Appropriation des enjeux et mise en oeuvre de la directive cadre sur l'eau (DCE) dans le secteur agricole. Enseignements à partir de six études de cas.

MADIGNIER, Marie-Laurence ; JUFFE, Michel ; FEMENIAS, Alain ; BARREY, Guy ; BEDEL, Jean-Alfred ; QUEVREMONT, Philippe ; MARCHANDISE, Patrick ; TSCHITSCHMANN, Eric ; BESEME, Jean-Louis ; BENOIT, Guillaume ; HURAND, Patrick ; CONDE, Josiane ; DEDINGER, Patrick ; MARCHAL, Yves ; MENEROUD, Martine ; VALENSUELA, Daniel

Auteur moral
France. Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux ; France. Conseil général de l'environnement et du développement durable
Auteur secondaire
Résumé
<div style="text-align: justify;">Les observations et analyses formulées à l'issue de l'enquête menée auprès de six territoires de bassins versants permettent de comprendre pourquoi l'objectif de «bon état écologique» des masses d'eau ne sera pas atteint pour 2015 et pourquoi une approche strictement réglementaire de la protection des masses d'eau ne suffit pas. En effet, c'est tout un dispositif cohérent qui doit être repensé pour favoriser l'émergence d'objectifs partagés dans un projet de territoire commun et qui réponde aux enjeux du développement durable. Sur ces bases, trois sortes de recommandations sont formulées. Elles concernent les pratiques à améliorer ou à renforcer, les engagements proposés qui exigent une réforme importante en matière juridique et dans les processus de décision publique ainsi que les processus et les responsabilités à mettre en place.</div>
Editeur
CGEDD ; CGAAER
Descripteur Urbamet
directive européenne ; eau ; matériau de construction ; agriculture ; activité agricole ; pollution de l'eau ; diagnostic ; évaluation ; bassin versant ; développement durable
Descripteur écoplanete
Thème
Cadre juridique ; Ressources - Nuisances
Texte intégral
MINISTÈRE DE L'AGRICULTURE, DE L'ALIMENTATION, DE LA PÊCHE, DE LA RURALITÉ ET DE L'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux MINISTÈRE DE L'ÉCOLOGIE, DU DÉVELOPPEMENT DURABLE, DES TRANSPORTS ET DU LOGEMENT Conseil général de l'environnement et du développement durable CGAAER N° 10135 CGEDD N° 007331-01 Appropriation des enjeux et mise en oeuvre de la directive cadre sur l'eau (DCE) dans le secteur agricole Enseignements à partir de six études de cas établi par : Marie-Laurence Madignier (CGAAER), Michel Juffé et Alain Femenias (CGEDD) avec la participation de : CGAAER : Jean-Louis Besème, Guillaume Benoit, Patrick Hurand, Josiane Condé, Patrick Dedinger, Yves Marchal, Martine Meneroud, Daniel Valensuela CGEDD : Guy Barrey, Jean-Alfred Bedel, Philippe Quevremont, Patrick Marchandise, Eric Tschitschmann Septembre 2011 SOMMAIRE RESUME .............................................................................................................................4 PREMIERE PARTIE : introduction, cadre de l'étude, matériel et méthode ..........................................................................................6 11- Les territoires objets de l'enquête..............................................................................7 12- La situation rencontrée dans les bassins ................................................................9 13- Les acteurs................................................................................................................. 11 DEUXIEME PARTIE : analyse des situations rencontrées13 21- Perception des finalités, des enjeux et des stratégies par les acteurs.................13 Le sens de la DCE ....................................................................................................13 Les points de vue des acteurs sur les objectifs .............................................14 Le point de vue des acteurs sur les divers enjeux et les stratégies qui en découlent (ou leur sont corrélées) ...................................................................14 La difficile mutation vers une agriculture durable ..........................................18 Enseignements......................................................................................................21 22- Réalisation des diagnostics, fixation des objectifs et pertinence au regard de la DCE ...................................................................................................................................22 Des diagnostics de l'environnement peu partagés et contestés du fait d'objectifs flous et considérés comme irréalistes ....................................................................................23 Des diagnostics de territoires à conduire parallèlement aux diagnostics environnementaux : par qui et comment ? ................................................................23 La gouvernance mise en place : est-elle effective et permet-elle la concertation ?...28 Enseignements..........................................................................................................29 23- Les modes d'actions et leur pilotage : origine, élaboration et mise en oeuvre ....30 Origine et élaboration des actions (législation, contrats, ententes diverses...) ..........30 Le pilotage : mobilisation des acteurs et légitimité des actions .................................31 Les modes d'action retenus : effectivité et pertinence ...............................................32 Enseignements..........................................................................................................33 24L'évaluation des résultats et des impacts, et le respect des engagements ...35 Les bases de l'évaluation du bon état des eaux : la mesure des résultats obtenus ..35 L'évaluation des actions ............................................................................................37 Les sanctions prises par l'État ...................................................................................38 Enseignements..........................................................................................................40 CONCLUSION.......................................................................................................43 1- La coopération locale des acteurs ..................................................................................43 2- La gouvernance régionale et nationale ; les rôles de l'État à tous niveaux .45 2 ANNEXES .........................................................................................................................47 Annexe 1 : lettre de mission ...................................................................................47 Annexe 2 : note de problématique (extraits) .....................................................52 Annexe 3 : Équipes d'enquête et calendrier..................................................................54 Annexe 4 : Les acteurs clefs et les jeux d'acteurs dans les six territoires55 Annexe 5 : sigles et acronymes .....................................................................................62 Annexe 6 : personnes rencontrées ................................................................................63 3 RESUME Des constats émanant de sources variées montrent que le « bon état des masses d'eau » au sens de la directive cadre sur l'eau (DCE) ne sera probablement pas atteint, en France, aux échéances prévues. En particulier la production agricole ­ au sens large ­ n'a pas pu évoluer suffisamment vite sur les sites les plus sensibles pour pouvoir se conformer sans dommages (économiques, sociaux, voire techniques) aux niveaux d'exigences indiqués par la DCE. Pour mieux comprendre les raisons profondes de cet « écart » une mission conjointe des deux conseils généraux les plus concernés (CGAAER et CGEDD), a été mandatée par les autorités ministérielles compétentes (DGALN/DEB, DGPR, DGPAAT). Elle devait enquêter - avec une approche plus sociologique que technique et économique - sur les obstacles qui s'opposaient à l'atteinte de la qualité des eaux exigée par les mesures réglementaires, européennes et nationales, en diversifiant les situations locales, avec pour objectif d'aboutir à des propositions pour améliorer la conduite des politiques publiques. A cet effet six bassins versants, de taille et de localisation très variées, ont été choisis. Les équipes d'enquête y ont rencontré plus de 200 personnes. Certains sites visités ou les échos rapportés témoignent de possibilités intéressantes d'adaptation de l'agriculture à des enjeux forts pour la qualité de l'eau, avec un engagement réel des acteurs agricoles. Mais ils montrent aussi de nombreuses situations de blocage ou de grande difficulté auxquelles la mission a été particulièrement attentive. La mission a constaté que si l'ensemble des acteurs était d'accord sur le fait que le « bon état de qualité des eaux » visé pour 2015 ne serait pas atteint, notamment en matière de nitrates et de phytosanitaires, il était très malaisé de mesurer les écarts par rapport à cet objectif. En effet, les acteurs agricoles s'approprient plutôt mal les objectifs de la DCE, identifient mal les enjeux propres à leur territoire en la matière ou parfois refusent de les prendre en compte, et ne s'engagent guère. L'accord sur ce qu'il faut mesurer (notamment quant aux diagnostics), quand et comment, n'existe que rarement ; aucun système d'évaluation reposant sur ces mesures ou d'autres indicateurs n'est mis en place. Par ailleurs, et dans la même logique, les diagnostics de territoires (bassins versants et zones agricoles) et d'exploitation sont aléatoires et partiels, occultant trop souvent leur dimension économique et celle des filières agricoles. Les actions d'amélioration de la qualité de l'eau sont fragmentaires et peu pilotées. Elles font l'objet d'enjeux de pouvoir et sont soumises à des pressions incontrôlées et incohérentes entre elles (aussi bien des pouvoirs publics que de la filière agroalimentaire). Enfin elles ne sont pas évaluées au regard de leur finalité. L'examen de ces insuffisances requiert des explications de fond. La mission en voit quatre principales : - - - - La faiblesse du « jeu collectif » : à tout moment (diagnostics, plans d'actions, évaluations, sanctions), les accords ou désaccords font l'objet de relations bilatérales ou triangulaires, mais très rarement de concertation de l'ensemble des parties prenantes ; les acteurs agricoles sont rarement présents dès l'engagement de la réflexion et, de ce fait, la contestation des expertises, des méthodes, des résultats est courante ; L'hésitation, voire le freinage sur certains sites, des organisations professionnelles agricoles, qui, considérant que ce sujet n'est abordé qu'environnementalement, restent centrés sur un discours économique (productivité, rendement...), souhaitent garder un monopole sur les processus de diagnostics touchant l'agriculture et envisagent trop souvent la qualité environnementale comme une difficulté ajoutée aux « aléas de la conjoncture » ; L'État est censé porter la finalité des objectifs de la DCE, mais il ne parvient pas à coordonner et à intégrer ses diverses politiques publiques en vue d'un véritable aménagement durable des territoires : la convergence est faible entre la prévention des risques de pollution, la gestion des eaux, l'urbanisme et le soutien à la production agricole ; Les exploitants agricoles, dans l'ensemble, sont soumis à des injonctions contradictoires : d'une part la filière agroalimentaire et les marchés mondiaux ou régionaux des produits agricoles les contraignent à maintenir un haut niveau de productivité et leur prodiguent des « conseils » 4 technico-économiques très contraignants; d'autre part, l'administration publique applique des mesures incitatives et coercitives multiples, disparates et trop souvent incohérentes. En conséquence, la mission préconise de repenser au niveau des territoires tout le dispositif de mise en oeuvre de la DCE, et principalement que : 1. Toute démarche localisée (analyse des enjeux, diagnostics et plans d'action territoriaux, bilans et évaluations) portant sur la mise en oeuvre de la DCE et des autres politiques nationales en interaction, soit l'objet d'une concertation entre toutes les parties prenantes identifiables sur un territoire défini à une échelle où les acteurs se connaissent et peuvent s'engager dans une négociation ; que le pilotage par une collectivité du territoire, maître d'ouvrage, ainsi que le rôle de chacun soit clairement définis. 2. Les représentants de la profession agricole, de leur propre initiative ou à défaut fortement incités par les pouvoirs publics, s'inscrivent résolument dans des démarches de développement durable ; il s'agit donc de prendre en compte les évolutions techniques de tous ordres (pratiques agronomiques et systèmes d'exploitation), les conditions d'équilibre économique (revenus agricoles et pas seulement prix, rendement et productivité), et les interrelations sociales des divers partenaires, dans le respect de seuils de qualité écologique, notamment de l'eau ; 3. Le changement des pratiques agronomiques, voire des modèles de développement de l'agriculture, puisse avoir lieu dans des conditions permettant d'accéder à un nouvel équilibre économique des exploitations individuelles. A cet effet, d'une part, les travaux pour objectiver l'impact des pratiques sur les masses d'eau doivent se poursuivre et être diffusées. D'autre part, des mesures financières doivent être réinventées ou adaptées pour rémunérer le service environnemental attendu, avec l'ingénierie d'accompagnement nécessaire à la prise en compte des situations locales. La situation locale, et parfois individuelle, des agriculteurs leur laisse peu de marges de manoeuvre face aux pouvoirs économiques des filières agroalimentaires, aux contraintes d'aménagement du territoire, aux règlements et aides publiques ; leur situation globale doit être prise en compte dans la façon de traiter les actions d'amélioration nécessaires et faire l'objet d'une attention particulière des pouvoirs publics dans leur ensemble ; 4. L'État, porteur des objectifs de la DCE, clarifie et distingue ses rôles principaux, à tous niveaux : 1° auprès de ses divers partenaires de la prise de décision (pour garantir une réelle gouvernance concertée et responsabilisante), 2° aup rès de ses administrés dans le cadre de ses fonctions régaliennes (taxes et impôts, sanctions financières, police de l'eau et de l'environnement, mise en oeuvre et évolution prochaine de la PAC, etc.) ; 3° qu'il définisse clairement son éventuel rôle de médiateur dans des conflits ou divergences opposant d'autres parties prenantes, et s'en donne les moyens au niveau local. Les agriculteurs sont au coeur de ce « contrat social » passé sur les territoires, qui doit s'élaborer en les associant et en les motivant dès le début du processus. La mission estime que toute mesure législative ou réglementaire en faveur de l'amélioration de la qualité des eaux (et plus généralement de mise en valeur des « ressources naturelles ») doit d'abord faciliter leur autonomie de réflexion, de décision et d'engagement . Mots clé : acteurs, Bassin versant, contrats, DCE, diagnostics, évolution, gouvernance, pilotage, pollutions diffuses agricole, réglementaire, territoire. 5 PREMIERE PARTIE : introduction, cadre de l'étude, matériel et méthode Le traité de l'union européenne met en avant l'intégration de l'environnement dans toutes les politiques publiques, ainsi les milieux naturels, et notamment la ressource en eau et la biodiversité, font l'objet en France de mesures législatives, réglementaires et économiques de protection et de préservation, en accord avec les politiques européennes. La directive cadre sur l'eau (DCE)1 du 23 octobre 2000 précise que les États membres doivent « fixer des objectifs environnementaux de manière à garantir le bon état des eaux de surface et des eaux souterraines dans toute la Communauté et à éviter une dégradation de l'état des eaux au niveau communautaire ». Une première échéance se situe à l'horizon de 2015. La définition du « bon état » comprend tous les aspects qualitatifs et quantitatifs des milieux aquatiques, des eaux de surface, dont l'hydromorphologie et la continuité hydraulique, et des eaux souterraines, ainsi que des milieux naturels, les zones humides en particulier. La qualité des eaux brutes destinées à la production d'eau potable est un aspect du « bon état » qui vient facilement à l'esprit au titre des préoccupations liant santé des populations et qualité de l'environnement. C'est ainsi que, après un premier niveau d'efforts de remédiation des pollutions ponctuelles et accidentelles (installations classées et stations d'épuration), la lutte contre les formes de pollution diffuse des eaux brutes est devenue la préoccupation principale des enjeux en matière de qualité de l'eau. C'est la raison pour laquelle les acteurs agricoles sont désormais directement concernés par la question. Un consensus largement partagé conduit à considérer que ces mesures ne parviendront pas à enrayer la perte de biodiversité ni à atteindre le « bon état écologique » des masses d'eau à l'horizon de 2015. S'il est nécessaire de s'interroger sur la pertinence des mesures choisies pour y parvenir, il est tout aussi utile de se demander si leur mise en oeuvre n'a pas également été limitée par d'autres facteurs relatifs à la mobilisation des acteurs dans cette démarche. Deux angles d'analyse principaux se dégagent : La pertinence du niveau de territoire choisi pour les appliquer ; Le degré et la qualité de la mobilisation des acteurs intéressés. Sachant que les outils (cadres administratifs et réglementaires) mis au point par l'État à cet effet interfèrent avec ces deux aspects. Par lettre du 10 mai 2010, la direction générale de l'aménagement, du logement et de la nature (DGALN) et la direction générale des politiques agricole, agroalimentaire et des territoires (DGPAAT) des ministères en charge de l'écologie et de l'agriculture ont demandé au conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) et au conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) de conduire une étude « sur les mesures réglementaires et économiques visant à réduire l'impact des pollutions agricoles sur la ressource en eau et à préserver la biodiversité » et « les jeux d'acteurs à l'intérieur de territoires pertinents, afin d'identifier les difficultés rencontrées et les dispositions pouvant y remédier », pour présenter « des recommandations visant à améliorer la conduite des politiques publiques dans ces domaines » 2. · · 1 2 Directive 2000/60/CE du parlement et du conseil du 23 octobre 2000, établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau. Lettre de mission en annexe 1 6 Il s'agissait donc d'aller « sur le terrain » pour observer la compréhension et la mise en oeuvre des directives et prescriptions nationales, avec une approche sociologique s'intéressant aux acteurs, à la façon dont ils se saisissent du sujet et trouvent collectivement les réponses appropriées. Une équipe de 16 membres, désignés au sein des deux conseils généraux, a procédé à une première analyse de la problématique posée, conduisant à rédiger une note de cadrage3 précisant : - - Le champ de l'étude par les aspects quantitatifs et qualitatifs des objectifs de la DCE, incluant l'incidence sur les milieux naturels humides, la place des activités agricoles plus particulièrement, et l'ensemble des politiques associant tous les acteurs d'un territoire ; Les jeux d'acteurs qui y sont liés : comportements, représentations4, intérêts économiques, degré d'association ou d'opposition, modes de gouvernance des parties prenantes ; La portée de l'étude à travers la pertinence des mesures adoptées, laquelle est tributaire de leur mise en oeuvre en termes d'appropriation, de difficultés rencontrées et de succès obtenus. 11- Les territoires objets de l'enquête La mission a retenu un « périmètre à enjeux » pour chaque grand bassin hydrographique, sauf pour celui de Loire-Bretagne où deux sites ont été retenus étant donnée l'étendue du bassin. Pour le bassin Rhin-Meuse comme pour les départements d'outre-mer un premier choix a été arrêté puis abandonné du fait de difficultés de calendrier. Pour chaque grand bassin versant, une consultation des services déconcentrés de l'État (DRAAF et DREAL) ainsi que des agences de l'eau a permis d'identifier des territoires pertinents et d'arrêter les choix en fonction des caractéristiques locales du moment (enjeux en présence, état éventuel d'avancement d'un SAGE, présence d'acteurs bien identifiés, recul suffisant depuis le lancement des mesures sur ce territoire...). Pour chaque site enquêté, des équipes de trois ou quatre missionnaires ont été constituées, avec la possibilité de les dédoubler en unités de deux enquêteurs pour permettre de rencontrer le maximum d'interlocuteurs, si possible sur leurs lieux d'activités5. Les services départementaux (DDT) et régionaux de l'État ont contribué à organiser les rendez-vous, sur une semaine complète le plus souvent, entre décembre 2010 et mars 2011. La méthode retenue a consisté à procéder à une enquête qualitative par entretiens avec tous les types d'acteurs identifiés dans des « territoires à enjeux ». Les entretiens ont été semi directifs : après une présentation des objectifs de la mission, l'interlocuteur a été invité à s'exprimer librement sur la situation dans le bassin versant considéré. Exploitation des entretiens Une fiche résumant le contenu de ces échanges a été rédigée par l'un des membres de la mission, et a été rendu accessible à tous les membres de la mission en vue de l'exploitation générale des entretiens sur les six bassins étudiés. Ces fiches restent confidentielles et n'ont pas d'autre usage que leur exploitation par les membres de la mission. Pour chaque site enquêté une synthèse a été rédigée, permettant une première appropriation des quelques groupes d'acteurs pour affiner l'analyse et structurer ensuite le raisonnement. 3 4 5 Note de cadrage en annexe 2. Au sens de l'image que se fait un individu de la situation, des habitudes, des croyances, des conceptions de divers ordres, liées à une histoire et à un territoire. Équipes, lieux et dates d'enquête en annexe 3. 7 8 12- La situation rencontrée dans les bassins 6 Une diversité de tailles et de situations Les six territoires visités (tableau 1) se distinguent par : - Leurs dimensions respectives et leurs situations géographiques ; La place qu'y tiennent l'agriculture et ses spécificités ; La traduction locale des enjeux relatifs à la « directive cadre sur l'eau » ; L'importance spécifique de certains acteurs. La taille des six territoires étudiés est très variable puisqu'elle s'étage de 2.260 ha (Rus du Roy) à 2.954 km2 (Adour Amont). Le territoire de Marque et Deûle se distingue des cinq autres par sa forte urbanisation puisqu'il compte 1,5 millions d'habitants, soit une densité moyenne de 1.340 habitants/km2. Les autres territoires sont plus ruraux bien que pour certains soumis à de fortes tendances à l'urbanisation (diffuse, notamment). L'agriculture est fortement présente dans les territoires étudiés. Cependant l'environnement naturel, urbain, et économique (dont les systèmes de production) y sont variés et diffèrent beaucoup d'un site à l'autre. 6 CF. Annexe 4 9 Tableau 1 : présentation résumée des bassins Périmètre Dimension Type d'agriculture Enjeux DCE Phytos (herbicides) : 3 captages prioritaires et 45% parcelles à risque pollution élevé Ruissellement érosif Acteurs clefs et blocages constatés 2 BV de 0,2 km 19 céréaliers Rus du 1.000 ha SAU 3 polyculteurs Roy (Val d'Oise) 3.000 habitants Chambre agriculture et PNR Vexin en conflit avec AESN sur le diagnostic et pour établir un contrat de bassin ; dans PNR Vexin services de l'Etat divisés sur le niveau d'exigence des mesures à retenir (DDT+DRAAF / DREAL+AESN) 2 Phytos (herbicides) SIMA de rivière Coise et Chambres BV de 340 km 800 agriculteurs Coise 20.000 ha SAU «petite Bretagne » : Nitrates (latent sauf sur agriculture(CA) en conflit sur la mise en (Rhône, Proximité Lyon bovin laitier intensif, un captage prioritaire) oeuvre du 2e contrat rivière étendu aux Loire) un peu de Hydromorphologie pollutions diffuses ; animations agricoles St Etienne diversification (fruits (seuils et parallèles et peu efficaces rouges) artificialisation) 2 Bactériologie Syndicats intercommunaux (rivière, projet Loch et Sal BV de 345 km 400 exploitations se jetant dans Élevage bovin, hydromorphologie PNR, eau potable), Agriculteurs et Ch (Morbihan) golfe du porcin, volaille (Continuité écologique Agriculture. Question de gouvernance. Morbihan (souvent hors sol), des cours d'eau, avec Nitrates : question « réglée », tandis 18.000 ha SAU conchyliculture recalibrage, barrages qu'arrivent des pbs bactériologiques et de 40.000 hab. et plan d'eau) zones humides pour les agriculteurs. 2 BV de 671 km Maïs polyculturePhytos (herbicides) Nombreux acteurs divisés : syndicat des Veyle 46.500 ha SAU élevage en rotation dont les producteurs exploitants d'étangs, Ch d'agriculture, (Ain) avec pisciculture sont responsables 54.000 hab. ONCFS, coopérative, lycée agricole, dans les étangs Importantes (épandage sur maïs) et collectivités et administration. (Dombes) victimes (pisciculture) L'État (Préfet, DDT) est attendu comme industries catalyseur sur ce site portant un projet de agroalimentaires PNR Qualité de l'eau Dialogue direct entre Communauté Marque et BV de 1.120 km² Secteur très Urbaine de Lille Métropole (très active) et agricole (Sud et Est) potable: Deûle agriculteurs zones les plus (Nord, Pas 1,5M d'habitants : 217 exploitants (Lille + Lens) agricoles (légumes, sensibles rachetées Dialogue entre Communauté urbaine de de Calais) par agence de l'eau, Lens et Chambre d'Agriculture (proactive) blé, plantes dans un secteur plus agricole. sarclées) champ captant Secteur péri-urbain « grenelle » L'État est présent au niveau régional, mais pas des intercommunalités. avec 11 800 ha de phytos (herbicides) SAU autour de Lille nitrates Enjeu quantitatif (débit Les différends opposent l'amont (qui a BV de 2.469 km² 60% territoire Adour l'eau) à l'aval. Positions homogènes par 1.300 km² de agricole avec des des rivières) amont SAU exploitations nitrates présents, mais département (Hautes : Coopératives et Agriculteurs en conflit Pyrénées, 200.000 hab sur nombreuses, d'une sujet occulté par les 200 communes. taille moyenne de questions d'irrigation interdépartementaux Gers) 50 ha en maïs Services de l'État divisés (DRAAF, irrigué, un emploi DREAL, DDT)sur les débits réservés et l'opportunité des retenues. agricole important (9% des actifs) Collectivités peu déterminées sur une « politique de l'eau » ONG : pêcheurs et environnement 10 13- Les acteurs La mission a souhaité rencontrer le plus grand nombre de parties prenantes et d'acteurs différents ; les catégories suivantes ont ainsi été identifiées a priori comme devant être sollicitées : · · · · Les collectivités territoriales : communes, syndicats de communes, syndicats de rivière ou de distribution d'eau, communautés d'agglomérations, parcs naturels régionaux, conseils généraux et régionaux ; Les agriculteurs et leurs organisations : agriculteurs et aquaculteurs du périmètre, agriculteurs biologiques ou innovants, organisations syndicales, organismes consulaires (chambres d'agriculture) et économiques (coopératives), établissements de développement et de formation agricole, publics et privés ; Les services de l'État, qu'ils relèvent du niveau du grand bassin (agences de l'eau, DREAL de bassin, préfet de bassin), du niveau régional : (préfets de région, DRAAF, DREAL, ARS) ou départemental (préfet de département, DDT, DDPP, ONEMA), recherche (INRA, université) ; Les autres acteurs de la « société civile » : associations environnementales, de consommateurs, de pêcheurs, les bureaux d'études, les industries et les concessionnaires des services d'eau potable. Peu d'industriels ayant un impact important sur la ressource en eau en quantité ou qualité ont pu être rencontrés, seuls le représentant d'EDF dans le bassin de l'Adour amont et la société d'exploitation des eaux de Badoit dans le bassin de la Coise ont pu être approchés. L'organisation territoriale des acteurs L'État et ses établissements publics sont les seuls à être présents aux échelons départementaux, régionaux et de bassin. Ce positionnement large lui donne une vision complète des territoires et renforce sa capacité à veiller à la bonne mise en oeuvre des politiques nationales de l'eau. Cependant, dans les situations conflictuelles rencontrées, les discours sont assez divergents entre directions régionales en charge de politiques sectorielles différentes (agriculture, santé, environnement...) ou parfois entre DDT voisines. La mission a pu relever que l'État n'apparaît plus en mesure d'intervenir dans certains bassins en tant que porteur de projet ni même comme conseiller auprès des collectivités, du fait de ses pertes d'emplois de cadres qualifiés. Les habitudes et les relations anciennes subsistent toutefois, certains directeurs ont fait le choix de maintenir une capacité d'expertise et une parole forte est attendue de sa part pour débloquer des projets enlisés dans des oppositions locales. Les Conseils Régionaux peuvent créer des outils de développement durable des territoires, comme des observatoires de l'état de l'environnement, qui permettent la prise en charge par les acteurs locaux des problématiques « agriculture-eau » (les PNR par exemple), mais leurs champs d'action se définissent plutôt autour de bassins socio-économiques (bassins d'emplois) et non en fonction des bassins versants. Les Conseils généraux interviennent dans leur champ de compétence et de façon indirecte sur les questions relatives à la DCE, en favorisant la connaissance de l'état des milieux (analyses, observatoires...), ou en travaillant sur l'approche foncière, voire sur les investissements nécessaires à une restauration du « bon état », ainsi que dans le financement des investissements relatifs à l'eau potable et à l'assainissement dans les communes rurales. Selon les situations, le territoire d'action d'un syndicat de rivière est bien adapté ou au contraire trop exigu et ne rassemble pas toujours suffisamment de « parties prenantes », notamment lorsque des bassins contigus connaissent des problèmes similaires qui gagneraient à être traitées plus « collectivement ». Dans ce cas, l'échelle d'un SAGE peut être utile pour fédérer les actions. En outre, la question de la multiplicité et du nombre des syndicats de rivière est posée dans le cadre de la réforme des collectivités territoriales. 11 Les intercommunalités (communautés de communes, d'agglomérations ou urbaines) ne sont pas définies en fonction de la problématique « eau » et ne recouvrent que partiellement les bassins versants, ce qui ne les empêche en rien d'y être très actives en matière de restauration de la ressource. D'autres acteurs infra départementaux (concepteurs de SCoT et d'autres documents d'urbanisme, syndicats intercommunaux d'aménagement...) interviennent souvent de façon ponctuelle et en ordre dispersé, ce qui peut avoir comme conséquence une dilution de la responsabilité des élus et ne favorise pas une action concertée. L'organisation des chambres d'agriculture est avant tout départementale, ce qui rend parfois difficile leur implication à l'échelle d'un bassin versant ou bien peut les entraîner dans des divergences interdépartementales (à prendre parti dans les conflits d'usage amont-aval par exemple) préjudiciables à une démarche collective. Ce constat vaut également pour le syndicalisme agricole (FDSEA principalement), très lié aux chambres et fréquemment peu favorable à des actions fortes en faveur de la restauration de la qualité des eaux. L'implication locale dépendra de la capacité des agriculteurs du territoire à se mobiliser de façon individuelle et personnelle. Les associations regroupant des citoyens interviennent à plusieurs titres : - Pour l'eau potable comme consommateurs/financiers sollicités par les redevances à payer, mais aussi comme consommateurs dont la santé peut être mise en danger (pollutions) ; - Pour la préservation de l'environnement, au titre de la ressource de façon générale (associations reconnues) ou du compartiment halieutique et des biotopes aquatiques (pêcheurs), ou encore au titre de la gouvernance initiée par le « Grenelle de l'environnement » ; - Pour la préservation du cadre de vie et de leur patrimoine immobilier. Elles ne sont pas toujours présentes, notamment à l'échelle des petits territoires impliqués. D'une façon générale, la mission a constaté des positionnements et des niveaux de légitimité différents selon que ce sont les acteurs d'un même territoire qui interagissent (exploitants agricoles, maires, association locale...) ou bien qu'il s'agit d'acteurs externes au territoire qui introduisent des objectifs (au titre de la DCE) ou des modes de fonctionnement exogènes (agence de l'eau, DRAAF ou DREAL, conseil général, chambre d'agriculture...). De ce fait, une distinction importante peut être établie entre : · · Les acteurs relevant directement du « territoire à enjeux », notamment les agriculteurs, certaines associations locales et les communes. Ces acteurs sont particulièrement importants car leur action peut avoir un effet décisif pour la prise de conscience de l'impact de l'évolution économique d'un territoire sur l'état des « masses d'eau ». Les ménages et les industries relevant du périmètre peuvent aussi être mobilisés. Nous utiliserons plus loin le concept de « territoire habité » pour désigner ce premier niveau géographique. Les acteurs relevant d'échelles territoriales plus larges. Ces derniers ont aussi des responsabilités importantes par l'action qu'ils exercent de façon directe ou indirecte sur le territoire et ses acteurs. Leurs stratégies peuvent en effet largement déterminer les évolutions locales. Nous utiliserons plus loin le concept de « territoire géré » pour désigner ce second niveau géographique. 12 DEUXIEME PARTIE : analyse des situations rencontrées La présentation de l'étude est axée sur les éléments que la mission a jugé déterminants : la perception des enjeux et les stratégies qui s'ensuivent, les conditions d'élaboration des diagnostics de territoires, les conditions d'élaboration et de mise oeuvre de plans d'actions, l'évaluation mise en place. Des questions importantes et récurrentes sont apparues à toutes les phases de l'analyse. Pour la clarté du rapport, elles ne seront traitées qu'à un seul endroit, étant entendu que les conclusions s'appliquent à l'ensemble. Il s'agit de : La gouvernance : les agriculteurs soit ne sont pas impliqués ou ne s'impliquent pas, soit ne s'estiment pas impliqués suffisamment dès l'amont des processus pour être partie prenante dans la mise en oeuvre ; de même, la problématique n'est posée à ces agriculteurs que de façon réglementaire ou administrative, sans que les autres parties prenantes au plan local ne soient en mesure de porter de façon concrète les enjeux et les attentes de la DCE (consommateurs d'eau potable, maires des communes rurales, environnementalistes...) ; Le pilotage et l'animation générale: sur les sites visités, il y a bien une animation d'actions mais de façon parcellisée, avec peu de pilotage de l'ensemble, et sans retour d'expérience ni mesure des résultats sur les milieux aquatiques permettant une amélioration continue des plans d'actions ; L'observation : alors qu'il apparaît systématiquement que la réalité n'est pas perçue de la même façon par les protagonistes, peu d'observatoires ont été montés pour rendre objective la perception d'une situation justifiant des efforts consentis ou imposés. 21- Perception des finalités, des enjeux et des stratégies par les acteurs Le sens de la DCE Rappelons quelques points-clefs de la DCE, tels qu'ils sont exprimés dans son « exposé des motifs » ou dans ses articles (en les regroupant dans un ordre différent) : - - - - - « L'eau n'est pas un bien marchand comme les autres mais un patrimoine qu'il faut protéger, défendre et traiter comme tel. » De ce fait, l'approvisionnement en eau constitue un service d'intérêt général tel que défini par le texte de la Commission intitulé Les services d'intérêt général en Europe. La politique de l'eau ne doit pas être isolée. « Il est nécessaire d'intégrer davantage la protection et la gestion écologiquement viable des eaux dans les autres politiques communautaires, telles que celle de l'énergie, celle des transports, la politique agricole, celle de la pêche, la politique régionale, et celle du tourisme. » Pour donner un plein effet à la DCE : « Il convient de poursuivre l'objectif du bon état des eaux pour chaque bassin hydrographique, de sorte que les mesures relatives aux eaux de surface et aux eaux souterraines appartenant au même système écologique et hydrologique soient coordonnées. » Pour que tous les usagers se sentent concernés : « il est nécessaire de mettre à leur disposition des informations appropriées sur les mesures envisagées et de faire rapport sur l'état d'avancement de la mise en oeuvre de ces mesures, afin qu'ils puissent intervenir avant l'adoption des décisions finales concernant les mesures nécessaires. » L'activité humaine est prise en compte par la DCE avec une approche économique dans ses articles 29 à 32. Les objectifs de bon état des masses d'eau doivent pouvoir être atteints à partir de la situation actuelle et à coût non démesuré, la mise en oeuvre pouvant être échelonnée à cet effet. 13 Ainsi la DCE indique à la fois des finalités et un ensemble cohérent d'objectifs pour y parvenir. Elle ne s'exprime pas en termes d'enjeux, ce vocabulaire étant utilisé au niveau de l'État français et vécu par les acteurs devant concilier plusieurs finalités. Elle se décline en textes législatifs nationaux d'application qui se traduisent par la mise en place, au niveau des grands bassins hydrographiques, des SDAGE et des programmes généraux de mesures. Au niveau plus local, des actions sont mises en oeuvre, en particulier dans les contrats de rivière, des contrats territoriaux..., mais aussi en utilisant les outils réglementaires ou incitatifs. Les points de vue des acteurs sur les objectifs Les acteurs ne connaissent pas forcément la DCE, et même si c'est le cas ils ne s'y réfèrent pas spontanément. Ils préfèrent s'appuyer sur des actions menées parfois depuis longtemps, soit dans des programmes locaux, soit portées par les agences de l'eau. Cela ne les empêche pas d'émettre un avis sur les finalités poursuivies par une politique visant à améliorer la qualité des eaux, qu'ils considèrent généralement comme un « bien public ». Mais ils les confrontent à d'autres finalités, telles que le maintien d'une agriculture de qualité, le maintien des revenus des agriculteurs ou la préservation des milieux naturels ou encore des politiques de santé publique. Pour la sphère agricole les objectifs de la DCE « ne sont pas clairs », mais les exploitants ont conscience des problèmes d'eau et de santé. Cependant, beaucoup se sentent pris en tenaille entre la réglementation européenne et leurs propres intérêts économiques, voire les contraintes attachées aux filières agro-alimentaires dont ils sont partie prenante et qui conditionnent in fine leur revenu. Ils supportent très mal d'être tenus pour responsables des pollutions et nuisances. Ils soulignent les problèmes de rejets diffus liés aux mitage du territoire (urbanisation diffuse et assainissement individuel) , de plus l'artificialisation des sols (urbanisation) entraîne des inondations et s'accompagne souvent de disparition des zones humides. De plus, les objectifs de la DCE sont vus par les agriculteurs comme « trop ambitieux », allant au delà du « raisonnable » par rapport aux enjeux économiques. Le cadre réglementaire imposé par l'État est peu lisible, trop complexe. Il est ressenti comme un empilement sans fin de textes. Les grandes collectivités (régions, communautés urbaines) se sentent plus à l'aise avec les objectifs de la DCE. En revanche, les petites communes se disent mal informées et trouvent le cadre réglementaire trop compliqué. Certaines considèrent que le monde agricole sait qu'il va devoir muter mais qu'il faut l'accompagner, faute de quoi la mutation n'aura pas lieu. Elles ont, par exemple, engagé des partenariats en zone péri-urbaine sur la valorisation de circuits courts pour des productions agricoles « bio » ou de bonne qualité environnementale. Les autres acteurs, hormis les spécialistes, ne sont guère plus précis sur l'explicitation des objectifs ; tous recherchent une amélioration des milieux sur tous les aspects : nitrates, pesticides, effacement de seuils, reconstitution de méandres, réduction des prélèvements d'eau pour l'irrigation... Le point de vue des acteurs sur les divers enjeux et les stratégies qui en découlent (ou leur sont corrélées) 7 Une première distinction est possible entre enjeux directement liés à la DCE (qualité et quantité de l'eau) et ceux qui lient l'eau à d'autres politiques publiques environnementales ou économiques (protection de l'environnement et santé, maintien d'une activité agricole performante et exportatrice). En effet, l'atteinte du bon état écologique des masses d'eau recoupe d'autres enjeux importants pour les territoires : 7 Il n'est pas toujours évident de savoir si des choix stratégiques bien affirmés entraînent une perception bien spécifique ­ et parfois déformée des enjeux de la DCE - ou si c'est la perception de ces enjeux qui entraîne des choix stratégiques. 14 Santé publique. Cet enjeu apparaît clairement pour l'eau potable, au même titre que pour les aliments ; Coûts induits pour les collectivités et les ménages, du fait de la mauvaise qualité physico-chimique de l'eau prélevée ce qui peut obliger à des dépenses accrues (traitement de l'eau brute, obligation de mélange, achat d'eau en bouteille...) ; Autres services rendus par les écosystèmes pour les différents utilisateurs des milieux aquatiques, notamment les pêcheurs, question abordée pour les étangs de la Dombes du fait des pollutions par les phytosanitaires, ou encore pour la gestion hydrologique (zones humides et crues) ; Maintien de l'activité agricole, de ses emplois et de ses revenus, avec pour corollaire le maintien de l'économie rurale en général ; Innovation et technologies employées dans les activités agricoles et économiques en termes d'incidences et d'impacts environnementaux. Une telle diversité ne facilite pas le dialogue entre parties prenantes. Certains services de l'État estiment que les chambres d'agriculture ne jouent pas le jeu de la protection de l'environnement, et en particulier de la préservation de la ressource en eau, d'autres services préfèrent accompagner des évolutions économiques jugées parfois trop lentes. Parfois, en dépit d'études menées de longue date, les mesures à prendre restent l'objet de divergences fortes. L'État est critiqué pour son absence de continuité et l'incapacité à adopter un discours homogène et cohérent (entre les directions régionales, ou entre les directions départementales). L'expertise extérieure (de l'INRA, ou d'Arvalis, institut plus proche des professionnels) est reconnue et recherchée, mais n'a pas empêché une cacophonie certaine dans la perception de la situation et des enjeux. Cette absence de vues convergentes entre les services de l'État ­ disent-ils eux-mêmes - ne facilite pas la résolution de ces conflits, puisque les divers acteurs peuvent toujours évoquer l'incohérence de l'État : entre politique agricole et politique de l'eau ou prévention des risques8, par exemple. Les associations environnementales, et notamment celles de protection des rivières et des milieux aquatiques, estiment que le milieu agricole est hostile à toute remise en cause des pratiques agricoles actuelles, que les collectivités territoriales ont des conduites très variées, et que les services de l'Etat et les agences de l'eau sont le plus souvent dépassés, trop peu présents sur le terrain et manquent de cohésion d'ensemble dans leurs interventions. Enjeux qualitatifs C'est sur cet enjeu que les interlocuteurs se sont le plus exprimés. Sur quatre territoires étudiés, l'enjeu premier mis en avant est celui de la qualité physico-chimique, et, en l'occurrence, essentiellement dû à la pollution par les produits phytosanitaires. Alors que les objectifs de la DCE sur les nitrates « seraient déjà atteints » ou paraissent à portée de main, tel n'est pas le cas pour les phytosanitaires où les risques de non atteinte des objectifs de la DCE sont élevés. Le territoire des Rûs du Roy, malgré sa petite taille, comprend par exemple trois captages avec 45% de parcelles à risques élevés ou forts en matière de pollution par les phytosanitaires. Les bassins étudiés comptent un certain nombre de « captages Grenelle » où les problèmes de pollution peuvent aussi porter dans certains cas sur la teneur en nitrates. La prise en compte de la dégradation de la qualité des milieux aquatiques (continuité hydrographique, réchauffement du fait de la baisse des niveaux et des seuils présents dans le lit des cours d'eau...) reste cependant confinée à des cercles spécialisés (fédérations de pêcheurs, DREAL...) ; elle est donc peu partagée. 8 Au titre des inondations. 15 La préservation des zones humides est, par exemple, perçue de façon radicalement opposée par les aménageurs (« il faut assainir ces mouillères ») et par les gestionnaires de la ressource en eaux (zones d'épanchement des crues, réserves d'eau pour les périodes d'étiage, biodiversité...), ce qui rend cet objectif rarement présent. Il faut noter que la qualité bactériologique des eaux d'estuaires n'est pas un critère explicite au titre de la DCE même si la conchyliculture est totalement tributaire de cette dimension de la qualité des eaux d'origine tellurique. Pour ces deux derniers aspects, l'incidence des étangs qui alimentent une tête de bassin de manière significative est mal définie. Ces lacunes limitent l'action dans une logique amont-aval. La perception qu'ont les chambres d'agriculture de ces enjeux s'exprime dans leurs interventions selon trois niveaux : 1) les discours politiques de leurs dirigeants; 2) les discours et pratiques de leurs techniciens sur le terrain ; 3) la participation institutionnelle des chambres aux instances partenariales. Dans deux bassins, cette prise de conscience de la chambre d'agriculture se retrouve dans ces trois niveaux d'intervention, ce qui facilite la mise en oeuvre des actions. Dans d'autres bassins les présidents sont très critiques quant au degré de priorité des objectifs de la DCE par rapport à leur propre objectif prioritaire qu'est la viabilité économique de l'agriculture, avec le même type d'argument : « les pollutions d'origine agricole ne sont que ponctuelles et non pas diffuses, et par conséquent elles ne relèvent pas de changements collectifs de pratiques agricoles ». La participation de la chambre d'agriculture aux instances de concertation est alors très en retrait. A contrario, l'arrivée d'un président sensible aux enjeux de la DCE et favorable aux mesures préconisées pour améliorer la qualité de l'eau, libère les énergies et les partenariats. Dans les situations décrites ci-dessus les positions de la FDSEA sont en général identiques à celles de la chambre d'agriculture. La Confédération paysanne a en revanche un discours plus ouvert sur les enjeux de la DCE. Certaines coopératives agricoles perçoivent correctement ces enjeux et préparent leurs adhérents à en relever les défis techniques, parfois par délégation implicite de la chambre d'agriculture. Elles sont cependant tributaires pour leur chiffre d'affaire des volumes d'intrants et de produits agricoles9. Certains agriculteurs rencontrés à titre individuel expriment leur volonté de faire évoluer leurs pratiques dans un sens « durable » du fait des risques auxquels ils exposent leur propre santé avec l'usage des produits phytosanitaires et du coût de ces intrants. Les auditeurs ont pu notamment rencontrer des agriculteurs « bio » qui ont témoigné de leur expérience dans ce domaine (baisse des volumes produits et maintien d'un revenu suffisant par une réduction drastique des intrants et une valorisation de leurs produits dans des circuits commerciaux spécifiques, voire des circuits « courts »), dans un contexte socioprofessionnel difficile : sortant à peine d'une certaine marginalité, les agriculteurs biologiques souffrent d'un encadrement technique et de soutiens financiers insuffisants. Enjeux quantitatifs La mission a pu remarquer qu'en présence de l'enjeu quantitatif, l'enjeu qualitatif est le plus souvent occulté ou mis en arrière plan, même s'il est présent sur un territoire. Sous l'aspect « rareté de l'eau » il est présent dans trois bassins et sous l'aspect « inondations » dans un bassin mais de façon incidente. Un débat sur l'augmentation des capacités de stockage hivernal, versus la modification des choix de cultures dans les assolements pour réduire les prélèvements, a été porté par les élus, les associations et la profession agricole dans les sites visités : des présidents de chambre d'agriculture estiment que lorsque la ressource en eau se raréfie, tous les efforts doivent tendre vers son stockage (retenues collinaires) ou la recherche de nouveaux gisements. La mission a rencontré un vice-président « agriculture » d'une Région (Rhône-Alpes) ainsi que des maires ruraux souscrivant à ces arguments10. L'effort collectif vers des pratiques agricoles plus sobres n'est donc pas leur priorité, ce qui conduit de plus en plus fréquemment à des conflits d'usage pour la gestion de la ressource lors de l'étiage estival. 9 Discours porté par des agriculteurs 10 Alors que d'autres conseils régionaux ont une position claire de refus de ces retenues de substitution (Poitou-Charentes, Pays de la Loire...). 16 Dans le Sud-Ouest, le monde agricole a exprimé sa forte réaction envers la mise en oeuvre d'une réglementation des usages de l'eau 11 qui remet en cause frontalement le modèle de développement suivi ces dernières décennies (la quasi-monoculture du maïs irrigué), du fait de ses incidences quantitatives et qualitatives . Enjeux pour les milieux aquatiques et la santé Sur certains sites et indépendamment de la qualité physico-chimique, les enjeux mis en avant au titre de la DCE sont ceux des milieux naturels, c'est à dire de la continuité écologique (suppression des obstacles au passage des poissons migrateurs) et de l'hydromorphologie (reconstitution de méandres). Ils sont aussi mis en avant dans des bassins (Adour, Coise...), mais moins fortement lorsque les risques de non atteinte des objectifs de la DCE sont déjà soulignés par ailleurs. Les fédérations de pêche et les associations environnementalistes défendent la qualité du milieu aquatique, ce qui est moins la préoccupation des organisations professionnelles agricoles rencontrées. Des associations environnementalistes peuvent avoir acquis des compétences et de l'expérience au point de jouer un rôle d'appui aux communes et d'être fortement impliquées dans des projets, comme les SAGE. Des syndicats de rivière restent plutôt sur des fonctions d'aménagement alors que d'autres ont élargi leur action à tous les enjeux de la DCE, milieux aquatiques compris. Les Régions ont globalement une perception large des enjeux et sont parmi les rares acteurs, avec les agences régionales de santé (ARS), à tenir un discours sur les risques pour la santé publique des résidus de traitements phytosanitaires. En revanche, les services de l'État autres que l'ARS utilisent peu l'argument du lien santé-environnement pour étayer leurs messages. Au niveau des départements la perception peut être plus complète là où les milieux aquatiques constituent une composante identitaire du territoire et des politiques départementales globales qui sont menées. Ailleurs, les enjeux « eau » alimentent des débats plus politiciens sans réelle mise en oeuvre d'actions concrètes. Les intercommunalités perçoivent ces enjeux de la DCE (qualité, quantité, milieux) assez vivement au titre de l'eau potable ou du tourisme. Cette perception par les intercommunalités rurales est inversement proportionnelle au poids de la représentation du secteur agricole dans leurs instances, en ce sens l'évolution sociologique actuelle des populations rurales favorise cette lente prise de conscience. Enjeu du « maintien de l'activité économique » sur les territoires Dans tous les territoires visités, lorsque l'entretien portait sur les enjeux de la DCE, les agriculteurs ont systématiquement insisté sur la prise en compte de l'enjeu économique avec l'objectif du maintien de leur revenu et de la viabilité de leurs exploitations. C'est un sujet d'inquiétude pour eux dans une période vécue comme une crise menaçante pour beaucoup de filières. L'irruption de cet enjeu dans le débat sur la DCE est à analyser sur plusieurs niveaux : · Au titre des spéculations conduites dans certaines régions, l'irrigation est devenue indispensable dans les exploitations familiales et toute réduction des prélèvements affecte directement la survie de l'exploitation agricole. L'irrigation permet également, pour un volume donné, de diversifier les productions. La mise en place de systèmes de production moins consommateurs en eau nécessite une transformation souvent lourde de la structure de l'exploitation. · Certains agriculteurs cherchent à accroître la valeur ajoutée dégagée pour consolider leur revenu. Ces démarches (transformation et commercialisation) sont conduites parfois individuellement, parfois collectivement (agriculteurs « bio »). Si certains espèrent améliorer leur revenu en réduisant le poids des intrants, d'autres raisonnent uniquement en termes d'accroissement des volumes de 11 En France, la loi sur l'eau date de 1964. 