Approche du développement durable des territoires et de leur gouvernance : regards sur la territorialisation du "Grenelle" - Thème n° 3 de réflexion annuel du CGEDD.
HELIAS, Annick ;JOIGNY, Michèle
Auteur moral
France. Conseil général de l'environnement et du développement durable
Auteur secondaire
Résumé
Le rapport apporte un éclairage sur certains des aspects de la territorialisation du «Grenelle». Ils sont regroupés autour de trois axes qui sont au coeur de l'action du ministère chargé de l'écologie et de ses services: la déclinaison de nouveaux modes de gouvernance, le renforcement de l'intégration de l'environnement dans les politiques publiques et la mise en mouvement des services déconcentrés du ministère, en accompagnement de l'ensemble des acteurs du territoire. Sur ces aspects, il rend également compte des préoccupations des grands associations d'élus comme l'Assemblée des maires de France et l'Assemblée des départements de France. Au terme de cette réflexion exploratoire, il propose des pistes pour poursuivre les études engagées comme la conduite d'audits locaux sur «la gouvernance à cinq», l'appréciation du rôle des schémas de cohérence territoriale comme outils d'intégration des politiques publiques sur un territoire ou encore le développement de la pratique de l'évaluation globale.
Editeur
CGEDD
Descripteur Urbamet
politique de l'environnement
;développement durable
;gouvernance
;aménagement du territoire
;énergie
;transport ferroviaire
;logement
;logement social
Descripteur écoplanete
Thème
Administration publique
;Environnement - Paysage
;Economie
Texte intégral
n°- 006789-05
Janvier 2010
Thèmes de réflexion annuels du CGEDD : thème n°3
APPROCHE DU DÉVELOPPEMENT DURABLE DES TERRITOIRES ET DE LEUR GOUVERNANCE : REGARDS SUR LA TERRITORIALISATION DU "GRENELLE"
CONSEIL GÉNÉRAL DE L'ENVIRONNEMENT ET DU DEVELOPPEMENT DURABLE
Rapport n° : 006789-05
Thèmes de réflexion annuels du CGEDD : thème n°3
APPROCHE DU DÉVELOPPEMENT DURABLE DES TERRITOIRES ET DE LEUR GOUVERNANCE : REGARDS SUR LA TERRITORIALISATION DU "GRENELLE"
établi par Annick HELIAS Michèle JOIGNY Membres permanents du CGEDD
Sur la base de contributions et de débats internes
Janvier 2010
TABLE DES MATIÈRES
1.
INTRODUCTION................................................................................................................3
1.1. Les objectifs de la démarche....................................................................................3 1.2. La méthode de travail................................................................................................3 1.3. Les contributions et l'esprit dans lequel elles ont été réalisées............................4
2.
LA DÉCLINAISON DE NOUVEAUX MODES DE GOUVERNANCE.................................6
2.1. La promotion de la «gouvernance à 5» : quelle portée concrète au regard des
dispositions de la circulaire de mars 2009 ?.....................................................................7
2.2. La place des agendas 21 dans la gouvernance territoriale : vers l'agenda de
Grenelle ?...........................................................................................................................11
2.3. Le contrôle de légalité à l'ère de la « gouvernance à 5 » : un dispositif qui reste essentiel dans un État de droit........................................................................................16
3. LE RENFORCEMENT DE L'INTÉGRATION DE L'ENVIRONNEMENT DANS LES POLITIQUES PUBLIQUES......................................................................................................20
3.1. Le développement des énergies renouvelables : vers des modalités de
production d'énergie décentralisées ..............................................................................21
3.2. L'enjeu des transports ferroviaires : placer la qualité du service au centre des
projets d'infrastructures et des études ..........................................................................26
3.3. La lutte contre la précarité énergétique dans les logements sociaux : mobiliser
les financements européens en faveur de leur rénovation thermique .........................30
3.4. L'identification de la trame verte et bleue : vers la reconnaissance de l'enjeu de
la biodiversité dans le développement durable des territoires ? .................................34
3.5. La mise en oeuvre du plan « séisme Antilles » : pour le renforcement des leviers
d'action..............................................................................................................................37
4.
LA MISE EN MOUVEMENT DES SERVICES DU MEEDDM...........................................41
4.1. La prise en compte du Grenelle de l'environnement par les administrations centrales : en traduire les engagements dans les circulaires et le dialogue de gestion. ............................................................................................................................................42 4.2. La connaissance stratégique des territoires : un enjeu incontournable pour
réussir la territorialisation du Grenelle ...........................................................................45
4.3. Mutualiser les pratiques de l'évaluation environnementale : vers une synergie
des travaux des trois formations de l'autorité environnementale................................48
4.4. Les enjeux de la formation : nouveaux jeux d'acteurs, nouveaux parcours de professionnalisation.........................................................................................................52 4.5. La mobilisation du réseau scientifique et technique : un appui indispensable aux services.......................................................................................................................54
5.
QUELLES ATTENTES ET COLLABORATIONS SUR LES TERRITOIRES ?................57
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6.
QUELQUES PISTES POUR POURSUIVRE LA RÉFLEXION ENGAGÉE..................61
ANNEXES...........................................................................63 1. 2. 3.
LETTRE DE COMMANDE...........................................................................................64 CAHIER DES CHARGES............................................................................................65 LISTE DES CONTRIBUTEURS ET DES PERSONNES RENCONTRÉES.................68
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1. INTRODUCTION
1.1. Les objectifs de la démarche
La création du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD), par intégration du service d'Inspection générale de l'environnement et du Conseil général des ponts et chaussées a conduit à définir un projet pour ce nouveau conseil, précisant ses missions mais aussi ses ambitions pour contribuer à la bonne intégration du concept de développement durable dans les politiques et l'action publiques. Le CGEDD a ainsi affiché sa volonté de faire une plus large place, dans ses activités, à une «réflexion globale et transversale en amont des politiques publiques». Dans cet objectif, trois thèmes de réflexion ont été retenus pour l'année 2009. Ils portent sur :
- la production et la consommation d'énergie décentralisée et l'efficacité énergétique ; - les méthodes d'évaluation globale (socio-économique et environnementale) ; - l'approche développement durable des territoires et de leur gouvernance dans le cadre
de la territorialisation du «Grenelle de l'environnement». Comme le précise le texte d'orientation du CGEDD, il s'agit à partir des réflexions conduites sur ces différents thèmes de «faire comprendre les enjeux, approfondir les concepts, accroître la qualité de l'expertise, favoriser les démarches transversales et intégrées». Le présent rapport rend compte du travail réalisé au cours de l'année 2009 sur le troisième thème de réflexion sous la coordination de Annick HELIAS, membre permanent du CGEDD et Michèle JOIGNY, inspectrice générale de l'administration du développement durable, désignées à ce titre par lettre du Vice-président du CGEDD du 10 juin 2009 (annexe1).
1.2. La méthode de travail
La première étape du projet a consisté à rechercher la manière d'aborder un aussi vaste sujet. L'approche du développement durable des territoires et de leur gouvernance renvoie en effet à des problématiques multiples qui portent notamment sur la gouvernance institutionnelle et ses évolutions, la prospective territoriale et la mise en oeuvre concrète de l'«intelligence des territoires», la déclinaison des politiques publiques au niveau des territoires, les modalités de mise en oeuvre des politiques publiques et les relations entre l'État et les collectivités locales. La réflexion sur l'ensemble de ces problématiques ayant vocation à se prolonger sur plusieurs années, l'enjeu de la territorialisation du Grenelle a été retenu comme thème de réflexion pour 2009. La circulaire du 23 mars 2009, visant à mobiliser les services de l'État pour la mise en oeuvre des principes et priorités du Grenelle a ainsi servi de fil conducteur à la réflexion collégiale, avec deux axes de travail définis dans le cahier des charges (annexe 2) :
- le premier, interne au CGEDD dans l'ensemble de ses instances (sections, collèges et
MIGT), visait à l'appropriation par chacun de la démarche de territorialisation du Grenelle et s'est traduit par la production des contributions rassemblées dans le présent rapport ;
- le second correspond à un travail préparatoire à un ou plusieurs audits d'initiative
nationale permettant de voir comment les services se sont mis en marche pour promouvoir les engagements du Grenelle et analyser les premiers résultats obtenus. Pour assurer une large association des membres du CGEDD à ce travail et lui donner une dimension transversale, deux structures de projet ont été constituées, sous le pilotage des
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coordonnatrices de la démarche :
- une équipe projet composée de deux «territoriaux» coordonnateurs de MIGT et de
représentants désignés par les présidents de chacune des sections du CGEDD. Cette équipe, dont la composition figure en annexe, a été réunie mensuellement entre juin et décembre 2009. Son rôle a été d'assurer le lien entre la réflexion engagée et le travail des sections et collèges, de susciter des contributions thématiques de la part des membres du conseil et, enfin, d'assurer l'assemblage des contributions réunies dans le présent rapport ;
- un groupe plénier regroupant autour de l'équipe projet l'ensemble des contributeurs
volontaires, membres des sections ou des MIGT. Il a été réuni à 3 reprises. Les échanges au sein de ce groupe ont tout autant porté sur le fond des sujets traités dans les contributions, sur la forme finale à donner à cette réflexion collégiale que sur la portée de la démarche ainsi engagée au sein du CGEDD. En parallèle à cette démarche interne, les coordonnatrices ont rencontré un certain nombre de personnalités et d'organismes extérieurs à l'administration pour recueillir leur point de vue, connaître les actions qu'ils mettent en oeuvre pour la territorialisation du Grenelle ainsi que leurs attentes sur ce sujet envers les services de l'État. La liste des contributeurs et personnes rencontrées figure en annexe 3.
1.3. Les contributions et l'esprit dans lequel elles ont été réalisées
Nous noterons tout d'abord que cette démarche engagée autour de thèmes de réflexion annuels est nouvelle au sein du CGEDD. De par sa transversalité et son ambition de se situer à l'amont des politiques publiques, elle introduit une certaine rupture dans les méthodes de travail du conseil. Elle a par ce fait suscité questions et interrogations au sein de l'équipe projet et du groupe plénier. Interrogations sur la nature des productions attendues au terme de la démarche, sur le «public large» auquel est, selon le texte d'orientation du CGEDD, destiné le fruit de ces réflexions. L'ampleur du sujet traité en dépit de la volonté de recentrer la réflexion a également constitué une difficulté de la démarche : la circulaire du 23 mars 2009 portant sur la territorialisation de la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement vise cinq politiques publiques territoriales impactées par le Grenelle au travers de seize thématiques identifiées. Il ne pouvait être question en quelques mois de traiter l'ensemble des thématiques concernées. La méthode retenue de ce fait a consisté à lancer un appel à contributions thématiques en laissant très explicitement au libre choix des rédacteurs sollicités les sujets traités et la manière de les aborder. Le présent rapport, qui conclut cette première étape de réflexion, rassemble ces contributions sous la forme d'une «collection d'articles» regroupés autour de trois axes qui sont au coeur de l'action des services du MEEDDM dans la territorialisation de Grenelle :
- la déclinaison de nouveaux modes de gouvernance, - le renforcement de l'intégration de l'environnement dans les politiques publiques, - la mise en mouvement des services de MEEDDM, en accompagnement de l'ensemble
des acteurs des territoires. Le rapport rend compte également dans son chapitre 5 des préoccupations exprimées par des interlocuteurs externes rencontrés dans le cadre de la démarche, principalement par les grandes associations d'élus en tant que représentants des autorités publiques décentralisées. Les collectivités territoriales sont en effet les parties prenantes les plus concernées par la déclinaison des engagements du Grenelle dans les territoires.
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A partir des constats posés, des questions soulevées, des points de vues et suggestions des contributeurs, le chapitre 6 propose quelques pistes pour poursuivre la réflexion interne ainsi engagée. Il ne s'agit pas - et ce n'était pas l'ambition du projet - de réaliser une synthèse sur un sujet aussi complexe que la territorialisation du Grenelle. Un tel sujet, qui s'inscrit nécessairement dans la durée, exige avant toute évaluation crédible de prendre en compte le temps nécessaire à l'évolution des cultures et des pratiques. Puisse cette réflexion y avoir contribué...
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2. LA DÉCLINAISON DE NOUVEAUX MODES DE GOUVERNANCE
La promotion de la «gouvernance à 5» :
quelle portée concrète au regard des dispositions de la circulaire de mars 2009 ? Emmanuel REBEILLE-BORGELLA
La place des agendas 21 dans la gouvernance territoriale :
vers l'agenda de Grenelle ? Chantal MERCHADOU
Le contrôle de légalité à l'ère de la «gouvernance à 5» :
un dispositif qui reste essentiel dans un État de droit Mireille SCHMITT
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2.1. La promotion de la «gouvernance à 5» : quelle portée concrète au regard des dispositions de la circulaire de mars 2009 ?
Les questions relatives à la gouvernance sont au coeur de la territorialisation du Grenelle... Cependant, les textes qui dans ce cadre s'y rattachent, ne permettent pas vraiment de savoir quelle est la conception de la gouvernance qu'ils promeuvent : moyen, ou série de moyens, permettant aux autorités déconcentrées de l'État «d'impulser et favoriser la déclinaison du Grenelle de l'environnement par les acteurs locaux» ? Ou bien, plus largement, de promouvoir une nouvelle approche de la façon dont les politiques publiques environnementales doivent être traitées?
UN OBJECTIF GENERAL TRES AMBITIEUX
L'objectif général imparti aux préfets et aux services déconcentrés de l'État apparaît très vaste et ambitieux : il s'agit pour les services de l'État d'impliquer localement les acteurs politiques et socio-économiques, afin de «mettre la société en mouvement sur des orientations et des projets partagés, de mieux faire accepter les changements nécessaires, d'améliorer collectivement les projets, notamment sur le volet environnemental, dans un objectif de développement durable, de limiter les contentieux et les blocages». Une telle formulation soulève plusieurs questions :
- C'est l'ensemble de la société qui doit être mis en mouvement, ce qui suppose que
les pouvoirs publics (et pas seulement les services de l'État) exercent sur celle-ci une réelle et forte capacité de mobilisation et d'influence. Mais dans une société diversifiée, complexe, et souvent réticente aux initiatives et propositions venues «d'en haut» et présentées par des «autorités», est-il raisonnable de penser qu'on puisse aisément, par de nouveaux modes de gouvernance, mettre en mouvement la société? L'objectif général visé et annoncé, pris au pied de la lettre, est-il atteignable par les services déconcentrés de l'État?
- A côté de cette mise en mouvement de la société, le but plus particulier recherché
consiste à «faire accepter les changements nécessaires» et «limiter les contentieux et les blocages». L'implication active de la société peut sembler ainsi avoir des visées d'abord utilitaires : «faire passer» ce qui est considéré comme nécessaire et parfois déjà décidé, ou éviter des retards préjudiciables (contentieux, blocages). Cette approche ne risque t-elle pas d'être perçue comme trop instrumentalisante, et d'apparaître comme contradictoire avec ce que suppose une démocratie plus participative? Celle-ci implique d'admettre a priori une certaine incertitude et d'accepter une absence de maîtrise quant aux réactions des acteurs, à la conduite des actions et à leur réalisation finale par rapport aux schémas initiaux. Il serait intéressant de savoir comment les préfets et les services du MEEDDM ont présenté à leurs interlocuteurs et partenaires les objectifs attendus de cette nouvelle gouvernance et quelles ont été les réactions à l'éventuel affichage d'une approche aussi pragmatique. Sans se focaliser sur la formulation de cette partie de la circulaire, et en cherchant simplement à assurer une portée concrète aux objectifs ambitieux tels qu'ils ont été énoncés, il conviendrait de préciser aux services déconcentrés ce qui est attendu d'eux en pratique :
- mettre la société en mouvement ou, plus modestement, créer ou favoriser les conditions
pour que la société s'implique dans des débats importants ?
- intervenir directement auprès de la société qu'on veut mettre en mouvement ou
simplement s'organiser avec les partenaires de la «gouvernance à 5» pour élargir le champ habituel des débats et viser ainsi un effet de démultiplication sociale?
- rechercher à faire partager des projets et des changements jugés nécessaires (en
matière d'environnement) en limitant les obstacles, ou bien faciliter l'appropriation par la
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société de questions souvent complexes et mal connues et sa participation plus active dans les débats préparatoires aux décisions?
UNE GOUVERNANCE SPECIFIQUE AUX TERRITOIRES ?
Selon les instructions reçues, «dans les territoires, la gouvernance vise à renforcer les modes décisionnels basés sur la transparence, la participation, les partenariats, la gestion intégrée, la responsabilisation des acteurs». On peut noter qu'ici la gouvernance semble être considérée de façon plus restreinte, comme une série de moyens ou d'outils. Est-ce à dire que la gouvernance en dehors des territoires (au niveau national?) serait différente, et qu'elle poursuivrait d'autres objectifs? En ce cas, pourquoi une telle distinction dans la nature de la gouvernance selon ses niveaux d'exercice? Sinon, pourquoi spécifier «dans les territoires»? Ainsi précisée par des objectifs méthodologiques, la gouvernance porte des potentialités de changements majeurs dans les façons d'opérer de l'administration. Elle doit d'abord avoir des effets sur la décision («renforcer les modes décisionnels»). Il faut donc que les décideurs, préfets et élus, mais également les services de l'administration publique, acceptent en pratique que l'association de nombreuses parties prenantes influe sur le processus et le contenu des décisions finales, et que de même, le cas échéant, les autorités centrales, politiques ou administratives, acceptent que cette nouvelle gouvernance aboutisse localement à une situation différente de celle envisagée a priori. Est-il certain que tous soient aujourd'hui disposés, au delà des discours de principe, à admettre toutes les conséquences (par exemple sur la durée et le contenu des projets) de cette façon de préparer la décision publique? «Transparence, participation» : la mise en oeuvre effective de ces valeurs ou principes suppose de la part des acteurs, donc des DREAL et des DDT, une ouverture permanente, une explicitation constante des agissements, une implication des «partenaires» qui demeurent encore largement éloignées des pratiques administratives courantes. Enfin, il est aussi indiqué que la gouvernance vise à renforcer «la gestion intégrée». L'expression mériterait d'être précisée. S'agit-il de la gestion intégrée de projets ou programmes pour leur contenu (donc mettant en relation différents aspects ou dimensions techniques et politiques)? Ou bien s'agit-il d'impliquer les différents acteurs dans la gestion, une fois la décision prise (comme cela peut être compris dans la mesure où les termes de gestion intégrée s'inscrivent dans la suite d'autres touchant au partenariat, à la participation, la responsabilisation)? Si tel est le cas, ce serait aller encore plus loin dans la conception de la gouvernance, puisque celle-ci ne modifierait pas seulement la phase de la décision mais impacterait aussi la gestion, postérieurement à la décision1.
DES NOTIONS DE GOUVERNANCE ET DE «GOUVERNANCE A CINQ» A S'APPROPRIER
Même si l'emploi de ces termes se banalise, il n'est pas certain qu'ils soient bien ou identiquement compris par tous. A ce stade, on peut raisonnablement avancer que «dans les territoires», nombre d'acteurs, dans l'administration d'État, parmi les élus et leurs services, n'en ont pas encore une idée précise et continuent de s'interroger sur la portée effective de la «gouvernance à cinq» dans l'exercice de leurs responsabilités. Certes, on peut estimer que la territorialisation du Grenelle (actions à mener et instances à activer) permettra de cerner plus concrètement la notion de gouvernance (ou de cette nouvelle gouvernance). Mais la méthodologie esquissée n'en définit pas suffisamment le concept ou l'approche. A défaut d'une définition générale et synthétique qui permettrait à chacun de se comprendre, définition sans doute difficile à établir (faut-il pour cela passer par une nouvelle gouvernance philologique?), il conviendrait de préciser clairement quelles sont les finalités et les fonctions recherchées par ce mode de gouvernance (cf. supra) et d'établir
1
Cette expression est aujourd'hui principalement vulgarisée dans le cadre de la gestion intégrée des zones côtières (GIZC) : elle implique l'élaboration d'un plan d'action engageant l'ensemble des parties prenantes, ainsi qu'un dispositif de suivi-évaluation. Approche du développement durable des territoires et de leur gouvernance : Regards sur la territorialisation du "Grenelle" - Janvier 2010 8/72
les différents éléments intervenant dans la gouvernance et la gouvernance à cinq. A défaut, on ne peut exclure que, nonobstant les visées ambitieuses de la circulaire du 23 mars 2009, les services déconcentrés, compte tenu des multiples prescriptions et sollicitations dont ils font l'objet pour l'application des politiques publiques, préfèrent s'en tenir à une acception restreinte de la gouvernance, par simple souci de réalisme et d'ajustement des capacités, c'est à dire à la stricte application des procédures de décisions telles que juridiquement définies dans les textes qu'ils sont en charge d'appliquer ou de faire appliquer.
DES MODES D'INTERVENTION A REDEFINIR
La territorialisation s'appuie sur une comitologie renforcée La circulaire du 23 mars 2009 insiste sur le rôle que doivent jouer, dans la gouvernance renouvelée, des organismes existants ou à mettre en place au niveau régional : comité «Agendas 21», comité «Grenelle», comité économique, social et environnemental (CESE). Dans un souci de simplification et d'allègement des tâches, elle suggère de combiner les comités «Agendas 21» et «Grenelle». Cependant, quelle que soit la qualité du travail des comités «Agendas 21» au regard de la valorisation des questions de développement durable, et sans nier l'intérêt d'une comitologie revitalisée pour favoriser la démocratisation des débats, on peut se demander si l'élargissement de la gouvernance («à cinq») se limite au renforcement du nombre ou de la place de comités. L'efficience d'une gouvernance ainsi renouvelée paraît aussi impliquer de développer :
- La capacité à identifier les projets ou politiques qui justifient de la mise en place d'une
gouvernance élaborée, ou d'identifier les types plus ou moins développés de gouvernance qu'on estime opportun de suivre en fonction de la nature, des enjeux ou de la sensibilité attachée aux différents projets ou politiques.
- Une capacité de réflexion préalable au sujet des implications de ces modes de
gouvernance renouvelés sur la durée de gestation des opérations auxquelles celle-ci s'applique et une préparation sans doute plus longue des questions qui seront travaillées dans le cadre de cette gouvernance : délimitation précise du contenu même des débats (de façon à éviter des incompréhensions ou des frustrations des acteurs), processus à suivre au titre de cette gouvernance élargie, etc.
- Le recours effectif à des outils ou des pratiques cohérents avec les exigences prescrites
par la circulaire en matière de transparence, de participation, de partenariat, de responsabilisation (lesquelles peuvent conduire à accepter, le cas échéant, des formes de contestation ou de remise en cause).
- Enfin, le développement de postures nouvelles des agents et des services : souplesse,
capacité à laisser du «jeu», une certaine liberté, dans le déroulement des processus participatifs, et à admettre l'imprévu, voire le non souhaité. La «gouvernance à cinq» implique des changements de comportements des décideurs comme des parties prenantes. Certes, ces différents éléments, rapidement mentionnés ici, pouvaient difficilement figurer dans une circulaire déjà longue et orientée vers le contenu d'actions à mettre en oeuvre. Sous réserve d'analyses plus approfondies (par des spécialistes de la gouvernance élargie et du débat public) qui en confirmeraient la validité, on peut estimer qu'ils méritent qu'on y soit attentif afin que la gouvernance ne se limite pas à la gestion, somme toute classique, de comités de composition plus ou moins larges et de fonctionnement transparent (débats décisions). A cet égard, est-il réaliste de penser que tous les acteurs de la gouvernance sont disposés à adopter des comportements cohérents avec ce qu'implique (paraît impliquer) la gouvernance à plusieurs? Celle-ci n'associe plus seulement des acteurs aux attitudes mutuellement bien répertoriées ou acceptées, mais aussi les associations ou les syndicats, moins intégrables :
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certains préfets attachés ou pas à une certaine conception de l'autorité (l'État régalien), certains (grands) élus, attachés ou pas à une certaine conception des normes de la démocratie, certains grands techniciens, attachés ou pas à une certaine conception du savoir et de sa production, sont-ils prêts à assumer complètement les nouvelles règles, déstabilisantes pour eux d'une la gouvernance élargie? Le développement de la participation du public exige du temps et des moyens. La circulaire du 23 mars 2009 prescrit enfin de développer la participation du public et la «gouvernance à 5» pour la phase amont des enquêtes publiques. Même ainsi limitée, la participation du public, si on veut la concevoir activement, induit un travail important de la part des services de l'État, DREAL ou DDT notamment, mobilise des agents et demande du temps. Ces contraintes d'organisation et de gestion sont-elles prises en compte à leur juste mesure?
PROPOSITION POUR UNE POSSIBLE EVALUATION DES MODALITES DE MISE EN OEUVRE DE LA GOUVERNANCE
Le succès de nouveaux modes de gouvernance ne peut s'apprécier que dans la durée. Une évaluation doit sans doute porter à la fois sur les modalités d'exercice d'une gouvernance élargie et sur les résultats qu'elle a permis d'atteindre, pour autant que ceux-ci aient été conditionnés par cette gouvernance. A court terme, il serait sans doute utile :
- d'effectuer une première évaluation des conditions dans lesquelles les services mettent
en oeuvre la gouvernance selon la circulaire du 23 mars 2009 (voire les pré-requis leur permettant de le faire). Il pourrait-être intéressant à cet égard de commencer par analyser rapidement comment la territorialisation du Grenelle a été présentée, commentée, expliquée aux acteurs locaux, voire débattue avec eux quant à la façon de la mettre en oeuvre. Dans la mesure où l'on cherche à changer de registre en matière de gouvernance et de participation, cela semble devoir s'engager dès l'information et l'association en amont.
- d'analyser les premières réactions et réponses apportées, dans ce cadre, par les
partenaires locaux de l'État. A fortiori, quand il s'agira d'évaluer plus complètement les résultats de la «territorialisation du grenelle de l'environnement», et donc, en particulier, de la gouvernance améliorée, il faudra veiller à entendre ce qu'en disent toutes les parties prenantes, et pas seulement l'administration, au risque sinon d'être en contradiction avec les objectifs assignés à la nouvelle gouvernance. Emmanuel REBEILLE-BORGELLA, Section 1 Collège droits fondamentaux, services essentiels et cohésion sociale
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2.2. La place des agendas 21 dans la gouvernance territoriale : vers l'agenda de Grenelle ?
La mise en oeuvre de la société du développement durable pour faire face aux défis nationaux et internationaux implique un changement des politiques et des comportements. Ainsi, la loi dite Grenelle I précise-t-elle dans son article premier que «les politiques publiques doivent promouvoir un développement durable dont les acteurs politiques, socioéconomiques et associatifs ainsi que la société civile doivent s'approprier la démarche». Au niveau territorial, cette appropriation doit être favorisée par l'État qui «fera reposer sa politique sur des choix stratégiques spécifiques qui seront déclinés dans le cadre de mesures propres aux collectivités locales. Ces choix comporteront un cadre expérimental pour le développement durable au titre d'une gouvernance locale adaptée». Le Grenelle de l'environnement confirme donc l'approche d'une gouvernance «à la française», complémentaire de l'idée de gouvernement : elle confie à l'État le rôle de médiateur et d'animateur dans l'objectif d'une prise de décision négociée à 5 dans le cadre d'une revalorisation du rôle des acteurs économiques et associatifs. On assiste à une révolution méthodologique qui consiste à privilégier la décision issue de la négociation plutôt que la seule décision issue de l'Administration. Il s'agira donc, dans cet objectif, d'organiser les processus de cette gouvernance concertée pour la déclinaison de la stratégie de l'État. Telle est l'ambition de la circulaire du 23 mars 2009 sur la territorialisation de la mise en oeuvre du Grenelle précisant que les services déconcentrés de l'État devront organiser cette gouvernance pour impulser et accompagner les démarches de développement durable dans les projets des collectivités locales au moyen d'outils adaptés comme les agendas 21. Si l'agenda 21 n'est pas le seul outil préconisé pour la déclinaison territoriale du Grenelle, il est cité à plusieurs reprises dans la circulaire du 23 mars. Il est notamment préconisé que la diffusion de la démarche de l'Agenda 21 soit accélérée par l'intermédiaire de la promotion de la procédure de reconnaissance de l'État qui reste cependant peu attractive pour les collectivités locales. Dès lors, deux problématiques seront posées : l'agenda 21 est-il le bon outil de gouvernance territoriale du Grenelle et les adaptations proposées sont-elles pertinentes au regard des objectifs fixés? Les services déconcentrés de l'État sont-ils en mesure de contribuer efficacement à cette nouvelle gouvernance?
