise aux normes de l'assainissement collectif se termine, l'assainissement non collectif est maintenant encadré ; le prix de l'eau est dans la moyenne européenne. Les DOM connaissent cependant un retard structurel qui justifie pleinement la solidarité inter-bassins. En revanche, des progrès sont possibles en efficience : le nombre de services publics d'eau et d'assainissement est beaucoup trop important. Des progrès sont nécessaires en matière d'information des consomma teurs sur la qualité des services. La gestion du grand cycle de l'eau, qui bénéficie portant à tous les acteurs, est difficile : elle cristallise les conflits d'usages et justifie pleinement l'intervention publique. Les objectifs ambitieux des directives communautaires : DCE, mais aussi DI et DCSMM, nécessitent de consolider la gouvernance en place pour mieux associer les acteurs territoriaux chargés de la mise en oeuvre et pour parvenir à une meilleure intégration de ces politiques, notamment via l'intervention des agences de l'eau. Les modes d'intervention de la politique et notamment l'équilibre entre incitation et coercition doivent être débattus. La hiérarchisation des priorités est nécessaire pour tenir compte des capacités d'intervention de tous les acteurs : le niveau d'ambition relève du choix politique et doit être pleinement assumé
Anne-Marie LEVRAUT
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Liste des annexes :
cf. Tome 2
1. Lettre de mission 2. Cahier des charges de l'évaluation adopté par le COPIL du 4 mars 2013 3. Les acteurs de l'eau 4. Cartographie du SNDE 5. Travaux de l'OCDE 6. Bibliographie 7. Liste de contributions reçues 8. Liste des personnes rencontrées 9. Glossaire des acronymes
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Conseil général de l'environnement et du développement durable Inspection générale des finances Conseil Général de l'Économie, de l'Industrie, de l'Énergie et des Technologies
Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux Inspection générale de l'administration Université Paris-Diderot
Évaluation de la politique de l'eau
Rapport d'analyse - Tome 2 (Annexes)
Établi par : Responsable opérationnelle : Anne-Marie LEVRAUT Ingénieure Générale des Ponts, des Eaux et des Forêts, Conseil général de l'environnement et du développement durable Équipe opérationnelle : Denis PAYEN Ingénieur Général des Ponts, des Marie-Laurence MADIGNIER Ingénieure Eaux et des Forêts Générale des Ponts, des Eaux et des Forêts Nathalie COPPINGER Inspectrice Générale des Jean-Jacques BENEZIT Ingénieur Général des Finances Ponts, des Eaux et des Forêts François CHOLLEY Ingénieur Général des Mines Marie-Louise SIMONI Inspectrice Générale de l'Administration Richard LAGANIER professeur de géographie
Juin 2013
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Liste des annexes
1. Lettre de mission 2. Cahier des charges de l'évaluation adopté par le COPIL du 4 mars 2013 3. Les acteurs de l'eau 4. Cartographie du SNDE 5. Travaux de l'OCDE 6. Bibliographie 7. Liste de contributions reçues 8. Liste des personnes rencontrées 9. Glossaire des acronymes
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ANNEXE 1 Lettre de mission
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ANNEXE 2 Cahier des charges de l'évaluation de la politique de l'eau (COPIL du 4 mars 2013)
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Annexes Rapport d'analyse V28 tome 2 25 juin
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Annexes Rapport d'analyse V28 tome 2 25 juin
Annexes Rapport d'analyse V28 tome 2 25 juin
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ANNEXE 3 Les acteurs de l'eau 1) Au niveau national, les acteurs assurent l'élaboration et le suivi général de la politique de l'eau ainsi que l'articulation avec l'Union européenne Le ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie (MEDDE) est chargé de la politique de l'eau, à travers deux directions d'administration centrale : la direction de l'eau et de la biodiversité (DEB) et la direction générale de la prévention et des risques (DGPR). D'autres ministères sont amenés à intervenir pour défendre leurs intérêts particuliers, notamment le ministère en charge de la santé, le ministère en charge de l'agriculture et le ministère en charge de l'industrie. Ces ministères se coordonnent au sein de la mission inter-services de l'eau (MIE). La politique de l'eau étant une politique partenariale, le Comité National de l'Eau (CNE), placé auprès du Ministre en charge de l'environnement, donne un avis sur toutes les questions d'ordre national. L'office national de l'eau et des milieux aquatiques (ONEMA) est un établissement public national en charge de la mutualisation technique sur de nombreux sujets, notamment méthodologiques ou sur l'information et les données. De nombreuses associations nationales interviennent pour faire le lien entre leurs intérêts, qui s'expriment souvent au niveau local et les instances nationales : citons certaines têtes de réseaux : l'office international de l'eau (OIEAU), l'association française des établissements publics territoriaux de bassins (AFEPTB), ou la fédération nationale des collectivités concédantes et des régies (FNCCR), mais aussi les fédérations nationales d'associations de protection de l'environnement, ou la fédération nationale des industriels utilisateurs d'eau (FENARIVE). La direction de l'eau et de la biodiversité (DEB) du ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie (MEDDE), est chargée d'élaborer, d'animer et d'évaluer la politique nationale de l'eau et des milieux aquatiques en cohérence avec les directives européennes. À ce titre, elle a en charge la connaissance, la protection, la police, la gestion de l'eau et des milieux aquatiques continentaux, littoraux et marins et à la pêche en eau douce, la gestion équilibrée des eaux superficielles et souterraines, des estuaires et des eaux littorales ainsi que la protection des eaux marines contre les pollutions, y compris accidentelles, et à l'assainissement des eaux. Elle a donc un rôle de pilotage et d'animation des services déconcentrés dans son champ d'action, y compris la police des eaux et de la pêche en eaux douces. Elle assure la coordination interministérielle notamment avec les services compétents pour un usage particulier de l'eau (Agriculture, Santé, ...) et à ce titre exerce le secrétariat de la mission interministérielle de l'eau (MIE) et du comité national de l'eau (CNE). Elle exerce la tutelle des établissements publics de son champ d'activité en particulier des 6 Agences de l'Eau et de l'ONEMA. La direction générale de la prévention et des risques (DGPR) du MEDDE est chargée notamment de l'élaboration et de la mise en oeuvre de la politique de réduction des pollutions et de la politique de prévention des inondations et de prévision des crues, en lien avec la DEB.
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La direction générale de la Santé, du MASS est responsable en particulier de la qualité de l'eau potable distribuée, de la qualité sanitaire des aliments et des baignades. La direction générale de l'alimentation (DGAL) du MAAF est responsable notamment de la mise en oeuvre de la politique de prévention et de contrôle phytosanitaire, et à ce titre de la réglementation des produits phytosanitaires et du plan Ecophyto. La direction générale des politiques agricoles, agroalimentaires et des territoires (DGPAAT) est quant à elle, chargée de l'élaboration de la mise en oeuvre des plans de développement rural comprenant les actions agro-environnementales financées dans le cadre du second pilier de la politique agricole commune (PAC) Le Comité National de l'Eau (CNE), créé par la loi sur l'eau du 16 décembre 1964, et placé auprès du Ministre chargé de l'environnement pour examiner les questions communes aux grands bassins hydrographiques, a vu son rôle élargi et renforcé par la LEMA. Son rôle et ses missions sont codifiés à l'article L. 213-1 du code de l'environnement. C'est une instance consultative constituée de, représentants des collectivités locales, de socioprofessionnels usagers de l'eau, d'associations de protection de l'environnement, d'associations de consommateurs, de l'État et de ses établissements publics (25 membres), le CNE est notamment consulté sur les grands projets d'aménagement et de répartition des eaux, sur les questions communes aux bassins, sur la protection des peuplements piscicoles. La LEMA lui confie également une mission d'évaluation et de suivi de la qualité et du prix des services publics d'eau et d'assainissement. Les membres du CNE ont été nommés pour 6 ans par arrêté ministériel du 12 décembre 2008. Par ces différentes attributions, le CNE construit le lien entre la protection des milieux naturels et la gestion de la ressource eau pour l'alimentation en eau potable et les activités économiques, en inscrivant son action dans une stratégie de développement durable L'Office national de l'eau et des milieux aquatiques (ONEMA) est un établissement public de l'État à caractère administratif créé en 2007 par la LEMA à partir de l'ancien Conseil Supérieur de la Pêche (CSP) : ses missions et organisation sont codifiées aux articles L. 213-2 et suivants du code de l'environnement. Il a des missions de connaissance, d'expertise, de police, de solidarité financière inter-bassins, d'appui à la mise en oeuvre des politiques publiques, de communication, de formation, de mise à disposition et de coordination technique du système d'information sur l'eau (SIE) ainsi que de la préparation du rapportage de la DCE vis-à-vis de la Commission européenne. Il est organisé avec une direction générale (168 personnes, dont 114 cadres A), 9 délégations interrégionales (224 personnes dont 52 cadres A) et 101 délégations départementales (505 personnes, de catégories B et C). Il emploie au total 897 personnes en 2013 et est doté d'un budget de 186 M en 2013 en provenance du budget des agences de l'eau pour 145 M et de 41M constitué d'un reversement d'une fraction de la redevance pour pollutions diffuses perçues par les AE dédiés au plan Ecophyto. Son CA est composé à 38 % de membres des comités de bassin. Le CNE émet des avis sur ses orientations et ses comptes-rendus d'activité et la programmation de ses actions est concertée avec le MEDDE et les agences de l'eau : l'ONEMA est donc en forte interactions avec les bassins. Le deuxième contrat d'objectifs entre l'État et l'ONEMA pour la période 2013-2018 a été adopté par le CA du 28 mars 2013. D'autres structures interviennent au niveau national.ou international. Trois associations qui jouent
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un rôle plus opérationnel sont présentées ci-dessous. L'Office international de l'eau (OIEAU) L'office International de l'eau (OIEAU) est une association, sans but lucratif et chargée de missions d'intérêt général. Elle réunit environ 150 organismes publics et privés, français et étrangers travaillant dans le domaine de l'eau. Ses compétences s'exercent sur trois champs d'activité : la gestion et la mise à disposition des données sur l'eau, la formation professionnelle continue, l'international. Son chiffre d'affaires est d'environ 15M (environ 1/3 par convention avec l'ONEMA et le reste par prestation de services) ; l'OIEAU emploie 128 personnes en CDI de droit privé. Et deux associations têtes de réseaux Pour le grand cycle de l'eau : L'association française des EPTB (AFEPTB) : créée en 1999, elle a pour buts de promouvoir l'aménagement intégré et le développement durable des bassins hydrographiques, d'ouvrir le dialogue avec tous les acteurs intéressés au présent et à l'avenir des fleuves et rivières, en particulier en France et en Europe. L'association regroupe aujourd'hui 26 collectivités territoriales de bassin versant dont 23 sont reconnues comme EPTB par l'État. Pour le petit cycle de l'eau : La Fédération nationale des collectivités concédantes et des régies (FNCCR) : créée en 1934, elle regroupe notamment les collectivités organisatrices des services publics d'eau et d'assainissement. Ces collectivités sont constituées de villes, de communautés ou de syndicats dont certains à cadre départemental. La gestion du service public est assurée soit par des entreprises délégataires (concession, affermage), soit en régie (parfois en régie intéressée). Des associations représentatives de la protection de l'environnement, ou de certains loisirs aquatiques jouent un rôle déterminant : la fédération nationale des pêcheurs de loisirs, France Nature Environnement, la Fédération française de canoë kayak. 2) Au niveau des bassins, se situe la responsabilité de la planification et de l'incitation financière Depuis la loi du 16 décembre 1964, l'organisation administrative dans le domaine de l'eau s'appuie sur la notion de grand bassin hydrographique, dénommé district par la directive cadre sur l'eau : la France est partagée en 7 bassins métropolitains et 5 bassins ultramarins. Le préfet coordonnateur de bassin anime et coordonne l'action des services de l'État sur le bassin ; il est autorité compétente vis-à-vis de l'Union européenne pour la mise en oeuvre des directives sur l'eau. Il s'appuie sur le DREAL de bassin. Le Comité de Bassin, « parlement de l'eau » du bassin, joue un rôle clef dans la planification (élaboration des schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux ou SDAGE), et dans le dimensionnement des efforts financiers faits sur les bassins en termes de mutualisation (les délibérations du CA de l'agence de l'eau qui approuvent le taux des redevances et le programme pluriannuel d'interventions sont prises sur avis conforme du Comité de Bassin, dans le respect du cadre voté par le Parlement). Chaque bassin métropolitain dispose d'une agence de l'eau, établissement public de l'État à caractère administratif, chargé du secrétariat du comité de bassin et doté de ressources affectées, les redevances, qui permettent de financer un programme pluriannuel d'intervention de 6 ans.
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Les bassins ultramarins sont dotés d'un office de l'eau, établissement public local pouvant percevoir des redevances et mettant en oeuvre un programme pluriannuel d'interventions. L'organisation de l'État Le préfet coordonnateur de bassin (article L.213-7 du code de l'environnement) Dans chaque bassin, le préfet de la région où le comité de bassin a son siège anime et coordonne la politique de l'État en matière de police et de gestion des ressources en eau. À ce titre, il préside une commission administrative de bassin composée des préfets de région, des préfets de département, du DREAL de bassin, du DRFIP de bassin et du directeur de l'agence de l'eau. Plus précisément, le préfet coordonnateur de bassin intervient en matière de planification de l'eau pour : · · · · · approuver le SDAGE élaboré par le comité de bassin (à l'exception de la Corse où le SDAGE est approuvé par le président de la collectivité territoriale de Corse), arrêter le programme pluriannuel des mesures annexé au SDAGE, présenter au comité de bassin une synthèse de la mise en oeuvre de ce programme, établir un programme de surveillance de l'état des eaux, imposer pour tout ou partie du bassin des règles et prescriptions techniques plus sévères que celles fixées par arrêté ministériel visant la nomenclature eau.
En matière de gestion quantitative des eaux, le préfet coordonnateur constate par arrêté la nécessité de mesures coordonnées dans plusieurs départements pour faire face à une menace ou à un risque de pénurie ; les préfets des départements concernés prennent des arrêtés conformes aux orientations du préfet coordonnateur. En matière de lutte contre les pollutions agricoles, le préfet coordonnateur arrête, après concertation avec les élus et les différents acteurs de l'eau, la délimitation des zones vulnérables et celles des zones sensibles. Il arrête les zones de répartition des eaux. En matière d'inondations, il anime et coordonne la politique de l'État (schéma directeur de prévision des crues, cartes des surfaces inondables, plan de gestion des risques inondation, dispositions codifiées au chapitre VI du titre VI du livre V du code de l'environnement). Au titre de ses autres compétences, le préfet coordonnateur de bassin définit le périmètre d'intervention des EPTB. Il signe les décisions relevant de l'État en matière de transfert du domaine public fluvial. Il est autorité compétente vis-à-vis de l'UE pour la mise en oeuvre des directives dans le domaine de l'eau. Sur le littoral, territoire sur lequel il faut coordonner la mise en oeuvre de la DCE et de la DCSMM, le Préfet coordonnateur de bassin doit se coordonner avec les préfets compétents pour la DCSMM (préfet maritime et préfet de façade). Les organismes de bassin La France est découpée en 7 grands bassins métropolitains (Adour-Garonne, Artois-Picardie, LoireBretagne, Rhin-Meuse, Rhône-Méditerranée, Seine-Normandie, Corse) et cinq bassins ultra-marins (Guadeloupe, Martinique, Guyane, Réunion et Mayotte). · Les comités de bassin (article L.213-8 du code de l'environnement) Créés par la loi de 1964 en métropole et par la loi de 1992 pour les DOM avec une mise en place à partir de 1996, ces « parlements locaux de l'eau » ont leur secrétariat assuré par les agences de l'eau
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en métropole et par la DEAL dans chaque DOM. Un secrétariat technique de bassin est assuré conjointement par les services de l'agence de l'eau, de l'ONEMA et de la DREAL de Bassin en métropole. Le comité de bassin est une assemblée qui regroupe les différents acteurs du bassin, publics ou privés, agissant dans le domaine de l'eau : des représentants des collectivités pour 40 %, des représentants des usagers et des organisations socioprofessionnelles pour 40 %, des représentants de l'État ou de ses établissements publics pour 20 %. Son président est élu par les représentants des collèges autres que l'État. Les membres des trois collèges visés ci-dessus représentant un sous bassin peuvent se constituer en commission territoriale. L'objet du comité de bassin est de débattre et de définir de façon concertée les grands axes de la politique de gestion de la ressource en eau et de protection des milieux naturels aquatiques, à l'échelle du grand bassin hydrographique. Il élabore le SDAGE et les délibérations du CA de l'agence de l'eau qui approuvent le taux des redevances et le programme pluriannuel d'interventions sont prises sur avis conforme du Comité de Bassin, dans le respect du cadre voté par le Parlement. Pour mémoire, les COGEPOMI (comités de gestion des poissons migrateurs) sont gérés selon des inter-régions qui ne coïncident pas avec les bassins et les PLAGEPOMI n'ont pas été intégrés aux SDAGE. · Les agences de l'eau (articles L.213-8-1 à L.213-8-2 du code de l'environnement) Organisation spécifique à la métropole, les 6 agences de l'eau (une par Bassin, sauf pour le regroupement Rhône Méditerranée et Corse) sont des établissements publics de l'État à caractère administratif. Leurs missions ont été redéfinies par la LEMA. Elles contribuent à la mise en oeuvre des SDAGE en favorisant une gestion équilibrée et économe de la ressource en eau et des milieux aquatiques, l'alimentation en eau potable, la régulation des crues et le développement durable des activités économiques. Ces missions ont été complétées par la loi du 12 juillet 2010 pour la politique foncière de sauvegarde des zones humides approuvée par le comité de bassin. Elles ont des compétences financières définies à l'article R213-32 du code de l'environnement : attribution de subventions, primes de résultats et avances remboursables, perception de redevances, acquisition de biens meubles et immeubles nécessaires à leurs missions, contractualisation d'emprunts. Leur CA est composé de 35 membres issus essentiellement du Comité de Bassin : 11 représentants des collectivités territoriales élus, 11 représentants les usagers désignés, 11 représentants de l'État ; le président du CA est nommé par décret et le Ministre de l'environnement désigne un Commissaire du Gouvernement. Les agences de l'eau emploient au total 1800 personnes. À l'exception des deux agences de l'eau intervenant sur un territoire restreint (Artois-Picardie et Rhin Meuse), les agences de l'eau se sont dotées de délégations territoriales qui maillent le territoire. Le montant du 10 ème programme pluriannuel d'interventions 2013-2018 s'élève à 13,3Md . Chaque agence de l'eau dispose d'un contrat d'objectifs correspondant à la période du programme d'intervention, ceux relatifs à la période 2013-2018 étant en cours de finalisation. · Les offices de l'eau (articles L. 213-13 à L.213-20 du code de l'environnement).
Pour les départements d'outre-mer, la loi du 13 décembre 2000 d'orientation pour l'outre-mer a prévu la création dans les DOM d'offices de l'eau sous forme d'établissements publics locaux rattachés aux conseils généraux. Actuellement, 4 offices de l'eau sont en place ou en structuration : Réunion, Martinique, Guadeloupe, Guyane. La loi du 11 juillet 2011 relative à Mayotte a créé un comité de bassin à Mayotte. N'ayant pas l'antériorité des agences, les offices sont des établissements aux effectifs encore limités qui vont d'une dizaine à une vingtaine de personnes. Ils mettent en oeuvre des programmes pluriannuels d'intervention et bénéficient de l'appui financier de l'État (plus de 117 M leur ont été attribués au titre des contrats de plan pour la période 2007-2013)
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et de celui de l'ONEMA qui apporte des crédits au titre de la solidarité financière entre les bassins de métropole et d'outre-mer (globalement 20 M par an sont prévus pour la période 2013-2018). À cela s'ajoute les fonds européens, principalement à travers le FEDER : 230 M ont été fléchés pour les 4 DOM sur la programmation 2007-2013 en matière d'eau potable et d'assainissement. L'ensemble de ces aides est justifié par la faiblesse des montants des redevances perçues par les offices : en 2012, au total, 28 M ont été perçus par les 4 DOM, allant de 8/10 M par an pour les offices de la Réunion, la Martinique et la Guadeloupe à 0,5 M pour l'office de la Guyane.
Les effectifs (nombre d'emplois permanents) des offices de l'eau : Office de la Réunion : 24 personnes Office de la Martinique : 19 personnes Office de la Guadeloupe : 11 personnes Office de Guyane : 6 personnes Les programmes pluriannuels des offices sont ainsi structurés : Martinique : le PPI 2011-2016 (35,3 M) prévoit que 50 % des aides soient apportés sur l'assainissement collectif, 31 % pour l'AEP, le reste pour les autres domaines ; La Réunion : le PPI 2010-2015 (47,5 M) prévoit que 70 % des aides soient apportés sur l'assainissement collectif, 28 % pour l'AEP, le reste pour les autres domaines ; Guadeloupe : jusqu'en 2012, le faible budget de l'office (2,5 M/an) ne l'autorisait qu'à un positionnement sur de petits projets non couverts par le FEDER ou l'ONEMA : branchements clandestins, protection des captages, ANC, micro-stations, économie d'eau, protection des milieux aquatiques. Dès 2012 et suite à l'augmentation des redevances, l'office pourra appuyer des projets plus conséquents tels que la mise en conformité des stations d'épuration ; Guyane : jusqu'en 2012, le produit annuel des redevances de 500 k/an ne permettait qu'un saupoudrage des aides (réservoirs d'eau de pluie, formation, études d'assainissement ou études milieux, suivi qualitatif). Ce produit atteindra a priori 2 M/an pour les années à venir. Par ailleurs, pour compenser l'inapplicabilité de la redevance pour stockage de l'eau en période d'étiage en Guyane, une convention a été signée entre EDF et l'office le 15 juin 2011, prévoyant une contribution d'EDF à un programme d'actions et de travaux relatifs aux économies d'énergie dans le domaine de l'eau et de l'assainissement. Cette contribution s'élèvera à un montant maximum de 3,5 M sur la période 2011-2015. L'attribution des fonds structurels se fait par le Préfet via les DEAL, qui instruisent les dossiers et donnent un avis favorable ou non au comité de programmation.
3) .Le niveau local a la responsabilité de la mise en oeuvre et du suivi Le niveau local, et notamment départemental, est celui de la mise en oeuvre opérationnelle : il décline la planification de bassin en jouant sur les leviers régaliens (police). · La mission inter-services de l'eau et de la nature (MISEN) articule, sous l'autorité du préfet
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l'action des différents services de l'État et des délégations territoriales des établissements publics (ONEMA et agences de l'eau notamment). · La DREAL, dernier niveau de représentation du ministère en charge de l'environnement, pilote, anime et coordonne au plan technique l'action des services départementaux et joue un rôle d'expertise, en lien avec les établissements publics. Le Parquet dirige la police judiciaire. Les collectivités locales, qui ont la responsabilité du petit cycle de l'eau, peuvent aussi se mobiliser pour élaborer des projets territoriaux dans le domaine de l'eau : les schémas d'aménagement et de gestion des eaux (SAGE). Certains sous-bassins versants se sont organisés volontairement sous forme de syndicats de rivières, ou d'EPTB. Le point de vue de la société civile est porté notamment à travers du CODERST par les acteurs économiques (industriels, agriculteurs notamment), qui sont des utilisateurs de l'eau de premier plan et leurs chambres consulaires, ainsi que par les acteurs associatifs.
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Les préfets et les services déconcentrés de l'État1 Ils mettent en oeuvre la politique de l'État sous ses aspects techniques et réglementaires ; ils jouent un rôle d'incitation et d'accompagnement des collectivités territoriales. Le préfet de région arrête désormais les programmes nitrates ce qui constitue une exception au bloc de compétence du préfet de bassin. Il n'intervient pas ès qualité sur d'autres aspects réglementaires dans le domaine de l'eau, mais le représentant de l'État dans la région est aussi préfet du département chef-lieu et peut être préfet coordonnateur de bassin. En qualité de préfet de région, il appuie les maîtres d'ouvrage dans le cadre de la répartition des fonds européens pour la réalisation des ouvrages ou parties d'ouvrage éligibles, notamment grâce au FEDER et au FEADER, mais cette responsabilité devrait être transférée aux régions. Les services déconcentrés régionaux sont compétents en matière d'eau. En premier lieu, le DREAL porte la compétence relative à la politique de l'eau avec des services dédiés (déclinaison de la politique de l'eau, planification dans le l'eau, connaissance et expertise, coordination des services départementaux en charge des politiques de l'eau, responsable du budget de l'État, et le cas échéant délégation de bassin et service de police d'axe) et des services dont les missions sont connexes à la politiques de l'eau (en particulier les services « risques, pollutions et nuisance » et les services « développement durable », unités spécialisés dans la gestion des installations classées et des concessions hydroélectriques). Ces services travaillent en liaison avec la direction régionale de l'agriculture, de l'alimentation et de la forêt (DRAAF), pour la mise en oeuvre des actions liées à la politique agricole et forestière (en particulier pour la politique agricole commune, fonds structurels, Ecophyto), avec l'agence régionale de santé et ses délégations territoriales (ARS et DTARS) pour les questions de réglementation sanitaire et avec les DIRM (coordination de la politique maritime). Le préfet de département anime et coordonne la politique de l'eau dans son département. Il exerce la police administrative et à ce titre, il accorde les autorisations relatives aux installations, ouvrages,
1Références : Décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'État dans les régions et départements Décret n° 2009-235 du 27 février 2009 relatif à l'organisation et aux missions des directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement Décret n° 2009-1484 du 3 décembre 2009 relatif aux directions départementales interministérielles
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travaux et activités (IOTA) et celles relatives aux installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE). Il a le pouvoir de prescrire les mesures générales ou particulières pour faire face à des circonstances graves (accidents, inondations, pénurie, sécheresse) et peut enjoindre à la personne à l'origine d'incident ou d'un accident présentant un danger pour la qualité, la circulation ou la conservation des eaux des mesures à prendre pour mettre fin à ces dommages. Il s'appuie sur : · les directions départementales des territoires (DDT : regroupement des DDAF, des DDE et de services de la préfecture) et les directions départementales des territoires et de la mer dans les départements littoraux (DDTM : regroupement des DDAF, des DDE et des DDAM). Ces services mettent en oeuvre les actions qui leur incombent pour la police de l'eau (autorisations administratives et contrôles) ; les directions de la protection des populations (DDPP), compétentes pour l'inspection des installations classées des élevages et de certaines industries agroalimentaires ; les DREAL, et en particulier les unités territoriales en charge de la police des installations classées ; les délégations territoriales de l'ARS pour la politique et la police sanitaire.
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Le préfet de département pilote la MISEN (mission inter-services de l'eau et de la nature) qui comprend des représentants de l'agence de l'eau compétente, de l'ARS, de la DREAL, des directions départementales (DDT-M, DDPP), des offices (ONCFS et ONEMA), la gendarmerie, et, le cas échéant, les délégations de l'ONF, de la DRAAF, l'agence de aires marines protégées, les parcs nationaux, le représentant départemental des réserves naturelles, le représentant départemental du conservatoire du littoral. En tant que de besoin, la MISEN peut être élargie aux autres collèges : collectivités, associations environnementales, associations d'usagers, représentants des professionnels.. Il appartient à la MISEN de : · formaliser les priorités départementales dans un plan d'action stratégique partant d'un diagnostic du territoire sur l'état des ressources et milieux naturels, les pressions exercées et les objectifs à atteindre dans le cadre de directives communautaires au premier rang desquels la DCE, la DCSMM et les Directives Natura 2000 ;Ce plan décline les stratégies nationale et régionale de la biodiversité, les politiques de protection et de gestion des espaces naturels (trame verte et bleu par la déclinaison du SRCE, stratégie de création et gestion des aires protégées terrestres et marines, politique des sites, gestion intégrée de la mer et du littoral, préservation des espaces boisés et forestiers et de leurs fonctionnalités), des espèces (plan d'action pour les espèces protégées, détention de la faune sauvage captive, lutte contre les espèces causes de nuisances), des habitats (désignation et gestion des sites Natura 2000), et d'encadrement des activités (chasse, pêche, forêt). définir un plan d'action opérationnel territorial (PAOT) articulant le volet régalien (réglementation territoriale, programme de mise à niveau de points noirs, plans de contrôles inter-services), avec les modalités de financement (établissements publics, collectivités) et de gouvernance (animation, maîtrise d'ouvrage) : ce programme d'action décline dans le département le ou les programmes de mesures du ou des SDAGE en des actions réglementaires et des actions financées par l'agence et notamment celles déclinées par les
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SAGE et les contrats de milieux). · · · porter la voix de l'État dans l'élaboration des documents de planification et des politiques partenariales (SAGE, Natura 2000, PNR). coordonner les polices de l'eau et de la nature, par l'élaboration de doctrines d'instruction et d'un plan de contrôles basé sur une stratégie de contrôle partagée ; veiller à l'articulation des polices connexes (en particulier les installations classées, la police sanitaire, la police des risques naturels) et à l'intégration des enjeux de l'eau et de la biodiversité dans les autres politiques sectorielles (en particulier les politiques des transports, du logement et de l'urbanisme, de l'énergie, la politique agricole, la politique d'aménagement foncier et d'équipement rural, la politique cynégétique, la politique forestière) ; la MISEN contribue à l'élaboration des avis de l'État sur les grands projets (en appui à l'autorité environnementale), s'assure de la cohérence des actes administratifs délivrés dans ses domaines de compétences et veille au contrôle de leur mise en oeuvre.
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Enfin, le CODERST est consulté sur « toutes les questions intéressant la santé publique et la protection sanitaire de l'environnement ». « Le conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques concourt à l'élaboration, à la mise en oeuvre et au suivi, dans le département, des politiques publiques dans les domaines de la protection de l'environnement, de la gestion durable des ressources naturelles et de la prévention des risques sanitaires et technologiques » (art R. 1416-16 code de la santé Il est composé de représentants des services de l'État, des collectivités territoriales, d'associations agréées de consommateurs, de pêche et de protection de l'environnement, de membres de professions ayant leur activité dans les domaines de compétences de la commission, des experts dans l'environnement et des personnalités qualifiées dont au moins un médecin. Le CODERST est systématiquement requis sur tout dossier de demande d'autorisation. Le document de doctrine d'opposition à déclaration (article L. 214-3 du CE) émis par les MISE est présenté au CODERST. Enfin le déclarant qui se verra notifier une opposition pourra saisir le préfet d'un recours gracieux et pourra se faire entendre devant le CODERST (article L. 214-36 du CE). Cette organisation locale s'appuie également sur les délégations territoriales des établissements publics (délégations des agences de l'eau, de l'ONEMA notamment) La présence dans les DOM est organisée de manière spécifique, selon les situations locales, en concertation étroite avec les autres établissements publics implantés. Le Parquet C'est le procureur de la République qui dirige la police judiciaire et qui conduit la politique d'action publique dans son ressort. À ce titre, il lui appartient notamment d'apprécier l'éventuelle suite à donner aux procès-verbaux qui lui seront présentés. Il est donc essentiel que les services de l'État (DREAL, SPE, ONEMA, ONCFS), développent avec les parquets une coopération permettant de préciser localement la politique pénale dans le domaine de l'eau. La coopération doit s'établir entre les services du procureur de la République et les services chargés de missions de police (service de police l'eau, service départemental de l'ONEMA et de l'ONCFS) comme le soulignent les circulaires (n°5 du 14 mai 2007 du MEEDDM et du ministère de la justice
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du 23 mai 2005 et du 22 août 2007). Les collectivités locales Rien n'oblige des collectivités à s'organiser pour la gestion d'un milieu : ce n'est pas une compétence obligatoire : il n'existe pas de "service public de la rivière", contrairement aux services d'eau potable et d'assainissement. Régions et départements peuvent2 faire le lien entre politique d'aménagement du territoire et politique de l'eau par le biais des financements ; les conseils régionaux et généraux peuvent apporter une aide technique et financière aux communes et intercommunalités. On assiste ces dernières années à un retrait progressif des conseils généraux qui se replient sur leurs compétences obligatoires. Certains conseils maintiennent voire développent leur actions dans le domaine de l'eau qu'ils jugent prioritaire. Intercommunalités : constitution de structures locales de gestion sous la forme de syndicats intercommunaux, d'entente interdépartementale, ou de syndicats mixtes pouvant associer région, département, communes. Ces structures animent et mettent en oeuvre des politiques de gestion des milieux aquatiques en associant l'ensemble des acteurs de leur territoire (bassin versant, baie, nappes...). Certaines de ces structures peuvent se faire reconnaître en application de l'article L 21312 du code de l'environnement comme établissement public territorial de bassin (EPTB) 3. Un EPTB joue un rôle d'animateur vis-à-vis des autres collectivités ou groupements dans les limites de ses missions et de son périmètre. Il est consulté sur le projet de SDAGE et sur les projets concernant le domaine de l'eau d'un montant supérieur à 1,9M. Il peut percevoir une redevance pour service rendu. Il n'est pas obligatoirement maître d'ouvrage de travaux. Il peut conduire un SAGE. Aujourd'hui un peu plus de la moitié du territoire national est couvert par des EPTB, de tailles très disparates. Communes : Le maire dispose de pouvoirs de police générale (garant de la sécurité et de la salubrité publique) qui peuvent le conduire à prendre des décisions dans le domaine de l'eau. Il est responsable de la distribution d'eau potable, de la collecte et du traitement des eaux usées de la commune. Il peut s'organiser dans un cadre intercommunal. Il est responsable du choix du mode de gestion, qui peut être soit réalisé en régie, soit confié au secteur privé par délégation de service public. Il établit le zonage d'assainissement prévu à l'article L. 2224-10 du CGCT 4 et dont le
2 L'article L.3232-1-1 du Code Général des Collectivités Territoriales, (CGCT) créé par la loi sur l'eau du 30 décembre 2006, dispose que « le Département met à disposition des communes ou des établissements publics de coopération intercommunale qui ne bénéficient pas des moyens techniques suffisants pour l 'exercice de leur compétence dans le domaine (...) de l'assainissement, une assistance technique dans des conditions déterminées par une convention ». Champ de compétence : de l'expertise et l'assistance technique aux stations d'épuration des petites communes, leurs missions se sont progressivement étendues à d'autres domaines de la gestion de l'eau, en lien avec la diminution du nombre de collectivités éligibles (des services d'expertise et d'assistance en matière de rivière (SATER) d'eau potable (SATEP) et d'assainissement non collectif (SATANC). (Article L. 213.12 du code de l'environnement) : « Pour faciliter, à l'échelle d'un bassin ou d'un sous bassin hydrographique, la prévention des inondations et la gestion équilibrée de la ressource en eau ainsi que la préservation et la gestion des zones humides, les collectivités territoriales intéressées et leurs groupements peuvent s'associer au sein d'un établissement public territorial de bassin. Cet organisme public est constitué et fonctionne, selon les cas, conformément aux dispositions du code général des collectivités territoriales régissant les établissements constitués en application des articles L. 5421-1 à L. 5421-6 ou des articles L. 5711-1 à L. 5721-9 du même code. Le préfet coordonnateur de bassin délimite, par arrêté et après avis du comité de bassin et des collectivités territoriales concernées et, s'il y a lieu, après avis de la commission locale de l'eau, le périmètre d'intervention de cet établissement public. »
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4 Article L 2240 10 du CGCT : « Les communes ou leurs établissements publics de coopération délimitent, après enquête publique réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre Ier du code de l'environnement : 28/60
contenu a été élargi à deux nouvelles zones par la loi du 12 juillet 2010 : outre les zones d'assainissement collectif et celles d'assainissement non collectif, le zonage inclut dorénavant « les zones où des mesures doivent être prises pour limiter l'imperméabilisation des sols et pour assurer la maîtrise du débit et de l'écoulement des eaux pluviales et de ruissellement » et celles « où il est nécessaire de prévoir des installations pour assurer la collecte, le stockage éventuel et, en tant que de besoin, le traitement des eaux pluviales et de ruissellement lorsque la pollution qu'elles apportent au milieu aquatique risque de nuire gravement à l'efficacité des dispositifs d'assainissement ». La loi a également prévu l'établissement, avant fin 2013, d'un « schéma d'assainissement collectif » comprenant « un descriptif détaillé des ouvrages de collecte et de transport des eaux usées » qui devra faire l'objet d'une mise à jour selon une périodicité fixée par décret (CGCT, art. L. 2224-8 I). En outre, la compétence de l'assainissement des eaux pluviales urbaines est du ressort des communes : c'est un service public administratif qui relève du budget général mais peut faire l'objet d'une taxe affectée (article L 2333-97 du CGCT). Les acteurs économiques : industriels ou agriculteurs sont responsables de la gestion de leurs pollutions ou de leurs prélèvements ; ils sont maîtres d'ouvrages de leurs installations. Ils s'inscrivent dans des territoires et des filières et ils sont fortement contraints par d'autres facteurs de nature économique comme l'emploi ou la dépendance de filières amont ou aval, notamment dans le monde agricole. Les chambres consulaires, qui sont des établissements publics regroupant les acteurs économiques (chambre d'agriculture, chambre des métiers, chambre de commerce et d'industrie...), participent au développement du territoire. Par leur transversalité, elles sont un relais indispensable en matière de diffusion d'informations réglementaires. Les acteurs associatifs sont très divers : ils représentent des intérêts très hétérogènes, allant de positionnements locaux ou sectoriels à la défense de l'intérêt général : pêcheurs de loisir, sports nautiques, associations de consommateurs, associations de défense de l'environnement, associations locales de défense d'un site ou d'un objet particulier... Néanmoins deux catégories d'associations sont incontournables au niveau local : les associations de protection de l'environnement et les fédérations de pêche. Les associations de protection de l'environnement ont un rôle d'information et de pédagogie auprès du grand public mais aussi d'intervention auprès des pouvoirs politique, administratif et judiciaire. Le code de l'environnement aux articles L.141-1 à L.142-3 leur donne la possibilité, après trois ans
1° Les zones d'assainissement collectif où elles sont tenues d'assurer la collecte des eaux usées domestiques et le stockage, l'épuration et le rejet ou la réutilisation de l'ensemble des eaux collectées ; 2° Les zones relevant de l'assainissement non collectif où elles sont tenues d'assurer le contrôle de ces installations et, si elles le décident, le traitement des matières de vidange et, à la demande des propriétaires, l'entretien et les travaux de réalisation et de réhabilitation des installations d'assainissement non collectif ; 3° Les zones où des mesures doivent être prises pour limiter l'imperméabilisation des sols et pour assurer la maîtrise du débit et de l'écoulement des eaux pluviales et de ruissellement ;
4° Les zones où il est nécessaire de prévoir des installations pour assurer la collecte, le stockage éventuel et, en tant que de besoin, le traitement des eaux pluviales et de ruissellement lorsque la pollution qu'elles apportent au milieu aquatique risque de nuire gravement à l'efficacité des dispositifs d'assainissement. NOTA : Ces dispositions s'appliquent aux projets, plans, programmes ou autres documents de planification pour lesquels l'arrêté d'ouverture et d'organisation de l'enquête publique est publié à compter du premier jour du sixième mois après la publication du décret en Conseil d'État prévu à l'article L. 123-19 du code de l'environnement »
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au minimum d'activité, de solliciter un agrément qui leur permet de participer à l'action des organismes publics concernant l'environnement (CNE, Commission Locale de l'Eau, CODERST...) et de mener une action en justice contre toute décision administrative ayant des effets sur l'environnement. L'article L.141-1 du CE précise les associations qui peuvent faire une demande d'agrément. Si l'association ne satisfait plus aux conditions qui ont conduit à le délivrer, l'agrément lui sera retiré. L'article L.142-1 du CE permet aux associations agréées d'engager des procédures devant les tribunaux administratifs pour tout grief se rapportant à la protection de la nature. L'article L.142-2 du CE leur permet d'exercer les droits reconnus à la partie civile, ce droit est étendu aux associations environnementales non agréées, mais régulièrement déclarées depuis au moins 5 ans à la date des faits. Enfin, dans des conditions définies à l'article L.142-3, les associations agréées peuvent être mandatées, par des personnes physiques ayant subi un préjudice individuel, pour agir en réparation devant toute juridiction au nom de celles-ci. La pêche de loisir est représentée au niveau national par la Fédération nationale de la pêche en France qui regroupe les fédérations départementales et interdépartementales des associations agréées de pêche et de protection du milieu aquatique (article L.434-5 du CE). Elle est consultée sur les mesures réglementaires concernant la pêche de loisir, et perçoit des cotisations versées par les fédérations adhérentes. En vertu de leur rôle de protection des milieux aquatiques, l'article L.216-5 du CE prévoit qu'une copie des procès-verbaux soit adressée, dans les 5 jours qui suivent leur clôture, au président de la fédération départementale des associations agréées de pêche et de protection du milieu aquatique et au président de l'association agréée de pêcheurs professionnels en eau douce lorsque l'infraction a pour conséquence de détruire les frayères, les zones de croissance ou d'alimentation de la faune piscicole, ou de porter atteinte à la continuité écologique ou au débit minimal du cours d'eau.
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ANNEXE 4
Cartographie SNDE
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ANNEXE 5 Les travaux de l'OCDE sur le thème de l'eau (synthèse de J.-J. Bénézit, mai 2013) L'OCDE (34 pays membres) offre aux gouvernements une structure leur permettant de comparer leurs expériences en matière de politiques, de chercher des réponses à des problèmes communs, d'identifier les bonnes pratiques et de formuler des recommandations. L'eau est une des priorités de l'organisation (établie par l'actuel secrétaire général Angel Gurria, à son arrivée en 2006). C'est l'OCDE qui a « inventé » le principe « pollueur-payeur » en 1972, qui s'est ensuite imposé de manière quasi-universelle. Quatre publications récentes intéressent plus particulièrement l'évaluation de la politique de l'eau. Elles fournissent analyses, comparaisons internationales et inventaire des (bonnes) pratiques ou innovations. Cette note en synthétise les principaux éléments. 1. La gestion durable des ressources en eau dans le secteur agricole(2008) Ce rapport conjoint des directions agriculture et environnement de l'OCDE traite des liens entre agriculture et ressources en eau, mais ne traite pas de la qualité de l'eau Les messages principaux sont les suivants : · · · · Veiller à ce que la facturation de l'eau à l'agriculture permette au moins de récupérer les coûts de fourniture dans leur totalité. Accroître l'intégration des politiques relatives à l'agriculture , l'eau, l'énergie et l'environnement. Promouvoir la capacité de l'agriculture à s'adapter aux conséquences des changements et de la variabilité du climat. Combler le déficit de connaissances et d'informations pour mieux orienter la gestion des ressources en eau. (mesure de la disponibilité et de l'utilisation, coûts de fourniture, coûts et avantages de l'utilisation de l'eau par l'agriculture)
2. Qualité de l'eau et agriculture : un défi pour les politiques publiques (2012) Rapport conjoint des directions agriculture et environnement de l'OCDE, il est le complément qualitatif et actualisé du rapport sur la gestion durable de l'eau en agriculture. Il étudie les liens entre l'agriculture et la qualité de l'eau, en examine les tendances générales et les perspectives, décrit les actions récentes des décideurs pour s'attaquer à la question de la qualité de l'eau dans l'agriculture et fournit aux pays un ensemble de recommandations. En simplifiant, le constat de l'OCDE est le suivant : Si la situation ne s'améliore pas (ou pas assez vite), malgré des sommes non négligeables déjà dépensées, c'est que le problème est très compliqué. La raison principale est le caractère de cette
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pollution (mal connue scientifiquement) qui est diffuse, ce qui empêche de la mesurer correctement, de déterminer la part de responsabilité de chaque acteur, de quantifier (et monétariser) ses conséquences et de tracer ses effets, géographiquement et dans le temps. Le principe pollueurpayeur ne peut donc pas s'appliquer (ou très difficilement). Quelques innovations ou initiatives locales ont été à l'origine d'améliorations. Il n'existe pas de remède miracle et rapide. Quelques recommandations de bonne gouvernance sont proposées. Les messages essentiels sont les suivants : · L'impact de l'agriculture sur la qualité de l'eau est stable ou s'aggrave. Il est difficile pour les responsables de l'action publique d'obtenir de nouvelles réductions, parce qu'une part importante de la pollution provient de sources diffuses. Les coûts économiques, environnementaux et sociaux de la pollution de l'eau due à l'agriculture dans les pays de l'OCDE représentent probablement au bas mot plusieurs milliards de $/an. Il n'existe pas d'estimation satisfaisante de ces coûts. Les perspectives de l'agriculture et de la qualité de l'eau sur les 10 ans à venir indiquent que l'expansion et l'intensification de la production agricole pourraient accroître encore les pressions. Les objectifs de qualité de l'eau dans l'agriculture seront de plus en plus difficile à atteindre du fait du changement climatique. Les mesures destinées à remédier à la pollution de l'eau par l'agriculture dans les pays de l'OCDE ont coûté aux contribuables des milliards de $/an. En général, les politiques ne vont pas assez loin pour répondre aux objectifs de qualité de l'eau des pouvoirs publics dans l'agriculture. o Recourir à des instruments d'action diversifiés pour lutter contre la pollution de l'eau. Diversifier les instruments est plus performant que recourir à un instrument unique comme une taxe sur la pollution. Il est de plus en plus fait usage d'instruments innovants comme les échanges de crédits de qualité de l'eau, et d'accords entre les compagnies d'eau et les agriculteurs pour réduire la pollution. Les politiques mettent de plus en plus l'accent sur l'importance de modifier le comportement des agriculteurs et des autres parties prenantes. Une application plus stricte des réglementations peut aider à respecter le principe pollueur-payeur et peut aussi alléger la charge qui pèse sur les ressources budgétaires des pouvoirs publics.
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Les Recommandations sont les suivantes :
o Faire respecter les réglementations et normes de qualité de l'eau existantes
o Supprimer les aides à l'agriculture qui ont des effets préjudiciables, pour faire diminuer la pression sur les systèmes aquatiques (50 % du soutien incite les agriculteurs à produire) o Prendre en compte le principe pollueur-payeur pour réduire la pollution de l'eau imputable à l'agriculture. (l'application de ce principe à l'agriculture n'est pas très répandu et difficile à mettre en oeuvre, principalement parce que les pollutions
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diffuses ne peuvent pas actuellement être mesurées à un coût raisonnable. o Fixer des objectifs et des normes de qualité de l'eau réalistes dans l'agriculture. o Améliorer le ciblage géographique des mesures pour toucher les zones où la pollution de l'eau est la plus grave. o Évaluer le rapport coût-efficacité des options qui s'offrent aux pouvoirs publics pour améliorer la qualité de l'eau en agriculture. o Adopter une approche holistique de la lutte contre la pollution agricole. o Créer des systèmes d'information pour aider les agriculteurs, les responsables de la gestion de l'eau et les responsables de l'action publique. (dans beaucoup de pays de l'OCDE, les agriculteurs sont rarement conscients qu'ils peuvent être à l'origine d'une pollution de l'eau) Plus précisément, ce rapport ainsi que les 4 rapports annexes de consultants qui lui sont rattachés contient un certain nombre de données ou d'analyses intéressantes pour notre travail d'évaluation. Enjeux : Le principal défi stratégique de ce secteur consiste à trouver des moyens de répondre à la nécessité croissante d'augmenter la production agricole tout en minimisant l'apport de polluants dans les réseaux hydrographiques. Ces réponses doivent présenter un coût global minimum pour la société, y compris les coûts de conformité et les coûts de transaction liés aux politiques pesant sur les exploitants, tout en tenant compte des questions sociales et d'équité. L'agriculture est une source importante de pollution aquatique par l'azote, le phosphore, les pesticides, les sédiments du sol ainsi qu'un nombre croissant de nouveaux contaminants (par exemple les médicaments vétérinaires). La pollution d'origine agricole a un fort impact redistributif sur la société, en raison du coût du traitement visant à décontaminer l'eau de boisson. Le coût de cette pollution d'origine agricole pèse également sur la société sous forme de perte des avantages liés aux loisirs (par exemple : baignade) et aux valeurs d'agrément (par exemple : paysages aquatiques) associés à l'eau ; dommages sur les pêcheries commerciales et effets néfastes sur les écosystèmes. 1 Lien entre les politiques, la gestion des exploitations agricoles et la qualité de l'eau Les agriculteurs ne sont guère incités à internaliser les effets externes aux marchés (positifs ou négatifs comme la pollution). Ces 20 dernières années, les réformes des politiques de soutien à l'agriculture ont considérablement contribué à réduire la pression globale exercée sur les systèmes aquatiques. · · · Baisse du niveau global de soutien aux agriculteurs, Soutien davantage découplé de la production, Développement du principe de conditionnalité environnementale.
Les agriculteurs sont peu sensibilisés ou peu informés du fait que l'agriculture contribue à la pollution des eaux. Mieux les sensibiliser et accroître leur prise de conscience constitue une première étape importante. Le déficit d'information qui empêche la création de politiques efficaces est dû aux éléments suivants :
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nombre élevé de pollueurs, déséquilibre des informations entre agriculteurs et décideurs, fluctuation temporelle et spatiale de la concentration en pollution, coût élevé de la collecte de données.
2 Sources, tendances, perspectives et suivi Il est difficile pour les responsables de l'action publique d'obtenir de nouvelles réductions de la pression exercée par l'agriculture, notamment parce qu'une grande part de la pollution vient de sources diffuses. L'agriculture est une source importante d'azote, de phosphore et de pesticides dans les eaux de surface, souterraines et marines de la plupart des pays de l'OCDE. Elle est aussi le principal responsable de l'alluvionnement des eaux de surface (en raison de l'érosion des sols.) Dans la majorité des pays de l'UE, l'agriculture est responsable de plus de 50 % des apports d'azote total dans les eaux de surface, même si ces rejets tendent globalement à fléchir. Les risques pour la santé humaine dus à la pollution de l'eau d'origine agricole sont limités · Globalement, dans les pays de l'OCDE, les effets dommageables des polluants agricoles sur la santé humaine sont extrêmement modestes lorsque l'eau distribuée dans les réseaux est traitée. Les données attestant une aggravation des risques sanitaires manquent de clarté. Ces dernières années, les risques pour l'environnement et la santé liés à la présence dans les systèmes aquatiques de « contaminants émergents » provenant de l'agriculture ou d'autres sources (produits pharmaceutiques et vétérinaires, nanomatériaux,...) ont soulevé des inquiétudes croissantes.
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Les relations entre le changement climatique et la pollution d'origine agricole sont complexes. Les objectifs de qualité de l'eau en agriculture devraient devenir de plus en plus difficiles à atteindre dans les années à venir, en raison de l'évolution du climat. Les sources à partir desquelles les distributeurs d'eau s'approvisionnent nécessitent souvent d'être traitées afin d'éliminer les éléments fertilisants, pesticides et autres contaminants, ce qui entraîne des coûts considérables. Tous les pays de l'OCDE disposent de réseaux de surveillance permettant de mesurer l'état réel de la pollution des masses d'eau. À peine plus d'un tiers des pays membres de l'OCDE surveillent la pollution par les éléments fertilisants et un nombre encore plus faible de pays suit la pollution par les pesticides. Les difficultés rencontrées lorsqu'il s'agit de cerner les tendances de la pollution agricole de l'eau ont trait à la détermination de la part de l'agriculture dans la contamination totale et au repérage des zones vulnérable à ce type de pollution. L'ampleur de la pollution agricole des eaux souterraines est généralement moins bien étudiée que celle des eaux de surface. 3 Coûts et avantages monétaires Les coûts économiques, environnementaux et sociaux de la pollution de l'eau due à l'agriculture dans les pays de l'OCDE représentent probablement, au bas mot, plusieurs milliards de dollars par
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an, bien qu'il n'existe pas d'estimation satisfaisante de ces coûts. (difficulté de surveillance scientifiques, de compréhension des mécanismes, de la distinction entre agricole et non-agricole, de la séparation dans le temps et l'espace entre cause et effet) La valeur monétaire des conséquences de l'agriculture sur les réseaux hydrographiques est absente des débats politiques. L'agriculture peut être à la fois source et victime de la pollution des eaux. L'agriculture n'est pas la seule et unique source potentielle de pollution des eaux. La répartition entre sources est difficile à réaliser. La connaissance scientifique et les mesures des relations biophysiques sous-jacentes (extrêmement complexes) sont souvent imparfaites. La différenciation des sources (agricoles et non agricoles) s'avère dans la plupart des cas difficile. Il n'existe aucun consensus sur la manière de conceptualiser et d'évaluer l'évolution de la qualité de l'eau (évaluation monétaire ou non marchande, écart de perceptions...) S'il peut être souhaitable d'approfondir les données, ces travaux ne sont pas gratuits. Les éclairages ainsi obtenus subiront généralement des rendements marginaux décroissants. 4 Éventail de mesures pour traiter les problèmes de qualité de l'eau dans l'agriculture L'action des pouvoirs publics s'appuie généralement sur un cocktail d'incitations économiques (stimulation), des règlements environnementaux (réglementation) et d'outils d'information (persuasion). La panoplie de mesures a eu des conséquences variables . Ces mesures ont coûté aux contribuables des milliards de dollars par an. · · Dans certains pas, la conjugaison de taxes sur les intrants, de paiements et de conseil a été efficace. Dans d'autres, peu de progrès ont été obtenus malgré des dépenses considérables.
Le recours à une panoplie de mesures, plutôt qu'à un seul moyen d'action présente de nombreux avantages. Instruments économiques · taxes de pollution La mise en pratique du principe pollueur payeur dans le secteur agricole est difficile, car les techniques actuelles de surveillance ne permettent pas de mesurer, pour un coût raisonnable, la pollution diffuse d'origine agricole dans les masses d'eau, mais aussi en raison des obstacles d'ordre juridique (droits de propriété) · Paiements agro-environnementaux Il est difficile d'évaluer avec précision les dépenses annuelles en PAE permettant de réduire la pollution de l'eau. Il est probable que les dépenses totales de l'OCDE consacrées à la réduction de la pollution de l'eau par l'agriculture s'élèvent à des centaines de milliards de dollars par an. · Échanges de crédits de qualité de l'eau L'application à la pollution de l'eau du système d'échange de droits d'émission largement utilisé dans le domaine de la pollution atmosphérique suscite un grand intérêt. Des initiatives dans ce sens ont été mises en place en Australie, au Canada, en Nouvelle-Zélande et
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aux USA. 5 Expériences des pays de l'OCDE pour traiter les problèmes de qualité de l'eau liés à l'agriculture Le rapport présente un certain nombre d'études de cas. La difficulté majeure dans quasiment tous les pays de l'OCDE reste la lutte contre la pollution diffuse d'origine agricole. La pollution diffuse · · · · · · Est généralement invisible en raison des faibles concentrations et de voies de diffusion souterraines Est souvent difficile (ou très chère) à mesurer ou à suivre Présente en général des effets cumulatifs À des conséquences très variables fonction des facteurs géographiques , temporels et des phénomènes naturels Est onéreuse en termes de coûts de transaction liés à la détermination et au suivi des différents exploitants Implique fréquemment une coopération et une convergence de vues entre autorités qui transcende les limites des collectivités .
Lutte contre la pollution aquatique par les nitrates d'origine agricole dans l'UE ( trois moyens :Directive nitrates, DCE, PAC) La DCE est un texte ambitieux : · · · · · · · régit le système de l'eau dans son ensemble (qualité et quantité) ; fixe des échéances ; attend que le principe pollueur-payeur soit respecté ; stipule qu'il faut des critères économiques pour satisfaire ses objectifs à moindre coût ; fixe des objectifs concernant l'état chimique et écologique des masses d'eau ; dispose que les programmes doivent faire l'objet d'un suivi et d'une évaluation complets ; prévoit la pleine participation des parties prenantes dans le cadre des plans d gestion des bassins hydrographiques
Le National Audit Office du Royaume-Uni constate dans un rapport (2010) le mauvais rapport coûtefficacité des dépenses très importantes engagées pour lutter contre le non respect des dispositions de la DCE par les sources de pollution diffuse. La réforme de la PAC moyennant le découplage du soutien de la production et le développement de l'éco-conditionalité renforce la cohérence entre cette politique et les politiques de l'eau. La complexité réglementaire induit des niveaux et objectifs multiples concernant par exemple les rejets de nitrates dans l'eau. Les mesures de limitation des rejets azotés d'origine agricole pourraient nécessiter un temps considérable avant de se traduire par une amélioration de la qualité de l'eau.
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Même dans les régions où la directive nitrates est pleinement respectée, il faudra du temps pour que la qualité de l'eau s'améliore. (4 à 8 ans en Allemagne et Hongrie ; plusieurs décennies pour les nappes profondes aux Pays-Bas). Réduction de la pollution de la baie de Chesapeake (USA) rôle de l'agriculture Compte tenu de la détérioration continue de la qualité de l'eau dans la baie et des milliards de dollars investis sur plusieurs décennies et devant les progrès insuffisants réalisés par les autorités locales et les 6 États, parution en 2009 d'un décret fédéral qui fait passer la gestion globale des opérations des pouvoirs locaux et des États aux autorités fédérales. L'EPA (agence fédérale de l'environnement) considère la nouvelle stratégie pour le bassin de la baie de Chesapeake (et les moyens financiers supplémentaires) comme un modèle à décliner. La possibilité de développer l'échange de crédits de qualité de l'eau dans la baie est synonyme de nouveau créneau économique. En dépit des avantages, certaines préoccupations demeurent, dont un ciblage médiocre et un manque de cohérence. Réduction de la salinité dans l'agriculture pour améliorer la qualité de l'eau : Australie En 2000, les autorités australiennes ont évalué que près de 6 millions d'ha risquaient de devenir salins (surface pouvant s'étendre à 17Mha en 2050 dont 11Mha agricoles). Un plan de mesures a été mis en place : National Action Plan for Salinity and water quality (1.2milliards de dollars US sur 7 ans) Mise en oeuvre de l'échange de crédits de qualité de l'eau pour lutter contre la pollution azotée dans le Lac Taupo, Nouvelle-Zélande Projet innovant d'échange de crédits de qualité de l'eau. Les concentrations d'azote dans les cours d'eau ont fait depuis les années 70 un bond de 50 % à 300 % selon les bassins. Les propriétaires situés dans le bassin versant sont tenus d'avoir une autorisation de crédit spécifique de rejet d'azote. Les détenteurs d'autorisation peuvent acheter ou vendre des quantités supplémentaires. Le marché est aujourd'hui opérationnel. L'initiative menée au lac Taupo constitue une avancée significative dans l'application du principe pollueur-payeur. Amélioration de la recherche sur la pollution aquatique diffuse : France et Royaume-Uni · Royaume-Uni : Demonstration Test catchments Vise à tester l'efficacité des mesures existantes et des initiatives nouvelles intégrables aux pratiques agricoles. · France : Plan Ecophyto Abaisser de moitié l'usage des pesticides d'ici 2018 Concevoir de nouvelles solutions intégrées de gestion des ravageurs pouvant soutenir une agriculture durable. Accord de coopération entre distributeurs d'eau et exploitants · Royaume-Uni : mise en oeuvre du principe « bénéficiaire-payeur » plutôt que « pollueur-payeur »
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La South West Water paie les exploitants pour qu'ils mettent en oeuvre les changements de gestion de terres réduisant les quantités de polluants et qui permettent d'améliorer la qualité de l'eau et d'abaisser les coûts de traitement. · · USA : comté du Delaware : accords volontaires, financement de programmes collectifs, acquisition de terrains France
Nestlé Waters met en oeuvre un programme d'incitation pour les agriculteurs (paiement de 200/ha) du bassin versant de Vittel. En 2004, après 12 ans de fonctionnement, le programme s'appliquait sur 92 % de la superficie du bassin et avait permis de réduire la charge en azote Pourquoi ces difficultés et quelles recommandations ? Si les politiques visant à réduire les pressions exercées par l'agriculture sur les systèmes aquatiques se sont heurtées à des difficultés dans beaucoup de pays de l'OCDE, c'est notamment pour les raisons suivantes : · · la hausse du coût budgétaire, et de la charge sur les contribuables, des programmes de réduction de la pollution de l'eau d'origine agricole ; l'augmentation des coûts de potabilisation de l'eau supportés par les compagnies des eaux et les consommateurs d'eau afin d'éliminer les polluants, et la hausse des coûts induits par les répercussions de la pollution agricole sur l'utilité commerciale (pêche), récréative, environnementale et sociale de l'eau pour la collectivité ; le consensus qui se dégage sur le fait que tous les producteurs agricoles doivent être concernés par les programmes et règlements, car la participation volontaire peut inciter certains exploitants à ne pas respecter les dispositions réglementaires et/ou avoir pour effet d'apporter des paiements à des exploitants qui ne sont pas forcément la principale source de pollution ; le mécontentement grandissant face à la rigidité et à la complexité des institutions et des réglementations traditionnelles, qui entravent l'adoption de nouvelles politiques et d'approches marchandes ; la prise de conscience du fait que les problématiques environnementales, telles que l'amélioration de la qualité de l'eau, sont compliquées par les interactions aléatoires de l'activité humaine avec le milieu naturel, et qu'il s'écoule souvent beaucoup de temps de quelques années à plusieurs décennies entre la mise en oeuvre d'une mesure donnée, la modification des pratiques de gestion des exploitations et l'amélioration quantifiable de la qualité de l'eau ; le constat, qui commence à s'imposer, que les agriculteurs sont peu conscients de leur responsabilité dans la pollution aquatique, et que même quand ils sont davantage avertis, le rapprochement avec l'impact des pratiques agricoles en aval dans le bassin hydrographique est rarement opéré ; les obstacles qui continuent d'entraver une adoption plus rapide et universelle, par les agriculteurs, de pratiques optimales de gestion permettant de faire baisser la pollution de l'eau, et qui tiennent entre autres au fait que l'adoption de ces pratiques est perçue comme onéreuse ; que les connaissances nécessaires à la mise en oeuvre de certaines d'entre elles font défaut ; et que la main-d'oeuvre et les conseils disponibles pour opérer un changement de pratiques en général sont limités ;
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les interrogations de plus en plus fortes sur la façon de traiter et de prioriser les risques que les contaminants d'origine agricole, en particulier les nouveaux contaminants, font peser sur la santé humaine et l'environnement, de manière à être mieux à même d'optimiser les techniques de dépollution existantes ou d'élaborer de nouvelles approches de réduction des risques.