17 production et de productivité. Réfléchir à des modes de production « alternatifs » par rapport au modèle productiviste dominant depuis les années 1950-1960 est vécu parfois comme un modèle de « décroissance ». · Le monde agricole fait aussi souvent référence à la livraison de volumes suffisants pour assurer la pérennité des industries agro-alimentaires de transformation des produits locaux, qu'ils ont souvent contribué à créer (coopératives), et dont la disparition remettrait en cause l'écoulement de leur production tout autant que les emplois industriels liés. · Certains changements de pratiques agronomiques peuvent créer un accroissement du temps de travail (l'alternative aux herbicides par du désherbage mécanique ou thermique) et peut buter sur une impasse au vu de la disponibilité des actifs si l'économie entière de l'exploitation n'est pas repensée. · Dans ces calculs micro-économiques ne sont pas prises en compte les externalités (approche macro-économique) en matière de dégradation de l'environnement, dont la correction est financée par la collectivité (mesures d'épuration et de potabilisation, de remédiation...), excepté en cas de contraintes réglementaires suffisamment puissantes au niveau de l'entreprise (obligation d'épuration avant rejets, limitation des épandages, assujettissement à des redevances des agences de l'eau...). De même ne sont pas prises en compte les externalités positives quand elles existent. L'argument de maintien économique de l'activité sur le territoire, auquel les élus locaux ne peuvent qu'être sensibles, conduit certains responsables à réfuter d'emblée l'effort environnemental demandé. Nous n'avons pas eu connaissance d'une réflexion collective organisée sur cet aspect de la prise en compte de l'économie du territoire, qui permette de nuancer le niveau d'effort acceptable à ce titre. Il est clair que le refus d'entendre cette préoccupation ne peut que fermer tout débat et toute perspective de progrès possible, tout autant que le refus de prendre en compte les atteintes à la santé et à l'environnement. En revanche, nous avons rencontré sur les différents sites des agriculteurs, des groupements d'agriculteurs et des responsables agricoles ou élus des collectivités qui s'appuyaient sur les évolutions engagées par la profession ou par eux-mêmes individuellement pour tester des conduites d'exploitations économiquement viables et respectueuses de la « ressource en eau ». Par ailleurs, le financement des plans d'amélioration de la qualité de l'eau, notamment des externalités environnementales provenant des activités économiques, ne fait pas consensus. Dans quelle mesure et dans quelle proportion est-ce aux agents économiques de payer (taxation, compensation, investissement), aux collectivités territoriales et à l'État (sur leurs produits et leurs propres activités) aux contribuables (IR, taxes sur l'usage, etc.) ? La difficile mutation vers une agriculture durable Des avancées très inégales selon les territoires Les six territoires visités montrent des avancées très inégales vers une agriculture plus « durable ». Sur le Loc'h et Sal, les résultats obtenus sont tels que les objectifs de la DCE en termes de qualité physico-chimique seront atteints sans difficultés et nécessitent de consolider les acquis. L'ONEMA estime d'ailleurs que le milieu agricole a pris conscience de la nécessité d'améliorer la qualité de l'eau. Les problèmes de pollutions diffuses en Bretagne ont conduit les leaders politiques et agricoles de ce bassin à prendre depuis assez longtemps la question à bras-le-corps et à mobiliser localement pour faire évoluer les pratiques agricoles en redonnant sa place au raisonnement agronomique, en tant que méthode d'intégration globale des problématiques agricoles. Sur la Coise, la profession agricole considère que « les agriculteurs ont accompli des progrès majeurs depuis 10 à 15 ans malgré un contexte économique difficile ». Leur avis est que l'essentiel du chemin a été parcouru en matière de nitrates, car les éleveurs ont pris conscience que leurs effluents sont une richesse et qu'ils pouvaient économiser sur les achats d'engrais : la consommation d'azote minéral aurait ainsi été réduite des 2/3, (une affirmation que la mission n'a pas pu vérifier). L'action s'engage aujourd'hui sur les produits phytosanitaires, les agriculteurs étant de plus en plus sensibles aux risques 18 pour leur propre santé. Si les agriculteurs « bio » et de nombreux élus confirment qu'un virage a été effectivement pris par la profession, aucune amélioration effective de la qualité physico-chimique de l'eau n'est cependant encore constatée, l'incidence des pratiques de quelques « irréductibles » extérieurs au territoire n'ayant pas non plus été mesurée. L'État (DDT, DREAL, DRAAF, ARS) est aujourd'hui plus pessimiste et souligne que l'on a beaucoup de difficultés à maîtriser les pollutions diffuses, que plusieurs captages ont dû être abandonnés et que les progrès sont lents. Beaucoup pensent que les objectifs de la DCE sur la concentration en phytosanitaires ne seront pas atteints et qu'il faudrait sur certains périmètres « dés-intensifier » si l'on veut accélérer les progrès mais « qu'on ne sait pas le faire ». La mission a cependant rencontré des exploitants très innovants dans leurs approches agronomiques (désherbage mécanique, introduction de « prairies suisses », nouveaux assolements et nouvelles rotations, recherche d'autonomie fourragère) et dans la valorisation et la commercialisation dans des circuits courts. Ces innovations n'intéressent encore qu'un nombre réduit d'exploitants. Pour ces agriculteurs innovants, les agriculteurs plus traditionnels raisonnent encore trop en termes de « chiffre d'affaires » ou de « quota à atteindre », au lieu de raisonner « revenu » et ils ne veulent pas prendre le risque de changements difficiles. La crise du lait12 et la montée des prix des intrants sont susceptibles d'accélérer les changements et de susciter un intérêt croissant. Sur Marque et Deule, la chambre d'agriculture du Pas de Calais a également constaté que des changements de pratiques à double dividende (« gagnant/gagnant » en termes de revenus et de réduction des pressions) étaient possibles. Celle-ci avait d'ailleurs mis en place un plan de réduction phytos avant « Ecophyto 2018 » et elle a engagé trois techniciens pour appuyer la conversion vers le « bio ». L'exemple de la reconquête de l'eau en Avesnois montre aux agriculteurs que c'est possible. Sur les Rus du Roy, l'évolution vers une céréaliculture plus respectueuse de l'environnement semble à beaucoup impossible, car l'intensification actuelle garantit des volumes de production importants qui, conjugués aux cours élevés des céréales dégagent des revenus importants et ne conduisent pas à remettre en cause le modèle productiviste actuel. Pourtant, c'est en période de « vaches grasses » que l'on pourrait supporter l'effort de tenter des systèmes innovants, et non au moment où les cours des céréales sont bas... Le niveau de l'indicateur de fréquence de traitement par les herbicides pratiqué aujourd'hui y est jugé « énorme » et « très inquiétant ». La situation paraît bloquée. Sur la Veyle, la DREAL et l'agence de l'eau soulignent que si les industries et collectivités ont accompli leur révolution, ce n'est pas encore le cas des agriculteurs. Pour les ONG environnementales, certains agriculteurs ont conscience de la nécessité d'agir mais leurs institutions professionnelles, bien qu'elles en aient les compétences, sont encore très réservées et peu mobilisatrices. Une question particulièrement préoccupante sur ce périmètre est celle de la pollution des étangs de pisciculture de la Dombes (qui sont aussi des terres agricoles puisque les étangs sont régulièrement mis en culture) par les phytosanitaires. Les acteurs constatent en effet des problèmes de modification de la végétation, de baisse de productivité aquacole, de disparition des canards. D'autres producteurs situés en aval sont également victimes de pollution. Ainsi, l'activité conchylicole du golfe du Morbihan est menacée par la mauvaise qualité bactériologique et les conchyliculteurs demandent que des efforts soient faits pour que leurs eaux soient classées en catégorie « A ». Les élus sur ce point sont plutôt au banc des accusés car c'est leur manque d'engagement dans l'amélioration des réseaux d'assainissement et des stations d'épuration qui est mis en cause. De même en zone péri-urbaine, les agriculteurs critiquent les projets des élus et l'urbanisation diffuse qui accentuent l'artificialisation des terres et les problèmes de pollution (STEP) et d'inondations. Un agriculteur de l'aval victime d'inondations répétées se plaint que les propositions du bureau d'études ne sont pas suivies d'effet sous prétexte que la rivière doit « rester naturelle ». La question des représentations mentales et culturelles différentes et divergentes entre acteurs est ainsi posée, elle fait ici obstacle à toute définition d'objectifs communs et consensuels. Sur l'Adour amont, avec l'appui notamment de coopératives et instituts techniques, des progrès ont été réalisés pour une agriculture plus économe en eau, notamment par sélection variétale. Des coopératives prônant l'innovation recherchent des variétés plus économes en eau et se disent ouvertes aux filières alternatives au maïs. Si des essais de diversification vers d'autres productions (colza, blé, 12 Certains acteurs (DRAAF, CA, agriculteurs) pensent que la fin des quotas laitiers poussera au contraire à une intensification accrue. 19 sorgho, soja) ont été réalisés, leur généralisation se heurte cependant aux cours élevés du maïs et les revenus que cette culture irriguée permet d'obtenir à elle seule. La situation semble figée sur le terrain ; l'INRA et les instituts techniques agricoles poursuivent leurs recherches à long terme. Un manque de références et de conseils sur l'agriculture durable Nombre d'agriculteurs se plaignent d'un manque de références techniques utilisables localement sur l'agriculture durable et ils regrettent le faible investissement de la recherche/développement. Certains expriment le besoin de plateformes d'expérimentation et d'annuaires des lieux, organismes et personnes ressources en agriculture durable. Certains acteurs (comme les maires des communes rurales) regrettent la perte de technicité de l'État et l'absence ou la rareté d'un conseil soustrait aux intérêts mercantiles (dont sont accusées les coopératives d'approvisionnement). Si les coopératives et industries de transformation et de commercialisation sont ouvertes à l'innovation, elles contraignent souvent les agriculteurs dans des schémas de production normés qui ne peuvent leur permettre des modifications de la qualité ou des baisses de volumes en réduisant leurs intrants. Le besoin d'un accompagnement pour réussir la mutation vers une agriculture durable Pour de nombreux acteurs, malgré l'expérience acquise en agriculture plus respectueuse de l'environnement (agriculture bio, agriculture « durable »), les responsables des institutions en charge du développement agricole demeurent trop souvent méfiants ou insuffisamment ouverts à l'innovation. Certains responsables soulignent que les changements nécessaires devraient réhabiliter des formules de groupes de partage d'expériences de type GVA/GDA (groupements de vulgarisation/développement agricoles) et autres CETA (centres d'études techniques agricoles) des années 1960/70. Pour un élu de la région Rhône-Alpes, par exemple, le monde agricole sait qu'il va devoir engager une mutation mais il faut l'accompagner sinon cela n'aura pas lieu. Il considère que la prise de conscience est encore très insuffisante, que les freins sont largement culturels et qu'il faut sortir du discours technique pour produire une communication ciblée. Des efforts sont à conduire notamment pour mobiliser l'enseignement agricole et promouvoir une plus grande autonomie de décision au niveau des exploitations agricoles annexées aux lycées agricoles. Il existe un grand décalage entre l'inflexion donnée depuis quelques années dans l'enseignement agricole en matière d'agriculture durable y compris de la part des conseils régionaux, et la façon dont cet outil est (insuffisamment) utilisé par les acteurs locaux au service des évolutions agronomiques et culturelles à conduire. 20 Enseignements Il est possible, à ce niveau d'observation, de dégager les pistes de réflexion suivantes : · Partir d'une appréciation initiale « objective » - c'est-à-dire fondée sur des arguments et des données vérifiables - et partagée de la situation environnementale au regard des objectifs de la DCE, notamment en ayant recours à une expertise externe dont le cahier des charges aura fait l'objet d'une appropriation large par toutes les parties prenantes, et dont les conclusions auront été discutées et rendues publiques, afin d'établir un premier « état des lieux » (avant même tout diagnostic ­ que nous verrons dans la partie suivante). Mieux articuler les objectifs locaux et les enjeux de la DCE (au niveau des agences de bassins et des EPTB en particulier) avec l'ensemble des politiques régionales et locales en cours. En effet, l'enjeu « eau » est indissociablement lié aux enjeux du développement durable13 des territoires. Cela conduit à recommander de prendre en compte les objectifs de la DCE dans les diagnostics et les plans de développement territorial (DTA, SCoT, PLU, PPR, etc.) au même titre que les contraintes agricoles lorsqu'elles sont mises en regard de celles que l'urbanisation paraît faire primer (assèchement d'une zone humide pour faire une ZAC ou un lotissement, avec les conséquences en termes d'inondations à l'aval..). Les échelles de raisonnement ne sont pas les mêmes, et pourtant il est primordial d'établir des liens entre différents objectifs de développement durable du territoire (santé, urbanisation, économie, cantines scolaires, circuits courts) et l'ensemble des parties prenantes, dont les acteurs économiques représentent une composante importante (IAA, coopératives agricoles, distributeurs ou industriels de l'eau...). A cet effet l'approche environnementale sera complétée par une approche économique du territoire agricole concerné. Corréler plus fortement les objectifs de la DCE avec ceux des autres politiques publiques nationales (agricole, santé, tourisme, mais aussi prévention des risques...) quitte à rendre plus apparentes les éventuelles contradictions, de manière à accroître leur crédibilité et leur efficacité. En particulier prendre plus explicitement en compte les conflits d'usage de l'eau, liés à d'autres aspects du développement territorial que ceux de l'agriculture et veiller à une plus grande cohérence des prises de position de l'État aux différents niveaux. L'évolution de la PAC en 2013 est une occasion à saisir pour redonner de la cohérence avec la DCE. Concilier à l'échelle de l'exploitation, enjeux économiques et enjeux environnementaux pour déboucher le plus souvent possible sur des solutions bénéfiques à tous et à défaut sur des mesures compensatoires. Utiliser tout le dispositif de formation et d'enseignement agricole pour tester et promouvoir des solutions techniques « durables » adaptées à chaque territoire et à ses enjeux. Engager explicitement le maximum d'acteurs des filières économiques dans cette démarche (notamment les coopératives, industries agro-alimentaires, centres d'économie rurale...) pour ne pas focaliser sur les seuls agriculteurs les mesures de reconquête du bon état des masses d'eau. Tout processus de recherche de l'amélioration de la qualité écologique de l'eau doit prendre en compte le fait que les agriculteurs sont plus fragiles (économiquement parlant) que les autres utilisateurs, les industriels notamment, relativement aux contraintes de la situation présente. Il apparaît de plus en plus clairement que les coopératives et le négoce, situés à l'amont et à l'aval de l'exploitation et responsables d'une part prépondérante du conseil agricole, avec des moyens et des méthodes rénovées et clarifiées, doivent être parties prenantes de l'engagement de la profession agricole vis à vis des enjeux de la DCE. Le croisement entre filière agricole et territoire prend alors un sens particulier · · · · 13 Développement durable : la mission entend par là non seulement l'approche par les « trois piliers » (environnemental, économique, social) mais aussi la prise en compte des incidences de l'évolution technologique (recherche scientifique, progrès techniques, innovation, industrialisation, etc.) sur le développement économique et l'aménagement des territoires. 21 22- Réalisation des diagnostics, fixation des objectifs et pertinence au regard de la DCE De quoi s'agit-il ? a) Atteindre les objectifs de la DCE sur un territoire donné nécessite de pouvoir disposer d'abord de diagnostics pertinents et partagés mettant en évidence l'état initial, les écarts par rapport aux objectifs, les enjeux et les besoins. Ces diagnostics, lorsqu'ils sont bien établis, permettent aux acteurs du territoire de prendre conscience ensemble : Des besoins que la ressource en eau et les milieux aquatiques permettent de satisfaire, c'est à dire les biens et services qu'il est possible de produire avec cette ressource ; De l' « état » de l'environnement dans un territoire, notamment l'état de l'eau et des milieux aquatiques (aspects qualitatifs, quantitatifs et biologique) et des « impacts » qui peuvent en résulter, par exemple sur la santé, ou qui pourraient en résulter plus tard si les tendances observées devaient se prolonger ; Des « pressions » qui pèsent sur ces ressources et ces milieux : foncières (urbanisation), technologiques (irrigation, intrants chimiques, processus industriels), politiques et économiques (prix agricoles), sociales (jardins familiaux)... ; ces pressions résultent de « forces motrices » qui ont contribué et contribuent à expliquer les évolutions constatées dans le temps, comme l'urbanisation, les évolutions des filières, des prix agricoles ou des intrants, de la politique agricole commune ou d' « évolutions » comme le changement climatique pouvant avoir de fortes répercussions sur les territoires et donc sur les ressources en eau et les milieux ; Des « réponses » constatées (évolution des milieux naturels face aux pressions) qui sont autant de défis à relever sur un territoire (par exemple : amélioration de l'état des masses d'eau au titre de la DCE) ; Des voies de progrès technique et d'évolution économique engagées ou envisageables pour un plan d'actions à retenir14. - - - L'élaboration de diagnostics pertinents et partagés constitue donc une phase décisive. Ils doivent à la fois prendre en compte les enjeux environnementaux et de santé identifiés, les enjeux économiques et les attentes des populations (enjeux sociaux) présentes sur le territoire et intéressées par l'évolution de l'état de l'environnement ou des activités économiques en place. b) S'agissant de la relation entre eau et agriculture, ces diagnostics doivent comporter plusieurs niveaux d'analyse économique : · celui des systèmes de productions et de filières ; celui des changements de pratiques possibles dans les systèmes existants y compris par · exemple la typologie des exploitations et des innovations pour une agriculture plus durable par changement des systèmes de production, changements de cultures, innovations dans les filières... ; · celui des exploitations à l'échelle individuelle, pour identifier les ressorts internes du changement (structure financière, compétences techniques disponibles, motivation, histoire personnelle) et les possibilités réelles qui s'offrent. Les questions posées pour arriver à un diagnostic complet et mobilisateur sont nombreuses : quelle taille de territoire, quelles procédures, qui doit établir le diagnostic, qui associer, quelle crédibilité, quelle légitimité, etc. ? Le but est d'évoluer vers une agriculture plus « durable », qui permette d'améliorer l'état des masses d'eau (et d'autres aspects de qualité environnementale) tout en maintenant les revenus des exploitants agricoles. 14 S'agissant de l'agriculture, la question posée est celle des changements des pratiques ou de la mobilisation le cas échéant de nouvelles ressources en eau, des changements de systèmes de production et de l'adaptation des filières, pour réduire les impacts tout en maintenant les revenus et l'emploi agricoles, et l'économie rurale qui y est liée. 22 Des diagnostics de l'environnement peu partagés et contestés du fait d'objectifs flous et considérés comme irréalistes D'une façon générale sur les territoires étudiés, les enjeux ne sont pas perçus et les diagnostics ne sont pas partagés, car les objectifs de la DCE apparaissent plutôt flous. Les diagnostics Sur certains sites, comme la Coise, nous avons vu des études, intéressantes et documentées, préalables à l'élaboration du contrat de rivière, mais ensuite peu partagées et peu utilisées comme support de l'action. Sur d'autres - Veyle, Rus du Roy - la contestation des études préliminaires conduit à expertises et contre-expertises débouchant sur une situation bloquée. Localement, certaines chambres d'agriculture considèrent que la situation est volontairement exagérée pour obliger les agriculteurs à faire encore et toujours davantage d'efforts. Elles se plaignent du manque d'informations qui ne permet pas d'expliquer aux agriculteurs les résultats des efforts réalisés. En effet, de nombreux responsables agricoles insistent sur « l'absence de preuves » et de travaux établissant des liens formels entre pratiques agricoles et pollutions (ou étiages). Ils veulent des indicateurs qui fassent consensus et permettent d'établir des objectifs et plans d'action. Ils contestent les protocoles qui privilégient les valeurs de pointe plus que les valeurs moyennes et ils vivent très mal d'être montrés du doigt alors que leur activité « permet de nourrir la planète». Tous demandent que les agriculteurs puissent voir et mesurer les résultats de leurs actions. Les objectifs Plusieurs acteurs, au premier rang desquels les agriculteurs mais aussi des élus et d'autres acteurs, considèrent que les objectifs fixés au niveau national, ou du grand bassin versant ou encore au niveau local vont souvent « au delà du raisonnable ». Certains considèrent que la France s'est donnée des objectifs trop ambitieux alors que d'autres pays de l'UE ont été plus modestes : Les responsables agricoles des différents sites visités insistent également sur l'importance de la « pédagogie », sur le fait que le temps doit être pris en compte, et sur le réalisme consistant à adopter des ambitions proportionnées aux moyens et nécessités effectives. Sur un bassin versant, les pêcheurs et l'agence de l'eau ont mis en avant les enjeux de continuité écologique et d'hydromorphologie. Cependant ces objectifs supposent des investissements non négligeables et un véritable re-méandrage. Le besoin de hiérarchiser les enjeux et les objectifs et la nécessité d'évaluer les impacts économiques des mesures proposées sont fortement soulignés ; · Les coopératives agricoles interrogées ont une appropriation complexe des enjeux. Elles regrettent l'absence de consensus qui permettrait l'action. Elles peuvent être d'accord sur les diagnostics mais disent que « l'on ne peut pas tout faire ». Elles insistent sur la nécessité de coûts proportionnés aux enjeux et d'une hiérarchisation des priorités ; · Sur l'Adour, les débits d'étiage que l'on veut imposer sont considérés par les agriculteurs comme beaucoup trop contraignants. Selon eux, l'objectif, pour être tenu, nécessitera soit la création de retenues soit une importante « des-irrigation » qui impliquerait un fort recul de l'économie agricole et rurale. Les exploitations, en moyenne de 50 ha, ne tiennent que grâce au maïs irrigué. · Des diagnostics de territoires à conduire parallèlement aux diagnostics environnementaux : par qui et comment ? L'appropriation de la question de la qualité de l'eau sur un territoire où s'exerce une activité économique nécessite de compléter le diagnostic environnemental par une approche économique, technologique et sociologique. Or les diagnostics observés sur les territoires visités sont essentiellement environnementaux. 23 Six territoires, six situations différentes, mais un engagement croissant des collectivités territoriales La situation est différente selon les six territoires, leur taille, le poids respectif et l'engagement des différents acteurs. Les collectivités territoriales jouent un rôle important et croissant. Celles qui ont des responsabilités directes ou indirectes importantes dans le domaine de l'eau (syndicats d'eau potable, de rivière, de bassins, communautés urbaines, conseils généraux et régionaux) sont en général très au fait des problématiques de l'eau. Beaucoup considèrent qu'elles ont un rôle primordial à jouer. Elles contestent d'ailleurs la propension de certaines chambres d'agriculture à rechercher un monopole dans la gestion des problèmes de pollution agricole. Elles les accusent souvent de ne pas reconnaître suffisamment les problèmes et de « freiner » plus que d'aller de l'avant. Certaines d'entre elles, comme la région Rhône-Alpes, considèrent que la phase de caractérisation de l'état des eaux a une forte valeur pédagogique et qu'il est nécessaire de former et d'associer tous les acteurs afin que les objectifs soient partagés. Le domaine de l'eau est innovant par sa dimension amont/aval, la nécessité d'agir sur les filières économiques, les infrastructures de distribution et les consommateurs, et pas seulement sur les exploitants agricoles. Elles considèrent cependant que le volet agricole ne doit pas être négligé dans les contrats de rivière. Les grandes collectivités (urbaines ou départementales et régionales) financent des études et ont une bonne connaissance de la ressource. Toutes souhaitent que les agriculteurs puissent continuer à exercer leur métier. Certaines prennent d'ailleurs des initiatives pour protéger à long terme les terres agricoles de l'urbanisation (conseil général du Rhône) en promouvant des prospectives territoriales permettant aux agriculteurs et aux environnementalistes de réfléchir ensemble à l'avenir des territoires. Les communes souffrent d'un manque d'informations et de données et elles considèrent le cadre réglementaire (DCE, SDAGE, SAGE...) compliqué et difficile à appréhender. Des situations différentes quant à la façon d'associer les agriculteurs à la démarche Ainsi, par exemple : Sur Marque et Deule, la communauté urbaine de Lille Métropole affiche une ambition politique, entend imposer sa vision et souhaite la mise en place de filières « bio » de proximité pour l'approvisionnement de ses cantines. Elle a bien pris en compte la question des pollutions diffuses dans le diagnostic, elle a associé les agriculteurs à la démarche et financé des formations. La chambre d'agriculture joue un rôle d'accompagnement très positif, bien que n'étant pas opérateur direct. Sur le Loc'h et Sal, la résolution des problèmes successifs évolue peu à peu vers un aménagement durable du territoire, l'eau et l'agriculture étant au coeur des projets. Des leaders politiques et agricoles font avancer les projets. Les élus ont besoin d'une vision commune et de construire ensemble un projet de territoire. A défaut, l'exercice est jugé technocratique, avec multiplication de réunions sans appropriation par les décideurs et les acteurs du territoire. Sur d'autres bassins, le diagnostic territorial (souvent de très bonne qualité technique en ce qui concerne les masses d'eau) a été réalisé par un bureau d'études, avec une faible association des acteurs agricoles et un volet relativement léger sur la typologie des exploitations, la question des filières et des innovations dans les systèmes de production. Le débat se polarise alors sur les moyens à mettre en oeuvre et tourne rapidement au conflit institutionnel entre organismes s'estimant légitimes pour définir objectifs et moyens pour les atteindre. L'absence d'un observatoire permettant un suivi partagé de l'état des masses d'eau et des progrès obtenus est un point faible des contrats de rivière. Pour les techniciens du SIMA Coise, qui conduisent avec volontarisme un travail de vulgarisation pour la mise en oeuvre des MAEt (ce qui est une autre cause de conflit avec les techniciens des chambres), ceci nécessiterait du temps que ne leur laisse pas les tâches qui leur sont actuellement assignées. Cette situation pourrait contribuer à expliquer le 24 dialogue de sourds entre les collectivités territoriales et les chambres, puisque ces dernières contestent le diagnostic alors que les données réunies sur l'état des masses d'eau semblent claires. Sur l'Adour amont, les difficultés sont d'un autre ordre et opposent les acteurs de territoires voisins : les agriculteurs des Hautes-Pyrénées ne cherchent pas, semble-t-il, à composer, opposant leurs connaissances du terrain aux connaissances des techniciens considérées comme inutiles. Au contraire, ceux du Gers sont respectueux de « ceux qui savent » (MISE, ingénieurs et bureaux d'études) et demandent leur appui dans le conflit avec l'amont. Si l'objectif de partage équitable de l'eau est bien porté au niveau du Bassin Adour-Garonne, il perd de sa puissance à des niveaux géographiques plus fins. Des ONG environnementales qui restent plutôt sur la défensive Les associations de défense de l'environnement semblent caractérisées plus par leur rôle défensif (avec l'usage des recours contentieux) que par leur implication avec les autres acteurs dans l'élaboration de projets de territoires. Bien que directement concernés par l'atteinte des objectifs de la DCE, les consommateurs, les ONG de défense de l'environnement et les élus ruraux des petites communes demeurent trop souvent inaudibles, faibles ou absents. Cependant, certaines ONG intègrent souvent mieux que d'autres acteurs les enjeux du long terme comme le changement climatique. Elles critiquent des diagnostics incomplets qui leur paraissent parfois plus relever de la négociation politique que de l'expertise objective et raisonnée de la situation. L'État critiqué pour son éloignement mais toujours sollicité Dans la majorité des sites, l'État est critiqué pour son changement de positionnement et son éloignement progressif du terrain, sa perte de technicité et l'insuffisance de conseil et d'appui aux collectivités territoriales. Les élus se plaignent d'un État devenu seulement un « gendarme ». La réduction des moyens disponibles de l'État lui permet de moins en moins d'interagir avec les intercommunalités et d'avoir la connaissance fine des projets, alors que son rôle peut être décisif pour aider à l'intermédiation entre les acteurs en vue d'établir des diagnostics partagés et à préciser les objectifs à atteindre au regard de la DCE. Plusieurs acteurs considèrent notamment que le niveau départemental (DDT) a une perception locale des territoires et que les agences de l'eau, lorsqu'elle sont peu présentes sur le terrain, n'ont pas toujours la connaissance fine des projets ni la capacité à jouer un rôle d'intermédiation entre élus et agriculteurs. L'implication de la DDT est, par exemple, appréciée dans la Loire : animation locale aux collectivités pour les « captages Grenelle », impulsion avec les élus et la chambre d'agriculture d'un projet innovant sur la plaine du Forez... Cependant, l'échelon départemental se sent insuffisamment associé par les agences et progressivement marginalisé, du fait de la réduction continue des effectifs, limitant ainsi ses capacités d'orienter positivement les politiques des acteurs locaux et de les inciter à se rencontrer pour établir des diagnostics pertinents et partagés. Face à la complexité des enjeux et du système d'acteurs, beaucoup, notamment les élus, demandent que l'État dessine les contours d'une feuille de route politique en impulsant un SAGE justifié par les enjeux en cause (santé publique, risque de contentieux européen), afin d'établir avec les acteurs intéressés un véritable diagnostic et un suivi. Le rôle attendu de l'État n'est pas celui d'opérateur, mais de catalyseur pour accomplir les étapes méthodologiques nécessaires : · Partage des informations et des connaissances scientifiques et techniques, des analyses, échanges de bonnes pratiques ; · Prise en compte des risques (y compris en matière de santé publique) par des études et des actions de communication/sensibilisation ; · Hiérarchisation des objectifs à l'issue d'un processus de gouvernance partagé ; · Création d'un dispositif d'évaluation, de pilotage et de suivi (échéances intermédiaires, indicateurs). 25 Dans les zones rurales, ce rôle de catalyseur est particulièrement attendu, en l'absence de compétences internes ou d'opérateur expérimenté pour l'assumer. A travers la question de la pertinence de la taille géographique du territoire se pose celle de « comment associer positivement élus, agriculteurs et organisations professionnelles » pour des diagnostics de qualité ? Plusieurs acteurs ont souligné l'importance de la dimension géographique du territoire. Ainsi en Bretagne-sud l'ARS souligne la nécessité de garder la dimension du « territoire habité », celle où les acteurs locaux arrivent à se comprendre : elle regrette que l'on évolue vers des « territoires gérés » qui éloignent la décision et fait remarquer que « plus le bassin versant est grand, plus les lobbies s'expriment ». Le syndicat mixte est du même avis, puisqu'il considère que « c'est plus facile » dans les petits bassins à taille humaine. Ce point de vue est aussi avancé par des DDT et par quelques bureaux d'études rencontrés, qui ont maintenant une bonne connaissance de nombreux périmètres dans différentes régions françaises. Ils plaident pour des maîtres d'ouvrage territoriaux (communautés de communes, syndicats de rivière ou de bassin, communautés urbaines...) à des échelles infra-départementales. Le « territoire habité », qui correspond à celui des échanges humains faciles à organiser (les gens se connaissent et s'engagent personnellement), paraît donc l'échelle à privilégier. Les agriculteurs concernés sont ceux de ce territoire, ils sont impérativement associés de façon assez directe, leur positionnement n'étant pas forcément celui de leur représentation socioprofessionnelle. Les situations observées reflètent des façons de faire installées depuis plusieurs années. La mission a pu voir ou entendre des expériences plus positives et encourageantes, s'inscrivant dans les méthodes préconisées pour les captages prioritaires Grenelle. D'autres recherches d'amélioration des pratiques ont conduit aux mêmes conclusions. L'échelle du « territoire habité » n'est toutefois pas adaptée à des problématiques de plus grande ampleur géographique comme la répartition des prélèvements supportables dans un grand bassin ou bien les effets cumulatifs de pollutions le long d'un cours d'eau. Il faut alors adapter l'échelle à chaque situation, en valorisant l'outil SAGE lorsqu'on raisonne à grande échelle. Afin que les différents partenaires, élus des communes, agriculteurs et leurs organisations professionnelles, sans oublier les autres parties prenantes, puissent oeuvrer de concert et donc d'abord à établir un diagnostic territorial pertinent et partagé, il est nécessaire de remplir un certain nombre de conditions : - La première est de disposer d'un maître d'ouvrage, ensemblier des différentes politiques publiques à l'oeuvre sur le territoire. Une collectivité locale ou territoriale de proximité a vocation à être désignée, clairement chargée du sujet, donc légitime sur le territoire concerné, pour éviter des superpositions de structures et des processus peu efficaces et coûteux. Dans différents sites visités, nombre d'acteurs critiquent en effet la perte d'énergie à maintenir des structures en compétition les unes avec les autres. Ils s'insurgent contre leur prolifération, constatent que la coordination devient difficile du fait de l'absence de clarification des rôles de chacun et de la multiplication des réunions. Certains territoires comme la Veyle ou l'Adour amont posent des problèmes plus difficiles car les territoires sont emboîtés, les systèmes d'acteurs complexes. Des maîtres d'ouvrages territoriaux à la bonne échelle, comme un engagement effectif des collectivités, peuvent aussi faire défaut. Dans ces cas, l'État est attendu pour coordonner, faciliter et impulser ; La deuxième est que ces maîtres d'ouvrage territoriaux puissent mobiliser le plus en amont possible les différents acteurs. Chacun dispose en effet de connaissances précieuses à la réalisation des diagnostics et leur engagement ultérieur est conditionné directement par la réussite ou l'échec des futurs projets. Les associer au diagnostic est indispensable pour permettre ensuite d'aboutir à une contractualisation effective ; La troisième est de pouvoir faire appel à des capacités d'expertise externe qui apporteront des garanties de crédibilité aux diagnostics, aux plans d'actions et aux méthodes de gouvernance - - 26 concertée15 qui auront été mises en oeuvre pour y parvenir. Les diagnostics d'exploitations : par qui et pour qui ? Pour la profession agricole, le diagnostic d'exploitation est un outil complémentaire et fondamental pour la mobilisation des agriculteurs. Ainsi, par exemple, sur la Coise, la DDT de la Loire souligne que le programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole (PMPOA) avait permis d'établir des diagnostics sur 750 exploitations, ce qui avait donné de bons résultats en termes d'animation. Pour le bureau d'étude choisi par le syndicat SIMACOISE, il est clair que, bien conduit, le diagnostic est, pour l'exploitant, un outil remarquable de sensibilisation et de réflexion pour l'action. Ce point de vue est pleinement confirmé par les agriculteurs rencontrés et engagés dans les MAEt phytosanitaires. Le diagnostic est conduit par l'exploitant luimême avec un appui méthodologique extérieur, il s'agit bien d'un diagnostic « participatif », dont les résultats sont compris et intégrés par l'agriculteur, et les conséquences en termes de plan d'actions immédiatement perçues. Le bureau d'études en charge de ces diagnostics souligne l'importance d'associer les agriculteurs eux-mêmes en amont du diagnostic dans des approches de type « ascendant » : il signale les nouvelles approches initiées en Charente par le Conseil général qui conduisent à demander aux agriculteurs : « d'après vous, que peut-on faire pour améliorer l'environnement ?», pour conduire les diagnostics individuels qui permettent de voir effectivement où sont les problèmes et les perspectives de changement qu'ils induisent. Cette démarche de mobilisation lors du diagnostic, doit permettre d'expliquer les objectifs à atteindre au titre de la DCE pour faciliter leur appropriation, et les resituer dans une procédure plus collective (intégrant toutes les parties prenantes). Les agriculteurs rencontrés qui ont pratiqué l'exercice s'en sont déclarés satisfaits. Cependant, ces diagnostics étant liés à la souscription à caractère volontaire de MAEt, leur nombre a été très limité. Plusieurs acteurs considèrent d'ailleurs que les chambres d'agriculture peuvent être juges et parties et ne sont pas forcément les mieux à même de réaliser ces diagnostics. Certains conseils régionaux ont ainsi exclu le recours aux chambres pour ces prestations. La chambre régionale d'agriculture de Rhône-Alpes elle-même ne trouve pas anormal que de tels diagnostics soient réalisés par un bureau d'études, si l'animation en amont et en aval est assurée par la profession. L'engagement et l'accompagnement des chambres d'agriculture sont en effet considérés comme des clefs de succès. Ainsi la même chambre régionale d'agriculture souligne l'importance de la formation, de la vulgarisation et de l'animation sur des territoires qui ont avancé plus vite grâce aux programmes FertiMieux, animations collectives avec les collectivités territoriales. L'expérience acquise sur les sites Natura 2000 souligne que la réussite nécessite l'adhésion des chambres tout en garantissant l'objectivité et la qualité du diagnostic. Une démarche innovante dans le Forez se traduit par des diagnostics ouverts à tous les agriculteurs du territoire (sans obligation d'engagement dans la mise en oeuvre de MAEt), diagnostics conduits par des binômes : techniciens de la chambre d'agriculture et du conservatoire régional des espaces naturels. Les diagnostics de filières locales A de nombreuses reprises, il a été fait référence à des impératifs de production liés aux filières économiques qui ne donnent pas de latitude suffisante dans les évolutions à conduire. Ainsi, si un agriculteur peut trouver son intérêt économique à valoriser ses produits dans une « niche économique » de proximité (vente à la ferme, contrats avec des collectivités, diversification...) qu'en est-il de l'agriculture de tout un territoire ? Tous les producteurs de lait peuvent-ils délaisser l'outil de transformation local sans le mettre en péril, et avec quelles conséquences sur le bassin concerné ? A quelle échelle cela est-il acceptable et quelle politique d'accompagnement devient alors nécessaire ? 15 Terme préférable à celui de « gouvernance à cinq » ou de « gouvernance grenellienne » car le nombre de parties prenantes et les objets de concertation peuvent largement varier. Voir le rapport du CGEDD, n° 006766-00, La gouvernance concertée, par Michel Badré, Agnès de Fleurieu, Michel Juffé, 30 mars 2010. 27 Les raisonnements entendus sont le plus souvent globaux, parfois sans appel (choisir entre économie du territoire et qualité de l'eau) ou au contraire individuels et radicalement « alternatifs » (agriculture bio et circuits courts), mais jamais documentés dans le cadre de la réflexion sur le bassin concerné par une masse d'eau et ses objectifs de « bon état ». L'approche économique se limite dans les cas rencontrés à l'échelle de l'exploitation, et mériterait un volet « filière » plus étoffé. La gouvernance mise en place : est-elle effective et permet-elle la concertation ? Face à la faible appropriation par les agriculteurs de l'enjeu de la DCE, on peut s'interroger sur la façon dont fonctionne la gouvernance. En effet, tout le dispositif issu de la loi sur l'eau a introduit une logique de bassin versant « multi-échelles » (comité de bassin, commission locale de l'eau , organes de gestion des périmètres de captage) impliquant très largement les collectivités avec une participation de toutes les parties prenantes ce qui touche en particulier les agriculteurs et les associations. Tout d'abord, qui est autour de la table au moment où il faut s'accorder sur un diagnostic, des objectifs puis décider d'actions agricoles à engager ? L'examen des instances issues de ces comités, en particulier les contrats territoriaux ou de rivière où l'enjeu des pollutions diffuses agricoles se discute et les SDAGE où les débits d'étiage sont cadrés, montre une sur-représentation des collectivités territoriales, quelques représentants institutionnels des agriculteurs et un fort éloignement des acteurs du terrain (ex. SIMA de la Coise : 6 représentants de la chambre ou de syndicats agricoles sur 75 membres du comité de rivière). Le fait que des maires soient agriculteurs ne remplace pas une participation directe. Par ailleurs, nous avons constaté que les techniciens des structures agricoles se positionnent de façon plus défensive que les agriculteurs pris individuellement, ce qui pose la question de leur légitimité effective. Cette sous-représentation ressentie par le monde agricole dans les organes de gestion de l'eau peut se comprendre dans une perspective historique où la logique antérieure portait principalement sur des actions relatives à l'eau potable, l'assainissement collectif et l'entretien collectif des ripisylves, tous sujets de préoccupation et de la compétence des collectivités locales. Elles doivent prendre en charge aujourd'hui la question des pollutions diffuses agricoles ou des débits d'irrigation, ce qui n'est pas ressentie par les agriculteurs du territoire comme aussi légitime16. Un débat clair, constructif et qui engage les parties prenantes nécessite de mettre autour de la table les personnes réellement concernées et de leur donner véritablement la parole : représentation effective et stable dans le temps, formation, outils d'analyse de la situation et des évolutions. Beaucoup d'interlocuteurs ont souligné l'instabilité liée aux élections et au renouvellement des représentants des collectivités qu'il fallait former pour assurer une continuité, la multiplication des réunions difficiles à suivre pour des acteurs économiques engagés et l'absence d'éléments de diagnostic partagés. Tout cela contribue à la faible appropriation des sujets sur le territoire et peut conduire à la solution de facilité d'un « recyclage » de mesures pas forcément des plus pertinentes. Les lieux de concertation : la cohérence entre les instances de la logique de bassins DCE et les structures administratives (État ou collectivités de niveau régional et départemental) chargées de mettre en place et de financer des outils n'existe pas toujours. Le bassin où s'élabore le SDAGE, où s'arbitre ses déclinaisons et où se pilote les contrats de rivière, est plus éloigné du terrain que les structures locales (départementales, ou syndicats de collectivités) qui mènent la concertation de proximité. Les alliances d'acteurs se font à différents niveaux, là où ils se considèrent dans un rapport de force favorable. Les procédures d'harmonisation au sein des bassins, comme au niveau national, conduisent à réduire parfois à peu de choses les contenus de concertation locale, vidant de son sens la démarche conduisant à une quelconque appropriation. Les parties prenantes locales revendiquent des marges de négociation jusqu'au lieu d'exercice de l'activité concernée : commune, petit bassin ? (Adour, Loc'h et Sal, Coise) 16 Ce qui ne les amène pas à se poser la question des autres intérêts (consommateurs, santé publique) que les élus peuvent aussi représenter et porter. 28 Enseignements Établir une démarche permanente d'observation de l'environnement où les informations et les connaissances sont partagées. Cette base permet ensuite de bâtir un diagnostic environnemental des enjeux du « bon état » pour le territoire qui soit partagé et consensuel. Partir d'une participation active des « parties prenantes » le plus à l'amont possible de la démarche : en particulier les représentants des agriculteurs du territoire et de leurs organisations professionnelles, au côté des collectivités locales et associations généralistes ou environnementales. Ceci suppose notamment d'identifier toutes les parties prenantes, de les écouter et les associer aux choix des indicateurs et à la sélection de l'expertise externe dans le cadre le cas échéant de formations/actions, de clarifier le rôle des uns et des autres dans l'élaboration des différents diagnostics et dans la mise à disposition des données. Généraliser l'usage des diagnostics individuels d'exploitations agricoles sur la totalité des périmètres sensibles, et pas seulement pour les exploitations contractualisant des MAEt - comme c'est le cas actuellement -, afin de créer la mobilisation individuelle des exploitants agricoles. Établir une méthodologie efficace et pertinente du diagnostic des territoires, intégrant les dimensions économique, sociale et technologique et permettant de faire ressortir des messages cohérents et partagés. Définir de façon partenariale des objectifs issus du diagnostic partagé, des plans d'actions à mettre en oeuvre et des modalités d'évaluation (indicateurs inclus) qui puisse engager les acteurs locaux. Cela demande de hiérarchiser et préciser les objectifs à atteindre, notamment des objectifs atteignables à court terme, et de définir un plan d'actions en fonction des moyens disponibles (réglementaires, financiers, techniques...) permettant d'aboutir ainsi à des chartes engageant les différents acteurs. Il est nécessaire pour cela de mobiliser une expertise externe impartiale et acceptée, travaillant en partenariat avec les acteurs (apportant leur expertise interne). Veiller à l'appropriation par chaque acteur des actions le concernant directement (faire le lien avec le diagnostic, recevoir des signes de reconnaissance... construire une représentation propre et comprendre les représentations des autres). La sensibilisation, l'animation/communication sont des outils à mettre en place soigneusement. Les observatoires partenariaux permettant à tous les acteurs de suivre dans la durée les progrès réalisés, les difficultés rencontrées et les avancées encore à obtenir, les modalités de l'évaluation des actions qui seront donc accessibles à tous et rendues publiques (communication sur les indicateurs choisis et leurs résultats). Ceci introduit la question du pilotage et de l'amélioration continue des actions menées sur le territoire. Privilégier des périmètres de bassins choisis collectivement et correspondant autant que possible à des « territoires habités » où les relations entre les différents acteurs sont facilitées parce qu'ils se connaissent et font habituellement fonctionner ces territoires. Cependant, certains problèmes sont, à une autre échelle, plus vaste et relèvent alors d'outils plus pertinents, tels les SAGE. 29 23- Les modes d'actions et leur pilotage : origine, élaboration et mise en oeuvre Dans les différents sites visités, de nombreux documents existent, validés ou en projet, portant « programme d'actions » destinées à atteindre des objectifs relatifs à la qualité des cours d'eau. Et pourtant, les acteurs rencontrés sont loin de s'être tous appropriés la démarche et de s'en sentir solidaires. Il convient alors d'examiner la façon dont sont élaborés puis mis en oeuvre ces programmes d'action. Origine et élaboration des actions (législation, contrats, ententes diverses...) La diversité des situations rencontrées et le témoignage des acteurs sur d'autres expériences permettent d'identifier un certain nombre de cas de figure éclairants. Les agriculteurs ou leurs techniciens, ainsi que des élus locaux font volontiers référence à des démarches collectives anciennes (PMPOA, FertiMieux...) qui ont permis de mettre en mouvement la profession agricole, avec le rôle important de leaders agricoles ou politiques locaux qui crédibilisaient la démarche et entraînaient les autres. Ces démarches collectives d'animation disparaissent avec la prédominance actuelle du réglementaire, d'une part, et du contractuel individuel de type MAEt, d'autre part, rarement vécues dans une dimension collective. Dans le cadre de la deuxième génération de contrats de rivière, les agences de l'eau ont voulu contractualiser la lutte contre les pollutions diffuses agricoles, alors que certains bassins versants étaient encore centrés sur l'assainissement collectif et l'entretien des ripisylves. Dans un contexte ne se donnant pas le temps et les moyens de la concertation, ce volet a pu être vécu comme une obligation, mais aussi comme pouvant constituer l'opportunité de faire financer des mesures agroenvironnementales refusées dans un autre cadre. Il est apparu alors un effet d'aubaine pour des agriculteurs acquis d'avance aux pratiques nouvelles proposées (Coise). A l'inverse, un niveau élevé d'exigence sur la MAEt se heurte au refus des agriculteurs et conduit au blocage du projet de contrat de bassin (rus du Roy). La mise en place des périmètres « captage Grenelle » est plus récente et a lieu sur des territoires plus petits et avec une méthode plus cadrée au départ. Il faudra vérifier dans quelques années si les résultats de la démarche se sont avérés meilleurs (cela ne fonctionne pas pour les captages des Rus du Roy) Les SDAGE sont à l'origine d'actions relatives à la DCE, décidées, validées, certains disent « arrachées » au moment du vote, dans des instances partenariales (les comités de bassin) qui semblent éloignées des acteurs de terrain, et qui s'imposent quelques mois après sous forme de déclinaisons locales. A l'image de la DCE vis-à-vis des SDAGE, s'affrontent alors deux logiques, celle des ambitions d'un niveau géographique plus vaste, jugées généralement trop élevées par la sphère agricole, et celle du niveau des institutions locales en général plus modestes. Cette logique d'affrontement se retrouve aussi bien au sein des services de l'État que pour d'autres acteurs du territoire (entre amont et aval par exemple : Adour). Lorsque l'enjeu « eau » est perçu comme important, une multitude de plans d'actions peuvent le porter sur un territoire (contrats du conseil régional, Natura 2000, programmes nitrates...) sans qu'une cohérence soit suffisamment recherchée quand un pilote ne se dégage pas clairement. Des acteurs aspirent alors à élaborer des contrats plus globaux, type SAGE et charte de PNR, parfois SCoT (par exemple, Loc'h et Sal, Veyle). Enfin, la situation est très différente en présence d'un industriel de l'eau (Badoit)17 ou d'une grosse métropole dont l'enjeu d'alimentation en eau potable de qualité est fondamental, et qui possède les moyens juridiques et financiers (DUP, expropriation ou rachat, contractualisation sur des pratiques 17 On peut se référer également aux eaux de Vittel, de Contrexéville ou d'Evian. 