L'AGENDA 21, PRECURSEUR DEVELOPPEMENT DURABLE
DE
LA
GOUVERNANCE
ET
DU
La référence à l'agenda 21 n'est pas anodine : précurseur de la déclinaison des politiques de développement durable des collectivités locales, cet outil est d'abord une méthode d'association des acteurs d'un territoire à toute décision concernant ce territoire. Elle coordonne des processus et des procédures qui précèdent, accompagnent et suivent la prise de décision en répondant aux critères de transparence, de participation du public, de délibération, de partenariat, de gestion intégrée. Cette approche de la gouvernance -qui ne donne pas la priorité à l'art de gouverner mais aux relations entre les dirigeants et les dirigés, notamment entre la société civile et l'État- s'est peu à peu instillée dans la mise en oeuvre des politiques de l'aménagement du territoire intégrant l'environnement dans une perspective de développement durable. A l'origine, sur l'impulsion des collectivités locales, de telles politiques, dont les DIREN ont été les missi dominici dans les années 90, ont été encouragées par l'État, notamment avec les Parcs Naturels Régionaux, les Plans Municipaux et Départementaux de l'environnement,
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les chartes d'écologie urbaine... C'est sur la double pression de la démocratisation des décisions publiques et de l'obligation communautaire de se doter d'une Stratégie Nationale de Développement Durable (SNDD) pour faire face aux nouveaux défis planétaires et sur les conclusions du sommet de Johannesburg en 2002 que l'État français a décidé de promouvoir les agendas 21 locaux comme outil de bonne gouvernance en faveur du développement durable. Invitant les collectivités territoriales engagées dans des projets d'agendas 21 à lui faire connaître leurs projets ainsi que la façon dont ils contribuent aux finalités essentielles du développement durable en cohérence avec la SNDD, l'État s'est engagé dans une démarche de reconnaissance et de promotion des projets labellisés conformément à la circulaire interministérielle du 13 juillet 2006. Pour la première fois, après avoir organisé la coproduction avec les acteurs locaux, l'État a validé un cadre de référence pour les agendas 21 et projets territoriaux de développement durable. L'accent est porté sur des éléments déterminants de la démarche dont la participation des acteurs et l'organisation du pilotage, en référence directe avec la gouvernance. Apparaît dès lors la notion de gouvernance publique des territoires qui se veut comme une bonne articulation des politiques publiques, nationales et locales, dans le contexte de la décentralisation. Bien qu'intéressées par la démarche de labellisation, les collectivités territoriales y adhèrent prudemment : sur les 500 agendas prévus par la stratégie nationale du développement durable (SNDD 2003/2009), 91 seulement ont été labellisés par l'État, alors qu'on en dénombre 540 sur le plan national, tous territoires confondus. La SNDD 2009/2012 en programme néanmoins 1001. Même si les collectivités territoriales considèrent que le cadre de référence national est un bon outil méthodologique de déclinaison du développement durable qu'elles s'approprient parfois imparfaitement, notamment dans la phase «diagnostic», elles dénoncent cependant la lourdeur de la démarche et le manque d'impulsion et de leviers d'action de l'État. Selon ces collectivités, la procédure de reconnaissance favoriserait les grandes communes en situation de recourir à des bureaux d'études expérimentés. Parallèlement, l'absence de lisibilité et de quantification de la stratégie de l'État et de ses objectifs ne facilitent pas la déclinaison des politiques de la SNDD par ces mêmes collectivités. Au-delà de ces réticences d'ordre technique, on observe également des réticences d'ordre politique : nombre d'agendas 21 locaux correspondent à une démarche politique que les élus locaux ne souhaitent voir ni jugée, ni évaluée par l'État, décentralisation oblige. C'est pourquoi la procédure de reconnaissance des Agendas 21 locaux, mode de gouvernance centralisée au sein du Comité national des agendas 21 est antinomique avec l'objectif de proximité et de décentrement des décisions qu'implique une gouvernance locale. L'urgence des défis, au premier rang desquels la lutte contre le réchauffement climatique, implique de réinterroger le rôle de l'État déconcentré pour une implication plus efficace de l'ensemble de la société dans la déclinaison des politiques territoriales. Dès lors, l'agenda 21 est-il, en l'état, le bon outil de gouvernance locale des projets territoriaux de développement durable et de quelle manière la gouvernance doit-elle être adaptée ou accompagnée pour que les acteurs, politiques, socioéconomiques et associatifs ainsi que la société civile s'approprient la démarche?
L'AGENDA 21, PIVOT DE LA NOUVELLE GOUVERNANCE LOCALE POUR LA MISE EN OEUVRE DU GRENELLE
La circulaire du 23 mars propose qu'une nouvelle gouvernance soit organisée par l'État dans le cadre des agendas 21 reconnus comme procédures innovantes de régulation et d'action publique. Leur vocation et leur gouvernance seront adaptées aux enjeux actuels du développement durable.
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Sur le contenu, l'agenda 21 reste le bon outil de déclinaison des politiques de développement durable. Il coordonne l'ensemble des politiques du Grenelle (les autres plans territoriaux des collectivités locales, comme les plans climat, seront mis en cohérence avec les agendas 21). Il devra être généralisé et contractualisé (art 51 du Grenelle 1) sur la base du dispositif de reconnaissance qui sera adapté et dont les services de l' État feront la promotion active. La gouvernance sera organisée sur le mode de la «gouvernance à 5» du Grenelle avec une représentativité renforcée des acteurs intervenant dans le domaine de l'environnement et une revalorisation du rôle des acteurs économiques. C'est en ce sens que le dispositif de reconnaissance des agendas 21 devra être adapté et faire l'objet de pédagogie. La phase «participation des acteurs» est le substrat de la gouvernance des agendas 21. Cette phase amont de la préparation du projet, que certaines collectivités confondent avec le pilotage du projet, conditionne la qualité et l'efficacité du dialogue et désamorce d'éventuels conflits et blocages : l'identification des acteurs à associer aux différentes phases du projet, la mise en place des conditions d'un dialogue, les modes de consultation et de concertation sont autant de processus indispensables pour une coproduction permettant de s'assurer de l'adaptation du projet aux attentes exprimées et de son appropriation par les acteurs concernés. La mise en mouvement dynamique de l'ensemble des acteurs au niveau territorial sera assurée par les services déconcentrés qui auront une nouvelle posture de concertation, d'impulsion et de soutien au niveau territorial. Ils auront une responsabilité de promotion du développement durable et devront inventorier et diffuser des expériences locales réussies d'agendas 21. Il s'agit bien, dans ce cadre, de l'organisation de la gouvernance concertée du Grenelle, processus d'incitation envers des partenaires pour promouvoir une certaine éthique du développement. L'État est donc un partenaire parmi les 5. Si l'État n'est plus qu'un acteur parmi d'autres au sein de la gouvernance des agendas 21, il doit affirmer son rôle stratégique au niveau régional en termes de diffusion pédagogique des outils, de cohérence et de vision territoriales des politiques de manière partagée entre les acteurs. La création d'une instance adaptée pour organiser les échanges et le suivi des actions menées par les différents acteurs du territoire en matière de développement durable au sein des agendas 21 facilitera cette mission : le Comité régional agenda 21, revisité par les engagements du Grenelle sur initiative du Préfet (il fera alors également office de Comité régional Grenelle) animera un réseau d'échanges et d'expériences sur les agendas 21 à destination des collectivités locales et mettra des outils à leur disposition, comme le cadre de référence national des agendas 21 et le référentiel pour l'évaluation des agendas 21 en cours de finalisation par l'administration centrale. Dans sa formation «Grenelle», ce comité travaillera en réseau avec les diverses parties prenantes à la déclinaison des politiques. En outre, il «peut être en charge de la cohérence entre les différents niveaux de projets territoriaux de développement durable, de projets de planification et de projets de travaux, ouvrages et aménagement». Le Comité régional Agenda 21, présidé par le préfet de région, doit adapter sa gouvernance à celle du Grenelle. Dans certaines régions, la co-présidence est assurée par le Préfet et le Président du conseil régional. On peut dire qu'il s'agit de gouvernance concertée de deuxième niveau, l'État étant l'organisateur, le promoteur et le facilitateur de la gouvernance à 5 dont les modalités concrètes restent cependant à définir, dans l'attente des textes relatifs à la représentativité des acteurs intervenant dans le domaine de l'environnement. Dans ce cas, l'État fait partie des 5, mais il occupe le sommet de la pyramide.
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POUR UNE NOUVELLE GOUVERNANCE TERRITORIALE : DE L'AGENDA 21 A L'AGENDA DE GRENELLE
La généralisation des agendas 21 qui doit favoriser l'appropriation des engagements nationaux et internationaux du Grenelle par les collectivités et les autres partenaires locaux reposera sur une promotion démonstrative de la démarche : l'appel à l'éthique ne suffit pas, il faut que les politiques publiques soient acceptées par l'ensemble des acteurs, au plus près des territoires concernés. Si les nouveaux modes d'intervention des représentants de l'État dans ce processus sont précisés dans la circulaire du 23 mars 2009, les modalités concrètes et les moyens de l'organisation de cette nouvelle gouvernance restent à préciser. Diffusée antérieurement à la promulgation de la Loi Grenelle 1 intervenue le 5 août dernier, cette circulaire inaugure une nouvelle approche de la temporalité de l'application des textes : l'anticipation. Ce terme, dont le Larousse précise qu'il s'agit de «l'action de penser, prévoir ce qui va arriver et y adapter par avance sa conduite» pourrait faire partie de cette nouvelle culture de l'action, au moins autant politique et sociétale qu'administrative, que devront acquérir les représentants de l'État. L'efficacité de cette nouvelle posture reposera néanmoins sur la mise à disposition d'outils performants de déclinaison des politiques par les collectivités territoriales et sur la capacité de l'État à entraîner le secteur socio-économique dans l'appropriation de ses choix politiques. Si la «bonne gouvernance» est la traduction de «good governance» il s'agira de faire converger les intérêts individuels non vers la définition du seul intérêt général mais du bien commun. Il s'agit là d'un changement de posture radical pour les représentants de l'État, plus difficile à acquérir sur le long terme que la déclinaison des 3 piliers du développement durable. C'est bien d'une formation méthodologique à la participation des acteurs dont ont besoin certains représentants de l'État peu familiarisés avec les agendas 21. La formation de l'ensemble des agents au cadre de référence devra être mise en oeuvre ainsi que le prévoit le CGDD. Cette appropriation permettra d'acquérir un savoir-faire en matière de confrontation des argumentaires avec les parties prenantes et de faciliter ainsi la recherche d'un consensus avec elles sur les politiques territoriales du Grenelle. Parallèlement, les représentants de l'État, devront bénéficier de formations de professionnalisation leur permettant d' adopter ou de garder un comportement pro-actif en matière de développement durable légitimé par le Grenelle en terme de portage des politiques publiques auprès des parties prenantes. Enfin, «les objectifs internationaux du Grenelle» ne pourront être atteints localement que si les représentants de l'État sont formés à la culture du résultat, qui nécessite un niveau d'expertise au moins équivalent à celui des acteurs territoriaux pour être en capacité de les convaincre d'agir. Pour être en mesure d'organiser efficacement cette gouvernance liée aux agendas 21, les représentants de l'État positionnés sur la démarche, devront également avoir rapidement à leur disposition des outils de connaissance globale des politiques de l'État et des partenaires sur les territoires concernés, de type diagnostics territoriaux, cadrages préalables et profils environnementaux et socioéconomiques, plans climat énergie, afin d'être en mesure de s'engager ou de poursuivre un dialogue efficace avec les partenaires. Enfin, la contractualisation sur les agendas 21 qui est un levier d'action important et dont la généralisation est prévue à l'article 51 du Grenelle 1, devra également être précisée, de même que le contenu du volet social du cadre de référence des agendas 21 en vue de son harmonisation avec le pacte de solidarité écologique et la SNDD. Après l'acculturation des services de l'État et les moyens dont ils devront disposer, le troisième préalable de l'efficacité de la démarche de l'agenda 21 comme outil pertinent de gouvernance locale et de mise en cohérence des projets de développement durable reposera sur la capacité de l'État à entrainer le secteur socio-économique dans l'appropriation de ses choix politiques.
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La gouvernance territoriale ne peut s'organiser efficacement que si la légitimité de l'État n'est pas remise en cause. Certaines collectivités locales ont mis en oeuvre des agendas 21 sans l'aide de l'État, se reconnaissant insuffisamment dans les politiques publiques. Dès lors, l'impulsion des services déconcentrés doit être basée sur une stratégie territoriale claire, respectueuse des subsidiarités et sur des politiques de développement durable cohérentes et lisibles, à proposer et à faire partager par les parties prenantes. Actuellement, la multiplicité des «cadres» de déclinaison du développement durable qu'il s'agisse des écoquartiers, écocités, projets territoriaux, agendas 21... intervenant sur un même territoire favorisent la dispersion des dynamiques, malgré les points communs. Les engagements du Grenelle seraient l'occasion d'imaginer un cadre de référence global (l'agenda de Grenelle?) avec des déclinaisons territoriales adaptées aux spécificités locales et aux échelles de territoire tout en prévoyant leur articulation placée sous la houlette du Comité régional des agendas 21. Les représentants de l'État auraient un projet stratégique unique mais différencié présentant la totalité des enjeux de l'État, y compris ceux qui sont mal couverts ou ignorés par le Grenelle. Enfin, il s'agit de repenser la place de l'État local et de l'exprimer : à cette occasion, entreprendre une réflexion sur la gouvernance générale de l'administration centrale et son articulation avec les différents niveaux d'exercice de la gouvernance publique ne serait pas superfétatoire. D'après certains services interrogés sur le sujet, le dire de l'État en la matière serait attendu par les services déconcentrés. En conclusion, on peut dire que la démarche de l'agenda 21 reste pertinente pour la déclinaison des politiques territoriales dans le contexte d'une gouvernance locale renouvelée. L'agenda 21 gagnerait cependant à évoluer dans son contenu, son périmètre et son intitulé. Pour le contenu, le cadre de référence en cours d'actualisation devra intégrer les politiques liées aux «Grenelle» ainsi qu'au pacte de solidarité écologique afin d'adapter les politiques locales aux enjeux de démocratie et de solidarité écologiques. Pour le périmètre, une des difficultés actuelles réside dans la dispersion des cadres d'expérimentation au détriment de la cohérence : la création du Comité Régional agenda 21 qui, selon la circulaire, «peut être en charge de la cohérence entre les différents niveaux de projets territoriaux de développement durable» pourrait être l'occasion de réfléchir au périmètre pertinent à privilégier en liaison avec la réforme des collectivités locales. Enfin, le succès d'une démarche est lié à son attractivité : actuellement, la procédure de l'agenda 21 n'est ni accessible, ni rassurante spontanément. L'intitulé «agenda 21» n'est compréhensible que par les initiés. Qui n'a déjà cité cette expression sans avoir à expliciter son contenu : «c'est un programme d'actions pour le 21e siècle». Et si l'on abandonnait cette expression d'initiés au développement durable du siècle dernier pour l'expression plus actuelle «d'agenda de Grenelle» ou de «Programme d'actions Grenelle»? Chantal MERCHADOU, Section 1 Collège droits fondamentaux, services essentiels et cohésion sociale
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2.3. Le contrôle de légalité à l'ère de la « gouvernance à 5 » : un dispositif qui reste essentiel dans un État de droit
Les engagements résultant du Grenelle de l'environnement ont et auront un impact profond tant sur le fond des politiques que sur les modes de prise de décision. La «gouvernance dite à 5» dans le cadre du Grenelle, nécessite pour l'État d'adopter une nouvelle attitude, notamment vis à vis des collectivités territoriales (rôle d'impulsion, développement du partenariat). Cette notion de gouvernance renvoie certes à des modes de régulation plus souples fondés sur le partenariat entre les différents acteurs mais n'induit pas pour autant un abandon par l'État de son rôle de garant du respect des lois. La circulaire du 23 mars 2009 relative à la territorialisation de la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement l'évoque explicitement dans les modalités d'action des services de l'État. Comment se placent ces deux modes d'intervention, partenariat et contrôle, l'un par rapport à l'autre dans notre système juridique actuel ? C'est l'objet de cette fiche.
LE CONTRÔLE DE LEGALITE A-T-IL ENCORE UNE UTILITE ?
Institué dans le cadre des lois de décentralisation (1982-84), cet examen a posteriori des actes des collectivités locales, est venu remplacer la tutelle qu'exerçait l'État préalablement. L'article 72 de la Constitution consacre le principe de libre administration des collectivités locales ainsi que l'absence de tutelle d'une collectivité sur une autre et assigne au représentant de l'État «la charge des intérêts nationaux, du contrôle administratif et du respect des lois». C'est la contrepartie, dans un État unitaire, des pouvoirs transférés aux collectivités locales et constitue par conséquent une différence fondamentale avec l'organisation d'un État fédéral. La possibilité pour le préfet de déférer un acte au tribunal administratif vient compléter d'autres moyens à sa disposition tel que le pouvoir de réformation, de substitution... et dont il ne sera pas question ici. Les différents rapports consacrés à l'exercice de cette mission 2 ont fait le constat que le contrôle de légalité est en fait peu exercé et qu'il n'atteint pas les objectifs qui lui sont assignés. Si les critères de mesure de l'efficacité sont le nombre d'actes contrôlés par rapport au nombre d'actes transmis, et surtout le nombre de déférés, cette assertion est exacte. Dans les faits, le contrôle de légalité s'exerce effectivement sur un champ relativement restreint. Plusieurs raisons l'expliquent : les effectifs consacrés au contrôle de légalité ne sont pas en adéquation avec la masse d'actes transmis en constante augmentation même si des réformes ponctuelles successives ont tenté d'en réduire le nombre3, l'exercice en est localement souvent délicat... Néanmoins, même si l'hétérogénéité de son exercice est souvent critiquée, certaines «vertus» lui sont reconnues : effet rassurant pour les petites communes ne disposant pas de service juridique, rôle pédagogique d'un déféré médiatisé...
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Rapports du Conseil d'État 1993 , de la commission pour l'avenir de la décentralisation au Premier ministre (2000), les audits du contrôle de légalité, du contrôle budgétaire et du pouvoir de substitution (mission interministérielle 2003) et audit de modernisation sur le contrôle de légalité (2007). 2,9 millions d'actes transmis en 1983 ; 7,7 en 2003 ; 8,7 en 2004 ; 6,8 en 2005 après la réforme de 2004 ; 8,7 en 2008 mais 1,75 millions d'actes "prioritaires" (RAP 2008). Approche du développement durable des territoires et de leur gouvernance : Regards sur la territorialisation du "Grenelle" - Janvier 2010 16/72
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LES RECENTES ORIENTATIONS POUR LE CONTRÔLE DE LEGALITE CONFORTENT LES PRIORITES DU «GRENELLE DE L'ENVIRONNEMENT»
L'environnement et l'urbanisme sont des domaines de vigilance pour l'État et la stratégie de contrôle locale doit être fondée sur les enjeux identifiés des territoires Pour rendre ce contrôle plus efficace, la circulaire du 17 janvier 2006 relative à la modernisation du contrôle de légalité rappelait aux préfets la nécessité de mieux cibler les contrôles en élaborant une stratégie locale. Elle sera confortée par la décision du Conseil de modernisation des politiques publiques (CMPP) qui, en décembre 2007, retient la réforme du contrôle de légalité comme un axe important de la modernisation de l'État et confirme la nécessité d'élaborer une véritable stratégie locale, fondée sur des priorités définies au niveau national (marchés publics, urbanisme et environnement). Ces orientations sont déclinées dans deux circulaires récentes, la circulaire du 23 juillet 2009 du ministère de l'Intérieur qui réorganise l'ensemble du dispositif, et la circulaire interministérielle du 1er septembre 2009 (MIOMCT et MEEDDM) qui précise les enjeux et priorités de contrôle spécifiques aux documents et autorisations d'urbanisme ainsi que les conditions d'application et méthodes à mettre en oeuvre. L'objectif poursuivi est d'obtenir une meilleure efficience par l'allègement du dispositif et le recentrage des contrôles sur les enjeux les plus importants pour l'État. Outre la commande publique et le respect des compétences des différentes collectivités, l'urbanisme et l'environnement doivent en effet constituer des axes prioritaires de la vigilance du représentant de l'État. Des domaines sont plus particulièrement visés : la prise en compte des risques naturels et technologiques, la préservation et la protection de l'environnement, notamment la biodiversité, la production de logements dans le respect de la mixité sociale et la gestion économe de l'espace. Il s'agit bien là de thèmes de la loi n°2009- 967 du 3 aout 2009 de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement (dite Grenelle I). La circulaire du 23 juillet 2009 insiste elle même sur «l'outil» que constitue le contrôle de légalité : «dans le contexte de la mise en oeuvre.... du Grenelle de l'environnement, l'exercice du contrôle de légalité des actes d'urbanisme (est un) élément essentiel de protection de notre patrimoine naturel et d'un aménagement de l'espace correspondant aux exigences du développement durable». Le contrôle de légalité doit être replacé dans une démarche d'ensemble La circulaire du 1er septembre 2009 consacrée à l'urbanisme situe en effet le contrôle de légalité au sein de l'éventail des possibilités dont dispose l'État, avec la gradation classique : conseil, participation, avis et contrôle. Les préfets sont invités à privilégier le conseil juridique4 aux élus (dont la compatibilité avec l'exercice du contrôle de légalité stricto sensu avait fait débat par le passé) et à porter un effort particulier à l'apport d'informations et l'expression du point de vue de l'État sur ses priorités (dans le cadre du porter à connaissance, de l'association des services de l'État à l'élaboration des documents d'urbanisme, de l'avis de l'autorité environnementale notamment)5. L'exercice du contrôle de légalité viendra en complément et le déféré sera la phase contentieuse ultime dans les cas où les intérêts dont la défense incombe à l'État, seul ou au terme d'une compétence partagée (par exemple la protection des populations contre les risques d'inondation), n'auront pu être respectés en phase concertée.
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Ce qui nécessitera probablement pour être efficace, un renforcement non seulement de l'organisation mais également des compétences compte tenu de la complexité croissante de la matière (pour partie en raison de l'influence communautaire) et du développement des services juridiques des collectivités. La question fondamentale de la capitalisation et l'organisation des informations destinées à alimenter la position de l' État ne sera pas traitée dans cette fiche dont ce n'est pas l'objet, mais nécessite sans aucun doute une réflexion approfondie (cf. partie 4.2). Approche du développement durable des territoires et de leur gouvernance : Regards sur la territorialisation du "Grenelle" - Janvier 2010 17/72
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UN «ETAT CONTRÔLEUR» COMPLEMENT NECESSAIRE DE «L'ETAT PARTENAIRE»
Le contrôle de l'égalité garde tout son sens Presque 30 ans après l'entrée en vigueur des lois de décentralisation, on peut penser que les collectivités territoriales sont parvenues à une maturité suffisante et le principe même, et surtout les modalités du contrôle de légalité, ont pu paraître à certains obsolètes. La manière erratique, peu homogène dont il a été exercé jusqu'à ce jour, les obstacles à son efficacité, plaideraient en ce sens. Mais «l'État contrôleur» peut-il être remplacé par un «État partenaire»? Et d'une manière générale, que signifie «gouvernance à 5» quand l'État est l'un des 5? Les deux rôles, partenaire et contrôleur, ne sont et ne doivent pas, à notre sens, être exclusifs l'un de l'autre.
- Ces deux modes d'intervention se situent à des moments différents du processus
décisionnel. Le partenariat, qu'il soit bilatéral ou multilatéral, appelé «gouvernance à 5» dans le cadre du Grenelle, trouve à s'appliquer à l'amont, lors de la formation de la décision. Une participation «à l'aval», dans le cadre du suivi ou de l'évaluation d'une politique publique à laquelle contribue la décision d'une collectivité, est également envisageable.
- Ces deux modes d'intervention sont de nature intrinsèquement différente.
Il s'agit dans le cas du contrôle de légalité de vérifier si la décision est conforme (ou compatible dans certains cas) à la loi. Cela illustre à l'évidence la limite au partenariat que l'État peut développer avec les collectivités, partenariat qui ne peut être envisagé «contra legem». Par ailleurs la démarche participative d'élaboration d'une décision ne touche pas à l'ordonnancement juridique : la décision elle-même incombe toujours à une (ou plusieurs) personne(s) identifiée(s) et qui en seront juridiquement responsables. Laisser tomber en désuétude le contrôle de légalité (voire le supprimer, en supposant que cela soit juridiquement possible), aurait pour conséquence de laisser reposer la possibilité de contester une décision, (et partant, de faire respecter la loi) sur les initiatives des seuls citoyens, individuellement ou collectivement. Même si on considère habituellement que les objectifs poursuivis sont différents (défense d'intérêts particuliers dans un cas, de l'intérêt général dans l'autre), la possibilité pour les citoyens d'agir individuellement ou collectivement et le contrôle du préfet contribuent l'un et l'autre, et parfois de manière complémentaire, au respect de l'État de droit. Or la recevabilité des actions individuelles est strictement conditionnée par l'intérêt à agir. Quant à celle des groupements, la loi dite Grenelle 1, dans son chapitre sur la gouvernance (article 49), annonce un nouveau régime de droits et obligations et renvoie à un décret en Conseil d'État pour la fixation de celui-ci. Les conditions que fixera ce futur texte pour la représentativité de ces groupements, et par conséquent leur capacité d'agir, indiqueront leur poids potentiel. L'accent doit être mis sur l'accompagnement dans la phase amont de la décision Comme précédemment souligné, l'État devra mettre l'accent sur ses apports en phase amont de la décision dans le cadre notamment du porter à connaissance dans les documents d'urbanisme, association de l'État, de l'évaluation environnementale quand celle-ci s'impose. Mais dans un contexte décentralisé, l'organisation de ce partenariat et ses modalités sont souvent laissées à la discrétion de la collectivité locale compétente et l'État peut ne pas être partie prenante en cours de procédure (par exemple, l'association -facultative- de l'État dans l'élaboration des documents d'urbanisme). C'est donc bien dans le cadre ultime du contrôle a posteriori que l'État pourra vérifier si les intérêts dont la sauvegarde lui incombe, ont bien été pris en compte. Dans l'exercice des missions régaliennes -sauf si la responsabilité en est là aussi partagéeon ne peut pas parler de partenariat qui sous-entend une forme d'égalité des partenaires.
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L'État, dans la mesure où il dispose de prérogatives de puissance publique, n'est évidemment pas un partenaire comme les autres... En conclusion, la démarche innovante qu'a constitué le Grenelle de l'Environnement tant sur le fond que sur les méthodes, a profondément modifié le «jeu des acteurs», personnes publiques et représentants de la société civile. Nous ne reviendrons pas sur l'intérêt du partenariat, des méthodes participatives dans le cadre du processus de décision -méthodes préconisées par de nombreux textes nationaux et internationaux. Rappelons simplement qu'elles n'ont pas d'incidence directe sur l'ordonnancement juridique. On peut espérer que le contrôle de légalité aura d'autant moins d'occasion de censurer une décision -et qu'a fortiori les recours juridictionnels consécutifs trouveront d'autant moins à s'appliquer- que le conseil, la négociation, la gouvernance partagée, auront bien fonctionné préalablement... Utopie? Mireille SCHMITT MIGT n°7 Est Collège Droit et Contentieux
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3. LE RENFORCEMENT DE L'INTÉGRATION DE L'ENVIRONNEMENT DANS LES POLITIQUES PUBLIQUES
Le développement des énergies renouvelables :
vers des modalités de production d'énergie décentralisées Philippe AUSSOURD et Jean-Claude GAZEAU
L'enjeu des transports ferroviaires :
placer la qualité du service au centre des projets d'infrastructures et des études Marie-Line MEAUX
La lutte contre la précarité énergétique dans les logements
sociaux : mobiliser les financements européens en faveur de leur rénovation thermique Rouchdy KBAIER
L'identification de la la trame verte et bleue :
vers la reconnaissance de l'enjeu de la biodiversité dans le développement durable des territoires ? Denis LAURENS
La mise en oeuvre du plan «séisme Antilles» :
pour le renforcement des leviers d'action Denis CARDOT - Jean-Louis RAVARD
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3.1. Le développement des énergies renouvelables : vers des modalités de production d'énergie décentralisées
Cette contribution résulte de la réflexion conduite sur le thème n°1 «la production et la consommation d'énergie décentralisées et l'efficacité énergétique».
L'AFFRONTEMENT ENTRE MOUVEMENT INDIVIDUEL ET MOUVEMENT COLLECTIF
On constate aujourd'hui l'émergence d'un affrontement entre un mouvement individuel et un mouvement collectif au regard des problématiques de l'énergie. Est-ce là un phénomène original? Il semble bien que cette orientation soit nouvelle si l'on se réfère à la fois à l'évolution des techniques et à celle des comportements. Un petit retour en arrière s'impose. Avant la révolution industrielle, la France, comme le reste du monde, était essentiellement rurale dans un cadre où les ressources «énergétiques» étaient par principe individuelles et prélevées sur les ressources locales. Toutefois une pente naturelle vers l'organisation et la concentration est très tôt apparue. Dès 1889, la Ville de Paris décidait de mettre de l'ordre dans le système électrique de la capitale en divisant son territoire en six «secteurs», chacun faisant l'objet d'une concession à des intérêts privés, la ville ne se reconnaissant pas la capacité de conduire ce genre d'opération industrielle (PPP avant l'heure?). Où en sommes-nous aujourd'hui? La pente naturelle des organisations humaines nous a conduits à disposer d'un système de production, de transport et de distribution de l'énergie très organisé où la recherche des gains apportés par l'effet de taille des outils et des organisations a naturellement servi de fil conducteur à l'amélioration de la performance économique. Or l'évolution des systèmes et des organisations conduit toujours à un effet inverse à l'économie d'échelle au delà d'un certain niveau de croissance, qui imposerait, pour retrouver une certaine efficacité, de diminuer les tailles unitaires atteintes. Quelle que soit l'énergie utilisée et quel que soit l'endroit du territoire concernés, les systèmes énergétiques en France ont favorisé :
- les grosses unités de production et les systèmes de distribution complexes, ce qui
répond à une logique strictement économique ;
- le verrouillage pour la même raison des systèmes plus petits qui pourraient présenter
d'autres avantages non comparables comme les énergies renouvelables produites localement, les systèmes de réseaux de chaleur, etc. Depuis que la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre est devenue une priorité mieux reconnue, on recherche partout à réhabiliter les systèmes de production et consommation à circuit plus court et on a renvoyé le pendule vers plus de décentralisation, ce que de nombreux facteurs favorisants encouragent aujourd'hui :
- les progrès technologiques à la production (photovoltaïque, éoliennes plus performantes
etc.),
- les systèmes de réseaux interconnectant les petits entre eux et pouvant remplir des
fonctions plus intelligentes que par le passé d'optimisation des échanges locaux,
- l'émergence de nouveaux concepts ou bien encore d'anciens concepts renouvelés
(biomasse, solaire thermique, etc),
- la prise en compte économique des externalités qui conduit a reconnaître que tous les
euros ne coûtent pas la même chose. Nous nous retrouvons avec une nouvelle tendance qui s'oppose au courant centralisateur précédent et qui nous confronte à des contradictions nouvelles sur deux axes essentiels :
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- un premier axe qui va de l'individu à l'organisation la plus complexe au plan international
en passant par toutes les tailles de collectivités et toutes les tailles d'entreprises.
- un second axe fondé sur le comportement et la motivation des individus ou des groupes
qui va d'un comportement vertueux aligné sur la conscience que la collectivité a un besoin vital d'économies en tout genre jusqu'à un comportement opportuniste lié par exemple à la création de tarifs exceptionnels permettant de justifier des dépenses d'investissement inhabituelles comme la production photovoltaïque individuelle, en passant par toute la palette des comportements attentistes ou suivistes. Au plan individuel, en matière d'économies d'énergie, efficacité énergétique et énergies renouvelables, le bon sens demande de raisonner par étapes successives :
- la sobriété = chasser le gaspillage, ne consommer de l'énergie que lorsque l'on en a
besoin.
