Projet de création d'un port de commerce sur le site de la Carbonite à Bastia (Corse).
LAVOUX, Thierry
Auteur moral
France. Conseil général de l'environnement et du développement durable
Auteur secondaire
Résumé
La mission d'appui sur le projet de création d'un port de commerce sur le site de la Carbonite à Bastia, souhaité par la Collectivité territoriale de Corse (CTC), portait sur l'implantation de cette infrastructure sur le domaine public maritime et sa compatibilité avec les dispositions communautaires, nationales et locales relatives à la protection de l'environnement. Les élus, les acteurs économiques locaux et les représentants de l'Ëtat se mobilisent pour que le projet de construction du port avance dans de bonnes conditions et satisfasse aux prérequis environnementaux, à savoir réduire les impacts sur les espèces protégées et les compenser de façon crédible et efficace. La mission a permis de clarifier les procédures administratives mises en oeuvre sur ce dossier et de conseiller la CTC sur des points de sensibilité comme l'articulation avec les règles de droit communautaires (l'application de la directive «Habitats» et de la directive «étude d'impact projets» à la lumière des arrêts de la Cour de justice des communautés européennes) ou avec la doctrine du MEDDE sur la séquence «éviter-réduire-compenser ». Elle aura en outre permis de faciliter les relations entre la CTC et l'ensemble des acteurs État associés à l'instruction ou à l'évaluation du projet.
Editeur
CGEDD
Descripteur Urbamet
projet d'ouvrage
;port
;port maritime
;localisation de l'activité économique
;site touristique
;impact
;environnement
;espèce protégée
;érosion
;littoral
;impact environnemental
;tracé
Descripteur écoplanete
mesure de protection
;mesures compensatoires
Thème
Infrastructures - Ouvrages d'art
;Transports
Texte intégral
N° CGEDD 008013 - 01
Septembre 2012
Projet de création d'un port de commerce sur le site de la Carbonite à Bastia (CORSE)
CONSEIL GÉNÉRAL DE L'ENVIRONNEMENT ET DU DÉVELOPPEMENT DURABLE
Rapport n°00801301
Projet de création d'un port de commerce sur le site de la Carbonite à Bastia (CORSE)
établi par
Thierry LAVOUX Membre permanent du CGEDD
Septembre 2012
SOMMAIRE
1. Présentation de la mission...............................................................................................2 2. Pourquoi envisager la construction d'un nouveau port à Bastia ?....................................3 2.1 Un trafic en augmentation..........................................................................................3 2.2 Un fonctionnement très tributaire de la météorologie et de la dimension du bassin. .3 2.3 Une accessibilité portuaire problématique.................................................................3 2.4 L'enjeu du développement touristique........................................................................4 3.La localisation : quelles solutions alternatives ?................................................................4 4.Les impacts sur l'environnement : la destruction d'espèces protégées en mer et à terre et l'érosion du littoral.............................................................................................................6 4.1 Les espèces protégées en mer et à terre...................................................................6 4.2 L'érosion du littoral.....................................................................................................9 5. Le débat public de 2007...................................................................................................9 6. Les constats de la mission ............................................................................................10 6.1 Cinq ans après le débat public, les acteurs concernés ne semblent pas avoir changé d'opinion sur le projet de port............................................................................10 6.2 La demande de dérogation pour la destruction d'espèces protégées : une lente maturation......................................................................................................................11 7. Recommandations faites à la Collectivité territoriale de Corse dans le cadre de la mission du CGEDD............................................................................................................12 7.1 Solliciter un avis préalable du CNPN pour la posidonie...........................................12 7.2 Présenter séparément une demande de dérogation pour la Grande Nacre............12 7.3 Eviter, réduire, compenser : une trilogie à respecter................................................13 7.4 S'assurer que les mesures compensatoires apportent un gain net au plan écologique......................................................................................................................13 7.5 Ne pas attendre l'aboutissement des dossiers de demande de dérogation pour finaliser l'étude d'impact sur l'environnement, qui, de toute façon, devra intégrer les dérogations et l'ensemble des mesures compensatoires...............................................15 7.6 Réaliser une étude d'incidences Natura 2000 sur le grand herbier.........................15 7.7 Réaliser une étude d'incidences « Natura 2000 » et « Loi sur l'eau » sur le tracé de l'infrastructure devant relier le nouveau port au carrefour situé au sud de Furiani.........16 7.8 Réfléchir à l'organisation d'une concertation avec la population, sachant que le débat public date de 2007..............................................................................................16 Annexes.............................................................................................................................18
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Projet de construction du port de la Carbonite à Bastia
1. Présentation de la mission
En mars 2011, le président de la Collectivité territoriale de Corse (CTC) a saisi la Ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement pour disposer d'un appui du Conseil général de l'environnement et du développement durable dans le cadre du projet de création d'un port de commerce sur le site de la Carbonite à Bastia. Ce projet porté par la collectivité et la Chambre de commerce et d'industrie avait fait l'objet d'un débat public en 2007, à l'issue duquel la CTC avait confirmé son souhait1 de poursuivre les études des impacts sur l'environnement, notamment celles qui étaient susceptibles d'affecter les espèces protégées sur le site du futur port.
A cet effet, le Vice-président du CGEDD a désigné en octobre 2011, Thierry LAVOUX, membre permanent, afin d'apporter un soutien technique et juridique à la CTC pour la mise en oeuvre du projet. En particulier, la mission avait pour objet de vérifier que la prise en compte de l'environnement s'effectuait le plus en amont possible du projet, y compris, dans le contexte d'une demande de dérogation de destruction d'espèces protégées en mer (Posidonies et Grande Nacre).