30 agricoles...) de mettre en oeuvre un plan d'actions. Les forces en présence sont telles qu'elles conduisent les agriculteurs à s'adapter rapidement (Marque et Deule). Le pilotage : mobilisation des acteurs et légitimité des actions En matière de pollution diffuse, si la phase d'élaboration des actions nécessite une forte implication des acteurs du territoire concernés par la problématique « eau », les modes d'action proposés doivent être également mobilisateurs car ils visent à faire évoluer les pratiques et non plus à équiper le territoire (face aux pollutions ponctuelles ou accidentelles). La question doit être abordée le plus globalement et le plus collectivement possible, tant au niveau des acteurs qui interagissent (collectivités territoriales, associations, agriculteurs, coopératives, entreprises, conchyliculteurs...) que pour l'agriculture au niveau du système de production lui-même (assolements/rotations, diversification, intrants, etc.). La présence d'acteurs économiques inhabituels dans les « face à face » traditionnels entre agriculture et collectivités peut être une opportunité pour élargir le dialogue local, ainsi que le montre par exemple la société des eaux de Badoit sur le bassin versant où elle est implantée. Les acteurs agricoles demandent, dans plusieurs sites visités, à disposer d'éléments objectifs leur permettant de mesurer l'impact de leur activité sur l'eau et l'effet de leurs efforts (« a-t-on peur de dire que cela s'est amélioré pour justifier le maintien de pression ? ») Ils souhaitent passer à une logique de résultat, en redonnant des marges de manoeuvre au niveau local. Dans le même temps, sachant que le milieu a une inertie qui ne permet pas de voir les évolutions très vite, il est nécessaire d'afficher des objectifs intermédiaires de réalisation permettant de mesurer les efforts. La question du positionnement des chambres d'agriculture comme prestataire des diagnostics cristallise localement, dans la Coise, dans la Veyle, les Rus du Roy, des conflits entre structures. L'agriculture ne se trouve plus alors dans un engagement central sur son territoire, mais dans une posture commerciale de second plan, qui nuit à la motivation des acteurs agricoles. Qui est maître d'ouvrage du projet ? Qui est le pilote ? Peut-on avoir sur un même territoire (BV) une multitude de maîtres d'ouvrages, un émiettement par type d'actions comme constaté sur certains sites visités ? Des acteurs élus ou agricoles du bassin de Loch et du Sal ont unanimement cité comme facteur de réussite l'existence ancienne de leaders locaux qui ont su entrainer de façon légitime les agriculteurs dans des évolutions nécessaires. Au contraire, le territoire de la Veyle fait apparaître une multitude d'acteurs concernés partiellement par la question et qui attendent un signal mobilisateur et responsabilisant pour tous. Un pilote est nécessaire pour un tel projet complexe impliquant tant d'acteurs aux logiques propres. Une collectivité locale ou territoriale de proximité a vocation à être ce pilote et à organiser, avec les autres parties prenantes, la façon dont va s'organiser le processus conduisant à l'amélioration de la qualité de l'eau. Il faut distinguer clairement le maître d'ouvrage et les contrepartie, une responsabilisation, un contrôle, une (opérateur via des politiques sectorielles ? Médiateur ? Quelle compatibilité entre les différents rôles ? Qui est MAAP, la DREAL, la DRAAF, la DDT, le préfet... ?). financiers liés par des engagements, une sanction. Le rôle de l'État est à clarifier facilitateur/catalyseur ? régulateur/arbitre ?). l'État ? (l'agence de l'eau, le MEDDTL, le L'État est responsable de la mise en oeuvre de la DCE d'une part, et conduit la politique agricole, d'autre part, ce qui peut être porteur, dans des situations conflictuelles, de divergences qui ne contribuent pas à l'efficacité de solutions concertées. L'échelon territorial est plus à même de percevoir les enjeux de la réalité locale alors que l'échelon central de l'État ne peut que rappeler les objectifs généraux, leur cohérence, les principes de la gouvernance et de l'évaluation des résultats. Cet échelon national est attendu pour prendre une position claire et ferme dans les cas les plus complexes ou très controversés 31 Les visites sur site ont montré que les échelons éloignés ne sont pas en mesure de suivre et d'assumer la mise en oeuvre des actions arrêtées. Si l'agence de l'eau peut contraindre à faire évoluer les pratiques agricoles au titre des contrats de rivière ou dans des SAGE, le résultat dépend de la façon dont les acteurs du territoire seront capables de « passer contrat » sur des objectifs partagés en échange d'une modification de leurs pratiques. Cela ne peut pas se piloter à distance, notamment quand les objectifs portent sur des résultats et non sur les moyens à mettre en oeuvre. Il faudra ajuster des modalités de relais local(équipes de proximité) ou de délégation (à d'autres services locaux de l'Etat) pour une prise de décisions à l'échelon pertinent. Le pilotage des actions, des objectifs et des indicateurs Dans certains bassins, les agriculteurs jugent que les objectifs vont au-delà du raisonnable, au-delà de ce qu'exige la DCE, que d'autres États membre déclineraient de façon moins ambitieuse. Les coopératives peuvent être d'accord sur le diagnostic, mais demandent de hiérarchiser les objectifs, avec des coûts proportionnés aux enjeux. Des collectivités territoriales, maîtres d'ouvrage d'aménagements sur les cours d'eau, demandent de revoir l'échelonnement des objectifs afin d'entrer dans une programmation plus réaliste, laissant le temps de la concertation. L'engagement des acteurs du territoire nécessite qu'ils soient parties prenantes des objectifs et que soient choisis, avec la même gouvernance que décrite précédemment, des indicateurs de résultat et d'impact permettant de suivre les progrès des uns et des autres. Les modes d'action retenus : effectivité et pertinence Si l'on retient le territoire «habité » comme le bon échelon de cohérence des actions à retenir et à mettre en oeuvre, il faut pouvoir mesurer la pertinence des mesures au regard des objectifs de la DCE et des résultats attendus. Le plus souvent les solutions à disposition nécessitent d'être dépassées par des modèles de production d'une autre nature, alliant la pertinence économique à une amélioration des impacts sur l'eau. Il ne suffit donc pas de se limiter à des obligations et des compensations de revenu. Les agriculteurs innovants rencontrés sont demandeurs de modèles et de références agricoles applicables localement. Et pourtant le rôle potentiel de l'appareil de recherche et de formation est peu porté par les services : il a d'ailleurs été difficile de le rencontrer tant les DDT ne voyaient pas leur implication dans le sujet de l'étude, alors que depuis quelques temps, un réseau de correspondants sur ces sujets a été mis en place au niveau national. A présent, la seule solution contractuelle à la disposition des acteurs agricoles est quasiment la MAEt, jugée trop rigide lorsqu'il est question de moduler les aides en fonction des situations locales. Certains ne la trouvent pas assez ambitieuse et regrettent qu'elle soit utilisée comme effet d'aubaine par des agriculteurs qui ont déjà des pratiques favorables et n'améliorent donc pas la situation. D'autres au contraire la jugent trop élitiste voire trop limitées dans le temps ou trop partielle, car ne touchant pas des agriculteurs ou des parties de leurs exploitations qui en auraient pourtant besoin pour passer à un autre système de production. Il faudrait raisonner les MAEt en termes de « résultats et de chemin pour les atteindre » plutôt qu'en termes de « moyens mis en oeuvre (sans obligation de résultat) ». Lorsque le « réglementaire » (arrêtés préfectoraux, art 21 de la loi sur l'eau et les milieux aquatiques ­ LEMA - rendant obligatoires des mesures) rattrape le « volontaire » (MAEt par exemple), il n'y a plus de place pour une mobilisation dans un territoire sur un projet collectif. La prochaine mise en place des zones soumises à contrainte environnementale (ZSCE) pourrait permettre de tenter d'allier les outils réglementaires, en rémunérant les mesures obligatoires, et les outils contractuels (chartes et certifications) tout comme l'avaient fait les premières opérations locales agro-environnementales (OLAE) : mesures collectives et animation territoriale venaient en appui à une panoplie de mesures adaptées à chaque territoire et validées localement ou à un niveau géographique immédiatement supérieur, selon un principe de subsidiarité correctement défini. La certification environnementale des exploitations agricoles avec l'animation qui l'accompagne peut être également un outil mobilisateur 32 Les marges d'autonomie pour articuler entre eux les dispositifs sont jugées insuffisantes (entre MAEt, programme de modernisation des bâtiments d'élevage, conversion « bio »...). Des investissements sur l'exploitation sont parfois nécessaires pour passer le cap des difficultés liées à la mutation, et doivent être examinées sans a priori (Coise, Adour). Les modes de raisonnement global et de décision en vigueur pour les prêts bonifiés ou les plans d'investissement des projets d'installation ou des plans de modernisation seraient opportunément utilisables dans ces situations. Il est nécessaire également d'articuler entre eux l'accompagnement micro-économique des exploitations qui veulent transiter vers des systèmes leur permettant de maintenir leur revenu, et celui des filières commerciales locales qui demandent un vaste programme d'expérimentation. L'élargissement à des acteurs non agricoles mais interférant sur les territoires ou ayant un intérêt direct sur ce territoire est également un facteur de réussite (ex. des plateformes de regroupement d'une offre de proximité, ou de l'entreprise Badoit qui s'associe aux communes de proximité). Enseignements Hiérarchiser les enjeux et aller à l'essentiel en y concentrant les moyens disponibles, en prenant en compte les autres aspects des plans d'aménagement durable des territoires. Établir ainsi la relation entre les plans d'actions et les enjeux du territoire (économie, emploi, cantines, urbanisation...) et en inscrire les conséquences dans les documents d'aménagement. Veiller à la bonne cohérence du triptyque « objectifs, moyens et échéances ». Engager les parties : établir un dialogue débouchant sur des engagements multipartites comprenant au moins: État/Agence de l'eau/collectivités/profession agricole/associations locales, qui se traduira dans des chartes (et non dans des systèmes de prestation en concurrence), financées par l'agence et passées par les collectivités. La profession agricole doit être représentée de façon plurielle sur le territoire, en engageant complètement les agriculteurs du territoire concerné, aux côtés de leurs organisations socioprofessionnelles. Renforcer l'engagement des chambres d'agriculture à accompagner la transition vers une agriculture plus respectueuse de la qualité de l'environnement et de la ressource en eau. Outils de développement agricole, alimentées par un travail mené au niveau national par l'APCA, elles ont vocation à entraîner collectivement les agriculteurs vers des pratiques adaptées, non à constituer un écran institutionnel. Cet engagement spécifique doit faire l'objet d'un message clair de l'État , avec mise en oeuvre via les outils de contractualisation et d'orientation des aides. Clarifier le rôle de chacun : il doit être défini précisément afin que chacun tienne le rôle auquel il s'est engagé : Les collectivités territoriales pilotent les projets et assurent la collecte coordonnée des données d'observation ; L'État est garant de la façon dont les acteurs mettent en place les bonnes conditions pour un engagement partagé. Les bureaux d'étude apportent une vision externe aux acteurs sur les diagnostics de territoire, et sur les diagnostics d'exploitation en lien avec les chambres d'agriculture ; Les chambres d'agriculture sont centrées sur le développement, l'accompagnement des agriculteurs et contribuent aux aspects économiques du projet aux échelles de l'exploitation et de la filière. Elles n'ont pas vocation à être de simples bureaux d'études ; Les opérateurs économiques tels que les entreprises agroalimentaires ou les coopératives peuvent avoir une dynamique collective intéressante dès lors qu'ils s'engagent dans une démarche favorable à la qualité de l'eau. Formaliser la coopération entre les agences de l'eau et les services déconcentrés de l'État pour pouvoir décliner la ligne politique relative à la mise en oeuvre de la DCE avec des outils adaptés aux 33 bonnes échelles, en particulier dans les territoires ruraux où les collectivités ont besoin d'un appui renforcé. Il est en effet impossible de suivre précisément la mise en oeuvre d'un contrat de rivière depuis le siège d'un bassin hydrographique. Piloter : s'il y a un acteur tête de file, généralement la collectivité territoriale, le pilotage doit être formalisé dans la charte d'engagement des acteurs en précisant : Le choix des indicateurs à arrêter ensemble ; La mise en place d'un observatoire ouvert à tous permettant un suivi partagé des évolutions ; L'exploitation de ces résultats pour des améliorations à échéances fixées. Adapter les mesures : aux côtés des mesures standardisées et réglementaires, favoriser l'adoption de mesures construites sur les territoires permettant d'accompagner le changement des systèmes d'exploitation agricoles, avec des dynamiques collectives. Cela recouvre à la fois : La souplesse à accorder dans la construction des mesures (actuelles et dans la perspective de la révision du PDRH) en donnant plus de marge de manoeuvre au niveau déconcentré pour développer une politique contractuelle, éventuellement avec des opérateurs collectifs ; L'articulation des mesures entre elles ; L'articulation des interventions de l'État, des agences de l'eau et des collectivités. Expérimenter ces possibilités sur des sites test, avec une ingénierie spécifique d'appui, en particulier : les modalités d'animation, l'articulation des aides entre elles et le niveau de souplesse nécessaire, ainsi que la possibilité d'étendre une mesure volontaire quand le voisinage, dans sa majorité, est favorable. Cette expérimentation permettra de mesurer jusqu'à quel point toutes ces préconisations ne pourront être efficaces qu'à une échelle de temps suffisante notamment au regard de nombre d'objectifs globaux souscrits au niveau européen. 34 24- L'évaluation des résultats et des impacts, et le respect des engagements De même qu'il n'a été rencontré aucun accord suffisant entre les diverses parties prenantes pour établir les dimensions d'un diagnostic véritablement partagé ni les règles de la construction d'un plan d'actions, les processus d'évaluation des actions conduisant au « bon état » des eaux ne sont pas davantage clarifiés, voire formalisés. Comme par ailleurs les mesures d'incitation (sous forme d'aides), mais aussi les redevances des agences de l'eau (redevance prélèvement, redevance pollution 18 d'origine non domestique-élevage et redevance pour pollution diffuse tout particulièrement ), tout comme les sanctions prises contre les activités (et les acteurs) qui nuisent à ce bon état des eaux, sont sporadiques, c'est l'ensemble du dispositif de régulation qu'il faut réexaminer. Pendant ce temps l'État français est fréquemment mis en cause pour ses manquements aux divers engagements environnementaux, et notamment sur l'eau. Rappelons que l'évaluation de la mise en oeuvre d'une politique publique (et éventuellement de sa conception s'il apparaît que les défauts de mise en oeuvre tiennent à une faiblesse de conception) est à distinguer des tableaux de bord et autres instruments de pilotage, et des bilans qui ponctuent régulièrement les étapes de mise en oeuvre et portent sur le degré de réalisation (le plus souvent chiffré) de l'ensemble et du détail des actions. Elle se distingue également des audits, qui se limitent à des estimations de coût-bénéfice, de rendement ou de rentabilité et, au plus, de qualité (du processus, pour l'usager...) des activités. L'évaluation est globale (elle porte sur tous les aspects qualitatifs de la politique en question : techniques, financiers, juridiques, économiques, sociaux, culturels, écologiques...) et elle porte sur l'ensemble du processus de mise en oeuvre (choix d'actions, modes d'action, modes de contrôle, pilotage et correction des actions, bilans...). Les bases de l'évaluation du bon état des eaux : la mesure des résultats obtenus Une évaluation de l'application de la DCE reposerait, pour commencer, sur des mesures claires, fiables, connues et acceptées par tous les partenaires. Or c'est loin d'être le cas. En effet, nos divers interlocuteurs ne sont pas d'accord19 sur ce qu'il faut mesurer et comment il faut le mesurer (notamment la périodicité). Ils formulent des doutes sur le crédit à accorder aux organismes qui procèdent à ces mesures. Ils s'interrogent sur l'usage ultérieur de ces mesures. · Que faut-il mesurer ? Selon la DCE « Il y a lieu d'établir des définitions communes de l'état des eaux en termes qualitatifs et, lorsque cela est important aux fins de la protection de l'environnement, quantitatifs. Il convient de fixer des objectifs environnementaux de manière à garantir le bon état des eaux de surface et des eaux souterraines dans toute la Communauté et à éviter une détérioration de l'état des eaux au niveau communautaire » (considérant 25 de la DCE). « Il convient de poursuivre l'objectif du bon état des eaux pour chaque bassin hydrographique, de sorte que les mesures relatives aux eaux de surface et aux eaux souterraines appartenant au même système écologique et hydrologique soient coordonnées. » (considérant n° 33). Les « éléments de qualité » et les « définitions normatives » des classifications de l'état écologique des eaux, qui donnent corps à ces considérants, occupent 20 pages d'annexe de la DCE. Il en résulte que les priorités et les hiérarchies en fonction des caractéristiques des bassins hydrographiques sont difficiles à dégager. Ainsi, une coopérative agricole du Morbihan fait état d'une carte de Bretagne identifiant 8 enjeux, sans hiérarchisation et avec des objectifs contradictoires. Pour 18 Les recettes provenant de ces trois redevances représentaient en 2009 de 1% à 7% seulement du produit total des redevances perçues par les agences de l'eau (6% pour l'agence de l'eau Loire-Bretagne, alors que les pollutions d'origine agricole représentent 43% du coût des mesures du même bassin pour la période 2010-2015). 19 Que ce soit pour des raisons stratégiques ou du fait de leur expertise. 35 d'autres (agence de l'eau Loire-Bretagne), il n'y a pas de cartographie détaillée diffusée20 de la qualité des eaux, bien que les données existent. Pour d'autres encore (DDT, chambre d'agriculture), même s'il y a eu des diagnostics territoriaux au départ, il est impossible de suivre les progrès dans la durée, bien que l'on pense que les efforts des agriculteurs et des communes « ont sûrement eu des effets ». Pour les pesticides, on connaît mal les effets des mélanges, ni de leur incidence sur l'environnement, et on ne sait pas bien quelles molécules mesurer. On a aussi des progrès à faire dans la connaissance de la dynamique des polluants dans les sols. Des chercheurs de l'INRA mettent en question le choix des mesures : on ne dispose pas de la boite à outils des impacts : par exemple, les MAEt (mesures agro-environnementales territorialisées) relèvent d'une réglementation, qui affiche le plus souvent des objectifs de moyens et non d'impact, tels que la diminution de l'IFT (indicateur de fréquence de traitements phytosanitaires) par culture, sur la base des pratiques constatées, faute d'une corrélation facile entre pratiques agricoles et impact sur l'eau. Comment le mesurer ? Les procédures à suivre occupent six pages d'annexe de la DCE. En pratique, tout dépend de l'efficacité des organismes de contrôle, des protocoles utilisés (valeur moyenne, en basses eaux, après orage...) qui peuvent conduire à des résultats différents, des mesures de résidus de pesticides où la recherche n'est ciblée que sur ce que l'on connaît. Certains maires et collectivités départementales estiment que la périodicité des contrôles de la qualité des eaux est trop faible. Des groupes privés, tels que Badoit, financent un grand nombre de points de mesure et d'analyses mensuelles et un contrôle/analyse exhaustif annuel (pour 120.000 par an depuis 2008). Mais ce type d'action, très apprécié, reste limité. Dans certains cas, il existe un point de mesures à la source (sur eaux profondes) et un point de mesure en aval (eaux superficielles) avec des prélèvements quasi-mensuels pour l'analyse de 380 molécules ou mélange de molécules. Qui doit mesurer ? Les avis sont partagés et les pratiques divergent : Pour une agence de bassin, il faudrait un observatoire, résultant d'une convention signée entre l'État et des partenaires privés ; Pour un syndicat de bassin versant, c'est le comité résultant du 2e contrat de rivière, lequel a renforcé l'obligation d'analyse et de rendus de résultats, or un comité n'est pas un opérateur local ; Un des conseils généraux rencontré dispose d'un réseau départemental de mesure de la qualité des eaux ; il établit une analyse annuelle des résultats et communique sur la base de ces résultats ; Des chambres d'agriculture se méfient des mesures effectuées par des bureaux d'études privés ; avec elles les agriculteurs contestent les analyses. En règle générale, s'il faut se donner des moyens de suivi et de pilotage du plan d'actions, il faut se garder de toute démarche d'auto-évaluation, les risques sont grands de ne pas mesurer les objectifs retenus au départ, et de développer une appréciation subjective et partielle, et de ne pas obtenir un consensus partagé de la part de toutes les parties prenantes. L'évaluation doit être externe, elle est d'ordre qualitatif en s'appuyant sur les indicateurs renseignés par le plan d'actions et ses résultats doivent être débattus (gouvernance concertée ou par consensus) avant la validation finale. Que faire de ces mesures ? Selon une agence de l'eau, ce qui fait surtout défaut, c'est le suivi et le rendu par les acteurs de l'évolution de la qualité de l'eau. 20 Un classement des cours d'eau, plans d'eau, eaux littorales et souterraines a été effectué fin 2004, mais la communication qui en a été faite dans le SDAGE et le 9 programme de l'AELB reste peu explicite. e 36 Pour une chambre d'agriculture, l'agriculteur doit voir afficher les résultats de son action (nitrates dans la rivière par exemple en face des efforts faits en matière de fertilisation réduite ou de mise aux normes de ses bâtiments). Pour certains élus, tous les maires ne sont pas informés des travaux des bureaux d'études ; l'information sur les séries de données à moyen et long terme (concernant les nitrates, les phytosanitaires...) n'est pas faite. Pour un syndicat de rivière, les résultats des analyses des contrôles opérationnels ou de surveillance sont publiés, mais il reste à les traduire en messages permettant de convaincre et de motiver aux changements de pratiques les acteurs concernés, au premier rang desquels les agriculteurs. Une agence de l'eau met le doigt sur la difficulté de faire comprendre les mesures : «avant, l'usager de la rivière pouvait dire si elle était propre ou non. Actuellement la pollution n'est pas visible ; il faut faire appel à des experts qui ne sont pas toujours crus. De plus les élus n'ont pas toujours intégré les contraintes du traitement de l'eau potable car la signature d'un contrat avec le « fermier » semble les décharger de la question. » Ainsi, globalement et même si c'est la base du pilotage, les insuffisances dans la communication des données et sur leur méthode d'obtention constituent des obstacles majeurs à la mise en oeuvre de la politique de l'eau telle que déclinée dans la DCE. Pourtant les articles 4 et 5 de la Convention d'Aarhus21, imposent l'information et la participation du public, et a fortiori des parties prenantes, en matière d'environnement22 (pour les projets, plans et programmes, dans le langage de la commission européenne). Les pouvoirs publics sont tenus de recueillir des informations et d' en faciliter l'accès gratuit23. Cette obligation légale d'information et de diffusion publique s'impose non seulement à l'État et à ses établissements publics, tels que les agences de l'eau et les agences régionales de santé, mais aussi aux collectivités territoriales et leurs groupements, aux personnes privées chargées d'une mission de service public. Les pratiques que nous avons pu observer montrent que ces obligations sont loin d'être respectées. Par ailleurs, il est clair aujourd'hui que la méfiance règne quant à la validité des mesures qui peuvent servir de base à une évaluation. Or, de telles mesures doivent être clairement définies au niveau national. L'évaluation des actions Puisque l'accord sur la nature même des mesures de qualité des eaux est loin d'être acquis, il est clair que l'évaluation des actions liées à ces mesures souffre d'un déficit de confiance dans ses indicateurs. De toute manière, les diverses personnes rencontrées n'abordent guère ce thème, comme s'il allait de soi que l'appréciation des uns et des autres tient lieu d'évaluation ou bien qu'il soit estimé difficile ou trop conflictuel de se lancer dans un véritable processus d'évaluation, formalisé et mobilisant des experts externes aux actions en question. En vigueur en France depuis 2002, reprise par la directive du 28 janvier 2003 relative à l'accès du public à l'information en matière d'environnement, directive elle-même transposée par la loi n° 2005-1319 du 26 octobre 2005, de laquelle sont issus les articles L. 124-1 à L. 124-8 du code de l'environnement. 22 Art. L. 124-2, « Est considérée comme information relative à l'environnement toute information disponible, quel qu'en soit le support, qui a pour objet : 1° L'état des éléments de l'environnement, notamment l'air, l'atmosphère, l'eau, le sol, les terres, les paysages, les sites naturels, les zones côtières ou marines et la diversité biologique, ainsi que les interactions entre ces éléments » ; 23 Art. L. 124-7, « I. - Les autorités publiques prennent les mesures permettant au public de connaître ses droits d'accès aux informations relatives à l'environnement qu'elles détiennent, et veillent à ce que le public puisse accéder aux informations recherchées. A cet effet, elles établissent des répertoires ou des listes de catégories d'informations relatives à l'environnement en leur possession, accessibles gratuitement et indiquant le lieu où ces informations sont mises à la disposition du public. II. - Les autorités publiques veillent à ce que les informations relatives à l'environnement recueillies par elles ou pour leur compte soient précises et tenues à jour et puissent donner lieu à comparaison. Elles organisent la conservation de ces informations afin de permettre leur diffusion par voie électronique ». L'art. R. 124-5 précise : « I. - Doivent faire l'objet d'une diffusion publique au sens de l'article L. 124-8 les catégories d'informations relatives à l'environnement suivantes : [ ] 5° Les données ou résumés des données recueillies par les autorités publiques dans le cadre du suivi des activités ayant ou susceptibles d'avoir des incidences sur l'environnement ». Parmi les données concernées figurent bien entendu les données relatives à la qualité de l'eau et les analyses effectuées. 21 37 Les services de l'État ne poursuivent pas les mêmes buts, et, implicitement, ne sont pas d'accord sur ce qu'il faudrait évaluer. La DRAAF a sa logique économique et des compromis à trouver. La DREAL, et tout particulièrement la DREAL de bassin, a des consignes plus claires à décliner venant du ministère ou en application du programme de l'agence de l'eau. En revanche, il n'y a pas d'articulation entre DRAAF et DREAL. Pour la DRIAAF, en dépit d'études menées de longue date (depuis 2002) et reprises en 2010, sur des bases mutuellement acceptées, les mesures à prendre sur les zones à risques restent l'objet de divergences fortes. Le dossier n'a pu être accepté en commission régionale agro-environnementale en février 2011 et la situation est bloquée. L'absence d'unité de vues entre services de l'État ne facilite pas la résolution du conflit. Le conseil régional est tout aussi segmenté. Résultat : « on travaille en pompiers et sans recul ». Les chambres d'agriculture ont tendance à dire que le cadre réglementaire est peu lisible (il existe plusieurs définitions différentes des zones humides ; la notion de cours d'eau elle-même a plusieurs définitions), trop complexe et empile sans fin les textes. Plusieurs intervenants (certains services déconcentrés de l'État, l'agence de l'eau) « noircissent » même le tableau. En sens inverse, un PNR dispose d'un « observatoire de l'eau, résultat d'une mutualisation sous forme conventionnelle des moyens d'observation de chaque acteur et permettant d'établir un diagnostic partagé de l'hydrosystème et d'évaluer l'efficacité des actions menées. Le diagnostic partagé éclaire les choix d'actions et de travaux pour l'amélioration de la ressource et permet d'établir les marges de progrès pour chaque acteur impliqué. » Pour certains élus, en France trop peu de travaux ont été réalisés sur les leviers de changements de comportement et sur les jeux d'acteurs. En matière de la qualité de l'eau, il est manifeste qu'en France aucun processus formel d'ensemble n'a été mis en place. Ce qui est assez étonnant, car la DCE date de 10 ans et nous sommes à 5 ans des premiers résultats attendus. Il s'agit d'un grave déficit de la puissance publique d'autant que la France dispose depuis plus de 40 ans d'une organisation territoriale par bassins hydrographiques, ce qui est loin d'être le cas dans tous les pays de l'Union européenne, et que la DCE fait explicitement référence au « bon état des eaux pour chaque bassin hydrographique... ». Une véritable évaluation globale (pertinence des objectifs, choix des indicateurs et résultats mesurés) suppose que l'accord ait été obtenu sur la définition des mesures initiales (partie intégrante des diagnostics de territoire) et sur des mesures périodiques à la suite d'action engagées. Le système d'information sur les services publics d'eau et d'assainissement (SISPEA), en tant qu'observatoire national de l'eau et de l'assainissement en charge de recueillir et diffuser « des données sur l'eau, les 24 milieux aquatiques, leurs usages et les services de distribution d'eau et d'assainissement » devrait aussi avoir pour mission de relever la qualité des masses d'eau; sa mission devrait être étendue à l'ensemble des usages de l'eau. Étant donné les spécificités de chaque territoire, une hiérarchie des résultats à prendre en compte doit déjà être établie par micro-bassin, après consultation des parties prenantes, sous l'égide des agences de bassin. Ces mesures feraient foi pour la conduite des évaluations. Cela implique notamment qu'il est inapproprié d'appliquer à la lettre les éléments de mesure annexés à la DCE. Il apparaît au total que les conditions d'une véritable évaluation de cette politique publique ne sont pas réunies et que ses dimensions « transversale » et systémique ne sont pas réellement prises en compte. Les sanctions prises par l'État L'article 23 de la DCE porte sur les sanctions : « Les États membres déterminent le régime des sanctions applicables aux violations des dispositions nationales prises en application de la présente directive. Les sanctions ainsi prévues doivent être effectives, proportionnées et dissuasives. » Les observations des interlocuteurs de la mission montrent qu'aucun de ces trois points n'est satisfait. 24 Article L. 213-2 du code de l'environnement, tel qu'issu de l'art. 88 de la LEMA. 38 L'ONEMA, créé en 2007, assure la police de l'eau selon des plans de contrôle arrêtés dans chaque département. Cette activité est très critiquée : Les agriculteurs voient l'État comme celui qui édicte des normes et instaure, pour les accompagner, des mesures mal adaptées aux risques économiques qu'on leur demande d'encourir ; Certaines collectivités territoriales estiment que l'activisme récent de l'État sur le sujet de l'eau est peu favorable et inefficace ; Certains préfets sont très sévères : l'autoritarisme ne règlera rien (création de blocages) : il faut négocier, par exemple des compensations avec les organisations agricoles ; « l'État travaille à l'envers : il faut évaluer les conséquences des mesures préconisées, trouver des solutions pour les acteurs concernés et ensuite mettre des contraintes réglementaires ». « Les cabinets ministériels vivent dans l'illusion qu'en discutant des problèmes au niveau national on arrive toujours à trouver des solutions » ; Pour certains agents de l'État, la police de l'eau est dévalorisée. Des agents de l'ONEMA euxmêmes déplorent les limites des contrôles : les agents en charge des contrôles de la loi sur l'eau ne connaissent pas les MAEt « eau », n'ont pas la connaissance des produits utilisés, ne peuvent pas rester sur les parcelles en cours de traitement. Au surplus, les procès-verbaux qu'ils dressent sont classés sans suite par les Parquets, sans doute notamment par manque de sensibilisation d'autres services de police quant à la qualité de l'eau. - - Pour d'autres, le problème n'est pas que la voie réglementaire doive l'emporter sur des accords entre partenaires, mais que l'État ne sait pas sanctionner : L'État « a du mal à imposer des contraintes fortes » en règle générale, disent des agents de l'ONEMA ; Pour une DREAL, la question du non-respect des règlements, du laxisme des contrôles et des dérogations accordées fréquemment reste « une épine dans le pied » car elle s'avère antipédagogique et décrédibilisante pour tout plan d'actions ; Pour un vice-président de région, les outils et la puissance juridique de l'État ne sont pas assez utilisées : il faut une reprise en main énergique par l'État, une prise en compte par celui-ci d'une approche de comptabilité publique globale par territoire à enjeux. Mais il faut aussi savoir « mettre du monde sur le terrain ». - Pour certains professionnels, l'État local (la DDT) est tantôt considéré comme un arbitre impartial entre les différents groupes de pression, tantôt comme trop mou voire laxiste notamment dans l'exercice de la police des eaux. On l'accuse alors d'être de connivence avec la profession agricole ou, à l'inverse, d'être trop sensible aux préoccupations des environnementalistes. Un maire estime que l'ONEMA verbalise les agriculteurs en infraction sans discernement, ce qui est très mal vécu. De manière fréquente, les organismes agricoles comme économiques insistent sur l'incohérence entre les politiques de l'État menées par les uns et les autres (agences de bassin et services déconcentrés, diverses directions centrales : DGPR, DEB) sans parler de l'incohérence entre la DCE, les autres directives visant à la protection des ressources naturelles et toute la politique agricole commune (PAC). Ce manque de cohérence et d'unité de vues entre services de l'État et politiques européennes n'est effectivement pas sans entretenir confusions et faux espoirs. La police de l'eau La police de l'eau est dévolue à l'État, par le biais de ses services (MISE en DDT) et de ses établissements publics (ONEMA). Elle est cependant aussi du ressort des communes, dans le cadre de la police générale exercée par les maires. Aucun changement statutaire n'est nécessaire, mais l'insuffisance des moyens est manifeste. Les maires des communes rurales, particulièrement concernés par les problèmes liés aux pollutions diffuses, ne disposent nullement des moyens, humains et techniques, appropriés. 39 L'ONEMA a notamment pour objectif, dans le cadre de son contrat d'objectifs 2009-2012, d'intégrer les nouvelles priorités et modalités d'exercice de la police de l'eau. Au nombre de ces nouvelles priorités figure le contrôle des pollutions diffuses, le développement de la complémentarité entre services, avec des plans de contrôle inter services de la police de l'environnement. Des conventions devraient ainsi être systématiquement conclues dans chaque département avec le préfet, des protocoles passés avec les Parquets (de tels protocoles ont déjà été passés dans 63% des départements ) ; de plus des modes de fonctionnement plus coordonnés entre services de l'ONEMA, DDT (services chargés de la police de l'eau) et unités de contrôle phytosanitaire devraient être recherchés. Les actions ainsi entreprises devront évidemment être poursuivies et amplifiées. Le fait que les actions de contrôle sont appelées à être rapportées à la Commission européenne devra d'ailleurs y contribuer. Enfin, la question du niveau d'exigence des objectifs à atteindre se pose : il vaut mieux des objectifs moins ambitieux mais atteignables dans les délais prévus, et concentrer la police de l'eau, pour une plus grande efficacité sur les zones les plus polluées. Par ailleurs, il revient aux financiers des mesures agro-environnementales de s'assurer que les fonds versés sont utilisés à bon escient. Enseignements L'évaluation des résultats obtenus et la qualité des mesures de bon état de l'eau Si une évaluation complète doit être à la fois environnementale, économique, sanitaire et sociale, celle portant sur les mesures conduisant au « bon état » des eaux doit se référer in fine aux objectifs environnementaux de la DCE25, en regardant s'ils peuvent être atteints à un coût « raisonnablement acceptable ». Pour que cette évaluation soit effective, comprise et acceptée par tous, il est nécessaire qu'elle remplisse plusieurs conditions, non réunies à présent : Elle doit porter sur l'ensemble des processus de mise « en bon état » de l'eau, c'est-à-dire sur l'ensemble des actions entreprises, et en examiner tous les aspects : techniques, économiques, sociaux, juridiques, sanitaires, etc. Elle doit être formalisée : cahier des charges portant sur les actions à examiner et leurs liens entre elles ; modes d'enquête et de présentation des résultats d'enquête ; délais prescrits ; Elle doit être confiée à une pluralité d'experts extérieurs aux parties prenantes du territoire considéré, mais leur choix doit être approuvé par ces parties prenantes ; Elle doit être rendue publique, par divers moyens d'informations, et discutée publiquement ; L'État doit être le garant du bon déroulement de l'évaluation. C'est aux administrations centrales de l'État (CGDD, DGPR, DEB, directions du ministère de l'agriculture...) de concevoir conjointement le cadre de ce système d'évaluation, après consultation des divers organismes de bassin (agences, comités, etc.), des EPTB et des autres organisations liées à la gestion de l'eau et des milieux aquatiques. Une garantie d'impartialité doit être apportée. Un bon exemple en matière de garant est celui de la commission nationale du débat public : elle n'intervient pas sur le contenu mais atteste que le processus a bien respecté (ou non) les règles fixées. Ainsi l'instance chargée de l'évaluation doit-elle être désignée par l'ensemble des parties prenantes, mais doit être indépendantes d'elles : une réflexion plus approfondie doit être engagée sur ce point26. 25 Car c'est sur cette base que les contentieux européens seront engagés envers la France. 26 Par exemple : par des membres du CESE et/ou des CESER ; ou des personnalités qualifiées... 40 La police de l'eau et les sanctions Devant l'évidence de l'insuffisance des sanctions prononcées et de leur inégalité territoriale, deux solutions restent envisageables : Une préférence accordée à une approche contractuelle des sanctions27, c'est-à-dire leur dépénalisation au profit d'accords passés entre puissance publique et exploitants ou regroupements d'exploitants : cela implique des compensations financières et des chartes de « bonne conduite » ; Un renforcement et un meilleur ciblage des sanctions pénales : leur mise en oeuvre implique une grande impartialité de l'organisme chargé de la sanction et une indépendance totale du pouvoir judiciaire en la matière28. « L'eau n'est pas un bien marchand comme les autres mais un patrimoine qu'il faut protéger, défendre et traiter comme tel », affirme le préambule de la DCE. Ceci justifie pleinement l'existence de sanctions pénales qui ne sauraient être transformées en accords de « bonne conduite » adoptés par l'ensemble de la filière agricole. Les intérêts financiers et économiques en jeu sont tels que les préoccupations environnementales et sanitaires liées à la qualité de l'eau sont trop souvent minorées ou négligées. Le contractuel ne suffit donc généralement pas à garantir la bonne application des règles relatives au maintien et à la restauration du bon état des eaux. Il est donc nécessaire d'envisager aussi un renforcement des sanctions pénales. Cependant trois problèmes se posent, dans le cas particulier de la qualité de l'eau liée aux productions agricoles : Que faut-il sanctionner ? Qui doit être sanctionné ? Qui doit sanctionner ? La réponse aux deux premières questions conditionne celle à la troisième. Deux sortes de sanctions et de plans de contrôle doivent être distinguées : unifiées au niveau national, celles de manquements graves qui peuvent être considérés indépendants des conditions locales (par exemple : abus avérés d'usage de pesticides, fraudes dans la qualité et quantité déclarées des intrants, etc.) ; adaptées au niveau des bassins hydrographiques, celles qui dépendent du contexte local tel que la part relative du secteur agricole, l'état des masses d'eau de surface et souterraine notamment, les problèmes spécifiques au littoral et à ses activités (conchyliculture, tourisme, etc.), conditions climatiques, etc. Dans chaque cas ­ que ce soit pour des infractions graves ou des manquements répétés ou occasionnels - la chaîne des responsabilités doit être établie, les agriculteurs étant pris en tenaille entre la réglementation européenne et les exigences du secteur agro-alimentaire (industries, banques, OPA...). En outre, il serait très souhaitable que l'État, lorsqu'il se trouve lui-même condamné par la juridiction européenne, puisse engager une action récursoire à l'encontre des 29 premiers responsables, une fois ces derniers dûment identifiés . Dans ces conditions, pour que la sanction soit à la fois impartiale et exécutable, une très nette amélioration de l'existant est indispensable, avec notamment, sous l'autorité des préfets de bassin : Un meilleur ciblage des contrôles sur les « zones à enjeux » ; L'adoption de plans de contrôles complets et cohérents ; Une meilleure explication du rôle des sanctions et une meilleure justification des sanctions prises ; Une adaptation des sanctions « mineures » (ni pénales ni à lourde incidence financière) à la dynamique locale (intempéries, prix des matières premières et des produits, problèmes d'emploi, etc.) ; Une plus forte coopération entre agences et puissance publique dans tous les territoires (par exemple, entre ONEMA, agences de bassin, préfets et parquets) ; 27 Le terme « sanction » n'implique pas la pénalisation. On « sanctionne » une activité, une performance, etc. en récompensant, punissant, encourageant, autorisant, interdisant, etc. 28 Rappelons que la police administrative est sous l'autorité du préfet et non du procureur de la République. 29 Une telle évolution supposerait une intervention du législateur. 41 Une harmonisation des sanctions pénales et financières entre les territoires (mise en commun régulière par les préfets et péréquation nationale) ; Une meilleure coordination entre le contrôle de la réglementation (police de l'eau) et le contrôle de la bonne utilisation des fonds publics (mesures incitatives), avec une extension des outils économiques et un affinement de leur usage30 . C'est la voie préconisée, en partie, par l'État, et notamment la DEB pour la police de l'eau, et la DGPAAT pour les mesures incitatives. 30 Voir Alexis Delaunay, Contribution de l'ONEMA à la police de l'eau pour atteindre le bon état, rapport au conseil d'administration du 29 mars 2011. 42 CONCLUSION Un nombre important d'observations et d'analyses sont formulées à l'issue de cette enquête auprès de six territoires étudiés. Aucune « bonne pratique », éprouvée et transposable partout, n'est apparue. Cependant, l'identification des parties prenantes et l'analyse des jeux d'acteurs en présence, permettent de comprendre pourquoi ne sera pas atteint l'objectif de « bon état écologique » des masses d'eau pour 2015, et pourquoi une approche strictement réglementaire de la protection de l'environnement, sur laquelle la France est jugée au niveau européen, ne suffit pas. L'ensemble de notre investigation nous a rendu flagrant le fait que les agriculteurs ressentent plus durement que les autres utilisateurs (industriels notamment) les contraintes de la situation présente. Plus que d'autres, aussi, ils sont confrontés au manque de cohérence et de lisibilité des politiques publiques dans le domaine de l'eau, et ne disposent pas de marges de manoeuvre suffisantes alors qu'ils mettent en oeuvre des systèmes de production présentant des contraintes de productivité élevées et pressantes. Leurs représentations (ils ne veulent pas être des assistés ni se limiter à être des « jardiniers de la nature » ; ils veulent « nourrir la planète ») et leur condition sociale (ils relèvent des PME voire de l'artisanat et non de l'industrie, leur image se dégrade dans la société) sont très différentes de celles des industriels, qui gèrent les contraintes et les aléas économiques comme de simples facteurs de production qu'ils peuvent répercuter sur leur prix de revient. C'est pourquoi nous prenons la place et les rôles des exploitants agricoles comme fil conducteur de toute création ou amélioration du processus de recherche de bonne qualité écologique de l'eau ­ qu'il s'agisse de détermination d'objectifs et d'identification des enjeux, d'élaboration de diagnostics de territoires et d'exploitation, de modes et de plans d'action, d'évaluation et de sanction juridique et financière. Les activités agricoles demandent que soient évalués leurs impacts environnementaux et les progrès en la matière avec des indicateurs clairs, pertinents et cohérents avec les caractéristiques locales. Sur cette base, nous formulons trois sortes de recommandations, sur : Les pratiques à améliorer ou à renforcer (A) ; Les engagements proposés, qui exigent une réforme importante, que ce soit en matière juridique ou dans les processus de décision publique (B) ; Les processus et les responsabilités à mettre en place, qui exigent une réflexion plus poussée (C). Par ailleurs, nous distinguerons parmi les recommandations, celles portant sur l'action locale, et celles portant sur l'action régionale et nationale. 1- La coopération locale des acteurs Les efforts à mener doivent porter d'abord sur les manières de s'approprier les différentes représentations de la même réalité. Le but étant non pas d'aboutir à un formalisme commun mais à un désir partagé de résoudre des problèmes, de surmonter des obstacles, de concilier des antagonismes, d'inventer des démarche nouvelles. 11- Une définition et une appropriation collective des enjeux (A) Les éléments à prendre en compte pour définir les enjeux ne doivent pas être une déclinaison locale de la DCE, mais une élaboration collective par l'ensemble des acteurs concernés, en particulier ceux du territoire. Un bon exemple est celui des Agendas 21, qui sont peu à peu devenus un vrai exercice d'aménagement durable des territoires. 43 (B) Les enjeux tels qu'ils sont énoncés dans la DCE et ceux que nous avons précisés (enjeux qualitatifs, quantitatifs, pour les milieux aquatiques et la santé, maintien du revenu agricole) et corrélés à d'autres enjeux31 demandent un important travail de conceptualisation, tenant compte à la fois de relations systémiques générales et de la prise en compte des dynamismes locaux. 12- Une détermination en commun des périmètres de bassin à enjeux, par territoires « habités » (A) Il est préférable de choisir collectivement les périmètres des bassins à enjeux, correspondant à des « territoires habités » où les relations entre les différents acteurs sont facilitées parce qu'ils se connaissent et oeuvrent ensemble dans ces territoires. Cependant, certains problèmes sont à une échelle plus vaste et relèvent alors de démarches telles que les SAGE actuellement pratiqués. 13- Une élaboration en commun de l'état des lieux, du diagnostic initial et des modes d'évaluation, qui doit être considérée comme l'« amont » et l'« aval » des actions à mener (A) Le diagnostic doit remplir plusieurs conditions : S'appuyer sur (ou engendrer) des observatoires permettant à tous les acteurs de définir l'état des lieux, les enjeux et de suivre les progrès réalisés et les difficultés rencontrées ; les « parties prenantes » doivent être toutes identifiées et sollicitées ; Veiller à la prise en compte des diagnostics réalisés dans les plans de développement territorial et dans les stratégies intéressant le territoire ; Mobiliser une expertise externe au territoire considéré, autant que possible plurielle, impartiale et acceptée. (A) L'évaluation des plans d'actions (pertinence des objectifs, choix des indicateurs et résultats mesurés) suppose que l'accord des parties prenantes ait été obtenu sur la définition de l'état initial et sur des mesures périodiques à la suite d'action engagées. Étant donné les spécificités de chaque territoire, une hiérarchie des résultats à prendre en compte devrait être établie par micro-bassin, après consultation des parties prenantes, sous l'égide des agences de bassin. Ces mesures feraient foi pour la définition des objectifs des plans d'action et la conduite des évaluations. (B) Pour que l'évaluation soit efficace et acceptée par tous, elle devra remplir plusieurs conditions : Porter sur l'ensemble des processus de mise « en bon état » des masses d'eau ; Être formalisée par un cahier des charges contenant des éléments tels que : les actions à examiner et leurs liens entre elles ; les modes d'enquête ; les délais à respecter ; etc. ; Être confiée à des experts extérieurs aux parties prenantes du territoire considéré, mais acceptés par elles ; Être rendue publique et être discutée publiquement ; Voir sa qualité garantie par une tierce instance. Un bon exemple est celui de la commission nationale du débat public : elle n'intervient pas sur le contenu mais atteste que le processus a bien respecté (ou non) les règles fixées. 14- Une co-construction des plans d'action tenant compte des autres politiques publiques territoriales (A) Les plans d'actions locaux doivent être construits avec les mêmes partenaires que pour le diagnostic local et avec les mêmes processus de validation, avec des mesures fondées sur une responsabilisation contractuelle privilégiant les résultats plutôt que les processus ou les moyens. Leurs enjeux locaux au titre de la DCE doivent être hiérarchisés et prendre en compte les autres aspects des plans d'aménagement durable des territoires. Les services de l'État ont un rôle de catalyseur à jouer, surtout en milieu rural. A cet effet, les DDT doivent se doter des compétences nécessaires (ou les conserver). 31 Entre autres : santé publique ; coûts induits pour les collectivités et les ménages du fait de la mauvaise qualité physico-chimique de l'eau prélevée ; autres services rendus par les écosystèmes ; maintien de l'emploi, des revenus agricoles et de l'économie rurale. 44 Les agriculteurs du territoire doivent être associés personnellement et le plus directement possible et pas seulement par le biais leurs représentants socio-économiques. (B) Les acteurs des filières agricoles (notamment les coopératives et industries agro-alimentaires, les banques et les assurances) doivent être mobilisés dans la construction des plans d'action locaux s'appuyant sur des modèles agronomiques et économiques viables . La mission des chambres d'agriculture pour accompagner les agriculteurs vers des modes de production performants et plus durables doit être réaffirmée à tous les niveaux, encouragée dans les documents contractuels avec l'État et renforcée par une plus forte orientation des aides et des appels à projet. (B) Le financement de ces plans doit procéder d'une analyse locale : quelle part peut-on demander aux collectivités publiques, à l'agence de l'eau et à l'État32 ? Quelle part aux producteurs des services ? Quelle part à leurs usagers ? Quelle part aux bénéficiaires des services induits (par exemple, maintien en bon état des écosystèmes) ? Il faut passer d'une logique de subvention à une logique d'engagement financier collectif. Des tests en grandeur réelle sur quelques sites à enjeu permettraient de mesurer concrètement les marges de manoeuvre nécessaires (en organisation, en outils financiers ou réglementaires...) à une mise en oeuvre efficace des actions d'amélioration de l'eau. Ils permettraient également de mieux apprécier le pas de temps nécessaire à leur efficacité, notamment au regard de nombre d'objectifs souscrits au niveau européen. 2- La gouvernance régionale et nationale ; les rôles de l'État à tous niveaux 21- A l'échelle des grands bassins, il est fortement souhaitable : (A) : Que les objectifs et les enjeux de la DCE et l'ensemble des politiques régionales et locales de l'eau et de la production agricole en cours soient mieux articulés. C'est à la fois un effort pédagogique et une recherche de cohérence dans l'action publique. Cela demande une coordination intense au niveau infra-national. (A) Que les comités de bassin, les services de l'État de bassin (SGAR, DREAL, DRAAF, ARS...) soient mobilisés pour mieux coordonner la relation entre agence de l'eau et État local (DDT si possible) pour faciliter et suivre l'élaboration des enjeux et des objectifs à atteindre au plus près du terrain. (B) Que les objectifs de la DCE et ceux des autres politiques publiques de l'Etat ou de l'UE soient fortement corrélés, dans les divers domaines de l'aménagement durable des territoires (énergie, gestion des risques, santé/environnement, protection des patrimoines et des milieux naturels, etc.) quitte à rendre plus apparentes les éventuelles contradictions, de manière à accroître leur crédibilité et leur efficacité. 22- A l'échelle nationale et locale : les divers rôles de l'État L'État sera simultanément ou successivement amené à : Conduire des politiques (application des engagements au titre de la DCE), Conseiller et être un médiateur auprès des acteurs locaux, Garantir la qualité d'un processus de gouvernance, Et parfois évaluer et sanctionner à l'issue de contrôles. Ces rôles ne doivent en aucun cas être confondus, d'une part en matière de niveau d'intervention pertinent, d'autre part en matière de conflits d'intérêts. Par exemple, un même préfet ne peut pas 32 Les outils financiers de l'État se rattachent essentiellement au plan de développement rural hexagonal (PDRH), avec la difficulté constatée des MAEt qui ne s'inscrivent pas dans la durée. Cette question d'une rémunération plus pérenne comme celle des souplesses nécessaires à l'adaptation territoriale (l'expérience des OLAE reste une réussite) devront être au coeur de la réflexion relative au prochain règlement communautaire. 45 ordonner des opérations à l'échelle d'un bassin versant et diriger l'évaluation des résultats de ces opérations ; une DDT ne peut pas à la fois conseiller une collectivité territoriale (être ainsi partie prenante d'une action locale) et servir de médiateur en cas de conflit entre celle-ci et une autre institution. Sous ces réserves l'État doit pouvoir : (A) : Fournir des conseils aux petites collectivités territoriales, notamment en matière d'organisation des actions, de gouvernance et de pilotage, de financement et de choix d'expertises techniques. Pour cela les DDT doivent rester au contact des territoires « habités » et faire appel aux compétences régionales ( DREAL, DRAAF, agences de l'eau, ONEMA...) (A) : Contribuer, avec les départements et les régions, aux schémas et programmes liés à la qualité de l'eau (SDAGE, etc.), en acceptant que cela ait lieu sous forme de « gouvernance concertée » même lorsqu'il est en position de maître d'ouvrage. (B) : Contribuer, avec les autres parties prenantes, à la supervision des processus tels que : recueil et partage des connaissances, prise en compte des risques, hiérarchisation des objectifs, création de dispositifs infra-nationaux d'évaluation. (B) : Tenir un discours cohérent sur les politiques publiques qu'il porte, même s'il doit souligner les difficultés pour rendre compatibles des objectifs qui peuvent être concurrents. Cela suppose des cadres qualifiés en matière d'aménagement et de développement durable des territoires, en d'autres termes en « intelligence des territoires ». (B) : Pouvoir, uniquement sur demandes des parties prenantes, intervenir comme médiateur ­ dans la mesure où cela n'interfère pas avec ses rôles de maître d'ouvrage, de police et de garant. (C) : Inciter les parties prenantes à mettre en route un système de diagnostic et d'évaluation (embryonnaires à présent) et, si besoin est, fournir une aide méthodologique. (C) : Etudier les moyens d'améliorer la cohérence, la pertinence et la performance du système de sanctions. Ceci peut demander une étude approfondie par des experts de l'Etat et extérieurs à l'Etat. Un certain nombre de ces recommandations ont un caractère opérationnel qu'il convient de décliner et d'utiliser comme base d'un travail collaboratif au niveau national puis de chaque département autour des questions suivantes : · la nature du pilotage sur chaque site : quel est le maître d'ouvrage responsabilisé sur les questions DCE liés à l'agriculture, quel est le rôle des différentes parties prenantes et comment peuvent -elles s'engager très concrètement dans les évolutions à conduire ? · La nature des outils de diagnostic, d'incitation puis d'évaluation utilisés relativement aux objectifs poursuivis ? · Le suivi et la diffusion partagées des données relatives à la qualité de l'eau et aux résultats obtenus · L'appui adapté de l'État au maître d'ouvrage et au processus engagé, aux différentes étapes, de la mise en place de la gouvernance jusqu'au cadrage de la méthode d'évaluation globale C'est tout un dispositif cohérent qui doit être repensé pour favoriser l'émergence d'objectifs partagés dans un projet de territoire commun, et qui réponde aux différents enjeux de développement durable au titre desquels la préservation de la ressource en eau, portée par la DCE, est primordiale. Les agriculteurs sont au coeur de ce « contrat social » passé sur les territoires à enjeu où ils sont directement concernés. Ce contrat doit s'élaborer en les impliquant complètement dès l'amont du processus, par une gouvernance ouverte aux autres acteurs, l'État, les collectivités territoriales et la société civile. 46 · Fratl'tniti RÉPUBLIQUE FRANÇAISE ANNEXES Annexe 1 : lettre de mission MINISTERE DE L'ECOLOGIE, DE L'ENERGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE ET DE LA MER Direction générale de l'aménagement, du logement et de la nature La directrice de l'eau et de la biodiversité Direction générale de la prévention des risques Le directeur général La Grande arche 92055 - La Défense Cedex MINISTERE DE L'ALIMENTATION, DE L'AGRICULTURE ET DE LA PECHE Direction générale des politiques agricole, agroalimentaire et des territoires Le directeur général 3, Rue Barbet de Jouy 75007 PARIS A Monsieur Jacques BRULHET Vice-président du Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux 251, rue de Vaugirard 75732 - PARIS Cédex 15 Monsieur Claude MARllNAND Vice-président du Conseil général de l'environnement et du développement durable Tour Pascal B 92055 LA DEFENSE Cédex Paris, le 1 0 MAI 2010 De nombreuses mesures réglementaires et économiques ont été arrêtées aux niveaux communautaire et national, visant à réduire l'impact des pollutions agricoles sur la ressource en eau eL~.Br~_~_êEyer~biodiver~i}é.------"-----"--""---------- " Au niveau des territoires, ce sont donc plusieurs démarches qui se superposent à des échelles différentes. généralement dans le cadre de bassins versants. A titre d'exemple, la protection des captages contre les pollutions d'origine agricole est mise en oeuvre par de nombreuses mesures: les prescriptions liées au code de la santé publique qui instaure les périmètres de protection, l'application des programmes d'action nitrate, les démarches d'animation agricole soutenues par les chambres d'agricultures et les agences de l'eau, les plans d'action portés par les collectivités locales ... Il s'avère donc utile d'étudier comment ces différentes mesures sont mises en oeuvre à 11ntéri~Jd! d'un territoire QerttneiJreten-partiêulier d'analyser Îes-Jeüxd'ciCteursqUi y sonfÎÏés afin d'i?entifier les difficultés et les q~~P9siti!?~~_!.lJle~.Q~.!~m~9ieL --._---' Le cadrage technique de ceUe étude est précisé en annexe. Elle reposera notamment sur l'étude approfondie de six territoires locaux prioritaires, d'une échelle adaptée pour analyser les jeux d'acteurs. "---.".-"--- - . Les résultats de cette étude devront conclure sur des recommandations pour améliorer la conduite des pOlitiques publiques dans ce domaine. 