- l'efficacité = réduire ses besoins en énergie mais faire ces économies sans modifier sa
façon de vivre et de produire (isolation du bâti, technologies de gestion de l'énergie).
- reconsidérer la pertinence des choix énergétiques : le recours à chaque forme d'énergie
se raisonne en fonction des besoins et des technologies nécessaires. Dans cette dernière étape, même le recours aux énergies renouvelables (EnR) ne doit être envisagé qu'après s'être assuré que toutes les solutions en matière d'efficacité énergétique ont été mises en oeuvre (ce préalable pourrait d'ailleurs être une éco-conditionalité à toute aide publique : prouver la performance recherchée, rendre compte des résultats obtenus). Cette démarche peut donc se prolonger par une stratégie de production d'EnR soit pour tendre vers l'autosuffisance (ce n'est pas pour autant de l'autarcie) soit pour équilibrer un bilan énergétique global (consommations totales/production). Ce qui peut sembler un comportement vertueux n'est pas à l'abri de dérives opportunistes : la production d'énergies renouvelables par exemple peut aussi être initiée par une attitude spéculative (tarifs de rachat attractifs et subventions publiques pour l'équipement), ou de rente foncière (location de toitures pour des panneaux PV par exemple). Ces transformations, si elles ne sont pas destinées à inverser complètement les tendances d'évolution, vont tenir une place de plus en plus importantes dans les bilans finaux. C'est dans ce contexte que nous pouvons parler d'un mouvement à la fois nouveau et irrépressible parce que fondé sur des principes forts pour tout ce qui concerne la problématique énergétique d'aujourd'hui et de demain.
UN DIVORCE ENTRE OBJECTIFS ET SITUATION LOCALES
Les objectifs généraux de progrès en matière d'efficacité énergétique et de développement des énergies renouvelables et à faible empreinte carbone se heurtent trop souvent, sur le terrain, à de réelles difficultés qui conduisent parfois à un divorce entre réalités et potentiels énergétiques des territoires et besoin de consommation des utilisateurs finaux. La situation se complique encore selon le domaine auquel on s'intéresse (transport, bâtiment, agriculture, etc). On n'aboutit pas en effet aux mêmes réponses suivant la maille technique des domaines et la maille des collectivités au niveau desquels on se pose les questions. Le projet de loi «Grenelle II» définit comme bon niveau d'agrégation les agglomérations de plus de 50000 habitants pour assurer l'interface entre la perception des besoins des consommateurs et la production. On peut néanmoins s'interroger sur la capacité des collectivités à détenir les compétences nécessaires pour bâtir une politique énergétique. Ne subiront-elles pas le poids de décisions qui resteront influencées par un niveau d'agrégation supérieur même sur le recours aux énergies renouvelables? Il faudra bien donner aux plus grosses agglomérations les moyens de définir leur propre «bouquet énergétique». Il faudra bien aussi disposer d'une doctrine commune sur les mailles à choisir pour l'action locale. En matière de transport, les mailles urbaines et interurbaines se
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contredisent et pour ce qui concerne la définition des écoquartiers, on ne voit pas pourquoi leur taille devrait être la même partout ni à quel niveau les décisions doivent se prendre. Cela peut aussi résulter de situations concrètes où on trouve au plan technique des installations existantes héritées de l'histoire et qui justifieraient des améliorations et des travaux, et au plan humain des acteurs concernés hétérogènes, avec des décideurs multiples aux intérêts non convergents, voire en conflit d'intérêt. Il y a un grand champ d'améliorations possibles, aux plans décisionnel et juridique, dans tout un ensemble de situations où l'on rencontre des décideurs multiples, aux intérêts divergents et pas situés dans les mêmes constantes de temps, entre investissements à long terme et économies sur des charges locatives et des dépenses énergétiques. Mais ces cas de difficultés pratiques sur le terrain sont très fréquents et très variés et par conséquent ne peuvent que très difficilement être tous résolus d'un coup dans le cadre d'une politique volontariste, quel que soit le niveau d'analyse et de décision. Pour ce qui est de l'action décentralisée à entreprendre, on peut parler d'un véritable divorce entre les objectifs et les situations locales et concrètes, sur le terrain. Mais même Paris ne s'est pas fait en un jour. Il faudra donc, en plus d'une organisation rénovée des systèmes de décisions en matière de politique énergétique, beaucoup d'opiniâtreté et beaucoup de patience, donc de la force d'âme sur la durée.
UNE NOUVELLE APPROCHE DE LA POLITIQUE ENERGETIQUE ?
La fin d'une approche par la production L'énergie a fait jusqu'à présent l'objet d'une approche par l'offre : en s'urbanisant de plus en plus ou en désenclavant les territoires isolés, la société a mis à profit les solutions techniques disponibles. Dans cette offre, le bouquet énergétique a évolué peu à peu :
- le bois puis le charbon pour le chauffage ont laissé la place au fuel, au gaz et à
l'électricité. Les logements ont été aménagés ou conçus sur ces réponses techniques, la problématique de leur isolation n'intervenant que dans un second temps de la réflexion, soit pour faire face à des conditions climatiques rigoureuses (montagne, par exemple), soit lors des chocs pétroliers depuis 1974 ;
- dans l'industrie, l'électricité a répondu aux besoins en force mécanique, et la production
de chaleur ou de vapeur s'est approprié les mêmes solutions que ci-dessus. La politique énergétique a donc été fondée sur cet approvisionnement massif : les centrales électriques et le réseau de distribution d'aujourd'hui ne sont que la répétition du réseau de distribution massive du bois des forêts éloignées des villes, puis du charbon extrait des mines ouvertes au XIXème siècle. La gestion du gaz et des produits pétroliers a été conçue de la même manière : des centres de stockage d'une part, et un réseau de distribution à l'échelle nationale, d'autre part. Tout l'aménagement du territoire a reposé sur cette politique d'une offre énergétique centralisée. Avec la croissance économique, et pour répondre à la demande, les réponses ont été : «toujours plus de centrales (de production)» avec le renforcement des réseaux, et jamais vraiment «moins de consommation unitaire» (mieux consommer), d'une part, et encore moins «produire soi-même», d'autre part. L'émergence d'une vision de consommation énergétique de masse Face à cette politique de production d'énergie de masse, s'est constitué peu à peu une mentalité, voire un comportement de «consommation énergétique»de masse :
- l'énergie bon marché a induit des comportements de gaspillage qui n'ont pas disparu
aujourd'hui (on chauffe trop les bureaux et les logements, en préférant s'habiller légèrement : qui aujourd'hui applique vraiment la réglementation de 1975 fixant à 19°C la température des locaux?) ;
- le mode de chauffage électrique, qu'il a été un temps envisagé «d'interdire», reste encore
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en 2009 l'équipement basique des offres de locaux neufs!
- les nouveaux équipements sont toujours conçus sur une base électrique : les solutions
de climatisation, par exemple, ne font pas référence à une meilleure isolation, ni à une reconfiguration de la ventilation intérieure... Les innovations technologiques renforcent une perception fortement biaisée de l'énergie, où l'électricité est la seule énergie sur laquelle se fondent les aspirations et les perspectives de croissance économique : on parle de programmes de construction de centrales, d'extension de réseau aux fins de desserte de territoires insuffisamment producteurs (Bretagne, Côte d'azur) voire d'exportation (Espagne, Italie...). La question de l'évolution des mentalités et des comportements Cette question représente donc un tournant et devient un pivot du raisonnement en matière d'énergie décentralisée (avant même de s'intéresser aux nouveaux équipements nécessaires pour des EnR) tant au niveau des consommateurs (industriels comme citoyens) qu'au niveau des plans et schémas d'adaptation de la production :
- l'atomisation de la production photovoltaïque (unités de quelques m2), malgré des projets
de plus grande envergure (surfaces des toitures industrielles ou fermes de plusieurs hectares), va demander une autre gestion du réseau de distribution électrique BT, recueillant à la fois cette micro-production et assurant la distribution à des micro-clients ; ces opportunités saisies par les particuliers au titre d'une politique de promotion des énergies renouvelables sont purement spéculatives et marquées par un «effet d'aubaine» qui ne peut pas structurer une politique nationale de production ;
- l'injection, même dans le réseau HT, de la production des aérogénérateurs ayant une
production électrique variable et imprévisible, car dépendante des conditions météorologiques, posera également de nouveaux défis de gestion des réseaux ;
- la place importante des logements individuels dans l'habitat en France conduit à
sensibiliser un grand nombre de citoyens, et à diffuser de nouvelles démarches pour concevoir les solutions énergétiques ; la multiplication des points de production d'énergies renouvelables ne fait que commencer...
UNE NOUVELLE POLITIQUE D'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE : OSER LA DIFFERENCIATION !
Un certain nombre de postulats actuels méritent d'être bousculés avec ces nouvelles approches :
- en milieu rural et en milieu urbain peu dense (zones pavillonnaires, zones d'activité
industrielle et artisanales isolées), offrir à de tels besoins décentralisés d'énergie une première réponse en termes de production d'énergie elle-même décentralisée ;
- ne privilégier l'offre centralisée d'énergie (et les réseaux de transport afférents) qu'aux
besoins centralisés d'énergie (industries, grandes agglomérations...) ;
- oser une approche globale (climat/air/énergie pour le moins) voire «durable» (en
intégrant le besoin de mixité sociale, par exemple) pour adapter urbanisme et politique des transports : les PDU et PDE ne sont que des points de départ pour une prise de conscience!
- concevoir et adapter l'approche architecturale et immobilière à chaque problématique
énergétique : besoins pour l'eau chaude sanitaire, besoins pour le chauffage, pour l'éclairage, pour la domotique..., avec des réponses de type BBC ou bâtiment HQE qui vont modifier peu à peu les façades, les toitures, l'environnement végétal, etc. Les réponses seront donc différenciées selon les situations et il faudra se poser systématiquement la question de l'échelon territorial le plus pertinent pour chaque solution énergétique envisagée (et réciproquement) : les agglomérations, les communautés de communes, les départements et les régions seront de plus en plus des lieux de décision en matière d'aménagement du territoire au regard des choix énergétiques.
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Philippe AUSSOURD Section 5 Collège énergie et climat
Jean-Claude GAZEAU Section 5 Collège énergie et climat
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3.2. L'enjeu des transports ferroviaires : placer la qualité du service au centre des projets d'infrastructures et des études
Pour mieux «territorialiser» le développement durable, une approche professionnelle fondée sur la généralité de la norme ou la duplication des procédures est forcément incomplète. Il est indispensable de comprendre le contexte pratique dans lequel interviennent les services du ministère du développement durable, et notamment :
- l'action décisive des autres agents (en particulier politiques et économiques) oeuvrant
dans la sphère du transport des personnes et des marchandises,
- l'enjeu d'une plus grande prise en compte du niveau de service attendu et du mode
d'exploitation du réseau dès le stade de conception de l'infrastructure support. Prenons l'exemple du ferroviaire, largement présent dans la préparation du futur schéma national des infrastructures de transport (SNIT), et donc de l'activité des directions régionales.
UNE INFRASTRUCTURE A METTRE EN PLACE, MAIS SURTOUT UN SERVICE A DEVELOPPER
Le service ferroviaire? Pour s'inspirer de Lautréamont, il n'est pas "beau comme la rencontre fortuite sur un table de dissection d'une machine à coudre et d'un parapluie", mais comme la rencontre surtout pas fortuite entre un besoin économique et social (établi notamment lors de la reconnaissance de l'utilité publique du projet), une infrastructure adaptée (qui dépend de Réseau Ferré de France et de ses moyens de développement), et un opérateur exploitant (qui n'est plus seulement l'opérateur historique). A supposer qu'on ait pu s'en passer hier, l'étude d'un projet de ligne ou d'aménagement ferroviaire ne peut donc plus ignorer aujourd'hui la capacité à dégager les sillons nécessaires le moment venu, ni la vérification que d'un bout à l'autre de l'axe, les conditions physiques seront bien réunies sur le réseau pour un service efficace (résorber les fameux «noeuds» ferroviaires). Par ailleurs, l'ouverture à la concurrence du fret, puis des circulations internationales de voyageurs, exige un cadre d'exploitation équitable et non discriminatoire pour l'ensemble des opérateurs actuels et futurs. Enfin, la viabilité financière du système ferroviaire devra être assurée sur la durée par le choix judicieux des investissements et des conditions d'exploitation, les contraintes budgétaires de plus en plus lourdes rendant peu probables des opérations massives d'apurement des dettes ferroviaires comme celle réalisée par l'Allemagne en 1994. Ces impératifs conduisent à articuler fortement projet d'infrastructure et conditions futures d'exploitation: constatons cependant que l'action administrative reste encore fortement marquée par le premier, sans toujours anticiper les secondes. D'évidence, les infrastructures ferroviaires qu'il s'agit d'inventer ou d'améliorer ne sont pas en situation d'apesanteur géographique, elles s'inscrivent sur et dans un territoire. Mais «desservir» l'espace peut être à double sens: positif lorsque l'infrastructure irrigue le territoire et le connecte au «reste du monde», négatif lorsqu'elle ignore son potentiel de développement. Notons d'ailleurs que dans l'argumentaire des lignes nouvelles à grande vitesse, la concurrence avec l'avion est, pour l'opérateur, souvent mieux mise en évidence que l'impact concret sur la desserte du territoire. Entre les objectifs des documents juridiques de programmation et de décision administrative et les effets concrets des réalisations, il y a parfois loin de la coupe aux lèvres. Prenons l'exemple des dessertes voyageurs à la lumière de la vie récente de quelques grands projets (TGV Est, 1ère phase Rhin Rhône...) :
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- le «meilleur temps de parcours» défini dans le dossier d'origine est perçu comme un
vecteur d'attractivité des territoires desservis. Or il repose beaucoup sur la performance physique de la ligne (notamment lorsque le train circule sur des sections de ligne existante) et du matériel roulant, qui ne dépend que de l'opérateur commercial: toute la volonté du prescripteur national ne peut donc seule garantir la disponibilité, en temps et en lieu, de l'environnement technique industriel nécessaire ;
- le développement du nouveau service entre parfois en concurrence avec les services
régionaux de voyageurs, en phase ascendante : le cadencement des TER modernise la mise en réseau des territoires entre eux, mais si on n'y prend garde, il peut aussi générer une priorité de fait revendiquée localement pour les dessertes régionales par rapport aux dessertes nationales ;
- les dessertes finalement mises en place ne sont pas nécessairement celles qui, à
l'origine, ont justifié le projet: cela crée une difficulté légitime de compréhension et d'acceptation pour le public comme pour les collectivités territoriales, spécialement les agglomérations appelées à contribuer au financement de l'infrastructure sans que leur propre desserte (sur quoi porte leur attente) soit absolument garantie. La mise en place de la desserte (définition des arrêts, fréquences, temps de parcours...) doit donc concilier des intérêts parfois divergents entre les collectivités publiques et le ou les opérateur(s) économique(s). Ces divergences peuvent ne se révéler qu'une fois le projet en cours de réalisation, lorsqu'on aborde les conditions du service à bâtir. Lorsque la divergence l'emporte, l'État est souvent appelé à une médiation délicate, dont les ressorts dépassent la culture des juristes, des ingénieurs et des économistes.
BÂTIR UNE PEDAGOGIE DU PROJET FERROVIAIRE
Compte-tenu de cette articulation étroite entre infrastructure et niveau de service, l'élaboration d'un projet ferroviaire doit faire intervenir d'autres éléments que l'évaluation des trafics, la rentabilité socio-économique ou le montage financier de la réalisation. D'autant que, malgré la tonalité d'accueil des alternatives à la route, les projets ferroviaires ne sont pas forcément perçus positivement: par exemple, la création des lignes nouvelles à grande vitesse peut réorienter des crédits qui ne sont plus disponibles pour l'amélioration et la modernisation du réseau existant, et on peut objecter aussi qu'agir sur les axes sans agir sur les noeuds revient à aller très vite ... d'un point de congestion à un autre. Prenons cette fois l'exemple du fret, sujet sensible s'il en est :
- le développement de TER cadencés renforce la revendication locale du plein usage des
lignes historiques libérées par la mise en place de lignes nouvelles, alors qu'à l'origine ces capacités retrouvées devaient être affectées au fret ;
- pour le public et les associations, le fret est à son tour perçu comme facteur de nuisances
(effet de coupure de l'infrastructure, effet «bruit» des wagons circulant de surcroît la nuit, voire risques liés au transport des matières dangereuses) ;
- la desserte des plateformes intermodales de fret induit l'accès des zones aux poids
lourds pour les circulations de bout de chaîne, indisposant les riverains. Le caractère alternatif du ferroviaire par rapport au mode routier ne suffit donc plus à en asseoir la légitimité. Son acceptabilité et son attractivité reposeront de plus en plus sur sa capacité à remplir efficacement sa fonction de maillon de la chaine de valeur de l'économie des territoires desservis, et à réduire ses défauts intrinsèques. Expliquer le projet pour le faire admettre, c'est aussi comprendre les ressorts de la contestation locale pour en dépasser le tour parfois conflictuel ou agressif. Qualifier de «réaction Nimby» toute opposition à un projet ferroviaire ne suffit pas. Faire admettre le projet, c'est aussi savoir l'adapter si nécessaire, sans dégrader les conditions économiques de sa réalisation. Un projet stratégique national ne se gagne pas sur
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le sentiment d'échec d'une partie de la collectivité. Finalement, pour ce vecteur puissant du développement durable qu'est le mode ferroviaire, et le besoin du service étant supposé établi, interagissent deux grands ensembles: «projet d'infrastructure/mode d'exploitation/territoire desservi» et «autorités compétentes/acteurs sociaux et économiques/agents de médiation». Cela impose de sortir de la «rémanence» culturelle d'une économie ferroviaire administrée, où l'intervention du politique suffirait à garantir la réalité future de la desserte.
PRENDRE EN COMPTE LA MULTIPLICITE DES ACTEURS POUR MIEUX NOURRIR L'INTERVENTION DES SERVICES
La connaissance du domaine ferroviaire ne se bâtit pas que sur l'approche des procédures d'utilité publique. Elle oblige à s'intéresser à la pratique professionnelle des exploitants du réseau et des services: en particulier, conception des sillons et de leurs règles d'affectation par le gestionnaire du réseau ferré national, logiques horaires des missions et conception des roulements de service (rames et personnels) par l'opérateur ferroviaire exploitant, etc. Cette connaissance, qui ne s'improvise pas, suppose que les services de l'État soient mis en mesure de s'y intéresser et de développer, à leur niveau, une compétence pas seulement théorique. L'approche régionale des services de voyageurs en est souvent le bon vecteur. D'où quelques grandes questions pour l'intervention de nos services, centraux ou déconcentrés :
- les études socio-économiques des lignes nouvelles font-elles une place suffisante aux
conditions futures d'exploitation? Comment apprécier dès l'amont du projet la stratégie commerciale future de l'opérateur ferroviaire, intervenant de surcroît dans un contexte de plus en plus concurrentiel? Sur quoi fonder l'utilité publique du projet, si le niveau de service qui le fonde ( l'infrastructure n'étant qu'un moyen) est incertain ou conditionnel? En d'autres termes, faut-il, et comment, repenser les critères et les calculs de la rentabilité économique des infrastructures ferroviaires?
- peut-on mieux apprécier l'effet «concurrence» du rail sur les autres modes? Certes on
prend en compte dans les calculs l'espérance de report modal de la route (ou de l'aérien) vers le rail, mais quid de la concurrence potentielle entre modes alternatifs à la route (par exemple, rail/maritime, TGV/TER), voire l'éviction de certains usagers du rail par modification des conditions de desserte en lieux desservis et en coût du trajet?
- comment développer au sein de nos services la connaissance des modes d'exploitation
du ferroviaire, qui repose sur d'autres types d'acteurs (Réseau Ferré de France, opérateurs ferroviaires, opérateurs intermodaux...)? De quels outils ont-ils besoin pour mieux les prendre en compte dès l'évaluation ex ante des projets et la préparation du dossier d'utilité publique?
- comment organiser la chaîne d'intervention pour qu'elle soit davantage transversale?
Comment développer l'action croisée de ceux qui «font» le projet ou qui en préparent le cadre de réalisation, et ceux qui traitent de l'exploitation financière et technique du réseau national? Et quelle articulation administration centrale/DREAL pour une meilleure prise en compte du territoire desservi?
- enfin, comment mieux apprécier l'impact réel d'un service sur les territoires, lorsqu'on
prend en compte l'ensemble des facteurs qui constituent le socle des engagements du Grenelle? En particulier, comment évaluer cet impact non seulement globalement, pour l'ensemble du service point à point, mais aussi pour chacun des territoires supports? Ce dernier point ressort plus fortement de la logique de territorialisation du Grenelle de l'environnement. Il induit une grande attention au rapport transport/territoire, une réflexion plus fine sur l'articulation des dessertes TGV/TER et fret national/fret local. C'est bien le détour par les différentes échelles de territoires qui peut permettre d'adapter les conditions de desserte fret et voyageurs à la réalité économique (y compris de loisir) et aux pratiques sociales, pour
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sortir d'une vision doctrinaire ou incantatoire de l'apport du rail. C'est d'autant plus nécessaire que l'émergence des Régions comme autorités organisatrices des services régionaux de voyageurs les a conduites à une vraie compétence en matière d'exploitation ferroviaire et d'impact territorial (de façon certes inégale, mais reconnue). Les critères du développement durable obligent en outre à une relecture globale des approches, des calculs et des analyses, pour davantage évaluer, démontrer, comparer. Les tableaux d'analyse des projets proposés à l'inscription au futur schéma national des infrastructures de transport sont de ce point de vue éclairants : chaque projet doit par exemple caractériser le risque biologique et environnemental lié à sa réalisation, s'intéresser à la diffusion de ses effets sur les pôles territoriaux de proximité, évaluer plus précisément les économies de tonnes équivalent carbone qu'il génère... Transcrire les objectifs du «Grenelle» dans une approche territoriale implique donc, dans le domaine ferroviaire, quelques pré-requis indispensables : connaissance de l'exploitation ferroviaire et pas seulement des modes de conception des infrastructures, meilleure prise en compte du rapport transport/territoire dans les diagnostics territoriaux et les évaluations économiques, mais aussi capacité d'écoute et de négociation dans un contexte marqué par la multiplication des acteurs et leurs intérêts potentiellement divergents. Marie-Line MEAUX Section 2
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3.3. La lutte contre la précarité énergétique dans les logements sociaux : mobiliser les financements européens en faveur de leur rénovation thermique
«La France se fixe comme objectif de devenir l'économie la plus efficiente en équivalent carbone de la Communauté européenne d'ici à 2020». Le Grenelle de l'environnement confirme, en ces termes, les engagements du Gouvernement en matière de lutte contre le changement climatique, tout en précisant les mesures prioritaires à caractère national qui devront être mises en oeuvre pour les tenir, notamment la rénovation technique des bâtiments existants. Le secteur du bâtiment en France consomme en effet plus de 40% de l'énergie finale et contribue pour près du quart aux émissions de gaz à effet de serre (GES). Il représente le principal gisement d'économies d'énergie exploitable immédiatement. Les services de l'État sont au coeur du dispositif de mobilisation des acteurs publics et privés concernés par ce programme ainsi que de la synergie, au premier chef, des moyens financiers, qui participeront de l'efficacité du dispositif. C'est dans cet esprit que la circulaire du 23 mars relative à la territorialisation de la mise en oeuvre du Grenelle précise les modalités de rénovation thermique des bâtiments existants, notamment ceux du parc de logements sociaux, dans une triple approche de réduction de la consommation d'énergie, d'amélioration du pouvoir d'achat des ménages et de réduction des émissions de dioxyde de carbone.
LE PROGRAMME DE RENOVATION DU PARC DE LOGEMENTS SOCIAUX : UNE DEMARCHE «GAGNANT-GAGNANT»
Le Gouvernement fait de la lutte contre le changement climatique un levier de la lutte contre la précarité énergétique et de la promotion des énergies renouvelables. Il s'est fixé l'objectif ambitieux de rénover l'ensemble du parc de logements sociaux. À cet effet, 800 000 logements sociaux (dont 180 000 en Programme National de Rénovation Urbaine) dont la consommation d'énergie est supérieure à 230 kilowattheures d'énergie primaire par mètre carré et par an, devront faire l'objet de travaux avant 2020, au rythme fixé par le Grenelle, de 40 000 à 70 000 logements par an, afin de ramener leur consommation annuelle à des valeurs inférieures à 150 kilowattheures d'énergie primaire par mètre carré. Ces mesures constituent un exemple d'intégration des trois piliers du développement durable puisqu'elles répondent à la fois aux choix économiques nationaux et communautaires dans le cadre du plan de relance, aux objectifs environnementaux d'efficacité énergétique et de promotion des énergies renouvelables, enfin, à l'exigence sociale d'amélioration des conditions de vie des personnes les plus démunies. Dans ce contexte, le Pacte de solidarité écologique proposé par la Secrétaire d'État auprès du Ministre d'État précise «qu'en France, au moins 2 millions de ménages habitent des logements peu ou mal chauffés et près de 10% de la population française est concernée par une situation de précarité énergétique. Les mesures du Grenelle sur la rénovation des bâtiments existants peuvent être bénéfiques sous au moins trois angles : un gisement d'économie d'énergie, un gisement potentiel considérable d'emplois, un gain de pouvoir d'achat grâce à la réduction des inégalités sociales face à la hausse des prix de l'énergie. L'objet du pacte sera donc de permettre ce triple bénéfice. Pour certains ménages, il s'agira d'éviter une aggravation du surendettement...» La mise en oeuvre de tels objectifs impose cependant d'assurer une réelle synergie entre les différents acteurs publics et privés. Et c'est aux services déconcentrés de l'État qu'il revient d'effectuer «un portage des politiques publiques auprès de l'ensemble des acteurs de la filière construction».
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LES SERVICES DECONCENTRES DE L'ETAT AU MOBILISATION DES ACTEURS PUBLICS ET PRIVES
COEUR
DE
LA
Dans le cadre ainsi défini, le point focal de l'action des services déconcentrés sera la lutte contre la précarité énergétique. Il est à craindre, toutefois, que les moyens dont ils disposent en matière de connaissance et de financements ne soient pas à la hauteur des enjeux. En effet, à l'exception du contrôle d'application de la réglementation thermique dont les moyens sont des plus limités, leurs prérogatives se cantonnent essentiellement à un rôle de conseil, d'impulsion, d'animation de réseau des professionnels et de communication avec les interlocuteurs les plus divers. De plus, si l'objectif à atteindre leur est clairement assigné, réduire la consommation d'énergie d'au moins 38 % d'ici à 2020, les éléments de connaissance de la situation de départ dont ils disposent demeurent en revanche incertains : comment identifier les logements les plus énergivores? De combien de bilans énergétiques dispose-t-on? Comment les mobilise-t-on? Enfin, s'agissant des moyens financiers d'intervention directe, les programmes PALULOS et PNRU seront-ils adaptés quantitativement aux enjeux du Grenelle? Comme il s'agit de travaux (coûteux) dont le gain bénéficierait in fine aux locataires, un début de solution par voie de règlement consisterait à répartir en deux parts égales l'économie réalisée. Les seuls fonds propres des organismes HLM ne sauraient suffire compte-tenu du coût des travaux estimés à 15 000 par logement. Quelques solutions sont dès lors avancées comme l'écoprêt à taux bonifié, un dégrèvement de la taxe foncière qui pourrait correspondre à 20% du coût de la réhabilitation ou encore, le recours à des financements communautaires par le biais d'une participation du Fonds Européen de Développement Régional (FEDER).
LA MOBILISATION DU FEDER : UNE OPPORTUNITE NOUVELLE A NE PAS MANQUER
Jusqu'à une date récente, le logement n'était pas, en France, éligible au FEDER. Mais le règlement du Parlement européen et du Conseil du 6 mai 2009 a modifié les règles d'éligibilité de ce Fonds et a intégré, pour la première fois, le logement comme secteur bénéficiaire, alors que jusque là, seuls les États-membres ayant adhéré à l'UE à partir de 2004 pouvaient y prétendre. Il faut donc se saisir de la réforme récente et de l'opportunité de cette nouvelle source de financements pour mobiliser, en ce sens, ainsi que l'indique la circulaire du 23 mars 2009, les services de l'État et les acteurs du logement en faveur de l'efficacité énergétique des logements sociaux. Selon le président de l'USH, dans l'hypothèse d''une participation du FEDER à hauteur de 20% des coûts éligibles, pas moins de 100 000 logements pourraient en être bénéficiaires en 4 ans. L'effet levier que peut désormais assurer le FEDER suppose, de la part du Préfet de région , en sa qualité d'autorité de gestion du programme opérationnel FEDER (mission assurée par le SGAR), non seulement une connaissance des nouvelles conditions d'éligibilité offertes mais aussi une démarche volontaire bien ciblée. Il convient donc de rappeler que le règlement précité se réfère au plan européen de relance économique qui accorde une place importante aux investissement améliorant l'efficacité énergétique des bâtiments et des logements. Dans chaque État-membre, les dépenses relatives aux améliorations de l'efficacité énergétique et à l'utilisation des énergies renouvelables dans les logements existants sont éligibles jusqu'à 4% de la contribution totale du FEDER. Ce règlement a donné lieu à une circulaire du MEEDDM en date du 22 juin 2009 qui fournit le mode opératoire du dispositif. Parmi les critères de sélection, les projets devront «viser les logements les plus consommateurs d'énergie... dans le cadre de stratégies régionales
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d'utilisation du FEDER visant l'exemplarité et l'effet d'entrainement et élaborés en concertation avec les acteurs du développement social». Pour donner de la visibilité au fonds européen, la circulaire demande «de concentrer ces aides sur des opérations structurantes regroupant un nombre significatif de logements et visant une performance énergétique exemplaire». Enfin, un règlement de cohérence juridique et financière du 23 septembre dernier énumère les 10 critères -non cumulatifs- susceptibles d'ouvrir droit aux financements du FEDER en matière de logement : le seul critère intitulé «un faible niveau de performance énergétique des bâtiments» pourrait être avancé par la France, dans le cadre de la rénovation thermique des logements sociaux lancée par le Grenelle. Le FEDER a donc vocation à intervenir en complément des financements nationaux et particulièrement, les dispositifs portés par les établissements publics nationaux comme l'ADEME, l'ANAH, l'ANRU et bien entendu, les collectivités territoriales. Ces dernières apparaissent dans les maquettes financières établies pour chaque programme opérationnel, dans chacune des collectivités régionales françaises.