En janvier et février 2012, le missionné s'est rendu en Corse pour rencontrer dans un premier temps le préfet de Région et le préfet de Haute-Corse et leurs services (DREAL, DTTM) et dans un deuxième temps l'ensemble des élus et des acteurs économiques et associatifs concernés par le projet. Enfin, en juin 2012, Thierry LAVOUX a clôturé sa mission au cours d'une réunion organisée par le préfet de Haute-Corse en présence des services de l'État et de la Collectivité territoriale de Corse. Il a ainsi pu rappeler les préconisations établies tout au long de sa mission, à l'adresse de la CTC et des services. Le présent rapport revient sur les questions soulevées au moment du débat public et synthétise les mesures proposées à titre de compensation par les scientifiques mobilisés par la CTC : · · · · Faut-il projeter la construction d'un nouveau port à Bastia ? Existe-t-il des solutions alternatives, et à quel coût ? Quels sont les impacts sur l'environnement ? Peut-on les éviter, les réduire et les compenser ? De quelle manière y parvenir ? Comment continuer à faire participer le public, ou, à tout le moins l'informer cinq ans après la fin du débat public ?
1 Délibération n°07/182 de l'Assemblée de corse du 26 septembre 2007.
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2. Pourquoi envisager la construction d'un nouveau port à Bastia ?
2.1 Un trafic en augmentation
L'actuel port de commerce de Bastia construit à la fin du 19ème siècle, se situe en première position dans l'île de Beauté tant pour le trafic de marchandises que pour le flux de passagers pour lequel il est le deuxième port français derrière Calais et le premier de méditerranée devant Marseille. Le trafic passager a fortement crû entre 2000 (1,9 million) et 2010 (2,5 millions) soit une hausse de 32% en 10 ans se répartissant à parts égales entre le national et l'international (l'Italie), alors que le trafic marchandises croît de façon plus modérée entre 2005 et 2010 (8%). Si le trafic passager culmine en été, le trafic marchandises est à peu près stable tout au long de l'année avec un pic au mois de juin. En période estivale, la priorité est donnée au transport et au débarquement des véhicules particuliers, ce qui, selon la Chambre de commerce et d'industrie (CCI), occasionne des retards de livraison. A cette difficulté, s'ajoute l'exiguïté des emplacements de stockage des poids lourds attendant l'embarquement dans les navires.
2.2 Un fonctionnement très tributaire de la météorologie et de la dimension du bassin
La CCI souligne la difficulté de manoeuvrer à l'intérieur du port actuel en raison de l'étroitesse de la passe d'entrée et de la faible largeur du bassin. Par gros temps, ou d'encombrements dans le port, certains bateaux sont obligés de rester au mouillage au pied de la citadelle ou de « plancher » au large en attente d'une amélioration de la situation météorologique. Un autre argument avancé lors du débat public pour justifier la construction d'un nouveau port ou l'aménagement du port actuel a visé la taille des navires qui tend à augmenter. Aujourd'hui, le port de Bastia peut accueillir des ferries ne dépassant pas 175 m alors que l'évolution à 2020 conduit à penser que les navires pourront dépasser les 200 m voire les 215 m.
2.3 Une accessibilité portuaire problématique
L'exiguïté des terre-pleins entraîne par effet de cascade des congestions des voies d'accès extérieures au port. Il arrive ainsi fréquemment que les véhicules débarquant des navires se retrouvent bloqués dès leur entrée dans la voirie urbaine, notamment aux heures de pointe le matin et le soir. Le tunnel de Bastia long de 800 m qui passe sous le vieux port est, par ailleurs, un point névralgique de la circulation pour sortir de la ville. D'après les élus bastiais et la CTC, le projet de la Carbonite viendrait soulager le trafic sous le tunnel et diminuer les engorgements fréquents pendant la haute saison qui occasionnent pollution de l'air et bruit en ville.
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2.4 L'enjeu du développement touristique
Selon les statistiques de l'Agence du tourisme de la Corse, 2 touristes2 sur 3 viennent en Corse en bateau, ils sont encore plus nombreux dans ce cas en haute saison (près de 3 sur 4). Les 2 mois d'été sont les plus fréquentés en termes de trafic et les étrangers prennent plus le bateau que les Français, quelle que soit la saison. Cela est imputable aux Italiens, première clientèle étrangère, qui ne vient pratiquement qu'en bateau et dont l'arrivée et le départ s'effectuent principalement à Bastia en provenance de Livourne et Savone principalement. Des scénarios de croissance du tourisme à 2020 ont été esquissés dans le contexte du débat public de 2007 : ce sont 600 000 à 3 millions de touristes supplémentaires qui seraient attendus, représentant 53 millions d'euros d'impact économique direct3 et 63 millions d'euros d'impact économique indirect.
3.La localisation : quelles solutions alternatives ?
Plusieurs configurations d'implantation ont été étudiées par le maître d'ouvrage depuis le début des années 2000, entre Aléria et le nord du port de plaisance de Bastia. Les sites d'Aléria, de l'Arinella, du Golo et de Toga (voir photos aériennes ci-dessous) ont été écartées en raison de leur situation géographique ou des risques de destruction ou de modification importante du milieu. Deux sites ont finalement été retenus : le site du port actuel et le site de la Carbonite au nord de la plage de l'Arinella sur l'emprise du littoral déjà artificialisé.
2 2, 8 millions de séjours et plus de 28 millions de nuitées en 2010. 3 Débat public port de Bastiadoddier du débat.
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localisation de l'aire d'étude
localisation du site d'étude
L'aménagement du port actuel s'appuyant sur la construction d'une nouvelle digue, de nouveaux quais et de terres pleins plus vastes (doublement des 40 000m² actuels), a été présenté au débat public comme alternative au choix du site de la Carbonite. La nouvelle configuration du port actuel permettrait de transformer les postes existants en 7 postes opérationnels avec la possibilité d'accueillir des navires de plus de 240 m. L'option la Carbonite proposerait également 7 quais opérationnels, 100 000m² de terres pleins avec une possibilité d'extension si l'augmentation des trafics le justifiaient un jour. L'extension serait localisée entre le nord de la plage de l'Arinella et les épis implantés sur le littoral déjà artificialisé le long de la RN193. La photo aérienne ci-dessous présente les deux options soumises au débat public de 2007 : - Sur la gauche l'extension du port actuel de Bastia et sur la droite la construction du port sur le site de la Carbonite.