47 48 Annexe : Précisions sur le contexte et l'organisation de la mission « Mesures agricoles et atteinte des objectifs DCE au niveau des territoires à enjeux » Contexte de l'étude La mise en oeuvre de la Directive Cadre sur l'Eau (DCE) a conduit à élaborer dans chaque grand bassin hydrographique un schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) et un programme de mesures comportant à la fois des actions de nature réglementaire et des actions incitatives par le biais de mesures économiques. Ce programme de mesures est intégré aux projets stratégiques des missions inter-services de l'eau. Le SDAGE est quant à lui décliné dans certains sous-bassins dans le cadre de schéma d'aménagement et de gestion des eaux (SAGE). L'objectif de toutes ces actions est d'atteindre le bon état des masses d'eau à l'horizon 2015, tant du point de vue qualitatif que quantitatif. Dans ce cadre, la prise en compte des activités agricoles et la limitation de leurs impacts sont essentielles : réduction des pressions quantitatives sur la ressource liées aux prélèvements pour l'irrigation, diminution des pollutions diffuses, ... A l'échelle locale, de nombreuses initiatives sont mises en oeuvre pour répondre à ces enjeux, dans une approche globale (contrats de bassins versants, contrats territoriaux...) associant tous les acteurs impliqués : services de l'État, gestionnaires de l'eau, profession agricole, associations environnementales, collectivités... L'objectif de l'étude est d'analyser, sur des territoires pertinents, l'adéquation entre les mesures agricoles retenues et les objectifs fixés (obligations de résultats et non plus de moyens), ainsi que les conditions de leur mise en oeuvre par l'ensemble des acteurs, afin de conclure sur des recommandations d'amélioration. Organisation de l'étude Compte tenu de la thématique retenue, à l'interface entre les politiques agricole et gestion de la ressource en eau, cette mission sera menée conjointement par le CGEDD et le CGAAER. La mission se décompose en cinq étapes qui se dérouleront selon le calendrier prévisionnel suivant : Études préalables et définition de la méthodologie Choix des terrains d'étude Étude des cas Synthèse des recommandations Diffusion 2 mois (mai-juin) 1 mois (juillet) 3 mois (juillet-novembre) 2 mois (décembre-janvier) 1 mois (février) Un comité de suivi est mis en place afin de valider chaque grande étape de l'étude. En dehors des ingénieurs généraux chargés de la mission, il est composé de représentants de la DGPAAT, de la DEB et de la DGAL en tant que de besoin. 49 Étape 1 : étude préalable et définition de la méthodologie Avant de commencer l'étude proprement dite, il est essentiel que le CGAAER et le CGEDD réalisent les travaux préalables suivants. Ils devront dans un premier temps recenser : - l'ensemble des mesures visant à réduire l'impact des pratiques agricoles sur la ressource en eau. La lettre du DGPAAT aux Préfets de région du 21 décembre 2009 sur le rôle des DRAAF et des DAF en matière de politique de l'eau et le projet de guide méthodologique DEB-DGPAAT pour la mise en oeuvre de plans d'actions agricoles sur les aires d'alimentation de captages peuvent apporter certains éléments de réponse. Les programmes d'aides des agences de l'eau, de l'ONEMA seront analysés. - les rapports de mission et autres documents (du CEMAGREF, de l'INRA, du CASDAR, ...) abordant cette thématique afin de valoriser les conclusions déjà apportées. Au vu de ces éléments, le CGAAER et le CGEDD établiront la liste des principales problématiques à aborder avec les acteurs à rencontrer et préciseront ainsi la méthodologie mise en place pour répondre aux objectifs de l'étude. A l'issue de cette phase sont attendus : - une synthèse présentant le récapitulatif des études réalisées ainsi que les mesures recensées (situation actuelle, résultats déjà connus...) ; - une note précisant les points à approfondir compte tenu de cette synthèse ; - le guide d'entretien type qui sera utilisé pour les études de cas. Étape 2 : choix des terrains d'étude A partir des éventuelles suggestions faites par le Comité de suivi, le CGAAER et le CGEDD identifieront des terrains d'étude intéressants pour l'étude. Des premiers contacts avec les services de l'état seront pris pour évaluer la faisabilité de l'étude (avancement de la démarche et résultats obtenus, contexte local, ...) et vérifier que le bassin pressenti n'a pas déjà fait l'objet d'une étude similaire et que les services concernés ne viennent pas de faire l'objet d'inspections ou d'audits. Le choix se fera de manière à retenir, dans la mesure du possible, un cas par territoire d'agence de l'eau. A l'issue de cette phase sont attendus : - une note présentant les terrains d'étude et les problématiques rencontrées ; - la liste des interlocuteurs identifiés pour chaque bassin ; - le guide d'entretien adapté à chaque cas. Étape 3 : étude des cas Des équipes mixtes (CGAAER et CGEDD) réaliseront les entretiens et rédigeront les comptesrendus en identifiant les problèmes rencontrés et les pistes d'amélioration possibles. A l'issue de cette phase sont attendus : - une note résumant le déroulé des études et des entretiens réalisés ; - l'ensemble des comptes-rendus d'entretien. 50 Étape 4 : synthèse A partir des comptes-rendus d'entretien, le CGAAER et le CGEDD rédigeront un rapport de synthèse, qui s'appuiera en partie sur les notes précédemment établies. Un projet de quatre pages à destination des acteurs locaux et un projet de présentation à destination des services de l'État seront réalisés afin de préparer la diffusion des résultats dans les départements. A l'issue de cette phase sont attendus : - le projet rapport de synthèse ; - un projet de plaquette de communication ; - un projet de présentation. Étape 5 : diffusion Le CGAAER et le CGEDD se chargeront d'apporter les dernières corrections au rapport de synthèse, qui a vocation à être diffusé sur les sites intranet des deux ministères. Un retour sera effectué en direction des personnes et organismes enquêtés pendant l'étude. Une réunion élargie par grand bassin sera organisée sous l'autorité du Préfet coordonnateur de Bassin afin de présenter les résultats de la mission et d'engager des échanges. La plaquette de communication sera mise en ligne sur les sites internet des ministères. Des exemplaires papiers pourraient être distribués dans les services déconcentrés, et largement diffusées à l'initiative des administrations centrales des deux ministères. A l'issue de cette phase sont attendus : - les documents sous leur forme définitive (rapport, présentation et plaquette de communication) ; - les procès verbaux des échanges qui auront eu lieu lors des réunions inter-régionales. 51 Annexe 2 : note de problématique (extraits) - Le champ de l'étude 1. L'objectif de la directive communautaire « eau » (DCE) : La DCE vise le « bon état écologique des masses d'eau », ce qui est compris le plus souvent comme une reconquête de la qualité des eaux (pollutions...) alors que le volet quantitatif lui est pourtant intimement lié. Les prélèvements pour l'alimentation en eau potable, les besoins industriels ou l'irrigation... réduisent les débits et augmentent les concentrations de polluants ; les deux aspects seront donc étudiés ici. a) Les aspects qualitatifs à prendre en compte porteront sur les effets suivants : - La pollution des eaux de surface, des nappes phréatiques et des milieux naturels, dont les objectifs de « bon état » se définissent à l'aune de l'équilibre ou des déséquilibres33 constatés dans ces mêmes milieux naturels ; - La pollution des champs d'alimentation de sources d'eau minérale destinée à être embouteillée et des captages d'eau potable destinée à être distribuée en réseau, leurs objectifs de protection étant stricts et définis par des normes de potabilité en vue de la consommation humaine ; - Les conséquences des pollutions de milieux naturels pour des activités économiques liées à ces mêmes milieux naturels : conchyliculture, pêche, tourisme (eaux de baignade), entrent dans le champ de la présente étude : · Les pollutions par les produits phytosanitaires et biocides agricoles, issues d'apports excédentaires lors des traitements appliqués aux plantes et aux animaux d'élevage ; · Les pollutions par les nitrates provenant des excédents de fertilisation azotée des cultures et des prairies ; cette fertilisation provient soit des épandage des effluents d'élevage soit d'un excédent de fertilisation minérale eu égard aux rendements obtenus (exportations réelles), les deux aspects étant souvent liés du fait d'apports conjoints sur une même parcelle de fertilisants organique et minéraux ; b) les aspects quantitatifs qui seront abordés sont identifiés à la fois par les conflits d'accès à la ressource (irrigation/eau potable/besoin des milieux naturels) et par les conséquences indirectes liées à l'usage des territoires non urbanisés, permettant la protection des champs captant, des retenues d'eau ...Les perspectives d'évolution climatique accentuent la dépendance prévisible entre eau et agriculture. La place des activités agricoles Les stratégies économiques des filières agricoles, de la formation jusqu'à la transformation, restent marquées par la recherche maximale de productivité depuis le milieu du XXe siècle, poussant à l'intensification des pratiques : par exemple, le développement de l'irrigation ces dernières décennies n'est pas le fait d'une modification climatique ou d'une météorologie estivale moins favorable aux cultures, il provient de la modification profonde des assolements (la culture du maïs a vu sa limite septentrionale remonter jusqu'au nord de l'Europe dans les années 1960/1980) et d'une standardisation très élevée des itinéraires techniques34. Il convient également aujourd'hui de façon plus aiguë, d'assurer la garantie économique de rendements réguliers. De même, les traitements phytosanitaires, au-delà de la réponse ponctuelle à une situation de menace pour une culture, constituent souvent une assurance de ne pas être « débordé » par une infestation remettant en cause le rendement final. Sans nier la place des usages non agricoles de la ressource en eau (usages industriels ou hydroélectricité) et le soutien d'étiage qui peut leur être associé, l'impact des activités agricoles est particulièrement important car il s'exerce sur de vastes territoires et qu'il relève le plus souvent d'incidences « diffuses » (pollutions ni ponctuelles ni accidentelles) ou de prélèvements de volumes individuels « modestes » (unitairement mais considérables collectivement parlant35) ; cet impact est encadré par des mesures réglementaires et administratives qui visent des acteurs économiques de petite taille mais forts nombreux. Les politiques et les mesures retenues (réglementaires et incitatives) associant tous les acteurs 33 Par des symptômes comme des proliférations (algues) et l'eutrophisation des milieux clos 34 Réduisant l'agronomie qui conduirait à raisonner les techniques à appliquer en fonction des caractéristiques du milieu (climat/sol/facteurs de production) 35 Sans oublier l'impact saisonnier de ces prélèvements concentrés en période d'étiages 52 Deux leviers sont utilisés pour conduire des politiques de reconquête de la qualité des masses d'eau, planifiées dans le cade des schémas d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE et SAGE) : L'un de nature réglementaire et administrative : normes de prévention des pollutions, avec les plans d'épandage des installations classées pour l'environnement (ICPE), les 4e programmes d'action nitrates ­ mais non assorties d'obligation de résultats 36- ; autorisations administratives : mise en marché de molécules phytosanitaires, prélèvements dans le milieu naturel ... ; redevances : élevages, phytosanitaires · L'autre de nature économique et contractuelle, avec des aides pour la maîtrise des pollutions agricoles (PMPOA), des mesures agro-environnementales (MAE...), etc. Tandis que la DCE est fondée sur des objectifs de résultat, les différents leviers utilisés sont de l'ordre de l'obligation de moyen et l'efficacité de leur mise en oeuvre mérite d'être observée sur différents sites (conflits locaux, contentieux UE... ou à l'inverse partenariats réussis). A titre d'illustration, on peut observer la difficile acceptation des réglementations et contrôles sur les pollutions diffuses, alors que dans d'autres secteurs, comme le bien-être animal, elles sont mieux acceptées. Pourquoi ? Souvent, la combinaison des deux leviers réglementaire et contractuel n'a pas l'efficacité attendue, le volontariat n'ayant pas prise sur la réalité avec l'ampleur nécessaire et les mesures obligatoires se heurtant au caractère individuel des exploitations agricoles et leurs priorités économiques. Les acteurs sont alors plus enclins à s'opposer qu'à faire alliance. C'est pourquoi il est intéressant de se pencher, à partir de situations locales à fort enjeu, sur le jeu des acteurs. Les jeux d'acteurs qui y sont liés En matière de gestion d'une ressource naturelle que l'on peut considérer comme un patrimoine commun d'une société humaine, les questions qui se posent relèvent du domaine du comportement individuel et familial (information, sensibilisation et motivation37), du domaine culturel et religieux (les représentations, les valeurs), du domaine économique (de l'entreprise individuelle mais aussi des filières et des branches d'activités), des comportements de groupes (socio-professionnels), et des stratégies et des postures de différents groupes au sein de la société (professionnels, élus, ONG, consommateurs... leur dialogue ou leurs affrontements,etc). Sur un territoire donné, la façon dont les acteurs s'approprient ce patrimoine commun et trouvent ensemble les justes compromis pour en assurer la préservation est déterminant pour sa réussite. Les acteurs à rencontrer ne sont donc pas seulement ceux qui sont le plus directement interpellés : à coté des agriculteurs, des pouvoirs publics et des gestionnaires de l'eau, la société civile, dans ses multiples composantes, s'exprime aussi de différentes manières. Dans une recherche de voies nouvelles pour débloquer une situation figée, il est donc indispensable d'élargir l'éventail des personnes à rencontrer. La portée d'une telle étude Étudier des jeux d'acteurs ne conduit pas à s'intéresser d'abord au contenu et à la pertinence des mesures en place, ni à leur comparaison ou à une mesure de leur efficacité. Nous ne devons pas oublier ces questions, mais nous nous concentrons sur la réalité des conduites des divers acteurs, à la méthode suivie pour élaborer des mesures et les mettre en oeuvre dans le cadre d'application de la DCE. Identifier « ce qui fait que cela marche » ou « ce qui fait que cela ne marche pas » demande d'observer et d'analyser sur le terrain des situations précises, des difficultés, des tentatives, des formes de dialogue expérimentées (quel que soit leur succès), pour déceler toute piste d'amélioration possible. Cette étude se situe dans un calendrier en anticipation d'échéances qui pourraient être déterminantes, tant au niveau des leviers potentiels (révision de la PAC en 2013) que des comptes à rendre sur le degré d'atteinte des objectifs 2015 que la France s'est fixée en application de la DCE. Ses conclusions peuvent donc contribuer à éclairer la décision publique dans ce domaine. · 36 Ce qui renvoie aux objectifs, à la pertinence et à la qualité des contrôles (éco conditionnalité, ICPE, MAE...) 37 L'acceptation des contrôles par exemple... 53 Annexe 3 : Équipes d'enquête et calendrier Bassin Périmètres d'étude Artois Picardie Marque et Deule Seine Normandie Ru du Roy semaine d'enquête février-mars 2011 21 au 25 mars 2011 Loire Bretagne(1) Loc'h et Sal 6 au 10 décembre 2010 Loire Bretagne(2) La Coise 17 au 21 janvier 2011 Rhône La Veyle 31 janvier au 4 Méditerranée février Adour Garonne Adour Amont 31 janvier au 4 février membres CGAAER D Valensuela M Ménéroud P Dédinger M Ménéroud P Hurand ML Madignier ML Madignier G Benoit J Condé Y Marchal JL Besème P Hurand du membres du CGEDD P. Quévremont G Barrey A Féménias M Juffé P Marchandise A Féménias G Barrey E Tschitschmann B Lebental P Quévremont JA Bedel Les noms des coordonnateurs pour le territoire sont soulignés 54 Annexe 4 : Les acteurs clefs et les jeux d'acteurs dans les six territoires La situation diffère considérablement d'un bassin à l'autre. Les systèmes de production vont donc des grandes cultures à la polyculture élevage et de l'élevage intensif à l'agriculture péri-urbaine. Certaines filières sont très bien organisées (ex du maïs). Certains territoires mettent à profit les nouvelles demandes des marchés et leur positionnement géographique pour s'engager dans des circuits courts avec ou sans agriculture biologique. · Le bassin versant des Rus du Roy (Val d'Oise) est un petit territoire de grandes exploitations céréalières. Il comprend 1.000 ha de SAU pour 22 exploitations. L'enjeu majeur au titre de la DCE est la qualité physico-chimique : pollution par les produits phytosanitaires, présence de nitrates et bactériologie accidentelle pouvant devenir préoccupantes par moments. Malgré sa petite taille, ce bassin comporte 3 captages prioritaires Grenelle et 45 % de parcelles à risque de pollution élevé. La chambre d'agriculture et le parc naturel régional du Vexin au sein duquel la chambre exerce une influence certaine, sont les acteurs institutionnels locaux les plus directement impliqués. La chambre prône des MAEt (mesures agri-environnementales territorialisées) « allégées », en contradiction cependant avec les positions de l'Agence et avec le PDRH. Elle conteste les études réalisées par le passé et a conduit sa propre étude. L'Agence, qui conteste le manque de transparence et de méthodologie diffusée, refuse de solder ses financements. La signature du contrat de bassin s'en trouve bloquée. Les agriculteurs du territoire ne sont représentés au sein du Comité de pilotage constitué au niveau du PNR qu'à travers la chambre. L'État sur ce périmètre ne parle pas d'une seule voix : le préfet et la DRIAAF se retrouvent plutôt sur la ligne de défenseur de l'activité économique en opposition aux autres services de l'État (Agence, DRIEE) et grandes collectivités territoriales (Conseils régional et général). · Le bassin versant de la Coise (Loire et Rhône), affluent de la Loire, couvre 340 km² à cheval sur deux départements (Loire et Rhône) définissant deux petites régions agricoles (monts du Lyonnais et plaine du Forez), à proximité de deux grandes villes (Lyon, St-Etienne) ; 800 agriculteurs y exploitent 20.000 ha de SAU pour l'élevage bovin laitier et à viande. Ce territoire dynamique connaît une agriculture intensive avec de nombreuses petites exploitations à structure familiale. La présence de nitrates dans les eaux potables est importante mais stabilisée dans des limites acceptables et sa réduction n'est pas un objectif affiché au titre de la DCE, si ce n'est sur un captage prioritaire Grenelle. L'assainissement individuel est aussi à l'origine de pollutions difficiles à évaluer. Le risque principal reconnu est celui de la présence de produits phytosanitaires (herbicides du maïs et des céréales principalement). Dans la partie aval (Saint-Galmier et sa petite région), les activités non agricoles et l'urbanisation se développent sous l'influence de Saint Étienne, avec des conséquences sur l'artificialisation des sols et les inondations en aval du cours d'eau. Toutes les communes du périmètre sont regroupées au sein du syndicat intercommunal porteur du contrat de rivière : le « SIMA Coise ». Les autres acteurs institutionnels locaux importants sont les 2 chambres d'agriculture du Rhône et de la Loire. L'agence a refusé un projet de MAEt porté par les chambres et a conditionné le financement de la 2ème phase du contrat de rivière à la prise en compte par le SIMA Coise des pollutions agricoles. Les agriculteurs ne sont représentés dans les instances du SIMA que par leurs responsables syndicaux et consulaires de niveau départemental, lesquels ne disposent au total que de 5 voix sur 75. Le SIMA Coise a embauché un technicien agricole et confié la réalisation des diagnostics d'exploitation à un bureau d'étude externe, alors que le contrat de rivière soulignait que ces diagnostics pourraient être réalisés par les chambres. Il en a résulté un conflit lourd et durable entre les techniciens des Chambres et du SIMA Coise. La DDT est appréciée pour son appui aux syndicats d'eau potable gestionnaires des « captages Grenelle ». Le Conseil régional appuie le développement de l'agriculture biologique et soutient des actions en faveur d'une plus grande « autonomisation » des exploitations. Les Conseils généraux sont actifs dans le rassemblement des données sur l'eau ou encore dans la protection des terres agricoles. 55 · Les deux petits bassins versants côtiers du Loc'h et du Sal (Morbihan) couvrent 345 km2 et se jettent dans le golfe du Morbihan ; 40.000 habitants y vivent dans 18 communes. L'agriculture occupe une SAU d'environ 18.000 ha pour 400 exploitations principalement d'élevage (souvent hors sol), bovin, porcin ou de volaille. La conchyliculture est active dans les estuaires, par ailleurs très touristiques. La pollution par les nitrates est une question traitée avec les agriculteurs depuis longtemps et la situation s'est stabilisée à un niveau acceptable pour la potabilité de l'eau. Demeurent des problèmes bactériologiques qui menacent la production conchylicole, ainsi que des problèmes hydro morphologiques liés à la présence de retenues au fil de l'eau et au recalibrage des lits. Le « syndicat du Loc 'h et Sal » réunit l'ensemble des communes du périmètre et a une vocation d'ensemblier mobilisant d'autres acteurs. Cependant, les structures aux compétences voisines voire concurrentes de multiplient. La profession agricole et les élus ont une longue pratique commune de la lutte contre les pollutions de l'eau. Ils ont porté conjointement la génération précédente de programmes d'amélioration (PMPOA et FERTIMIEUX) qui ont joué un rôle important dans la reconquête de la qualité. La Bretagne a mis en place il y a 10 ans la mission interdépartementale régionale de l'eau (MIRE) qui fait le lien entre DRAAF, DREAL, ARS et Agence de l'eau, et la politique relative à la DCE s'élabore de plus en plus au niveau régional. · La Veyle (Ain) est un affluent en rive gauche de la Saône qui prend sa source dans la Dombes au niveau des étangs. Son bassin versant couvre 671 km2 . Sa population est de 54.000 habitants et la pression urbaine s'accentue à partir de Lyon, Mâcon et Bourg en Bresse. L'agriculture qui occupe 70% du territoire, est de type « polyculture élevage ». Le maïs, le blé et de l 'orge se sont étendus aux dépens de l'herbe. Le périmètre englobe les étangs de la Dombes, objet d'une production piscicole très ancienne conduite en rotation avec les cultures (les étangs sont régulièrement mis en assec). L'industrie agro-alimentaire occupe une place importante en aval, au confluent de la Veyle et de la Saône et dans l'agglomération de Bourg en Bresse. L'enjeu au titre de la DCE est la pollution par les produits phytosanitaires dont les producteurs sont tour à tour responsables (en tant qu'agriculteurs) et victimes (en tant qu'aquaculteurs). Les acteurs impliqués sont très nombreux et géographiquement différenciés tellement les 2 parties du bassin versant (Dombes en amont, Bresse en aval) sont différenciées. Les frictions sont importantes entre les administrations en charge des politiques environnementales et les organisations professionnelles agricoles. Sur la Dombes, les principaux acteurs sont le syndicat des exploitants d'étang, la chambre d'agriculture et l'ONCFS. Plusieurs instituts régionaux y conduisent des études peu partagées. A l'échelle plus globale du bassin, les acteurs agricoles importants sont la chambre d'agriculture (qui conteste les objectifs de qualité de l'eau), une coopérative agricole qui a initié sa propre démarche de type ECOPHYTO et un EPLEFPA qui développe ses propres pratiques éco-responsables. Les collectivités territoriales sont très motivées. Leur action s'exerce dans le cadre des outils de développement territoriaux mis en place par la région (CDDRA) dont deux concernent le bassin de la Veyle. Le syndicat de rivière « Veyle vivante » pourrait trouver avec l'élaboration d'un nouveau contrat de rivière l'occasion d'une rénovation. Un parc naturel régional de la Dombes est par ailleurs en projet. Dans un contexte institutionnel complexe et tendu, la DDT s'est fortement impliquée dans la mise en oeuvre de Natura 2000 ( l'État a assuré un rôle de maîtrise d'ouvrage faute de collectivité candidate avec une mise en oeuvre partagée entre l'ONCFS et la Chambre d'agriculture) et dans la déclinaison des actions du SDAGE. L'État demeure sollicité comme catalyseur pour porter un plan stratégique DCE pluriannuel. · Situés le long de l'axe Lille-Lens, les bassins versants de la Marque et de la Deûle (Nord, Pas de Calais) couvrent 1.120 km2. La Deûle est navigable, élargie au grand gabarit et La Marque est canalisée sur 15 km (canal de Roubaix). La population permanente du bassin est d'environ 1,5 million d'habitants, avec 105 communes dans le Nord et 55 dans le Pas de Calais. L'enjeu est la qualité de la ressource en eau potable. Les agriculteurs et la chambre d'agriculture agissent en lien avec la métropole lilloise et les collectivités territoriales. Les activités économiques divisent le bassin en deux ensembles situés dans le Nord et le Pas de Calais : - un secteur agricole au sud et à l'est du bassin, avec 217 exploitations agricoles orientées vers la culture légumière, le blé et les plantes sarclées. - un secteur très urbanisé, avec le bassin minier du Pas de Calais et Lille-métropole où l'agriculture péri-urbaine est encore très présente avec 11.800 ha de SAU. 56 Les acteurs institutionnels leaders sur le bassin sont les 2 communautés urbaines de Lille métropole (LMCU) et de Lens Lievin Carvin. La LMCU dispose de capacités d'intervention importantes et entend imposer sa stratégie aux autres acteurs. Elle gère les agriculteurs du sud de Lille en refusant de coopérer avec la chambre. Celle de Lens, Lievin, Carvin, profite de l'expérience acquise et affiche une volonté de partenariat fort avec la chambre d'agriculture du Nord Pas de Calais, laquelle, notamment depuis l'arrivée de son nouveau président, est proactive en matière de DCE. Elle a notamment mis en place un plan de réduction des phytosanitaires et encourage fortement la conversion à l'agriculture biologique. L'État bâtit une stratégie au niveau régional. Cependant il est absent au niveau des intercommunalités et ses services n'affichent pas les mêmes positions. Le conseil régional envisage de revoir sa politique de l'eau à condition cependant que les maires ou communautés de communes le saisissent. Le bassin de l'Adour Amont (Hautes Pyrénées, Gers) s'étend sur 2.469 km2, à cheval sur deux · départements situés l'un à l'amont, dans les Hautes-Pyrénées, peu contraint par la disponibilité de la ressource en eau et où plusieurs retenues d'eau significativement importantes sont déjà en place, et l'autre en aval, dans le Gers, avec des contraintes fortes et sans retenues importantes envisageables. Sa population permanente est d'environ 200.000 habitants sur 200 communes. L'agriculture occupe un peu moins de 60% du territoire, la foret et la montagne 40%. La forte présence du maïs (plus de 50% de la SAU) avec un fort recours à l'irrigation (60% de la surface) et l'association de la culture et de l'élevage permettent le maintien d'exploitations de tailles moyennes (50 ha) et d'emplois agricoles relativement nombreux (9% du total d'actifs). L'enjeu est avant tout quantitatif. L'État est fortement impliqué, avec des problèmes de cohérence entre ses services, aux côtés des agriculteurs, de leurs organisations professionnelles et des collectivités territoriales. Les associations, ONG de défense de l'environnement et de pêcheurs sont également mobilisées. Le bassin versant de l'Adour Amont se caractérise par un double conflit : conflit entre la sphère agricole et la sphère environnementale (sur les objectifs fixés de débits d'étiage et sur les moyens de les atteindre) et conflit entre l'amont (Hautes Pyrénées), qui dispose de l'eau, et l'aval (Gers) dépendant de l'amont.. Les principaux acteurs agricoles sont de très grandes coopératives qui permettent à la filière maïs, dominante, de fonctionner efficacement. Si les chambres et l'Etat ne sont pas moteurs d'une politique de reconversion, les coopératives, instituts techniques et l'INRA mènent des études et développent du conseil sur les possibilités de progrès (irrigation économe, reconversion à moyen terme). La profession agricole est cependant fortement divisée par le conflit amont/aval. Le manque de continuité et de convergence des positions des services de l'État tant au niveau régional (entre DRAAF et DREAL) que départemental ne facilite pas une vision partagée. Les préfets successifs peuvent en effet développer des messages contradictoires et les 2 DDT, bien qu'elles fassent davantage la synthèse entre contraintes et enjeux environnementaux et agricoles que les services régionaux, défendent d'abord les intérêts de leur propre département. Le discours prônant un partage équitable de la ressource porté au niveau du Bassin perd donc de la cohérence en descendant à des échelles plus locales. Dans ce contexte, les agriculteurs des Hautes Pyrénées, en position de force, ne cherchent pas à composer et tendent à opposer leurs connaissances de terrain aux compétences des techniciens considérées comme inutiles. Ceux du Gers, au contraire respectueux de « ceux qui savent », demandent leur appui dans le conflit avec l'amont. Quant aux collectivités territoriales, la mission ne les a pas entendu définir une véritable « politique de l'eau ». Dires d'acteurs L'approche choisie d'écouter les acteurs des territoires et la façon dont ils s'appropriaient les questions de mise en oeuvre de la DCE sur leur territoire a conduit à consigner tous les entretiens et dégager, par famille d'acteurs, les grandes lignes de leur discours. L'exercice est bien sûr simplificateur et il convient de distinguer des positionnements différents qui peuvent faire apparaître des leviers d'action. Les dires des agriculteurs, des coopératives et des chambres d'agriculture · Les enjeux Des enjeux DCE pas clairs, on ne sait pas ce qui est réglementaire, choisi ou imposé. Prise de conscience croissante chez les agriculteurs des problèmes d'eau, ainsi que de santé (produits phytosanitaires). 57 Les agriculteurs sont aussi victimes d'inondations, les aquaculteurs ou les ostréiculteurs de pollutions. Ils sont d'accord pour faire des efforts si les revenus sont maintenus. Les changements de pratique sont difficiles dans contexte d'augmentation continue des contraintes réglementaires alors que la conjoncture économique est tendue. Beaucoup se sentent pris en tenaille et supportent très mal d'être montrés du doigt. Ils se plaignent que les efforts et progrès réalisés ne sont pas reconnus par la société : enjeu de reconnaissance. · Les progrès réalisés et réalisables Les pratiques ont évolué considérablement (Loch et Sal ; Coise), ce que confirment d'autres acteurs. Ils indiquent une baisse de l'utilisation des engrais azotés. Les contraintes environnementales occasionnent un surcoût mais il existe aussi des innovations gagnant/gagnant possibles (MetD, Coise). Beaucoup portent de l'intérêt au bio et durable, à l'agronomie, aux circuits courts et à l'accroissement de l'autonomie des exploitations. Certains raisonnent traditionnellement « chiffres d'affaires » et« quotas à atteindre », d'autres « revenus » et cherchent la diversification de leurs débouchés. Les agents des coopératives peuvent avoir 2 discours selon leurs interlocuteurs. Manque de références techniques sur agriculture durable, faible investissement R§D et peu de présence de l'enseignement agricole. Recul du conseil technique indépendant, du typeCETA, GVA. Adour : impossible de satisfaire de tels objectifs de débit réduit avec des exploitations de 50 ha bien que des coopératives testent des variétés économes en eau et l'exploration de filières alternatives. L'évolution des prix, la PAC, la fin des quotas laitiers et les stratégies des IAA auront un impact plus ou moins lourd sur le développement d'une agriculture durable Chambres d'agriculture : Être pédagogue, accompagner l'évolution des agriculteurs dans un contexte difficile et un domaine qui n'est le centre de leur intérêt, cela prends du temps · Les diagnostics et objectifs territoriaux Objectifs DCE trop ambitieux (par rapport à d'autres pays UE), pas clairs ; ils vont au delà du raisonnable.. Hiérarchiser et retenir des coûts proportionnés aux enjeux Agences de l'eau et Collectivités noircissent la situation pour obliger les agriculteurs à faire toujours plus. Progrès non reconnus : « a t-on peur de dire que cela s'est amélioré pour justifier le maintien de pressions? » · Les diagnostics individuels Les chambres d'agriculture sont compétentes, pourquoi recourir à des bureaux d'études? Elles vivent mal la mise en concurrence imposée. Et pourtant une chambre régionale n'estime pas anormal de recourir à des bureaux d'études pour le diagnostic, si l' animation amont et aval est faite par la chambre, conformément à ses missions. Les agriculteurs qui ont suivi les diagnostics phytos estiment que ce sont de bons outils qui font réfléchir · Le suivi des progrès « On veut voir et mesurer les résultats de nos actions » « On manque d'informations partagées sur état de l'eau, d'indicateurs » · Les programmes de mesure et d'actions Les MAEt phyto sont trop exigeantes et sélectives. Elles constituent un « bon signal » en Coise ; au Ru du Roy elles sont refusées et contestées. Les opérations collectives (Ferti-Mieux) sont plus motivantes que les mesures individuelles. Les mesures proposées sont mal adaptées aux risques économiques liés aux changements de pratique ou de production . · La gouvernance territoriale Ils ne se sentent pas partie prenante dans les décisions car leurs représentants sont noyés dans des commissions syndicales où ils ne trouvent pas leur place. Confusion des rôles : techniciens des Collectivités embauchés pour animer et doubler ceux des chambres dans leur métier de base. Éparpillement des moyens, conflits lourds entre structures: c'est contre-productif. 58 · La responsabilité des agriculteurs Absence de preuves, faible confiance sur les diagnostics de la qualité de l'eau. Dombes: les agri-pisciculteurs accusent les autres de non transparence et demandent une étude de l' impact réel des phytos sur l'écosystème. · La responsabilité des autres acteurs Collectivités territoriales, dans leurs projets d'urbanisation (bétonnage, pollutions difffuses, inondations, perte du foncier agricole..) · Le rôle de l'État Cadre réglementaire peu lisible, complexe, qui empile sans fin les textes. Règles qui ne cessent d'évoluer sans laisser le temps de s'adapter. Politiques de l'État incohérentes entre elles (DCE et PAC, agences de l'eau entre elles). Messages donnés par différents représentants de l'Etat contradictoires. Les dires des collectivités territoriales · Sur l'eau et la DCE Les collectivités importantes ou directement concernées (pollutions) sont conscientes des enjeux de l'eau.. Elles souhaitent prendre les choses en main, avec le maintien de l'activité agricole. Les petites communes sont mal informées et considèrent le cadre réglementaire compliqué. · Sur les agriculteurs et leurs organisations Les collectivités accusent certaines Chambres d'agriculture de ne pas reconnaître suffisamment les problèmes et parfois de freiner leur résolution. Les avis sont différents selon le poids relatif de l'agriculture dans les Collectivités. Certaines considèrent que le monde agricole sait qu'il va devoir muter mais qu'il faut l'accompagner sinon cela ne se fera pas. Elles contestent la propension de certaines Chambres d'agriculture à vouloir garder un monopole dans la gestion des pollutions d'origine agricole. · Sur leur rôle de plate forme pour le diagnostic et l'action La communauté urbaine de Lille entend imposer sa vision et associe les agriculteurs dans la démarche, veut mettre en place une filière bio pour ses cantines. D'autres collectivités associent les Chambres d'Agriculture avec qui elles passent des conventions. SMLS souhaite un « projet de territoire » (éviter un exercice technocratique avec multiplication de réunions sans appropriation par les acteurs du territoire). SIMA Coise est « forcé » par l'Agence de l'eau à s'engager dans la lutte contre les pollutions diffuses. Préoccupé par un conflit avec CA, il ne sait pas trop comment en sortir. Un PNR dispose d'un observatoire de l'eau avec mutualisation conventionnelle des moyens d'observation de chaque acteur et permettant d'établir un diagnostic partagé qui éclaire les choix d'action et permet de suivre les progrès. Pour la Région RA : la caractérisation de l'état des eaux a valeur pédagogique : nécessité de former / associer les acteurs pour des objectifs partagés. Le volet agricole reste faible dans les contrats de rivière. · Sur l'État Les collectivités critiquent un État devenu « gendarme » : éloignement progressif du terrain, perte de technicité, insuffisance de conseil et d'appui aux CT, activisme sur l'eau peu favorable et inefficace, voltes face, absence de continuité, incapacité à tenir un discours homogène (Adour). Elles considèrent cependant que certaines DDT ont la compréhension locale des territoires et des agriculteurs et peuvent les aider (ex DDT de Loire). 59 Elles sollicitent fortement l'État dans des territoires ruraux pour aider à décliner les mesures des captages « Grenelle » par des personnes affectées, aider la médiation entre acteurs vis à vis des diagnostics et plans d'action partagés. Elles attendent parfois que l'État reprenne la main pour sortir d'un système d'acteurs bloqué alors que des enjeux lourds (santé publique, risque de contentieux) sont en cause. Les dires des autres acteurs Les bureaux d'étude Le diagnostic d'exploitation est un outil à généraliser. Associer les agriculteurs en amont (ex Charente). Réussir à faire fonctionner le triangle: Collectivité, Agriculteur et Chambre d'Agriculture, Bureau d'étude. - Les pêcheurs Reconnaissent les progrès réalisés sur la qualité dans plusieurs bassins versants. Problèmes clefs non encore traités: continuité écologique, hydromorphologie. Pas d'opposition de principe sur les retenues eau (Adour). - Les ONG environnementales Se plaignent de la réduction insuffisante des surfaces en maïs. Les diagnostics relèvent plus souvent de négociation politique que d'expertise. Demeurent sur la défensive (recours contentieux). Les dires des services de l'État · Sur l'engagement du monde agricole Sur le bassin du Loch et du Sal : Engagement salué (ONEMA, DDTM). Réussite grâce à des leaders politiques et agricoles qui ont mobilisé pour permettre une évolution des pratiques. Sur la Veyle : la révolution agricole encore à faire (à la différence des industries et des CT), la chambre d'agriculture demeure rétive. Pour les DDT : la réussite suppose l'adhésion des Chambres d'agriculture tout en garantissant la qualité des diagnostics. · Sur les pollutions diffuses En Rhône Alpes on constate des progrès plus lents que prévu malgré les efforts réalisés (RA: DDT, DREAL, DRAAF, ARS), ce qui peut être décourageant . Il convient de caler l'action sur des objectifs atteignables à court terme et pas seulement sur des objectifs de résultats. · Sur la taille des territoires Une ARS et des DDT soulignent la nécessité de garder la dimension de « territoires habités », celle où les acteurs locaux arrivent à se comprendre. Ils regrettent l'évolution vers des « territoires gérés » qui éloignent la décision. « Plus le bassin est grand, plus les lobby s'expriment ». · Sur les diagnostics et le suivi des progrès L'absence de monitoring est le principal point faible d'un contrat de rivière. Cependant, les techniciens du syndicat sont peu motivés sur cette action. Ailleurs, les discours d'experts sont discordants et parfois malhonnêtes : les lobbies industriels mènent le jeu alors que les scientifiques honnêtes sont certains d'un risque pour la santé. 60 · Sur les mesures et programmes d'action Saupoudrage inefficace. Nécessité de généraliser diagnostics et mesures, innover mesures systémiques. En Ile de France, les mesures à prendre sont objet de divergences fortes malgré les études. · Sur la manière de faire de l'État Pour une DREAL, le non respect des actes réglementaires et les dérogations accordées s'avèrent antipédagogiques. Des préfets sont très sévères : L'autoritarisme ne réglera rien et l'État travaille à l'envers. Il faut : évaluer les conséquences des mesures préconisées, trouver des solutions pour les acteurs concernés, négocier des compensations avec les organisations agricoles et ensuite seulement mettre des contraintes. 61 Annexe 5 : sigles et acronymes AELB AESN APCA ARS BV CA CETA CGAAER CGDD CGEDD CLE DCE DDPP DDT DEB DGALN DGPAAT DGPR DRIAAF DRAAF DREAL DTA DUP EPTB FDSEA GVA/GDA IAA IFT INRA IR LEMA MAAP MAEt MEDDTL MISE OLAE ONCFS ONEMA ONG OPA PAC PDRH PLU PMBE PMPOA PNR PPR SAGE SDAGE SAU SCOT SGAR SIMA SISPEA STEP UE ZAC ZSCE Agence de l'eau Loire-Bretagne Agence de l'eau Seine Normandie Assemblée permanente des Chambres d'agriculture Agence régionale de santé Bassin versant Chambre d'agriculture Centre d'études techniques agricoles Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux Commissariat général au développement durable Conseil général de l'environnement et du développement durable Commission locale de l'eau Directive cadre sur l'eau Direction départementale de la protection des populations Direction départementale des territoires Direction de l'eau et de la biodiversité Direction générale de l'aménagement, du logement et de la nature Direction générale des politiques Agricoles, alimentaires et des territoires Direction générale de la prévention et des risques Direction régionale de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt Direction régionale de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement Directive territoriale d'aménagement Déclaration d'utilité publique Établissement public territorial de bassin Fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles Groupement de vulgarisation agricole/de développement agricole Industrie agro-alimentaire Indicateur de fréquence de traitement Institut national de la recherche agronomique Impôt sur le revenu Loi sur l'eau et les milieux aquatiques Ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche Mesure agro-environnementale territoriale Ministère de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement Mission interservices de l'eau Opération locale agro-environnementale Office national de la chasse et de la faune sauvage Office national de l'eau et des milieux aquatiques Organisation non gouvernementale Organisations professionnelles agricoles Politique agricole commune Programme de développement rural hexagonal Plan local d'urbanisme Programme de modernisation des bâtiments d'élevage Programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole Parc naturel régional Plan de prévention des risques (naturels et/ou technologiques) Schéma d'aménagement et de gestion des eaux Schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux Surface agricole utile Shéma de cohérence territoriale Secrétariat général aux affaires régionales Syndicat mixte interdépartemental pour l'aménagement (de la Coise) Système d'information sur les services publics d'eau et d'assainissement Station d'épuration Union européenne Zone d'aménagement concerté Zone sous contrainte environnementale 62 Annexe 6 : personnes rencontrées Loch et du Sal (56) François Philizot, préfet Michèle Vallet et Benjamin Richard, DREAL Aude Witten et Claire Espalieu, SGAR/MIRE Jean-Louis Rivoal, Yvon Sion et Nathalie Lerat, AELB Jean-Jacques Labat et Frederic Onno, CG56 Bernard Simon, syndicat départemental de l'eau Christian Leclevec, fédération départementale de pêche Bernard Gousset , coopérative agricole CECAB M Mallegol, APPMA du pays d'Auray Romain Chauviere, Didier Maroy, Jean-Yves Kerdreux, Pierrick Audran, DDTM 56 Isabelle Marzin, DDPP 56 Didier Louis et Didier Corven, ARS M Gourrierec, Franck Guehennec, Etienne Ariaux et Mlle Maheo, chambre d'agriculture Camille Simon, SI d'aménagement du golfe du Morbihan Martin Guilland, GAB 56 M Milou, ONEMA Camille Rigaud, André Robbe, François Roche, eaux et rivières de Bretagne Loïc Leray, éleveur de porcs Gilles-marie Pelletan, Anne-sophie Mercier, Mlle Scavinner, CC du Loch et du SAL Yves Bleunven, Catherine Kermeneur, Xavier Blondel, SI du Loch et du Sal Sonia Gachelin, comité régional conchylicole Coise (42, 69) Cyrille Engrand, Pascal Ferrand, Serge Monnier et Jean-François Perrin, DDT 69 Paul Delorme, CG 69 M Challéat et Anne-Cécile Cotillon, SGAR M Vinatier, chambre régionale d'agriculture André Micoud, sociologue Jean-Marc Chastel et Julien Mestrallet, DREAL Gilles Pelurson, Ph Theodore et MC Simon, DRAAF Hubert Grayel et Didier Grivot, chambre d'agriculture 42 Mmes Gibert et Caschetta, DDPP 42 M Carteron et Bernard Rivoire, commune de Grammont Claude Giraud, laire Montrond et pdt syndicat des eaux Jean-Yves Charbonnier, Yves Piot et Justine Lagrevol, SIMACOISE Remi Demazoin et Eric Farré, chambre d'agriculture 69 Aloïs Klein et Michel Piot, agriculteurs Gérard Bazin, FDSEA, VP chambre d'agriculture 69 Guy Cizeron, JA Georges Vincent, syndicat des eaux de Chazelles Sabine Bessin et Pierre Gayet, fédération de pêche Bernard Gaubert, agriculteur bio M Gayet et Mme Lemaitre, ARDAB Guy Srançon, contrôle laitier et maire M Monrozies, bureau d'étude SCE MM Marailhac, Moja, Thoumy, Pelissier, Fechner Mmes Siegwart et Marcelin., DDT 42 Mmes Chabroux et Chetot, ARS M Dubois et Mme Arcos, CG 42 Philippe Aubert et Cathy Le Hec, sources badoit Mme Menjeaud et M Bayle, AELB 63 Veyle (01) M le préfet 01 Mme Roulin, lycée agricole M Brochart, ONEMA Maurice Benmergui, ONCFS MM Mougeot et Heroet, fédération départementale de pêche M Chantepy, Agence de l'eau RMC Philippe Théodore, DRAAF Jean-Marc Chastel et Julien Mestrallet, DREAL M Chabrolles, Conseil régional Dominique Colin, Conseil général 01 D Cretin, syndicat de rivière Veyle Vivante Jacky Garnier et Fabrizzion Ceccarelli, SCOT Dombes Val de saône Monique Duthu et Isabelle Gin, cne de Bourg en Bresse Christophe Greffet, communauté de commune du canton de Pont de Veyle Henri Bourgeois Costa, FRAPNA Gilbert Limandas, François Goetgheluck et Fabien Thomazet, FDSEA Jean-Luc Baudier, confédération paysanne M Jeanin, ADABIO M Paillet-Pigeon, syndicat des exploitants d'étangs G Limandas, chambre d'agriculture 01 François de la Perriere et Cécile Josserant, coopérative céréalière « terre d'alliance » GAEC de Stivan, EARL Deroche, GAEC des Chanelets M Daniot, Jacques Mingret et Jean Convert, association des amis des moulins Marque et Deule (59, 61) Jean-Michel BERARD préfet Olivier JAYET et Didier DE CUBBER, ASP Franck LEROY, Laurence BLONDEL, Florian BUSY, Mélanie LOTTE et Alain CACHEUX, LMCU Jean-Louis MAROUZET, ONEMA Françoise LIEBERT, Charles GRANGE, Bénédicte SCHMITZ, DDPP Xavier DELOMNIEZ et François VIOLETTE, coordination rurale Sarah STAUB, GABNOR Olivier Thibault, Sébastien LABRUNE et Loïc METERON, agence de l'eau Pierrick HUET, Didier ROUSSEL et Nicolas CAMBRONNE, DDTM 59 Hélène DEBERNARDI, DRAAF Marc RUSCART, FDSEA Bernard PRUVOT, J MONCHY et MC DESPREZ, chambre d'agriculture Nord Pas de Calais Michel Pascal, DREAL Bernard MATHON et Michel STOUMBOFF, DDTM 62 Odile CREPIN, FREDON Séverine GAUDRE et Franck ANSART, CAHC Fanny MILBRED et Jean-Michel FOUQUET, Conseil régional Rus du Roy (78, 95) Michel Bajard et Alain Clément Martinez, DDT95 Clothilde Herzog, Nathalie Therre, DDT78 Catherine Thouin, DRIEE Alban Robin, etYohann Morin, ARS Michel Aldebert, Juliette Faivre, Georges Fouilleux et Jean-Claude Vial, DRIAAF Jean-Marc Jumel, Line Fournel, Dorothée Evrard, CG95 64 Dominique Herpin-Poulenat, Ghislaine Lapchin de Poulpiquet, Jacques Lhermitte, Martine Pantic, élus locaux Rémy Cluset, Conseil régional Ile de France Caroline Vergnet et Sophie Duplay, agriculteurs bio Julien Sarazin, JA Denis Sargeret, FDSEA Laurence Sablier, Camille Ferrand, chambre d'agriculture Benoît Harranger, Alain Defresne, Vincent Barrois, agriculteurs grandes cultures Agnès Lanthier, Delphine Filipe, agence de l'eau Seine Normandie Christian Salomé, Mathieu Rouy, ONEMA Laurent Nunez, Jean-Marc Fau, Thomas Ancel, INRA Laurence Guichard et Etienne de Magnitot, les amis du Vexin Adour Amont (32, 65) Dominique BUR, préfet midi-pyrénée René BIDAL, préfet 65 Jean GLAVANY, pdt SEMADOUR Claude MIQUEU et M DUBERTRAND, Conseil général65 M LEBBE, agriculteur bio Bernard VERGEZ, Mlle PUYO, lycée agricole Bruno DELAS, ADIVA Noël ABAD, Fédération départementale de pêche M PLADEPOUSAUX, MSA M ABADIE, agence de l'eau Adour Garonne Michel SALLENAVE et Christian CHATRY, DRAAF MM CROCHERIE et FREGEFOND, DREAL Lucile GREMY, ONEMA Patrick PEBILLE, agriculteur André VILLEMUR , GEH Adour et Gave M DUPIN, DDT65 MM DE ROCHAMBEAU, LEENHART et REYNAUD, INRA MM PASCAL, DEUMIER et LACROIX, ARVALIS Eric BOUBEE, maire M MORA, SIAEP Adour coteaux Pierre COUDERC, EURALIS Mme CENCIC et M CHEDEVILLE, DDT JL CAZAUBON, C PUYO, C FOURCADE et L LASSERE, chambre d'agriculture Max ROUSSEL, Institution Adour Michel GEOFFRE et Olivier MARCAND, FNE MM ROUBICHOU et BARDEAU, BRGM 65 (ATTENTION: OPTION des chartes engageant les différents acteurs. Il est nécessaire pour cela de mobiliser une expertise externe impartiale et acceptée, travaillant en partenariat avec les acteurs (apportant leur expertise interne). Veiller à l'appropriation par chaque acteur des actions le concernant directement (faire le lien avec le diagnostic, recevoir des signes de reconnaissance... construire une représentation propre et comprendre les représentations des autres). La sensibilisation, l'animation/communication sont des outils à mettre en place soigneusement. Les observatoires partenariaux permettant à tous les acteurs de suivre dans la durée les progrès réalisés, les difficultés rencontrées et les avancées encore à obtenir, les modalités de l'évaluation des actions qui seront donc accessibles à tous et rendues publiques (communication sur les indicateurs choisis et leurs résultats). Ceci introduit la question du pilotage et de l'amélioration continue des actions menées sur le territoire. Privilégier des périmètres de bassins choisis collectivement et correspondant autant que possible à des « territoires habités » où les relations entre les différents acteurs sont facilitées parce qu'ils se connaissent et font habituellement fonctionner ces territoires. Cependant, certains problèmes sont, à une autre échelle, plus vaste et relèvent alors d'outils plus pertinents, tels les SAGE. 29 23- Les modes d'actions et leur pilotage : origine, élaboration et mise en oeuvre Dans les différents sites visités, de nombreux documents existent, validés ou en projet, portant « programme d'actions » destinées à atteindre des objectifs relatifs à la qualité des cours d'eau. Et pourtant, les acteurs rencontrés sont loin de s'être tous appropriés la démarche et de s'en sentir solidaires. Il convient alors d'examiner la façon dont sont élaborés puis mis en oeuvre ces programmes d'action. Origine et élaboration des actions (législation, contrats, ententes diverses...) La diversité des situations rencontrées et le témoignage des acteurs sur d'autres expériences permettent d'identifier un certain nombre de cas de figure éclairants. Les agriculteurs ou leurs techniciens, ainsi que des élus locaux font volontiers référence à des démarches collectives anciennes (PMPOA, FertiMieux...) qui ont permis de mettre en mouvement la profession agricole, avec le rôle important de leaders agricoles ou politiques locaux qui crédibilisaient la démarche et entraînaient les autres. Ces démarches collectives d'animation disparaissent avec la prédominance actuelle du réglementaire, d'une part, et du contractuel individuel de type MAEt, d'autre part, rarement vécues dans une dimension collective. Dans le cadre de la deuxième génération de contrats de rivière, les agences de l'eau ont voulu contractualiser la lutte contre les pollutions diffuses agricoles, alors que certains bassins versants étaient encore centrés sur l'assainissement collectif et l'entretien des ripisylves. Dans un contexte ne se donnant pas le temps et les moyens de la concertation, ce volet a pu être vécu comme une obligation, mais aussi comme pouvant constituer l'opportunité de faire financer des mesures agroenvironnementales refusées dans un autre cadre. Il est apparu alors un effet d'aubaine pour des agriculteurs acquis d'avance aux pratiques nouvelles proposées (Coise). A l'inverse, un niveau élevé d'exigence sur la MAEt se heurte au refus des agriculteurs et conduit au blocage du projet de contrat de bassin (rus du Roy). La mise en place des périmètres « captage Grenelle » est plus récente et a lieu sur des territoires plus petits et avec une méthode plus cadrée au départ. Il faudra vérifier dans quelques années si les résultats de la démarche se sont avérés meilleurs (cela ne fonctionne pas pour les captages des Rus du Roy) Les SDAGE sont à l'origine d'actions relatives à la DCE, décidées, validées, certains disent « arrachées » au moment du vote, dans des instances partenariales (les comités de bassin) qui semblent éloignées des acteurs de terrain, et qui s'imposent quelques mois après sous forme de déclinaisons locales. A l'image de la DCE vis-à-vis des SDAGE, s'affrontent alors deux logiques, celle des ambitions d'un niveau géographique plus vaste, jugées généralement trop élevées par la sphère agricole, et celle du niveau des institutions locales en général plus modestes. Cette logique d'affrontement se retrouve aussi bien au sein des services de l'État que pour d'autres acteurs du territoire (entre amont et aval par exemple : Adour). Lorsque l'enjeu « eau » est perçu comme important, une multitude de plans d'actions peuvent le porter sur un territoire (contrats du conseil régional, Natura 2000, programmes nitrates...) sans qu'une cohérence soit suffisamment recherchée quand un pilote ne se dégage pas clairement. Des acteurs aspirent alors à élaborer des contrats plus globaux, type SAGE et charte de PNR, parfois SCoT (par exemple, Loc'h et Sal, Veyle). Enfin, la situation est très différente en présence d'un industriel de l'eau (Badoit)17 ou d'une grosse métropole dont l'enjeu d'alimentation en eau potable de qualité est fondamental, et qui possède les moyens juridiques et financiers (DUP, expropriation ou rachat, contractualisation sur des pratiques 17 On peut se référer également aux eaux de Vittel, de Contrexéville ou d'Evian. 