Opportunité et faisabilité d'une opération d'intérêt national (OIN) en Guyane. Rapport d'étape.
SCHMIT, Philippe ;BONNAL, Philippe
Auteur moral
France. Conseil général de l'environnement et du développement durable
Auteur secondaire
Résumé
En regard d'une progression démographique exceptionnellement élevée proche de 4%, la Guyane accuse à la fois un retard important de construction de logements sociaux, une paupérisation de sa population et un développement économique largement insuffisant. Face à ce constat, le rapport considère que la création d'une opération d'intérêt national (OIN) serait une réponse adéquate à la situation. Il recommande que celle-ci lie plan logement, plan transports et aménagement pertinent du territoire dans une logique de gestion économe de l'espace, qu'elle prenne une forme multi-sites avec deux territoires prioritaires, la ville de Cayenne et la communauté d'agglomération du Centre littoral, s'inscrire dans la stratégie des villes durables, s'appuyer sur un outil d'aménagement performant et résulter d'une vision partagée entre l'Etat et les collectivités territoriales sur ses objectifs et ses moyens.
Editeur
CGEDD
Descripteur Urbamet
projet d'opération
;logement
;région
;marché économique
;offre de logements
;politique publique
;logement social
;OPERATION D'INTERET NATIONAL
Descripteur écoplanete
Thème
Aménagement urbain
;Aménagement du territoire
Texte intégral
N° 008034-01
Décembre 2011
Opportunité et faisabilité d'une opération d'intérêt national (OIN) en Guyane
Rapport d'étape
Sommaire
Sommaire.......................................................................................................................... 4 Résumé.............................................................................................................................. 6 Introduction...................................................................................................................... 7 1. La Guyane : un territoire confronté à de nombreuses difficultés .............................9
1.1. Une forte croissance démographique......................................................................................9 1.2. Une réponse en offre de logements très insuffisante ............................................................10 1.3. Une population en voie de paupérisation ..............................................................................11 1.4. Un développement économique insuffisant ..........................................................................12 1.5. Un réseau de transports à améliorer ......................................................................................12 1.6. Une situation des finances locales préoccupante ..................................................................13
2. Opportunité du lancement d'une OIN.......................................................................15
2.1. Quels critères pour constituer une OIN ?..............................................................................15 2.2. Une capacité locale de production de logements limitée.......................................................16 2.3. Les réflexions engagées pour faire face à cette demande......................................................17 2.4. L'incidence d'un rôle accru de l'Etat dans les politiques d'aménagement..............................17 2.5. Des élus impliqués et volontaristes........................................................................................18
3. Faisabilité d'une OIN..................................................................................................20
3.1. Le périmètre concerné...........................................................................................................20 3.2. Les obstacles physiques et environnementaux......................................................................21 3.3. Les acteurs territoriaux concernés.........................................................................................21 3.4. Les moyens nécessaires à la réussite d'une OIN : l'existence d'un établissement public d'aménagement de l'État...............................................................................................................22
4. Propositions de la mission...........................................................................................25
4.1. L'OIN est une réponse adéquate à la situation guyanaise......................................................25 4.2. L'OIN doit lier plan logement, plan transports et un aménagement pertinent du territoire dans une logique de gestion économe de l'espace........................................................................25 4.3. Une OIN multi sites...............................................................................................................26 4.4. Une éco-OIN .........................................................................................................................27 4
4.5. Une stratégie à mettre en oeuvre............................................................................................28
Conclusion...................................................................................................................... 29 5. Annexe 1 Lettre de mission ........................................................................................32 Annexe 2 :Liste des personnes rencontrées..................................................................34 Annexe 3 : Glossaire..........................................................................................................35
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Résumé
La Guyane a connu au cours des dernières décennies une progression démographique exceptionnellement élevée, la plus forte au niveau national, avec un taux de croissance annuel proche de 4 %. Cette tendance se poursuivra dans les années à venir. La population de la Guyane aujourd'hui estimée à 230.000 habitants, principalement localisée sur la bande côtière atlantique, devrait atteindre 574.000 habitants en 2040. Le point crucial de cette démographie galopante est la ville de Saint-Laurent-du-Maroni dont la population devrait passer de 35.000 à 150.000 habitants d'ici à 2030. En regard de cette évolution démographique, la Guyane accuse un retard constant et important de construction de logements notamment sociaux. Pour résorber ce retard et anticiper la progression démographique à venir il faudrait produire entre 3.100 et 3.600 logements par an au cours des trente prochaines années au lieu des moins de 1.000 actuellement construits. Cette insuffisance de construction est une des raisons du développement de quartiers d'habitats illicite ou insalubre dans cette région. En outre, ce département est confronté à une paupérisation de sa population et un développement de ses activités économiques largement insuffisant. De plus, la situation des finances locales de la plupart des collectivités territoriales de Guyane, par l'effet conjugué de l'augmentation de leurs dépenses et de la baisse de leurs recettes, reste préoccupante ce qui limite leur potentiel d'action. A cela s'ajoute un réseau de transport collectif aujourd'hui a minima. Face à ce constat et notamment à cette pénurie endémique de logements, la mission considère que la création d'une opération d'intérêt national (OIN) en Guyane est opportune. Elle devra prendre la forme d'une OIN multi sites. La mission considère que deux territoires prioritaires en matière d'OIN se dégagent. Le premier est constitué, à l'Ouest de ce département de la ville de Saint-Laurent-du-Maroni. Le second est celui de la Communauté d'agglomération du Centre Littoral (Ile de Cayenne et axe RN1). Cette OIN, de type éco-OIN, ne saurait prospérer sans lier sa dimension logement à un plan combinant transports et développement économique dans une logique de gestion raisonnée de l'espace. Pour mener à bien ses opérations l'OIN devra s'appuyer sur un outil d'aménagement performant. Pour ce faire l'Établissement Public d'Aménagement de la Guyane (EPAG) devra être renforcé. Enfin la mission recommande d'inscrire l'OIN dans une vision stratégique consensuelle et partagée entre l'État et les collectivités territoriales sur ses objectifs et ses moyens. Il est proposé, à cet effet, de créer un comité de pilotage de l'OIN.