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4.Les impacts sur l'environnement : la destruction d'espèces protégées en mer et à terre et l'érosion du littoral 4.1 Les espèces protégées en mer et à terre
Les études commandées par le maître d'ouvrage ont révélé la forte sensibilité écologique du site de la Carbonite : la construction du port entraînerait la destruction d'une centaine d'hectares de posidonies (Posidonia oceanica), phanérogame4 bénéficiant d'une protection nationale et internationale stricte aussi bien pour l'espèce elle-même que pour l'habitat qu'elle crée. A cet égard, la richesse spécifique inféodée à l'herbier est une des plus importantes observées en milieu marin. Sur le site de la Carbonite, l'herbier de posidonies occupe une bande presque continue de 500 m de largeur allant des profondeurs de 6 à 25 mètres installé sur une matte importante(>2m). Sa limite inférieure est progressive au sud de la zone (plage de l'Arinella) alors qu'elle est progressive au nord avec une forte présence de matte morte.
Posidonia oceanica est une plante à fleurs, composée de racines, de rhizomes (les tiges), d'écailles et de feuilles. Au printemps, les feuilles croissent jusqu'à la fin de l'été et tombent en automne. La floraison a lieu de façon irrégulière au cours de l'été. Les fruits ainsi formés « olives de mer » se détachent au printemps suivant et les graines sédimentant sur le fond de par la faible croissance des faisceaux foliaires, l'expansion et la recolonisation d'une zone par la posidonie sont très lentes.
La distribution spatiale de cette plante est limitée par différents facteurs tels que : · la lumière : le développement de la plante n'est possible que si le bilan photosynthétique est positif, autrement dit uniquement quand l'énergie lumineuse disponible est suffisante. Ainsi, les herbiers peuvent vivre jusqu'à 40 m de fond sur le littoral corse, mais ne dépassent pas 28 m dans les Bouches-du-Rhône. La salinité : la plante dépérit en dessous de 33 pour mille, excluant ainsi les embouchures et les zones de rejets urbains, comme milieux potentiels d'implantation. La température : la posidonie supporte des variations thermiques comprises entre 9 et 29° C. L'hydrodynamisme : les sites trop exposés et/ou les périodes de tempêtes provoquent l'arrachement des faisceaux par les masses d'eau, d'où l'absence de cette plante dans certaines zones exposées à ces phénomènes.
· · ·
En raison de son importance écologique, Posidonia oceanica est une espèce strictement protégée. · au niveau international par : la Convention de Berne du 19 septembre 1979 (annexe I) ; la Convention de Barcelone (1976) qui établit un plan d'action pour la conservation de la végétation marine en Méditerranée adopté le 30 octobre 1999 ayant pour but de mettre en oeuvre des mesures de gestion et de protection des espèces végétales marines dont les herbiers de posidonie ; le Protocole relatif aux Aires Spécialement Protégées et à la diversité biologique en Méditerranée (1995) liste des espèces en danger ou menacées dont la posidonie ; la Directive habitats, Faune, Flore de 1992 (annexe I) qui incluse les herbiers de posidonies comme « habitats naturels d'intérêt communautaire dont la conservation nécessite une désignation de zone spéciale de conservation » via le réseau Natura 2000, ainsi que l'annexe IV au titre de l'habitat d'espèce protégée comme la grande nacre ;
4 Espèce végétale ayant des organes de reproduction apparents dans le cône ou la fleur.
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·
au niveau national par : la loi du 3 janvier 1986 (loi littoral) qui protège l'herbier ou une partie d'herbier présentant un intérêt écologique ou s'avère indispensable au maintien de l'équilibre écologique ; l'arrêté du 19 juillet 1988 qui protège l'espèce ; le décret 89-694 du 20 septembre 1989 en application de l'article R 146-1 du code de l'urbanisme selon lequel les herbiers de posidonies sont préservés en tant qu'espace permettant de préserver une ou plusieurs espèces protégées. Les possibilités d'aménagement de cet espace sont ainsi limitées à des aménagements dont la localisation ne dénature pas le caractère des lieux et est rendue indispensable par des nécessités techniques ; le décret 99-615 du 7 juillet 1999 qui transpose en droit français la Convention de Berne et référence la posidonie comme espèce strictement protégée dans son annexe I.
Au droit du site du futur port de la Carbonite, l'herbier de posidonies n'est pas classé en zone Natura 2000. Il faut aller un peu plus au sud pour trouver une zone Natura 2000 « Grand herbier de la côte orientale », répertoriée FR9402014 qui couvre plus de 43 000 hectares et se positionne à 1,5 km environ au sud du site de la Carbonite au niveau de l'étang de Biguglia, lui-même zone Natura 2000 répertoriée FR 9410101et réserve naturelle5 (voir cartes ci-dessous).
5 Le plan d'eau est propriété du Département de la HauteCorse (1.450ha), gestionnaire de la réserve naturelle. Les rives appartiennent à des propriétaires privés.
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Au total la surface de l'herbier de posidonies avoisinerait 62 400 hectares : la destruction de l'herbier à la Carbonite correspondrait donc à 0,16% du total de la surface de posidonies présente en Corse. Une autre espèce protégée, la grande Nacre (Pinna nobilis), est présente sur le site de la Carbonite. Ce mollusque est un bivalve possédant une coquille dont la taille peut dépasser un mètre de hauteur. Endémique de la méditerranée, P. nobilis à l'état juvénile se développe entre 4 et 10 m (niveau infralittoral) de profondeur et migre jusqu'à une cinquantaine de mètres de profondeur avec l'âge. Cette espèce vit principalement dans les herbiers de posidonies ce qui explique sa présence en grand nombre en Corse et précisément sur le site projeté. Cette espèce est protégée au niveau international par son inscription à l'annexe IV de la directive Habitats. Si l'on considère une densité de grandes nacres de 1 individu/100 m² (hypothèse basse selon les scientifiques), il y aurait plus de 6 millions d'individus de grande nacre en Corse. Sur le site de la Carbonite, les bureaux d'études ayant procédé aux relevés ont comptabilisé une densité moyenne de 0,4 individus/100 m² soit, si l'on accepte l'hypothèse de la destruction de 100 ha d'herbier, 4 000 individus de P. nobilis seraient potentiellement impactés.