3. La performance environnementale de l'agriculture (2012, publication à venir) Cette étude actualise les données et analyses conduites en 2008, et fournit des comparaisons entre les différents pays sur un certain nombre d'indicateurs, dont le bilan azote et phosphore, et les pesticides. La performance environnementale de l'agriculture est appréciée selon l'OCDE par une série de 37 indicateurs, dont certains ont trait à l'eau. Les données ne sont pas toujours disponibles, ni cohérentes d'un pays à l'autre : les comparaisons entre pays sont donc délicates. En 1998, les performances générales de la France étaient jugées inégales. La baisse globale du niveau des excédents d'éléments fertilisants et de pesticides constatée à l'époque ne faisait pas oublier que la pollution de l'air et de l'eau continuaient de poser de graves problèmes localement. Cinq ans plus tard, on constate que les tendances à la baisse des excédents azote et phosphore se poursuivent, mais que le problème de la pollution de l'eau par les pesticides demeure. Des prélèvements d'eau par l'agriculture modestes Quantitativement et en valeur relative, les prélèvements d'eau par l'agriculture sont faibles (10 % FRA-26 % EU15 ; 44 %OCDE) et en réduction (-2 %/an) Les surfaces irriguées sont stables 1,5Mha. Toutes les quantités d'eau prélevées par l'agriculture sont destinées en France à l'irrigation. Concernant la qualité, les données sont partielles et pas toujours à jour : Les bilans Nitrates et Phosphore s'améliorent de manière constante 65 % des nitrates des eaux côtières sont d'origine agricole en France (USA 75 % ; UK 60 %) 13 % des points de contrôle excèdent les limites nitrates pour l'eau potable dans les eaux souterraines La baisse globale est de -2,2 %/an pour le bilan azote par hectare, la baisse est du même ordre : le bilan est de +50kgN/ha en 2007-2009 (69kg en 1990-1992) La baisse globale est de -13,6 % pour le bilan Phosphore par hectare : baisse de 15 % : le bilan est de +2kg P/ha Pesticides : une situation plus contrastée
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Moins d'un tiers des pays de l'OCDE mesurent les concentrations de pesticides dans leurs eaux 80 % des eaux de surface et 57 % des eaux souterraines en France contiennent au moins un pesticide (Norvège :100 % et 90 %) 15 % des eaux de surface et 25 % des eaux souterraines en France ont des concentrations en pesticides qui excèdent les limites de potabilités nationales (chiffres 2002) 4) La gouvernance de l'eau dans les pays de l'OCDE Une approche pluri-niveaux (2012) Ce rapport émane de la direction gouvernance de l'OCDE On constate, dans les profils pays que la France est le pays qui a le moins de problèmes de gouvernance qui persistent (avec aucun problème « très important » et seulement un problème « assez important » (la coordination des acteurs à l'échelle infra-nationale) comme le montre le tableau synthétique tiré des données de l'ouvrage : pays Australie Belgique Canada Chili Corée Espagne nombre de problème jugés peu importants 2 2 7 0 0 6 nombre de problème jugés assez important 4 3 5 5 7 5 8 1 7 2 4 5 5 7 6 3
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nombre de problème jugés très important 6 5 0 6 5 1 2 0 3 4 5 5 0 0 6 2
USA (Colorado) 2 France Grèce Israël Italie Mexique NouvelleZélande Pays Bas Portugal 10 0 3 2 1 6 4 0
UK (England & 8
Wales) Source : www.oecd.org
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ANNEXE 6 Bibliographie
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MADIGNIER Marie-Laurence, JUFFE Michel, FEMENIAS Alain, 2011, Appropriation des enjeux et mise en oeuvre de la directive cadre sur l'eau (DCE) dans le secteur agricole : Enseignements à partir de six études de cas, rapport du CGAAER et du CGEDD, 64 p. MARTIN Jock, HENRICHS Thomas, PIRC VELKAVRH Anita, 2010, L'Environnement en Europe : état et perspective 2010. Synthèse, Copenhague : AEE, 222 p. MEEDDAT, OIEAU, 2009, Les Services publics d'eau potable et d'assainissement en France, 2 volumes, 15 p. + 15 p. HTML://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/spipwwwmedad/pdf/Plaquette_SPE_Fr_light_cle74b11b.pdf http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/Plaquette_Services_Publics_Eau_Ang_web.pdf MEEDDM, MAAPRAT, 2011, Plan d'adaptation de la gestion de l'eau : soutiens à la création de retenues d'eau et à l'adaptation des cultures.12 p. http://www.developpementdurable.gouv.fr/IMG/pdf/Plan_retenues_eau_REPRO_VF3.pdf METTOUX-PETCHIMOUTOU Anne-Paule, 2012, Eaux et milieux aquatiques : panorama des acteurs de Recherche et Développement, Synthèse CARTEAU, ONEMA-OIE, 28 p. MICHEL Jean-Marc, CHEVASSUS-AU-LOUIS Bernard, 2013, Rapport de Préfiguration d'une Agence Française pour la Biodiversité, phase II, MEDDE, 18 p. MONTEILS Isabelle, RATHOUIS Pierre, 2011, Accès à l'eau et à l'assainissement dans des conditions économiquement acceptables par tous, Rapport de mission sur la mise en oeuvre de l'article 1er de la loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l'eau et les milieux aquatiques, CGEDD, 33 p. OCDE, 2010, Gestion durable des ressources en eau dans le secteur agricole, éditions OCDE, 2010.- 132 p. OCDE, 2010, Le Prix de l'eau et des services d'eau potable et d'assainissement, éditions OCDE, 117 p. OCDE, 2012, La Gouvernance de l'eau dans les pays de l'OCDE : une approche pluri-niveaux, éditions OCDE, 2012, 275 p. OCDE, 2012, Qualité de l'eau et agriculture : un défi pour les politiques publiques, éditions OCDE, 2012.- 170 p. ONEMA, 2010, Les Temps forts 2009 de l'ONEMA : pour la reconquête du bon état des eaux et des milieux aquatiques, 48 p. http://www.onema.fr/IMG/pdf/TF2009_integral_web.pdf ; http://www.onema.fr/Les-temps-forts-2009 ONEMA, 2011, Les Temps forts 2010 de l'ONEMA : pour la reconquête du bon état des eaux et des milieux aquatiques, 48 p. http://www.onema.fr/IMG/pdf/temps-forts-2010.pdf ONEMA, 2012, Les Temps forts 2011 de l'ONEMA : pour la reconquête du bon état des eaux et des milieux aquatiques, 45 p. http://www.onema.fr/IMG/pdf/Temps-Forts-2011.pdf ONEMA, 2013, Rapport 2012 au Comité national de l'eau sur la mise en oeuvre du schéma national des données sur l'eau, 21 p. PANCHER Bertrand, TOURTELIER Philippe, 2012, Rapport d'information sur la mise en application de la loi n°2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement, Assemblée nationale, 175 p. http://www.assemblee-nationale.fr/13/rap-info/i4340.asp#P310_28496 PAUTARD Éric, 2013, Opinions et pratiques environnementales des Français en 2012, CGDD, Chiffres & statistiques, n° 413, 9 p. SAF (Société des agriculteurs de France), 2013, Les agriculteurs producteurs d'eau potable ; produire tout en intégrant la qualité de l'eau ; s'engager dans des démarches pro-actives et collectives, 30p SALVETTI Maria, WITTNER Christophe, 2012, Observatoire des services publics d'eau et d'assainissement : panorama des services et de leurs performances, ONEMA, 83 p. HTML://urbamet.documentation.equipement.gouv.fr/documents/Cdu/0244/Cdu-0244521/observatoire.pdf http://www.services.eaufrance.fr/synthese/rapports WENDLING Christophe, 2007, Les instruments économiques au service des politiques environnementales, TRÉSORÉCO n° 19, 8 p. WWF, 2011, L'état des eaux derrière une information officielle déficiente, des évaluations et des données inquiétantes, 36 p.
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WWF, 2012, L'Empreinte eau de la France, Paris, 38 p. http://www.wwf.fr/s-informer/actualites/le-wwf-france-publie-sonindicateur-empreinte-eau
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ANNEXE 7 Contributions extérieures reçues FNE (1) Contribution n°1 de FNE dans le cadre de la mission confiée au député P. MARTIN sur la gestion quantitative de l'eau en agriculture (2) Contribution N°2 de FNE dans le cadre de l'évaluation de la politique de l'eau Fédération Française de Canoë Kayak Contribution au groupe « évaluation de la politique de l'eau » CLCV Groupe de travail du Comité National de l'Eau « Évaluation de la politique de l'eau » Positions et propositions de la CLCV Confédération paysanne (1) Document de travail Confédération paysanne Gestion quantitative de la ressource en eau (2) Un appui spécifique pour le développement de l'agriculture biologique (3) Évolution de la réglementation « Directives Nitrates » Avis de la Confédération paysanne CESER Bourgogne Contribution pour la consultation dans le cadre de la révision des SDAGE 2016-2021 en Bourgogne (bassins Rhin-Meuse, Seine-Normandie, Loire-Bretagne) AFEPTB Évolution de la politique de l'eau, les propositions de l'AFEPTB ONEMA Série de note pour l'évaluation de la politique de l'eau Données sur l'eau (1) : l'organisation du SIE Données sur l'eau (2) : l'architecture et l'urbanisation du SIE Données sur l'eau (3) : la complexité du SIE Données sur l'eau (4) : la fiabilité des données (5) Note du président du Conseil scientifique « Eau et santé publique dans les outre-mer » MOM (1) ÉVALUATION DES POLITIQUES PUBLIQUES DE L'EAU (2) PISTES D'AMÉLIORATION DE LA POLITIQUE DE L'EAU DANS LES OUTRE-MER MASS DIRECTION GÉNÉRALE DE LA SANTÉ
NOTE D'INFORMATION SUR LES RÉSIDUS DE MÉDICAMENTS DANS L'EAU
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ANNEXE 8 Liste des personnes rencontrées 1) Liste des personnes auditionnées MEDDE Direction de l'eau et de la biodiversité Laurent Roy directeur de l'eau et de la biodiversité Agnès Vince sous-directrice du littoral et des milieux marins Virginie Dumoulin sous-directrice de l'action territoriale et de la législation eau et matières premières Jean-Pierre Rideau sous-directeur adjoint de l'action territoriale et de la législation eau et matières premières Jacques Sironneau chef du bureau de la législation de l'eau Emmanuel Steinmann adjoint à la chef du bureau de la planification et de l'économie de l'eau, chargé de la coordination de la planification DCE Thomas Petitguyot chef du bureau des milieux aquatiques Claire-Cécile Garnier adjointe au chef du bureau des milieux aquatiques Michel Bialka chargé de mission systèmes d'information Michel Ripoche - adjoint au chef du bureau des polices eau et nature, chef de projet des applications informatiques pour la police de l'eau Nicolas Rouyer chef de la coordination internationale et communautaire Xavier De Lacaze chargé de mission eau et changement climatique Edwige Duclay chef du bureau de la lutte contre les pollutions domestiques et industrielles Clément Jaubertie chargé de mission agriculture et directive cadre sur l'eau Philippe Jannot chargé de mission nitrates et phosphore agricole Julie Percelay adjointe à la chef du bureau des milieux marins Astrid Thomas-Bourgneuf chargée d'études sur la qualité des eaux littorales et le suivi de l'impact des activités humaines Direction générale de la prévention des risques Mathias Pieyre chef du bureau de la nomenclature, des émissions industrielles et des pollutions des eaux Direction générale de l'énergie et du climat Sylvain Mondon Observatoire national sur les effets du changement climatique
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Bertrand Reysset et Jérôme Duvernoy chargés de mission au service climat et efficacité énergétique Direction de la pêche maritime et de l'aquaculture Cécile Bigot directrice de la pêche maritime et de l'aquaculture Christophe Chassande directeur-adjoint de la pêche maritime et de l'aquaculture Olivier Cunin adjoint à la sous-directrice de l'aquaculture et de l'économie des pêches Commissariat général au développement durable Olivier Bommelaer - économiste Jérémy Devaux Service des observations et des statistiques Conseil général de l'environnement et du développement durable Philippe Quièvremont membre permanent, CPRN Étienne Lefèvre membre permanent, CPRN Jean-Jacques Laffitte, membre permanent, CPRN Mauricette Steinfelder membre permanent, CPRN Armelle de Ribier membre permanent, CPRN Yves Morin membre permanent, section 2 Philippe Boiret, membre permanent, section 5 Inspection générale des affaires maritimes Jean-Marie Suge, inspecteur général Services territoriaux Jean-Pierre Lestoile directeur départemental des territoires de Savoie, animateur de l'atelier environnement des DDT, correspondant de la DEB Marc Tisseyre DDT de Tarn-et-Garonne Gabrielle Fournier DDT des Hautes-Alpes MASS Direction générale de la santé Charles Saout sous-directeur adjoint de la prévention des risques liés à l'environnement et à l'alimentation Yannick Pavageau adjoint au chef du bureau de l'eau
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MAAF Direction générale des politiques agricole, agroalimentaire et des territoires Coralie Noël sous-directrice de la biomasse et de l'environnement Rosine Travers chef du bureau des sols et de l'eau Direction générale de l'alimentation Frédéric Vey chef du bureau de la surveillance biologique du territoire MI Direction générale des collectivités locales Stanislas Bourron - sous-directeur de Compétences et Institutions locales (CIL) Mathieu Duhamel - chef du bureau des services publics locaux (CIL) MINEFI Direction du budget Yoann Barbésol chef du bureau du développement durable MOM Marc Del Grande sous-directeur du service des politiques publiques Cédric Loret chef du département de l'écologie, du logement, du développement et de l'aménagement durables Lætitia Lefaure chargée de mission eau, déchets ONEMA Luc Abbadie président du conseil scientifique de l'ONEMA François Lacroix directeur général adjoint René Lalement directeur de la connaissance et de l'information sur l'eau Alexis Delaunay directeur du contrôle des usages et de l'action territoriale Isabelle Vial adjointe au chef du département de la connaissance des milieux et des usages Christian Jourdan chef du département la coordination du Système de l'information sur l'eau Laurent Coudercy adjoint au chef du département la coordination du Système de l'information sur l'eau Bernard Le Guennec chargé de mission solidarité Outre-mer et Corse Éric Bréjoux directeur de projet de l'observatoire des services publics d'eau et d'assainissement Thierry Peyrin responsable informatique pour l'observatoire des services publics d'eau et
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d'assainissement Office international de l'eau Jean-François Donzier directeur de l'OIEAU Instances de bassin et agences de l'eau Bassin Adour-Garonne Bruno Cinoque directeur général adjoint de l'agence de l'eau, directeur général par intérim Bassin Artois-Picardie Olivier Thibault directeur général de l'agence de l'eau Artois-Picardie Pierre Marien directeur général adjoint Bassin Loire-Bretagne Serge Lepeltier Président du comité de bassin Loire-Bretagne Noël Mathieu directeur général de l'agence de l'eau Loire-Bretagne Pierre-Étienne Bisch Préfet de la région du Centre, préfet du bassin Loire-Bretagne Nicolas Forray - DREAL de bassin Bassin Rhin-Meuse Claude Gaillard président du comité de bassin Rhin-Meuse Christian Eckhert vice-président du comité de bassin Rhin-Meuse Paul Michelet directeur général de l'agence de l'eau Rhin-Meuse Bassin Rhône-Méditerranée et Corse Michel Dantin Président du comité de bassin Rhône-Méditerranée et Corse Martin Guespereau directeur général de l'agence de l'eau Rhône-Méditerranée et Corse Bassin Seine-Normandie André Santini Président du comité de bassin Seine-Normandie Jean Daubigny - Préfet de région d'Île-de-France, préfet de Paris, préfet Coordonnateur de bassin Seine Normandie Michèle Rousseau directrice générale de l'agence de l'eau Seine-Normandie Marc Collet - directeur délégué Marie-Dominique Monbrun - directrice de l'eau, des milieux aquatiques et de l'agriculture.
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Bassin Guyane Serge Bafau Président du comité de bassin Guyane Clara Nicolas directrice générale de l'office de l'eau Guyane Myriam Inimod office de l'eau Bassin Guadeloupe Amelius Hernandez Président du comité de bassin Bernard Lubeth Directeur général de l'office de l'eau Bassin Martinique Daniel Chomet Président du comité de bassin Martinique Jeanne Defoi Directrice générale de l'office de l'eau Martinique Jean-Louis Vernier DEAL adjoint Bassin Mayotte Ibrahim Boinahery Président du comité de bassin Mayotte Bassin Réunion Gilbert Sam-Yin-Yang Directeur général de l'office de l'eau Bruno Mamindy-Pajany membre du Comité de bassin Instances européennes Thierry Davy représentant des agences de l'eau à Bruxelles Représentation permanente de la France auprès de l'Union européenne Alexis Dutertre représentant permanent adjoint Direction générale de l'environnement de la Commission européenne Peter Gammeltoft et Jorge Rodriguez unité directive cadre sur l'eau Pia Buccela unité nature et agriculture Michael Hammel unité nitrates Joachim d'Eugenio unité ERU, Baignade, stratégie marine
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OCDE Aziza Akhmouch programme de l'OCDE sur la gouvernance de l'eau Xavier Leflaive direction de l'environnement Céline Kauffmann experte des questions de régulation et participation du secteur privé dans le secteur de l'eau Julien Hardelin direction de l'agriculture et du commerce Claire Charbit chef adjointe, division des politiques de développement régional (experte en décentralisation) Parlementaires en mission Michel Lesage député des Côtes-d'Amor, en charge de la mission sur l'évaluation de la politique de l'eau Philippe Martin député du Gers, en charge de la mission sur la gestion quantitative de l'eau en agriculture Personnes qualifiées Philippe Billet professeur agrégé de droit public à l'Université de Jean Moulin Lyon 3 Jean-Marc Février avocat et professeur agrégé de droit public à l'Université de Perpignan Fédération professionnelle des entreprises de l'eau (FP2E) Igor Semo - directeur des relations extérieures de la FP2E Tristan Mathieu - délégué Général de la FP2E Dominique Gatel - directeur des relations institutionnelles à Veolia Eau Association scientifique et technique pour l'eau et l'environnement (ASTEE) Pierre-Alain Roche Président de l'association Association française des établissements publics territoriaux de bassin (AFEPTB) Daniel Marcovitch Président de l'association Catherine Gremillet Directrice de l'association Association des Régions de France (ARF) André Lefebvre conseiller régional de Bourgogne, animateur du groupe de travail « eau et agriculture » de l'ARF
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Assemblée permanente des chambres d'agriculture (APCA) Didier Marteau - président de la chambre d'agriculture de l'Aube, président de la commission environnement de l'APCA Floriane Di Franco chargée de mission eau France Nature Environnement Bernard Rousseau - pilote du pôle Ressources en eau et milieux naturels aquatiques de FNE Société des agriculteurs de France (SAF) Marie Delefortrie secrétaire générale Carole Hernandez Zakine responsable du pôle réflexion, en charge des dossiers environnement Confédération paysanne Josian Palach élu du secrétariat national Suzie Guichard responsable du pôle agriculture et environnement Comité national de la conchyliculture Goulven Brest - président du CNC Sébastien Chantereau économiste Cooperl Arc Atlantique Patrice Drillet vice-président de COOPERL Bertrand Convers responsable environnement
2) Liste des participants rencontrés aux réunions du groupe de travail du Comité national de l'eau sur l'évaluation de la politique de l'eau Henri Tandonnet Sénateur du Lot-et-Garonne Pascal Bonnetain Mairie de Labastide-de-Virac Georges Dantin représentant des sports nautiques (FFCK) Michel Desmars fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR) André Lefebvre Conseil régional de Bourgogne Daniel Marcovitch, Gérard Seimbille, Catherine Gremillet AFEPTB
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Tristan Mathieu délégué général de la FP2E Serges Deslandes, Michel Pontier, Didier Marteau, Floriane Di Franco Chambres d'agriculture Jacques Oudin Conseil général Vendée Pierre-Alain Roche ASTEE Bernard Rousseau, François-Marie Pellerin France Nature Environnement (FNE) Michèle Rousseau directrice générale de l'agence de l'eau Seine-Normandie Hamid Oumoussa directeur général de la fédération nationale de la pêche en France (FNPF) Jean-Luc Touly conseil régional d'Île-de-France Xavier Ursat, Frank Darthou EDF Dorothée Quickert-Menzel, Claude Reveillaut association de consommateur (CLCV) Michel Lesage député des Côtes d'Armor, parlementaire en mission sur l'évaluation de la politique de l'eau, 3) Listes des participants aux débats CGEDD/CGAAER sur la politique de l'eau au Collège « Gestion intégrée de l'eau »
BAUCHÉ Alain CGAAER BOIRET Philippe CGEDD BAUDEQUIN Denis CGAAER COMMANDRÉ Roland CGAAER BENEZIT Jean-Jacques CGAAER FAYEIN Laurent CGEDD/MIGT 5 DE RIBIER Armelle CGEDD GARCIN Marie-Laure CGEDD GRISEZ Claire MEDDE/DEB/GR1 HUMBERT Pascale CGEDD/MIGT 6 HURAND Patrick CGAAER LAFITTE Jean-Jacques CGEDD LAGAUTERIE Philippe CGEDD LAVARDE Patrick CGEDD LEFEBVRE Étienne CGEDD
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LEVRAUT Anne-Marie CGEDD MONNIER Alain CGAAER MORICE Emmanuel MEDDE/DEB/GR1 MAQUERE Valérie MAAF/DGPAAT/BSE QUÉVREMONT Philippe CGEDD PAYEN Denis CGEDD VELLUET Rémi CGEDD VIAL Jean-Claude MAAF/IG Bassin Seine-Normandie
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ANNEXE 9 Glossaire des acronymes
ACA ACB AE AEP AFB AFEPTB ALLENVI AMPA ANR ANSES APAD ARS BOP BRGM CA CAS CB CDI CE CELRL CEN CESE CGCT CGDD CIMAP CL CLE CNE COM COPIL COSEI Analyse coût avantage Analyse coût bénéfice Agence de l'eau Alimentation en eau potable Agence française de la biodiversité Association française des établissements publics territoriaux de bassin Alliance nationale de recherche pour l'environnement Acide aminométhylphosphonique Agence nationale de la recherche Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail Activités de production assimilées domestiques Agence régionale de santé Budget opérationnel de programme Bureau de recherches géologiques et minières Conseil d'administration Conseil d'analyse stratégique Comité de bassin Contrat à durée indéterminée Code de l'environnement Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres Comité européen de normalisation Conseil économique social et environnemental Code général des collectivités territoriales Commissariat général au développement durable Comité interministériel de modernisation de l'action publique Collectivité locale Commission locale de l'eau Comité national de l'eau Collectivité d'outre-mer Comité de pilotage Comité stratégique des éco-industries
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CPIE CREN CTC DCE DCSMM DDPP DDT DDTM DEAL DEB DERU DGCL DGPR DGS DHFF DI DIG DO DOM DPF DRAAF DREAL DRFIP DTARS EDF EMAA EPCI EPTB ERU ETP FEADER FEDER FNCCR FPRNM GCE GEDRE
Centre permanent d'initiatives pour l'environnement Conservatoire national des espaces naturels Collectivité territoriale de Corse Directive cadre sur l'eau 2000/60 du 23 octobre 2000 Directive cadre stratégie pour les milieux marins Direction départementale de la protection des populations Direction départementale des territoires Direction départementale des territoires et de la mer Direction de l'environnement, de l'aménagement et du logement Direction de l'eau et de la biodiversité Directive eaux résiduaires urbaines Direction générale des collectivités locales Direction générale de la prévention et des risques Direction générale de la santé Directive habitat, faune, flore Directive inondation Déclaration d'intérêt général Directive oiseau Département d'outre-mer Domaine public fluvial Direction régionale de l'agriculture, de l'alimentation et de la forêt Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement Direction régionale des finances publiques Direction territoriale de l'Agence régionale de santé Électricité de France (plan) Énergie, méthanisation, autonomie azote Établissement public de coopération intercommunale Établissements publics territoriaux de bassin Eaux résiduaires urbaines Équivalent temps plein Fonds européen agricole pour le développement rural Fonds européen de développement régional Fédération nationale des collectivités concédantes et des régies Fonds de Prévention des Risques Naturels Majeurs Grand cycle de l'eau (démarche) Gestion équilibrée et durable de la ressource en eau
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GIEC HAP HVE ICPE IFREMER INERIS INRA IOTA LEMA LIFE MAAF MAE MAEt MASS MEDDE MEFM MIE MISEN OCDE OIEAU ONCFS ONEMA ONZH OU PAC PAOT PAPI PARCE PCB PCE PCRD PDM PFAC PGRI PIREN PLU
Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat Hydrocarbure aromatique polycyclique Haute valeur environnementale Installations classées pour la protection de l'environnement Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer Institut national de l'environnement industriel et des risques Institut national de la recherche agronomique Installations, ouvrages, travaux et activités Loi sur l'eau et des milieux aquatiques (programme européen) L'Instrument Financier pour l'Environnement Ministère de l'agriculture, de l'alimentation et de la forêt Mesure agro-environnementale Mesure agro-environnementale territorialisée Ministère des affaires sociales et de la santé Ministère de l'environnement, du développement durable et de l'énergie Masse d'eau fortement modifiée Mission interministérielle de l'eau Mission inter-services de l'eau et de la nature Organisation de Coopération et de développement économiques Office international de l'eau Office national de la chasse et de la faune sauvage Office national de l'eau et des milieux aquatiques Observatoire national des zones humides Organisme unique (irrigation) Politique agricole commune Plan d'actions opérationnel territorialisé Plan d'actions de prévention des inondations Plan d'action pour la restauration écologique des cours d'eau Polychlorobiphényles Petit cycle de l'eau Programme-cadre de recherche et développement Programme de mesures Participation forfaitaire pour l'assainissement collectif Plan de gestion des risques inondation Programme interdisciplinaire de recherche sur l'environnement Plan local d'urbanisme
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INTERREG (programme européen) de coopération interrégionale, financé par le FEDER
PMBE POE PPI PPP PPRN PVE REACH RN SAFER SAGE SANDRE SAR SAU SCHAPI SCOT SDAGE SDC SDRIF SIE SISPEA SNDE SOeS SPANC SPEA SPIC SRCAE TFUE TGAP TRI TVB UE VNF ZH ZNT
Plan de modernisation des bâtiments d'élevage Programmes opérationnels européens Programmation pluriannuelle des investissements Principe pollueur payeur Plan de prévention des risques naturels Plan végétal pour l'environnement (règlement européen) Enregistrement, évaluation et autorisation des produits chimiques, en anglais : Registration, evaluation and authorization of chemicals Réserve naturelle Société d'aménagement foncier et d'établissement rural Schéma d'aménagement et de gestion des eaux Service d'administration nationale des données et référentiels sur l'eau Schéma d'aménagement régional Surface agricole utile Service central météorologie et d'appui à la prévision des inondations Schéma de cohérence territoriale Schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux Schéma départemental des carrières Schéma directeur de la région d'Île-de-France Système d'information sur l'eau Système d'information sur les services publics d'eau et d'assainissement Schéma national des données sur l'eau Service de l 'observation et des statistiques Service public d'assainissement non collectif Service public d'eau et d'assainissement Service public industriel et commercial Schéma régional climat, air, énergie Traité fondateur de l'union européenne Taxe générale sur les activités polluantes Territoire à risque important d'inondation Trame verte et bleue Union européenne Voies navigables de France Zone humide Zone non traitée
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(ATTENTION: OPTION e l'eau (fruits et légumes, plus indirectement céréales et viande) : l'empreinte eau mesure la quantité d'eau de ces produits et les externalités liées à leur cycle de fabrication (pollutions). 20
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On peut distinguer en fait entre des usages de l'eau, qui correspondent à des activités n'ayant pas d'impact significatif sur l'état des masses d'eau (exemple : pêche, baignade) et des utilisations qui sont des activités ayant un impact significatif sur l'état des masses d'eau (prélèvements, rejets polluants, cultures non irriguées impliquant une pollution diffuse d'une masse d'eau...). 20 L'empreinte eau permet de mesurer le volume total d'eau douce utilisé pour produire les biens et services consommés par l'individu ou la communauté, ou produits par l'entreprise (ou le producteur agricole). Un projet de norme international pour mesurer cette empreinte ISO 14 046 est en cours de discussion. Chaque français « consomme » ainsi en moyenne 1875m3/an, dont 28/131
3.1.1.2. Le « spectre » du changement climatique
Données et conséquences sur la ressource « Le réchauffement du système climatique est sans équivoque » (Rapport de synthèse du GIEC, 2007). Le changement climatique est déjà en cours et ses effets commencent à se manifester: remontée du niveau de la mer, réchauffement naturel des cours d'eau. La question de l'eau et de l'évolution de sa disponibilité dans un avenir plus ou moins lointain est centrale pour tous les utilisateurs de l'eau ainsi que pour la qualité future des milieux aquatiques. Elle est centrale tant pour l'adaptation de l'activité économique au changement que pour les mesures d'atténuation dans l'émission de gaz à effets de serre de ces activités. Les projections climatiques se référant au quatrième rapport du GIEC comportent une marge d'incertitude importante, mais convergent vers les évolutions suivantes qui ont constitué la base des travaux collectifs d'élaboration du plan national d'adaptation au changement climatique paru en 2011 :
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une élévation de température de +1,6°C à +6°C pour la fin du siècle ; un déficit de 2 milliards de m3 par an pour satisfaire les besoins de l'industrie, de l'agriculture (irrigation) selon les pratiques actuelles et de l'alimentation en eau potable à l'horizon 2050, en considérant une stabilité de la demande ; une baisse des écoulements des cours d'eau de 15 à 30 % en 2050, avec aggravation significative des étiages (réduction des glaciers et neige) et changement modéré des crues moyennes ; une baisse de la recharge des nappes qui pourrait atteindre 30 % à la fin du XXIème siècle, les bassins de la Garonne et de la Seine étant plus particulièrement touchés ; le réchauffement « naturel » des cours d'eaux et tension sur les rejets thermiques industriels. La température des rivières pourrait excéder spontanément la limite actuelle réglementaire des rejets industriels ; la possible prolifération de micro-organismes, producteurs de toxines avec des effets directs ou indirects sur la santé. De nouveaux micro-organismes à risques commencent à être décelés sur les côtes françaises ; un risque de dépérissement des forêts par manque d'adaptation, pouvant provoquer une instabilité des terrains et une aggravation des crues ; une élévation du niveau de la mer de 20 à 60cm d'ici la fin du siècle, voire 1 mètre, rendant vulnérables à l'érosion ou à la submersion les côtes des zones de faible altitude ou gagnées sur la mer, et conduisant à la remontée du biseau salé dans les embouchures ; l'accroissement de certains événements climatiques exceptionnels faisant peser des risques accrus sur les personnes et sur les activités économiques.
Le projet Explore 2070, dont les conclusions ont été rendues en octobre 2012, annonce à l'échéance 20502070 une baisse moyenne du débit des cours d'eau de 20 %, accentuée l'été ainsi que pour certaines régions (Seine-Normandie, etc.). La recharge des nappes baisserait en moyenne de 30 %, là aussi avec des impacts plus forts dans certaines régions (Vendée, etc.). Atténuation, adaptation... Ces évolutions climatiques doivent également être mises en regard des évolutions de pressions liées aux activités économiques, en particulier quand elles-mêmes sont impactées par le changement climatique, comme l'irrigation en agriculture. Se jouent ici des questions de sécurité alimentaire dans une zone euro méditerranéenne où des pénuries de céréales, notamment, sont projetées dans plusieurs pays voisins. Le plan national d'adaptation au changement climatique fixe un objectif de diminution des prélèvements de 20 % hors stockage de substitution en hiver, ce qui suppose d'agir également sur les pratiques et systèmes de
47% sont importés (étude WWF 2012). Un français va donc utiliser 150 litres d'eau (eau visible) par jour (Toilettes, vaisselles, douches, brossage dents...) soit 4 % de ses besoins ! Il aura besoin de plus de 5000 litres d'eau (eau non visible) par jour pour fabriquer tout ses biens de consommations (alimentation, transport, textile, matériel technologique...) soit 96 % de ses besoins. 29/131
culture, ainsi que sur l'industrie agroalimentaire qui les accompagne, pour préparer les évolutions à long terme. La forêt et l'agroforesterie ont également un rôle à jouer dans ces évolutions. La question se pose déjà pour le refroidissement des centrales nucléaires alors que le besoin énergétique risque de progresser en période d'étiage (climatisation). De même, l'étalement urbain actuel et le rafraîchissement des villes sont à aborder avec cette perspective de rareté de la ressource. Concernant les milieux aquatiques, outre la nécessité de limitation des prélèvements, la baisse des débits en été risque de conduire à une concentration en micropolluants, tandis que les sols, en présence de moins d'eau, pourraient à l'inverse fixer et dégrader davantage de ces molécules. Il conviendrait de considérer alors la biodiversité des sols comme un élément d'une politique de l'eau, qui conduit à penser globalement les évolutions de pratiques à conduire. Mais les milieux humides et autres milieux naturels riches en biodiversité s'adapteront inévitablement aux évolutions climatiques, dans un sens qui n'est pas totalement prévisible à ce jour. En regard de ces évolutions significatives à l'horizon de quelques décennies, les SDAGE se doivent de préparer dès maintenant les évolutions nécessaires aux différentes échelles territoriales. Mais les autres schémas traitant du changement climatique tels que les schémas régionaux du climat, de l'air et de l'énergie ou les « plans climat énergie territoriaux » assurent-ils la cohérence avec la prise en compte du facteur « eau » ?
.........................3.1.2. Le petit cycle de l'eau: une situation globalement satisfaisante
3.1.2.1.L'organisation des services publics d'eau et d'assainissement
Quel que soit le mode de gestion retenu (direct ou délégué), la collectivité (autorité organisatrice) reste propriétaire des équipements et responsable vis-à-vis des usagers. Les services d'eau ou d'assainissement de plus de 3500 habitants doivent disposer d'un budget distinct du budget général et les dépenses d'investissement et de fonctionnement doivent être couvertes par les recettes du service (SPIC). En 2007, en France, la distribution de l'eau potable était très majoritairement assurée en gestion déléguée (52 % des communes mais 72 % des usagers desservis). L'assainissement, quant à lui, est de plus en plus souvent confié à des opérateurs privés (55 % des usagers en 2007 contre seulement 35 % en 1997). Au total, on compte 9 000 contrats de délégation de service. Lorsque la collectivité décide de faire appel à la compétence d'un opérateur, c'est dans le cadre d'un contrat pluriannuel et après mise en concurrence. En moyenne, en France, environ 500 à 700 contrats sont en mis en concurrence chaque année. Il existe trois principaux modes de gestion.
La gestion directe ou « régie » : c'est la commune qui assure la responsabilité complète des investissements et du fonctionnement des services des eaux, ainsi que des relations avec les usagers. Les employés de la régie sont des fonctionnaires territoriaux et ont un statut public. La régie concerne de grandes villes qui ont des services techniques très structurés ou de petites collectivités rurales. La gestion déléguée : la collectivité délègue la gestion de tout ou partie du service d'eau à une entreprise industrielle publique ou privée, dans le cadre d'une convention de délégation de service public dont la durée est limitée à 20 ans (elle était en moyenne de 18 ans dans les années 1990, aujourd'hui d'environ 13 ans et les contrats renouvelés ont une durée moyenne inférieure à 11 ans (observatoire loi Sapin) ). Les modalités d'évolution du tarif sont fixées dans le contrat de délégation. L'affermage et la concession sont les deux types de contrats généralement utilisés. Le plus fréquent est l'affermage. - En affermage, la collectivité réalise et finance directement les investissements et ne confie que l'exploitation des installations à l'opérateur. Ce dernier se rémunère sur le prix de l'eau. Il collecte pour le compte de la collectivité propriétaire les sommes correspondantes aux dépenses d'amortissement technique et financier des ouvrages. - En concession, c'est l'opérateur qui construit les ouvrages et les exploite à ses frais en se remboursant
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intégralement sur le prix de l'eau. Le candidat concessionnaire doit évaluer les investissements qu'il s'engage à réaliser. Dans les deux cas, le risque de déficit (ou de bénéfice) est assumé par l'opérateur et en fin de contrat, l'opérateur devra remettre le réseau et les ouvrages, les logiciels d'exploitation, le plan des réseaux et le fichier client. La gestion mixte : Il existe des situations intermédiaires entre régie et gestion déléguée. La délégation ne concerne souvent qu'un ouvrage (station d'épuration, postes de relèvements,...) ou qu'une partie des ouvrages, ou encore une partie du service seulement (la facturation, la gestion de la clientèle,...). Par exemple, la collectivité peut exploiter elle-même les ouvrages de production d'eau potable et déléguer seulement la distribution. Autre exemple, l'action commerciale (facturation, recouvrement) est de plus en plus souvent confiée à un opérateur spécialisé distinct dans le cadre d'une procédure de marché public. De ce fait, une même facture d'eau potable et d'assainissement implique fréquemment plusieurs opérateurs, alors qu'elle est émise par un seul d'entre eux. Ceci reflète la souplesse et la complexité du système français.
Cette souplesse et cette complexité du système français ont suscité une demande forte de transparence de la qualité des services, pour que les usagers puissent vérifier le bien-fondé des sommes facturées. En effet, depuis une vingtaine d'années, plusieurs dossiers ont fait polémique et ont pu connaître des suites judiciaires. La Commission Européenne s'était d'ailleurs inquiété de la situation de la concurrence du marché de l'eau en France, mais elle a finalement notifié le 25 avril 2013 à Suez Environnement sa décision de clôturer l'enquête commencée en avril 2010 et formellement ouverte en janvier 2012 portant notamment sur sa filiale Lyonnaise des Eaux et le marché de l'eau en France. Cette question très sensible rend en tout état de cause indispensable une information précise des usagers et des citoyens. La Loi Barnier de 1995 impose aux Maires de présenter chaque année au conseil municipal un rapport annuel sur le prix et la qualité des services de l'eau et de l'assainissement (RPQS). Ce rapport est mis à la disposition du public en mairie. Il comprend des informations techniques (organisation des services d'eau, projet de développement...) et financières (coûts des services, prix de l'eau, investissements...). Depuis 2009, l'observatoire des services publics d'eau et d'assainissement (SISPEA) rassemble des données pour permettre la comparaison entre les services d'eau des différentes communes. La loi Grenelle 2 du 12 juillet 2010 impose au maire de joindre à son rapport annuel la note établie par l'agence de l'eau sur la répartition des redevances entre tous les usagers de l'eau et la redistribution qui en est faite sous forme d'aides et sur la réalisation de son programme d'intervention.
3.1.2.2. Globalement, la situation est satisfaisante :
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La quasi totalité de la population (99 %) est raccordée à un réseau public de distribution d'eau potable ; la majorité de la population (83 %) est raccordée à un réseau public d'assainissement, le complément étant en assainissement non collectif. La capacité installée d'épuration des eaux usées correspond à 100 millions d'habitants. L'équipement du territoire est pratiquement achevé. Ces réseaux (1,2 millions de km) auraient une valeur à neuf estimée21 entre 330 à 400 milliards d'euros, difficilement visible par les usagers. Ces réseaux sont toutefois souvent vieillissants et leur renouvellement pourrait être problématique. La dépollution sur des paramètres classiques est un succès, via l'assainissement collectif et la mise en oeuvre de la directive ERU (applicable aux collectivités locales et aux industries agroalimentaires) , l'interdiction du phosphore dans les lessives, de gros efforts faits sur les sites industriels, une réduction très sensible des apports de polluants dans les milieux, un taux de raccordement en fort progrès, la fin des problèmes de traitement et d'élimination des boues de stations d'épuration. En revanche, le raccordement des effluents non domestiques dans les réseaux avec un défaut de police du maire pour les autorisations de déversements peut encore poser problème pour certains toxiques. Le financement des dépenses courantes des services publics d'eau et assainissement (SPEA) est, de
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Ernst and Young étude avril 2012 sur comptes 2009.
fait, assuré par les ménages (70 %) et les activités économiques (30 %)22. Les activités économiques comprennent, à parts égales, les activités de production et les activités de production assimilées domestiques (APAD, c'est-à-dire les commerces, hôtels, restaurants,...). La définition des APAD a été introduite par la LEMA (L 213-10-2 et R 213-48-1 du code de l'environnement), les APAD étant depuis assujetties aux redevances de pollution domestique perçues par les agences. La loi Brottes 23 a introduit la possibilité pour les collectivités de distinguer les usagers domestiques des APAD dans leur tarification. Le code général des collectivités territoriales (article L. 2224-12-1) stipule désormais que « Toute fourniture d'eau potable, quel qu'en soit le bénéficiaire, fait l'objet d'une facturation au tarif applicable à la catégorie d'usagers correspondante, les ménages, occupants d'immeubles à usage principal d'habitation, pouvant constituer une catégorie d'usagers. » Il est donc désormais possible d'appliquer une tarification distincte pour les utilisations de l'eau à des fins domestiques ou pour les APAD.
3.1.2.3. Le service est de bonne qualité.
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4 milliards de m3 d'eau potable sont distribués annuellement et on constate très peu de discontinuité du service pour non potabilité temporaire (essentiellement pour pollution bactériologique); en plus des contrôles réglementaires effectués par les ARS, les opérateurs surveillent eux-mêmes la qualité de l'eau tout au long du procesus de production et de distribution. Plus de 4 millions d'analyses sont effectuées chaque année. En 2008, le taux de conformité des analyses bactériologiques était de 99,61 % et le taux de conformité des analyses physico-chimiques était de 98,65 %. Le baromètre CI Eau/TNS Sofres 2009 confirmait la satisfaction de plus des ¾ de la population interrogée vis à vis de l'eau du robinet, et ce, pour la 4ème année consécutive. Les réseaux d'assainissement sont aux normes ou en voie de l'être ; il existe 17 302 stations d'épuration. (cf. § 3.3.3.1. sur les contentieux communautaires). Il existe en revanche un retard structurel sur les DOM : cf. § 3.1.2.5.
3.1.2.4. Un prix de l'eau dans la moyenne européenne
Pour une famille consommant 120 m3 par an, la facture moyenne d'eau et d'assainissement est de 434 TTC. Cette dépense correspond à 1,25 % du revenu disponible moyen d'un ménage français mais, dans certains cas, les charges liées à l'eau peuvent représenter plus de 3 % du revenu (la loi Brottes ouvre la possibilité d'expérimenter la mise en place d'une tarification sociale). Selon l'observatoire national, en 2009, le prix moyen de l'eau s'établissait à 3,62 TTC/m3 : 1,55 pour l'eau potable, 1,54 pour l'assainissement collectif, auxquels s'ajoutent 0,53 pour la TVA et les redevances perçues par les agences de l'eau et VNF. La tarification doit comporter une part variable calculée en fonction de la consommation et elle peut prévoir une part fixe (plafonnée hors communes touristiques à 30 ou 40 % de la facture totale) destinée à couvrir tout ou partie des charges fixes du service. Le prix de l'eau augmente (avec une augmentation supérieure à l'inflation) et la quote-part d'assainissement devrait dépasser à terme celui de l'eau potable. Ce prix connaît une assez grande variabilité entre services selon le contexte géographique, la dispersion des habitations (le prix diminue avec la densité), la qualité de l'eau brute (coût du traitement de potabilisation), l'activité touristique (dimensionnement des infrastructures), les exigences liées au milieu récepteur (coût des procédés d'assainissement). Le mode de gestion paraît assez peu discriminant même si le prix moyen en gestion déléguée est supérieur respectivement de 15 % pour l'eau et de 4 % pour l'assainissement. En
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Ernst and Young, déjà citée. Loi n° 2013-312 du 15 avril 2013 visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre et portant diverses dispositions sur la tarification de l'eau et sur les éoliennes.
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revanche la taille du service a une influence : si les services desservant moins de 1000 habitants ont un prix moyen de l'eau nettement inférieur à la moyenne grâce à un coût de production bas, pour les autres services le prix décroît avec l'augmentation de la taille par économie d'échelle. Pour l'assainissement collectif, le prix augmente avec la taille jusqu'à 10000 abonnés et décroît ensuite. Pour les prix pratiqués dans les cinq plus grandes villes des pays européens (étude NUS Consulting), le prix moyen des villes françaises était de 3,09 /m3 en 2008, inférieur de 10 % à la moyenne européenne, les différences étant importantes entre les différents pays (de 6,42 au Danemark à 0,88 en Italie).
3.1.2.5. Il reste des points de vigilance :
Assainissement (y compris pluvial) Pertinence du choix du mode d'assainissement La définition des zones d'assainissement collectif et non collectif relève de la responsabilité des collectivités territoriales. Le choix entre zone d'assainissement collectif et non collectif est lourd de conséquences, notamment financières pour la collectivité et les habitants , le principal déterminant du coût étant la longueur du réseau. C'est pourquoi il est important que les réglementations soient adaptées aux enjeux ; en particulier, il faut veiller à ce que la réglementation applicable à l'assainissement non collectif ne soit pas dissuasive vis-à-vis de ce type d'assainissement qui peut être le plus adapté, notamment en zone rurale. En effet, la demande sociale tend souvent à pousser dans le sens du « tout à l'égout », solution jugée moins chère et surtout moins contraignante par les particuliers potentiellement concernés par l'ANC, mais pouvant revenir beaucoup plus cher pour la collectivité..
L'analyse économique pour le particulier dépend de nombreux facteurs :
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assainissement individuel : le choix de l'installation, qui dépend lui-même de la surface disponible permettant ou non un épandage, peut entraîner un coût d'investissement (typiquement entre 5 et 10 000 euros) et surtout un coût de fonctionnement plus ou moins élevés, et passant par des à coups lors de la vidange de l'installation ; le particulier paye alors l'eau moins chère (n'est pas assujetti à la part redevance d'assainissement) ; assainissement collectif : le particulier paye lors de l'installation le branchement privé, une participation pour l'assainissement collectif,(participation pour le financement de l'assainissement collectif-PFAC), qui est à l'initiative de la collectivité et plafonnée à 80 % du coût d'une installation individuelle et un prix au m3 comprenant la redevance assainissement.
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Les règles de cofinancement des agences de l'eau peuvent contribuer à orienter les choix pertinents, faits en application de la LEMA, de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement et de leurs décrets et arrêtés d'application. Assainissement collectif : Si la mise aux normes de l'assainissement collectif avec les exigences de la DERU est en bonne voie, la mise aux normes des installations des petites collectivités de moins de 2 000 habitants est encore largement devant nous ; ceci explique d'ailleurs en partie le montant très important du domaine 2 du 10 ème programme des agences de l'eau. L'équipe opérationnelle s'est interrogée sur l'adéquation de la réglementation française applicable aux rejets des stations de moins de 2 000 habitants avec les strictes exigences de la DERU. Cette directive demande en effet que pour ces rejets de petite taille, des traitements appropriés soient mis en place pour éviter l'eutrophisation des eaux et pour respecter les objectifs de qualité de la DCE. La DERU n'impose pas pour ces installations de petite taille de norme de rejet minimale obligatoire. Après examen, il apparaît que les objectifs de traitements imposés au plan national correspondent au
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minimum de ce que l'on peut attendre d'un « traitement approprié » défini dans la DERU comme « le traitement des eaux résiduaires urbaines par tout procédé et/ou système d'évacuation permettant, pour les eaux réceptrices de rejets, de respecter les objectifs de qualité retenus ainsi que de répondre aux dispositions pertinentes de la présente directive et d'autres directives communautaires ». Le niveau exigé est beaucoup plus faible que ce qui est demandé pour les agglomérations de plus de 2 000 Eh. Il correspond à un seul étage de filtre planté ce qui permet d'éliminer le plus gros de la pollution. Le niveau est calé sur ce qui est demandé pour l'ANC pour les installations individuelles. L'équipe opérationnelle n'a en revanche pas pu regarder la façon dont les exigences nationales sont traduites localement au plan des arrêtés préfectoraux d'autorisations. Une investigation complémentaire (mission spécifique) pourrait être particulièrement opportune . Assainissement non collectif : Plus de 5 millions de logements représentant 12 millions de personnes sont équipés d'une installation d'assainissement non collectif. La réglementation encadre le type d'installations permises 24. La réforme donnant depuis le 1er juillet 2012 des compétences obligatoires aux SPANC en termes de contrôles de mise aux normes fait actuellement l'objet d'un bilan national par la DGCL dont les conclusions ne sont pas connues. Des alertes ont été émises sur les difficultés de mise en place de la réforme : ainsi, la chambre des notaires s'est plainte du blocage de certaines ventes par défaut du certificat de conformité obligatoire 25. Concernant la pollution des eaux :
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L'ANC ne pose pas de problème sanitaire ou de qualité des eaux sur une grande partie du territoire26; Des problèmes de pollution diffuse subsistent sur la bande côtière (largeur correspondant à un temps de transfert de la pollution de 24 à 48h ; soit environ 20km), ainsi que dans les DOM (en Martinique par exemple, 98 % de non conformité), au voisinage de têtes de captages, dans les têtes de bassins versants (cumul dans les zones hydrographiques en araignée). Ces questions sont abordées par la réglementation ANC dans le cadre des zones à enjeu sanitaire ou environnemental. Une réglementation plus différentiée à partir d'un zonage de ces portions de territoires à problèmes serait source d'efficience.
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Les raccordements : La gestion des autorisations de déversements d'effluents non domestiques relève de la police spéciale d'assainissement, qui relève donc de l'EPCI compétent en matière d'assainissement, sauf si le maire le refuse : il y aurait environ 40 % de transferts de compétence. La question de la cohérence entre la gestion des raccordements et celle de la gestion des réseaux et de l'épuration est pourtant nécessaire pour éviter des
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la réglementation permet aujourd'hui aux particuliers de mettre en place, soit une filière dite traditionnelle (fosse toute eaux puis traitement et épandage) déjà prévue par les textes antérieurs encadrant l'ANC (arrêté du 6 mai 1996), soit des installations plus intensives, dites « microstations » dont la mise en oeuvre n'était auparavant possible que sur dérogation préfectorale. Ces dernières ont été intégrées comme technique de traitement réglementairement admis en routine en raison des engagements communautaires de la France au titre du règlement « produit de construction » - marquage CE. Ces « microstations » doivent être titulaires d'un agrément délivré conjointement par les ministères de la santé et de l'écologie qui a notamment pour but de s'assurer d'un niveau minimal de performance. De manière générale, le montant relatif à l'investissement pour une microstation - variable toutefois d'un constructeur à un autre (plus de 100 installations sur le marché actuellement) - est inférieur à celui nécessaire pour une filière « traditionnelle ». Ces installations plus intensives consomment toutefois de l'énergie (électrique) et nécessitent en moyenne une vidange de leurs boues plus régulière ce qui conduit à des coûts d'exploitation plus élevés que les filières traditionnelles qui fonctionnent généralement sans apport d'énergie et avec des vidanges relativement espacées dans le temps.
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Ces plaintes semblent avoir pour origine l'absence de SPANC qui n'avait pas été créé par les collectivités concernées malgré l'obligation qui leur en est faite par la loi. Une circulaire a depuis été adressée aux préfets afin qu'il soit veillé à ce que les SPANC soient créés lorsque cela est nécessaire (ie existence d'installations ANC sur le territoire de la commune).
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Suite à une évaluation réalisée entre janvier et mars 2011 sur 20 000 habitations par des SPANC : 46 % n'étaient pas équipées d'installation de traitement (dont 13 % qui présentaient un risque sanitaire direct et 10 % étaient localisées en zone à enjeux sanitaire ou environnemental reliquat 23 % ni risque sanitaire direct, ni zone à enjeu mais toutefois aucun traitement des EU), 46 % des installations étaient incomplètes ou fonctionnaient mal (répartis en 12 % qui présentaient un risque sanitaire direct et 5 % situées dans une zone à enjeu sanitaire ou environnemental, reliquat 21 % ni risque sanitaire direct ni zone à enjeu environnemental). 34/131
dysfonctionnements nuisibles aux performances du système épuratoire. Ces échanges sont organisés par la réglementation. Les difficultés peuvent provenir de la multiplication des structures concernées par le rendu du service d'assainissement (collecte, transport, traitement ...). Gestion du temps de pluie : La gestion des eaux pluviales pose deux types de problèmes : la gestion quantitative, avec la question de la gestion des inondations par ruissellement urbain et la question qualitative :
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le problème se pose en particulier sur le littoral et pour les agglomérations d'une taille disproportionnée par rapport aux capacités du milieu récepteur et revêt deux aspects. Le premier est quantitatif : l'intensité des ruissellements peut entraîner des inondations violentes et dommageables (dimensionnement des réseaux, bassins écrêteurs) ; le deuxième est qualitatif : pollution liée aux mauvais branchements, flux d'orages. Les conséquences sont importantes :
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Fermeture des plages plusieurs semaines par an ; Rejet d'une proportion importante des flux polluants dans les milieux naturels, avec des conséquences potentielles sur les usages à l'aval : conchyliculture, baignade, micros et macro-déchets allant dans les milieux marins ; Effets pouvant être dévastateurs sur l'activité des conchyliculteurs (étang de Thau et baie de Morlaix) ; Pollution généralisée par les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP)27.
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La résolution de cette question, dont un certain nombre de collectivités locales ont pris conscience, se heurte à des questions de financement et d'organisation 28. On notera que la conformité des déversements de temps de pluie avec la DERU commence à être soulevée avec insistance par la Commission européenne. Le Royaume-Uni a ainsi été condamné sur ce point par la CJUE pour les déversements excessifs de l'agglomération londonienne, contraignant cette agglomération à décider d'un programme d'investissement d'un coût supérieur à 4 milliards de livres.
Un retard structurel dans les DOM qui entraîne des difficultés d'atteinte des objectifs de la DERU (et de la DCE) Les DOM sont confrontés à quarante ans de retard dans la mise en oeuvre de la politique de l'eau. Ceci s'explique par des aspects structurels (taille des bassins), historiques (la création très récente des Offices de l'eau), économiques (la faiblesse des ressources financières propres malgré un prix de l'eau relativement élevé) et des capacités techniques limitées. De plus, la potabilité de l'eau reste une priorité pour les DOM et les TOM (en Guyane, par exemple, 12 % de la population n'a pas accès à l'eau potable). Au 1er janvier 2013, 29 agglomérations restaient non conformes à la DERU en Guadeloupe, à la Martinique, en Guyane et à La Réunion. Parmi elles, 17 agglomérations n'ont pas commencé les travaux nécessaires à la mise en conformité. Sur les 74 nouvelles stations de taille moyenne identifiées comme prioritaires dans le nouveau plan d'actions pour la politique d'assainissement jusqu'en 2018, 10 concernent l'outre-mer. Les financements à appeler pour la mise en conformité sont très lourds. Le retard structurel d'équipement
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Wikipedia : « Les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) sont une sous-famille des hydrocarbures aromatiques. Ce sont des composés présents dans tous les milieux environnementaux et qui montrent une forte toxicité. Ils proviennent notamment de résidus de combustion.
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Ce sont toujours les communes qui sont responsables de l'assainissement et de la gestion des eaux pluviales sur leur territoire. L'assainissement est un service public industriel et commercial avec un budget annexe au budget communal. Le financement des ouvrages de gestion des eaux pluviales est assuré par le budget général de la commune. Une commune peut transférer sa compé tence assainissement à un EPCI fréquent cela pourrait également être le cas pour le pluvial plus rare-. 35/131
entraîne dès lors une forte dépendance aux fonds structurels et à la solidarité interbassins. Pour l'assainissement, les besoins sont estimés sur la période 2014-2020 à 700 M pour les 4 DOM et à 250 M pour Mayotte, même si pour ce territoire la France a demandé un report à 2021 et 2027 pour l'atteinte de la conformité. La meilleure prise en compte du temps de pluie est également un enjeu fondamental des DOM au regard de l'attractivité touristique et de l'usage baignade de ces destinations. Or la mise en application de la DCE et des directives associées, ainsi que l'atteinte des résultats s'appliqueront également à Mayotte à partir de 2014 quand l'île aura le statut de région ultrapériphérique, avec un report d'échéance à 2021 et 2027 pour l'application de la directive ERU si le Parlement et le Conseil européen valident la proposition des services de la Commission européennes suite aux négociations avec la France. Il est important de continuer à mobiliser des fonds européens sur l'assainissement pour poursuivre les efforts de mise aux normes. Dans le cas contraire, la France s'exposerait à des condamnations financières sur les contentieux DERU en cours, voire à de nouveaux contentieux lourds, au titre de la DERU, et de la directive « eaux de baignade ». L'élaboration des programmes opérationnels européens (POE) pour la période 2014-2020 est en cours. Des inquiétudes se manifestent sur l'éligibilité des actions du petit cycle de l'eau pour ce nouveau cycle. Par ailleurs, la préparation de ces futurs PO doit également prendre en compte les besoins liés à la mise en oeuvre des autres directives et notamment de la DCE. Au-delà du rattrapage du retard structurel, et de la mobilisation des fonds structurels, la solidarité interbassins demeurera nécessaire pendant de longues années, à la fois pour rattraper le retard en équipements, pour répondre aux enjeux relatifs au grand cycle de l'eau et pour atteindre les objectifs fixés par les directives européennes ERU et DCE.
Eau potable Les aires d'alimentation de captages et la pollution diffuse 29 : Les périmètres de protection des captages d'eau potable assurent une bonne protection contre les pollutions bactériologiques, mais des problèmes subsistent vis-à-vis des pollutions diffuses (nitrates et pesticides). Deux réglementations coexistent :
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une réglementation sanitaire axée sur la protection bactériologique et la protection contre les pollutions ponctuelles et accidentelles (les périmètres de protection de captages : périmètres immédiats à acquérir, périmètres rapprochés avec servitudes et zones éloignées) ; une réglementation environnementale issue de la LEMA, visant à protéger les captages spécifiquement contre les pollutions diffuses d'origine agricole. Elle s'appuie sur des zones pouvant être beaucoup plus vastes avec un dispositif à deux phases d'abord contractuel puis, en cas d'échec, normatif. Les SDAGE ont identifié quelque 2500 captages affectés par des pollutions diffuses. Au sein de ces captages, la loi Grenelle en a identifié 507 prioritaires. À ce jour, la plupart des aires d'alimentation de captages ont engagé la démarche et réalisé la délimitation et plus de la moitié ont élaboré leur plan d'actions. Si la réglementation environnementale offre une garantie de mise en oeuvre des mesures, sa mobilisation n'est pas rendue obligatoire sur tous les captages avec une problématique de pollutions diffuses.
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Une mission d'audit sur l'intérêt de rapprocher les deux dispositifs a été demandée le 15/09/2012 par les Ministres (Santé-Agriculture-Écologie). Taux de fuite : Le taux moyen national de rendement sur les réseaux d'eau potable est estimé à 78 %. Le décret du 27 janvier 2012 pris en application de l'article 168 de la loi Grenelle II prévoit la réalisation d'un descriptif dé 29
Voir aussi le § 3.1.3.2. 36/131
taillé des réseaux d'eau et d'assainissement et d'un plan d'actions pour la réduction des pertes d'eau dans les réseaux de distribution. Les taux de rendement devront être progressivement portés à une valeur supérieure à 85 % dans les zones urbaines et à une valeur entre 65 et 85 % en zone rurale selon le linéaire et les volumes. Pour y parvenir, les services publics d'eau devront s'engager dans une connaissance fine de leur pa trimoine de réseaux, effectuer des mesures (entrée-sortie) et se fixer des objectifs pour engager un plan d'ac tions. Cependant, l'intérêt des travaux reste soumis à une équation économique, autrement dit, le coût de l'eau perdue doit être supérieur au coût de recherche et réparation du défaut engendrant la perte. De plus, la réduction des fuites se heurtera à la capacité de financement des SPEA, notamment lorsque les réseaux, anciens, n'ont pas été amortis (le prix de l'eau va augmenter et ce d'autant plus que les consommations baissent).
