Exercice (l') de l'autorité environnementale en Bretagne.

HUMBERT, Pascale ; GOMEL, Cyril

Auteur moral
France. Conseil général de l'environnement et du développement durable
Auteur secondaire
Résumé
La France a mis en place, pour transposer les directives européennes de 1985 et 2001, un dispositif d'autorité environnementale (AE) déconcentré reposant sur les préfets appuyés par les DREAL. La mise en oeuvre du dispositif, juxtaposé aux procédures existantes, a induit une profonde transformation du paysage administratif local. La mission concernait les projets d'avis élaborés, ainsi que les suites données à ces projets pour la région Bretagne. A l'issue de l'audition des acteurs et de l'analyse de 31 dossiers, le rapport constate que les avis sont globalement satisfaisants sur la forme, légitimes sur le fond, s'inscrivant bien dans le champ de compétence de l'AE. Une vigilance sur certains points est cependant nécessaire. Le cas breton, au-delà de ses problématiques spécifiques, est pleinement illustratif des enjeux et de la complexité de l'exercice de l'AE déconcentrée par les préfets de département. La mission recommande d'intégrer les enseignements de l'expérience menée en Bretagne dans les travaux sur la réforme de l'AE en région, engagés dans le cadre de la mission confiée au président de l'autorité environnementale du CGEDD, en application de la «feuille de route pour la transition écologique»; de revoir et clarifier les procédures nationales en cohérence avec les textes européens.
Editeur
CGEDD
Descripteur Urbamet
évaluation ; exercice des compétences ; agent
Descripteur écoplanete
Thème
Environnement - Paysage
Texte intégral
CONSEIL GÉNÉRAL DE L'ENVIRONNEMENT ET DU DÉVELOPPEMENT DURABLE Rapport n° : 00836201 Rapport sur l'exercice de l'autorité environnementale en Bretagne établi par Pascale HUMBERT Ingénieure générale des ponts, des eaux et des forêts Cyril GOMEL Ingénieur des ponts, des eaux et des forêts Avertissement : Ce rapport a été établi dans le cadre d'une mission d'expertise conjointe de l'Inspection générale de l'administration et du Conseil général de l'environnement et du développement durable, conduite par Mme Valérie PENEAU, inspectrice générale de l'administration et M Xavier DOUBLET, Administrateur civil hors classe, chargé de mission, pour l'IGA , et par Mme Pascale HUMBERT, ingénieure générale des ponts, des eaux et des forêts et M Cyril GOMEL, ingénieur des ponts, des eaux et des forêts, pour le CGEDD. Cette mission a fait l'objet d'analyses totalement convergentes entre les deux inspections quant à la situation en Bretagne, objet de la demande d'expertise. Néanmoins, une divergence est apparue quant à une recommandation nationale portant sur l'évolution des textes relatifs à l'autorité environnementale en région. Le CGEDD considère qu'elle n'était pas dans le champ de la mission. Une autre mission a été confiée sur ce point, par la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie au président de l'autorité environnementale du CGEDD, en application de la feuille de route pour la transition écologique. Pour cette raison, les travaux de la mission ont donné lieu à la publication de deux rapports distincts, l'un sous timbre de l'IGA et l'autre sous timbre du CGEDD. A l'exception de la divergence évoquée cidessus, les deux rapports, fruits du travail commun, sont similaires. SYNTHESE Considérant que « la meilleure politique de l'environnement consiste à éviter, dès l'origine, la création de pollutions ou de nuisances plutôt que de combattre ultérieurement leurs effets », les directives européennes 85/337/CEE du 27 juin 1985 et 2001/42/CE du 27 juin 2001 ont instauré l'obligation de réaliser une évaluation environnementale préalable des projets et des plans et programmes susceptibles d'avoir un effet notable sur l'environnement et de produire un avis sur la qualité de cette évaluation et de sa prise en compte dans le dossier via une autorité environnementale. Ces directives laissent aux Etats membres la tâche d'en « définir les modalités » et le soin de désigner « les autorités qu'il faut consulter et qui, étant donné leur responsabilité spécifique en matière d'environnement sont susceptibles d'être concernées par les incidences environnementales de la mise en oeuvre de plans et programmes». La transposition de ces textes a conduit la France à la mise en place d'un dispositif d'autorité environnementale déconcentré reposant sur les préfets appuyés par les DREAL. La mise en oeuvre du dispositif d'autorité environnementale (AE), juxtaposé aux procédures existantes, a induit une profonde transformation du paysage administratif local, alors même que dans des régions comme la Bretagne, l'amélioration de la prise en compte de l'environnement constitue en elle-même un Îritable enjeu. L'intervention de l'AE s'est insérée dans les processus administratifs déconcentrés d'autorisation et d'approbation des projets, programmes et plans sans qu'ils aient préalablement été adaptés aux nouveaux objectifs recherchés et s'est donc souvent traduite par une déclinaison confuse, complexe et, dès lors, peu assimilable par l'ensemble des acteurs. Facteur aggravant, ce nouveau dispositif a été mis en application au moment où la crise économique et financière produisait ses pleins effets négatifs sur l'emploi local et poussait certains acteurs à faire passer au second plan les priorités environnementales. Il a été également concomitant à la réforme de l'administration territoriale de l'Etat (RéATE) qui pour avoir rationalisé positivement les structures déconcentrées de l'Etat n'en a pas moins créé de nombreuses perturbations. Dans ce contexte, le préfet de Bretagne a décidé de décliner au plan régional de nombreuses politiques publiques et de faire valoir son droit d'évocation afin d'assurer lui même la fonction d'autorité environnementale pour les projets de schémas de cohérence territoriale (SCOT) à compter du début de l'année 2012 tout en sollicitant par lettre du 27 mars 2012 une expertise conjointe par l'IGA et le CGEDD des projets d'avis élaborés par la DREAL et des suites données à ces projets d'avis. La mission a constaté que le rôle de l'AE et son intervention dans les procédures sont encore mal assimilés par les acteurs bretons, qu'ils appartiennent aux services de l'Etat, aux collectivités locales ou au secteur priÎ et que des critiques récurrentes sont portées à son endroit. 5 Si la plupart des personnes rencontrées par la mission se sont accordées pour estimer que la situation bretonne est aujourd'hui en voie d'amélioration et d'apaisement, beaucoup sont dans l'attente d'une nouvelle étape qui clarifie et simplifie l'intervention de l'AE et permette de dépasser le sentiment de malaise persistant, au bénéfice d'une intégration accrue de l'environnement dans les politiques publiques. La mission a analysé 31 avis et éléments de dossiers transmis à l'initiative des préfets (parfois en lien avec les DDTM) et de la DREAL, se décomposant en 11 avis sur des plans et programmes (5 SCOT, 5 PLU, 1 SAGE) et 20 avis sur des projets. Au regard des avis produits par les AE des autres régions (plans, programmes, projets) et des questions qui ont été posées à la mission (périmètre des avis1, nature et champ des recommandations, degré de précision, ...), les avis de l'AE Bretagne sont globalement satisfaisants sur la forme, et légitimes sur le fond. Ils s'inscrivent bien dans le champ de compétence de l'AE. Ils appellent cependant une vigilance sur certains points : une prudence particulière doit être portée à des aspects ponctuels de rédaction, facilement améliorables, qui focalisent à l'excès l'attention et qui peuvent nuire à la perception de la qualité de l'ensemble du travail fourni ; la structure des avis doit être harmonisée et homogénéisée, en veillant à améliorer la force des raisonnements et à mieux hiérarchiser les remarques. - Les processus d'élaboration et de signature des avis appellent aussi des observations : le processus inter-services interne à la DREAL semble maintenant en place. Le service en charge de l'élaboration des avis est en cours de consolidation. Sa fragilité au regard du maintien et de la capitalisation des compétences d'une part, de l'évolution et des fluctuations du plan de charge d'autre part, reste toutefois préoccupante ; les contributions fournies par les autres services déconcentrés sont inégales et généralement insuffisantes malgré un rappel en CAR. La contribution efficace des services à l'élaboration de l'avis de l'AE suppose que soient identifiés très tôt les dossiers qui feront l'objet d'un avis explicite et appellent de ce fait une forte implication des services départementaux ; la pratique de la consultation préalable du préfet de département pour les avis émis par l'AE en matière de projets est contraire aux dispositions des directives et au principe d'autonomie fonctionnelle de l'AE et doit être rapidement interrompue ; l'examen des modifications apportées par les préfets de département réÏle, tout particulièrement pour les documents d'urbanisme, la difficulté ressentie par eux dans l'exercice de leurs différentes compétences. - - - 1 En particulier, évocation de la loi littoral et des PPRi, évocation de la qualité de la justification des choix faits par les maîtres d'ouvrage, articulation avec l'instruction des projets et avec l'avis du préfet en tant que personne publique associée pour les documents d'urbanisme. 6 Par ailleurs, les débats suscités par les avis de l'AE réÏlent la nécessité de poursuivre l'harmonisation inter-départementale engagée sur la loi Littoral afin de dégager des méthodes d'instruction conciliant les différences d'approche dans un domaine où la crédibilité du « dire » de l'Etat est indispensable. Enfin, d'une façon générale, l'IGA souhaite rappeler la nécessité d'une vigilance permanente pour que l'AE n'apparaisse en aucune façon ni comme un contrôle de légalité ni comme empiétant sur un choix politique relevant uniquement des élus dans le respect du principe constitutionnel de libre administration des collectivités locales2. Au titre des recommandations, la mission propose d'améliorer l'exercice de l'AE en gagnant en reconnaissance, portée et efficacité selon les axes suivants : conforter la légitimité de l'AE, sur la base d'une meilleure appropriation de son rôle et de ses principes fondamentaux, en capitalisant sur ses effets positifs et en décalant d'un niveau administratif son expression ; donner des lignes directrices afin de corriger la principale faiblesse de l'AE bretonne (le taux exceptionnellement éleÎ d'avis tacites) grâce à une réelle sélection en amont des dossiers devant donner lieu à un avis explicite ; mobiliser l'ensemble des savoir-faire et des moyens dont dispose l'Etat déconcentré pour garantir la qualité des avis et accompagner leur production auprès des acteurs ; la mission insiste particulièrement sur la nécessité de renforcer le travail collaboratif des services de l'Etat ; faire le pari de la confiance et simplifier les circuits de production et de signature des avis. - - - Pour la mission, le cas breton, au-delà de ses problématiques spécifiques, est pleinement illustratif des enjeux et de la complexité de l'exercice de l'AE déconcentrée par les préfets de département. En exerçant son droit d'évocation sur les avis en matière de SCOT, le préfet de la région Bretagne a ouvert la voie d'une évolution pertinente pour clarifier et simplifier l'exercice local de l'AE. Le CGEDD recommande d'intégrer les enseignements de l'expérience menée en région Bretagne dans les travaux sur la réforme de l'AE en région, qui ont été engagés dans le cadre de la mission confiée par la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie au président de l'autorité environnementale du CGEDD, en application de la « feuille de route pour la transition écologique ». La mission recommande aussi de profiter de l'opportunité offerte par le chantier de simplification du droit de l'environnement ouvert par la conférence environnementale pour revoir et clarifier significativement les procédures nationales en cohérence avec les textes européens. Voir en particulier la décision du Conseil constitutionnel n° 2000-436 DC relative à la loi SRU qui précise : « Considérant qu'eu égard à l'imprécision des objectifs qu'elles mentionnent, les dispositions précitées de l'article 1er de la loi déférée méconnaîtraient les articles 34 et 72 de la Constitution si elles soumettaient les collectivités territoriales à une obligation de résultat ; qu'il ressort toutefois des travaux parlementaires que ces dispositions doivent être interprétées comme imposant seulement aux auteurs des documents d'urbanisme d'y faire figurer des mesures tendant à la réalisation des objectifs qu'elles énoncent ; qu'en conséquence, il appartiendra au juge administratif d'exercer un simple contrôle de compatibilité entre les règles fixées par lesdits documents et les dispositions précitées de l'article L. 121-1 ». 2 7 8 TABLE DES RECOMMANDATIONS Avertissement : le tableau ci-dessous récapitule les recommandations détaillées en partie 3, en les classant, par grand thème, selon leur destinataire principal, du service en charge de l'AE au sein de la DREAL (COPREV) jusqu'au niveau national. COPREV CONFORTER LA LEGITIMITE DE L'AE page Dresser un bilan périodique des avis de l'AE Bretagne, associé à un exercice de veille sur les avis émis par les autres AE SELECTIONNER LES DOSSIERS EN TENDANT A RAPPROCHER LE TAUX D'AVIS TACITES DE LA MOYENNE NATIONALE 60 Rapprocher le % d'avis tacites du % national Concentrer l'effort de l'AE sur les dossiers à enjeux Définir collectivement, selon les types de dossiers, une vision stratégique et tactique de l'action de l'AE qui permette de hiérarchiser les interventions et d'éviter une absence préjudiciable dans certains dossiers Définir et consolider collectivement les critères de sélection entre avis tacites et explicites Conserver une action par échantillonnage ANTICIPER Fournir à la demande des maitres d'ouvrage des notes de « cadrage préalable » à l'évaluation environnementale Alerter les services instructeurs sur les dossiers susceptibles d'aboutir à un avis très critique Dans ces cas, développer la pratique de réunions préalables avec les maîtres d'ouvrage AMELIORER LA QUALITE DES AVIS Stabiliser un plan-type, pour consolider et homogénéiser les avis Renforcer la consistance des démonstrations et la construction argumentaire des avis Veiller à la priorisation des remarques Travailler la rédaction des avis, sur la base d'un « cahier des charges rédactionnel » Viser la certification qualité du processus d'élaboration de l'avis Mettre en place des outils de retour d'expérience 61 61 61 61 62 62 62 63 64 64 64 64 64 64 9 ADAPTER L'ACTION DE LA DREAL A LA HAUTEUR DE L'ENJEU Identifier en son sein des interlocuteurs privilégiés pour les services départementaux Assurer une présence minimale du COPREV sur le territoire dans la phase d'élaboration des documents d'urbanisme, et, pour les projets, sur les dossiers à enjeux en s'appuyant sur les services départementaux et les UT Conforter son rôle d'animation régionale, en lien avec les autres services Renforcer sa « collégialité », sa polyvalence et sa résistance en cas d'absence temporaire ou de départ d'agents 64 65 65 65 DREAL CONFORTER LA LEGITIMITE DE L'AE Produire en liaison avec le CGDD un dossier didactique sur les fondamentaux de l'AE ANTICIPER 60 Poursuivre et développer le portage en amont des dires de l'Etat: profil environnemental, notes d'enjeux, documents cadres.... Renforcer le travail de pédagogie déjà engagé auprès des bureaux d'étude, des professionnels et des collectivités locales Poursuivre les actions d'animation des services et leur fournir un « kit de l'évaluation environnementale » leur permettant d'informer leurs interlocuteurs ; Sensibiliser les maîtres d'ouvrage à l'évaluation environnementale Partager l'information à tous les niveaux et à tous les stades de l'accompagnement des projets ou des plans et programmes ADAPTER L'ACTION DE LA DREAL A LA HAUTEUR DE L'ENJEU Renforçer les moyens affectés à l'AE, en particulier pour les dossiers ICPE Identifier clairement le service évaluation environnementale dans l'organigramme comme dans l'en tête et ou le timbre de ses productions FAIRE LE PARI DE LA CONFIANCE Assurer un suivi et un bilan des délégations de signature Limiter, pour les projets d'avis à la signature du préfet, la validation interne DREAL à deux niveaux hiérarchiques, y compris le directeur, qui doit être systématiquement impliqué dans le processus 62 62 62 62 63 64 64 65 66 10 ENSEMBLE DES SERVICES DE L'ETAT CONFORTER LA LEGITIMITE DE L'AE Assurer le « service après-vente » des avis pour les dossiers les plus complexes, sensibles ou à forts enjeux Participer à l'instance de suivi devant être mise en place SELECTIONNER 60 60 Participer à la définition collective des critères de sélection entre avis tacites et explicites ANTICIPER Poursuivre et développer le portage en amont des dires de l'Etat Participer au travail d'harmonisation régionale, comme pour la loi littoral Amplifier et généraliser l'information des acteurs bretons sur l'AE Faire figurer cette fonction d'information dans la lettre de mission des correspondants départementaux de l'AE désignés par les préfets de département Sensibiliser les maîtres d'ouvrage à l'évaluation environnementale et les accompagner dans l'amélioration de leur dossier Développer (et valoriser) la capacité d'alerte des services départementaux en cours de procédure RENFORCER LE TRAVAIL COLLABORATIF Systématiser la contribution amont des services compétents Intégrer le plus possible l'exercice de l'autorité environnementale dans l'instruction des dossiers Partager l'information à tous les niveaux et à tous les stades de l'accompagnement des projets ou des plans et programmes entre unités territoriales, services départementaux, préfectures et COPREV Participer au « service après-vente » des avis de l'AE les plus complexes ou à forts enjeux, à effectuer auprès des porteurs de projet, des bureaux d'étude ou des structures professionnelle FAIRE LE PARI DE LA CONFIANCE A court terme, s'agissant des plans et programmes, en cas de demande de modifications du projet d'avis, veiller à ce qu'elles soient dans la mesure du possible, assurées par les rédacteurs du projet Mettre de façon concomitante les avis PPA et AE à la signature du préfet 61 62 62 62 62 62 63 63 63 63 66 66 11 PREFET DE REGION CONFORTER LA LEGITIMITE DE L'AE Reconnaître et inscrire pleinement le levier que constitue l'exercice de la fonction d'AE dans une stratégie de l'Etat de réduction des atteintes à la qualité de l'environnement Organiser un (ou plusieurs) séminaire(s) de travail sur l'AE à finalité pédagogique, associant le corps préfectoral, la DREAL et les DDI Mettre en place une instance de suivi des effets de l'AE, de promotion des démarches de progrès et de capitalisation des bonnes pratiques ANTICIPER 59 60 60 Poursuivre le travail d'harmonisation régionale déjà engagé entre les services de l'Etat RENFORCER LE TRAVAIL COLLABORATIF DE L'ENSEMBLE DES SERVICES DE L'ETAT 62 Formaliser, par une note, le contenu et les conditions de production des contributions amont des services départementaux Mettre fin, pour les dossiers sur les projets, à la consultation écrite des préfets de département sur les projets d'avis, avant signature FAIRE LE PARI DE LA CONFIANCE Conduire une réflexion collective sur un plus grand recours aux délégations de signature 63 63 65 NIVEAU NATIONAL CONFORTER LA LEGITIMITE DE L'AE Intégrer les enseignements de l'expérience menée en région Bretagne dans les travaux sur la réforme de l'AE en région, qui ont été engagés dans le cadre de la mission confiée par la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie au président de l'autorité environnementale du CGEDD, en application de la « feuille de route pour la transition écologique » Revoir et clarifier significativement les procédures nationales, en cohérence avec les textes européens. 67 67 12 SOMMAIRE Synthèse ..................................................................................................................................................................................... 5 Table des recommandations ....................................................................................................................................................... 9 Introduction.............................................................................................................................................................................. 15 PARTIE 1 1.1. ETAT DES LIEUX DE L'AE EN BRETAGNE : LA DIFFICILE MONTEE EN PUISSANCE DE L'AE DECONCENTREE ............................................................................................................................ 19 Une nouvelle approche fondée sur une procédure complexe.............................................................. 19 1.1.1. L'évaluation environnementale vecteur d'intégration de l'environnement dans les politiques publiques .... 19 1.1.2. L'intervention d'une « autorité» pour garantir la démarche ......................................................................... 21 1.1.3. Une intégration dans les procédures nationales source de complexité et de confusion................................. 22 1.2. Une procédure nouvelle intervenant dans un contexte délicat tant au plan national qu'à l'échelon local..................................................................................................................................................... 25 1.2.1. Le contexte national...................................................................................................................................... 25 1.2.2. Le contexte breton ........................................................................................................................................ 27 1.3. Une procédure encore mal assimilée par les acteurs bretons............................................................. 28 1.3.1. Une connaissance très inégale du dispositif de l'AE et de sa portée............................................................. 28 1.3.1.1. De la part des services de l'Etat .................................................................................................... 28 1.3.1.2. De la part des collectivités territoriales ......................................................................................... 29 1.3.1.3. De la part des bureaux d'étude...................................................................................................... 30 1.3.1.4. De la part des associations ............................................................................................................ 30 1.3.2. Une perception variable de la valeur ajoutée de l'avis.................................................................................. 30 1.3.2.1. L'apport positif des avis de l'AE : information du public, amélioration et sécurisation des dossiers 31 1.3.2.2. Les critiques récurrentes : alourdissement des procédures, empiètement de compétences et confusion des approches ............................................................................................................... 31 1.3.3. L'hétérogénéité des comportements à l'égard de l'AE ................................................................................. 32 PARTIE 2 EXPERTISE DES MODALITES D'EXERCICE DE L'AE EN REGION BRETAGNE .................................... 33 2.1. Analyse de la qualité des avis ............................................................................................................. 33 2.1.1. Interrogations de fond exprimées dans le débat local concernant les avis d'AE ........................................... 34 2.1.1.1. Périmètre des avis d'AE sur les projets vis-à-vis des procédures d'instruction départementales ... 34 2.1.1.2. Prise en compte de la Loi littoral et des PPRI............................................................................... 37 2.1.1.3. Evocation par les avis d'AE sur SCOT et PLU de la justification des choix, de l'examen des alternatives et des enjeux de consommation d'espace ................................................................... 39 2.1.1.4. L'articulation entre l'avis de l'Etat en tant qu'AE sur un SCOT ou un PLU et l'avis de l'Etat en tant que PPA ........................................................................................................................................ 42 2.1.2. Analyse de la forme des projets d'avis préparés par la DREAL.................................................................... 