30 agricoles...) de mettre en oeuvre un plan d'actions. Les forces en présence sont telles qu'elles conduisent les agriculteurs à s'adapter rapidement (Marque et Deule). Le pilotage : mobilisation des acteurs et légitimité des actions En matière de pollution diffuse, si la phase d'élaboration des actions nécessite une forte implication des acteurs du territoire concernés par la problématique « eau », les modes d'action proposés doivent être également mobilisateurs car ils visent à faire évoluer les pratiques et non plus à équiper le territoire (face aux pollutions ponctuelles ou accidentelles). La question doit être abordée le plus globalement et le plus collectivement possible, tant au niveau des acteurs qui interagissent (collectivités territoriales, associations, agriculteurs, coopératives, entreprises, conchyliculteurs...) que pour l'agriculture au niveau du système de production lui-même (assolements/rotations, diversification, intrants, etc.). La présence d'acteurs économiques inhabituels dans les « face à face » traditionnels entre agriculture et collectivités peut être une opportunité pour élargir le dialogue local, ainsi que le montre par exemple la société des eaux de Badoit sur le bassin versant où elle est implantée. Les acteurs agricoles demandent, dans plusieurs sites visités, à disposer d'éléments objectifs leur permettant de mesurer l'impact de leur activité sur l'eau et l'effet de leurs efforts (« a-t-on peur de dire que cela s'est amélioré pour justifier le maintien de pression ? ») Ils souhaitent passer à une logique de résultat, en redonnant des marges de manoeuvre au niveau local. Dans le même temps, sachant que le milieu a une inertie qui ne permet pas de voir les évolutions très vite, il est nécessaire d'afficher des objectifs intermédiaires de réalisation permettant de mesurer les efforts. La question du positionnement des chambres d'agriculture comme prestataire des diagnostics cristallise localement, dans la Coise, dans la Veyle, les Rus du Roy, des conflits entre structures. L'agriculture ne se trouve plus alors dans un engagement central sur son territoire, mais dans une posture commerciale de second plan, qui nuit à la motivation des acteurs agricoles. Qui est maître d'ouvrage du projet ? Qui est le pilote ? Peut-on avoir sur un même territoire (BV) une multitude de maîtres d'ouvrages, un émiettement par type d'actions comme constaté sur certains sites visités ? Des acteurs élus ou agricoles du bassin de Loch et du Sal ont unanimement cité comme facteur de réussite l'existence ancienne de leaders locaux qui ont su entrainer de façon légitime les agriculteurs dans des évolutions nécessaires. Au contraire, le territoire de la Veyle fait apparaître une multitude d'acteurs concernés partiellement par la question et qui attendent un signal mobilisateur et responsabilisant pour tous. Un pilote est nécessaire pour un tel projet complexe impliquant tant d'acteurs aux logiques propres. Une collectivité locale ou territoriale de proximité a vocation à être ce pilote et à organiser, avec les autres parties prenantes, la façon dont va s'organiser le processus conduisant à l'amélioration de la qualité de l'eau. Il faut distinguer clairement le maître d'ouvrage et les contrepartie, une responsabilisation, un contrôle, une (opérateur via des politiques sectorielles ? Médiateur ? Quelle compatibilité entre les différents rôles ? Qui est MAAP, la DREAL, la DRAAF, la DDT, le préfet... ?). financiers liés par des engagements, une sanction. Le rôle de l'État est à clarifier facilitateur/catalyseur ? régulateur/arbitre ?). l'État ? (l'agence de l'eau, le MEDDTL, le L'État est responsable de la mise en oeuvre de la DCE d'une part, et conduit la politique agricole, d'autre part, ce qui peut être porteur, dans des situations conflictuelles, de divergences qui ne contribuent pas à l'efficacité de solutions concertées. L'échelon territorial est plus à même de percevoir les enjeux de la réalité locale alors que l'échelon central de l'État ne peut que rappeler les objectifs généraux, leur cohérence, les principes de la gouvernance et de l'évaluation des résultats. Cet échelon national est attendu pour prendre une position claire et ferme dans les cas les plus complexes ou très controversés 31 Les visites sur site ont montré que les échelons éloignés ne sont pas en mesure de suivre et d'assumer la mise en oeuvre des actions arrêtées. Si l'agence de l'eau peut contraindre à faire évoluer les pratiques agricoles au titre des contrats de rivière ou dans des SAGE, le résultat dépend de la façon dont les acteurs du territoire seront capables de « passer contrat » sur des objectifs partagés en échange d'une modification de leurs pratiques. Cela ne peut pas se piloter à distance, notamment quand les objectifs portent sur des résultats et non sur les moyens à mettre en oeuvre. Il faudra ajuster des modalités de relais local(équipes de proximité) ou de délégation (à d'autres services locaux de l'Etat) pour une prise de décisions à l'échelon pertinent. Le pilotage des actions, des objectifs et des indicateurs Dans certains bassins, les agriculteurs jugent que les objectifs vont au-delà du raisonnable, au-delà de ce qu'exige la DCE, que d'autres États membre déclineraient de façon moins ambitieuse. Les coopératives peuvent être d'accord sur le diagnostic, mais demandent de hiérarchiser les objectifs, avec des coûts proportionnés aux enjeux. Des collectivités territoriales, maîtres d'ouvrage d'aménagements sur les cours d'eau, demandent de revoir l'échelonnement des objectifs afin d'entrer dans une programmation plus réaliste, laissant le temps de la concertation. L'engagement des acteurs du territoire nécessite qu'ils soient parties prenantes des objectifs et que soient choisis, avec la même gouvernance que décrite précédemment, des indicateurs de résultat et d'impact permettant de suivre les progrès des uns et des autres. Les modes d'action retenus : effectivité et pertinence Si l'on retient le territoire «habité » comme le bon échelon de cohérence des actions à retenir et à mettre en oeuvre, il faut pouvoir mesurer la pertinence des mesures au regard des objectifs de la DCE et des résultats attendus. Le plus souvent les solutions à disposition nécessitent d'être dépassées par des modèles de production d'une autre nature, alliant la pertinence économique à une amélioration des impacts sur l'eau. Il ne suffit donc pas de se limiter à des obligations et des compensations de revenu. Les agriculteurs innovants rencontrés sont demandeurs de modèles et de références agricoles applicables localement. Et pourtant le rôle potentiel de l'appareil de recherche et de formation est peu porté par les services : il a d'ailleurs été difficile de le rencontrer tant les DDT ne voyaient pas leur implication dans le sujet de l'étude, alors que depuis quelques temps, un réseau de correspondants sur ces sujets a été mis en place au niveau national. A présent, la seule solution contractuelle à la disposition des acteurs agricoles est quasiment la MAEt, jugée trop rigide lorsqu'il est question de moduler les aides en fonction des situations locales. Certains ne la trouvent pas assez ambitieuse et regrettent qu'elle soit utilisée comme effet d'aubaine par des agriculteurs qui ont déjà des pratiques favorables et n'améliorent donc pas la situation. D'autres au contraire la jugent trop élitiste voire trop limitées dans le temps ou trop partielle, car ne touchant pas des agriculteurs ou des parties de leurs exploitations qui en auraient pourtant besoin pour passer à un autre système de production. Il faudrait raisonner les MAEt en termes de « résultats et de chemin pour les atteindre » plutôt qu'en termes de « moyens mis en oeuvre (sans obligation de résultat) ». Lorsque le « réglementaire » (arrêtés préfectoraux, art 21 de la loi sur l'eau et les milieux aquatiques ­ LEMA - rendant obligatoires des mesures) rattrape le « volontaire » (MAEt par exemple), il n'y a plus de place pour une mobilisation dans un territoire sur un projet collectif. La prochaine mise en place des zones soumises à contrainte environnementale (ZSCE) pourrait permettre de tenter d'allier les outils réglementaires, en rémunérant les mesures obligatoires, et les outils contractuels (chartes et certifications) tout comme l'avaient fait les premières opérations locales agro-environnementales (OLAE) : mesures collectives et animation territoriale venaient en appui à une panoplie de mesures adaptées à chaque territoire et validées localement ou à un niveau géographique immédiatement supérieur, selon un principe de subsidiarité correctement défini. La certification environnementale des exploitations agricoles avec l'animation qui l'accompagne peut être également un outil mobilisateur 32 Les marges d'autonomie pour articuler entre eux les dispositifs sont jugées insuffisantes (entre MAEt, programme de modernisation des bâtiments d'élevage, conversion « bio »...). Des investissements sur l'exploitation sont parfois nécessaires pour passer le cap des difficultés liées à la mutation, et doivent être examinées sans a priori (Coise, Adour). Les modes de raisonnement global et de décision en vigueur pour les prêts bonifiés ou les plans d'investissement des projets d'installation ou des plans de modernisation seraient opportunément utilisables dans ces situations. Il est nécessaire également d'articuler entre eux l'accompagnement micro-économique des exploitations qui veulent transiter vers des systèmes leur permettant de maintenir leur revenu, et celui des filières commerciales locales qui demandent un vaste programme d'expérimentation. L'élargissement à des acteurs non agricoles mais interférant sur les territoires ou ayant un intérêt direct sur ce territoire est également un facteur de réussite (ex. des plateformes de regroupement d'une offre de proximité, ou de l'entreprise Badoit qui s'associe aux communes de proximité). Enseignements Hiérarchiser les enjeux et aller à l'essentiel en y concentrant les moyens disponibles, en prenant en compte les autres aspects des plans d'aménagement durable des territoires. Établir ainsi la relation entre les plans d'actions et les enjeux du territoire (économie, emploi, cantines, urbanisation...) et en inscrire les conséquences dans les documents d'aménagement. Veiller à la bonne cohérence du triptyque « objectifs, moyens et échéances ». Engager les parties : établir un dialogue débouchant sur des engagements multipartites comprenant au moins: État/Agence de l'eau/collectivités/profession agricole/associations locales, qui se traduira dans des chartes (et non dans des systèmes de prestation en concurrence), financées par l'agence et passées par les collectivités. La profession agricole doit être représentée de façon plurielle sur le territoire, en engageant complètement les agriculteurs du territoire concerné, aux côtés de leurs organisations socioprofessionnelles. Renforcer l'engagement des chambres d'agriculture à accompagner la transition vers une agriculture plus respectueuse de la qualité de l'environnement et de la ressource en eau. Outils de développement agricole, alimentées par un travail mené au niveau national par l'APCA, elles ont vocation à entraîner collectivement les agriculteurs vers des pratiques adaptées, non à constituer un écran institutionnel. Cet engagement spécifique doit faire l'objet d'un message clair de l'État , avec mise en oeuvre via les outils de contractualisation et d'orientation des aides. Clarifier le rôle de chacun : il doit être défini précisément afin que chacun tienne le rôle auquel il s'est engagé : Les collectivités territoriales pilotent les projets et assurent la collecte coordonnée des données d'observation ; L'État est garant de la façon dont les acteurs mettent en place les bonnes conditions pour un engagement partagé. Les bureaux d'étude apportent une vision externe aux acteurs sur les diagnostics de territoire, et sur les diagnostics d'exploitation en lien avec les chambres d'agriculture ; Les chambres d'agriculture sont centrées sur le développement, l'accompagnement des agriculteurs et contribuent aux aspects économiques du projet aux échelles de l'exploitation et de la filière. Elles n'ont pas vocation à être de simples bureaux d'études ; Les opérateurs économiques tels que les entreprises agroalimentaires ou les coopératives peuvent avoir une dynamique collective intéressante dès lors qu'ils s'engagent dans une démarche favorable à la qualité de l'eau. Formaliser la coopération entre les agences de l'eau et les services déconcentrés de l'État pour pouvoir décliner la ligne politique relative à la mise en oeuvre de la DCE avec des outils adaptés aux 33 bonnes échelles, en particulier dans les territoires ruraux où les collectivités ont besoin d'un appui renforcé. Il est en effet impossible de suivre précisément la mise en oeuvre d'un contrat de rivière depuis le siège d'un bassin hydrographique. Piloter : s'il y a un acteur tête de file, généralement la collectivité territoriale, le pilotage doit être formalisé dans la charte d'engagement des acteurs en précisant : Le choix des indicateurs à arrêter ensemble ; La mise en place d'un observatoire ouvert à tous permettant un suivi partagé des évolutions ; L'exploitation de ces résultats pour des améliorations à échéances fixées. Adapter les mesures : aux côtés des mesures standardisées et réglementaires, favoriser l'adoption de mesures construites sur les territoires permettant d'accompagner le changement des systèmes d'exploitation agricoles, avec des dynamiques collectives. Cela recouvre à la fois : La souplesse à accorder dans la construction des mesures (actuelles et dans la perspective de la révision du PDRH) en donnant plus de marge de manoeuvre au niveau déconcentré pour développer une politique contractuelle, éventuellement avec des opérateurs collectifs ; L'articulation des mesures entre elles ; L'articulation des interventions de l'État, des agences de l'eau et des collectivités. Expérimenter ces possibilités sur des sites test, avec une ingénierie spécifique d'appui, en particulier : les modalités d'animation, l'articulation des aides entre elles et le niveau de souplesse nécessaire, ainsi que la possibilité d'étendre une mesure volontaire quand le voisinage, dans sa majorité, est favorable. Cette expérimentation permettra de mesurer jusqu'à quel point toutes ces préconisations ne pourront être efficaces qu'à une échelle de temps suffisante notamment au regard de nombre d'objectifs globaux souscrits au niveau européen. 34 24- L'évaluation des résultats et des impacts, et le respect des engagements De même qu'il n'a été rencontré aucun accord suffisant entre les diverses parties prenantes pour établir les dimensions d'un diagnostic véritablement partagé ni les règles de la construction d'un plan d'actions, les processus d'évaluation des actions conduisant au « bon état » des eaux ne sont pas davantage clarifiés, voire formalisés. Comme par ailleurs les mesures d'incitation (sous forme d'aides), mais aussi les redevances des agences de l'eau (redevance prélèvement, redevance pollution 18 d'origine non domestique-élevage et redevance pour pollution diffuse tout particulièrement ), tout comme les sanctions prises contre les activités (et les acteurs) qui nuisent à ce bon état des eaux, sont sporadiques, c'est l'ensemble du dispositif de régulation qu'il faut réexaminer. Pendant ce temps l'État français est fréquemment mis en cause pour ses manquements aux divers engagements environnementaux, et notamment sur l'eau. Rappelons que l'évaluation de la mise en oeuvre d'une politique publique (et éventuellement de sa conception s'il apparaît que les défauts de mise en oeuvre tiennent à une faiblesse de conception) est à distinguer des tableaux de bord et autres instruments de pilotage, et des bilans qui ponctuent régulièrement les étapes de mise en oeuvre et portent sur le degré de réalisation (le plus souvent chiffré) de l'ensemble et du détail des actions. Elle se distingue également des audits, qui se limitent à des estimations de coût-bénéfice, de rendement ou de rentabilité et, au plus, de qualité (du processus, pour l'usager...) des activités. L'évaluation est globale (elle porte sur tous les aspects qualitatifs de la politique en question : techniques, financiers, juridiques, économiques, sociaux, culturels, écologiques...) et elle porte sur l'ensemble du processus de mise en oeuvre (choix d'actions, modes d'action, modes de contrôle, pilotage et correction des actions, bilans...). Les bases de l'évaluation du bon état des eaux : la mesure des résultats obtenus Une évaluation de l'application de la DCE reposerait, pour commencer, sur des mesures claires, fiables, connues et acceptées par tous les partenaires. Or c'est loin d'être le cas. En effet, nos divers interlocuteurs ne sont pas d'accord19 sur ce qu'il faut mesurer et comment il faut le mesurer (notamment la périodicité). Ils formulent des doutes sur le crédit à accorder aux organismes qui procèdent à ces mesures. Ils s'interrogent sur l'usage ultérieur de ces mesures. · Que faut-il mesurer ? Selon la DCE « Il y a lieu d'établir des définitions communes de l'état des eaux en termes qualitatifs et, lorsque cela est important aux fins de la protection de l'environnement, quantitatifs. Il convient de fixer des objectifs environnementaux de manière à garantir le bon état des eaux de surface et des eaux souterraines dans toute la Communauté et à éviter une détérioration de l'état des eaux au niveau communautaire » (considérant 25 de la DCE). « Il convient de poursuivre l'objectif du bon état des eaux pour chaque bassin hydrographique, de sorte que les mesures relatives aux eaux de surface et aux eaux souterraines appartenant au même système écologique et hydrologique soient coordonnées. » (considérant n° 33). Les « éléments de qualité » et les « définitions normatives » des classifications de l'état écologique des eaux, qui donnent corps à ces considérants, occupent 20 pages d'annexe de la DCE. Il en résulte que les priorités et les hiérarchies en fonction des caractéristiques des bassins hydrographiques sont difficiles à dégager. Ainsi, une coopérative agricole du Morbihan fait état d'une carte de Bretagne identifiant 8 enjeux, sans hiérarchisation et avec des objectifs contradictoires. Pour 18 Les recettes provenant de ces trois redevances représentaient en 2009 de 1% à 7% seulement du produit total des redevances perçues par les agences de l'eau (6% pour l'agence de l'eau Loire-Bretagne, alors que les pollutions d'origine agricole représentent 43% du coût des mesures du même bassin pour la période 2010-2015). 19 Que ce soit pour des raisons stratégiques ou du fait de leur expertise. 35 d'autres (agence de l'eau Loire-Bretagne), il n'y a pas de cartographie détaillée diffusée20 de la qualité des eaux, bien que les données existent. Pour d'autres encore (DDT, chambre d'agriculture), même s'il y a eu des diagnostics territoriaux au départ, il est impossible de suivre les progrès dans la durée, bien que l'on pense que les efforts des agriculteurs et des communes « ont sûrement eu des effets ». Pour les pesticides, on connaît mal les effets des mélanges, ni de leur incidence sur l'environnement, et on ne sait pas bien quelles molécules mesurer. On a aussi des progrès à faire dans la connaissance de la dynamique des polluants dans les sols. Des chercheurs de l'INRA mettent en question le choix des mesures : on ne dispose pas de la boite à outils des impacts : par exemple, les MAEt (mesures agro-environnementales territorialisées) relèvent d'une réglementation, qui affiche le plus souvent des objectifs de moyens et non d'impact, tels que la diminution de l'IFT (indicateur de fréquence de traitements phytosanitaires) par culture, sur la base des pratiques constatées, faute d'une corrélation facile entre pratiques agricoles et impact sur l'eau. Comment le mesurer ? Les procédures à suivre occupent six pages d'annexe de la DCE. En pratique, tout dépend de l'efficacité des organismes de contrôle, des protocoles utilisés (valeur moyenne, en basses eaux, après orage...) qui peuvent conduire à des résultats différents, des mesures de résidus de pesticides où la recherche n'est ciblée que sur ce que l'on connaît. Certains maires et collectivités départementales estiment que la périodicité des contrôles de la qualité des eaux est trop faible. Des groupes privés, tels que Badoit, financent un grand nombre de points de mesure et d'analyses mensuelles et un contrôle/analyse exhaustif annuel (pour 120.000 par an depuis 2008). Mais ce type d'action, très apprécié, reste limité. Dans certains cas, il existe un point de mesures à la source (sur eaux profondes) et un point de mesure en aval (eaux superficielles) avec des prélèvements quasi-mensuels pour l'analyse de 380 molécules ou mélange de molécules. Qui doit mesurer ? Les avis sont partagés et les pratiques divergent : Pour une agence de bassin, il faudrait un observatoire, résultant d'une convention signée entre l'État et des partenaires privés ; Pour un syndicat de bassin versant, c'est le comité résultant du 2e contrat de rivière, lequel a renforcé l'obligation d'analyse et de rendus de résultats, or un comité n'est pas un opérateur local ; Un des conseils généraux rencontré dispose d'un réseau départemental de mesure de la qualité des eaux ; il établit une analyse annuelle des résultats et communique sur la base de ces résultats ; Des chambres d'agriculture se méfient des mesures effectuées par des bureaux d'études privés ; avec elles les agriculteurs contestent les analyses. En règle générale, s'il faut se donner des moyens de suivi et de pilotage du plan d'actions, il faut se garder de toute démarche d'auto-évaluation, les risques sont grands de ne pas mesurer les objectifs retenus au départ, et de développer une appréciation subjective et partielle, et de ne pas obtenir un consensus partagé de la part de toutes les parties prenantes. L'évaluation doit être externe, elle est d'ordre qualitatif en s'appuyant sur les indicateurs renseignés par le plan d'actions et ses résultats doivent être débattus (gouvernance concertée ou par consensus) avant la validation finale. Que faire de ces mesures ? Selon une agence de l'eau, ce qui fait surtout défaut, c'est le suivi et le rendu par les acteurs de l'évolution de la qualité de l'eau. 20 Un classement des cours d'eau, plans d'eau, eaux littorales et souterraines a été effectué fin 2004, mais la communication qui en a été faite dans le SDAGE et le 9 programme de l'AELB reste peu explicite. e 36 Pour une chambre d'agriculture, l'agriculteur doit voir afficher les résultats de son action (nitrates dans la rivière par exemple en face des efforts faits en matière de fertilisation réduite ou de mise aux normes de ses bâtiments). Pour certains élus, tous les maires ne sont pas informés des travaux des bureaux d'études ; l'information sur les séries de données à moyen et long terme (concernant les nitrates, les phytosanitaires...) n'est pas faite. Pour un syndicat de rivière, les résultats des analyses des contrôles opérationnels ou de surveillance sont publiés, mais il reste à les traduire en messages permettant de convaincre et de motiver aux changements de pratiques les acteurs concernés, au premier rang desquels les agriculteurs. Une agence de l'eau met le doigt sur la difficulté de faire comprendre les mesures : «avant, l'usager de la rivière pouvait dire si elle était propre ou non. Actuellement la pollution n'est pas visible ; il faut faire appel à des experts qui ne sont pas toujours crus. De plus les élus n'ont pas toujours intégré les contraintes du traitement de l'eau potable car la signature d'un contrat avec le « fermier » semble les décharger de la question. » Ainsi, globalement et même si c'est la base du pilotage, les insuffisances dans la communication des données et sur leur méthode d'obtention constituent des obstacles majeurs à la mise en oeuvre de la politique de l'eau telle que déclinée dans la DCE. Pourtant les articles 4 et 5 de la Convention d'Aarhus21, imposent l'information et la participation du public, et a fortiori des parties prenantes, en matière d'environnement22 (pour les projets, plans et programmes, dans le langage de la commission européenne). Les pouvoirs publics sont tenus de recueillir des informations et d' en faciliter l'accès gratuit23. Cette obligation légale d'information et de diffusion publique s'impose non seulement à l'État et à ses établissements publics, tels que les agences de l'eau et les agences régionales de santé, mais aussi aux collectivités territoriales et leurs groupements, aux personnes privées chargées d'une mission de service public. Les pratiques que nous avons pu observer montrent que ces obligations sont loin d'être respectées. Par ailleurs, il est clair aujourd'hui que la méfiance règne quant à la validité des mesures qui peuvent servir de base à une évaluation. Or, de telles mesures doivent être clairement définies au niveau national. L'évaluation des actions Puisque l'accord sur la nature même des mesures de qualité des eaux est loin d'être acquis, il est clair que l'évaluation des actions liées à ces mesures souffre d'un déficit de confiance dans ses indicateurs. De toute manière, les diverses personnes rencontrées n'abordent guère ce thème, comme s'il allait de soi que l'appréciation des uns et des autres tient lieu d'évaluation ou bien qu'il soit estimé difficile ou trop conflictuel de se lancer dans un véritable processus d'évaluation, formalisé et mobilisant des experts externes aux actions en question. En vigueur en France depuis 2002, reprise par la directive du 28 janvier 2003 relative à l'accès du public à l'information en matière d'environnement, directive elle-même transposée par la loi n° 2005-1319 du 26 octobre 2005, de laquelle sont issus les articles L. 124-1 à L. 124-8 du code de l'environnement. 22 Art. L. 124-2, « Est considérée comme information relative à l'environnement toute information disponible, quel qu'en soit le support, qui a pour objet : 1° L'état des éléments de l'environnement, notamment l'air, l'atmosphère, l'eau, le sol, les terres, les paysages, les sites naturels, les zones côtières ou marines et la diversité biologique, ainsi que les interactions entre ces éléments » ; 23 Art. L. 124-7, « I. - Les autorités publiques prennent les mesures permettant au public de connaître ses droits d'accès aux informations relatives à l'environnement qu'elles détiennent, et veillent à ce que le public puisse accéder aux informations recherchées. A cet effet, elles établissent des répertoires ou des listes de catégories d'informations relatives à l'environnement en leur possession, accessibles gratuitement et indiquant le lieu où ces informations sont mises à la disposition du public. II. - Les autorités publiques veillent à ce que les informations relatives à l'environnement recueillies par elles ou pour leur compte soient précises et tenues à jour et puissent donner lieu à comparaison. Elles organisent la conservation de ces informations afin de permettre leur diffusion par voie électronique ». L'art. R. 124-5 précise : « I. - Doivent faire l'objet d'une diffusion publique au sens de l'article L. 124-8 les catégories d'informations relatives à l'environnement suivantes : [ ] 5° Les données ou résumés des données recueillies par les autorités publiques dans le cadre du suivi des activités ayant ou susceptibles d'avoir des incidences sur l'environnement ». Parmi les données concernées figurent bien entendu les données relatives à la qualité de l'eau et les analyses effectuées. 21 37 Les services de l'État ne poursuivent pas les mêmes buts, et, implicitement, ne sont pas d'accord sur ce qu'il faudrait évaluer. La DRAAF a sa logique économique et des compromis à trouver. La DREAL, et tout particulièrement la DREAL de bassin, a des consignes plus claires à décliner venant du ministère ou en application du programme de l'agence de l'eau. En revanche, il n'y a pas d'articulation entre DRAAF et DREAL. Pour la DRIAAF, en dépit d'études menées de longue date (depuis 2002) et reprises en 2010, sur des bases mutuellement acceptées, les mesures à prendre sur les zones à risques restent l'objet de divergences fortes. Le dossier n'a pu être accepté en commission régionale agro-environnementale en février 2011 et la situation est bloquée. L'absence d'unité de vues entre services de l'État ne facilite pas la résolution du conflit. Le conseil régional est tout aussi segmenté. Résultat : « on travaille en pompiers et sans recul ». Les chambres d'agriculture ont tendance à dire que le cadre réglementaire est peu lisible (il existe plusieurs définitions différentes des zones humides ; la notion de cours d'eau elle-même a plusieurs définitions), trop complexe et empile sans fin les textes. Plusieurs intervenants (certains services déconcentrés de l'État, l'agence de l'eau) « noircissent » même le tableau. En sens inverse, un PNR dispose d'un « observatoire de l'eau, résultat d'une mutualisation sous forme conventionnelle des moyens d'observation de chaque acteur et permettant d'établir un diagnostic partagé de l'hydrosystème et d'évaluer l'efficacité des actions menées. Le diagnostic partagé éclaire les choix d'actions et de travaux pour l'amélioration de la ressource et permet d'établir les marges de progrès pour chaque acteur impliqué. » Pour certains élus, en France trop peu de travaux ont été réalisés sur les leviers de changements de comportement et sur les jeux d'acteurs. En matière de la qualité de l'eau, il est manifeste qu'en France aucun processus formel d'ensemble n'a été mis en place. Ce qui est assez étonnant, car la DCE date de 10 ans et nous sommes à 5 ans des premiers résultats attendus. Il s'agit d'un grave déficit de la puissance publique d'autant que la France dispose depuis plus de 40 ans d'une organisation territoriale par bassins hydrographiques, ce qui est loin d'être le cas dans tous les pays de l'Union européenne, et que la DCE fait explicitement référence au « bon état des eaux pour chaque bassin hydrographique... ». Une véritable évaluation globale (pertinence des objectifs, choix des indicateurs et résultats mesurés) suppose que l'accord ait été obtenu sur la définition des mesures initiales (partie intégrante des diagnostics de territoire) et sur des mesures périodiques à la suite d'action engagées. Le système d'information sur les services publics d'eau et d'assainissement (SISPEA), en tant qu'observatoire national de l'eau et de l'assainissement en charge de recueillir et diffuser « des données sur l'eau, les 24 milieux aquatiques, leurs usages et les services de distribution d'eau et d'assainissement » devrait aussi avoir pour mission de relever la qualité des masses d'eau; sa mission devrait être étendue à l'ensemble des usages de l'eau. Étant donné les spécificités de chaque territoire, une hiérarchie des résultats à prendre en compte doit déjà être établie par micro-bassin, après consultation des parties prenantes, sous l'égide des agences de bassin. Ces mesures feraient foi pour la conduite des évaluations. Cela implique notamment qu'il est inapproprié d'appliquer à la lettre les éléments de mesure annexés à la DCE. Il apparaît au total que les conditions d'une véritable évaluation de cette politique publique ne sont pas réunies et que ses dimensions « transversale » et systémique ne sont pas réellement prises en compte. Les sanctions prises par l'État L'article 23 de la DCE porte sur les sanctions : « Les États membres déterminent le régime des sanctions applicables aux violations des dispositions nationales prises en application de la présente directive. Les sanctions ainsi prévues doivent être effectives, proportionnées et dissuasives. » Les observations des interlocuteurs de la mission montrent qu'aucun de ces trois points n'est satisfait. 24 Article L. 213-2 du code de l'environnement, tel qu'issu de l'art. 88 de la LEMA. 38 L'ONEMA, créé en 2007, assure la police de l'eau selon des plans de contrôle arrêtés dans chaque département. Cette activité est très critiquée : Les agriculteurs voient l'État comme celui qui édicte des normes et instaure, pour les accompagner, des mesures mal adaptées aux risques économiques qu'on leur demande d'encourir ; Certaines collectivités territoriales estiment que l'activisme récent de l'État sur le sujet de l'eau est peu favorable et inefficace ; Certains préfets sont très sévères : l'autoritarisme ne règlera rien (création de blocages) : il faut négocier, par exemple des compensations avec les organisations agricoles ; « l'État travaille à l'envers : il faut évaluer les conséquences des mesures préconisées, trouver des solutions pour les acteurs concernés et ensuite mettre des contraintes réglementaires ». « Les cabinets ministériels vivent dans l'illusion qu'en discutant des problèmes au niveau national on arrive toujours à trouver des solutions » ; Pour certains agents de l'État, la police de l'eau est dévalorisée. Des agents de l'ONEMA euxmêmes déplorent les limites des contrôles : les agents en charge des contrôles de la loi sur l'eau ne connaissent pas les MAEt « eau », n'ont pas la connaissance des produits utilisés, ne peuvent pas rester sur les parcelles en cours de traitement. Au surplus, les procès-verbaux qu'ils dressent sont classés sans suite par les Parquets, sans doute notamment par manque de sensibilisation d'autres services de police quant à la qualité de l'eau. - - Pour d'autres, le problème n'est pas que la voie réglementaire doive l'emporter sur des accords entre partenaires, mais que l'État ne sait pas sanctionner : L'État « a du mal à imposer des contraintes fortes » en règle générale, disent des agents de l'ONEMA ; Pour une DREAL, la question du non-respect des règlements, du laxisme des contrôles et des dérogations accordées fréquemment reste « une épine dans le pied » car elle s'avère antipédagogique et décrédibilisante pour tout plan d'actions ; Pour un vice-président de région, les outils et la puissance juridique de l'État ne sont pas assez utilisées : il faut une reprise en main énergique par l'État, une prise en compte par celui-ci d'une approche de comptabilité publique globale par territoire à enjeux. Mais il faut aussi savoir « mettre du monde sur le terrain ». - Pour certains professionnels, l'État local (la DDT) est tantôt considéré comme un arbitre impartial entre les différents groupes de pression, tantôt comme trop mou voire laxiste notamment dans l'exercice de la police des eaux. On l'accuse alors d'être de connivence avec la profession agricole ou, à l'inverse, d'être trop sensible aux préoccupations des environnementalistes. Un maire estime que l'ONEMA verbalise les agriculteurs en infraction sans discernement, ce qui est très mal vécu. De manière fréquente, les organismes agricoles comme économiques insistent sur l'incohérence entre les politiques de l'État menées par les uns et les autres (agences de bassin et services déconcentrés, diverses directions centrales : DGPR, DEB) sans parler de l'incohérence entre la DCE, les autres directives visant à la protection des ressources naturelles et toute la politique agricole commune (PAC). Ce manque de cohérence et d'unité de vues entre services de l'État et politiques européennes n'est effectivement pas sans entretenir confusions et faux espoirs. La police de l'eau La police de l'eau est dévolue à l'État, par le biais de ses services (MISE en DDT) et de ses établissements publics (ONEMA). Elle est cependant aussi du ressort des communes, dans le cadre de la police générale exercée par les maires. Aucun changement statutaire n'est nécessaire, mais l'insuffisance des moyens est manifeste. Les maires des communes rurales, particulièrement concernés par les problèmes liés aux pollutions diffuses, ne disposent nullement des moyens, humains et techniques, appropriés. 39 L'ONEMA a notamment pour objectif, dans le cadre de son contrat d'objectifs 2009-2012, d'intégrer les nouvelles priorités et modalités d'exercice de la police de l'eau. Au nombre de ces nouvelles priorités figure le contrôle des pollutions diffuses, le développement de la complémentarité entre services, avec des plans de contrôle inter services de la police de l'environnement. Des conventions devraient ainsi être systématiquement conclues dans chaque département avec le préfet, des protocoles passés avec les Parquets (de tels protocoles ont déjà été passés dans 63% des départements ) ; de plus des modes de fonctionnement plus coordonnés entre services de l'ONEMA, DDT (services chargés de la police de l'eau) et unités de contrôle phytosanitaire devraient être recherchés. Les actions ainsi entreprises devront évidemment être poursuivies et amplifiées. Le fait que les actions de contrôle sont appelées à être rapportées à la Commission européenne devra d'ailleurs y contribuer. Enfin, la question du niveau d'exigence des objectifs à atteindre se pose : il vaut mieux des objectifs moins ambitieux mais atteignables dans les délais prévus, et concentrer la police de l'eau, pour une plus grande efficacité sur les zones les plus polluées. Par ailleurs, il revient aux financiers des mesures agro-environnementales de s'assurer que les fonds versés sont utilisés à bon escient. Enseignements L'évaluation des résultats obtenus et la qualité des mesures de bon état de l'eau Si une évaluation complète doit être à la fois environnementale, économique, sanitaire et sociale, celle portant sur les mesures conduisant au « bon état » des eaux doit se référer in fine aux objectifs environnementaux de la DCE25, en regardant s'ils peuvent être atteints à un coût « raisonnablement acceptable ». Pour que cette évaluation soit effective, comprise et acceptée par tous, il est nécessaire qu'elle remplisse plusieurs conditions, non réunies à présent : Elle doit porter sur l'ensemble des processus de mise « en bon état » de l'eau, c'est-à-dire sur l'ensemble des actions entreprises, et en examiner tous les aspects : techniques, économiques, sociaux, juridiques, sanitaires, etc. Elle doit être formalisée : cahier des charges portant sur les actions à examiner et leurs liens entre elles ; modes d'enquête et de présentation des résultats d'enquête ; délais prescrits ; Elle doit être confiée à une pluralité d'experts extérieurs aux parties prenantes du territoire considéré, mais leur choix doit être approuvé par ces parties prenantes ; Elle doit être rendue publique, par divers moyens d'informations, et discutée publiquement ; L'État doit être le garant du bon déroulement de l'évaluation. C'est aux administrations centrales de l'État (CGDD, DGPR, DEB, directions du ministère de l'agriculture...) de concevoir conjointement le cadre de ce système d'évaluation, après consultation des divers organismes de bassin (agences, comités, etc.), des EPTB et des autres organisations liées à la gestion de l'eau et des milieux aquatiques. Une garantie d'impartialité doit être apportée. Un bon exemple en matière de garant est celui de la commission nationale du débat public : elle n'intervient pas sur le contenu mais atteste que le processus a bien respecté (ou non) les règles fixées. Ainsi l'instance chargée de l'évaluation doit-elle être désignée par l'ensemble des parties prenantes, mais doit être indépendantes d'elles : une réflexion plus approfondie doit être engagée sur ce point26. 25 Car c'est sur cette base que les contentieux européens seront engagés envers la France. 26 Par exemple : par des membres du CESE et/ou des CESER ; ou des personnalités qualifiées... 40 La police de l'eau et les sanctions Devant l'évidence de l'insuffisance des sanctions prononcées et de leur inégalité territoriale, deux solutions restent envisageables : Une préférence accordée à une approche contractuelle des sanctions27, c'est-à-dire leur dépénalisation au profit d'accords passés entre puissance publique et exploitants ou regroupements d'exploitants : cela implique des compensations financières et des chartes de « bonne conduite » ; Un renforcement et un meilleur ciblage des sanctions pénales : leur mise en oeuvre implique une grande impartialité de l'organisme chargé de la sanction et une indépendance totale du pouvoir judiciaire en la matière28. « L'eau n'est pas un bien marchand comme les autres mais un patrimoine qu'il faut protéger, défendre et traiter comme tel », affirme le préambule de la DCE. Ceci justifie pleinement l'existence de sanctions pénales qui ne sauraient être transformées en accords de « bonne conduite » adoptés par l'ensemble de la filière agricole. Les intérêts financiers et économiques en jeu sont tels que les préoccupations environnementales et sanitaires liées à la qualité de l'eau sont trop souvent minorées ou négligées. Le contractuel ne suffit donc généralement pas à garantir la bonne application des règles relatives au maintien et à la restauration du bon état des eaux. Il est donc nécessaire d'envisager aussi un renforcement des sanctions pénales. Cependant trois problèmes se posent, dans le cas particulier de la qualité de l'eau liée aux productions agricoles : Que faut-il sanctionner ? Qui doit être sanctionné ? Qui doit sanctionner ? La réponse aux deux premières questions conditionne celle à la troisième. Deux sortes de sanctions et de plans de contrôle doivent être distinguées : unifiées au niveau national, celles de manquements graves qui peuvent être considérés indépendants des conditions locales (par exemple : abus avérés d'usage de pesticides, fraudes dans la qualité et quantité déclarées des intrants, etc.) ; adaptées au niveau des bassins hydrographiques, celles qui dépendent du contexte local tel que la part relative du secteur agricole, l'état des masses d'eau de surface et souterraine notamment, les problèmes spécifiques au littoral et à ses activités (conchyliculture, tourisme, etc.), conditions climatiques, etc. Dans chaque cas ­ que ce soit pour des infractions graves ou des manquements répétés ou occasionnels - la chaîne des responsabilités doit être établie, les agriculteurs étant pris en tenaille entre la réglementation européenne et les exigences du secteur agro-alimentaire (industries, banques, OPA...). En outre, il serait très souhaitable que l'État, lorsqu'il se trouve lui-même condamné par la juridiction européenne, puisse engager une action récursoire à l'encontre des 29 premiers responsables, une fois ces derniers dûment identifiés . Dans ces conditions, pour que la sanction soit à la fois impartiale et exécutable, une très nette amélioration de l'existant est indispensable, avec notamment, sous l'autorité des préfets de bassin : Un meilleur ciblage des contrôles sur les « zones à enjeux » ; L'adoption de plans de contrôles complets et cohérents ; Une meilleure explication du rôle des sanctions et une meilleure justification des sanctions prises ; Une adaptation des sanctions « mineures » (ni pénales ni à lourde incidence financière) à la dynamique locale (intempéries, prix des matières premières et des produits, problèmes d'emploi, etc.) ; Une plus forte coopération entre agences et puissance publique dans tous les territoires (par exemple, entre ONEMA, agences de bassin, préfets et parquets) ; 27 Le terme « sanction » n'implique pas la pénalisation. On « sanctionne » une activité, une performance, etc. en récompensant, punissant, encourageant, autorisant, interdisant, etc. 28 Rappelons que la police administrative est sous l'autorité du préfet et non du procureur de la République. 29 Une telle évolution supposerait une intervention du législateur. 41 Une harmonisation des sanctions pénales et financières entre les territoires (mise en commun régulière par les préfets et péréquation nationale) ; Une meilleure coordination entre le contrôle de la réglementation (police de l'eau) et le contrôle de la bonne utilisation des fonds publics (mesures incitatives), avec une extension des outils économiques et un affinement de leur usage30 . C'est la voie préconisée, en partie, par l'État, et notamment la DEB pour la police de l'eau, et la DGPAAT pour les mesures incitatives. 30 Voir Alexis Delaunay, Contribution de l'ONEMA à la police de l'eau pour atteindre le bon état, rapport au conseil d'administration du 29 mars 2011. 42 CONCLUSION Un nombre important d'observations et d'analyses sont formulées à l'issue de cette enquête auprès de six territoires étudiés. Aucune « bonne pratique », éprouvée et transposable partout, n'est apparue. Cependant, l'identification des parties prenantes et l'analyse des jeux d'acteurs en présence, permettent de comprendre pourquoi ne sera pas atteint l'objectif de « bon état écologique » des masses d'eau pour 2015, et pourquoi une approche strictement réglementaire de la protection de l'environnement, sur laquelle la France est jugée au niveau européen, ne suffit pas. L'ensemble de notre investigation nous a rendu flagrant le fait que les agriculteurs ressentent plus durement que les autres utilisateurs (industriels notamment) les contraintes de la situation présente. Plus que d'autres, aussi, ils sont confrontés au manque de cohérence et de lisibilité des politiques publiques dans le domaine de l'eau, et ne disposent pas de marges de manoeuvre suffisantes alors qu'ils mettent en oeuvre des systèmes de production présentant des contraintes de productivité élevées et pressantes. Leurs représentations (ils ne veulent pas être des assistés ni se limiter à être des « jardiniers de la nature » ; ils veulent « nourrir la planète ») et leur condition sociale (ils relèvent des PME voire de l'artisanat et non de l'industrie, leur image se dégrade dans la société) sont très différentes de celles des industriels, qui gèrent les contraintes et les aléas économiques comme de simples facteurs de production qu'ils peuvent répercuter sur leur prix de revient. C'est pourquoi nous prenons la place et les rôles des exploitants agricoles comme fil conducteur de toute création ou amélioration du processus de recherche de bonne qualité écologique de l'eau ­ qu'il s'agisse de détermination d'objectifs et d'identification des enjeux, d'élaboration de diagnostics de territoires et d'exploitation, de modes et de plans d'action, d'évaluation et de sanction juridique et financière. Les activités agricoles demandent que soient évalués leurs impacts environnementaux et les progrès en la matière avec des indicateurs clairs, pertinents et cohérents avec les caractéristiques locales. Sur cette base, nous formulons trois sortes de recommandations, sur : Les pratiques à améliorer ou à renforcer (A) ; Les engagements proposés, qui exigent une réforme importante, que ce soit en matière juridique ou dans les processus de décision publique (B) ; Les processus et les responsabilités à mettre en place, qui exigent une réflexion plus poussée (C). Par ailleurs, nous distinguerons parmi les recommandations, celles portant sur l'action locale, et celles portant sur l'action régionale et nationale. 1- La coopération locale des acteurs Les efforts à mener doivent porter d'abord sur les manières de s'approprier les différentes représentations de la même réalité. Le but étant non pas d'aboutir à un formalisme commun mais à un désir partagé de résoudre des problèmes, de surmonter des obstacles, de concilier des antagonismes, d'inventer des démarche nouvelles. 11- Une définition et une appropriation collective des enjeux (A) Les éléments à prendre en compte pour définir les enjeux ne doivent pas être une déclinaison locale de la DCE, mais une élaboration collective par l'ensemble des acteurs concernés, en particulier ceux du territoire. Un bon exemple est celui des Agendas 21, qui sont peu à peu devenus un vrai exercice d'aménagement durable des territoires. 43 (B) Les enjeux tels qu'ils sont énoncés dans la DCE et ceux que nous avons précisés (enjeux qualitatifs, quantitatifs, pour les milieux aquatiques et la santé, maintien du revenu agricole) et corrélés à d'autres enjeux31 demandent un important travail de conceptualisation, tenant compte à la fois de relations systémiques générales et de la prise en compte des dynamismes locaux. 12- Une détermination en commun des périmètres de bassin à enjeux, par territoires « habités » (A) Il est préférable de choisir collectivement les périmètres des bassins à enjeux, correspondant à des « territoires habités » où les relations entre les différents acteurs sont facilitées parce qu'ils se connaissent et oeuvrent ensemble dans ces territoires. Cependant, certains problèmes sont à une échelle plus vaste et relèvent alors de démarches telles que les SAGE actuellement pratiqués. 13- Une élaboration en commun de l'état des lieux, du diagnostic initial et des modes d'évaluation, qui doit être considérée comme l'« amont » et l'« aval » des actions à mener (A) Le diagnostic doit remplir plusieurs conditions : S'appuyer sur (ou engendrer) des observatoires permettant à tous les acteurs de définir l'état des lieux, les enjeux et de suivre les progrès réalisés et les difficultés rencontrées ; les « parties prenantes » doivent être toutes identifiées et sollicitées ; Veiller à la prise en compte des diagnostics réalisés dans les plans de développement territorial et dans les stratégies intéressant le territoire ; Mobiliser une expertise externe au territoire considéré, autant que possible plurielle, impartiale et acceptée. (A) L'évaluation des plans d'actions (pertinence des objectifs, choix des indicateurs et résultats mesurés) suppose que l'accord des parties prenantes ait été obtenu sur la définition de l'état initial et sur des mesures périodiques à la suite d'action engagées. Étant donné les spécificités de chaque territoire, une hiérarchie des résultats à prendre en compte devrait être établie par micro-bassin, après consultation des parties prenantes, sous l'égide des agences de bassin. Ces mesures feraient foi pour la définition des objectifs des plans d'action et la conduite des évaluations. (B) Pour que l'évaluation soit efficace et acceptée par tous, elle devra remplir plusieurs conditions : Porter sur l'ensemble des processus de mise « en bon état » des masses d'eau ; Être formalisée par un cahier des charges contenant des éléments tels que : les actions à examiner et leurs liens entre elles ; les modes d'enquête ; les délais à respecter ; etc. ; Être confiée à des experts extérieurs aux parties prenantes du territoire considéré, mais acceptés par elles ; Être rendue publique et être discutée publiquement ; Voir sa qualité garantie par une tierce instance. Un bon exemple est celui de la commission nationale du débat public : elle n'intervient pas sur le contenu mais atteste que le processus a bien respecté (ou non) les règles fixées. 14- Une co-construction des plans d'action tenant compte des autres politiques publiques territoriales (A) Les plans d'actions locaux doivent être construits avec les mêmes partenaires que pour le diagnostic local et avec les mêmes processus de validation, avec des mesures fondées sur une responsabilisation contractuelle privilégiant les résultats plutôt que les processus ou les moyens. Leurs enjeux locaux au titre de la DCE doivent être hiérarchisés et prendre en compte les autres aspects des plans d'aménagement durable des territoires. Les services de l'État ont un rôle de catalyseur à jouer, surtout en milieu rural. A cet effet, les DDT doivent se doter des compétences nécessaires (ou les conserver). 31 Entre autres : santé publique ; coûts induits pour les collectivités et les ménages du fait de la mauvaise qualité physico-chimique de l'eau prélevée ; autres services rendus par les écosystèmes ; maintien de l'emploi, des revenus agricoles et de l'économie rurale. 44 Les agriculteurs du territoire doivent être associés personnellement et le plus directement possible et pas seulement par le biais leurs représentants socio-économiques. (B) Les acteurs des filières agricoles (notamment les coopératives et industries agro-alimentaires, les banques et les assurances) doivent être mobilisés dans la construction des plans d'action locaux s'appuyant sur des modèles agronomiques et économiques viables . La mission des chambres d'agriculture pour accompagner les agriculteurs vers des modes de production performants et plus durables doit être réaffirmée à tous les niveaux, encouragée dans les documents contractuels avec l'État et renforcée par une plus forte orientation des aides et des appels à projet. (B) Le financement de ces plans doit procéder d'une analyse locale : quelle part peut-on demander aux collectivités publiques, à l'agence de l'eau et à l'État32 ? Quelle part aux producteurs des services ? Quelle part à leurs usagers ? Quelle part aux bénéficiaires des services induits (par exemple, maintien en bon état des écosystèmes) ? Il faut passer d'une logique de subvention à une logique d'engagement financier collectif. Des tests en grandeur réelle sur quelques sites à enjeu permettraient de mesurer concrètement les marges de manoeuvre nécessaires (en organisation, en outils financiers ou réglementaires...) à une mise en oeuvre efficace des actions d'amélioration de l'eau. Ils permettraient également de mieux apprécier le pas de temps nécessaire à leur efficacité, notamment au regard de nombre d'objectifs souscrits au niveau européen. 2- La gouvernance régionale et nationale ; les rôles de l'État à tous niveaux 21- A l'échelle des grands bassins, il est fortement souhaitable : (A) : Que les objectifs et les enjeux de la DCE et l'ensemble des politiques régionales et locales de l'eau et de la production agricole en cours soient mieux articulés. C'est à la fois un effort pédagogique et une recherche de cohérence dans l'action publique. Cela demande une coordination intense au niveau infra-national. (A) Que les comités de bassin, les services de l'État de bassin (SGAR, DREAL, DRAAF, ARS...) soient mobilisés pour mieux coordonner la relation entre agence de l'eau et État local (DDT si possible) pour faciliter et suivre l'élaboration des enjeux et des objectifs à atteindre au plus près du terrain. (B) Que les objectifs de la DCE et ceux des autres politiques publiques de l'Etat ou de l'UE soient fortement corrélés, dans les divers domaines de l'aménagement durable des territoires (énergie, gestion des risques, santé/environnement, protection des patrimoines et des milieux naturels, etc.) quitte à rendre plus apparentes les éventuelles contradictions, de manière à accroître leur crédibilité et leur efficacité. 22- A l'échelle nationale et locale : les divers rôles de l'État L'État sera simultanément ou successivement amené à : Conduire des politiques (application des engagements au titre de la DCE), Conseiller et être un médiateur auprès des acteurs locaux, Garantir la qualité d'un processus de gouvernance, Et parfois évaluer et sanctionner à l'issue de contrôles. Ces rôles ne doivent en aucun cas être confondus, d'une part en matière de niveau d'intervention pertinent, d'autre part en matière de conflits d'intérêts. Par exemple, un même préfet ne peut pas 32 Les outils financiers de l'État se rattachent essentiellement au plan de développement rural hexagonal (PDRH), avec la difficulté constatée des MAEt qui ne s'inscrivent pas dans la durée. Cette question d'une rémunération plus pérenne comme celle des souplesses nécessaires à l'adaptation territoriale (l'expérience des OLAE reste une réussite) devront être au coeur de la réflexion relative au prochain règlement communautaire. 45 ordonner des opérations à l'échelle d'un bassin versant et diriger l'évaluation des résultats de ces opérations ; une DDT ne peut pas à la fois conseiller une collectivité territoriale (être ainsi partie prenante d'une action locale) et servir de médiateur en cas de conflit entre celle-ci et une autre institution. Sous ces réserves l'État doit pouvoir : (A) : Fournir des conseils aux petites collectivités territoriales, notamment en matière d'organisation des actions, de gouvernance et de pilotage, de financement et de choix d'expertises techniques. Pour cela les DDT doivent rester au contact des territoires « habités » et faire appel aux compétences régionales ( DREAL, DRAAF, agences de l'eau, ONEMA...) (A) : Contribuer, avec les départements et les régions, aux schémas et programmes liés à la qualité de l'eau (SDAGE, etc.), en acceptant que cela ait lieu sous forme de « gouvernance concertée » même lorsqu'il est en position de maître d'ouvrage. (B) : Contribuer, avec les autres parties prenantes, à la supervision des processus tels que : recueil et partage des connaissances, prise en compte des risques, hiérarchisation des objectifs, création de dispositifs infra-nationaux d'évaluation. (B) : Tenir un discours cohérent sur les politiques publiques qu'il porte, même s'il doit souligner les difficultés pour rendre compatibles des objectifs qui peuvent être concurrents. Cela suppose des cadres qualifiés en matière d'aménagement et de développement durable des territoires, en d'autres termes en « intelligence des territoires ». (B) : Pouvoir, uniquement sur demandes des parties prenantes, intervenir comme médiateur ­ dans la mesure où cela n'interfère pas avec ses rôles de maître d'ouvrage, de police et de garant. (C) : Inciter les parties prenantes à mettre en route un système de diagnostic et d'évaluation (embryonnaires à présent) et, si besoin est, fournir une aide méthodologique. (C) : Etudier les moyens d'améliorer la cohérence, la pertinence et la performance du système de sanctions. Ceci peut demander une étude approfondie par des experts de l'Etat et extérieurs à l'Etat. Un certain nombre de ces recommandations ont un caractère opérationnel qu'il convient de décliner et d'utiliser comme base d'un travail collaboratif au niveau national puis de chaque département autour des questions suivantes : · la nature du pilotage sur chaque site : quel est le maître d'ouvrage responsabilisé sur les questions DCE liés à l'agriculture, quel est le rôle des différentes parties prenantes et comment peuvent -elles s'engager très concrètement dans les évolutions à conduire ? · La nature des outils de diagnostic, d'incitation puis d'évaluation utilisés relativement aux objectifs poursuivis ? · Le suivi et la diffusion partagées des données relatives à la qualité de l'eau et aux résultats obtenus · L'appui adapté de l'État au maître d'ouvrage et au processus engagé, aux différentes étapes, de la mise en place de la gouvernance jusqu'au cadrage de la méthode d'évaluation globale C'est tout un dispositif cohérent qui doit être repensé pour favoriser l'émergence d'objectifs partagés dans un projet de territoire commun, et qui réponde aux différents enjeux de développement durable au titre desquels la préservation de la ressource en eau, portée par la DCE, est primordiale. Les agriculteurs sont au coeur de ce « contrat social » passé sur les territoires à enjeu où ils sont directement concernés. Ce contrat doit s'élaborer en les impliquant complètement dès l'amont du processus, par une gouvernance ouverte aux autres acteurs, l'État, les collectivités territoriales et la société civile. 