Organisation et gouvernance L'émiettement de la gouvernance est sans doute le problème majeur du petit cycle en termes d'efficience : Le caractère local (communal ou intercommunal) des services de distribution d'eau et d'assainissement des eaux usées explique leur multitude. Il existe près de 35 000 services d'eau potable et d'assainissement collectif. (eau potable 14 376 ; assainissement 17 686 ; assainissement non collectif 3 297). A titre de comparaison, il y en a mille fois moins en Grande-Bretagne ! Un grand nombre d'autorités organisatrices sont de très petite taille et bon nombre d'entre elles n'atteignent pas la taille critique pour laquelle on peut distinguer les fonctions d'autorité organisatrice et d'opérateur. Il en découle des lacunes techniques, qui interrogent sur la réelle capacité à contrôler le délégataire, ou à effectuer le service en régie dans de bonnes conditions. Une attente forte des consommateurs sur la transparence de l'information sur la qualité des services La qualité du service et le prix de l'eau (régie/délégation) est source de débats, justifiant la création d'un « observatoire de l'eau » permettant d'améliorer la transparence des services (coûts, performances, ...) et d'alimenter les réflexions en cours sur la tarification de l'eau en tant que bien essentiel. Cependant, il subsiste des difficultés à assurer la transparence prévue par la loi à cause de processus de remontée et de saisie d'information insuffisamment performant.. Or, l'observatoire des services d'eau et d'assainissement instauré par la LEMA est l'option alternative à la mise en place d'un régulateur national demandé par certaines associations de protection des consommateurs depuis de nombreuses années, à l'instar de l'OFWAT qui existe en Grande-Bretagne. Voir § 3.4.2.2. sur le SIE
Le projet de loi de décentralisation et l'organisation du service public d'assainissement La mutualisation des compétences d'eau potable et d'assainissement présente de nombreux avantages en termes de capacité des autorités organisatrices à organiser un service efficace et efficient, en particulier en contrôlant plus efficacement leurs prestataires de services. Le projet de loi de décentralisation volet 3 prévoit de donner aux EPCI à fiscalité propre la compétence obligatoire sur l'assainissement collectif et non collectif, avec possibilité de la transférer à des syndicats mixtes. Cette disposition serait de nature à rationaliser l'organisation des services d'eau et d'assainissement et à améliorer leur efficacité globale et leur efficience.
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3.1.2.6. et des problèmes émergent :
Sous investissements, manque de renouvellement de réseaux vieillissants.
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Le financement des investissements est assuré à 10 % par des subventions provenant de l'impôt et à 90 % par la facture d'eau (autofinancement) et par l'emprunt, ces 90 % incluant l'apport des aides des agences issues aussi via des redevances de la facture d'eau notamment,. Ce financement par le prix de l'eau est à la charge des ménages (70 %) et des activités économiques (30 %). Le modèle actuel a des faiblesses du point de vue de sa soutenabilité car son assiette diminue comme la consommation d'eau. Ce problème doit être analysé dans le cadre de la commission qui va être mise en place sur ce sujet (cf. infra). La question du financement du renouvellement des réseaux est posée et sera très délicate surtout dans les zones rurales. La question de la mutualisation de cet effort via le financement par les agences de l'eau est un point de discussion. En effet, le problème se pose surtout pour les réseaux qui n'ont pas fait l'objet d'une provision pour amortissement suffisante. Cette situation peut se rencontrer surtout pour des réseaux anciens et ceux qui ont été subventionnés à une époque où les règles de la comptabilité publique ne prévoyaient pas d'amortissement pour la part subventionnée des investissements. Il faudra cependant être attentif à ne pas pénaliser les maîtres d'ouvrages qui ont provisionné suffisamment, et qui ont du, de ce fait augmenter le prix de l'eau. Dynamique spatiale de la population : L'évolution constatée de la répartition des populations depuis quelques décennies nécessite des investissements supplémentaires liés à la concentration dans certaines zones (littoral, métropoles) et la nécessité de sécuriser les services (interconnexions...). La baisse de population dans certaines zones en revanche induit un renchérissement du coût. Baisse des consommations : La baisse des consommations, qui est vertueuse du point de vue des comportements des consommateurs, entraîne un certain nombre de difficultés :
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Les ventes d'eau connaissent des évolutions contrastées selon la typologie des secteurs desservis. Elles sont globalement en baisse (151 l/personne/jour) et les projections actuelles font état d'une poursuite de cette baisse. Cette contraction du marché pose les mêmes problèmes pour les services délégataires que pour les régies ; Les charges fixes sont proportionnellement plus importantes : les économies d'eau ne feront pas baisser le prix. Cette diminution d'assiette réduit de facto l'épargne brute nécessaire au renouvellement des réseaux. Elle peut aussi conduire à la tentation d'augmenter le prix de l'eau pour compenser, avec le danger pour les exploitants d'entrer dans un cercle : l'augmentation de prix accélérant la diminution des ventes. La solution est plutôt à rechercher du côté des gains de productivité des opérateurs. La diminution d'assiette entraîne aussi une diminution des redevances de pollution domestique assises sur la consommation d'eau. La baisse des volumes peut parfois induire des problèmes sanitaires (prolifération bactériologique liée à la stagnation d'eau dans les tuyaux).
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De nouvelles exigences qualitatives risquent de renchérir le prix de l'eau : De nombreux facteurs vont nécessiter des épurations plus poussées : les rejets résiduels par temps de pluie, la baisse des débits d'étiage de certains cours d'eau du fait du changement climatique et donc de leur capacité de dilution... De nouvelles pollutions sont détectées et constituent des « risques émergents pour la santé » qui interrogent de plus en plus scientifiques, gestionnaires et opinion publique. Il s'agit en particulier de résidus de médicaments, de nanomatériaux, de produits d'hygiène, de détergents ou de biocides, de perturbateurs endocriniens... qui rejoignent les cours d'eau faute d'avoir été éliminés. En effet les techniques de traitement n'existent pas toujours, ni même parfois les techniques permettant de détecter ces polluants. Une station de
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traitement d'eau potable sur trois dispose d'un traitement au charbon actif pour faire face à certains de ces problèmes. Certaines de ces molécules échappent à ces dispositifs. Si la qualité des eaux brutes potabilisables se dégrade, des traitements plus poussés seront nécessaires afin de garantir la qualité de l'eau potable. Ces nouvelles exigences risquent de renchérir le prix de l'eau. Certaines substances potentiellement toxiques peuvent se retrouver dans l'eau distribuée et font déjà l'objet d'un suivi particulier : Le plomb
Le plomb dans l'eau potable provient généralement de la circulation d'une eau dite douce qui dissout les
métaux dont sont faites les canalisations. Le plomb s'accumule dans l'organisme vivant et peut engendrer de graves dérèglements organiques. Le taux limite de plomb dans l'eau potable a été fixé par la directive européenne relative a la qualité des eaux destinées à la consommation humaine.de 1998 à 20 µg/l puis abaissé à 10 µg/l à partir du 25 décembre 2013. Jusqu'aux années 1970, voire parfois au-delà, beaucoup de branchements entre les canalisations de distribution collectives et les distributions intérieures aux habitations ont été réalisés en plomb. Historiquement les réseaux intérieurs des habitations étaient en plomb, ils sont désormais en cuivre. Les mesures faites en entrée de local et après purge révèlent que les taux plafonds ne sont jamais atteints. Ils ne sont cependant pas rigoureusement représentatifs puisqu'ils ne mesurent pas la présence de plomb au robinet dans des locaux desservis par des canalisations en plomb. Depuis dix ans, les collectivités ont lancé des programmes de remplacement systématique des branchements en plomb afin de contribuer à abaisser la teneur en plomb de l'eau et éviter les risques juridiques. On estime que 95 % des branchements ont été remplacés. En revanche, les propriétaires ou occupants d'habitations n'ont pas procédé au remplacement systématique, qui n'était pas obligatoire pour les particuliers. On constate que 6 % des analyses dépassent le seuil, ce qui doit inciter à poursuivre les campagnes de conseil (faire couler l'eau avant de la boire, remplacer les canalisations intérieures en plomb 30 et surveiller les populations exposées). Enfin, les recommandations édictées par le Conseil supérieur d'hygiène publique en 2004 pourraient être généralisées (telle l'opportunité de recourir aux orthophosphates) pour le traitement de l'eau potable.
Les radionucléides L'ASN, la DGS et l'IRSN ont dressé en 2011 un second bilan de la qualité radiologique des eaux du robinet en France pour la période 2008-2009, sur la base des analyses réalisées par les ARS. Le contrôle sanitaire se généralise. La qualité radiologique de l'eau distribuée est globalement satisfaisante. Les quelques dépassements ponctuels, quoique de très faible ampleur, qui ont été relevés sont liés à la nature géologique du sous-sol parfaitement connu. Le radon dissous dans l'eau dégaze au robinet et la dose résiduelle est infime ; même si la présence de radon dans l'eau ne présente pas d'enjeu sanitaire à court terme, une réflexion a été entreprise sur l'encadrement réglementaire qui pourrait être mis en place. Accessoirement le risque chimique de l'uranium dissous dans l'eau est supérieur au risque radiologique.
.........................3.1.3. Des difficultés situées en grande partie sur le grand cycle de l'eau
Les objectifs retenus en Europe via la DCE visent à préserver et améliorer l'état des écosystèmes aquatiques et les besoins en eau des écosystèmes terrestres, ainsi qu'à protéger à long terme les ressources en eau
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Le coût est estimé à 17 milliards d'euros. 39/131
disponibles, afin d'assurer un approvisionnement suffisant en eau de bonne qualité pour les besoins d'une utilisation durable, équilibrée et équitable de l'eau. Ce projet de développement durable prend en compte les besoins des générations futures et les impacts du changement climatique, mais aussi la capacité des acteurs d'aujourd'hui à supporter les efforts supplémentaires nécessaires (par rapport aux directives sectorielles obligatoires). Une certaine latitude est laissée aux États membres en matière de niveau d'ambition et de rythme de réalisation. Si l'état de la qualité des masses d'eau et des milieux aquatiques en France en 2009 était dans la moyenne européenne, le niveau d'ambition pour 2015 issu du Grenelle de l'environnement était particulièrement volontariste. Or, cet effort a été décidé dans un contexte de forte incertitude sur la connaissance réelle de l'état des masses d'eau, les paramètres d'évaluation, la capacité des milieux à récupérer un état biologique adéquat. Malgré les progrès très importants accomplis en matière de réduction des pollutions ponctuelles, notamment avec la mise en oeuvre de la DERU pour l'assainissement collectif, il existe une forte probabilité pour que les objectifs retenus ne soient pas atteints en 2015. Les difficultés rencontrées concernent des thématiques complexes, impliquant des acteurs multiples : pollutions diffuses, pollutions résiduelles dont les toxiques, morphologie des cours d'eau, gestion sous tension des étiages. Les solutions sont elles aussi complexes, avec des bénéfices environnementaux certains mais différés dans l'espace et dans le temps.
3.1.3.1. La mise en oeuvre de la DCE : des objectifs très volontaristes au regard d'une évaluation intégratrice de l'état des milieux aquatiques
a) La DCE : objectifs et principes : La DCE définit un cadre pour la gestion et la protection des eaux et des milieux aquatiques par grand bassin hydrographique au plan européen dans une perspective de développement durable et fixe un objectif de résultat pour préserver et restaurer l'état des eaux superficielles (eaux douces, eaux côtières et eaux de transition) et des eaux souterraines. Sa déclinaison par bassin versant dans le programme de mesures passe par :
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des mesures de base, socle minimal obligatoire, avec en particulier le respect des normes et objectifs des autres directives communautaires relatives à l'eau(directive nitrates ou DERU par exemple) et des mesures complémentaires, nécessaires à l'atteinte de l'objectif fixé pour chaque masse d'eau par le plan de gestion (le SDAGE). Ces objectifs peuvent faire l'objet de dérogations (report de délais, objectifs moins stricts) motivées par les difficultés techniques et/ou le coût exagéré, dans le délai, des mesures envisagées, ou enfin par le temps de réaction du milieu aux mesures retenues.
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Les principaux objectifs visés par la DCE sont : · l'atteinte du bon état des masses d'eau d'ici 2015, sauf dérogation motivée, · la non dégradation des ressources et des milieux et le respect des objectifs des zones protégées, · la non augmentation de la concentration de polluants issus d'activités humaines dans les eaux souterraines, · la réduction de la pollution due aux substances prioritaires et l'arrêt des rejets de substances dangereuses prioritaires. La loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement assigne certains objectifs à sa déclinaison dans les SDAGE en France31.
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Article 27 de la loi n°2009-867 du 9 août 2009, «L'État se fixe l'objectif de ne pas recourir aux reports de délais, autorisés par cette directive, pour plus d'un tiers des masses d'eau. », et article 30 « La surveillance des milieux aquatiques sera renforcée afin de répondre aux obligations, notamment celles de la convention d'Aarhus signée par la France en 1998, liées à l'information environnementale et à l'accès à cette information et de préparer, à partir de 2012, les programmes de mesures pour la période 2016-2021 en application des objectifs de la directive-cadre sur l'eau. Elle permettra de mieux évaluer les impacts à la fois des pollutions historiques, notamment dans les sédiments, des pollutions émergentes et des mo difications de l'hydromorphologie des masses d'eau. À cet effet, une aide budgétaire supplémentaire de 10 millions d'euros par an pourra être allouée par l'État. Les résultats des réseaux de surveillance des milieux aquatiques seront mis à disposition des partenaires concernés et du public dans un délai d'un an après la réalisation de la campagne de mesure. Des interfaces de mise à disposition plus simples d'utilisation seront dévelop -
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b) Bilan de l'état des masses d'eau en 2009 Le bon état global des eaux de surface se définit comme la combinaison d'un bon état écologique et d'un bon état chimique. La règle pour qualifier l'état d'une masse d'eau est celle du paramètre déclassant (un seul paramètre non conforme déclassant l'ensemble de la masse d'eau). Le dernier inventaire date de 2009, sur des données de 2006-2007. Il établit que :
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41 % des masses d'eau de surface étaient estimées en bon état écologique (39 % en moyenne pour l'ensemble des États membres) et 43 % en bon état chimique (35 % en moyenne pour l'ensemble des États membres), ce qui situe la France au 14ème rang européen. Il faut néanmoins noter l'importance de l'incertitude liée à l'absence de données mesurées pour le tiers des masses d'eau, notamment pour qualifier l'état chimique, mais aussi aux paramètres incomplets mesurés sur certaines masses d'eau32. La qualité des eaux souterraines était globalement meilleure que celle des eaux de surfaces. 60 % d'entre elles étaient estimées en bon état chimique en France, les causes de dégradation se partageant en part égale entre nitrates et pesticides. 90 % des masses d'eau souterraines étaient estimées en bon état quantitatif, soit un peu plus que la moyenne européenne.
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Les masses d'eau artificielles ou fortement modifiées sont soumises aux mêmes critères, sauf ceux relatifs à la morphologie justifiant leur classement, on y cible un « bon potentiel ».
c) Une amélioration est très visible, dans la durée, là où ont été traitées les pollutions ponctuelles domestiques et industrielles. Les pollutions ponctuelles ont été l'objet principal des actions impulsées depuis 40 ans par l'État et les agences de l'eau et menées par les collectivités pour les rejets domestiques et les acteurs économiques pour les rejets industriels. Ces pollutions ont l'avantage d'être facilement identifiables tant géographiquement que par la nature des effluents rejetés. Il existe des solutions techniques souvent onéreuses, mais qui ont pu être mises en place progressivement. Les aides des agences de l'eau aux collectivités ont permis à ces dernières de s'équiper de traitements adéquats, réduisant significativement le risque de contentieux « eaux résiduaires urbaines »33. Quelques problèmes subsistent là où l'accroissement général ou saisonnier de la population dépasse les capacités techniques de la station. La procédure d'installation classée ICPE a fourni l'outil réglementaire pour fixer les obligations de traitement pour les industriels comme pour les principaux éleveurs. Ainsi par exemple, la qualité de la Seine, fortement dégradée il y a quelques décennies a bénéficié d'interventions importantes, sur les pollutions domestiques et industrielles, qui ont porté leurs fruits de façon assez spectaculaire:
pées par l'État et les agences ou les offices de l'eau ».
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Une masse d'eau classée en bon état en 2009 peut se retrouver déclassée du fait d'un paramètre en mauvais état qui n'était pas suivi avant 2007 alors que la masse d'eau n'a pas subi de dégradation, ou pire, que des efforts ont été réalisés pour en améliorer l'état... 33 Relatif à la directive « Eaux Résiduaires Urbaines » 41/131
d) Des objectifs pour 2015 fixés par le Grenelle de l'environnement particulièrement ambitieux : La DCE indique que le bon état des eaux dans l'Union Européenne (bon état écologique et chimique pour les eaux de surface, bon état quantitatif et chimique pour les eaux souterraines) doit être atteint en 2015 sauf si les « plans de gestion » (SDAGE) démontrent masse d'eau par masse d'eau qu'ils ne peuvent jamais l'être, ou pas à cette échéance. C'est la notion d'exemption motivée par des coûts disproportionnés (économiques et sociaux), la faisabilité technique ou les conditions naturelles (inertie du milieu). Ceci mène soit à des reports temporels soit à un objectif dit « moins strict » pour la masse d'eau concernée. On peut constater a posteriori que l'analyse technique initiale de 2009 était déjà optimiste. Elle aurait conduit à des objectifs d'amélioration de 15 %, mais le Grenelle de l'environnement (loi n° 2009-967 du 9 août 2009) a voulu relever à un niveau particulièrement ambitieux l'objectif d'atteinte du bon état écologique des eaux de surface pour 66 % des masses d'eau dès 2015 (amélioration de 25 %). Les 34 % restant font l'objet d'un report d'échéance à 2021 ou 2027, essentiellement pour des raisons techniques, et
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les exemptions pour objectifs moins stricts dans les SDAGE se limitent à 0,5 % des masses d'eau, ce qui paraît très optimiste. La loi précitée prévoit également de renforcer la surveillance des milieux aquatiques pour mieux évaluer l'impact des pollutions historiques, des pollutions émergentes et des modifications hydromorphologiques des masses d'eau. Ainsi, la France a fait appel aux reports de délais plutôt qu'aux objectifs moins stricts et à une interprétation plus contraignante des causes d'exemptions :
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un recours plus limité que d'autres pays au motif d'exemption pour coûts disproportionnés 34, en conduisant à relativement peu de reports à ce titre (par exemple pour l'état écologique 12 % contre 42 % au Royaume-Uni, 51 % en Autriche, 55 % aux Pays-Bas) ; à noter toutefois que la Commission demande une justification étayée de la pertinence de ces exemptions une faible utilisation des masses d'eau fortement modifiées (MEFM). Ces masses d'eau fortement modifiées constituent 7,5 % des masses d'eau superficielles en France, alors que la moyenne européenne est de 25 %, certains pays comme l'Allemagne ayant qualifié ainsi la moitié de ses masses d'eau, il est vrai avec des usages comme la navigation qui n'existent pas en France à ce niveau. Il est difficile, dans les bassins internationaux de faire la part dans les classements observés entre les causes « objectives », géographiques, et des approches différentes entre États membres. Cette désignation doit être réexaminée lors du deuxième cycle de la DCE. une interprétation optimiste des zones d'incertitude : lors du premier état des lieux où était apprécié l'état de chaque masse d'eau et le risque de non atteinte des objectifs de bon état, les connaissances sur l'état du milieu étaient lacunaires et les appréciations ont largement résulté de dires d'experts. Par défaut, de nombreuses masses d'eau ont été classées par les SDAGE avec un objectif de bon état à l'échéance 2015. D'autres États membres ont eu une approche beaucoup plus prudente dans l'interprétation des zones d'incertitude.
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En outre se pose la question pour le cas des DOM : la DCE s'applique déjà avec des critères de définition du bon état spécifiques à leur situation, mais les indicateurs sont en cours de mise au point et les marges de manoeuvre doivent cependant être explicitées auprès des acteurs locaux.
e) Des objectifs qui ne seront très probablement pas atteints en 2015 pour plusieurs raisons :
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un premier « effet thermomètre » résulte de la prise de données de terrain, là où il n'y en avait pas, puisque l'extension du réseau de surveillance des masses d'eau est intervenue depuis le premier inventaire. L'exploitation des données vient souvent démentir l'expertise antérieure : les données de surveillance montrent des déclassements de masse d'eau dus à la simple amélioration de la connaissance ; un très grand nombre d'évaluations de la qualité des masses d'eau est le résultat d'extrapolation, seules 15 % le sont par mesure directe, ce qui limitera l'effet des évolutions de pratique locale (évolution des pressions) sur le résultat ; une sous-estimation de la difficulté et du temps nécessaire à la mise en oeuvre des mesures correctives en matière de pollution diffuse et de morphologie des cours d'eau, ainsi qu'une surestimation de leurs effets sur la biologie, due à la complexité technique et sociologique des changements à engager, au-delà des actions réglementaires et financières ; enfin, le principe de déclassement global de toute la masse d'eau à partir d'un seul paramètre déclassant nuit à la visibilité des progrès accomplis tant qu'il demeure un paramètre déclassant (principe « one out, all out »). Cela pose un vrai problème de motivation des acteurs. C'est ainsi par exemple que les DOM publient un suivi avec et sans chlordécone pour présenter l'impact positif des actions menées sur les autres polluants.
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Le principe de la DCE consistant à définir les coûts disproportionnés en analysant le rapport des coûts supplémentaires des ac tions engagées rapportés aux bénéfices supplémentaires a laissé place en France à une analyse du rapport des coûts supplémentaires rapportés aux bénéfices totaux ; il est vrai que le fait que la France ne soit pas en règle vis-à-vis des mesures de bases n'a pas facilité la différenciation des bénéfices liés aux mesures supplémentaires. 43/131
Pour le cycle suivant (2016-2021), la situation devrait s'aggraver du fait d'une modification de la règle du jeu35 (à la demande de la Commission) avec, d'une part, l'introduction de concentrations minimales pour de nouvelles substances chimiques et, d'autre part, des modifications apportées à certains indicateurs biologiques. Même si les nouveaux indicateurs sont calés en moyenne sur la France, ils ne refléteront pas forcément de la même façon la qualité de l'eau au niveau d'un bassin, d'un département ou, a fortiori d'une masse d'eau, conduisant à des déclassements de fait. Cette approche plus fine risque de masquer les réels progrès accomplis sur l'état d'un grand nombre de milieux, et donc de décourager les acteurs, ce qui nécessitera une communication adaptée.
3.1.3.2. Les difficultés rencontrées : morphologie et zones humides, pollutions diffuses agricoles, pollutions chimiques émergentes
a) Morphologie La qualité des habitats aquatiques est essentielle à la diversité biologique : toutes les espèces ont besoin de circuler pour trouver les espaces nécessaires à leur reproduction, leur croissance, leur alimentation, leur repos. Or, de très nombreux aménagements ont conduit à banaliser les milieux, à les fragmenter, voire à les artificialiser : recalibrage, érection de seuils ou de barrages, digues... Ces altérations morphologiques sont la cause du déclassement de la moitié des masses d'eau de surface. Il s'agit aujourd'hui de retrouver une continuité écologique, en priorité dans les cours d'eau à fort enjeu : ceux qui servent de réservoirs biologiques ou qui abritent des espèces migratrices, pour lesquelles la possibilité de migration est vitale. La politique de l'État et de ses établissements publics vise donc à éviter toute dégradation supplémentaire (sauf intérêt public majeur et alors avec des compensations des impacts résiduels), puis, dans la mesure du possible, à améliorer la situation, en priorisant les actions en fonction des enjeux et d'analyses coûtavantages. Cette action s'est d'abord concrétisée par un accompagnement des maîtres d'ouvrages sur la restauration des cours d'eau, pour les aider à passer d'une approche hydraulique à une approche écologique du fonctionnement du cours d'eau. La prise en compte de l'hydromorphologie des cours d'eau comme clef de leur gestion amène à élargir l'approche initiale de leur restauration, centrée sur les berges, notamment au travers de la prise en compte des objectifs de continuités latérale et longitudinale. La gestion s'intéresse ainsi aux lits des cours d'eau, aux ouvrages transversaux et aux espaces associés plus ou moins directement (lits majeurs, nappes d'accompagnement et zones humides associées). Autant de priorités qui amènent à considérer la gestion des cours d'eau comme étroitement liée aux politiques et décisions d'aménagement du territoire et de gestion du foncier. Les difficultés de mise en oeuvre de cet objectif sont de plusieurs ordres :
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Le droit de propriété, en vertu du code civil (556-563) et du code de l'environnement (L215-1 et suivants), implique un entretien des cours d'eau par leurs propriétaires sur les cours d'eau non domaniaux qui représentent plus de 500 000km de linéaire, qu'il s'agisse des berges ou des ouvrages, or nombre de propriétaires sont défaillants ou ignorants de leurs obligations. La LEMA (L215-15 du CE : opérations groupées d'entretien) a imposé que l'éventuelle prise en charge par les collectivités, en cas de défaillances, se fasse à une échelle hydrographique cohérente sur la base d'un plan de gestion pluriannuel (jusque 10 ans) soumis à autorisation ou déclaration au titre de la police de l'eau. Ces procédures sont lourdes. En application de l'article L 214-17 du code de l'environnement, deux listes de cours d'eau classés ont été élaborées dans chaque bassin : l'objectif du classement en liste 1 est la préservation des milieux aquatiques contre toute nouvelle fragmentation longitudinale et/ou transversale de cours
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La règle de l'évaluation de l'état.
d'eau ; l'objectif de la liste 2 est l'amélioration du fonctionnement écologique des cours d'eau à un niveau permettant l'atteinte des objectifs de la DCE, en rétablissant notamment la circulation des poissons migrateurs et un transport suffisant des sédiments. Sur les cours d'eau classés en site Natura 2000 au titre des poissons migrateurs, cette politique est parfaitement synergique avec les obligations nationales relatives à la biodiversité. Dans certains cas, la suppression d'obstacles et la renaturation de tronçons de cours d'eau pourra être justifiée pour atteindre cet objectif, mais souvent l'amélioration sera obtenue par des aménagements des ouvrages ou des modifications des modalités de gestion. Cette amélioration doit être effective dans les 5 ans après la publication de cette liste36, pour tous les ouvrages concernés. Plus de 60 000 ouvrages, obstacles potentiels ont ainsi été identifiés par l'ONEMA sur l'ensemble des cours d'eau français. La France a classé peu de masses d'eau en « fortement modifiées » ; ceci a été interprété comme un défaut d'usage de la plupart de ces ouvrages. Un plan d'action pour la restauration écologique des cours d'eau (PARCE) a été établi en 2010, avec l'objectif de résorber 1200 ouvrages prioritaires d'ici 2012. Les besoins en moyens humains et financiers ont souvent été sous-estimés, ainsi que la nécessaire motivation des propriétaires pour détruire des ouvrages dont la construction fut parfois historique (vieux moulins) ou encouragée par les pouvoirs publics (lacs artificiels, retenues de loisirs ou d'eau potable, redressement et protection des berges...) et dont l'existence est appréciée de la population. Il faut également régler au cas par cas la question des droits d'eau parfois très anciens auxquels les riverains sont attachés. Ce plan national est intervenu après l'adoption des programmes de mesures des SDAGE. Les agences de l'eau ont attribué des aides à la réalisation de près de 1400 opérations de suppression ou d'adaptation de seuils au cours du 9 ème programme, mais le tableau de bord permettant de s'assurer que ces mises à niveau correspondent bien aux ouvrages prioritaires sur l'ensemble des bassins n'existe pas encore37. Le classement au titre de la « directive habitat, faune, flore » (DHFF) ne semble pas toujours avoir été pris en compte pour établir les priorités compte tenus d'enjeux synergiques DCE-DHFF. De même, la mission n'a pas pu avoir accès à l'état de réalisation des travaux subventionnés sur les ouvrages (il s'écoule du temps entre la décision de financer et la réalisation). Si les réalisations concourant à cette amélioration avancent, elles le font à un rythme moins élevé que prévu au PARCE. Il manque clairement des maîtres d'ouvrage, en milieu rural, pour des travaux d'ampleur nécessitant de mobiliser de l'ingénierie technique, financière et d'organiser l'articulation des acteurs sur les territoires autour de diagnostics partagés. La concertation avec les acteurs locaux est essentielle pour éviter tout blocage supplémentaire, et créer une dynamique positive, mais le délai de 5 ans prévu par la loi pour atteindre le rétablissement de la continuité écologique reste très exigeant. Ces classements en liste 2 constituent donc un programme d'action hiérarchisé et seront suivis dans le cadre des programmes de mesures et de leur déclinaison en programmes d'actions opérationnelles territorialisées par département. Malgré des actions de capitalisation des expériences et de méthodologie engagées par l'ONEMA, les travaux de renaturation engagés (reméandrage, remises en connexion de zones humides, reconstitution des profils d'équilibre du cours d'eau...) butent encore sur le faible retour d'expérience scientifique concernant leurs effets écologiques sur les processus hydromorphologiques et sur l'état des masses d'eau. En effet, cela permettrait de mieux hiérarchiser et dimensionner les travaux à réaliser à l'échelle d'une masse d'eau ou d'un bassin versant (et non d'un seul site) pour avoir un effet d'amélioration significatif. Cela améliorerait en outre la motivation des maîtres d'ouvrages potentiels.
b) Zones humides et biodiversité La première définition des zones humides en droit français a été posée par la loi sur l'eau en 1992 : « On entend par zone humide les terrains, exploités ou non, habituellement inondés ou gorgés d'eau douce,
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Fin 2017 pour les 4 bassins septentrionaux et fin 2018 pour Adour-Garonne et Rhône-Méditerranée. Ce tableau de bord est en cours de construction et s'appuie sur le logiciel OSMOSE retravaillé dans ce sens. 45/131
salée ou saumâtre de façon permanente ou temporaire ; la végétation, quand elle existe, y est dominée par des plantes hygrophiles pendant au moins une partie de l'année » (article L 211-1 du code de l'environnement). Les zones humides, non systématiquement cartographiées, présentent un grand intérêt en matière de biodiversité et de fonctionnement écologique des milieux aquatiques : régulation des quantités d'eau, recharge des nappes phréatiques, épuration des eaux, régulation des microclimats... La dernière estimation de la superficie de zones humides au sens large en France métropolitaine fait état de 2,4Mha de milieux à composante humide 38. On estime généralement que les deux tiers d'entre elles ont disparu depuis le début du XX°siècle, leur état de conservation suit globalement la même tendance depuis vingt ans: 48 % d'entre elles continuent à se dégrader, 42 % restent stables et près de 10 % s'améliorent. Le plan national Zones Humides institué en 2010 n'a pas inversé les tendances observées précédemment. La dégradation des sites est due davantage à la détérioration de l'état de conservation des milieux humides qu'à la régression de leur superficie. Cette altération de l'état de conservation peut se traduire par exemple par le boisement d'un milieu ouvert ou par le comblement d'une dépression arrière-littorale. Entre 2000 et 2010, la fréquentation et l'urbanisation sont les activités humaines qui progressent le plus, tandis que la chasse et l'agriculture s'intensifient localement dans certains sites. La pression anthropique est plus marquée dans les vallées alluviales, conséquence d'un grand nombre d'activités par site, dont l'exploitation de granulats. Au total, toutes activités confondues, la pression sur les ZH est évaluée de forte à très forte sur près de 52 % des sites pris en compte par l'observatoire national des zones humides (ONZH). L'évolution du regard sur les ZH dans les décisions d'aménagement du territoire est plus lente que dans beaucoup d'autres domaines liés à la DCE ou à la biodiversité. Et pourtant ces zones participent pour une large part à la richesse de la « Trame verte et bleue (TVB) » dont la mise en place est inscrite dans les conclusions du Grenelle de l'environnement. Il s'agit de l'expression d'une volonté déjà ancienne de reconnaître le fonctionnement de la nature, celui des habitats mais aussi le déplacement des espèces avec une vision dynamique intégrant pleinement toute la nature, y compris la plus « commune ». Les zones humides sont à l'interface de la politique de l'eau et de celle de la biodiversité, comme en témoigne la diversité des instruments incitatifs : mesures agro-environnementales (MAE) de la politique agricole commune cofinancées par les agences de l'eau, documents d'objectifs (DOCOB) pour celles classées Natura 2000, acquisitions foncières par les agences de l'eau Depuis 2007, près de 90 000 ha de zones humides ont bénéficié d'un financement de l'agence de l'eau pour leur entretien ou leur restauration. En matière d'acquisition, l'objectif du Grenelle de l'environnement est d'acquérir 15 000 ha de zones humides d'ici 2015. Les agences ont un objectif intermédiaire de 10 000 ha acquis entre 2009 et 2012 : celui-ci est d'ores et déjà atteint, et même dépassé avec 10 893 ha acquis à fin 2011. 35 % des aides attribuées et 43 % des surfaces aidées à l'acquisition le sont au bénéfice du Conservatoire du littoral. La dynamique est très hétérogène en fonction des zones concernées : on note un intérêt des collectivités pour l'acquisition des zones humides remarquables, faisant l'objet de mesures de protection (arrêtés de biotopes, réserves naturelles, classement en zone Natura 2 000, etc.) , alors que les autres zones humides peuvent être tout aussi essentielles pour l'atteinte du bon état. Eu égard à ce constat, les agences prévoient de se rapprocher des conservatoires régionaux d'espaces naturels (CREN) ou des SAFER. Un autre type de biodiversité d'une richesse extraordinaire est constituée par la biodiversité marine. Elle est toutefois encore peu connue et de nombreuses menaces pèsent sur elle. Elle est mise en péril par des pressions croissantes d'origine humaine, notamment à travers les déversements fluviaux et est également sensible aux perturbations d'origine atmosphérique qui ont notamment des conséquences sur l'acidification des océans. Il est donc essentiel de mieux connaître la biodiversité marine et la préserver. À cet égard la France a une responsabilité particulière dans la mesure où elle possède la deuxième zone économique exclusive du monde avec près de 11 millions de km2 et abrite, notamment dans les eaux maritimes d'outremer une part riche de la biodiversité mondiale : récifs coralliens, mangrove. La loi du 14 avril 2006 sur les parcs nationaux, les parcs naturels marins et les parcs naturels régionaux a
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Les milieux à composante humide en France, Observatoire National des Zones Humides, Service de l'Observation et des Statistiques - CGDD MEEDDAT avec l'appui scientifique du MNHN, Version 2 / mai 2009. 46/131
créé un réseau d'aires marines protégées, une agence des aires marines protégées et un nouvel outil : le parc naturel marin qui met sur un pied d'égalité l'objectif de protection de la nature et l'objectif d'exploitation durable des ressources. Ce dispositif complète le réseau de sites Natura 2000 et les réserves naturelles marines côtières. Plus de 10 % des eaux métropolitaines sont dans les aires marines protégées. Dans les DOM plusieurs parcs naturels marins ont été créés ou sont en projet. Toutefois ce dispositif est encore insuffisamment articulé avec les autres institutions en charge de la protection de l'eau : conservatoire du littoral et agences de l'eau.
c) Pollutions diffuses La résorption des principaux points noirs polluants a rendu plus évidente la pollution diffuse, facteur important de déclassement des masses d'eau. Cette pollution diffuse provient principalement des pollutions d'origine agricole. Elle est accompagnée d'une pollution diffuse d'origine domestique liée à l'assainissement non collectif, dont le mauvais fonctionnement peut poser problème dans des secteurs sensibles, ainsi qu'à l'utilisation de pesticides par les particuliers ou pour l'entretien des infrastructures (environ 10 % de la consommation totale). Les pollutions diffuses sont beaucoup plus difficiles à combattre, l'émetteur individuel étant le plus souvent impossible à identifier ou contrôler et les statistiques d'utilisation des pesticides et des fertilisants difficiles à rassembler au niveau territorial pertinent. Les pollutions diffuses d'origine agricole, dues aux pesticides ou aux nitrates, ont schématiquement deux sources qu'il convient de traiter avec des outils différents :
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les pollutions diffuses « accidentelles » dues à des équipements défaillants (fuites ou mauvais réglages, fosses de stockage sous dimensionnées) ou des pratiques inadaptées (non respect des zones non traitées ou ZNT, vidage dans un fossé, emballages jetés, épandage sur sol nu ou gelé...). L'évolution de la réglementation accompagnée d'aides aux mises aux normes et d'une intensification des contrôles depuis 2008 sur l'épandage des phytosanitaires contribue à résorber ces pollutions progressivement39. les pratiques agronomiques basées sur un usage intensif d'intrants : des fertilisants pour maximiser les capacités productives des plantes, des pesticides pour prévenir (rôle d'assurance) ou guérir les maladies ou infestations indésirables. La réduction passe alors par une conjugaison de méthodes complémentaires visant à réduire la pression sanitaire sur les cultures pour limiter les interventions. Les incitations financières passent par des mesures agro-environnementales volontaires (peu attractives en conditions favorables du marché des céréales) ou l'aide à la conversion ou au maintien de l'agriculture biologique. La loi permet, dans les situations critiques, relatives notamment aux aires d'alimentation de captages 40, de rendre ces pratiques obligatoires.
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Ces pollutions diffuses engendrent non seulement des dysfonctionnements des écosystèmes mais aussi des coûts supplémentaires pour la potabilisation de l'eau (60 k pour traiter 1 kg de pesticides).
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Les pesticides :
Ils sont présents actuellement dans 91 % des points de mesure en eau superficielle et 55 % des points de mesure en eau souterraine. Dans la moitié de ces cas, la concentration relevée dégrade le niveau de qualité des masses d'eau concernées. La répartition des pesticides sur le territoire français est relativement homogène tant en eau superficielle que souterraine. Les pollutions souterraines sont souvent le fruit de pratiques anciennes et cumulatives, elles sont apparues avec un délai dû à la durée du transit des molécules du sol dans les eaux souterraines.
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Ces pollutions ont constitué le premier motif de PV de la police judiciaire, avec une montée en puissance depuis 2008 du contrôle du respect des zones non traitées(ZNT). 40 Voir § 312. 47/131
Les molécules retrouvées dans l'eau peuvent être très anciennes et interdites depuis des années, avec une forte persistance, comme l' atrazine, herbicide interdit depuis une dizaine d'années 41 ou le chlordécone aux Antilles, nématicide interdit depuis plus de vingt ans. Des molécules plus récentes sont également présentes, comme le glyphosate (matière active du Round up) ou sa molécule de dégradation l'AMPA. Et, malheureusement, les effets des pratiques actuelles ne seront visibles que plus tard.
Ecophyto, un plan pour réduire la pression des pesticides sur les cultures et sur l'environnement Face à la difficulté d'établir un lien précis et simple entre l'application de produits et leur effet différé, l'effort s'est concentré sur la réduction des pressions agricoles, avec un plan « Ecophyto » visant à accompagner une réduction de 50 % des utilisations de pesticides d'ici à 2018. Au regard des changements techniques et culturels à engager à grande échelle (300 000 exploitations professionnelles), ce plan a été instauré dans le cadre du Grenelle de l'environnement et met en oeuvre divers moyens pour faire évoluer les pratiques: - - - - - observation sanitaire des cultures, comme outil d'aide à la décision de traiter ou non formation systématique des agriculteurs à l'usage de produits phytopharmaceutiques réseau de fermes de démonstration sur lesquelles s'appuyer comme référence accentuation de la recherche appliquée et de l'enseignement agricole sur ces questions sensibilisation des utilisateurs non agricoles
Outre la mise en oeuvre de moyens, le plan est évalué globalement par la consommation nationale de pesticides. Si la mise en oeuvre des moyens se déploie progressivement depuis 2009, l'indicateur de consommation n'a pas encore baissé et un renforcement de ce plan a été décidé en 2012. Avec le même objectif, un plan « éco-antibio » a été mis en place plus récemment pour les médicaments vétérinaires.
Cet herbicide néanmoins autorisé dans certains états-membres voisins, fait l'objet d'importations illégales, notamment dans les régions frontalières. 48/131
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Les nitrates
Outre les questions sanitaires qui ont imposé des normes de potabilité, les nitrates sont co-responsables de phénomènes d'eutrophisation, notamment dans les eaux littorales. En particulier, ils sont à l'origine de la prolifération algues vertes dans certains estuaires de Bretagne. La situation des zones où les teneurs en nitrates dans l'eau dépassent ou s'approchent de 50mg/l et des secteurs exposés à l'eutrophisation a donné lieu à la définition de zones vulnérables qui ont été ajustées en 2012 pour prendre en compte les évolutions de concentrations en nitrates à l'échelle des cantons. 44 % du territoire national et près de la moitié des exploitations agricoles est concernée, principalement dans les zones d'élevages s'agissant des eaux superficielles et les bassins de grandes cultures pour les eaux souterraines. Des contentieux concernant la mise en oeuvre de la directive nitrates en France sont en cours actuellement, et un arrêt de la CJUE, rendu le 13 juin 2013, condamne la France pour insuffisance de désignation de zones vulnérables, avant l'ajustement de 2012.
Dans les zones vulnérables, des programmes d'action doivent être établis pour réduire ou prévenir ces pollutions. Un contentieux concernant ces programmes d'action nitrates en France est en cours actuellement. Des plans d'actions renforcés dans certaines zones critiques comme en Bretagne ont permis de stabiliser voire améliorer la situation des eaux superficielles vis-à-vis des nitrates issus des effluents d'élevage. Il s'est agi, avec une volonté commune aux politiques, aux collectivités et à la profession agricole, de résorber la pollution avec une mise aux normes des installations de stockage et un traitement des effluents d'élevage, un contrôle accru des installations, une aide à la fermeture des petites exploitations incapables de respecter ces normes, une limitation du nombre d'animaux et la mise en oeuvre de mesures agro-environnementales. Outils incitatifs et réglementaires ont été conjugués à cette fin. En revanche, les concentrations s'accroissent dans les nappes en zones céréalières, effets cumulatifs de fertilisations minérales excessives passées et de pratiques présentes. Aujourd'hui la fertilisation minérale n'entre pas dans le champ de la redevance relative à la pollution par les nitrates et son encadrement par la directive nitrates (4ème programme) s'est avéré insuffisant pour enrayer la dégradation des masses d'eau.
EMAA (énergie, méthanisation autonomie azote), un plan pour réduire la consommation d'azote en agriculture La dissociation géographique progressive mais irréversible de l'élevage et des grandes cultures conduit à devoir régler simultanément un problème d'effluents azotés surabondants dans les régions d'élevage, et un besoin d'engrais dans les plaines céréalières. Le transfert entre ces zones est difficile à cause des volumes en cause et du statut de déchet des effluents ou des digestats de méthanisation qui interdit le transport et la commercialisation de produits partiellement
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substituables à l'azote minéral. Le plan EMAA, publié début 2013, s'inscrit dans une logique agronomique de fertilisation équilibrée et de réduction des intrants azotés minéraux et énergétiques des exploitations Une analyse des freins techniques et juridiques est en cours et des mesures déjà engagées pour développer la méthanisation à la ferme, normaliser des produits de digestats azotés transférables dans d'autres régions, encourager des inter-cultures de légumineuse, développer des références et un conseil technique adapté...
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Les aires d'alimentation de captages, des territoires prioritaires de lutte contre les pollutions diffuses (voir aussi § 3.2.1.1.)
La loi relative au Grenelle de l'environnement a identifié 507 captages prioritaires parmi les captages inventoriés dans les SDAGE, pour lesquels les moyens d'action doivent être concentrés pour réduire les pollutions diffuses. Ces captages font l'objet d'une procédure spécifique de délimitation, de diagnostic de territoire, puis d'élaboration concertée d'un plan d'action visant à réduire les pollutions diffuses par des changements de pratiques, parfois drastiques (y compris la conversion en agriculture biologique). Un outil réglementaire peut être mobilisé pour rendre le plan d'action obligatoire au bout d'un certain délai en cas d'échec de la démarche volontaire. Les outils pour agir sont de plusieurs ordres : - l'aide au développement de l'agriculture biologique, par une animation visant la conversion des exploitations et un soutien des acteurs de la production et de la transformation biologique, avec des plans territorialisés « bio et eau » dans des aires d'alimentation de captage ciblées ; - des mesures agro-environnementales territorialisées (MAEt), d'une durée limitée à 5 ans, en faveur de la réduction des intrants ont couvert 78 513 nouveaux ha en 2011 ; - des actions foncières en liaison avec les SAFER se traduisant par des remembrements localisés, l'acquisition de parcelles sensibles et la conclusion de baux environnementaux. Cette solution présente l'avantage d'être pérenne sur les parcelles les plus contributives. Les agences de l'eau ont un rôle moteur pour la mise en oeuvre de ces outils. Elles y ont consacré dans le cadre du programme de développement rural hexagonal « PDRH », un budget annuel de près de 80M en 2011, que complète une intervention communautaire du même ordre pour le soutien de l'agriculture biologique. La dimension territoriale est essentielle à la résolution des problèmes : seul le travail à une échelle permettant d'impliquer tous les acteurs concernés peut aboutir à un plan d'action partagé et efficace. Nombre de situations de blocage analysées par différents organismes en témoignent, ainsi que des expériences de réussites qui livrent quelques clés, autour d'une « solidarité de territoire » où chacun peut se mobiliser pour un objectif partagé.
d) Les substances toxiques et les médicaments : des problèmes émergents Au-delà des nitrates et des pesticides fréquemment évoqués, il existe une multitude de substances susceptibles de se trouver dans l'eau à l'état naturel ou importé. On peut citer les produits pharmaceutiques, les biocides, les solvants, de nombreux sous-produits industriels... Elles doivent être appréciées sous le double angle de leur impact sur l'environnement et de leur impact sanitaire, car elles peuvent être à certaines doses potentiellement cancérigènes, mutagènes ou toxiques pour la santé publique et l'environnement. Enfin ces substances sont pour certaines, étudiées depuis longtemps, et d'autres depuis peu, avec des incertitudes sur leurs effets. La politique communautaire s'est emparée du sujet depuis presque 40 ans. La philosophie sous-jacente vise à mieux caractériser le problème (identifier les substances et leur origine, qualifier leur dangerosité) et maîtriser les émissions pour atteindre un niveau de présence dans le milieu acceptable pour l'environnement et la santé humaine. Il s'agit de l'approche dite combinée, rappelée dans l'attendu n° 40 de la DCE : « En matière de prévention et de contrôle de la pollution, il convient que la politique communautaire de l'eau soit fondée sur une approche combinée visant la réduction de la pollution à la source par la fixation de valeurs limites d'émission et de normes de qualité environnementale ». Plusieurs directives et règlements communautaires traitent de ces produits : recherche, interdiction,
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autorisation de mise sur le marché, ... Environ 30 00042 substances sont utilisées à raison de plus d'une tonne par an, parmi lesquelles les micropolluants peuvent avoir une action toxique à doses infimes. La DCE a repris le cadre de la lutte contre la pollution par les substances dangereuses fixé par la directive 76/464/CEE du Conseil sur la pollution causée par certaines substances dangereuses déversées dans le milieu aquatique de la Communauté. Fin 2013, cette directive de 1976 doit être abrogée. La DCE se fixe ainsi pour objectif ultime d' assurer l'élimination de substances dangereuses prioritaires et de contribuer à obtenir, dans l'environnement marin, des concentrations qui soient proches des niveaux de fond pour les substances présentes naturellement. Pour les autres substances prioritaires, l'objectif est d'obtenir une réduction progressive permettant d'atteindre les normes de qualité environnementale. La liste des substances prioritaires ne recouvre pas la totalité des substances potentiellement dangereuses ; elle cible celles pour lesquelles les États membres se sont engagés à réduire les émissions voire les supprimer. L'industrie rejette 90 % des métaux toxiques. De gros efforts menés dans les dernières décennies pour améliorer les processus de production en limitant les rejets et pour traiter ces derniers ont permis de réduire fortement la pollution issue de l'industrie. La disparition des implantations industrielles les plus lourdes (sidérurgie...) y a également contribué. Cependant, il subsiste des pollutions anciennes qui se sont accumulées dans les sédiments des fleuves, des retenues et des estuaires : PCB, mercure, éléments métalliques... et qui sont relarguées épisodiquement à l'occasion de crues, de vidanges de barrages, occasionnant une dégradation significative de la vie aquatique. L'état des lieux réalisé pour la DCE met en évidence un mauvais état chimique pour 21 % des rivières et 40 % des nappes souterraines. Or la réduction des micropolluants dans les milieux aquatiques répond à des enjeux environnementaux (toxicité à faible dose sur les milieux), sanitaire (protection des eaux potables) et économique (réduction des coûts de traitement). De nouvelles pollutions apparaissent et constituent des « risques émergents pour la santé ». Deux « plans nationaux santé-environnement » ont été établis en 2004 puis 2009, avec notamment un volet de biosurveillance et le lancement d'études sur l'impact de la dégradation de l'environnement et de la pollution chimique sur le développement, la santé et la socialisation des enfants. Ils ont été complétés en 2010 par un plan micropolluants et un plan national sur les résidus de médicaments. Le plan « micropolluants43 2010-2013 » est articulé autour de quatre axes, eux-mêmes relayés par des plans particuliers le cas échéant :
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réduire les pollutions à la source et prioriser les actions : agir sur les substances les plus préoccupantes, sur les secteurs les plus contributeurs, agir sur les milieux les plus dégradés ; améliorer la connaissance de l'état des masses d'eau ; améliorer les connaissances scientifiques et techniques ; suivre et communiquer sur les progrès accomplis.
Médicaments La France est le 4ème pays consommateur de médicaments au monde. Plus de 3 000 médicaments à usage humain et 300 à usage vétérinaires sont disponibles sur le marché. Les substances biologiquement actives ou leur dérivés sous forme de métabolites se retrouvent excrétés naturellement. On retrouve les substances destinées aux humains dans les réseaux d'assainissement et en sortie de station d'épuration selon leur biodégradabilité et les capacités de traitement des stations. On retrouve dans les milieux naturels les substances et leurs dérivés destinées aux animaux après épandage ou celles destinées aux humains après épandage des boues des stations.
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Elles relèvent du règlement REACH sur l'enregistrement, l'évaluation, l'autorisation et les restrictions des substances chimiques, entré en vigueur le 1° juin 2007.
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Un micropolluant est une substance susceptible d'avoir une action toxique à faible dose dans un milieu donné. 53/131
Certains produits sont retrouvés dans les eux souterraines ou de surface comme en sortie de stations d'épuration à des seuils proches de l'écotoxicité ; de plus, les effets des mélanges ne sont pas encore connus au plan scientifique. Le « plan national sur les résidus de médicaments dans l'eau » de mai 2010 a défini trois axes et une action transversale :
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l'évaluation des risques sanitaires et environnementaux : renforcer la connaissance de l'état des milieux et sur les effets de l'exposition aux résidus de médicaments ; la gestion des risques : surveiller, réduire les émissions et informer ; renforcer et structurer les actions de recherche ; prioriser les molécules et métabolites sensibles.
Les résultats de la campagne de mesure du laboratoire nationale d'hydrologie de Nancy (ANSES) dans les eaux destinées à la consommation humaine a été publié en février 2011. 45 substances ont pu être recherchées. Sur 75 % des échantillons aucune substance n'a été décelée dans les eaux souterraines et superficielles. Pour les autres 25 %, on constate la présence simultanée de une à quatre molécules à des concentrations de 1000 à un million de fois inférieures aux doses thérapeutiques. Via un exercice d'évaluation des risques sur deux médicaments, les experts ont conclu en 2013 à un risque négligeable pour la santé mais l'acquisition des connaissances se poursuit et les dispositions pour éviter que ces substances ne se retrouvent dans l'eau doivent être encouragées. Par ailleurs, il ne faut pas masquer que l'utilité des médicaments doit être évaluée en fonction du rapport bénéfice/risque sur la santé. Pour les milieux aquatiques, dans les différentes études, les concentrations rencontrées sont de l'ordre de la dizaine de nanogrammes par litre (ng/l) pour les eaux souterraines et de surface, et atteignent le microgramme par litre (g/l) pour les effluents de station de traitement des eaux usées. Certains produits sont retrouvés dans les effluents à des concentrations proches des seuils d'écotoxicité mais les effets chroniques des mélanges ne sont pas connus. La directive relative aux substances prioritaires est en finalisation et permet le réexamen de la liste de substances à prendre en compte dans la DCE (annexe X), avec : · 12 nouvelles substances prioritaires s'ajoutant aux 33 existantes et dont les États membres doivent réduire puis supprimer progressivement les émissions, · des objectifs renforcés sur l'état des eaux pour 7 substances déjà prises en compte, · un mécanisme de vigilance pour 10 nouvelles substances (dont 3 médicamenteuses) dans la perspective d'une inscription ultérieure dans la liste prioritaire, que ces plans se proposent de réduire. Il demeure un déficit certain en matière de connaissance des effets de ces produits sur la santé et sur la biodiversité, de techniques de détection et de traitement. C'est pourquoi la question de la prise en compte ou non de résidus médicamenteux et desquels dans la liste des substances prioritaires communautaires a récemment fait l'objet de discussions intenses avec la Commission : la Commission s'est engagée à élaborer une stratégie générale de vigilance des substances médicamenteuses avant les prochains élargissements de la liste des substances prioritaires. Sans attendre de disposer de toute cette connaissance, il est primordial de réduire à la source ces pollutions et d'infléchir les pratiques conduisant à cette situation dont l'effet cumulatif est prévisible : procédures d'agrément de médicaments à usage vétérinaire ou humain intégrant l'étude de leur impact sur les milieux, récupération des médicaments non utilisés et des déchets dangereux diffus, prescriptions et usages des produits à personnaliser, voire le traitement des effluents issus des établissements de soins... Il est aussi utile de chercher à travailler sur des indicateurs biologiques intégrateurs qui permettraient de prendre en compte les effets cocktails dus au cumul de ces substances.
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3.1.3.3. Gestion quantitative et partage de la ressource : des tensions sur les usages
Les situations sont localement très contrastées ; la gestion quantitative de l'eau est liée aux aspects qualitatifs évoqués supra44.Des étiages sévères artificiels altèrent la qualité biologique des cours d'eau. Des manques d'eau récurrents et la perspective d'aggravation liée aux évolutions climatiques peuvent induire des tensions temporaires fortes sur l'utilisation quantitative de la ressource ; ces tensions peuvent concerner des concurrences entre usages et, le plus souvent, une concurrence entre les usages et les écosystèmes aquatiques. a) Agriculture et irrigation L'irrigation étant le meilleur moyen d'optimiser et de sécuriser les capacités productives des cultures et l'économie des filières agricoles qui en dépendent, la superficie irriguée en France avait crû jusque vers le milieu des années 1990. Les deux derniers recensements agricoles font ressortir une stabilisation des superficies irriguées à 1,575 millions d'hectares, soit 5,8 % des surfaces cultivées, avec une forte hétérogénéité spatiale. Ces données placent néanmoins la France en deçà de ses voisins méditerranéens : l'irrigation porte sur 13,7 % de la SAU en Espagne, 21 % en Italie, 32 % en Grèce, plus encore dans les pays du sud de la Méditerranée, pays qui seront encore plus durement touchés par les évolutions climatiques à l'avenir et s'inquiètent pour leur sécurité alimentaire. On a assisté au XXème siècle au niveau français à un redéploiement géographique des cultures irriguées depuis le sud-est (18 % des surfaces) vers le bassin parisien (26 %) et le sud-ouest (38 %). En outre, les volumes prélevés se sont fortement réduits lors des dix dernières années, du fait d'une réduction des surfaces en maïs irrigué, d'une amélioration des pratiques d'irrigation (réduction du gravitaire traditionnel) et de l'urbanisation qui gagne sur des terres agricoles irriguées. Ils sont ainsi passés de 4,9 milliards de m³ en 2000 à 3,2 milliards de m³ sur la période 2007-2009, la baisse portant essentiellement sur les prélèvements en eaux de surface. Les acteurs agricoles mettent en avant ces efforts de maîtrise des prélèvements et le besoin vital de pouvoir assurer des cultures de plus en plus soumises à des sécheresses estimées imprévues. Il en demeure néanmoins un déséquilibre marqué entre usages et ressources disponibles qui concerne près de 20 % du territoire national et qui devrait s'accentuer dans les décennies à venir, du fait du changement climatique. La réforme issue de la loi sur l'eau de 2006 vise à mettre en place une gestion collective de l'irrigation par les organismes uniques (OU) sur la base des volumes prélevables, et non plus par gestion des potentielles sécheresses et crises associées. Sa mise en oeuvre a mis en lumière les difficultés de certains bassins versants contraints à réduire de façon drastique leurs prélèvements autorisés. Deux voies d'amélioration ont été conduites parallèlement : · l'amélioration des performances des matériels et des réseaux d'irrigation et le recentrage des ressources disponibles sur des cultures moins gourmandes en eau (remplacement du maïs par des céréales à paille) et à plus forte valeur ajoutée (irrigation prioritaire des productions de semences ou de légumes...) ; · la création de retenues d'eau de substitution permettant de reporter en hiver un prélèvement antérieurement effectué en étiage, dans des conditions compatibles avec la qualité des milieux. Ces évolutions volontaristes ne peuvent qu'être lentes, tant elles doivent entraîner le changement de comportement d'acteurs, eux-mêmes imbriqués dans les économies régionales (notamment transformations agroalimentaires). Elles passeront par une confrontation pragmatique des parties prenantes sur les enjeux et solutions possibles. Il demeure de sérieuses difficultés d'acceptabilité par les associations et les riverains qui craignent le développement de cultures industrielles trop consommatrices en eau, ainsi que des blocages locaux qui ne peuvent trouver de solution que par une approche équilibrée et territoriale.
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La DCE fixe des objectifs de quantité pour les eaux souterraines ; pour les eaux de surface, elle rappelle que « le contrôle de la quantité constitue un élément complémentaire garantissant une bonne qualité de l'eau et, par conséquent, il convient de prendre également des mesures relatives à la quantité, subordonnées à l'objectif d'une bonne qualité ». L'article 1 de la DCE rappelle qu'elle contribue à atténuer les effets des inondations et des sécheresses. 55/131
b) Conflits sur la gestion des étiages Depuis des années, avec une accélération dans la dernière décennie, les périodes estivales font l'objet d'une gestion des conflits d'usage sur un mode de gestion de crise. Quand les débits passent sous un seuil critique, les préfets prennent des mesures visant la limitation des usages. Les interférences entre usages et avec la qualité biologique des cours d'eau sont nombreuses. Ainsi : · l'occupation estivale de certaines zones rurales induit des besoins domestiques (piscines, arrosages...) ; · un pompage en nappe peut se répercuter sur le niveau des débits d'étiage des cours d'eau ; · le réchauffement de l'eau rejetée par les centrales thermiques n'est plus supportable par la vie aquatique ; · la dilution de la pollution n'est plus assurée correctement, même si les rejets sont aux normes ; · un arrêt de l'irrigation à certaines périodes critiques peut condamner la récolte ; · les lâchers d'eau de soutien d'étiage réduisent les potentialités énergétiques des barrages (même si ces lâchers donnent lieu à indemnisation) ;
·
Le manque d'eau conduit déjà à des conflits durs qui seront aggravés avec le changement climatique. La hiérarchie des usages en droit interne rend prioritaire l'eau potable et la sécurité des personnes, elle doit faire l'objet d'une « gestion équilibrée » au niveau des territoires pour les autres usages, en rappelant que le débit biologique minimum (garantissant en permanence la vie, la circulation et la reproduction des espèces vivantes dans ses eaux) doit être laissé à la rivière.Ce point est évoqué dans le « blueprint » de la Commission
c) Un gaspillage encore trop important de l'eau Si le partage nécessaire de l'eau est perçu par la plupart des acteurs, il n'en est pas de même du gaspillage. Ce dernier se constate à tous les niveaux, malgré des efforts continus d'amélioration : fuites dans les réseaux d'eau potable, irrigation gravitaire qui consomme dix fois plus d'eau que le goutte à goutte, usages urbains accentués par une urbanisation désordonnée... La réutilisation des eaux usées, très répandue dans les pays les plus en tension, reste encore très contrainte par des dispositions d'ordre réglementaire et sanitaire 45 mais aussi économiques (rentabilité des infrastructures) qui en freinent le développement. Indirectement, le gaspillage alimentaire contribue au gaspillage en eau, compte tenu de l'empreinte eau des aliments que nous consommons. C'est ainsi que 30 % des matières produites ne sont pas consommées, pour des raisons de gestion des stocks et de péremption des denrées au niveau familial, de la restauration ou de la distribution. Il est donc important de s'attaquer à ces problèmes qui ne font qu'accroître la tension sur la demande en eau.
.........................3.1.4. Mais des réussites porteuses d'enseignements pour l'avenir
Plusieurs exemples d'actions réussies donnent à réfléchir sur les clefs du succès : la résolution des contentieux communautaires DERU et « production d'eau potabilisable » en Bretagne, d'une part, des situations plus localisées de reconquête de la qualité d'autre part.