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Introduction
La Guyane est la région française qui connaît la plus forte croissance démographique 1. Il serait plus juste d'évoquer une explosion démographique puisque le territoire va voir sa population doubler en trente ans. Ce phénomène n'est pas sans rappeler le contexte des années 1960/1970 en métropole associant le baby-boom et le retour de populations d'Afrique du nord. Il n'a pas d'équivalent si ce n'est à Mayotte, collectivité d'Outre-mer devenue département le 31 mars dernier. En Guyane, deux pôles principaux retiennent l'attention : le Centre Littoral ou « Grand Cayenne » et Saint-Laurent-du-Maroni. Tous les deux sont situés au nord du territoire, dans la bande littorale. Cayenne se situe au centre de cette bande, Saint-Laurent à l'Ouest, à la frontière avec le Suriname. Ces deux pôles urbains concentrent 85 % du besoin de logement de la Guyane. Jusqu'à présent, le besoin annuel de logement était évalué à 3000, dont près de 2000 en logements sociaux. La production était en moyenne de 500 par an. De cet écart est né un phénomène très important d'urbanisation illicite et bien souvent insalubre. Or, le traitement de l'habitat insalubre relève d'une politique d'État. Dans le cadre des opérations de résorption de l'habitat insalubre, l'État finance de 80 à 100 % du déficit de l'opération. Devant cette situation, les pouvoirs publics ont réagi : Au vu de l'ampleur des besoins en logements le conseil interministériel de l'outre-mer (CIOM) prévoyait dans ses conclusions du 6 novembre 2009 concernant la Guyane que l'État réalise une étude sur l'opportunité d'une opération d'intérêt national (OIN). Il citait particulièrement le territoire emblématique du Galion au sud de Cayenne en vue de la réalisation de 10.000 logements. La mission de mai 2010 du Conseil Général de l'Environnement et du Développement Durable (CGEDD) relative aux « Orientations pour l'établissement public d'aménagement en Guyane (EPAG) » relançait la question de l'OIN en Guyane. Le conseil régional de la Guyane adoptait en Assemblée plénière du 21 décembre 2010 un plan d'actions intitulé « La stratégie régionale de développement pour la Guyane » qui précisait son souhait, concernant la politique du logement,qu'une étude soit menée en « partenariat avec l'État et les communes pour la mise en place d'une opération d'intérêt national visant à créer plusieurs éco-quartiers au niveau de l'île de Cayenne et de Saint-Laurent-du-Maroni ».
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(3,87 % par an entre 1999 et 2007, +0,7 % sur le plan national).
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Le Président de la République, lors de sa visite en Guyane le 18 février 2010, rappelait que le logement devait devenir une priorité pour la Guyane, qu'il fallait construire 3.000 logements par an2. Le secrétaire d'État chargé du logement s'est rendu sur place fin 2010 et a décidé de présenter un plan logement spécifique pour la Guyane. Par lettre du 11 octobre 2011, le secrétaire d'État chargé du Logement saisissait le Viceprésident du CGEDD afin que soit lancée une mission portant sur l'opportunité et la faisabilité d'une OIN en Guyane. Le 24 octobre 2011, le bureau du CGEDD désignait pour accomplir cette mission MM. Philippe Schmit, membre permanent, et Philippe Bonnal, inspecteur de l'administration du développement durable. Le présent rapport provisoire résulte des travaux effectués par les deux missionnaires du 25 octobre au 31 décembre 2011. Un rapport définitif sera présenté au commanditaire au plus tard le 31 mars 2012. En vue de la confection du présent rapport la mission a été amenée à rencontrer de nombreux interlocuteurs guyanais à Paris. La poursuite de la mission en Guyane, début 2012, donnera l'occasion, entre autres, d'une analyse in concreto des sites à enjeux et des outils d'aménagement.
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La production annuelle de logements livrés se situe entre 500 et 700
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1. La Guyane : un territoire confronté à de nombreuses difficultés
1.1. Une forte croissance démographique
La Guyane va connaître dans les prochaines années et les prochaines décennies une explosion démographique. Elle comptabilisait 213.029 habitants en 2007 et serait à près de 230.000 aujourd'hui. Selon l'INSEE, la population du département devrait atteindre 574 000 habitants en 20403. Elle deviendrait, à partir de 2030, la deuxième région la plus peuplée des collectivités d'Outre-mer après la Réunion, devançant la Guadeloupe et la Martinique.
évolution de la population de la Guyane de 1961 à 2003 en centaine de milliers d'habitants
L'augmentation de 361 000 habitants entre 2007 et 2040 conduit naturellement à s'interroger sur la capacité des acteurs territoriaux à produire les logements dignes nécessaires à l'accueil de cette population. Une étude récente de la DEAL rappelle que la Guyane devrait compter 305 000 habitants en 2017, avec un taux de croissance annuel estimé à 3,65% entre 2007 et 2017.
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Voir INSEE Antilles Guyane « Premiers résultats » n°71 de janvier 2011
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1.2.
Une réponse en offre de logements très insuffisante
Les différentes études disponibles convergent pour considérer que la Guyane a besoin pour traiter son flux de demandes d'environ 3600 logements neufs par an dans les six prochaines années. Sur le territoire de la Communauté de Communes du Centre Littoral (CCCL), le besoin de construction était évalué à 1.900 logements par an pour les années 2005-20114. Pour la même période, il était estimé à 600 logements pour l'Ouest Guyanais et à 450 pour le Pays des Savanes (Kourou, Sinnamary et Saint-Élie), enfin à 60 pour l'Est Guyanais. La DEAL a réactualisé récemment ses estimations 5 (2011-2017) portant les objectifs annuels de la Guyane à 3.600 logements dont 2.000 pour la CCCL 6 (2.500 à 3.000 logts/an à compter de 20307), 1.100 pour l'Ouest Guyanais (2.000 logts/an à compter de 2030), à 450 pour le Pays des Savanes et à 90 pour l'Est Guyanais8. Ces chiffrages ne prennent pas en compte les besoins de reconstruction des logements dégradés ou la politique qui pourrait être menée par ailleurs pour éradiquer l'habitat indigne existant.
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Le PLH de décembre 2008 propose de retenir un rythme de 1920 logements par an de 2008 à 2015 répartis à moitié pour du locatif, à moitié pour de l'accession « besoins en logements et modes d'aménagement en Guyane » DEAL de Guyane 8 septembre 2011 devenue communauté d'agglomération depuis le 1er janvier 2012, elle se situe au centre de la bande littoral et comprend Cayenne Résultat de l'étude menée par le cabinet Tertio pour le compte de la DEAL. Elle chiffre à 60000 logements le besoin pour le seul territoire de la CCCL à horizon 2040. L'Ouest Guyanais représente ici les villes du fleuve Maroni et principalement Saint-Laurent du Maroni, le Pays des Savanes est situé autour de Kourou tandis que l'Est est constitué par les communes limitrophes du Brésil sur le fleuve Oyapock
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En 2008, le territoire comptait 61 511 logements (soit un ratio de 3,56 personnes par logement). Avec ce seul ratio, le besoin en 2040 serait de 161 235 logements soit 99 724 de plus qu'en 2008. Pour réussir le pari du logement en Guyane, il faudrait ainsi produire 3.600 logements dont au moins 2000 logements sociaux9 par an en moyenne pendant les trente prochaines années. Or la production actuelle se situe entre 500 et 700 logements par an alors que les projets identifiés permettraient de produire, même si cela resterait encore insuffisant, d'ici à 2017 entre 2000 et 2700 logements par an10. Compte tenu des besoins actuels et des difficultés à produire des logements en nombre suffisant, l'essentiel de l'habitat construit chaque année résulte d'édifications sauvages facteur d'étalement urbain conséquent. Selon l'Institut d'émission des départements d'Outre-mer (IEDOM) le nombre de logements insalubres ou illicites serait de l'ordre de 19.00011. Cette estimation est à rapprocher du nombre de demandes de logements sociaux non satisfaites soit 13.000 et du pourcentage de la population éligible à ce type d'habitat soit 80 % de la population guyanaise.