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Une troisième espèce, la Patelle géante (Patella ferruginea) est présente sur le site. Sa grande taille, son repérage facile et la beauté de sa coquille expliquent la prédation dont elle fait l'objet. Cette espèce est protégée sur l'ensemble du territoire par un arrêté du 20 décembre 2004 et elle est inscrite dans l'annexe IV de la directive Habitats. Un recensement de cette espèce a été réalisé par un bureau d'études sur le site du port actuel (jetée du port de commerce) qui concluait que si des travaux étaient entrepris pour l'expansion du port de commerce actuel, plus de 300 individus de P. ferruginea seraient directement impactés contre 8 individus sur le site de la Carbonite. Pour être complet, il faut ajouter la présence de Cymodocées (Cymodocea nodosa ) plante à fleurs protégée par l'arrêté du 19 juillet 1988 dont on trouve un très petit nombre d'individus couvrant une surface de 20 m². Enfin, en ce qui concerne les espèces terrestres, un relevé floristique réalisé en août 2010 par M. Guilhan Paradis pour le compte du maître d'ouvrage signale les effets indirects de la construction du port à la Carbonite. Selon lui, comme le nord de la plage sableuse sera occupé par le futur port, il est probable que les estivants se reporteront sur la partie méridionale de la plage. Cette fréquentation avec les aménagements qu'elle suppose fera disparaître des espèces dont une est protégée par l'arrêté du 20 janvier 1982 (modifié par l'arrêté du 31 août 1995) : Euphorbe Peplis (Euphorbia Peplis) dont il a été dénombré 164 individus.
4.2 L'érosion du littoral
Une évaluation de l'impact de l'option « la Carbonite » sur l'hydrodynamique locale et sur l'évolution du trait de côte semble indiquer des modifications mineures6. Le modèle de simulation a montré qu'une nouvelle plage serait créée le long de la digue située au sud, grâce à l'accumulation de sédiments venant du sud sous l'action de la houle. Il est estimé que 15 ans après la construction après la construction du port, l'ensemble du littoral aura été stabilisé. Une étude d'incidences Natura 2000 conclut à l'absence d'impact sur les deux sites « Grand herbier de la côte orientale » et « Etang de Biguglia », ce dernier site étant potentiellement concerné indirectement par les modifications éventuelles que des phénomènes d'accrétion pourraient occasionner au grau de l'étang, et par conséquent au fonctionnement de ce biotope.
5. Le débat public de 2007
Le débat public qui s'est déroulé entre mars et mai 2007 a porté sur une extension du port de Bastia réalisable selon deux hypothèses : soit par extension du port actuel, soit par la création d'un nouveau port sur le site dit de la Carbonite. La CNDP avait considéré que ce projet relevait d'un débat public en raison « de l'importance des aspects économiques et d'aménagement du territoire : la part importante du port de Bastia dans le trafic maritime de la Corse, son rôle dans la continuité territoriale entre l'île et le continent, les enjeux liés au renforcement de la capacité d'accueil maritime de la Corse, enfin les liens entre le projet et les problèmes d'aménagement de l'agglomération de Bastia, ensuite, les impacts sur l'environnement que pourraient comporter les deux variantes du projet, à la fois sur le milieu terrestre et surtout sur les milieux maritimes, enfin, le fait que la concertation menée jusqu'alors s'était adressée à un certain nombre de grands interlocuteurs (élus représentants des collectivités, responsables de services administratifs, dirigeants de divers organismes économiques, responsables d'associations), mais n'avait fait encore que peu de place à l'information et moins encore à l'expression de la population ».
6 Étude conduite par Sogreah consultants.
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Un consensus s'est dégagé sur plusieurs points, notamment celui de l'amélioration de la sécurité portuaire qui devrait, en tout état de cause, être assurée le plus tôt possible. De même, la nécessité d'améliorer le cadre portuaire et les conditions d'accueil de ses usagers n'a pas été contestée. Il y a eu un accord assez large sur l'importance des enjeux économiques et sociologiques, sur la place essentielle que tient le port dans la vie de Bastia et plus largement de l'île ; bref, pour la plupart le statu quo était impossible7. Pour d'autres en revanche, ce projet est inacceptable en raison de ses conséquences économiques et plus encore de ses conséquences environnementales, mais aussi de son coût. Ce sont principalement les associations de défense de l'environnement : le Poulpe, U Levante et le Collectif Port Bastia qui les regroupait, l'Association du Vieux Sartène, mais aussi le Président des plaisanciers bastiais et des particuliers. Les prises de position quant à l'opportunité du projet comportaient en même temps un avis quant à la localisation ; pratiquement personne n'a défendu l'idée d'une extension du port sur son site actuel. Le principal problème soulevé a été celui de la possible destruction des herbiers de posidonies et d'autres espèces protégées. La discussion a porté sur les surfaces colonisées autour de la Corse (les chiffres figurant dans le dossier du maître d'ouvrage ayant été contestés parce que supérieurs à la réalité); les aspects juridiques ont aussi été largement discutés. Dans l'hypothèse de travaux à la Carbonite, beaucoup se sont inquiétés de l'importance du trafic de camions qui en résulterait pour répondre aux besoins d'apport de matériaux: les chiffres de 500 et même 1 000 mouvements de camions par jour ont été évoqués. Pour les experts, la « cadence théorique » de 530 camions correspondrait à l'hypothèse où le chantier serait intégralement approvisionné depuis des carrières corses par voie terrestre ; pour eux, cela montre qu'un approvisionnement purement terrestre est irréaliste et qu'il faudra le plus possible utiliser la voie maritime, ce qui permettrait de réduire fortement le trafic routier (au moins de 10 à 1). Par ailleurs, nombre d'inquiétudes se sont exprimées lorsque est apparue l'éventualité que soient utilisés des matériaux amiantifères. Il a été précisé que ces matériaux ne proviendraient pas de carrières mais qu'était étudiée la possibilité de réutiliser des stocks de dépôts amiantifères pour remplir des caissons étanches qui constitueraient les digues; cela supposerait un strict contrôle des conditions de sécurité d'une telle utilisation.