DES COMPLEMENTS A PROPOSER AU MODE OPERATOIRE PREVU PAR LA CIRCULAIRE MINISTERIELLE, DANS LE CADRE D'UNE GOUVERNANCE ADAPTEE
Les acteurs du logement social n'ayant pas eu, jusqu'à présent, la possibilité de présenter des demandes de financement communautaire, une action soutenue de pédagogie, d'information et de sensibilisation s'avère indispensable. Il serait particulièrement utile de préparer un référentiel de «montage» de projets en direction des maîtres d'ouvrages publics et privés, afin qu'ils puissent disposer de toutes les réponses aux questions essentielles qu'exige la présentation d'un dossier FEDER. Dans cette perspective, il conviendrait d'élaborer un guide d'assistance de montage de dossier, en présentant un document simple et opérationnel, sériant à tout le moins les huit questions clefs ci-après :
- s'assurer que ces nouveaux partenaires aient bien pris connaissance du contenu du
programme opérationnel du FEDER de leur région et des modalités de fonctionnement du Fonds ;
- préciser la période d'éligibilité des dossiers concernant les actions engagées avant
l'entrée en vigueur du Règlement 397/ 2009, compte tenu des indications fournies par ce texte mais aussi par celles de la circulaire du MEEDDAT du 22 juin 2009 ;
- identifier les lignes budgétaires du FEDER sur lesquelles pourraient être imputés les
projets de chaque région ;
- Identifier les arbitrages effectués par chaque Préfet de région quant à la répartition
financière de l'enveloppe prévue (fractionnement sur un grand nombre de projets ou ciblage sur un bouquet réduit de projets ;
- préciser le taux de financement public maximal autorisé, dont le taux de participation du
FEDER ;
- définir la nature des dépenses éligibles avant, pendant et après les travaux thermiques
prévus ;
- par référence aux règles communautaires de financement applicables, fixer les
conditions nécessaires à la conduite de l'évaluation du projet ;
Approche du développement durable des territoires et de leur gouvernance : Regards sur la territorialisation du "Grenelle" - Janvier 2010
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- indiquer qui peut procéder à ce type d'évaluation (d'où la nécessité de faire appel à des
experts dans le domaine de l'efficacité énergétique) et préciser si son coût est intégré dans la demande de financement sollicitée au titre du FEDER. Rouchdy KBAIER Section 1 Collège juridique, droit et contentieux
Approche du développement durable des territoires et de leur gouvernance : Regards sur la territorialisation du "Grenelle" - Janvier 2010
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3.4. L'identification de la trame verte et bleue : vers reconnaissance de l'enjeu de la biodiversité dans développement durable des territoires ?
la le
Les trois documents6 qui fixent les grands principes de la trame verte et bleue, apportent les appuis méthodologiques nécessaires à son identification d'une part, à une meilleure prise en compte par les infrastructures linéaires de l'État d'autre part et résultent d'un processus d'élaboration concertée, menée pendant plus d'un an dans un format du type «Grenelle à cinq». Il n'est donc pas pertinent de la part du CGEDD d'en proposer à ce stade des modifications d'architecture ou même de rédaction ponctuelle, dont la prise en compte conduirait sans doute à remettre en cause le processus lui-même. L'idée centrale développée dans cette contribution pour la réussite de la territorialité de cette mesure est de donner à la trame verte et bleue un statut qui ne soit ni supérieur, ni subordonné, à celui des autres démarches d'organisation des activités économiques et sociales, conformément au concept même du développement durable.
UNE DEMARCHE DE PROJET
L'identification de la trame verte et bleue, sa reconnaissance par l'ensemble des parties prenantes locales, impliquent des démarches méthodologiques comparables à celles adoptées pour toute élaboration de projet, fondées sur un état des lieux initial fiable et un diagnostic partagé, une claire définition des objectifs poursuivis, une description des mesures de mise en oeuvre, y compris de limitation d`impacts négatifs éventuels sur d'autres projets ou programmes. Une évaluation ex-ante du projet doit en effet permettre de procéder aux arbitrages pris en toute connaissance de cause, en cas de conflits d'objectifs. A ce titre, la nécessité d'un état des lieux initial solidement établi devrait s'imposer à la trame verte et bleue. Une cartographie d'habitats, fondée sur la description de la flore, devrait servir de base au schéma régional de cohérence écologique (SRCE) co-élaboré par l'État et la Région. Cette cartographie permettrait d'inventorier les zones de forte diversité mais également d'identifier les thèmes de recherche permettant de mieux comprendre les continuités écologiques et d'identifier les espèces les plus représentatives des différents types de continuités. Elle devrait être complétée par une analyse de l'état de conservation des espèces animales nécessitant une échelle d'observation plus large pour certaines espèces (grands mammifères, oiseaux). La France, contrairement à d'autres états européens (comme l'Espagne), n'a pas fait le choix d'établir une cartographie d'habitats au moment de la mise en place du réseau Natura 2000. L'identification de la trame verte et bleue pourrait ainsi être l'occasion d'asseoir sur des bases scientifiques plus solides, sur le terrain, les politiques de préservation de la biodiversité7. Plus qu'un inventaire, il s'agirait de dresser un véritable diagnostic de l'état de la biodiversité
6
Documents en vue de l'élaboration des orientations nationales pour la préservation et la restauration des continuités écologiques et mis en consultation en avril 2009 : 1. Choix stratégiques de nature à contribuer à la préservation et à la restauration des continuités écologiques. 2. Guide méthodologique identifiant les enjeux nationaux et transfrontaliers relatifs à la préservation et à la restauration des continuités écologiques et comportant un volet relatif à l'élaboration des schémas régionaux de cohérence écologique. Prise en compte des orientations nationales pour la préservation et la restauration des continuités écologiques par les grandes infrastructures linéaires de l'État et de ses établissements publics.
3.
Ces trois documents sont cités dans le projet de loi dit Grenelle 2 (article 45 : article 371-2 du code de l'environnement respectivement aux alinéas 4, 5 et 6). Pour couvrir l'ensemble du territoire métropolitain et ainsi avoir une carte complète des habitats, il conviendrait de prévoir 60 personnes équivalents temps plein pendant 5 ans (cf. rapport sur le réseau des conservatoires botaniques nationaux - IGE 06/21 - p. 34). Approche du développement durable des territoires et de leur gouvernance : Regards sur la territorialisation du "Grenelle" - Janvier 2010 34/72
7
du territoire, non pour la figer mais pour éviter toute destruction inconsidérée et favoriser positivement son évolution... La définition d'objectifs par référence au «bon état de conservation des habitats et espèces» de la directive habitats pour la trame verte, ou au «bon état écologique des masses d'eau» de la directive cadre sur l'eau pour la trame bleue, devrait être explicitée dans chaque schéma régional de cohérence écologique. Concernant la trame verte, ces objectifs devraient également porter sur les espaces et espèces relevant de la biodiversité ordinaire.
UNE EXIGENCE DE COHERENCE
La trame verte et bleue qui répond aux besoins vitaux de déplacement des espèces animales sauvages, doit se lire à différentes échelles, de la lande communale au massif forestier interrégional. Elle trouve aussi des prolongements sur le continent européen pour beaucoup d'espèces terrestres, et même des prolongements transcontinentaux pour les oiseaux et poissons migrateurs. La circonscription administrative retenue pour élaborer le schéma de cohérence écologique (la région) ne coïncide habituellement pas avec les ensembles majeurs de continuités écologiques : massifs forestiers ou montagneux pour la trame verte, bassins versants et unités littorales pour la trame bleue. Par ailleurs, certaines collectivités, régions, départements et intercommunalités ont entrepris depuis plusieurs années des réflexions et réalisations relatives à la continuité écologique sur leur territoire. Il importe d'intégrer ces acquis dans la réflexion à mener. Enfin, la trame verte pose le problème d'une affectation durable, pérenne, des espaces qui la composent. L'élaboration du schéma régional de cohérence écologique devrait être l'occasion d'aborder entre les parties prenantes les modalités de protection et de gestion, réglementaires ou contractuelles. De son côté, la trame bleue qui est largement «canalisée» par le réseau hydrographique, pose le problème de l'effacement d'obstacles ; un programme de suppression mériterait d'être étudié au vu de l'état initial dressé et des objectifs poursuivis. La trame verte et bleue concernera aussi l'espace urbain ; c'est à l'évidence le cas de la trame bleue, beaucoup de villes s'étant historiquement édifiées en bordure de cours d'eau, mais la trame verte doit aussi être présente en ville, la pénétrer, la cerner, l'aérer ; elle peut contribuer à maîtriser, ordonnancer l'étalement urbain. La première exigence pour identifier la trame verte et bleue territorialement sera donc d'assurer la cohérence dans l'application des référentiels pour la cartographie des habitats, dans la délimitation des corridors d'intérêt interrégional et international, mais également dans les objectifs de conservation.
UNE EXIGENCE D'EVALUATION, BASE DE TOUT ARBITRAGE
L'autre exigence pour faire vivre cette trame verte et bleue sera d'évaluer les incidences de l'action humaine sur son « bon état de conservation » afin d'apporter les éclairages nécessaires aux arbitrages éventuels entre projets et d'arbitrer les modifications par l'action humaine des infrastructures écologiques constituant la trame verte et bleue, celles des infrastructures économiques, à partir de grilles d'analyses comparables. L'état de référence des habitats et espèces, tel que décrit précédemment8 constitue l'héritage de l'histoire en matière de biodiversité et « d'infrastructure écologique » au même titre que l'état des composantes et infrastructures économiques ou encore l'état des acquis sociétaux et sociaux composent l'héritage des actions humaines passées.
8
Cet état de référence pourrait aussi être celui de l'arrêt de l'érosion de la biodiversité prévu en 2010. Approche du développement durable des territoires et de leur gouvernance : Regards sur la territorialisation du "Grenelle" - Janvier 2010 35/72
Les modifications éventuelles apportées par l'action humaine 9 à ce patrimoine écologique, économique ou social devraient être examinées, et arbitrées en cas de conflits d'objectif, selon des grilles d'analyse multicritères permettant de mettre en évidence les incidences négatives ou positives de chaque projet, incidences abordées sous leurs trois dimensions économiques, sociales et écologiques (évaluation globale). Ce qui exige d'adopter des approches similaires pour ces trois composantes avec pour chaque d'elles, une description de l'état initial du territoire impacté par le projet, une analyse des effets du projet, les mesures préconisées pour éviter, atténuer ou compenser les impacts négatifs (effets sociaux et économiques négatifs de projets à finalité écologique, effets écologiques négatifs éventuels de projets à finalité économique ou sociale). Le recours systématique à des grilles d'analyse multi-critères serait de nature à faciliter ces arbitrages et apporterait une plus grande transparence des décisions. Une telle démarche équilibrée de préparation des décisions (d'éclairage des arbitrages) devrait viser à réduire les situations de conflits voire de blocages actuels, dans lesquelles les porteurs de projets socio-économiques ont parfois le sentiment de voir entraver leurs actions pour des raisons qu'ils ne comprennent pas (le syndrome de l'autoroute arrêtée par le piqueprune), alors que les défenseurs d'intérêts écologiques se sentent souvent en situation d'infériorité face aux enjeux économiques (on n'a jamais détruit une voie de communication pour rétablir une continuité écologique, alors qu'on détruit couramment des continuités écologiques pour construire des voies de communication). Cette démarche d'évaluation globale des impacts des projets devrait être renforcée en amont par une évaluation similaire des plans et de programmes : il s'agirait notamment de s'assurer de la compatibilité des schémas régionaux de cohérence écologique avec le schéma national des infrastructures de transport, les plans énergie-air-climat, les schémas directeurs d'aménagement des eaux, les plans départementaux de prévention des incendies de forêts... C'est pour les services de l'État en région, un chantier novateur et ambitieux qui relève tout à la fois de la connaissance stratégique des territoires, de la préparation à la décision (arbitrages) et de l'évaluation. Denis LAURENS, Commission permanente des ressources naturelles Collège "Biodiversité"
9
Ne sont pas évoquées ici le fait que les infrastructures écologiques se trouvent aussi modifiées sous l'effet de facteurs indépendants de l'action humaine locale, notamment le changement climatique. Approche du développement durable des territoires et de leur gouvernance : Regards sur la territorialisation du "Grenelle" - Janvier 2010 36/72
3.5. La mise en oeuvre du plan « séisme Antilles » : pour le renforcement des leviers d'action
Les départements d'outremer sont en France les territoires les plus exposés aux risques naturels majeurs de toutes sortes et l'attente des populations pour une action publique en ce domaine est forte, aussi bien pour prévoir les phénomènes que pour se protéger de leurs effets. Parmi tous les risques, il apparaît que le risque sismique est le plus préoccupant pour la sécurité des populations. L'intensité du phénomène, la brutalité avec laquelle il intervient et la faiblesse du délai d'anticipation peuvent être à l'origine d'une catastrophe humanitaire majeure qui nous incite à le traiter spécifiquement pour son impact potentiel dans les Antilles. La présente contribution résulte essentiellement de contacts pris avec la CCIAPSA (cellule interministérielle d'appui au plan séisme Antilles) placée auprès du DGPR (entretien avec son responsable et examen des documents qu'elle a produits), mais le parti a été pris de ne pas procéder à l'analyse précise des contributions des services déconcentrés, DDE et DIREN de la Martinique et de la Guadeloupe. Aucune analyse ne concerne les territoires de Saint Martin et de Saint Barthélémy. L'analyse présentée est donc partielle faute de confrontation avec le terrain.
UN PROGRAMME D'INTERVENTION GLOBAL
Bien que les îles soient géologiquement différentes, l'ensemble des Antilles se situe en zone de forte sismicité correspondant à des accélérations supérieures à 3 m/s². Les scientifiques s'accordent pour considérer que la probabilité qu'un séisme majeur se produise est de l'ordre de 150 ans. Le dernier s'est produit en 1839 en Martinique et en 1843 en Guadeloupe et il y a eu en 2004 et 2007 des secousses, aux Saintes notamment, peu destructrices. «The Big One» est donc craint avec juste raison et les préfets mobilisent les services de l'État et s'efforcent de faire partager leurs préoccupations aux responsables des collectivités, au niveau des communes notamment. Ce d'autant que le patrimoine bâti est très vulnérable aux secousses sismiques. Le plan «séisme Antilles», présenté en janvier 2007 en Conseil des ministres, a fixé comme objectif principal de protéger les populations en mettant l'accent sur le risque d'effondrement des constructions, tant pour les locaux des services de gestion de crise ou les établissements recevant du public que pour les habitations. La loi de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle, dite «Grenelle 1», a donné à ce plan une valeur législative (article 44 a). Les populations concernées sont importantes (800 000 habitants) et nombre d'entre elles occupent un logement social (un quart des logements antillais). Elles sont principalement concentrées sur le littoral, ce qui implique, en cas de cataclysme, de préserver l'accès aux communes par la mer et d'être sûr de la résistance des quais portuaires Le réseau routier national a été transféré aux deux régions. La gouvernance du plan «séisme Antilles» est assurée par un comité de direction (CODIRPSA) présidé par le directeur général de la prévention des risques et réunissant les représentants des services de l'État les plus concernés. Pour mettre en oeuvre le plan séisme dans chaque région, les préfets s'appuient sur les décisions des comités «séisme» qu'ils ont constitués, ainsi que sur des cellules locales animées par les DDE et les DIREN avec les services des préfectures. Les objectifs du Plan au nombre de cinq sont :
- la meilleure connaissance scientifique du phénomène, - la constitution d'un milieu professionnel local de la construction, - l'étude de règles d'aménagement et de dispositions constructives adaptées aux Antilles
sur l'ensemble des risques naturels (cyclones très particulièrement),
Approche du développement durable des territoires et de leur gouvernance : Regards sur la territorialisation du "Grenelle" - Janvier 2010 37/72
- la sensibilisation des populations et l'éducation notamment des jeunes, - le contrôle du respect des règles de construction parasismique.
Les priorités d'action portent sur :
- les installations des services d'intervention et de gestion de crise, au premier rang
desquels les services de secours (casernes de pompiers...),
- les écoles primaires publiques, car elles concentrent une forte densité de jeunes et
peuvent de plus servir d'abris aux populations,
- les autres établissements d'enseignement, - les logements sociaux. UNE FORTE MOBILISATION DES SERVICES DE L'ETAT
Les DDE participent à l'élaboration du diagnostic pour les constructions d'écoles et les bâtiments de l'État notamment. De gros moyens sont consacrés à la construction de logements sociaux et à la conduite d'opération des bâtiments d'État. La distinction est à faire entre les constructions neuves réalisées aux normes parasismiques, d'une part, et les aménagements ou renforcements de bâtiments existants visant à les mettre aux normes, plus difficiles à appréhender, donc à chiffrer et à en estimer l'efficacité réelle, d'autre part. L'analyse coût-avantage entre les deux solutions s'avère de ce fait délicate, une méthodologie spécifique serait à mettre au point. Des actions significatives ont déjà été réalisées depuis plusieurs années par les DIREN avec l'appui des DDE et de plusieurs services de l'État. Les DIREN ont en charge les volets immatériels, tels l'animation, la formation, y compris pour le corps artisanal de toute la filière construction, la gestion des études sur la connaissance de l'aléa, la préparation à la gestion de crise et la gestion éventuelle de crise, l'information... Sous l'autorité des préfets, ces deux services sont particulièrement mobilisés. En Martinique, la DIREN qui pilote la démarche, a créé trois groupes de travail (vulnérabilité, construction/formation, communication) et un comité Séisme regroupant l'ensemble des parties prenantes. En Guadeloupe, la DIREN a renforcé son équipe risques grâce à la création de deux emplois et une unité spécifique chargée d'établir le diagnostic des bâtiments État a été mise en place à la DDE par redéploiement de trois postes.
UN FINANCEMENT PROBLEMATIQUE
Les DDE ont reçu et mis en place des crédits de diagnostic de l'état des constructions et ont fait réaliser des études par des bureaux spécialisés. Ces diagnostics portent sur le patrimoine public, mais également sur les établissements privés d'enseignement (lesquels devront se plier aux exigences de sécurité sous la contrainte de fermeture). Dans la limite des moyens et compétences disponibles, les bureaux d'études et les contrôleurs techniques locaux y ont participé de façon significative. Sans rentrer dans le détail des mécanismes financiers (octroi de mer constituant la majeure partie des ressources notamment communales, plan gouvernemental de relance, participation de l'AFD, FEDER), le simple examen de la situation financière de la plupart des communes laisse présupposer qu'il leur sera difficile de s'engager dans la mise aux normes des écoles primaires ou des postes de crise communaux. L'assurance d'un financement extérieur à hauteur de 80% obtenu grâce notamment à la forte contribution du fonds national de prévention des risques naturels majeurs (FNPRNM) au plan séisme Antilles (50 M/an) ne suffit pas toujours à finaliser le plan de financement. Ainsi, en est-il d'importants projets comme celui du lycée Baimbridge aux Âbimes pour 67 M, dont 20 attendus du dit fonds. Le renforcement parasismique des 600 écoles primaires (également lieux d'abri) est particulièrement onéreux (400 M en Guadeloupe par exemple). Il en est de même pour les 100 collèges concernés pour lesquels les Conseils généraux peinent à rassembler rapidement leurs propres crédits .
Approche du développement durable des territoires et de leur gouvernance : Regards sur la territorialisation du "Grenelle" - Janvier 2010 38/72
L'enjeu financier pour la mise à niveau des seuls bâtiments publics est de l'ordre de 2 milliards d' pour chacune des 2 îles.
UNE PROGRAMMATION EN QUÊTE DE SOUTIEN METHODOLOGIQUE
La réglementation française (notamment les prescriptions du décret du 14 mai 1991) impose des règles de construction parasismiques normalisées contraignantes. Pour y faire face, le choix entre la reconstruction et le confortement de l'existant dépend de critères multiples qui s'ajoutent aux difficultés de financement. Ce choix demande en effet une réflexion avancée sur l'importance socio-économique des bâtiments, l'analyse comparée des coûts et des bénéfices, la vulnérabilité des installations et de leur état de vétusté, le niveau de risque accepté et de protection souhaitée. L'absence de texte précisant les conditions de dimensionnement des travaux de confortement au regard de ces critères, dont on peut penser que des règles adaptées seraient sur certains points moins contraignantes ,ne facilite pas le choix des décideurs. La réécriture en cours de la réglementation de 1991 constitue une opportunité pour prendre en compte ces aspects. Les actions visant à améliorer la connaissance sont essentielles pour l'ensemble des acteurs de la gouvernance du plan séisme Antilles. Elles visent aussi bien les cadres des services de l'État que ceux des collectivités ou les entreprises et bureaux d'études locaux. Agissant auprès de la CCIAPSA pour dynamiser la mise en oeuvre du plan, le CERTU a animé début 2009 un séminaire d'où ont émergé des thèmes de travail et une feuille de route pour les services d'État. De tels séminaires seront organisés avec les collectivités. La formation de base initiale n'est pas en reste, aussi bien dans les lycées et collèges antillais (notamment les lycées professionnels formant au métiers de la construction) qu'au niveau des 2ème et 3ème cycles universitaires. Plus de 50 formations ont été recensées fin 2008 par l'association française de génie parasismique (AFPS) mettant en évidence une formation plus orientée vers l'aléa et le génie civil que sur les aspects socio-économiques du risque et les problèmes de réhabilitation des bâtiments existants. L'inventaire des bâtiments publics, plusieurs fois prescrit (en dernier lieu par la circulaire du 16 janvier 2009) n'est toujours pas achevé. Les premières estimations de la durée de réalisation de l'ensemble des travaux nécessaires sont de l'ordre de 15 à 20 ans. La gestion d'une telle programmation nécessite de disposer d'un minimum de garanties financières sur cette durée. Ceci a été exprimé les élus lors des réunions du Comité national de pilotage. Ceci implique une politique contractuelle dotée d'un dispositif de suivi et d'évaluation du plan séisme Antilles qui semble-t-il reste à définir et à intégrer au plan, y compris son financement.
PRECONISATIONS POUR RENFORCER LE PLAN SEISME DES ANTILLES - La réalisation d'un diagnostic complet des opérations à engager constitue le point de
départ incontournable pour évaluer les coûts, définir les priorités et établir la programmation des interventions. Il doit s'appuyer sur une méthodologie qui pourrait être définie par un comité scientifique et technique en appui de la CCIAPSA. Les services devront notamment s'approprier les conclusions du séminaire organisé avec l'appui du CERTU et les approfondir. L'établissement d'un tel diagnostic demande un travail conséquent. Si compétences et motivation sont avérées, il faudra aussi mobiliser des effectifs à la hauteur du défi.
- L'ampleur des investissements sur la durée nécessite un étalement dans le temps qui
impose des engagements financiers aussi bien de l'État, de l'Europe que des collectivités. Ces financements pourraient faire l'objet d'une contractualisation que sur la base du diagnostic pré-cité et d'une programmation pluriannuelle rigoureuse dotée d'un dispositif de suivi -évaluation clairement défini.
- La contractualisation devrait également favoriser la mobilisation (et l'affichage) des
crédits des ministères les plus concernés par des opérations prioritaires (SDIS, hôpitaux...).
Approche du développement durable des territoires et de leur gouvernance : Regards sur la territorialisation du "Grenelle" - Janvier 2010 39/72
- La trop faible mobilisation de crédits communaux, malgré l'importance des aides
mobilisées (40% FPRNM, 20% FEDER, 20% BOP 181 ou 123) constitue un frein dans le confortement ou la reconstruction des écoles.
- La gestion des travaux de renforcement de grande ampleur doit se faire en préservant la
continuité de l'activité des services concernés (en premier lieu les cellules de crises voir la mise en conformité du PC préfectoral de la Martinique et l'utilisation éventuelle à cet effet et à court terme du bâtiment de la DDE SDIS,). Des « opérations tiroirs » doivent pouvoir être mises en place au profit des écoles, des hôpitaux...et du foncier rendu disponible lorsque des installations provisoires sont nécessaires.
- La capacité actuelle d'intervention des professionnels de la construction, maîtres
d'oeuvre, bureaux d'études et entreprises, n'est pas à la hauteur du défi. De nombreuses formations sont dispensées dans le domaine de la construction parasismique sans qu'elles soient toujours bien identifiées. Un effort de coordination des ces formations sera nécessaire lorsqu'elles auront été précisément évaluées.
- La mise à niveau du bâti privé n'est pas traitée par les services du ministère mais devra
être conduite en parallèle. Elle passe par une forte incitation aussi bien au niveau de la sensibilisation que dans le domaine financier. Il n'y a aucune action de diagnostic sur les constructions privées en dehors des établissements privés d'enseignement et les principales industries (classées SEVESO), ni sur les réseaux de fluides. Or, par exemple la Guadeloupe est très dépendante de son château d'eau naturel, malgré des interconnections. De réels efforts de sensibilisation et d'information sont entrepris, vers les responsables et les populations, mais aussi en milieu scolaire avec l'action volontariste du rectorat. Les avancées les plus spectaculaires relèvent plus de la motivation et du dynamisme d'individus ou de services (par exemple le bailleur social principal représente en Guadeloupe 70% du parc et entraîne d'autres acteurs). Ces actions doivent être prolongées pour aboutir à une culture du risque réellement partagée. Denis CARDOT Section 4 Jean-Louis RAVARD MIGT 8
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4. LA MISE EN MOUVEMENT DES SERVICES DU MEEDDM
La prise en compte du Grenelle de l'environnement par les
administrations centrales : en traduire les engagements dans les circulaires et le dialogue de gestion Lionel RIMOUX - Thierry LAVOUX
La connaissance stratégique des territoires :
un enjeu incontournable pour réussir la territorialisation du Grenelle Didier CAUVILLE
La mutualisation des pratiques de l'évaluation
environnementale : vers une synergie des travaux des trois formations de l'autorité environnementale Rouchdy KBAIER
Les enjeux de la formation :
nouveaux acteurs, nouveaux parcours de professionnalisation Alain LAVIELLE
La mobilisation du réseau scientifique et technique :
un appui indispensable aux services Bernard DURU
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4.1. La prise en compte du Grenelle de l'environnement par les administrations centrales : en traduire les engagements dans les circulaires et le dialogue de gestion
Cette contribution à la réflexion menée sur la territorialisation du Grenelle fait suite à une analyse sous l'angle du Grenelle de l'environnement des circulaires adressées par le ministère aux préfets, mission que nous avons faite à la demande de la commissaire générale au développement durable. Le rapport de cette mission a été publié en août 2009.
LES INSTRUCTIONS AUX SERVICES TERRITORIALISATION DU GRENELLE
N'ACCOMPAGNENT
PAS
LA
Une quarantaine de circulaires adressées aux préfets a été recensée sur la période d'analyse (quatrième trimestre 2008 - premier trimestre 2009). Après en avoir évalué le contenu en terme d'information, d'orientation, de gouvernance, d'impulsion des politiques ainsi induites, d'organisation et de moyens pour la mise en oeuvre de ces politiques, nous nous sommes attachés à examiner chacune de ces circulaires à la lumière des grands enjeux du Grenelle de l'environnement. Nous avons en particulier analysé en quoi elles pouvaient s'inscrire en tout ou partie dans l'un ou dans plusieurs de ces enjeux. Une grille de lecture des circulaires croisant enjeux et missions nous a permis de mettre en évidence les constats suivants :
- les circulaires adressées aux préfets ne traitent pas directement des enjeux du Grenelle
même lorsque leur objet y trouve un prolongement ou une application. En général, ni les thèmes abordés, ni les instructions ne répondent de manière satisfaisante aux enjeux du Grenelle de l'environnement qui sont au mieux effleurés et à tout le moins très mal abordés ;
- la nécessité d'impulser la territorialisation du Grenelle n'a, par conséquent, ni fait l'objet
d'une réelle appropriation par les différentes directions du ministère, ni d'une approche coordonnée et volontariste sur la période d'étude ;
- enfin, aucune circulaire de l'administration centrale n'aborde, sur cette période, les
notions d'organisation et de moyens pour la mise en oeuvre des engagements du Grenelle aux niveaux déconcentrés, à l'exception bien sûr de la circulaire de mars 2009 consacrée à sa territorialisation. Afin de garantir la traduction effective -et durable- du Grenelle de l'environnement dans les instructions données aux préfets, les principales recommandations suivantes ont été formulées :
- établir pour l'ensemble des directions une grille d'analyse homogène bâtie sur un modèle
similaire à celui utilisé lors de notre mission, complétée par des enjeux ignorés ou mal couverts par le Grenelle (par exemple l'eau, le paysage, la montagne, le littoral) afin d'aider les services à en tenir compte de manière plus efficace ;
- rédiger dans chaque circulaire un encadré consacré aux enjeux du Grenelle indiquant
brièvement les articulations avec les enjeux et les thèmes du Grenelle ;
- prévoir une évaluation semestrielle des circulaires adressées aux préfets pour en vérifier
l'adéquation aux engagements du Grenelle et la diffuser aux services rédacteurs ;
- demander aux différentes directions d'administration centrale d'élaborer un programme
de «grenellisation» de leur action sur une base semestrielle ou annuelle.