44 2.1.2.1. Structure et contenu des avis par rapport aux dispositions réglementaires ................................... 44 2.1.2.2. Qualité rédactionnelle générale et accessibilité............................................................................. 45 2.1.2.3. Qualité démonstrative et didactique.............................................................................................. 46 2.1.2.4. Pondération, hiérarchisation, conclusions..................................................................................... 46 2.1.2.5. Etalonnage et adaptation ............................................................................................................... 47 2.2. Les processus d'élaboration et de signature des avis ......................................................................... 49 2.2.1. Une organisation interne de la DREAL qui s'appuie sur des processus formalisés, mais fragile et perfectible 49 2.2.2. Un fonctionnement régional/départemental « inversé »................................................................................ 50 2.2.2.1. Des contributions départementales « amont » inégales, souvent insuffisantes ............................. 50 2.2.2.2. S'agissant des projets, une consultation préalable des préfets de département sur les avis préparés par la DREAL, avant signature par le Préfet de région................................................................. 51 2.2.2.3. S'agissant des plans et programmes, et singulièrement des documents d'urbanisme, des interventions variables des préfets de département dans la rédaction et la signature des avis de l'AE .............................................................................................................................................. 53 2.3. les suites données aux avis de l'autorité environnementale et leur impact auprès des porteurs de projets et du public.............................................................................................................................. 54 2.3.1. 2.3.2. 2.3.3. 2.3.4. Une consolidation de l'instruction conduite par les services de l'Etat ........................................................... 54 Des améliorations ou compléments au dossier apportés par le porteur de projet avant l'enquête publique .. 55 Une utilisation importante de l'avis de l'AE par les commissaires enquêteurs.............................................. 56 A l'aval de l'enquête publique, une utilisation émergente ............................................................................. 56 PARTIE 3 3.1. AMELIORER L'EXERCICE DE L'AE EN BRETAGNE : GAGNER EN RECONNAISSANCE, PORTEE ET EFFICACITE .......................................................................................................... 59 Conforter la légitimité de l'AE ............................................................................................................ 59 3.1.1. Faire partager à tous les services de l'Etat concernés les fondamentaux de l'AE......................................... 59 3.1.2. Capitaliser les apports de l'AE ..................................................................................................................... 60 3.1.3. Valoriser l'expérience de la Bretagne dans les travaux sur la réforme de l'AE en région ............................ 60 13 3.2. Donner a l'exercice de l'AE des lignes directrices ............................................................................. 61 3.2.1. Rapprocher le pourcentage d'avis tacites du pourcentage national............................................................... 61 3.2.2. Sélectionner .................................................................................................................................................. 61 3.2.3. Anticiper 61 3.3. Mobiliser l'ensemble des savoir-faire et des moyens dont dispose l'Etat........................................... 62 3.3.1. Renforcer le travail collaboratif de l'ensemble des services de l'Etat .......................................................... 63 3.3.2. Améliorer la qualité des avis ........................................................................................................................ 63 3.3.3. Adapter l'action de la DREAL à la hauteur de l'enjeu .................................................................................. 64 3.4. Faire le pari de la confiance : simplifier les circuits de production et de signature des avis............. 65 Conclusion ............................................................................................................................................................................... 67 Renforcer la légitimité et l'efficacité de l'autorité environnementale en simplifiant ses conditions d'exercice et en l'integrant dans les priorites de l'etat deconcentré..................................................................................................................................... 67 Annexes.................................................................................................................................................................................... 69 Annexes.................................................................................................................................................................................... 71 Annexe 1 : Les deux lettres de mission .................................................................................................................................... 73 Annexe 2 : La note de cadrage ................................................................................................................................................. 77 Annexe 3 : Le tableau des compétences en matière d'AE ........................................................................................................ 83 Annexe 4 : La liste des personnes rencontrées ......................................................................................................................... 85 Annexe 5 : La grille d'analyse des avis de l'AE Bretagne......................................................................................................... 89 Annexe 6 : Situation de l'AE Bretagne dans le panorama national........................................................................................... 93 Annexe 7 : Glossaire des sigles ................................................................................................................................................ 95 14 INTRODUCTION Considérant que « la meilleure politique de l'environnement consiste à éviter, dès l'origine, la création de pollutions ou de nuisances plutôt que de combattre ultérieurement leurs effets3 », les directives européennes 85/337/CEE du 27 juin 1985 et 2001/42/CE du 27 juin 2001 ont instauré l'obligation de réaliser une évaluation environnementale préalable des projets et des plans et programmes susceptibles d'avoir un effet notable sur l'environnement et de produire un avis sur la qualité de cette évaluation et de sa prise en compte dans le dossier via une autorité environnementale. Ces directives laissent aux Etats membres la tâche d'en « définir les modalités » et le soin de désigner « les autorités qu'il faut consulter et qui, étant donné leur responsabilité spécifique en matière d'environnement sont susceptibles d'être concernées par les incidences environnementales de la mise en oeuvre de plans et programmes». La transposition de ces textes a conduit la France à la mise en place, à partir de 2005 pour les plans et programmes et 2009 pour les projets, d'un dispositif d'autorité environnementale (AE) déconcentré reposant sur les préfets, appuyés par les DREAL, pour les projets, plans et programmes ne relevant pas du niveau national. Ce dispositif induit une profonde transformation du paysage administratif local, alors même que dans des régions comme la Bretagne, où la prégnance des atteintes à l'environnement était déjà forte, l'évaluation environnementale constitue en elle-même un Îritable enjeu pour améliorer la prise en compte de l'environnement. Dans ce contexte, le préfet de Bretagne a décidé de décliner au plan régional de nombreuses politiques publiques et de faire valoir son droit d'évocation afin d'assurer lui même la fonction d'autorité environnementale pour les projets de Schémas de cohérence territoriale (SCOT) à compter du début de l'année 2012. Il a voulu parallèlement s'assurer que les projets d'avis préparés par la DREAL Bretagne respectaient bien le champ de compétences de l' autorité environnementale (AE) et a saisi à cet effet par lettre du 27 mars 2012 figurant en annexe 1 le vice-président du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) en vue d'une expertise sur la qualité des projets d'avis préparés par la DREAL Bretagne (mode d'élaboration, périmètre, degré de précision, nature et champ de recommandations) en lui indiquant son souhait que cet audit soit mené conjointement avec l'Inspection générale de l'administration (IGA). Il a demandé aussi que soient étudiées les suites données à ces avis par les préfets de département ainsi que leur impact auprès des porteurs de projet et du public. Cette mission a été validée par le directeur du cabinet du ministre de l'intérieur le 31 mai 2012 et par le vice-président du CGEDD le 5 juin 2012. 3 Extrait du premier considérant de la directive 85/337/CEE 15 Ont été, à ce titre, désignés : pour l'IGA : Valérie PENEAU, inspectrice générale de l'administration, et Xavier DOUBLET, administrateur civil hors classe, chargé de mission ; pour le CGEDD : Pascale HUMBERT ingénieure générale des ponts, des eaux et des forêts, et Cyril GOMEL, ingénieur des ponts, des eaux et des forêts, chargé de mission. La mission a, dans un premier temps, établi une note de cadrage (Annexe 2) le 5 juillet 2012, afin de préciser les contours de la commande. Elle a, ensuite, effectué deux déplacements en Bretagne, en août et octobre 2012, où elle a rencontré les principaux responsables de l'Etat (corps préfectoral -3 préfets sur 4-, DREAL, DDTM, DDPP), des élus (communes de Vannes, Lannion et Perros-Guirec), un commissaire-enquêteur et des acteurs locaux de l'économie, de l'agro-alimentaire, de la protection de l'environnement dont la liste détaillée figure en annexe 3. Elle s'est également, à des fins de comparaison, rendue en région Rhône-Alpes. Elle a, enfin, complété son analyse en rencontrant des responsables du Commissariat général au développement durable (CGDD) et du CGEDD particulièrement impliqués dans l'exercice de la fonction d'autorité environnementale. Cette mission d'expertise intervient au moment où l'exercice de la fonction d'AE s'inscrit dans un double contexte européen et national : · Au niveau européen, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), par son arrêt C 474-10 du 20 octobre 2011 dit « Seaport » rappelle avec précision l'esprit des textes communautaires définissant l'exercice de l'évaluation environnementale (principalement les directives 2001/42/CE et 85/337/CEE modifiées) et le positionnement attendu des « autorités spécifiques compétentes en matière d'environnement », plus communément appelées autorités environnementales. En insistant essentiellement sur l'organisation d'une séparation fonctionnelle afin que l'AE soit ainsi extérieure au processus de décision, la CJUE n'invalide pas a priori le choix français de confier aux préfets le rôle d'AE, en tant qu'autorités administratives de l'Etat susceptibles de remplir d'autres fonctions, y compris celles d'autorité de décision. Selon les termes de l'arrêt, cette approche apparaîtrait a priori envisageable dès lors qu'il existe, à l'appui de l'AE, des moyens spécifiques, identifiables et ne pouvant être confondus avec ceux de la chaîne de préparation de la décision, pour remplir la mission sur le plan technique. Au plan national, le retour d'expérience globalement tiré des premières années d'exercice spécifique de l'AE en France (2005 pour les plans et programmes, 2009 pour les projets), au niveau local par les préfets, au niveau national par le CGDD et le CGEDD, a conduit à quelques débats, encore ouverts aujourd'hui, notamment sur la pertinence des choix d'organisation retenus par la France. L'avis délibéré du CGEDD du 8 juillet 2011 s'inscrit dans ce cadre. · 16 · Depuis la mise en place des AE en France, le corpus réglementaire a profondément évolué. C'est principalement le champ d'application des procédures qui, tant pour les plans et programmes que pour les projets, a fait l'objet d'extensions significatives, suite à l'engagement de procédures pré-contentieuses par la Commission européenne, qui jugeait la transposition française insuffisante. La parution des décrets de décembre 2011, mai et août 2012 s'inscrit dans cette perspective. Le débat sur l'identification des AE renvoie fondamentalement à la conciliation de deux objectifs pouvant être vus a priori comme contradictoires : l'intégration des préoccupations d'environnement dans les politiques publiques, plans, programmes et projets et la nécessaire séparation fonctionnelle entre autorité environnementale et autorité décisionnelle. · La mission dressera, dans un premier temps, un état des lieux de la situation de l'AE en Bretagne (incluant un bref rappel des fondamentaux de l'AE), s'attachera, ensuite, à expertiser un échantillon d'avis de l'AE et formulera, enfin, des recommandations de nature à contribuer à un exercice amélioré et apaisé de cette AE déconcentrée. Sa démarche sera donc structurée de la façon suivante : I ­ Etat des lieux II ­ Expertise d'un panel d'avis de l'AE bretonne III ­ Recommandations 17 18 PARTIE 1 - ETAT DES LIEUX DE L'AE EN BRETAGNE : LA DIFFICILE MONTEE EN PUISSANCE DE L'AE DECONCENTREE Nouvelle approche, portée par un dispositif complexe et subtil, l'exercice déconcentré de l'AE s'est heurtée à un contexte national et des circonstances locales particulièrement délicats, et se réÏle encore très diversement assimilé et maîtrisé par les acteurs bretons. 1.1. UNE NOUVELLE APPROCHE FONDEE SUR UNE PROCEDURE COMPLEXE Comprendre l'exercice de l'autorité environnementale implique de le replacer dans la démarche d'évaluation environnementale, qui lui donne naissance, d'en décrire la spécificité et d'analyser la manière dont il a été intégré dans les procédures existantes sur le plan national4. 1.1.1. L'évaluation environnementale vecteur d'intégration de l'environnement dans les politiques publiques L'intégration de l'environnement dans les politiques et décisions publiques fait aujourd'hui partie des fondamentaux du droit : au niveau communautaire : les traités européens successifs visent à la fois l'objectif d'un « niveau éleÎ de protection et d'amélioration de la qualité de l'environnement »5, et celui d'« intégrer les questions environnementales dans toutes les politiques et activités communautaires pour tendre vers le développement durable »6 ; au niveau national : à travers un considérant de la charte constitutionnelle de l'environnement7, des lois organiques8 et le code de l'environnement modifié par les « lois Grenelle9 ». Cette intégration repose sur l'évaluation environnementale préalable qui vise à : analyser les effets potentiels sur l'environnement, positifs ou négatifs, d'un projet, d'un plan, ou d'une politique, afin d'optimiser les choix en fonction de ces effets potentiels ; restituer, sous la forme partageable d'un rapport, l'essentiel de cette analyse et la manière dont elle a effectivement permis d'améliorer, le cas échéant, la conception du projet, du plan ou de la politique vis-à-vis de l'environnement. - Pour plus de précisions, se reporter notamment au rapport d'audit thématique 2011 n° 007285-01 du CGEDD sur l'AE en DREAL, aux sites internet du CGDD et de la DREAL Bretagne. 5 Article 3.3 du traité de l'Union Européenne (UE) précisé par l'article 191 du traité de fonctionnement de l'UE. 6 Article 11 du traité de fonctionnement de l'UE. 7 Ayant acquis valeur opposable suite à l'arrêt du Conseil d'Etat n°297931 du 3 octobre 2008. 8 Loi constitutionnelle du 23 juillet 2008, lois organiques du 15 avril 2009 et 28 juin 2010. 9 Loi 2009-967 du 3 août 2009 (notamment article 1) et loi 2010-788 du 12 juillet 2010. 4 19 Comme toute démarche d'évaluation « ex-ante », il s'agit d'une aide à la décision qui accompagne, avec les allers-retours nécessaires, la conception du projet, du plan ou de la politique. Elle doit permettre que la dimension environnementale puisse être prise en compte de façon précoce, claire et assumée, en prévenant les effets négatifs sur l'environnement parfois coûteux pour la société à plus ou moins long terme. Elle améliore l'information et la participation du public. Deux directives fondent les obligations en matière d'évaluation environnementale des projets, des plans et des programmes : la directive « évaluation des incidences sur l'environnement (EIE) » 85/337/CEE du 27 juin 1985, qui concerne l'évaluation de l'impact des projets sur l'environnement ; la directive « évaluation stratégique environnementale (ESE) » 2001/42/CE du 27 juin 2001, qui a étendu la démarche aux plans et programmes qui prévoient ou permettent ces projets. Pour les projets, plans ou programmes concernés (considérés comme susceptibles d'occasionner un effet dommageable pour l'environnement), ces directives prévoient : la production obligatoire d'une évaluation environnementale à la charge du maître d'ouvrage, sous forme d'un « rapport environnemental », afin de prendre en compte la prise en compte de l'environnement dès le stade de la conception ; la production d'un avis spécifique sur le dossier par une « autorité environnementale » (AE) ; l'information précoce du public pour l'« éclairer » dans sa participation au débat, notamment à travers la mise à disposition du rapport environnemental et de l'avis de l'AE ; la pleine responsabilité de l'autorité en charge de la décision finale (qu'elle soit ou non maître d'ouvrage) dans la motivation publique de ses choix, au regard notamment des enjeux environnementaux et des remarques de l'AE. Ce corpus juridique est articulé avec différents textes internationaux ou communautaires traitant d'impacts environnementaux sectoriels (ex. : directives Natura 2000) et du droit à l'information environnementale (convention d'Aarhus et directives liées 10). Il s'inscrit dans les fondamentaux du développement durable. Considérées d'effet direct dans l'ordre interne des Etats membres11, ces directives s'appuient désormais sur une jurisprudence communautaire croissante, de plus en plus reprise et enrichie par les juridictions nationales12. Notamment, directive 2003/4/CE du 28 janvier 2003 concernant l'accès du public à l'information en matière d'environnement et directive 2007/2/CE du 14 mars 2007 établissant une infrastructure d'information géographique dans la communauté européenne (INSPIRE). 11 Directement invocable, la transposition ne faisant pas « écran » aux obligations de la directive (arrêt « Perreux » du conseil d'Etat (30/10/2009) sur fondement de primauté du droit communautaire, arrêt « Costa » de la CJCE (1964). 12 Voir notamment arrêt du conseil d'Etat n°328687 du 19 juillet 2010 invoquant simultanément la charte constitutionnelle de l'environnement et la directive EIE pour opposer le principe de précaution à une autorisation d'urbanisme. 10 20 1.1.2. L'intervention d'une « autorité» pour garantir la démarche L'évaluation environnementale est de la responsabilité du maître d'ouvrage, mais sa prise en compte dans le processus de décision publique nécessite d'en apprécier le contenu. La réelle prise en compte de l'environnement par le plan, programme ou projet, doit pouvoir être appréciée à part entière par le décideur et le public, ce que le rapport environnemental du maître d'ouvrage ne peut, à lui seul, garantir. C'est pourquoi les directives ont confié à une « autorité ayant des responsabilités spécifiques en matière d'environnement » (ou autorité environnementale) le soin de produire un avis. En droit, l'autorité environnementale (AE) n'a ainsi d'autre autorité que technique : elle émet un avis simple qui doit analyser, d'une part, le rapport environnemental du maître d'ouvrage, d'autre part, la façon dont le projet, plan ou programme prend en compte l'environnement13. La portée juridique directe de l'avis est limitée puisqu'il ne lie aucune des parties prenantes à la décision. Son contenu, en revanche, peut avoir un effet important, à charge ou décharge, devant la justice administrative. L'avis de l'AE est indispensable, l'absence de saisine étant susceptible de justifier l'annulation de l'acte. Joint à l'enquête publique, il constitue l'un des éléments préalable à l'autorisation dévolue à l'autorité décisionnelle. Quatre points, confortés par la jurisprudence communautaire, méritent d'être précisés pour appréhender le statut et la compétence de l'AE : les directives sont peu normatives quant au statut de l'AE mais invitent surtout à ce que celle-ci dispose des conditions permettant d'exprimer un avis objectif. Dans un arrêt récent14, la CJUE exige qu'« au sein de l'autorité normalement chargée de la consultation en matière environnementale, une séparation fonctionnelle soit organisée de telle manière qu'une entité administrative, interne à celle-ci, dispose d'une autonomie réelle, impliquant notamment qu'elle soit pourvue de moyens administratifs et humains qui lui sont propres, et soit ainsi en mesure (...), de donner de manière objective son avis sur le plan ou programme envisagé par l'autorité à laquelle elle est rattachée »; le champ d'application des directives est potentiellement très étendu et dépend d'abord des enjeux environnementaux concernés : les directives visent des catégories de plans, programmes ou projets obligatoirement soumis à évaluation environnementale au regard de leurs caractéristiques propres. Au-delà, elles exigent, de façon pragmatique, une appréciation par les autorités nationales, éventuellement au cas par cas, des raisons pour lesquelles l'évaluation est nécessaire ou non ; - 13 Article 6.1 de la directive EIE et 6.2 de la directive ESE, articles R.122-7 et R.122-19 du code de l'environnement, article R.121-15 du code de l'urbanisme. 14 Arrêt préjudiciel « Seaport » du 20 octobre 2011, affaire C-474/10. 21 - - la notion d'environnement concernée par l'évaluation environnementale, et donc par l'AE, est elle-même très large : comme la directive EIE15, la directive ESE16 n'exclut pratiquement aucun champ dans lequel s'expriment habituellement les autorités publiques, en indiquant que l'évaluation environnementale porte sur « les effets notables probables sur l'environnement, y compris sur des thèmes comme la diversité biologique, la population, la santé humaine, la faune, la flore, les sols, les eaux, l'air, les facteurs climatiques, les biens matériels, le patrimoine culturel, y compris le patrimoine architectural et archéologique, les paysages et les interactions entre ces facteurs » ; l'évaluation environnementale des projets et celle des plans et programmes doivent se rejoindre pour permettre une évaluation intégrée incluant tous les niveaux de décision : la responsabilité des maîtres d'ouvrage est notamment engagée pour que la chaîne d'analyse soit continue et tienne compte des autres plans, programmes ou projets en interaction potentielle. Le bon sens guide ici la démarche. 1.1.3. Une intégration dans les procédures nationales source de complexité et de confusion La France connaît une situation paradoxale : pays pionnier dans l'adoption d'objectifs et de principes ambitieux pour l'intégration de l'environnement dans les politiques publiques mais développant une étonnante résistance à leur mise en oeuvre. Une ambition forte des textes nationaux... Premier pays européen à adopter une législation forte instituant « l'étude d'impact » (terme français désignant le rapport environnemental pour les projets), dès 197617, et inspirant la directive EIE, la France est également le seul Etat membre de l'UE à disposer, à travers la Charte de l'Environnement, d'une norme supérieure donnant force constitutionnelle à différents principes de développement durable (prévention, précaution, information, participation, pollueur-payeur...), dont le principe de préservation de l'environnement, qualifié d' « intérêt fondamental de la Nation ». Ces principes se sont trouÎs largement déclinés et enrichis à travers le processus du Grenelle de l'Environnement, sur les plans législatif et réglementaire. ... contredite par les défauts, insuffisances et retards de transposition des directives La transposition de la directive EIE de 1985 ne s'est faite que tardivement et progressivement, en particulier pour la création d'une AE pour les projets (non prévue par les textes nationaux de 1976). Il faudra ainsi attendre 2005, au niveau législatif, et 2009, au niveau réglementaire, à l'issue d'une procédure contentieuse engagée par la Commission européenne, pour mettre en place les AE pour les projets et donc rendre effective la production de l'avis attendu. La transposition de la directive ESE, réalisée en 2004 au niveau législatif18 (à expiration du délai prévu) puis en 2005 au niveau réglementaire19, a finalement 15 16 Directive « évaluation des incidences sur l'environnement (EIE) » 85/337/CEE du 27 juin 1985. Directive « évaluation stratégique environnementale (ESE) » 2001/42/CE du 27 juin 2001. 