6. Les constats de la mission 6.1 Cinq ans après le débat public, les acteurs concernés ne semblent pas avoir changé d'opinion sur le projet de port
A l'instigation de la CTC, la mission a auditionné l'ensemble des acteurs concernés par le projet d'extension du port, acteurs qui s'étaient déjà exprimés cinq ans auparavant, lors du débat public. De semblables remarques, opinions et affirmations émanant des personnes ou institutions corses ont pu être relevés par le missionné en février 2012. Nulle inflexion notoire n'a émergé à l'audition des acteurs et, comme en 2007, il apparaît qu'une majorité des acteurs se prononce en faveur du projet « la Carbonite » à l'exception notoire des associations « U levante » et « le Poulpe »8 qui remettent en question la croissance du trafic qui serait engendrée par la construction du nouveau port. Au delà des impacts environnementaux qu'ils dénoncent, l'important, selon eux, est de préserver le territoire corse d'une trop grande affluence touristique.
7 ibidem. 8 Monsieur PierreLaurent Santelli de l'association le Poulpe avait mandat de l'association U levante pour s'exprimer en son nom.
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S'agissant des recommandations souhaitées par la CTC, celles-ci ont porté sur trois éléments relatifs à la dérogation de destruction d'espèces protégées, sur l'évaluation environnementale et sur l'information du public.
6.2 La demande de dérogation pour la destruction d'espèces protégées : une lente maturation
Le maître d'ouvrage avait déposé une première demande de dérogation en 2009 qui se rapportait à la destruction ou l'altération d'herbiers de posidonies et de cymodocées, et la capture ou l'enlèvement de Grande nacre et d'oursins diadèmes, deux espèces animales situées dans l'herbier de posidonies susceptibles d'être détruit ou altéré. Afin de ne pas s'engager inutilement dans l'achèvement des études s'il s'avérait que l'atteinte aux herbiers soit telle que toute poursuite du projet devienne illusoire, la DREAL a proposé, avec l'accord de la direction de l'eau et de la biodiversité du Ministère de l'écologie, que la CTC présente un dossier pour pré-avis du CNPN, de façon à obtenir son opinion sur l'opportunité de la poursuite des études sans que cela n'engage ni l'État ni le CNPN quant à la décision finale à l'issue de la procédure normale. Par courrier du 15 septembre 2009 (complété en janvier 2010), la CTC a déposé une demande de dérogation pour la destruction, l'altération ou la dégradation de sites de reproduction ou d'aires de repos d'espèces animales protégées par la législation française du fait des travaux envisagés dans le cadre du projet mentionné ci-dessus. Il avait pour objectif premier de présenter les impacts directs et indirects des travaux envisagés sur les herbiers de posidonies et de cymodocées et dans une moindre mesure sur les espèces animales protégées associées susceptibles d'y être hébergées. Toutefois, au regard des propositions des mesures compensatoires peu proportionnées à la destruction envisagée d'herbier de posidonies et de toutes les conséquences environnementales (disparition de frayères et nurseries) et économiques (risques d'érosion, perte de la qualité de l'eau par absence du rôle de piège sédimentaire joué par les herbiers de posidonies détruits à plus ou moins long terme dans la modélisation mathématique), la DREAL a proposé au préfet de la Haute-Corse de ne pas faire parvenir ce dossier au CNPN et de proposer à la CTC de poursuivre les études scientifiques afin de réfléchir avec un comité scientifique indépendant à la formulation des mesures compensatoires à la hauteur de la destruction envisagée. Le comité scientifique a été installé fin de l'année 2009. Il est composé d'experts dans les domaines des espèces et habitats marins, eaux littorales, érosion littorale, courantologie et sédimentologie. Dès janvier 2010, le comité scientifique a commencé à piloter les études complémentaires à fournir en vue d'un passage au CNPN pour avis de dérogation pour destruction d'espèces protégées. L'ensemble des études lancées en 2010 ont été terminées à l'automne 2011. Etude sur la réactualisation de la cartographie de l'herbier de posidonies impacté par le projet (STARESO) . La nouvelle cartographie de l'herbier ne se limite plus seulement à l'emprise du port, mais est élargie au grau de l'étang de Biguglia et plus au large, de manière à prendre en compte aussi l'impact des navires entrant au port sur l'herbier. Cette étude devait également apporter des précisions sur la vitalité de l'herbier. Un recensement des individus de l'espèce « la grande nacre » a été réalisé. Il évalue la densité des grandes nacres à environ 0,5 individus/100m². Si l'on prend en compte une surface maximale de 150 ha d'herbier détruit ou fortement altéré, ce serait 6000 grandes nacres qui seraient impactées. Etude sur la sédimentologie et de courantologie (SOGREAH).
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Un complément à l'étude initiale avait été demandé pour prendre en compte la dernière tempête de 2009. Le modèle GENESIS a été enrichi par la pente de la plage, le grain et le trait de côte. (L'état initial est l'année 2007 et le modèle anticipe sur les 30 ans à venir les effets de l'existence du port).
Les conclusions de cette étude sont les suivantes : sans port : engraissement de la plage de l'Arinella ; avec le port : on constate un engraissement directement au sud de la digue, une zone d'érosion pendant 10 ans de 15 m au sud puis on retrouve le trait de côte naturel du modèle. (La plage de l'Arinella disparaitra durant 30 ans puis se reconstruira vers 2040). Un inventaire des espèces protégées sur la plage de l'Arinella susceptibles de disparaître a été réalisé. Une espèce végétale serait concernée. Il n'y aura pas de contournement du sable accumulé au sud de la digue, mais par contre la pente de la plage sera reportée avec une avancée de 100 m : de l'herbier pourra donc être ensablé au sud de la digue et le grau de l'étang ne sera pas impacté.