1.3.
Une population en voie de paupérisation
En 2009 la répartition par tranches de revenus des ménages guyanais était très dissemblable de celle constatée en métropole12. Ainsi plus de la moitié des ménages disposait d'un revenu inférieur à 9.400 contre seulement 24, 9 % en métropole. En 2010, les bénéficiaires du RMI13 représentent 14 % de la population. Le taux de chômage en Guyane s'établissait au titre de la même année à 21 % de la population active selon la dernière enquête emploi de l'Insee. Ce chiffre est à comparer au taux national (hors Dom) de 9,5 % au 1er trimestre 2010. En outre le nombre de bénéficiaires de l'assurance chômage a progressé de 10,7 % entre 2009 et 2010 confirmant la dégradation structurelle du marché de l'emploi. Cette population en situation de précarité vit par ailleurs assez fréquemment dans un habitat insalubre.
9 10
Note expresse n° 65 (janvier 2010) de l'Institut d'Emission des départements d'outre-Mer (Iedom) Estimation réalisée par le cabinet Urbanis pour la Deal dans le cadre d'une étude d'octobre 2011 « Quelle production de logements pour la Guyane ? Objectifs qualitatifs et quantitatifs 2011-2017 » Les différentes sources convergent pour estimer à 16 000 le nombre d'habitats insalubres Rapport de l'IEDOM Guyane édition 2011 Cette approche représente en fait la notion de chefs de famille
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11
1.4.
Un développement économique insuffisant
Si l'économie guyanaise dispose d'atouts considérables (secteur spatial, gisements aurifères et peut-être pétroliers, agriculture) sa stratégie de développement est aujourd'hui peu lisible. Pourtant, elle s'avère prospère avec des taux de croissance élevés et un niveau important d'investissement des entreprises, preuve d'une confiance en l'avenir. Il n'en demeure pas moins que le PIB par habitant s'établissait autour de 47 % du revenu moyen (national) en 2009. Sa croissance est par ailleurs en grande partie absorbée par l'augmentation de sa population. Avec un tissu de micro-entreprises très développé et moins de 50 entreprises ayant plus de 50 salariés, l'économie guyanaise reste encore familiale et souvent résidentielle. L'activité informelle emploie au moins 4.000 personnes. Le commerce en développement et le tourisme pas assez structuré constituent des atouts. L'agriculture pourrait être encore davantage valorisée tout comme la filière forestière. Les échanges commerciaux, notamment via l'activité portuaire, constituent également un potentiel, même si la main d'oeuvre à bas coût, notamment au Suriname, rend très vulnérable l'économie des ports Guyanais. Le pôle de l'île de Cayenne réussit à se structurer économiquement en raison de l'attrait que représente la ville préfecture, de l'importance de sa population (économie résidentielle) et du fort développement en cours de son activité tertiaire, notamment commerciale. Le reste du territoire est moins bien loti. L'ouest reste cantonné à des échanges avec le Suriname (importations légales ou non). Le tourisme reste balbutiant. Le poids de l'administration avec 2000 emplois publics à Saint-Laurent-du-Maroni assure aujourd'hui une part importante des flux économiques. L'agriculture est principalement située à l'Ouest, mais elle décline depuis dix ans. Or, ce territoire va accueillir de nombreux actifs et paraît manquer de capacité à porter seul un projet de développement économique (actuellement non formalisé) indispensable à son avenir. Cela conduit la mission à considérer l'importance d'inclure dans l'OIN qu'elle étudie de prendre particulièrement en compte un volet économique, considérant que la stratégie économique des acteurs publics et privés reste très insuffisante au regard du besoin.
1.5.
Un réseau de transports à améliorer
Avec un réseau de transport collectif a minima, la Guyane doit dans ce domaine construire une stratégie afin de réduire l'usage généralisé de la voiture individuelle et préserver le territoire de la pollution que ce moyen de transport génère.
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En l'état actuel, les transports collectifs se limitent à ceux de la ville de Cayenne, gérés par le syndicat mixte des transports collectifs. La création d'une communauté d'agglomération du « Centre littoral » depuis le 1er janvier 2012 devrait faciliter l'extension du réseau. Le reste du département est couvert par les transports scolaires ou par des déplacements plus informels comme les taxis privés ou encore les pirogues utilisées notamment pour naviguer sur le Maroni en reliant Saint-Laurent à Maripasoula. Le coût des déplacements est devenu prohibitif en raison de l'absence d'infrastructures. Un aller et retour entre Cayenne et Saint-Laurent-du-Maroni par les transports collectifs coûte 70 euros. A l'issue d'un rapport du CGEDD relatif au Plan global de transports et de déplacements de la Guyane, les différents acteurs du territoire ont entrepris de planifier et de programmer les moyens de développer une architecture cohérente de desserte des principaux sites. Cela générera des investissements aujourd'hui non programmés et des besoins de ressources dont le département ne dispose pas. La collectivité unique qui se substituera en 2014 aux conseils général et régional sera impliquée. La future armature du réseau de transports devrait traiter en priorité l'accessibilité de Cayenne et la liaison entre la ville préfecture et Kourou. S'il n'entre pas dans le champ de la mission de se prononcer sur les réseaux envisagés, il convient de rappeler que tout aménagement en dehors de zones bordant des routes à grande circulation et distantes des principaux pôles d'activités occasionnerait des coûts d'infrastructures importants alors que la Guyane doit déjà répondre à des dysfonctionnements considérables. L'entrée à Cayenne le matin en provenance d'une des communes périphériques prend environ 45 minutes compte tenu de la congestion du réseau routier.
1.6.
Une situation des finances locales préoccupante
La Cour des comptes dans son rapport du 11 juillet 2011 14 estime que l'état des finances des communes et des autres collectivités territoriales de Guyane est préoccupant et tend à se dégrader. Cette situation s'explique dans la plupart des cas par une croissance plus rapide des charges de fonctionnement que des produits, quel que soit le type de collectivités concernées. Ainsi l'analyse des finances de la Région 15 fait apparaître au titre de l'exercice 2009 une épargne en net recul comparée à celle de 2008 respectivement de -22,6 % pour l'épargne brute et de -23,7 % pour l'épargne nette. Avec un encours de dette qui a sensiblement augmenté (+ 62,8% en 2009) la capacité de désendettement de la Région s'en est trouvée fortement dégradée.
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Cour des comptes Rapport public thématique du 11 juillet 2011 sur « la situation financière des communes des départements d'Outre-Mer » Iedom : Rapport annuel 2010 sur la Guyane
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S'agissant des finances du département il est constaté que sa capacité d'autofinancement 16 a fortement diminué en 2009 (- 68,2 %) en raison de la croissance de ses dépenses de fonctionnement (+ 12 %). Les possibilités de désendettement du département se sont sensiblement dégradées. Les finances des communes et celles des communautés de communes sont tout aussi préoccupantes. Leur capacité d'autofinancement s'inscrit en forte baisse pour l'année 2009 (- 207,4 % pour les communes et 60,5 % pour les communautés de communes) ce qui a pour conséquence une dégradation de leur capacité de désendettement. Enfin, la Cour des comptes souligne dans son rapport récent qu'au regard de la fiscalité directe locale un nombre non négligeable de biens échapperait à la taxation du fait de l'existence de constructions illégales, en nombre indéterminé mais estimé important. S'ajoutent les incertitudes sur la propriété de certains immeubles bâtis ou non bâtis, des constructions sur sol d'autrui et des problèmes d'adressage postal. La direction régionale des finances publiques (DRFIP) de Guyane estime que cette absence de taxation représente une perte de recettes annuelles de 12 M pour les communes. A cet effet, il est rappelé que le CIOM du 6 novembre 2009 fixe comme objectif l'amélioration de l'assiette et du recouvrement de la fiscalité locale dans les départements d'Outre-mer, en particulier en Guyane.