46 · Fratl'tniti RÉPUBLIQUE FRANÇAISE ANNEXES Annexe 1 : lettre de mission MINISTERE DE L'ECOLOGIE, DE L'ENERGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE ET DE LA MER Direction générale de l'aménagement, du logement et de la nature La directrice de l'eau et de la biodiversité Direction générale de la prévention des risques Le directeur général La Grande arche 92055 - La Défense Cedex MINISTERE DE L'ALIMENTATION, DE L'AGRICULTURE ET DE LA PECHE Direction générale des politiques agricole, agroalimentaire et des territoires Le directeur général 3, Rue Barbet de Jouy 75007 PARIS A Monsieur Jacques BRULHET Vice-président du Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux 251, rue de Vaugirard 75732 - PARIS Cédex 15 Monsieur Claude MARllNAND Vice-président du Conseil général de l'environnement et du développement durable Tour Pascal B 92055 LA DEFENSE Cédex Paris, le 1 0 MAI 2010 De nombreuses mesures réglementaires et économiques ont été arrêtées aux niveaux communautaire et national, visant à réduire l'impact des pollutions agricoles sur la ressource en eau eL~.Br~_~_êEyer~biodiver~i}é.------"-----"--""---------- " Au niveau des territoires, ce sont donc plusieurs démarches qui se superposent à des échelles différentes. généralement dans le cadre de bassins versants. A titre d'exemple, la protection des captages contre les pollutions d'origine agricole est mise en oeuvre par de nombreuses mesures: les prescriptions liées au code de la santé publique qui instaure les périmètres de protection, l'application des programmes d'action nitrate, les démarches d'animation agricole soutenues par les chambres d'agricultures et les agences de l'eau, les plans d'action portés par les collectivités locales ... Il s'avère donc utile d'étudier comment ces différentes mesures sont mises en oeuvre à 11ntéri~Jd! d'un territoire QerttneiJreten-partiêulier d'analyser Îes-Jeüxd'ciCteursqUi y sonfÎÏés afin d'i?entifier les difficultés et les q~~P9siti!?~~_!.lJle~.Q~.!~m~9ieL --._---' Le cadrage technique de ceUe étude est précisé en annexe. Elle reposera notamment sur l'étude approfondie de six territoires locaux prioritaires, d'une échelle adaptée pour analyser les jeux d'acteurs. "---.".-"--- - . Les résultats de cette étude devront conclure sur des recommandations pour améliorer la conduite des pOlitiques publiques dans ce domaine. 47 48 Annexe : Précisions sur le contexte et l'organisation de la mission « Mesures agricoles et atteinte des objectifs DCE au niveau des territoires à enjeux » Contexte de l'étude La mise en oeuvre de la Directive Cadre sur l'Eau (DCE) a conduit à élaborer dans chaque grand bassin hydrographique un schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) et un programme de mesures comportant à la fois des actions de nature réglementaire et des actions incitatives par le biais de mesures économiques. Ce programme de mesures est intégré aux projets stratégiques des missions inter-services de l'eau. Le SDAGE est quant à lui décliné dans certains sous-bassins dans le cadre de schéma d'aménagement et de gestion des eaux (SAGE). L'objectif de toutes ces actions est d'atteindre le bon état des masses d'eau à l'horizon 2015, tant du point de vue qualitatif que quantitatif. Dans ce cadre, la prise en compte des activités agricoles et la limitation de leurs impacts sont essentielles : réduction des pressions quantitatives sur la ressource liées aux prélèvements pour l'irrigation, diminution des pollutions diffuses, ... A l'échelle locale, de nombreuses initiatives sont mises en oeuvre pour répondre à ces enjeux, dans une approche globale (contrats de bassins versants, contrats territoriaux...) associant tous les acteurs impliqués : services de l'État, gestionnaires de l'eau, profession agricole, associations environnementales, collectivités... L'objectif de l'étude est d'analyser, sur des territoires pertinents, l'adéquation entre les mesures agricoles retenues et les objectifs fixés (obligations de résultats et non plus de moyens), ainsi que les conditions de leur mise en oeuvre par l'ensemble des acteurs, afin de conclure sur des recommandations d'amélioration. Organisation de l'étude Compte tenu de la thématique retenue, à l'interface entre les politiques agricole et gestion de la ressource en eau, cette mission sera menée conjointement par le CGEDD et le CGAAER. La mission se décompose en cinq étapes qui se dérouleront selon le calendrier prévisionnel suivant : Études préalables et définition de la méthodologie Choix des terrains d'étude Étude des cas Synthèse des recommandations Diffusion 2 mois (mai-juin) 1 mois (juillet) 3 mois (juillet-novembre) 2 mois (décembre-janvier) 1 mois (février) Un comité de suivi est mis en place afin de valider chaque grande étape de l'étude. En dehors des ingénieurs généraux chargés de la mission, il est composé de représentants de la DGPAAT, de la DEB et de la DGAL en tant que de besoin. 49 Étape 1 : étude préalable et définition de la méthodologie Avant de commencer l'étude proprement dite, il est essentiel que le CGAAER et le CGEDD réalisent les travaux préalables suivants. Ils devront dans un premier temps recenser : - l'ensemble des mesures visant à réduire l'impact des pratiques agricoles sur la ressource en eau. La lettre du DGPAAT aux Préfets de région du 21 décembre 2009 sur le rôle des DRAAF et des DAF en matière de politique de l'eau et le projet de guide méthodologique DEB-DGPAAT pour la mise en oeuvre de plans d'actions agricoles sur les aires d'alimentation de captages peuvent apporter certains éléments de réponse. Les programmes d'aides des agences de l'eau, de l'ONEMA seront analysés. - les rapports de mission et autres documents (du CEMAGREF, de l'INRA, du CASDAR, ...) abordant cette thématique afin de valoriser les conclusions déjà apportées. Au vu de ces éléments, le CGAAER et le CGEDD établiront la liste des principales problématiques à aborder avec les acteurs à rencontrer et préciseront ainsi la méthodologie mise en place pour répondre aux objectifs de l'étude. A l'issue de cette phase sont attendus : - une synthèse présentant le récapitulatif des études réalisées ainsi que les mesures recensées (situation actuelle, résultats déjà connus...) ; - une note précisant les points à approfondir compte tenu de cette synthèse ; - le guide d'entretien type qui sera utilisé pour les études de cas. Étape 2 : choix des terrains d'étude A partir des éventuelles suggestions faites par le Comité de suivi, le CGAAER et le CGEDD identifieront des terrains d'étude intéressants pour l'étude. Des premiers contacts avec les services de l'état seront pris pour évaluer la faisabilité de l'étude (avancement de la démarche et résultats obtenus, contexte local, ...) et vérifier que le bassin pressenti n'a pas déjà fait l'objet d'une étude similaire et que les services concernés ne viennent pas de faire l'objet d'inspections ou d'audits. Le choix se fera de manière à retenir, dans la mesure du possible, un cas par territoire d'agence de l'eau. A l'issue de cette phase sont attendus : - une note présentant les terrains d'étude et les problématiques rencontrées ; - la liste des interlocuteurs identifiés pour chaque bassin ; - le guide d'entretien adapté à chaque cas. Étape 3 : étude des cas Des équipes mixtes (CGAAER et CGEDD) réaliseront les entretiens et rédigeront les comptesrendus en identifiant les problèmes rencontrés et les pistes d'amélioration possibles. A l'issue de cette phase sont attendus : - une note résumant le déroulé des études et des entretiens réalisés ; - l'ensemble des comptes-rendus d'entretien. 50 Étape 4 : synthèse A partir des comptes-rendus d'entretien, le CGAAER et le CGEDD rédigeront un rapport de synthèse, qui s'appuiera en partie sur les notes précédemment établies. Un projet de quatre pages à destination des acteurs locaux et un projet de présentation à destination des services de l'État seront réalisés afin de préparer la diffusion des résultats dans les départements. A l'issue de cette phase sont attendus : - le projet rapport de synthèse ; - un projet de plaquette de communication ; - un projet de présentation. Étape 5 : diffusion Le CGAAER et le CGEDD se chargeront d'apporter les dernières corrections au rapport de synthèse, qui a vocation à être diffusé sur les sites intranet des deux ministères. Un retour sera effectué en direction des personnes et organismes enquêtés pendant l'étude. Une réunion élargie par grand bassin sera organisée sous l'autorité du Préfet coordonnateur de Bassin afin de présenter les résultats de la mission et d'engager des échanges. La plaquette de communication sera mise en ligne sur les sites internet des ministères. Des exemplaires papiers pourraient être distribués dans les services déconcentrés, et largement diffusées à l'initiative des administrations centrales des deux ministères. A l'issue de cette phase sont attendus : - les documents sous leur forme définitive (rapport, présentation et plaquette de communication) ; - les procès verbaux des échanges qui auront eu lieu lors des réunions inter-régionales. 51 Annexe 2 : note de problématique (extraits) - Le champ de l'étude 1. L'objectif de la directive communautaire « eau » (DCE) : La DCE vise le « bon état écologique des masses d'eau », ce qui est compris le plus souvent comme une reconquête de la qualité des eaux (pollutions...) alors que le volet quantitatif lui est pourtant intimement lié. Les prélèvements pour l'alimentation en eau potable, les besoins industriels ou l'irrigation... réduisent les débits et augmentent les concentrations de polluants ; les deux aspects seront donc étudiés ici. a) Les aspects qualitatifs à prendre en compte porteront sur les effets suivants : - La pollution des eaux de surface, des nappes phréatiques et des milieux naturels, dont les objectifs de « bon état » se définissent à l'aune de l'équilibre ou des déséquilibres33 constatés dans ces mêmes milieux naturels ; - La pollution des champs d'alimentation de sources d'eau minérale destinée à être embouteillée et des captages d'eau potable destinée à être distribuée en réseau, leurs objectifs de protection étant stricts et définis par des normes de potabilité en vue de la consommation humaine ; - Les conséquences des pollutions de milieux naturels pour des activités économiques liées à ces mêmes milieux naturels : conchyliculture, pêche, tourisme (eaux de baignade), entrent dans le champ de la présente étude : · Les pollutions par les produits phytosanitaires et biocides agricoles, issues d'apports excédentaires lors des traitements appliqués aux plantes et aux animaux d'élevage ; · Les pollutions par les nitrates provenant des excédents de fertilisation azotée des cultures et des prairies ; cette fertilisation provient soit des épandage des effluents d'élevage soit d'un excédent de fertilisation minérale eu égard aux rendements obtenus (exportations réelles), les deux aspects étant souvent liés du fait d'apports conjoints sur une même parcelle de fertilisants organique et minéraux ; b) les aspects quantitatifs qui seront abordés sont identifiés à la fois par les conflits d'accès à la ressource (irrigation/eau potable/besoin des milieux naturels) et par les conséquences indirectes liées à l'usage des territoires non urbanisés, permettant la protection des champs captant, des retenues d'eau ...Les perspectives d'évolution climatique accentuent la dépendance prévisible entre eau et agriculture. La place des activités agricoles Les stratégies économiques des filières agricoles, de la formation jusqu'à la transformation, restent marquées par la recherche maximale de productivité depuis le milieu du XXe siècle, poussant à l'intensification des pratiques : par exemple, le développement de l'irrigation ces dernières décennies n'est pas le fait d'une modification climatique ou d'une météorologie estivale moins favorable aux cultures, il provient de la modification profonde des assolements (la culture du maïs a vu sa limite septentrionale remonter jusqu'au nord de l'Europe dans les années 1960/1980) et d'une standardisation très élevée des itinéraires techniques34. Il convient également aujourd'hui de façon plus aiguë, d'assurer la garantie économique de rendements réguliers. De même, les traitements phytosanitaires, au-delà de la réponse ponctuelle à une situation de menace pour une culture, constituent souvent une assurance de ne pas être « débordé » par une infestation remettant en cause le rendement final. Sans nier la place des usages non agricoles de la ressource en eau (usages industriels ou hydroélectricité) et le soutien d'étiage qui peut leur être associé, l'impact des activités agricoles est particulièrement important car il s'exerce sur de vastes territoires et qu'il relève le plus souvent d'incidences « diffuses » (pollutions ni ponctuelles ni accidentelles) ou de prélèvements de volumes individuels « modestes » (unitairement mais considérables collectivement parlant35) ; cet impact est encadré par des mesures réglementaires et administratives qui visent des acteurs économiques de petite taille mais forts nombreux. Les politiques et les mesures retenues (réglementaires et incitatives) associant tous les acteurs 33 Par des symptômes comme des proliférations (algues) et l'eutrophisation des milieux clos 34 Réduisant l'agronomie qui conduirait à raisonner les techniques à appliquer en fonction des caractéristiques du milieu (climat/sol/facteurs de production) 35 Sans oublier l'impact saisonnier de ces prélèvements concentrés en période d'étiages 52 Deux leviers sont utilisés pour conduire des politiques de reconquête de la qualité des masses d'eau, planifiées dans le cade des schémas d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE et SAGE) : L'un de nature réglementaire et administrative : normes de prévention des pollutions, avec les plans d'épandage des installations classées pour l'environnement (ICPE), les 4e programmes d'action nitrates ­ mais non assorties d'obligation de résultats 36- ; autorisations administratives : mise en marché de molécules phytosanitaires, prélèvements dans le milieu naturel ... ; redevances : élevages, phytosanitaires · L'autre de nature économique et contractuelle, avec des aides pour la maîtrise des pollutions agricoles (PMPOA), des mesures agro-environnementales (MAE...), etc. Tandis que la DCE est fondée sur des objectifs de résultat, les différents leviers utilisés sont de l'ordre de l'obligation de moyen et l'efficacité de leur mise en oeuvre mérite d'être observée sur différents sites (conflits locaux, contentieux UE... ou à l'inverse partenariats réussis). A titre d'illustration, on peut observer la difficile acceptation des réglementations et contrôles sur les pollutions diffuses, alors que dans d'autres secteurs, comme le bien-être animal, elles sont mieux acceptées. Pourquoi ? Souvent, la combinaison des deux leviers réglementaire et contractuel n'a pas l'efficacité attendue, le volontariat n'ayant pas prise sur la réalité avec l'ampleur nécessaire et les mesures obligatoires se heurtant au caractère individuel des exploitations agricoles et leurs priorités économiques. Les acteurs sont alors plus enclins à s'opposer qu'à faire alliance. C'est pourquoi il est intéressant de se pencher, à partir de situations locales à fort enjeu, sur le jeu des acteurs. Les jeux d'acteurs qui y sont liés En matière de gestion d'une ressource naturelle que l'on peut considérer comme un patrimoine commun d'une société humaine, les questions qui se posent relèvent du domaine du comportement individuel et familial (information, sensibilisation et motivation37), du domaine culturel et religieux (les représentations, les valeurs), du domaine économique (de l'entreprise individuelle mais aussi des filières et des branches d'activités), des comportements de groupes (socio-professionnels), et des stratégies et des postures de différents groupes au sein de la société (professionnels, élus, ONG, consommateurs... leur dialogue ou leurs affrontements,etc). Sur un territoire donné, la façon dont les acteurs s'approprient ce patrimoine commun et trouvent ensemble les justes compromis pour en assurer la préservation est déterminant pour sa réussite. Les acteurs à rencontrer ne sont donc pas seulement ceux qui sont le plus directement interpellés : à coté des agriculteurs, des pouvoirs publics et des gestionnaires de l'eau, la société civile, dans ses multiples composantes, s'exprime aussi de différentes manières. Dans une recherche de voies nouvelles pour débloquer une situation figée, il est donc indispensable d'élargir l'éventail des personnes à rencontrer. La portée d'une telle étude Étudier des jeux d'acteurs ne conduit pas à s'intéresser d'abord au contenu et à la pertinence des mesures en place, ni à leur comparaison ou à une mesure de leur efficacité. Nous ne devons pas oublier ces questions, mais nous nous concentrons sur la réalité des conduites des divers acteurs, à la méthode suivie pour élaborer des mesures et les mettre en oeuvre dans le cadre d'application de la DCE. Identifier « ce qui fait que cela marche » ou « ce qui fait que cela ne marche pas » demande d'observer et d'analyser sur le terrain des situations précises, des difficultés, des tentatives, des formes de dialogue expérimentées (quel que soit leur succès), pour déceler toute piste d'amélioration possible. Cette étude se situe dans un calendrier en anticipation d'échéances qui pourraient être déterminantes, tant au niveau des leviers potentiels (révision de la PAC en 2013) que des comptes à rendre sur le degré d'atteinte des objectifs 2015 que la France s'est fixée en application de la DCE. Ses conclusions peuvent donc contribuer à éclairer la décision publique dans ce domaine. · 36 Ce qui renvoie aux objectifs, à la pertinence et à la qualité des contrôles (éco conditionnalité, ICPE, MAE...) 37 L'acceptation des contrôles par exemple... 53 Annexe 3 : Équipes d'enquête et calendrier Bassin Périmètres d'étude Artois Picardie Marque et Deule Seine Normandie Ru du Roy semaine d'enquête février-mars 2011 21 au 25 mars 2011 Loire Bretagne(1) Loc'h et Sal 6 au 10 décembre 2010 Loire Bretagne(2) La Coise 17 au 21 janvier 2011 Rhône La Veyle 31 janvier au 4 Méditerranée février Adour Garonne Adour Amont 31 janvier au 4 février membres CGAAER D Valensuela M Ménéroud P Dédinger M Ménéroud P Hurand ML Madignier ML Madignier G Benoit J Condé Y Marchal JL Besème P Hurand du membres du CGEDD P. Quévremont G Barrey A Féménias M Juffé P Marchandise A Féménias G Barrey E Tschitschmann B Lebental P Quévremont JA Bedel Les noms des coordonnateurs pour le territoire sont soulignés 54 Annexe 4 : Les acteurs clefs et les jeux d'acteurs dans les six territoires La situation diffère considérablement d'un bassin à l'autre. Les systèmes de production vont donc des grandes cultures à la polyculture élevage et de l'élevage intensif à l'agriculture péri-urbaine. Certaines filières sont très bien organisées (ex du maïs). Certains territoires mettent à profit les nouvelles demandes des marchés et leur positionnement géographique pour s'engager dans des circuits courts avec ou sans agriculture biologique. · Le bassin versant des Rus du Roy (Val d'Oise) est un petit territoire de grandes exploitations céréalières. Il comprend 1.000 ha de SAU pour 22 exploitations. L'enjeu majeur au titre de la DCE est la qualité physico-chimique : pollution par les produits phytosanitaires, présence de nitrates et bactériologie accidentelle pouvant devenir préoccupantes par moments. Malgré sa petite taille, ce bassin comporte 3 captages prioritaires Grenelle et 45 % de parcelles à risque de pollution élevé. La chambre d'agriculture et le parc naturel régional du Vexin au sein duquel la chambre exerce une influence certaine, sont les acteurs institutionnels locaux les plus directement impliqués. La chambre prône des MAEt (mesures agri-environnementales territorialisées) « allégées », en contradiction cependant avec les positions de l'Agence et avec le PDRH. Elle conteste les études réalisées par le passé et a conduit sa propre étude. L'Agence, qui conteste le manque de transparence et de méthodologie diffusée, refuse de solder ses financements. La signature du contrat de bassin s'en trouve bloquée. Les agriculteurs du territoire ne sont représentés au sein du Comité de pilotage constitué au niveau du PNR qu'à travers la chambre. L'État sur ce périmètre ne parle pas d'une seule voix : le préfet et la DRIAAF se retrouvent plutôt sur la ligne de défenseur de l'activité économique en opposition aux autres services de l'État (Agence, DRIEE) et grandes collectivités territoriales (Conseils régional et général). · Le bassin versant de la Coise (Loire et Rhône), affluent de la Loire, couvre 340 km² à cheval sur deux départements (Loire et Rhône) définissant deux petites régions agricoles (monts du Lyonnais et plaine du Forez), à proximité de deux grandes villes (Lyon, St-Etienne) ; 800 agriculteurs y exploitent 20.000 ha de SAU pour l'élevage bovin laitier et à viande. Ce territoire dynamique connaît une agriculture intensive avec de nombreuses petites exploitations à structure familiale. La présence de nitrates dans les eaux potables est importante mais stabilisée dans des limites acceptables et sa réduction n'est pas un objectif affiché au titre de la DCE, si ce n'est sur un captage prioritaire Grenelle. L'assainissement individuel est aussi à l'origine de pollutions difficiles à évaluer. Le risque principal reconnu est celui de la présence de produits phytosanitaires (herbicides du maïs et des céréales principalement). Dans la partie aval (Saint-Galmier et sa petite région), les activités non agricoles et l'urbanisation se développent sous l'influence de Saint Étienne, avec des conséquences sur l'artificialisation des sols et les inondations en aval du cours d'eau. Toutes les communes du périmètre sont regroupées au sein du syndicat intercommunal porteur du contrat de rivière : le « SIMA Coise ». Les autres acteurs institutionnels locaux importants sont les 2 chambres d'agriculture du Rhône et de la Loire. L'agence a refusé un projet de MAEt porté par les chambres et a conditionné le financement de la 2ème phase du contrat de rivière à la prise en compte par le SIMA Coise des pollutions agricoles. Les agriculteurs ne sont représentés dans les instances du SIMA que par leurs responsables syndicaux et consulaires de niveau départemental, lesquels ne disposent au total que de 5 voix sur 75. Le SIMA Coise a embauché un technicien agricole et confié la réalisation des diagnostics d'exploitation à un bureau d'étude externe, alors que le contrat de rivière soulignait que ces diagnostics pourraient être réalisés par les chambres. Il en a résulté un conflit lourd et durable entre les techniciens des Chambres et du SIMA Coise. La DDT est appréciée pour son appui aux syndicats d'eau potable gestionnaires des « captages Grenelle ». Le Conseil régional appuie le développement de l'agriculture biologique et soutient des actions en faveur d'une plus grande « autonomisation » des exploitations. Les Conseils généraux sont actifs dans le rassemblement des données sur l'eau ou encore dans la protection des terres agricoles. 55 · Les deux petits bassins versants côtiers du Loc'h et du Sal (Morbihan) couvrent 345 km2 et se jettent dans le golfe du Morbihan ; 40.000 habitants y vivent dans 18 communes. L'agriculture occupe une SAU d'environ 18.000 ha pour 400 exploitations principalement d'élevage (souvent hors sol), bovin, porcin ou de volaille. La conchyliculture est active dans les estuaires, par ailleurs très touristiques. La pollution par les nitrates est une question traitée avec les agriculteurs depuis longtemps et la situation s'est stabilisée à un niveau acceptable pour la potabilité de l'eau. Demeurent des problèmes bactériologiques qui menacent la production conchylicole, ainsi que des problèmes hydro morphologiques liés à la présence de retenues au fil de l'eau et au recalibrage des lits. Le « syndicat du Loc 'h et Sal » réunit l'ensemble des communes du périmètre et a une vocation d'ensemblier mobilisant d'autres acteurs. Cependant, les structures aux compétences voisines voire concurrentes de multiplient. La profession agricole et les élus ont une longue pratique commune de la lutte contre les pollutions de l'eau. Ils ont porté conjointement la génération précédente de programmes d'amélioration (PMPOA et FERTIMIEUX) qui ont joué un rôle important dans la reconquête de la qualité. La Bretagne a mis en place il y a 10 ans la mission interdépartementale régionale de l'eau (MIRE) qui fait le lien entre DRAAF, DREAL, ARS et Agence de l'eau, et la politique relative à la DCE s'élabore de plus en plus au niveau régional. · La Veyle (Ain) est un affluent en rive gauche de la Saône qui prend sa source dans la Dombes au niveau des étangs. Son bassin versant couvre 671 km2 . Sa population est de 54.000 habitants et la pression urbaine s'accentue à partir de Lyon, Mâcon et Bourg en Bresse. L'agriculture qui occupe 70% du territoire, est de type « polyculture élevage ». Le maïs, le blé et de l 'orge se sont étendus aux dépens de l'herbe. Le périmètre englobe les étangs de la Dombes, objet d'une production piscicole très ancienne conduite en rotation avec les cultures (les étangs sont régulièrement mis en assec). L'industrie agro-alimentaire occupe une place importante en aval, au confluent de la Veyle et de la Saône et dans l'agglomération de Bourg en Bresse. L'enjeu au titre de la DCE est la pollution par les produits phytosanitaires dont les producteurs sont tour à tour responsables (en tant qu'agriculteurs) et victimes (en tant qu'aquaculteurs). Les acteurs impliqués sont très nombreux et géographiquement différenciés tellement les 2 parties du bassin versant (Dombes en amont, Bresse en aval) sont différenciées. Les frictions sont importantes entre les administrations en charge des politiques environnementales et les organisations professionnelles agricoles. Sur la Dombes, les principaux acteurs sont le syndicat des exploitants d'étang, la chambre d'agriculture et l'ONCFS. Plusieurs instituts régionaux y conduisent des études peu partagées. A l'échelle plus globale du bassin, les acteurs agricoles importants sont la chambre d'agriculture (qui conteste les objectifs de qualité de l'eau), une coopérative agricole qui a initié sa propre démarche de type ECOPHYTO et un EPLEFPA qui développe ses propres pratiques éco-responsables. Les collectivités territoriales sont très motivées. Leur action s'exerce dans le cadre des outils de développement territoriaux mis en place par la région (CDDRA) dont deux concernent le bassin de la Veyle. Le syndicat de rivière « Veyle vivante » pourrait trouver avec l'élaboration d'un nouveau contrat de rivière l'occasion d'une rénovation. Un parc naturel régional de la Dombes est par ailleurs en projet. Dans un contexte institutionnel complexe et tendu, la DDT s'est fortement impliquée dans la mise en oeuvre de Natura 2000 ( l'État a assuré un rôle de maîtrise d'ouvrage faute de collectivité candidate avec une mise en oeuvre partagée entre l'ONCFS et la Chambre d'agriculture) et dans la déclinaison des actions du SDAGE. L'État demeure sollicité comme catalyseur pour porter un plan stratégique DCE pluriannuel. · Situés le long de l'axe Lille-Lens, les bassins versants de la Marque et de la Deûle (Nord, Pas de Calais) couvrent 1.120 km2. La Deûle est navigable, élargie au grand gabarit et La Marque est canalisée sur 15 km (canal de Roubaix). La population permanente du bassin est d'environ 1,5 million d'habitants, avec 105 communes dans le Nord et 55 dans le Pas de Calais. L'enjeu est la qualité de la ressource en eau potable. Les agriculteurs et la chambre d'agriculture agissent en lien avec la métropole lilloise et les collectivités territoriales. Les activités économiques divisent le bassin en deux ensembles situés dans le Nord et le Pas de Calais : - un secteur agricole au sud et à l'est du bassin, avec 217 exploitations agricoles orientées vers la culture légumière, le blé et les plantes sarclées. - un secteur très urbanisé, avec le bassin minier du Pas de Calais et Lille-métropole où l'agriculture péri-urbaine est encore très présente avec 11.800 ha de SAU. 56 Les acteurs institutionnels leaders sur le bassin sont les 2 communautés urbaines de Lille métropole (LMCU) et de Lens Lievin Carvin. La LMCU dispose de capacités d'intervention importantes et entend imposer sa stratégie aux autres acteurs. Elle gère les agriculteurs du sud de Lille en refusant de coopérer avec la chambre. Celle de Lens, Lievin, Carvin, profite de l'expérience acquise et affiche une volonté de partenariat fort avec la chambre d'agriculture du Nord Pas de Calais, laquelle, notamment depuis l'arrivée de son nouveau président, est proactive en matière de DCE. Elle a notamment mis en place un plan de réduction des phytosanitaires et encourage fortement la conversion à l'agriculture biologique. L'État bâtit une stratégie au niveau régional. Cependant il est absent au niveau des intercommunalités et ses services n'affichent pas les mêmes positions. Le conseil régional envisage de revoir sa politique de l'eau à condition cependant que les maires ou communautés de communes le saisissent. Le bassin de l'Adour Amont (Hautes Pyrénées, Gers) s'étend sur 2.469 km2, à cheval sur deux · départements situés l'un à l'amont, dans les Hautes-Pyrénées, peu contraint par la disponibilité de la ressource en eau et où plusieurs retenues d'eau significativement importantes sont déjà en place, et l'autre en aval, dans le Gers, avec des contraintes fortes et sans retenues importantes envisageables. Sa population permanente est d'environ 200.000 habitants sur 200 communes. L'agriculture occupe un peu moins de 60% du territoire, la foret et la montagne 40%. La forte présence du maïs (plus de 50% de la SAU) avec un fort recours à l'irrigation (60% de la surface) et l'association de la culture et de l'élevage permettent le maintien d'exploitations de tailles moyennes (50 ha) et d'emplois agricoles relativement nombreux (9% du total d'actifs). L'enjeu est avant tout quantitatif. L'État est fortement impliqué, avec des problèmes de cohérence entre ses services, aux côtés des agriculteurs, de leurs organisations professionnelles et des collectivités territoriales. Les associations, ONG de défense de l'environnement et de pêcheurs sont également mobilisées. Le bassin versant de l'Adour Amont se caractérise par un double conflit : conflit entre la sphère agricole et la sphère environnementale (sur les objectifs fixés de débits d'étiage et sur les moyens de les atteindre) et conflit entre l'amont (Hautes Pyrénées), qui dispose de l'eau, et l'aval (Gers) dépendant de l'amont.. Les principaux acteurs agricoles sont de très grandes coopératives qui permettent à la filière maïs, dominante, de fonctionner efficacement. Si les chambres et l'Etat ne sont pas moteurs d'une politique de reconversion, les coopératives, instituts techniques et l'INRA mènent des études et développent du conseil sur les possibilités de progrès (irrigation économe, reconversion à moyen terme). La profession agricole est cependant fortement divisée par le conflit amont/aval. Le manque de continuité et de convergence des positions des services de l'État tant au niveau régional (entre DRAAF et DREAL) que départemental ne facilite pas une vision partagée. Les préfets successifs peuvent en effet développer des messages contradictoires et les 2 DDT, bien qu'elles fassent davantage la synthèse entre contraintes et enjeux environnementaux et agricoles que les services régionaux, défendent d'abord les intérêts de leur propre département. Le discours prônant un partage équitable de la ressource porté au niveau du Bassin perd donc de la cohérence en descendant à des échelles plus locales. Dans ce contexte, les agriculteurs des Hautes Pyrénées, en position de force, ne cherchent pas à composer et tendent à opposer leurs connaissances de terrain aux compétences des techniciens considérées comme inutiles. Ceux du Gers, au contraire respectueux de « ceux qui savent », demandent leur appui dans le conflit avec l'amont. Quant aux collectivités territoriales, la mission ne les a pas entendu définir une véritable « politique de l'eau ». Dires d'acteurs L'approche choisie d'écouter les acteurs des territoires et la façon dont ils s'appropriaient les questions de mise en oeuvre de la DCE sur leur territoire a conduit à consigner tous les entretiens et dégager, par famille d'acteurs, les grandes lignes de leur discours. L'exercice est bien sûr simplificateur et il convient de distinguer des positionnements différents qui peuvent faire apparaître des leviers d'action. Les dires des agriculteurs, des coopératives et des chambres d'agriculture · Les enjeux Des enjeux DCE pas clairs, on ne sait pas ce qui est réglementaire, choisi ou imposé. Prise de conscience croissante chez les agriculteurs des problèmes d'eau, ainsi que de santé (produits phytosanitaires). 57 Les agriculteurs sont aussi victimes d'inondations, les aquaculteurs ou les ostréiculteurs de pollutions. Ils sont d'accord pour faire des efforts si les revenus sont maintenus. Les changements de pratique sont difficiles dans contexte d'augmentation continue des contraintes réglementaires alors que la conjoncture économique est tendue. Beaucoup se sentent pris en tenaille et supportent très mal d'être montrés du doigt. Ils se plaignent que les efforts et progrès réalisés ne sont pas reconnus par la société : enjeu de reconnaissance. · Les progrès réalisés et réalisables Les pratiques ont évolué considérablement (Loch et Sal ; Coise), ce que confirment d'autres acteurs. Ils indiquent une baisse de l'utilisation des engrais azotés. Les contraintes environnementales occasionnent un surcoût mais il existe aussi des innovations gagnant/gagnant possibles (MetD, Coise). Beaucoup portent de l'intérêt au bio et durable, à l'agronomie, aux circuits courts et à l'accroissement de l'autonomie des exploitations. Certains raisonnent traditionnellement « chiffres d'affaires » et« quotas à atteindre », d'autres « revenus » et cherchent la diversification de leurs débouchés. Les agents des coopératives peuvent avoir 2 discours selon leurs interlocuteurs. Manque de références techniques sur agriculture durable, faible investissement R§D et peu de présence de l'enseignement agricole. Recul du conseil technique indépendant, du typeCETA, GVA. Adour : impossible de satisfaire de tels objectifs de débit réduit avec des exploitations de 50 ha bien que des coopératives testent des variétés économes en eau et l'exploration de filières alternatives. L'évolution des prix, la PAC, la fin des quotas laitiers et les stratégies des IAA auront un impact plus ou moins lourd sur le développement d'une agriculture durable Chambres d'agriculture : Être pédagogue, accompagner l'évolution des agriculteurs dans un contexte difficile et un domaine qui n'est le centre de leur intérêt, cela prends du temps · Les diagnostics et objectifs territoriaux Objectifs DCE trop ambitieux (par rapport à d'autres pays UE), pas clairs ; ils vont au delà du raisonnable.. Hiérarchiser et retenir des coûts proportionnés aux enjeux Agences de l'eau et Collectivités noircissent la situation pour obliger les agriculteurs à faire toujours plus. Progrès non reconnus : « a t-on peur de dire que cela s'est amélioré pour justifier le maintien de pressions? » · Les diagnostics individuels Les chambres d'agriculture sont compétentes, pourquoi recourir à des bureaux d'études? Elles vivent mal la mise en concurrence imposée. Et pourtant une chambre régionale n'estime pas anormal de recourir à des bureaux d'études pour le diagnostic, si l' animation amont et aval est faite par la chambre, conformément à ses missions. Les agriculteurs qui ont suivi les diagnostics phytos estiment que ce sont de bons outils qui font réfléchir · Le suivi des progrès « On veut voir et mesurer les résultats de nos actions » « On manque d'informations partagées sur état de l'eau, d'indicateurs » · Les programmes de mesure et d'actions Les MAEt phyto sont trop exigeantes et sélectives. Elles constituent un « bon signal » en Coise ; au Ru du Roy elles sont refusées et contestées. Les opérations collectives (Ferti-Mieux) sont plus motivantes que les mesures individuelles. Les mesures proposées sont mal adaptées aux risques économiques liés aux changements de pratique ou de production . · La gouvernance territoriale Ils ne se sentent pas partie prenante dans les décisions car leurs représentants sont noyés dans des commissions syndicales où ils ne trouvent pas leur place. Confusion des rôles : techniciens des Collectivités embauchés pour animer et doubler ceux des chambres dans leur métier de base. Éparpillement des moyens, conflits lourds entre structures: c'est contre-productif. 58 · La responsabilité des agriculteurs Absence de preuves, faible confiance sur les diagnostics de la qualité de l'eau. Dombes: les agri-pisciculteurs accusent les autres de non transparence et demandent une étude de l' impact réel des phytos sur l'écosystème. · La responsabilité des autres acteurs Collectivités territoriales, dans leurs projets d'urbanisation (bétonnage, pollutions difffuses, inondations, perte du foncier agricole..) · Le rôle de l'État Cadre réglementaire peu lisible, complexe, qui empile sans fin les textes. Règles qui ne cessent d'évoluer sans laisser le temps de s'adapter. Politiques de l'État incohérentes entre elles (DCE et PAC, agences de l'eau entre elles). Messages donnés par différents représentants de l'Etat contradictoires. Les dires des collectivités territoriales · Sur l'eau et la DCE Les collectivités importantes ou directement concernées (pollutions) sont conscientes des enjeux de l'eau.. Elles souhaitent prendre les choses en main, avec le maintien de l'activité agricole. Les petites communes sont mal informées et considèrent le cadre réglementaire compliqué. · Sur les agriculteurs et leurs organisations Les collectivités accusent certaines Chambres d'agriculture de ne pas reconnaître suffisamment les problèmes et parfois de freiner leur résolution. Les avis sont différents selon le poids relatif de l'agriculture dans les Collectivités. Certaines considèrent que le monde agricole sait qu'il va devoir muter mais qu'il faut l'accompagner sinon cela ne se fera pas. Elles contestent la propension de certaines Chambres d'agriculture à vouloir garder un monopole dans la gestion des pollutions d'origine agricole. · Sur leur rôle de plate forme pour le diagnostic et l'action La communauté urbaine de Lille entend imposer sa vision et associe les agriculteurs dans la démarche, veut mettre en place une filière bio pour ses cantines. D'autres collectivités associent les Chambres d'Agriculture avec qui elles passent des conventions. SMLS souhaite un « projet de territoire » (éviter un exercice technocratique avec multiplication de réunions sans appropriation par les acteurs du territoire). SIMA Coise est « forcé » par l'Agence de l'eau à s'engager dans la lutte contre les pollutions diffuses. Préoccupé par un conflit avec CA, il ne sait pas trop comment en sortir. Un PNR dispose d'un observatoire de l'eau avec mutualisation conventionnelle des moyens d'observation de chaque acteur et permettant d'établir un diagnostic partagé qui éclaire les choix d'action et permet de suivre les progrès. Pour la Région RA : la caractérisation de l'état des eaux a valeur pédagogique : nécessité de former / associer les acteurs pour des objectifs partagés. Le volet agricole reste faible dans les contrats de rivière. · Sur l'État Les collectivités critiquent un État devenu « gendarme » : éloignement progressif du terrain, perte de technicité, insuffisance de conseil et d'appui aux CT, activisme sur l'eau peu favorable et inefficace, voltes face, absence de continuité, incapacité à tenir un discours homogène (Adour). Elles considèrent cependant que certaines DDT ont la compréhension locale des territoires et des agriculteurs et peuvent les aider (ex DDT de Loire). 59 Elles sollicitent fortement l'État dans des territoires ruraux pour aider à décliner les mesures des captages « Grenelle » par des personnes affectées, aider la médiation entre acteurs vis à vis des diagnostics et plans d'action partagés. Elles attendent parfois que l'État reprenne la main pour sortir d'un système d'acteurs bloqué alors que des enjeux lourds (santé publique, risque de contentieux) sont en cause. Les dires des autres acteurs Les bureaux d'étude Le diagnostic d'exploitation est un outil à généraliser. Associer les agriculteurs en amont (ex Charente). Réussir à faire fonctionner le triangle: Collectivité, Agriculteur et Chambre d'Agriculture, Bureau d'étude. - Les pêcheurs Reconnaissent les progrès réalisés sur la qualité dans plusieurs bassins versants. Problèmes clefs non encore traités: continuité écologique, hydromorphologie. Pas d'opposition de principe sur les retenues eau (Adour). - Les ONG environnementales Se plaignent de la réduction insuffisante des surfaces en maïs. Les diagnostics relèvent plus souvent de négociation politique que d'expertise. Demeurent sur la défensive (recours contentieux). Les dires des services de l'État · Sur l'engagement du monde agricole Sur le bassin du Loch et du Sal : Engagement salué (ONEMA, DDTM). Réussite grâce à des leaders politiques et agricoles qui ont mobilisé pour permettre une évolution des pratiques. Sur la Veyle : la révolution agricole encore à faire (à la différence des industries et des CT), la chambre d'agriculture demeure rétive. Pour les DDT : la réussite suppose l'adhésion des Chambres d'agriculture tout en garantissant la qualité des diagnostics. · Sur les pollutions diffuses En Rhône Alpes on constate des progrès plus lents que prévu malgré les efforts réalisés (RA: DDT, DREAL, DRAAF, ARS), ce qui peut être décourageant . Il convient de caler l'action sur des objectifs atteignables à court terme et pas seulement sur des objectifs de résultats. · Sur la taille des territoires Une ARS et des DDT soulignent la nécessité de garder la dimension de « territoires habités », celle où les acteurs locaux arrivent à se comprendre. Ils regrettent l'évolution vers des « territoires gérés » qui éloignent la décision. « Plus le bassin est grand, plus les lobby s'expriment ». · Sur les diagnostics et le suivi des progrès L'absence de monitoring est le principal point faible d'un contrat de rivière. Cependant, les techniciens du syndicat sont peu motivés sur cette action. Ailleurs, les discours d'experts sont discordants et parfois malhonnêtes : les lobbies industriels mènent le jeu alors que les scientifiques honnêtes sont certains d'un risque pour la santé. 60 · Sur les mesures et programmes d'action Saupoudrage inefficace. Nécessité de généraliser diagnostics et mesures, innover mesures systémiques. En Ile de France, les mesures à prendre sont objet de divergences fortes malgré les études. · Sur la manière de faire de l'État Pour une DREAL, le non respect des actes réglementaires et les dérogations accordées s'avèrent antipédagogiques. Des préfets sont très sévères : L'autoritarisme ne réglera rien et l'État travaille à l'envers. Il faut : évaluer les conséquences des mesures préconisées, trouver des solutions pour les acteurs concernés, négocier des compensations avec les organisations agricoles et ensuite seulement mettre des contraintes. 61 Annexe 5 : sigles et acronymes AELB AESN APCA ARS BV CA CETA CGAAER CGDD CGEDD CLE DCE DDPP DDT DEB DGALN DGPAAT DGPR DRIAAF DRAAF DREAL DTA DUP EPTB FDSEA GVA/GDA IAA IFT INRA IR LEMA MAAP MAEt MEDDTL MISE OLAE ONCFS ONEMA ONG OPA PAC PDRH PLU PMBE PMPOA PNR PPR SAGE SDAGE SAU SCOT SGAR SIMA SISPEA STEP UE ZAC ZSCE Agence de l'eau Loire-Bretagne Agence de l'eau Seine Normandie Assemblée permanente des Chambres d'agriculture Agence régionale de santé Bassin versant Chambre d'agriculture Centre d'études techniques agricoles Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux Commissariat général au développement durable Conseil général de l'environnement et du développement durable Commission locale de l'eau Directive cadre sur l'eau Direction départementale de la protection des populations Direction départementale des territoires Direction de l'eau et de la biodiversité Direction générale de l'aménagement, du logement et de la nature Direction générale des politiques Agricoles, alimentaires et des territoires Direction générale de la prévention et des risques Direction régionale de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt Direction régionale de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement Directive territoriale d'aménagement Déclaration d'utilité publique Établissement public territorial de bassin Fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles Groupement de vulgarisation agricole/de développement agricole Industrie agro-alimentaire Indicateur de fréquence de traitement Institut national de la recherche agronomique Impôt sur le revenu Loi sur l'eau et les milieux aquatiques Ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche Mesure agro-environnementale territoriale Ministère de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement Mission interservices de l'eau Opération locale agro-environnementale Office national de la chasse et de la faune sauvage Office national de l'eau et des milieux aquatiques Organisation non gouvernementale Organisations professionnelles agricoles Politique agricole commune Programme de développement rural hexagonal Plan local d'urbanisme Programme de modernisation des bâtiments d'élevage Programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole Parc naturel régional Plan de prévention des risques (naturels et/ou technologiques) Schéma d'aménagement et de gestion des eaux Schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux Surface agricole utile Shéma de cohérence territoriale Secrétariat général aux affaires régionales Syndicat mixte interdépartemental pour l'aménagement (de la Coise) Système d'information sur les services publics d'eau et d'assainissement Station d'épuration Union européenne Zone d'aménagement concerté Zone sous contrainte environnementale 62 Annexe 6 : personnes rencontrées Loch et du Sal (56) François Philizot, préfet Michèle Vallet et Benjamin Richard, DREAL Aude Witten et Claire Espalieu, SGAR/MIRE Jean-Louis Rivoal, Yvon Sion et Nathalie Lerat, AELB Jean-Jacques Labat et Frederic Onno, CG56 Bernard Simon, syndicat départemental de l'eau Christian Leclevec, fédération départementale de pêche Bernard Gousset , coopérative agricole CECAB M Mallegol, APPMA du pays d'Auray Romain Chauviere, Didier Maroy, Jean-Yves Kerdreux, Pierrick Audran, DDTM 56 Isabelle Marzin, DDPP 56 Didier Louis et Didier Corven, ARS M Gourrierec, Franck Guehennec, Etienne Ariaux et Mlle Maheo, chambre d'agriculture Camille Simon, SI d'aménagement du golfe du Morbihan Martin Guilland, GAB 56 M Milou, ONEMA Camille Rigaud, André Robbe, François Roche, eaux et rivières de Bretagne Loïc Leray, éleveur de porcs Gilles-marie Pelletan, Anne-sophie Mercier, Mlle Scavinner, CC du Loch et du SAL Yves Bleunven, Catherine Kermeneur, Xavier Blondel, SI du Loch et du Sal Sonia Gachelin, comité régional conchylicole Coise (42, 69) Cyrille Engrand, Pascal Ferrand, Serge Monnier et Jean-François Perrin, DDT 69 Paul Delorme, CG 69 M Challéat et Anne-Cécile Cotillon, SGAR M Vinatier, chambre régionale d'agriculture André Micoud, sociologue Jean-Marc Chastel et Julien Mestrallet, DREAL Gilles Pelurson, Ph Theodore et MC Simon, DRAAF Hubert Grayel et Didier Grivot, chambre d'agriculture 42 Mmes Gibert et Caschetta, DDPP 42 M Carteron et Bernard Rivoire, commune de Grammont Claude Giraud, laire Montrond et pdt syndicat des eaux Jean-Yves Charbonnier, Yves Piot et Justine Lagrevol, SIMACOISE Remi Demazoin et Eric Farré, chambre d'agriculture 69 Aloïs Klein et Michel Piot, agriculteurs Gérard Bazin, FDSEA, VP chambre d'agriculture 69 Guy Cizeron, JA Georges Vincent, syndicat des eaux de Chazelles Sabine Bessin et Pierre Gayet, fédération de pêche Bernard Gaubert, agriculteur bio M Gayet et Mme Lemaitre, ARDAB Guy Srançon, contrôle laitier et maire M Monrozies, bureau d'étude SCE MM Marailhac, Moja, Thoumy, Pelissier, Fechner Mmes Siegwart et Marcelin., DDT 42 Mmes Chabroux et Chetot, ARS M Dubois et Mme Arcos, CG 42 Philippe Aubert et Cathy Le Hec, sources badoit Mme Menjeaud et M Bayle, AELB 63 Veyle (01) M le préfet 01 Mme Roulin, lycée agricole M Brochart, ONEMA Maurice Benmergui, ONCFS MM Mougeot et Heroet, fédération départementale de pêche M Chantepy, Agence de l'eau RMC Philippe Théodore, DRAAF Jean-Marc Chastel et Julien Mestrallet, DREAL M Chabrolles, Conseil régional Dominique Colin, Conseil général 01 D Cretin, syndicat de rivière Veyle Vivante Jacky Garnier et Fabrizzion Ceccarelli, SCOT Dombes Val de saône Monique Duthu et Isabelle Gin, cne de Bourg en Bresse Christophe Greffet, communauté de commune du canton de Pont de Veyle Henri Bourgeois Costa, FRAPNA Gilbert Limandas, François Goetgheluck et Fabien Thomazet, FDSEA Jean-Luc Baudier, confédération paysanne M Jeanin, ADABIO M Paillet-Pigeon, syndicat des exploitants d'étangs G Limandas, chambre d'agriculture 01 François de la Perriere et Cécile Josserant, coopérative céréalière « terre d'alliance » GAEC de Stivan, EARL Deroche, GAEC des Chanelets M Daniot, Jacques Mingret et Jean Convert, association des amis des moulins Marque et Deule (59, 61) Jean-Michel BERARD préfet Olivier JAYET et Didier DE CUBBER, ASP Franck LEROY, Laurence BLONDEL, Florian BUSY, Mélanie LOTTE et Alain CACHEUX, LMCU Jean-Louis MAROUZET, ONEMA Françoise LIEBERT, Charles GRANGE, Bénédicte SCHMITZ, DDPP Xavier DELOMNIEZ et François VIOLETTE, coordination rurale Sarah STAUB, GABNOR Olivier Thibault, Sébastien LABRUNE et Loïc METERON, agence de l'eau Pierrick HUET, Didier ROUSSEL et Nicolas CAMBRONNE, DDTM 59 Hélène DEBERNARDI, DRAAF Marc RUSCART, FDSEA Bernard PRUVOT, J MONCHY et MC DESPREZ, chambre d'agriculture Nord Pas de Calais Michel Pascal, DREAL Bernard MATHON et Michel STOUMBOFF, DDTM 62 Odile CREPIN, FREDON Séverine GAUDRE et Franck ANSART, CAHC Fanny MILBRED et Jean-Michel FOUQUET, Conseil régional Rus du Roy (78, 95) Michel Bajard et Alain Clément Martinez, DDT95 Clothilde Herzog, Nathalie Therre, DDT78 Catherine Thouin, DRIEE Alban Robin, etYohann Morin, ARS Michel Aldebert, Juliette Faivre, Georges Fouilleux et Jean-Claude Vial, DRIAAF Jean-Marc Jumel, Line Fournel, Dorothée Evrard, CG95 64 Dominique Herpin-Poulenat, Ghislaine Lapchin de Poulpiquet, Jacques Lhermitte, Martine Pantic, élus locaux Rémy Cluset, Conseil régional Ile de France Caroline Vergnet et Sophie Duplay, agriculteurs bio Julien Sarazin, JA Denis Sargeret, FDSEA Laurence Sablier, Camille Ferrand, chambre d'agriculture Benoît Harranger, Alain Defresne, Vincent Barrois, agriculteurs grandes cultures Agnès Lanthier, Delphine Filipe, agence de l'eau Seine Normandie Christian Salomé, Mathieu Rouy, ONEMA Laurent Nunez, Jean-Marc Fau, Thomas Ancel, INRA Laurence Guichard et Etienne de Magnitot, les amis du Vexin Adour Amont (32, 65) Dominique BUR, préfet midi-pyrénée René BIDAL, préfet 65 Jean GLAVANY, pdt SEMADOUR Claude MIQUEU et M DUBERTRAND, Conseil général65 M LEBBE, agriculteur bio Bernard VERGEZ, Mlle PUYO, lycée agricole Bruno DELAS, ADIVA Noël ABAD, Fédération départementale de pêche M PLADEPOUSAUX, MSA M ABADIE, agence de l'eau Adour Garonne Michel SALLENAVE et Christian CHATRY, DRAAF MM CROCHERIE et FREGEFOND, DREAL Lucile GREMY, ONEMA Patrick PEBILLE, agriculteur André VILLEMUR , GEH Adour et Gave M DUPIN, DDT65 MM DE ROCHAMBEAU, LEENHART et REYNAUD, INRA MM PASCAL, DEUMIER et LACROIX, ARVALIS Eric BOUBEE, maire M MORA, SIAEP Adour coteaux Pierre COUDERC, EURALIS Mme CENCIC et M CHEDEVILLE, DDT JL CAZAUBON, C PUYO, C FOURCADE et L LASSERE, chambre d'agriculture Max ROUSSEL, Institution Adour Michel GEOFFRE et Olivier MARCAND, FNE MM ROUBICHOU et BARDEAU, BRGM 65 INVALIDE) (ATTENTION: OPTION ertise interne). Veiller à l'appropriation par chaque acteur des actions le concernant directement (faire le lien avec le diagnostic, recevoir des signes de reconnaissance... construire une représentation propre et comprendre les représentations des autres). La sensibilisation, l'animation/communication sont des outils à mettre en place soigneusement. Les observatoires partenariaux permettant à tous les acteurs de suivre dans la durée les progrès réalisés, les difficultés rencontrées et les avancées encore à obtenir, les modalités de l'évaluation des actions qui seront donc accessibles à tous et rendues publiques (communication sur les indicateurs choisis et leurs résultats). Ceci introduit la question du pilotage et de l'amélioration continue des actions menées sur le territoire. Privilégier des périmètres de bassins choisis collectivement et correspondant autant que possible à des « territoires habités » où les relations entre les différents acteurs sont facilitées parce qu'ils se connaissent et font habituellement fonctionner ces territoires. Cependant, certains problèmes sont, à une autre échelle, plus vaste et relèvent alors d'outils plus pertinents, tels les SAGE. 29 23- Les modes d'actions et leur pilotage : origine, élaboration et mise en oeuvre Dans les différents sites visités, de nombreux documents existent, validés ou en projet, portant « programme d'actions » destinées à atteindre des objectifs relatifs à la qualité des cours d'eau. Et pourtant, les acteurs rencontrés sont loin de s'être tous appropriés la démarche et de s'en sentir solidaires. Il convient alors d'examiner la façon dont sont élaborés puis mis en oeuvre ces programmes d'action. Origine et élaboration des actions (législation, contrats, ententes diverses...) La diversité des situations rencontrées et le témoignage des acteurs sur d'autres expériences permettent d'identifier un certain nombre de cas de figure éclairants. Les agriculteurs ou leurs techniciens, ainsi que des élus locaux font volontiers référence à des démarches collectives anciennes (PMPOA, FertiMieux...) qui ont permis de mettre en mouvement la profession agricole, avec le rôle important de leaders agricoles ou politiques locaux qui crédibilisaient la démarche et entraînaient les autres. Ces démarches collectives d'animation disparaissent avec la prédominance actuelle du réglementaire, d'une part, et du contractuel individuel de type MAEt, d'autre part, rarement vécues dans une dimension collective. Dans le cadre de la deuxième génération de contrats de rivière, les agences de l'eau ont voulu contractualiser la lutte contre les pollutions diffuses agricoles, alors que certains bassins versants étaient encore centrés sur l'assainissement collectif et l'entretien des ripisylves. Dans un contexte ne se donnant pas le temps et les moyens de la concertation, ce volet a pu être vécu comme une obligation, mais aussi comme pouvant constituer l'opportunité de faire financer des mesures agroenvironnementales refusées dans un autre cadre. Il est apparu alors un effet d'aubaine pour des agriculteurs acquis d'avance aux pratiques nouvelles proposées (Coise). A l'inverse, un niveau élevé d'exigence sur la MAEt se heurte au refus des agriculteurs et conduit au blocage du projet de contrat de bassin (rus du Roy). La mise en place des périmètres « captage Grenelle » est plus récente et a lieu sur des territoires plus petits et avec une méthode plus cadrée au départ. Il faudra vérifier dans quelques années si les résultats de la démarche se sont avérés meilleurs (cela ne fonctionne pas pour les captages des Rus du Roy) Les SDAGE sont à l'origine d'actions relatives à la DCE, décidées, validées, certains disent « arrachées » au moment du vote, dans des instances partenariales (les comités de bassin) qui semblent éloignées des acteurs de terrain, et qui s'imposent quelques mois après sous forme de déclinaisons locales. A l'image de la DCE vis-à-vis des SDAGE, s'affrontent alors deux logiques, celle des ambitions d'un niveau géographique plus vaste, jugées généralement trop élevées par la sphère agricole, et celle du niveau des institutions locales en général plus modestes. Cette logique d'affrontement se retrouve aussi bien au sein des services de l'État que pour d'autres acteurs du territoire (entre amont et aval par exemple : Adour). Lorsque l'enjeu « eau » est perçu comme important, une multitude de plans d'actions peuvent le porter sur un territoire (contrats du conseil régional, Natura 2000, programmes nitrates...) sans qu'une cohérence soit suffisamment recherchée quand un pilote ne se dégage pas clairement. Des acteurs aspirent alors à élaborer des contrats plus globaux, type SAGE et charte de PNR, parfois SCoT (par exemple, Loc'h et Sal, Veyle). Enfin, la situation est très différente en présence d'un industriel de l'eau (Badoit)17 ou d'une grosse métropole dont l'enjeu d'alimentation en eau potable de qualité est fondamental, et qui possède les moyens juridiques et financiers (DUP, expropriation ou rachat, contractualisation sur des pratiques 17 On peut se référer également aux eaux de Vittel, de Contrexéville ou d'Evian. 