17 Article 2 de la loi du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature. 18 Ordonnance 2004-489 du 3 juin 2004 portant transposition de la directive 2001/42/CE. 22 été la première à instituer en France le principe de l'AE, en l'occurrence pour les plans et programmes. Le champ d'application adopté par la France dans sa transposition est cependant apparu insuffisant et a conduit en 2009 à une mise en demeure de la Commission européenne. Les « lois Grenelle » 1 et 2 ont permis, dans la période 2009-2012, de répondre, avec les décrets correspondants20, aux principaux griefs exprimés à ce jour par la Commission européenne et de combler les lacunes, notamment par l'introduction d'un examen au cas par cas pour des plans, programmes et projets en plus de ceux qui déjà soumis à évaluation envionnementale. Le principe de désignation de certaines AE reste cependant un sujet sensible et controversé21. Désormais, les textes nationaux relatifs à l'évaluation environnementale sont essentiellement codifiés au titre I du code de l'environnement22, à l'exception de ceux qui concernent les documents d'urbanisme, qui font l'objet d'une transposition spécifique dans le code de l'urbanisme23. Des circulaires d'application ont régulièrement suivi la publication des décrets.24 ... fondée sur une organisation administrative pour l'AE à la fois classique, subtile et peu lisible A travers ces textes, la France s'est efforcée de concilier plusieurs objectifs : respecter l'esprit et la lettre des deux directives sur la nature de l'avis à formuler, qui doit porter sur l'intégralité du processus d'évaluation environnementale à partir du dossier du maître d'ouvrage, afin que l'autorité décisionnelle puisse en tenir compte ; affirmer clairement que cet avis doit permettre de mieux informer le public afin de rendre plus efficace sa participation à la prise de décision ; appuyer l'AE sur l'organisation administrative existante : pour ce faire, le choix a été fait d'instituer l'AE au sein de l'administration d'Etat, tant au niveau central qu'au niveau déconcentré. La responsabilité d'AE déconcentrée a donc été confiée aux préfets25 ; assurer, dans la mesure du possible, une distinction entre l'AE et les autorités décisionnelles aux deux niveaux de préparation et de signature de l'avis en : faisant reposer la préparation des avis des préfets (de région ou de département) en tant qu'AE sur le service déconcentré placé sous leur autorité et spécifiquement compétent en matière d'environnement : la DREAL26. Dans la plupart des cas, celui-ci est distinct du service concerné par l'élaboration ou l'instruction administrative des projets, plans ou programmes ; - Décrets n° 2005-608 et 2005-613 du 27 mai 2005 modifiant code de l'urbanisme et code de l'environnement. Voir notamment le décret n°2011-2019 du 29 décembre 2011 sur les études d'impact des projets, le décret n° 2012-616 du 2 Mai 2012 sur les plans et programmes et le décret n°2012-995 du 23 août 2012 sur les documents d'urbanisme. 21 Voir notamment avis n°2012-11 du 14 mars 2012 de l'autorité environnementale du CGEDD sur le projet de décret adopté le 2 mai 2012. 22 Art. L. 122-1 à 3 et R. 122-1 à 15 pour les projets, art. L.122-4 à 12 et R. 122-17 à 24 pour les plans et programmes. 23 Art L. 121-10 à 15 et R. 121-14 à 17. 24 Circulaires des 6 mars et 12 avril 2006 pour les plans et programmes, 3 septembre 2009 pour les projets. 25 Voir tableau sur les compétences en annexe III. 26 Art. 2-4° du décret 2009-235 du 27 février 2009 concernant les DREAL et circulaires citées ci-dessus. 20 19 23 jouant sur la répartition de compétence entre AE selon la nature des dossiers, le préfet de région étant AE quand le préfet de département est impliqué dans le processus de décision. En pratique, cette organisation s'aÏre cependant complexe et peu lisible, tant pour le public que pour les acteurs du processus eux-mêmes : les préfets exercent des compétences multiples, notamment au titre des documents d'urbanisme, à la fois comme AE, comme personne publique associée et comme responsable du contrôle de légalité, tout en étant souvent impliqués dans les exercices de conciliation préalable à la décision ; les services départementaux et régionaux intervenant sous leur autorité croisent régulièrement leurs compétences et leurs interventions, tant pour les projets que pour les plans et programmes, ce qui peut consolider l'expertise et le travail collaboratif mais également parfois créer des confusions entre services et faire perdre leur lisibilité externe ; la compétence de l'AE au niveau régional, lorsque le préfet de département est impliqué dans la décision, donne parfois le sentiment d'une « hiérarchie renversée » : ainsi, des projets ou plans locaux (comme les cartes communales) sont examinés par l'AE régionale, alors que des plans et programmes de plus grande portée (parfois interdépartementale comme certains SCOT) relèvent d'une AE départementale. - - Un premier bilan de l'exercice déconcentré de l'AE a été établi par le CGEDD27. Ce rapport, qui a fait l'objet d'un avis délibéré du CGEDD, le 8 juillet 2011, examine le dispositif mis en place et identifie plusieurs voies possibles de sa simplification. ... et sur une intervention de l'AE insérée dans les procédures d'autorisation et d'approbation sans que celles-ci aient été réellement adaptées L'avis de l'AE ayant pour objet d'éclairer le maître d'ouvrage, le public et les autorités avant la décision finale, son intervention dans les procédures d'autorisation ou d'approbation est prévue sur la base d'un dossier provisoirement finalisé par le maître d'ouvrage. S'agissant des projets, ce dossier a fait l'objet d'une déclaration de recevabilité pour sa mise à l'instruction. L'avis de l'AE est joint au dossier mis à l'enquête publique. Les procédures d'autorisation ou d'approbation des plans, programmes, projets soumis à évaluation environnementale n'ont cependant fait l'objet que d'adaptations mineures par les administrations centrales pour faire sa place à l'AE dans le processus de décision. Ainsi : dans le cas des projets, les procédures d'autorisation sont généralement très anciennes et inscrites dans des pratiques et des organisations administratives rôdées. Dans le cas particulier des régimes d'instruction relevant du code de l'environnement (loi sur l'eau et surtout ICPE), l'intervention de l'AE est globalement apparue comme se rajoutant à un dispositif dont la finalité est de maîtriser les effets sur l'environnement. De manière 27 Rapport d'audit 2011 n°007285-01 sur l'exercice de l'AE en DREAL, sur demande de la Commissaire générale au développement durable, publié en octobre 2012. 24 générale, l'intervention de l'AE a été rendue difficile du fait de codifications différentes et peu harmonisées ; dans le cas des documents d'urbanisme, tous les PLU et les cartes communales ne sont pas soumis à évaluation environnementale alors que tous doivent faire l'objet d'une analyse de leurs effets sur l'environnement selon les dispositions de la loi SRU. En outre, l'avis de l'Etat en tant qu'AE est préparé dans le même délai que son avis en tant que personne publique associée, sous la responsabilité d'un même signataire, le préfet de département. Engagement issu de la Conférence environnementale du 2 septembre 2012, le chantier de modernisation du droit de l'environnement28 souligne la nécessité d'une simplification des procédures sans perdre en exigence de résultat. L'exercice de l'autorité environnementale apparaît donc comme un élément novateur, essentiel à la bonne intégration de l'environnement dans les plans, programmes, projets et qui fait désormais partie des fondamentaux du droit de l'évaluation environnementale. On note cependant un contraste important entre : les objectifs et principes clairs sur lesquels reposent la démarche d'évaluation environnementale et l'intervention d'une autorité environnementale ; la manière dont ces objectifs et principes, parfaitement inscrits dans les droits européen et national, ont finalement abouti à une déclinaison confuse, complexe et, dès lors, peu appropriable, dans les procédures nationales existantes. Derrière les dimensions procédurales, c'est bien l'adaptation de la pratique administrative nationale aux nouvelles formulations du droit qui est en jeu. PROCEDURE NOUVELLE INTERVENANT DANS UN CONTEXTE DELICAT TANT AU PLAN NATIONAL QU'A L'ECHELON LOCAL 1.2. UNE La montée en puissance progressive de l'exercice de l'autorité environnementale, complexe en elle-même, est de surcroît intervenue dans un contexte particulièrement difficile, caractérisé par un environnement national administratif et général mouvant et déstabilisé, et des spécificités locales de nature à susciter résistances et contestations. 1.2.1. Le contexte national Plusieurs facteurs, communs à l'ensemble du territoire national, ont indéniablement contribué et contribuent encore à fragiliser la mise en oeuvre de cette nouvelle procédure : La réforme de l'administration territoriale (RéATE), lancée en 2010 au même moment que l'AE, et ses conséquences en matière de réorganisation de services et de 28 Table ronde « améliorer la gouvernance environnementale », engagement n°6. 25 réaffectation des effectifs, ont, au moins temporairement, déstabilisé les acteurs de l'Etat, fragilisé les procédures et perturbé les réseaux existants. Par ailleurs, attesté par plusieurs missions d'inspection29, le sentiment, teinté d'amertume, partagé par de nombreux services départementaux, d'une aspiration des effectifs et de la capacité d'expertise par le niveau régional, n'a sans doute pas facilité l'accueil au niveau local d'un avis rédigé par la DREAL, quand bien même les textes la placent sous l'autorité fonctionnelle du préfet de département. Au niveau national, l'évaluation environnementale et l'exercice de l'autorité environnementale souffre des difficultés d'existence et de reconnaissance propres aux missions transversales dépourvues de programme LOLF dédié. En l'absence de volume de postes négocié au plan national, l'affectation d'effectifs suffisants à cette nouvelle mission s'aÏre un exercice délicat pour les directeurs de DREAL en période de réduction de personnel. Dans ce contexte, la mission d'AE souffre d'un déficit de visibilité et d'attractivité. Ce n'est ainsi qu'à partir de 2012 que le service de l'évaluation environnementale de la DREAL Bretagne a pu, après une longue période de sous-effectif, reconstituer son équipe. Parallèlement, la réglementation en matière d'environnement s'est considérablement complexifiée, sous l'impulsion d'exigences européennes accrues et du Grenelle de l'Environnement. Services instructeurs, maîtres d'ouvrage, porteurs de projets soulignent tous l'empilement croissant des normes et, par voie de conséquence, la perte de lisibilité des procédures, au risque de les rendre difficilement applicables, au moins de façon homogène sur l'ensemble du territoire. Ainsi, en Bretagne, le rapport commandé par le préfet de région sur la procédure des ICPE agricoles30, constatant la multiplication des normes et leur diversité d'application selon les services instructeurs a, en tête de ses recommandations, appelé à « stabiliser les règles, en appliquant la réglementation en cours au moment du dépôt du dossier ». L'exercice de l'AE est tout particulièrement concerné par cette complexité normative et par la difficulté pour les porteurs de projets et des maîtres d'ouvrage de s'y adapter : elle apparaît elle-même comme une contrainte environnementale supplémentaire, la dernière « goutte d'eau » parfois difficile à accepter. ses avis couvrent, du fait de cette évolution, un champ d'une ampleur et d'un niveau d'exigence considérables, imparfaitement appréhendé et anticipé. Enfin, de façon non négligeable, la prégnance de la crise économique et ses enjeux en matière d'emploi local survalorisent le facteur temps, conduisant à multiplier les traitements dans l'urgence31, au prix d'une forte tension sur les services chargés de l'exercice de l'AE. Par ailleurs, si de nombreux industriels familiers d'une approche de « gestion stratégique des risques » peuvent rapidement percevoir l'intérêt de l'AE en matière de sécurisation des effets potentiels sur l'environnement et des procédures au plan juridique, il peut arriver que, dans un tel contexte de crise, les préoccupations environnementales des 29 Cf à titre d'exemple, rapport IGA-IGF 12-013-01 Réate : optimisation des moyens budgétaires et de gestion des ressources humaines. Avril 2012. 30 Rapport sur la mise en oeuvre de la politique des installations classées pour la protection de l'environnement en élevage en Bretagne. Décembre 2011. 31 Les préfets du Morbihan et des Côtes d'Armor ont ainsi sollicité en 2011 et 2012 le traitement accéléré par l'AE de plusieurs dossiers industriels majeurs. 26 dossiers d'installations classées ou des projets d'aménagement portés par les collectivités locales passent, au moins en partie, après les enjeux économiques et d'emploi. 1.2.2. Le contexte breton Plusieurs particularismes bretons ne sont pas sans incidence sur l'exercice de l'AE et sur la façon dont elle est appréhendée par les acteurs locaux. En premier lieu, les enjeux de l'aménagement de l'espace littoral et de l'étalement urbain prennent en Bretagne un relief tout particulier, problématiques majeures pesant sur une grande partie des plans et programmes soumis à avis de l'AE. Si l'ensemble des protagonistes adhèrent à la nécessité de lutter contre l'artificialisation des terres agricoles 32, dont le rythme est en Bretagne trois fois supérieur à la moyenne nationale, et de protéger un territoire côtier d'exception, pilier de l'économie touristique, les conditions de mise en oeuvre concrète de ces objectifs en matière de planification urbaine focalisent à l'extrême l'attention33, cristallisant sans doute à l'excès la lecture et la réception des avis autour de leur « application » de la loi littoral et de leurs remarques en matière de densité urbaine. En deuxième lieu, le poids économique de l'agro-alimentaire et le nombre sans équivalent des installations classées agricoles34 constituent un enjeu tout particulier pour l'AE, sur fond de crise conjoncturelle et structurelle et d'impacts environnementaux prégnants (Cf. Plan Algues vertes 2010). Aux dossiers initiaux de création d'ICPE s'ajoutent les dossiers dériÎs de mises aux normes du fait de modifications substantielles ou de l'incidence des évolutions réglementaires, l'ensemble représentant, en 2011, 42% des projets soumis à avis de l'AE. En outre, ces dossiers sont, selon le constat général, d'une qualité très médiocre, sans que jusqu'à présent les chambres d'agriculture et les bureaux d'étude n'aient semble-t-il manifesté un intérêt particulier pour les améliorer. En troisième lieu, autre spécificité locale, le caractère très « typé », revendiqué par chacun des 4 départements bretons, malgré un régionalisme de principe, est indéniablement un facteur supplémentaire de complexité pour l'exercice de l'AE. Qu'il s'agisse d'application de la loi littoral ou d'instruction des dossiers d'ICPE agricoles, chacun a tendance à développer ses propres pratiques et jurisprudences35, rendant de ce fait plus délicate l'expression par l'AE d'une vision régionale partagée. Si des progrès ont été réalisés récemment dans le domaine de la loi littoral, par la mise en place d'un « atelier littoral » et l'émergence d'une doctrine régionale, les préfets de département restent en la matière particulièrement attentifs à conserver leur marge d'action, notamment dans le cadre de l'exercice du contrôle de légalité qui leur appartient en propre. Le PAAR, projet Agricole et Agroalimentaire régional présenté le 20 décembre 2010 affiche un objectif de réduction de ce rythme de consommation de foncier agricole d'un tiers d'ici 5 ans. 33 Entre 2005 et 2010, 23 PLU ont été annulés pour non-compatibilité à la loi littoral, soit près de 10% de l'ensemble. 34 er 1 bassin de production agricole et agroalimentaire français, la Bretagne accueille 57% du cheptel porcin national, 39% de la production de volailles de chair et 42% de la production d'oeufs de consommation. Le nombre des élevages sous régime ICPE représente 23% du total national, avec une forte dominante des installations soumises à autorisation, soit 45% des autorisations de France (chiffres 2010-2011. Source : Rapport sur la mise en oeuvre de la politique des installations classées pour la protection de l'environnement en élevage en Bretagne. Décembre 2011). 32 Cf recommandation 3 du rapport sur la mise en oeuvre de la politique des installations classées pour la protection de l'environnement en élevage en Bretagne : « harmoniser les règles et les doctrines d'application au niveau régional, ainsi qu'en matière d'instruction de dossiers » 35 27 1.3. UNE PROCEDURE ENCORE MAL ASSIMILEE PAR LES ACTEURS BRETONS La mission tient avant tout à préciser que les constats qui suivent ne sont l'expression que des entretiens qu'elle a conduits, forcément en nombre limité. La représentativité des maîtres d'ouvrage, des collectivités territoriales, des associations et des bureaux d'étude est en particulier restreinte. Sous cette réserve, il ressort clairement de l'ensemble des échanges conduits que, plusieurs années après le début de sa mise en oeuvre, les acteurs bretons ne se sont que très diversement encore appropriés cette nouvelle procédure. 1.3.1. Une connaissance très inégale du dispositif de l'AE et de sa portée 1.3.1.1. De la part des services de l'Etat Si le « dispositif » de l'AE et la singularité de son positionnement sont évidemment connus des services départementaux, elle reste pour beaucoup d'entre eux une péripétie procédurale de plus, dont ils ne maitrisent que très imparfaitement et inégalement les tenants et les aboutissants, et dont ils se seraient volontiers passés dans le cheminement d'un projet ou d'un exercice de planification : - ainsi, malgré les textes, et les rappels formulés dans ses avis par l'AE Bretagne, le rôle même de l'AE reste partiellement méconnu. Si elle est en effet considérée la plupart du temps comme légitime pour analyser l'étude d'impact, elle l'est beaucoup moins, pour de nombreux interlocuteurs rencontrés, pour apprécier la manière dont le projet ou le plan prend en compte les enjeux d'environnement. C'est une des constantes rencontrées en Bretagne. Par voie de conséquence, les opinions36 releÎes par la mission quant à ce que doit ou devrait être le champ thématique des avis de l'AE sont diverses : certains ­minoritairesestiment que la loi littoral en fait partie, d'autres non, ou alors seulement pour la partie aménagement, ou dans les cas majeurs mais pas dans les détails ; un directeur départemental considère que « l'avis doit porter sur la forme mais pas sur le fond », en contradiction avec un autre qui juge au contraire qu'il doit porter sur le fond, « les DDT se limitant trop à l'aspect juridique » ; la plupart estiment enfin que « l'avis n'a pas à se prononcer sur le respect de la réglementation qui incombe aux services instructeurs », tout en reconnaissant n'être pas en mesure de déterminer avec précision ce qui relève de la pure instruction, de la recevabilité et de l'analyse de l'AE ; - à cette imparfaite connaissance de ce que doit être un avis d'AE, s'ajoute une méconnaissance avouée de ses critères et plus généralement de sa procédure. Sauf en matière d'ICPE agricoles, dont les enjeux algues vertes, bassins versants et zones Natura 2000 sont bien intégrés, la plupart des services départementaux affirment ignorer les critères, s'il y en a, de sélection des dossiers soumis à avis explicite. Ils 36 Les opinions qui suivent ont été releÎes à l'occasion des entretiens conduits par la mission auprès des services des quatre départements ; il semble inutile d'identifier nominativement leur auteur. 28 reconnaissent être parfois déconcertés par les choix opérés par l'AE (ainsi s'agissant d'un des rares avis ICPE élevage intervenu dans le département des Côtes d'Armor portant sur la seule zone blanche du département) et n'être pas toujours en mesure d'expliquer la transformation de certains avis explicites en avis tacites (dépassement de délai, volonté politique, refus de signature d'un projet d'avis... ?). Si les réunions de bilan annuels tenues dans les départements par le service Connaissance, prospective, évaluation (COPREV) de la DREAL en charge de la préparation des projets d'avis ont été unanimement appréciées, les services départementaux affirment également, sauf exception, ne pas bien connaitre l'organisation interne de la division « évaluation environnementale » au sein du COPREV ni la plupart de ses agents (dont il est vrai que près de la moitié n'y a été affectée que cette année). Il est vrai que l'AE n'est pas identifiée en tant que telle au sein de la DREAL, d'autant qu'elle ne dispose pas de papier à en-tête sous cette dénomination, ce qui ne contribue pas à sa reconnaissance. 1.3.1.2. De la part des collectivités territoriales Si les services de l'Etat eux-mêmes ne maîtrisent qu'imparfaitement encore le dispositif de l'AE et les conditions de sa mise en oeuvre, l'ignorance est encore plus grande de la part des collectivités locales qui, la plupart du temps, en découvrent pour la première fois l'existence à l'occasion d'un exercice de planification urbaine ou d'un projet souvent considérés comme un enjeu majeur pour le territoire concerné. Dans ces conditions, si les services et conseils (Etat et/ou bureaux d'études) n'ont pas pris la précaution d'informer en amont les élus des objectifs de ce dispositif37 et de la manière d'en tenir compte, le risque est grand d'une incompréhension majeure de leur part lors de l'expression de l'avis du « préfet en tant qu'autorité environnementale », intervenant en fin de procédure, après parfois de longues années de travail collectif, à quelques jours de l'ouverture de l'enquête publique. Cette incompréhension se double d'une indéniable confusion : la mission a ainsi constaté, dans l'un des dossiers indiqués comme « problématique », que les critiques jugées « illégitimes » et « maladroites » faites à un projet de SCOT et qui lui avaient été présentés comme imputables à l'avis d'AE, avaient été en fait ­fort maladroitement semble-t-ilformulés par un agent de la DDT lors d'une réunion publique ; dans le même dossier, les remarques incitant à la diminution de la part des résidences secondaires, dont la légitimité était fortement contestée, n'émanaient pas de l'avis AE mais de celui de l'Etat au titre de personne publique associée (PPA). Enfin, au cours de ses entretiens, la mission a pu constater que le terme même d'AE était encore obscur pour certains des interlocuteurs rencontrés. Comme cela a été le cas pour la commune de Vannes dans le cas du dossier de transit, traitement et valorisation des sédiments. 37 29 1.3.1.3. De la part des bureaux d'étude Symptomatique d'une méconnaissance de la portée du dispositif de l'AE et de ses enjeux, l'évaluation environnementale elle-même reste de valeur très inégale dans les plans/programmes comme dans les projets analysés par la mission, malgré les formations et la pédagogie développées par la DREAL. Sauf exception38, on ne peut que constater l'insuffisance de méthode, de compétence et de moyens consacrés par les bureaux d'étude à cette évaluation, souvent encore perçue, par manque de connaissance des maitres d'ouvrage, comme une obligation a minima. Ainsi, en Bretagne, pour les documents d'urbanisme, le rapport d'évaluation environnementale reste encore fréquemment distinct du rapport de présentation et est souvent élaboré par un bureau d'études spécifique. La plupart du temps, la mission de ce dernier s'arrête, aux termes du cahier des charges, avant même l'émission de l'avis de l'AE. Par conséquent, l'auteur du rapport d'évaluation reste le plus souvent dans l'ignorance des appréciations portés par l'AE sur son travail et n'est en général pas associé aux suites qui y sont données par le maître d'ouvrage. 