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Recettes de fonctionnement dépenses de fonctionnement
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2. Opportunité du lancement d'une OIN
Le lancement d'une Opération d'intérêt national est encadré par des règles de forme et de fond. Le code de l'urbanisme dans ses articles L.121-2 et L.121-9-1 précise les conditions de création d'une OIN. Le premier article se borne à définir le rôle de l'État dans l'élaboration des documents d'urbanisme en soulignant : « Dans les conditions précisées par le présent titre, l'État veille au respect des principes définis à l'article L. 121-1 et à la prise en compte des projets d'intérêt général ainsi que des opérations d'intérêt national ». Le second article dispose : « Des décrets en Conseil d'État déterminent, en tant que de besoin, les conditions d'application de la présente section. Ces décrets arrêtent notamment la liste des opérations d'intérêt national mentionnées à l'article L. 121-2. ». Il renvoie par conséquent au décret la fixation de la liste des opérations retenues comme OIN. Ce décret est pris en Conseil d'État. L'opération d'intérêt national est citée par les articles L 121-2 et L 121-9-1 du même code. Depuis le décret du 30 décembre 1983, les OIN sont créées par un décret en Conseil d'Etat17. Chaque opération figure sur la liste de l'article R.121-4-1 du CU. Ces éléments juridiques conduisent donc à s'interroger sur les critères indispensables pour pouvoir qualifier d'intérêt national une opération. La doctrine établit pour ce faire une analogie dans l'analyse des points de droit entre les OIN et les projet d'intérêt général (PIG) puisqu'il s'agit d'apprécier globalement l'intérêt d'une opération pour la Collectivité, son utilité publique. Dans le cadre des PIG, le juge examine alors l'espèce selon la théorie dite du bilan. Comme le précise le commentaire de l'arrêt de référence18 publié sur le site du Conseil d'État, « une opération ne peut être légalement déclarée d'utilité publique que si les atteintes à la propriété privée, le coût financier et éventuellement les inconvénients d'ordre social qu'elle comporte ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente. ». La théorie du bilan nécessite donc dans l'appréciation du contenu des projets et des finalités poursuivies. L'autorité initiatrice doit donc considérer d'un côté les avantages du projet et de l'autre ses inconvénients afin de déterminer si l'utilité publique de l'opération est fondée. Le juge refuse de s'exprimer sur l'opportunité des sites d'implantation.
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Le décret en fixe le périmètre Conseil d'Etat : 28 mai 1971 Ville Nouvelle-Est
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2.1.
Quels critères pour constituer une OIN ?
Si la loi ne mentionne pas de critères spécifiques nécessaires à la création d'une OIN, il est aujourd'hui établi que deux éléments au moins doivent figurer dans le dossier présenté au Conseil d'Etat : la dimension stratégique du projet d'une part, la volonté politique de l'État concrétisée par des engagements précis, notamment financiers. Le contexte de l'opération est pris en compte soit parce qu'elle vise à promouvoir la dynamique d'un territoire considéré comme stratégique (plateau de Saclay, Euroméditerranée ou La Défense19), soit parce qu'elle vise à la restructuration de territoires dégradés et récessifs (OIN de Saint-Etienne ou Alzette-Belval20) La crise grave qui affecte la Guyane en matière de logement, l'explosion démographique attendue, la faiblesse des moyens dont disposent les acteurs locaux pour affronter cette situation définissent notamment le territoire à enjeu dans lequel l'État entend mener une stratégie spécifique. Les sites retenus in fine par la mission correspondent à ceux qui enregistrent la plus forte croissance démographique. Par ailleurs, l'annonce d'un plan logement exceptionnel et la libération de foncier important lui appartenant révèlent la volonté forte de l'État d'attribuer des moyens exceptionnels pour résoudre la crise du logement en Guyane. Le Conseil régional et les maires des communes concernées manifestent leur souhait d'accompagner l'État s'il venait à s'engager dans ce sens.
2.2. Une capacité locale de production de logements limitée
Historiquement en Guyane, la SIGUY et la SIMKO ont produit l'essentiel du logement social21. Un troisième opérateur aujourd'hui dissous22, la SA HLM de Guyane contribuait également à la création d'une offre nouvelle. Devant la difficulté à produire des logements en nombre suffisant, les pouvoirs publics locaux ont appelé de nouveaux opérateurs à travailler en Guyane. Depuis 2005, la SEMSAMAR intervient essentiellement pour des opérations de RHI 23. Deux autres opérateurs sont annoncés : les Caisses d'Epargne via une de leurs filiales et Bouygues Immobilier.
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Décret n°2009-248 du 3 mars 2009 pour le plateau de Saclay, décret n°95-1103 du 13 octobre 1995 pour Euroméditerranée, décret n°2010-744 du 2 juillet 2010 pour la Défense
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Décrets n°2007-89 du 24 janvier 2007 puis n°2007-783 du 10 mai 2007 pour Saint-Etienne et Décret n°2011-414 du 18 avril 2011 pour Alzette-Belval, Selon l'étude réalisée par le cabinet Urbanis pour le compte de la Deal en octobre 2011 « quelle production de logements pour la Guyane ? Objectifs qualitatifs et quantitatifs 2011-2017 » le nombre de locataires HLM en 2007 était de 6.702. Avec 3966 locataires en situation d'impayés pour un patrimoine de 4 .000 logements la SA HLM de Guyane a été dissoute. Son patrimoine a été transféré à trois SEM : la SIGUY (1.000 logements), la SIMKO (1.500 logements) et la SEMSAMAR (1.500 logements), source ib n°5 La SEMSAMAR vient de se voir confier la responsabilité d'une des tranches de la ZAC Saint-Maurice à Saint-Laurent du Maroni
21
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16
Par ailleurs, compte tenu de l'évolution des besoins, l'établissement public d'aménagement de Guyane (EPAG) vient d'ouvrir une antenne constituée à SaintLaurent-du-Maroni de deux personnes. Cet établissement était pour l'essentiel présent sur le territoire de la communauté de communes du centre littoral. Il dispose également de la fonction essentielle d'établissement public foncier et reçoit à ce titre la taxe spéciale d'équipement (TSE).