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LA NECESSITE D'UNE COORDINATION RENFORCEE DES DIRECTIONS
Ces constats, et les préconisations qui en découlent, sont à rapprocher en terme d'analyse synthétique des conclusions du récent audit sur la prise en compte du développement durable par les services déconcentrés, mais aussi des contributions et compte-rendus des Préfets de Région demandés par la circulaire du 23 Mars 2009 relative à la territorialisation du Grenelle. D'une analyse rapide de ces documents, il ressort :
- une forte implication et mobilisation des services déconcentrés sous l'autorité des préfets, - une réelle capacité d'animation et d'impulsion à ce stade du CGDD qui ne dispose
cependant pas de la capacité de mise en oeuvre,
- mais aussi une insuffisante appropriation par les administrations centrales de la
démarche portée par le Grenelle de l'environnement. Se poserait donc à l'évidence, si cette analyse se confirmait dans le cadre des travaux en cours ou à venir, un réel problème de gouvernance, au sein même du ministère, pour la mise en oeuvre de la territorialisation du Grenelle, de son suivi et donc à terme de son évaluation. Pour prévenir un tel risque, la mise au point d'un dispositif apte à mobiliser de manière coordonnée l'ensemble des administrations centrales du ministère pour intégrer dans leurs propres actions la territorialisation du Grenelle et pouvoir ainsi contribuer à en évaluer ex post les effets, paraît indispensable. La nécessité de mettre en place un tel dispositif au niveau du ministère, ne doit bien évidemment pas occulter la dimension interministérielle propre au Grenelle et en particulier l'obligation pour l'ensemble des administrations de l'État de faire vivre la «gouvernance à 5». Une circulaire du Premier ministre pourrait la réintroduire en position centrale dans le dispositif de rénovation de la concertation, base de la «démocratie environnementale». La posture et le rôle de l'État se posent à cet égard avec d'autant plus d'acuité qu'il n'est pas, loin s'en faut, le seul intervenant dans le processus de territorialisation. Il est donc essentiel qu'en préalable à toute démarche, la cohérence interne et l'efficacité de l'action de l'État soient garanties pour qu'il puisse exercer son rôle de coordinateur, d'impulseur et d'arbitre dans le cadre de la «gouvernance à 5» qui sous-tend l'ensemble de la démarche du Grenelle. Il faut cependant reconnaitre que cette démarche requiert une mise en cohérence et du temps souvent peu compatibles avec les modalités d'action préconisées dans les circulaires. Il apparaît de ce fait relativement urgent d'être en mesure d'assurer cette cohérence et cette efficacité au plus près -en terme de calendrier- de la promulgation des Lois Grenelle et de leurs textes d'application par une mobilisation coordonnée de nos administrations centrales.
DES PROPOSITIONS POUR RENDRE PLUS LISIBLE LA TERRITORIALISATION DU GRENELLE DANS L'ACTION DES DIRECTIONS CENTRALES
Les quelques propositions générales suivantes visent à répondre aux problèmes posés.
- Mettre en place une véritable instance d'impulsion et de suivi de la territorialisation
du Grenelle Cette instance pourrait réunir formellement, une fois par trimestre, les directeurs généraux et directeurs d'administration centrale et être préparée et prolongée par des réunions inter-DAC ad hoc sur une base mensuelle. Idéalement la formation trimestrielle devrait être présidée par le directeur de cabinet du ministre et prendre la forme d'une réunion dédiée de la réunion des directeurs généraux et directeurs.
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- Mettre en oeuvre l'intégralité des préconisations du rapport sur l'étude des
circulaires Ces préconisations pourraient utilement être complétées par un véritable plan d'arbitrage, d'orientation, de rédaction et de publication des « circulaires filles» de la circulaire du 23 mars 2009 dont la nécessité, à l'évidence, se fait sentir au niveau des services déconcentrés tout particulièrement.
- Traduire dans la LOLF, dans chacun des programmes annuels de performance du
ministère les engagements du Grenelle et de sa territorialisation Ces engagements devraient non seulement être déclinés dans les stratégies de programme mais aussi dans le descriptif détaillé de chaque action, en mettant si possible l'accent sur le volet performance et en adaptant si nécessaire les indicateurs aux priorités définies..
- En conséquence de ce qui précède, décliner les nouveaux enjeux identifiés et les
objectifs fixés dans l'ensemble du mécanisme annuel de dialogue de gestion. Pour ces deux dernières approches il semblerait raisonnable de cibler cette première prise en compte, opérationnelle, globale et construite dans le cadre de la LOLF, pour l'élaboration du budget 2011. D'importantes marges de manoeuvre existent ainsi pour permettre une application effective du Grenelle de l'environnement au plan territorial, comme la nécessaire construction d'une méthode de rédaction des circulaires aux préfets et la mise en place d'un dispositif de coordination au sein de l'administration centrale complétées par une «lolfisation» du Grenelle et de sa territorialisation. Thierry LAVOUX Section 3 Lionel RIMOUX Section 6
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4.2. La connaissance stratégique des territoires : un enjeu incontournable pour réussir la territorialisation du Grenelle
UN ENJEU ANCIEN QUI PEINE A SE STRUCTURER
La connaissance du fonctionnement des territoires et l'élaboration d'une vision globale permettant une mise en oeuvre cohérente des politiques publiques font partie des orientations données aux services déconcentrés de l'État depuis de nombreuses années. Cette préoccupation reste une constante comme le confirme l'analyse des instructions récentes, notamment pour réussir la territorialisation du Grenelle. Malgré cette constante, force est de constater que beaucoup reste à faire pour structurer une connaissance territoriale stratégique au sein du ministère si l'on se réfère aux résultats de l'enquête réalisée en 200810 ou aux divers entretiens menés avec les administrations centrales sur ce thème11). En caricaturant la situation, il est possible aujourd'hui d'identifier une multitude d'expériences intéressantes, de géométrie très variable et de durabilité encore plus aléatoire et, parallèlement, noter une incapacité d'évaluer certaines politiques publiques à partir des données disponibles, comme dans le domaine du logement par exemple. Le constat effectué lors de l'évaluation 2003 de la connaissance des territoires par les services du ministère de l'équipement12 reste d'actualité : «On peut d'emblée remarquer que cette évaluation présente la particularité de porter non pas sur une politique publique, mais simplement sur une situation à un moment donné. On verra en effet qu'à aucun moment une politique de la connaissance des territoires n'a été formellement définie au sein du ministère de l'équipement».
UNE BASE FONDAMENTALE POUR ECLAIRER L'ACTION DE L'ÉTAT
Tout est déjà dit dans les textes sur les finalités / enjeux / légitimités / positionnement / nécessités de la connaissance stratégique des territoires pour les services de l'État, et plusieurs rapports du CGPC puis du CGEDD ont déjà fait des recommandations pertinentes13. Les plus anciens de ces rapports ont certes été rédigés avant la création du ministère du développement durable (MEDDAT puis MEEDDM), de l'instauration des DREAL, des DDEA puis des DDT. Mais les principaux constats et les recommandations qui en découlent, peuvent sans difficulté être transposés dans l'organisation actuelle en conservant leur acuité:
- l'importance du rôle local de l'État en tant que stratège, régulateur et impulseur, qui doit
disposer pour ce faire d'une vision territoriale ;
- la nécessite d'organiser et de piloter les services de l'État, de définir des priorités, de
gérer les ressources et les compétences ;
- l'obligation de développer la coopération et les partenariats tant avec les autres
départements ministériels qu'avec les collectivités locales. Cette connaissance des territoires est en effet indispensable pour assurer une application pertinente des lois et règlements, pour en évaluer l'efficacité et d'une façon plus générale pour asseoir le pouvoir d'appréciation de l'État dans son rôle d'autorité régulatrice. La création d'un ministère de développement durable, le Grenelle de l'environnement et la mise en oeuvre des orientations qui en sont issues, la réorganisation des services territoriaux
10 11 12 13
Enquête Apostolo - Dodu Notamment avec le CGDD et la DGALN, mais aussi le PUCA, le CERTU ... Rapport Brunetière Outre les 2 rapports cités supra, il faut mentionner le rapport Gibelin, les audits AUIP et DD Approche du développement durable des territoires et de leur gouvernance : Regards sur la territorialisation du "Grenelle" - Janvier 2010 45/72
de l'État renforcent la nécessité de cette connaissance des territoires tout en créant des opportunités de la structurer.
UN EXEMPLE D'ACTUALITE : LA GESTION ECONOME DE L'ESPACE
Si le cadrage méthodologique relève sans nul doute de l'administration centrale, la notion d'économie en la matière ne saurait se définir au plan national. Elle s'appréciera sur le terrain en fonction des enjeux locaux, en assurant l'équilibre entre une urbanisation répondant aux besoins de logements, un développement des activités économiques et la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers, tout en limitant les déplacements, tout en prenant en compte les risques naturels, tout en veillant aux continuités écologiques... Les débats puis les décisions visant à intégrer toutes ces composantes doivent se situer dans une gouvernance où l'État doit tenir toute sa place, pour ne pas dire son rang, de stratège et de garant des grands équilibres. Comment pourra-t-il le faire s'il ne peut s'appuyer sur une vision territoriale à la hauteur de ses responsabilités? La récente circulaire sur la territorialisation du Grenelle, par ses commandes aux services territoriaux de l'État, souligne cette nécessité.
LA REORGANISATION DES SERVICES : UNE OPPORTUNITE A SAISIR
La réorganisation de ces services repose sur le renforcement de l'échelon régional, avec les DREAL, en ce qui concerne notre ministère, et la création de directions départementales interministérielles qui ne sont plus des services déconcentrés de ministères, mais qui dépendent néanmoins de l'échelon régional pour la déclinaison des politiques publiques et l'allocation des ressources. Pour le MEEDDM, nombre des politiques publiques dont il a la charge, la planification spatiale avec pour objectif la gestion économe de l'espace en est un exemple, dépendent en grande partie de l'action des services départementaux. Comment en matière de connaissance stratégique des territoires articuler les différents niveaux territoriaux et comment organiser la production de connaissance en liaison avec les autres partenaires locaux? Quel doit être le rôle des DREAL vis à vis des DDT en ce domaine particulier? Si à l'évidence la plupart de ces questions doivent trouver leurs réponses localement, les services territoriaux ont besoin, et ils le réclament, d'un pilotage national qui assure cohérence entre fixation d'objectifs et allocation de ressources (moyens humains et financiers, mais aussi doctrine, méthodologie, offre de formation...). Entre autres, la LOLF pourrait être l'outil et le dialogue de gestion l'occasion pour ce faire.
UN PILOTAGE DES SERVICES DECONCENTRES NECESSITE D'UNE COORDINATION INTER-DAC
EFFICACE
:
LA
Il apparaît non seulement qu'un tel dispositif de pilotage n'a pas encore été mis en place, mais que sa nécessité même ne soit pas encore reconnue par l'ensemble des DAC de notre ministère, pourtant toutes concernées à un titre ou à un autre par la déclinaison locale des politiques qu'elles portent et par conséquent par la connaissance stratégique des territoires14. Un premier pas qui n'a pas été encore franchi, serait qu'une coordination inter-DAC sur ce sujet soit mise en place et que l'une d'entre elles soit désignée pour assurer le pilotage des services territoriaux. La LOLF peut en offrir le cadre. Mais de quel programme la connaissance stratégique des territoires relève-t-elle?
- du programme 113 «Urbanisme, paysages, eau et biodiversité» en charge de la
planification spatiale et de l'intégration des autres politiques dans cette planification qui se décline au niveau des territoires?
- du programme 217 «Conduite des politiques de l'écologie, de l'énergie, du
développement durable et de la mer» qui comprend également une dimension stratégique qui le conduit à assurer des fonctions transversales?
14
Voir les critiques récentes du Conseil d'État et de la Cour des Comptes à l'égard de la connaissances de l'impact des politiques en matière de logement sociaux. Approche du développement durable des territoires et de leur gouvernance : Regards sur la territorialisation du "Grenelle" - Janvier 2010 46/72
- des deux? - de tous les programmes, dans la mesure où la connaissance des territoires constitue un
socle commun à la définition, à la mise en oeuvre et à l'évaluation des politiques conduites par le ministère en matière de transports, de gestion des risques, d'énergie...? Comment peut-il y avoir un pilote et plusieurs responsables de programmes? Dans l'attente de réponse, la DGALN assure certes une animation pertinente des services, plus en matière d'études que de connaissance proprement dite, mais quelle est sa légitimité pour donner toute sa dimension au pilotage indispensable et réclamé par les services? Elle n'est d'ailleurs pas identifiée comme telle. Le CGDD assure également une coordination des services déconcentrés, et notamment des DREAL, sur les questions du développement durable et la territorialisation du Grenelle, mais aussi sur les statistiques, la prospective territoriale... Le SG est lui en charge d'assurer cette transversalité inter-DAC. Ce n'est qu'une fois que sera créée une coordination inter-DAC et que sera désigné un interlocuteur-pilote pour les services qu'on pourra espérer réunir les conditions de réussite d'une politique de la connaissance des territoires au sein du ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer. Didier CAUVILLE, MIGT 7-Est Collège "AUHM"
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4.3. Mutualiser les pratiques de l'évaluation environnementale : vers une synergie des travaux des trois formations de l'autorité environnementale
L'évaluation environnementale est un processus destiné à intégrer les enjeux environnementaux dans la planification et la réalisation de projets, plans et programmes dans un objectif de développement durable. Elle vise à faciliter la participation du public à l'élaboration des décisions qui le concernent, dans le droit fil de la convention d'Aarhus et à améliorer la qualité des projets avant la prise de décision. Cette démarche est surtout pertinente dans les cas de grands travaux de construction ou d'aménagement ainsi que lors de la préparation de documents de planification, en jargon administratif «les plans et programmes», souvent illustrés par les documents d'urbanisme, que ces projets et réalisations soient nationaux ou locaux. L'évaluation environnementale n'est pas un concept récent : prévue par de nombreux textes internationaux et communautaires, cette démarche fournit des éléments méthodologiques indispensables à l'intégration du pilier environnemental dans toute étude socio-économique. C'est pour se mettre en conformité avec le droit communautaires que les évaluations d'impact environnemental des grandes opérations sont soumises à l'avis, rendu public, d'une «autorité compétente en matière d'environnement». Le Gouvernement a ainsi créé, par décret du 30 avril 2009 pris en Conseil d' État, «l'autorité administrative de l'État, compétente en matière d'environnement». La circulaire du 23 mars relative à la territorialisation du Grenelle rappelle que pour les projets de niveau local, l'autorité environnementale est confiée au préfet de région. Elle demande aux services déconcentrés de s'investir dans deux actions interdépendantes : mettre en place et assurer le rôle d'autorité environnementale, diffuser la culture de l'évaluation environnementale. L'efficacité de ces nouvelles missions reposent sur trois préalables :
- clarifier les différents niveaux d'intervention de la fonction environnementale; - donner la formation et les moyens de la diffusion de la culture de l'évaluation
environnementale;
- organiser le pilotage et désigner la structure responsable de la «veille doctrinale». QUELLES LEÇONS TIRER DE CETTE NOUVELLE PRATIQUE?
Trois cas sont à considérer :
- pour les opérations dont le ministre chargé de l'environnement n'est pas lui-même
responsable au titre de ses autres attributions, la fonction d'autorité environnementale est assurée par le ministre ou, localement, pour son compte, par les préfets ;
- pour les opérations réalisées par le ministère ou un organisme placé sous sa tutelle, la
fonction d'autorité environnementale est assurée par une structure spécifique, garante d'impartialité, au sein du conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) ;
- enfin, pour les opérations relevant de la décision de collectivités, la fonction d'autorité
environnementale est assurée par le ministre s'appuyant sur ses services ou localement par les préfets «selon la nature et la portée de l'opération». Après quelques mois de fonctionnement, il est possible de tirer de premiers enseignements méthodologiques de la formation d'autorité environnementale instituée au sein du CGEDD. La réflexion s' est en particulier enrichie du travail d'une mission de parangonnage
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commandée par cette autorité qui a conduit à l'élaboration d'un rapport du CGEDD relatif aux «Comparaisons des pratiques et méthodes de certains autres États-membres de l'Union européenne pour l'élaboration des avis de l'autorité environnementale et prise en compte des jurisprudences concernant les insuffisances d'évaluation d'impact».
L'EXPERIENCE ET LE RÔLE DU CGEDD
L'autorité environnementale du CGEDD s'est mise en ordre de marche dès l'entrée en vigueur du décret du 30 avril 2009. Même si on ne peut encore se fonder que sur un retour d'expérience limité (une quinzaine d'avis rendus à ce jour), il est intéressant de souligner les questions essentielles que se pose cette formation en termes de méthodologie. Le rapport du CGEDD mentionné ci-dessus vise à éclairer l'autorité environnementale du CGEDD sur l'application des directives en droit positif et à tirer les enseignements de la jurisprudence nationale et communautaire. Pour autant, les fondements, objectifs et contenu de ce rapport - dont ses recommandations- pourraient également être utiles aux préfets de région qui sont investis, à leur niveau, de la compétence d'autorité environnementale. Les trois objectifs opérationnels qui ont guidé le CGEDD sont aisément transposables aux avis des préfets de région. Contribuer à la qualité technique des avis rendus par l'autorité environnementale. La matière est complexe et hétérogène. Il faut donc s'assurer, dans les différentes phases de procédure prévues par la législation que l'autorité environnementale dispose bien des référentiels et méthodes favorisant la qualité de ses avis. Améliorer la sécurité juridique des projets, plans et programmes soumis à évaluation. On assiste à une judiciarisation croissante du domaine de l'environnement avec une multiplication des contentieux aux plans national et communautaire qui ont maintenant des conséquences financières majeures, les sanctions pécuniaires de plus en plus lourdes grévant le budget de l'État. Au plan communautaire, les contentieux liés aux directives projets sont les plus importants en nombre après ceux relatifs aux directives Oiseaux et Habitats (Natura 2000). Cela n'est pas neutre lorsque l'on sait que le juge communautaire évalue systématiquement l'impact des projets de développement à l'aune de ces deux dernières directives. Il est donc impératif de s'assurer que les prescriptions contenues dans ces directives soient correctement mises en oeuvre. Contribuer à assurer la sécurité financière des projets, plans et programmes cofinancés par la Communauté européenne. De nombreux projets sont co-financés par le fonds européen de développement régional (FEDER), le fonds européen pour la pêche (FEP) ou le fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) en «additionnalité» des contrats de projets État/région ou d'autres fonds publics nationaux. La Commission européenne est très attentive à ce que les obligations d'évaluation environnementale soient correctement remplies. Elle peut être amenée à suspendre, voire annuler, un financement communautaire pour les projets, plans ou programmes qui ne respecteraient pas les clauses relatives à l'évaluation environnementale. De même, elle peut vérifier que la procédure d'évaluation environnementale en amont a été correctement suivie. Par ailleurs, les préfets de région devront, dans le cadre de leur exercice d'autorité environnementale, ne pas omettre de prendre en compte les évaluations spécifiques des programmes opérationnels du FEDER, du FEADER ou du FEP, conformément au règlement général sur les fonds structurels.
POUR UNE MUTUALISATION DES CONNAISSANCES ET DES BONNES PRATIQUES DANS LE DOMAINE DE L'EVALUATION ENVIRONNEMENTALE
La bonne transposition des directives relatives à l'évaluation environnementale, des projets, plans ou programmes implique de bien distinguer l'«autorité responsable» de l'«autorité environnementale», instance consultative appelée à rendre des avis à différents moments du
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processus d'évaluation. Parmi les questions qui se posent dans la mise en oeuvre de l'évaluation environnementale, deux d'entre elles méritent une attention particulière. Le contrôle préliminaire : première phase du processus d'évaluation L'autorité environnementale exercée par le préfet de région doit s'interroger sur les critères selon lesquels un projet, un plan ou un programme devrait faire l'objet d'une évaluation environnementale. Les textes nationaux et communautaires contribuent évidemment à la réponse, mais l'interprétation de la Cour de justice européenne est bien utile pour savoir ce qu'il ne faut pas faire. Sa jurisprudence est relativement abondante en ce qui concerne l'étude d'impact des projets et la bonne application des règles de procédure de la directive «Habitats». Elle permet, d'ores et déjà, d'anticiper ce que pourrait être la position de la Cour sur certaines questions qui tiennent une place importante dans la directive «plans-programmes». En particulier, elle censure régulièrement les interprétations restrictives (ou erronées) que font certains États-membres du champ d'application de la directive 85/337. De même, elle a clairement -et de longue date- établi sa doctrine pour censurer les pratiques consistant à ne retenir que le coût d'un projet comme unique critère de soumission à l'avis de l'autorité. Elle s'en tient à une interprétation littérale de la directive qui précise que doivent être prises en compte la nature, la dimension et la localisation des projets et que, de surcroît, ces critères ne sont pas exclusifs les uns des autres. La Cour a également condamné des Étatsmembres qui pratiquaient le fractionnement des projets ou qui n'en prenaient pas en compte l'effet cumulatif. Le contenu de l'évaluation environnementale et le cadrage préalable Une fois la première question renseignée, que doit contenir le rapport environnemental préparé par le pétitionnaire et soumis à l'avis de l'autorité environnementale? Question majeure qui se double d'une autre : à quelle période du processus l'autorité environnementale doit-elle être saisie? Car, l'intervention précoce de l'autorité dans le processus peut être de nature à éviter des retards dans la prise de décision, susceptibles d'induire des coûts supplémentaires. Dans cette phase qui allie considérations et instruments d'ordre technique et juridique, il est nécessaire de disposer d'outils méthodologiques et de référentiels, mais également de connaître les motifs de censure de la Cour de justice européenne et d'en tirer les leçons : nécessité de rechercher dès l'amont les effets cumulatifs d'un projet, analyser l'interaction des projets entre eux, analyser des projets s'insérant dans une procédure à plusieurs étapes... Autant de données qui sont utiles à la préparation du cahier des charges du rapport environnemental.
VERS UNE SYNERGIE DES TRAVAUX DES TROIS FORMATIONS DE L'AUTORITE ENVIRONNEMENTALE
Dans le cadre de la territorialisation du Grenelle de l'environnement, il serait souhaitable de fédérer les réflexions et expériences des trois formations d'autorité environnementale et d'organiser régulièrement des réunions de travail aux niveaux national et déconcentré. Le rapport du CGEDD précité a suscité des réactions de la part du Commissariat général au développement durable (CGDD). Le Commissariat pointe notamment les convergences de vue entre ses propres réflexions et les recommandations de ce rapport. Il serait souhaitable, dans le cadre du travail opérationnel de territorialisation du Grenelle, d' impliquer les préfets de région et les services déconcentrés compétents. Il serait en outre utile de rechercher les points d'harmonisation entre les trois formations. En effet, des premiers avis rendus par le CGEDD ressortent des enseignements à caractère opérationnel :
- ne pas dissocier dans le temps la procédure «étude d'impact» de la procédure «loi sur
l'eau» (il existe deux bases juridiques distinctes en droit français, mais la directive 85/337 ne fait pas de distinction entre les sujets) ;
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- traiter convenablement les liaisons entre projets différents (exemple de plusieurs projets
routiers reliés, ou de la liaison gazoduc-terminal) ;
- assurer l'articulation projets/plan-programme ; - justifier le choix de la solution retenue par rapport aux variantes écartées ; - ménager l'«autoportance» du résumé non technique qui doit se suffire à lui-même pour
présenter le projet. En termes de cohérence entre les avis des différentes formation d'autorité environnementale, il est hautement souhaitable que leurs «doctrines» ne divergent pas. Rouchdy KBAIER, Section 1 Collège juridique, droit et contentieux
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4.4. Les enjeux de la formation : nouveaux jeux d'acteurs, nouveaux parcours de professionnalisation
L'analyse des enjeux de la formation et des réponses ébauchées par le réseau formation fait ici l'objet d'une contribution encore partielle, après entretiens dans deux centres de valorisation des ressources humaines (CVRH). Il sera utile de confronter cette première approche des enseignements de l'audit en cours, sous le pilotage de J.R Brunetière, sur la formation.
UN JEU D'ACTEURS A RECOMPOSER
Un premier point frappant lorsqu'on interroge le réseau formation c'est que la maîtrise d'ouvrage centrale joue moins qu'avant dans les domaines traditionnels de l'ex-ministère de l'équipement un rôle de prescripteur de la formation ou n'impulse pas des commandes de formation aisément traduisibles en priorités locales. Les directions centrales, elles-mêmes confrontées aux réorganisations tentent de «grenelliser» leurs discours, mais elles ne semblent pas avoir encore stabilisé le concept de développement durable. On peut en prendre comme exemple la DGALN, jeune héritière de ses composantes «environnement» et «équipement» qui peine à établir sa doctrine sur un diagnostic territorial intégrateur du volet social et du volet environnemental. Les structures de formation du nouveau périmètre ministériel sont elles-mêmes confrontées à la nécessité de réinterroger leurs pratiques et leurs méthodes. Non sans quelques «rugosités» parfois, l'IFORE (institut de formation de l'environnement) et les CVRH doivent apprendre à travailler ensemble, s'assurer de leur complémentarité. Comment les CVRH peuvent-ils jouer pleinement leur rôle de relais locaux des formations reçues par l'IFORE dans les domaines de l'environnement et du développement durable? Comment articuler une offre de formation très spécialisée au plus près des besoins des services? Un partage des tâches raisonné entre l'IFORE et les CVRH ne peut qu'être que profitable aux acteurs et bénéficiaires de la formation. D'évidence, un travail reste à faire pour bien préciser et articuler les rôles. La maîtrise d'ouvrage interministérielle de formation placée auprès du préfet de région devrait devenir un élément plus important du paysage institutionnel de la formation. Souvent cantonnée à des formations «catalogue», ouvertes à tous, sans analyse réelle des besoins, elle pourrait, en se renforçant au niveau régional, s'inscrire dans de nouvelles dynamiques et rechercher de nouveaux partenariats. Les entretiens conduits montrent, selon les CVRH, une grande diversité d'approche des relations avec d'autres partenaires avec lesquels une collaboration renforcée gagnerait à être systématisée. C'est le cas de la collaboration avec les universités. S'il y a un consensus pour dire que cette collaboration doit être développée, elle l'est dans les faits de façon très inégale selon les régions, et la formation diplômante décrite ci-après, réalisée par le CVRH de Toulouse et l'Université, est loin d'être généralisée. C'est le cas également de la collaboration avec le Centre National de la Fonction Publique Territoriale (CNFPT) qui paraît dépendre davantage des proximités et des opportunités que d'une démarche d'ensemble construite. Pourtant, la territorialisation du Grenelle suppose une mise en mouvement d'un ensemble d'acteurs locaux qui gagnerait à une formation mieux coordonnée de ces acteurs. De même, les CVRH ne s'estiment pas les mieux placés pour nouer des relations institutionnelles avec l'ADEME. S'ils font ponctuellement appel à des intervenants de l'ADEME dans leurs formations, la mise en place d'un volet formation dans la déclinaison locale de la convention MEEDDM-ADEME reste à inventer.
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Enfin, même à l'heure de la gouvernance à cinq, le réseau associatif n'est pas encore un partenaire des CVRH qui s'interrogent sur leur légitimité à nouer des collaborations avec certaines associations qui disposent de ressources documentaires, méthodologiques et pédagogiques importantes.
DES INITIATIVES LOCALES A PARTAGER ET A EVALUER
Une logique matricielle : les parcours de professionnalisation du CVRH de Mâcon. Faisant le constat d'absence de sollicitation structurée des services pour des formations au développement durable, le choix du CVRH a été de structurer l'offre de formation pour décliner les engagements du Grenelle. Cette structuration a permis d'élaborer un catalogue (un terme qui n'a ici aucune connotation péjorative) d'une soixantaine d'actions, relevant tantôt de la sensibilisation, tantôt du perfectionnement. Les modules inscrits au catalogue constituent autant d'actions mobilisables dans le cadre de parcours individuels de formation, mais aussi en référence au répertoire des emplois-types du ministère. Ainsi, pour le métier de «référent territorial», est défini un parcours constitué de 38 jours de formation liée aux compétences essentielles du métier et 38 jours de formations complémentaires et optionnelles. Un effort de formation qu'il faut mesurer à l'aune des enjeux d'acculturation des services au développement durable. Un effort de qualification : la formation diplômante au CVRH de Toulouse. Cette formation est issue du plan de développement des compétences de l'«agence de réseau» de Midi-Pyrénées qui fédère les capacités d'études des services du ministère dans la région. Son objectif est de donner aux agents une compétence reconnue dans l'analyse territoriale et une légitimité intellectuelle dans leur dialogue avec des partenaires de plus en plus qualifiés. Cette formation exigeante, qui retient les agents quatre jours par mois pendant dix mois, au CVRH et à l'université, se conclut par une maîtrise délivrée par l'université. Malgré l'effort que cela représente, pour l'agent mais aussi pour l'employeur, il y a consensus pour renouveler le processus, une seconde session étant en cours pour 2009-2010. Cette démarche a suscité un très grand intérêt, tant de la part de l'université qui manifeste ainsi sa volonté d'ouverture dans le milieu professionnel de l'aménagement, de l'environnement et du développement durable que de la part des agents et de leur hiérarchie: il y a eu pour la première session trois candidatures pour chaque place, malgré la diffusion relativement confidentielle de l'offre. Un tiers des agents sélectionnés étaient en poste en dehors de l'inter-région du CVRH. La formation délivrée, si elle n'est pas centrée sur le développement durable intègre beaucoup de ses composantes. La question qui se pose dès lors est celle de la pertinence de l'émergence d'une formation dédiée tout aussi qualifiante sur le développement durable ou d'une meilleure intégration du développement durable aux modules existants. L'autre question est celle d'une extension de cette démarche et de l'impulsion à donner en ce sens. Au niveau central? Au niveau local? Pour dépasser la collecte «anecdotique» d'actions de formation autour du développement durable, il serait intéressant de pouvoir disposer d'un état plus exhaustif des actions de formation proposées au niveau national et de procéder à l'évaluation des actions les plus significatives. Une commande pourrait être passée en ce sens au CEDIP (centre d'évaluation, de documentation et d'innovation pédagogique) du MEEDDM, ou à tout autre organisme compétent. Un groupe de travail pourrait avoir en charge sur la base de cette contribution, mais surtout des résultats d'audits en cours sur ce sujet au sein du CGEDD, de bâtir le cahier des charges d'une telle consultation. Alain LAVIELLE MIGT 4 Sud-Ouest
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4.5. La mobilisation du réseau scientifique et technique : un appui indispensable aux services
La réussite de la promotion de la politique de territorialisation du Grenelle (et on peut le dire aussi dans ce sens : la réussite de l'implication des services dans la territorialisation du Grenelle) dépend en grande partie de la mobilisation des DDT et des DREAL auprès des collectivités desquelles dépend pour l'essentiel la mise en oeuvre des orientations du Grenelle. Les services d'ores et déjà sont allés ou vont devoir aller le plus vite possible au contact, «se jeter à l'eau», sans attendre les actions de professionnalisation nécessaires et souhaitées (formations, méthodologies,...), pour apprendre (formation/action), et pour se forger des références. Mais en même temps, doit être soulignée l'urgence d'organiser la montée en régime des compétences, de même que la nécessité de disposer d'un appui méthodologique fort du réseau technique souhaité de part et d'autre.