1.3.1.4. De la part des associations Il est impossible pour la mission de tirer des enseignements généraux du seul entretien conduit avec l'un de leurs représentants39. La mission observe toutefois que de tous les interlocuteurs rencontrés, cet acteur associatif est, avec la présidente de la compagnie des commissaires enquêteurs de Bretagne, l'un de ceux qui ont manifesté la connaissance la plus claire des objectifs et des modalités d'application du dispositif de l'AE, tout en reconnaissant - et en le regrettant - ignorer les critères conduisant à l'émission d'avis explicites. 1.3.2. Une perception variable de la valeur ajoutée de l'avis Conséquence en partie de la méconnaissance constatée, la valeur ajoutée de l'avis de l'AE est également encore loin de faire l'unanimité : selon les acteurs, leur position, leurs attentes, leurs responsabilités, leurs expériences, les opinions sont partagées quant à l'apport du dispositif d'AE et des avis proprement dits. Les attentes comme les critiques ne sont pas exemptes de contradictions : certains aspirent, sous couvert d' « indépendance », à l'expression d'un avis totalement construit et alimenté par le « niveau régional » et détaché des circonstances locales tandis que d'autres dénoncent le peu de pertinence d'avis « hors contexte et hors sol », complètement décalés par rapport aux réalités du terrain ; les uns s'exaspèrent d'avis trop longs et trop détaillés, les autres souhaitent que l'AE ne se borne pas à pointer les insuffisances des dossiers mais souligne également tous ses aspects positifs. Un bureau d'étude particulièrement compétent sur le sujet a été sollicité par la DREAL pour élaborer une première méthode sur l'évaluation environnementale puis a assuré, aux côtés des agents de la DREAL et des DDTM, des missions de porter à connaissance territorialisés environnementaux pour des territoires de SCoT. 39 Association Eaux et Rivières de Bretagne. L'association des amis des chemins de ronde, qui n'a pu être rencontrée, a transmis à la mission une note d'observations. 38 30 Les jugements et appréciations releÎs ci-dessous par la mission et grossièrement classés en deux groupes opposés se contredisent mais souvent aussi s'entrecroisent, se tempèrent et se nuancent les uns les autres, témoignant d'une installation progressive mais encore instable et fragile du dispositif. 1.3.2.1. L'apport positif des avis de l'AE : information du public, amélioration et sécurisation des dossiers Une partie des interlocuteurs rencontrés donnent acte aux avis explicites de l'AE de contribuer activement à la qualité des dossiers soumis à enquête publique. Acteur associatif, préfet, directeur départemental des territoires et de la mer soulignent l'intérêt de la mise à disposition du public d'une information objective, indépendante et compréhensible tandis qu'un porteur de projet y voit l'intérêt d'une meilleure communication et donc d'une meilleure acceptation des projets par les riverains concernés. Un maître d'ouvrage reconnaît la possibilité d'une bonification « in extremis » de son dossier dans la perspective de l'enquête publique, par la conduite d'études complémentaires, tandis que des services départementaux espèrent l'enclenchement d'un processus vertueux d'amélioration progressive de la qualité des études d'impact et de l'instruction. Enfin, une collectivité territoriale estime que l'expression de l'avis de l'AE a permis de consolider son dossier à l'égard de contestations éventuelles, plusieurs cadres de l'Etat aspirant de leur côté à ce que la « jurisprudence » de l'AE puisse être progressivement le support d'une harmonisation régionale, sécurisant le montage des projets et des plans/programmes. 1.3.2.2. Les critiques récurrentes : alourdissement des procédures, empiètement de compétences et confusion des approches D'autres interlocuteurs (voire parfois les mêmes) font état de plusieurs reproches. Préfets, bureau d'étude, collectivités locales et services dénoncent une contrainte supplémentaire dans des domaines déjà perçus comme sur-administrés, un souci de « perfection » environnementale inatteignable, qualifiée par un interlocuteur de « quête du Graal », ajoutant, un nouveau délai parfois difficilement compatible - et compréhensible avec des dossiers à traiter en urgence. Certains y voient un empiètement illégitime tant sur les compétences des collectivités territoriales (en matière de choix d'aménagement) que sur celles des services départementaux (sur l'application de la loi littoral par exemple), dénonçant la position « militante » de « sachants », sans prise en compte des réalités du terrain. Enfin, pour les projets, de nombreux services départementaux font état d'un risque de remise en cause, par les avis, des analyses des services instructeurs, voire même des doctrines 31 élaborées par d'autres services de la DREAL40, au risque d'une incohérence apparente ou d'une contradiction dans la parole de l'Etat41, source de confusion, d'incompréhension, voire de contentieux. 1.3.3. L'hétérogénéité des comportements à l'égard de l'AE Dernier volet de cette appropriation encore imparfaite, et conséquence des deux précédents, les comportements des différents acteurs concernés vis-à-vis de l'AE se réÏlent encore hétérogènes. Malgré les efforts entrepris par la DREAL pour définir et faire adopter des procédures et des pratiques partagées, dont font état plusieurs comptes-rendus successifs du comité de l'administration régionale (CAR), la mission a pu constater la persistance d'attitudes très variables selon les départements et les services à l'égard de l'AE : les « révisions » des projets d'avis par les préfets (signataires ou non) sont plus ou moins accentuées, selon les départements et les personnalités ; le fonctionnement des réseaux entre services est encore disparate : au sein même de la DREAL, si certaines unités territoriales (UT) sont en relation étroite avec le service d'évaluation et sollicitent son éclairage en cours d'instruction (ex : Vannes), d'autres n'ont pas encore systématiquement ce réflexe ; quant aux contributions des services départementaux à la rédaction de l'avis, toutes les situations coexistent dans les départements bretons (rares dans le Morbihan, beaucoup plus systématiques dans les Côtes d'Armor), selon les domaines (ainsi dans le Finistère, il est fait état d'une contribution institutionnalisée en matière de police de l'eau, des contacts fréquents avec le chargé de mission SCOT, mais de peu d'échanges pour le reste) et le contenu même des contributions (ainsi en matière d'ICPE agricoles, les fiches de transmission et les grilles de recevabilité sont-elles diversement précises selon départements). - - L'apprentissage de l'exercice de l'autorité environnementale, complexe en luimême, s'est heurté en Bretagne à un contexte particulièrement délicat, pour partie partagé par l'ensemble du territoire national, pour partie spécifique. L'ensemble de ces circonstances explique une grande partie des tensions et des difficultés de compréhension et d'acceptation de l'AE constatés par la mission. Si la plupart de ses interlocuteurs se sont, toutefois, accordés pour estimer que la situation bretonne est aujourd'hui en voie d'amélioration et d'apaisement, beaucoup sont dans l'attente d'une nouvelle étape qui clarifie et simplifie l'intervention de l'AE et permette de dépasser le sentiment de malaise persistant, au bénéfice d'une intégration environnementale améliorée. 40 41 Avis ICPE élevage Les Rues d'En Haut cf. page. « l'AE, c'est un peu l'Etat qui organise sa propre contestation », selon le Préfet des Côtes d'Armor. 32 PARTIE 2 - EXPERTISE DES MODALITES D'EXERCICE DE L'AE EN REGION BRETAGNE Pour apprécier de façon complète les conditions d'exercice de l'AE en Bretagne, la mission s'est attachée à analyser la qualité des avis produits, tant sur le fond que sur la forme, ainsi que les processus d'élaboration et de signature de ces avis. 2.1. ANALYSE DE LA QUALITE DES AVIS On trouvera ci-après une restitution synthétique de l'analyse des avis et projets d'avis d'AE fournis, dont l'examen détaillé a été mené en complétant la grille mise au point pour l'exercice et détaillée en annexe 5. Ont été analysés en détail les 31 avis transmis à la mission à l'initiative des préfets (parfois en lien avec les DDTM) et de la DREAL, avant ou après les auditions de terrain. Ces 31 avis se décomposent comme suit : 11 avis d'AE sur des plans et programmes (5 SCOT, 5 PLU, 1 SAGE) et 20 avis sur des projets. L'analyse menée comporte cependant un certain nombre de limites : le nombre d'avis remis spontanément à la mission par la DREAL et les services départementaux s'est aÎré peu important et insuffisamment diversifié ; l'échantillon a donc dû être complété à la demande de la mission à l'occasion de ses déplacements ; le mode de constitution de l'échantillon, le nombre de dossiers concernés, et leur variabilité (type de dossier, contexte...) ne permettent pas une analyse statistique. Cet échantillon, tout comme l'expertise qui en est faite, a une portée essentiellement illustrative ; les avis et fonds de dossiers liés ne livrent qu'un éclairage partiel sur les processus de production, les entretiens de terrain n'ayant pas toujours permis de disposer des compléments nécessaires. - Outre la grille d'analyse figurant en annexe, la mission a choisi une présentation transversale de ses observations, en identifiant les thématiques récurrentes et régulièrement sujettes à interrogation. Pour chacune d'entre elles, elle rappelle le cadre normatif et les enjeux, présente l'état des pratiques, et évalue les avis de l'AE Bretagne concernés. 33 2.1.1. d'AE Interrogations de fond exprimées dans le débat local concernant les avis 2.1.1.1. Périmètre des avis d'AE sur les projets vis-à-vis des procédures d'instruction départementales Problématique générale Suite au décret du 30 avril 2009 instituant l'autorité environnementale pour les projets, la prise en compte de l'AE s'est généralement faite en modifiant a minima les procédures nationales et normes préexistantes42. L'élaboration de l'avis de l'AE se fait en outre, dans la plupart des cas, en temps masqué sur le temps d'instruction ou de préparation de l'enquête publique. Par ailleurs, les avis de l'AE qui, conformément aux textes, comportent une analyse de l'étude d'impact et de la prise en compte par le projet de l'environnement, peuvent parfois avoir des répercussions indirectes sur l'application des régimes d'autorisation, particulièrement des régimes d'instruction ICPE ou « loi sur l'eau ». Les principales questions souleÎes en Bretagne concernent : les différences entre le périmètre pertinent de l'étude d'impact et celui de l'objet de la demande d'autorisation ; les contradictions apparentes entre l'approche de l'AE et certaines doctrines d'instruction appliquées à l'échelle régionale afin d'homogénéiser les procédures départementales (cas des lettres-instructions régionales pour les ICPE élevage) ; le fait que l'avis d'AE puisse apparaître comme une forme de double instruction réglementaire. Point de vue de la mission et état des pratiques Ces questions illustrent les conséquences de la modification a minima des textes régissant les différentes procédures et les incompréhensions encore présentes sur le rôle de l'avis de l'AE.43 Sur la question de la « double instruction », l'avis s'intègre à la procédure d'instruction réglementaire des projets, en apportant aux acteurs de la procédure, sans les lier, un avis préalable à la décision. L'étape de la recevabilité des dossiers ICPE ou « loi sur l'eau » (qui correspond a minima au moment où le service instructeur considère que le contenu du dossier est « complet et régulier », c'est-à-dire peut permettre son examen dans les étapes suivantes de la procédure) est une étape clé, dépendante de la manière dont elle est conduite et des objectifs de 42 43 Voir chapitre 1-1. Voir chapitre 1-1. 34 performance qui lui sont attachés44. A l'issue de cette étape, des dossiers, bien qu'insuffisants du point de vue des exigences réglementaires de l'évaluation environnementale45, peuvent aujourd'hui être mis à l'instruction, et donc soumis à l'avis de l'AE, qui est légitime à mettre en exergue ces insuffisances. Ces apparentes contradictions seront d'autant plus fréquentes que la recevabilité sera prononcée sur le seul critère de complétude du dossier (présence-absence au dossier des différentes pièces réglementaires). Au niveau national comme au niveau régional, des groupes de travail échangent régulièrement sur ces sujets pour conduire à l'optimisation des pratiques. Certaines régions ont notamment institué une concertation entre service d'instruction et AE avant même de prononcer la recevabilité. S'agissant de la question du périmètre de l'autorisation ou de l'étude d'impact, trois notions sont à distinguer : les effets d'un projet, à analyser dans une étude d'impact, dépassent fréquemment les limites de l'emprise du projet, et, lorsqu'il s'agit d'une installation soumise à autorisation, ce sont les effets de l'entité fonctionnelle dont fait partie le projet qui doivent être appréciés par l'étude d'impact ; l'étude d'impact doit bien porter sur l'ensemble du programme de travaux générés par le projet (art. L.122-1 du code de l'environnement). C'est ainsi, par exemple, que l'Ae46 du CGEDD traite des dossiers prévoyant la construction d'une unité de production d'énergie, en intégrant la question des réseaux d'alimentation et de distribution portés par des maîtres d'ouvrages différents ; depuis le 1er juin 2012, l'étude d'impact doit également inclure l'analyse des impacts du projet cumulés avec ceux d'autres projets connus. 47 L'analyse du contenu de l'étude d'impact et de sa prise en compte par le projet conduit donc l'AE à s'exprimer, le cas échéant, sur ces points. La question de l'interaction avec les doctrines d'instruction est plus délicate, selon les cas et la forme d'expression prise par l'avis d'AE. De façon générale, les aspects réglementaires, qu'ils soient normatifs ou appréciatifs, font partie des éléments mobilisés, lorsque c'est opportun, pour apprécier la qualité du rapport environnemental et la prise en compte de l'environnement, les seuils réglementaires constituant des minima à respecter. Relevant d'une contre-expertise au fond, l'avis de l'AE ne se limite pas nécessairement à cette approche réglementaire. Pour autant, l'AE doit se montrer particulièrement attentive, tant pour l'usager ou le public que pour le porteur de projet, L'approche pourra être différente selon que l'objectif prioritaire sera, par exemple, d'éviter les allers-retours et l'allongement des délais avant recevabilité, ou bien de rechercher à améliorer préalablement le dossier avant mise à l'enquête. 45 Y compris après réception de compléments au dossier suite à l'envoi d'un releÎ d'insuffisance par l'inspection des installations classées. 46 L'autorité environnementale nationale est désignée par convention communément admise comme « Ae », par différence avec l' « AE » déconcentrée. 47 Notion issue de la directive 85/337, explicitée en droit français par les « lois Grenelle » et mise en oeuvre par le décret du 29 décembre 2011 applicable au 1er juin 2012. 44 35 à ne pas inutilement dans la rédaction de son avis affecter la cohérence de la parole de l'Etat et la lisibilité des règles applicables. Analyse des avis de l'AE Bretagne Parmi les 20 avis sur projets soumis à la mission, un nombre important ne semble pas avoir souleÎ de débat particulier entre service instructeur et AE, soit parce que la qualité des projets ne posait pas de problème significatif, ni pour l'instruction, ni pour l'avis d'AE, soit parce que les enjeux étaient limités. Les plus fortes interrogations ont concerné l'ICPE élevage « les rues d'en Haut » à Billio, conduisant à la non-signature du projet d'avis proposé par la DREAL. La recevabilité a été prononcée par la DDPP suivant la grille prévue à cet effet. Le projet d'avis d'AE, en cohérence avec la contribution à l'avis fourni par l'ARS, a, quant à lui, releÎ que le projet se trouvait en interdépendance avec une entité préexistante sur le même site, elle-même en restructuration (« le projet de la SARL « les Rues d'en Haut » et le projet de restructuration de l'élevage de M. Hubert GUILLO sont étroitement liés. (....). Les deux exploitations seront sur le même site.(...) Au moins une partie des moyens des deux exploitations seront mis en commun... » « L'utilisation de la fosse extérieure de stockage des effluents de M. Guillo est mentionnée plusieurs fois dans le dossier de la SARL ». Dès lors, il est noté que l'étude d'impact fournie aurait dû porter sur l'ensemble fonctionnel dont fait partie le projet, objet de la demande d'autorisation et que, comme ce n'est pas le cas, l'évaluation environnementale présentée perd beaucoup de sa pertinence. En l'occurrence, la situation sur ce dossier relève de la notion d'entité fonctionnelle (entité fonctionnellement liée à une entité préexistante) et de la notion de programme de travaux. A ce titre, l'AE était donc fondée à soulever le caractère partiel de l'analyse dans l'étude d'impact, le préfet conservant sa liberté d'appréciation sur l'issue de la phase d'instruction. Toutefois, la mission relève que la formulation employée dans le projet d'avis d'AE crée la confusion en s'appuyant sur la notion de programme de travaux (art. L 122-1 CE) puis celle, différente, d'effets cumulés avec d'autres projets connus (notion qui ne serait pas applicable pour un tel dossier, déposé avant fin juin 2012) : « au sens du code de l'Environnement, les deux projets font donc l'objet d'un même « programme » [...] Il existe bien dans l'étude d'impact, un chapitre sur les effets cumulés, mais celui-ci ne mentionne pas du tout les impacts liés aux activités de l'élevage de M. GUILLO... »). La divergence d'appréciation entre le service d'instruction d'une part et l'AE d'autre part, chacun dans leur rôle, provient d'une incomplète intégration de l'évaluation environnementale dans les textes règlementaires régissant les procédures d'autorisation ICPE, sans nécessairement remettre en cause, en tant que telle, la recevabilité prononcée. Concernant les doctrines régionales (lettres-instructions), le même avis a souleÎ des interrogations sur les méthodes d'analyse utilisées par l'AE lorsqu'elle s'en écarte, en particulier pour les calculs relatifs aux bilans de fertilisation. En l'occurrence, ce sont 36 surtout les incohérences internes du dossier quant aux calculs de ces bilans qui ont été releÎes. De façon générale, la responsabilité de l'AE, qui est d'appréhender la réalité des impacts sur le fond, peut la conduire à employer des références techniques différentes de celles retenues pour harmoniser la pratique des services instructeurs. Dans un tel cas, une prudence toute particulière ainsi qu'un effort particulier d'explication de l'avis s'imposent. Dans une situation différente, la STEP de Clohars-Carnoët illustre l'apport de l'expertise de l'AE sur l'appréciation portée initialement sur un dossier d'étude d'impact : ce dossier considéré comme recevable avait fait l'objet d'une évolution tardive considérée comme mineure par le service instructeur (maintien du bassin à marée sur un autre site que celui du projet), alors que l'analyse de l'AE a montré que cette évolution modifiait sensiblement le projet et devait conduire à une mise à jour de l'étude d'impact et non pas à un simple additif. 2.1.1.2. Prise en compte de la Loi littoral et des PPRI Problématique générale Des préfets et DDTM considèrent que l'avis de l'AE n'a pas à se prononcer sur la prise en compte des PPRi ou de la loi Littoral par les SCOT et PLU, cette compétence relevant de l'avis émis par l'Etat au titre de personne publique associée (« avis PPA » ou « avis de l'Etat »), du contrôle de légalité et éventuellement du juge administratif. Cette question apparaît d'autant plus sensible que, mêmes s'ils restent pour partie interprétatifs et appréciatifs, notamment pour la loi Littoral, les critères introduits par les PPRi et la loi Littoral en matière de constructibilité encadrent, plus encore que les articles généraux L. 110 et L. 121-1 du code de l'urbanisme, le contenu des projets d'urbanisme. Ce faisant, ils orientent le développement du territoire vers des options pouvant différer des choix politiques initiaux des élus. Le récent rapport d'audit thématique du CGEDD sur l'application de la loi littoral48 par les services de l'Etat met en exergue les raisons de la cristallisation dont elle est l'objet, lors de l'instruction des SCOT et PLU. Dans le cas particulier de la Bretagne, l'implantation historique de l'habitat, relativement diffus, accentuée par une forme d'urbanisation récente peu organisée et maîtrisée, a rendu cette région tout particulièrement sensible à l'application des dispositions de l'article L. 146-4-I du code de l'urbanisme visant l'urbanisation en continuité des agglomérations et villages existants. Son application, d'une part, remet en cause les logiques d'urbanisation pratiquées depuis plusieurs décennies, d'autre part, soulève dans certains cas de réelles difficultés pour des projets alternatifs. Point de vue de la mission et état des pratiques L'avis de l'AE n'a pas pour finalité de se prononcer sur la légalité ou l'opportunité d'un plan, programme ou projet. Il est en revanche appelé, au titre de 48 Rapport d'audit thématique CGEDD n° 007707-01 publié en décembre 2012. 37 l'examen de la prise en compte de l'environnement, à évaluer la qualité et la pertinence des réponses que le maître d'ouvrage a apportées au regard : des enjeux environnementaux identifiés à travers le diagnostic et l'état initial de l'environnement ; des orientations retenues par le projet d'aménagement et de développement durable (PADD), en lien notamment avec les objectifs d'environnement et de développement durable définis pour les SCOT, PLU et cartes communales à l'article L. 121-1 du code de l'urbanisme49 ; des outils obligatoires ou optionnels dont le document d'urbanisme peut ou doit se saisir pour rendre effectives ces orientations50 ; globalement, des analyses contenues dans le rapport de présentation intégrant l'évaluation environnementale51. - Le respect de la loi littoral et du PPRi par le SCOT ou le PLU permet de garantir une certaine prise en compte de l'environnement par le document d'urbanisme. Dans tous les cas, la citation d'aspects réglementaires dans l'avis d'AE est attendue dès lors qu'ils s'inscrivent dans le champ de cet avis. L'avis de l'AE est donc totalement fondé à évoquer la prise en compte de la loi littoral ou des PPRi et à porter une appréciation sur la manière dont le rapport de présentation justifie l'ensemble des choix effectués à cet égard. Il convient cependant d'être particulièrement attentif à la rédaction, afin que l'avis se situe explicitement dans le champ de l'analyse du rapport de présentation et de la prise en compte de l'environnement par le projet, sans risquer d'apparaitre ni comme un contrôle de légalité ni comme un empiètement sur un choix politique relevant de la libre administration des collectivités locales dont le fondement est garanti par la Constitution. art. L121-1 CU : « Les schémas de cohérence territoriale, les plans locaux d'urbanisme et les cartes communales déterminent les conditions permettant d'assurer, dans le respect des objectifs du développement durable : 1° L'équilibre entre : a) Le renouvellement urbain, le développement urbain maîtrisé, la restructuration des espaces urbanisés, la revitalisation des centres urbains et ruraux ; b) L'utilisation économe des espaces naturels, la préservation des espaces affectés aux activités agricoles et forestières, et la protection des sites, des milieux et paysages naturels ; c) La sauvegarde des ensembles urbains et du patrimoine bâti remarquables ; 1° bis La qualité urbaine, architecturale et paysagère des entrées de ville ; 2° La diversité des fonctions urbaines et rurales et la mixité sociale dans l'habitat, en prévoyant des capacités de construction et de réhabilitation suffisantes pour la satisfaction, sans discrimination, des besoins présents et futurs en matière d'habitat, d'activités économiques, touristiques, sportives, culturelles et d'intérêt général ainsi que d'équipements publics et d'équipement commercial, en tenant compte en particulier des objectifs de répartition géographiquement équilibrée entre emploi, habitat, commerces et services, d'amélioration des performances énergétiques, de développement des communications électroniques, de diminution des obligations de déplacements et de développement des transports collectifs ; 3° La réduction des émissions de gaz à effet de serre, la maîtrise de l'énergie et la production énergétique à partir de sources renouvelables, la préservation de la qualité de l'air, de l'eau, du sol et du sous-sol, des ressources naturelles, de la biodiversité, des écosystèmes, des espaces verts, la préservation et la remise en bon état des continuités écologiques, et la prévention des risques naturels prévisibles, des risques technologiques, des pollutions et des nuisances de toute nature » 50 Articles des codes de l'urbanisme et de l'environnement régissant le contenu du DOO des SCOT, les orientations d'aménagement et de programmation, ainsi que le règlement des PLU, concernant notamment la densité, la desserte en transports en commun, la préservation efficace d'espaces naturels ou boisés, des éléments de patrimoine à protéger, des zones humides, des éléments de la trame verte et bleue. 