2.3. Les réflexions engagées pour faire face à cette demande
Les acteurs guyanais de l'aménagement, l'EPAG et la SENOG portent déjà certaines opérations de grande ampleur visant à apporter une réponse à la demande actuelle et future. La SEMSAMAR récemment implantée intervient de manière marginale sur ce type d'opérations. La SENOG a rencontré des difficultés financières dont elle n'est pas sortie. Cela altère sa capacité d'intervention dans le secteur de Saint-Laurent-du-Maroni et des environs. L'EPAG de son côté a su tisser des relations privilégiées avec les collectivités locales en développant pour elles des projets de qualité. Le palmarès des éco-quartiers décerné en décembre 2011 comprend l'un des projets de l'EPAG, la ZAC Vidal à RémireMontjoly.
2.4. L'incidence d'un rôle accru de l'Etat dans les politiques d'aménagement
Le statut d'OIN confère à l'État un rôle particulier en matière d'aménagement puisque les communes ou EPCI compétents n'exercent plus leurs attributions en matière d'autorisations d'urbanisme (permis de construire, d'aménager, de démolir et déclarations préalables) en application du c de l'article L 422-2 du C.U.. Ils ne disposent plus de la possibilité de créer des ZAC. Celles-ci sont réalisées à l'initiative de l'État, après avis de la commune ou de l'EPCI (article L. 311-1, al.3 du CU). Ils perdent également la faculté de prendre en considération des opérations d'aménagement à l'intérieur du périmètre de l'OIN et par conséquent de disposer du sursis à statuer (art L.111-10 du code de l'urbanisme). La création de l'OIN attribue au préfet ces compétences jusque-là décentralisées.
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Les collectivités territoriales ne sont pas totalement dépossédées de prérogatives sur le périmètre de l'OIN. Les documents d'urbanisme, le SAR, le SCOT, le PLU et la carte communale, restent en effet des compétences exclusives des élus. Ceux-ci doivent néanmoins s'assurer que les documents d'urbanisme qu'ils élaborent permettent la réalisation des objectifs poursuivis par l'OIN. L'État peut, en cas de besoin assortir de la qualification de projet d'intérêt général une ou plusieurs opérations incluses dans une OIN conduisant ainsi à une modification ou à une révision des documents d'urbanisme.
2.5.
Des élus impliqués et volontaristes
Le besoin de production de logements est au coeur des stratégies territoriales actuelles. Le plan stratégique du conseil régional de Guyane, adopté en décembre 2010 précisait24 : « étude en partenariat avec l'État et les communes pour la mise en place d'une opération d'intérêt national visant à créer plusieurs éco-quartiers au niveau de l'île de Cayenne et de Saint-Laurent du Maroni » Un SCOT porté par la Communauté de Communes du Centre Littoral, (CCCL), est venu définir pour un territoire centré sur l'île de Cayenne une stratégie dite du « collier de perles » montrant ainsi l'intention des élus de développer des pôles urbains aptes à accueillir les populations attendues. Les sites visés par le SCOT sont ceux de Tonate, Soula-Maillard, Savane-Marivat, Montsinéry-Tonnégrande, Le Galion, Roura ainsi que la poursuite des opérations en cours à Cayenne, Rémire-Montjoly et Matoury.
24
Plan stratégique du Conseil régional « une stratégie pour la Guyane janvier 2011 » page 15
18
Cette structuration du territoire a été validée dans le cadre du SCOT de l'île de Cayenne élaboré par la Communauté de Communes du Centre Littoral. Elle repose sur un développement multi-polaires faisant notamment apparaître la création d'une ville nouvelle d'environ de 14 000 logements 25 sur le site du Galion (commune de Montsinéry-Tonnégrande principalement).
Carte des opérations en cours ou en projet sur l'île de Cayenne (source travaux du SCOT de la CCCL)
25
Hypothèse prise en compte dans le plan d'aménagement et de développement durable du SCOT de la CCCL page 15
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3. Faisabilité d'une OIN
3.1. Le périmètre concerné
Les récentes études sur la localisation des besoins de logement mentionnent la prochaine explosion démographique du secteur Ouest du département. La ville de SaintLaurent-du-Maroni qui comprend 35.631 habitants en 2008 est appelée à une croissance très rapide (croissance actuelle +8,4%/an). La ville pourrait avoir 71.000 habitants en 2020, 150.000 à l'horizon 2030. Ce phénomène nouveau mérite d'être pris en compte. Le Conseil régional de Guyane mentionne la mise en place d'une OIN aussi à SaintLaurent-du-Maroni dans sa délibération de décembre 2010. Les récents travaux de la DEAL conduisent à renforcer également l'évaluation du besoin de production de logements (+100/an) sur le territoire de la CCCL et de (+500 logements/an) sur le territoire Ouest. La mission souligne que cette évolution ne prend pas les mêmes formes selon les territoires. L'ouest guyanais accueille davantage de populations d'implantation récente, de culture moins urbaine que la zone créole de l'île de Cayenne. Ce territoire spécifique nécessite une adaptation des règles et des procédés constructifs. Elle pourrait prendre la forme d'un habitat intermédiaire entre l'habitat auto construit et un habitat plus classique (LES ou LLS). La mission considère que ces deux territoires doivent être considérés comme prioritaires car l'urgence de réalisation des logements et les conditions d'appropriation foncière exigent une intervention exceptionnelle pour répondre à la demande. La question de l'existence de plusieurs périmètres au sein d'une OIN s'est déjà posée. L'OIN créée par le décret du 20 juillet 2005 relatif à la société Aéroports de Paris identifie les trois sites de Roissy-Charles de Gaulle, Orly et le Bourget comme sites de l'OIN. Par ailleurs, dans des décisions plus récentes, le gouvernement a pris en compte, au sein d'un vaste secteur, plusieurs périmètres localisés permettant ainsi de ne pas ôter aux maires des communes concernés l'intégralité de leurs pouvoirs en matière de délivrance des actes d'urbanisme ou de création de ZAC. La réduction des prérogatives municipales est alors limitée au périmètre envisagé pour l'opération.
20
3.2.
Les obstacles physiques et environnementaux
La Guyane est un territoire vaste comme le Portugal composé principalement de forêt (90% du territoire en forêt primaire). La bande littorale située au nord qui accueille l'essentiel de l'habitat est fortement contrainte. La mangrove y est fortement développée. Elle bloque parfois le développement urbain comme à Kourou. Les zones inondables sont nombreuses en raison du risque de submersion marine ou fluviale. A ces nombreux obstacles physiques, il convient d'ajouter ceux que l'extraordinaire biodiversité guyanaise fonde et le droit d'usage instauré au profit de certaines communautés par une forme de coutume dans certaines parties du territoire, notamment à l'ouest. Si la richesse des espèces naturelles est souvent rappelée en ce qui concerne le centre et le sud du département, elle est également très présente sur la bande littorale et impose donc, par la reconnaissance d'espaces naturels à protéger et/ou d'écosystèmes identifiés comme remarquables, des sujétions spécifiques. Par ailleurs, la bande littorale accueille deux parcs naturels, quatre réserves naturelles et un site protégé par un arrêté de biotope. Selon une étude menée en octobre 2011 pour la DEAL26, la réalisation du plan logement en Guyane dans les vingt prochaines années aurait pour conséquence la mutation de près de 3000 hectares. Ceux-ci sont actuellement laissés, pour l'essentiel, à la nature. Le SCOT de la CCCL a établi les potentialités d'urbanisation sur son territoire. En l'état actuel et hors site du Galion, les communes de l'EPCI sont susceptibles de mobiliser 1.250 hectares pour du logement soit un potentiel de 37.000 logements. La réflexion menée notamment par l'EPAG sur le site du Galion résultait du choix de rechercher un site d'urbanisation sans contrainte majeure.