45
Surtout vis-à-vis de l'aspersion. La réutilisation des eaux usées est encadrée au plan sanitaire par un arrêté d'août 2010, arrêté qui va évoluer pour simplifier l'utilisation des eaux usées par aspersion suite à une saisine de l'ANSES ). Le ministère de la Santé est assez réticent à la réutilisation des eaux pluviales à l'intérieur de l'habitat (risque de mauvais branchements), pratique encadrée par l'arrêté du 21 août 2008. 56/131
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La Commission a clôturé la procédure en infraction concernant la directive 75/740 du 16 juin 1975 sur la qualité des eaux superficielles destinées à la production d'eau alimentaire, suite aux mesures prises par la France en Bretagne (plan d'actions ayant conduit à la fermeture de 4 points de captages et la réduction moyenne de 30 % de la quantité d'engrais épandue dans ces zones, surveillance trimestrielle des concentrations en nitrates et des résultats de contrôles auprès des agriculteurs). La directive "eaux résiduaires urbaines" (directive 91/271 du 21 mai 1991) : Non-respect de l'échéance 31/12/1998. La France avait été condamnée en septembre 2004 au titre de l'article 258 TFUE, avec le risque en cas de non-exécution de l'arrêt de constatation du manquement d'une deuxième condamnation financière au titre de l'article 206 TFUE pouvant entraîner le paiement de sommes très importantes (400M avaient été provisionnés). Des mesures énergiques ont été prises pour rétablir la confiance avec la Commission et mettre en mouvement tous les acteurs (circulaire du 8 décembre 2006) demandant aux préfets de prendre des mesures coercitives et aux agences de l'eau d'encadrer les aides financières ; mise en place d'une base de données fiables sur le fonctionnement des ouvrages avec un site Internet tout public de valorisation des données d'assainissement; travail collectif à tous les niveaux de l'État avec un fort soutien politique; suivi fin de chaque projet ; formation et assistance opérationnelle des acteurs...). L'investissement dans les stations d'épuration a quasi doublé entre 2004 et 2009. Ces efforts ont abouti au classement de la procédure le 24 janvier 2013, tous les travaux étant terminés. Il subsiste toutefois deux procédures actives. Des projets de territoire sur des enjeux agricoles : exemple du captage d'Arcier (25). 44 % de l'approvisionnement de la ville de Besançon est fourni par un captage en zone karstique contaminé par divers herbicides. 74 agriculteurs ont une parcelle dans l' aire d'alimentation de captage, d'autres sources de pollution sont fournies par des équipements tels que routes, chemin de fer, aérodrome, golf... L'objectif d'éviter des coûts de traitement de l'eau brute supplémentaires, via la réduction d'utilisation de phytosanitaires, a été porté par la collectivité en agissant auprès de tous les acteurs concernés. Sur une dizaine d'années, à partir d'un diagnostic fin, elle a pris le temps d'impliquer chaque acteur individuellement ainsi que la coopérative agricole, de clarifier le rôle de chacun de façon cohérente avec ses missions, de communiquer les résultats d'analyse, les efforts faits par chacun et les bénéfices qu'il peut y trouver en donnant à tous les acteurs une vision globale du projet. Au bout de 5 ans, les agriculteurs avaient réduit de 25 % leurs herbicides, les autres utilisateurs de pesticides de 80 % et les normes sanitaires n'étaient quasiment plus jamais dépassées .
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On peut noter des points communs à ces cas : · La menace de sanctions financières ou de surcoûts importants entraîne la mobilisation politique, la définition d'un objectif ciblé assorti d'un plan d'actions et la mise oeuvre de différents leviers : contrainte (police, menace) / incitations ( aides bonifiées, MAE, soutien technique) ; · Les différents acteurs se mobilisent au service d'un objectif partagé ; · Les actions sont hiérarchisées et la répartition des rôles clarifiée ; un suivi précis est mis en place, avec publication des résultats. Au final, l'efficacité de l'action publique dépend de la mobilisation conjointe de tous ses leviers et de tous les acteurs sur des priorités bien identifiées.
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.........................3.2. Une articulation difficile des politiques publiques, y compris au plan européen
La politique de l'eau, dès la loi de 1964 et plus encore avec celle de 1992, incite le décideur, l'aménageur ou le concepteur d'un schéma de développement à l'échelle de la nation, d'une région ou aux échelles locales communales et intercommunales, à avoir une vision la plus intégrée possible des problèmes et de l'emboîtement des systèmes. Elle demande tout particulièrement une très grande attention en termes de coordination des actions et des décisions de manière à veiller à la compatibilité et à la cohérence des actes de gestion et d'aménagement de l'espace. Et pourtant, certaines de ces autres politiques publiques peuvent contredire les objectifs poursuivis par la politique de l'eau. La mise en oeuvre conjointe de ces différents instruments contribue d'abord aux objectifs assignés à chacune des actions d'aménagement, au regard de la politique sectorielle qui l'encadre (politiques de l'énergie, des transports, de l'urbanisme, du tourisme, agricole...), mais elle participe pour partie aux objectifs de la poli tique de l'eau. La cohérence globale des actions d'aménagement et de développement territorial sur la res source en eau, les milieux aquatiques et leur utilisation implique donc une recherche de la compatibilité de l'ensemble des objectifs, ceux de la politique de l'eau et ceux des autres politiques publiques et actions territorialisées. Ainsi, les thématiques suivantes peuvent se confronter sur les territoires : l'énergie (hydroélectricité et refroidissement des centrales nucléaires thermiques), l'agriculture (quantité et qualité des eaux, morphologie), les transports (infrastructures linéaires terrestres, voies d'eau), la santé publique (captages, eaux de baignade, rejets médicaux), l'urbanisation et les transports (eaux usées et pluviales), l'industrie (prélèvements et rejets toxiques, extractions, pollutions historiques), la prévention des risques (inondations), le paysage, la biodiversité, le tourisme et les sports nautiques, les extractions de granulats... Un focus est fait ci-après sur quelques politiques impactantes. L'articulation des échelles pertinentes pour la mise en oeuvre de ces différentes politiques publiques est une difficulté supplémentaire. Au final, c'est bien l'entrée par le territoire qui permet de faire une synthèse accessible aux acteurs de ce territoire. Une distinction est faite dans l'analyse qui suit entre les politiques publiques conduites en fonction d'objec tifs économiques et sociaux très marqués qui ne considèrent l'eau que comme une ressource et provoquent des pressions et celles axées sur la préservation prioritaire de l'environnement pour lesquelles le risque est la sectorisation des approches environnementales alors que la problématique est transversale et systémique.
.........................3.2.1. Des politiques publiques aux déterminants économiques et sociaux tenant insuffisamment compte des enjeux liés à l'eau
3.2.1.1. Entre productivisme et qualité environnementale : une agriculture sous tensions
a) L'agriculture est dans une position singulière : elle se développe sur les ressources naturelles et impacte dans le même temps leur qualité et leur quantité.
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L'agriculture couvre près des deux tiers du territoire et historiquement, la dimension patrimoniale constitue l'héritage de l'agriculteur qui en est culturellement le gardien, avec un lien à la terre très fort : il en utilise les ressources et en fait partie intégrante. Ainsi, l'activité agricole n'a pas le même rapport au sol et à son environnement que les activités industrielles cadrées par une autorisation préalable. Pendant des siècles, l'agriculteur a été implicitement reconnu comme le protecteur de l'environnement et des cours d'eau, celui qui en assurait l'entretien. La révolution agricole avec la mécanisation, une utilisation plus aisée des engrais et des pesticides, et la concentration et la spécialisation des exploitations a progressivement éloigné l'agri culteur de cette fonction tandis qu'il remplissait de mieux en mieux le rôle de sécurité alimentaire qui lui était assigné et améliorait ses conditions de vie. L'agriculture n'est donc pas une activité comme une autre qui se poserait sur un milieu en en minimisant son effet : elle consiste à faire « produire » le milieu dans ses conditions optimales, en pérennisant en principe durablement sa qualité environnementale (bon fonctionnement du sol, capacité épurative, pollinisateurs...), tout en veillant aux impacts négatifs possibles (compactage, pollution de l'eau, perte de biodiversi té...). L'activité agricole et forestière peut même contribuer au bon fonctionnement des fonctions régularisatrices du sol et de l'écoulement des eaux : la forêt comme les prairies rendent de réels services environnementaux, qu'il est difficile de chiffrer. b) Son évolution dans le temps a accru son impact environnemental : le modèle agricole actuel se trouve questionné. La politique agricole commune (PAC) fait partie du socle historique de l'Union européenne. Elle se renégocie par cycle de 6 ans, le cycle actuel arrivant à échéance en 2013.
La PAC s'était organisée pour améliorer la productivité en développant simultanément des techniques éprouvées, un conseil de proximité, une organisation économique performante... qui se sont traduits par la mise à disposition de produits agricoles à coûts modérés. Le modèle dominant issu des dernières décennies a permis des gains de rendements considérables, au prix d'une artificialisation des méthodes culturales puisant largement dans les possibilités offertes par l'énergie et la chimie pour développer des productions dans des régions autrefois déshéritées : Champagne pouilleuse, Bretagne, Aquitaine... Cette évolution mondiale, qui a permis de baisser considérablement le prix des produits, met aujourd'hui les agriculteurs dans des conditions de concurrence internationale qui tend à renforcer la concentration. En outre, au plan intérieur, les meilleures terres, souvent à proximité des villes sont l'objet d'une préemption urbaine qui renforce également l'intensification voisine.
La prise en compte des questions environnementales, au fur et à mesure de leur apparition dans les années 1990, ont conduit à introduire dans la PAC des volets visant à réduire les effets négatifs de la production agricole :
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les aides aux producteurs et à l'organisation des marchés, qui représentent annuellement en Franceprès de 9 milliards d'euros financés à 100 % par l'UE-, ne sont quasiment plus liées aux quantités produites (découplage) et font l'objet d'une conditionnalité environnementale46. Une partie d'entre elles est dédiée à des productions bénéfiques à l'environnement comme, par exemple, l'agriculture biologique (86 M/an), les protéagineux (40 M) ou la revalorisation du soutien à l'herbe .
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1Il s'agit de conditionner l'attribution de certaines aides, notamment les aides surfaciques du 1er pilier et du 2ème pilier, au res pect de la réglementation (notamment la directive nitrates) et à des bonnes conditions agricoles et environnementales fixées par chaque État membre. Les BCAE ayant un impact sur l'eau sont les suivantes : bande tampon non cultivée, de 5m le long des cours d'eau, diversité des assolements, prélèvements pour irrigation : autorisation et comptage obligatoire, gestion des surfaces en herbe en vue de leur maintien global, maintien des particularités topographiques : 4 % de la surface agricole utile (SAU) composée par équivalence de bandes enherbées, haies, mares, murets, bordures de champ..., traçabilité et stockage des produits phytosanitaires, contrôle des pulvérisateurs, formation des utilisateurs...
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le programme de développement rural, d'un montant annuel d'environ 1 Md de FEADER cofinancé par des aides publiques d'un montant presque équivalent , permet de financer des actions répon dant aux différents défis du développement durable, y compris l'eau, et pour certaines desquelles les agences de l'eau apportent un cofinancement de près de 15 %. Des mesures agro-environnementales territorialisées visent des changements volontaires de pratiques, sur des zones ciblées sur l'eau ou la biodiversité, celle-ci comportant un volet important sur les zones humides. Ces mesures dans lesquelles interviennent les agences de l'eau ont été financées à hauteur de 76 M en 2011. En outre, d'autres mesures non ciblées territorialement mais favorables à la qualité de l'eau par la réduction des intrants, concernent la rotation des cultures et l'élevage extensif à l'herbe. Elles ont représenté en 2011 près de 275 M cofinancées par le budget du MAAF.
On a assisté ces dernières années à une réelle montée en puissance du dispositif, notamment dans les aires d'alimentation des captages. En 2011, 78 512 nouveaux hectares ont été couverts par des mesures agro-environnementales (MAE), dont 37 % dans le bassin Rhin-Meuse et 22 % dans celui de Loire-Bretagne. L'agence de l'eau Adour Garonne a vu le nombre d'hectares de surfaces agricoles faisant l'objet d'une MAE multiplié par 8 par rapport à 2010. Cette montée en puissance qui témoigne de l'engagement des acteurs locaux est toutefois inégale et inférieure aux capacités de financement ouvertes par les agences de l'eau dans leur IXème programme et a fortiori dans leur Xème programme. Par ailleurs, un plan de modernisation des bâtiments d'élevage (PMBE) a permis des investissements limitant les rejets d'effluents d'élevage, et un plan végétal pour l'environnement (PVE) pour matériels minimi sant les impacts de pesticides.47 En outre, ces questions environnementales ont fait l'objet de normes ou de réglementations, comme on réglemente une installation classée de nature industrielle classique, se traduisant généralement par des coûts et des procédures administratives ressenties comme lourdes pour des entreprises le plus souvent de petite taille. Ces différentes mesures ont pourtant donné des résultats souvent insuffisants au plan environnemental. Il faut néanmoins souligner que l'agriculture présente des profils très variés, tant au niveau économique qu'au niveau des pratiques agronomiques et de leur impact sur l'eau et l'environnement en général. Cette agriculture plurielle peut offrir des opportunités d'adaptation aux problèmes des territoires les plus sen sibles, si les filières économiques traitant les débouchés des productions accompagnent la démarche. C'est ainsi que les agences de l'eau aident par exemple le développement de l'agriculture biologique dans des aires d'alimentation de captage, ou celui de la filière chanvre peu consommatrice en eau dans des secteurs en tension sur la ressource. Cette diversification des cultures a fait l'objet d'études récentes. c) Freins et leviers à la diversification des cultures
Une étude de l'INRA pour comprendre la faible progression de ce facteur de réduction des intrants
La diversification des cultures est souvent présentée comme un levier d'action favorisant une réduction des intrants extérieurs à l'exploitation -pesticides, engrais, eau- , et des nuisances associées à leur utilisation excessive. Et pourtant, malgré son inscription dans divers plans successifs, son développement est faible. À partir de cas représentatifs des exploitations agricoles, de la diversité des filières de transformation et de leur organisation, l'étude fait l'hypothèse que ces freins relèvent du fonctionnement global du système
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Entre 2005 et 2011, le plan de modernisation des bâtiments d'élevage (PMBE) a permis la mise aux normes de 45 000 bâtiments pour 940 M, le plan végétal pour l'environnement (PVE) a financé 14 000 projets pour 83 M. 60/131
agro-industriel dominant et de la capacité de développement de filières valorisant les cultures de diversification :
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un progrès génétique moins rapide que sur les grandes espèces, un manque de solutions en protection des cultures contre les bio-agresseurs, un déficit de références techniques et une diffusion d 'informations très inégale selon les cultures, la concurrence des grandes espèces sur les marchés de matière première pour l'alimentation ani male, une diversité et une complexité des modes de relation entre acteurs. L'étude trace quelques pistes pour déverrouiller cette situation : promouvoir de nouveaux débouchés pour consolider des niches d'innovation: restauration collective (circuits de proximité), marchés de construction (chanvre), qualité nutritionnelle (lin), certification (HVE), favoriser la coordination des acteurs (producteurs, recherche, conseil, élus des territoires...) et la structuration de ces filières d'amont à l'aval, soutenir l'innovation technologique et génétique, ainsi que la recherche agronomique sur ces cultures, inciter le système socio-technique standard à évoluer pour mieux intégrer des filières de diversification, via la PAC, la commande publique, les plans de réduction des intrants (écophyto, ema,..).
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« freins et leviers à la diversification des cultures. Étude au niveau des exploitations agricoles et des filières. » janvier 2013
d) Quelle alternative possible pour faire converger politique de l'eau et de l'agriculture ? L'agriculteur est soumis à plusieurs déterminants : d'une part la logique économique (notamment les cours des matières agricoles) et l'organisation dans laquelle s'inscrit sa production et, d'autre part, des objectifs environnementaux se traduisant par un cortège législatif et réglementaire imposant mais relativement ineffi cace. Si les ambitions des directives environnementales sont fortes, avec des outils principalement réglementaires, la logique économique de l'Union Européenne laisse peu de latitude dans l'adaptation des outils de la PAC incitant au changement de pratique (limitation aux surcoûts, notification de barèmes fixes, libre concurrence entre territoires...). Le verdissement de la future PAC, en négociation actuellement, pourrait cependant être une nouvelle marche en faveur de la convergence des logiques, avec la difficulté d'une négo ciation à 27 États-membres. Les négociations en cours, puis la déclinaison nationale de la PAC sont une occasion à saisir absolument. Des alternatives sont d'ores et déjà explorées depuis des années par certains agriculteurs qui concilient un mode de production à moindre impact environnemental, tout en maintenant des rendements importants, avec une viabilité économique et sociale. Il s'agit d'une rupture profonde des pratiques, avec réelle prise de risque économique. Cela met en jeu une plus grande complexité de pratiques agronomiques pour réduire à la base les pressions sur les cultures et de ce fait réduire les intrants énergétiques, phytosanitaires et adapter la fertilisation. L'accent est mis sur l'équilibre durable du système sol-culture qui permet une réduction des apports d'intrants à long terme et une meilleure capacité de résistance des cultures aux conditions difficiles : épisodes de sécheresse, pression des adventices, sols appauvris... C'est ce qu'on qualifie d'agro-écologie et qui fait l'objet actuellement d'un plan gouvernemental « produisons autrement ».
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Il faut noter alors l'importance du conseil agricole pour accompagner des changements de pratiques qui feront prendre à l'agriculteur des risques économiques, notamment durant la transition. Ce conseil fait l'objet actuellement d'une évaluation de la politique publique dite du « développement agricole ». La question est cependant de savoir à quel rythme l'écart entre les besoins environnementaux et les résultats actuels induits par les pratiques issues des pressions économiques pourraient se réduire. Seule une inflexion majeure de la politique agricole -et singulièrement de la politique agricole commune- permettrait d'inverser la tendance pour reconquérir la qualité des milieux aquatiques. La politique de l'eau ne pourra pas infléchir seule la politique agricole, qui relève de déterminants économiques et sociaux puissants ; en revanche, la politique de l'eau peut permettre d'éviter la dégradation des milieux voire leur reconquête sur un certain nombre de secteurs à forts enjeux. Après diagnostic à la parcelle, l'adaptation et la combinaison des outils au plus près du secteur concerné (à la parcelle), comme l'implication sans réserve des acteurs agricoles sont les gages de réussite du changement.
3.2.1.2. Pêche et aquaculture : une exigence forte en termes de qualité des eaux indispensable à des activités, elles-mêmes sources de pressions
Le secteur aquacole français se place au second rang au sein de l'Union Européenne, après l'Espagne. L'aquaculture française comprend essentiellement la conchyliculture 48 (huîtres, moules et autres coquillages) et dans une moindre mesure la pisciculture (salmoniculture d'eau douce, pisciculture d'étang 49 , pisciculture marine et production d'esturgeons). La production d'algues se développe mais reste encore très limitée. La production française, bien qu'en baisse, était en 2010 d'un peu plus de 202 600 tonnes de coquillages, poissons, algues et caviar, assurée par près de 3 500 entreprises employant plus de 19 000 personnes (11 250 ETP) et générant un chiffre d'affaires global de 680 millions d'euros. Ce chiffre d'affaires provient pour l'essentiel (490 M) de la conchyliculture, tandis que la pisciculture (190 M) ne couvre que 20 % des besoins de consommation française.
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La qualité de l'eau est un enjeu majeur pour l'aquaculture et la pêche à pied du fait de son impact direct sur l'état sanitaire des coquillages et des poissons. Les menaces résident principalement dans :
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la pollution bactériologique et virale issue de dysfonctionnements de stations d'épuration, de l'assainissement non collectif ou du ruissellement d'effluents d'élevage. Ainsi l'étang de Thau a été pollué à plusieurs reprises par des débordements domestiques en temps de pluie, et un mauvais fonctionnement de la station d'épuration de Paimpol a été identifié comme une cause d'hépatite A. Ainsi, seules 2 % des zones conchylicoles peuvent élever et commercialiser directement les coquillages, sans traitement de purification spécifique. Cette purification est coûteuse pour les producteurs (1 par kilo d'huîtres) qui demandent une application plus stricte de la réglementation sur les rejets. Les algues sont une gêne pour la croissance et la récolte des coquillages.. Leur prolifération peut avoir des conséquences létales sur les coquillages (anoxie). Les dérogations données pour épandage dans une proximité inférieure à 500m des zones conchylicoles contribuent à aggraver la situation et le dialogue entre responsables agricoles et conchyliculteurs semble très difficile. Quant au phytoplancton, certaines espèces après un parcours au déterminisme encore inconnu « bloo-
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La production conchylicole française s'élève en 2010 à 153 240 tonnes (vente pour la consommation) dont 80 650 tonnes d'huîtres, 70 340 tonnes de moules et 2 250 tonnes d'autres coquillages pour un chiffre d'affaires total de 490 millions d'euros dont 71 % pour les huîtres.
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Le secteur de la pêche professionnelle en eau douce compte aujourd'hui quelque 430 pêcheurs (347 pêcheurs fluviaux continentaux, 26 compagnons et 57 marins pêcheurs, ces derniers exerçant leur activité dans les eaux mixtes des estuaires) et induit 6000 emplois selon le Comité National des pêcheurs professionnels en eau douce.
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ment »50 dans certains estuaires et sont très sensibles aux changements de proportions de sels minéraux, notamment entre azote et phosphore.
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Les pollutions phytosanitaires ou médicamenteuses sont suspectées d'avoir un effet indirect sur la reproduction ainsi que sur la croissance via le phytoplancton, mais les connaissances sont encore lacunaires dans ce domaine. Les coquillages situés en proximité immédiate du littoral sont plus vulnérables que les élevages de poisson un peu plus au large.
Les aspects quantitatifs ont également une influence sur les capacités reproductives des coquillages, via la salinité du milieu. Cette question est évoquée, sans que la preuve formelle ait été apportée, en Poitou-Cha rentes, comme une des causes multifactorielles de la baisse de production. Les pêcheurs professionnels d'eau douce estiment que leur profession est en danger du fait, d'une part, de la pollution des fleuves par le PCB qui a conduit à des interdictions de commercialisation et, d'autre part, du fait de la concurrence déloyale du braconnage des civelles. La production aquacole à son tour peut être cause de pollution par les déjections et les pertes d'aliments des élevages. Des travaux sont menés pour définir de bonnes pratiques d'élevage et des investissements sont réalisés pour minimiser l'impact sur l'environnement. Cependant la petite taille des structures d'élevage aquacole est un frein indéniable. Un autre frein sur le littoral est la concurrence avec l'urbanisme et les loisirs pour l'utilisation de l'espace. En outre, certaines politiques environnementales peuvent avoir un effet indirect sur la pisciculture (par exemple, les arasements de seuils, favorables à la circulation des espèces, permettent aussi la propagation des maladies pisciaires). Enfin , les SDAGE ne sont pas jugés suffisamment protecteurs pour la qualité de l'eau nécessaire à l'activité aquacole dans la mesure où l'analyse des profils de vulnérabilité permettant de classer les eaux de bai gnade à protéger n'a pas été étendue aux eaux conchylicoles. Un dernier article manquant à la transposition de la DCE pourrait permettre cette prise en compte.
3.2.1.3. La politique de santé, des intérêts convergents avec la politique de l'eau
Après sa découverte des microbes et des bactéries, Louis Pasteur affirmait « nous buvons 90 % de nos maladies ». De nos jours, la maîtrise de la qualité sanitaire de l'eau reste encore l'enjeu primordial de la santé publique dans le monde. En France, quelques grandes villes, comme Paris ont été dotées dès la fin du XIXème siècle de réseaux sommaires de distribution d'eau et d'évacuation des eaux usées. Toutefois, il a fallu attendre le dernier demi-siècle pour voir se généraliser l'alimentation en eau potable et l'assainisse ment des agglomérations, et les dix dernières années pour voir équiper l'ensemble des collectivités du territoire de stations de traitement des eaux usées performantes. La politique de l'eau est une politique de santé, la première en matière de prévention dans ce domaine, tant les investissements et les réalisations y sont importants pour maintenir à tout instant une eau potable chez des millions de français, des milieux salubres dans l'ensemble des villes et campagnes de France, des eaux de baignade sanitairement irréprochables sur tout le territoire, des zones conchylicoles saines tout le long du littoral. Cette politique de prévention sanitaire n'est cependant pas achevée et mériterait d'être menée à terme. a) Eau potable : Aujourd'hui la qualité d'alimentation en eau potable ne pose pas de problème majeur au plan bactériologique. Si la qualité de l'eau distribuée est bonne pour les unités de plus de 5000 habitants, la connaissance est perfectible sur les unités de moins de 5000 habitants (18 000 unités de production) qui ne faisaient pas l'objet jusqu'à présent d'une obligation de rapportage auprès de la commission européenne. À noter quelques cas d'épidémies hydriques dans les DOM et en particulier des cas de typhoïdes en Guyane.
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C'est-à-dire développent des inflorescences toxiques. 63/131
Des efforts restent à faire en matière d'institution de servitudes de périmètres de protection des captages. Dans certains départements, une action très volontariste a permis une couverture à 100 % de ces périmètres de protection (maîtrise d'ouvrage de l'Agence de l'eau et sous-traitance à un bureau d'étude). Le problème émergent est celui des pollutions diffuses agricoles, notamment par les pesticides qui concernent des périmètres d'alimentation beaucoup plus étendus (aires d'alimentation de captages). La question de la fusion des procédures de servitudes de périmètres de protection des captages et d'aire d'ali mentation des captages est ouverte. Les nitrates ont entraînés la fermeture d'un grand nombre de captages (en Seine et Marne, sur 500 captages, 25 % ont disparu en 10 ans). Concernant les résidus médicamenteux dans l'eau un plan national conjoint des ministères chargés de l'écologie et de la santé est en cours de mise en oeuvre. b) Baignades : La France déclare 3300 sites de baignade (1800 sur le littoral, 1500 en eau douce). Les rejets directs en ri vières ou en mer non traités (déversoirs d'orage, eaux noires des bateaux...) peuvent entraîner des contami nations. La directive « baignade » de 2006 demande l'établissement de profils de baignade pour chaque site (étude de vulnérabilité du site) pour 2013 sous la responsabilité du Ministère de la Santé. c) Hygiène publique : En matière d'hygiène publique la situation est contrastée et peut se dégrader par manque d'équipements publics accessibles à tous (toilettes publiques, fontaines publiques, bains publics...) et notamment aux plus démunis.
3.2.1.4. Politique énergétique : la force de l'eau une ressource renouvelable mais qui impacte les milieux aquatiques
a) L'hydroélectricité ou la recherche du compromis entre énergie renouvelable et continuité écologique des cours d'eau L'usage de la force motrice des eaux remonte en France au Moyen-Âge avec la multiplicité des moulins dis posant pour les plus anciens des droits fondés en titre. À la fin du XIXe siècle, la France comptait 100 000 moulins à eau. Depuis la fin du XIXème siècle, l'énergie hydraulique est surtout utilisée pour produire de l'électricité. L'hydroélectricité consiste soit à utiliser la chute d'eau (énergie potentielle) pour entraîner des turbines qui vont produire du courant électrique soit à utiliser la force continue du courant (énergie cinétique) pour entraîner les turbines. La loi du 16 octobre 191951 a posé le principe selon lequel l'usage de la force motrice des eaux appartenait à l'État au-dessus d'un certain seuil (concession hydroélectrique) et relevait du domaine privé en dessous de ce seuil, mais devait, dans tous les cas, être « autorisé » par l'État. Les grands ouvrages hydroélectriques ont été construits majoritairement après la seconde guerre mondiale sous maîtrise d'ouvrage EDF qui venait d'être créé pour des concessions d'une durée de 75 ans. Les ouvrages de haute chute (retenues couplée à une forte hauteur de chute) fournissent une énergie de pointe quasi instantanée. Les grands barrages ont ainsi l'immense avantage d'être l'une des solutions les plus efficaces pour stocker de l'énergie et de pouvoir la restituer très rapidement pour les pointes de demande d'électricité. Les ouvrages au fil de l'eau (sans retenue) produisent en continu une énergie peu chère. L'hydroélectricité produit ainsi 12 % de la consommation électrique et 80 % de l'électricité renouvelable en France en 2012. La petite hydroélectricité s'est développée principalement dans les années 1940 à 1970 en réutilisant souvent des anciens seuils de moulins et des canaux de dérivation. Les installations de moins de 4,5 MW
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Loi du 16 octobre 1919 « Droit d'eau : » « nul ne peut disposer de l'énergie des marées, des lacs et des cours d'eau, quel que soit leur classement, sans une concession ou une autorisation de l'État » ; complété par la LEMA de 2006. 64/131
doivent obtenir une autorisation préfectorale à durée limitée. On en compterait de l'ordre de 1 800 autorisées (sans doute un à deux milliers supplémentaires existant non répertoriés) soit 1,3 GW de puissance installée et 4,5 TWh de production annuelle ou encore 1,5 % de la production électrique52. L'Union européenne a développé une politique en faveur des énergies renouvelables, notamment pour lutter contre l'émission des gaz à effet de serre, facteur de changement climatique. La France s'est ainsi engagée à augmenter sa part de production d'énergie renouvelable à 23 % d'ici 2020. Dans ce cadre, diverses mesures ont été prises pour encourager le développement de l'hydroélectricité, et notamment de la petite hydroélectricité, la plupart des grands sites étant déjà occupés. La petite hydroélectricité (moins de 12 MW) bénéficie ainsi d'une obligation d'achat de sa production électrique par EDF et d'un tarif permettant d'amortir les in vestissements engagés. Cependant, même s'il s'agit d'une énergie renouvelable, cette production a des effets réels sur l'environnement aquatique. Les barrages représentent un problème pour l'environnement pour plusieurs raisons :
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le stockage des sédiments dans le barrage peut accroître la concentration de polluants et favorise l'incision des cours d'eau ainsi que l'érosion des berges en aval des retenues ; les retenues d'eau en amont des barrages constituent des plans d'eau artificiels qui modifient l'écosystème naturel de la rivière (phénomène dit de potamisation : transformation d'un écosystème d'eaux vives fraîches en un écosystème de plan d'eau, plus banal) ; des éclusées ou des lâchers d'eau destinés à cette production provoquent en aval une brusque mon tée des eaux et un afflux de sédiments suivi d'un reflux tout aussi rapide qui occasionnent un « choc » déstabilisant voire destructeur sur le milieu naturel de la rivière ; la migration des poissons est empêchée ou du moins rendue difficile à la montaison comme à la dévalaison.
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Les tronçons court-circuités connaissent un régime fortement modifié n'étant plus alimentés que par le débit réservé, sauf en période de crue. Depuis les années 1980, une prise de conscience de ces effets a conduit à une montée des exigences envi ronnementales vis-à-vis de ces équipements (la loi sur la chaleur de 1980 a instauré les premiers classements en rivières « réservées » interdites à toute nouvelle installation hydroélectrique ; la loi pêche de 1984 impose les débits réservés et les premières passes à poissons sur les ouvrages existants ; la loi sur l'eau de 1992 soumet clairement les installations hydroélectriques à autorisation au titre de la police de l'eau ...). Cependant, les impacts ne peuvent être totalement réduits ou compensés. Les pouvoirs publics se sont donc efforcés de construire des compromis entre les objectifs énergétiques et ceux du bon état des mi lieux aquatiques. Une convention d'engagements pour le développement d'une hydroélectricité durable a été signée le 23 juin 2010 entre l'État, les représentants des producteurs, des élus et des associations environnementales. Elle porte sur les enjeux suivants :
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compatibilité entre les objectifs de la DCE et les objectifs de développement de l'hydroélectricité en tant qu'énergie renouvelable : assurer la pertinence de l'objectif quantitatif, s'orienter vers les zones à impact environnemental limité, réduire et compenser les impacts environnementaux, préserver les parties de rivière à fort enjeu environnemental ; réduction de l'impact des installations existantes tout en augmentant leur performance : augmenter les débits en aval, conditionner les aides financières,...
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Cette convention concerne tous les ouvrages mais demandera plus d'efforts pour s'appliquer aux petits ouvrages. Il convient en outre de noter qu'elle n'a été signée ni par France Nature Environnement ni par la Fédération Nationale des Pêcheurs.
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Source : l'observatoire des énergies renouvelables. 65/131
Dans le cadre de la DCE, la France a pris des engagements forts en matière de restauration de la continuité écologique des cours d'eau. Elle a considéré que peu d'ouvrages conduisaient à classer les masses d'eau concernées comme des masses d'eau fortement modifiées sauf pour la grande ou moyenne électricité. L'augmentation des débits réservés à l'aval des ouvrages prévu par l'article L214-18 du code l'environne ment devrait être effective au 1er janvier 2014. Des difficultés d'application apparaissent : validité d'un débit réservé nul en cas de cours d'eau à fonctionnement atypique (ex. :-milieu karstique) ; difficultés d'application du plancher au 20ème du module pour les ouvrages qui contribuent à la production électrique en période de pointe si à l'aval les ouvrages doivent respecter le 10ème du module ; cas particulier des cours d'eau méditerranéens à fort étiage. Ces difficultés dépassent cependant les seules installations hydroélectriques d'importance qui s'y sont préparées depuis longtemps. La mise en oeuvre est parfois plus délicate en ce qui concerne d'autres usages nécessitant des barrages (piscicultures, AEP, irrigation, neige de culture, etc.). En revanche certains petits ouvrages posent question compte-tenu de leur moindre intérêt énergétique et de leur nombre, la multiplication des obstacles étant le problème majeur pour la circulation des espèces 53.
La succession des obstacles : un escalier vite infranchissable hypothèse : un ouvrage laisse passer 80% des poissons (ouvrage assez performant) trois ouvrages : la moitié seulement (0,8x0,8x0,8) cinq ouvrages : un tiers...
En application de l'article L 214-17 du code de l'environnement, deux listes de cours d'eau classés ont été élaborées dans chaque bassin (cf. partie 3.1.3.2. morphologie) : l'objectif du classement en liste 1 est la préservation des milieux aquatiques contre toute nouvelle fragmentation longitudinale et/ou transversale de cours d'eau ; l'objectif de la liste 2 est l'amélioration du fonctionnement écologique des cours d'eau à un niveau permettant l'atteinte des objectifs de la DCE, en rétablissant notamment la circulation des poissons migrateurs et un transport suffisant des sédiments. Sur la grande hydroélectricité, des compromis ont été trouvés pour pérenniser cette énergie renouvelable in dispensable dans un meilleur respect de l'environnement. Les textes sur la procédure de renouvellement avec mise en concurrence des concessions imposent trois critères de sélection des offres: l'optimisation énergétique, la protection de la gestion équilibrée de l'eau et la redevance financière. A noter la démarche intéressante « Gestion Équilibrée et Durable de la Ressource en Eau » (GEDRE), lancée pour plusieurs concessions suite au lancement du programme de renouvellement en 2010. C' est une phase d'écoute des acteurs locaux destinée à établir les enjeux et les attentes locales, en particulier en termes de protection des milieux aquatiques et de complémentarité des usages de l'eau. Ce format de concertation à panel élargi permet d'obtenir une synthèse représentative des attentes locales. La question du développement de nouvelles installations voire du maintien d'installations existantes sur les cours d'eau sensibles (listes 1 et 2) se pose. Cette question sensible fait l'objet de débats assez vifs. Ainsi une mission parlementaire estime que les progrès technologiques telles les toutes petites turbines au fil de l'eau pourraient représenter un bon compromis et une voie à investiguer. Le classement des rivières en liste 1 (aucun ouvrage pour une préservation totale de la continuité) et liste 2 (ouvrages compatibles avec la continuité écologique possibles) pourrait être affiné pour tenir mieux compte des potentiels hydroélectriques valorisables du cours d'eau. En revanche, WWF a alerté l'équipe opérationnelle sur la remise en état d'un barrage existant aujourd'hui désaffecté 54 estimant qu'elle était incompatible avec l'objectif DCE et qu'un démantèlement s'imposait. Quand elles sont requises, les actions de démantèlement exigent une police de l'eau rigoureuse effective et un effort d'explication pour aller à rebours des idées reçues et des inté rêts particuliers.
53
Pour certaines espèces, la circulation est une nécessité vitale (grands migrateurs : nécessité de rejoindre les aires permettant la reproduction). L'exemple encadré est à relativiser (performance de l'ouvrage) en fonction du type d'obstacle. 54 Il s'agit d'un ouvrage qui n'a pas de vocation hydroélectrique. 66/131
Concernant les petits ouvrages, l'évaluation des impacts des propositions de classements en liste 1 sur le potentiel hydroélectrique a fait l'objet de quelques divergences entre les services de bassins et l'Union française d'Électricité. Néanmoins, les services de l'État (DEB et DGEC) ont mis en oeuvre une étude dite de « convergence », en cours de finalisation, afin de disposer d'une vision partagée du potentiel hydroélectrique français et de l'incidence des classements en liste 1 sur ce potentiel. Cette étude montre d'ores et déjà que les projets de classement en liste 1 impactent 72 % du potentiel hydroélectrique de construction d'ouvrages neufs, mais qu'il préserve une capacité de production supplémentaire d'environ 3 TWh. L'impact des classements ne pourra être connu définitivement que lorsque les arrêtés de classements seront pris en Rhône-Méditerranée et en Adour-Garonne. La compatibilité des classements avec l'objectif de développement de la production 'hydroélectrique de 3 TWh net par an d'ici 2020 prévu dans la convention devra être vérifiée à l'aune de ces résultats. Le potentiel de création d'ouvrages neufs de 3 TWh, auquel s'ajoutent l'équipement des seuils existants (estimé à 1,2 TWh) et l'optimisation des ouvrages existants sera en effet diminué de la hausse des débits réservés. . Les arrêtés de classements des 4 bassins qui les ont déjà publiés font tous l'objet de contentieux en annula tion par des associations des moulins ou d'hydroélectriciens. Il est à craindre que ce sera le cas également sur les deux autres bassins métropolitains restants. La police de l'eau et l'incitation financière doivent être articulées pour permettre d'arriver aux résultats de la DCE dans les meilleurs délais. En conclusion, l'articulation entre politique de l'eau et politique de l'hydroélectricité est bien engagée même si certains points durs restent encore en discussion. Le fait d'avoir clairement identifié des cours d'eau à fort enjeu sur lesquels doit être donnée la priorité en termes de continuité écologique est une avan cée. Symétriquement et comme le conseil d'État l'a suggéré dans son rapport de 2010 « L'eau et son droit », il pourrait être défini des cours d'eau à fort enjeu énergétique dans lesquels le développement de l'hydroélectricité est privilégié. Cela pourrait prendre la forme des « zones stratégiques » définies dans le SRCAE de la région Rhône-Alpes. Cela contribuerait à un développement raisonné de l'électricité renouvelable et à la préservation des milieux aquatiques. La compatibilité de cette approche avec la DCE reste cependant à démontrer.
b) Le refroidissement des centrales thermiques de production d'électricité Un grand nombre de centrales thermiques, notamment nucléaires, ont été implantées en bordure des cours d'eau pour profiter de leur potentiel de refroidissement. L'eau ainsi utilisée est en grande partie restituée au cours d'eau mais avec une qualité dégradée : pollution thermique, pollution métallique (Cuivre) en particulier. Ces impacts, notamment thermiques, ont conduit à une modification des populations piscicoles et peuvent poser problème en période d'étiage et de canicule. Des mesures de gestion du refroidissement ci blées dans l'année ont été mises en place. Les évolutions liées au changement climatique interrogent sur la pérennité de ce mode de refroidissement qui est par ailleurs essentiel au bon fonctionnement du système électrique et à la sécurité du réseau (service public de l'électricité). Une analyse coûts / bénéfices approfon die pourrait être menée. Remarque : les difficultés mentionnées existent principalement à certaines périodes ciblées de l'année (étiage / canicule). Cela appelle donc à des mesures de gestion du refroidissement ciblées dans l'année (dont la plupart existent déjà) mais pas à la remise en cause totale de ce mode de refroidissement.
3.2.1.5. L'urbanisme : une clef pour intégrer de façon globale une diversité d'enjeux environnementaux
Les défis démographiques et économiques que doit relever l'urbanisme sont pressants. La demande en logement est très forte, pour faire face à la croissance urbaine des territoires sous pression des migrations rési dentielles, en particulier dans le péri-urbain, et pour reloger dignement des populations mal logées. En
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outre, les aspirations de nos concitoyens vont vers un modèle de logement avec jardin, induisant un étale ment urbain important au-delà du périurbain organisé, alors même que la ville durable tendrait davantage à concevoir une ville compacte. L'activité économique suscite un besoin continu d'infrastructures de transport. Le désir des communes d'attirer des entreprises à proximité de leurs populations conduit aussi à la création ou l'extension de zones d'activités, qui peinent parfois à se remplir. Néanmoins, ce phénomène additionné à la demande en logements est très consommateur d'espace naturel et agricole, dont une part importante est artificialisée. L'équivalent d'un département disparaît ainsi tous les 10 ans, à un rythme qui ne fait que s'accroître, malgré les intentions affichées lors du Grenelle de l'environnement. Le lien entre la politique de l'eau et l'urbanisme est donc très fort et exige une prise en compte de nom breuses problématiques: pression exercée sur la ressource en eau et les milieux aquatiques par la ville, notamment du fait de la consommation en eau et des impacts associés (prélèvements et rejets), de l'imperméa bilisation et des inondations, résilience du système urbain à travers une adaptation au risque du fonctionne ment des villes et des réseaux qui les structurent, maîtrise des eaux pluviales, biodiversité avec le dévelop pement d'une politique de trames verte et bleue. L'eau en ville, c'est aussi la baignade et les loisirs, les fon taines et la promenade des bords de rivière. Afin de concilier le développement urbain avec les objectifs majeurs de la politique de l'eau, le Code de l'urbanisme explicite l'articulation des documents de planification urbaines (SCOT, SDRIF en Île-deFrance, PLU, cartes communales) avec les documents de planification dans le domaine de l'eau : ces documents d'urbanisme doivent être compatibles avec les orientations fondamentales d'une gestion équilibrée de la ressource en eau et les objectifs de qualité et de quantité des eaux définis par les SDAGE, ainsi qu'avec les objectifs de protection définis par les SAGE. Cette notion de compatibilité signifie que le document d'urbanisme ne doit pas remettre en cause les orien tations ou objectifs visés et la contrainte sera d'autant plus grande que les documents SDAGE et SAGE seront précis. Il y a peu de jurisprudence sur la compatibilité des documents d'urbanisme avec les SDAGE ou SAGE. Aussi bien les maîtres d'ouvrages des documents de planification réglementaire et leurs bureaux d'étude que les services de l'État (services associés ou chargés du contrôle de légalité) peinent à apprécier cette compatibilité. Les collectivités territoriales, responsables de l'élaboration des documents d'urbanisme et des choix d'aménagement du territoire ont donc une responsabilité particulière sur la prise en compte de l'eau, dans la ville, non seulement dans ses fonctions liées au petit cycle, mais aussi dans celles liées au grand cycle. Encore faut-il que ces dispositions soient connues et comprises : le porter à connaissance de l'État (PAC) pourrait jouer un rôle important, à condition que celui-ci ne se limite pas à de simples données techniques et réglementaires, qui ne suffisent pas à bien caractériser les enjeux. La seule liste des documents de gestion de l'eau existants sur le territoire ne suffit pas à créer le lien nécessaire. De même, l'évaluation environne mentale des SCOT et PLU intercommunaux, obligatoire depuis le 1 er février 2013, est une opportunité à saisir pour la prise en compte des enjeux de l'eau dans l'élaboration des options urbaines. L'artificialisation des sols, source de pollution par les eaux pluviales mal maîtrisées L'imperméabilisation du sol urbain entraîne des problèmes tant qualitatif (lessivage d'un sol urbain pollué par temps sec) que quantitatif (augmentation brutale du ruissellement pluvial). Pour des raisons essentiellement économiques, parfois techniques, les eaux pluviales issues des bâtiments, mais aussi des écoulements sous voiries n'ont pas été, dans bien des cas séparées des eaux usées domestiques (40 % des réseaux seraient unitaires). Avec l'artificialisation croissante des surfaces, le volume collecté a grossi. Ces eaux pluviales collectées concentrent ainsi une charge de polluants issus des toitures, des parkings et des voiries (hydrocarbures, mé taux lourds, biocides...) différente des eaux domestiques mais parfois aussi polluante. En outre, elles subissent une très forte variabilité dans le temps en fonction du rythme des précipitations, et peuvent alors saturer les systèmes d'évacuation en entraînant d'une part des rejets directs dans les cours d'eau (by-pass) pour éviter l'ennoyage des stations d'épuration et des débordements de l'ensemble des eaux usées dans le milieu sans traitement d'autre part, provoquant localement des inondations par ruissellement pluvial.
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Depuis la LEMA, les collectivités doivent délimiter des zones où limiter l'imperméabilisation des sols et d'autres où prendre des mesures de traitement de ces eaux pluviales à problème 55 . Des techniques d'infiltration à la parcelle ou de micro-stockage existent mais sont peu mises en oeuvre et le coût d'une séparation des réseaux ex-post est exorbitant. Mais sans mise en oeuvre de dispositifs spécifiques, le coût de traitement des eaux pluviales représente néanmoins près de 30 % du coût d'assainissement.
1
L'enjeu est donc considérable à plusieurs titres et soulève plusieurs interrogations :
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qui est en mesure de financer le coût de prévention et/ou de traitement de ces eaux pluviales ? (communes avec la taxe instituée par le Grenelle sur l'imperméabilisation ? conseils généraux qui tendent à se désengager des travaux d'assainissement ?...) ; les communes ont-elles pris des mesures pour limiter l'étalement urbain et encadrer des techniques permettant à l'eau de s'infiltrer ? (taxe sur l'étalement urbain peu instituée...) ; les urbanistes sont-ils partie prenante des orientations visant la reconquête du bon état des eaux (présence dans les CLE,...) et prennent-ils en compte la question de l'eau dans la conception de la ville, de l'habitat, des infrastructures...?
· ·
.........................3.2.2. Des politiques publiques environnementales insuffisamment en synergie
Les politiques environnementales (eau, biodiversité, inondation, milieux marins, évaluation environnementale des projets, des plans et des programmes...) ont toutes en commun d'être fortement dépendantes des autres politiques publiques et d'être fortement interdépendantes entre elles. La transversalité devrait donc être un principe structurant des politiques publiques environnementales. Pour autant, constat est fait d'un manque réel de synergie entre les politiques environnementales alors qu'au niveau européen, ces différentes politiques font l'objet de directives qui obéissent aux mêmes logiques visant le développement durable et par là exigeant une transversalité. De plus parce que leur acceptabilité dans les territoires ne va pas de soi, l'intervention publique en ces domaines reste aussi une clef de réussite.
3.2.2.1. Biodiversité
L'eau est nécessaire à la préservation des écosystèmes et les écosystèmes fonctionnels rendent des services à la ressource en eau.
55
L'élaboration du PLU nécessite la prise en compte des aspects liés à l'eau potable et à l'assainissement. Les annexes du PLU in cluent, « à titre informatif », les annexes sanitaires, à savoir « les schémas des réseaux d'eau et d'assainissement et des systèmes d'élimination des déchets, existants ou en cours de réalisation » ainsi que les « emplacements retenus pour le captage, le traitement et le stockage des eaux destinées à la consommation, les stations d'épuration des eaux usées et le stockage et le traitement des dé chets » (code de l'urbanisme, art. R. 123-14). Plus précisément, concernant l'assainissement, elles incluent le zonage d'assainissement prévu à l'article L. 2224-10 du CGCT et dont le contenu a été élargi à deux nouvelles zones par la loi du 12 juillet 2010 : outre les zones d'assainissement collectif et celles d'assainissement non collectif, les annexes incluent dorénavant « les zones où des mesures doivent être prises pour limiter l'imper méabilisation des sols et pour assurer la maîtrise du débit et de l'écoulement des eaux pluviales et de ruissellement » et celles « où il est nécessaire de prévoir des installations pour assurer la collecte, le stockage éventuel et, en tant que de besoin, le traitement des eaux pluviales et de ruissellement lorsque la pollution qu'elles apportent au milieu aquatique risque de nuire gravement à l'efficacité des dispositifs d'assainissement ». La loi a également prévu l'établissement, avant fin 2013, d'un « schéma d'assainissement collectif » comprenant « un descriptif détaillé des ouvrages de collecte et de transport des eaux usées » qui devra faire l'objet d'une mise à jour selon une périodicité fixée par décret (CGCT, art. L. 2224-8 I). Ce schéma devrait logiquement figurer dans les annexes du PLU, comme le nouveau « schéma de distribution d'eau potable » (CGCT, art. L. 2224-7). 69/131
La politique de la biodiversité est encadrée par de nombreux textes internationaux et européens (Convention Ramsar (1986) relative aux zones humides d'importance internationale; Directive « Habitats, faune, flore » (DHFF) et « Oiseaux » (DO) de 1992) déclinés au sein des livres 3 et 4 du code de l'environnement. La directive cadre sur l'eau organise le lien entre l'eau et la biodiversité humide à travers la prise en compte des « zones protégées » dans les plans de gestion (les SDAGE) et l'appréciation de la qualité de l'eau à partir d'indicateurs biologiques. La politique de l'eau en France inclut déjà une politique de préservation et de reconquête des milieux aqua tiques. La loi du 30 décembre 2006 a fait apparaître en droit français un nouveau paradigme, à travers les notions nouvelles de continuité écologique, de réservoir biologique et de transit sédimentaire. L'accent est mis davantage sur l'eau en tant que milieu naturel et sur la rivière en tant qu'écosystème et espace de vie, que sur leurs dimensions productives et utilitaristes. Ce qui n'est pas sans engendrer un changement en profondeur dans les approches fonctionnelles, sociétales, politiques et juridiques de la gestion des cours d'eau. En 2010, la loi Grenelle II pose la définition de la Trame verte et bleue, en intégrant à sa composante aquatique les cours d'eau, parties de cours d'eau et canaux classés ainsi que des zones humides, notamment celles mentionnées à l'article L. 211-3 du code de l'environnement et en affirmant le lien entre les milieux terrestres et aquatiques pour le bon fonctionnement de la Trame. SDAGE, SAGE et schémas régionaux de cohérence écologique (SRCE) s'articulent désormais en application des dispositions des articles L. 371-3 56 et L. 212-157 du code de l'environnement. Des études à l'échelle internationale tendent à montrer que la restauration écologique facilite la récupération des services écosystémiques et permet d'augmenter de 44 % la biodiversité et de 25 % les services écosystémiques58. À l'inverse, il n'y a pas de récupération biologique tant que dure l'altération physicochimique, et l'artificialisation des milieux aquatiques (chenalisation par exemple) pourrait être à l'origine d'une réduction de 80 % ou plus de la biomasse des poissons. La mise en pratique reste perfectible. Si les SDAGE ont fait de vrais efforts pour mentionner les zones protégées Natura 2000, et si les MISEN (missions inter-services eau et nature de l'État) créées en 2010 ont permis une certaine transversalité, l'approche des unités opérationnelles travaillant au sein de l'administration sur ces sujets reste encore cloison née, alors que les propositions d'actions pour l'atteinte du bon état des masses d'eau au titre de la DCE sont favorables à l'objectif de bonne conservation des habitats et des espèces de la DHFF et de la DO, et nécessitent dans les deux cas une maîtrise d'ouvrage et une approche intégrée qui valorise les actions entreprises pour un double motif. Sur le terrain, les gestionnaires des milieux aquatiques ont parfois eu des difficultés à intégrer la biodiversi té dans les opérations d'entretien ou de restauration des cours d'eau. Certaines collectivités et quelques acteurs locaux préfèrent encore le vieux modèle d'artificialisation des cours d'eau liée au développement de l'agriculture intensive et de l'urbanisation, même si l'état d'esprit évolue vite. Cela résulte d'un manque de cadrage méthodologique, d'une insuffisante mutualisation et valorisation des retours d'expérience et d'une insuffisante acceptabilité des maîtres d'ouvrages (collectivités) à investir sur ce champ d'intervention. Cependant les interventions des Agences de l'eau ont permis d'infléchir les pratiques et de faire émerger dans certains cas des structures maître d'ouvrages à l'échelle de bassins versants en respect avec la directive cadre qui nous engage sur une nouvelle gestion des rivières, faite de renaturation (reméandrages, remises en
56
Les SRCE prennent en compte les éléments pertinents des SDAGE et réciproquement, les SDAGE et SAGE prennent en compte les SRCE.
57
Les SDAGE déterminent les aménagements et dispositions nécessaires, comprenant la mise en place de la trame bleue figurant dans les SRCE [...].
58
1 Rey-Benayas J.M., Newton A.C., Diaz A., Bullock J. (2009). «Enhancement of Biodiversity and Ecosystem Services by Ecological Restoration: A Meta-Analysis.» Science 325(5944): 1121 1124 (in Onema : Pourquoi restaurer , mai 2010 et in Rapport du CGEDD de décembre 2012 « Plan d'actions pour la restauration de la continuité écologique des cours d'eau (Parce) Diagnostic de mise en oeuvre »).
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connexion des zones humides), de mise en « transparence » des seuils qui entravent la circulation des poissons et des sédiments. Aujourd'hui un certain nombre d'espaces remarquables aquatiques sont gérés par des structures de bassin versant qui assurent ainsi l'intégration des problématiques de l'eau et de la biodiversité aquatique. Cette intégration est au coeur de la politique de l'eau.
3.2.2.2. Une insuffisante articulation entre politique de prévention des inondations et politique de l'eau alors que les directives européennes afférentes y invitent
La DCE énonce dans son article 1er que la DCE, qui permet de protéger l'état des écosystèmes aquatiques, contribue à atténuer l'effet des inondations et des sécheresses ; elle ne traite en revanche pas de la question de la gestion des inondations de façon détaillée. La DCE a été complétée en 2007 par la directive sur l'éva luation et la gestion des risques d'inondation, qui est interfacée avec la DCE dans son organisation, son process, son calendrier et ses objectifs, puisque la DI vise à réduire les conséquences négatives potentielles des inondations sur la santé humaine, l'activité économique, le patrimoine culturel, mais également sur l'environnement. Comment la mise en oeuvre de ces deux directives s'articule-t-elle en France ? Le Gouvernement a mis en place depuis très longtemps des mesures de prévention des risques naturels : la loi de 1982 sur l'indemnisation des catastrophes naturelles a posé le principe d'une prévention par l'État en contrepartie de l'indemnisation par les assurances : ce sont les PPRN, plans de prévention des risques naturels, servitudes d'utilité publique qui s'imposent après leur approbation aux documents d'urbanisme. La loi de 2003 a institué les services de prévision des crues, la LEMA de 2006 les dispositions relatives au contrôle de la sécurité des ouvrages hydrauliques. La gestion des risques d'inondation est une responsabilité partagée entre l'État, qui dispose du pouvoir régalien et a une responsabilité particulière en matière de prévision des crues et les collectivités territoriales qui sont responsables de l'urbanisme et donc de l'implantation des enjeux et sont maîtres d'ouvrages, mais aussi toute la population : la loi de 2004 sur la modernisation de la sécurité civile a posé le principe que chacun doit être acteur de sa propre sécurité. La directive « inondation » 2007/60/CE (transposée par la loi Grenelle de juillet 2010) conduit les Étatsmembres à réviser et structurer leurs politiques en matière d'inondations, que ce soit des inondations de plaine (débordement des cours d'eau, remontée de nappes), de montagne (crues torrentielles) ou du littoral (submersion marine) ou bien des ruissellements urbains.
La directive « inondations » (DI) :
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elle se fixe comme objectif de réduire les conséquences potentielles des inondations sur la santé humaine, l'activité économique, l'environnement et le patrimoine culturel. Elle est applicable en métropole et dans les DOM ; elle fonctionne par grands cycles d'amélioration continue de 6 ans et s'articule avec la DCE ; la participation du public est requise ; les étapes :
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réalisation d'une évaluation préliminaire par district fin 2011 pour quantifier les enjeux soumis à inondation, identification des territoires prioritaires d'intervention : les territoires à risque important d'inondation (TRI), d'ici fin 2013, pour ces territoires, élaboration d'une cartographie des aléas sur trois niveaux (événements fréquent, moyen au moins centennal et extrême) et des enjeux exposés, élaboration pour fin 2015 des Plans de Gestion des Risques d'Inondation (PGRI révisés tous les 6
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ans) comprenant des objectifs et des mesures d'application à l'échelle du bassin à décliner prioritairement (ou particulièrement) sur les TRI.
La DI impulse une démarche stratégique, articulant les objectifs de réduction des risques, laissés à la libre décision de chaque État, et les moyens nécessaires pour les atteindre. Chaque État est ainsi maître de l'intensité de ses efforts qui dépend du niveau de risque accepté. Afin de mobiliser les démarches existantes de gestion territoriale des risques par les collectivités, la France a choisi d'expliciter les objectifs et mesures déclinés pour les TRI dans une stratégie locale pour chaque TRI, élaborées conjointement par les collectivités et l'État. La France a fait également le choix d'encadrer l'exercice par district avec une stratégie nationale de gestion des risques d'inondation, en cours d'élaboration par l'État en s'appuyant sur la Commission Mixte Inondations (commission partenariale de concertation émanant pour partie du Comité National de l'Eau). La synthèse des évaluations préliminaires au niveau national montre l'importance des enjeux potentiellement liés aux inondations : près de 14 millions d'habitants et 40 % de nos emplois. La réduction des risques d'inondation (réduction des dommages potentiels) passe par le respect du bon fonctionnement des milieux (limitation de l'imperméabilisation, maintien ou rétablissement des zones d'expansion des crues en particulier), par des mesures de protection (digues et éventuellement barrages écrêteurs de crues) mais surtout par la maîtrise et l'adaptation des enjeux situés en zone inondable (les projets territo riaux d'aménagement). Enfin, la gestion des risques d'inondation comprend la prévision des inondations, l'alerte, l'information et l'éducation des populations et la gestion de crise, pour améliorer la résilience des populations et des entreprises. L'articulation avec la DCE est essentielle, en théorie garantie par le calendrier (approbation des SDAGE et des PGRI dans les mêmes délais : d'ici le 22 décembre 2015), par le choix des autorités compétentes qui sont identiques -sauf en Corse- (ce sont les Préfets coordonnateurs de bassin) et surtout par un chapitre commun au SDAGE et au PGRI sur les objectifs de gestion des risques en lien avec la gestion des milieux aquatiques. En effet, les PGRI sont élaborés par l'État (préfet coordonnateur de bassin) et s'appuient sur quatre catégo ries de dispositions :
· · · ·
les orientations et dispositions des SDAGE pour l'inondation relatives au bon fonctionnement des milieux, la prévision et l'alerte, la réduction de la vulnérabilité des populations et des territoires, l'information des populations et le développement de la culture du risque.
Les dispositions des PGRI seront opposables dans une relation de compatibilité aux documents d'urbanisme (SCOT, PLU, CC, SDRIF...) et devront être compatibles avec les orientations des SDAGE. Lorsque le PGRI sera approuvé, les dispositions du SDAGE relatives aux inondations ne seront plus opposables. Les inondations ont souvent été un moteur de la volonté politique du fait de la demande sociale pour mettre en place des démarches de gestion globale de l'eau à l'échelle des bassins versants, telle que SAGE, contrat de milieux... Les liens entre les deux approches sont étroits et anciens mais mais restent complexes. . 1) L'introduction des PAPI a permis une séparation entre contrat de milieux ou SAGE et volet inondation, ce dernier ayant acquis sa propre identité et son financement séparé ; ceci n'est pas facteur d 'intégration ;
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2) Par ailleurs, l'accent mis à juste titre depuis 2010 avec le plan « submersions rapides » sur la restauration des ouvrages de protection dont la défaillance induit un risque grave pour les personnes pourrait brouiller les messages sur la limite de la politique de protection et la nécessité d'avoir une vision globale de gestion des risques.La demande des populations a été principalement jusqu'ici de supprimer l'inondation, par la construction d'ouvrages (parfois des barrages écrêteurs de crues, digues essentiellement). Cette demande sociale est combattue depuis des décennies par les pouvoirs publics qui réservent la construction d'ouvrages à la protection de lieux densément habités. La construction d'ouvrages de protection a en effet de nombreux effets pervers que rappellent de nombreuses catastrophes récentes : Les digues, en l'absence de mécanismes de compensation adaptés, induisent un faux sentiment de sécurité et diminuent la vigilance des habitants de ces zones protégées et pourtant toujours inondables. Les ouvrages sont faillibles, ils peuvent être dépassés et les conséquences de l'inondation en cas de dé faillance d'ouvrage sont alors bien plus graves qu'en l'absence d'ouvrages. Quelques barrages écrêteurs de crues posent des problèmes de sécurité : ce sont des ouvrages techniquement complexes dont les maîtres d'ouvrages, essentiellement des collectivités territoriales, n'ont pas toujours les moyens techniques et financiers nécessaires. Les digues (ou le remblaiement des zones inondables) suppriment des champs d'expansion des crues et modifient le niveau et le mode d'écoulement des eaux, induisant une aggravation de la situation en d'autres points du bassin versant ; ce phénomène est souvent peu perceptible localement, mais son effet cumulé est loin d'être négligeable. Les ouvrages sont d'autant plus faillibles qu'ils ne sont pas gérés par un maître d'ouvrage ayant les moyens d'exercer ses responsabilités. La question de la maîtrise d'ouvrage de ces digues se pose : la règle est celle de la responsabilité du riverain (loi du 16 septembre 1807, toujours en vigueur), règle devenue obsolète. La France est dotée d'environ 9000 km de digues, la plupart en mauvais état. La majorité a été conçue au départ pour protéger des terres agricoles mais avec l'expansion urbaine se sont transformées en digues urbaines sans que leurs caractéristiques n'en soient adaptées ; de plus, leur entretien est défaillant. La réglementation en matière de sécurité qui est basée sur la responsabilité des gestionnaires d'ouvrages se trouve alors de fait inopérante. Une clarification de la définition de maîtrises d'ouvrages pour les travaux en cours d'eau et la protection des populations contre les inondations est aujourd'hui nécessaire et reconnue par les différents acteurs. Le projet de loi de décentralisation et de réforme de l'action publique constitue une opportunité pour construire ce nouveau cadre législatif pour l'entretien des cours d'eau et la prévention des inondations et des submersions.