51 49 Articles R. 122-2 CU pour les SCOT et R.123-2-1 CU pour les PLU. 38 Analyse des avis de l'AE Bretagne Dans les dossiers analysés, les avis préparés par la DREAL ne font pas de la loi littoral un chapitre en soi, ce qui pourrait alors être critiquable, mais rattachent cette question à la formulation des enjeux majeurs présentés par le document d'urbanisme lui-même (ex. : cas du SCOT du Trégor) ou reformulés du point de vue de l'AE (ex.: SCOT de l'Odet ou PLU de St-Samson/Rance). Même si des améliorations de forme sont toujours possibles, ils correspondent bien, en cela, au rôle de l'AE. Sur le fond, au delà des questions rédactionnelles, il apparaît que l'avis de l'AE agit comme un réÎlateur des problèmes non résolus relatifs à l'application de la loi littoral. Compte tenu de la sensibilité du sujet et des positions tranchées exprimées par certains acteurs, et compte-tenu de la nécessaire vigilance qui s'y attache, rappelée au paragraphe précédent, la mission recommande que l'harmonisation interdépartementale engagée depuis plusieurs mois sur la loi littoral par le préfet de région et la DREAL permette de dégager des méthodes d'instruction conciliant les différences d'approche, dans un domaine où la crédibilité du « dire » de l'Etat est indispensable. En dehors du SCOT de Brest, le cas des PPRi, peu évoqué au travers des dossiers transmis et des entretiens, n'apparaît pas comme une problématique générale. 2.1.1.3. Evocation par les avis d'AE sur SCOT et PLU de la justification des choix, de l'examen des alternatives et des enjeux de consommation d'espace Problématique générale Les fondamentaux de l'évaluation environnementale impliquent que le maître d'ouvrage retrace, à travers le rapport environnemental, la réflexion qui a présidé à l'élaboration de son plan, programme ou projet et expose ses choix y compris environnementaux, parmi « l'éventail raisonnable des possibles ». Issus de la transposition des directives communautaires, les textes sur l'évaluation environnementale des documents d'urbanisme précisent le contenu des évaluations environnementales qui doivent indiquer « les raisons pour lesquelles, du point de vue de la protection de l'environnement, parmi les différents partis d'aménagement envisagés, le projet a été retenu »52. Les scénarios alternatifs sont rares dans les PADD, qui se limitent le plus souvent à un simple exercice de justification du parti retenu, au regard des objectifs généraux fixés par les textes (notamment l'article L. 121-1 CU). Ce constat concerne en particulier la fixation des objectifs d'économie d'espace, sujet central pour les SCOT et les PLU bretons. 52 Art. L.121-11 Code de l'urbanisme. 39 L'invitation, dans les projets d'avis de l'AE, à une meilleure justification des choix par les collectivités maîtres d'ouvrage, en particulier au regard de la consommation d'espace, n'est pas considérée comme légitime par certains préfets de département. Point de vue de la mission et état des pratiques La justification des choix, le cas échéant par l'examen de solutions alternatives, figure parmi les attendus explicites de contenu de l'évaluation environnementale à fournir par la collectivité maître d'ouvrage. L'AE est fondée à se prononcer sur ce sujet, au regard d'une part de la qualité de la démonstration contenue dans le rapport de présentation, d'autre part, de l'appréciation pouvant être portée au fond sur la prise en compte de l'environnement par le projet. La problématique de l'économie d'espace fait en particulier partie des questions relevant de ce champ. Le principe même de l'évaluation environnementale est que le maître d'ouvrage s'interroge sur les choix qu'il a effectués. Il ne relève pas en revanche de l'autorité environnementale d'exprimer un jugement en opportunité. Dans des domaines appréciatifs tels que l'économie d'espace, l'avis porté par l'autorité environnementale doit donc être formulé sur des bases argumentées, s'appuyant notamment sur l'analyse critique des éléments fournis par le maître d'ouvrage. En outre, il doit veiller à ne pas apparaitre comme prescriptif vis-à-vis des collectivités locales. Analyse des avis de l'AE Bretagne La thématique de l'économie d'espace est très systématiquement évoquée par l'AE bretonne. La question de choix insuffisamment argumentés et justifiés est fréquemment souleÎe par l'AE, sans qu'elle aille jusqu'à évoquer la nécessité d'analyser des alternatives, variantes ou scénarios. L'AE est là dans une position légitime et modérée. Sur la consommation d'espace, plusieurs avis font référence au PAAR (Projet agricole et agroalimentaire régional), document adopté au plan régional par les seuls services de l'Etat et qui fixe des objectifs régionaux de modération de 30% de la consommation d'espace (ex. : SCOT du Trégor, SCOT de Brest, PLU du Haut Corlay...). Dans un cas (avis sur le PLU de St Samson), l'avis dépasse le simple rappel pédagogique : « la prise en considération du PAAR milite pour la fixation d'objectifs plus ambitieux pour maîtriser l'espace et pour l'adoption de mesures réellement efficaces pour les atteindre ». Dans le contexte de la montée en puissance progressive de l'AE et de son acceptation encore délicate, la mission estime, quels que soient la qualité et l'intérêt du PAAR, que, s'agissant d'un document non prescriptif de l'Etat qui ne s'impose pas juridiquement aux collectivités territoriales et qu'elles n'ont pas approuÎ, cette référence n'a pas à figurer dans les avis de l'AE. 40 Les avis pourraient en revanche dans leur appréciation mobiliser davantage les éléments du rapport de présentation, notamment : la pertinence des objectifs démographiques et économiques retenus au regard des projections générales (INSEE...) et des éléments contenus dans le diagnostic ; le lien quantitatif, normalement établi par calcul dans le rapport de présentation, entre les objectifs de production (logement, activités...) et les surfaces réserÎes à l'urbanisation. Si ce calcul n'a pas été fait ou n'est pas pertinent, l'AE est alors d'autant plus légitime pour identifier un défaut de cohérence interne au raisonnement présenté par le rapport de présentation et recommander alors, en l'absence de meilleure justification, la révision de certains objectifs. - En l'absence de ces éléments, alors même que c'est la faiblesse de la démonstration apportée par le rapport de présentation qui aurait pu, le cas échéant, être releÎe, des formules lapidaires ou des maladresses de rédaction ont dès lors pu être interprétées dans plusieurs cas53 par l'autorité préfectorale signataire comme un empiètement sur des compétences propres aux maîtres d'ouvrage, un jugement de valeur ou une sous-estimation décourageante des efforts entrepris. Il en est ainsi de l'objectif de 1% d'augmentation annuelle de la population fixé par un conseil municipal54, qualifié de « pari sur l'avenir », d'un objectif de réduction de 30% en matière d'urbanisation qualifié de simple « réduction relative »55, de la formule figurant dans plusieurs avis aux termes de laquelle, quand bien même le projet urbain serait modéré, « cela ne l'exonère pas de contribuer pour sa part à cet enjeu essentiel de l'économie d'espace »56, de certains commentaires portant une appréciation subjective sur des choix ou des comportements passés : « des petits lotissements sans intérêt architectural »57, « des orientations pas suffisamment en rupture avec les méthodes passées »58. La formulation des remarques de l'AE sur ces sujets est particulièrement sensible, comme le montre l'exemple du SCOT du Trégor. L'avis d'AE y évoque l'hypothèse d'une densité de 20 logements/ha comme un objectif de densité pouvant être atteint « facilement » et qui « peut être le support d'une certaine qualité de vie ». Ce chiffre et les commentaires dont il est accompagné ont été perçus, notamment par les élus, comme l'affirmation d'une doctrine de l'AE, alors qu'ils renvoient à une alternative envisageable mentionnée dans le document d'orientation et d'objectifs (DOO) du SCOT. L'avis, bien que citant les pages concernées, n'y fait pas référence suffisamment clairement. 53 SCOT de l'Odet, PLU du Haut-Corlay... 54 55 56 57 Projet initial d'avis relatif au PLU du Haut Corlay. Projet initial de l'avis sur le SCOT de l'Odet. Projet d'avis initial sur le PLU du Haut Corlay, avis sur le PLU de Plogoff. PLU St Samson. 58 Avis initial PLU Haut Corlay. 41 2.1.1.4. L'articulation entre l'avis de l'Etat en tant qu'AE sur un SCOT ou un PLU et l'avis de l'Etat en tant que PPA Problématique générale Le préfet de département est signataire à la fois de l'avis de l'AE et de l'avis de l'Etat en tant que « personne publique associée » (avis PPA). L'avis PPA, préparé par la DDT en s'appuyant sur les contributions des différents services consultés, dont la DREAL59, est un avis simple, généralement conclusif (sous forme favorable ou défavorable, avec réserves...) qui permet à l'Etat d'exprimer son point de vue. En outre, du fait de l'étape ultérieure de contrôle de légalité dont l'initiative incombe également au préfet, celui-ci utilise généralement ce même avis pour se prononcer par anticipation sur les éléments susceptibles d'engager la légalité du SCOT ou du PLU examiné. De façon générale, l'avis PPA se prononce sur l'ensemble du projet de SCOT ou du PLU60, au regard notamment des dispositions du code de l'urbanisme (article L110, L. 121-1, articles issus de la loi littoral...) mais aussi d'autres réglementations (code de l'environnement, code de la construction et de l'habitation...), ainsi que plus généralement sur les questions de fond intéressant l'Etat. La question souleÎe en Bretagne est celle de l'articulation (redondances ou contradictions) entre les deux avis émis par le même signataire. Point de vue de la mission et état des pratiques De façon générale, on peut retenir les éléments suivants : les deux avis (avis de l'Etat et de l'AE) sont toujours établis de façon distincte, dans le même délai de trois mois ; ils sont préparés par deux services différents (respectivement DDT et DREAL) qui sont cependant amenés à collaborer (ne serait-ce qu'au titre des textes qui instituent des demandes de contribution croisées) ; ils portent sur un même objet de procédure : les différentes pièces du SCOT ou du PLU ; ils ont des thématiques communes dès lors que le champ de l'avis de l'AE relève d'une notion très large d'environnement, et que ce dernier constitue souvent l'une des préoccupations majeures de l'Etat vis-à-vis des projets de SCOT et de PLU ; ils peuvent comporter des remarques apparemment redondantes sur différents points, mais formulées au titre de compétences différentes ; parmi les points communs et interactions entre les deux avis, figurent, pour l'AE, l'analyse du caractère complet et suffisant du rapport environnemental et, pour l'avis PPA, le respect par le rapport de présentation des dispositions réglementaires.61 - - Au titre de ses compétences départementales, prévues par l'article 2 du décret 2009-235 du 27 février 2009 relatif à l'organisation et aux missions des directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement. 60 61 59 Rapport de présentation, PADD, pièces opposables... Les articles R. 122-2 CU pour les SCOT et R.123-2-1 CU pour les PLU soumis à évaluation environnementale listent le contenu attendu du rapport de présentation. 42 Les recoupements entre les deux avis, émis au titre de compétences et selon des procédures distinctes, doivent permettre à l'Etat de jouer de la complémentarité et de la contribution de chaque service à l'amélioration des dossiers, et d'éviter les risques de contradiction. Analyse des avis de l'AE Bretagne Les avis PPA fournis dans 8 dossiers sur les 10 avis d'AE fournis en complément des avis d'AE étudiés par la mission, montrent une bonne convergence d'analyse entre les DDTM et la DREAL sur les SCOT et les PLU examinés. Des rédactions proches, voire très semblables (PLU de St-Samson/Rance, SCOT du Trégor...), témoignent que des échanges ont eu lieu et ont permis de consolider les analyses. D'autres, comme les avis sur le SCOT de Brest, apparaissent complémentaires, sans redondance. La reprise d'une rédaction d'un service par l'autre risque néanmoins de prêter à confusion sur les compétences respectives de l'Etat en tant qu'AE et en tant que PPA. Ce point mérite de faire l'objet d'une attention rédactionnelle particulière. Pour autant, certains points souleÎs par l'avis d'AE auraient parfois mérité d'être repris dans l'avis PPA, surtout lorsqu'ils sont susceptibles de motiver un avis défavorable, quand la légalité du document est en jeu. Tel est le cas pour le SCOT de l'Odet, pour lequel le projet d'avis de l'AE soulève le caractère insuffisant de l'évaluation de ses effets sur les sites Natura 2000 (« il est indispensable que le SCOT développe, de manière spécifique, l'évaluation des incidences du projet sur les sites Natura 2000 »). Un tel constat devait logiquement conduire (en application du VI de l'article L. 414-462 du code de l'environnement), à un avis PPA demandant a minima les compléments d'analyse nécessaires pour pouvoir conclure, ce qui n'est pas le cas. Dans les cas où le projet d'avis de l'AE a constaté des insuffisances notables du rapport de présentation (SCOT de l'Odet, PLU de Plogoff, PLU du Haut Corlay), on peut regretter que les avis PPA correspondants (pour ceux disponibles : SCOT de l'Odet, PLU du hautCorlay) n'y fassent pas référence63. Article L. 414-4 VI du code de l'environnement : « l'autorité chargée d'autoriser, d'approuver ou de recevoir la déclaration s'oppose à tout document de planification, programme, projet, manifestation ou intervention si l'évaluation des incidences requise en application des III, IV et IV bis n'a pas été réalisée, si elle se réÏle insuffisante ou s'il en résulte que leur réalisation porterait atteinte aux objectifs de conservation d'un site Natura 2000. » 63 62 Nota : le projet d'avis d'AE a, en parallèle, été modifié lors de la signature. 43 2.1.2. Analyse de la forme des projets d'avis préparés par la DREAL 2.1.2.1. Structure et contenu des avis par rapport aux dispositions réglementaires Problématique générale Les circulaires d'application64 de la réglementation suggèrent sans l'imposer une trame d'avis comportant a minima : une analyse du contexte du projet, plan ou programme ; une analyse de la qualité du rapport environnemental, comportant l'analyse du caractère complet du rapport environnemental et celle de la qualité des informations qu'il contient ; une analyse de la manière dont est pris en compte l'environnement par le projet, plan ou document. Analyse des avis de l'AE Bretagne sur projets Malgré la diversité des dossiers de projet, les avis analysés respectent globalement les textes. Le contexte du projet est généralement bien présenté. La plupart comportent en outre un résumé : c'est le cas de 17 sur 18 avis non tacites portant sur des projets. Pour 16 d'entre eux, le résumé de l'avis est présent, soit au début (exploitation Les Rues d'en Haut, industrie Altho...), soit à la fin (certaines ICPE élevage notamment : EARL C'hoat Louarn, EARL Damany, exploitation Le Cam), ce qui induit parfois des confusions entre résumé de l'avis et conclusion, voire avec l'analyse de la prise en compte de l'environnement (dossiers Hydroliennes Sabella, industrie Capitaine Houat...). La conclusion relative au caractère complet de l'étude d'impact n'apparaît pas toujours explicitement. Enfin, la distinction entre analyse de la qualité de l'étude d'impact et analyse relative à la prise en compte de l'environnement par le projet est généralement bonne mais comporte parfois quelques confusions.65 64 65 Circulaires des 12 avril 2006 pour les plans et programmes et 3 septembre 2009 pour les projets. Cas du dossier Altho, où l'avis d'AE détaillé comporte une présentation du projet et de son contexte, puis un chapitre unique intitulé « analyse de l'étude d'impact et de la qualité environnementale du projet » ; cas de l'avis d'AE sur le dossier Capitaine Houat, qui formule, en p4., dans le cadre de l'analyse de l'étude d'impact, une recommandation à caractère prescriptif (« l'AE recommande que le raccordement du site aux réseaux d'assainissement et la construction du bassin soient réalisés le plus tôt possible après le démarrage du chantier ») ; cas de l'avis sur le projet d'hydroliennes Sabella qui, en p10, indique que « d'une manière générale, l'étude d'impact comporte l'ensemble des rubriques exigées par le code de l'environnement » dans un chapitre intitulé curieusement « prise en compte de l'environnement/résumé de l'avis ». 44 Analyse des avis de l'AE Bretagne sur plans et programmes (SAGE, SCOT et PLU) Le cas particulier de l'avis sur l'évaluation environnementale du SAGE RanceFrémur-Baie de la Beaussais est traité à part : sa structure s'aÏre très adaptée au dossier concerné et respecte bien les orientations des textes. De façon générale, les avis sur les documents d'urbanisme respectent les textes, sans pour autant présenter un même plan. 6 avis sur les 8 analysés en détail comportent un résumé dont 5 en fin d'avis (Plu Haut-Corlay, SCOT de l'Odet, presqu'île de Rhuys, Pays de Redon, Brest), 1 au début (SCOT du Trégor). Les avis présentent globalement une bonne introduction du contexte. Pour le reste, la structure apparaît variable. Ainsi, par exemple, dans certains avis (SCOT du Trégor, SCOT du Pays de Redon), l'analyse de la qualité du rapport environnemental intervient après celle de la prise en compte de l'environnement ce qui n'apparaît pas logique. S'agissant de l'analyse du rapport environnemental, les questions de complétude et suffisance ne font pas systématiquement l'objet d'un examen distinct et conclusif. Lorsqu'elle est bien faite, cette distinction est appréciable et utile (par exemple, SCOT de l'Odet ou de Brest). Sur ces bases, la seule lecture des avis ne permet pas toujours de saisir la structure du rapport environnemental (composantes, organisation des parties...). Dans plusieurs cas (SCOT du Trégor, PLU de Saint-Samson/Rance...), l'avis d'AE laisse supposer que l'évaluation environnementale est présentée dans un document à part et non dans le rapport de présentation. Si c'est bien le cas66, ce point mérite d'être releÎ, car il n'est pas sans conséquence sur la prise en compte des conclusions de l'évaluation environnementale par la collectivité elle-même. Sur la structure et le contenu des avis de l'AE, la principale remarque de la mission concerne les plans, divers et insuffisamment structurés, qui peuvent nuire à la bonne compréhension de la démarche d'analyse propre à l'AE, et en diminuer la portée démonstrative et pédagogique. 2.1.2.2. Qualité rédactionnelle générale et accessibilité Problématique générale L'évaluation environnementale des projets, à fortiori celle des plans et programmes, est un exercice démonstratif, essentiellement qualitatif. Il en est de même pour l'avis de l'AE, qui repose sur une interprétation précise des argumentations fournies. La manière de formuler l'avis est dès lors essentielle et totalement liée au fond. 66 Il semble d'après les entretiens menés, que cette pratique soit assez fréquente en Bretagne. 45 Analyse des avis de l'AE Bretagne Si, comme en témoignent certaines modifications apportées par les préfets aux projets d'avis, des points précis de rédaction ont focalisé l'attention et créé des malentendus67, la qualité rédactionnelle moyenne des avis étudiés est, pour la mission, globalement correcte. Par ailleurs, malgré le caractère technique de certaines problématiques abordées, les avis sont accessibles à un public non averti. 2.1.2.3. Qualité démonstrative et didactique Problématique générale L'avis d'AE doit être démonstratif et didactique afin d'éclairer le public et le décideur. Cette qualité s'appuie généralement sur plusieurs éléments : la force et la clarté de la démonstration, la précision et la pertinence des illustrations et références choisies (notamment réglementaires). Analyse des avis de l'AE Bretagne Dans le cas des projets, la qualité démonstrative et didactique est généralement bonne, parfois enrichie à l'aide d'illustrations (ICPE Join à Argol et Les Rues d'en Haut). Certains avis sur des projets comme Altho ou le Métro de Rennes sont exemplaires par leur démonstration soignée. Dans le cas des documents d'urbanisme, la qualité démonstrative et didactique est présente, voire illustrée, dans les avis de l'AE étudiés par la mission sur des SCOT et des PLU qui posent précisément les questions (SCOT de Rhuys). En revanche, certains avis plus synthétiques (SCOT de Redon, SCOT de Brest), sur des dossiers certes moins problématiques, sont moins démonstratifs. Par ailleurs, dans les avis étudiés, tant sur les projets que sur les plans et programmes, les références réglementaires sont relativement rares en appui des considérations émises68. Les enjeux de cohérence interne des documents (entre un diagnostic et un PADD, entre un PADD et le DOO/règlement...) sont peu mis en avant, alors qu'ils constituent des facteurs importants de consolidation de la position de l'AE et de progrès pour les évaluations environnementales analysées. 2.1.2.4. Pondération, hiérarchisation, conclusions Problématique générale La pondération implique que les enjeux les plus importants soient proportionnellement les mieux traités. La hiérarchisation exige de distinguer les points majeurs des points de 67 68 Cf. partie 2-2 du rapport. Pas de citation des articles L. 414-4 VI CE, L. 121-1 CU, L. 122-1 CU, L. 123-1 CU... pourtant utilisés sur le fond. 46 détail. La formulation de conclusions explicites à chaque développement de l'analyse apparaît enfin utile au lecteur. Ces trois éléments interagissent généralement dans la formulation de l'avis. Analyse des avis de l'AE Bretagne Dans le cas des projets, la longueur et la diversité des développements peuvent différer notablement selon la nature des dossiers (entre un dossier de création de ZAC, relativement léger, et un dossier aux dimensions techniques prépondérantes comme le métro de Rennes). D'une bonne qualité démonstrative, l'avis sur Altho apparaît à quant à lui insuffisamment hiérarchisé pour permettre d'identifier aisément les enjeux les plus importants. Dans le cas des documents d'urbanisme, la pondération des enjeux des territoires bretons (SCOT, PLU) apparaît globalement bonne : sur le fond, dans la plupart des cas, l'avis semble aller à l'essentiel au regard des thématiques jugées prépondérantes par l'AE sur le territoire considéré, qu'elles soient ou non explicitement qualifiées d'enjeu (trame verte et bleue, urbanisation compacte et de qualité, préservation du littoral....). Dans certains cas, et en particulier pour les SCOT, on constate une focalisation sur quelques points précis, sans qu'il soit possible de bien en mesurer la portée, faute de connaître suffisamment le contexte.69 De façon générale, la longueur des avis n'apparaît pas exceptionnelle au regard des avis émis dans d'autres régions. Certains avis auraient pu gager en densité et avoir en annexe les éléments de détail, en particulier pour des dossiers sensibles et à fort enjeux70. S'agissant de la hiérarchisation des enjeux, les plus importants d'entre eux sont généralement mis en valeur, notamment dans le résumé. Enfin, au vu des cas étudiés, les projets d'avis préparés par la DREAL depuis 2010 ne prennent pas la forme d'avis « conclusifs » et respectent bien en cela la doctrine établie au plan national. 