7. Recommandations faites à la Collectivité territoriale de Corse dans le cadre de la mission du CGEDD
La mission n'avait pas pour objet de s'interroger sur l'opportunité de la création d'un nouveau port à Bastia et de mettre en balance les solutions alternatives à ce projet qui avaient été présentées lors du débat public de 2007. Ce sera au maître d'ouvrage de documenter son étude d'impact de la façon la plus précise et objective possible en faisant état notamment des coûts engendrés par la construction du port et de leur financement9 et de présenter des mesures compensatoires efficaces et crédibles. La mission est donc partie du constat que le maître d'ouvrage avait choisi de ne pas agrandir le port actuel, ni de sélectionner un autre site sur la côte orientale de la Corse et qu'en définitive, il lui paraissait évident, à la suite des nombreuses études réalisées, que la solution « la Carbonite » était la seule réalisable de façon satisfaisante aux plans économique et écologique. C'est donc dans cet esprit que la mission a suggéré à la CTC des recommandations qui devraient lui permettre de présenter un dossier compatible avec les règles issues du code de l'environnement.
7.1 Solliciter un avis préalable du CNPN pour la posidonie
La CTC est invitée à présenter à la CNPN à l'automne 2012 un dossier de dérogation « posidonies » après consultation du CSRPN et des experts « référents » comme Charles-François Boudouresque (Université Aix-Marseille) et C. Pergent (Université de Corte). Ce dossier qui devra intégrer les mesures compensatoires proposées par le maître d'ouvrage fera l'objet d'un pré-avis du CNPN de façon que la CTC puisse tenir compte dans sa demande finale de toutes les remarques et suggestions du CNPN. En effet, l'ampleur de la destruction de l'herbier et la quasi impossibilité de réimplanter avec succès la posidonies à titre de compensation requiert, à défaut, des mesures dites « d'accompagnement » que le CNPN devra valider.
7.2 Présenter séparément une demande de dérogation pour la Grande Nacre
De la même façon, la CTC doit présenter, séparément une demande de dérogation pour le déplacement ou la destruction de plusieurs individus de Grande Nacre accompagnée des mesures compensatoires qui pourraient comporter leur transplantation dans une autre partie de l'herbier de
9 Le coût du projet oscille, selon les estimations de la CTC entre 250 et 300 millions d'euros.
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posidonies. Comme les expériences de transplantation de cette espèce sont rares, il pourrait être intéressant d'un point de vue scientifique d'en suivre les impacts. Il faut noter que le coût de transplantation de la Grande Nacre n'étant pas connu avec précision, le projet du port de la Carbonite pourrait être l'occasion d'une évaluation financière d'une telle opération.
7.3 Eviter, réduire, compenser : une trilogie à respecter
Dans son dossier de présentation de la dérogation, la CTC devra se montrer particulièrement vigilante pour respecter la doctrine « éviter-réduire-compenser » (ERC) du Ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie selon laquelle : « la mise en oeuvre de la séquence doit permettre de conserver globalement la qualité environnementale des milieux, et si possible d'obtenir un gain net, en particulier pour les milieux dégradés, compte-tenu de leur sensibilité et des objectifs généraux d'atteinte du bon état des milieux ». Elle devra impérativement prouver que ce projet a un intérêt public majeur. Ceci correspond à l'application de l'article 16 de la directive Habitats qui dispose que « à condition qu'il n'existe pas une autre solution satisfaisante et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées (...) les États membres peuvent déroger aux dispositions des articles 12,13, 1410. Il s'agit de s'assurer que seul l'intérêt public promu par des organismes publics ou privés peut être opposable aux objectifs de conservation de la directive11, ce qui est en l'occurrence, le cas ici. En outre, le caractère « impératif » de cet intérêt public doit être interprété en ce sens que les intérêts de court terme apportant des bénéfices à court terme ne sauraient contrebalancer l'intérêt à long terme de la conservation des espèces. L'essentiel de la présentation et de l'étude des solutions alternatives se trouvant dans le dossier du débat public de 2007, le maître d'ouvrage devra en faire une synthèse adaptée au dossier soumis au CNPN. A cet égard, le missionné a fait remarquer au maître d'ouvrage qu'il devait davantage prouver que la conception même des digues tenait compte de la nécessité d'une réduction de l'emprise et par voie de conséquence des impacts sur l'herbier et ses composantes d'autant plus que l'évitement des impacts s'avère impossible. Le missionné, en collaboration avec la DREAL, a souligné que le dossier de dérogation à la destruction d'espèce qui sera soumis au CSRPN et ensuite au CNPN présente dans son état actuel (fin juin 2012) des lacunes importantes, moins dans le contenu que dans la forme. Par exemple, l'intérêt public majeur n'est pas introduit de façon pédagogique et dynamique et les caractéristiques techniques et la faisabilité des mesures compensatoires, notamment leur financement, restent par trop dans le flou. Plus généralement, ce dossier réalisé par les prestataires de la CTC s'abstient de présenter les impacts globaux du projet aux plans écologique et financier ce qui ne surprend pas lorsque l'on sait que l'étude d'impact synthétique du projet la Carbonite n'a pas été encore réalisée (voir le § 7.5).
7.4 S'assurer que les mesures compensatoires apportent un gain net au plan écologique
Les mesures compensatoires ont pour objet d'apporter une contrepartie aux effets résiduels négatifs du projet (y compris les effets résultant d'un cumul avec d'autres projets) qui n'ont pu être évités ou suffisamment réduits. Elles sont conçues de manière à produire des effets qui présentent un caractère pérenne et sont mises en oeuvre en priorité à proximité fonctionnelle du site impacté. Elles doivent permettre de maintenir voire le cas échéant d'améliorer la qualité environnementale des milieux naturels concernés à l'échelle territoriale pertinente12.Le conseil scientifique placé auprès de la CTC s'est prononcé pour la création d'une aire maritime protégée (AMP) d'une surface globale comprise entre 5000 et 7000 hectares, dont 1 000 hectares en protection renforcée. Les autres mesures proposées visent à transplanter des Cymodocées et à déplacer une centaine de Pinna Nobilis et 8 Patella ferugina.
10 Ces articles disposent que les Étatsmembres instaurent un système de protection stricte des espèces animales et végétales figurant à l'annexe IV de la directive. 11 Document d'orientation sur la protection stricte des espèces animales d'intérêt communautaire en vertu de la directive « Habitas » 92/43, version finale 2007. 12 Doctrine sur la séquence « éviterréduirecompenser » Ministère de l'écologie, 2012.