UNE ÉVOLUTION À ACCÉLÉRER POUR RÉPONDRE AUX ENJEUX DU GRENELLE
L'ouverture vers de nouveaux partenariats Des partenariats forts et de plus grande ampleur qu'antérieurement sont à construire avec de nombreux acteurs et opérateurs, dont l'activité et les missions se sont souvent déployées en dehors du réseau Équipement en particulier. Le cas de l'ADEME est à cet égard emblématique, et les initiatives de rapprochement prises au niveau local visent à permettre de démultiplier l'action de celle-ci en faisant bénéficier l'agence de la réactivité du relais d'information et de la couverture géographique du réseau territorial des DDT et de leur connaissance des territoires et des acteurs et de légitimer les services eux-mêmes. Un management global de changement et de la compétence Le management interne du changement dans les services, dont l'importance n'a pas besoin d'être soulignée, sera d'autant compris et efficace qu'il s'appuiera sur la dynamique des actions d'appui lancées auprès des collectivités et de l'ouverture aux partenaires externes. Des actions de formation dans les domaines nouveaux sont évidemment très attendues (énergie, biodiversité, eau,...). Mais il faut rappeler combien est nécessaire de revisiter les missions «anciennes» (urbanisme, aménagement, déplacements,...) ainsi que les différentes démarches de mise en oeuvre des politiques publiques (procédures, subventions,...) qui ont souvent besoin d'être remises en perspective. En bref, les services ont donc à construire des «doctrines» qui prennent en compte l'ensemble de leurs domaines d'action pour les mettre en cohérence avec les objectifs du Grenelle et du développement durable. En matière de formation, outre l'urgence signalée, sont pointées d'une part la nécessité de mettre en place des modules adaptés à ce que font d'ores et déjà les services et à ce qu'ils ont l'intention de développer, et d'autre part celle d'organiser l'échanges d'expériences. L'écoute de ce qui se passe sur le terrain apparaît essentiel. Le niveau régional est sans doute le plus pertinent pour le faire.
DES COMMANDES À STRUCTURER TANT AU NIVEAU TERRITORIAL QUE NATIONAL
L'importance du pilotage des services Ce contexte permet d'éclairer ce qui attendu au niveau local du réseau scientifique et technique : appui méthodologique, participation à l'échange d'expérience, expertise,... et c'est d'ailleurs l'objectif qui est assigné aux CETE à travers la commande d'évolution de la circulaire de juillet 2008. Mais certaines conditions sont sans aucun doute à réunir pour réussir ce challenge.
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La pertinence et l'adéquation de l'offre des CETE (pour ne parler que de ceux-ci) va en grande partie dépendre de la qualité de l'animation et du pilotage des services par les DREAL (et de l'implication des CETE concernés dans ce processus) et de la commande régionalisée qui en découlera, avec la difficulté, inhérente à l'exercice, d'avoir à composer avec les différentes DREAL de leur périmètre d'action. Cela plaide d'ailleurs pour leur (re) donner de la souplesse dans leurs modalités d'appui aux services (forfait, droits de tirage,...), et accroître leur réactivité. De leur côté, les CETE aussi peuvent contribuer à la définition à la détermination du positionnement des services par la capitalisation des enseignements tirés de leur activité directe en faveur des collectivités et en profitant de l'évolution des conférences techniques interdépartementales sur les transports et l'aménagement (CoTITA) qui intègrent une meilleure représentation des collectivités pouvant faciliter l'analyse et la prise en compte des attentes et besoins de ces dernières. Coordonner la commande des administrations centrales avec la commande locale Il y a également à l'évidence un problème au niveau de la commande centrale au RST. D'une part en ce qui concerne le CERTU, les DAC le mobilisent en effet de façon différenciée : le DGITM l'utilise explicitement comme tête de réseau pour mobiliser le RST alors que la DGALN (qui concentre une grande partie des missions qui sont celles du CERTU) n'a pas intégré le rôle d'interface et la plus-value que peut jouer le CERTU dans une chaîne DAC/CERTU/CETE/Services déconcentrés. Cela se lit notamment dans l'évolution des crédits : ceux de la DGITM augmentent (notamment ceux consacrés aux transports collectifs, ainsi qu'au «partage de la voirie» qui montent en régime), alors que ceux de la DGALN ont baissé depuis la mise en place de la polarisation des CETE. Celle-ci «ne passe» donc pas par le CERTU, sauf pour des commandes ponctuelles ; elle n'a d'ailleurs pas de service d'étude fort et reconnu qui faciliterait le dialogue avec le RST. Autre exemple, la commande technique relative au bâtiment est très segmentée (confort d'été, confort d'hiver...) et les CETE commencent à exprimer la nécessité d'un réseau et d'une mise en cohérence. D'autre part, la polarisation des CETE a comme conséquence de relativement saturer les équipes par la commande centrale, lesquelles n'ont plus le temps de s'occuper du local ; la pratique de la DHUP qui les considère comme des bureaux d'étude «déconcentrés», en ne passant pas par le CERTU, y contribue fortement. Le CERTU le constate également au travers du retard des CETE pour sa propre commande (de l'ordre d'une année de décalage de paiement...). Le calibrage de la commande centrale pour laisser toute sa place à une prise en compte structurée et pérenne de la commande territoriale apparaît indispensable. De même, le rôle de plus-value que peut apporter le CERTU dans le pilotage des CETE demande à être éclairci notamment au niveau de la DGALN. Enfin, le CERTU, de par sa posture d'observateur avisé des actions des collectivités, peut sans aucun doute apporter sa contribution à la définition d'une stratégie de positionnement des services et d'appui à ceux-ci du RST ; encore faut-il le lui demander explicitement. Où est donc le lieu d'écoute des attentes et besoins des services régionaux et départementaux? Ce n'est pas le rôle direct du CERTU (sauf ponctuellement : exemple des SCOT «Grenelle») ; est-ce celui des CETE? Mais selon quel mode opératoire? Les CETE eux-mêmes disent qu'ils n'ont plus le temps (pas assez de temps?) pour s'occuper des services déconcentrés. Comment organiser la remontée : à partir des DREAL?
POUR RÉUSSIR, TROIS MOTS-CLÉS : ANALYSER, COORDONNER ET STRUCTURER
De tout cela, si l'on est convaincu que c'est au niveau local que va se jouer en grande partie la réussite de la politique de territorialisation du Grenelle, par la qualité du portage des politiques publiques afférentes par les services auprès des collectivités, découlent trois nécessités :
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celle de problématiser le positionnement des services auprès des collectivités et de
définir des orientations d'action vis-à-vis de celles-ci ; une analyse stratégique de leurs besoins et attentes, s'appuyant sur l'expérience et la connaissance des territoires par les services apparaît indispensable pour ne pas dire incontournable : y a-t-il une segmentation grandes/moyennes collectivités? Quels sont les domaines à investir pour répondre à leurs attentes?
- celle d'organiser l'écoute des attentes et besoins des services eux-mêmes, en matière de
formation, de méthodologie, d'échanges d'expérience, et de capitaliser leurs pratiques, souvent en avance, même si elles requièrent appui et méthode pour progresser ;
- celle de structurer au niveau régional la commande au réseau technique, en articulation
et en cohérence avec la commande centrale, ce qui renvoie aux modalités de gouvernance de celui-ci. Bernard DURU, MIGT 6-Lyon
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5. QUELLES ATTENTES ET COLLABORATIONS SUR LES TERRITOIRES ?
La réussite du Grenelle se mesurera par la mise en oeuvre concrète de ses engagements sur le terrain, et donc par la réussite de sa territorialisation ; celle-ci ne peut qu'être le résultat d'une oeuvre collective impliquant les services de l'État mais aussi les collectivités territoriales, les acteurs économiques, la société civile. Cette conviction à conduit à rencontrer, dans le cadre de la démarche, un certain nombre d'interlocuteurs externes, et notamment des associations d'élus. Cette partie du rapport retrace les préoccupations qu'ils ont exprimées lors de ces rencontres.
LE RÔLE DETERMINANT DES COLLECTIVITES DANS LA TERRITORIALISATION DU GRENELLE MAIS AUSSI LEUR INQUIETUDE
FACE AUX REFORMES EN COURS
Les collectivités territoriales ont un rôle déterminant dans la concrétisation des engagements du Grenelle, parce qu'il leur revient dans le contexte de la décentralisation de mettre en oeuvre localement les politiques publiques, parce qu'elles représentent aussi plus de 70% des investissements publics, parce que, enfin, elles sont au plus près des acteurs du terrain, là où se concrétisent les projets. Depuis le sommet de la terre de Rio, en 1992, nombre d'entre elles sont déjà engagées dans des démarches et actions relevant d'un développement plus soutenable. Il s'agit donc pour les services de l'État tout autant de valoriser les initiatives déjà prises, de faciliter leur généralisation sur l'ensemble du territoire, que d'en élargir le champ en veillant toutefois à la cohérence des actions menées. Dans un tel contexte, la démarche de l'État doit être résolument partenariale, mais quelles sont les attentes exactes de ces partenaires vis à vis des services déconcentrés de l'État? Une volonté affirmée d'être parties prenantes dans la définition des mesures du Grenelle qu'elles auront à mettre en oeuvre Si ce sont les organisations non gouvernementales, et tout particulièrement les associations de protection de l'environnement, qui se sont le plus mobilisées pour susciter la démarche, puis participer au Grenelle, les grandes associations d'élus ne sont pas pour autant restées en retrait, loin de là. Les raisons qu'elles avancent sont principalement de deux ordres :
- plusieurs d'entre elles s'étaient déjà engagées, à partir d'initiatives locales et notamment
de démarches d'agendas 21, dans la rédaction de chartes pour l'environnement et le développement durable. Elles estimaient donc pouvoir contribuer très concrètement à l'élaboration des propositions ;
- un nombre appréciable de mesures retenues relèveront pour leur application des
autorités publiques décentralisées. Il leur importait donc d'être associées le plus en amont possible à leur définition et à l'évaluation de leur impact. Dans le cadre des lois traduisant les conclusions du Grenelle de l'environnement (lois Grenelle et lois de finances), elles vont en effet être conduites à intégrer de nouveaux objectifs liés à la lutte contre le réchauffement climatique, à la maîtrise de la consommation d'énergie et d'espace, à la protection de la biodiversité... Les associations d'élus demandent donc à être étroitement associées à l'élaboration des dispositifs, des schémas et des normes qu'elles devront prendre en compte dans le cadre de leurs compétences. De fortes inquiétudes liées à la réforme des collectivités territoriales Les débats en cours sur la réforme des collectivités territoriales ne sont pas sans répercussions sur leurs approches de la territorialisation du Grenelle... La demande d'être une partie prenante reconnue à part entière n'est pas formulée sans inquiétude par l'ADF qui
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estime que les départements sont les grands oubliés des textes d'application du Grenelle de l'environnement. Ils demandent notamment que leur rôle dans la gestion des territoires, notamment des infrastructures routières (support des transports en commun, de modes de déplacement doux) mais aussi des espaces naturels et agricoles, et donc de la future trame verte et bleue, soit expressément visé.
UNE EVOLUTION PRUDENTE DE LA GOUVERNANCE TERRITORIALE
Plus que par l'élaboration de nouvelles règles, c'est par l'information et la vulgarisation des bonnes pratiques que les associations d'élus estiment que les engagements du Grenelle rentreront le plus efficacement dans les faits. Le développement d'un partenariat entre parties prenantes sur la base de critères clairement définis constitue un axe de progrès qu'elles entendent promouvoir. Un changement progressif de culture : participation et évaluation Pour l'AMF comme pour l'ADF, les Agendas 21 ont bien préparé les collectivités locales à se fixer des objectifs, à jouer la transparence, à développer la participation des acteurs locaux, et une culture de l'évaluation commence à émerger dans leurs démarches. Mais les collectivités reconnaissent que ces démarches ne sont pas exemptes de difficultés comme celles de se fixer des objectifs trop ambitieux (par exemple, dans les plans carbone). L'intégration des objectifs et plans d'actions de l'ensemble des parties prenantes, notamment des entreprises, ne leur paraît pas non plus évidente. Se posent également des problèmes de vocabulaire, de méthodes de travail, de choix pour les organismes d'animation, d'évaluation. Pour mener ces exercices, les élus constatent la multiplication de bureaux d'études spécialisés dont ils ont du mal à apprécier la réelle qualité des prestations. Certaines collectivités regrettent en ce domaine le manque de conseil, d'assistance, de la part des services de l'État jugés par nature indépendants. Les collectivités sont de plus en plus conscientes de la nécessité de développer des outils d'évaluation des politiques menées (observatoires, diagnostics territoriaux, guides et référentiels) mais les dispositifs d'évaluation ne sont encore qu'émergents et sans aucun lien avec le contrôle de gestion qui commence par ailleurs à se développer sur la base de référentiels ; des cellules d'audit sont mises progressivement en place. Là encore, les associations d'élus s'efforcent de relayer et diffuser les "bonnes pratiques". Il y a en ce domaine selon l'AMF une réelle attente de la part des collectivités envers l'État pour que soit menée une évaluation conjointe des démarches contractuelles (État exemplaire? Apprentissage partagé?) mais aussi une attente de plus de rigueur dans la façon de conduire les démarches expérimentales lancées par l'État : elles sont le plus souvent généralisées sans véritable évaluation. Les élus souhaitent avant toute chose des règles claires ; pour eux, celles appliquées par l'État au principe de réversibilité des expérimentations ne le sont pas. Une évolution du partenariat contractualisé : vers la conditionnalité des aides? Les collectivités territoriales sont de plus en plus nombreuses à regrouper leurs interventions -entre elles ou en soutien à des partenaires privilégiés- dans des engagements contractuels annuels, voire pluriannuels. Selon l'ADF, certains conseils généraux n'hésitent plus à introduire dans les conventions qu'ils proposent aux établissement publics de coopération intercommunale (EPCI) des clauses de conditionnalité et des cibles obligatoires comme le respect de l'article 55 de la loi SRU, l'application des normes HQE..., le non-respect des cibles entraînant la modulation des aides lors de leur versement. Il s'agit là d'un très efficace moyen de favoriser la mise en oeuvre de nombre d'engagements du Grenelle. C'est le dispositif désormais appliqué pour la gestion des fonds «chaleur» et «déchets» gérés par l'ADEME dont l'accès est désormais assujetti de clauses d'écoconditionnalité : l'accent est mis sur la prévention et le taux de subvention est lié au respect des objectifs cibles affichés selon le même principe que précédemment énoncé. C'est cette démarche de contractualisation globale et cohérente que les collectivités engagées dans des démarches de développement durable souhaiteraient pouvoir
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développer avec l'État sur la base de leur agenda 21. La posture offensive d'une agence comme l'ADEME L'ADEME s'implique pleinement dans la territorialisation du Grenelle comme elle l'a fait dans sa préparation. Ses domaines de compétence comme ses modalités d'intervention auprès des acteurs locaux s'y prêtent particulièrement. Sa pratique ancienne de la contractualisation avec les collectivités mais aussi ses interventions auprès des entreprises et des associations lui ont fourni l'occasion de développer un partenariat d'anticipation dans des secteurs très variés comme «la production et la consommation responsables» ou encore «l'efficacité énergétique» en investissant des champs comme la pédagogie, la formation, le diagnostic et l'évaluation. L'amplification de ses activités suite au Grenelle n'est pas sans conséquence sur son plan de charge et donc sur les choix de priorités qu'il lui revient d'effectuer en interne entre le soutien à l'innovation pour précéder les évolutions technologiques et la gestion des fonds pour répondre aux besoins immédiats. Elle pose également la question de l'articulation de son action avec celle ses services de l'État sur le territoire.
LE BESOIN D'UNE INGENIERIE TERRITORIALE RENFORCEE ET D'UNE EXPERTISE TECHNIQUE DE QUALITE
Un certain nombre d'engagements du Grenelle vont se traduire dans des réglementations techniques nouvelles qui ne sont pas sans inquiéter les élus, tout particulièrement les maires des communes rurales. l'AMF relaie cette inquiétude en la focalisant sur les trois points suivants :
- Le constat d'une perte de compétence technique des services de l'État
Sur le terrain, ce qui est avant tout perçu par les maires, ce sont les impacts de la revue générale des politiques publiques (RGPP) et une inquiétude s'exprime face à la perte d'expertise technique de l'État local. En parallèle, se multiplient des bureaux d'études dont les élus et leurs services ont du mal là encore à apprécier les réelles compétences, notamment en matière de rénovation thermique des bâtiments. Il y a une attente d'accompagnement et d'«aval technique» aux propositions de ces bureaux d'études.
- Le nécessaire développement d'une ingénierie territoriale
Pour réussir le Grenelle, il faut de l'ingénierie pour appuyer les décisions des maîtres d'ouvrage et leur permettre d'être des décideurs éclairés. Les intercommunalités s'organisent progressivement pour répondre à ce besoin d'ingénierie technique ; les progrès sont certains en matière d'urbanisme mais beaucoup de domaines ne sont pas encore investis. Les syndicats d'électrification sous-traitent par exemple les études d'efficacité, ce qui complique les phases de décision. Les services de l'État ou des établissements publics comme l'ADEME peuvent donner des conseils dits de premier niveau (cahiers des charges) mais ne peuvent faire les études proprement-dites. Face à l'investissement des bureaux d'études comme des maîtres d'oeuvre, il paraît indispensable que les maîtres d'ouvrage publics renforcent leur propre capacité technique.
- L'identification du niveau régional comme niveau pertinent de conseil
Si les collectivités ressentent le besoin de renforcer leur ingénierie (et l'achèvement de la carte de l'intercommunalité devrait en favoriser l'organisation), elles ont aussi besoin de conseils de haut niveau d'expertise. Le niveau régional apparaît pour l'AMF être le bon niveau et un organisme comme l'ADEME qui s'est, de son point de vue, bien réorientée sur l'énergie, est jugé bien placé pour assurer une telle expertise. Elle ne ressent pas en revanche d'approche nouvelle de la part des services de l'État au niveau local pour la mise en oeuvre des thématiques du Grenelle. Les associations d'élus sont toutefois conscientes que l'importante réorganisation des services en cours les mobilise prioritairement et ne leur permet pas d'avoir des actions très lisibles. De fait, les élus
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attendent la mise en place des nouvelles structures, notamment au niveau départemental, pour reprendre leur collaboration avec les services de l'État qu'ils jugent globalement bonne et nécessaire. Des organismes comme les CETE ou le CERTU ne sont pas spontanément identifiés par elle comme structures d'expertise.
UNE INQUIETUDE FACE AU RENFORCEMENT DE L'ETAT DANS LA PLANIFICATION TERRITORIALE
Poursuite de la collaboration avec les services de l'État, développement d'un partenariat contractualisé, sont sans aucun doute appelés de leurs voeux par la grande majorité des élus. Mais les lois du Grenelle renforcent également le rôle des préfets en leur reconnaissant par exemple un pouvoir de substitution pour déterminer ou étudier un périmètre de SCOT. L'AMF a émis des réserves sur ce point, redoutant un risque d'«autoritarisme» des préfets, alors que beaucoup d'entre eux raisonnent encore sur le périmètre trop étroit du département, en négligeant la réalité des bassins de vie. Des évolutions positives permettant de dépasser ces positions sont heureusement observables, notamment dans le travail des commissions départementales d'aménagement commercial (CDAC) qui s'affranchit maintenant beaucoup mieux de limites territoriales étroites. Sur le sujet des PLU intercommunaux, l'AMF confirme également son désaccord vis à vis de l'attribution par la loi de la compétence PLU aux intercommunalités. Elle considère que la couverture obligatoire par le PLU de la totalité du périmètre de l'EPCI peut apparaître comme une mesure disproportionnée au regard des enjeux de certains territoires ruraux. Enfin, en matière de planification en général, elle exprime le sentiment d'une accumulation des plans thématiques qui s'empilent sans hiérarchie, ni mise en cohérence. Les élus ont du mal à s'y retrouver et peinent à s'approprier tous ces outils. Les maires commencent également à s'inquiéter du contenu des PLU «mis à toutes les sauces». De plus, l'élaboration de tous ces plans prend du temps, surtout lorsqu'il faut associer la population. Pour les élus locaux, la dimension temporelle nécessaire à tout exercice de planification participatif n'est pas suffisamment prise en compte dans les procédures règlementaires. Face au renforcement des planifications thématiques déclinés dans les lois du Grenelle, les schémas de cohérence territoriale (SCOT) apparaissent pour l'AMF comme étant le bon outil pour assurer la meilleure intégration des politiques publiques et correspondre à la bonne échelle pour assurer, comme son nom l'ambitionne, leur cohérence territoriale. Annick HELIAS Section 3 Michèle JOIGNY MIGT 2-Paris
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6. QUELQUES PISTES POUR POURSUIVRE LA RÉFLEXION ENGAGÉE
L'objectif de la territorialisation du Grenelle est de mettre l'ensemble des acteurs de la société en mouvement sur des orientations et des projets partagés afin de mieux faire accepter les changements nécessaires, d'améliorer collectivement les projets, tout en limitant les blocages et les contentieux. C'est un immense chantier qui vient tout juste de démarrer. Il est trop tôt pour en évaluer les premiers résultats -la loi Grenelle II n'est pas encore votée- mais la démarche est lancée et il paraît indispensable que le dispositif mis en place pour suivre les engagements du Grenelle soit pérennisé en s'appuyant sur les mêmes principes qui ont présidé à leur élaboration. Pour y contribuer, tous les services de l'État ont été invités à se mobiliser, soit en agissant directement dans leurs champs de responsabilité propre, soit en impulsant les principes et priorités du Grenelle auprès des acteurs du territoire. Mais pour être pleinement efficace, le rôle d'impulsion de l'État doit être organisé, maîtrisé (connaissance stratégique des territoires, intégration des principes du développement durable dans les modalités d'intervention et de fonctionnement interne, dans la formation des agents, dans le dialogue de gestion pour accompagner les évolutions indispensables...). «L'État exemplaire» en matière de développement durable doit être lisible dans son action prise dans sa globalité. Au terme de cette réflexion exploratoire sur la territorialisation du Grenelle qui n'avait d'autre ambition que d'apporter un éclairage sur certains de ses aspects, quelques recommandations peuvent être formulées et des pistes proposées pour poursuivre la réflexion interne engagée au sein du MEDDM. Il n'est pas surprenant qu'elles concernent les grands thèmes qui l'ont structurée : la «gouvernance à 5», l'intégration du développement durable dans les politiques publiques, «l'évaluation globale».
LA «GOUVERNANCE A 5» ET SA DECLINAISON SUR LE TERRAIN
La plupart des contributions abordent ce thème porteur de changements significatifs de la part des services de l'État dans l'exercice de leurs missions traditionnelles (missions de conseil, missions régaliennes), mais aussi d'exigences nouvelles :
- développer une vision stratégique des territoires, indispensable à la définition d'objectifs
pertinents, à des «porter à connaissance» et des avis au titre de l'autorité environnementale de qualité ;
- organiser une expertise technique et juridique de haut niveau en mobilisant auprès des
services le réseau scientifique et technique et les centres de recherche. A la demande du CGDD, Le thème de la «gouvernance à 5» fait l'objet d'une mission en cours au sein du CGEDD. Il est proposé de lui donner un prolongement sous forme d'audits d'initiative locale en choisissant deux ou trois territoires pour approfondir les premières observations recueillies, notamment dans les exercices de planification (co-élaboration, association, information, dispositifs de suivi et d'évaluation). Ce travail pourra dans un second temps faire l'objet d'un audit général sur les changements observés dans les pratiques des services et les conséquences à en tirer pour améliorer la contribution de l'État à la gouvernance territoriale.
L'INTEGRATION DES PRINCIPES DU DEVELOPPEMENT DURABLE DANS LES EXERCICES DE PROGRAMMATION ET DE PLANIFICATION
Le Grenelle a renforcé l'intégration des principes du développement durable dans les politiques publiques et l'exigence de mise en cohérence entre elles dans le temps comme dans l'espace. Les outils de planification sont particulièrement concernés par cette exigence,
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mais aussi les exercices de programmation pluriannuelle menés avec les acteurs locaux au premier rang desquels les collectivités territoriales. Ainsi que l'Association des Maires de France l'a souligné, le sentiment des acteurs locaux est aujourd'hui celui d'une accumulation de plans thématiques qui s'empilent sans hiérarchie, ni mise en cohérence. Pour répondre à cette inquiétude, la capacité de deux outils pourrait être plus particulièrement étudiée :
- les agendas 21 dont l'intérêt est de garantir la cohérence des plans d'action territoriaux.
Ils pourraient devenir de véritables supports d'une programmation pluriannuelle susceptible de faire l'objet d'une contractualisation entre parties prenantes (avec clauses de conditionnalité) ;
- les schémas de cohérence territoriale (SCoT) comme outils intégrateurs des politiques
publiques dans les bassins de vie, traduisant dans l'espace de véritables projets de territoire porteurs des objectifs du Grenelle de l'environnement.
LA PRATIQUE DE «L'EVALUATION GLOBALE»
La France peine à développer une véritable culture de l'évaluation. Plus que la mise au point de référentiels dont certains existent déjà, ce sont les phases portant d'une part sur la fixation d'objectifs clairs et réalistes, d'autre part, sur la définition d'un dispositif de suivi-évaluation dès la définition de la politique, du programme ou du projet, qui soulèvent le plus de difficultés dans les exercices engagés. «L'évaluation globale» est l'un des trois thèmes de réflexion lancés par le CGEDD en 2009. Plusieurs contributions réunies dans ce rapport ont évoqué cet enjeu. Cette réflexion est un chantier à mener prioritairement en interne mais il serait intéressant d'y associer des représentants de parties prenantes. L'AMF, qui reconnaît que sur ce sujet les collectivités territoriales sont en phase d'apprentissage, a formulé le souhait de développer des démarches d'évaluation conjointes avec l'État sur des politiques partenariales. Une invitation à saisir ?
Annick HELIAS
Section 3
Michèle JOIGNY
MIGT 2-Paris
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Annexes
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1. LETTRE DE COMMANDE
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2. CAHIER DES CHARGES
CONSEIL GENERAL DE L'ENVIRONNEMENT ET DU DEVELOPPEMENT DURABLE
Thème de réflexion n° 3 pour l'année 2009 : « Développement durable des territoires : la territorialisation du Grenelle »
CAHIER DES CHARGES
6.Objet du projet Dans le cadre du projet CGEDD, il est prévu de traiter chaque année des thèmes de réflexion liés au développement durable. Chacun de ces thèmes doit pouvoir mobiliser les membres du conseil dans l'ensemble des sections et des MIGT. Le thème de réflexion n°3 porte sur « l'approche du développement durable des territoires et de leur gouvernance ». Il renvoie à des problématiques multiples portant notamment sur la gouvernance territoriale, la prospective territoriale, la territorialisation des politiques publiques, les relations entre l'État et les collectivités locales et, d'une façon générale, sur les modalités de mise en oeuvre des politiques publiques en France. La réflexion sur l'ensemble de ces problématiques ayant vocation à se prolonger sur plusieurs années, il est proposé pour 2009 de cibler la réflexion sur le thème de la « territorialisation du Grenelle ». Lors de l'élaboration de cette proposition, le contenu de la circulaire d'application n'était pas encore connu mais il paraissait déjà évident à toutes les parties prenantes que la réussite du Grenelle de l'environnement reposait sur la mise en oeuvre sur le terrain des engagements pris. Aussi la réflexion proposée sur les modalités de cette mise en oeuvre s'est-elle sensiblement modifiée pour se cibler sur le contenu même de la circulaire articulé autour des cinq principales politiques sectorielles impactées par le Grenelle et telles qu'elles sont définies dans la circulaire du 23 mars 2009 :
la lutte contre le changement climatique (rénovation thermique des bâtiments, transports
et déplacements, énergies renouvelables) ;
l'urbanisme et l'aménagement du territoire ; la qualité des milieux naturels et la préservation de la biodiversité ; le traitement des déchets (réduction à la source de la production, valorisation, qualité des
installations) ;
la prévention des risques (plans santé-environnement, réduction de l'exposition).
Il s'agira pour le CGEDD d'examiner les objectifs fixés, les procédures mises en place, les moyens humains et financiers mobilisés. Pour cela, l'équipe projet établira une grille d'analyse des différentes instructions relatives à la « territorialisation du Grenelle » en identifiant :
les objectifs poursuivis (indicateurs de résultat quand ils existent) : lecture analytique
des fiches de la circulaire enrichies des engagements du Grenelle, des mesures correspondantes des lois Grenelle et des lois de finances, de la SNDD ...
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Pour les principaux d'entre eux :
les procédures ou méthodes utilisées pour leur mise en oeuvre par les services
déconcentrés et/ou autorités locales (qui fait quoi) analyse des modalités d'intervention des services (priorisation des actions et identification des territoires à enjeux nationaux ; évaluation des plans, programmes et projets ; contrôles et polices ; conventions et crédits d'intervention ; coordination des EP et mobilisation des expertises RST) et plus particulièrement de l'évolution de ces modalités pour mieux prendre en compte le DD.
les leviers d'action mobilisés (réglementaires, fiscaux...) : analyse de l'opérationnalité des
leviers d'action mis à disposition des services. Ces analyses devraient permettre de formuler un certain nombre de préconisations visant à améliorer la performance de ces procédures et leviers d'action au regard des objectifs à atteindre. Au terme de cette première réflexion, l'ambition est donc de préparer un cadre pour une évaluation ex-ante de la démarche de « territorialisation du Grenelle ». 2. Méthode de travail et organisation Deux axes guideront l'organisation du projet :
Le premier axe est interne au CGEDD (section, collèges et MIGT) ; il vise l'appropriation
par chacun de la démarche « territorialisation du Grenelle » et la production de contributions qui seront assemblées dans le rapport final.