2.1.2.5. Etalonnage et adaptation Problématique générale L'étalonnage conduit à adopter le même type d'approche et un niveau d'exigence identique dans des situations comparables. L'adaptation au caractère particulier du dossier, à l'opposé d'une réponse-type, fait également partie des critères de qualité de l'avis. Ex. du SCOT de l'Odet et des enjeux écologiques sur les dunes de Mousterlin : l'enjeu est-il majeur, bien que très localisé ? Ex. cas du dossier Capitaine Houat, où les attentes de pure forme, formulées en p3, concernant la présentation du projet peuvent figurer utilement en annexe. 70 69 47 Analyse des avis de l'AE Bretagne S'agissant des dossiers pour lesquels une comparaison est possible, les avis apparaissent à la fois correctement étalonnés et adaptés au cas particulier. Dans le cas spécifique des ICPE élevage, la question est plutôt celle de la sélection des dossiers devant faire l'objet d'un avis explicite (territoire et projets à enjeux) que celle de l'étalonnage. En revanche, dans le cas des documents d'urbanisme, l'usage de rédactions et tournures strictement identiques d'un avis à l'autre, bien que légitimes, peut nuire au crédit porté à l'analyse spécifique de l'AE. La formulation évoquant notamment « l'urbanisation compacte et de qualité, grâce au développement de nouvelles formes urbaines variées, plus denses, rapprochant l'habitat des services et de l'emploi, permettant des modes de déplacement alternatifs, créant une mixité sociale et générationnelle, organisant la « ville des proximités »... » en constitue un exemple flagrant.71 En résumé, les projets d'avis expertisés s'inscrivent bien dans le champ de compétence de l'AE et comportent, sur le fond, des analyses légitimes (référence aux dispositions de la loi littoral et aux PPRi, évocation de la qualité de la justification des choix faits par les maîtres d'ouvrage, articulation avec l'avis du préfet en tant que personne publique associée, ....). Sur la forme, ils sont globalement satisfaisants au regard des avis des autres régions. Cependant, dans certains cas, l'insuffisance de l'argumentaire ou de référence aux éléments fournis par les maîtres d'ouvrage, jointe à des maladresses de rédaction, a conduit à des malentendus et a nui à la bonne acceptabilité des avis. Sur la forme, les avis appellent des points de vigilance : une prudence particulière doit être portée à des aspects ponctuels de rédaction, facilement améliorables, qui focalisent à l'excès l'attention et qui peuvent nuire à la qualité d'ensemble de l'avis ; les avis sur les SCOT et les PLU mais aussi sur les projets, bien que s'inspirant des circulaires de référence, présentent une certaine diversité de plan qui limite la force d'analyse de certains raisonnements, ou conduit à des messages insuffisamment hiérarchisés. - 71 PLU du Haut-Corlay, de St-Samson/Rance... 48 2.2. LES PROCESSUS D'ELABORATION ET DE SIGNATURE DES AVIS 2.2.1. Une organisation interne de la DREAL qui s'appuie sur des processus formalisés, mais fragile et perfectible Suivant en cela le schéma d'organisation majoritairement adopté dans les DREAL, les fonctions liées à l'évaluation environnementale des projets, plans et programmes sont regroupées dans une entité unique, la division évaluation environnementale (DEE), au sein du service Connaissance, prospective, évaluation (COPREV). Les avis sont élaborés par cette division, avec, le cas échéant, une contribution interne des différents services de la DREAL compétents sur les questions abordées. Les modalités de cette contribution interne ont fait l'objet d'un important travail organisationnel en 2009-2010. La rédaction finale du projet d'avis, qui prend en compte également les contributions externes (ARS, préfet de département..), est toujours réalisée par le service COPREV pour garantir une homogénéité de la production. Les projets d'avis préparés par un chargé de mission sont soumis, en principe, à une triple relecture : par la chef de division, le chef de service et la direction. Le processus mis au point est actuellement en cours de certification dans le cadre de la démarche qualité en place à la DREAL. Après une période très délicate sur le plan des effectifs en 2010-2011, où, suite à des difficultés à pourvoir les postes vacants, le nombre de chargés de mission est passé de huit à quatre, la situation est actuellement en nette amélioration. L'effectif est reconstitué, et même consolidé : à la mi-2012, la division environnementale dispose de dix chargés de mission, parmi lesquels deux agents sont plus particulièrement en charge de l'examen des dossiers dans le cadre du nouveau régime du « cas par cas ». 72 La situation bretonne est comparable à la situation nationale, avec cependant un point de rupture tout particulier entre fin 2010 et fin 2011, accentué par la concomitance du nombre éleÎ de dossiers ICPE et de vacances de postes importantes. Ceci peut expliquer partiellement le taux d'avis tacites particulièrement fort durant cette période73. La reconstitution constatée des effectifs, bien que dans un contexte de charge de travail croissant74, répondra à la demande du CAR de remédier à cette situation anormale. Il n'est cependant pas certain, dans ce contexte, qu'elle soit suffisante. L'organisation du travail au sein de la division est essentiellement thématique grâce à la spécialisation des chargés de mission. Avec la reconstitution des effectifs, sont prévus Examen destiné à déterminer si ces dossiers doivent ou non être soumis à étude d'impact. Le taux de 66% d'avis tacites s'agissant des projets est le plus éleÎ au plan national. Voir annexe 6, l'AE Bretagne dans le panorama national. 74 Introduction du cas par cas pour les plans, programmes et projets et extension du champ d'application de l'évaluation environnementale pour les plans, programmes et projets (décrets n° 2011-2019 du 29 décembre 2011, n° 2012-616 du 2 mai 2012 et n° 2012-995 du 23 août 2012). 73 72 49 l'introduction d'une polyvalence des chargés de mission sur deux ou trois thèmes et l'institution de « référents » sur des thèmes spécifiques. Face au volume de dossiers à traiter, et au regard des délais contraints dans lesquels s'inscrit la production des avis (maximum de deux mois pour les projets, trois mois pour les plans et programmes, incluant la gestion des contributions,..), un système de tri hebdomadaire des dossiers, en fonction des enjeux a été mis en place. Ce dispositif n'est pas encore totalement opérationnel. Jusqu'à une date récente, des avis « tacites » apparaissent subis par le service. A contrario, sur des dossiers comme les ICPE élevage, pour lesquels des critères de sélection ont été définis et partagés avec les autres services, un avis explicite sur un dossier apparemment non prioritaire a été releÎ75. En résumé, le processus inter-services interne à la DREAL semble maintenant en place. Le service en charge de l'élaboration des avis est en cours de consolidation. Sa fragilité au regard du maintien et de la capitalisation des compétences d'une part, de l'évolution et des fluctuations du plan de charge d'autre part, reste toutefois préoccupante, à l'image de la situation constatée au plan national pour l'ensemble des DREAL. La réflexion sur les réponses organisationnelles et fonctionnelles mérite donc d'être poursuivie. 2.2.2. Un fonctionnement régional/départemental « inversé » 2.2.2.1. Des contributions départementales « amont » inégales, souvent insuffisantes L'élaboration de l'avis de l'AE repose sur des contributions externes, prévues par les textes, des services compétents en matière environnementale (préfets de département-DDI, ARS) qui doivent permettre, selon la nature du dossier, de disposer d'éléments d'analyse technique ou de contexte susceptibles d'éclairer et d'alimenter l'analyse de l'AE. Les circuits administratifs de sollicitation de ces contributions semblent établis, jumelés autant que possible avec le circuit de consultation dans le cadre de la procédure d'instruction du dossier, lorsqu'il est soumis à autorisation préfectorale, ou avec celui de l'élaboration de l'avis PPA pour les documents d'urbanisme. Ces contributions externes sont cependant diversement interprétées selon les départements et les services76, voire encore contestées. Ainsi, si l'agence régionale de santé (ARS), bien qu'entrée récemment dans le dispositif, répond régulièrement aux demandes de l'AE, les contributions départementales (DDTM, DDPP) se traduisent par des productions inégales, souvent faibles, lors même qu'elles existent. La mission a effectivement noté, lors des entretiens avec les responsables départementaux, certaines réticences persistantes à alimenter l'avis de l'autorité environnementale par les éléments de contexte ou techniques connus du niveau départemental. 75 76 ICPE Nelly Le Cam à Paule (22). Cf partie 1. 50 La contribution départementale apparaît ainsi souvent très tributaire des relations de bonne intelligence existant entre les services et des liens personnels entre agents. La nécessité de ces contributions départementales « amont », qui doivent permettre une rédaction plus efficace et adaptée, a été rappelée en CAR. Au-delà de la leÎe des réticences, le concours efficace des services à l'élaboration de l'avis de l'AE, dans un contexte très contraint en termes de délai et de plan de charge pour les uns et les autres, suppose que soient identifiés très tôt les dossiers qui feront l'objet d'un avis explicite et appellent de ce fait une contribution départementale solide. Ce système de tri n'est pas totalement opérationnel pour des raisons internes à la DREAL, mais aussi du fait de critères de sélection insuffisamment explicités et partagés, et d'une organisation collective encore à améliorer. 2.2.2.2. S'agissant des projets, une consultation préalable des préfets de département sur les avis préparés par la DREAL, avant signature par le Préfet de région En ce qui concerne les avis sur les projets, pour lesquels le préfet de région est autorité environnementale, la DREAL a délégation de signature. Les avis sont soumis à la signature du préfet de région lorsqu'ils concernent des dossiers emblématiques ou à enjeux forts, ou lorsque des questions importantes sont souleÎes par l'AE, ce qui représente environ 50% des avis. Un processus de consultation des préfets de département sur les projets d'avis avant signature par le préfet de région est en place depuis le début de l'année 2010. Ce processus est formalisé (rapports et releÎs de décision du CAR ; courrier du préfet de région aux préfets de département). Dans la pratique actuelle, il s'agit bien d'une consultation, et non d'une simple information préalable du préfet de département : ainsi, la DREAL doit préciser, dans une note au préfet de région, comment ont été prises en compte les observations éventuelles du préfet de département. Cette consultation amène à raccourcir les délais déjà contraints dans lesquels l'avis est élaboré, les projets d'avis devant être transmis au préfet de département au plus tard six jours avant la date d'échéance des délais réglementaires. Pour respecter ces délais, les projets d'avis sont transmis directement par le service COPREV à la préfecture de département, sans validation préalable par la direction de la DREAL, qui reçoit le projet d'avis en parallèle du préfet. Des arbitrages, sur le fond et sur la forme, impliquant secrétaire général ou préfet de département, DREAL, SGAR, et in-fine préfet de région, sont ainsi réalisés en flux tendu. L'inconfort de cette situation est releÎ par tous, les délais objectifs n'étant eux-mêmes pas toujours tenus. 51 Cette pratique, contraire aux dispositions des directives et au principe d'indépendance fonctionnelle de l'AE, a été évoqué dans les rapports au CAR de 2011 et 2012 et souligné, au plan national - la Bretagne fait partie des cinq ou six régions concernées - dans le rapport du CGEDD sur l'exercice de l'AE en DREAL. En ce qui concerne les dossiers examinés par la mission, sur les 18 dossiers relatifs à des projets ayant donné lieu à un projet d'avis explicite par la DREAL, 11 ont fait l'objet d'une consultation du préfet de département avant signature par le préfet de région ou le SGAR. Parmi eux, six n'ont fait l'objet d'aucune modification ; quatre ont été modifiés. Un dernier, concernant la SARL « Les Rues d'en Haut », n'a pas été signé, du fait d'un désaccord de fond persistant77. Les modifications apportées au projet d'avis sur l'entreprise Altho, à St Gérand, ont été, pour un texte de 10 pages, marginales et ne concernent que le vocabulaire ou le « lissage » de formules : ainsi, à « cette hypothèse de calcul apparaît arbitraire », a été substitué « cette hypothèse de calcul, certes nécessaire, conduit à une relative incertitude etc. » ; « la compatibilité des rejets... etc. n'est donc pas acquise », a été complété par « la compatibilité n'est donc pas définitivement acquise ». Le résumé a été maintenu à l'identique. Le projet d'avis sur la société « Capitaine Houat » a été en revanche substantiellement modifié par la suppression de toutes les remarques soulevant trop explicitement les insuffisances de l'étude d'impact et invitant à y apporter des compléments. L'information du public, comme peut-être celle du maître d'ouvrage, s'en est certainement trouÎe diminuée, sur un dossier toutefois marqué par l'urgence. Pour l'avis concernant la ligne B du métro de Rennes, quelques propositions de modifications ont été intégrées. Il s'agit, dans un avis plutôt positif, de formules d'atténuation du message : ainsi, « la présentation des principaux effets à long terme, notamment sur le développement urbain, mériterait d'être présentée dans le dossier » a été modifié en « la présentation aurait judicieusement complété le dossier ». D'autres modifications ont permis d'améliorer ponctuellement la précision de l'avis. Par ailleurs, des propositions de modification susceptibles de changer le sens de l'avis n'ont pas été retenues. Enfin, le projet d'avis concernant la plate-forme de stockage et valorisation des sédiments de Vannes-Séné a fait l'objet de deux modifications, l'une visant à lisser la référence à un dossier antérieur, l'autre supprimant le renvoi à des compléments de l'étude d'impact et à un nouvel avis de l'AE, lorsque le partenariat public-priÎ se serait précisé. Sur ces différents dossiers, du fait de l'existence d'un dialogue et d'un arbitrage final par le préfet de région, les modifications intervenues in-fine ne semblent pas avoir porté atteinte significativement au contenu des avis. Plus problématique est toutefois le fait que certains projets d'avis préparés ne peuvent aboutir, du fait de cette consultation aval, soit parce qu'ils sont finalement signés trop tard, soit parce qu'ils ne sont pas signés du fait d'un désaccord persistant78. 77 78 Cf analyse en 2-1. Par exemple, dossier ICPE agricole « Rues d'en Haut ». 52 2.2.2.3. S'agissant des plans et programmes, et singulièrement des documents d'urbanisme, des interventions variables des préfets de département dans la rédaction et la signature des avis de l'AE En ce qui concerne les documents d'urbanisme et les autres plans et programmes, le préfet de département assume le rôle d'AE, à l'exception des SCOT pour lesquels, du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013, le préfet de région formule l'avis de l'AE, dans le cadre de son droit d'évocation. Sur ces dossiers, la DREAL n'a pas délégation de signature : c'est toujours le préfet, de région ou de département, qui signe l'avis. Sur les 9 avis étudiés par la mission, seul un avis de l'AE a été signé par le préfet de région, celui du SCOT du Trégor. Pour les huit autres, le préfet de département assumait encore à la date de leur signature la fonction d'AE. L'un d'entre eux, celui du SCOT du Pays Redon et Vilaine ne semble pas avoir fait l'objet de modification du projet d'avis préparé par la DREAL. Pour un autre, le SCOT du pays de Brest, l'avis est arriÎ hors délai à la collectivité mais la mission ne dispose pas d'éléments d'information sur les raisons de cette transmission hors délai, ni sur les éventuelles modifications du projet d'avis avant signature. Dans cinq autres cas, le projet d'avis a été modifié. Ces modifications peuvent améliorer la qualité rédactionnelle et lisser certaines formules maladroites, mais se traduisent aussi, dans les cinq cas, par un affaiblissement, voire une modification de l'avis. Pour le SCOT de l'Odet, qui comprend de nombreux retraits de paragraphes et atténuations de formulation, c'est en particulier l'analyse portée sur l'évaluation des incidences sur Natura 2000 qui est modifiée. La formulation « Il est indispensable que le SCOT développe, de manière spécifique, l'évaluation des incidences du projet sur les sites Natura 2000 », qui renvoie à un enjeu de légalité du SCOT, est supprimée. Elle est remplacée par un renvoi à l'obligation qui s'impose aux projets et activités : « en tout état de cause, le code de l'environnement impose une évaluation des incidences sur les sites Natura 2000 pour tout projet ou activité susceptible d'avoir un impact etc. ». Pour le PLU de St Samson/Rance, la réécriture a concerné l'avis de l'AE comme l'avis PPA, suite à un arbitrage sur l'interprétation de la loi littoral. Mais le plan de l'avis de l'AE a fait aussi l'objet d'un remaniement profond, et les nombreuses modifications ne clarifient pas forcément les messages. Le PLU du Haut-Corlay a fait également l'objet, sur le fond et la forme, d'un remaniement profond aboutissant à un avis simplifié, souvent plus clair, mais effaçant cependant toute analyse critique vis-à-vis des modalités d'extension de l'urbanisation par suppression d'une partie du projet d'avis. Ces deux avis réécrits ont, en outre, pris la forme d'un courrier du préfet au maire, s'écartant de la forme attendue de l'avis de l'autorité environnementale, pièce destinée tant au public qu'au porteur de projet. Pour ces mêmes avis, la citation de la 53 DDTM et de la DREAL au même niveau comme contributeurs à l'avis s'écarte des prescriptions des textes79. Ces deux avis sont, enfin, parvenus hors délais au porteur de projet. L'avis modifié sur le PLU de Plogoff se termine sur une formule conclusive (« avis favorable ») en décalage avec la teneur du projet d'avis, comme avec la partie d'analyse critique maintenue dans l'avis, et ne répondant pas à la pratique désormais admise pour les avis de l'AE. Enfin, différentes modifications de forme, entraînant à la marge des modifications de fond, ont été apportées au projet d'avis de l'AE sur le SAGE de la Rance-Frémur-Baie de la Beaussais. Elles atténuent notamment le constat des insuffisances du rapport environnemental, y compris sur le volet des incidences sur Natura 2000, où on retrouve le même enjeu de légalité souleÎ ci-dessus pour le SCOT de l'Odet. Un projet d'avis (SCOT de la presqu'île de Rhuys), qui portait sur un SCOT assez problématique sur le fond, n'a pas été signé, sans qu'aucun des interlocuteurs rencontrés n'ait été en mesure d'en donner les raisons. L'avis d'AE, correct dans sa forme et pertinent sur le fond était en convergence avec l'avis de l'Etat au titre de personne publique associée. Certains des points qu'il soulevait ont été toutefois repris dans l'avis émis au niveau départemental, au titre du contrôle de légalité. Globalement, l'examen des modifications réÏle, tout particulièrement pour les documents d'urbanisme, la difficulté ressentie par les préfets de département signataires dans l'exercice de leurs différentes compétences. 2.3. LES SUITES DONNEES AUX AVIS DE L'AUTORITE ENVIRONNEMENTALE ET LEUR IMPACT AUPRES DES PORTEURS DE PROJETS ET DU PUBLIC Pour tenter d'appréhender ces suites, en l'absence de dispositif de suivi, la mission s'est appuyée sur les informations recueillies lors des entretiens, ainsi que, pour les seuls dossiers de création de ZAC, sur une note de retour d'expérience de la DREAL. Des suites données aux interventions de l'AE (avis, messages préalables, réunions..), ont ainsi pu être identifiés à différents niveaux du processus de décision. 2.3.1. Une consolidation de l'instruction conduite par les services de l'Etat Sur les projets, l'intervention de l'AE (à l'occasion d'échanges amont entre services), le projet d'avis, ou l'avis lui-même selon les cas et le type de procédure, sont utilisés par le service instructeur pour repérer les insuffisances de l'étude d'impact et consolider son analyse technique. Article R. 121-15 du code de l'urbanisme : « Lorsque le préfet est consulté, l'avis est préparé, sous son autorité, par le service régional de l'environnement concerné en liaison avec les services de l'Etat compétents ». 79 54 En ce qui concerne la phase de recevabilité, l'expérience acquise grâce à quelques dossiers traités avec le service en charge de l'AE conduit certains services à développer une analyse sur le fond, en substitution d'une analyse purement formelle de présence/absence des rubriques de l'étude d'impact. Cette question de la recevabilité, pour les ICPE élevage, fait l'objet au plan régional d'un groupe de travail coordonné par la cellule installations classées de la DREAL.80 En revanche, la mission ne dispose pas d'information sur l'impact de l'éclairage apporté par l'AE sur l'issue de l'instruction, la décision d'autorisation et les prescriptions dont elle a pu être assortie. 2.3.2. Des améliorations ou compléments au dossier apportés par le porteur de projet avant l'enquête publique S'agissant des porteurs de projet, l'avis de l'autorité environnementale, ou l'information fournie en amont par les services d'Etat sur la teneur du projet d'avis, quand des questions lourdes sont identifiées, ont conduit dans certains cas à des améliorations, des compléments, voire une reprise complète du dossier, avant mise à l'enquête publique. Ainsi, pour le projet d'installation de traitement des sédiments de dragage du port à Vannes-Séné, l'alerte conjointe donnée par le service instructeur et par le service en charge de l'AE a permis, dans un temps très court, de lancer des études complémentaires qui ont amélioré le dossier, avant sa mise à l'enquête publique. L'AE s'est prononcée sur le dossier ainsi amélioré. Le maître d'ouvrage a, en outre, produit d'autres compléments, permettant de consolider son argumentaire, sous forme d'un mémoire en réponse à l'avis de l'AE, qui a fait partie des pièces du dossier mis à l'enquête. Un processus du même type a été releÎ pendant les entretiens conduits par la mission, pour le dossier de l'entreprise Stalaven. Pour l'entreprise laitière Triballat, à Noyal-sur-Vilaine, les insuffisances très fortes du dossier, identifiées par l'autorité environnementale, ont été portées à la connaissance de l'entreprise lors d'une réunion, juste avant l'enquête publique. Dans un contexte où il y avait débat avec la population et les élus locaux sur les impacts du projet, l'entreprise a fait le choix de ne pas passer à l'enquête publique et de redéposer un dossier ne présentant pas les mêmes faiblesses81. Les qualités du nouveau dossier ont été releÎes dans l'avis de l'AE, et le projet a été accueilli positivement par le public. Le maître d'ouvrage considère que l'alerte sur les faiblesses du dossier initial lui a été particulièrement utile pour améliorer sa communication et faciliter de ce fait l'acceptabilité de son projet. Dans ce cas précis, le projet n'ayant pas un caractère d'urgence pour l'entreprise, l'allongement du délai de procédure d'autorisation n'a pas été perçu comme un handicap. Cette question reste délicate à traiter, la charge de travail des services instructeurs tout comme les recommandations de l'administration centrale incitant à des critères purement formels de présence/absence, tandis que la réflexion régionale, soutenue par l'engagement de réduire la durée d'instruction des dossiers, ainsi que l'esprit des textes, plaident pour ne déclarer recevables que les dossiers disposant d'une évaluation environnementale de qualité suffisante pour fonder le travail du service instructeur. 81 En l'occurrence, l'enjeu n'était pas l'évolution du projet lui-même, mais la manière dont il pouvait être expliqué et donc compris. 80 55 En ce qui concerne les dossiers de création de ZAC, la DREAL signale que dans environ un quart des cas, le maître d'ouvrage fournit une réponse et des compléments à l'avis de l'AE. Dans deux cas, suite à l'avis de l'AE, le maître d'ouvrage n'a pas souhaité approuver le dossier de création de ZAC en l'état et a préféré revoir son projet avec son évaluation environnementale. 