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L'AMP couvrirait la zone Natura 2000 du Grand herbier de la côte orientale : et en termes d'additionnalité deux autres aires marines seraient créées à Solenzara et à Porto-Vecchio. Dans ces aires, le mouillage serait réglementé,et un suivi scientifique de la santé de la posidonie et de la Grande Nacre et de la qualité des eaux serait entrepris. Le missionné a rappelé que la pêche devrait être réglementée dans les AMP, ce qui est rendu possible depuis l'ordonnance du 5 janvier 2012 qui dispose qu'en Corse l'initiative du classement en réserve naturelle appartient à la collectivité territoriale de Corse. Par sa délibération du 23 mars 2012, la CTC a validé l'analyse stratégique régionale (ASR) qui définit les besoins de créations d'AMP en Corse. La surveillance de l'aire marine par des moyens appropriés reviendrait à la CTC par l'intermédiaire de l'Office de l'environnement de la Corse. « Dans tous les cas, les mesures compensatoires doivent être additionnelles aux actions publiques existantes en matière de protection de l'environnement (plan de protection d'espèces, instauration d'un espace protégé, programme de mesure de la directive cadre sur l'eau, trame verte et bleue, etc.). Elles peuvent conforter ces actions publiques (en se situant par exemple sur le même bassin versant ou sur un site Natura 2000), mais ne pas s'y substituer. L'accélération de la mise en oeuvre d'une politique publique de préservation ou de restauration, relative aux enjeux impactés par le projet, pourra être retenue au cas par cas comme mesure compensatoire sur la base d'un programme précis (contenu et calendrier) permettant de justifier de son additionnalité avec l'action publique. Ces mesures constituent des engagements du maître d'ouvrage, qui en finance la mise en place et la gestion sur la durée ». Source : doctrine ERC, MEDDE, 2012 Exemple d'une des mesures compensatoires envisagées : projet de création d'une réserve du Grand herbier de posidonies de la côte orientale
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Ne pas attendre l'aboutissement des dossiers de demande de dérogation pour finaliser l'étude d'impact sur l'environnement, qui, de toute façon, devra intégrer les dérogations et l'ensemble des mesures compensatoires
La CTC craignant que sa demande de dérogation pour destruction d'espèces protégées ne puisse aboutir en raison des difficultés à mettre en place des mesures de réduction et de compensation à la hauteur des enjeux, a préféré ne pas entreprendre la réalisation d'une étude d'impact couvrant la totalité du projet. Le missionné a considéré que la demande de dérogation n'était pas exclusive d'une étude d'impact qui aurait pu constituer les arguments venant à l'appui de cette demande. Par exemple, le fait de ne pas disposer de l'étude d'impact dont l'objectif premier est, outre de décrire de façon exhaustive le projet lui-même de procéder à une analyse de l'état initial de la zone et des milieux susceptibles d'être affectés par le projet, a empêché le maître d'ouvrage de faire valoir ses arguments dans le cadre d'une approche intégrée telle qu'elle prévaut désormais dans la réglementation13. La suggestion a donc été faite à la CTC d'entreprendre sans tarder cette étude d'impact, y compris pour décrire les projets suscités par la création du nouveau port : infrastructures routières, projets d'urbanisme, etc qu'ils émanent de la ville de Bastia, du département ou de l'État. Ceci n'est pas redondant avec la demande de dérogation qui doit de toute façon intégrer des éléments figurant dans l'étude d'impact : description du projet, état initial, solutions de substitution, mesures compensatoires, estimation des dépenses correspondantes. La CTC a donc été invitée à envoyer au préfet une demande de cadrage préalable.
7.6 Réaliser une étude d'incidences Natura 2000 sur le grand herbier
Le projet de port ne se réalisera pas à l'intérieur d'un site Natura 2000 mais à proximité. Il n'en demeure pas moins important de vérifier que des impacts directs ou indirects ne se produiront sur la zone en question. C'est la raison pour laquelle le missionné recommande d'envisager une tierce expertise sur l'étude d'incidences « Natura 2000 » en mer (zone FR9400614) payée par le maître d'ouvrage et ce en concertation avec la DREAL. L'idée est de faire valider l'étude de courantologie sous-traitée par la CTC à un tiers expert. Cette étude d'incidences sera jointe ultérieurement à l'étude d'impact sous forme résumée dans la partie « biodiversité » et in extenso dans les annexes de sorte qu'elle puisse être utilisée séparément s'il était nécessaire.
13 Le code de l'environnement intègre dans son article Art. R. 1225.le décret du 29 décembre 2011 qui met en oeuvre la directive européenne « projets ».
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7.7 Réaliser une étude d'incidences « Natura 2000 » et « Loi sur l'eau » sur le tracé de l'infrastructure devant relier le nouveau port au carrefour situé au sud de Furiani
Cette route devrait jouxter la voie ferrée, mais la présence de la zone Natura 2000 de l'étang de Biguglia (FR9400571) à quelques centaines de mètres et dans son bassin versant impose la réalisation de cette étude. Il devra être prouvé que des incidences notables au niveau de la zone susceptible d'être impactée ne sont pas susceptibles d'être envisagées dans l'état actuel des expertises sollicitées. L'emprise de l'infrastructure pourrait être compensée par des mesures garantissant la pérennité des activités non polluantes sur le bassin versant. Il serait par exemple utile d'envisager des achats fonciers en liaison avec le Conservatoire du littoral y compris du côté du lido pour garantir la « naturalité » des lieux14.