3.3.
Les acteurs territoriaux concernés
Les 22 communes de Guyane ne sont pas toutes concernées par une éventuelle OIN. Seule la bande littorale située de la frontière avec le Suriname à celle avec le Brésil représente un enjeu pour les prochaines décennies en terme de production de logements et d'activités. La mission a rencontré huit maires directement concernés, une députée, de nombreux cadres et décideurs de Guyane. Elle entend prochainement avoir un échange avec les milieux économiques (CCI et agence régionale de développement) et avec les autorités régionales et départementales.
26
Étude Urbanis octobre 2011 p 56
21
A ce stade, les missionnaires ont acquis une double conviction : sur l'île de Cayenne, les élus estiment disposer des moyens nécessaires pour réaliser des ZAC dédiées principalement au logement sans qu'un dispositif exceptionnel de réduction des compétences d'urbanisme accordées au maire soit nécessaire. La demande exprimée est de mettre en oeuvre les orientations du SCOT. L'urbanisation du site du Galion ne leur paraît pas nécessaire avant de longues décennies. Dans l'Ouest, les élus exposent leur quasi impossibilité de relever le défi, même lorsqu'ils disposent d'outils ou d'expériences en matière d'aménagement. L'intervention d'une OIN est reçue par plusieurs maires dont celui de Saint-Laurent-du-Maroni comme indispensable.
3.4. Les moyens nécessaires à la réussite d'une OIN : l'existence d'un établissement public d'aménagement de l'État
La création ou l'existence d'un établissement public d'aménagement d'État est, dans la plupart des OIN rencontrées, une condition à la mise en oeuvre de la stratégie que représente une OIN. En Guyane, l'État dispose d'un établissement public d'aménagement, l'EPAG. Celui-ci a été créé, conformément aux dispositions de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 modifiée, par un décret n° 96-954 du 31 octobre 1996. Son périmètre d'intervention géographique est l'ensemble du territoire de la Guyane et ses compétences suivantes : « 1° Constituer des réserves foncières en prévision d'actions ou d'opérations d'aménagement ayant en
priorité pour objet de mettre en oeuvre une politique locale de l'habitat et de lutter contre l'habitat insalubre ; à cette fin, il est habilité à procéder ou à faire procéder à toutes acquisitions immobilières. Il peut procéder aux actions ou opérations d'aménagement des terrains ainsi acquis ; il peut procéder à des cessions des terrains aménagés, après avoir recueilli l'avis du service des domaines ; 2° Passer au nom de l'État, selon des modalités définies par la convention prévue au premier alinéa de l'article L. 91-1-1 du code du domaine de l'État, les contrats de concession et cession mentionnés audit article, dans les conditions prévues par les articles R. 170-31 à R. 170-46 du même code ; 3° Réaliser, selon des modalités définies par la convention prévue au deuxième alinéa de l'article L. 911-1- du code du domaine de l'État, des travaux d'aménagement rural sur les terres qui lui sont concédées et cédées par l'État, et concéder ou céder, après leur aménagement, les terres dont il est propriétaire, dans les conditions prévues par la convention mentionnée au second alinéa de l'article L. 91-1-1 du code du domaine de l'État. ».
L'établissement a rencontré des difficultés de fonctionnement à partir de 2005. Un contrat de recapitalisation lui a permis de réengager son activité d'aménageur en 2007. Puis, en 2009-2010, il a perçu une subvention exceptionnelle de 5 M pour lui permettre de poursuivre ses missions.
22
Il a fait ensuite l'objet d'une restructuration à la suite du rapport du CGEDD « Orientations pour l'établissement public d'aménagement en Guyane (EPAG) 27». Ce document propose de « centrer l'EPAG sur l'aménagement en compte propre d'une dizaine
d'opérations dans l'agglomération de Cayenne, activité nécessitant de disposer d'environ 20 M de financement stable, offrir des prestations de service aux bourgs régionaux en matière de création de foncier aménagé pour l'habitat, appui à l'aménagement du territoire, à financer à ce titre par convention avec la Région (voire le Département), initier des prestations d'ingénierie foncière, justifiées par la perception actuelle d'une taxe spéciale d'équipement, en prévision de la création éventuelle d'un établissement public foncier guyanais, limiter l'intervention dans la production de foncier agricole, métier différent de celui de la fabrication de la ville dans un pays en construction. »
situation du compte de résultat de l'EPAG de 2006 à 2011 source EPAG Dans l'hypothèse où une OIN serait créée, l'EPAG aurait un rôle primordial à jouer. L'établissement disposait de 24 agents (ETP) fin 2010. Ce même exercice s'achevait par le rétablissement de ses comptes puisqu'il affichait pour la deuxième année consécutive un résultat net positif. Une nouvelle stratégie de l'établissement a été affichée qui conduit à le structurer pour accroître son activité et sa couverture du territoire28. Les effectifs devaient être portés fin 2011 à 36 ETP. L'établissement dispose d'une crédibilité reconnue autour de Cayenne. Il affiche une production envisagée à Macouria (ZAC de Soula / 2.600 logements sur 395 ha à 15 km de Cayenne), à Cayenne (ZAC Hibiscus/ 1.321 logements et chambres d'étudiant sur 25 ha à 1,5 km du centre ville ), à Matoury ( Les Barbadines II, 11 logements) et ZAC de la Chaumière (150 logements sur 13,2 ha), à Rémire-Montjoly (ZAC éco-quartier Vidal 1.400 logements sur 78 ha) et à Montsinéry (ZAC du Bourg 674 logements sur 69 ha). Il est également présent dans l'Ouest à Mana (Coté Javouhey 46 parcelles/logements).
27 28
Rapport n°007254-01 de mai 2010 de François Wellhoff et Hervé Mainaud L'ordonnance du 8 septembre 2011 n° 2011-1068 relative aux établissements publics fonciers et aux établissements publics d'aménagement ne concerne pas l'EPAG puisqu'il reste régi par les textes en vigueur avant la publication de l'ordonnance et ce jusqu'au 1er janvier 2016 (article 2 de l'ordonnance)
23
Les opérations menées par l'établissement représentent en stock fin 2011, 6200 logements produits ou envisagés. L'importance de la ZAC Soula et les difficultés de sa réalisation ont conduit l'EPAG à rechercher un accroissement du nombre des opérations prises en compte. Le projet d'aménagement du site du Galion à Montsinéry-Tonnegrande s'inscrivait dans cet objectif. Il semble aujourd'hui ajourné compte tenu de la position prise par le Conseil d'administration de l'EPAG le 9 décembre 2011 refusant les acquisitions foncières projetées sur le site du Galion. Son plan stratégique adopté en décembre 2010, amendé le 15 mars 2011 prévoit pour la période 2011-2016 la réalisation d'aménagements permettant la construction de 3.900 logements. La mission analysera dans son rapport définitif les moyens de l'EPAG au regard des objectifs de production de foncier aménagé en Guyane et de sa capacité tant technique que financière à mener à bien les opérations envisagées dans le cadre de la future OIN.