2.3.3. Une utilisation importante de l'avis de l'AE par les commissaires enquêteurs Selon la présidente de la compagnie régionale des commissaires enquêteurs de Bretagne, l'avis de l'AE, qui représente pour eux une contre-expertise neutre, constitue un apport jugé très précieux par les commissaires enquêteurs. Ils l'utilisent pour former ou consolider leur propre analyse, et construire leur rapport d'enquête. Ils s'appuient aussi sur cet avis pour assurer l'information du public et répondre aux questions82. L'avis de l'AE est d'autant plus apprécié que le dossier fait l'objet de contestations ou controverses importantes. Selon les cas, cela confirmera le bien-fondé des expressions critiques sur les faiblesses du dossier ou du projet lui-même, ou inversement confortera le projet, en attestant de sa qualité83. L'avis de l'AE peut aussi être utilisé par les commissaires enquêteurs pour aider à expliquer les choix faits par les élus pilotes d'un SCOT, au regard des objectifs fixés par la loi84. Le commissaire enquêteur peut être aussi amené à solliciter des éclairages auprès du porteur de projet, en réponse aux questions souleÎes par l'avis de l'AE 85. L'utilisation importante faite des avis de l'AE par les commissaires enquêteurs pour assurer leur mission conduit à une demande unanime, lors de leurs assemblées, de disposer d'avis explicites ou de savoir, lorsqu'un avis est tacite, si cela a été fait en toute connaissance de cause du fait d'enjeux faibles. 2.3.4. A l'aval de l'enquête publique, une utilisation émergente Au cours des entretiens conduits, il n'a pas été signalé à la mission de cas de contentieux identifié, dans lequel l'avis de l'AE, ou son absence, ait joué un rôle particulier. L'avis de l'AE fait partie, le cas échéant, des pièces dont dispose le tribunal administratif pour construire son analyse. La mission n'a pas eu de contact direct à ce niveau, mais, selon la présidente de la compagnie régionale des commissaires enquêteurs, les juges du tribunal administratif y font référence, lors de leurs interventions dans les sessions de formation des commissaires enquêteurs. L'importance attachée à cet avis est d'autant plus grande qu'il est bien structuré et qu'il s'accompagne d'une réponse ou d'un complément du maître d'ouvrage.86 A cet égard, ils relèvent que l'existence et le rôle de l'avis de l'AE, identifiés par les principales associations, sont encore peu connus des particuliers. 83 Exemple : reconnaissance du bien-fondé de la technique choisie dans le dossier Vannes-Séné. 84 Le SCOT du pays des vallons de Vilaine, dont les élus ruraux interprétaient le contenu comme une volonté d'hégémonie des communes plus urbaines, a ainsi été cité. 85 Cas du SCOT du Trégor. 86 Sur ces points, l'éclairage breton donné par ce témoignage est cohérent avec le panorama national. 82 56 Au-delà des effets et des suites données à l'intervention ponctuelle de l'autorité environnementale, les effets cumulatifs de l'exercice de l'autorité environnementale sont perçus, ou attendus, par certains des acteurs rencontrés. C'est le cas d'une partie des services instructeurs qui espèrent une amélioration globale des pratiques des bureaux d'étude et de la qualité des projets, par exemple en ce qui concerne les études d'impact des ICPE élevage, et la perçoivent déjà dans certains domaines, pour lesquels des relations de travail régulières ont pu être établies. Il en est ainsi des dossiers de ZAC en Ille-et-Vilaine, où les progrès ont été facilités par le nombre relativement important de dossiers, et celui, limité, des opérateurs et bureaux d'études. 57 58 PARTIE 3 - AMELIORER L'EXERCICE DE L'AE EN BRETAGNE : GAGNER EN RECONNAISSANCE, PORTEE ET EFFICACITE L'état des lieux et l'analyse effectuées témoignent d'une mise en oeuvre encore fragile et peu assurée de l'Autorité environnementale déconcentrée. A cet égard, à l'exception de son fort taux d'avis tacites87, la Bretagne n'est pas dans une situation différente de celle de certaines autres régions. L'enjeu environnemental y est cependant tel que le levier que constitue l'exercice de la fonction de l'autorité environnementale doit et peut être reconnu et pleinement intégré dans une stratégie de l'Etat de réduction des atteintes à la qualité de cet environnement. Pour jouer pleinement leur rôle dans cette stratégie, en contribuant notamment à l'amélioration de l'évaluation environnementale, les avis de l'AE doivent s'intégrer de façon beaucoup plus fluide et incontestée dans les procédures qui accompagnent l'émergence de projets, plans ou programmes. L'objectif est de disposer à terme proche d'avis dotés d'un capital confiance suffisant pour pouvoir mettre fin aux procédures de validation préalable mises en place provisoirement en Bretagne qui, si elles sont compréhensibles dans le contexte actuel, ne correspondent ni à l'esprit ni à la lettre des textes présidant à l'instauration de l'AE. Pour parvenir à cet objectif final d'un « produit qualité AE », la mission propose trois grandes orientations : conforter la légitimité de l'AE aux yeux de l'ensemble des acteurs concernés ; donner aux travaux de l'AE des lignes directrices fortes ; mobiliser l'ensemble des savoir faire et des moyens au service des priorités retenues. La plupart des recommandations qui suivent sont propres à la seule région Bretagne. Plusieurs d'entre elles pourraient être sans doute utilement reprises sur le reste du territoire. Enfin, certaines d'entre elles dépendent du niveau national. 3.1. CONFORTER LA LEGITIMITE DE L'AE 3.1.1. l'AE Faire partager à tous les services de l'Etat concernés les fondamentaux de Rappeler les textes (européens et nationaux) qui s'appliquent et les jurisprudences qui s'imposent. Clarifier les objectifs de l'AE : évaluation externe de la qualité de l'évaluation environnementale et de sa prise en compte, aide à la décision publique, information du public pour une participation éclairée au processus de décision. 87 Voir annexe 6 sur la situation de l'AE Bretagne dans le panorama national. 59 Valoriser les intérêts du dispositif d'AE quand il est assimilé : de meilleurs dossiers, une meilleure conception, une plus grande sécurité juridique, une plus grande efficacité collective des services, la moindre répétition d'erreurs antérieures, une confiance renforcée du public dans l'action de l'Etat et des collectivités locales. Faire partager le constat que la transposition française des directives européennes s'est faite sans que les procédures nationales préexistantes sur les plans, programmes ou projets aient été adaptées, et génère donc mécaniquement des frictions dont la réduction nécessite donc un travail collectif et la clarification de la répartition des rôles entre les services. Rappeler que l'avis de l'AE reste un avis simple, certes public, mais qui ne lie directement aucun acteur de la procédure : le maître d'ouvrage, le service instructeur et l'autorité décisionnelle restent libres de le prendre en compte, ou non, dans l'exercice de leurs compétences respectives. Pour favoriser ce partage des fondamentaux de l'AE, la mission recommande au préfet de région d'organiser un (ou plusieurs) séminaire(s) de travail à finalité pédagogique, associant le corps préfectoral, la DREAL et les DDI, et de demander à la DREAL de produire sur ce sujet, en liaison avec le CGDD un dossier didactique. 3.1.2 Capitaliser les apports de l'AE Dresser un bilan périodique des avis de l'AE Bretagne (contenu, sens, doctrine, impact, effets sur les dossiers), utilement associé à un exercice de veille sur les avis émis par les autres AE (autres régions, autorité environnementale du CGEDD et du CGDD). Assurer le « service après-vente » des avis pour les dossiers les plus complexes, sensibles ou à forts enjeux : communication, présentation et explicitation des avis aux principaux porteurs de projet, maîtres d'ouvrage, bureaux d'études, professionnels (syndicats agricoles, chambres consulaires). Mettre en place une instance de suivi, qui, à partir des bilans périodiques et des retours d'expérience, permette de mesurer les effets de l'AE sur les projets individuels et l'évolution des pratiques, de promouvoir des démarches de progrès, de capitaliser les bonnes pratiques. Cette instance pourrait utilement être ouverte aux acteurs concernés extérieurs à l'Etat. 3.1.3 en région Valoriser l'expérience de la Bretagne dans les travaux sur la réforme de l'AE En exerçant son droit d'évocation sur les avis d'AE en matière de SCOT, le préfet de la région Bretagne a permis de progresser dans la résolution de la difficulté que ressentent les préfets de département pour concilier leurs rôles multiples, susceptibles d'entrer en contradiction. 60 Le CGEDD souscrit pleinement, dans le cas de la Bretagne et dans le cadre des réglementations en vigueur, à cette solution qui, simplifie et clarifie les processus internes à l'Etat, en renforce la cohérence aux yeux des partenaires extérieurs et fait gagner en légitimité l'AE déconcentrée. Le CGEDD recommande d'intégrer les enseignements de l'expérience menée en région Bretagne dans les travaux sur la réforme de l'AE en région, qui ont été engagés dans le cadre de la mission confiée par la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie au président de l'autorité environnementale du CGEDD, en application de la « feuille de route pour la transition écologique ». 3.2. DONNER A L'EXERCICE DE L'AE DES LIGNES DIRECTRICES 3.2.1 Rapprocher le pourcentage d'avis tacites du pourcentage national Réduire le pourcentage exceptionnellement éleÎ88 d'avis tacites est un impératif pour l'AE Bretagne, d'autant plus qu'il concerne principalement les dossiers d'ICPE élevage, secteur ayant un très fort impact sur l'environnement et le cadre de vie de la population bretonne. La convergence vers la moyenne nationale (16% d'avis tacites pour les projets, 25% pour les plans programmes) est une priorité qui représente un effort très conséquent, compte tenu du nombre particulièrement éleÎ d'ICPE en Bretagne. 3.2.2 Sélectionner A court terme, concentrer l'effort de l'AE sur les dossiers à enjeux, en définissant collectivement, selon les types de dossiers, une vision stratégique et tactique de l'action de l'AE (et des services contributeurs), qui permette de hiérarchiser ses interventions et d'éviter une absence préjudiciable et incompréhensible dans certains dossiers. Définir et consolider collectivement les critères de sélection entre avis tacites et explicites. Conserver une marge d'avis explicites en dehors de ces critères, par échantillonnage, pour éviter le développement de pratiques d'évitement ou de moindre intégration environnementale sur les dossiers identifiés a priori comme soumis à simple avis tacite. 3.2.3. Anticiper ____________________________ 88 Cf annexe 6. 61 Poursuivre et développer le portage en amont des dires de l'Etat: profil environnemental, notes d'enjeux89, documents cadres....qui permettent d'anticiper les problèmes et, pour les maîtres d'ouvrage et porteurs de projet, d'être informés des enjeux et de la vision stratégique de l'Etat ; les démarches partenariales, telles que la charte foncière en cours de signature, sont évidemment à encourager. Poursuivre le travail d'harmonisation régionale déjà engagé entre les services de l'Etat, comme en matière de loi littoral : parmi les questions souleÎes par l'exercice de l'AE, il convient de clarifier les problématiques pour lesquelles les avis de l'AE agissent comme un réÎlateur et d'anticiper les divergences locales d'interprétation. Amplifier et généraliser l'information des acteurs bretons sur l'évaluation environnementale et l'autorité environnementale. Le travail de pédagogie déjà engagé par la DREAL auprès des bureaux d'étude, des professionnels (chambres consulaires, syndicats agricoles) et des collectivités locales mérite d'être poursuivi et renforcé. Il doit également être relayé au plus près des territoires par les autres services de l'Etat. La mission recommande que la DREAL poursuive ses actions d'animation des services et leur fournisse un « kit de l'évaluation environnementale » qui leur permette d'informer leurs interlocuteurs. Elle recommande également que la fonction d'information des porteurs de projets et des élus figure dans la lettre de mission des correspondants départementaux de l'AE désignés par les préfets de département. Sensibiliser les maîtres d'ouvrage à l'évaluation environnementale et les aider dans l'amélioration de leur dossier, diminuant ainsi les risques de remise en cause du projet. Chaque fois que c'est possible, un appui, éclairage, ou simple conseil doit être fourni, tant par les services départementaux que par la DREAL. Au titre de son rôle d'AE, la DREAL doit répondre aux sollicitations des maîtres d'ouvrage par la fourniture de notes de « cadrage préalable » à l'évaluation environnementale. Développer la capacité d'alerte en cours de procédure par les services départementaux sur les dossiers sensibles ou susceptibles de comporter des faiblesses conduisant à une analyse particulièrement critique de l'AE. Réciproquement, la mission recommande que le service en charge de l'élaboration des avis d'AE alerte les services instructeurs sur les dossiers susceptibles d'aboutir à un avis très critique, dès que le problème est identifié, sans attendre la rédaction du projet d'avis. La pratique de réunions avec les maîtres d'ouvrage, visant à une amélioration préalable du dossier, est à développer. 3.3. MOBILISER L'ENSEMBLE DES SAVOIR-FAIRE ET DES MOYENS DONT DISPOSE L'ETAT 89 Notes d'enjeu sur l'urbanisme, en prolongement de la charte foncière. 62 3.3.1. Renforcer le travail collaboratif de l'ensemble des services de l'Etat Systématiser la contribution des services en amont de l'élaboration des avis de l'autorité environnementale qui, bien que prévue par les textes90, reste en Bretagne insuffisante et inégale. Celle-ci doit se substituer, pour les projets, à la consultation actuelle des préfets de département avant signature des avis, trop tardive, source de tensions et d'incompréhension, et contraire à l'esprit des textes. Le contenu et les conditions de production de ces éléments d'analyse et de contexte, qui contribuent à la qualité et à la pertinence des avis, pourraient être utilement formalisés dans une note du préfet de région, à l'instar de ce qui est pratiqué dans d'autres régions comme en Rhône-Alpes91. Intégrer le plus possible les éléments liés à l'exercice de l'autorité environnementale dans l'instruction des dossiers (dès la phase de recevabilité pour les projets) ou dans la fonction de personne publique associée (pour les documents d'urbanisme), aux fins de détecter rapidement les faiblesses d'évaluation environnementale, plus difficiles à corriger ultérieurement. Partager l'information entre unités territoriales, services départementaux, préfectures et COPREV, pour maîtriser au mieux les différentes étapes des procédures, organiser si nécessaire la répartition des rôles entre les différents services sur les dossiers à enjeux, éviter les risques de contradiction. Associer l'ensemble des services de l'Etat au « service après-vente » des avis de l'AE les plus complexes ou à forts enjeux, à effectuer auprès des porteurs de projet, des bureaux d'étude ou des structures professionnelles, de nature à démultiplier le rôle pédagogique des avis. 3.3.2. Améliorer la qualité des avis L'analyse des avis conduite par la mission permet de conclure à la pertinence, sur le fond, des avis préparés par la DREAL de Bretagne, vis-à-vis du rôle de l'AE et des différentes questions souleÎes. L'expertise fournie par les avis est correcte. Sur la forme, une certaine inégalité des avis a toutefois pu être releÎe, ainsi que des aspérités ou maladresses rédactionnelles pouvant focaliser l'attention des maîtres d'ouvrage au risque de rendre inaudible l'essentiel des remarques, ou de rendre délicate la signature de l'avis. La mission recommande par conséquent de : Consolider et homogénéiser la structure des avis, par recours à un plan-type, inspiré des circulaires, pour les projets d'une part, et pour les différents plans/programmes d'autre part. Ce plan-type devrait contenir une synthèse de l'avis (courte, accessible, et Circulaires des 6 mars et 12 avril 2006 pour les plans et programmes ; circulaire du 3 septembre 2009 pour les projets. 91 Note préfet de région Rhône-Alpes du 25 juin 2010. 90 63 faisant apparaître les principales recommandations), un avis détaillé (contenu complet de la démonstration) et au besoin une annexe (éléments de détail). Outre l'analyse du contexte, le coeur de l'avis devrait distinguer clairement, dans l'ordre prévu par les circulaires, l'analyse du caractère complet du rapport environnemental, puis celle de la qualité des informations qu'il contient, enfin celle de la prise en compte de l'environnement, avec des conclusions distinctes et explicites pour chaque partie. Renforcer la consistance des démonstrations et la construction argumentaire des avis (aspects juridiques, citations du dossier) en s'attachant à l'analyse de la cohérence interne aux documents examinés : l'analyse du rapport environnemental doit nourrir autant que possible l'analyse relative à la prise en compte de l'environnement. Veiller à la hiérarchisation des remarques. Travailler la rédaction des avis en évitant les formulations ou les qualificatifs pouvant apparaître comme des jugements de valeur, les appréciations étrangères au rôle de l'AE, le vocabulaire inutilement technique, etc... La reproduction de formules identiques, même si elles sont pertinentes pour chaque avis, peut en affaiblir la portée. La mission recommande à la DREAL de travailler sur un « cahier des charges rédactionnel » qui définisse les grands principes de rédaction et un corpus de règles et d'engagements. Ce « cahier des charges rédactionnel » garantira la qualité des avis tout en facilitant leur signature par le préfet. Viser la certification qualité du processus d'élaboration de l'avis, et mettre en place des outils de retour d'expérience, en s'attachant, par un dispositif d'enquête régulière, à recueillir et analyser les réactions des destinataires des avis (maître d'ouvrage, bureau d'étude, pétitionnaire..). 3.3.3. Adapter l'action de la DREAL à la hauteur de l'enjeu Faire de l'AE une priorité de la DREAL en matière d'affectation des ressources humaines et matérielles, en particulier pour le traitement des dossiers ICPE. Accroître la visibilité du service de l'AE en identifiant, clairement, la division évaluation environnementale dans l'organigramme comme dans l'en tête et ou le timbre de ses productions. Les autres services de l'Etat doivent pouvoir disposer d'interlocuteurs référents au sein du COPREV. Incarner physiquement l'AE dans les territoires et consolider les échanges d'information avec « le terrain ». Le service COPREV, et notamment sa division environnementale, doit assurer une présence minimale dans la phase d'élaboration des documents d'urbanisme, en ciblant les territoires à enjeux tout en étant aussi présent par échantillonnage sur des territoires moins sensibles pour compléter l'action de la 64 DDTM. Pour les projets, il doit faire de même pour les dossiers sensibles en s'appuyant sur les services départementaux et les unités territoriales (UT)92. Conforter le COPREV dans son rôle d'animation régionale, en lien avec les autres services et à destination de tous les publics, en poursuivant les démarches engagées en matière de fiches thématiques à destination des porteurs de projets et des bureaux d'étude, en combinant réunions génériques et réunions à thème, par filière, procédure, type d'acteurs et en s'appuyant sur les compétences et réseaux existant au plan interrégional et national. Poursuivre l'adaptation de l'organisation interne du COPREV afin de renforcer sa « collégialité », sa polyvalence et sa capacité à faire face à des absences temporaires ou de départs d'agents. Pour ce faire, la mission recommande de poursuivre le croisement entre compétences thématiques, pour favoriser une culture collective et transversale de l'évaluation environnementale, d'étudier l'intérêt d'une organisation en partie territoriale notamment pour les documents d'urbanisme et de développer les revues de dossier, les séminaires internes... 3.4. FAIRE LE PARI DE LA CONFIANCE : SIMPLIFIER LES CIRCUITS DE PRODUCTION ET DE SIGNATURE DES AVIS Les recommandations qui précèdent doivent conduire la DREAL à rendre un « produit fini qualité AE ». Cette garantie de qualité, associée à une meilleure reconnaissance du nouveau rôle de l'autorité environnementale dans l'action de l'Etat, doit permettre d'instaurer une relation de confiance et une fluidification des circuits utile à tous. Il faut en effet s'obliger à sortir le plus rapidement possible de la situation actuelle qui, outre qu'elle ne correspond pas aux textes, entretient un risque de paralysie et de désengagement des agents en charge de la rédaction des avis. Parallèlement, pour gagner en rapidité et en responsabilisation des agents, la mission recommande de conduire une réflexion collective sur un plus grand recours aux délégations de signature. Elle recommande d'organiser un suivi et un bilan de leur utilisation. De façon transitoire, dans l'hypothèse où certains projets d'avis sur des plans ou programmes susciteraient encore des demandes de modification de la part du préfet signataire, la mission recommande que ces demandes fassent systématiquement l'objet d'une information et d'un échange avec la DREAL, tout particulièrement pour les documents d'urbanisme et que, dans la mesure du possible, les modifications soient assurées par les rédacteurs du projet. Elle recommande également que les avis au titre de l'association et au titre de l'AE soient mis à la signature du préfet de façon coordonnée et concomitante, pour lui permettre une prise de connaissance simultanée. 92 A l'instar de l'expérience positive du dossier de Vannes-Sené. 65 Il est en outre recommandé de limiter, pour les projets d'avis à la signature du préfet, la validation interne dans la DREAL à deux niveaux hiérarchiques, dont le directeur, qui doit être systématiquement impliqué dans le processus. 66 CONCLUSION RENFORCER LA LEGITIMITE ET L'EFFICACITE DE L'AUTORITE ENVIRONNEMENTALE EN SIMPLIFIANT SES CONDITIONS D'EXERCICE ET EN L'INTEGRANT DANS LES PRIORITES DE L'ETAT DECONCENTRE L'exercice de l'AE Bretagne au cours de ces trois premières années de mise en oeuvre témoigne des difficultés d'intégration de cette démarche nouvelle et singulière dans les processus et procédures d'instruction et d'autorisation des dossiers soumis à évaluation environnementale. Malgré un contexte national et surtout local particulièrement délicat, qui a sans doute contribué à retarder l'appropriation par l'ensemble des acteurs de la légitimité et de la portée de ce nouvel outil d'information du public et d'aide à la décision, les polémiques tendent aujourd'hui à s'apaiser. Toutefois, si la qualité des avis n'est pas fondamentalement en cause, sous réserve d'une attention continue portée à l'argumentation des appréciations portées sur les dossiers et à la rédaction, l'AE en Bretagne tarde encore à trouver pleinement sens et efficacité. Pour ce faire, plusieurs chantiers doivent être entrepris localement sans délai : conforter la légitimité de l'évaluation environnementale et de l'AE, anticiper le plus possible l'intervention de cette dernière, réduire progressivement le taux anormalement éleÎ d'avis tacites en ciblant les dossiers à enjeux et/ou les plus à même de « faire jurisprudence », formaliser et animer des échanges continus entre la DREAL (service COPREV) et les autres services de l'Etat, pour garantir des avis dont la qualité et la valeur ajoutée soient reconnues. Pour la mission, le cas breton, au-delà de ses problématiques spécifiques, est pleinement illustratif des enjeux et de la complexité de l'exercice de l'AE déconcentrée par les préfets de département. En exerçant son droit d'évocation sur les avis en matière de SCOT, le préfet de la région Bretagne a ouvert la voie d'une évolution que les membres de la mission estiment pertinente pour clarifier et simplifier l'exercice local de l'AE. Le CGEDD recommande d'intégrer les enseignements de l'expérience menée en région Bretagne dans les travaux sur la réforme de l'AE en région, qui ont été engagés dans le cadre de la mission confiée par la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie au président de l'autorité environnementale du CGEDD, en application de la « feuille de route pour la transition écologique ». Enfin, parallèlement à cette réforme, la mission recommande de profiter de l'opportunité ouverte par le chantier de simplification du droit de l'environnement ouvert par la conférence environnementale pour revoir et clarifier significativement les procédures nationales en cohérence avec les textes européens. Les circuits doivent être fluidifiés, les compétences clarifiées, les délais réduits, les redondances et la suradministration évitées, la justification des normes explicitée, pour que l'ensemble du dispositif législatif et réglementaire soit mieux compris, accepté et donc appliqué, au profit d'une exigence environnementale accrue. L'Etat doit par ailleurs tirer de son côté les conséquences de cet enjeu collectif en identifiant et consolidant les moyens consacrés à l'intégration de 67 l'environnement dans les politiques publiques et à l'autorité environnementale dans un programme ­ ou une partie de programme - ministériel spécifique. Pascale Humbert, Ingénieure générale des ponts, des eaux et des forêts Cyril Gomel, Ingénieur des ponts, des eaux et des forêts Avertissement : Ce rapport a été établi dans le cadre d'une mission d'expertise conjointe de l'Inspection générale de l'administration et du Conseil général de l'environnement et du développement durable, conduite par Mme Valérie PENEAU, inspectrice générale de l'administration et M Xavier DOUBLET, Administrateur civil hors classe, chargé de mission, pour l'IGA , et par Mme Pascale HUMBERT, ingénieure générale des ponts, des eaux et des forêts et M Cyril GOMEL, ingénieur des ponts, des eaux et des forêts, pour le CGEDD. Cette mission a fait l'objet d'analyses totalement convergentes entre les deux inspections quant à la situation en Bretagne, objet de la demande d'expertise. Néanmoins, une divergence est apparue quant à une recommandation nationale portant sur l'évolution des textes relatifs à l'autorité environnementale en région. Le CGEDD considère qu'elle n'était pas dans le champ de la mission. Une autre mission a été confiée sur ce point, par la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie au président de l'autorité environnementale du CGEDD, en application de la feuille de route pour la transition écologique. Pour cette raison, les travaux de la mission ont donné lieu à la publication de deux rapports distincts, l'un sous timbre de l'IGA et l'autre sous timbre du CGEDD. A l'exception de la divergence évoquée cidessus, les deux rapports, fruits du travail commun, sont similaires. 