30 agricoles...) de mettre en oeuvre un plan d'actions. Les forces en présence sont telles qu'elles conduisent les agriculteurs à s'adapter rapidement (Marque et Deule). Le pilotage : mobilisation des acteurs et légitimité des actions En matière de pollution diffuse, si la phase d'élaboration des actions nécessite une forte implication des acteurs du territoire concernés par la problématique « eau », les modes d'action proposés doivent être également mobilisateurs car ils visent à faire évoluer les pratiques et non plus à équiper le territoire (face aux pollutions ponctuelles ou accidentelles). La question doit être abordée le plus globalement et le plus collectivement possible, tant au niveau des acteurs qui interagissent (collectivités territoriales, associations, agriculteurs, coopératives, entreprises, conchyliculteurs...) que pour l'agriculture au niveau du système de production lui-même (assolements/rotations, diversification, intrants, etc.). La présence d'acteurs économiques inhabituels dans les « face à face » traditionnels entre agriculture et collectivités peut être une opportunité pour élargir le dialogue local, ainsi que le montre par exemple la société des eaux de Badoit sur le bassin versant où elle est implantée. Les acteurs agricoles demandent, dans plusieurs sites visités, à disposer d'éléments objectifs leur permettant de mesurer l'impact de leur activité sur l'eau et l'effet de leurs efforts (« a-t-on peur de dire que cela s'est amélioré pour justifier le maintien de pression ? ») Ils souhaitent passer à une logique de résultat, en redonnant des marges de manoeuvre au niveau local. Dans le même temps, sachant que le milieu a une inertie qui ne permet pas de voir les évolutions très vite, il est nécessaire d'afficher des objectifs intermédiaires de réalisation permettant de mesurer les efforts. La question du positionnement des chambres d'agriculture comme prestataire des diagnostics cristallise localement, dans la Coise, dans la Veyle, les Rus du Roy, des conflits entre structures. L'agriculture ne se trouve plus alors dans un engagement central sur son territoire, mais dans une posture commerciale de second plan, qui nuit à la motivation des acteurs agricoles. Qui est maître d'ouvrage du projet ? Qui est le pilote ? Peut-on avoir sur un même territoire (BV) une multitude de maîtres d'ouvrages, un émiettement par type d'actions comme constaté sur certains sites visités ? Des acteurs élus ou agricoles du bassin de Loch et du Sal ont unanimement cité comme facteur de réussite l'existence ancienne de leaders locaux qui ont su entrainer de façon légitime les agriculteurs dans des évolutions nécessaires. Au contraire, le territoire de la Veyle fait apparaître une multitude d'acteurs concernés partiellement par la question et qui attendent un signal mobilisateur et responsabilisant pour tous. Un pilote est nécessaire pour un tel projet complexe impliquant tant d'acteurs aux logiques propres. Une collectivité locale ou territoriale de proximité a vocation à être ce pilote et à organiser, avec les autres parties prenantes, la façon dont va s'organiser le processus conduisant à l'amélioration de la qualité de l'eau. Il faut distinguer clairement le maître d'ouvrage et les contrepartie, une responsabilisation, un contrôle, une (opérateur via des politiques sectorielles ? Médiateur ? Quelle compatibilité entre les différents rôles ? Qui est MAAP, la DREAL, la DRAAF, la DDT, le préfet... ?). financiers liés par des engagements, une sanction. Le rôle de l'État est à clarifier facilitateur/catalyseur ? régulateur/arbitre ?). l'État ? (l'agence de l'eau, le MEDDTL, le L'État est responsable de la mise en oeuvre de la DCE d'une part, et conduit la politique agricole, d'autre part, ce qui peut être porteur, dans des situations conflictuelles, de divergences qui ne contribuent pas à l'efficacité de solutions concertées. L'échelon territorial est plus à même de percevoir les enjeux de la réalité locale alors que l'échelon central de l'État ne peut que rappeler les objectifs généraux, leur cohérence, les principes de la gouvernance et de l'évaluation des résultats. Cet échelon national est attendu pour prendre une position claire et ferme dans les cas les plus complexes ou très controversés 31 Les visites sur site ont montré que les échelons éloignés ne sont pas en mesure de suivre et d'assumer la mise en oeuvre des actions arrêtées. Si l'agence de l'eau peut contraindre à faire évoluer les pratiques agricoles au titre des contrats de rivière ou dans des SAGE, le résultat dépend de la façon dont les acteurs du territoire seront capables de « passer contrat » sur des objectifs partagés en échange d'une modification de leurs pratiques. Cela ne peut pas se piloter à distance, notamment quand les objectifs portent sur des résultats et non sur les moyens à mettre en oeuvre. Il faudra ajuster des modalités de relais local(équipes de proximité) ou de délégation (à d'autres services locaux de l'Etat) pour une prise de décisions à l'échelon pertinent. Le pilotage des actions, des objectifs et des indicateurs Dans certains bassins, les agriculteurs jugent que les objectifs vont au-delà du raisonnable, au-delà de ce qu'exige la DCE, que d'autres États membre déclineraient de façon moins ambitieuse. Les coopératives peuvent être d'accord sur le diagnostic, mais demandent de hiérarchiser les objectifs, avec des coûts proportionnés aux enjeux. Des collectivités territoriales, maîtres d'ouvrage d'aménagements sur les cours d'eau, demandent de revoir l'échelonnement des objectifs afin d'entrer dans une programmation plus réaliste, laissant le temps de la concertation. L'engagement des acteurs du territoire nécessite qu'ils soient parties prenantes des objectifs et que soient choisis, avec la même gouvernance que décrite précédemment, des indicateurs de résultat et d'impact permettant de suivre les progrès des uns et des autres. Les modes d'action retenus : effectivité et pertinence Si l'on retient le territoire «habité » comme le bon échelon de cohérence des actions à retenir et à mettre en oeuvre, il faut pouvoir mesurer la pertinence des mesures au regard des objectifs de la DCE et des résultats attendus. Le plus souvent les solutions à disposition nécessitent d'être dépassées par des modèles de production d'une autre nature, alliant la pertinence économique à une amélioration des impacts sur l'eau. Il ne suffit donc pas de se limiter à des obligations et des compensations de revenu. Les agriculteurs innovants rencontrés sont demandeurs de modèles et de références agricoles applicables localement. Et pourtant le rôle potentiel de l'appareil de recherche et de formation est peu porté par les services : il a d'ailleurs été difficile de le rencontrer tant les DDT ne voyaient pas leur implication dans le sujet de l'étude, alors que depuis quelques temps, un réseau de correspondants sur ces sujets a été mis en place au niveau national. A présent, la seule solution contractuelle à la disposition des acteurs agricoles est quasiment la MAEt, jugée trop rigide lorsqu'il est question de moduler les aides en fonction des situations locales. Certains ne la trouvent pas assez ambitieuse et regrettent qu'elle soit utilisée comme effet d'aubaine par des agriculteurs qui ont déjà des pratiques favorables et n'améliorent donc pas la situation. D'autres au contraire la jugent trop élitiste voire trop limitées dans le temps ou trop partielle, car ne touchant pas des agriculteurs ou des parties de leurs exploitations qui en auraient pourtant besoin pour passer à un autre système de production. Il faudrait raisonner les MAEt en termes de « résultats et de chemin pour les atteindre » plutôt qu'en termes de « moyens mis en oeuvre (sans obligation de résultat) ». Lorsque le « réglementaire » (arrêtés préfectoraux, art 21 de la loi sur l'eau et les milieux aquatiques ­ LEMA - rendant obligatoires des mesures) rattrape le « volontaire » (MAEt par exemple), il n'y a plus de place pour une mobilisation dans un territoire sur un projet collectif. La prochaine mise en place des zones soumises à contrainte environnementale (ZSCE) pourrait permettre de tenter d'allier les outils réglementaires, en rémunérant les mesures obligatoires, et les outils contractuels (chartes et certifications) tout comme l'avaient fait les premières opérations locales agro-environnementales (OLAE) : mesures collectives et animation territoriale venaient en appui à une panoplie de mesures adaptées à chaque territoire et validées localement ou à un niveau géographique immédiatement supérieur, selon un principe de subsidiarité correctement défini. La certification environnementale des exploitations agricoles avec l'animation qui l'accompagne peut être également un outil mobilisateur 32 Les marges d'autonomie pour articuler entre eux les dispositifs sont jugées insuffisantes (entre MAEt, programme de modernisation des bâtiments d'élevage, conversion « bio »...). Des investissements sur l'exploitation sont parfois nécessaires pour passer le cap des difficultés liées à la mutation, et doivent être examinées sans a priori (Coise, Adour). Les modes de raisonnement global et de décision en vigueur pour les prêts bonifiés ou les plans d'investissement des projets d'installation ou des plans de modernisation seraient opportunément utilisables dans ces situations. Il est nécessaire également d'articuler entre eux l'accompagnement micro-économique des exploitations qui veulent transiter vers des systèmes leur permettant de maintenir leur revenu, et celui des filières commerciales locales qui demandent un vaste programme d'expérimentation. L'élargissement à des acteurs non agricoles mais interférant sur les territoires ou ayant un intérêt direct sur ce territoire est également un facteur de réussite (ex. des plateformes de regroupement d'une offre de proximité, ou de l'entreprise Badoit qui s'associe aux communes de proximité). Enseignements Hiérarchiser les enjeux et aller à l'essentiel en y concentrant les moyens disponibles, en prenant en compte les autres aspects des plans d'aménagement durable des territoires. Établir ainsi la relation entre les plans d'actions et les enjeux du territoire (économie, emploi, cantines, urbanisation...) et en inscrire les conséquences dans les documents d'aménagement. Veiller à la bonne cohérence du triptyque « objectifs, moyens et échéances ». Engager les parties : établir un dialogue débouchant sur des engagements multipartites comprenant au moins: État/Agence de l'eau/collectivités/profession agricole/associations locales, qui se traduira dans des chartes (et non dans des systèmes de prestation en concurrence), financées par l'agence et passées par les collectivités. La profession agricole doit être représentée de façon plurielle sur le territoire, en engageant complètement les agriculteurs du territoire concerné, aux côtés de leurs organisations socioprofessionnelles. Renforcer l'engagement des chambres d'agriculture à accompagner la transition vers une agriculture plus respectueuse de la qualité de l'environnement et de la ressource en eau. Outils de développement agricole, alimentées par un travail mené au niveau national par l'APCA, elles ont vocation à entraîner collectivement les agriculteurs vers des pratiques adaptées, non à constituer un écran institutionnel. Cet engagement spécifique doit faire l'objet d'un message clair de l'État , avec mise en oeuvre via les outils de contractualisation et d'orientation des aides. Clarifier le rôle de chacun : il doit être défini précisément afin que chacun tienne le rôle auquel il s'est engagé : Les collectivités territoriales pilotent les projets et assurent la collecte coordonnée des données d'observation ; L'État est garant de la façon dont les acteurs mettent en place les bonnes conditions pour un engagement partagé. Les bureaux d'étude apportent une vision externe aux acteurs sur les diagnostics de territoire, et sur les diagnostics d'exploitation en lien avec les chambres d'agriculture ; Les chambres d'agriculture sont centrées sur le développement, l'accompagnement des agriculteurs et contribuent aux aspects économiques du projet aux échelles de l'exploitation et de la filière. Elles n'ont pas vocation à être de simples bureaux d'études ; Les opérateurs économiques tels que les entreprises agroalimentaires ou les coopératives peuvent avoir une dynamique collective intéressante dès lors qu'ils s'engagent dans une démarche favorable à la qualité de l'eau. Formaliser la coopération entre les agences de l'eau et les services déconcentrés de l'État pour pouvoir décliner la ligne politique relative à la mise en oeuvre de la DCE avec des outils adaptés aux 33 bonnes échelles, en particulier dans les territoires ruraux où les collectivités ont besoin d'un appui renforcé. Il est en effet impossible de suivre précisément la mise en oeuvre d'un contrat de rivière depuis le siège d'un bassin hydrographique. Piloter : s'il y a un acteur tête de file, généralement la collectivité territoriale, le pilotage doit être formalisé dans la charte d'engagement des acteurs en précisant : Le choix des indicateurs à arrêter ensemble ; La mise en place d'un observatoire ouvert à tous permettant un suivi partagé des évolutions ; L'exploitation de ces résultats pour des améliorations à échéances fixées. Adapter les mesures : aux côtés des mesures standardisées et réglementaires, favoriser l'adoption de mesures construites sur les territoires permettant d'accompagner le changement des systèmes d'exploitation agricoles, avec des dynamiques collectives. Cela recouvre à la fois : La souplesse à accorder dans la construction des mesures (actuelles et dans la perspective de la révision du PDRH) en donnant plus de marge de manoeuvre au niveau déconcentré pour développer une politique contractuelle, éventuellement avec des opérateurs collectifs ; L'articulation des mesures entre elles ; L'articulation des interventions de l'État, des agences de l'eau et des collectivités. Expérimenter ces possibilités sur des sites test, avec une ingénierie spécifique d'appui, en particulier : les modalités d'animation, l'articulation des aides entre elles et le niveau de souplesse nécessaire, ainsi que la possibilité d'étendre une mesure volontaire quand le voisinage, dans sa majorité, est favorable. Cette expérimentation permettra de mesurer jusqu'à quel point toutes ces préconisations ne pourront être efficaces qu'à une échelle de temps suffisante notamment au regard de nombre d'objectifs globaux souscrits au niveau européen. 34 24- L'évaluation des résultats et des impacts, et le respect des engagements De même qu'il n'a été rencontré aucun accord suffisant entre les diverses parties prenantes pour établir les dimensions d'un diagnostic véritablement partagé ni les règles de la construction d'un plan d'actions, les processus d'évaluation des actions conduisant au « bon état » des eaux ne sont pas davantage clarifiés, voire formalisés. Comme par ailleurs les mesures d'incitation (sous forme d'aides), mais aussi les redevances des agences de l'eau (redevance prélèvement, redevance pollution 18 d'origine non domestique-élevage et redevance pour pollution diffuse tout particulièrement ), tout comme les sanctions prises contre les activités (et les acteurs) qui nuisent à ce bon état des eaux, sont sporadiques, c'est l'ensemble du dispositif de régulation qu'il faut réexaminer. Pendant ce temps l'État français est fréquemment mis en cause pour ses manquements aux divers engagements environnementaux, et notamment sur l'eau. Rappelons que l'évaluation de la mise en oeuvre d'une politique publique (et éventuellement de sa conception s'il apparaît que les défauts de mise en oeuvre tiennent à une faiblesse de conception) est à distinguer des tableaux de bord et autres instruments de pilotage, et des bilans qui ponctuent régulièrement les étapes de mise en oeuvre et portent sur le degré de réalisation (le plus souvent chiffré) de l'ensemble et du détail des actions. Elle se distingue également des audits, qui se limitent à des estimations de coût-bénéfice, de rendement ou de rentabilité et, au plus, de qualité (du processus, pour l'usager...) des activités. L'évaluation est globale (elle porte sur tous les aspects qualitatifs de la politique en question : techniques, financiers, juridiques, économiques, sociaux, culturels, écologiques...) et elle porte sur l'ensemble du processus de mise en oeuvre (choix d'actions, modes d'action, modes de contrôle, pilotage et correction des actions, bilans...). Les bases de l'évaluation du bon état des eaux : la mesure des résultats obtenus Une évaluation de l'application de la DCE reposerait, pour commencer, sur des mesures claires, fiables, connues et acceptées par tous les partenaires. Or c'est loin d'être le cas. En effet, nos divers interlocuteurs ne sont pas d'accord19 sur ce qu'il faut mesurer et comment il faut le mesurer (notamment la périodicité). Ils formulent des doutes sur le crédit à accorder aux organismes qui procèdent à ces mesures. Ils s'interrogent sur l'usage ultérieur de ces mesures. · Que faut-il mesurer ? Selon la DCE « Il y a lieu d'établir des définitions communes de l'état des eaux en termes qualitatifs et, lorsque cela est important aux fins de la protection de l'environnement, quantitatifs. Il convient de fixer des objectifs environnementaux de manière à garantir le bon état des eaux de surface et des eaux souterraines dans toute la Communauté et à éviter une détérioration de l'état des eaux au niveau communautaire » (considérant 25 de la DCE). « Il convient de poursuivre l'objectif du bon état des eaux pour chaque bassin hydrographique, de sorte que les mesures relatives aux eaux de surface et aux eaux souterraines appartenant au même système écologique et hydrologique soient coordonnées. » (considérant n° 33). Les « éléments de qualité » et les « définitions normatives » des classifications de l'état écologique des eaux, qui donnent corps à ces considérants, occupent 20 pages d'annexe de la DCE. Il en résulte que les priorités et les hiérarchies en fonction des caractéristiques des bassins hydrographiques sont difficiles à dégager. Ainsi, une coopérative agricole du Morbihan fait état d'une carte de Bretagne identifiant 8 enjeux, sans hiérarchisation et avec des objectifs contradictoires. Pour 18 Les recettes provenant de ces trois redevances représentaient en 2009 de 1% à 7% seulement du produit total des redevances perçues par les agences de l'eau (6% pour l'agence de l'eau Loire-Bretagne, alors que les pollutions d'origine agricole représentent 43% du coût des mesures du même bassin pour la période 2010-2015). 19 Que ce soit pour des raisons stratégiques ou du fait de leur expertise. 35 d'autres (agence de l'eau Loire-Bretagne), il n'y a pas de cartographie détaillée diffusée20 de la qualité des eaux, bien que les données existent. Pour d'autres encore (DDT, chambre d'agriculture), même s'il y a eu des diagnostics territoriaux au départ, il est impossible de suivre les progrès dans la durée, bien que l'on pense que les efforts des agriculteurs et des communes « ont sûrement eu des effets ». Pour les pesticides, on connaît mal les effets des mélanges, ni de leur incidence sur l'environnement, et on ne sait pas bien quelles molécules mesurer. On a aussi des progrès à faire dans la connaissance de la dynamique des polluants dans les sols. Des chercheurs de l'INRA mettent en question le choix des mesures : on ne dispose pas de la boite à outils des impacts : par exemple, les MAEt (mesures agro-environnementales territorialisées) relèvent d'une réglementation, qui affiche le plus souvent des objectifs de moyens et non d'impact, tels que la diminution de l'IFT (indicateur de fréquence de traitements phytosanitaires) par culture, sur la base des pratiques constatées, faute d'une corrélation facile entre pratiques agricoles et impact sur l'eau. Comment le mesurer ? Les procédures à suivre occupent six pages d'annexe de la DCE. En pratique, tout dépend de l'efficacité des organismes de contrôle, des protocoles utilisés (valeur moyenne, en basses eaux, après orage...) qui peuvent conduire à des résultats différents, des mesures de résidus de pesticides où la recherche n'est ciblée que sur ce que l'on connaît. Certains maires et collectivités départementales estiment que la périodicité des contrôles de la qualité des eaux est trop faible. Des groupes privés, tels que Badoit, financent un grand nombre de points de mesure et d'analyses mensuelles et un contrôle/analyse exhaustif annuel (pour 120.000 par an depuis 2008). Mais ce type d'action, très apprécié, reste limité. Dans certains cas, il existe un point de mesures à la source (sur eaux profondes) et un point de mesure en aval (eaux superficielles) avec des prélèvements quasi-mensuels pour l'analyse de 380 molécules ou mélange de molécules. Qui doit mesurer ? Les avis sont partagés et les pratiques divergent : Pour une agence de bassin, il faudrait un observatoire, résultant d'une convention signée entre l'État et des partenaires privés ; Pour un syndicat de bassin versant, c'est le comité résultant du 2e contrat de rivière, lequel a renforcé l'obligation d'analyse et de rendus de résultats, or un comité n'est pas un opérateur local ; Un des conseils généraux rencontré dispose d'un réseau départemental de mesure de la qualité des eaux ; il établit une analyse annuelle des résultats et communique sur la base de ces résultats ; Des chambres d'agriculture se méfient des mesures effectuées par des bureaux d'études privés ; avec elles les agriculteurs contestent les analyses. En règle générale, s'il faut se donner des moyens de suivi et de pilotage du plan d'actions, il faut se garder de toute démarche d'auto-évaluation, les risques sont grands de ne pas mesurer les objectifs retenus au départ, et de développer une appréciation subjective et partielle, et de ne pas obtenir un consensus partagé de la part de toutes les parties prenantes. L'évaluation doit être externe, elle est d'ordre qualitatif en s'appuyant sur les indicateurs renseignés par le plan d'actions et ses résultats doivent être débattus (gouvernance concertée ou par consensus) avant la validation finale. Que faire de ces mesures ? Selon une agence de l'eau, ce qui fait surtout défaut, c'est le suivi et le rendu par les acteurs de l'évolution de la qualité de l'eau. 20 Un classement des cours d'eau, plans d'eau, eaux littorales et souterraines a été effectué fin 2004, mais la communication qui en a été faite dans le SDAGE et le 9 programme de l'AELB reste peu explicite. e 36 Pour une chambre d'agriculture, l'agriculteur doit voir afficher les résultats de son action (nitrates dans la rivière par exemple en face des efforts faits en matière de fertilisation réduite ou de mise aux normes de ses bâtiments). Pour certains élus, tous les maires ne sont pas informés des travaux des bureaux d'études ; l'information sur les séries de données à moyen et long terme (concernant les nitrates, les phytosanitaires...) n'est pas faite. Pour un syndicat de rivière, les résultats des analyses des contrôles opérationnels ou de surveillance sont publiés, mais il reste à les traduire en messages permettant de convaincre et de motiver aux changements de pratiques les acteurs concernés, au premier rang desquels les agriculteurs. Une agence de l'eau met le doigt sur la difficulté de faire comprendre les mesures : «avant, l'usager de la rivière pouvait dire si elle était propre ou non. Actuellement la pollution n'est pas visible ; il faut faire appel à des experts qui ne sont pas toujours crus. De plus les élus n'ont pas toujours intégré les contraintes du traitement de l'eau potable car la signature d'un contrat avec le « fermier » semble les décharger de la question. » Ainsi, globalement et même si c'est la base du pilotage, les insuffisances dans la communication des données et sur leur méthode d'obtention constituent des obstacles majeurs à la mise en oeuvre de la politique de l'eau telle que déclinée dans la DCE. Pourtant les articles 4 et 5 de la Convention d'Aarhus21, imposent l'information et la participation du public, et a fortiori des parties prenantes, en matière d'environnement22 (pour les projets, plans et programmes, dans le langage de la commission européenne). Les pouvoirs publics sont tenus de recueillir des informations et d' en faciliter l'accès gratuit23. Cette obligation légale d'information et de diffusion publique s'impose non seulement à l'État et à ses établissements publics, tels que les agences de l'eau et les agences régionales de santé, mais aussi aux collectivités territoriales et leurs groupements, aux personnes privées chargées d'une mission de service public. Les pratiques que nous avons pu observer montrent que ces obligations sont loin d'être respectées. Par ailleurs, il est clair aujourd'hui que la méfiance règne quant à la validité des mesures qui peuvent servir de base à une évaluation. Or, de telles mesures doivent être clairement définies au niveau national. L'évaluation des actions Puisque l'accord sur la nature même des mesures de qualité des eaux est loin d'être acquis, il est clair que l'évaluation des actions liées à ces mesures souffre d'un déficit de confiance dans ses indicateurs. De toute manière, les diverses personnes rencontrées n'abordent guère ce thème, comme s'il allait de soi que l'appréciation des uns et des autres tient lieu d'évaluation ou bien qu'il soit estimé difficile ou trop conflictuel de se lancer dans un véritable processus d'évaluation, formalisé et mobilisant des experts externes aux actions en question. En vigueur en France depuis 2002, reprise par la directive du 28 janvier 2003 relative à l'accès du public à l'information en matière d'environnement, directive elle-même transposée par la loi n° 2005-1319 du 26 octobre 2005, de laquelle sont issus les articles L. 124-1 à L. 124-8 du code de l'environnement. 22 Art. L. 124-2, « Est considérée comme information relative à l'environnement toute information disponible, quel qu'en soit le support, qui a pour objet : 1° L'état des éléments de l'environnement, notamment l'air, l'atmosphère, l'eau, le sol, les terres, les paysages, les sites naturels, les zones côtières ou marines et la diversité biologique, ainsi que les interactions entre ces éléments » ; 23 Art. L. 124-7, « I. - Les autorités publiques prennent les mesures permettant au public de connaître ses droits d'accès aux informations relatives à l'environnement qu'elles détiennent, et veillent à ce que le public puisse accéder aux informations recherchées. A cet effet, elles établissent des répertoires ou des listes de catégories d'informations relatives à l'environnement en leur possession, accessibles gratuitement et indiquant le lieu où ces informations sont mises à la disposition du public. II. - Les autorités publiques veillent à ce que les informations relatives à l'environnement recueillies par elles ou pour leur compte soient précises et tenues à jour et puissent donner lieu à comparaison. Elles organisent la conservation de ces informations afin de permettre leur diffusion par voie électronique ». L'art. R. 124-5 précise : « I. - Doivent faire l'objet d'une diffusion publique au sens de l'article L. 124-8 les catégories d'informations relatives à l'environnement suivantes : [ ] 5° Les données ou résumés des données recueillies par les autorités publiques dans le cadre du suivi des activités ayant ou susceptibles d'avoir des incidences sur l'environnement ». Parmi les données concernées figurent bien entendu les données relatives à la qualité de l'eau et les analyses effectuées. 21 37 Les services de l'État ne poursuivent pas les mêmes buts, et, implicitement, ne sont pas d'accord sur ce qu'il faudrait évaluer. La DRAAF a sa logique économique et des compromis à trouver. La DREAL, et tout particulièrement la DREAL de bassin, a des consignes plus claires à décliner venant du ministère ou en application du programme de l'agence de l'eau. En revanche, il n'y a pas d'articulation entre DRAAF et DREAL. Pour la DRIAAF, en dépit d'études menées de longue date (depuis 2002) et reprises en 2010, sur des bases mutuellement acceptées, les mesures à prendre sur les zones à risques restent l'objet de divergences fortes. Le dossier n'a pu être accepté en commission régionale agro-environnementale en février 2011 et la situation est bloquée. L'absence d'unité de vues entre services de l'État ne facilite pas la résolution du conflit. Le conseil régional est tout aussi segmenté. Résultat : « on travaille en pompiers et sans recul ». Les chambres d'agriculture ont tendance à dire que le cadre réglementaire est peu lisible (il existe plusieurs définitions différentes des zones humides ; la notion de cours d'eau elle-même a plusieurs définitions), trop complexe et empile sans fin les textes. Plusieurs intervenants (certains services déconcentrés de l'État, l'agence de l'eau) « noircissent » même le tableau. En sens inverse, un PNR dispose d'un « observatoire de l'eau, résultat d'une mutualisation sous forme conventionnelle des moyens d'observation de chaque acteur et permettant d'établir un diagnostic partagé de l'hydrosystème et d'évaluer l'efficacité des actions menées. Le diagnostic partagé éclaire les choix d'actions et de travaux pour l'amélioration de la ressource et permet d'établir les marges de progrès pour chaque acteur impliqué. » Pour certains élus, en France trop peu de travaux ont été réalisés sur les leviers de changements de comportement et sur les jeux d'acteurs. En matière de la qualité de l'eau, il est manifeste qu'en France aucun processus formel d'ensemble n'a été mis en place. Ce qui est assez étonnant, car la DCE date de 10 ans et nous sommes à 5 ans des premiers résultats attendus. Il s'agit d'un grave déficit de la puissance publique d'autant que la France dispose depuis plus de 40 ans d'une organisation territoriale par bassins hydrographiques, ce qui est loin d'être le cas dans tous les pays de l'Union européenne, et que la DCE fait explicitement référence au « bon état des eaux pour chaque bassin hydrographique... ». Une véritable évaluation globale (pertinence des objectifs, choix des indicateurs et résultats mesurés) suppose que l'accord ait été obtenu sur la définition des mesures initiales (partie intégrante des diagnostics de territoire) et sur des mesures périodiques à la suite d'action engagées. Le système d'information sur les services publics d'eau et d'assainissement (SISPEA), en tant qu'observatoire national de l'eau et de l'assainissement en charge de recueillir et diffuser « des données sur l'eau, les 24 milieux aquatiques, leurs usages et les services de distribution d'eau et d'assainissement » devrait aussi avoir pour mission de relever la qualité des masses d'eau; sa mission devrait être étendue à l'ensemble des usages de l'eau. Étant donné les spécificités de chaque territoire, une hiérarchie des résultats à prendre en compte doit déjà être établie par micro-bassin, après consultation des parties prenantes, sous l'égide des agences de bassin. Ces mesures feraient foi pour la conduite des évaluations. Cela implique notamment qu'il est inapproprié d'appliquer à la lettre les éléments de mesure annexés à la DCE. Il apparaît au total que les conditions d'une véritable évaluation de cette politique publique ne sont pas réunies et que ses dimensions « transversale » et systémique ne sont pas réellement prises en compte. Les sanctions prises par l'État L'article 23 de la DCE porte sur les sanctions : « Les États membres déterminent le régime des sanctions applicables aux violations des dispositions nationales prises en application de la présente directive. Les sanctions ainsi prévues doivent être effectives, proportionnées et dissuasives. » Les observations des interlocuteurs de la mission montrent qu'aucun de ces trois points n'est satisfait. 24 Article L. 213-2 du code de l'environnement, tel qu'issu de l'art. 88 de la LEMA. 38 L'ONEMA, créé en 2007, assure la police de l'eau selon des plans de contrôle arrêtés dans chaque département. Cette activité est très critiquée : Les agriculteurs voient l'État comme celui qui édicte des normes et instaure, pour les accompagner, des mesures mal adaptées aux risques économiques qu'on leur demande d'encourir ; Certaines collectivités territoriales estiment que l'activisme récent de l'État sur le sujet de l'eau est peu favorable et inefficace ; Certains préfets sont très sévères : l'autoritarisme ne règlera rien (création de blocages) : il faut négocier, par exemple des compensations avec les organisations agricoles ; « l'État travaille à l'envers : il faut évaluer les conséquences des mesures préconisées, trouver des solutions pour les acteurs concernés et ensuite mettre des contraintes réglementaires ». « Les cabinets ministériels vivent dans l'illusion qu'en discutant des problèmes au niveau national on arrive toujours à trouver des solutions » ; Pour certains agents de l'État, la police de l'eau est dévalorisée. Des agents de l'ONEMA euxmêmes déplorent les limites des contrôles : les agents en charge des contrôles de la loi sur l'eau ne connaissent pas les MAEt « eau », n'ont pas la connaissance des produits utilisés, ne peuvent pas rester sur les parcelles en cours de traitement. Au surplus, les procès-verbaux qu'ils dressent sont classés sans suite par les Parquets, sans doute notamment par manque de sensibilisation d'autres services de police quant à la qualité de l'eau. - - Pour d'autres, le problème n'est pas que la voie réglementaire doive l'emporter sur des accords entre partenaires, mais que l'État ne sait pas sanctionner : L'État « a du mal à imposer des contraintes fortes » en règle générale, disent des agents de l'ONEMA ; Pour une DREAL, la question du non-respect des règlements, du laxisme des contrôles et des dérogations accordées fréquemment reste « une épine dans le pied » car elle s'avère antipédagogique et décrédibilisante pour tout plan d'actions ; Pour un vice-président de région, les outils et la puissance juridique de l'État ne sont pas assez utilisées : il faut une reprise en main énergique par l'État, une prise en compte par celui-ci d'une approche de comptabilité publique globale par territoire à enjeux. Mais il faut aussi savoir « mettre du monde sur le terrain ». - Pour certains professionnels, l'État local (la DDT) est tantôt considéré comme un arbitre impartial entre les différents groupes de pression, tantôt comme trop mou voire laxiste notamment dans l'exercice de la police des eaux. On l'accuse alors d'être de connivence avec la profession agricole ou, à l'inverse, d'être trop sensible aux préoccupations des environnementalistes. Un maire estime que l'ONEMA verbalise les agriculteurs en infraction sans discernement, ce qui est très mal vécu. De manière fréquente, les organismes agricoles comme économiques insistent sur l'incohérence entre les politiques de l'État menées par les uns et les autres (agences de bassin et services déconcentrés, diverses directions centrales : DGPR, DEB) sans parler de l'incohérence entre la DCE, les autres directives visant à la protection des ressources naturelles et toute la politique agricole commune (PAC). Ce manque de cohérence et d'unité de vues entre services de l'État et politiques européennes n'est effectivement pas sans entretenir confusions et faux espoirs. La police de l'eau La police de l'eau est dévolue à l'État, par le biais de ses services (MISE en DDT) et de ses établissements publics (ONEMA). Elle est cependant aussi du ressort des communes, dans le cadre de la police générale exercée par les maires. Aucun changement statutaire n'est nécessaire, mais l'insuffisance des moyens est manifeste. Les maires des communes rurales, particulièrement concernés par les problèmes liés aux pollutions diffuses, ne disposent nullement des moyens, humains et techniques, appropriés. 39 L'ONEMA a notamment pour objectif, dans le cadre de son contrat d'objectifs 2009-2012, d'intégrer les nouvelles priorités et modalités d'exercice de la police de l'eau. Au nombre de ces nouvelles priorités figure le contrôle des pollutions diffuses, le développement de la complémentarité entre services, avec des plans de contrôle inter services de la police de l'environnement. Des conventions devraient ainsi être systématiquement conclues dans chaque département avec le préfet, des protocoles passés avec les Parquets (de tels protocoles ont déjà été passés dans 63% des départements ) ; de plus des modes de fonctionnement plus coordonnés entre services de l'ONEMA, DDT (services chargés de la police de l'eau) et unités de contrôle phytosanitaire devraient être recherchés. Les actions ainsi entreprises devront évidemment être poursuivies et amplifiées. Le fait que les actions de contrôle sont appelées à être rapportées à la Commission européenne devra d'ailleurs y contribuer. Enfin, la question du niveau d'exigence des objectifs à atteindre se pose : il vaut mieux des objectifs moins ambitieux mais atteignables dans les délais prévus, et concentrer la police de l'eau, pour une plus grande efficacité sur les zones les plus polluées. Par ailleurs, il revient aux financiers des mesures agro-environnementales de s'assurer que les fonds versés sont utilisés à bon escient. Enseignements L'évaluation des résultats obtenus et la qualité des mesures de bon état de l'eau Si une évaluation complète doit être à la fois environnementale, économique, sanitaire et sociale, celle portant sur les mesures conduisant au « bon état » des eaux doit se référer in fine aux objectifs environnementaux de la DCE25, en regardant s'ils peuvent être atteints à un coût « raisonnablement acceptable ». Pour que cette évaluation soit effective, comprise et acceptée par tous, il est nécessaire qu'elle remplisse plusieurs conditions, non réunies à présent : Elle doit porter sur l'ensemble des processus de mise « en bon état » de l'eau, c'est-à-dire sur l'ensemble des actions entreprises, et en examiner tous les aspects : techniques, économiques, sociaux, juridiques, sanitaires, etc. Elle doit être formalisée : cahier des charges portant sur les actions à examiner et leurs liens entre elles ; modes d'enquête et de présentation des résultats d'enquête ; délais prescrits ; Elle doit être confiée à une pluralité d'experts extérieurs aux parties prenantes du territoire considéré, mais leur choix doit être approuvé par ces parties prenantes ; Elle doit être rendue publique, par divers moyens d'informations, et discutée publiquement ; L'État doit être le garant du bon déroulement de l'évaluation. C'est aux administrations centrales de l'État (CGDD, DGPR, DEB, directions du ministère de l'agriculture...) de concevoir conjointement le cadre de ce système d'évaluation, après consultation des divers organismes de bassin (agences, comités, etc.), des EPTB et des autres organisations liées à la gestion de l'eau et des milieux aquatiques. Une garantie d'impartialité doit être apportée. Un bon exemple en matière de garant est celui de la commission nationale du débat public : elle n'intervient pas sur le contenu mais atteste que le processus a bien respecté (ou non) les règles fixées. Ainsi l'instance chargée de l'évaluation doit-elle être désignée par l'ensemble des parties prenantes, mais doit être indépendantes d'elles : une réflexion plus approfondie doit être engagée sur ce point26. 25 Car c'est sur cette base que les contentieux européens seront engagés envers la France. 26 Par exemple : par des membres du CESE et/ou des CESER ; ou des personnalités qualifiées... 40 La police de l'eau et les sanctions Devant l'évidence de l'insuffisance des sanctions prononcées et de leur inégalité territoriale, deux solutions restent envisageables : Une préférence accordée à une approche contractuelle des sanctions27, c'est-à-dire leur dépénalisation au profit d'accords passés entre puissance publique et exploitants ou regroupements d'exploitants : cela implique des compensations financières et des chartes de « bonne conduite » ; Un renforcement et un meilleur ciblage des sanctions pénales : leur mise en oeuvre implique une grande impartialité de l'organisme chargé de la sanction et une indépendance totale du pouvoir judiciaire en la matière28. « L'eau n'est pas un bien marchand comme les autres mais un patrimoine qu'il faut protéger, défendre et traiter comme tel », affirme le préambule de la DCE. Ceci justifie pleinement l'existence de sanctions pénales qui ne sauraient être transformées en accords de « bonne conduite » adoptés par l'ensemble de la filière agricole. Les intérêts financiers et économiques en jeu sont tels que les préoccupations environnementales et sanitaires liées à la qualité de l'eau sont trop souvent minorées ou négligées. Le contractuel ne suffit donc généralement pas à garantir la bonne application des règles relatives au maintien et à la restauration du bon état des eaux. Il est donc nécessaire d'envisager aussi un renforcement des sanctions pénales. Cependant trois problèmes se posent, dans le cas particulier de la qualité de l'eau liée aux productions agricoles : Que faut-il sanctionner ? Qui doit être sanctionné ? Qui doit sanctionner ? La réponse aux deux premières questions conditionne celle à la troisième. Deux sortes de sanctions et de plans de contrôle doivent être distinguées : unifiées au niveau national, celles de manquements graves qui peuvent être considérés indépendants des conditions locales (par exemple : abus avérés d'usage de pesticides, fraudes dans la qualité et quantité déclarées des intrants, etc.) ; adaptées au niveau des bassins hydrographiques, celles qui dépendent du contexte local tel que la part relative du secteur agricole, l'état des masses d'eau de surface et souterraine notamment, les problèmes spécifiques au littoral et à ses activités (conchyliculture, tourisme, etc.), conditions climatiques, etc. Dans chaque cas ­ que ce soit pour des infractions graves ou des manquements répétés ou occasionnels - la chaîne des responsabilités doit être établie, les agriculteurs étant pris en tenaille entre la réglementation européenne et les exigences du secteur agro-alimentaire (industries, banques, OPA...). En outre, il serait très souhaitable que l'État, lorsqu'il se trouve lui-même condamné par la juridiction européenne, puisse engager une action récursoire à l'encontre des 29 premiers responsables, une fois ces derniers dûment identifiés . Dans ces conditions, pour que la sanction soit à la fois impartiale et exécutable, une très nette amélioration de l'existant est indispensable, avec notamment, sous l'autorité des préfets de bassin : Un meilleur ciblage des contrôles sur les « zones à enjeux » ; L'adoption de plans de contrôles complets et cohérents ; Une meilleure explication du rôle des sanctions et une meilleure justification des sanctions prises ; Une adaptation des sanctions « mineures » (ni pénales ni à lourde incidence financière) à la dynamique locale (intempéries, prix des matières premières et des produits, problèmes d'emploi, etc.) ; Une plus forte coopération entre agences et puissance publique dans tous les territoires (par exemple, entre ONEMA, agences de bassin, préfets et parquets) ; 27 Le terme « sanction » n'implique pas la pénalisation. On « sanctionne » une activité, une performance, etc. en récompensant, punissant, encourageant, autorisant, interdisant, etc. 28 Rappelons que la police administrative est sous l'autorité du préfet et non du procureur de la République. 29 Une telle évolution supposerait une intervention du législateur. 41 Une harmonisation des sanctions pénales et financières entre les territoires (mise en commun régulière par les préfets et péréquation nationale) ; Une meilleure coordination entre le contrôle de la réglementation (police de l'eau) et le contrôle de la bonne utilisation des fonds publics (mesures incitatives), avec une extension des outils économiques et un affinement de leur usage30 . C'est la voie préconisée, en partie, par l'État, et notamment la DEB pour la police de l'eau, et la DGPAAT pour les mesures incitatives. 30 Voir Alexis Delaunay, Contribution de l'ONEMA à la police de l'eau pour atteindre le bon état, rapport au conseil d'administration du 29 mars 2011. 42 CONCLUSION Un nombre important d'observations et d'analyses sont formulées à l'issue de cette enquête auprès de six territoires étudiés. Aucune « bonne pratique », éprouvée et transposable partout, n'est apparue. Cependant, l'identification des parties prenantes et l'analyse des jeux d'acteurs en présence, permettent de comprendre pourquoi ne sera pas atteint l'objectif de « bon état écologique » des masses d'eau pour 2015, et pourquoi une approche strictement réglementaire de la protection de l'environnement, sur laquelle la France est jugée au niveau européen, ne suffit pas. L'ensemble de notre investigation nous a rendu flagrant le fait que les agriculteurs ressentent plus durement que les autres utilisateurs (industriels notamment) les contraintes de la situation présente. Plus que d'autres, aussi, ils sont confrontés au manque de cohérence et de lisibilité des politiques publiques dans le domaine de l'eau, et ne disposent pas de marges de manoeuvre suffisantes alors qu'ils mettent en oeuvre des systèmes de production présentant des contraintes de productivité élevées et pressantes. Leurs représentations (ils ne veulent pas être des assistés ni se limiter à être des « jardiniers de la nature » ; ils veulent « nourrir la planète ») et leur condition sociale (ils relèvent des PME voire de l'artisanat et non de l'industrie, leur image se dégrade dans la société) sont très différentes de celles des industriels, qui gèrent les contraintes et les aléas économiques comme de simples facteurs de production qu'ils peuvent répercuter sur leur prix de revient. C'est pourquoi nous prenons la place et les rôles des exploitants agricoles comme fil conducteur de toute création ou amélioration du processus de recherche de bonne qualité écologique de l'eau ­ qu'il s'agisse de détermination d'objectifs et d'identification des enjeux, d'élaboration de diagnostics de territoires et d'exploitation, de modes et de plans d'action, d'évaluation et de sanction juridique et financière. Les activités agricoles demandent que soient évalués leurs impacts environnementaux et les progrès en la matière avec des indicateurs clairs, pertinents et cohérents avec les caractéristiques locales. Sur cette base, nous formulons trois sortes de recommandations, sur : Les pratiques à améliorer ou à renforcer (A) ; Les engagements proposés, qui exigent une réforme importante, que ce soit en matière juridique ou dans les processus de décision publique (B) ; Les processus et les responsabilités à mettre en place, qui exigent une réflexion plus poussée (C). Par ailleurs, nous distinguerons parmi les recommandations, celles portant sur l'action locale, et celles portant sur l'action régionale et nationale. 1- La coopération locale des acteurs Les efforts à mener doivent porter d'abord sur les manières de s'approprier les différentes représentations de la même réalité. Le but étant non pas d'aboutir à un formalisme commun mais à un désir partagé de résoudre des problèmes, de surmonter des obstacles, de concilier des antagonismes, d'inventer des démarche nouvelles. 11- Une définition et une appropriation collective des enjeux (A) Les éléments à prendre en compte pour définir les enjeux ne doivent pas être une déclinaison locale de la DCE, mais une élaboration collective par l'ensemble des acteurs concernés, en particulier ceux du territoire. Un bon exemple est celui des Agendas 21, qui sont peu à peu devenus un vrai exercice d'aménagement durable des territoires. 43 (B) Les enjeux tels qu'ils sont énoncés dans la DCE et ceux que nous avons précisés (enjeux qualitatifs, quantitatifs, pour les milieux aquatiques et la santé, maintien du revenu agricole) et corrélés à d'autres enjeux31 demandent un important travail de conceptualisation, tenant compte à la fois de relations systémiques générales et de la prise en compte des dynamismes locaux. 12- Une détermination en commun des périmètres de bassin à enjeux, par territoires « habités » (A) Il est préférable de choisir collectivement les périmètres des bassins à enjeux, correspondant à des « territoires habités » où les relations entre les différents acteurs sont facilitées parce qu'ils se connaissent et oeuvrent ensemble dans ces territoires. Cependant, certains problèmes sont à une échelle plus vaste et relèvent alors de démarches telles que les SAGE actuellement pratiqués. 13- Une élaboration en commun de l'état des lieux, du diagnostic initial et des modes d'évaluation, qui doit être considérée comme l'« amont » et l'« aval » des actions à mener (A) Le diagnostic doit remplir plusieurs conditions : S'appuyer sur (ou engendrer) des observatoires permettant à tous les acteurs de définir l'état des lieux, les enjeux et de suivre les progrès réalisés et les difficultés rencontrées ; les « parties prenantes » doivent être toutes identifiées et sollicitées ; Veiller à la prise en compte des diagnostics réalisés dans les plans de développement territorial et dans les stratégies intéressant le territoire ; Mobiliser une expertise externe au territoire considéré, autant que possible plurielle, impartiale et acceptée. (A) L'évaluation des plans d'actions (pertinence des objectifs, choix des indicateurs et résultats mesurés) suppose que l'accord des parties prenantes ait été obtenu sur la définition de l'état initial et sur des mesures périodiques à la suite d'action engagées. Étant donné les spécificités de chaque territoire, une hiérarchie des résultats à prendre en compte devrait être établie par micro-bassin, après consultation des parties prenantes, sous l'égide des agences de bassin. Ces mesures feraient foi pour la définition des objectifs des plans d'action et la conduite des évaluations. (B) Pour que l'évaluation soit efficace et acceptée par tous, elle devra remplir plusieurs conditions : Porter sur l'ensemble des processus de mise « en bon état » des masses d'eau ; Être formalisée par un cahier des charges contenant des éléments tels que : les actions à examiner et leurs liens entre elles ; les modes d'enquête ; les délais à respecter ; etc. ; Être confiée à des experts extérieurs aux parties prenantes du territoire considéré, mais acceptés par elles ; Être rendue publique et être discutée publiquement ; Voir sa qualité garantie par une tierce instance. Un bon exemple est celui de la commission nationale du débat public : elle n'intervient pas sur le contenu mais atteste que le processus a bien respecté (ou non) les règles fixées. 14- Une co-construction des plans d'action tenant compte des autres politiques publiques territoriales (A) Les plans d'actions locaux doivent être construits avec les mêmes partenaires que pour le diagnostic local et avec les mêmes processus de validation, avec des mesures fondées sur une responsabilisation contractuelle privilégiant les résultats plutôt que les processus ou les moyens. Leurs enjeux locaux au titre de la DCE doivent être hiérarchisés et prendre en compte les autres aspects des plans d'aménagement durable des territoires. Les services de l'État ont un rôle de catalyseur à jouer, surtout en milieu rural. A cet effet, les DDT doivent se doter des compétences nécessaires (ou les conserver). 31 Entre autres : santé publique ; coûts induits pour les collectivités et les ménages du fait de la mauvaise qualité physico-chimique de l'eau prélevée ; autres services rendus par les écosystèmes ; maintien de l'emploi, des revenus agricoles et de l'économie rurale. 44 Les agriculteurs du territoire doivent être associés personnellement et le plus directement possible et pas seulement par le biais leurs représentants socio-économiques. (B) Les acteurs des filières agricoles (notamment les coopératives et industries agro-alimentaires, les banques et les assurances) doivent être mobilisés dans la construction des plans d'action locaux s'appuyant sur des modèles agronomiques et économiques viables . La mission des chambres d'agriculture pour accompagner les agriculteurs vers des modes de production performants et plus durables doit être réaffirmée à tous les niveaux, encouragée dans les documents contractuels avec l'État et renforcée par une plus forte orientation des aides et des appels à projet. (B) Le financement de ces plans doit procéder d'une analyse locale : quelle part peut-on demander aux collectivités publiques, à l'agence de l'eau et à l'État32 ? Quelle part aux producteurs des services ? Quelle part à leurs usagers ? Quelle part aux bénéficiaires des services induits (par exemple, maintien en bon état des écosystèmes) ? Il faut passer d'une logique de subvention à une logique d'engagement financier collectif. Des tests en grandeur réelle sur quelques sites à enjeu permettraient de mesurer concrètement les marges de manoeuvre nécessaires (en organisation, en outils financiers ou réglementaires...) à une mise en oeuvre efficace des actions d'amélioration de l'eau. Ils permettraient également de mieux apprécier le pas de temps nécessaire à leur efficacité, notamment au regard de nombre d'objectifs souscrits au niveau européen. 2- La gouvernance régionale et nationale ; les rôles de l'État à tous niveaux 21- A l'échelle des grands bassins, il est fortement souhaitable : (A) : Que les objectifs et les enjeux de la DCE et l'ensemble des politiques régionales et locales de l'eau et de la production agricole en cours soient mieux articulés. C'est à la fois un effort pédagogique et une recherche de cohérence dans l'action publique. Cela demande une coordination intense au niveau infra-national. (A) Que les comités de bassin, les services de l'État de bassin (SGAR, DREAL, DRAAF, ARS...) soient mobilisés pour mieux coordonner la relation entre agence de l'eau et État local (DDT si possible) pour faciliter et suivre l'élaboration des enjeux et des objectifs à atteindre au plus près du terrain. (B) Que les objectifs de la DCE et ceux des autres politiques publiques de l'Etat ou de l'UE soient fortement corrélés, dans les divers domaines de l'aménagement durable des territoires (énergie, gestion des risques, santé/environnement, protection des patrimoines et des milieux naturels, etc.) quitte à rendre plus apparentes les éventuelles contradictions, de manière à accroître leur crédibilité et leur efficacité. 