24
4. Propositions de la mission
4.1. L'OIN est une réponse adéquate à la situation guyanaise
La création d'une opération d'intérêt national se justifie lorsqu'un territoire constitue un enjeu stratégique et lorsque les autorités locales ne peuvent seules relever ce défi. La Guyane affronte une crise du logement sans précédent depuis plus de vingt ans. L'explosion démographique conjuguée avec la difficulté de production de foncier aménagé ne permet pas de répondre au besoin de logement. Cette situation ne connaîtra pas d'inversion de tendance dans les trente prochaines années. La dualité de la société guyanaise entre ceux qui disposent d'un habitat de qualité et ceux qui vivent dans la plus grande précarité en matière de logement (bidonville) n'est non seulement pas admissible dans l'une des grandes puissances mondiales. Par ailleurs, elle constitue le ferment d'une insécurité publique alors que la Guyane dispose déjà d'un taux de délinquance des plus élevés des départements français. L'absence d'ingénierie, l'insuffisance des capacités d'aménagement des acteurs présents justifient qu'une stratégie nationale soit mise en oeuvre. Elle combinerait le renforcement des moyens publics d'État en matière d'aménagement et la gestion directe de certains projets conçus pour apporter une réponse quantitative puisque le département ne produit actuellement que le 6ème des logements nécessaires.
4.2. L'OIN doit lier plan logement, plan transports et un aménagement pertinent du territoire dans une logique de gestion économe de l'espace
L'OIN envisagée par la mission ne saurait se baser sur la seule composante logement. En effet, l'importance des besoins, les localisations possibles, les distances entre pôles urbains et la recherche d'une vie locale endogène, modèle de ville durable exigent de penser la ville dans sa complétude. A cet effet, la mission recommande en l'absence de schéma d'aménagement régional (SAR) opérationnel29 de définir dans un cadre partenarial avec le conseil régional, le conseil général, les EPCI et les communes concernées une vision 2040 du territoire. Celle-ci vise à éviter l'engagement de politiques ambitieuses dans des zones d'urbanisation nouvelle sans avoir au préalable remédié aux dysfonctionnements urbains que la société guyanaise rencontre déjà.
29
Le schéma d'aménagement régional actuellement applicable date de 2002. Il fait l'objet d'une procédure de révision depuis 2005
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Il apparaît ainsi à la mission que la question de l'armature de transports collectifs accessibles à tous est primordiale et qu'elle doit conditionner l'évolution du territoire. Les dysfonctionnements constatés, notamment à l'approche de la ville de Cayenne, aux heures de mouvements pendulaires doivent faire l'objet d'investissements importants compte tenu de la croissance annoncée de la population dans les dix prochaines années. La mission menée par le CGEDD « plan des déplacements pour la Guyane »30 a débouché sur le besoin d'engager rapidement un « Plan global de transports et de déplacements de la Guyane»31. Ce document encore à l'étude montre l'urgence à définir une stratégie de long terme sur cette thématique. L'aménagement du territoire devrait être ordonnancé selon le développement de l'offre de transport. Par ailleurs, pour éviter une consommation déraisonnée de l'espace, la mission suggère de dresser le bilan de la densification possible des sites urbains constitués et de localiser de manière préférentielle les zones d'urbanisation dans une logique dite « de doigts de gant », c'est-à-dire autour des lignes de transports. Ces éléments conduisent la mission à ne pas retenir l'aménagement du site du Galion situé à 25 km de Cayenne dans la proposition d'OIN en raison de coûts d'infrastructures de transport et d'aménagement très élevés (infrastructure de transport en commun en site propre à créer et caractéristiques vraisemblablement défavorables des sols). L'importance des mouvements Ouest-Est est déjà constatée de Saint-Laurent-du-Maronie à Cayenne via Kourou. Autour de ces trois pôles de développement, la progression de l'habitat est réelle. Il se situe dans cette bande littorale qui s'étend de part et d'autre de la RN1. Sans situer l'évolution de la Guyane à long terme dans le modèle de la cité linéaire 32, la mission estime, compte tenu des éléments qui lui ont été communiqués, que la tendance naturelle sera confortée dans les prochaines décennies. Elle suggère donc d'inscrire le projet d'OIN dans ce cadre, c'est-à-dire celui d'un développement principalement autour de la RN1, c'est-à-dire sur la bande littorale en concentrant les efforts sur les agglomérations de Saint-Laurent du Maroni et de Cayenne.
4.3. Une OIN multi sites
Les besoins constatés en matière de logements caractérisent la zone de Cayenne comme celle exprimant les besoins les plus élevés (2000 logements par an). L'Ouest autour de Saint-Laurent-du-Maroni évalue son besoin annuel à 1100 logements. La zone de Kourou se situe en troisième position avec un besoin exprimé de 450 logements par an. Cette commune n'est pas retenue par la mission comme devant relever de l'OIN, mais il est suggéré que les pouvoirs publics examinent les aides à lui apporter pour poursuivre son développement et contribuer ainsi à l'effort de logement.
30 31
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Menée par M. Labia, Wellhoff et Jamet en 2010 Mission conduite par M Labia, Jamet et Geffrin en mars 2011 Concept formalisé par l'urbaniste espagnol Arturo Soria y Mata
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La mission, en prenant en compte les opérations déjà engagées sur l'île de Cayenne (souvent concédées à l'EPAG) recommande la mise en oeuvre d'une OIN multi sites. La mission considère qu'une partie du territoire de Saint-Laurent du Maroni est à intégrer dans le projet d'OIN. Il s'agit de permettre à l'horizon 2035 d'avoir doté l'Ouest de la Guyane de 20.000 logements supplémentaires. L'OIN devra intégrer un volet économique indispensable au territoire. Au sein du Centre littoral, l'OIN pourrait porter sur la première couronne de l'agglomération de Cayenne en ciblant des opérations visant au renforcement des infrastructures de transport, à un renforcement des mixités fonctionnelles (Macouria), au développement de la commune de Roura (liaison avec l'Est du département), à la création de nouvelles zones d'urbanisation à Matoury et à Rémire-Montjoly. Ces actions viendraient en complément de celles prévues dans le SCOT de la CCCL (à l'exception du site du Galion dont la mission ne retient pas l'aménagement dans le cadre de l'OIN) pour produire au total près de 40.000 logements dans les 20 prochaines années. En effet, l'absence d'ingénierie y est plus patente que sur le reste du nord du département. La faiblesse des moyens des collectivités locales et la croissance démographique proche de 8%/an à Saint-Laurent justifient particulièrement l'intervention de l'État. La société d'économie mixte de l'Ouest de la Guyane (SENOG) connaît également une situation financière difficile qui l'a conduit récemment à sous-traiter une partie de la ZAC de Saint-Maurice (4000 logements à terme) à la SEMSAMAR, SEM interdépartementale. Le très récent positionnement par l'EPAG d'une antenne locale sur le territoire de l'Ouest guyanais constitue un premier geste en vue d'une intervention de l'État. D'importantes parcelles d'État pourraient être cédées à l'occasion d'opérations d'aménagement. Celle-ci devrait répondre au besoin de logements, mais aussi s'efforcer de positionner la ville sur le terrain économique comme Kourou l'est dans le domaine spatial ou Cayenne dans le domaine administratif. Enfin, la zone de Kourou/Sinnamary est un des points de passage entre Saint-Laurent-du Maroni et Cayenne. Elle s'est organisée en grande partie autour de l'industrie spatiale. La Communauté du Pays des Savanes est susceptible de recevoir une part des logements dont la Guyane a besoin. Il sera proposé de l'exclure de l'OIN car les équipes d'ingénierie et d'aménagement intégrées ou non à la SIMKO paraissent en mesure de porter un projet ambitieux de développement de leur territoire. Des dispositions d'appui à la commune sont nécessaires comme rappelé supra.