3) Un risque pour la préservation des milieux aquatiques pourrait émerger en cas d'application trop sectorisée de la DI. En effet, l'accent mis sur les liens étroits entre gestion des risques inonda tion et aménagement du territoire risque d'éloigner la gestion des inondations actuelle de la notion de bassin versant et de fonctionnement des milieux en priorisant l'action sur la réduction de la vul nérabilité des enjeux, alors que les deux démarches sont complémentaires.
Réduire le risque en agissant sur les enjeux et l'aléa :
·
des mesures sur l'aménagement des territoires et les constructions ou activités existantes, qui relèvent clairement des politiques de gestion des risques et d'urbanisme, et qui ont intérêt à s'apprécier à l'échelle urbaine ; des mesures sur le fonctionnement des cours d'eau, qui sont à l'interface de la politique de l'eau et de la politique de gestion des risques, et qui ont tout intérêt à être appréhendées à l'échelle géogra phique pertinente (bassins versants pour les débordements de cours d'eau, zones côtières morpholo73/131
·
giquement cohérentes...).
De plus, les compétences risques et celles relatives à la gestion de l'eau restent souvent séparées dans les services de l'État et la synthèse territoriale nécessaire n'est pas toujours réalisée. Les services de l'État, les agences de l'eau, des établissements ou syndicats intercommunaux doivent être davantage porteurs de cette intégration, dès lors qu'une démarche de gestion globale et concertée est engagée. La révision des SDAGE qui ne devraient plus, sur le volet inondation, comporter de mesures sur l'aménagement du territoire pourrait cependant conduire à éloigner encore les acteurs de l'eau de ceux des risques si l'on n'y prend garde. L'intégration des outils de gestion des inondations type PAPI ou (demain) Stratégie locale dans les dé marches de gestion globale telles que SAGE et contrat de milieux, pourrait de même être fragilisée (mena cée) par la spécialisation de ces outils et leur labellisation séparée notamment au sein de la Commission mixte inondations. Les liens entre risques d'inondation et fonctionnement naturel paraissent cependant évidents.. Personne ne conteste que les enjeux en matière d'inondation sont d'apprendre à vivre avec les inondations (phénomène naturel), de cesser d'aggraver la situation par des choix raisonnés d'aménagement du territoire (agir sur les enjeux) et des options de respect du fonctionnement des milieux (agir sur l'aléa : retrouver des espaces de liberté pour réduire des goulets hydrauliques, préserver voire retrouver des zones d'expansion des crues, limi ter les écoulements par des rétentions à la source...), puis de résorber progressivement l'héritage en adaptant l'existant pour diminuer les enjeux et en fiabilisant les ouvrages de protection qui protègent des lieux densément habités. Les futures stratégies locales devront donc jouer sur ces deux registres. Pour préparer les porteurs de projets à cette double approche, le cahier des charges des PAPI insiste sur la complémentarité des approches, qui doit cependant être adaptée à la nature des territoires et des enjeux concernés. Certaines stratégies concernent d'abord la réduction de vulnérabilité au sein du territoire à risque important d'inondations (TRI), d'autres le rééquilibrage des écoulements et la mobilisation à bon escient des zones humides du bassin ver sant au profit du TRI et de tout son bassin versant. Plusieurs plans gouvernementaux visent à améliorer la situation et à infléchir les comportements : ainsi, le plan « submersions rapides », adopté en février 2011 pour répondre aux drames de 2010 de la tempête Xynthia (41 morts par noyade au domicile) et de la crue de la Dracénie (25 morts) et l'appel à projets PAPI (pro grammes d'action de prévention des inondations). Ces plans visent à faire émerger des projets locaux stratégiques, dans l'esprit de la DI et des maîtres d'ouvrages. Le principe est que ces programmes locaux doivent se pencher sur tous les axes de la prévention, pour ne pas privilégier les seules digues mais au contraire bâtir une stratégie territoriale prenant en compte tous les enjeux dont les enjeux des milieux naturels. Leur financement est assuré essentiellement par le fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM), ali menté par un prélèvement sur le produit de la cotisation additionnelle des assurances en matière de risques naturels. Ce fonds permet de subventionner des collectivités territoriales qui se portent maîtres d'ouvrages de travaux de prévention. Depuis février 2011, 51 projets PAPI et PSR ont ainsi été labellisés, pour un mon tant total de 674 millions d'euros dont près de 260 millions d'euros de contribution État, principalement via le Fonds de Prévention des Risques Naturels Majeurs (FPRNM). Les Agences de l'eau n'ont aujourd'hui pas trouvé leur place dans le champ des inondations alors qu'elles ont été progressivement conduites à s'en préoccuper au vu des impacts évidents de la gestion des inonda tions sur le grand cycle de l'eau. La question d'un cofinancement des opérations contractualisées spécifiques aux inondations et notamment du volet lié au bon fonctionnement des milieux ou à la rétention des eaux à la source par les agences de l'eau a été posée. Elle continue de faire débat quant aux opérations éligibles. En particulier, la question du financement par les agences de l'eau des digues est au coeur des discussions dans les bassins : les acteurs de
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l'eau craignent que la mise en place de subventions par les agences de l'eau, qui ont des ressources finan cières importantes, avant que ne soient précisées les responsabilités en cas de nouvelles constructions en zone inondable protégée n'entraîne une densification et donc une aggravation du risque. À tout le moins, ils souhaitent la mise en place préalable d'une redevance spécifique qui permettrait une régulation minimale et une source de financement. Au titre de la DCE, les SDAGE et leurs programmes de mesures, mis en oeuvre par les agences, comportent déjà plusieurs orientations et volets d'action en faveur de la préservation des zones naturelles d'expansion des crues, des zones humides, de la réduction de l'érosion, et de la maîtrise des eaux pluviales, mais seule ment en vue de protéger la qualité de l'eau. La question se pose donc pour les agences de l'eau d'intervenir plus méthodiquement et systématiquement en matière de prévention douce pour diminuer le risque inondation dans les zones vulnérables. Elles sont en mesure de participer activement à la mise en cohérence des diverses politiques publiques en faveur de la prévention des risques d'inondations, de la biodiversité et de la protection de l'eau. De même, l'enjeu de définir une gouvernance adaptée et de réaliser des équipements visant la maîtrise quantitative du régime des eaux à une échelle cohérente de bassin versant afin de structurer, grâce aux milieux aquatiques, de véritables « infrastructures vertes », allant ainsi dans le sens souhaité par les instances européennes, semble insuffisamment porté59. Le 10ème programme des agences de l'eau permet déjà des interventions dans ce sens sans que le portage soit vraiment affirmé. En conclusion, l'articulation de la politique de l'eau et de la politique de gestion des risques d'inondation pose la question de l'absence de hiérarchie claire et explicite des enjeux de la part des pouvoirs publics ; elle résulte de l'histoire du territoire (y a-t-il eu une inondation récemment ?), du poids des acteurs portant tel ou tel enjeu, de l'impact de la réglementation, des contextes locaux... À quelle échelle doivent se résoudre ces contradictions ? Dans quelles instances ? Les Comités de Bassins, dans une composition éventuellement adaptée pourraient-ils jouer ce rôle ?
3.2.2.3. La gestion du domaine public fluvial (DPF), un secteur « orphelin »
a) La métropole compte environ 16 300 km de cours d'eau et canaux domaniaux Ainsi, aujourd'hui, environ la moitié du DPF est constituée de cours d'eau, canaux ou lacs toujours inscrits à cette nomenclature, dits « navigables ». L'autre moitié est constituée de cours d'eau, canaux ou lacs qui ont été rayés de la nomenclature des voies navigables et maintenus dans le domaine public fluvial. Les cours d'eau des DOM sont tous domaniaux et n'ont jamais été inscrits à la nomenclature des voies navigables, Les propriétaires-gestionnaires de ce DPF sont l'État pour un peu moins de 15 000km (en métropole) + DOM hors Mayotte et les collectivités territoriales pour environ 1 750 km.
b) La politique de gestion par l'État du DPF « non navigable » dans une impasse Le domaine public fluvial (DPF) non navigable est constitué de cours d'eau, canaux et lacs désaffectés de la navigation. Il intègre également des ouvrages (digues, seuils, barrages), historiquement liés à la navigation et aujourd'hui plus ou moins réappropriés par d'autres usages.
59
Voir : RAPPORT DE LA COMMISSION AU PARLEMENT EUROPÉEN ET AU CONSEIL relatif à la mise en oeuvre de la di rective-cadre sur l'eau (2000/60/CE) - Plans nationaux de gestion des bassins hydrographiques - 2012. 75/131
Des possibilités de transfert aux collectivités ou de déclassement au profit des riverains privés sont possibles (pas sur tous les tronçons) mais ont été peu mises en oeuvre. Une réflexion est en cours à ce sujet et pourrait faire l'objet d'une inscription à la loi de décentralisation. Les crédits affectés à l'entretien et à la gestion du DPF non navigable sont en baisse constante depuis 2010. Ils étaient de 10 millions d'euros en 2010. Ils ont chuté à 4,5 millions en 2012 et s'établissent à près de 2 millions en 2013 (sachant qu'1,3 M sont normalement nécessaires annuellement à la seule Loire). De plus, avec la décentralisation des routes, l'État n'a plus de personnels d'exécution pouvant faire en régie les travaux d'entretien. Compte tenu de cette situation, l'État ne sera pas en mesure de satisfaire aux obligations qui lui sont fixées par la loi60, et qui sont celles de tout propriétaire. Cette situation rend plus urgent le transfert ou le déclasse ment du DPF, alors même que la diminution des crédits risque de les rendre plus difficiles. Il est de plus difficile de gérer le lit sans se préoccuper des digues protégeant des populations qui bordent les rives : les deux sujets sont physiquement liés.
c) Une situation périlleuse du point de vue juridique Cette situation comporte de nombreux risques pour l'État, dont celui lié à sa responsabilité pénale. Le défaut d'entretien de certains cours d'eau entraîne un relèvement de la ligne d'eau, notamment en cas d'embâcles, aggravant le risque d'inondation, créant un véritable facteur de danger pour les populations. La combinaison entre ces difficultés de gestion du DPF non navigable par l'État et l'évaluation de la poli tique de l'eau intégrant la problématique plus générale de la gestion des cours d'eau, conduit à devoir s'in terroger de manière ouverte et objective sur l'avenir de ce domaine et sur les raisons et la pertinence du maintien de sa domanialité publique à l'échelon national ou à un autre échelon.
3.2.2.4. Les milieux marins, lieu de superposition des politiques sectorielles
La directive cadre pour la stratégie des milieux marins (DCSMM), adoptée en 2008, fixe un objectif de bon état des eaux marines pour 2020. DCE et DCSMM ont une zone géographique de recouvrement (le territoire compris entre la ligne de base jusqu'au 1 mille nautique pour l'état écologique, mais jusqu'à 12 milles nautiques pour l'état chimique), des finalités et des pressions communes, qui nécessitent une mutualisation des objectifs et des moyens. Elles impliquent cependant des gouvernances différentes, compte-tenu, notamment sur les aspects littoraux et marins, de la diversité des thématiques écologiques à traiter derrière l'objectif de « bon état » (qualité des eaux mais aussi biodiversité et réseaux trophiques, intégrité des fonds marins, déchets, bruit sous-marin...). La superposition de ces objectifs environnementaux et des gouvernances associées posent question. Le littoral, milieu de transition, de grande richesse et de grande fragilité en matière de biodiversité, subit également d'intenses pressions issues de différentes politiques d'aménagement économique et urbain. La densité de population y est souvent importante et l'attractivité touristique provoque des fluctuations difficiles à gérer au niveau des équipements d'assainissement.
60
Néanmoins, il est important de préciser que les crédits DPF ne doivent pas être dédiés :
ni au retrait d'embâcles sur des ouvrages situés sur le DPF (ponts routiers, barrages exploités...) mais dont le retrait relève de la responsabilité du gestionnaire de l'ouvrage ; ni à la correction d'impacts hydromorphologiques liés à des aménagements (grands barrages) qui devrait être intégrée aux obligations du gestionnaire de l'ouvrage dès la conception de l'ouvrage ; ni au nettoyage de campements illégaux suite à une demande d'évacuation ordonnée par le ministère de l'Intérieur (et à ca ractère récurrent). 76/131
Les eaux littorales sont sous forte pression. Cette pression est exercée en ce qui concerne la pollution à plus de 80 % par des éléments venus de la terre, transportés par les fleuves ou rejetées par les stations d'épuration urbaines ou industrielles proches des rivages. Les pressions s'exerçant sur le littoral et le milieu marin ne se limitent pas aux pollutions et découlent des nombreuses activités humaines qui s'y exercent. Les principaux constats réalisés pour le « Grenelle de la mer » présentent une situation contrastée de l'état des eaux littorales : · une baisse de la concentration de certains polluants dans le milieu marin. Ceci est avéré pour le lindane, le DDT, le plomb entre autres, mais d'autres apparaissent comme les retardateurs de flamme ; · une stagnation de la qualité micro biologique des eaux côtières à un niveau insatisfaisant 61 depuis plusieurs années ; · des explosions algales (plancton ou macro algues) non maîtrisées ; · l'apparition de nouvelles inquiétudes, encore insuffisamment documentées, notamment sur les résidus médicamenteux au large de certaines agglomérations côtières. L'économie liée à la mer impose des infrastructures et des capacités d'accueil portuaires et touristiques (plaisance, etc.) importantes, ainsi que des implantations industrielles ou agroalimentaires dans l'arrièrepays, induisant une pollution spécifique (eutrophisation, phénomènes de blooms algaux et marées vertes, clapages de sédimentes contaminés, artificialisation des sols, modification du trait de côte à l'origine de phénomènes érosifs perturbateurs pour les milieux et les activités humaines, etc.). L'épuisement des ressources terrestres, et par conséquent l'exploitation renforcée de ressources marines est aussi à la base du développement attendu d'activités en mer (par exemple les granulats marins, les énergies marines renouvelables,.. ). L'économie de la pêche et de la conchyliculture exige à la fois de la qualité dans les eaux utilisées et des infrastructures à terre. Elle est très sensible aux pollutions directes ou indirectes via les cours d'eau, issues des activités, et se déversant à proximité de ses installations. Les activités agricoles à l'amont ainsi que le dérèglement du traitement des eaux pluviales peuvent condamner temporairement l'exercice de leur activité. Or, tant les exigences de santé publique que le respect des conventions internationales auxquelles la France a adhéré 62 et les deux directives européennes qui s'appliquent de façon combinée sur les zones littorales : DCE et DCSMM ainsi que la directive « nitrates » nécessitent des actions ciblées et interfacées par des acteurs identifiés et coordonnés disposant de moyens adaptés. Des actions ciblées La finalisation fin 2012 des évaluations initiales des eaux marines permet aujourd'hui de disposer d'une première synthèse de l'ensemble des connaissances disponibles sur le milieu marin dans un format d'approche écosystémique, sur la base d'une mobilisation inédite de l'expertise scientifique. Surtout, elles permettent de formuler un diagnostic partagé sur les enjeux écologiques, à savoir ce sur quoi la France va porter son effort63.
61
Le comité national de la conchyliculture souligne que 98 % des zones conchylicoles sont insalubres du point de vue de la microbiologie (2 % seulement sont en catégorie A « bonne qualité », ce qui impose un traitement des coquillages avant leur commercialisation. Les dysfonctionnements de l'assainissement non collectif et celui des stations d'épuration en temps de pluie apparaissent comme es causes de cette situation.
62
(1) : convention OSPAR pour la protection du milieu marin de l'Atlantique Nord, convention de Barcelone pour la Méditerranée, convention de Carthagène pour la région Caraïbes, convention de Nairobi pour l'océan indien occidental, convention de Nouméa pour le Pacifique sud.
63
Introduction de substances et de nutriments ; modification des paramètres physiques et hydrologiques des fonds marins ; perturbations sonores ; introduction de déchets marins ; introduction / prolifération de micro-organismes pathogènes et toxigènes ; introduction d'espèces non indigènes ; modification des populations : extraction sélective d'espèces, captures accidentelles. 77/131
Des actions devront répondre à ces enjeux et seront à inscrire dans les programmes de mesures à élaborer d'ici fin 2015 et à mettre en oeuvre dès 2016. Ce macro-calendrier étant commun avec celui de la DCE, le choix effectué par la France est d'articuler finement les processus afin notamment d'être en mesure de consulter l'ensemble des instances concernées et le grand public sur des documents cohérents à compter de novembre 2014. L'objectif à atteindre est de réaliser ou maintenir un bon état écologique du milieu marin en 2020. Pour cela, les besoins suivants ont été identifiés : 1. La protection de l'environnement marin, en particulier sa biodiversité et les aires marines protégées tel que les sites du réseau Natura 2000 (établi en application des directives Habitat Faune Flore et Oiseaux) ; les mesures de gestion de l'espace marin (comme la création et la gestion d'aires marines protégées), d'évolution des usages, de lutte contre les pollutions (notamment dans le cadre d'une amélioration de la mise en oeuvre de la DCE Eaux littorales), d'aménagements, de restauration des écosystèmes, etc. nécessaires pour l'atteinte du bon état écologique des eaux marines (à définir d'ici 2015 et à mettre en oeuvre dés 2016 dans le cadre de la Directive Cadre Stratégie sur le Milieu Marin DCSMM) ;
2.
Les acteurs publics sur le littoral et le milieu marin sont nombreux et encore insuffisamment coordonnés. Pour ce qui concerne les services de l'État, le maillage administratif est à la fois dense et imprécis entre les préfets en charge du littoral, les préfets de région et les préfets coordonnateurs de bassin. Le préfet coordonnateur de bassin n'est en particulier pas membre de droit des conseils maritimes de façades qui vont donner un avis sur les plans d'actions pour le milieu marin (PAMM). Si le préfet coordonnateur de bassin est bien membre du collège chargé d'élaborer les PAMM, collège qui regroupe l'ensemble des préfets compétents sur une sous région marine, conformément au décret relatif à la mise en oeuvre de la DCSMM, le préfet coordonnateur de bassin n'a pas de place privilégiée dans cette instance . Or, les plans de gestion des eaux continentales et des eaux marines doivent être physiquement liés : comment définir la réduction des flux arrivant dans les milieux marins, nécessaire pour le bon état des eaux marines, sans réflexion au niveau des émissions terrestres via les SDAGE ? Le décret d'application de la loi Grenelle qui devait définir les liens entre les documents stratégiques de façades et les documents terrestres, dont les SDAGE, n'est toujours pas paru. Les nouveaux SDAGE de 2015 risquent d'être élaborés sans lien officiel entre les deux documents de gestion : PAMM et SDAGE, ce qui constitue une fragilité juridique. Cependant, le projet de loi cadre sur la biodiversité devrait prévoir un lien de compatibilité réciproque entre PAMM et SDAGE. De plus, le calendrier adopté par la DEB pour l'établissement des premiers programmes de surveillance et des premiers programmes de mesures a été volontairement calé sur celui de la révision des SDAGE, ce qui a nécessité d'accélérer de 10 mois le process DCSMM vis-à-vis du calendrier communautaire qui n'avait aucunement veillé à cela... Du fait de la continuité physique entre l'eau douce et l'eau salée dans les eaux territoriales et de l'origine majoritairement terrestre des pollutions littorales, une meilleure symbiose doit être atteinte entre les opérateurs publics, notamment les agences de l'eau, l'Ifremer, l'ONEMA, l'agence des aires marines protégées, le conservatoire du littoral et le BRGM (hydromorphologie du littoral), le CETMEF, etc. pour la connaissance de l'état du milieu littoral et marin, des pressions et des impacts, la prévention des pollutions et des altérations des milieux aquatiques et pour les programmes de mesure. Le travail déjà bien engagé entre les agences de l'eau, l'ONEMA, et l'IFREMER en ce qui concerne la DCE doit être prolongé en impliquant l'AAMP pour l'extension à la DCSMM.
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L'action publique doit être renforcée par une meilleure intégration des politiques de l'eau continentales et marines, dans l'esprit des directives européennes, ce qui passera parune gouvernance accordant une place plus importante au préfet coordonnateur de bassin et par une contribution accrue des agences de l'eau. Elles bénéficient pour cela de leur expérience : concertation (comités de bassin, commissions territoriales, contrats de milieux, ...), surveillance des milieux, élaboration des plans de gestion (SDAGE, SAGE, contrats de milieux), programmation, gestion financière de redevances fiscales, attribution d'aides. Une plus grande ouverture des agences de bassin aux acteurs de la mer permettrait d'envisager une contribution plus significative qu'actuellement à la préparation des plans d'action pour le milieu marin. C'est dans ce contexte que, suite au « Grenelle de la Mer », les textes ont été pris pour permettre d'atteindre un objectif de 15 % de membres des comités de bassin représentant des enjeux littoraux et maris lors du prochain renouvellement en 2014.
3.2.2.5. L'évaluation environnementale : un levier insuffisamment utilisé ?
L'évaluation environnementale représente un levier puissant pour l'intégration des enjeux environnementaux dans les projets, les plans et les programmes. Elle permet d'intervenir en amont et d'accompagner la conception des projets. La sectorisation des autorisations environnementales induit aujourd'hui des difficultés à faire prendre en compte les enjeux de la politique de l'eau très en amont des projets, le sujet étant souvent renvoyé à l'instruction au titre de la loi sur l'eau. Ce sujet mériterait réflexion en termes d'efficacité de l'action administrative.
3.2.2.6. Les installations classées pour la protection de l'environnement : une politique intégrée
La législation des ICPE intègre de fait tous les aspects environnementaux dont les aspects liés à l'eau : une autorisation ICPE vaut donc autorisation au titre de la loi sur l'eau. Cette logique de législation intégrée vise la simplification pour les pétitionnaires. La logique ICPE a longtemps été une logique industrielle privilégiant l'égalité de traitement entre industriels d'une même branche, dans un souci d'égalité face à la concurrence. Le travail collaboratif au sein des MISEN permet aujourd'hui une meilleure intégration des objectifs liés aux caractéristiques des milieux aquatiques dans les autorisations de rejets. Des progrès sont cependant encore possibles pour coordonner les approches et améliorer le lien entre les législations ICPE (livre 5 du code de l'environnement) et celles concernant l'eau (livre 2 du code), notamment sur les élevages. Les plans de contrôle entre les contrôles de la police de l'eau et ceux des ICPE sont insuffisamment coordonnés autour de thèmes communs.
.........................3.2.3. Une tentative d'intégration territoriale : les plans grands fleuves.
Né après la décision d'abandonner la construction de plusieurs barrages régulateurs sur le Loire, le Plan Loire grandeur nature (PLGN) fur le premier des plans grands fleuves, suivi ensuite par le plan Rhône, né après la crue de décembre 2003 et adopté par le CIADT en 2005. Aujourd'hui, les principaux fleuves français, la Loire et le Rhône, mais aussi la Seine, la Garonne, et, dans un contexte international, le Rhin et la Meuse, sont dotés d'un plan grand fleuve. Ces projets contractualisés par périodes de 6 ans entre l'État et les Régions dans le cadre de contrats interrégionaux État-Régions (CPIER), visent à réaliser des projets d'aménagement durable sur le fleuve et sa vallée, pour la gestion des inondations, la restauration des milieux aquatiques et de la qualité des eaux, voire des aspects liés à la valorisation du fleuve (aspects culturels et patrimoniaux, énergétiques, de transport fluvial). Le contenu de ces plans est très variable, le niveau d'intégration des ambitions et le degré de réalisation des actions aussi. L'évaluation de ces projets contractualisés comme CPIER, qui ont pour certains bénéficié de
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programmes opérationnels du FEDER spécifiques, souligne l'intérêt de ces démarches pour une meilleure intégration des différents enjeux liés aux fleuves. La question de la reconduction de la contractualisation sur ces projets est en cours d'étude.
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.........................3.3. Une gouvernance à consolider pour une mise en oeuvre plus efficace de la politique de l'eau .........................3.3.1. Un risque majeur : la démobilisation des acteurs territoriaux au service des objectifs du grand cycle de l'eau
3.3.1.1. L'eau, sujet majeur dont la complexité est mal appréhendée par les Français
Il faut reconnaître que les problèmes qui préoccupaient la population dans sa vie quotidienne, il y a quelques décennies, se sont en grande partie résolus : les coupures d'eau potable pour cause de pénurie saisonnière, la nécessité de boire de l'eau en bouteille pour questions sanitaires, la condamnation de la baignade sur les plages urbaines pour cause bactériologique...autant de situations qui ne se retrouvent plus que rarement. Les problèmes résiduels s'éloignant du quotidien, la question est désormais d'intéresser les consommateurs, élus et acteurs économiques, qui ne sont pas conscients de l'ampleur et de l'imbrication des enjeux, y compris parce que la moitié des gens qui habitent dans des immeubles collectifs ne voient pas leur facture d'eau globalisée dans leurs charges. Et pourtant, le principe de la participation du public prévu dans la DCE est mis en oeuvre avec des actions telles que la consultation du public lors de l'élaboration des SDAGE, l'information des consommateurs sur la performance du système d'eau et d'assainissement.
Les baromètres nationaux d'opinion des Français, mis en place par les pouvoirs publics avec IFOP, ou par le centre d'information sur l'eau, avec TNS-SOFRES, soulignent que la qualité de l'eau potable et la bonne gestion de la ressource sont des sujets majeurs de préoccupation des Français qui font confiance pour cela aux collectivités locales et à leurs élus. L'utilisation de l'eau du robinet progresse face à l'eau en bouteille, certainement confortée par des considérations économiques. Le souci de la pollution, la crainte d'une dégradation de la qualité et d'un possible manque d'eau dans l'avenir cèdent la place au souci du chômage et des inégalités sociales. Les consommateurs sont très sensibles à l'évolution du prix de l'eau, à la répartition des charges entre utilisateurs de cette eau, et à une plus grande transparence dans les choix politiques dans ce domaine.
Concernant les milieux aquatiques, l'opinion perçoit très peu la disparition de certains milieux, ni le programmes ou actions mis en oeuvre pour les préserver.
3.3.1.2. Une prise de conscience des décideurs à l'occasion de crises : l'eau peut être un problème
Depuis quelques décennies, la politique de l'eau n'est plus perçue comme un problème en dehors de quelques milieux profondément affectés par les séquelles des territoires industriels et miniers ou des pratiques agricoles. L'eau est largement considérée comme une ressource abondante et de qualité, le service aux usagers étant par ailleurs perçu comme un sujet technique et non politique confié à quelques élus spécialisés membres des instances de bassin. La complexité technique du sujet justifie notamment cette spécialisation alors que le « retour » politique est loin d'être évident. La gouvernance particulière des bassins, qui a mis en place des instances spécialisées à l'échelle des questions posées par la gestion des cycles de l'eau, a produit des circuits de spécialistes qui communiquent bien entre eux mais sont dissociés des autres questions d'aménagement du territoire. Les élus en charge de ces territoires ne sont en général pas ceux qui siègent dans les instances de bassin. Aussi les élus en charge de l'aménagement n'ont pas forcément l'information ni la formation nécessaire à la bonne intégration de sujets liés à l'eau aux logiques
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parfois antagonistes. Plus récemment un certain nombre de crises autour de l'eau ont favorisé une prise de conscience accompagnée de la production de nombreux rapports parlementaires : · inondations récurrentes avec des victimes, · émergence de conflits d'usages par manque d'eau lors d'épisodes fréquents depuis le début des années 2000, · contentieux européens (DERU, nitrates en Bretagne) avec des menaces de sanctions financières très conséquentes nécessitant une prise en charge globale sous contrainte. Du côté des acteurs dont l'activité économique ou les aménagements impactent la qualité des milieux aquatiques, en particulier des agriculteurs ou des élus de petites communes rurales, les grands enjeux de la DCE sont très mal appropriés localement avec notamment une grande difficulté à faire le lien entre les grands principes auxquels chacun adhère et la réalité de l'impact local. Plusieurs raisons peuvent être invoquées : insuffisante articulation entre acteurs du territoire local et leur représentation à l'échelle des bassins, effet cumulatif des impacts élémentaires (ex des prélèvements aux conséquences peu perceptibles), décalage des effets dans le temps (ex de la percolation et de la diffusion des polluants vers une nappe qui peut durer plus de dix ans)...
3.3.1.3. Un risque de démobilisation des acteurs territoriaux
Même si la France reste sous surveillance communautaire, le risque majeur de la politique de l'eau est aujourd'hui celui de la démobilisation des acteurs. Les deux sujets sont d'ailleurs étroitement liés puisque les directives dont la DCE supposent d'obtenir des résultats. La phase de mise en oeuvre est donc essentielle. Or, la mise en oeuvre des outils de planification suppose une prise en charge par des maîtres d'ouvrages, si l'on souhaite aboutir à un véritable programme d'action opérationnel, à partir des orientations assez générales et à l'échelle des districts des SDAGE. Deux déficits majeurs sont à souligner au niveau du diagnostic : · l'absence de maître d'ouvrage en certains territoires en charge de porter de façon cohérente et efficace le programme d'action ; · le plus souvent une faible voire une absence association des maîtres d'ouvrage dans le processus décisionnel visant à élaborer le programme d'action opérationnel. Au-delà des aspects juridiques, l'essentiel du problème semble lié à une déconnexion entre des acteurs ancrés dans les territoires, pour qui la politique de l'eau n'est qu'un des aspects des problématiques auxquelles ils ont à faire face, et une approche de plus en plus technique, avec un vocabulaire accessible aux seuls initiés64. Trop souvent en outre, le discours s'appuie sur les obligations communautaires et non plus sur des avancées concrètes pour le territoire, gage de développement durable et d'atouts pour ce territoire. Il est impératif de redonner du sens à l'action. a) Des compétences éparpillées voire orphelines à l'échelle locale Rappelons qu'il n'existe pas de service public « gestion de rivière ou bassin versant » , la règle restant celle de la responsabilité du riverain. Cette règle est devenue obsolète : les propriétaires riverains ne tirent plus profit des sous-produits de la rivière (graviers, essartement...), le cours d'eau devenant source de contraintes voire de danger. Le récent rapport sénatorial établi suite aux inondations dans le département du Var en 2011 a parfaitement décrit la déshérence de l'entretien des cours d'eau non domaniaux. La possibilité pour les collectivités de se substituer aux propriétaires riverains est peu utilisée, du fait de la complexité des procédures (DIG) et de la difficulté à percevoir les ressources sous forme de redevances pour service rendus. Un certain nombre de structures volontaires de bassins versants, syndicats de rivières et établissements publics territoriaux de bassin (EPTB), se sont pourtant mises en place, notamment après des crises pour mener à bien des projets de restauration des cours d'eau ou de lutte contre les inondations. Très souvent, la création de ces structures a permis la mise en oeuvre d'une véritable réflexion à l'échelle du bassin versant, grâce aux animations financées par les contrats passés avec les agences de l'eau : le rôle de l'animation est essentiel pour faire prendre conscience des enjeux aux différents acteurs, créer du lien et bâtir un projet
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Les « masses d'eau », le « bon potentiel », le « registre des zones protégées »... 82/131
collectif. Ces collectivités sont cependant inégalement réparties sur le territoire. Elles ont commencé à se structurer via les EPTB notamment. L'AFEPTB joue un rôle de centre de ressources appréciable pour les EPTB existants mais un certain nombre de bassins versants connaissant des problèmes particulièrement difficiles n'ont pas réussi à construire de maîtrise d'ouvrage à l'échelle du bassin versant. Cette situation qui est préoccupante depuis de nombreuses années devient aujourd'hui problématique du fait des engagements pris pour l'atteinte d'objectifs de restauration des milieux aquatiques au titre de la DCE et des futurs objectifs de réduction des risques de la DI. Deux outils se sont développés à l'échelle territoriale : les SAGE, projet locaux de bassins versants à l'initiative des collectivités territoriales, et les PAOT, à l'initiative de l'État, pour traduire les programmes de mesures en termes opérationnels sur les territoires. Ces outils permettent-ils d'assurer le lien nécessaire entre planification et mise en oeuvre et garantir ainsi l'atteinte des objectifs de résultats sur lesquels la France s'est engagés vis-à-vis de l'Europe ? On constate depuis 20 ans l'émergence de SAGE qui concernent aujourd'hui près de la moitié du territoire national. Leur répartition est très inégale. Près de 100 % du territoire breton est couvert alors qu'en RMC et Rhin-Meuse, peu de projets ont vu le jour 65. La plupart des SAGE ont émergé suite à une volonté politique forte de régler un problème local (inondation, pollution, conflits d'usages...). La Commission Locale de l'eau 66 (CLE) est au coeur du dispositif. Elle constitue un lieu de dialogue et d'arbitrage pour construire une vision commune à l'échelle du bassin versant de la rivière ou à l'échelle de la nappe. L'impulsion donnée par le Président de la CLE est déterminante. Un SAGE définit un véritable projet pour l'eau à l'échelle du bassin versant et pour les territoires qui les composent. Le SAGE approuvé est opposable aux décisions administratives et aux documents d'urbanisme. Il constitue donc potentiellement un puissant facteur d'intégration des politiques. Cependant, le SAGE connaît un certain nombre de limites : · la difficulté parfois à trouver une structure porteuse pour son élaboration ; dans un certain nombre de cas, les études préalables sont portées par des institutions éloignées du périmètre du SAGE (conseil général, région ,) · la durée d'élaboration entre 6 et 10 ans entre l'arrêté de constitution de la CLE et l'approbation du SAGE ; ce délai entraîne un renouvellement des membres élus de la CLE et éventuellement une démotivation notamment si le problème à l'origine de la décision d'élaborer le SAGE n'est plus aussi manifeste (ex une inondation qui ne s'est pas reproduite) ; selon les acteurs rencontrés, cette durée s'explique pour partie par la nécessaire phase d'apprentissage collectif des membres de la CLE afin de construire une vision commune mais aussi par les conséquences du caractère réglementaire du SAGE devenu contraignant, ce qui induit des jeux d'acteurs complexes, et parfois une posture des représentants de l'État trop prudente en raison de la portée future des dispositions et de la difficulté à mobiliser des cadres de bon niveau sur ces sujets territoriaux dans l'état actuel des effectifs des services départementaux ; de plus le formalisme pour la prise de certaines décisions (évolution de la composition de la CLE par ex) rallonge inutilement les délais ; · l'obligation de mise en compatibilité avec les nouveaux SDAGE tous les 6 ans (notamment pour l'atteinte des objectifs de bon état des masses d'eau) ; en effet les SAGE ont presque toujours été construits localement non comme une déclinaison du SDAGE mais comme une volonté locale portée par des Présidents de CLE et des membres qui ne sont pas automatiquement membres du Comité de bassin qui élabore le SDAGE ; · la difficulté à mettre en oeuvre de façon opérationnelle les dispositions contenues dans les SAGE : il n'existe pas de structure prédéterminée de maîtrise d'ouvrage pour porter la mise en oeuvre du SAGE ; certaines actions doivent être portées par des collectivités et des élus confrontés à des enjeux qui peuvent les éloigner du projet de l'eau validé par la CLE ; il n'existe pas de financement dédié qui impose qu'une fois le SAGE approuvé, les mesures envisagées soient prioritaires pour l'attribution des financements publics. De plus, la communication pour permettre la compréhension
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La volonté du législateur n'était pas de couvrir l'ensemble du territoire ni de faire du SAGE le seul outil de politique de gestion in tégrée de l'eau mais de venir palier l'absence de gestion concertée de la ressource en eaux sur certains territoires de bassin versants à enjeux fort en matière de partage de ressource entre acteurs. 66 Qui ne dispose pas d'une personnalité juridique. 83/131
des enjeux et du bien-fondé des objectifs et dispositions est inégalement portée par les élus membres de la CLE. Le SAGE peut être un très bon outil pour construire une conscience collective à l'échelle du bassin versant dans la durée mais c'est actuellement un outil lourd et ce n'est pas un outil immédiatement opérationnel. D'autres outils de mise en oeuvre complémentaires sont donc nécessaires pour la mise en oeuvre rapide des dispositions du SDAGE notamment pour atteindre les objectifs de la DCE. Ceci explique l'émergence de projets opérationnels parfois sectoriels comme les contrats territoriaux des agences de l'eau ou les PAPI pour les inondations, ainsi que la déclinaison opérationnelle des programmes de mesures : les PAOT. L'objet des SAGE n'est pas non plus homogène, certains étant orientés vers la gestion intégrée des milieux et les usages de l'eau, d'autres plus axés sur la résolution d'un problème particulier. Les structures supports de la CLE et leur Président n'ont pas souvent été associées aux processus retenus dans le bassin pour l'élaboration du SDAGE-PDM-PAOT. Le SAGE aurait pu être un outil de déclinaison des objectifs du SDAGE dans les territoires. La lenteur de la mise à jour du SAGE, contrepartie de la démocratie locale qu'ils organisent est par ailleurs un handicap à cette déclinaison dans les délais. Ces propos méritent sans doute d'être nuancés en tenant compte du fait que les délais d'appropriation des outils sont par nature toujours longs. L'État a défini, en lien avec les comités de bassin, les objectifs à atteindre et identifié les moyens nécessaires à la mise en oeuvre de ces objectifs via les programmes de mesures et les PAOT. Or, il n'y a pas de maître d'ouvrage ensemblier systématique prédéfini pour cette mise en oeuvre opérationnelle à l'échelle de la masse d'eau ou du sous bassin versant. De fait, l'État qui est responsable vis-à-vis de l'Europe de la mise en oeuvre de la DCE se sent investi de cette mission d'ensemblier : les PAOT peuvent être vus ainsi ; de même, les agences de l'eau peuvent aussi se sentir investies via des programmes d'actions de bassins versants ; mais ni l'État ni les agences n'ont vocation à être maîtres d'ouvrage. Il y a donc une ambiguïté grave dans le dispositif de mise en oeuvre. À défaut de l'attribution obligatoire de certaines compétences de maîtrise d'ouvrage à un certain niveau, l'action publique de l'État doit se contenter de susciter des vocations, essentiellement auprès de collectivités, avec des coûts de coordination et de transaction très élevés et des succès mitigés. Cette mission de conviction passe par une explicitation claire des enjeux pour les territoires, enjeux qui doivent eu-mêmes avoir été appropriés par les représentants de l'État. b) Une faible association des maîtres d'ouvrage dans le processus d'élaboration du programme d'action opérationnel. En général, les décideurs locaux chargés de la mise en oeuvre des actions n'ont pas été suffisamment associés à l'amont des processus de décision conduisant au diagnostic et à la définition des objectifs de résultat (par exemple, la définition du niveau d'ambition final sur l'atteinte des objectifs du bon état en 2015 n'a pas été défini avec les maîtres d'ouvrages futurs ni avec les Présidents de CLE; il en est de même pour la définition des débits d'objectifs d'étiage). En effet les étapes nécessaires à la résolution d'un problème sont les suivantes : · faire en sorte que les différents acteurs concernés reconnaissent l'existence du problème (sortir du déni). Cette étape est facilitée par une crise ou une situation conflictuelle ; · partager le diagnostic et les enjeux ; · discuter des objectifs ; · construire un plan d'actions. L'importance des deux premières étapes est souvent sous-estimée par les services de l'État, soumis euxmêmes à la nécessité de rendre compte de la pertinence de leurs actions aux instances européennes.. L'objectif global d'atteinte du bon état nécessite pour sa mise en oeuvre d'être décliné en un plan d'actions cohérent, définissant clairement ce qui est attendu de chacun et accompagné des moyens qui seront à mobiliser avec une évaluation transparente permettant de mesurer les progrès accomplis, l'ensemble devant être discuté en amont avec les maîtres d'ouvrage et les financeurs. Or ce processus est à l'oeuvre de façon très inégale selon les bassins. Dans certains cas, même les établissements publics spécialisés (ONEMA et Agences de l'eau) sont insuffisamment associés ; les collectivités sont alors encore moins associées. En revanche dans d'autres cas, les travaux conduits par les services déconcentrés de l'État et les établissements
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publics sont complètement interfacés et associent les acteurs de terrain (notamment dans les petits bassins). Selon les bassins, l'articulation des PDM avec les SAGE est loin d'être totalement effective. c) Une coordination encore insuffisante avec les conseils généraux et les régions Traditionnellement, les Départements et les Régions cofinancent les projets, notamment dans le secteur rural. Depuis quelques années, ces collectivités, investies de façon très variable dans le domaine de l'eau, connaissent des difficultés économiques liées à la crise. Un certain nombre de Conseils généraux se désengagent ainsi des politiques contractuelles pour se recentrer sur leurs compétences obligatoires (aides sociales...). Pourtant, la contractualisation des Agences de l'eau avec les Conseils Généraux sur le financement des opérations eau et assainissement du secteur rural, qui a progressivement élargi son assise du petit cycle de l'eau vers le grand cycle, résulte de pratiques anciennes et est à la base de la mise en oeuvre du volet solidarité urbain-rural des programmes des Agences de l'eau. Certaines Régions se sont investies plus particulièrement dans la planification : au-delà du cas particulier de la Corse (la collectivité territoriale de Corse approuve le SDAGE), ce mouvement est amplifié par les nouvelles missions confiées aux CR sur la biodiversité (Trame verte et bleue) et par la perspective de la décentralisation de la gestion des futurs fonds structurels à partir de 2014. Par exemple, la Région ProvenceAlpes-Côte d'Azur a fortement encouragé la couverture de son territoire par des structures de gestion de bassin versant. La Région Bretagne a émis le souhait d'une plus forte implication dans la planification de l'eau : elle souhaiterait la mise en place d'une Conférence régionale de l'eau qui pourrait alimenter les réflexions du Comité de Bassin concernant le SDAGE et surtout donner de la cohérence en matière de contractualisation sur les projets concernant l'eau en faisant converger sur des objectifs communs les financements européens, régionaux, de l'Agence de l'eau voire des Conseils généraux. S'y ajouterait la mise en place d'un guichet unique pour les porteurs de projets. D'une manière générale, le partage en amont des objectifs visés par la politique de l'eau avec les cofinanceurs est indispensable pour assurer une visibilité concernant les priorités de cette politique. À défaut, les hiérarchisations sont gommées : l'évaluation conduite par l'Agence de l'eau Adour-Garonne sur sa politique d'aménagement de rivière le met clairement en évidence.
3.3.1.4. Une organisation territoriale des services de l'État en profonde restructuration
L'État, au niveau local, est représenté par les Préfets, les services déconcentrés (DDT-M et DREAL, voire DDPP) et les établissements publics de l'État (ONEMA, Agences de l'eau) qui ont des délégations territoriales. Au plan local, il est permis de s'interroger sur les capacités de l'État d'exercer pleinement ses différentes fonctions : · l'État stratège qui définit les grandes orientations et distribue ses moyens en fonction de ces lignes directrices ; · l'État facilitateur et partenaire qui accompagne les acteurs et notamment les collectivités locales au service des politiques publiques et des projets d'intérêt général ; · l'État garant de l'État de droit et de l'utilité publique : fonctions régaliennes notamment police administrative et judiciaire ; arbitrage dans les conflits d'usages. La situation dans l'exercice de ces fonctions est très contrastée selon les territoires. D'ores et déjà, l'État semble avoir des difficultés à exercer certaines missions comme l'illustre l'exemple de la gestion du Domaine Public Fluvial (voir §3.2.2.3.). La répartition des rôles entre les services et les établissements publics de l'État est en théorie claire : la DREAL pilote la mise en oeuvre des politiques publiques et anime les services départementaux et les établissements publics au niveau régional ; la DDT, sous l'autorité du Préfet, exerce la police essentiellement administrative et l'accompagnement des acteurs ; l'ONEMA met en oeuvre la police judiciaire et contribue à l'acquisition des connaissances de terrain ; l'Agence de l'eau intervient notamment au plan de l'incitation. Dans les faits, l'imbrication des compétences est beaucoup plus forte que cette description ne le laisse apparaître. Ainsi, par exemple, depuis l'arrêt de l'ingénierie publique, les
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compétences techniques au niveau départemental ont fortement diminué, créant une attente vis-à-vis des établissements publics et notamment des représentants des Agences de l'eau pour accompagner les collectivités dans le montage de leur projet. Par ailleurs, les pratiques n'ont pas encore toujours suffisamment évolué pour tirer toutes les conséquences de la rationalisation nécessaire de la représentation de l'État. Ainsi, certains témoignages font état de la multiplicité des agents parlant au nom de l'État ou de ses établissements publics, voire de dissensions au niveau local entre les représentants de l'État à divers niveaux et des services de l'État avec des représentants d'établissements publics. Un groupe de travail impulsé par la DEB et rassemblant des représentants des différents niveaux déconcentrés et des établissements publics a proposé en 2012 des réponses sous forme de fonctionnement par projet avec désignation de chef de file et des points réguliers au sein de la MISEN. Il n'apparaît en effet ni souhaitable ni possible d'imposer à chaque échelon régional la même organisation, l'histoire, les compétences disponibles et l'implication des différents acteurs variant d'un territoire à l'autre. Et il serait inefficace de détruire les mécanismes de concertation et d'organisation du travail existants. Il convient donc à la fois de définir le cadre pour améliorer la coordination de l'action des services de l'État et de maintenir la souplesse nécessaire à la prise en compte des paradigmes locaux. La solution pragmatique envisagée par ce groupe de travail n'a pas encore été concrètement mise en oeuvre . Elle semble poser des questions : transfert de responsabilité, confiance dans le fait que les objectifs poursuivis par les différentes structures sont bien les mêmes, capacité à identifier des personnes capables d'être reconnues en tant que leaders... Pour autant, elle est préconisée pour l'élaboration des PAOT et le fonctionnement des MISEN. Cette question révèle aussi de la difficulté à créer une culture technique commune au sein des services. Une certaine démobilisation et un sentiment d'inefficacité des agents des services de l'État, parfois perceptibles, peuvent aussi être induits par le manque de priorisation qui amène à un sentiment de dispersion : par exemple, selon les DDT, les objectifs territoriaux d'atteinte du bon état DCE ont été perdus de vue au profit d'objectifs Grenelle comme le PARCE ou les aires d'alimentation de captages. Une vraie difficulté est celle d'adopter des démarches stratégiques et de faire des choix dans un quotidien soumis à de multiples sollicitations extérieures non prévisibles, d'ordre technique ou politique. La réalité de la déconcentration de la mise en oeuvre de la politique de l'eau au profit d'enjeux territoriaux prioritaires, mais restant compatibles avec les objectifs communautaires, est ainsi questionnée. En lien avec cette exigence accrue d'adaptabilité se pose la question des compétences des agents et de la structure hiérarchique des services. La question des compétences est correctement prise en charge au plan technique, via la formation continue67 et la .formation initiale68. En matière de recrutement, les compétences sensibles peuvent être pourvues avec des concours sur titre ou des contractuels (experts : hydrobiologistes, hydrogéologues, naturalistes). Mais les conditions de recrutement des agents au sein des services de police de l'eau étant soumises à des règles administratives diverses (plafond d'emploi, compteurs ministériels), l'adéquation des compétences aux profils des postes peut poser problème.
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La DEB pilote un plan stratégique de formation des agents et TOUS les agents de DDT-M en charge de la politique de l'eau bénéficient d'une formation « prise de poste » de deux semaines a minima. 68 Les programmes des écoles (agriculture, environnement) ont été adaptés pour intégrer les enjeux de la politique de l'eau. 86/131
.........................3.3.2. Une gouvernance de bassin performante pour la planification mais perfectible en termes de pilotage de la mise en oeuvre (connaissance, concertation, évaluation)
3.3.2.1. L'État et ses établissements publics
a) Le préfet coordonnateur de bassin En dehors des fonctions de planification et de programmation 69 , le préfet coordonnateur de bassin n'a pas de pouvoir de décisions opérationnelles, celles-ci étant du ressort des préfets de départements, qui délivrent les autorisations administratives dans le domaine de l'eau et en contrôlent l'application (police administrative). Il n'a pas en tant que tel de pouvoir d'évocation. Le Préfet coordonnateur de bassin préside la Commission administrative de bassin, qui réunit notamment tous les préfets de départements du bassin et examine notamment les projets de SDAGE. Cette CAB a une vigueur inégale selon les Bassins. Dans les bassins dotés d'un BOP de bassin (voir § ci-dessous), la CAB se prononce aussi sur le BOP de bassin. Le Préfet coordonnateur de bassin s'appuie sur le DREAL de bassin, délégué de bassin, et assure conjointement avec le directeur de l'agence de l'eau l'animation du secrétariat technique de bassin. Ce mode de fonctionnement semble efficace dans les différents bassins. Cette mission d'animation et de coordination des services locaux est essentielle à la cohérence et à la pertinence de la mise en oeuvre de la politique, qui se déploie d'abord à une échelle qui n'est pas une échelle administrative classique. La question de dépasser ces fonctions d'animation et de coordination pour aller vers des fonctions de pilotage avec de vrais pouvoirs peut se poser. Sur le littoral, territoire sur lequel il faut coordonner la mise en oeuvre de la DCE et de la DCSMM, le Préfet coordonnateur de bassin doit se coordonner avec les préfets compétents pour la DCSMM (préfet maritime et préfet de façade). Cette organisation complexe laisse craindre des dysfonctionnements. b) L'articulation entre les services déconcentrés de l'État des niveaux du bassin, des régions et des départements. L'articulation entre les niveaux des services de l'État s'exerce de façon différente selon les territoires : le niveau régional (DREAL), dernier niveau ministériel en charge de la mise en oeuvre des politiques publiques, est à l'interface entre le niveau départemental (DDT-M essentiellement), qui exerce les fonctions opérationnelles, et le niveau de Bassin (DREAL de bassin). En théorie, le niveau de Bassin anime et coordonne les niveaux régionaux qui eux-mêmes pilotent et animent le niveau départemental. L'exercice du pilotage technique entre le niveau régional et le niveau départemental semble plus ou moins efficace selon la taille des régions (le mode fonctionnement avec 2 départements est différent de celui d'une région à 8 départements), les pratiques des services, l'histoire 70, malgré une organisation qui favorise ce nouveau mode de fonctionnement des services. La DREAL participe aux MISEN ; le DREAL est RBOP pour les programmes concernant l'eau (PEB et PR), à l'exception des BOP de bassin évoqués plus loin, et à ce titre, a la responsabilité de la programmation des moyens financiers ; en tant que responsable de l'attribution des moyens humains sur la zone de gouvernance, il exerce aussi des responsabilités fortes sur
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S'il existe un BOP de bassin, ce qui n'est pas le cas dans tous les bassins ; de plus, mis à part pour le BOP PLGN, les BOP de bassin ne concernent que les inondations. 70 D'après l'audition de certains services déconcentrés. 87/131
l'attribution des moyens humains, même si l'exercice est encadré par le niveau national grâce au BBZ. Le dialogue de gestion est l'occasion d'ouvrir un dialogue stratégique avec les unités opérationnelles sur le bilan de l'année en cours et sur les perspectives de l'année future. Enfin, la feuille de route des services déconcentrés, tant celle de la DEB que celle de la DGPR, demande au niveau régional de veiller avec le niveau départemental à l'établissement de priorités territoriales, déclinant les priorités nationales en fonction des enjeux et du contexte local. L'articulation entre les DREAL de régions et la (les) DREAL de bassins est plus compliquée. En effet, selon la géographie, une région peut appartenir à un, deux voire trois bassins. Le cas de la Bretagne ou de la Franche-Comté, incluses dans un seul Bassin, est très différent de celui de la Bourgogne, qui voit le territoire régional partagé en trois tiers entre trois Bassins qui n'ont pas les mêmes enjeux à l'échelle du bassin (Loire-Bretagne, Seine-Normandie et Rhône-Méditerranée). Une DREAL à cheval sur plusieurs bassins (voire une DDT, comme la Côte d'Or) exerce son rôle d'interface avec plus de difficultés : elle doit élaborer des synthèses et assimiler des règles et des approches qui peuvent différer assez sensiblement d'un Bassin à l'autre. La géographie des bassins peut aussi influer : un bassin de plaine, très homogène, se prête mieux à l'exercice d'un PAOT départemental, qu'un territoire montagneux, pour lequel la concertation à l'échelle du bassin, éventuellement à une échelle interdépartementale semble nécessaire. De plus, l'architecture des BOP dans le domaine de l'eau est différente d'un bassin à l'autre : il existe dans certains Bassins des BOP de bassin 71 avec des géométries variables (Rhône-Méditerranée, SeineNormandie, Rhin-Meuse, plan Loire). Dans ce cas, c'est la DREAL de bassin (ou le Préfet de bassin) qui est responsable de BOP : elle s'appuie sur les DREAL de régions pour la programmation et le dialogue avec les services départementaux, mais la décision budgétaire revient au niveau du Bassin. Cette situation hétérogène au niveau national n'est pas très lisible. Enfin, selon la taille des bassins, le niveau régional a un rôle d'interface plus ou moins prononcé : dans les bassins de petite taille comme Rhin-Meuse, des habitudes de proximité avec le niveau départemental ont pu perdurer, ce qui est très difficile avec des bassins de très grande taille.
3.3.2.2. Les comités de bassin
Le rôle des Comités de Bassin est essentiel en termes de planification et de définition de l'ambition financière de la mutualisation interne au bassin. Pour être efficaces, les Comités de Bassins doivent être vécus comme légitimes et représentatifs. Le centre de gravité des préoccupations des Comités de Bassin a évolué au cours du temps : au départ, la préoccupation était la réduction des pollutions ponctuelles, industrielles et collectives. Avec la loi de 1992, il leur a été confié une responsabilité de planification avec l'élaboration des SDAGE. Aujourd'hui, les Comités de Bassin sont moteurs en matière de mise en oeuvre de la DCE. Leur composition doit refléter l'évolution de ces responsabilités. Des questions se posent : les CB doivent-ils être représentatifs de ceux qui payent (les redevables), de ceux qui bénéficient des aides des agences de l'eau, des bénéficiaires finaux (par exemple, les utilisateurs de la ressource en eau ou des milieux aquatiques) ? Et dans quelle proportion, pour permettre une mise en oeuvre efficace et donc assumée par tous les acteurs ? Les critiques entendues portent sur la composition des Comités de Bassin et sur le mode de nomination, la question de la désignation pouvant faire débat (une désignation est ressentie comme moins légitime qu'une élection). Concernant la composition, certains souhaitent des ajustements limités, comme la séparation du deuxième collège en deux collèges de 20 % l'un représentant les usagers de l'eau, l'autre la société civile (les ONG et défenseurs des milieux aquatiques...). D'autres souhaiteraient une modification plus importante, donnant la majorité aux élus, solution contestée par de nombreux acteurs, dont des élus, qui attirent l'attention sur le fait que l'intérêt de la composition actuelle des CB est que la discussion en cas de conflits est nécessaire, aucun collège n'étant majoritaire à lui seul, et que ceci permet de construire des consensus ou des compromis. Les membres des trois collèges visés ci-dessus représentant un sous-bassin peuvent se constituer en
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La volonté de créer des BOP de bassin correspondait à la volonté d'affirmer le niveau de bassin comme niveau de pilotage de la politique de l'eau pour l'État. 88/131
commission territoriale. Elle a pour mission de proposer au comité de bassin les priorités d'actions nécessaires à ce sous-bassin et de veiller à l'application de ces propositions. Certains trouvent que les commissions territoriales sont peu efficaces et souhaitent une plus grande importance aux instances de concertation élargies, forums de bassin. Dans certains bassins, en revanche, cet échelon de commission territoriale semble avoir été mobilisé pour élaborer des documents de planification opérationnelle.
3.3.2.3. Les offices de l'eau.
Outre-mer, il y semble y avoir une ambiguïté entre le rôle de la DEAL, secrétaire du CB et l'OE ; cette ambiguïté est en passe d'être levée par la passation de conventions entre État et OE qui précisent le rôle de chacun (exemple Martinique).:
.........................3.3.3. Une organisation nationale insuffisamment coordonnée
3.3.3.1. Des relations contrastées avec la Commission européenne
Aujourd'hui la France consacre la majeure partie de son expertise et de ses efforts humains et financiers dans le domaine de la politique de l'eau, à la mise en oeuvre de la directive cadre sur l'eau afin d'atteindre le bon état écologique des eaux à des niveaux croissants en 2015, 2021, 2027. L'ensemble des directives sectorielles (ERU, nitrates, eau potable,..) sont des mesures de bases de la DCE c'est-à-dire des conditions nécessaires, mais pas toujours suffisantes pour l'atteinte du bon état. L'effort doit être poursuivi et intensifié pour la mise en oeuvre de ces directives, dont certaines font l'objet de contentieux. Par ailleurs, des réflexions ont été entreprises pour améliorer le savoir-faire français en matière de travail avec l'Union Européenne ; Un séminaire organisé à l'automne 2012 sur la mise en oeuvre des politiques communautaires dans le domaine de l'eau, en présence de parlementaires européens a permis de tracer des voies de progrès. Enfin, la Commission Européenne reconnaît officiellement, notamment dans le Blueprint sur la mise en oeuvre de la législation européenne dans le domaine de l'eau, des atouts forts à la France. Contentieux : La France toujours sous surveillance, même si la situation s'est beaucoup améliorée En matière contentieuse, la situation s'est beaucoup améliorée : dans le domaine de l'eau, il n'y a plus de directive en retard de transposition, les contentieux pour défaut de mise en oeuvre, qui étaient très préoccupants au milieu des années 2000, se sont très nettement améliorés. À noter qu'il n'existe pas en France de mécanisme d'action récursoire par lequel l'État pourrait se retourner vers les collectivités territoriales pour le paiement des sommes forfaitaires (qui ont un rôle répressif) et des astreintes (fonction dissuasive). En France, l'État est mis à contribution pour le manquement d'une collectivité territoriale, conformément au traité de l'UE. Procédures contentieuses en cours : · la directive "nitrates" (directive 91/676/CEE du 12 décembre 1991 relative aux pollutions par les nitrates d'origine agricole) : pour la désignation des zones vulnérables (condamnation de la CJUE le 13 juin 2013 pour insuffisance de désignation) ; pour les programmes d'actions (en attente de la date d'audience de plaidoirie). La Commission a rappelé, lors de l'audition du 13 mai 2013 que la directive nitrates est une mesure de base obligatoire de la DCE (annexe VI, partie A). Cette substance peut être responsable de la non-atteinte du bon état. Concernant les algues vertes, une demande d'information de la Commission a été adressée en août 2011, réponse de la France le 20 octobre 2011. · La directive "eaux résiduaires urbaines" (directive 91/271 du 21 mai 1991):
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Non-respect de l'échéance 31/12/1998 : Les efforts ont abouti au classement de la procédure le 24 janvier 2013, tous les travaux étant terminés. Non-respect de l'échéance 31/12/2000 : contentieux en cours au titre de l'article 258 ; jugement attendu fin 2013/début 2014, au moment où les derniers travaux seront terminés (Cayenne, St-Denis, St-Claude-Basse-Terre, Bastia et Ajaccio) Non-respect de l'échéance du 31/12/2005 : il reste au 1er janvier 2013 une quarantaine de stations dont les travaux ne sont toujours pas terminés et pour 20 d'entre elles les travaux n'ont toujours pas démarré; il sera difficile de respecter l'objectif de fin des travaux à la fin 2013; un avis motivé devrait arriver prochainement.