7.8 Réfléchir à l'organisation d'une concertation avec la population, sachant que le débat public date de 2007
Le code de l'environnement précise dans son article L121-12 que si l'ouverture de l'enquête publique ne s'est pas produite dans les cinq ans après la fin du débat public, la Commission Nationale du Débat Public (CNDP) « ne peut décider de relancer la concertation avec le public que si les circonstances de fait ou de droit justifiant le projet ont subi des modifications substantielles ». Tel ne semble pas être le cas en première analyse puisque le dossier de dérogation pour destruction d'espèces protégées n'est pas encore déposé (juillet 2012) et qu'aucun nouveau fait réellement nouveau est apparu depuis 2007. Cependant, pour sécuriser juridiquement l'instruction du projet et pour afficher sa volonté de transparence, il est conseillé à la CTC d'écrire à la CNDP en expliquant la démarche suivie à la mi2012 et notamment l'état d'avancement du dossier de dérogation, les études complémentaires commandées, les avis du conseil scientifique sur les mesures compensatoires, l'ouverture éventuelle d'un site internet, en soulignant son souhait d'obtenir un avis de sa part au titre de l'article L121-13-1 du CE sur l'opportunité d'une nouvelle information du public avec la désignation d'un « garant » lorsque le dossier de dérogations aura avancé. En tout état de cause, la CTC est invitée à prendre des initiatives dans ce domaine, tant il est vrai qu'aucune véritable information sur l'évolution du projet n'a été produite depuis plus de cinq ans. Il a été ainsi vivement conseillé à la CTC de s'appuyer sur un « garant » pour conduire l'information du public. « Le maître d'ouvrage ou la personne publique responsable du projet informe la Commission nationale du débat public, pendant la phase postérieure au débat public jusqu'à l'enquête publique, des modalités d'information et de participation du public mises en oeuvre ainsi que de sa contribution à l'amélioration du projet. La commission peut émettre des avis et recommandations sur ces modalités et leur mise en oeuvre. Le maître d'ouvrage ou la personne publique responsable du projet peut demander à la commission de désigner un garant chargé de veiller à la mise en oeuvre des modalités d'information et de participation du public ». Source : Art L 121-13-1 du CE.
14 Références : R2146 et R41423 (contenu de l'étude) du CE et SAGE de Biguglia.
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Remarques conclusives L'ensemble des élus, les acteurs économiques locaux, les représentants de l'État se mobilisent pour que le projet de construction du port avance dans de bonnes conditions et satisfasse aux pré-requis environnementaux, à savoir réduire les impacts sur les espèces protégées et les compenser de façon crédible et efficace. La mission a permis de clarifier les procédures administratives mis en oeuvre sur ce dossier et de conseiller utilement la Collectivité territoriale de Corse sur des points de sensibilité comme l'articulation avec les règles de droit communautaires (l'application de la directive « Habitats » et de la directive « étude d'impact projets » à la lumière des arrêts de la CJUE15 notamment) ou avec la doctrine du Ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie sur la séquence « éviterréduire-compenser ». Elle aura en outre permis de faciliter et conforter les relations entre la CTC et l'ensemble des acteurs État associés à l'instruction ou à l'évaluation du projet.
15 CJUE : Cour de justice des communautés européennes.
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Annexes
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Personnes rencontrées dans le cadre de la mission
Représentants de l'État
M. Louis Le Franc, Préfet de Haute-Corse M. Patrick Strzoda , Préfet de la Région Corse (par visio-conférence) M. Patrice Vagner, Directeur régional, Dreal Corse Mme Brigitte Dubeuf, Directrice-adjointe, Dreal Corse M. Dominique Tasso, Chef du service biodiversité, sites et paysages Mme Isabelle Clémenceau, Unité milieux marins (Bastia) M. Stéphane Buron, Directeur, DDTM Haute-Corse M. Dominique Dubois, Directeur-adjoint DDTM Haute-Corse, Délégué à la mer et au littoral M. Frédéric Edeline, DDTM, Service des ports M. Michel Muracciole, Délégué du conservatoire du littoral Corse
Collectivité Territoriale de Corse
Élus : M. Paul Giaccobi, Président du Conseil exécutif M. Paul Marie Bartoli, Président de l'Office des transports de la Corse M. Pierre Ghionga, Président de l'Office de l'environnement de la Corse M. Dominique Bucchini, Président de l'Assemblée de Corse
Services : M. Georges Argivier, DGA M. Bernard Platzer, Service des ports et aéroports M. Jean-Louis Delpoux, Service des ports et aéroports M. Jean-Guy Frizzoni, directeur de l'Office de l'environnement M. Georges Valentini, directeur de la réserve Biguglia
Associations :
M. Pierre-Laurent Santelli, Association Le Poulpe M. Jean-Valère Géronimi, Association U marinu
Acteurs économiques :
M. Jean-Marie Maurizi, président du syndicat professionnel des transporteurs de marchandises M. Gérard Romiti, président du Comité régional des pêches de Corse
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Chambre de Commerce et d'Industrie de Bastia et de la Haute-Corse :
M. Paul Trojani, Président M. Philippe Albertini, Directeur Général M. Christophe Perfettini, Directeur des Concessions Portuaires
Élus :
M. Emile Zuccareli, Maire de Bastia M. Joseph Castelli, Président du département de la Haute-Corse
Compagnies maritimes :
M. Pierre Mattei , DG de la Corsica Ferries M. Pierre-André GIOVANNINI, Directeur pour la Corse de la SNCM M. Patrick Antonneti, Directeur de l'agence de Bastia SNCM M. François-Xavier De Moro Gaffieri, Directeur CMN M. Fabien Paoli, Directeur de la MOBY France
Scientifiques :
M. Antoine Orsini, Hydrobiologiste M. Roger Miniconi, Océanologue M. Charles-François Boudouresque, Océanologue
Prestataires de la CTC :
M. Claude Torchon, Catram M. Sébastien Mabile, Lysias Partners M. Nicolas Dallias, Océanide
Ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie
M. Michel Badré, Président de l'Autorité environnementale M. Christian Barthod, CGEDD/CPRN M. Jean-Jacques Lafitte, CGEDD/CPRN M. Jérôme Laurent, CGEDD/CPRN M. Michel Perret, DGALN/DEB
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Lettre de commande
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21 Bis
Désignation missionné du CGEDD
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Ministère de l'Écologie, du Développement durable et de l'Énergie Conseil général de l'Environnement et du Développement durable 7e section secrétariat général bureau Rapports et Documentation Tour Pascal B - 92055 La Défense cedex Tél. (33) 01 40 81 68 73
www.cgedd.developpement-durable.gouv.fr