Le second axe correspond à un travail préparatoire à ce qui pourrait devenir un audit
d'initiative nationale : il s'agirait de voir comment, au sein du MEEDAT, les services se sont mis en marche pour promouvoir les engagements du Grenelle d'une part, d'analyser les premiers résultats obtenus, d'autre part. La contribution des MIGT sera à ce titre particulièrement sollicitée pour effectuer l'analyse des objectifs fixés aux services par la circulaire du 23 mars 2009 et des premières procédures mises en place concernant notamment les partenariats locaux15. Pour assurer une large association des membres du CGEDD, deux structures de projet sont constituées, sous le pilotage d'Annick HELIAS et de Michèle JOIGNY désignées par le bureau du CGEDD du 23 avril 2009 pour animer cette démarche. Une équipe projet composée de deux « territoriaux » (coordonnateurs de MIGT) et de quatre correspondants désignés par les présidents de section pour leurs compétences spécialisées dans les différentes politiques sectorielles définies ci-dessus. L'équipe projet aura à charge de conduire les entretiens avec les principaux acteurs impliqués dans la territorialisation du Grenelle (DAC, ADEME ; RST ; référents DR-DREAL et DDEA ; AMF, ADF, ARF ; FNPNR, FNAU..). Elle aura également à assurer l'ouverture vers d'autres conseils et services d'inspection, au premier chef le CGIET et le CGAER, susceptibles d'apporter leur contribution dans la démarche. Elle aura enfin à assurer l'assemblage de l'ensemble des contributions et la réalisation des productions attendues dans le cadre de ce projet. Il s'agira pour l'équipe de se positionner comme « ensemblier » des différentes réflexions au sein du CGEDD sur le champ de la « territorialisation du Grenelle ». Un groupe plénier associant des représentants et « personnes-ressources » de l'ensemble des MIGT et sections. Les membres de ce groupe auront à charge de porter les contributions des collèges s'impliquant dans la démarche et, pour les représentants des MIGT, de conduire, sur la base de la grille d'analyse élaborée dans le cadre du projet, une approche territoriale de l'action
15
Voir par exemple la proposition des régions Alsace et Languedoc-Roussillon pour un contrat État-région pour la mise en oeuvre des engagements du Grenelle. Approche du développement durable des territoires et de leur gouvernance : Regards sur la territorialisation du "Grenelle" - Janvier 2010 66/72
des services. Trois réunions du groupe plénier sont prévues aux moments-clé de la démarche de projet (cf. calendrier). 3. Les productions attendues Il est attendu que chaque thème de réflexion fasse l'objet d'un rapport en fin d'année sous une forme permettant d'assurer une diffusion auprès d'un large public. En complément, la démarche vise la production d'un cadre d'évaluation de la démarche de « territorialisation du Grenelle », permettant de suivre et d'analyser, sur la durée, les actions conduites par les services et les résultats obtenus. Enfin, la démarche débouchera sur l'organisation de séminaires de restitution, en direction principalement des services du ministère, mais pouvant utilement associer les autres acteurs locaux porteurs de la territorialisation du Grenelle. 4. Calendrier prévisionnel
Équipe projet :
mise en place le 16 juin 2009 réunions mensuelles jusqu'en janvier 2010 mise en place le 17 septembre 2009 réunion du groupe en octobre et décembre 2010
Groupe plénier :
Productions :
contributions des sections, des collèges, des MIGT en continu et au plus tard le 15 novembre 2009 rédaction du rapport pour le 31 décembre 2009 séminaire de restitution : premier semestre 2010.
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3. LISTE DES CONTRIBUTEURS ET DES PERSONNES RENCONTRÉES
A. Équipe projet
Noms AUSSOURD BRILLET CARDOT HELIAS JOIGNY LAURENS MEAUX MERCHADOU RIMOUX SESBOUE SIMON-ROVETTO Prénoms Philippe Bernard Denis Annick Michèle Denis Marie-Line Chantal Lionel Éric Marie-Françoise Sections et MIGT Sciences et techniques (5) Commission spéciale du développement durable Risques, sécurité et sûreté (4) Aménagement durable des territoires (3) MIGT 3/4 Commission permanente des ressources naturelles Économie, transports et réseaux (2) Droit, logement et société (1) Personnels et services (6) MIGT 6 Droit, logement et société (1)
B. Contributeurs et autres membres du groupe plénier
Noms BRUNETIERE CAUVILLE CHAPERON DURU GAZEAU GUERBER-LE GALL KBAIER LAVIELLE MAILLOT PAUC PUECH
Prénoms Jean-René Didier Joël Bernard Jean-Claude Annick Rouchdy Alain Henri Jean-Claude Patrick
Sections et MIGT Commission spéciale du développement durable MIGT 8 MIGT 9 MIGT 10 Sciences et techniques (5) Aménagement durable des territoires (3) Droit, logement et société (1) MIGT 7 MIGT 6 MIGT 11 MIGT 5
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Noms
Prénoms
Sections et MIGT
RAVART REBEILLE-BORGELA SCHMITT VANDEWALLE
Jean-Louis Emmanuel Mireille Bernadette
MIGT 12 Droit, logement et société (1) MIGT 7 MIGT 1
C. Personnes rencontrées
Noms PELISSARD OBERLE Prénoms Jacques Sylviane Organismes AMF AMF Fonctions Président Responsable du département DD Dates 15/12/09 15/12/09
POURQUIER
Jean-Paul
ADF
Président de la commission « environnement, DD et agriculture » Chef du service « aménagement du territoire » Chargé d'études DD
22/10/09
HERSCU
Philippe
ADF
22/10/09
ELOIRE
Benjamin
ADF
22/10/09
RAVAILLAULT
Jacques
ADEME
Directeur de l'action régionale
22/10/09
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Présent pour l'avenir
Conseil général de l'Environnement et du Développement durable 7e section secrétariat général bureau Rapports et Documentation
Tour Pascal B - 92055 La Défense cedex Tél. (33) 01 40 81 68 12/45
www.cgedd.developpement-durable.gouv.fr
(ATTENTION: OPTION mars 2009, les services de l'État et les acteurs du logement en faveur de l'efficacité énergétique des logements sociaux. Selon le président de l'USH, dans l'hypothèse d''une participation du FEDER à hauteur de 20% des coûts éligibles, pas moins de 100 000 logements pourraient en être bénéficiaires en 4 ans. L'effet levier que peut désormais assurer le FEDER suppose, de la part du Préfet de région , en sa qualité d'autorité de gestion du programme opérationnel FEDER (mission assurée par le SGAR), non seulement une connaissance des nouvelles conditions d'éligibilité offertes mais aussi une démarche volontaire bien ciblée. Il convient donc de rappeler que le règlement précité se réfère au plan européen de relance économique qui accorde une place importante aux investissement améliorant l'efficacité énergétique des bâtiments et des logements. Dans chaque État-membre, les dépenses relatives aux améliorations de l'efficacité énergétique et à l'utilisation des énergies renouvelables dans les logements existants sont éligibles jusqu'à 4% de la contribution totale du FEDER. Ce règlement a donné lieu à une circulaire du MEEDDM en date du 22 juin 2009 qui fournit le mode opératoire du dispositif. Parmi les critères de sélection, les projets devront «viser les logements les plus consommateurs d'énergie... dans le cadre de stratégies régionales
Approche du développement durable des territoires et de leur gouvernance : Regards sur la territorialisation du "Grenelle" - Janvier 2010 31/72
d'utilisation du FEDER visant l'exemplarité et l'effet d'entrainement et élaborés en concertation avec les acteurs du développement social». Pour donner de la visibilité au fonds européen, la circulaire demande «de concentrer ces aides sur des opérations structurantes regroupant un nombre significatif de logements et visant une performance énergétique exemplaire». Enfin, un règlement de cohérence juridique et financière du 23 septembre dernier énumère les 10 critères -non cumulatifs- susceptibles d'ouvrir droit aux financements du FEDER en matière de logement : le seul critère intitulé «un faible niveau de performance énergétique des bâtiments» pourrait être avancé par la France, dans le cadre de la rénovation thermique des logements sociaux lancée par le Grenelle. Le FEDER a donc vocation à intervenir en complément des financements nationaux et particulièrement, les dispositifs portés par les établissements publics nationaux comme l'ADEME, l'ANAH, l'ANRU et bien entendu, les collectivités territoriales. Ces dernières apparaissent dans les maquettes financières établies pour chaque programme opérationnel, dans chacune des collectivités régionales françaises.
DES COMPLEMENTS A PROPOSER AU MODE OPERATOIRE PREVU PAR LA CIRCULAIRE MINISTERIELLE, DANS LE CADRE D'UNE GOUVERNANCE ADAPTEE
Les acteurs du logement social n'ayant pas eu, jusqu'à présent, la possibilité de présenter des demandes de financement communautaire, une action soutenue de pédagogie, d'information et de sensibilisation s'avère indispensable. Il serait particulièrement utile de préparer un référentiel de «montage» de projets en direction des maîtres d'ouvrages publics et privés, afin qu'ils puissent disposer de toutes les réponses aux questions essentielles qu'exige la présentation d'un dossier FEDER. Dans cette perspective, il conviendrait d'élaborer un guide d'assistance de montage de dossier, en présentant un document simple et opérationnel, sériant à tout le moins les huit questions clefs ci-après :
- s'assurer que ces nouveaux partenaires aient bien pris connaissance du contenu du
programme opérationnel du FEDER de leur région et des modalités de fonctionnement du Fonds ;
- préciser la période d'éligibilité des dossiers concernant les actions engagées avant
l'entrée en vigueur du Règlement 397/ 2009, compte tenu des indications fournies par ce texte mais aussi par celles de la circulaire du MEEDDAT du 22 juin 2009 ;
- identifier les lignes budgétaires du FEDER sur lesquelles pourraient être imputés les
projets de chaque région ;
- Identifier les arbitrages effectués par chaque Préfet de région quant à la répartition
financière de l'enveloppe prévue (fractionnement sur un grand nombre de projets ou ciblage sur un bouquet réduit de projets ;
- préciser le taux de financement public maximal autorisé, dont le taux de participation du
FEDER ;
- définir la nature des dépenses éligibles avant, pendant et après les travaux thermiques
prévus ;
- par référence aux règles communautaires de financement applicables, fixer les
conditions nécessaires à la conduite de l'évaluation du projet ;
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- indiquer qui peut procéder à ce type d'évaluation (d'où la nécessité de faire appel à des
experts dans le domaine de l'efficacité énergétique) et préciser si son coût est intégré dans la demande de financement sollicitée au titre du FEDER. Rouchdy KBAIER Section 1 Collège juridique, droit et contentieux
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3.4. L'identification de la trame verte et bleue : vers reconnaissance de l'enjeu de la biodiversité dans développement durable des territoires ?
la le
Les trois documents6 qui fixent les grands principes de la trame verte et bleue, apportent les appuis méthodologiques nécessaires à son identification d'une part, à une meilleure prise en compte par les infrastructures linéaires de l'État d'autre part et résultent d'un processus d'élaboration concertée, menée pendant plus d'un an dans un format du type «Grenelle à cinq». Il n'est donc pas pertinent de la part du CGEDD d'en proposer à ce stade des modifications d'architecture ou même de rédaction ponctuelle, dont la prise en compte conduirait sans doute à remettre en cause le processus lui-même. L'idée centrale développée dans cette contribution pour la réussite de la territorialité de cette mesure est de donner à la trame verte et bleue un statut qui ne soit ni supérieur, ni subordonné, à celui des autres démarches d'organisation des activités économiques et sociales, conformément au concept même du développement durable.
UNE DEMARCHE DE PROJET
L'identification de la trame verte et bleue, sa reconnaissance par l'ensemble des parties prenantes locales, impliquent des démarches méthodologiques comparables à celles adoptées pour toute élaboration de projet, fondées sur un état des lieux initial fiable et un diagnostic partagé, une claire définition des objectifs poursuivis, une description des mesures de mise en oeuvre, y compris de limitation d`impacts négatifs éventuels sur d'autres projets ou programmes. Une évaluation ex-ante du projet doit en effet permettre de procéder aux arbitrages pris en toute connaissance de cause, en cas de conflits d'objectifs. A ce titre, la nécessité d'un état des lieux initial solidement établi devrait s'imposer à la trame verte et bleue. Une cartographie d'habitats, fondée sur la description de la flore, devrait servir de base au schéma régional de cohérence écologique (SRCE) co-élaboré par l'État et la Région. Cette cartographie permettrait d'inventorier les zones de forte diversité mais également d'identifier les thèmes de recherche permettant de mieux comprendre les continuités écologiques et d'identifier les espèces les plus représentatives des différents types de continuités. Elle devrait être complétée par une analyse de l'état de conservation des espèces animales nécessitant une échelle d'observation plus large pour certaines espèces (grands mammifères, oiseaux). La France, contrairement à d'autres états européens (comme l'Espagne), n'a pas fait le choix d'établir une cartographie d'habitats au moment de la mise en place du réseau Natura 2000. L'identification de la trame verte et bleue pourrait ainsi être l'occasion d'asseoir sur des bases scientifiques plus solides, sur le terrain, les politiques de préservation de la biodiversité7. Plus qu'un inventaire, il s'agirait de dresser un véritable diagnostic de l'état de la biodiversité
6
Documents en vue de l'élaboration des orientations nationales pour la préservation et la restauration des continuités écologiques et mis en consultation en avril 2009 : 1. Choix stratégiques de nature à contribuer à la préservation et à la restauration des continuités écologiques. 2. Guide méthodologique identifiant les enjeux nationaux et transfrontaliers relatifs à la préservation et à la restauration des continuités écologiques et comportant un volet relatif à l'élaboration des schémas régionaux de cohérence écologique. Prise en compte des orientations nationales pour la préservation et la restauration des continuités écologiques par les grandes infrastructures linéaires de l'État et de ses établissements publics.
3.
Ces trois documents sont cités dans le projet de loi dit Grenelle 2 (article 45 : article 371-2 du code de l'environnement respectivement aux alinéas 4, 5 et 6). Pour couvrir l'ensemble du territoire métropolitain et ainsi avoir une carte complète des habitats, il conviendrait de prévoir 60 personnes équivalents temps plein pendant 5 ans (cf. rapport sur le réseau des conservatoires botaniques nationaux - IGE 06/21 - p. 34). Approche du développement durable des territoires et de leur gouvernance : Regards sur la territorialisation du "Grenelle" - Janvier 2010 34/72
7
du territoire, non pour la figer mais pour éviter toute destruction inconsidérée et favoriser positivement son évolution... La définition d'objectifs par référence au «bon état de conservation des habitats et espèces» de la directive habitats pour la trame verte, ou au «bon état écologique des masses d'eau» de la directive cadre sur l'eau pour la trame bleue, devrait être explicitée dans chaque schéma régional de cohérence écologique. Concernant la trame verte, ces objectifs devraient également porter sur les espaces et espèces relevant de la biodiversité ordinaire.
UNE EXIGENCE DE COHERENCE
La trame verte et bleue qui répond aux besoins vitaux de déplacement des espèces animales sauvages, doit se lire à différentes échelles, de la lande communale au massif forestier interrégional. Elle trouve aussi des prolongements sur le continent européen pour beaucoup d'espèces terrestres, et même des prolongements transcontinentaux pour les oiseaux et poissons migrateurs. La circonscription administrative retenue pour élaborer le schéma de cohérence écologique (la région) ne coïncide habituellement pas avec les ensembles majeurs de continuités écologiques : massifs forestiers ou montagneux pour la trame verte, bassins versants et unités littorales pour la trame bleue. Par ailleurs, certaines collectivités, régions, départements et intercommunalités ont entrepris depuis plusieurs années des réflexions et réalisations relatives à la continuité écologique sur leur territoire. Il importe d'intégrer ces acquis dans la réflexion à mener. Enfin, la trame verte pose le problème d'une affectation durable, pérenne, des espaces qui la composent. L'élaboration du schéma régional de cohérence écologique devrait être l'occasion d'aborder entre les parties prenantes les modalités de protection et de gestion, réglementaires ou contractuelles. De son côté, la trame bleue qui est largement «canalisée» par le réseau hydrographique, pose le problème de l'effacement d'obstacles ; un programme de suppression mériterait d'être étudié au vu de l'état initial dressé et des objectifs poursuivis. La trame verte et bleue concernera aussi l'espace urbain ; c'est à l'évidence le cas de la trame bleue, beaucoup de villes s'étant historiquement édifiées en bordure de cours d'eau, mais la trame verte doit aussi être présente en ville, la pénétrer, la cerner, l'aérer ; elle peut contribuer à maîtriser, ordonnancer l'étalement urbain. La première exigence pour identifier la trame verte et bleue territorialement sera donc d'assurer la cohérence dans l'application des référentiels pour la cartographie des habitats, dans la délimitation des corridors d'intérêt interrégional et international, mais également dans les objectifs de conservation.
UNE EXIGENCE D'EVALUATION, BASE DE TOUT ARBITRAGE
L'autre exigence pour faire vivre cette trame verte et bleue sera d'évaluer les incidences de l'action humaine sur son « bon état de conservation » afin d'apporter les éclairages nécessaires aux arbitrages éventuels entre projets et d'arbitrer les modifications par l'action humaine des infrastructures écologiques constituant la trame verte et bleue, celles des infrastructures économiques, à partir de grilles d'analyses comparables. L'état de référence des habitats et espèces, tel que décrit précédemment8 constitue l'héritage de l'histoire en matière de biodiversité et « d'infrastructure écologique » au même titre que l'état des composantes et infrastructures économiques ou encore l'état des acquis sociétaux et sociaux composent l'héritage des actions humaines passées.
8
Cet état de référence pourrait aussi être celui de l'arrêt de l'érosion de la biodiversité prévu en 2010. Approche du développement durable des territoires et de leur gouvernance : Regards sur la territorialisation du "Grenelle" - Janvier 2010 35/72
Les modifications éventuelles apportées par l'action humaine 9 à ce patrimoine écologique, économique ou social devraient être examinées, et arbitrées en cas de conflits d'objectif, selon des grilles d'analyse multicritères permettant de mettre en évidence les incidences négatives ou positives de chaque projet, incidences abordées sous leurs trois dimensions économiques, sociales et écologiques (évaluation globale). Ce qui exige d'adopter des approches similaires pour ces trois composantes avec pour chaque d'elles, une description de l'état initial du territoire impacté par le projet, une analyse des effets du projet, les mesures préconisées pour éviter, atténuer ou compenser les impacts négatifs (effets sociaux et économiques négatifs de projets à finalité écologique, effets écologiques négatifs éventuels de projets à finalité économique ou sociale). Le recours systématique à des grilles d'analyse multi-critères serait de nature à faciliter ces arbitrages et apporterait une plus grande transparence des décisions. Une telle démarche équilibrée de préparation des décisions (d'éclairage des arbitrages) devrait viser à réduire les situations de conflits voire de blocages actuels, dans lesquelles les porteurs de projets socio-économiques ont parfois le sentiment de voir entraver leurs actions pour des raisons qu'ils ne comprennent pas (le syndrome de l'autoroute arrêtée par le piqueprune), alors que les défenseurs d'intérêts écologiques se sentent souvent en situation d'infériorité face aux enjeux économiques (on n'a jamais détruit une voie de communication pour rétablir une continuité écologique, alors qu'on détruit couramment des continuités écologiques pour construire des voies de communication). Cette démarche d'évaluation globale des impacts des projets devrait être renforcée en amont par une évaluation similaire des plans et de programmes : il s'agirait notamment de s'assurer de la compatibilité des schémas régionaux de cohérence écologique avec le schéma national des infrastructures de transport, les plans énergie-air-climat, les schémas directeurs d'aménagement des eaux, les plans départementaux de prévention des incendies de forêts... C'est pour les services de l'État en région, un chantier novateur et ambitieux qui relève tout à la fois de la connaissance stratégique des territoires, de la préparation à la décision (arbitrages) et de l'évaluation. Denis LAURENS, Commission permanente des ressources naturelles Collège "Biodiversité"
9
Ne sont pas évoquées ici le fait que les infrastructures écologiques se trouvent aussi modifiées sous l'effet de facteurs indépendants de l'action humaine locale, notamment le changement climatique. Approche du développement durable des territoires et de leur gouvernance : Regards sur la territorialisation du "Grenelle" - Janvier 2010 36/72
3.5. La mise en oeuvre du plan « séisme Antilles » : pour le renforcement des leviers d'action
Les départements d'outremer sont en France les territoires les plus exposés aux risques naturels majeurs de toutes sortes et l'attente des populations pour une action publique en ce domaine est forte, aussi bien pour prévoir les phénomènes que pour se protéger de leurs effets. Parmi tous les risques, il apparaît que le risque sismique est le plus préoccupant pour la sécurité des populations. L'intensité du phénomène, la brutalité avec laquelle il intervient et la faiblesse du délai d'anticipation peuvent être à l'origine d'une catastrophe humanitaire majeure qui nous incite à le traiter spécifiquement pour son impact potentiel dans les Antilles. La présente contribution résulte essentiellement de contacts pris avec la CCIAPSA (cellule interministérielle d'appui au plan séisme Antilles) placée auprès du DGPR (entretien avec son responsable et examen des documents qu'elle a produits), mais le parti a été pris de ne pas procéder à l'analyse précise des contributions des services déconcentrés, DDE et DIREN de la Martinique et de la Guadeloupe. Aucune analyse ne concerne les territoires de Saint Martin et de Saint Barthélémy. L'analyse présentée est donc partielle faute de confrontation avec le terrain.
UN PROGRAMME D'INTERVENTION GLOBAL
Bien que les îles soient géologiquement différentes, l'ensemble des Antilles se situe en zone de forte sismicité correspondant à des accélérations supérieures à 3 m/s². Les scientifiques s'accordent pour considérer que la probabilité qu'un séisme majeur se produise est de l'ordre de 150 ans. Le dernier s'est produit en 1839 en Martinique et en 1843 en Guadeloupe et il y a eu en 2004 et 2007 des secousses, aux Saintes notamment, peu destructrices. «The Big One» est donc craint avec juste raison et les préfets mobilisent les services de l'État et s'efforcent de faire partager leurs préoccupations aux responsables des collectivités, au niveau des communes notamment. Ce d'autant que le patrimoine bâti est très vulnérable aux secousses sismiques. Le plan «séisme Antilles», présenté en janvier 2007 en Conseil des ministres, a fixé comme objectif principal de protéger les populations en mettant l'accent sur le risque d'effondrement des constructions, tant pour les locaux des services de gestion de crise ou les établissements recevant du public que pour les habitations. La loi de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle, dite «Grenelle 1», a donné à ce plan une valeur législative (article 44 a). Les populations concernées sont importantes (800 000 habitants) et nombre d'entre elles occupent un logement social (un quart des logements antillais). Elles sont principalement concentrées sur le littoral, ce qui implique, en cas de cataclysme, de préserver l'accès aux communes par la mer et d'être sûr de la résistance des quais portuaires Le réseau routier national a été transféré aux deux régions. La gouvernance du plan «séisme Antilles» est assurée par un comité de direction (CODIRPSA) présidé par le directeur général de la prévention des risques et réunissant les représentants des services de l'État les plus concernés. Pour mettre en oeuvre le plan séisme dans chaque région, les préfets s'appuient sur les décisions des comités «séisme» qu'ils ont constitués, ainsi que sur des cellules locales animées par les DDE et les DIREN avec les services des préfectures. Les objectifs du Plan au nombre de cinq sont :
- la meilleure connaissance scientifique du phénomène, - la constitution d'un milieu professionnel local de la construction, - l'étude de règles d'aménagement et de dispositions constructives adaptées aux Antilles
sur l'ensemble des risques naturels (cyclones très particulièrement),
Approche du développement durable des territoires et de leur gouvernance : Regards sur la territorialisation du "Grenelle" - Janvier 2010 37/72
- la sensibilisation des populations et l'éducation notamment des jeunes, - le contrôle du respect des règles de construction parasismique.
Les priorités d'action portent sur :
- les installations des services d'intervention et de gestion de crise, au premier rang
desquels les services de secours (casernes de pompiers...),
- les écoles primaires publiques, car elles concentrent une forte densité de jeunes et
peuvent de plus servir d'abris aux populations,
- les autres établissements d'enseignement, - les logements sociaux. UNE FORTE MOBILISATION DES SERVICES DE L'ETAT
Les DDE participent à l'élaboration du diagnostic pour les constructions d'écoles et les bâtiments de l'État notamment. De gros moyens sont consacrés à la construction de logements sociaux et à la conduite d'opération des bâtiments d'État. La distinction est à faire entre les constructions neuves réalisées aux normes parasismiques, d'une part, et les aménagements ou renforcements de bâtiments existants visant à les mettre aux normes, plus difficiles à appréhender, donc à chiffrer et à en estimer l'efficacité réelle, d'autre part. L'analyse coût-avantage entre les deux solutions s'avère de ce fait délicate, une méthodologie spécifique serait à mettre au point. Des actions significatives ont déjà été réalisées depuis plusieurs années par les DIREN avec l'appui des DDE et de plusieurs services de l'État. Les DIREN ont en charge les volets immatériels, tels l'animation, la formation, y compris pour le corps artisanal de toute la filière construction, la gestion des études sur la connaissance de l'aléa, la préparation à la gestion de crise et la gestion éventuelle de crise, l'information... Sous l'autorité des préfets, ces deux services sont particulièrement mobilisés. En Martinique, la DIREN qui pilote la démarche, a créé trois groupes de travail (vulnérabilité, construction/formation, communication) et un comité Séisme regroupant l'ensemble des parties prenantes. En Guadeloupe, la DIREN a renforcé son équipe risques grâce à la création de deux emplois et une unité spécifique chargée d'établir le diagnostic des bâtiments État a été mise en place à la DDE par redéploiement de trois postes.
UN FINANCEMENT PROBLEMATIQUE
Les DDE ont reçu et mis en place des crédits de diagnostic de l'état des constructions et ont fait réaliser des études par des bureaux spécialisés. Ces diagnostics portent sur le patrimoine public, mais également sur les établissements privés d'enseignement (lesquels devront se plier aux exigences de sécurité sous la contrainte de fermeture). Dans la limite des moyens et compétences disponibles, les bureaux d'études et les contrôleurs techniques locaux y ont participé de façon significative. Sans rentrer dans le détail des mécanismes financiers (octroi de mer constituant la majeure partie des ressources notamment communales, plan gouvernemental de relance, participation de l'AFD, FEDER), le simple examen de la situation financière de la plupart des communes laisse présupposer qu'il leur sera difficile de s'engager dans la mise aux normes des écoles primaires ou des postes de crise communaux. L'assurance d'un financement extérieur à hauteur de 80% obtenu grâce notamment à la forte contribution du fonds national de prévention des risques naturels majeurs (FNPRNM) au plan séisme Antilles (50 M/an) ne suffit pas toujours à finaliser le plan de financement. Ainsi, en est-il d'importants projets comme celui du lycée Baimbridge aux Âbimes pour 67 M, dont 20 attendus du dit fonds. Le renforcement parasismique des 600 écoles primaires (également lieux d'abri) est particulièrement onéreux (400 M en Guadeloupe par exemple). Il en est de même pour les 100 collèges concernés pour lesquels les Conseils généraux peinent à rassembler rapidement leurs propres crédits .
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L'enjeu financier pour la mise à niveau des seuls bâtiments publics est de l'ordre de 2 milliards d' pour chacune des 2 îles.
UNE PROGRAMMATION EN QUÊTE DE SOUTIEN METHODOLOGIQUE
La réglementation française (notamment les prescriptions du décret du 14 mai 1991) impose des règles de construction parasismiques normalisées contraignantes. Pour y faire face, le choix entre la reconstruction et le confortement de l'existant dépend de critères multiples qui s'ajoutent aux difficultés de financement. Ce choix demande en effet une réflexion avancée sur l'importance socio-économique des bâtiments, l'analyse comparée des coûts et des bénéfices, la vulnérabilité des installations et de leur état de vétusté, le niveau de risque accepté et de protection souhaitée. L'absence de texte précisant les conditions de dimensionnement des travaux de confortement au regard de ces critères, dont on peut penser que des règles adaptées seraient sur certains points moins contraignantes ,ne facilite pas le choix des décideurs. La réécriture en cours de la réglementation de 1991 constitue une opportunité pour prendre en compte ces aspects. Les actions visant à améliorer la connaissance sont essentielles pour l'ensemble des acteurs de la gouvernance du plan séisme Antilles. Elles visent aussi bien les cadres des services de l'État que ceux des collectivités ou les entreprises et bureaux d'études locaux. Agissant auprès de la CCIAPSA pour dynamiser la mise en oeuvre du plan, le CERTU a animé début 2009 un séminaire d'où ont émergé des thèmes de travail et une feuille de route pour les services d'État. De tels séminaires seront organisés avec les collectivités. La formation de base initiale n'est pas en reste, aussi bien dans les lycées et collèges antillais (notamment les lycées professionnels formant au métiers de la construction) qu'au niveau des 2ème et 3ème cycles universitaires. Plus de 50 formations ont été recensées fin 2008 par l'association française de génie parasismique (AFPS) mettant en évidence une formation plus orientée vers l'aléa et le génie civil que sur les aspects socio-économiques du risque et les problèmes de réhabilitation des bâtiments existants. L'inventaire des bâtiments publics, plusieurs fois prescrit (en dernier lieu par la circulaire du 16 janvier 2009) n'est toujours pas achevé. Les premières estimations de la durée de réalisation de l'ensemble des travaux nécessaires sont de l'ordre de 15 à 20 ans. La gestion d'une telle programmation nécessite de disposer d'un minimum de garanties financières sur cette durée. Ceci a été exprimé les élus lors des réunions du Comité national de pilotage. Ceci implique une politique contractuelle dotée d'un dispositif de suivi et d'évaluation du plan séisme Antilles qui semble-t-il reste à définir et à intégrer au plan, y compris son financement.
PRECONISATIONS POUR RENFORCER LE PLAN SEISME DES ANTILLES - La réalisation d'un diagnostic complet des opérations à engager constitue le point de
départ incontournable pour évaluer les coûts, définir les priorités et établir la programmation des interventions. Il doit s'appuyer sur une méthodologie qui pourrait être définie par un comité scientifique et technique en appui de la CCIAPSA. Les services devront notamment s'approprier les conclusions du séminaire organisé avec l'appui du CERTU et les approfondir. L'établissement d'un tel diagnostic demande un travail conséquent. Si compétences et motivation sont avérées, il faudra aussi mobiliser des effectifs à la hauteur du défi.
- L'ampleur des investissements sur la durée nécessite un étalement dans le temps qui
impose des engagements financiers aussi bien de l'État, de l'Europe que des collectivités. Ces financements pourraient faire l'objet d'une contractualisation que sur la base du diagnostic pré-cité et d'une programmation pluriannuelle rigoureuse dotée d'un dispositif de suivi -évaluation clairement défini.
- La contractualisation devrait également favoriser la mobilisation (et l'affichage) des
crédits des ministères les plus concernés par des opérations prioritaires (SDIS, hôpitaux...).