Concernant la directive cadre sur l'eau aujourd'hui plus de 10 États font l'objet de procédures contentieuses ou pré-contentieuses mais pas la France. Le 5 septembre 2011, la France a rejoint le dispositif EU pilot, procédure informelle préalable au précontentieux, par voie électronique, qui permet à la Commission de demander sous dix semaines des explications sur des manquements potentiels (essentiellement sur des dossiers locaux) avant ouverture éventuelle d'un pré-contentieux : quelques dossiers concernent la DCE et la directive fille "eaux souterraines". Il est important de répondre dans les deux mois à ces EU Pilot pour clôturer les procédures potentielles très en amont. De même, la Commission apprécie une intervention à bon niveau le plus en amont possible. Un des risques de contentieux souvent oublié porte sur l'objectif de non dégradation des masses d'eau. La procédure d'autorisation loi sur l'eau doit permettre de le prendre en compte à travers la justification de la compatibilité avec le SDAGE. L'instruction adéquate des dossiers loi sur l'eau doit nous éviter les contentieux qui sont potentiellement de plus en plus nombreux : la procédure EU pilot est très aisée à déclencher pour une association environnementale. La plupart des procédure EU Pilot relatives à la DCE porte la dessus Un savoir-faire français en cours d'amélioration La position française auprès de la Commission Européenne est perfectible, pour influer le plus en amont possible sur l'élaboration des directives, les méthodologies de mise en oeuvre et d'évaluation, les procédures contentieuses et pré-contentieuses. Le droit communautaire étant d'inspiration anglo-saxonne, il conviendrait de s'inspirer des méthodes anglosaxonnes : les méthodes françaises traditionnelles, assez éloignées du lobbying, entraînent peu d'implication à l'amont. La France ne participe pas assez aux débats européens. Préparer quelques amendements ne suffit pas lorsqu'un texte a déjà fait l'objet de longs travaux et que les orientations stratégiques sont déjà arrêtées. À noter aussi un déficit de bureaux d'études capables de répondre aux appels d'offres de la Commission et de les remporter pour faire les études d'impact des textes ou du benchmark. Un point soulevé aussi par certains acteurs et notamment des parlementaires 72 est celui de l'insuffisante appropriation des réglementations européennes par les pays membres, qui s'explique notamment par une association insuffisante des acteurs de terrain aux débats sur les directives : ces acteurs, qui sont ensuite chargés de la mise en oeuvre, vivent les directives non comme des facteurs de progrès, mais comme des contraintes juridiques. Une fois les directives adoptées, la France a parfois des difficultés à effectuer la transposition de façon complète mais sans réinterpréter la directive : les deux écueils existent.
72
Cf. interventions de Fabienne Keller et de Michel Dantin à la rencontre nationale du 10 octobre 2012 : "pour une bonne application du droit européen dans le domaine de l'eau". 90/131
Ensuite, la France applique les textes avec bonne volonté, mais parfois maladroitement. La distinction entre une ambition politique, qui vise à mobiliser en interne et peut donc minimiser les difficultés, et des engagements fermes pris vis-à-vis de l'Union Européenne n'apparaît pas toujours (voir le § sur la pertinence des objectifs). De même, la nécessité de respecter les formes (délais, justifications) vis-à-vis des demandes de la Commission n'a pas toujours été perçue à sa juste mesure, ce qui a pu entraîner des contentieux. La Commission reproche par exemple à la France au titre du blueprint (sur la partie analyse des plans de gestion) de ne pas justifier suffisamment ses demandes de dérogations d'objectifs, alors que la France s'est fixée un saut qualitatif plutôt ambitieux concernant les objectifs de qualité écologique des eaux à l'horizon 2015. Dans les années 80, 90 et le début des années 2000 la France n'était pas considérée comme un « bon élève » dans la mise en oeuvre des directives (ERU, baignade, nitrates,... ). Nous avions de nombreuses procédures de contentieux tant sur la transposition, le rapportage, que sur la mise en oeuvre. Au début des années 2000, la France, s'est fortement investie pour rattraper son retard au niveau européen dans le secteur de l'eau. Elle l'a fait via diverses actions : · en renforçant sa présence à Bruxelles, la France a depuis le début des années 2000 placé des experts nationaux au sein de l'unité eau de la DG environnement, ce qui facilite et les contacts avec la Commission et permet de mieux comprendre quelles sont les sources potentielles d'amélioration ; · en améliorant la transposition des directives, des efforts ont été fait par les services juridiques pour améliorer la transposition des textes européens ; · en améliorant le rapportage, le ministère, les agences de l'eau, l'ONEMA, les services déconcentrés qui fournissent ont amélioré la qualité des données fournies à la Commission ; · le ministère a consacré une personne à plein temps a la résolution des contentieux sur la directive ERU. Aujourd'hui même si il subsiste quelques cas, la France est plutôt citée en exemple, à l'exception notable de la directive nitrates, (communication sur la situation des agglomérations visà-vis la DERU par exemple). La Commission Européenne reconnaît officiellement, notamment dans le Blueprint sur la mise en oeuvre de la législation européenne dans le domaine de l'eau, des atouts forts à la France : la gestion par bassins versant, la récupération des coûts, la participation du public sont mis en avant.
3.3.3.2. L'administration centrale
a) L'articulation des DG. La séparation de la politique de l'eau entre la DEB et la DGPR a été critiquée par le Conseil d'État dans son rapport sur "l'eau et son droit". De fait, le choix de rattacher la prévention des inondations à la DGPR résulte d'une volonté de traiter d'abord l'inondation comme un risque, c'est-à-dire, la juxtaposition d'un phénomène potentiellement dangereux et d'enjeux plus ou moins vulnérables, et non pas comme un problème de fonctionnement des milieux aquatiques : cette vision semble confortée par la directive européenne sur l'évaluation et la gestion des risques d'inondation ce qui ne dispense pas les deux directions d'administration centrale de se concerter pour permettre une bonne articulation des politiques : le décret d'organisation de l'administration centrale du MEDDE est rédigé dans ce sens. b) L'exercice du pilotage par la DEB 1) élaboration et évaluation de la politique nationale Le rapport de l'Inspection générale des finances (IGF) sur « l'État et ses opérateurs » analysait la situation particulière du domaine de l'eau. « La volonté d'associer les acteurs locaux aux décisions et à la mise en oeuvre des politiques de l'État en matière d'eau et de biodiversité a été renforcée dans le cadre du Grenelle de l'environnement : la politique de l'eau est caractérisée par un ancrage territorial important et la volonté de l'État d'associer l'ensemble
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des parties prenantes à la politique publique. En effet, il est nécessaire d'obtenir l'adhésion des différents acteurs et usagers et leur mobilisation pour le financement et l'accomplissement de certaines missions. De plus, la répartition de la ressource peut être conflictuelle : il est donc nécessaire de résoudre des oppositions locales. Ceci explique que l'État se retrouve minoritaire au sein des CA des agences de l'eau, avec 1/3 d'administrateurs. Ceci explique aussi le besoin de nombreuses instances de concertation, aussi bien au niveau national que local, au sein desquelles l'État et ses EP ont parfois du mal à imposer leurs orientations stratégiques. Cette gouvernance spécifique contraint donc l'exercice de tutelle et de pilotage stratégique de l'État : cette gouvernance interdit à la tutelle de s'inscrire uniquement dans une logique descendante : l'État doit s'inscrire dans une logique de négociation avec les parties prenantes et les acteurs locaux : définition de la stratégie en matière de politique de l'eau, dans le cadre de la définition des SDAGE (élaborés par les CB) et des programmations pluriannuelles des AE. L'État réalise donc un travail d'influence dans le cadre des obligations communautaires et des orientations nationales via l'envoi de lettres de cadrage et d'analyse du Ministre aux présidents de CB), ou la mise en place de démarches locales de négociation par les Préfets et les DREAL de bassin ». L'élaboration de la politique nationale, qui est fortement encadrée par les textes européens, doit être négociée avec les parties prenantes. Ceci représente une charge de travail importante, sur des sujets très techniques, qui demandent un pilotage très fort de la politique par la DEB. Concernant la mise en oeuvre de la DCE, l'organisation actuelle interroge : il existe un référent DCE, adjoint à un chef de bureau, très compétent, mais qui n'a pas un statut de chef de projet ensemblier ayant autorité sur l'ensemble des sujets techniques traités par quatre sous-directions et dont les moyens d'actions interrogent, l'essentiel des ressources étant dans les établissements publics. 2) pilotage et animation des services déconcentrés La DEB élabore régulièrement une instruction ministérielle adressée aux préfets leur adressant les priorités nationales et leur demandant une déclinaison de cette politique à l'échelon local, en fonction des enjeux territoriaux. Cette pratique est utile et appréciée, même si certains estiment que le nombre de priorités est trop important et regrettent que des circulaires intermédiaires perturbent parfois l'ordre des priorités. 3) coordination interministérielle (MIE) Des marges de progrès semblent possibles : entre ministères, la mission interministérielle de l'eau est vue comme un lieu purement administratif, d'examen des textes, mais ne se saisit pas des questions plus stratégiques de l'articulation entre les politiques, par exemple :comment la renégociation de la PAC prendelle en compte les effets sur la politique de l'eau ... N'y a-t-il pas là un champ de réflexion, au-delà des réunions d'arbitrages interministérielles, pour avoir une instance de réflexion stratégique au niveau des directeurs ? 4) tutelle des établissements publics La tutelle est encadrée par des textes et des pratiques administratives : contrats de performance systématiques, rapport annuel de performance analysé par la DEB dans le cadre d'une réunion annuelle stratégique organisée à la fin du premier trimestre de l'année N+1 ; généralisation de l'envoi de lettres de missions à chacun des directeurs ; part variable de performance mise en place pour les directeurs d'opérateurs. Quelques critiques ont pu être émises sur un nombre important d'objectifs et d'indicateurs qui nuit à la hiérarchisation des tâches et au caractère stratégique de ces documents. De même, les établissements se voient périodiquement confier des missions supplémentaires, pour des raisons de pénurie budgétaire plus que d'efficacité recherchée dans l'action, sans qu'une réflexion approfondie sur la manière de les intégrer à leurs missions ne soit conduite, ni sans toujours s'assurer de la disponibilité des moyens humains pour les assumer.
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c) Des incertitudes sur le devenir de l'ONEMA La gestion de l'ONEMA a fait l'objet d'une insertion dans le dernier rapport public de la Cour des comptes de février 2012. Après avoir reconnu les difficultés rencontrées par ce jeune établissement public, confronté à la nécessité de répondre dans les délais au rapportage de la directive cadre sur l'eau, et soumis à des demandes croissantes de la tutelle, sans que les moyens humains n'aient été mis en place (la Cour rappelle notamment la question de l'absence de statut adapté des contractuels de l'ONEMA pour les fonctions d'encadrement scientifique et technique), les critiques ont porté sur de nombreuses défaillances et irrégularités dans la gestion administrative et financière de l'établissement, qui font l'objet d'une saisine de la Cour de discipline budgétaire et financière (ce qui n'est pas l'objet de l'évaluation) mais aussi sur un doute quant à l' atteinte des objectifs de l'établissement. La Cour critique notamment la mise en oeuvre du système d'information sur l'eau (SIE) qu'elle estime défaillante (retards dans les projets informatiques du fait du manque de moyens et de compétences, absence de hiérarchisation) dans un contexte organisationnel complexe, et renvoie son appréciation définitive au bilan à mi-parcours des programmes de mesures; la Cour estime que la police de l'eau est mal coordonnée avec les services de l'État et insuffisante en termes de pressions, la tutelle en réponse contestant ces critiques ; enfin, la Cour conteste l'appui aux politiques de l'eau et de l'assainissement au titre de la solidarité inter-bassins (Corse et Outre-Mer), critique qui tombe en partie avec la clarification apportée par la loi de finances pour 2012 qui a conforté le rôle de l'ONEMA dans le dispositif. Le nouveau contrat d'objectifs de l'ONEMA pour 2013-2018 approuvé par son Conseil d'Administration répond aux différentes critiques de la Cour en matière de hiérarchisation des projets et de gestion administrative et financière. Le problème des statuts des personnels reste lui entier ; il conduit à fragiliser cet établissement qui perd petit à petit son personnel le plus qualifié et ses compétences. L'inertie des pouvoirs publics à résoudre cette question lancinante depuis des années trouve sa source notamment dans des désaccords interministériels (MEDDE, DB), un contrôle financier tatillon exercé en opportunité et non en droit et des arbitrages incomplets sur l'évolution de la situation des contractuels dans la fonction publique. Enfin, le projet de création de l'agence française de la biodiversité envisage d'englober l'ONEMA au sein de cette future Agence, qui pourrait être créée en application de la future loi-cadre sur la biodiversité d'ici 2015. Compte-tenu du rôle majeur de l'ONEMA pour la mutualisation des connaissances, des expertises et des données sur l'eau, qui vont bien au-delà de la seule biodiversité, il faudra veiller à ce que les missions spécifiques à l'eau ne souffrent pas d'une telle réorganisation. d) La mutualisation entre les agences de l'eau en progrès mais encore perfectible Les agences de l'eau et l'ONEMA se sont engagés dans le cadre de la révision générale des politiques publiques à mutualiser une partie de leurs moyens. Ceci s'est traduit notamment par : · le lancement de la création de banques de données nationales pour le système d'information sur l'eau ; · la centralisation de la perception des redevances dont les taux sont définis au niveau national : redevances élevage, pollutions diffuses, protection des milieux aquatiques ; · la mise en commun d'actions structurantes en matière de communication (cf. le baromètre de l'opinion des Français, créé en 2011, (voir § 3.3.1.1.) ; · le partage d'activités liées aux fonctions support, avec notamment la mutualisation des achats ; · le déploiement d'outils partagés en matière de gestion des ressources humaines (cf. bourse de l'emploi inter-établissements) ; · la mutualisation des systèmes d'information: gestion des redevances, télé services, comptabilité, ressources humaines. L'élaboration d'un cadre de cohérence commun des systèmes d'information doit permettre la mise en oeuvre de leur interopérabilité. Les mutualisations engagées devraient permettre d'obtenir des gains d'effectifs dans les domaines concernés, et un redéploiement en interne des effectifs, notamment des fonctions support vers les fonctions territoriales. Elles ont permis également un renforcement de la coopération entre les agences de l'eau et
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avec l'ONEMA. Elles donneront pleinement leurs résultats à moyen terme. Cependant, dans de nombreux domaines, une mutualisation plus poussée semblerait souhaitable : force est de constater que le rôle de « 7ème agence » que certains imaginaient voir jouer à l'ONEMA n'a pas pu aboutir, l'ONEMA n'étant pas et ne pouvant pas être une représentation nationale des agences de l'eau.
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.........................3.4. Face à une problématique très complexe, des progrès nécessaires pour parfaire, mobiliser et diffuser les connaissances au service de l'action
La conception, la mise en oeuvre et l'évaluation d'une politique aussi complexe que celle de l'eau nécessitent de pouvoir s'appuyer d'une part sur des connaissances issues de la recherche scientifique et, d'autre part, sur des données pertinentes, fiables et facilement accessibles.
.........................3.4.1. Une recherche et développement de bon niveau mais encore trop faible dans certains secteurs73
3.4.1.1. Les effectifs et la mise en réseau
Selon l'état des lieux dressé par l'ONEMA et l'Office International de l'Eau à partir du développement de la base CARTEAU, on compte au niveau national près de 5 260 ETP (équivalents temps plein) dans la recherche publique et privée sur l'eau. Environ 75 % des effectifs sont dans le secteur public (4 015 ETP dont 2 800 chercheurs et enseignantschercheurs répartis dans 193 unités de recherche pour la plupart développées en partenariat entre organismes et universités). Près de la moitié des effectifs est répartie dans six établissements publics de recherche (CNRS, IRSTEA, IRD, BRGM, INRA, IFREMER), et l'autre moitié distribuée de façon très inégale dans les universités. Les 2/3 des effectifs du secteur public se situent en Île-de-France, LanguedocRoussillon, Midi-Pyrénées et Rhône-Alpes. L'outre-mer représente environ 1% de la totalité des effectifs. La recherche dans le secteur privé représente environ 1 240 ETP répartis dans 56 unités de recherche, pour l'essentiel situé en Île-de-France. La mise en réseau (régionale ou thématique) des chercheurs et des unités de recherche se fait à travers la mise en place de structures collectives telles que Groupement d'Intérêt Scientifique (GIS), Groupement de Recherche (GDR) , Institut Fédératif de Recherche (IFR) ; Observatoire des Sciences de l'Univers ( OSU) ; Observatoire Régional de l'Environnement (ORE) ; Pôle de compétitivité ; cluster notamment.
3.4.1.2. Les financements
En dehors du financement de base assuré par le ministère de la recherche, les sources de financement sont diversifiées : · les équipes françaises reçoivent en moyenne 10 % des financements des projets retenus sur le programme cadre de recherche de l'Union européenne (PCRD). Le montant annuel est environ de 10 M pour les projets eau (pour le PCRD, les programmes LIFE et INTERREG) ; · l'Agence Nationale de la Recherche (ANR) n'a pas de programme spécifique dédié à l'eau, mais différents programmes thématiques permettent de soumettre des projets sur l'eau. Ces derniers représentent un financement annuel de l'ordre de 10 à 12 M ; · le ministère chargé de l'environnement a lancé sur la décennie précédente de nombreux programmes thématiques abordant l'eau (eaux et territoires, écotoxicologie, zones humides, risques liés aux pesticides, aux perturbateurs endocriniens, aux inondations, écosystèmes tropicaux,
73
A-P Mettoux-Petchimoutou (2012) Eaux et milieux aquatiques : panorama des acteurs de Recherche et Développement, Synthèse CARTEAU 2012, ONEMA-OIE, 28 p. AQUAE, Recherche et formation : deux atouts au service de la compétitivité des entreprises de l'eau, n°56, FP2E, 4 p. 95/131
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biodiversité et changement global, invasions biologiques, etc.) qui apportaient un montant de crédits incitatifs à la R&D sur l'eau de l'ordre de 2 M par an mais cette ressource se tarit ; l'ONEMA a dorénavant pris le relais du ministère pour financer les actions de recherchedéveloppement. En partenariat avec les agences de l'eau, il soutient le transfert et la valorisation des résultats issus des programmes de recherche, le développement d'outils et de méthodes opérationnelles vers les utilisateurs et vers les porteurs d'enjeux. Les Agences de l'eau interviennent également de leur côté en ciblant des thématiques de recherche en lien avec des questionnements spécifiques ancrés dans les enjeux territoriaux de leur bassin (PIREN Seine, Seine-aval, Plan Loire Grandeur Nature par exemple). Le montant des moyens apportés par l'ONEMA et les agences de l'eau est de l'ordre de 15 M par an ; les collectivités interviennent également et la moitié des contrats de projet État-région de métropole incluent des actions de R&D dans le domaine de l'eau. Des « clusters » de recherche publique et privée sur l'eau se sont ainsi développés en Rhône-Alpes, région Centre, Lorraine et Languedoc Roussillon. Ils sont à l'origine des trois pôles de compétitivité sur l'eau labellisés en 2010 (Eau à Montpellier, HYDREOS en Alsace-Lorraine et DREAM à Orléans). Leur action s'inscrit dans les priorités fixées par le groupe eau du Comité stratégique des éco-industries (COSEI) qui est l'un des comités de filière du Conseil national de l'industrie. les entreprises de l'eau investiraient par ailleurs 126 M par an dans la recherche et développement74 en particulier pour développer de nouvelles technologies pour la gestion de l'eau et la protection des milieux ; pilotage des usines en temps réel, recherche de fuites, traitement des boues, gestion patrimoniale, surveillance des eaux de baignade...
3.4.1.3. Une recherche de bon niveau, pluri-acteurs, où l'ONEMA joue de plus en plus un rôle d'orientation et de coordination
Globalement la recherche française sur l'eau est d'un bon niveau. La France est présente et souvent fortement impliquée dans les initiatives communautaires structurantes : plate-forme technologique sur l'eau et l'assainissement (avec la présence affirmée des grandes entreprises françaises), initiative communautaire d'interface entre la science et la politique de l'eau (coordonnée par l'ONEMA conjointement avec la direction générale de la recherche de la Commission), initiative de programmation conjointe sur l'eau (présence de l'ANR, de l'ONEMA et de l'alliance ALLENVI), partenariat européen sur l'innovation dans le secteur de l'eau. Au plan national, l'ONEMA joue un rôle d'orientation et de coordination de la recherche finalisée conformément à la mission qui lui a été confiée par la loi de 2006, en relation étroite avec les ministères, les établissements publics et les parties prenantes. En particulier des partenariats pluriannuels sont conventionnés entre l'ONEMA et les principaux organismes publics de recherche qui apportent leur soutien scientifique et leur capacité d'expertise pour appuyer la mise en oeuvre de la politique de l'eau.
3.4.1.4. Des progrès pour mieux anticiper les besoins des politiques publiques
Il convient cependant de relever, à l'expérience notamment de la DCE, que face à des politiques qui reposent sur des questions scientifiques difficiles (par exemple le concept de « bon état »), le besoin d'expertise a été insuffisamment anticipé dans le passé. La mobilisation organisée de la recherche pour appuyer les politiques publiques a progressé au cours des dernières années notamment avec la création de l'ONEMA et la création de son Conseil Scientifique. Il s'agit d'un enjeu important pour la pertinence et l'efficience de l'action publique, car la mobilisation du dispositif de recherche ne se fait pas spontanément, notamment en raison des contraintes centrifuges que représentent les critères d'évaluation de la recherche ou le repli sur des disciplines matures au détriment de disciplines émergentes (hydromorphologie, écotoxicologie, écologie fonctionnelle, ...). Il faut encore signaler la faiblesse relative de la recherche publique sur la technologie de l'eau qui peut poser des difficultés pour disposer d'une expertise publique suffisante et assurer une présence adaptée au niveau communautaire (normalisation).
74
Enquête BIPE/FP2E auprès des opérateurs en 2010-2011, AQUAE - mai 2013. 96/131
3.4.1.5. Une mobilisation de la recherche variable selon les enjeux scientifiques et techniques
La complexité des enjeux amène un développement inégal des différents domaines de recherche, en particulier face aux besoins d'innovation et d'expertise. a) Les enjeux thématiques prioritaires Les travaux doivent porter en priorité sur les thèmes suivants : · l'impact du changement global et notamment climatique sur l'évolution de la ressource en eau, la compatibilité des régimes hydrologiques perturbés avec la qualité biologique des milieux, l'aide à la décision pour la gestion intégrée de la ressource dans un contexte de rareté accrue, ... · le développement d'approches innovantes pour caractériser et évaluer l'état, le fonctionnement et les services des écosystèmes aquatiques, la mise au point d'indicateurs de fonctionnement des milieux pour évaluer leur restauration et qualifier les services rendus par les écosystèmes, ... · la compréhension des dynamiques sédimentaires et les méthodes de gestion de la continuité sédimentaire, la conception d'outils opérationnels pour l'ingénierie de la restauration de la continuité et des espaces de bon fonctionnement des milieux, ... · les nouvelles méthodes de hiérarchisation et de surveillance des contaminants, la gestion des sédiments contaminés, la réduction et la prévention des pollutions à la source, la prédiction du transfert des contaminants et de leurs impacts, l'anticipation des risques émergents, ... · l'évolution et l'évaluation des techniques en assainissement collectif et en assainissement non collectif, la gestion intégrée des eaux pluviales, le traitement et la valorisation des boues d'épuration, l'ingénierie écologique appliquée à la maîtrise des pollutions urbaines, les performances technologiques et socio-économiques des services d'eau et d'assainissement, ... · la caractérisation des pressions diffuses agricoles et de leurs impacts, les techniques agricoles moins consommatrices en intrants et à impact réduit sur les ressources en eau et les milieux aquatiques, l'ingénierie écologique en appui à la maîtrise des pollutions diffuses et la protection des aires d'alimentation de captage, ... L'ensemble de ces thématiques a fait l'objet de recherches tant fondamentales qu'appliquées au cours de ces dernières années. Néanmoins, plusieurs de ces enjeux souffrent encore d'un manque de connaissance et d'outils susceptibles de contribuer plus directement aux décisions. b) Une implication modeste des sciences humaines et sociales Outre ces enjeux thématiques, les sciences humaines et sociales ont insuffisamment investi le domaine de l'eau alors même qu'elles sont attendues pour améliorer la prise en compte des enjeux liés à l'eau dans certaines politiques sectorielles (agriculture, énergie, ...), pour contribuer à l'évaluation et à l'analyse des dommages environnementaux, de la valeur des services écologiques dans la prise de décision, ou encore dans la conception de nouveaux leviers économiques ou de modèles de gouvernance renforçant à la fois la performance économique, sociale, environnementale et financières de la politiques de l'eau. c) Des besoins spécifiques aux DOM insuffisamment pris en charge Les spécificités des thématiques de recherche sur l'eau dans les espaces tropicaux et équatoriaux français (Guyane, Antilles, Réunion, Mayotte) ont fait l'objet d'une attention particulière notamment à travers le soutien de l'ONEMA. Cependant, peu d'unités de recherche sont mobilisées sur ces thématiques et les partenariats scientifiques internationaux avec certains pays désormais très actifs sur le plan de la recherche (Brésil, frontalier de la Guyane par exemple) n'ont pas suffisamment été développés en lien avec les besoins de connaissances des décideurs de l'eau. d) De la recherche à l'action Les travaux de recherches finalisées portant sur des sujets d'interface entre thématiques et mobilisant plusieurs disciplines ont notamment été initiés sur des sites pilotes, des sites ateliers et des réseaux de démonstration. Globalement la valorisation des résultats de la recherche, la conception d'outils à disposition des gestionnaires, le test de méthodes innovantes et la capitalisation des retours d'expérience restent encore
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trop faibles par manque de partenariats pérennes, même s'il en existe quelques-uns, entre le monde de la recherche académique et les entreprises de l'eau. L'insuffisant effort d'innovation tient pour partie au manque d'orientations définies par le Comité Stratégique de Filières Eco-industries (COSEI) en tenant compte de la mise en place d'un partenariat européen pour l'innovation dans le domaine de l'eau, de la très faible coordination entre les trois pôles de compétitivité et des liens qui restent à conforter avec le dispositif public de recherche lui-même en évolution (fusion d'universités et développement des communautés d'universités qui devraient accroître la visibilité des pôles de recherche dans le domaine de l'eau comme pour l'Université de Lorraine; développement de structures collectives de type observatoires, plate-formes et autre GDR, développement des actions de l'alliance de recherche ALLENVI sur les sciences de l'environnement).
3.4.2. Le système d'information sur l'eau, un dispositif essentiel mais complexe au bilan insuffisant
Le système d'information sur l'eau (SIE) vise à recueillir, conserver et diffuser les données sur les différents types d'eau (souterraines, de surface continentales et côtières), les milieux associés, les usages, les pressions exercées par les activités humaines et leurs incidences. Il inclut des données d'observation et des données élaborées. Le SIE répond à quatre préoccupations majeures : · étayer la décision, c'est-à-dire la politique publique et donc permettre son évaluation ;
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enrichir la connaissance opérationnelle et scientifique des ressources, des milieux, des usages et des pressions ; servir de référence partagée en apportant de la lisibilité pour toutes les parties intéressées, notamment les associations, le public et les professionnels ; permettre le rapportage DCE auprès de la commission européenne dans les meilleures conditions.
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Le SIE est l'un des rares systèmes d'information dédié à une politique publique qui soit formalisé. Le décret n° 2009-1543 du 11 décembre 2009 institue, en application de la loi sur l'eau de 2006, un schéma national des données sur l'eau (SNDE) dont il fixe la structure, le mode d'approbation et la portée. Après avis du CNE, le SNDE a été approuvé par arrêté du 26 juillet 2010. Il fixe les objectifs, le périmètre et les modalités de gouvernance du SIE, décrit ses dispositifs de recueil, de conservation et de diffusion des données, précise les modalités d'élaboration des méthodologies et du référentiel des données, ainsi que les modalités d'échanges entre le SIE et d'autres systèmes d'information (voir annexe 4 : la cartographie du SNDE75). D'un système basé sur le volontariat, on passe à un système qui s'applique de manière obligatoire aux services de l'État et à ses établissements publics, auxquels il assigne des rôles, ainsi qu'à toute entité souhaitant participer de manière volontaire à la constitution du SIE (collectivités, associations,...). Le SIE implique donc un nombre important d'acteurs et de parties prenantes : État, établissements publics, collectivités, prestataires, professionnels, associations...
Historique Les réseaux de surveillance actuels sont basés sur des réseaux historiques dont certains remontent aux années 1950. Dès 1992, la direction de l'eau du ministère en charge de l'écologie avait engagé un programme d'envergure pour rassembler toutes les données sur l'eau et de disposer ainsi d'une vision nationale . Basé sur un protocole à adhésion volontaire, il portait sur un spectre plus restreint de données et visait la pollution domestique et la qualité de l'eau liée
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Auteur Philippe BOIRET, in "Révision de la stratégie de surveillance des eaux en France ", CGEDD, 2013, rapport à paraître.
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aux macro-polluants. Puis en 2003, la direction de l'eau complète cette initiative pour adapter le réseau national de l'eau, le dénommant système d'information de l'eau (SIE) et élargissant le nombre des partenaires. Il s'agit toujours d'un protocole à adhésion volontaire mais qui servira désormais à satisfaire aux besoins de la DCE. Le parlement vote la loi sur l'eau en 2006 et l'ONEMA est créée peu après. La Directive du 16 décembre 2008 établit des normes de qualité environnementale dans le domaine de l'eau et modifie la DCE d'octobre 2000. Elle introduit la mise en place d'un programme de surveillance de l'état des eaux, des procédures d'évaluation de caractère réglementaire pour toutes les catégories d'eau, une caractérisation des pressions d'ordre réglementaire et un rapportage avec .des données structurées et géographiques. Pour y répondre, un arrêté du 25 janvier 2010 établit le schéma national des données sur l'eau (SNDE) et organise le SIE : de portée globale, sa vocation était d'organiser les connaissances liées à la mise en oeuvre de la politique de l'eau. Le SNDE fixe des objectifs, des règles de gouvernance, des orientations fondamentales et définit les responsabilités des autorités publiques. D'un système basé sur le volontariat, on passe à un système obligatoire appuyé par un plan d'action validé par le ministère. L'ONEMA est chargée de la responsabilité de la coordination technique du SIE. La coordination du SIE a été confiée à l'ONEMA par la loi sur l'eau du 30 décembre 2006. Dès sa création mi 2007, l'ONEMA s'est investi dans la mise en place du SIE conformément à son mandat. Il a notamment préparé le schéma national des données sur l'eau (SNDE), défini par décret du 11 décembre 2009 et approuvé par arrêté interministériel du 26 juillet 2010.
En organisant un système initialement très déconcentré et peu coordonné, ce dispositif permet à la France de mieux répondre aux exigences communautaires. Toutefois un certain nombre de critiques relatives au SIE et plus généralement à la qualité des données mises à disposition du public ont été émises et débattues pour partie au sein du CNE. Ces critiques portent sur : · un manque d'exhaustivité des données, une critique sur leur représentativité et à tout le moins un retard dans la mise à disposition de celles-ci ; · une crainte sur la fiabilité et la privatisation de certaines données ; · des difficultés à accéder aux données, du fait de la complexité des systèmes de mise à disposition des données. Cette dernière critique a été émise non seulement par des associations, mais aussi par des services de l'État sur la qualité des eaux (dont des services de police des eaux qui ont pourtant besoin des informations récentes et si possible avec une vision de l'évolution de la qualité pour instruire les dossiers de demande d'autorisations de nouveaux usages en s'assurant du principe de non dégradation de la qualité des masses d'eau). Les questions évaluatives : · quelles sont les étapes de la chaîne de la connaissance ? · qui est responsable pour chaque étape (chef de file) ? · quelles sont les ressources (compétences, financements) ? · quelles garanties sur le résultat (fiabilité et complétude du système qualité) ? · quelle valorisation ? · quelle appropriation par les acteurs (continuent-ils de développer des systèmes propres sur le même objet) ?
La chaîne de la connaissance :
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En amont : les méthodes : quel réseau ? quelles mesures ? quelles fréquences ? quelles extrapolations ? comment mesurer la représentativité des stations, les incertitudes ou le degré de confiance des mesures ? La production des données : de quantité, de qualité (prélèvement, échantillonnage, analyse), par des producteurs qui réalisent ou sous-traitent les mesures ;
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La validation des données : le système qualité : la validation sous la responsabilité des producteurs ; pour les prestations sous-traitées : agrément des sous-traitants, contrôle des prestataires ; contrôle de deuxième niveau sur la qualité de la validation ; La bancarisation : les données sont classées dans des bases de données ; La valorisation : les données brutes sont traitées pour permettre d'en tirer des enseignements ; La diffusion : rendre accessibles les résultats.
3.4.2.1. Le référentiel technique, clé de voûte de la cohérence du SIE
Le référentiel technique du SIE comprend des méthodologies de production (protocoles, prélèvements, analyses, mesures, ...), de traitement (indicateurs, modèles) et de diffusion des données, un référentiel des données et un système de gestion de la qualité. L'ONEMA est responsable de la production de l'ensemble du référentiel technique (à l'exception des méthodes d'hydrométrie qui relèvent du service central d'hydrométéorologie et d'appui à la prévision des inondations76 (SCHAPI)) et il s'appuie pour partie à cet effet sur d'autres organismes qu'il finance (Aquaref77, OIEau, Cofrac, ANSES, ...). Au-delà des textes réglementaires qui prescrivent à un moment donné l'emploi de certaines méthodologies, le référentiel traduit un état de connaissances qui évolue notamment sous l'effet du progrès scientifique. La bonne organisation des processus de décision, à la fois technique et politique, sur l'évolution du référentiel méthodologique contribue à la confiance accordée aux données. Ces améliorations engendrent inévitablement une instabilité et des ruptures de continuité des séries. C'est par exemple le cas pour des indicateurs d'évaluation de la notion de bon état. Enfin pour des masses d'eau non surveillées, on s'appuie par extrapolation sur des indicateurs de pression et un raisonnement par analogie avec un certain niveau de confiance. Cela permet de fournir des données quand il n'existe pas de mesure mais sera toujours sujet à caution, même si cette méthode est explicitement prévue par la DCE.
3.4.2.2. La production des données, un domaine en expansion continue
Le SIE a vocation à rassembler toutes les données produites qui peuvent contribuer à la conception, à la mise en oeuvre ou à l'évaluation de la politique de l'eau. Cet objectif d'efficience globale vise à éviter la production redondante de données semblables qui ne seraient utilisées que par leur producteur. Toutefois l'efficacité incite à mettre en oeuvre cet objectif selon les priorités des politiques publiques et le souci de respecter les engagements souscrits. Ainsi les données prioritaires sont celles qui doivent être rapportées à la Commission européenne en application des directives. Les efforts ont porté en priorité sur les données nécessaires pour la DCE, ce qui a pu alimenter un sentiment d'incomplétude du SIE. Toutefois des actions sont également menées pour répondre à des préoccupations nationales (campagnes de surveillance liées aux plans nationaux micropolluants, résidus médicamenteux, PCB... ; observatoire des services d'eau et d'assainissement). Alors que la première loi sur l'eau de 1964 demandait uniquement un inventaire des pollutions, le champ à couvrir s'est considérablement étendu. En se limitant à l'application de la DCE qui a un rôle structurant pour la politique de l'eau, les besoins à satisfaire sont complexes. Ils concernent à la fois les activités qui font usage de l'eau, les pressions qui s'exercent sur la ressource et les milieux (pollutions, prélèvements, rejets,...), l'état des milieux et des ressources (quantité et qualité évaluée à partir d'éléments chimiques, biologiques, physico-chimiques et morphologiques), les impacts des changements d'état (sur la santé, les écosystèmes, les activités), ainsi que les réponses qui sont apportées pour réduire ces impacts
76
Service à compétence nationale rattaché à la DGPR et implanté sur la Météopôle à Toulouse, tête de réseau des services de prévi sion des crues (SPC). 77 Aquaref est un consortium qui est le laboratoire national de référence. 100/131
(réglementations, incitations, contrôles, ...). L'acquisition de ces données est obligatoire et l'État doit rendre compte à la Commission de leur utilisation pour justifier des décisions prises. Compte tenu du temps nécessaire pour élaborer les méthodologies, rassembler les données et en assurer l'harmonisation, il est possible de se contenter de connaissances approchées dans un premier temps à condition de s'inscrire dans un processus de progrès. Globalement et faute d'une anticipation suffisante, ces obligations ont conduit à superposer dans un laps de temps court et des délais contraints de multiples chantiers d'évolution du SIE qui n'a cessé de se complexifier sans que ces évolutions soient toujours compatibles avec les moyens disponibles. Les recueils de données sont effectués par une multitude d'organisations productrices de données ayant chacune leur histoire et leurs méthodes ; si les services de l'État (DREAL pour l'hydrobiologie) ou de l'ONEMA (données piscicoles, hydromorphologiques) assurent directement le recueil de certaines données, une grande partie des données est produite par d'autre opérateurs subventionnés par l'ONEMA ou les agences de l'eau (l'IFREMER pour les eaux littorales et de transition, le BRGM pour les eaux souterraines) ou par des prestataires ainsi que des collectivités locales. . S'y ajoutent par exemple les ARS pour la qualité des eaux potables et les collectivités pour les données sur les services d'eau et d'assainissement,... Pour ce qui concerne la surveillance exigée par la DCE, le SNDE précise l'organisation du dispositif (tableau ci-dessous) de production des données selon des modalités techniques précisées par circulaire DEB du 29 janvier 2013. L'organisation de la production des données pour la DCE Type de données responsable opérateur modalité Quantité ESU SCHAPI DREAL régie Quantité ESO DREAL bassin BRGM régie/soustraitance Qualité chimique Agences de l'eau AE et IFREMER sous-traitance (littoral) IFREMER Hydrobiologie Agences de l'eau DREAL régie et soustraitance Poissons Agences de l'eau ONEMA régie et soustraitance Hydromorphologie Agences de l'eau ONEMA régie financement DGPR ONEMA AE État et AE ONEMA ONEMA
La disparition progressive des laboratoires publics d'analyse au profit de laboratoires privés choisis après consultation conduit à une forte réduction de l'offre de prestataires ce qui représente un risque opérationnel et financier de surcoût croissant. Des difficultés sont également à prévoir en matière de biologie avec la réduction progressive de la capacité des structures publiques (DREAL, ONEMA) à assurer la production des données en régie. Globalement, les pratiques d'externalisation imposent de disposer de capacités de pilotage et de contrôle des prestataires dans les structures publiques. Mission CGEDD sur la stratégie de surveillance des eaux Une mission du CGEDD sur la stratégie de surveillance des eaux a rendu ses conclusions en mai 2013. Ses principales recommandations sont les suivantes : - clarifier et optimiser le cadre général de la surveillance (spécificité des réseaux RCS, RCO, RPP, DCSMM, réseaux locaux) ; - simplifier l'architecture du réseau d'acteurs ; - sécuriser les différentes étapes de la surveillance et de la qualité des données (référentiel, continuité des séries, fiabilité des données, assurance qualité des laboratoires) ; - assurer l'accessibilité des données, notamment au grand public ; - valoriser la politique menée en définissant des indicateurs nationaux appropriés ;
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- valoriser la démarche de la France à mi-parcours, actualiser l'état initial du fait du faible niveau de confiance des qualifications minimales des masses d'eau ; - utiliser les résultats de la surveillance pour mieux cibler l'action (pressions impacts) ; - mettre en place des outils et définir des programmes de recherche permettant de développer, compléter et améliorer les méthodes. La production de données rencontre d'autres difficultés. Tel est par exemple le cas des indicateurs de performance, normalisés depuis 2007, et basés sur les rapports des maires et présidents de communautés sur le prix et la qualité des services (RPQS) d'eau et d'assainissement (article L 2224-5 du CGCT) qui sont obligatoires depuis 1995. Leur transmission est facultative et les collectivités ne trouvent que peu d'intérêt à les transmettre ce qui rend difficile la mise en oeuvre de l'observatoire national des services 78 que la loi de 2006 a confié à l'ONEMA. Ainsi, une opération exceptionnelle de chargement du dispositif SISPEA a eu lieu pour collecter les données de l'exercice 2009 avec le concours des DDT (environ 90 ETP inscrits sur les effectifs du ministère de l'agriculture). Cela a permis d'atteindre un taux de population couverte d'environ 80 % pour l'eau potable et de plus de 60 % pour l'assainissement collectif. Depuis l'effort des collectivités et des DDT reste très inégal selon les départements malgré les outils mis à disposition par l'ONEMA pour intéresser les collectivités. Les saisies de l'exercice 2010 sont encore très incomplètes. Il est important que cette base de données SISPEA devienne l'outil unique pour les données concernant le petit cycle de l'eau, par exemple pour l'application du décret sur les fuites dans les réseaux. Enfin, il faut signaler que la production de données en outre-mer pose un problème spécifique à cause du manque de personnel qualifié et de difficultés méthodologiques dans la mesure où certains référentiels établis pour l'Europe ne sont pas adaptés aux caractéristiques des milieux ultramarins.
3.4.2.3. La fiabilité des données : renforcer le système qualité
La fiabilité des données utilisées dans le cadre de la politique de l'eau est un enjeu majeur à la fois pour garantir la crédibilité des résultats mais également pour fonder et faire évoluer les orientations de cette politique. À titre d'exemple, l'absence de données représentatives issues des réseaux de surveillance qui se mettaient seulement en place (les réseaux préexistants privilégiaient les pressions d'origine domestique), la délimitation des masses d'eau non achevée, la conception non encore engagée du système d'évaluation de l'état des eaux, n'ont pas permis d'étayer par des données de connaissance robustes l'engagement de nature politique de deux tiers de masses d'eau de surface en bon état écologique en 2015 inscrit dans la loi en 2009. Aujourd'hui, les utilisateurs des données produites considèrent généralement qu'elles sont satisfaisantes, correctement validées et donc exploitables. Cependant, si certains mettent en avant le coût élevé de l'acquisition des données, d'autres leur reprochent aussi de receler des contradictions, d'être produites selon une fréquence insuffisante, et d'être complétées par des extrapolations critiquables ce qui met en doute la qualité globale de l'évaluation de l'état. Il convient de distinguer clairement ce qui relève des obligations liées aux directives, notamment la DCE, et ce qui concerne des informations « facultatives » à l'initiative des autorités nationales ou de bassin. Le déploiement d'un système de gestion de la qualité tout au long de la chaîne de production, de gestion, de valorisation et de diffusion des données est une priorité forte. Les différents dispositifs de production des données comportent leurs propres démarches d'amélioration de la qualité, plus ou moins avancées (bien développés pour la chimie, en progrès pour l'hydrobiologie), avec des efforts menés par Aquaref pour caractériser l'incertitude attachée à la mesure. De même, la qualification des données entre leur production et leur mise à disposition est une tâche essentielle des administrateurs des banques de données qui prend du temps et mobilise des moyens souvent sous estimés.
78
Dénommé SISPEA : système d'information sur les services publics d'eau et d'assainissement. 102/131
Si des améliorations ont été apportées au cours des dernières années, ce qui permet à la France d'être bien classée dans l'évaluation menée par l'Agence européenne de l'environnement pour les données transmises dans le cadre de WISE, il manque encore une politique qualité d'ensemble basée sur une cartographie des processus et des risques, avec un plan d'action élaboré et suivi sous le pilotage d'un comité de gestion de la qualité (qui pourrait être le CNP), avec des dispositifs de contrôle régulier (audits notamment). Pour qu'il puisse assurer la fonction de responsable opérationnel de ce système qualité, il convient que l'ONEMA dispose des moyens humains et des compétences nécessaires complétées par des ressources externes (Aquaref, Cofrac79,...).
3.4.2.4. La gestion des données, un ensemble complexe de nombreux projets applicatifs liés
Le SIE repose sur une architecture et des outils qui résultent à la fois de décisions prises depuis les années 1990 et de projets nouveaux issus du SNDE. Il s'appuie sur des dizaines d'applications visant à administrer des données de référence, à gérer les données de connaissance (banques de données sur les usages, les pressions, les états, les réponses) et à les mettre à disposition (sites thématiques ou de bassin). Au sein du SIE, ces ensembles communiquent par des flux de données et le SIE échange des données avec d'autres systèmes d'information. Placée sous le pilotage de l'ONEMA, la rationalisation de l'architecture technique du SIE est donc un enjeu important pour assurer les échanges au sein de cet ensemble complexe qui fait intervenir de nombreux opérateurs eux-mêmes contraints par les choix d'architecture technique de leurs systèmes d'information. Il n'est donc pas étonnant que l'interopérabilité au sein du SIE soit un processus long et difficile à faire aboutir à partir du moment où le choix pragmatique s'est imposé de faire intervenir différents opérateurs au sein du SIE. La mise en place d'une plate-forme technique mutualisée pour les applications du SIE dans le cadre d'un partenariat entre l'ONEMA et le BRGM est une évolution positive pour favoriser l'interopérabilité des applications. Parmi les principaux projets du SIE, les prioritaires sont les suivants : · SANDRE : référentiel des données, modèles des données et format d'échange ; administré et hébergé par l'OIEAU80 dans le cadre d'une convention et sous le pilotage de l'ONEMA ; les modèles de données respectent les standards usuels (http,XML,...) ; parmi les référentiels on trouve de nombreux référentiels géographiques métropole et DOM (hydrographique-BD Carthage, hydrogéologique-BDLISA, ...) ; il existe un protocole avec l'IGN pour le référentiel à grande échelle mis à disposition au coût marginal de diffusion ; · ADES : application sur la quantité et la qualité des masses d'eau souterraines ; administré et hébergé par le BRGM81 par convention avec l'ONEMA ; · QUADRIGE : application sur la qualité physico-chimique et biologique des eaux littorales et de transition ; administré et hébergé par l'IFREMER par convention avec l'ONEMA ; · NAIADES : application sur la qualité des eaux de surface continentales (chimie, biologie, hydromorphologie) ; opérée par l'ONEMA et l'AESN avec hébergement par Logica-CGI ; en retard en raison de la défaillance de l'opérateur initialement retenu par le SNDE (INERIS) ; · SISPEA : application pour l'observatoire national des services publics d'eau et d'assainissement ; opéré par l'ONEMA et hébergé par le BRGM ; · BNPE : banque nationale des prélèvements d'eau ; administrée par ONEMA et hébergée par le BRGM ; · SEEE : système d'évaluation de l'état des eaux (calcul d'indicateurs dont ceux pour la DCE et stratégies d'évaluation de l'état des eaux) ; administrée par ONEMA et hébergée par le BRGM ; · RAPPORTAGE : banque des données et textes rapportés (notamment au titre des directives) ; opérée par l'ONEMA ; sera complétée par OSMOSE pour le suivi des programmes de mesures DCE (opérée par AERM pour le compte de l'ensemble des bassins).
79 80
Comité français d'accréditation et de certification. OIEau : association sans but lucratif reconnue d'utilité publique par décret du 13 septembre 1991 en convention avec l'ONEMA depuis 2008 (Limoges). 81 À Orléans avec serveurs dupliqués. 103/131
S'y ajoute l'application OPALE convergence, outil de suivi et de partage des actions de police de l'eau et de la nature (projet multipartenaires piloté par la DEB avec l'appui de l'ONEMA). Les priorités affichées dans le contrat d'objectifs entre l'État et l'ONEMA portent sur : NAIADES, SISPEA, BNPE, SEE. Hormis la banque sur la contamination de la faune aquatique par les PCB, il n'existe pas actuellement de banque de données rassemblant les données d'impacts en dehors de celles figurant dans le rapportage des plans de gestion. Il faut admettre que l'ambition du SIE est très vaste, le noyau dur très ambitieux et les sujets particulièrement complexes. Dès 2011, l'ONEMA faisait état de retards sur l'avancement de certains projets pour des raisons diverses, notamment de moyens humains disponibles. En janvier 2013, selon le rapport présenté au CNE, sur l'ensemble des trois années précédentes, trois quarts des outils attendus avaient été livrés, souvent avec retard. La complexité des projets induisant des difficultés à définir les besoins, le nombre d'acteurs concernés et les moyens humains contraints expliquent cette situation. L'appropriation des nouveaux outils par les usagers s'en ressent et suscite encore des inquiétudes nombreuses.
3.4.2.5. La valorisation, le rapportage européen et la mise à disposition des données
La valorisation des données fait l'objet d'un programme d'ensemble préparé par le groupe de valorisation de l'information rapportant au groupe de coordination inter bassins et bien entendu d'actions menées localement. L'évaluation de l'état des masses d'eau selon les méthodes décrites par l'arrêté du 25 janvier 2010 modifié est une forme de valorisation des données de surveillance. L'outil d'évaluation SEEE, maintenant disponible, permettra d'intégrer les méthodes d'évaluation et les données qualifiées pour une utilisation opérationnelle pour le second cycle de gestion de la DCE. Cet outil dont la complexité méthodologique et les délais d'alimentation en données ont été sous estimés représente une avancée importante pour rendre plus homogène la mise en oeuvre de la DCE entre les bassins. Pour rendre compte des directives au niveau européen, les rapports sont issus de plusieurs administrations (DEB, DGPR, DGS...) utilisant des systèmes différents alors qu'ils sont collectés dans un seul système d'information dit WISE82. Les spécifications du référentiel SANDRE intègrent celles de WISE afin de pouvoir l'alimenter. Ces données remontées sont disponibles sur le site de l'Agence européenne de l'environnement « www.europa.eu ». Ce site prouve que la France est en bonne position en ce qui concerne la remontée d'information. Pour ce qui concerne la DCE, les éléments sont préparés par l'ONEMA. Malgré les difficultés, la France serait plutôt en avance et respecte ses obligations en fournissant à l'UE un ensemble de données exploitables supérieur à son poids relatif. En 2010, la France a été l'un des 9 pays sur 27 à avoir rendu son rapportage de mise en place du premier plan de gestion DCE à temps et dans les formes. Cette opération coordonnée par l'ONEMA a exigé une forte mobilisation de moyens par les agences de l'eau et les DREAL pour la collecte, le traitement, la mise en forme et la saisie des données produites dans les bassins. Le prochain rapportage DCE prévu en 2016 devrait être anticipé, notamment pour assurer le contrôle de qualité des données des états des lieux qui seront adoptés fin 2013. En matière de diffusion, de même que la multiplicité des types de données, des producteurs et des circuits de validation font que l'idée d'une base de données unique qui contiendrait l'ensemble des données ne serait pas raisonnable, une interface unique de consultation n'est pas envisageable. Cependant un point d'entrée unique est constitué par le portail www.eaufrance.fr, piloté et géré par l'ONEMA et hébergé par le BRGM. Il permet d'accéder à une abondante documentation technique et aux données sur l'eau. Il englobe 15 sites thématiques nationaux et renvoie à 8 sites annexes (qualité de l'eau potable via
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WISE : Water Information System for Europ. 104/131
« www.sante.gouv.fr », statistiques station de traitement des eaux usées, ...). Il donne accès aux sites multithématiques de bassin. Un ensemble de services communs assure la cohérence de cet ensemble. Les données produites par l'État, par ses établissements publics, ou par des tiers dans des conditions contractuelles prévoyant le partage des droits patrimoniaux ou leur cession, peuvent être librement diffusées et réutilisées. Il faut noter que ces données issues de mesure ont certes un producteur mais pas nécessairement un propriétaire au sens de la propriété intellectuelle. La doctrine présentée au CNE le 6 juin 2011 confirme que toutes ces données ont vocation à être publiques. Les documents publiés sur le site www.eaufrance.fr sont sous le régime de la licence Creative Commons 83 conformément aux circulaires ministérielles en vigueur. Par conséquent, le dispositif respecte la directive européenne INSPIRE laquelle ne concerne cependant que les métadonnées. Il subsiste néanmoins quelques difficultés : certaines données sont à la fois des données environnementales donc publiques et des données de calcul d'assiette de redevances pour le compte des agences de l'eau et donc couvertes par le secret fiscal ; il en est ainsi des données relatives aux prélèvements d'eau collectées par les agences et qui ne peuvent pas être intégrées dans la banque nationale sur les prélèvements, établie au titre du suivi des pressions, ce qui peut nuire à notre capacité de rapportage. Ces points de blocage ont été répercutés au CNE. Par ailleurs, certaines données sensibles comme la position des captages affichent une géolocalisation volontairement brouillée pour le grand public mais restent accessibles pour les professionnels concernés, notamment les producteurs de données. Beaucoup de ces données sont aussi accessibles sur le site « data.gouv.fr » d'Etalab. Par ailleurs, outre le portail national www.eaufrance.fr et les synthèses qu'établit l'ONEMA, le Service de l'observation et des statistiques (SOeS) dépendant du Commissariat général au développement durable (CGDD) produit une synthèse nationale de l'état des milieux aquatiques en s'appuyant sur les données du SIE. Cette présentation nationale porte sur la qualité de l'eau et des indicateurs d'évolution. Par ailleurs, chaque agence diffuse tout ou partie des données concernant son territoire et les complète le cas échéant. Il en est de même des collectivités et des autres organismes tiers. Ce foisonnement de communications est largement redondant et entraîne la confusion sur les responsabilités.
3.4.2.6. Une gouvernance éclatée et insuffisante
La gouvernance est définie par le SNDE tant pour le niveau national que celui des bassins. Le pilotage stratégique est exercé au niveau national par l'État (DEB) qui s'appuie sur le Comité national de pilotage composé des directeurs des agences de l'eau, de l'ONEMA et des DREAL délégués de bassin. Le Comité national de l'eau intervient comme instance consultative en s'appuyant sur son comité permanent des usagers du SIE. La coordination technique est assurée par l'ONEMA avec le groupe de coordination interbassins (agences de l'eau, DREAL, bureaux de la DEB et des autres directions concernées par la mise en oeuvre du SIE) complété par des groupes techniques thématiques. Le pilotage stratégique s'avère insuffisant pour cadrer et coordonner les activités des différents groupes techniques. Au niveau des bassins, le pilotage est assuré par le secrétariat technique de bassin formé par l'agence de l'eau et la DREAL de bassin avec la participation de l'ONEMA. La plupart des projets du SIE se font en collaboration entre l'ONEMA et les autres parties prenantes, en fait souvent les producteurs de données, et sous le contrôle du comité des usagers du SIE. Dans les faits, la gouvernance éclatée complique l'analyse des besoins et rend instable la mise en oeuvre. Les plus importants projets sont aussi les plus complexes, ce qui explique en partie le retard de certains d'entre eux, qui résulte avant tout de la difficulté à mobiliser les compétences nécessaires. Pour des raisons de gouvernance large et parfois trop faible mais également de superposition de multiples chantiers imposés par les exigences et le calendrier communautaires, les niveaux de priorité entre les projets ne sont pas suffisamment précisés. La gouvernance de chaque projet manque de méthodes et des moyens permettant d'anticiper suffisamment
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CC BY-NC-SA 2.0FR. 105/131
les besoins et la complexité. De manière générale, les difficultés ont été sous-estimées, en particulier la nécessité de disposer de compétences informatiques de haut niveau que l'ONEMA n'est actuellement toujours pas en mesure de pouvoir recruter (inadéquation du statut des personnels contractuels). Par ailleurs les projets en coopération s'inscrivent le plus souvent dans le cadre des dispositifs de conventionnement entre l'ONEMA et d'autres établissements publics (BRGM, IFREMER,...). Toutefois certains autres projets qui ne sont pas pilotés opérationnellement par l'ONEMA n'ont pas fait l'objet d'une formalisation suffisante ce qui a rendu leur développement précaire. De surcroît, il manque une vision en coût complet des nombreuses composantes du SIE. Une démarche de collecte et d'analyse des coûts a néanmoins été initiée en novembre 2012. Le Comité permanent des usagers du SIE Comité national de l'eau s'est réuni régulièrement. Il a surtout examiné l'avancement des projets les plus prioritaires et fait état des attentes des parties prenantes. Ce n'est que récemment que les retards sont apparus comme posant véritablement problème par leur persistance.
3.4.2.7. Des moyens financiers significatifs mais une fragilité des moyens humains
Le coût annuel reconstitué du SIE a été chiffré à près de 80 M en 2011. En M Coordination, méthodes, outils ONEMA 9,7 7,5 Agences de l'eau 32,9 3 Ministère 3,6 0,2 Total 46,2 10,7 Source : rapport 2011 de l'ONEMA au CNE Réseau de mesures Personnel 11,6 7,4 4,1 23,1 Total 28,8 43,3 7,9 80
Ces données n'intègrent qu'une partie des coûts supportés par les autres organismes qui contribuent partiellement au SIE. En effet, le BRGM ou l'IFREMER contribuent en partie, à côté d'autres missions, au développement et à la gestion d'applications et aux mesures nécessaires au SIE. Seule la part de leurs coûts financée par l'ONEMA, les agences de l'eau et l'État pour les DREAL est ici prise en compte. La question des moyens ne peut se résumer à celle des financements. Au vu de l'ampleur de la tâche, les moyens humains que l'ONEMA a été en mesure d'affecter au SIE ont été insuffisants pour respecter le calendrier prévu. Cette insuffisance est à la fois quantitative (environ une vingtaine d'ETP hors production de données) et qualitative. Cette situation mise en exergue par la Cour des comptes résulte d'une part d'un plafond d'emplois inférieur aux prévisions initiales (alors que les missions n'ont cessé d'être étendues) et, d'autre part, de l'inadéquation du statut des personnels contractuels hérité du CSP qui ne permet pas de recruter de manière stable les compétences de haut niveau dont l'organisme a besoin. La priorisation et l'ajustement des objectifs aux moyens sont inscrits dans le contrat d'objectifs adopté en mars 2013. Rapport de la Cour des comptes sur l'ONEMA Le rapport de la Cour des comptes de février 2013 formule les recommandations suivantes concernant la mise en oeuvre du SIE par l'ONEMA : n° 1 : hiérarchiser les projets et valider cette hiérarchisation au niveau des instances de pilotage. n° 2 : traduire ces priorités dans le contrat d'objectifs de l'ONEMA en évaluant pour chaque projet les moyens à mobiliser. n° 3 : clarifier le montage juridique de certains projets en passant des conventions de délégation de MOA (ex. convention avec MEDDE concernant le développement et le déploiement en phase 2 d'OPALE convergence). n° 4 : mettre en place un système de reporting et de suivi d'avancement des projets. n° 5 : assurer un suivi des coûts des projets du SIE et dresser un bilan semestriel.
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n°6 : valoriser les données collectives et exploitées dans le SIE en le diffusant les plus largement possible. n° 7 : mettre en place l'appui nécessaire au niveau du siège en matière de SIE de façon à homogénéiser les pratiques des directions régionales et renforcer les capacités de stockage et de traitement des données SIE. n° 9 : achever le développement et le déploiement de l'outil de suivi et de partage des actions de police de l'eau OPALE convergence. n° 18 : associer à chaque action du contrat d'objectif les moyens mobilisables. n° 23 : organiser un meilleur suivi des prestations informatiques. N° 24 : hiérarchiser les projets informatiques et évaluer périodiquement les coûts et les moyens mobilisés dans un tableau de bord. n° 25 : mettre en place des tableaux de pilotage et de suivi financier partagé avec les directions métiers et la direction générale. n° 26 : faire un audit de sécurité informatique afin de corriger les vulnérabilités encore existantes. Afin d'apporter les mesures correctives attendues et d'« assurer une gestion rigoureuse de l'établissement en poursuivant les actions entreprises récemment », l'ONEMA a décidé de se doter d'un plan d'actions sur 3 ans qui a été soumis à son Comité Technique et adopté par son Conseil d'administration en mars 2013 conjointement avec le contrat d'objectifs 2013-2018 qui intègre les engagements pris dans ce plan d'actions. Le SIE est un projet fédérateur dont la coordination est confiée à l'une des parties concernées, l'ONEMA, qui n'a cependant aucune autorité formelle sur les tiers producteurs de données, d'une part, et responsables d'applications, d'autre part. Le SIE est donc soumis au bon vouloir de tiers dont le SIE n'est pas la priorité. Faute des moyens humains nécessaires et de concrétisation de l'évolution du statut de ses personnels contractuels annoncée dès la création de l'établissement et qui a fait l'objet d'arbitrages interministériels, l'ONEMA n'a pas été en mesure de pouvoir mettre en place les équipes, notamment informatiques, dimensionnées en volume et en compétences, qui auraient été nécessaires pour faire face aux exigences qui lui ont été assignées, et en particulier jouer efficacement un rôle de chef d'orchestre. Devant faire face aux contraintes des échéances communautaires et à la superposition des chantiers qui lui ont été imposés, il n'a pas pu adapter son calendrier de développement en fonction des moyens réellement en place. Il en a résulté des retards importants sur certains projets. De plus, l'ONEMA ne dispose pas de « l'autorité » sur tous les projets du SIE qui lui permettrait par exemple de donner un visa sur les développements de composants du SIE par des tiers. La mise au point des processus pour garantir le délai minimum entre l'acquisition de la donnée et sa mise à disposition doit être considérée comme un projet en soi. En effet, la mise à disposition des données, notamment de celles sur l'état des milieux, n'est effective aujourd'hui qu'au bout de trois ans, ce qui nuit à l'image du SIE et surtout prive les décideurs de mesures qui seraient précieuses pour apprécier l'efficacité de leurs actions. Concernant les données obligatoires produites par les collectivités territoriales sur l'eau potable et l'assainissement, il conviendrait de donner force législative et réglementaire à l'obligation de transmission par voie électronique au SIE de ces données que les collectivités ont l'obligation de produire et diffuser. Les données par elles-mêmes ne sont pas toutes définitivement définies ni disponibles. Il existe une forte pression pour augmenter la fréquence, le nombre de points de mesure et la nature des informations. Faute de débat sur l'impact économique de cette « amélioration permanente » et faute de débat sur la pertinence, le SIE risque de rester en devenir permanent engendrant de nombreuses frustrations. La distinction entre le respect des exigences fixées au niveau communautaire et des actions de connaissance induites par d'autres besoins doit être faite en tenant compte des coûts induits. Malgré son caractère encore parfois incomplet, le SIE n'est pas d'accès aisé pour le grand public par le trop plein d'informations et le souci de rigueur absolue ce qui affecte la lisibilité. Il s'agit là d'un aspect majeur qui altère l'image du SIE et nuit à son efficacité.