4.4.
Une éco-OIN
La ZAC Vidal à Rémire-Montjoly montre la voie. La Guyane connaît avec le développement non maîtrisé de l'habitat informel une évolution semblable à celle de pays sous-développée. A l'opposé, le travail des collectivités locales dans l'île de Cayenne sur le SCOT est intéressant dans la mesure où il matérialise une stratégie de territoire. 27
Lorsque cette logique trouve en l'EPAG un outil opérationnel, les opérations envisagées peuvent s'inscrire dans le registre des opérations modèles post Grenelle de l'Environnement. L'OIN dont la Guyane a besoin doit s'inscrire dans la stratégie des villes durables, celles qui intègrent les fonctionnalités nécessaires à une vie harmonieuse des populations (déplacements, espaces publics de partage, habitat de qualité, développement économique à proximité etc,). Si la notion d'éco-OIN n'est pas formalisée, elle trouve son sens dans un territoire à enjeux écologiques qu'est la Guyane.
4.5.
Une stratégie à mettre en oeuvre
La création d'une OIN exige d'inscrire celle-ci dans une vision stratégique partagée avec le conseil régional de Guyane, avec les élus des principaux sites concernés. Le renforcement des moyens d'État à la gestion de la crise du logement qui affecte le territoire doit s'inscrire dans une stratégie holistique. La mission proposera lors de la remise du rapport définitif le 31 mars 2012 une délimitation des zones pouvant constituer l'OIN multi sites. Pour celles dont la majorité du parcellaire serait possédée par des propriétaires privés, il sera proposé d'engager à court terme la création de pré-ZAD permettant dans un délai de deux ans de fixer le périmètre définitif d'intervention de l'EPAG. L'outil qu'est l'EPAG devra être renforcé pour pouvoir exercer ses compétences d'aménagement dans le cadre des vastes opérations de l'OIN. Un état précis des besoins de l'EPAG sera dressé lors du rapport définitif. La mission a prévu à l'occasion de son déplacement en Guyane du 3 au 11 janvier 2012 d'expertiser les compétences de l'EPAG dans un mode projet OIN. L'OIN ne saurait prospérer sans un consensus sur ses objectifs et sur un partage des moyens permettant de la mettre en oeuvre. La mission recommande la constitution d'un comité de pilotage de l'OIN qui associe à parité les représentants de l'État et les représentants des collectivités territoriales. Il sera proposé de doter ce comité d'un droit de regard sur toutes les opérations d'aménagement de Guyane afin d'ajuster la stratégie que représente l'OIN aux capacités propres des acteurs territoriaux.
28
Conclusion
Au terme de deux mois d'analyse de l'opportunité et de la faisabilité d'une OIN en Guyane, la mission répond par l'affirmative aux deux questions posées. La croissance démographique, l'insuffisance des capacités locales d'ingénierie et d'aménagement, les faibles capacités budgétaires des collectivités territoriales et la grave crise du logement que rencontre la Guyane ne laissent à ce territoire aucune perspective pour assurer à terme un accueil décent de la génération qui arrive ou des migrants qu'il accueille. Le déficit de production de logement qui atteint près de 2000 unités par an conduit à une urbanisation illicite et à la création de bidonvilles ou d'habitats insalubres semblables à ceux des pays sous-développés du reste de l'Amérique latine. Répondre au défi du doublement de la population guyanaise en vingt ans est l'ardente obligation devant laquelle se trouvent les pouvoirs publics. La volonté des élus de réaliser l'urbanisation nécessaire au logement des populations à venir trouve un écho dans les déclarations des autorités nationales de mettre en oeuvre des moyens exceptionnels pour répondre au problème du logement (plan logement Guyane en cours de rédaction). Si la solution de création d'une ville nouvelle au Sud de Cayenne a longtemps été citée comme la plus pertinente, la mission ne la retient pas et prône une autre orientation pour des raisons techniques et d'acceptabilité. L'île de Cayenne a déjà engagé au travers de son SCOT une réponse à la crise. L'État, déjà impliqué, notamment au travers de son établissement public d'aménagement pourrait accroître son intervention en la situant dans la continuité des urbanisations en cours. Elle viserait à la création de 40.000 logements dans l'agglomération de Cayenne, à la mise en oeuvre de réponses aux problèmes d'infrastructures de transport, à une répartition plus pertinente des activités économiques. Par ailleurs, l'explosion démographique constatée à l'Ouest du territoire exige que l'État y apporte dans le cadre de l'OIN sa compétence et ses moyens pour structurer l'offre de logements (production de 20.000 logements à l'horizon 2035) et conduire une stratégie visant à permettre un développement économique conséquent de ce bassin de vie. L'évolution de Kourou (capitale spatiale) et celle de Saint-Georges de l'Oyapock (frontière avec le Brésil) seront à suivre, mais la mission a choisi de concentrer ses propositions sur les territoires connaissant les situations les plus préoccupantes, ce qui n'exclut pas des interventions ponctuelles favorisant le développement de ces communes dans le cadre d'autres dispositifs État que l'OIN.
29
Le déplacement de la mission en Guyane du 3 au 11 janvier 2012 permettra d'évaluer l'implication des différents acteurs du territoire dans une stratégie d'ensemble. Il devrait également apporter à la mission des éléments sur la capacité de l'EPAG à porter une OIN multi sites que la mission préconise de créer à Saint-Laurent du Maroni et sur la bande littorale du nord de l'île de Cayenne, en périphérie directe de la ville préfecture. Cette OIN multi sites devrait être très qualitative pour répondre aux enjeux de la ville durable. Philippe Bonnal Philippe Schmit
Inspecteur de l'administration du développement durable
Inspecteur général de l'administration du développement durable
30
Annexes
31
5. Annexe 1 Lettre de mission
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Conseil général de l'Environnement et du Développement durable 7e section secrétariat général bureau Rapports et Documentation
Tour Pascal B - 92055 La Défense cedex Tél. (33) 01 40 81 68 12/45
www.cgedd.developpement-durable.gouv.fr