22- A l'échelle nationale et locale : les divers rôles de l'État L'État sera simultanément ou successivement amené à : Conduire des politiques (application des engagements au titre de la DCE), Conseiller et être un médiateur auprès des acteurs locaux, Garantir la qualité d'un processus de gouvernance, Et parfois évaluer et sanctionner à l'issue de contrôles. Ces rôles ne doivent en aucun cas être confondus, d'une part en matière de niveau d'intervention pertinent, d'autre part en matière de conflits d'intérêts. Par exemple, un même préfet ne peut pas 32 Les outils financiers de l'État se rattachent essentiellement au plan de développement rural hexagonal (PDRH), avec la difficulté constatée des MAEt qui ne s'inscrivent pas dans la durée. Cette question d'une rémunération plus pérenne comme celle des souplesses nécessaires à l'adaptation territoriale (l'expérience des OLAE reste une réussite) devront être au coeur de la réflexion relative au prochain règlement communautaire. 45 ordonner des opérations à l'échelle d'un bassin versant et diriger l'évaluation des résultats de ces opérations ; une DDT ne peut pas à la fois conseiller une collectivité territoriale (être ainsi partie prenante d'une action locale) et servir de médiateur en cas de conflit entre celle-ci et une autre institution. Sous ces réserves l'État doit pouvoir : (A) : Fournir des conseils aux petites collectivités territoriales, notamment en matière d'organisation des actions, de gouvernance et de pilotage, de financement et de choix d'expertises techniques. Pour cela les DDT doivent rester au contact des territoires « habités » et faire appel aux compétences régionales ( DREAL, DRAAF, agences de l'eau, ONEMA...) (A) : Contribuer, avec les départements et les régions, aux schémas et programmes liés à la qualité de l'eau (SDAGE, etc.), en acceptant que cela ait lieu sous forme de « gouvernance concertée » même lorsqu'il est en position de maître d'ouvrage. (B) : Contribuer, avec les autres parties prenantes, à la supervision des processus tels que : recueil et partage des connaissances, prise en compte des risques, hiérarchisation des objectifs, création de dispositifs infra-nationaux d'évaluation. (B) : Tenir un discours cohérent sur les politiques publiques qu'il porte, même s'il doit souligner les difficultés pour rendre compatibles des objectifs qui peuvent être concurrents. Cela suppose des cadres qualifiés en matière d'aménagement et de développement durable des territoires, en d'autres termes en « intelligence des territoires ». (B) : Pouvoir, uniquement sur demandes des parties prenantes, intervenir comme médiateur ­ dans la mesure où cela n'interfère pas avec ses rôles de maître d'ouvrage, de police et de garant. (C) : Inciter les parties prenantes à mettre en route un système de diagnostic et d'évaluation (embryonnaires à présent) et, si besoin est, fournir une aide méthodologique. (C) : Etudier les moyens d'améliorer la cohérence, la pertinence et la performance du système de sanctions. Ceci peut demander une étude approfondie par des experts de l'Etat et extérieurs à l'Etat. Un certain nombre de ces recommandations ont un caractère opérationnel qu'il convient de décliner et d'utiliser comme base d'un travail collaboratif au niveau national puis de chaque département autour des questions suivantes : · la nature du pilotage sur chaque site : quel est le maître d'ouvrage responsabilisé sur les questions DCE liés à l'agriculture, quel est le rôle des différentes parties prenantes et comment peuvent -elles s'engager très concrètement dans les évolutions à conduire ? · La nature des outils de diagnostic, d'incitation puis d'évaluation utilisés relativement aux objectifs poursuivis ? · Le suivi et la diffusion partagées des données relatives à la qualité de l'eau et aux résultats obtenus · L'appui adapté de l'État au maître d'ouvrage et au processus engagé, aux différentes étapes, de la mise en place de la gouvernance jusqu'au cadrage de la méthode d'évaluation globale C'est tout un dispositif cohérent qui doit être repensé pour favoriser l'émergence d'objectifs partagés dans un projet de territoire commun, et qui réponde aux différents enjeux de développement durable au titre desquels la préservation de la ressource en eau, portée par la DCE, est primordiale. Les agriculteurs sont au coeur de ce « contrat social » passé sur les territoires à enjeu où ils sont directement concernés. Ce contrat doit s'élaborer en les impliquant complètement dès l'amont du processus, par une gouvernance ouverte aux autres acteurs, l'État, les collectivités territoriales et la société civile. 46 · Fratl'tniti RÉPUBLIQUE FRANÇAISE ANNEXES Annexe 1 : lettre de mission MINISTERE DE L'ECOLOGIE, DE L'ENERGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE ET DE LA MER Direction générale de l'aménagement, du logement et de la nature La directrice de l'eau et de la biodiversité Direction générale de la prévention des risques Le directeur général La Grande arche 92055 - La Défense Cedex MINISTERE DE L'ALIMENTATION, DE L'AGRICULTURE ET DE LA PECHE Direction générale des politiques agricole, agroalimentaire et des territoires Le directeur général 3, Rue Barbet de Jouy 75007 PARIS A Monsieur Jacques BRULHET Vice-président du Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux 251, rue de Vaugirard 75732 - PARIS Cédex 15 Monsieur Claude MARllNAND Vice-président du Conseil général de l'environnement et du développement durable Tour Pascal B 92055 LA DEFENSE Cédex Paris, le 1 0 MAI 2010 De nombreuses mesures réglementaires et économiques ont été arrêtées aux niveaux communautaire et national, visant à réduire l'impact des pollutions agricoles sur la ressource en eau eL~.Br~_~_êEyer~biodiver~i}é.------"-----"--""---------- " Au niveau des territoires, ce sont donc plusieurs démarches qui se superposent à des échelles différentes. généralement dans le cadre de bassins versants. A titre d'exemple, la protection des captages contre les pollutions d'origine agricole est mise en oeuvre par de nombreuses mesures: les prescriptions liées au code de la santé publique qui instaure les périmètres de protection, l'application des programmes d'action nitrate, les démarches d'animation agricole soutenues par les chambres d'agricultures et les agences de l'eau, les plans d'action portés par les collectivités locales ... Il s'avère donc utile d'étudier comment ces différentes mesures sont mises en oeuvre à 11ntéri~Jd! d'un territoire QerttneiJreten-partiêulier d'analyser Îes-Jeüxd'ciCteursqUi y sonfÎÏés afin d'i?entifier les difficultés et les q~~P9siti!?~~_!.lJle~.Q~.!~m~9ieL --._---' Le cadrage technique de ceUe étude est précisé en annexe. Elle reposera notamment sur l'étude approfondie de six territoires locaux prioritaires, d'une échelle adaptée pour analyser les jeux d'acteurs. "---.".-"--- - . Les résultats de cette étude devront conclure sur des recommandations pour améliorer la conduite des pOlitiques publiques dans ce domaine. 47 48 Annexe : Précisions sur le contexte et l'organisation de la mission « Mesures agricoles et atteinte des objectifs DCE au niveau des territoires à enjeux » Contexte de l'étude La mise en oeuvre de la Directive Cadre sur l'Eau (DCE) a conduit à élaborer dans chaque grand bassin hydrographique un schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) et un programme de mesures comportant à la fois des actions de nature réglementaire et des actions incitatives par le biais de mesures économiques. Ce programme de mesures est intégré aux projets stratégiques des missions inter-services de l'eau. Le SDAGE est quant à lui décliné dans certains sous-bassins dans le cadre de schéma d'aménagement et de gestion des eaux (SAGE). L'objectif de toutes ces actions est d'atteindre le bon état des masses d'eau à l'horizon 2015, tant du point de vue qualitatif que quantitatif. Dans ce cadre, la prise en compte des activités agricoles et la limitation de leurs impacts sont essentielles : réduction des pressions quantitatives sur la ressource liées aux prélèvements pour l'irrigation, diminution des pollutions diffuses, ... A l'échelle locale, de nombreuses initiatives sont mises en oeuvre pour répondre à ces enjeux, dans une approche globale (contrats de bassins versants, contrats territoriaux...) associant tous les acteurs impliqués : services de l'État, gestionnaires de l'eau, profession agricole, associations environnementales, collectivités... L'objectif de l'étude est d'analyser, sur des territoires pertinents, l'adéquation entre les mesures agricoles retenues et les objectifs fixés (obligations de résultats et non plus de moyens), ainsi que les conditions de leur mise en oeuvre par l'ensemble des acteurs, afin de conclure sur des recommandations d'amélioration. Organisation de l'étude Compte tenu de la thématique retenue, à l'interface entre les politiques agricole et gestion de la ressource en eau, cette mission sera menée conjointement par le CGEDD et le CGAAER. La mission se décompose en cinq étapes qui se dérouleront selon le calendrier prévisionnel suivant : Études préalables et définition de la méthodologie Choix des terrains d'étude Étude des cas Synthèse des recommandations Diffusion 2 mois (mai-juin) 1 mois (juillet) 3 mois (juillet-novembre) 2 mois (décembre-janvier) 1 mois (février) Un comité de suivi est mis en place afin de valider chaque grande étape de l'étude. En dehors des ingénieurs généraux chargés de la mission, il est composé de représentants de la DGPAAT, de la DEB et de la DGAL en tant que de besoin. 49 Étape 1 : étude préalable et définition de la méthodologie Avant de commencer l'étude proprement dite, il est essentiel que le CGAAER et le CGEDD réalisent les travaux préalables suivants. Ils devront dans un premier temps recenser : - l'ensemble des mesures visant à réduire l'impact des pratiques agricoles sur la ressource en eau. La lettre du DGPAAT aux Préfets de région du 21 décembre 2009 sur le rôle des DRAAF et des DAF en matière de politique de l'eau et le projet de guide méthodologique DEB-DGPAAT pour la mise en oeuvre de plans d'actions agricoles sur les aires d'alimentation de captages peuvent apporter certains éléments de réponse. Les programmes d'aides des agences de l'eau, de l'ONEMA seront analysés. - les rapports de mission et autres documents (du CEMAGREF, de l'INRA, du CASDAR, ...) abordant cette thématique afin de valoriser les conclusions déjà apportées. Au vu de ces éléments, le CGAAER et le CGEDD établiront la liste des principales problématiques à aborder avec les acteurs à rencontrer et préciseront ainsi la méthodologie mise en place pour répondre aux objectifs de l'étude. A l'issue de cette phase sont attendus : - une synthèse présentant le récapitulatif des études réalisées ainsi que les mesures recensées (situation actuelle, résultats déjà connus...) ; - une note précisant les points à approfondir compte tenu de cette synthèse ; - le guide d'entretien type qui sera utilisé pour les études de cas. Étape 2 : choix des terrains d'étude A partir des éventuelles suggestions faites par le Comité de suivi, le CGAAER et le CGEDD identifieront des terrains d'étude intéressants pour l'étude. Des premiers contacts avec les services de l'état seront pris pour évaluer la faisabilité de l'étude (avancement de la démarche et résultats obtenus, contexte local, ...) et vérifier que le bassin pressenti n'a pas déjà fait l'objet d'une étude similaire et que les services concernés ne viennent pas de faire l'objet d'inspections ou d'audits. Le choix se fera de manière à retenir, dans la mesure du possible, un cas par territoire d'agence de l'eau. A l'issue de cette phase sont attendus : - une note présentant les terrains d'étude et les problématiques rencontrées ; - la liste des interlocuteurs identifiés pour chaque bassin ; - le guide d'entretien adapté à chaque cas. Étape 3 : étude des cas Des équipes mixtes (CGAAER et CGEDD) réaliseront les entretiens et rédigeront les comptesrendus en identifiant les problèmes rencontrés et les pistes d'amélioration possibles. A l'issue de cette phase sont attendus : - une note résumant le déroulé des études et des entretiens réalisés ; - l'ensemble des comptes-rendus d'entretien. 50 Étape 4 : synthèse A partir des comptes-rendus d'entretien, le CGAAER et le CGEDD rédigeront un rapport de synthèse, qui s'appuiera en partie sur les notes précédemment établies. Un projet de quatre pages à destination des acteurs locaux et un projet de présentation à destination des services de l'État seront réalisés afin de préparer la diffusion des résultats dans les départements. A l'issue de cette phase sont attendus : - le projet rapport de synthèse ; - un projet de plaquette de communication ; - un projet de présentation. Étape 5 : diffusion Le CGAAER et le CGEDD se chargeront d'apporter les dernières corrections au rapport de synthèse, qui a vocation à être diffusé sur les sites intranet des deux ministères. Un retour sera effectué en direction des personnes et organismes enquêtés pendant l'étude. Une réunion élargie par grand bassin sera organisée sous l'autorité du Préfet coordonnateur de Bassin afin de présenter les résultats de la mission et d'engager des échanges. La plaquette de communication sera mise en ligne sur les sites internet des ministères. Des exemplaires papiers pourraient être distribués dans les services déconcentrés, et largement diffusées à l'initiative des administrations centrales des deux ministères. A l'issue de cette phase sont attendus : - les documents sous leur forme définitive (rapport, présentation et plaquette de communication) ; - les procès verbaux des échanges qui auront eu lieu lors des réunions inter-régionales. 51 Annexe 2 : note de problématique (extraits) - Le champ de l'étude 1. L'objectif de la directive communautaire « eau » (DCE) : La DCE vise le « bon état écologique des masses d'eau », ce qui est compris le plus souvent comme une reconquête de la qualité des eaux (pollutions...) alors que le volet quantitatif lui est pourtant intimement lié. Les prélèvements pour l'alimentation en eau potable, les besoins industriels ou l'irrigation... réduisent les débits et augmentent les concentrations de polluants ; les deux aspects seront donc étudiés ici. a) Les aspects qualitatifs à prendre en compte porteront sur les effets suivants : - La pollution des eaux de surface, des nappes phréatiques et des milieux naturels, dont les objectifs de « bon état » se définissent à l'aune de l'équilibre ou des déséquilibres33 constatés dans ces mêmes milieux naturels ; - La pollution des champs d'alimentation de sources d'eau minérale destinée à être embouteillée et des captages d'eau potable destinée à être distribuée en réseau, leurs objectifs de protection étant stricts et définis par des normes de potabilité en vue de la consommation humaine ; - Les conséquences des pollutions de milieux naturels pour des activités économiques liées à ces mêmes milieux naturels : conchyliculture, pêche, tourisme (eaux de baignade), entrent dans le champ de la présente étude : · Les pollutions par les produits phytosanitaires et biocides agricoles, issues d'apports excédentaires lors des traitements appliqués aux plantes et aux animaux d'élevage ; · Les pollutions par les nitrates provenant des excédents de fertilisation azotée des cultures et des prairies ; cette fertilisation provient soit des épandage des effluents d'élevage soit d'un excédent de fertilisation minérale eu égard aux rendements obtenus (exportations réelles), les deux aspects étant souvent liés du fait d'apports conjoints sur une même parcelle de fertilisants organique et minéraux ; b) les aspects quantitatifs qui seront abordés sont identifiés à la fois par les conflits d'accès à la ressource (irrigation/eau potable/besoin des milieux naturels) et par les conséquences indirectes liées à l'usage des territoires non urbanisés, permettant la protection des champs captant, des retenues d'eau ...Les perspectives d'évolution climatique accentuent la dépendance prévisible entre eau et agriculture. La place des activités agricoles Les stratégies économiques des filières agricoles, de la formation jusqu'à la transformation, restent marquées par la recherche maximale de productivité depuis le milieu du XXe siècle, poussant à l'intensification des pratiques : par exemple, le développement de l'irrigation ces dernières décennies n'est pas le fait d'une modification climatique ou d'une météorologie estivale moins favorable aux cultures, il provient de la modification profonde des assolements (la culture du maïs a vu sa limite septentrionale remonter jusqu'au nord de l'Europe dans les années 1960/1980) et d'une standardisation très élevée des itinéraires techniques34. Il convient également aujourd'hui de façon plus aiguë, d'assurer la garantie économique de rendements réguliers. De même, les traitements phytosanitaires, au-delà de la réponse ponctuelle à une situation de menace pour une culture, constituent souvent une assurance de ne pas être « débordé » par une infestation remettant en cause le rendement final. Sans nier la place des usages non agricoles de la ressource en eau (usages industriels ou hydroélectricité) et le soutien d'étiage qui peut leur être associé, l'impact des activités agricoles est particulièrement important car il s'exerce sur de vastes territoires et qu'il relève le plus souvent d'incidences « diffuses » (pollutions ni ponctuelles ni accidentelles) ou de prélèvements de volumes individuels « modestes » (unitairement mais considérables collectivement parlant35) ; cet impact est encadré par des mesures réglementaires et administratives qui visent des acteurs économiques de petite taille mais forts nombreux. Les politiques et les mesures retenues (réglementaires et incitatives) associant tous les acteurs 33 Par des symptômes comme des proliférations (algues) et l'eutrophisation des milieux clos 34 Réduisant l'agronomie qui conduirait à raisonner les techniques à appliquer en fonction des caractéristiques du milieu (climat/sol/facteurs de production) 35 Sans oublier l'impact saisonnier de ces prélèvements concentrés en période d'étiages 52 Deux leviers sont utilisés pour conduire des politiques de reconquête de la qualité des masses d'eau, planifiées dans le cade des schémas d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE et SAGE) : L'un de nature réglementaire et administrative : normes de prévention des pollutions, avec les plans d'épandage des installations classées pour l'environnement (ICPE), les 4e programmes d'action nitrates ­ mais non assorties d'obligation de résultats 36- ; autorisations administratives : mise en marché de molécules phytosanitaires, prélèvements dans le milieu naturel ... ; redevances : élevages, phytosanitaires · L'autre de nature économique et contractuelle, avec des aides pour la maîtrise des pollutions agricoles (PMPOA), des mesures agro-environnementales (MAE...), etc. Tandis que la DCE est fondée sur des objectifs de résultat, les différents leviers utilisés sont de l'ordre de l'obligation de moyen et l'efficacité de leur mise en oeuvre mérite d'être observée sur différents sites (conflits locaux, contentieux UE... ou à l'inverse partenariats réussis). A titre d'illustration, on peut observer la difficile acceptation des réglementations et contrôles sur les pollutions diffuses, alors que dans d'autres secteurs, comme le bien-être animal, elles sont mieux acceptées. Pourquoi ? Souvent, la combinaison des deux leviers réglementaire et contractuel n'a pas l'efficacité attendue, le volontariat n'ayant pas prise sur la réalité avec l'ampleur nécessaire et les mesures obligatoires se heurtant au caractère individuel des exploitations agricoles et leurs priorités économiques. Les acteurs sont alors plus enclins à s'opposer qu'à faire alliance. C'est pourquoi il est intéressant de se pencher, à partir de situations locales à fort enjeu, sur le jeu des acteurs. Les jeux d'acteurs qui y sont liés En matière de gestion d'une ressource naturelle que l'on peut considérer comme un patrimoine commun d'une société humaine, les questions qui se posent relèvent du domaine du comportement individuel et familial (information, sensibilisation et motivation37), du domaine culturel et religieux (les représentations, les valeurs), du domaine économique (de l'entreprise individuelle mais aussi des filières et des branches d'activités), des comportements de groupes (socio-professionnels), et des stratégies et des postures de différents groupes au sein de la société (professionnels, élus, ONG, consommateurs... leur dialogue ou leurs affrontements,etc). Sur un territoire donné, la façon dont les acteurs s'approprient ce patrimoine commun et trouvent ensemble les justes compromis pour en assurer la préservation est déterminant pour sa réussite. Les acteurs à rencontrer ne sont donc pas seulement ceux qui sont le plus directement interpellés : à coté des agriculteurs, des pouvoirs publics et des gestionnaires de l'eau, la société civile, dans ses multiples composantes, s'exprime aussi de différentes manières. Dans une recherche de voies nouvelles pour débloquer une situation figée, il est donc indispensable d'élargir l'éventail des personnes à rencontrer. La portée d'une telle étude Étudier des jeux d'acteurs ne conduit pas à s'intéresser d'abord au contenu et à la pertinence des mesures en place, ni à leur comparaison ou à une mesure de leur efficacité. Nous ne devons pas oublier ces questions, mais nous nous concentrons sur la réalité des conduites des divers acteurs, à la méthode suivie pour élaborer des mesures et les mettre en oeuvre dans le cadre d'application de la DCE. Identifier « ce qui fait que cela marche » ou « ce qui fait que cela ne marche pas » demande d'observer et d'analyser sur le terrain des situations précises, des difficultés, des tentatives, des formes de dialogue expérimentées (quel que soit leur succès), pour déceler toute piste d'amélioration possible. Cette étude se situe dans un calendrier en anticipation d'échéances qui pourraient être déterminantes, tant au niveau des leviers potentiels (révision de la PAC en 2013) que des comptes à rendre sur le degré d'atteinte des objectifs 2015 que la France s'est fixée en application de la DCE. Ses conclusions peuvent donc contribuer à éclairer la décision publique dans ce domaine. · 36 Ce qui renvoie aux objectifs, à la pertinence et à la qualité des contrôles (éco conditionnalité, ICPE, MAE...) 37 L'acceptation des contrôles par exemple... 53 Annexe 3 : Équipes d'enquête et calendrier Bassin Périmètres d'étude Artois Picardie Marque et Deule Seine Normandie Ru du Roy semaine d'enquête février-mars 2011 21 au 25 mars 2011 Loire Bretagne(1) Loc'h et Sal 6 au 10 décembre 2010 Loire Bretagne(2) La Coise 17 au 21 janvier 2011 Rhône La Veyle 31 janvier au 4 Méditerranée février Adour Garonne Adour Amont 31 janvier au 4 février membres CGAAER D Valensuela M Ménéroud P Dédinger M Ménéroud P Hurand ML Madignier ML Madignier G Benoit J Condé Y Marchal JL Besème P Hurand du membres du CGEDD P. Quévremont G Barrey A Féménias M Juffé P Marchandise A Féménias G Barrey E Tschitschmann B Lebental P Quévremont JA Bedel Les noms des coordonnateurs pour le territoire sont soulignés 54 Annexe 4 : Les acteurs clefs et les jeux d'acteurs dans les six territoires La situation diffère considérablement d'un bassin à l'autre. Les systèmes de production vont donc des grandes cultures à la polyculture élevage et de l'élevage intensif à l'agriculture péri-urbaine. Certaines filières sont très bien organisées (ex du maïs). Certains territoires mettent à profit les nouvelles demandes des marchés et leur positionnement géographique pour s'engager dans des circuits courts avec ou sans agriculture biologique. · Le bassin versant des Rus du Roy (Val d'Oise) est un petit territoire de grandes exploitations céréalières. Il comprend 1.000 ha de SAU pour 22 exploitations. L'enjeu majeur au titre de la DCE est la qualité physico-chimique : pollution par les produits phytosanitaires, présence de nitrates et bactériologie accidentelle pouvant devenir préoccupantes par moments. Malgré sa petite taille, ce bassin comporte 3 captages prioritaires Grenelle et 45 % de parcelles à risque de pollution élevé. La chambre d'agriculture et le parc naturel régional du Vexin au sein duquel la chambre exerce une influence certaine, sont les acteurs institutionnels locaux les plus directement impliqués. La chambre prône des MAEt (mesures agri-environnementales territorialisées) « allégées », en contradiction cependant avec les positions de l'Agence et avec le PDRH. Elle conteste les études réalisées par le passé et a conduit sa propre étude. L'Agence, qui conteste le manque de transparence et de méthodologie diffusée, refuse de solder ses financements. La signature du contrat de bassin s'en trouve bloquée. Les agriculteurs du territoire ne sont représentés au sein du Comité de pilotage constitué au niveau du PNR qu'à travers la chambre. L'État sur ce périmètre ne parle pas d'une seule voix : le préfet et la DRIAAF se retrouvent plutôt sur la ligne de défenseur de l'activité économique en opposition aux autres services de l'État (Agence, DRIEE) et grandes collectivités territoriales (Conseils régional et général). · Le bassin versant de la Coise (Loire et Rhône), affluent de la Loire, couvre 340 km² à cheval sur deux départements (Loire et Rhône) définissant deux petites régions agricoles (monts du Lyonnais et plaine du Forez), à proximité de deux grandes villes (Lyon, St-Etienne) ; 800 agriculteurs y exploitent 20.000 ha de SAU pour l'élevage bovin laitier et à viande. Ce territoire dynamique connaît une agriculture intensive avec de nombreuses petites exploitations à structure familiale. La présence de nitrates dans les eaux potables est importante mais stabilisée dans des limites acceptables et sa réduction n'est pas un objectif affiché au titre de la DCE, si ce n'est sur un captage prioritaire Grenelle. L'assainissement individuel est aussi à l'origine de pollutions difficiles à évaluer. Le risque principal reconnu est celui de la présence de produits phytosanitaires (herbicides du maïs et des céréales principalement). Dans la partie aval (Saint-Galmier et sa petite région), les activités non agricoles et l'urbanisation se développent sous l'influence de Saint Étienne, avec des conséquences sur l'artificialisation des sols et les inondations en aval du cours d'eau. Toutes les communes du périmètre sont regroupées au sein du syndicat intercommunal porteur du contrat de rivière : le « SIMA Coise ». Les autres acteurs institutionnels locaux importants sont les 2 chambres d'agriculture du Rhône et de la Loire. L'agence a refusé un projet de MAEt porté par les chambres et a conditionné le financement de la 2ème phase du contrat de rivière à la prise en compte par le SIMA Coise des pollutions agricoles. Les agriculteurs ne sont représentés dans les instances du SIMA que par leurs responsables syndicaux et consulaires de niveau départemental, lesquels ne disposent au total que de 5 voix sur 75. Le SIMA Coise a embauché un technicien agricole et confié la réalisation des diagnostics d'exploitation à un bureau d'étude externe, alors que le contrat de rivière soulignait que ces diagnostics pourraient être réalisés par les chambres. Il en a résulté un conflit lourd et durable entre les techniciens des Chambres et du SIMA Coise. La DDT est appréciée pour son appui aux syndicats d'eau potable gestionnaires des « captages Grenelle ». Le Conseil régional appuie le développement de l'agriculture biologique et soutient des actions en faveur d'une plus grande « autonomisation » des exploitations. Les Conseils généraux sont actifs dans le rassemblement des données sur l'eau ou encore dans la protection des terres agricoles. 55 · Les deux petits bassins versants côtiers du Loc'h et du Sal (Morbihan) couvrent 345 km2 et se jettent dans le golfe du Morbihan ; 40.000 habitants y vivent dans 18 communes. L'agriculture occupe une SAU d'environ 18.000 ha pour 400 exploitations principalement d'élevage (souvent hors sol), bovin, porcin ou de volaille. La conchyliculture est active dans les estuaires, par ailleurs très touristiques. La pollution par les nitrates est une question traitée avec les agriculteurs depuis longtemps et la situation s'est stabilisée à un niveau acceptable pour la potabilité de l'eau. Demeurent des problèmes bactériologiques qui menacent la production conchylicole, ainsi que des problèmes hydro morphologiques liés à la présence de retenues au fil de l'eau et au recalibrage des lits. Le « syndicat du Loc 'h et Sal » réunit l'ensemble des communes du périmètre et a une vocation d'ensemblier mobilisant d'autres acteurs. Cependant, les structures aux compétences voisines voire concurrentes de multiplient. La profession agricole et les élus ont une longue pratique commune de la lutte contre les pollutions de l'eau. Ils ont porté conjointement la génération précédente de programmes d'amélioration (PMPOA et FERTIMIEUX) qui ont joué un rôle important dans la reconquête de la qualité. La Bretagne a mis en place il y a 10 ans la mission interdépartementale régionale de l'eau (MIRE) qui fait le lien entre DRAAF, DREAL, ARS et Agence de l'eau, et la politique relative à la DCE s'élabore de plus en plus au niveau régional. · La Veyle (Ain) est un affluent en rive gauche de la Saône qui prend sa source dans la Dombes au niveau des étangs. Son bassin versant couvre 671 km2 . Sa population est de 54.000 habitants et la pression urbaine s'accentue à partir de Lyon, Mâcon et Bourg en Bresse. L'agriculture qui occupe 70% du territoire, est de type « polyculture élevage ». Le maïs, le blé et de l 'orge se sont étendus aux dépens de l'herbe. Le périmètre englobe les étangs de la Dombes, objet d'une production piscicole très ancienne conduite en rotation avec les cultures (les étangs sont régulièrement mis en assec). L'industrie agro-alimentaire occupe une place importante en aval, au confluent de la Veyle et de la Saône et dans l'agglomération de Bourg en Bresse. L'enjeu au titre de la DCE est la pollution par les produits phytosanitaires dont les producteurs sont tour à tour responsables (en tant qu'agriculteurs) et victimes (en tant qu'aquaculteurs). Les acteurs impliqués sont très nombreux et géographiquement différenciés tellement les 2 parties du bassin versant (Dombes en amont, Bresse en aval) sont différenciées. Les frictions sont importantes entre les administrations en charge des politiques environnementales et les organisations professionnelles agricoles. Sur la Dombes, les principaux acteurs sont le syndicat des exploitants d'étang, la chambre d'agriculture et l'ONCFS. Plusieurs instituts régionaux y conduisent des études peu partagées. A l'échelle plus globale du bassin, les acteurs agricoles importants sont la chambre d'agriculture (qui conteste les objectifs de qualité de l'eau), une coopérative agricole qui a initié sa propre démarche de type ECOPHYTO et un EPLEFPA qui développe ses propres pratiques éco-responsables. Les collectivités territoriales sont très motivées. Leur action s'exerce dans le cadre des outils de développement territoriaux mis en place par la région (CDDRA) dont deux concernent le bassin de la Veyle. Le syndicat de rivière « Veyle vivante » pourrait trouver avec l'élaboration d'un nouveau contrat de rivière l'occasion d'une rénovation. Un parc naturel régional de la Dombes est par ailleurs en projet. Dans un contexte institutionnel complexe et tendu, la DDT s'est fortement impliquée dans la mise en oeuvre de Natura 2000 ( l'État a assuré un rôle de maîtrise d'ouvrage faute de collectivité candidate avec une mise en oeuvre partagée entre l'ONCFS et la Chambre d'agriculture) et dans la déclinaison des actions du SDAGE. L'État demeure sollicité comme catalyseur pour porter un plan stratégique DCE pluriannuel. · Situés le long de l'axe Lille-Lens, les bassins versants de la Marque et de la Deûle (Nord, Pas de Calais) couvrent 1.120 km2. La Deûle est navigable, élargie au grand gabarit et La Marque est canalisée sur 15 km (canal de Roubaix). La population permanente du bassin est d'environ 1,5 million d'habitants, avec 105 communes dans le Nord et 55 dans le Pas de Calais. L'enjeu est la qualité de la ressource en eau potable. Les agriculteurs et la chambre d'agriculture agissent en lien avec la métropole lilloise et les collectivités territoriales. Les activités économiques divisent le bassin en deux ensembles situés dans le Nord et le Pas de Calais : - un secteur agricole au sud et à l'est du bassin, avec 217 exploitations agricoles orientées vers la culture légumière, le blé et les plantes sarclées. - un secteur très urbanisé, avec le bassin minier du Pas de Calais et Lille-métropole où l'agriculture péri-urbaine est encore très présente avec 11.800 ha de SAU. 56 Les acteurs institutionnels leaders sur le bassin sont les 2 communautés urbaines de Lille métropole (LMCU) et de Lens Lievin Carvin. La LMCU dispose de capacités d'intervention importantes et entend imposer sa stratégie aux autres acteurs. Elle gère les agriculteurs du sud de Lille en refusant de coopérer avec la chambre. Celle de Lens, Lievin, Carvin, profite de l'expérience acquise et affiche une volonté de partenariat fort avec la chambre d'agriculture du Nord Pas de Calais, laquelle, notamment depuis l'arrivée de son nouveau président, est proactive en matière de DCE. Elle a notamment mis en place un plan de réduction des phytosanitaires et encourage fortement la conversion à l'agriculture biologique. L'État bâtit une stratégie au niveau régional. Cependant il est absent au niveau des intercommunalités et ses services n'affichent pas les mêmes positions. Le conseil régional envisage de revoir sa politique de l'eau à condition cependant que les maires ou communautés de communes le saisissent. Le bassin de l'Adour Amont (Hautes Pyrénées, Gers) s'étend sur 2.469 km2, à cheval sur deux · départements situés l'un à l'amont, dans les Hautes-Pyrénées, peu contraint par la disponibilité de la ressource en eau et où plusieurs retenues d'eau significativement importantes sont déjà en place, et l'autre en aval, dans le Gers, avec des contraintes fortes et sans retenues importantes envisageables. Sa population permanente est d'environ 200.000 habitants sur 200 communes. L'agriculture occupe un peu moins de 60% du territoire, la foret et la montagne 40%. La forte présence du maïs (plus de 50% de la SAU) avec un fort recours à l'irrigation (60% de la surface) et l'association de la culture et de l'élevage permettent le maintien d'exploitations de tailles moyennes (50 ha) et d'emplois agricoles relativement nombreux (9% du total d'actifs). L'enjeu est avant tout quantitatif. L'État est fortement impliqué, avec des problèmes de cohérence entre ses services, aux côtés des agriculteurs, de leurs organisations professionnelles et des collectivités territoriales. Les associations, ONG de défense de l'environnement et de pêcheurs sont également mobilisées. Le bassin versant de l'Adour Amont se caractérise par un double conflit : conflit entre la sphère agricole et la sphère environnementale (sur les objectifs fixés de débits d'étiage et sur les moyens de les atteindre) et conflit entre l'amont (Hautes Pyrénées), qui dispose de l'eau, et l'aval (Gers) dépendant de l'amont.. Les principaux acteurs agricoles sont de très grandes coopératives qui permettent à la filière maïs, dominante, de fonctionner efficacement. Si les chambres et l'Etat ne sont pas moteurs d'une politique de reconversion, les coopératives, instituts techniques et l'INRA mènent des études et développent du conseil sur les possibilités de progrès (irrigation économe, reconversion à moyen terme). La profession agricole est cependant fortement divisée par le conflit amont/aval. Le manque de continuité et de convergence des positions des services de l'État tant au niveau régional (entre DRAAF et DREAL) que départemental ne facilite pas une vision partagée. Les préfets successifs peuvent en effet développer des messages contradictoires et les 2 DDT, bien qu'elles fassent davantage la synthèse entre contraintes et enjeux environnementaux et agricoles que les services régionaux, défendent d'abord les intérêts de leur propre département. Le discours prônant un partage équitable de la ressource porté au niveau du Bassin perd donc de la cohérence en descendant à des échelles plus locales. Dans ce contexte, les agriculteurs des Hautes Pyrénées, en position de force, ne cherchent pas à composer et tendent à opposer leurs connaissances de terrain aux compétences des techniciens considérées comme inutiles. Ceux du Gers, au contraire respectueux de « ceux qui savent », demandent leur appui dans le conflit avec l'amont. Quant aux collectivités territoriales, la mission ne les a pas entendu définir une véritable « politique de l'eau ». Dires d'acteurs L'approche choisie d'écouter les acteurs des territoires et la façon dont ils s'appropriaient les questions de mise en oeuvre de la DCE sur leur territoire a conduit à consigner tous les entretiens et dégager, par famille d'acteurs, les grandes lignes de leur discours. L'exercice est bien sûr simplificateur et il convient de distinguer des positionnements différents qui peuvent faire apparaître des leviers d'action. Les dires des agriculteurs, des coopératives et des chambres d'agriculture · Les enjeux Des enjeux DCE pas clairs, on ne sait pas ce qui est réglementaire, choisi ou imposé. Prise de conscience croissante chez les agriculteurs des problèmes d'eau, ainsi que de santé (produits phytosanitaires). 57 Les agriculteurs sont aussi victimes d'inondations, les aquaculteurs ou les ostréiculteurs de pollutions. Ils sont d'accord pour faire des efforts si les revenus sont maintenus. Les changements de pratique sont difficiles dans contexte d'augmentation continue des contraintes réglementaires alors que la conjoncture économique est tendue. Beaucoup se sentent pris en tenaille et supportent très mal d'être montrés du doigt. Ils se plaignent que les efforts et progrès réalisés ne sont pas reconnus par la société : enjeu de reconnaissance. · Les progrès réalisés et réalisables Les pratiques ont évolué considérablement (Loch et Sal ; Coise), ce que confirment d'autres acteurs. Ils indiquent une baisse de l'utilisation des engrais azotés. Les contraintes environnementales occasionnent un surcoût mais il existe aussi des innovations gagnant/gagnant possibles (MetD, Coise). Beaucoup portent de l'intérêt au bio et durable, à l'agronomie, aux circuits courts et à l'accroissement de l'autonomie des exploitations. Certains raisonnent traditionnellement « chiffres d'affaires » et« quotas à atteindre », d'autres « revenus » et cherchent la diversification de leurs débouchés. Les agents des coopératives peuvent avoir 2 discours selon leurs interlocuteurs. Manque de références techniques sur agriculture durable, faible investissement R§D et peu de présence de l'enseignement agricole. Recul du conseil technique indépendant, du typeCETA, GVA. Adour : impossible de satisfaire de tels objectifs de débit réduit avec des exploitations de 50 ha bien que des coopératives testent des variétés économes en eau et l'exploration de filières alternatives. L'évolution des prix, la PAC, la fin des quotas laitiers et les stratégies des IAA auront un impact plus ou moins lourd sur le développement d'une agriculture durable Chambres d'agriculture : Être pédagogue, accompagner l'évolution des agriculteurs dans un contexte difficile et un domaine qui n'est le centre de leur intérêt, cela prends du temps · Les diagnostics et objectifs territoriaux Objectifs DCE trop ambitieux (par rapport à d'autres pays UE), pas clairs ; ils vont au delà du raisonnable.. Hiérarchiser et retenir des coûts proportionnés aux enjeux Agences de l'eau et Collectivités noircissent la situation pour obliger les agriculteurs à faire toujours plus. Progrès non reconnus : « a t-on peur de dire que cela s'est amélioré pour justifier le maintien de pressions? » · Les diagnostics individuels Les chambres d'agriculture sont compétentes, pourquoi recourir à des bureaux d'études? Elles vivent mal la mise en concurrence imposée. Et pourtant une chambre régionale n'estime pas anormal de recourir à des bureaux d'études pour le diagnostic, si l' animation amont et aval est faite par la chambre, conformément à ses missions. Les agriculteurs qui ont suivi les diagnostics phytos estiment que ce sont de bons outils qui font réfléchir · Le suivi des progrès « On veut voir et mesurer les résultats de nos actions » « On manque d'informations partagées sur état de l'eau, d'indicateurs » · Les programmes de mesure et d'actions Les MAEt phyto sont trop exigeantes et sélectives. Elles constituent un « bon signal » en Coise ; au Ru du Roy elles sont refusées et contestées. Les opérations collectives (Ferti-Mieux) sont plus motivantes que les mesures individuelles. Les mesures proposées sont mal adaptées aux risques économiques liés aux changements de pratique ou de production . · La gouvernance territoriale Ils ne se sentent pas partie prenante dans les décisions car leurs représentants sont noyés dans des commissions syndicales où ils ne trouvent pas leur place. Confusion des rôles : techniciens des Collectivités embauchés pour animer et doubler ceux des chambres dans leur métier de base. Éparpillement des moyens, conflits lourds entre structures: c'est contre-productif. 58 · La responsabilité des agriculteurs Absence de preuves, faible confiance sur les diagnostics de la qualité de l'eau. Dombes: les agri-pisciculteurs accusent les autres de non transparence et demandent une étude de l' impact réel des phytos sur l'écosystème. · La responsabilité des autres acteurs Collectivités territoriales, dans leurs projets d'urbanisation (bétonnage, pollutions difffuses, inondations, perte du foncier agricole..) · Le rôle de l'État Cadre réglementaire peu lisible, complexe, qui empile sans fin les textes. Règles qui ne cessent d'évoluer sans laisser le temps de s'adapter. Politiques de l'État incohérentes entre elles (DCE et PAC, agences de l'eau entre elles). Messages donnés par différents représentants de l'Etat contradictoires. Les dires des collectivités territoriales · Sur l'eau et la DCE Les collectivités importantes ou directement concernées (pollutions) sont conscientes des enjeux de l'eau.. Elles souhaitent prendre les choses en main, avec le maintien de l'activité agricole. Les petites communes sont mal informées et considèrent le cadre réglementaire compliqué. · Sur les agriculteurs et leurs organisations Les collectivités accusent certaines Chambres d'agriculture de ne pas reconnaître suffisamment les problèmes et parfois de freiner leur résolution. Les avis sont différents selon le poids relatif de l'agriculture dans les Collectivités. Certaines considèrent que le monde agricole sait qu'il va devoir muter mais qu'il faut l'accompagner sinon cela ne se fera pas. Elles contestent la propension de certaines Chambres d'agriculture à vouloir garder un monopole dans la gestion des pollutions d'origine agricole. · Sur leur rôle de plate forme pour le diagnostic et l'action La communauté urbaine de Lille entend imposer sa vision et associe les agriculteurs dans la démarche, veut mettre en place une filière bio pour ses cantines. D'autres collectivités associent les Chambres d'Agriculture avec qui elles passent des conventions. SMLS souhaite un « projet de territoire » (éviter un exercice technocratique avec multiplication de réunions sans appropriation par les acteurs du territoire). SIMA Coise est « forcé » par l'Agence de l'eau à s'engager dans la lutte contre les pollutions diffuses. Préoccupé par un conflit avec CA, il ne sait pas trop comment en sortir. Un PNR dispose d'un observatoire de l'eau avec mutualisation conventionnelle des moyens d'observation de chaque acteur et permettant d'établir un diagnostic partagé qui éclaire les choix d'action et permet de suivre les progrès. Pour la Région RA : la caractérisation de l'état des eaux a valeur pédagogique : nécessité de former / associer les acteurs pour des objectifs partagés. Le volet agricole reste faible dans les contrats de rivière. · Sur l'État Les collectivités critiquent un État devenu « gendarme » : éloignement progressif du terrain, perte de technicité, insuffisance de conseil et d'appui aux CT, activisme sur l'eau peu favorable et inefficace, voltes face, absence de continuité, incapacité à tenir un discours homogène (Adour). Elles considèrent cependant que certaines DDT ont la compréhension locale des territoires et des agriculteurs et peuvent les aider (ex DDT de Loire). 59 Elles sollicitent fortement l'État dans des territoires ruraux pour aider à décliner les mesures des captages « Grenelle » par des personnes affectées, aider la médiation entre acteurs vis à vis des diagnostics et plans d'action partagés. Elles attendent parfois que l'État reprenne la main pour sortir d'un système d'acteurs bloqué alors que des enjeux lourds (santé publique, risque de contentieux) sont en cause. Les dires des autres acteurs Les bureaux d'étude Le diagnostic d'exploitation est un outil à généraliser. Associer les agriculteurs en amont (ex Charente). Réussir à faire fonctionner le triangle: Collectivité, Agriculteur et Chambre d'Agriculture, Bureau d'étude. - Les pêcheurs Reconnaissent les progrès réalisés sur la qualité dans plusieurs bassins versants. Problèmes clefs non encore traités: continuité écologique, hydromorphologie. Pas d'opposition de principe sur les retenues eau (Adour). - Les ONG environnementales Se plaignent de la réduction insuffisante des surfaces en maïs. Les diagnostics relèvent plus souvent de négociation politique que d'expertise. Demeurent sur la défensive (recours contentieux). Les dires des services de l'État · Sur l'engagement du monde agricole Sur le bassin du Loch et du Sal : Engagement salué (ONEMA, DDTM). Réussite grâce à des leaders politiques et agricoles qui ont mobilisé pour permettre une évolution des pratiques. Sur la Veyle : la révolution agricole encore à faire (à la différence des industries et des CT), la chambre d'agriculture demeure rétive. Pour les DDT : la réussite suppose l'adhésion des Chambres d'agriculture tout en garantissant la qualité des diagnostics. · Sur les pollutions diffuses En Rhône Alpes on constate des progrès plus lents que prévu malgré les efforts réalisés (RA: DDT, DREAL, DRAAF, ARS), ce qui peut être décourageant . Il convient de caler l'action sur des objectifs atteignables à court terme et pas seulement sur des objectifs de résultats. · Sur la taille des territoires Une ARS et des DDT soulignent la nécessité de garder la dimension de « territoires habités », celle où les acteurs locaux arrivent à se comprendre. Ils regrettent l'évolution vers des « territoires gérés » qui éloignent la décision. « Plus le bassin est grand, plus les lobby s'expriment ». · Sur les diagnostics et le suivi des progrès L'absence de monitoring est le principal point faible d'un contrat de rivière. Cependant, les techniciens du syndicat sont peu motivés sur cette action. Ailleurs, les discours d'experts sont discordants et parfois malhonnêtes : les lobbies industriels mènent le jeu alors que les scientifiques honnêtes sont certains d'un risque pour la santé. 60 · Sur les mesures et programmes d'action Saupoudrage inefficace. Nécessité de généraliser diagnostics et mesures, innover mesures systémiques. En Ile de France, les mesures à prendre sont objet de divergences fortes malgré les études. · Sur la manière de faire de l'État Pour une DREAL, le non respect des actes réglementaires et les dérogations accordées s'avèrent antipédagogiques. Des préfets sont très sévères : L'autoritarisme ne réglera rien et l'État travaille à l'envers. Il faut : évaluer les conséquences des mesures préconisées, trouver des solutions pour les acteurs concernés, négocier des compensations avec les organisations agricoles et ensuite seulement mettre des contraintes. 61 Annexe 5 : sigles et acronymes AELB AESN APCA ARS BV CA CETA CGAAER CGDD CGEDD CLE DCE DDPP DDT DEB DGALN DGPAAT DGPR DRIAAF DRAAF DREAL DTA DUP EPTB FDSEA GVA/GDA IAA IFT INRA IR LEMA MAAP MAEt MEDDTL MISE OLAE ONCFS ONEMA ONG OPA PAC PDRH PLU PMBE PMPOA PNR PPR SAGE SDAGE SAU SCOT SGAR SIMA SISPEA STEP UE ZAC ZSCE Agence de l'eau Loire-Bretagne Agence de l'eau Seine Normandie Assemblée permanente des Chambres d'agriculture Agence régionale de santé Bassin versant Chambre d'agriculture Centre d'études techniques agricoles Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux Commissariat général au développement durable Conseil général de l'environnement et du développement durable Commission locale de l'eau Directive cadre sur l'eau Direction départementale de la protection des populations Direction départementale des territoires Direction de l'eau et de la biodiversité Direction générale de l'aménagement, du logement et de la nature Direction générale des politiques Agricoles, alimentaires et des territoires Direction générale de la prévention et des risques Direction régionale de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt Direction régionale de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement Directive territoriale d'aménagement Déclaration d'utilité publique Établissement public territorial de bassin Fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles Groupement de vulgarisation agricole/de développement agricole Industrie agro-alimentaire Indicateur de fréquence de traitement Institut national de la recherche agronomique Impôt sur le revenu Loi sur l'eau et les milieux aquatiques Ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche Mesure agro-environnementale territoriale Ministère de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement Mission interservices de l'eau Opération locale agro-environnementale Office national de la chasse et de la faune sauvage Office national de l'eau et des milieux aquatiques Organisation non gouvernementale Organisations professionnelles agricoles Politique agricole commune Programme de développement rural hexagonal Plan local d'urbanisme Programme de modernisation des bâtiments d'élevage Programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole Parc naturel régional Plan de prévention des risques (naturels et/ou technologiques) Schéma d'aménagement et de gestion des eaux Schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux Surface agricole utile Shéma de cohérence territoriale Secrétariat général aux affaires régionales Syndicat mixte interdépartemental pour l'aménagement (de la Coise) Système d'information sur les services publics d'eau et d'assainissement Station d'épuration Union européenne Zone d'aménagement concerté Zone sous contrainte environnementale 62 Annexe 6 : personnes rencontrées Loch et du Sal (56) François Philizot, préfet Michèle Vallet et Benjamin Richard, DREAL Aude Witten et Claire Espalieu, SGAR/MIRE Jean-Louis Rivoal, Yvon Sion et Nathalie Lerat, AELB Jean-Jacques Labat et Frederic Onno, CG56 Bernard Simon, syndicat départemental de l'eau Christian Leclevec, fédération départementale de pêche Bernard Gousset , coopérative agricole CECAB M Mallegol, APPMA du pays d'Auray Romain Chauviere, Didier Maroy, Jean-Yves Kerdreux, Pierrick Audran, DDTM 56 Isabelle Marzin, DDPP 56 Didier Louis et Didier Corven, ARS M Gourrierec, Franck Guehennec, Etienne Ariaux et Mlle Maheo, chambre d'agriculture Camille Simon, SI d'aménagement du golfe du Morbihan Martin Guilland, GAB 56 M Milou, ONEMA Camille Rigaud, André Robbe, François Roche, eaux et rivières de Bretagne Loïc Leray, éleveur de porcs Gilles-marie Pelletan, Anne-sophie Mercier, Mlle Scavinner, CC du Loch et du SAL Yves Bleunven, Catherine Kermeneur, Xavier Blondel, SI du Loch et du Sal Sonia Gachelin, comité régional conchylicole Coise (42, 69) Cyrille Engrand, Pascal Ferrand, Serge Monnier et Jean-François Perrin, DDT 69 Paul Delorme, CG 69 M Challéat et Anne-Cécile Cotillon, SGAR M Vinatier, chambre régionale d'agriculture André Micoud, sociologue Jean-Marc Chastel et Julien Mestrallet, DREAL Gilles Pelurson, Ph Theodore et MC Simon, DRAAF Hubert Grayel et Didier Grivot, chambre d'agriculture 42 Mmes Gibert et Caschetta, DDPP 42 M Carteron et Bernard Rivoire, commune de Grammont Claude Giraud, laire Montrond et pdt syndicat des eaux Jean-Yves Charbonnier, Yves Piot et Justine Lagrevol, SIMACOISE Remi Demazoin et Eric Farré, chambre d'agriculture 69 Aloïs Klein et Michel Piot, agriculteurs Gérard Bazin, FDSEA, VP chambre d'agriculture 69 Guy Cizeron, JA Georges Vincent, syndicat des eaux de Chazelles Sabine Bessin et Pierre Gayet, fédération de pêche Bernard Gaubert, agriculteur bio M Gayet et Mme Lemaitre, ARDAB Guy Srançon, contrôle laitier et maire M Monrozies, bureau d'étude SCE MM Marailhac, Moja, Thoumy, Pelissier, Fechner Mmes Siegwart et Marcelin., DDT 42 Mmes Chabroux et Chetot, ARS M Dubois et Mme Arcos, CG 42 Philippe Aubert et Cathy Le Hec, sources badoit Mme Menjeaud et M Bayle, AELB 63 Veyle (01) M le préfet 01 Mme Roulin, lycée agricole M Brochart, ONEMA Maurice Benmergui, ONCFS MM Mougeot et Heroet, fédération départementale de pêche M Chantepy, Agence de l'eau RMC Philippe Théodore, DRAAF Jean-Marc Chastel et Julien Mestrallet, DREAL M Chabrolles, Conseil régional Dominique Colin, Conseil général 01 D Cretin, syndicat de rivière Veyle Vivante Jacky Garnier et Fabrizzion Ceccarelli, SCOT Dombes Val de saône Monique Duthu et Isabelle Gin, cne de Bourg en Bresse Christophe Greffet, communauté de commune du canton de Pont de Veyle Henri Bourgeois Costa, FRAPNA Gilbert Limandas, François Goetgheluck et Fabien Thomazet, FDSEA Jean-Luc Baudier, confédération paysanne M Jeanin, ADABIO M Paillet-Pigeon, syndicat des exploitants d'étangs G Limandas, chambre d'agriculture 01 François de la Perriere et Cécile Josserant, coopérative céréalière « terre d'alliance » GAEC de Stivan, EARL Deroche, GAEC des Chanelets M Daniot, Jacques Mingret et Jean Convert, association des amis des moulins Marque et Deule (59, 61) Jean-Michel BERARD préfet Olivier JAYET et Didier DE CUBBER, ASP Franck LEROY, Laurence BLONDEL, Florian BUSY, Mélanie LOTTE et Alain CACHEUX, LMCU Jean-Louis MAROUZET, ONEMA Françoise LIEBERT, Charles GRANGE, Bénédicte SCHMITZ, DDPP Xavier DELOMNIEZ et François VIOLETTE, coordination rurale Sarah STAUB, GABNOR Olivier Thibault, Sébastien LABRUNE et Loïc METERON, agence de l'eau Pierrick HUET, Didier ROUSSEL et Nicolas CAMBRONNE, DDTM 59 Hélène DEBERNARDI, DRAAF Marc RUSCART, FDSEA Bernard PRUVOT, J MONCHY et MC DESPREZ, chambre d'agriculture Nord Pas de Calais Michel Pascal, DREAL Bernard MATHON et Michel STOUMBOFF, DDTM 62 Odile CREPIN, FREDON Séverine GAUDRE et Franck ANSART, CAHC Fanny MILBRED et Jean-Michel FOUQUET, Conseil régional Rus du Roy (78, 95) Michel Bajard et Alain Clément Martinez, DDT95 Clothilde Herzog, Nathalie Therre, DDT78 Catherine Thouin, DRIEE Alban Robin, etYohann Morin, ARS Michel Aldebert, Juliette Faivre, Georges Fouilleux et Jean-Claude Vial, DRIAAF Jean-Marc Jumel, Line Fournel, Dorothée Evrard, CG95 64 Dominique Herpin-Poulenat, Ghislaine Lapchin de Poulpiquet, Jacques Lhermitte, Martine Pantic, élus locaux Rémy Cluset, Conseil régional Ile de France Caroline Vergnet et Sophie Duplay, agriculteurs bio Julien Sarazin, JA Denis Sargeret, FDSEA Laurence Sablier, Camille Ferrand, chambre d'agriculture Benoît Harranger, Alain Defresne, Vincent Barrois, agriculteurs grandes cultures Agnès Lanthier, Delphine Filipe, agence de l'eau Seine Normandie Christian Salomé, Mathieu Rouy, ONEMA Laurent Nunez, Jean-Marc Fau, Thomas Ancel, INRA Laurence Guichard et Etienne de Magnitot, les amis du Vexin Adour Amont (32, 65) Dominique BUR, préfet midi-pyrénée René BIDAL, préfet 65 Jean GLAVANY, pdt SEMADOUR Claude MIQUEU et M DUBERTRAND, Conseil général65 M LEBBE, agriculteur bio Bernard VERGEZ, Mlle PUYO, lycée agricole Bruno DELAS, ADIVA Noël ABAD, Fédération départementale de pêche M PLADEPOUSAUX, MSA M ABADIE, agence de l'eau Adour Garonne Michel SALLENAVE et Christian CHATRY, DRAAF MM CROCHERIE et FREGEFOND, DREAL Lucile GREMY, ONEMA Patrick PEBILLE, agriculteur André VILLEMUR , GEH Adour et Gave M DUPIN, DDT65 MM DE ROCHAMBEAU, LEENHART et REYNAUD, INRA MM PASCAL, DEUMIER et LACROIX, ARVALIS Eric BOUBEE, maire M MORA, SIAEP Adour coteaux Pierre COUDERC, EURALIS Mme CENCIC et M CHEDEVILLE, DDT JL CAZAUBON, C PUYO, C FOURCADE et L LASSERE, chambre d'agriculture Max ROUSSEL, Institution Adour Michel GEOFFRE et Olivier MARCAND, FNE MM ROUBICHOU et BARDEAU, BRGM 65 INVALIDE)

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