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.........................3.5. Mieux articuler leviers de l'action publique
les
Une politique publique efficace s'appuie sur différents leviers complémentaires. L'articulation des leviers coercitifs (« le bâton ») et des leviers incitatifs (« la carotte ») joue un rôle essentiel. Or, ces leviers sont maniés par des acteurs différents. Chacun de ces leviers est-il efficace ? Et comment ces leviers se renforcentils mutuellement ?
.........................3.5.1. Un levier régalien à moderniser pour le rendre plus efficace et mieux compris
3.5.1.1. Mieux appliquer la police de l'eau
a) Un régime d'instruction au titre de la « loi sur l'eau » stabilisé depuis 2005 Les IOTA sont soumis à autorisation ou à déclaration au titre de la police de l'eau. La LEMA et la révision du décret « procédure » en 2006 ont profondément réformé le dispositif avec trois objectifs : Fusionner des procédures redondantes au titre de la police de l'eau et de la police de la pêche, pour créer un régime unique. Relever les seuils des IOTA soumis à autorisation (six mois d'instruction puis refus tacite) pour ne réserver cette procédure qu'aux projets ayant les plus fortes incidences sur l'eau. Ainsi on est passé à partir de 2007 de 1 demande d'autorisation pour 5 dossiers déposés à 1 demande d'autorisa tion pour 12 dossiers déposés en 2011. On compte de l'ordre de 12 000 déclarations et 1200 autorisations par an. Introduire une possibilité d'opposition du préfet sur les déclarations, le silence gardé au bout de deux mois valant néanmoins « accord tacite ». En 2011, 118 déclarations sur 11 428 ont fait l'objet d'une opposition du Préfet (de l'ordre de 1 %).
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Des demandes récurrentes de simplification du droit sont portés à la connaissance de l'administration : relever les seuils des IOTA soumis à déclaration ou prévoir un régime déclaratif sans possibilité d'opposition du Préfet. réduire les délais d'instruction. Dans les faits, ces délais d'instruction sont rallongés par des demandes de compléments faites au pétitionnaire (ce qui semble être une pratique de bonne administration, évitant un refus simple du dossier) ; fixer par décret la composition du dossier par type de rubrique (ce qui relève plutôt d'arrêté ministériel de prescription) ; mieux articuler voire fusionner la procédure « loi sur l'eau » avec les autres procédures sectorielles. Or, l'application de la nomenclature « police de l'eau » est exclusive des ICPE et des INB, même si, dans les faits, quelques recouvrements subsistent (installations composites, boues, pisci cultures ...). De même, les récentes réformes dans le domaine de l'énergie (loi 2012-387) ont replacé les installations hydroélectriques soumises à autorisation au titre du code de l'énergie dans le droit commun de la police de l'eau, évitant ainsi une double procédure. Enfin, la réforme des études d'impact (loi 2010-788 et décret 2011-2019) a soumis à cette procédure la majorité des IOTA ins108/131
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truits dans le cadre d'une autorisation au titre de la loi sur l'eau : dès lors, le dossier d'étude d'impact déposé vaut dossier au titre de la loi sur l'eau, sous réserve d'actualisation. Ces sujets seront examinés dans le cadre des états généraux de la modernisation du droit de l'environnement. L'administration centrale assure la coordination des services instructeurs, garant de l'homogénéité de traite ment sur le territoire national (guides nationaux d'instruction à mettre à jour, rédaction des arrêtés ministé riels de prescription). b) Une coordination, une harmonisation et une réforme des dispositions répressives des polices administrative et judiciaire de l'environnement, qui entre en vigueur le 1er juillet 2013. Les activités de contrôle en police de l'eau ont été identifiées par de nombreux acteurs comme posant problème (cf. § 2312). L'ordonnance n°2012-934 du 11 janvier 2012 portant simplification, réforme et harmonisation des dispositions de police administrative et de police judiciaire du code de l'environnement, publiée au journal officiel du 12 janvier 2012, entrera en vigueur le 1er juillet 2013. Cette ordonnance, constitue une réponse aux différents rapports qui soulignaient la multiplicité et l'hétéro généité des polices spéciales de l'environnement. Les dispositions communes relatives aux contrôles administratifs, à la recherche et à la constatation des infractions, et aux sanctions administratives et pénales sont introduites au livre Ier du code de l'environnement (nouveau titre VII), et constituent le tronc commun des dispositions applicables à tous les domaines couverts par ce code.
Principales évolutions introduites par l'ordonnance du 11 janvier 2012 Les procédures harmonisées d'« accès aux locaux » prennent en compte les jurisprudences en matière de protection des libertés et du domicile. Le texte harmonise les mesures de police administrative lorsque des opérations sont menées sans le titre requis, ou en méconnaissance des prescriptions édictés. La mise en demeure demeurée infructueuse peut conduire l'autorité administrative à prononcer des sanctions administratives (consignation, exécution d'office, suspension), la fermeture ou la suppression de l'activité. Une amende (au plus égale à 15 000 ) et une astreinte (au plus égale à 1 500 ) peuvent également être prononcées. Cette harmonisation est particulièrement significative pour les régimes de police de la nature et des sites. Des outils communs sont mis à la disposition des agents des services de l'État et de leurs établissements publics qui recevront l'appellation « d'inspecteurs de l'environnement ». Un décret d'application doit uniformiser les procédures de commissionnement et d'assermentation. Certaines sanctions pénales sont harmonisées (défaut d'autorisation, non-respect d'une mise en demeure, d'une décision administrative ou judiciaire de suspension) conformément aux exigences de la directive 2008/99/CE du 19 novembre 2008 relative à la protection de l'environnement par le droit pénal. La transaction pénale, qui n'existait que dans les domaines de l'eau (depuis l'ordonnance 2005-805 précitée), des parcs nationaux et de la pêche en eau douce, est étendue à l'ensemble des domaines du code de l'environnement. Un décret d'application est en préparation.
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c) Des services en réorganisation constante et des personnels fragilisés Depuis 2004, les services de l'État et des établissements publics en charge de mission de police de l'eau ont été en réorganisation constante. Le constat partagé est que ces services sont aujourd'hui fragilisés dans l'exercice de leur mission (pas de continuité de services, fort renouvellement, démobilisation, ce qui a conduit l'administration centrale à déployer une « démarche qualité ».
En 2004 : constitution des services uniques de police de l'eau (circulaire BOMEDD n° 24 du 30 décembre 2004) par regroupement des effectifs de police au sein des DDE et de DDAF En 2007 : création de l'Office National de l'Eau et de Milieux Aquatiques (Loi sur l'eau de 2006), reprenant les effectifs du Conseil Supérieur de la Pêche En 2008 : création des DDEA, fusion des DDE et des DDAF (Décret n° 2008-1234 du 27 novembre 2008)
En 2009 : création des DDT-M, par fusion des DDEA et des services environnement des Préfectures (Décret n° 2009-1484 du 3 décembre 2009 relatif aux DDI) En 2011 : généralisation du rapprochement des DDT-M, des services départementaux de l'ONEMA et de l'ONCFS, dans le cadre de la mesure 148 de la RGPP (re-codifiée mesure 18). Contrairement à l'ambition initiale, le rapprochement des services de police ne s'est pas traduit par la création de services uniques départementaux de polices de l'eau et de la nature. Ce point fait l'objet d'un courrier du Secrétaire général aux organisations syndicales le 13 mai 2009. Les relations entre services ont alors été formalisées de manière conventionnelle, assurant la mise en oeuvre du cadre national établi (convention type, plan de contrôle inter-services, protocole parquet), garant d'un fonctionnement unifié et d'une synergie entre ONEMA, ONCFS et DDT, sous l'autorité du Préfet de département. Ce cadre conventionnel a été précisé dans le récent Décret n° 2012-509 du 18 avril 2012 pris en application de l'article 59-1 du décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 modifié relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action de l'État dans les régions et départements.
De plus, différents aspects nuisent à la mobilité qui serait nécessaire entre ces différentes fonctions : les personnels relèvent de statuts différents, la question des « compteurs » entre ministères peut nuire au remplacement de personnels qualifiés des DDT qui étaient décomptés sur les effectifs du MAAF alors qu'ils travaillaient pour le compte du MEDDE. Les conséquences de cette situation sont de fait très contrastées selon les territoires. Au final, devant ces difficultés organisationnelles et afin de pallier les difficultés d'adéquation mission/moyens, une démarche qualité a été déployée dans toutes les DREAL, DDT-M et à l'ONEMA. L'audit CIMAP concernant l'évaluation de la « police de l'environnement », qui a démarré en avril 2013, devrait approfondir ces différents points. Du point de vue de la politique de l'eau, il est indispensable que le levier police soit utilisé pleinement :
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les décisions administratives dans le domaine de l'eau doivent être applicables et vérifiables, c'est-àdire être proportionnées aux enjeux, écrites dans des termes compréhensibles par le pétitionnaire et vérifiables en cas de contrôle ; les contrôles doivent être en nombre suffisant, concerner aussi bien un pourcentage significatif des secteurs à risques qu'un certain nombre de contrôles aléatoires ; les plans de contrôle doivent veiller à une articulation des contrôles menés au titre de différentes législations : contrôles PAC, ICPE.... ; la police administrative doit être utilisée au maximum de ses possibilités : elle permet une réparation rapide ; les relations avec les procureurs doivent permettre de nouer des liens de compréhension des enjeux sur l'eau pour la justice, afin que les sanctions soient exemplaires et dissuasives ;
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une politique de communication doit être organisée avec l'aide de relais : nul n'est sensé ignorer la loi, mais les lois en matière d'environnement ne sont pas toujours connues et comprises : le volet pédagogique est important, à la fois pour prévenir et pour dissuader.
3.5.1.2. Mobiliser d'autres leviers réglementaires au profit de la politique de l'eau
La prise en charge de l'ensemble des problèmes à l'échelle du bassin versant semble un levier essentiel pour mieux répondre aux problématiques en lien avec le grand cycle de l'eau (restauration de la morphologie des cours d'eau, pollution diffuse, gestion des zones humides mais aussi gestion des inondations) et mieux articuler les multiples outils (SDAGE, SAGE, SAR, SCOT, PLU, ...), issus de législations autonomes, élaborés à des périodes différentes et reflets d'un mille-feuille hérité des évolutions de l'action publique passées. L'implication des acteurs directement concernés au plus près des problèmes à régler est essentielle. L' État doit pleinement jouer son rôle : le porter à connaissance, le contrôle de légalité et l'évaluation environnementale sont des leviers majeurs pour permettre cette intégration.
.........................3.5.2. Les financières, aujourd'hui coordonnées avec les réglementaires
aides mieux objectifs
Un bilan national a été fourni par la DEB.
Les IXèmes programmes pluriannuels d'intervention des agences de l'eau 2007-2012 étaient les premiers programmes de mise en oeuvre de la directive cadre sur l'eau (DCE). A une obligation de moyens, s'est ainsi ajoutée une obligation de résultats. Leur révision à mi-parcours, en 2009, a permis d'intégrer les objectifs des SDAGE 2010-2015 et du Grenelle de l'environnement. En parallèle, les contrats d'objectifs 2007-2012, qui ont couvert la période de mise en oeuvre des IXèmes programmes, ont eux aussi été révisés en 2010 pour intégrer ces objectifs. Enfin, toujours sur la même période 2007-2012, les agences de l'eau ont adapté leurs redevances aux dispositions introduites par la LEMA, entrées en vigueur le 1 er janvier 2008, et ont fait évoluer leurs programmes conformément à ces modifications. Sur le plan technique, les grandes avancées des IXèmes programmes d'intervention sont avant toute chose l'effort conséquent développé dans le cadre de la réponse aux objectifs de la directive Eaux Résiduaires Urbaines (DERU), dont les travaux de mise en conformité liée au contentieux communautaire devaient être ter minés fin 2013. Fin 2012, il restait 41 stations de traitement des eaux usées à mettre en conformité, contre 316 en 2008. L'exécution des programmes a ainsi marqué un pic en 2009 avec le lancement des derniers travaux d'assainissement de mise en conformité à la DERU, pour les grosses agglomérations (échéances 1998 et 2000). Le montant des aides spécifiques des agences en faveur des communes rurales (« Solidarité urbain rural » ou « SUR »), mises en place en application de la loi sur l'eau et les milieux aquatiques (LEMA) du 30 dé cembre 2006, s'est stabilisé depuis 2009 et l'objectif fixé par la LEMA de 1 Md d'aides supplémentaires en faveur de travaux d'assainissement et d'eau potable des communes rurales a été largement dépassé fin 2012, avec 1,22 Md d'aides sur 2007-2012. Dans les principaux domaines qui conditionnent l'état des eaux (la restauration et l'entretien des milieux aquatiques, des zones humides et des continuités écologiques, et la lutte contre les pollutions diffuses, majo111/131
ritairement d'origine agricole), les IXèmes programme ont d'ores et déjà renforcé les moyens. Dans ce cadre, les politiques en faveur des milieux aquatiques ont progressé. Depuis 2009, ce sont ainsi près de 126 000 ha de zones humides qui ont bénéficié d'un financement des agences de l'eau pour leur entretien ou leur restauration. En matière d'acquisition, l'objectif du Grenelle de l'environnement est de faire acquérir, via les agences de l'eau et le conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres (CELRL), 20 000 ha de zones humides d'ici 2015 à des fins de protection. Les agences ont un objectif intermédiaire de 10 000 ha acquis entre 2009 et 2012 : celui-ci est d'ores et déjà dépassé avec 13 500 ha de zones humides acquis ; on note qu'environ 35 % des aides attribuées et 43 % des surfaces aidées à l'acquisition le sont au bénéfice du CELRL, et que la dynamique est très hétérogène en fonction des zones concernées. À ce jour, l'aménagement ou l'effacement de près de 1 400 ouvrages a été aidé dans le cadre de la restauration de la continuité écologique des cours d'eau avec un rythme annuel d'aménagements en nette progression, même si une hétérogénéité est constatée en fonction des bassins. L'objectif Grenelle de 1 200 ouvrages aménagés en 2012 a donc été atteint. Les aides allouées par les agences de l'eau à la lutte contre les pollutions diffuses ont connu une forte progression en 2010. Elles se sont ensuite globalement stabilisées de 2011 à 2012. Des initiatives originales ont été lancées par certaines agences au cours du IXème programme pour améliorer leurs interventions dans ce domaine (appels à projets, notification de dispositifs dérogatoires au plan de développement rural hexagonal, ...), notamment sur les aires d'alimentation de captages prioritaires identifiées par le Grenelle de l'environnement. La dynamique enclenchée en 2010 sur certains bassins semble malgré tout s'essouffler, en raison notamment de la conjoncture économique, moins favorable à la souscription d'engagements agro-environnementaux, ainsi que les retards (conjoncturels) constatés en 2010 pour l'instruction et le paiement des me sures agri-environnementales, qui contribuent aux désengagements des professionnels de ces dispositifs. Les agences sont, dans ce domaine, liées aux dynamiques locales impulsées par les services de l'État. Les premières analyses des programmes de mesures mis en place pour atteindre les objectifs de la directive cadre sur l'eau montrent que la dynamique doit être significativement renforcée. Ainsi, une consolidation des résultats obtenus et un renforcement des actions des agences sur les thématiques à enjeu dans le cadre de l'atteinte du bon état des eaux est nécessaire au cours du Xème programme. Sur la durée des IXèmes programmes, des efforts importants ont été réalisés par les agences en matière de réduction d'effectifs et de diminution des dépenses de fonctionnement. La lettre de cadrage du budget pluri annuel 2011-2013 du Premier ministre en date du 11 mai 2010 leur avait en effet fixé un taux de réduction de 1,5 % des effectifs par an sur la période 2011-2013, et un objectif de diminution des dépenses de fonctionnement de 10 % à l'horizon 2013. À fin 2012, les dépenses de fonctionnement sous contrainte ont diminué de 14,7 %, dépassant l'objectif fixé de -7,5 % pour 2012, et atteignent d'ores et déjà l'objectif fixé pour 2013. Cette maîtrise est notamment due à des efforts de rationalisation (plus particulièrement sur les postes achats de matières et fournitures, loyers, frais de communication et de déplacement). Les agences ont également adapté leur organisation afin d'anticiper la baisse des effectifs attendue à l'hori zon 2013. Cet effort de réduction des effectifs s'est effectué dans un contexte de maintien et d'extension des missions et d'évolution des métiers. Globalement, les sommes prévues ont été engagées. Il y a eu une forte montée en puissance de l'assainisse ment, correspondant aux mises en conformité avec la DERU, mais aussi une montée en charge des actions permettant d'atteindre les objectifs de la DCE. Le principe de fongibilité asymétrique acté pour le 10ème programme semble un principe intéressant pour inciter les acteurs de l'eau et notamment les collectivités territoriales à s'investir dans ces domaines, qui étaient jusque-là minoritaires dans les interventions.
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Ces actions en faveur des objectifs de qualité des milieux, essentiellement territoriales, relèvent dorénavant du domaine 3 des 10èmes programmes : lutte contre la pollution diffuse agricole, restauration de cours d'eau notamment. À noter que la plupart de ces actions sont accompagnées du financement de structures d'anima tion de ces politiques, animation indispensable pour faire prendre conscience aux acteurs des enjeux et les aider dans la recherche de solutions innovantes, adaptées à leurs territoires. Or, ces actions relèvent dans les 10èmes programmes du domaine 1, qui est strictement contingenté. Les agences mettent en place avec les 10èmes programmes des règles financières plus strictes en termes de coûts plafonds, voire de conditionnalité des aides.
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.........................3.6. La connaissance des flux financiers relatifs à la politique de l'eau est très difficile
La mission d'évaluation s'est interrogée sur la possibilité de quantifier en flux financiers les différents éléments de la politique de l'eau tant du grand cycle que du petit cycle de l'eau. Il s'agissait de déterminer les montants concernés par catégorie de financeurs en grande masse. Cet exercice permet de répondre à la question « qui paie quoi » et donc de rendre compte de l'application des principes visés dans la DCE, en particulier celui de la récupération des coûts et celui dit « pollueur-payeur ».
.........................3.6.1. Les données disponibles dans le cadre de cette évaluation
Certaines données partielles existent au niveau national (études du CGDD, données de la Direction du Budget, étude Ernst and Young) ou des analyses faites au niveau de certaines agences de l'eau (notamment Seine Normandie et Loire-Bretagne). Les données du petit cycle sont en général mieux appréhendées que celles du grand cycle, pour lequel la définition même des items rentrant dans le décompte reste à faire. De plus, la présence d'un certain nombre de circuits intermédiaires de financements rendent la question des doubles comptages particulièrement complexe. Il en résulte que les chiffres proposés comportent un degré d'incertitude.
.........................3.6.2. Une reconstitution « à dire d'expert » au niveau national recoupant plusieurs sources
3.6.2.1. Le petit cycle de l'eau
L'analyse pour le petit cycle de l'eau a été faite par la ventilation des sources de financement (et non par les dépenses). · Les ressources financières (hors TVA) du petit cycle sont d'environ 17,2 Mds dont 70 % correspondent à la facture d'eau. · Les redevances prélevées par les agences de l'eau représentent 11 % de ce montant. · Les recettes n'équilibrent pas les dépenses : Les collectivités ont recours annuellement à l'emprunt pour un montant estimé à 0,94 Mds . · Les investissements ou renouvellement des équipements représentent environ 6,6 Mds . · Les collectivités peuvent se refinancer directement auprès des usagers. La PFAC (participation forfaitaire pour l'assainissement collectif) est payée par ceux qui veulent se raccorder au réseau d'as sainissement collectif existant (partage ex-post des coûts). Cette recette peut localement être signifi cative dans les budgets locaux d'assainissement. · Les données en compte propre de l'agriculture ne sont pas connues. · Les coûts des personnels fonctionnaires (au niveau central et déconcentré) en charge du petit cycle de l'eau ne sont pas connus. Le montant de leur financement (par le contribuable national) n'est pas indiqué. Il est marginal par rapport aux sommes globales et ne modifie pas les ordres de grandeur. · La dépense en coûts des personnels des SPEA est évalué à 1,18Mds (2011, source DB). Elle est a priori couverte par la facture d'eau et ne figure pas dans le tableau (qui ventile les financements et non les dépenses). 700M de TVA sont prélevés sur le petit cycle de l'eau. Ils ne figurent pas dans le tableau, bien qu'ils soient payés sur la facture d'eau. Le tableau ci-dessous récapitule les données par catégorie de financeurs et par type de financement.
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Catégorie de financeurs
Ménages APAD Industrie Agricultur Contribuabl contribua e e national ble local ou UE 8507 1833 1731 Somme 12 071
T y p e d e f i n a n c e m e n t
Facture eau et assainissement collectif (hors redevances agences de l'eau, hors TVA) complément budget collectivités pour investissement (*)
310 310
comptes propres: assainissement autonome non collectif comptes propres: prélèvement et assainissement Redevances Agences de l'eau dont redevance AE pollution domestique dont redevance AE modernisation collecte dont redevance AE prélèvement pour eau potable dont redevance AE prélèvement industriel (EDF...) dont redevance AE prélèvement irrigants dont redevance AE pollution non domestique dont redevance AE non domestique modernisation collecte Recours à l'emprunt pour investissements (*)
529
93 1286 ? 13
622 1 286 1 855 853 579 37 65 13 78 16 251 65 13 78 16 940 940 500 500 1 750 10,0 %
1393 725 492 176
253 128 87 38
196
subvention pour investissement à partir des budgets des collectivités (*) total 10 429 Proportion par financeur
2 179
3 213
13 0,1 %
0 0,0 %
17 584 100,0 %
59,3 % 12,4 % 18,3 %
Les financements comportant (*) sont estimés Source : mission d'évaluation, d'après MEDDE (DEB), jaunes Agences de l'Eau, données Direction du Budget ; les chiffres correspondent à l'année 2009, sauf pour le recours à l'emprunt qui correspond à l'année 2011.
Les données disponibles84 soulignent un sous-investissement au titre du renouvellement du patrimoine des services publics d'eau et d' assainissement. La politique d'amortissement des collectivités territoriales ne couvrirait qu'un tiers environ de la dépréciation réelle du patrimoine des SEA. L'écart entre, d'une part, les
84
(communication DEB, données DB, étude Ernst et Young); 115/131
dotations aux amortissements et les subventions de toutes origines, et, d'autre part, les investissements réalisés est de l'ordre de 2Mds/an environ. Cet écart est comblé, à parts quasi équivalentes, par les emprunts (940M en 2011) et les prélèvements sur la section de fonctionnement (de l'ordre de 1 à 1,2Mds). Ceci signifie que, pour les collectivités où le recours à l'emprunt ne serait pas possible ou serait limité, seule une augmentation de la facture d'eau ou des subventions pourrait permettre de poursuivre la politique d'investissement (neuf ou réhabilitation). Il est donc très important que le groupe de travail en cours d'élaboration(notamment suite à la publication du décret n°2012-97 du 27 janvier 2012, relatif à la définition d'un descriptif détaillé des réseaux des services publics de l'eau et de l'assainissement et d'un plan d'actions pour la réduction des pertes d'eau du réseau de distribution d'eau potable) et qui devrait associer la DGFiP puisse établir l'état complet des immobilisations et la situation réelle de leurs amortissements. Partant de cet état il devrait définir les conditions techniques minimales nécessaires pour améliorer la gestion patrimoniale des SPEA.
3.6.2.2. Le grand cycle de l'eau
Les données concernant le grand cycle de l'eau sont encore plus fragmentaires. Les données utilisées par la mission sont pour leur grande majorité issues d'une étude du CGDD « Le financement de la gestion des ressources en eau de 2012 ». Elles n'ont pu, malgré de nombreuses investigations et recherches être entièrement validées, ni croisées avec d'autres sources. Les chiffres ci-dessous doivent donc être pris avec précaution et considérés comme a minima. · Les données ci-dessous sont des dépenses, ventilées par catégorie de financeurs. · Le grand cycle mobiliserait 5,6Mds , dont plus de la moitié en provenance du contribuable au niveau national et 22 % en provenance de l'industrie. · Les dépenses seraient pour près de la moitié des dépenses d'emploi public au niveau central et déconcentré. · Les doubles comptages les plus probables ont été éliminés. · L'agriculture finance 1 % du total estimé des dépenses. · La dépense relative aux voies navigables est assurée, en partie, par la taxe (0,0123/m3) prélevée sur la facture d'eau. Le tableau ci-dessous récapitule les données par catégorie de financeurs et par type de dépenses.
Catégorie de financeurs
Mé APA Industrie nag D es Agriculture Contribuable contribuable Somme national ou local UE 697 697 177 2 040 1863
T y p e d e d
85
milieu et gestion des ressources naturelles dont protection des sols et des eaux souterraines et surface dont entretien et restauration des milieux aquatiques Administration et recherche dont Recherche et développement85 dont administration générale pour la protection
1 166 1166
177 0 0 1 717 967 750 984 984
177 2 701 967 1 734
Recherche et développement pour l'industrie : l'étude CGDD indique 695M. la mission considère que ces coûts sont supportés par la facture d'eau et concernent essentiellement le petit cycle.
116/131
é p e n s e s
patrimoine et dommages au grand cycle dont : inondations dont : voies navigables et littoraux86 dont: hydroélectricité87 Amélioration pollution diffuse via redevance AE pollution diffuse 88 Continuité écologique via redevance AE pour autres 10 usages89 total 10 0 Proportion par financeur 0% 0%
60
564 257 307
173 173
797 430 307 60
60 57 0,4 1 226 22% 57 1% 2 978 53% 1 334 24%
57 10 5 605 100%
Source Étude 62 CGDD et jaune budgétaire des Agences de l'eau
En toute rigueur, et en raison de la possibilité de doubles comptages entre sources de financements émanant du petit cycle et dépenses du grand cycle, on ne peut sommer les deux tableaux. Néanmoins et pour fixer les idées, la mission d'évaluation estime que le cycle de l'eau mettrait en jeu des flux annuels de l'ordre de 23,2 Mds d', dont ¾ sur le petit cycle et ¼ sur le grand cycle.
.........................3.6.3. Les données disponibles du bassin Loire-Bretagne permettent de conforter les analyses supra et de les affiner
Le tableau ci-dessous a été réalisé par l'Agence Loire Bretagne (qui représente 19 % environ de la population nationale). Il ne comprend pas le grand cycle de l'eau (à l'exception de certaines aides de l'UE).
86 87
45 Conservatoire du littoral (affectation contestable: 10 retenus). 225 (EDF) et 60 (CNR) répertoriée dans l'étude n°62 imputation contestable: ne devraient pas être comptées toutes les dépenses de maintenance de l'outil industriel hydroélectrique : 60 retenus. 88 Élevage 4; reste agricole 53; 90 à terme (41 retournent à ONEMA pour Ecophyto). 89 9,5 protection milieux aquatiques (pêcheurs).
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du document
Moyenne annuelle 2007-2012 En millions d'euros par an
Lien avec le titre
Indicateur de la récupération des coûts Sous-catégorie
Coûts annuel d'exploitation et de consommation de capital fixe Eau potable Assainissement Dont service individuel Couvert Non-couvert Autres coûts financiers (III) Transferts Impôts Environnement Coûts compensatoires Collectivité Europe Redevances Agence Onema (Ecophyto) Eau potable
Ménages
APAD
Industriel
Agriculteur
Contribuab Environne le ment
TOTAL
840 1300 200 1565 -375
265 345
430 445 340
70 90 160 0 0 56 107 167 107
1605 2180 700 2357 -728 56 107 167 107 293 11 1250 1107
Coûts annuels (I)
Renouvellement théorique
495 -115
297 -238
180 1 760 805 200 146 1 69
55
40
18 10
Financements (II)
240 255
250 47 340 160 29 10 17 107 23 42
Facture de l'eau et auto-financement financiers (III)
Assainissement Service individuel
700 293 11 167 107
Transferts
Aides agence Aides Onema Aides des collectivités (dont gestion des eaux Aides de l'Union Européenne
Toute catégorie de travaux
43 21
52 18
Source Agence Loire Bretagne
Les coûts annuels nécessaires pour exploiter et renouveler les équipements en eau potable et assainissement sont estimés à 3 785 M90(dont1 605 M pour l'eau potable et 2 180 M pour l'assainissement). La « facture d'eau » produit 2 357 M (redevances des agences incluses, mais hors TVA); l'autofinancement des usagers 700 M. Restent 728 M de renouvellement théorique qui ne sont pas financés.
.........................3.6.4. Application contenus dans la DCE
des
principes
L'analyse de l'agence Loire Bretagne permet d'apporter une réponse à la question qui paie quoi ? et quantifie sur une partie du flux (redevances Agences et Impôts soit 578k soit 20 % de l'ensemble des flux) les transferts financiers entre groupes contributeurs de l'ensemble.
Sous-catégorie
Total des coûts d'exploitation Equilibre des coûts et des recettes Total des recettes Partie non-couverte EQUILIBRE Total des recettes Equilibre des transferts financiers Total des aides EQUILIBRE
Ménages
2140 1765 375 0 181 216 -35
APAD
610 495 115 0 55 64 -9
Industriel
875 637 238 0 40 70 -30
Agriculteur
160 160 0 0 28 163 -135
Contribuab Environne le ment
TOTAL
3785 3057 728
Grands équilibres
0 274 0 274
0 0 65 -65
0 578 578 0
90
Ce chiffre est cohérent avec la dépense totale nationale de 19Mds et le poids du bassin par rapport au territoire national. 118/131
Source : Agence Loire-Bretagne
Le tableau ci-dessus montre schématiquement que 578 k d'aides sont redistribués à partir des aides des agences, des collectivités et des impôts. Le « taux de retour » est positif pour toutes les catégories de bénéficiaires, avec des variations importantes : · Les ménages reçoivent 120 % de leur contribution, tandis que les APAD en reçoivent 116 %. · L'industrie reçoit 175 % de sa contribution, tandis que l'agriculture en reçoit 582 %. · Le contribuable ne reçoit pas et contribue pour 47 % des sommes collectées, l'environnement (au sens DCE) ne contribue pas91 et reçoit 8 % des sommes distribuées. Il y a donc un transfert significatif, bien qu'il ne porte que sur 20 % du total des masses financières en jeu, dont les agriculteurs sont les principaux bénéficiaires. L'Agence Seine Normandie a procédé à une étude sur le même sujet (non strictement comparable à celle de Loire Bretagne, car les méthodologies ne sont pas identiques). Elle a abouti, pour son bassin versant aux résultats suivants : · Du point de vue des ménages, le transfert (charge) net est de 6,8 M soit 0,4 %du paiement des services. Si on inclut les transferts non monétaires via les surcoûts payés par les ménages consomma teurs d'eau potable (abandon de captage, dilution, tous travaux palliatifs de la mauvaise qualité, traitement complémentaire de l'eau, coûts de substitution, coût des dommages sanitaires) on obtient des surcoûts compris dans une fourchette de 260 à 407 M, soit 13 à 20 % du paiement des services (et de 29 % à 46 % rapportés aux seuls services d'eau potable). · Pour les APAD, le transfert (charge) net est de 8 M, soit 0,5 % du paiement des services. En intégrant les transferts indirects, la charge est de 48 M, soit 4,5 %. · Pour l'industrie, le transfert (gain) est de 70 M, soit 3 % du paiement des services. Les dépenses palliatives et traitements complémentaires correspondent à une charge de même montant : le bilan des transferts est nul. · L'agriculture bénéficie de transferts de 25 M d'aides publiques auxquels s'ajoutent 13 M en provenance des ménages et 7 M en provenance des APAD. Le total de 45 M équivaut à 204 % des paiements. La consolidation des données manque à l'échelle nationale, ce qui constitue un frein majeur aux comparaisons inter-bassins. On peut toutefois supposer que la situation mise en évidence par les agences de l'eau Loire Bretagne et Seine et Normandie peut être extrapolée à l'ensemble du territoire, modulo les spécificités de ces bassins. Ces études ne mettent pas en évidence les transferts intra-bassins, qui peuvent être néanmoins importants comme l'illustrent certaines données fournies par les agences Rhône-Méditerranée-Corse, SeineNormandie, et Loire-Bretagne.
.........................3.6.5. Une mise en imparfaite du principe pollueur-payeur
pratique
très
Le principe pollueur-payeur (PPP) est formalisé en 1972 par l'OCDE 92 dans le but d'inciter les États à ne pas prendre en charge avec de l'argent public les externalités créées par les acteurs privés et ainsi de ne pas leur conférer un avantage comparatif qui les inciterait à accentuer leur pression sur les ressources. Il s'agit avant tout d'un principe de non-subvention, mis en oeuvre au travers de deux mécanismes : le financement par les utilisateurs et non les contribuables des charges de gestion du bien environnemental ; l'absence de subventions croisées, impliquant des transferts financiers entre secteurs économiques.
91 92
Sauf à considérer que la dégradation de l'environnement est une forme de contribution. De façon plus complète, l'annexe 6 récapitule les travaux de l'OCDE dans le domaine de l'eau. 119/131
La DCE impose aux États membres de rendre compte de l'application des principes de non-subvention. Le plan de gestion de chaque district hydrographique doit rendre compte de la récupération des coûts par secteur économique, et en tenant compte de l'application du principe pollueur-payeur. Il ne s'agit toutefois nullement d'une obligation d'application du PPP, ni d'une obligation de récupération totale des coûts sur les utilisations de l'eau, mais bien plutôt d'une obligation de transparence et d'information du public. Le principe pollueur-payeur est inscrit à l'article 191 du traité sur le fonctionnement de l'Union Européenne. Il est transcrit en droit français dans l'article 1er de la loi du 2 février 1995 sur le renforcement de la protection de l'environnement. Enfin, la charte constitutionnelle (Loi n° 2005-205 du 1er mars 2005) impose à toute personne de contribuer à la réparation des dommages qu'elle cause à l'environnement.
3.6.5.1. Les redevances, élément principal de l'application du PPP
L'application du PPP devrait en théorie conduire à l'internalisation de tous les coûts et entraîner leur prise en charge par ceux qui en sont responsables. Les redevances, associées à la facture d'eau, remplissent en partie ce rôle. Elles présentent néanmoins une limite souvent rappelée dans la mesure où la répartition des contributions des acteurs n'est pas proportionnelle aux pollutions émises par ces mêmes acteurs 93. Le choix de la démocratie de bassin par le vote des redevances et du programme d'intervention des Agences de l'eau sert non seulement à orienter la politique de l'eau du bassin mais aussi à gérer la mutualisation et la répartition des coûts. Les redevances actuelles sont mieux adaptées à l'internalisation des coûts du petit cycle de l'eau qu'à celle de ceux du grand cycle. a) Les redevances des agences de l'eau répondent à plusieurs enjeux et objectifs parfois différents Objectif de « rendement » : les redevances constituent un impôt et doivent permettre de percevoir des sommes à la hauteur des objectifs d'internalisation des coûts environnementaux. Cela est le cas des principales redevances des agences (redevance pour pollution, prélèvement, modernisation des réseaux) Objectif « dissuasif » : certains paramètres peuvent être dimensionnés de façon à devenir dissuasif et impliquer un changement de pratique des acteurs concernés. L'objectif n'est plus de percevoir des ressources mais au contraire de tendre à éliminer les produits. Cela est le cas pour certaines substances de phytosanitaires Objectif « symbolique » : des redevances ont été construites pour montrer que le champ était couvert, mais pas forcément pour être efficaces d'un point de vue fiscal. Le coût de perception est élevé et le produit parfois très faible. Cela est le cas par exemple des redevances élevage, obstacle sur un cours d'eau et protection du milieu aquatique (pêche). b) Le système de redevances des agences évolue vers la fiscalisation en s'éloignant de l'application du principe pollueur-payeur La LEMA de 2006 a profondément modifié le régime des redevances 94. En effet, un principe de la loi de 1964 disparaît : la masse des redevances est légalement globalisée et il n'y a plus de corrélation entre un type de redevance et un type d'action. Le taux de la redevance n'est ainsi plus lié uniquement à l'utilité ou à la désutilité pour l'environnement ou pour l'usager.
93
À titre d'exemple, les usagers domestiques contribuent pour environ 80% des recettes de la redevance prélèvement alors que leur pression sur le milieu est de l'ordre de 15% en prenant en compte le refroidissement et 30% sans le prendre en compte. 94 La loi stipule que « en application du principe de prévention et du principe de réparation des dommages à l'environnement, l'Agence de l'eau perçoit des redevances ». 120/131
Les différences de taux de redevances fixées par le législateur par usage de l'eau sont désormais fondées davantage sur son appréciation des facultés contributives et du contexte socio-économique que fruit d'éléments techniques environnementaux. La démocratie de bassin et le souhait de rééquilibrer le prix de l'eau à l'échelle nationale ont pris le pas sur les considérations purement écologiques. c) Les redevances actuelles répondent aujourd'hui très imparfaitement au principe pollueur-payeur
·
Redevances de pollution : des différences sensibles sur le principe des assiettes entre pollution domestique et non domestique :
Pour la pollution domestique, il y a déconnexion entre l'assiette de la redevance et la pollution rejetée au milieu, ce qui n'est pas le cas pour la pollution des activités non domestiques. En effet, la dépollution des eaux usées avant rejet au milieu ne se traduit pas, comme pour les pollutions industrielles, par un abattement de redevances. Certes, des primes pour épuration sont versées aux gestionnaires de ces stations95, en fonction des performances du système d'assainissement. Il s'agit d'un montant très important de l'ordre de 300M par an. Mais ces primes, qui contribuent à la mise en oeuvre du principe pollueurpayeur, ne sont pas reconnues comme des redevances négatives, ce qu'elles devraient être, par similitude à la situation des industriels. Un obstacle peut être mis en avant : celui de la personnalité du redevable. Cette question pourrait être réexaminée, les collectivités ayant désormais une compétence obligatoire en matière d'assainissement. De même, pour les pollutions non domestiques, avant la LEMA, l'assiette était basée sur le flux moyen du mois de pollution maximale. La LEMA a remplacé ce système par un calcul basé sur le flux annuel, ce qui n'est pas représentatif des atteintes aux milieux, et élimine du système de redevances les industries saisonnières, qui peuvent être très perturbatrices. Un retour à une assiette plus représentative des atteintes aux milieux apparaît souhaitable. · Redevances de prélèvement : Les assiettes semblent adéquates avec le principe ; en revanche, les taux semblent insuffisamment dissuasifs. · Redevance pour stockage d'eau en période d'étiage Compte tenu du volume élevé des retenues prises en compte, cette redevance ne concerne pas les retenues d'irrigation ou de neige artificielle. · Redevance pour obstacle sur les cours d'eau La redevance ouvrage n'est clairement pas incitative. La redevance ouvrage est calculée comme le produit d'une hauteur de chute par le coefficient de débit, le coefficient d'entrave (coefficient de transit sédimentaire et coefficient de transit poisson). Il manque un certain nombre de facteurs fortement influençant (effets des remous, sensibilité des milieux, effets des usages). Par ailleurs, la redevance fait l'objet de fortes exonérations au principe et à l'application contestables , sur la hauteur (cette exonération est à 5 m, soit 5 fois la hauteur infranchissable pour les poissons les plus performants), sur le débit (la totalité du chevelu est exclue de la redevance alors même qu'on y trouve et qu'on y trouvera probablement de plus en plus de micro-centrales), sur ouvrages hydroélectriques (alors même que l'hydroélectricité est l'usage le plus pénalisant). Son taux de 150 /m est extrêmement faible et les coefficients en partie inadaptés. Enfin, la redevance actuelle ne fait aucune différence entre les rivières les plus exceptionnelles qu'il convient de préserver intégralement, les rivières moins exceptionnelles mais néanmoins suffisamment intéressantes pour bénéficier du classement au titre de l'article L214-17 2° du Code de l'Environnement, et
95
Dans tous les bassins, sauf en Loire-Bretagne. 121/131
enfin les rivières de moindre intérêt sur le plan environnemental. La très grande majorité des ouvrages parmi lesquels on rencontre les ouvrages les plus pénalisants sur le plan environnemental échappe complètement à la redevance ! La redevance ouvrage telle qu'elle est n'a donc aucun effet en terme environnemental et ne peut donc influencer de manière favorable les comportements des usagers, ni participer à l'amélioration de l'environnement et à l'atteinte du bon état.
Certains faits générateurs perturbant pour le milieu ne font l'objet d'aucune redevance : extractions
de granulats, suppression de champs d'expansion des crues, imperméabilisation, etc.
3.6.5.2. La mise en pratique du principe pollueur payeur dans le secteur agricole est difficile.
Les techniques actuelles de surveillance ne permettent pas de mesurer, pour un coût raisonnable, la pollution diffuse d'origine agricole dans les masses d'eau, mais aussi en raison des obstacles d'ordre juridique (droits de propriété). Outre la redevance élevage qui concerne les effluents azotés des unités d'élevage les plus importantes, l' instrument « internalisant » existant est la redevance « pour pollution diffuse », instaurée par la LEMA, qui a succédé à la TGAP sur certains produits phytosanitaires. Selon les cas, elle taxe les substances entre 0,9 /kg et 5,1 /kg (0,6 et 3,7 jusqu'en 2010) et rapporte environ 60 millions d'euros dont environ 31,8 millions d'euros par an pour les agences et le reste pour le financement du plan Ecophyto. Ces montants sont donc nettement inférieurs aux seuls coûts des traitements de potabilisation des eaux contaminées, et sans commune mesure avec les coûts externes d'un traitement hypothétique de l'ensemble des flux annuels chiffrés ci-dessus. Les chiffrages précédents laissent à penser que les taux actuels de la redevance pour « pollution diffuse » sont insuffisants pour couvrir l'ensemble des coûts externes, non seulement sanitaires mais aussi environnementaux. a) L'agriculture n'est pas la seule source de pollution diffuse aquatique, mais c'est la plus importante La pollution diffuse peut avoir plusieurs sources (industrielle, domestique, agricole) et il est malaisé de déterminer la part relative de chacune de ces causes. Le lien entre production agricole et pollution est d'une manière générale plus documenté que les autres, même si sa quantification se heurte à de nombreux obstacles méthodologiques et pratiques. Il n'en reste pas moins que l'agriculture est source de pollution par l'azote, le phosphore, les pesticides, les sédiments du sol ainsi qu'un nombre croissant de nouveaux contaminants (par exemple les médicaments vétérinaires). La pollution d'origine agricole a un fort impact redistributif sur la société, en raison du coût du traitement visant à décontaminer l'eau de boisson. Le coût de cette pollution d'origine agricole pèse également sur la société sous forme de perte des avantages liés aux loisirs (p. ex. baignade) et aux valeurs d'agrément (p. ex. paysages aquatiques) associés à l'eau ; de dommages sur les pêcheries commerciales et d'effets néfastes sur les écosystèmes. Comme le note l'OCDE dans son récent rapport « Qualité de l'eau et agriculture : un défi pour les politiques publiques (2012) », les coûts économiques, environnementaux et sociaux de la pollution de
l'eau due à l'agriculture dans les pays de l'OCDE représentent probablement au bas mot plusieurs milliards de $/an. Il n'existe pas d'estimation satisfaisante de ces coûts. Les mesures destinées à remédier à la pollution de l'eau par l'agriculture dans les pays de l'OCDE ont coûté aux contribuables des milliards de $/an.
Pour la France, les coûts de la pollution agricole peuvent être estimés à un minimum de 500M/an 96.
96
Une estimation réalisée par le ministère de l'écologie en 2009 (Étude n°52 du CGDD) évalue les dépenses courantes connues 122/131
b) La conchyliculture, un bon exemple de cette application imparfaite du principe polluer-payeur et de la difficulté de mise en oeuvre de ce dernier Le secteur conchylicole (774 M de CA) est confronté à un ensemble de surcoûts. Parmi ceux-ci et de manière non exhaustive, on peut citer : - L'obligation de traiter 98 % de la production ostréicole avant mise en marché du fait de la présence de germes dans 98 % des zones. Cette présence de germes est attribuée à des défauts d'ANC ou de fonctionnement de stations d'épuration par temps de pluie. - La surcharge de travail due à la prolifération des algues (retournement des poches 2 fois plus fréquent que la normale, donc coût de main d'oeuvre accru). - Les pertes de production due aux algues : mortalité due à l'anoxie par prolifération physique des algues - Les surcoûts dus au non respect de la zone tampon des 500m d'épandage. - L'impact des perturbateurs endocriniens, etc... L'ensemble de ces surcoûts qui pour l'instant sont passés sur le consommateur qui accepte de les payer peut être estimé à plusieurs centaines de millions d'euros pour la conchyliculture soit certainement de l'ordre de 20 à 30 % de la valeur finale de sa production. La répercussion de ces surcoûts à leurs auteurs par application du PPP s'avère très délicate, bien qu'on puisse globalement identifier les « responsables » (agriculteurs, ANC défaillantes, responsables de stations défaillantes...).
entraînées par les pollutions azotées de l'agriculture et de l'élevage dans une fourchette allant de 840 à 1310 millions d'euros par an, dont 740 à 1160 millions engagés par les ménages et 100 à 150 millions supportés par les collectivités territoriales. Cette évaluation est reprise et citée par tous les ouvrages postérieurs sur le sujet. La mission estime que ce chiffrage mériterait un débat tant sur la méthode que sur les résultats. 123/131
. 4 .Synthèse opérationnelle
À l'issue du diagnostic, plusieurs éléments permettent de caractériser la politique de l'eau en matière d'effi cacité, d'efficience ou de soutenabilité.
.........................4.1. Efficacité : Une politique de l'eau globalement efficace sur le petit cycle de l'eau mais qui rencontre des difficultés pour maintenir en bon état voire reconquérir la ressource en eau et la qualité des milieux aquatiques
La politique de l'eau cherche à répondre à des objectifs variés qui concernent à la fois le petit cycle de l'eau, le grand cycle de l'eau et l'interface entre petit et grand cycles.
.........................4.1.1. Pollutions diffuses et substances toxiques difficiles à traiter obèrent une efficacité globalement satisfaisante
Globalement l'efficacité est atteinte pour le petit cycle de l'eau. Ce dernier offre en effet une bonne qualité de service : qualité, quantité, disponibilité. La politique de l'eau a permis de grandes avancées dans la lutte contre les pollutions des stations de traitement des eaux usées notamment en application la directive « Eaux Résiduaires Urbaines » (DERU), dont les travaux de mise en conformité liée au contentieux communautaire devaient être terminés fin 2013, et l'accessibilité à l'eau potable est désormais assurée pour tous en métropole. Restent toutefois plusieurs territoires (DOM et plus encore Mayotte, TOM) où l'accès à l'eau potable et l'assainissement, enjeu majeur dans le développement, ne sont pas encore assurés en raison de l'état et surtout du manque d'infrastructures adéquats. Par ailleurs, malgré les efforts réalisés vers les 507 aires d'alimentation des captages prioritaires définis dans le cadre du Grenelle de l'Environnement, l'effort s'essouffle (conjoncture économique défavorable, retards dans les engagements agro-environnementaux). L'arrêt de certains captages d'eau potable affectés par des pollutions diffuses conduit à la recherche de nou veaux sites de prélèvement et est facteur de coûts supplémentaires alors même que certaines menaces émergent (risques liés notamment aux pesticides, résidus de médicaments...). Enfin la question du maintien en bon état et le renouvellement des infrastructures (réseaux AEP anciens ; stations de traitement, stratégie d'amortissement des réseaux à consolider...) constitue un des nouveaux enjeux du petit cycle de l'eau.
.........................4.1.2. Assainissement non collectif, croissance démographique différente selon les territoires et pollutions résiduelles du milieu peuvent mettre en péril le bon état des eaux
Quatre éléments qui posent encore problème viennent en appui de ce constat :
·
la réduction du taux de nitrate : problèmes de définition des zones vulnérables, de calendrier de réalisation des actions et d'efficacité des actions entreprises après ceux liés à la DERU qui ne sont pas terminés et pour lesquels l'effort doit se maintenir, l'assainissement non collectif qui contribue ponctuellement, notamment dans les zones perméables sensibles (espaces littoraux, milieux karstiques...), à la pollution des masses d'eaux littorales et souterraines,
124/131
·
·
le fonctionnement des systèmes d'assainissement en temps de pluie en milieu urbain qui, mal maîtrisé, peut affecter le bon état écologique des cours d'eau et provoquer des débordements nuisibles au milieu naturel, l'urbanisation et l'augmentation des déplacements motorisés, qui aggravent l'imperméabilisation des sols et les charges d'entretien (usage de pesticides, prélèvements et rejets) ;l'usage de produits dérivés du pétrole facteurs de dépôts toxiques sur le sol urbain est également un vecteur d'impact sur l'eau et les milieux aquatiques insuffisamment considérés (HAP, plomb...). Certaines de ces faiblesses sont liées à une faible intégration des enjeux liés à l'eau dans d'autres politiques publiques ( urbanisme, transport...), malgré une convergence forte avec la politique de santé publique.
·
.........................4.1.3. Pour le grand cycle, des objectifs trop ambitieux et des outils de mise en oeuvre faiblement opérationnels
Le « grand cycle de l'eau » recouvre les enjeux plus naturels tels que la préservation des milieux humides, la protection et la reconquête des ressource en eau et de la qualité des milieux aquatiques, la protection voire la reconquête de la qualité des milieux marins, la gestion des risques naturels liés à l'eau (ex : inondations, ruissellements, ...), la coordination et la planification à l'échelle des bassins versants. Globalement, pour le grand cycle de l'eau, l'efficacité demeure insuffisante au regard des objectifs de bon état écologique des cours d'eau fixés par la France pour 2015 dans le cadre de l'application de la DCE. Pour autant, la France se situe dans la moyenne des États membres de l'Union Européenne pour la qualité effective des masses d'eau. Trois points d'importance nécessitent un renforcement des efforts : (1) la réduction des pollutions diffuses (notamment agricoles), (2) la restauration morphologique des cours d'eau et (3) la protection des zones humides.
.........................4.1.4. Une action de l'État nécessaire pour assurer la transparence de la qualité des services au niveau du petit cycle de l'eau et indispensable pour le grand cycle
L'amélioration de la transparence de la gestion de l'eau potable et de l'assainissement collectif et non col lectif reste un enjeu important, notamment sur la réalité économique des coûts des différentes opérations tout au long du cycle de l'eau. Cette transparence est à rechercher tant au niveau du consommateur (informations disponibles sur la facture d'eau, cas des immeubles collectifs non individualisés) qu'au niveau des collectivités gestionnaires (consolidation de l'observatoire des services publics d'eau et d'assainissement). Dans le grand cycle de l'eau, les formes de régulation des relations entre acteurs ne vont pas de soi. Cette difficulté est accentuée par un manque de connaissances, des difficultés d'accès ou de compréhension des données brutes et la caractérisation du lien entre les pressions exercées sur l'eau et les milieux aquatiques, l'état de ces milieux et les réponses apportées. Le SIE est aussi confronté à de nombreuses difficultés, en raison 1)de la forte complexité du fonctionnement des hydrosystèmes qui rend parfois difficilement démon trables les liens de causalité entre actions entreprises et impacts sur l'état des milieux, 2) du choix fait de ne pas remettre à plat le réseau national des données sur l'eau historique, mais de progresser par améliorations successives, 3) de la multiplicité des producteurs de données sur lesquels le coordinateur technique (ONE MA) n'a pas toujours autorité, 4) de l'insuffisance du système qualité malgré des progrès importants, 5) de la limitation et du niveau de qualification des moyens humains affectés.
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.........................4.1.5. Une multiplicité d'intervenants publics et de politiques publiques qui peuvent se neutraliser si les objectifs ne sont pas partagés
Le diagnostic souligne les faiblesses en matière d'articulation entre les politiques publiques à visées socioéconomiques même si des actions visant à penser la transversalité et une meilleure articulation des poli tiques publiques ont montré des effets positifs (atténuation des conflits d'usage ; adaptation de pratiques agricoles ; plus grande prise en compte des enjeux de l'eau dans les projets d'aménagement...). Pour autant l'écoconditionnalité des aides en matière d'agriculture, si elle a été initiée, demeure insuffisante, et le contrôle de son respect insuffisamment lié à la police de l'eau et à la sensibilité des exploitations vis-à-vis de l'eau. Les porteurs des politiques d'urbanisme et de transports sous-estiment les enjeux dans le domaine de l'eau dans l'élaboration de leurs projets. Concernant l'hydroélectricité, les priorités concernant la vocation principale des cours d'eau devraient être plus affirmées (cours d'eau « énergétiques » classés MEFM et cours d'eau biologiques sur lesquels aucun nouveau projet ne devrait être autorisé). Quant aux politiques en vironnementales thématiques (biodiversité, inondations), le risque est celui d'une sectorisation de la mise en oeuvre de ces politiques. L'évaluation environnementale des projets, plans et programmes est insuffisamment utilisée pour faire prendre en compte les enjeux de l'eau et des milieux aquatiques en amont des projets. Par ailleurs, des financements croisés ont tendance à lisser la hiérarchisation des actions pourtant indispensable. Au final ils peuvent entraîner une neutralisation de l'incitation en raison des retards engrangés par le montage des dossiers et des avis contradictoires qui s'expriment, y compris entre services de l'État. Souli gnons aussi un manque de souplesse dans la mise en oeuvre des MAEt qui, malgré des lignes directrices clairement définies par les procédures, et en raison du nombre d'intervenants impliqués ajoute des coûts de transactions importants, limite in fine l'application efficace des mesures.
.........................4.2. Efficience : des progrès possibles dans un environnement social, économique et politique qui restera par nature complexe .........................4.2.1. Gouvernance : une coordination et une planification efficaces à l'échelle des bassins, mais une mise en oeuvre locale confrontée à un émiettement des responsabilités et à une organisation inadaptée
La gouvernance de l'eau se caractérise par un émiettement des responsabilités, voire leur ignorance, et une organisation pas toujours adaptée aux enjeux qu'elle a à traiter, ce qui, au total, ne favorise ni la construction d'une vision stratégique, ni l'atteinte des résultats escomptés. Ainsi, au niveau de l'État, la multiplication des instructions de la DEB nuit à la lisibilité des priorités des services déconcentrés. La complexité de la coordination sur les territoires littoraux entre Préfet de bassin, préfet de façade et préfet maritime pose question. L'amélioration de l'animation territoriale entre les services de l'État et ses établissements publics, entre services de l'État et collectivités doit faire l'objet d'une attention particulière alors même que des dissensions peuvent survenir entre services. L'expérience d'instauration d'un chef de filât selon les dossiers initiés en certains territoires pourrait être une réponse efficace à ce problème. Par ailleurs, un besoin de clarification des rôles entre l'État et ses établissements publics apparaît nécessaire. Le principe de spécialité des établissements publics doit être réaffirmé. La démarche est engagée dans le cas de l'ONEMA dont le nouveau contrat d'objectifs intègre les critiques de la Cour des comptes. Les
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mutualisations entre les agences de l'eau sont encore perfectibles, malgré les grands progrès accomplis ces dernières années. Leur coordination avec les autres acteurs de l'environnement, notamment ceux concernés par la biodiversité et les milieux littoraux, mériterait d'être renforcée. Par ailleurs, au niveau territorial, de nombreux acteurs ont fait valoir un manque de dialogue entre les acteurs en charge de l'urbanisme et les acteurs de l'eau. Entre un État légitime sur les enjeux environnemen taux et des collectivités légitimes sur l'aménagement de l'espace pour l'accueil des populations, activités et services, comment arriver à une compréhension commune des enjeux de l'eau ? La multiplication des SAGE est une bonne solution dans la durée. Elle se heurte cependant à une durée d'élaboration excessive, incompatible avec les objectifs de la DCE, et à des difficultés pour passer à la mise en oeuvre. L'absence de compétence obligatoire d'ensemblier à l'échelle des bassins versants (service public) nuit à la mise en oeuvre des mesures locales déclinant des SDAGE ainsi qu'un manque de maîtres d'ouvrages ayant les capacités techniques et financières sauf dans le cas où des syndicats de rivière avaient été initiés (avec ou sans SAGE). La question notamment de l'absence de ressource financière propre semble un frein majeur. La prise en charge de l'ensemble des problèmes à l'échelle du bassin versant semble un levier essentiel pour mieux répondre aux problématiques en lien avec le grand cycle de l'eau (restauration de la morphologie des cours d'eau, pollution diffuse, gestion des zones humides mais aussi gestion des inondations) et mieux articuler les multiples outils (SDAGE, SAGE, SAR, SCOT, PLU, ...), issus de législations autonomes, élaborés à des périodes différentes et reflets d'un mille-feuille hérité des évolutions de l'action publique passées. Les comités de bassin, dont le rôle structurant a été confirmé par tous, a aussi fait l'objet d'une demande d'ajustements dans sa composition par certaines catégories d'acteurs, pour répondre à un souci de meilleure représentation de la société civile. Le diagnostic souligne également le nombre trop important de services publics d'eau et d'assainissement, certains n'ayant pas la taille suffisante pour exercer leurs prérogatives d'autorité organisatrice (existence 35 000 SPEA dont 5000 représentent 80 % de la population). Cet émiettement apparaît nuisible à la rationalité des choix techniques.
.........................4.2.2. Utilisation des ressources : une évaluation macro-économique imparfaite
Malgré les résultats incertains issus du diagnostic sur les ressources financières et humaines relatives à la politique de l'eau, quelques points marquants peuvent être soulignés. 17 Mds d'euros sont mobilisables annuellement dans le petit cycle de l'eau. Globalement les recettes n'équilibrent pas les dépenses si l'on intègre l'investissement dans l'équilibre financier du service. Les col lectivités locales ont recours à l'emprunt à hauteur de 1 Mds d'euros par an pour mener une politique d'investissement dans ce secteur stratégique et bénéficient de plus d'aides des agences de l'eau, de conseils gé néraux (voire de fonds européens dans les DOM) et d'avances remboursables. De plus, certains choix d'investissement dans les domaines de l'AEP et de l'assainissement relèvent parfois de critères plus politiques que techniques ce qui peut conduire à des dépenses insuffisamment justifiées. Certains choix techniques méritent une vigilance particulière, en particulier le choix entre assainissement collectif et assainissement non collectif en zone rurale : les enjeux financiers sont potentiellement énormes et la soutenabilité du maintien de ces réseaux dans la durée interroge. En revanche la mise en place de certaines règles (prix minimum de l'eau pour être éligibles aux aides des Agences de l'eau, coûts plafonds voire coûts d'exclusion ; fongibilité asymétrique du Xème programme des Agences de l'eau pour éviter des transferts du grand cycle vers le petit cycle) vont dans le bon sens. Sur le plan des ressources humaines, une certaine perte de compétence des services de l'État et une expertise technique insuffisante par absence de masse critique dans les services peuvent nuire à la qualité de l'expertise des dossiers de police administrative et au suivi des projets (contrôle des SPEA par exemple). 5,6 Mds d'euros sont mobilisés par le grand cycle de l'eau dont la moitié en provenance du contribuable au niveau national. Certains programmes d'intervention financés dans le cadre de la gestion du grand cycle
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comme Ecophyto, comprennent trop d'intermédiaires qui entraînent des coûts de transaction et une déresponsabilisation alors même que l'utilisation des crédits a fait l'objet d'un cadrage au niveau national. Par ailleurs, les insuffisances de l'exercice de la police de l'eau sont régulièrement signalées (Cour des comptes 2010 et 2012; Conseil d'État 2010, Blueprint 2012 de la Commission européenne). Tous consi dèrent que la police de l'eau constitue un levier réglementaire de contrôle et de sanction insuffisamment appliqué dans un contexte où la coordination entre les acteurs de l'eau (financement au niveau des bassins ; police au niveau départemental) est difficile. Les faibles effectifs de certaines DDT peuvent amener à trai ter les dossiers de façon trop administrative et pas assez sur le fond, les vérifications de terrain étant délé guées, ce qui conduit à des applications hétérogènes d'un département à l'autre et ce d'autant plus que les services de l'ONEMA qui les assument sont aussi souvent en effectif insuffisant. De plus, constat est fait du peu de synergie entre la police de l'eau et les contrôles de la PAC.