68 ANNEXES 69 70 ANNEXES ANNEXE 1 : ANNEXE 2 : ANNEXE3 : ANNEXE 4 : ANNEXE 5 : ANNEXE 6 : LES DEUX LETTRES DE MISSION LA NOTE DE CADRAGE LE TABLEAU DES COMPETENCES EN MATIERE D'AE LA LISTE DES PERSONNES RENCONTREES LA GRILLE D'ANALYSE DES AVIS DE L'AE BRETAGNE L'EXERCICE DE L'AE BRETAGNE DANS LE PANORAMA NATIONAL ANNEXE 7 : GLOSSAIRE DES SIGLES 71 72 ANNEXE 1 : LES DEUX LETTRES DE MISSION 73 74 75 76 ANNEXE 2 : LA NOTE DE CADRAGE NOTE DE CADRAGE ELABOREE A LA SUITE D'UN PREMIER DEPLACEMENT DE LA MISSION CONJOINTE A RENNES, LE 25 JUIN 2012 Entretiens avec : · · · · · M.Michel Cadot, préfet de région Mme Gravière-Troadec, secrétaire générale aux affaires régionales Mme Françoise Noars, directrice régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement M. Arnaud Millemann, chargé de mission au SGAR M. Pascal Brerat, chef de service à la DREAL 1) Objet de la commande Par courrier du 27 mars 2012, le Préfet de la région Bretagne a souhaité pouvoir bénéficier d'une expertise conjointe de l'inspection générale de l'administration (IGA) et du conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) portant sur l'exercice de l'autorité environnementale (AE) en région Bretagne, et plus précisément sur : · · la qualité des avis de l'AE préparés par la DREAL, notamment, leur mode d'élaboration, leur périmètre, leur degré de précision, la nature et le champ de recommandations ; les suites données à ces avis par les préfets de département ainsi que l'impact de ces avis auprès des porteurs de projet et du public. Cette demande intervient dans un contexte local particulier où : · · le préfet de région a pris l'initiative de renforcer la cohérence régionale de l'exercice de la fonction d'AE en faisant valoir son droit d'évocation pour l'évaluation environnementale des ScoT, qui d'ordinaire relève, comme les autres documents d'urbanisme, de la compétence du préfet de département ; des débats sont intervenus en CAR à cette occasion soulevant des interrogations sur le périmètre des avis de l'AE, notamment ceux rendus sur les documents de planification, tant SCOT que PLU, et sur leur articulation avec l'avis que rend par ailleurs chaque préfet de département en tant que personne publique associée à l'élaboration de ces documents. Les points de débat récurrents évoqués par les premiers interlocuteurs rencontrés par la mission portent notamment sur la prise en compte par les avis de l'AE de la loi littoral, leur évocation de la mise en oeuvre des plans de prévention des risques naturels, des prises de position considérées comme relevant de l'opportunité par les préfets de département ou encore le fait que les avis d'AE puissent être amenés à interpeller les maîtres d'ouvrage quant à la justification des motifs à l'appui de leurs choix, au regard des enjeux environnementaux qui en découlent. 77 Certaines interrogations liées à la formulation de cette demande ont pu être leÎes à l'occasion d'un rendez-vous entre le préfet de région Bretagne et les membres de l'IGA et du CGEDD désignés pour la mission, le 25 juin 2012. Le préfet a ainsi confirmé qu'il souhaitait bénéficier d'un regard neutre et extérieur sur : · · le périmètre et la qualité des avis préparés par la DREAL à travers un échantillon représentatif ; la validité des processus propres à l'exercice de l'AE en Bretagne ; les suites réserÎes aux avis de l'AE par les préfets de département, au niveau de la signature lorsque celle-ci leur incombent, ou dans la suite des procédures ; A l'occasion de cet échange, le préfet de région Bretagne a confirmé que sa demande d'expertise concernait prioritairement les SCOT et PLU, sans exclure que la mission se penche sur un échantillon d'avis concernant les projets. Il a confirmé l'intérêt pour les différents acteurs de l'Etat de disposer d'un éclairage neutre et extérieur, la prise en compte de la loi littoral dans les documents d'urbanisme, notamment les PLU, demeurant une question de fond, toujours d'actualité. Enfin, lors de cet entretien, le préfet a évoqué sa lecture de l'avis délibéré par l'autorité environnementale du CGEDD 2012-11 du 14 mars 2012 ­ portant sur le projet de décret relatif à l'évaluation environnementale des plans et programmes - , et a précisé attendre de la mission des éclairages vis-à-vis des questions que soulève cet avis. 2) Contexte et enjeux de la mission Cette mission d'expertise intervient effectivement dans un double contexte européen et national où la désignation des AE et leur indépendance sont des questions importantes et discutées : · au niveau européen et suite à une demande de décision préjudicielle, la CJUE, à travers son arrêt C 474-10 du 20 octobre 2011 dit « Seaport » rappelle avec précision l'esprit des textes communautaires cadrant l'exercice de l'évaluation environnementale (principalement les directives 2001/42/CE et 85/337/CEE modifiées) et le positionnement attendu des « autorités spécifiques compétences en matière d'environnement », plus communément appelées autorités environnementales. En insistant essentiellement sur le principe d'indépendance fonctionnelle nécessaire à l'AE pour faire valoir, sur les impacts environnementaux d'un plan, programme ou projet, un regard expert qui soit extérieur au processus de décision, la CJUE n'invalide pas a priori le choix français de confier aux préfets le rôle d'AE, en tant qu'autorités administratives de l'Etat susceptibles de remplir d'autres fonctions, y compris celles d'autorité de décision. Selon les termes de l'arrêt, cette approche apparaîtrait a priori envisageable dès lors qu'il existe, à l'appui du rôle d'AE, des moyens spécifiques, identifiables et ne pouvant être confondus avec la chaîne de préparation de la décision, pour remplir la mission sur le plan technique. 78 · Au plan national, le retour d'expérience globalement tiré des premières années d'exercice spécifique du rôle d'AE en France (2005 pour les plans et programmes, 2009 pour les projets), au niveau local par les préfets, au niveau national par le CGDD et le CGEDD du ministère chargé de l'écologie, a conduit à quelques débats, encore ouverts aujourd'hui,y compris sur la pertinence des choix d'organisation retenus par la France. C'est dans le cadre de ces débats en cours qu'est parfois cité l'avis délibéré du 14 mars 2012 de l'Ae du CGEDD. Cet avis a été rendu à l'occasion de la consultation préalable à la parution du décret actualisant le dispositif d'évaluation environnementale pour les plans et programmes, publié le 2 mai 2012 . Depuis la mise en place des AE en France, ce contexte national est en effet régulièrement lui-même en cours d'évolution réglementaire : au-delà de la question de la désignation des AE (qui, pour les projets, a fait défaut à la France jusqu'en 2009), c'est principalement le champ d'application des procédures qui, tant pour les plans et programmes que pour les projets, a fait l'objet d'évolutions significatives, suite à l'engagement de procédures pré-contentieuses par la Commission européenne, qui jugeaient la transposition française insuffisante, notamment sur ce point. La parution du décret du 2 mai 2012, et la parution probable d'un prochain décret spécifique aux documents d'urbanisme, s'inscrit dans ce mouvement de renforcement de la transposition, facilité par l'adoption législative des engagements du Grenelle de l'Environnement. Le débat sur l'identification des AE renvoie fondamentalement à la conciliation de deux objectifs pouvant être vus a priori comme contradictoires : intégration des préoccupations d'environnement dans les politiques publiques plans, programmes et projets et nécessaire indépendance fonctionnelle entre AE et autorité de décision. · · 3) Éléments de problématique Compte tenu de ce qui précède, la mission poursuit un double objectif : · · Îrifier la qualité de l'exercice de la mission d'AE en région Bretagne, en faisant le cas échéant, les préconisations adaptées ; par là-même, apporter un éclairage au débat national sur les conditions dans lesquelles le modèle actuel d'exercice de l'AE en région peut satisfaire aux exigences requises par les textes. 4) Méthode de travail Phase 1 : Approche générale Etape 1.1 : analyse des avis et autres documents transmis par les préfectures et services Lors de la journée du 25 juin, a été remise à la mission une série d'avis d'AE concernant des plans, programmes ou projets en région, et identifiés respectivement par la DREAL et les préfectures de département. 79 Ces documents, complétés par d'autres à la demande de la mission et nécessaires à la compréhension du contexte et des processus d'élaboration, seront examinés par la mission préalablement aux auditions de terrain. Cet examen, sur la base d'une « grille d'analyse qualité » des avis d'AE, en cours de préparation, aura pour objet de disposer d'une première vision d'expertise partagée sur le fond et la forme des avis d'AE préparés et/ou émis, au regard du contexte. Etape 1.2 : audition des premiers acteurs de la procédure (préfets, DDT, DREAL) Sur la base de sa compréhension de la situation issue de l'étape 1, la mission rencontrera dans chacun des départements bretons, le préfet ainsi que ses services (DDT, occasionnellement DDPP) et s'attachera à analyser les processus d'élaboration des avis, l'articulation de l'exercice de l'AE avec les procédures, et plus largement leur point de vue sur la mise en oeuvre de l'AE dans le département concerné. La mission procèdera à un nouvel échange à l'issue de cette première « tournée » avec le niveau régional : préfet de région, SGAR et DREAL. Phase 2 : investigations complémentaires ( à affiner à l'issue de la phase 1) Etape 2.1 : analyse complémentaire d'avis et autres documents Sur la base du travail mené en phase 1 et de façon complémentaire, la mission prévoit d'examiner une série d'avis et documents associés, à partir de critères d'échantillonnage qu'elle aura préalablement établis. Etape 2.2 : auditions complémentaires d'acteurs La mission complétera ses premiers entretiens bretons en rencontrant, en fonction des besoins, d'autres acteurs locaux tels que : élus et fonctionnaires territoriaux, porteurs de projets, bureaux d'études... La mission prévoit également de rencontrer le CGDD et d'interroger les associations nationales d'élus sur leur sensibilité sur cette question afin d'évaluer la nécessité d'approfondir le sujet avec certaines d'entre elles. Etape 2.3 Déplacement dans une autre région La mission procédera à une interrogation des préfets de région afin d'évaluer la sensibilité de ce sujet dans les autres régions. Elle effectuera, si nécessaire, des déplacements complémentaires à la lumière des réponses qui lui seront apportées. Phase 3 : analyse, synthèse et rédaction 80 5) Calendrier Etape Étape préalable : · initialisation de la mission · mise en commun des connaissances sur l'AE · entrevue avec le préfet de région Phase 1 Etape 1.1 Etape 1.2 Phase 2 Etape 2.1 Etape 2.2 Phase 3 Fin Octobre 3 septembre au 1er octobre 2012 1er au 3 octobre 2012 Juillet-27 août 2012 27 au 31 août 2012 période 21 juin 2012 21 juin 2012 25 juin 2012 6) Composition de la mission Pour effectuer la mission, les membres suivants ont été désignés par leurs autorités respectives. Pour l'IGA : · · Valérie PENEAU Xavier DOUBLET Pour le CGEDD : · · Pascale HUMBERT Cyril GOMEL 81 82 ANNEXE 3 : LE TABLEAU DES COMPETENCES EN MATIERE D'AE Il ne s'agit ici que d'une répartition très simplifiée permettant d'appréhender les grands types de dossiers soumis aux différentes AE. AE Type de plan, programme Préfet de département Documents d'urbanisme de compétence exclusive des collectivités (SCOT, PLU) Plans et programmes d'échelle départementale ou infradépartementale n'impliquant pas la compétence du préfet de département (SAGE, schémas départementaux des collectivités...) Préfet de région Ministre de l'écologie (CGDD) Plans et programmes impliquant la compétence de l'Etat hors champ du MEDDE CGEDD Documents d'urbanisme impliquant la compétence du préfet de département (cartes communales) Certains plans et programmes d'échelle départementale impliquant le préfet de département Certains plans et programmes d'échelle régionale Documents de planification en urbanisme d'échelle régionale (pris par décret en conseil d'Etat) Plans et programmes impliquant la compétence de l'Etat dans le champ du MEDDE Projets impliquant la compétence de l'Etat dans le champ du MEDDE Type de projet Projets autorisés par le préfet de département Projets impliquant la compétence de l'Etat hors champ du MEDDE Pour davantage de précision, se reporter aux textes en vigueur ayant institué ou actualisé ces compétences : Décret n° 2009-496 du 30 avril 2009 relatif à l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement prévue aux articles L. 122-1 et L. 122-7 du code de l'environnement (NOR: DEVK0902617D) : article 1 codifié à l'article R.122-1-1 du code de l'environnement. Décret n° 2012-616 du 2 mai 2012 relatif à l'évaluation de certains plans et documents ayant une incidence sur l'environnement (NOR: DEVD1203745D) : article 1 codifié à l'article R.122-17 du code de l'environnement. Décret n° 2012-995 du 23 août 2012 relatif à l'évaluation environnementale des documents d'urbanisme (NOR: ETLL1207168D) : article 3 codifié à l'article R.121-15 du code de l'urbanisme. - - 83 84 ANNEXE 4 : LA LISTE DES PERSONNES RENCONTREES Région Bretagne M. Michel Cadot, Mme Isabelle Gravière-Troadec , M. Vincent Malfere, M. Arnaud Millemann, Mme Françoise Noars, Préfet de région Secrétaire générale aux affaires régionales SGAR adjoint, Chargé de mission au SGAR Directrice régionale de l'environnement, de l'aménagement, et du logement (DREAL) Mme Annick Bonneville, Directrice adjointe M. Pascal Brerat, Chef du service connaissance, prospective et évaluation (COPREV) à la DREAL, Mme Anne-Françoise Raffray, Chef de l'unité évaluation environnementale du COPREV et M Pascal Mallard, adjoint au chef d'unité Mmes Catelle Elleouët, Léonore Verhoeven, Germaine Roy, Nathalie Cousineau, et MM Yves Billian, Jean-Pierre Ledet, chargés de mission à la DREAL, COPREV Département du Morbihan M. Jean-François Savy, M. Philippe Charreton, Mme Catherine Tonnerre, M. Yves Le Maréchal, M. Jean-.Pierre Nello, Mme Isabelle Marzin, M. Georges André, M. Gérard Thépaut, Mme Bérangère Trenit, Département du Finistère M. Martin Jaeger, M. Gilles Ruaud, Mme Véronique Dubois, M. Henri Bourdon, M. Daniel Rannou, Mme Christine Milpied, Secrétaire général de la préfecture Directeur adjoint de la protection des populations Chef du service prévention des nuisances et qualité de l'environnement à la DDPP Directeur adjoint des territoires et de la mer Chef du bureau des installations classées à la préfecture Directice de l'animation des politiques publiques à la préfecture Préfet Directeur départemental des territoires et de la mer Service eau, nature, biodiversité à la DDTM Directeur départemental adjoint des territoires et de la mer Directeur départemental adjoint de la protection des populations Chef du service environnement à la DDPP 1er adjoint au maire de Vannes, chargé des transports et du tourisme Adjoint au maire de Vannes, chargé de l'environnement Chargée de mission environnement à la ville de Vannes 85 Département des Côtes d'Armor M. Pierre Soubelet, M. Gérard Derouin, M. Eric Quilliou, M. Jean-Charles Quintard, Mme Sandrine Cadic, M. Gérard Fallon , M. Yves Bideau, Préfet Secrétaire général de la préfecture Direction des relations avec les collectivités territoriales à la préfecture Directeur départemental de la protection des populations Chef du service environnement à la DDPP Directeur départemental des territoires et de la mer Directeur départemental adjoint des territoires et de la mer Maire de Lannion Maire de Perros-Guirec M. Christian Marquet, M. Yves Bonnot, Département d'Ille-et-Vilaine M. Jean Cézard, M. Jacques Parodi, M. Luc Petit, Région Rhônes-Alpes M. Philippe Ledenvic, Mme Nicole Carrié, Mme Marie-Odile Ratouis, M Yves Meinier, M. Cyrille Le Vely, M. Pascal Bernier, Mme Aurélie Roy, Directeur départemental des territoires et de la mer Directeur départemental de la cohésion sociale et de la protection des populations Chef du service environnement à la DDCSPP Directeur régional de l'environnement, de l'aménagement et du logement Chef de l'unité Evaluation environnementale à la DREAL Chargée de mission Chargé de mission Secrétaire général de la préfecture de Savoie Directeur départemental adjoint des territoires Chef du service planification et aménagement des territoires à la DDT Secrétaire général de la préfecture de l'Isère Directeur départemental adjoint des territoires M. Frédéric Perissat, M. Didier Josso, Conseil Général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) M. Michel Badré, M. Bernard Brillet, Président de l'Autorité environnementale (Ae) Inspecteur général de l'administration du développement durable, membre permanent du CGEDD 86 Commissariat général au développement durable (CGDD) M. Yann Gourio, Mme Michèle Phelep, Mme Amandine Orsini, Adjoint à la déléguée au développement durable Responsable de la mission d'appui aux services déconcentrés sur l'évaluation environnementale Adjointe au chef de bureau des infrastructures, des transports et de l'aménagement Personnalités qualifiées M. Jean Salmon, Auteur du rapport sur la mise en oeuvre de la politique des installations classées pour la protection de l'environnement en élevage en Bretagne. Décembre 2011 Délégué général de l'association Eaux et Rivières de Bretagne Responsable qualité, entreprise Triballat Conseil en environnement Présidente de la compagnie des commissaires enquêteurs de Bretagne M. Gilles Huet, M. Ronan Lafrogne, M. Jean-Pierre Ferrand, Mme Danielle Faysse, 87 88 ANNEXE 5 : LA GRILLE D'ANALYSE DES AVIS DE L'AE BRETAGNE 89 90 91 ANNEXE 6 : SITUATION DE L'AE BRETAGNE DANS LE PANORAMA NATIONAL Malgré la difficulté de disposer d'indicateurs précis et surtout comparables, les éléments recueillis93 sur l'Ae déconcentrée permettent de mieux situer la Bretagne au sein du panorama national. Trois informations majeures en ressortent, qui distinguent l'Ae Bretagne des autres régions : UN TAUX ANORMALEMENT ELEVE D'AVIS TACITES La Bretagne se détache nettement du reste des régions par son taux exceptionnel de 66% d'avis tacites en matière de projets. 300 250 200 150 100 50 0 Al sa Aq c e ui Au ta i n ve e Bo r g n ur e go Br g n e et Ch ag am n pa Ce e gn nt ere Ar de nn e F c C or he se Co m G té Il e u y an La de e ng F ra -R nc ou e ss i ll o Li m n ou s M Lor in id ra i- P in yr e en N o nes Ba r d P ss C e Nd H t ie e Nd i PA e Pa CA ys Lo Pi ir e ca Po r i to d i e uCh R h R é te un on es i on -A lp es avis tacites avis explicites Pour les plans programmes, elle est en la matière au 5ème rang national, avec un taux de 37% pour une moyenne nationale de 26% UNE PRESSION FORTE DE DOSSIERS A TRAITER, DONT UNE SUR-REPRESENTATION DES DOSSIERS D'ICPE ELEVAGE ET AGROALIMENTAIRE Dans son rapport d'audit de 2011, le CGEDD comptabilise un chiffre national de 3000 dossiers soumis à avis de l'AE déconcentrée en 2010, pour un nombre global estimé de 110 93 Sources : chiffres 2010. Rapport sur l'activité de l'autorité environnementale locale en 2010, CGDD, septembre 2011.Rapport d'audit sur l'autorité environnementale en Dreal, CGEDD, juin 2011. Bilan d'activité de l'autorité environnementale, Dreal Bretagne, présenté en CAR le 23 février 2011. 93 ETP en DREAL pour les traiter, soit un ordre de grandeur de 30 dossier/agent (qu'il compare, avec prudence au ratio de 14 dossier/agent de l'autorité environnementale nationale). Selon les chiffres fournis par la DREAL Bretagne, les 6 ETP en moyenne dont a disposé le service d'AE en 2010 ont eu à faire face à 254 dossiers, soit 42 dossiers /agent. Parmi ces dossiers, on constate une proportion considérable et atypique des dossiers d'ICPE agricoles. Le nombre des élevages sous régime ICPE représente en effet 23% du total national, avec une forte dominante des installations soumises à autorisation, soit 45% des autorisations de France94. Nombre de dossiers soumis à AE Nombre de dossiers d'ICPE agricoles autres régions Bretagne UNE IMPLICATION SINGULIERE DES PREFETS DE DEPARTEMENT DANS LA REDACTION DES AVIS La Bretagne est une des 6 régions où il est prévu une transmission systématique aux préfets de département des projets d'avis à la signature du préfet de région. Dans les 21 autres régions, cette transmission est inexistante (dans 6 régions) ou se fait au cas par cas. Elle fait également partie des 5 régions où les Dreal indiquent que les avis sur plans, programmes et projets sont souvent modifiés (surtout pour des questions de forme, parfois aussi de fond) par les préfets, à la différence des autres régions où une telle situation est déclarée comme exceptionnelle, voire inexistante (pour 3 d'entre elles en matière de plans/programmes). (chiffres 2010-2011. Source : Rapport sur la mise en oeuvre de la politique des installations classées pour la protection de l'environnement en élevage en Bretagne. Décembre 2011). 94 94 ANNEXE 7 : GLOSSAIRE DES SIGLES Sigle/Acronyme AE Ae ARS Signification Autorité environnementale déconcentrée Autorité environnementale du CGEDD Agence régionale de santé CGEDD CGDD CJCE CJUE COPREV DDI DDPP DDT DDTM DEE DOO DREAL Conseil général de l'environnement et du développement durable Commissariat général au développement durable Cour de justice des communautés européennes Cour de justice de l'Union européenne Connaissance, prospective, évaluation Direction départementale interministérielle Direction départementale de la protection des populations Direction départementale des territoires Direction départementale des territoires et de la mer Division évaluation environnementale Document d'orientation et d'objectifs Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement Exploitation agricole à responsabilité limitée Evaluation des incidences sur l'environnement Evaluation stratégique environnementale Equivalent temps plein Installation classée pour la protection de l'environnement Inspection générale de l'administration Loi organique relative aux lois de finances Projet agricole et agroalimentaire régional Projet d'aménagement et de développement durable Plan local d'urbanisme Personne publique associée Plan de prévention du risque inondation Réforme de l'administration territoriale Schéma d'aménagement et de gestion des eaux Société à responsabilité limitée Schémas de cohérence territoriale Secrétariat général des affaires régionales Solidarité et renouvellement urbain Union européenne Zone d'aménagement concerté EARL EIE ESE ETP ICPE IGA LOLF PAAR PADD PLU PPA PPRI RéATE SAGE SARL SCoT SGAR SRU UE ZAC 95

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