.........................4.3. Soutenabilité : la politique a-t-elle la capacité à répondre aux défis futurs ? .........................4.3.1. Consentement à payer : le système de la ressource affectée et des programmes pluriannuels appréciés de tous les acteurs
Le consentement à payer est réel, d'autant que le prix de l'eau se situe dans la moyenne des aux autres États Membres de l'Union européenne. De plus le système de la ressource affectée avec définition de pro grammes pluriannuels d'intervention est très apprécié de tous les acteurs, publics et privés. Ils permettent de développer des actions dans le temps, sans subir les aléas de l'annualité budgétaire. En revanche, les consommateurs d'eau contestent la répartition des coûts pour l'aide publique au grand cycle de l'eau et des craintes se font jour en cas d'extension du champ d'intervention des agences de l'eau sans ressource supplémentaire affectée.
.........................4.3.2. Améliorer la prise en compte des analyses coûts avantages (ACA) et des analyses coûts bénéfices (ACB), ainsi que des approches plus stratégiques
En revanche, l'identification de coûts disproportionnés éventuels est insuffisamment prise en compte aujour d'hui dans la mise en oeuvre en France de la politique de l'eau. Les analyses économiques devraient pour tant constituer un élément important d'aide à la décision et d'amélioration de l'efficacité et de l'efficience. L'appréciation des coûts disproportionnés est d'autant plus importante qu'elle peut constituer un argument de demande de dérogations de délais et d'objectifs dans la mise en oeuvre des mesures complémentaires de la DCE.
.........................4.3.3. S'inscrire dans une démarche de prospective pour anticiper les changements futurs
De nombreux défis nous attendent : les conséquences liées au changement climatique et aux incertitudes temporelles de son évolution, les dynamiques de répartition des populations et des activités économiques, la culture d'une population de plus en plus urbaine et moins consciente des enjeux liés au fonctionnement des milieux aquatiques, la transformation du modèle économique, l'érosion de la biodiversité...
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Tout ceci amène à devoir préparer l'avenir , en effectuant des projections selon des scénarios alternatifs : cela suppose de faire preuve d'innovation, d'imagination, de flexibilité dans les outils, et d'améliorer la concertation avec le public, dont les modes de vie seront forcément impactés par tous ces changements.
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. 5 .Conclusion
Le système de gestion intégrée de l'eau par bassin versant avec des agences de l'eau bénéficiant de res sources affectées et de programmes pluriannuels d'intervention continue de faire ses preuves et est apprécié de tous les acteurs. C'est un acquis fondamental à préserver. La gestion du petit cycle de l'eau est globalement satisfaisante : l'accès à l'eau potable est garanti, la mise aux normes de l'assainissement collectif se termine, l'assainissement non collectif est maintenant encadré ; le prix de l'eau est dans la moyenne européenne. Les DOM connaissent cependant un retard structurel qui justifie pleinement la solidarité inter-bassins. En revanche, des progrès sont possibles en efficience : le nombre de services publics d'eau et d'assainissement est beaucoup trop important. Des progrès sont nécessaires en matière d'information des consomma teurs sur la qualité des services. La gestion du grand cycle de l'eau, qui bénéficie portant à tous les acteurs, est difficile : elle cristallise les conflits d'usages et justifie pleinement l'intervention publique. Les objectifs ambitieux des directives communautaires : DCE, mais aussi DI et DCSMM, nécessitent de consolider la gouvernance en place pour mieux associer les acteurs territoriaux chargés de la mise en oeuvre et pour parvenir à une meilleure intégration de ces politiques, notamment via l'intervention des agences de l'eau. Les modes d'intervention de la politique et notamment l'équilibre entre incitation et coercition doivent être débattus. La hiérarchisation des priorités est nécessaire pour tenir compte des capacités d'intervention de tous les acteurs : le niveau d'ambition relève du choix politique et doit être pleinement assumé
Anne-Marie LEVRAUT
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Liste des annexes :
cf. Tome 2
1. Lettre de mission 2. Cahier des charges de l'évaluation adopté par le COPIL du 4 mars 2013 3. Les acteurs de l'eau 4. Cartographie du SNDE 5. Travaux de l'OCDE 6. Bibliographie 7. Liste de contributions reçues 8. Liste des personnes rencontrées 9. Glossaire des acronymes
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Conseil général de l'environnement et du développement durable Inspection générale des finances Conseil Général de l'Économie, de l'Industrie, de l'Énergie et des Technologies
Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux Inspection générale de l'administration Université Paris-Diderot
Évaluation de la politique de l'eau
Rapport d'analyse - Tome 2 (Annexes)
Établi par : Responsable opérationnelle : Anne-Marie LEVRAUT Ingénieure Générale des Ponts, des Eaux et des Forêts, Conseil général de l'environnement et du développement durable Équipe opérationnelle : Denis PAYEN Ingénieur Général des Ponts, des Marie-Laurence MADIGNIER Ingénieure Eaux et des Forêts Générale des Ponts, des Eaux et des Forêts Nathalie COPPINGER Inspectrice Générale des Jean-Jacques BENEZIT Ingénieur Général des Finances Ponts, des Eaux et des Forêts François CHOLLEY Ingénieur Général des Mines Marie-Louise SIMONI Inspectrice Générale de l'Administration Richard LAGANIER professeur de géographie
Juin 2013
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Liste des annexes
1. Lettre de mission 2. Cahier des charges de l'évaluation adopté par le COPIL du 4 mars 2013 3. Les acteurs de l'eau 4. Cartographie du SNDE 5. Travaux de l'OCDE 6. Bibliographie 7. Liste de contributions reçues 8. Liste des personnes rencontrées 9. Glossaire des acronymes
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ANNEXE 1 Lettre de mission
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ANNEXE 2 Cahier des charges de l'évaluation de la politique de l'eau (COPIL du 4 mars 2013)
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Annexes Rapport d'analyse V28 tome 2 25 juin
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Annexes Rapport d'analyse V28 tome 2 25 juin
Annexes Rapport d'analyse V28 tome 2 25 juin
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ANNEXE 3 Les acteurs de l'eau 1) Au niveau national, les acteurs assurent l'élaboration et le suivi général de la politique de l'eau ainsi que l'articulation avec l'Union européenne Le ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie (MEDDE) est chargé de la politique de l'eau, à travers deux directions d'administration centrale : la direction de l'eau et de la biodiversité (DEB) et la direction générale de la prévention et des risques (DGPR). D'autres ministères sont amenés à intervenir pour défendre leurs intérêts particuliers, notamment le ministère en charge de la santé, le ministère en charge de l'agriculture et le ministère en charge de l'industrie. Ces ministères se coordonnent au sein de la mission inter-services de l'eau (MIE). La politique de l'eau étant une politique partenariale, le Comité National de l'Eau (CNE), placé auprès du Ministre en charge de l'environnement, donne un avis sur toutes les questions d'ordre national. L'office national de l'eau et des milieux aquatiques (ONEMA) est un établissement public national en charge de la mutualisation technique sur de nombreux sujets, notamment méthodologiques ou sur l'information et les données. De nombreuses associations nationales interviennent pour faire le lien entre leurs intérêts, qui s'expriment souvent au niveau local et les instances nationales : citons certaines têtes de réseaux : l'office international de l'eau (OIEAU), l'association française des établissements publics territoriaux de bassins (AFEPTB), ou la fédération nationale des collectivités concédantes et des régies (FNCCR), mais aussi les fédérations nationales d'associations de protection de l'environnement, ou la fédération nationale des industriels utilisateurs d'eau (FENARIVE). La direction de l'eau et de la biodiversité (DEB) du ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie (MEDDE), est chargée d'élaborer, d'animer et d'évaluer la politique nationale de l'eau et des milieux aquatiques en cohérence avec les directives européennes. À ce titre, elle a en charge la connaissance, la protection, la police, la gestion de l'eau et des milieux aquatiques continentaux, littoraux et marins et à la pêche en eau douce, la gestion équilibrée des eaux superficielles et souterraines, des estuaires et des eaux littorales ainsi que la protection des eaux marines contre les pollutions, y compris accidentelles, et à l'assainissement des eaux. Elle a donc un rôle de pilotage et d'animation des services déconcentrés dans son champ d'action, y compris la police des eaux et de la pêche en eaux douces. Elle assure la coordination interministérielle notamment avec les services compétents pour un usage particulier de l'eau (Agriculture, Santé, ...) et à ce titre exerce le secrétariat de la mission interministérielle de l'eau (MIE) et du comité national de l'eau (CNE). Elle exerce la tutelle des établissements publics de son champ d'activité en particulier des 6 Agences de l'Eau et de l'ONEMA. La direction générale de la prévention et des risques (DGPR) du MEDDE est chargée notamment de l'élaboration et de la mise en oeuvre de la politique de réduction des pollutions et de la politique de prévention des inondations et de prévision des crues, en lien avec la DEB.
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La direction générale de la Santé, du MASS est responsable en particulier de la qualité de l'eau potable distribuée, de la qualité sanitaire des aliments et des baignades. La direction générale de l'alimentation (DGAL) du MAAF est responsable notamment de la mise en oeuvre de la politique de prévention et de contrôle phytosanitaire, et à ce titre de la réglementation des produits phytosanitaires et du plan Ecophyto. La direction générale des politiques agricoles, agroalimentaires et des territoires (DGPAAT) est quant à elle, chargée de l'élaboration de la mise en oeuvre des plans de développement rural comprenant les actions agro-environnementales financées dans le cadre du second pilier de la politique agricole commune (PAC) Le Comité National de l'Eau (CNE), créé par la loi sur l'eau du 16 décembre 1964, et placé auprès du Ministre chargé de l'environnement pour examiner les questions communes aux grands bassins hydrographiques, a vu son rôle élargi et renforcé par la LEMA. Son rôle et ses missions sont codifiés à l'article L. 213-1 du code de l'environnement. C'est une instance consultative constituée de, représentants des collectivités locales, de socioprofessionnels usagers de l'eau, d'associations de protection de l'environnement, d'associations de consommateurs, de l'État et de ses établissements publics (25 membres), le CNE est notamment consulté sur les grands projets d'aménagement et de répartition des eaux, sur les questions communes aux bassins, sur la protection des peuplements piscicoles. La LEMA lui confie également une mission d'évaluation et de suivi de la qualité et du prix des services publics d'eau et d'assainissement. Les membres du CNE ont été nommés pour 6 ans par arrêté ministériel du 12 décembre 2008. Par ces différentes attributions, le CNE construit le lien entre la protection des milieux naturels et la gestion de la ressource eau pour l'alimentation en eau potable et les activités économiques, en inscrivant son action dans une stratégie de développement durable L'Office national de l'eau et des milieux aquatiques (ONEMA) est un établissement public de l'État à caractère administratif créé en 2007 par la LEMA à partir de l'ancien Conseil Supérieur de la Pêche (CSP) : ses missions et organisation sont codifiées aux articles L. 213-2 et suivants du code de l'environnement. Il a des missions de connaissance, d'expertise, de police, de solidarité financière inter-bassins, d'appui à la mise en oeuvre des politiques publiques, de communication, de formation, de mise à disposition et de coordination technique du système d'information sur l'eau (SIE) ainsi que de la préparation du rapportage de la DCE vis-à-vis de la Commission européenne. Il est organisé avec une direction générale (168 personnes, dont 114 cadres A), 9 délégations interrégionales (224 personnes dont 52 cadres A) et 101 délégations départementales (505 personnes, de catégories B et C). Il emploie au total 897 personnes en 2013 et est doté d'un budget de 186 M en 2013 en provenance du budget des agences de l'eau pour 145 M et de 41M constitué d'un reversement d'une fraction de la redevance pour pollutions diffuses perçues par les AE dédiés au plan Ecophyto. Son CA est composé à 38 % de membres des comités de bassin. Le CNE émet des avis sur ses orientations et ses comptes-rendus d'activité et la programmation de ses actions est concertée avec le MEDDE et les agences de l'eau : l'ONEMA est donc en forte interactions avec les bassins. Le deuxième contrat d'objectifs entre l'État et l'ONEMA pour la période 2013-2018 a été adopté par le CA du 28 mars 2013. D'autres structures interviennent au niveau national.ou international. Trois associations qui jouent
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un rôle plus opérationnel sont présentées ci-dessous. L'Office international de l'eau (OIEAU) L'office International de l'eau (OIEAU) est une association, sans but lucratif et chargée de missions d'intérêt général. Elle réunit environ 150 organismes publics et privés, français et étrangers travaillant dans le domaine de l'eau. Ses compétences s'exercent sur trois champs d'activité : la gestion et la mise à disposition des données sur l'eau, la formation professionnelle continue, l'international. Son chiffre d'affaires est d'environ 15M (environ 1/3 par convention avec l'ONEMA et le reste par prestation de services) ; l'OIEAU emploie 128 personnes en CDI de droit privé. Et deux associations têtes de réseaux Pour le grand cycle de l'eau : L'association française des EPTB (AFEPTB) : créée en 1999, elle a pour buts de promouvoir l'aménagement intégré et le développement durable des bassins hydrographiques, d'ouvrir le dialogue avec tous les acteurs intéressés au présent et à l'avenir des fleuves et rivières, en particulier en France et en Europe. L'association regroupe aujourd'hui 26 collectivités territoriales de bassin versant dont 23 sont reconnues comme EPTB par l'État. Pour le petit cycle de l'eau : La Fédération nationale des collectivités concédantes et des régies (FNCCR) : créée en 1934, elle regroupe notamment les collectivités organisatrices des services publics d'eau et d'assainissement. Ces collectivités sont constituées de villes, de communautés ou de syndicats dont certains à cadre départemental. La gestion du service public est assurée soit par des entreprises délégataires (concession, affermage), soit en régie (parfois en régie intéressée). Des associations représentatives de la protection de l'environnement, ou de certains loisirs aquatiques jouent un rôle déterminant : la fédération nationale des pêcheurs de loisirs, France Nature Environnement, la Fédération française de canoë kayak. 2) Au niveau des bassins, se situe la responsabilité de la planification et de l'incitation financière Depuis la loi du 16 décembre 1964, l'organisation administrative dans le domaine de l'eau s'appuie sur la notion de grand bassin hydrographique, dénommé district par la directive cadre sur l'eau : la France est partagée en 7 bassins métropolitains et 5 bassins ultramarins. Le préfet coordonnateur de bassin anime et coordonne l'action des services de l'État sur le bassin ; il est autorité compétente vis-à-vis de l'Union européenne pour la mise en oeuvre des directives sur l'eau. Il s'appuie sur le DREAL de bassin. Le Comité de Bassin, « parlement de l'eau » du bassin, joue un rôle clef dans la planification (élaboration des schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux ou SDAGE), et dans le dimensionnement des efforts financiers faits sur les bassins en termes de mutualisation (les délibérations du CA de l'agence de l'eau qui approuvent le taux des redevances et le programme pluriannuel d'interventions sont prises sur avis conforme du Comité de Bassin, dans le respect du cadre voté par le Parlement). Chaque bassin métropolitain dispose d'une agence de l'eau, établissement public de l'État à caractère administratif, chargé du secrétariat du comité de bassin et doté de ressources affectées, les redevances, qui permettent de financer un programme pluriannuel d'intervention de 6 ans.
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Les bassins ultramarins sont dotés d'un office de l'eau, établissement public local pouvant percevoir des redevances et mettant en oeuvre un programme pluriannuel d'interventions. L'organisation de l'État Le préfet coordonnateur de bassin (article L.213-7 du code de l'environnement) Dans chaque bassin, le préfet de la région où le comité de bassin a son siège anime et coordonne la politique de l'État en matière de police et de gestion des ressources en eau. À ce titre, il préside une commission administrative de bassin composée des préfets de région, des préfets de département, du DREAL de bassin, du DRFIP de bassin et du directeur de l'agence de l'eau. Plus précisément, le préfet coordonnateur de bassin intervient en matière de planification de l'eau pour : · · · · · approuver le SDAGE élaboré par le comité de bassin (à l'exception de la Corse où le SDAGE est approuvé par le président de la collectivité territoriale de Corse), arrêter le programme pluriannuel des mesures annexé au SDAGE, présenter au comité de bassin une synthèse de la mise en oeuvre de ce programme, établir un programme de surveillance de l'état des eaux, imposer pour tout ou partie du bassin des règles et prescriptions techniques plus sévères que celles fixées par arrêté ministériel visant la nomenclature eau.
En matière de gestion quantitative des eaux, le préfet coordonnateur constate par arrêté la nécessité de mesures coordonnées dans plusieurs départements pour faire face à une menace ou à un risque de pénurie ; les préfets des départements concernés prennent des arrêtés conformes aux orientations du préfet coordonnateur. En matière de lutte contre les pollutions agricoles, le préfet coordonnateur arrête, après concertation avec les élus et les différents acteurs de l'eau, la délimitation des zones vulnérables et celles des zones sensibles. Il arrête les zones de répartition des eaux. En matière d'inondations, il anime et coordonne la politique de l'État (schéma directeur de prévision des crues, cartes des surfaces inondables, plan de gestion des risques inondation, dispositions codifiées au chapitre VI du titre VI du livre V du code de l'environnement). Au titre de ses autres compétences, le préfet coordonnateur de bassin définit le périmètre d'intervention des EPTB. Il signe les décisions relevant de l'État en matière de transfert du domaine public fluvial. Il est autorité compétente vis-à-vis de l'UE pour la mise en oeuvre des directives dans le domaine de l'eau. Sur le littoral, territoire sur lequel il faut coordonner la mise en oeuvre de la DCE et de la DCSMM, le Préfet coordonnateur de bassin doit se coordonner avec les préfets compétents pour la DCSMM (préfet maritime et préfet de façade). Les organismes de bassin La France est découpée en 7 grands bassins métropolitains (Adour-Garonne, Artois-Picardie, LoireBretagne, Rhin-Meuse, Rhône-Méditerranée, Seine-Normandie, Corse) et cinq bassins ultra-marins (Guadeloupe, Martinique, Guyane, Réunion et Mayotte). · Les comités de bassin (article L.213-8 du code de l'environnement) Créés par la loi de 1964 en métropole et par la loi de 1992 pour les DOM avec une mise en place à partir de 1996, ces « parlements locaux de l'eau » ont leur secrétariat assuré par les agences de l'eau
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en métropole et par la DEAL dans chaque DOM. Un secrétariat technique de bassin est assuré conjointement par les services de l'agence de l'eau, de l'ONEMA et de la DREAL de Bassin en métropole. Le comité de bassin est une assemblée qui regroupe les différents acteurs du bassin, publics ou privés, agissant dans le domaine de l'eau : des représentants des collectivités pour 40 %, des représentants des usagers et des organisations socioprofessionnelles pour 40 %, des représentants de l'État ou de ses établissements publics pour 20 %. Son président est élu par les représentants des collèges autres que l'État. Les membres des trois collèges visés ci-dessus représentant un sous bassin peuvent se constituer en commission territoriale. L'objet du comité de bassin est de débattre et de définir de façon concertée les grands axes de la politique de gestion de la ressource en eau et de protection des milieux naturels aquatiques, à l'échelle du grand bassin hydrographique. Il élabore le SDAGE et les délibérations du CA de l'agence de l'eau qui approuvent le taux des redevances et le programme pluriannuel d'interventions sont prises sur avis conforme du Comité de Bassin, dans le respect du cadre voté par le Parlement. Pour mémoire, les COGEPOMI (comités de gestion des poissons migrateurs) sont gérés selon des inter-régions qui ne coïncident pas avec les bassins et les PLAGEPOMI n'ont pas été intégrés aux SDAGE. · Les agences de l'eau (articles L.213-8-1 à L.213-8-2 du code de l'environnement) Organisation spécifique à la métropole, les 6 agences de l'eau (une par Bassin, sauf pour le regroupement Rhône Méditerranée et Corse) sont des établissements publics de l'État à caractère administratif. Leurs missions ont été redéfinies par la LEMA. Elles contribuent à la mise en oeuvre des SDAGE en favorisant une gestion équilibrée et économe de la ressource en eau et des milieux aquatiques, l'alimentation en eau potable, la régulation des crues et le développement durable des activités économiques. Ces missions ont été complétées par la loi du 12 juillet 2010 pour la politique foncière de sauvegarde des zones humides approuvée par le comité de bassin. Elles ont des compétences financières définies à l'article R213-32 du code de l'environnement : attribution de subventions, primes de résultats et avances remboursables, perception de redevances, acquisition de biens meubles et immeubles nécessaires à leurs missions, contractualisation d'emprunts. Leur CA est composé de 35 membres issus essentiellement du Comité de Bassin : 11 représentants des collectivités territoriales élus, 11 représentants les usagers désignés, 11 représentants de l'État ; le président du CA est nommé par décret et le Ministre de l'environnement désigne un Commissaire du Gouvernement. Les agences de l'eau emploient au total 1800 personnes. À l'exception des deux agences de l'eau intervenant sur un territoire restreint (Artois-Picardie et Rhin Meuse), les agences de l'eau se sont dotées de délégations territoriales qui maillent le territoire. Le montant du 10 ème programme pluriannuel d'interventions 2013-2018 s'élève à 13,3Md . Chaque agence de l'eau dispose d'un contrat d'objectifs correspondant à la période du programme d'intervention, ceux relatifs à la période 2013-2018 étant en cours de finalisation. · Les offices de l'eau (articles L. 213-13 à L.213-20 du code de l'environnement).
Pour les départements d'outre-mer, la loi du 13 décembre 2000 d'orientation pour l'outre-mer a prévu la création dans les DOM d'offices de l'eau sous forme d'établissements publics locaux rattachés aux conseils généraux. Actuellement, 4 offices de l'eau sont en place ou en structuration : Réunion, Martinique, Guadeloupe, Guyane. La loi du 11 juillet 2011 relative à Mayotte a créé un comité de bassin à Mayotte. N'ayant pas l'antériorité des agences, les offices sont des établissements aux effectifs encore limités qui vont d'une dizaine à une vingtaine de personnes. Ils mettent en oeuvre des programmes pluriannuels d'intervention et bénéficient de l'appui financier de l'État (plus de 117 M leur ont été attribués au titre des contrats de plan pour la période 2007-2013)
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et de celui de l'ONEMA qui apporte des crédits au titre de la solidarité financière entre les bassins de métropole et d'outre-mer (globalement 20 M par an sont prévus pour la période 2013-2018). À cela s'ajoute les fonds européens, principalement à travers le FEDER : 230 M ont été fléchés pour les 4 DOM sur la programmation 2007-2013 en matière d'eau potable et d'assainissement. L'ensemble de ces aides est justifié par la faiblesse des montants des redevances perçues par les offices : en 2012, au total, 28 M ont été perçus par les 4 DOM, allant de 8/10 M par an pour les offices de la Réunion, la Martinique et la Guadeloupe à 0,5 M pour l'office de la Guyane.
Les effectifs (nombre d'emplois permanents) des offices de l'eau : Office de la Réunion : 24 personnes Office de la Martinique : 19 personnes Office de la Guadeloupe : 11 personnes Office de Guyane : 6 personnes Les programmes pluriannuels des offices sont ainsi structurés : Martinique : le PPI 2011-2016 (35,3 M) prévoit que 50 % des aides soient apportés sur l'assainissement collectif, 31 % pour l'AEP, le reste pour les autres domaines ; La Réunion : le PPI 2010-2015 (47,5 M) prévoit que 70 % des aides soient apportés sur l'assainissement collectif, 28 % pour l'AEP, le reste pour les autres domaines ; Guadeloupe : jusqu'en 2012, le faible budget de l'office (2,5 M/an) ne l'autorisait qu'à un positionnement sur de petits projets non couverts par le FEDER ou l'ONEMA : branchements clandestins, protection des captages, ANC, micro-stations, économie d'eau, protection des milieux aquatiques. Dès 2012 et suite à l'augmentation des redevances, l'office pourra appuyer des projets plus conséquents tels que la mise en conformité des stations d'épuration ; Guyane : jusqu'en 2012, le produit annuel des redevances de 500 k/an ne permettait qu'un saupoudrage des aides (réservoirs d'eau de pluie, formation, études d'assainissement ou études milieux, suivi qualitatif). Ce produit atteindra a priori 2 M/an pour les années à venir. Par ailleurs, pour compenser l'inapplicabilité de la redevance pour stockage de l'eau en période d'étiage en Guyane, une convention a été signée entre EDF et l'office le 15 juin 2011, prévoyant une contribution d'EDF à un programme d'actions et de travaux relatifs aux économies d'énergie dans le domaine de l'eau et de l'assainissement. Cette contribution s'élèvera à un montant maximum de 3,5 M sur la période 2011-2015. L'attribution des fonds structurels se fait par le Préfet via les DEAL, qui instruisent les dossiers et donnent un avis favorable ou non au comité de programmation.
3) .Le niveau local a la responsabilité de la mise en oeuvre et du suivi Le niveau local, et notamment départemental, est celui de la mise en oeuvre opérationnelle : il décline la planification de bassin en jouant sur les leviers régaliens (police). · La mission inter-services de l'eau et de la nature (MISEN) articule, sous l'autorité du préfet
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l'action des différents services de l'État et des délégations territoriales des établissements publics (ONEMA et agences de l'eau notamment). · La DREAL, dernier niveau de représentation du ministère en charge de l'environnement, pilote, anime et coordonne au plan technique l'action des services départementaux et joue un rôle d'expertise, en lien avec les établissements publics. Le Parquet dirige la police judiciaire. Les collectivités locales, qui ont la responsabilité du petit cycle de l'eau, peuvent aussi se mobiliser pour élaborer des projets territoriaux dans le domaine de l'eau : les schémas d'aménagement et de gestion des eaux (SAGE). Certains sous-bassins versants se sont organisés volontairement sous forme de syndicats de rivières, ou d'EPTB. Le point de vue de la société civile est porté notamment à travers du CODERST par les acteurs économiques (industriels, agriculteurs notamment), qui sont des utilisateurs de l'eau de premier plan et leurs chambres consulaires, ainsi que par les acteurs associatifs.
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Les préfets et les services déconcentrés de l'État1 Ils mettent en oeuvre la politique de l'État sous ses aspects techniques et réglementaires ; ils jouent un rôle d'incitation et d'accompagnement des collectivités territoriales. Le préfet de région arrête désormais les programmes nitrates ce qui constitue une exception au bloc de compétence du préfet de bassin. Il n'intervient pas ès qualité sur d'autres aspects réglementaires dans le domaine de l'eau, mais le représentant de l'État dans la région est aussi préfet du département chef-lieu et peut être préfet coordonnateur de bassin. En qualité de préfet de région, il appuie les maîtres d'ouvrage dans le cadre de la répartition des fonds européens pour la réalisation des ouvrages ou parties d'ouvrage éligibles, notamment grâce au FEDER et au FEADER, mais cette responsabilité devrait être transférée aux régions. Les services déconcentrés régionaux sont compétents en matière d'eau. En premier lieu, le DREAL porte la compétence relative à la politique de l'eau avec des services dédiés (déclinaison de la politique de l'eau, planification dans le l'eau, connaissance et expertise, coordination des services départementaux en charge des politiques de l'eau, responsable du budget de l'État, et le cas échéant délégation de bassin et service de police d'axe) et des services dont les missions sont connexes à la politiques de l'eau (en particulier les services « risques, pollutions et nuisance » et les services « développement durable », unités spécialisés dans la gestion des installations classées et des concessions hydroélectriques). Ces services travaillent en liaison avec la direction régionale de l'agriculture, de l'alimentation et de la forêt (DRAAF), pour la mise en oeuvre des actions liées à la politique agricole et forestière (en particulier pour la politique agricole commune, fonds structurels, Ecophyto), avec l'agence régionale de santé et ses délégations territoriales (ARS et DTARS) pour les questions de réglementation sanitaire et avec les DIRM (coordination de la politique maritime). Le préfet de département anime et coordonne la politique de l'eau dans son département. Il exerce la police administrative et à ce titre, il accorde les autorisations relatives aux installations, ouvrages,
1Références : Décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'État dans les régions et départements Décret n° 2009-235 du 27 février 2009 relatif à l'organisation et aux missions des directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement Décret n° 2009-1484 du 3 décembre 2009 relatif aux directions départementales interministérielles
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travaux et activités (IOTA) et celles relatives aux installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE). Il a le pouvoir de prescrire les mesures générales ou particulières pour faire face à des circonstances graves (accidents, inondations, pénurie, sécheresse) et peut enjoindre à la personne à l'origine d'incident ou d'un accident présentant un danger pour la qualité, la circulation ou la conservation des eaux des mesures à prendre pour mettre fin à ces dommages. Il s'appuie sur : · les directions départementales des territoires (DDT : regroupement des DDAF, des DDE et de services de la préfecture) et les directions départementales des territoires et de la mer dans les départements littoraux (DDTM : regroupement des DDAF, des DDE et des DDAM). Ces services mettent en oeuvre les actions qui leur incombent pour la police de l'eau (autorisations administratives et contrôles) ; les directions de la protection des populations (DDPP), compétentes pour l'inspection des installations classées des élevages et de certaines industries agroalimentaires ; les DREAL, et en particulier les unités territoriales en charge de la police des installations classées ; les délégations territoriales de l'ARS pour la politique et la police sanitaire.
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Le préfet de département pilote la MISEN (mission inter-services de l'eau et de la nature) qui comprend des représentants de l'agence de l'eau compétente, de l'ARS, de la DREAL, des directions départementales (DDT-M, DDPP), des offices (ONCFS et ONEMA), la gendarmerie, et, le cas échéant, les délégations de l'ONF, de la DRAAF, l'agence de aires marines protégées, les parcs nationaux, le représentant départemental des réserves naturelles, le représentant départemental du conservatoire du littoral. En tant que de besoin, la MISEN peut être élargie aux autres collèges : collectivités, associations environnementales, associations d'usagers, représentants des professionnels.. Il appartient à la MISEN de : · formaliser les priorités départementales dans un plan d'action stratégique partant d'un diagnostic du territoire sur l'état des ressources et milieux naturels, les pressions exercées et les objectifs à atteindre dans le cadre de directives communautaires au premier rang desquels la DCE, la DCSMM et les Directives Natura 2000 ;Ce plan décline les stratégies nationale et régionale de la biodiversité, les politiques de protection et de gestion des espaces naturels (trame verte et bleu par la déclinaison du SRCE, stratégie de création et gestion des aires protégées terrestres et marines, politique des sites, gestion intégrée de la mer et du littoral, préservation des espaces boisés et forestiers et de leurs fonctionnalités), des espèces (plan d'action pour les espèces protégées, détention de la faune sauvage captive, lutte contre les espèces causes de nuisances), des habitats (désignation et gestion des sites Natura 2000), et d'encadrement des activités (chasse, pêche, forêt). définir un plan d'action opérationnel territorial (PAOT) articulant le volet régalien (réglementation territoriale, programme de mise à niveau de points noirs, plans de contrôles inter-services), avec les modalités de financement (établissements publics, collectivités) et de gouvernance (animation, maîtrise d'ouvrage) : ce programme d'action décline dans le département le ou les programmes de mesures du ou des SDAGE en des actions réglementaires et des actions financées par l'agence et notamment celles déclinées par les
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SAGE et les contrats de milieux). · · · porter la voix de l'État dans l'élaboration des documents de planification et des politiques partenariales (SAGE, Natura 2000, PNR). coordonner les polices de l'eau et de la nature, par l'élaboration de doctrines d'instruction et d'un plan de contrôles basé sur une stratégie de contrôle partagée ; veiller à l'articulation des polices connexes (en particulier les installations classées, la police sanitaire, la police des risques naturels) et à l'intégration des enjeux de l'eau et de la biodiversité dans les autres politiques sectorielles (en particulier les politiques des transports, du logement et de l'urbanisme, de l'énergie, la politique agricole, la politique d'aménagement foncier et d'équipement rural, la politique cynégétique, la politique forestière) ; la MISEN contribue à l'élaboration des avis de l'État sur les grands projets (en appui à l'autorité environnementale), s'assure de la cohérence des actes administratifs délivrés dans ses domaines de compétences et veille au contrôle de leur mise en oeuvre.
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Enfin, le CODERST est consulté sur « toutes les questions intéressant la santé publique et la protection sanitaire de l'environnement ». « Le conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques concourt à l'élaboration, à la mise en oeuvre et au suivi, dans le département, des politiques publiques dans les domaines de la protection de l'environnement, de la gestion durable des ressources naturelles et de la prévention des risques sanitaires et technologiques » (art R. 1416-16 code de la santé Il est composé de représentants des services de l'État, des collectivités territoriales, d'associations agréées de consommateurs, de pêche et de protection de l'environnement, de membres de professions ayant leur activité dans les domaines de compétences de la commission, des experts dans l'environnement et des personnalités qualifiées dont au moins un médecin. Le CODERST est systématiquement requis sur tout dossier de demande d'autorisation. Le document de doctrine d'opposition à déclaration (article L. 214-3 du CE) émis par les MISE est présenté au CODERST. Enfin le déclarant qui se verra notifier une opposition pourra saisir le préfet d'un recours gracieux et pourra se faire entendre devant le CODERST (article L. 214-36 du CE). Cette organisation locale s'appuie également sur les délégations territoriales des établissements publics (délégations des agences de l'eau, de l'ONEMA notamment) La présence dans les DOM est organisée de manière spécifique, selon les situations locales, en concertation étroite avec les autres établissements publics implantés. Le Parquet C'est le procureur de la République qui dirige la police judiciaire et qui conduit la politique d'action publique dans son ressort. À ce titre, il lui appartient notamment d'apprécier l'éventuelle suite à donner aux procès-verbaux qui lui seront présentés. Il est donc essentiel que les services de l'État (DREAL, SPE, ONEMA, ONCFS), développent avec les parquets une coopération permettant de préciser localement la politique pénale dans le domaine de l'eau. La coopération doit s'établir entre les services du procureur de la République et les services chargés de missions de police (service de police l'eau, service départemental de l'ONEMA et de l'ONCFS) comme le soulignent les circulaires (n°5 du 14 mai 2007 du MEEDDM et du ministère de la justice
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du 23 mai 2005 et du 22 août 2007). Les collectivités locales Rien n'oblige des collectivités à s'organiser pour la gestion d'un milieu : ce n'est pas une compétence obligatoire : il n'existe pas de "service public de la rivière", contrairement aux services d'eau potable et d'assainissement. Régions et départements peuvent2 faire le lien entre politique d'aménagement du territoire et politique de l'eau par le biais des financements ; les conseils régionaux et généraux peuvent apporter une aide technique et financière aux communes et intercommunalités. On assiste ces dernières années à un retrait progressif des conseils généraux qui se replient sur leurs compétences obligatoires. Certains conseils maintiennent voire développent leur actions dans le domaine de l'eau qu'ils jugent prioritaire. Intercommunalités : constitution de structures locales de gestion sous la forme de syndicats intercommunaux, d'entente interdépartementale, ou de syndicats mixtes pouvant associer région, département, communes. Ces structures animent et mettent en oeuvre des politiques de gestion des milieux aquatiques en associant l'ensemble des acteurs de leur territoire (bassin versant, baie, nappes...). Certaines de ces structures peuvent se faire reconnaître en application de l'article L 21312 du code de l'environnement comme établissement public territorial de bassin (EPTB) 3. Un EPTB joue un rôle d'animateur vis-à-vis des autres collectivités ou groupements dans les limites de ses missions et de son périmètre. Il est consulté sur le projet de SDAGE et sur les projets concernant le domaine de l'eau d'un montant supérieur à 1,9M. Il peut percevoir une redevance pour service rendu. Il n'est pas obligatoirement maître d'ouvrage de travaux. Il peut conduire un SAGE. Aujourd'hui un peu plus de la moitié du territoire national est couvert par des EPTB, de tailles très disparates. Communes : Le maire dispose de pouvoirs de police générale (garant de la sécurité et de la salubrité publique) qui peuvent le conduire à prendre des décisions dans le domaine de l'eau. Il est responsable de la distribution d'eau potable, de la collecte et du traitement des eaux usées de la commune. Il peut s'organiser dans un cadre intercommunal. Il est responsable du choix du mode de gestion, qui peut être soit réalisé en régie, soit confié au secteur privé par délégation de service public. Il établit le zonage d'assainissement prévu à l'article L. 2224-10 du CGCT 4 et dont le
2 L'article L.3232-1-1 du Code Général des Collectivités Territoriales, (CGCT) créé par la loi sur l'eau du 30 décembre 2006, dispose que « le Département met à disposition des communes ou des établissements publics de coopération intercommunale qui ne bénéficient pas des moyens techniques suffisants pour l 'exercice de leur compétence dans le domaine (...) de l'assainissement, une assistance technique dans des conditions déterminées par une convention ». Champ de compétence : de l'expertise et l'assistance technique aux stations d'épuration des petites communes, leurs missions se sont progressivement étendues à d'autres domaines de la gestion de l'eau, en lien avec la diminution du nombre de collectivités éligibles (des services d'expertise et d'assistance en matière de rivière (SATER) d'eau potable (SATEP) et d'assainissement non collectif (SATANC). (Article L. 213.12 du code de l'environnement) : « Pour faciliter, à l'échelle d'un bassin ou d'un sous bassin hydrographique, la prévention des inondations et la gestion équilibrée de la ressource en eau ainsi que la préservation et la gestion des zones humides, les collectivités territoriales intéressées et leurs groupements peuvent s'associer au sein d'un établissement public territorial de bassin. Cet organisme public est constitué et fonctionne, selon les cas, conformément aux dispositions du code général des collectivités territoriales régissant les établissements constitués en application des articles L. 5421-1 à L. 5421-6 ou des articles L. 5711-1 à L. 5721-9 du même code. Le préfet coordonnateur de bassin délimite, par arrêté et après avis du comité de bassin et des collectivités territoriales concernées et, s'il y a lieu, après avis de la commission locale de l'eau, le périmètre d'intervention de cet établissement public. »
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4 Article L 2240 10 du CGCT : « Les communes ou leurs établissements publics de coopération délimitent, après enquête publique réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre Ier du code de l'environnement : 28/60
contenu a été élargi à deux nouvelles zones par la loi du 12 juillet 2010 : outre les zones d'assainissement collectif et celles d'assainissement non collectif, le zonage inclut dorénavant « les zones où des mesures doivent être prises pour limiter l'imperméabilisation des sols et pour assurer la maîtrise du débit et de l'écoulement des eaux pluviales et de ruissellement » et celles « où il est nécessaire de prévoir des installations pour assurer la collecte, le stockage éventuel et, en tant que de besoin, le traitement des eaux pluviales et de ruissellement lorsque la pollution qu'elles apportent au milieu aquatique risque de nuire gravement à l'efficacité des dispositifs d'assainissement ». La loi a également prévu l'établissement, avant fin 2013, d'un « schéma d'assainissement collectif » comprenant « un descriptif détaillé des ouvrages de collecte et de transport des eaux usées » qui devra faire l'objet d'une mise à jour selon une périodicité fixée par décret (CGCT, art. L. 2224-8 I). En outre, la compétence de l'assainissement des eaux pluviales urbaines est du ressort des communes : c'est un service public administratif qui relève du budget général mais peut faire l'objet d'une taxe affectée (article L 2333-97 du CGCT). Les acteurs économiques : industriels ou agriculteurs sont responsables de la gestion de leurs pollutions ou de leurs prélèvements ; ils sont maîtres d'ouvrages de leurs installations. Ils s'inscrivent dans des territoires et des filières et ils sont fortement contraints par d'autres facteurs de nature économique comme l'emploi ou la dépendance de filières amont ou aval, notamment dans le monde agricole. Les chambres consulaires, qui sont des établissements publics regroupant les acteurs économiques (chambre d'agriculture, chambre des métiers, chambre de commerce et d'industrie...), participent au développement du territoire. Par leur transversalité, elles sont un relais indispensable en matière de diffusion d'informations réglementaires. Les acteurs associatifs sont très divers : ils représentent des intérêts très hétérogènes, allant de positionnements locaux ou sectoriels à la défense de l'intérêt général : pêcheurs de loisir, sports nautiques, associations de consommateurs, associations de défense de l'environnement, associations locales de défense d'un site ou d'un objet particulier... Néanmoins deux catégories d'associations sont incontournables au niveau local : les associations de protection de l'environnement et les fédérations de pêche. Les associations de protection de l'environnement ont un rôle d'information et de pédagogie auprès du grand public mais aussi d'intervention auprès des pouvoirs politique, administratif et judiciaire. Le code de l'environnement aux articles L.141-1 à L.142-3 leur donne la possibilité, après trois ans
1° Les zones d'assainissement collectif où elles sont tenues d'assurer la collecte des eaux usées domestiques et le stockage, l'épuration et le rejet ou la réutilisation de l'ensemble des eaux collectées ; 2° Les zones relevant de l'assainissement non collectif où elles sont tenues d'assurer le contrôle de ces installations et, si elles le décident, le traitement des matières de vidange et, à la demande des propriétaires, l'entretien et les travaux de réalisation et de réhabilitation des installations d'assainissement non collectif ; 3° Les zones où des mesures doivent être prises pour limiter l'imperméabilisation des sols et pour assurer la maîtrise du débit et de l'écoulement des eaux pluviales et de ruissellement ;
4° Les zones où il est nécessaire de prévoir des installations pour assurer la collecte, le stockage éventuel et, en tant que de besoin, le traitement des eaux pluviales et de ruissellement lorsque la pollution qu'elles apportent au milieu aquatique risque de nuire gravement à l'efficacité des dispositifs d'assainissement. NOTA : Ces dispositions s'appliquent aux projets, plans, programmes ou autres documents de planification pour lesquels l'arrêté d'ouverture et d'organisation de l'enquête publique est publié à compter du premier jour du sixième mois après la publication du décret en Conseil d'État prévu à l'article L. 123-19 du code de l'environnement »
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au minimum d'activité, de solliciter un agrément qui leur permet de participer à l'action des organismes publics concernant l'environnement (CNE, Commission Locale de l'Eau, CODERST...) et de mener une action en justice contre toute décision administrative ayant des effets sur l'environnement. L'article L.141-1 du CE précise les associations qui peuvent faire une demande d'agrément. Si l'association ne satisfait plus aux conditions qui ont conduit à le délivrer, l'agrément lui sera retiré. L'article L.142-1 du CE permet aux associations agréées d'engager des procédures devant les tribunaux administratifs pour tout grief se rapportant à la protection de la nature. L'article L.142-2 du CE leur permet d'exercer les droits reconnus à la partie civile, ce droit est étendu aux associations environnementales non agréées, mais régulièrement déclarées depuis au moins 5 ans à la date des faits. Enfin, dans des conditions définies à l'article L.142-3, les associations agréées peuvent être mandatées, par des personnes physiques ayant subi un préjudice individuel, pour agir en réparation devant toute juridiction au nom de celles-ci. La pêche de loisir est représentée au niveau national par la Fédération nationale de la pêche en France qui regroupe les fédérations départementales et interdépartementales des associations agréées de pêche et de protection du milieu aquatique (article L.434-5 du CE). Elle est consultée sur les mesures réglementaires concernant la pêche de loisir, et perçoit des cotisations versées par les fédérations adhérentes. En vertu de leur rôle de protection des milieux aquatiques, l'article L.216-5 du CE prévoit qu'une copie des procès-verbaux soit adressée, dans les 5 jours qui suivent leur clôture, au président de la fédération départementale des associations agréées de pêche et de protection du milieu aquatique et au président de l'association agréée de pêcheurs professionnels en eau douce lorsque l'infraction a pour conséquence de détruire les frayères, les zones de croissance ou d'alimentation de la faune piscicole, ou de porter atteinte à la continuité écologique ou au débit minimal du cours d'eau.
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ANNEXE 4
Cartographie SNDE
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ANNEXE 5 Les travaux de l'OCDE sur le thème de l'eau (synthèse de J.-J. Bénézit, mai 2013) L'OCDE (34 pays membres) offre aux gouvernements une structure leur permettant de comparer leurs expériences en matière de politiques, de chercher des réponses à des problèmes communs, d'identifier les bonnes pratiques et de formuler des recommandations. L'eau est une des priorités de l'organisation (établie par l'actuel secrétaire général Angel Gurria, à son arrivée en 2006). C'est l'OCDE qui a « inventé » le principe « pollueur-payeur » en 1972, qui s'est ensuite imposé de manière quasi-universelle. Quatre publications récentes intéressent plus particulièrement l'évaluation de la politique de l'eau. Elles fournissent analyses, comparaisons internationales et inventaire des (bonnes) pratiques ou innovations. Cette note en synthétise les principaux éléments. 1. La gestion durable des ressources en eau dans le secteur agricole(2008) Ce rapport conjoint des directions agriculture et environnement de l'OCDE traite des liens entre agriculture et ressources en eau, mais ne traite pas de la qualité de l'eau Les messages principaux sont les suivants : · · · · Veiller à ce que la facturation de l'eau à l'agriculture permette au moins de récupérer les coûts de fourniture dans leur totalité. Accroître l'intégration des politiques relatives à l'agriculture , l'eau, l'énergie et l'environnement. Promouvoir la capacité de l'agriculture à s'adapter aux conséquences des changements et de la variabilité du climat. Combler le déficit de connaissances et d'informations pour mieux orienter la gestion des ressources en eau. (mesure de la disponibilité et de l'utilisation, coûts de fourniture, coûts et avantages de l'utilisation de l'eau par l'agriculture)
2. Qualité de l'eau et agriculture : un défi pour les politiques publiques (2012) Rapport conjoint des directions agriculture et environnement de l'OCDE, il est le complément qualitatif et actualisé du rapport sur la gestion durable de l'eau en agriculture. Il étudie les liens entre l'agriculture et la qualité de l'eau, en examine les tendances générales et les perspectives, décrit les actions récentes des décideurs pour s'attaquer à la question de la qualité de l'eau dans l'agriculture et fournit aux pays un ensemble de recommandations. En simplifiant, le constat de l'OCDE est le suivant : Si la situation ne s'améliore pas (ou pas assez vite), malgré des sommes non négligeables déjà dépensées, c'est que le problème est très compliqué. La raison principale est le caractère de cette
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pollution (mal connue scientifiquement) qui est diffuse, ce qui empêche de la mesurer correctement, de déterminer la part de responsabilité de chaque acteur, de quantifier (et monétariser) ses conséquences et de tracer ses effets, géographiquement et dans le temps. Le principe pollueurpayeur ne peut donc pas s'appliquer (ou très difficilement). Quelques innovations ou initiatives locales ont été à l'origine d'améliorations. Il n'existe pas de remède miracle et rapide. Quelques recommandations de bonne gouvernance sont proposées. Les messages essentiels sont les suivants : · L'impact de l'agriculture sur la qualité de l'eau est stable ou s'aggrave. Il est difficile pour les responsables de l'action publique d'obtenir de nouvelles réductions, parce qu'une part importante de la pollution provient de sources diffuses. Les coûts économiques, environnementaux et sociaux de la pollution de l'eau due à l'agriculture dans les pays de l'OCDE représentent probablement au bas mot plusieurs milliards de $/an. Il n'existe pas d'estimation satisfaisante de ces coûts. Les perspectives de l'agriculture et de la qualité de l'eau sur les 10 ans à venir indiquent que l'expansion et l'intensification de la production agricole pourraient accroître encore les pressions. Les objectifs de qualité de l'eau dans l'agriculture seront de plus en plus difficile à atteindre du fait du changement climatique. Les mesures destinées à remédier à la pollution de l'eau par l'agriculture dans les pays de l'OCDE ont coûté aux contribuables des milliards de $/an. En général, les politiques ne vont pas assez loin pour répondre aux objectifs de qualité de l'eau des pouvoirs publics dans l'agriculture. o Recourir à des instruments d'action diversifiés pour lutter contre la pollution de l'eau. Diversifier les instruments est plus performant que recourir à un instrument unique comme une taxe sur la pollution. Il est de plus en plus fait usage d'instruments innovants comme les échanges de crédits de qualité de l'eau, et d'accords entre les compagnies d'eau et les agriculteurs pour réduire la pollution. Les politiques mettent de plus en plus l'accent sur l'importance de modifier le comportement des agriculteurs et des autres parties prenantes. Une application plus stricte des réglementations peut aider à respecter le principe pollueur-payeur et peut aussi alléger la charge qui pèse sur les ressources budgétaires des pouvoirs publics.
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Les Recommandations sont les suivantes :
o Faire respecter les réglementations et normes de qualité de l'eau existantes
o Supprimer les aides à l'agriculture qui ont des effets préjudiciables, pour faire diminuer la pression sur les systèmes aquatiques (50 % du soutien incite les agriculteurs à produire) o Prendre en compte le principe pollueur-payeur pour réduire la pollution de l'eau imputable à l'agriculture. (l'application de ce principe à l'agriculture n'est pas très répandu et difficile à mettre en oeuvre, principalement parce que les pollutions
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diffuses ne peuvent pas actuellement être mesurées à un coût raisonnable. o Fixer des objectifs et des normes de qualité de l'eau réalistes dans l'agriculture. o Améliorer le ciblage géographique des mesures pour toucher les zones où la pollution de l'eau est la plus grave. o Évaluer le rapport coût-efficacité des options qui s'offrent aux pouvoirs publics pour améliorer la qualité de l'eau en agriculture. o Adopter une approche holistique de la lutte contre la pollution agricole. o Créer des systèmes d'information pour aider les agriculteurs, les responsables de la gestion de l'eau et les responsables de l'action publique. (dans beaucoup de pays de l'OCDE, les agriculteurs sont rarement conscients qu'ils peuvent être à l'origine d'une pollution de l'eau) Plus précisément, ce rapport ainsi que les 4 rapports annexes de consultants qui lui sont rattachés contient un certain nombre de données ou d'analyses intéressantes pour notre travail d'évaluation. Enjeux : Le principal défi stratégique de ce secteur consiste à trouver des moyens de répondre à la nécessité croissante d'augmenter la production agricole tout en minimisant l'apport de polluants dans les réseaux hydrographiques. Ces réponses doivent présenter un coût global minimum pour la société, y compris les coûts de conformité et les coûts de transaction liés aux politiques pesant sur les exploitants, tout en tenant compte des questions sociales et d'équité. L'agriculture est une source importante de pollution aquatique par l'azote, le phosphore, les pesticides, les sédiments du sol ainsi qu'un nombre croissant de nouveaux contaminants (par exemple les médicaments vétérinaires). La pollution d'origine agricole a un fort impact redistributif sur la société, en raison du coût du traitement visant à décontaminer l'eau de boisson. Le coût de cette pollution d'origine agricole pèse également sur la société sous forme de perte des avantages liés aux loisirs (par exemple : baignade) et aux valeurs d'agrément (par exemple : paysages aquatiques) associés à l'eau ; dommages sur les pêcheries commerciales et effets néfastes sur les écosystèmes. 1 Lien entre les politiques, la gestion des exploitations agricoles et la qualité de l'eau Les agriculteurs ne sont guère incités à internaliser les effets externes aux marchés (positifs ou négatifs comme la pollution). Ces 20 dernières années, les réformes des politiques de soutien à l'agriculture ont considérablement contribué à réduire la pression globale exercée sur les systèmes aquatiques. · · · Baisse du niveau global de soutien aux agriculteurs, Soutien davantage découplé de la production, Développement du principe de conditionnalité environnementale.
Les agriculteurs sont peu sensibilisés ou peu informés du fait que l'agriculture contribue à la pollution des eaux. Mieux les sensibiliser et accroître leur prise de conscience constitue une première étape importante. Le déficit d'information qui empêche la création de politiques efficaces est dû aux éléments suivants :
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nombre élevé de pollueurs, déséquilibre des informations entre agriculteurs et décideurs, fluctuation temporelle et spatiale de la concentration en pollution, coût élevé de la collecte de données.
2 Sources, tendances, perspectives et suivi Il est difficile pour les responsables de l'action publique d'obtenir de nouvelles réductions de la pression exercée par l'agriculture, notamment parce qu'une grande part de la pollution vient de sources diffuses. L'agriculture est une source importante d'azote, de phosphore et de pesticides dans les eaux de surface, souterraines et marines de la plupart des pays de l'OCDE. Elle est aussi le principal responsable de l'alluvionnement des eaux de surface (en raison de l'érosion des sols.) Dans la majorité des pays de l'UE, l'agriculture est responsable de plus de 50 % des apports d'azote total dans les eaux de surface, même si ces rejets tendent globalement à fléchir. Les risques pour la santé humaine dus à la pollution de l'eau d'origine agricole sont limités · Globalement, dans les pays de l'OCDE, les effets dommageables des polluants agricoles sur la santé humaine sont extrêmement modestes lorsque l'eau distribuée dans les réseaux est traitée. Les données attestant une aggravation des risques sanitaires manquent de clarté. Ces dernières années, les risques pour l'environnement et la santé liés à la présence dans les systèmes aquatiques de « contaminants émergents » provenant de l'agriculture ou d'autres sources (produits pharmaceutiques et vétérinaires, nanomatériaux,...) ont soulevé des inquiétudes croissantes.
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Les relations entre le changement climatique et la pollution d'origine agricole sont complexes. Les objectifs de qualité de l'eau en agriculture devraient devenir de plus en plus difficiles à atteindre dans les années à venir, en raison de l'évolution du climat. Les sources à partir desquelles les distributeurs d'eau s'approvisionnent nécessitent souvent d'être traitées afin d'éliminer les éléments fertilisants, pesticides et autres contaminants, ce qui entraîne des coûts considérables. Tous les pays de l'OCDE disposent de réseaux de surveillance permettant de mesurer l'état réel de la pollution des masses d'eau. À peine plus d'un tiers des pays membres de l'OCDE surveillent la pollution par les éléments fertilisants et un nombre encore plus faible de pays suit la pollution par les pesticides. Les difficultés rencontrées lorsqu'il s'agit de cerner les tendances de la pollution agricole de l'eau ont trait à la détermination de la part de l'agriculture dans la contamination totale et au repérage des zones vulnérable à ce type de pollution. L'ampleur de la pollution agricole des eaux souterraines est généralement moins bien étudiée que celle des eaux de surface. 3 Coûts et avantages monétaires Les coûts économiques, environnementaux et sociaux de la pollution de l'eau due à l'agriculture dans les pays de l'OCDE représentent probablement, au bas mot, plusieurs milliards de dollars par
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an, bien qu'il n'existe pas d'estimation satisfaisante de ces coûts. (difficulté de surveillance scientifiques, de compréhension des mécanismes, de la distinction entre agricole et non-agricole, de la séparation dans le temps et l'espace entre cause et effet) La valeur monétaire des conséquences de l'agriculture sur les réseaux hydrographiques est absente des débats politiques. L'agriculture peut être à la fois source et victime de la pollution des eaux. L'agriculture n'est pas la seule et unique source potentielle de pollution des eaux. La répartition entre sources est difficile à réaliser. La connaissance scientifique et les mesures des relations biophysiques sous-jacentes (extrêmement complexes) sont souvent imparfaites. La différenciation des sources (agricoles et non agricoles) s'avère dans la plupart des cas difficile. Il n'existe aucun consensus sur la manière de conceptualiser et d'évaluer l'évolution de la qualité de l'eau (évaluation monétaire ou non marchande, écart de perceptions...) S'il peut être souhaitable d'approfondir les données, ces travaux ne sont pas gratuits. Les éclairages ainsi obtenus subiront généralement des rendements marginaux décroissants. 4 Éventail de mesures pour traiter les problèmes de qualité de l'eau dans l'agriculture L'action des pouvoirs publics s'appuie généralement sur un cocktail d'incitations économiques (stimulation), des règlements environnementaux (réglementation) et d'outils d'information (persuasion). La panoplie de mesures a eu des conséquences variables . Ces mesures ont coûté aux contribuables des milliards de dollars par an. · · Dans certains pas, la conjugaison de taxes sur les intrants, de paiements et de conseil a été efficace. Dans d'autres, peu de progrès ont été obtenus malgré des dépenses considérables.
Le recours à une panoplie de mesures, plutôt qu'à un seul moyen d'action présente de nombreux avantages. Instruments économiques · taxes de pollution La mise en pratique du principe pollueur payeur dans le secteur agricole est difficile, car les techniques actuelles de surveillance ne permettent pas de mesurer, pour un coût raisonnable, la pollution diffuse d'origine agricole dans les masses d'eau, mais aussi en raison des obstacles d'ordre juridique (droits de propriété) · Paiements agro-environnementaux Il est difficile d'évaluer avec précision les dépenses annuelles en PAE permettant de réduire la pollution de l'eau. Il est probable que les dépenses totales de l'OCDE consacrées à la réduction de la pollution de l'eau par l'agriculture s'élèvent à des centaines de milliards de dollars par an. · Échanges de crédits de qualité de l'eau L'application à la pollution de l'eau du système d'échange de droits d'émission largement utilisé dans le domaine de la pollution atmosphérique suscite un grand intérêt. Des initiatives dans ce sens ont été mises en place en Australie, au Canada, en Nouvelle-Zélande et
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aux USA. 5 Expériences des pays de l'OCDE pour traiter les problèmes de qualité de l'eau liés à l'agriculture Le rapport présente un certain nombre d'études de cas. La difficulté majeure dans quasiment tous les pays de l'OCDE reste la lutte contre la pollution diffuse d'origine agricole. La pollution diffuse · · · · · · Est généralement invisible en raison des faibles concentrations et de voies de diffusion souterraines Est souvent difficile (ou très chère) à mesurer ou à suivre Présente en général des effets cumulatifs À des conséquences très variables fonction des facteurs géographiques , temporels et des phénomènes naturels Est onéreuse en termes de coûts de transaction liés à la détermination et au suivi des différents exploitants Implique fréquemment une coopération et une convergence de vues entre autorités qui transcende les limites des collectivités .
Lutte contre la pollution aquatique par les nitrates d'origine agricole dans l'UE ( trois moyens :Directive nitrates, DCE, PAC) La DCE est un texte ambitieux : · · · · · · · régit le système de l'eau dans son ensemble (qualité et quantité) ; fixe des échéances ; attend que le principe pollueur-payeur soit respecté ; stipule qu'il faut des critères économiques pour satisfaire ses objectifs à moindre coût ; fixe des objectifs concernant l'état chimique et écologique des masses d'eau ; dispose que les programmes doivent faire l'objet d'un suivi et d'une évaluation complets ; prévoit la pleine participation des parties prenantes dans le cadre des plans d gestion des bassins hydrographiques
Le National Audit Office du Royaume-Uni constate dans un rapport (2010) le mauvais rapport coûtefficacité des dépenses très importantes engagées pour lutter contre le non respect des dispositions de la DCE par les sources de pollution diffuse. La réforme de la PAC moyennant le découplage du soutien de la production et le développement de l'éco-conditionalité renforce la cohérence entre cette politique et les politiques de l'eau. La complexité réglementaire induit des niveaux et objectifs multiples concernant par exemple les rejets de nitrates dans l'eau. Les mesures de limitation des rejets azotés d'origine agricole pourraient nécessiter un temps considérable avant de se traduire par une amélioration de la qualité de l'eau.
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Même dans les régions où la directive nitrates est pleinement respectée, il faudra du temps pour que la qualité de l'eau s'améliore. (4 à 8 ans en Allemagne et Hongrie ; plusieurs décennies pour les nappes profondes aux Pays-Bas). Réduction de la pollution de la baie de Chesapeake (USA) rôle de l'agriculture Compte tenu de la détérioration continue de la qualité de l'eau dans la baie et des milliards de dollars investis sur plusieurs décennies et devant les progrès insuffisants réalisés par les autorités locales et les 6 États, parution en 2009 d'un décret fédéral qui fait passer la gestion globale des opérations des pouvoirs locaux et des États aux autorités fédérales. L'EPA (agence fédérale de l'environnement) considère la nouvelle stratégie pour le bassin de la baie de Chesapeake (et les moyens financiers supplémentaires) comme un modèle à décliner. La possibilité de développer l'échange de crédits de qualité de l'eau dans la baie est synonyme de nouveau créneau économique. En dépit des avantages, certaines préoccupations demeurent, dont un ciblage médiocre et un manque de cohérence. Réduction de la salinité dans l'agriculture pour améliorer la qualité de l'eau : Australie En 2000, les autorités australiennes ont évalué que près de 6 millions d'ha risquaient de devenir salins (surface pouvant s'étendre à 17Mha en 2050 dont 11Mha agricoles). Un plan de mesures a été mis en place : National Action Plan for Salinity and water quality (1.2milliards de dollars US sur 7 ans) Mise en oeuvre de l'échange de crédits de qualité de l'eau pour lutter contre la pollution azotée dans le Lac Taupo, Nouvelle-Zélande Projet innovant d'échange de crédits de qualité de l'eau. Les concentrations d'azote dans les cours d'eau ont fait depuis les années 70 un bond de 50 % à 300 % selon les bassins. Les propriétaires situés dans le bassin versant sont tenus d'avoir une autorisation de crédit spécifique de rejet d'azote. Les détenteurs d'autorisation peuvent acheter ou vendre des quantités supplémentaires. Le marché est aujourd'hui opérationnel. L'initiative menée au lac Taupo constitue une avancée significative dans l'application du principe pollueur-pay