Approche du développement durable des territoires et de leur gouvernance : Regards sur la territorialisation du "Grenelle" - Janvier 2010 39/72
- La trop faible mobilisation de crédits communaux, malgré l'importance des aides
mobilisées (40% FPRNM, 20% FEDER, 20% BOP 181 ou 123) constitue un frein dans le confortement ou la reconstruction des écoles.
- La gestion des travaux de renforcement de grande ampleur doit se faire en préservant la
continuité de l'activité des services concernés (en premier lieu les cellules de crises voir la mise en conformité du PC préfectoral de la Martinique et l'utilisation éventuelle à cet effet et à court terme du bâtiment de la DDE SDIS,). Des « opérations tiroirs » doivent pouvoir être mises en place au profit des écoles, des hôpitaux...et du foncier rendu disponible lorsque des installations provisoires sont nécessaires.
- La capacité actuelle d'intervention des professionnels de la construction, maîtres
d'oeuvre, bureaux d'études et entreprises, n'est pas à la hauteur du défi. De nombreuses formations sont dispensées dans le domaine de la construction parasismique sans qu'elles soient toujours bien identifiées. Un effort de coordination des ces formations sera nécessaire lorsqu'elles auront été précisément évaluées.
- La mise à niveau du bâti privé n'est pas traitée par les services du ministère mais devra
être conduite en parallèle. Elle passe par une forte incitation aussi bien au niveau de la sensibilisation que dans le domaine financier. Il n'y a aucune action de diagnostic sur les constructions privées en dehors des établissements privés d'enseignement et les principales industries (classées SEVESO), ni sur les réseaux de fluides. Or, par exemple la Guadeloupe est très dépendante de son château d'eau naturel, malgré des interconnections. De réels efforts de sensibilisation et d'information sont entrepris, vers les responsables et les populations, mais aussi en milieu scolaire avec l'action volontariste du rectorat. Les avancées les plus spectaculaires relèvent plus de la motivation et du dynamisme d'individus ou de services (par exemple le bailleur social principal représente en Guadeloupe 70% du parc et entraîne d'autres acteurs). Ces actions doivent être prolongées pour aboutir à une culture du risque réellement partagée. Denis CARDOT Section 4 Jean-Louis RAVARD MIGT 8
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4. LA MISE EN MOUVEMENT DES SERVICES DU MEEDDM
La prise en compte du Grenelle de l'environnement par les
administrations centrales : en traduire les engagements dans les circulaires et le dialogue de gestion Lionel RIMOUX - Thierry LAVOUX
La connaissance stratégique des territoires :
un enjeu incontournable pour réussir la territorialisation du Grenelle Didier CAUVILLE
La mutualisation des pratiques de l'évaluation
environnementale : vers une synergie des travaux des trois formations de l'autorité environnementale Rouchdy KBAIER
Les enjeux de la formation :
nouveaux acteurs, nouveaux parcours de professionnalisation Alain LAVIELLE
La mobilisation du réseau scientifique et technique :
un appui indispensable aux services Bernard DURU
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4.1. La prise en compte du Grenelle de l'environnement par les administrations centrales : en traduire les engagements dans les circulaires et le dialogue de gestion
Cette contribution à la réflexion menée sur la territorialisation du Grenelle fait suite à une analyse sous l'angle du Grenelle de l'environnement des circulaires adressées par le ministère aux préfets, mission que nous avons faite à la demande de la commissaire générale au développement durable. Le rapport de cette mission a été publié en août 2009.
LES INSTRUCTIONS AUX SERVICES TERRITORIALISATION DU GRENELLE
N'ACCOMPAGNENT
PAS
LA
Une quarantaine de circulaires adressées aux préfets a été recensée sur la période d'analyse (quatrième trimestre 2008 - premier trimestre 2009). Après en avoir évalué le contenu en terme d'information, d'orientation, de gouvernance, d'impulsion des politiques ainsi induites, d'organisation et de moyens pour la mise en oeuvre de ces politiques, nous nous sommes attachés à examiner chacune de ces circulaires à la lumière des grands enjeux du Grenelle de l'environnement. Nous avons en particulier analysé en quoi elles pouvaient s'inscrire en tout ou partie dans l'un ou dans plusieurs de ces enjeux. Une grille de lecture des circulaires croisant enjeux et missions nous a permis de mettre en évidence les constats suivants :
- les circulaires adressées aux préfets ne traitent pas directement des enjeux du Grenelle
même lorsque leur objet y trouve un prolongement ou une application. En général, ni les thèmes abordés, ni les instructions ne répondent de manière satisfaisante aux enjeux du Grenelle de l'environnement qui sont au mieux effleurés et à tout le moins très mal abordés ;
- la nécessité d'impulser la territorialisation du Grenelle n'a, par conséquent, ni fait l'objet
d'une réelle appropriation par les différentes directions du ministère, ni d'une approche coordonnée et volontariste sur la période d'étude ;
- enfin, aucune circulaire de l'administration centrale n'aborde, sur cette période, les
notions d'organisation et de moyens pour la mise en oeuvre des engagements du Grenelle aux niveaux déconcentrés, à l'exception bien sûr de la circulaire de mars 2009 consacrée à sa territorialisation. Afin de garantir la traduction effective -et durable- du Grenelle de l'environnement dans les instructions données aux préfets, les principales recommandations suivantes ont été formulées :
- établir pour l'ensemble des directions une grille d'analyse homogène bâtie sur un modèle
similaire à celui utilisé lors de notre mission, complétée par des enjeux ignorés ou mal couverts par le Grenelle (par exemple l'eau, le paysage, la montagne, le littoral) afin d'aider les services à en tenir compte de manière plus efficace ;
- rédiger dans chaque circulaire un encadré consacré aux enjeux du Grenelle indiquant
brièvement les articulations avec les enjeux et les thèmes du Grenelle ;
- prévoir une évaluation semestrielle des circulaires adressées aux préfets pour en vérifier
l'adéquation aux engagements du Grenelle et la diffuser aux services rédacteurs ;
- demander aux différentes directions d'administration centrale d'élaborer un programme
de «grenellisation» de leur action sur une base semestrielle ou annuelle.
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LA NECESSITE D'UNE COORDINATION RENFORCEE DES DIRECTIONS
Ces constats, et les préconisations qui en découlent, sont à rapprocher en terme d'analyse synthétique des conclusions du récent audit sur la prise en compte du développement durable par les services déconcentrés, mais aussi des contributions et compte-rendus des Préfets de Région demandés par la circulaire du 23 Mars 2009 relative à la territorialisation du Grenelle. D'une analyse rapide de ces documents, il ressort :
- une forte implication et mobilisation des services déconcentrés sous l'autorité des préfets, - une réelle capacité d'animation et d'impulsion à ce stade du CGDD qui ne dispose
cependant pas de la capacité de mise en oeuvre,
- mais aussi une insuffisante appropriation par les administrations centrales de la
démarche portée par le Grenelle de l'environnement. Se poserait donc à l'évidence, si cette analyse se confirmait dans le cadre des travaux en cours ou à venir, un réel problème de gouvernance, au sein même du ministère, pour la mise en oeuvre de la territorialisation du Grenelle, de son suivi et donc à terme de son évaluation. Pour prévenir un tel risque, la mise au point d'un dispositif apte à mobiliser de manière coordonnée l'ensemble des administrations centrales du ministère pour intégrer dans leurs propres actions la territorialisation du Grenelle et pouvoir ainsi contribuer à en évaluer ex post les effets, paraît indispensable. La nécessité de mettre en place un tel dispositif au niveau du ministère, ne doit bien évidemment pas occulter la dimension interministérielle propre au Grenelle et en particulier l'obligation pour l'ensemble des administrations de l'État de faire vivre la «gouvernance à 5». Une circulaire du Premier ministre pourrait la réintroduire en position centrale dans le dispositif de rénovation de la concertation, base de la «démocratie environnementale». La posture et le rôle de l'État se posent à cet égard avec d'autant plus d'acuité qu'il n'est pas, loin s'en faut, le seul intervenant dans le processus de territorialisation. Il est donc essentiel qu'en préalable à toute démarche, la cohérence interne et l'efficacité de l'action de l'État soient garanties pour qu'il puisse exercer son rôle de coordinateur, d'impulseur et d'arbitre dans le cadre de la «gouvernance à 5» qui sous-tend l'ensemble de la démarche du Grenelle. Il faut cependant reconnaitre que cette démarche requiert une mise en cohérence et du temps souvent peu compatibles avec les modalités d'action préconisées dans les circulaires. Il apparaît de ce fait relativement urgent d'être en mesure d'assurer cette cohérence et cette efficacité au plus près -en terme de calendrier- de la promulgation des Lois Grenelle et de leurs textes d'application par une mobilisation coordonnée de nos administrations centrales.
DES PROPOSITIONS POUR RENDRE PLUS LISIBLE LA TERRITORIALISATION DU GRENELLE DANS L'ACTION DES DIRECTIONS CENTRALES
Les quelques propositions générales suivantes visent à répondre aux problèmes posés.
- Mettre en place une véritable instance d'impulsion et de suivi de la territorialisation
du Grenelle Cette instance pourrait réunir formellement, une fois par trimestre, les directeurs généraux et directeurs d'administration centrale et être préparée et prolongée par des réunions inter-DAC ad hoc sur une base mensuelle. Idéalement la formation trimestrielle devrait être présidée par le directeur de cabinet du ministre et prendre la forme d'une réunion dédiée de la réunion des directeurs généraux et directeurs.
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- Mettre en oeuvre l'intégralité des préconisations du rapport sur l'étude des
circulaires Ces préconisations pourraient utilement être complétées par un véritable plan d'arbitrage, d'orientation, de rédaction et de publication des « circulaires filles» de la circulaire du 23 mars 2009 dont la nécessité, à l'évidence, se fait sentir au niveau des services déconcentrés tout particulièrement.
- Traduire dans la LOLF, dans chacun des programmes annuels de performance du
ministère les engagements du Grenelle et de sa territorialisation Ces engagements devraient non seulement être déclinés dans les stratégies de programme mais aussi dans le descriptif détaillé de chaque action, en mettant si possible l'accent sur le volet performance et en adaptant si nécessaire les indicateurs aux priorités définies..
- En conséquence de ce qui précède, décliner les nouveaux enjeux identifiés et les
objectifs fixés dans l'ensemble du mécanisme annuel de dialogue de gestion. Pour ces deux dernières approches il semblerait raisonnable de cibler cette première prise en compte, opérationnelle, globale et construite dans le cadre de la LOLF, pour l'élaboration du budget 2011. D'importantes marges de manoeuvre existent ainsi pour permettre une application effective du Grenelle de l'environnement au plan territorial, comme la nécessaire construction d'une méthode de rédaction des circulaires aux préfets et la mise en place d'un dispositif de coordination au sein de l'administration centrale complétées par une «lolfisation» du Grenelle et de sa territorialisation. Thierry LAVOUX Section 3 Lionel RIMOUX Section 6
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4.2. La connaissance stratégique des territoires : un enjeu incontournable pour réussir la territorialisation du Grenelle
UN ENJEU ANCIEN QUI PEINE A SE STRUCTURER
La connaissance du fonctionnement des territoires et l'élaboration d'une vision globale permettant une mise en oeuvre cohérente des politiques publiques font partie des orientations données aux services déconcentrés de l'État depuis de nombreuses années. Cette préoccupation reste une constante comme le confirme l'analyse des instructions récentes, notamment pour réussir la territorialisation du Grenelle. Malgré cette constante, force est de constater que beaucoup reste à faire pour structurer une connaissance territoriale stratégique au sein du ministère si l'on se réfère aux résultats de l'enquête réalisée en 200810 ou aux divers entretiens menés avec les administrations centrales sur ce thème11). En caricaturant la situation, il est possible aujourd'hui d'identifier une multitude d'expériences intéressantes, de géométrie très variable et de durabilité encore plus aléatoire et, parallèlement, noter une incapacité d'évaluer certaines politiques publiques à partir des données disponibles, comme dans le domaine du logement par exemple. Le constat effectué lors de l'évaluation 2003 de la connaissance des territoires par les services du ministère de l'équipement12 reste d'actualité : «On peut d'emblée remarquer que cette évaluation présente la particularité de porter non pas sur une politique publique, mais simplement sur une situation à un moment donné. On verra en effet qu'à aucun moment une politique de la connaissance des territoires n'a été formellement définie au sein du ministère de l'équipement».
UNE BASE FONDAMENTALE POUR ECLAIRER L'ACTION DE L'ÉTAT
Tout est déjà dit dans les textes sur les finalités / enjeux / légitimités / positionnement / nécessités de la connaissance stratégique des territoires pour les services de l'État, et plusieurs rapports du CGPC puis du CGEDD ont déjà fait des recommandations pertinentes13. Les plus anciens de ces rapports ont certes été rédigés avant la création du ministère du développement durable (MEDDAT puis MEEDDM), de l'instauration des DREAL, des DDEA puis des DDT. Mais les principaux constats et les recommandations qui en découlent, peuvent sans difficulté être transposés dans l'organisation actuelle en conservant leur acuité:
- l'importance du rôle local de l'État en tant que stratège, régulateur et impulseur, qui doit
disposer pour ce faire d'une vision territoriale ;
- la nécessite d'organiser et de piloter les services de l'État, de définir des priorités, de
gérer les ressources et les compétences ;
- l'obligation de développer la coopération et les partenariats tant avec les autres
départements ministériels qu'avec les collectivités locales. Cette connaissance des territoires est en effet indispensable pour assurer une application pertinente des lois et règlements, pour en évaluer l'efficacité et d'une façon plus générale pour asseoir le pouvoir d'appréciation de l'État dans son rôle d'autorité régulatrice. La création d'un ministère de développement durable, le Grenelle de l'environnement et la mise en oeuvre des orientations qui en sont issues, la réorganisation des services territoriaux
10 11 12 13
Enquête Apostolo - Dodu Notamment avec le CGDD et la DGALN, mais aussi le PUCA, le CERTU ... Rapport Brunetière Outre les 2 rapports cités supra, il faut mentionner le rapport Gibelin, les audits AUIP et DD Approche du développement durable des territoires et de leur gouvernance : Regards sur la territorialisation du "Grenelle" - Janvier 2010 45/72
de l'État renforcent la nécessité de cette connaissance des territoires tout en créant des opportunités de la structurer.
UN EXEMPLE D'ACTUALITE : LA GESTION ECONOME DE L'ESPACE
Si le cadrage méthodologique relève sans nul doute de l'administration centrale, la notion d'économie en la matière ne saurait se définir au plan national. Elle s'appréciera sur le terrain en fonction des enjeux locaux, en assurant l'équilibre entre une urbanisation répondant aux besoins de logements, un développement des activités économiques et la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers, tout en limitant les déplacements, tout en prenant en compte les risques naturels, tout en veillant aux continuités écologiques... Les débats puis les décisions visant à intégrer toutes ces composantes doivent se situer dans une gouvernance où l'État doit tenir toute sa place, pour ne pas dire son rang, de stratège et de garant des grands équilibres. Comment pourra-t-il le faire s'il ne peut s'appuyer sur une vision territoriale à la hauteur de ses responsabilités? La récente circulaire sur la territorialisation du Grenelle, par ses commandes aux services territoriaux de l'État, souligne cette nécessité.
LA REORGANISATION DES SERVICES : UNE OPPORTUNITE A SAISIR
La réorganisation de ces services repose sur le renforcement de l'échelon régional, avec les DREAL, en ce qui concerne notre ministère, et la création de directions départementales interministérielles qui ne sont plus des services déconcentrés de ministères, mais qui dépendent néanmoins de l'échelon régional pour la déclinaison des politiques publiques et l'allocation des ressources. Pour le MEEDDM, nombre des politiques publiques dont il a la charge, la planification spatiale avec pour objectif la gestion économe de l'espace en est un exemple, dépendent en grande partie de l'action des services départementaux. Comment en matière de connaissance stratégique des territoires articuler les différents niveaux territoriaux et comment organiser la production de connaissance en liaison avec les autres partenaires locaux? Quel doit être le rôle des DREAL vis à vis des DDT en ce domaine particulier? Si à l'évidence la plupart de ces questions doivent trouver leurs réponses localement, les services territoriaux ont besoin, et ils le réclament, d'un pilotage national qui assure cohérence entre fixation d'objectifs et allocation de ressources (moyens humains et financiers, mais aussi doctrine, méthodologie, offre de formation...). Entre autres, la LOLF pourrait être l'outil et le dialogue de gestion l'occasion pour ce faire.
UN PILOTAGE DES SERVICES DECONCENTRES NECESSITE D'UNE COORDINATION INTER-DAC
EFFICACE
:
LA
Il apparaît non seulement qu'un tel dispositif de pilotage n'a pas encore été mis en place, mais que sa nécessité même ne soit pas encore reconnue par l'ensemble des DAC de notre ministère, pourtant toutes concernées à un titre ou à un autre par la déclinaison locale des politiques qu'elles portent et par conséquent par la connaissance stratégique des territoires14. Un premier pas qui n'a pas été encore franchi, serait qu'une coordination inter-DAC sur ce sujet soit mise en place et que l'une d'entre elles soit désignée pour assurer le pilotage des services territoriaux. La LOLF peut en offrir le cadre. Mais de quel programme la connaissance stratégique des territoires relève-t-elle?
- du programme 113 «Urbanisme, paysages, eau et biodiversité» en charge de la
planification spatiale et de l'intégration des autres politiques dans cette planification qui se décline au niveau des territoires?
- du programme 217 «Conduite des politiques de l'écologie, de l'énergie, du
développement durable et de la mer» qui comprend également une dimension stratégique qui le conduit à assurer des fonctions transversales?
14
Voir les critiques récentes du Conseil d'État et de la Cour des Comptes à l'égard de la connaissances de l'impact des politiques en matière de logement sociaux. Approche du développement durable des territoires et de leur gouvernance : Regards sur la territorialisation du "Grenelle" - Janvier 2010 46/72
- des deux? - de tous les programmes, dans la mesure où la connaissance des territoires constitue un
socle commun à la définition, à la mise en oeuvre et à l'évaluation des politiques conduites par le ministère en matière de transports, de gestion des risques, d'énergie...? Comment peut-il y avoir un pilote et plusieurs responsables de programmes? Dans l'attente de réponse, la DGALN assure certes une animation pertinente des services, plus en matière d'études que de connaissance proprement dite, mais quelle est sa légitimité pour donner toute sa dimension au pilotage indispensable et réclamé par les services? Elle n'est d'ailleurs pas identifiée comme telle. Le CGDD assure également une coordination des services déconcentrés, et notamment des DREAL, sur les questions du développement durable et la territorialisation du Grenelle, mais aussi sur les statistiques, la prospective territoriale... Le SG est lui en charge d'assurer cette transversalité inter-DAC. Ce n'est qu'une fois que sera créée une coordination inter-DAC et que sera désigné un interlocuteur-pilote pour les services qu'on pourra espérer réunir les conditions de réussite d'une politique de la connaissance des territoires au sein du ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer. Didier CAUVILLE, MIGT 7-Est Collège "AUHM"
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4.3. Mutualiser les pratiques de l'évaluation environnementale : vers une synergie des travaux des trois formations de l'autorité environnementale
L'évaluation environnementale est un processus destiné à intégrer les enjeux environnementaux dans la planification et la réalisation de projets, plans et programmes dans un objectif de développement durable. Elle vise à faciliter la participation du public à l'élaboration des décisions qui le concernent, dans le droit fil de la convention d'Aarhus et à améliorer la qualité des projets avant la prise de décision. Cette démarche est surtout pertinente dans les cas de grands travaux de construction ou d'aménagement ainsi que lors de la préparation de documents de planification, en jargon administratif «les plans et programmes», souvent illustrés par les documents d'urbanisme, que ces projets et réalisations soient nationaux ou locaux. L'évaluation environnementale n'est pas un concept récent : prévue par de nombreux textes internationaux et communautaires, cette démarche fournit des éléments méthodologiques indispensables à l'intégration du pilier environnemental dans toute étude socio-économique. C'est pour se mettre en conformité avec le droit communautaires que les évaluations d'impact environnemental des grandes opérations sont soumises à l'avis, rendu public, d'une «autorité compétente en matière d'environnement». Le Gouvernement a ainsi créé, par décret du 30 avril 2009 pris en Conseil d' État, «l'autorité administrative de l'État, compétente en matière d'environnement». La circulaire du 23 mars relative à la territorialisation du Grenelle rappelle que pour les projets de niveau local, l'autorité environnementale est confiée au préfet de région. Elle demande aux services déconcentrés de s'investir dans deux actions interdépendantes : mettre en place et assurer le rôle d'autorité environnementale, diffuser la culture de l'évaluation environnementale. L'efficacité de ces nouvelles missions reposent sur trois préalables :
- clarifier les différents niveaux d'intervention de la fonction environnementale; - donner la formation et les moyens de la diffusion de la culture de l'évaluation
environnementale;
- organiser le pilotage et désigner la structure responsable de la «veille doctrinale». QUELLES LEÇONS TIRER DE CETTE NOUVELLE PRATIQUE?
Trois cas sont à considérer :
- pour les opérations dont le ministre chargé de l'environnement n'est pas lui-même
responsable au titre de ses autres attributions, la fonction d'autorité environnementale est assurée par le ministre ou, localement, pour son compte, par les préfets ;
- pour les opérations réalisées par le ministère ou un organisme placé sous sa tutelle, la
fonction d'autorité environnementale est assurée par une structure spécifique, garante d'impartialité, au sein du conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) ;
- enfin, pour les opérations relevant de la décision de collectivités, la fonction d'autorité
environnementale est assurée par le ministre s'appuyant sur ses services ou localement par les préfets «selon la nature et la portée de l'opération». Après quelques mois de fonctionnement, il est possible de tirer de premiers enseignements méthodologiques de la formation d'autorité environnementale instituée au sein du CGEDD. La réflexion s' est en particulier enrichie du travail d'une mission de parangonnage
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commandée par cette autorité qui a conduit à l'élaboration d'un rapport du CGEDD relatif aux «Comparaisons des pratiques et méthodes de certains autres États-membres de l'Union européenne pour l'élaboration des avis de l'autorité environnementale et prise en compte des jurisprudences concernant les insuffisances d'évaluation d'impact».
L'EXPERIENCE ET LE RÔLE DU CGEDD
L'autorité environnementale du CGEDD s'est mise en ordre de marche dès l'entrée en vigueur du décret du 30 avril 2009. Même si on ne peut encore se fonder que sur un retour d'expérience limité (une quinzaine d'avis rendus à ce jour), il est intéressant de souligner les questions essentielles que se pose cette formation en termes de méthodologie. Le rapport du CGEDD mentionné ci-dessus vise à éclairer l'autorité environnementale du CGEDD sur l'application des directives en droit positif et à tirer les enseignements de la jurisprudence nationale et communautaire. Pour autant, les fondements, objectifs et contenu de ce rapport - dont ses recommandations- pourraient également être utiles aux préfets de région qui sont investis, à leur niveau, de la compétence d'autorité environnementale. Les trois objectifs opérationnels qui ont guidé le CGEDD sont aisément transposables aux avis des préfets de région. Contribuer à la qualité technique des avis rendus par l'autorité environnementale. La matière est complexe et hétérogène. Il faut donc s'assurer, dans les différentes phases de procédure prévues par la législation que l'autorité environnementale dispose bien des référentiels et méthodes favorisant la qualité de ses avis. Améliorer la sécurité juridique des projets, plans et programmes soumis à évaluation. On assiste à une judiciarisation croissante du domaine de l'environnement avec une multiplication des contentieux aux plans national et communautaire qui ont maintenant des conséquences financières majeures, les sanctions pécuniaires de plus en plus lourdes grévant le budget de l'État. Au plan communautaire, les contentieux liés aux directives projets sont les plus importants en nombre après ceux relatifs aux directives Oiseaux et Habitats (Natura 2000). Cela n'est pas neutre lorsque l'on sait que le juge communautaire évalue systématiquement l'impact des projets de développement à l'aune de ces deux dernières directives. Il est donc impératif de s'assurer que les prescriptions contenues dans ces directives soient correctement mises en oeuvre. Contribuer à assurer la sécurité financière des projets, plans et programmes cofinancés par la Communauté européenne. De nombreux projets sont co-financés par le fonds européen de développement régional (FEDER), le fonds européen pour la pêche (FEP) ou le fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) en «additionnalité» des contrats de projets État/région ou d'autres fonds publics nationaux. La Commission européenne est très attentive à ce que les obligations d'évaluation environnementale soient correctement remplies. Elle peut être amenée à suspendre, voire annuler, un financement communautaire pour les projets, plans ou programmes qui ne respecteraient pas les clauses relatives à l'évaluation environnementale. De même, elle peut vérifier que la procédure d'évaluation environnementale en amont a été correctement suivie. Par ailleurs, les préfets de région devront, dans le cadre de leur exercice d'autorité environnementale, ne pas omettre de prendre en compte les évaluations spécifiques des programmes opérationnels du FEDER, du FEADER ou du FEP, conformément au règlement général sur les fonds structurels.
POUR UNE MUTUALISATION DES CONNAISSANCES ET DES BONNES PRATIQUES DANS LE DOMAINE DE L'EVALUATION ENVIRONNEMENTALE
La bonne transposition des directives relatives à l'évaluation environnementale, des projets, plans ou programmes implique de bien distinguer l'«autorité responsable» de l'«autorité environnementale», instance consultative appelée à rendre des avis à différents moments du
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processus d'évaluation. Parmi les questions qui se posent dans la mise en oeuvre de l'évaluation environnementale, deux d'entre elles méritent une attention particulière. Le contrôle préliminaire : première phase du processus d'évaluation L'autorité environnementale exercée par le préfet de région doit s'interroger sur les critères selon lesquels un projet, un plan ou un programme devrait faire l'objet d'une évaluation environnementale. Les textes nationaux et communautaires contribuent évidemment à la réponse, mais l'interprétation de la Cour de justice européenne est bien utile pour savoir ce qu'il ne faut pas faire. Sa jurisprudence est relativement abondante en ce qui concerne l'étude d'impact des projets et la bonne application des règles de procédure de la directive «Habitats». Elle permet, d'ores et déjà, d'anticiper ce que pourrait être la position de la Cour sur certaines questions qui tiennent une place importante dans la directive «plans-programmes». En particulier, elle censure régulièrement les interprétations restrictives (ou erronées) que font certains États-membres du champ d'application de la directive 85/337. De même, elle a clairement -et de longue date- établi sa doctrine pour censurer les pratiques consistant à ne retenir que le coût d'un projet comme unique critère de soumission à l'avis de l'autorité. Elle s'en tient à une interprétation littérale de la directive qui précise que doivent être prises en compte la nature, la dimension et la localisation des projets et que, de surcroît, ces critères ne sont pas exclusifs les uns des autres. La Cour a également condamné des Étatsmembres qui pratiquaient le fractionnement des projets ou qui n'en prenaient pas en compte l'effet cumulatif. Le contenu de l'évaluation environnementale et le cadrage préalable Une fois la première question renseignée, que doit contenir le rapport environnemental préparé par le pétitionnaire et soumis à l'avis de l'autorité environnementale? Question majeure qui se double d'une autre : à quelle période du processus l'autorité environnementale doit-elle être saisie? Car, l'intervention précoce de l'autorité dans le processus peut être de nature à éviter des retards dans la prise de décision, susceptibles d'induire des coûts supplémentaires. Dans cette phase qui allie considérations et instruments d'ordre technique et juridique, il est nécessaire de disposer d'outils méthodologiques et de référentiels, mais également de connaître les motifs de censure de la Cour de justice européenne et d'en tirer les leçons : nécessité de rechercher dès l'amont les effets cumulatifs d'un projet, analyser l'interaction des projets entre eux, analyser des projets s'insérant dans une procédure à plusieurs étapes... Autant de données qui sont utiles à la préparation du cahier des charges du rapport environnemental.
VERS UNE SYNERGIE DES TRAVAUX DES TROIS FORMATIONS DE L'AUTORITE ENVIRONNEMENTALE
Dans le cadre de la territorialisation du Grenelle de l'environnement, il serait souhaitable de fédérer les réflexions et expériences des trois formations d'autorité environnementale et d'organiser régulièrement des réunions de travail aux niveaux national et déconcentré. Le rapport du CGEDD précité a suscité des réactions de la part du Commissariat général au développement durable (CGDD). Le Commissariat pointe notamment les convergences de vue entre ses propres réflexions et les recommandations de ce rapport. Il serait souhaitable, dans le cadre du travail opérationnel de territorialisation du Grenelle, d' impliquer les préfets de région et les services déconcentrés compétents. Il serait en outre utile de rechercher les points d'harmonisation entre les trois formations. En effet, des premiers avis rendus par le CGEDD ressortent des enseignements à caractère opérationnel :
- ne pas dissocier dans le temps la procédure «étude d'impact» de la procédure «loi sur
l'eau» (il existe deux bases juridiques distinctes en droit français, mais la directive 85/337 ne fait pas de distinction entre les sujets) ;
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- traiter convenablement les liaisons entre projets différents (exemple de plusieurs projets
routiers reliés, ou de la liaison gazoduc-terminal) ;
- assurer l'articulation projets/plan-programme ; - justifier le choix de la solution retenue par rapport aux variantes écartées ; - ménager l'«autoportance» du résumé non technique qui doit se suffire à lui-même pour
présenter le projet. En termes de cohérence entre les avis des différentes formation d'autorité environnementale, il est hautement souhaitable que leurs «doctrines» ne divergent pas. Rouchdy KBAIER, Section 1 Collège juridique, droit et contentieux
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4.4. Les enjeux de la formation : nouveaux jeux d'acteurs, nouveaux parcours de professionnalisation
L'analyse des enjeux de la formation et des réponses ébauchées par le réseau formation fait ici l'objet d'une contribution encore partielle, après entretiens dans deux centres de valorisation des ressources humaines (CVRH). Il sera utile de confronter cette première approche des enseignements de l'audit en cours, sous le pilotage de J.R Brunetière, sur la formation.
UN JEU D'ACTEURS A RECOMPOSER
Un premier point frappant lorsqu'on interroge le réseau formation c'est que la maîtrise d'ouvrage centrale joue moins qu'avant dans les domaines traditionnels de l'ex-ministère de l'équipement un rôle de prescripteur de la formation ou n'impulse pas des commandes de formation aisément traduisibles en priorités locales. Les directions centrales, elles-mêmes confrontées aux réorganisations tentent de «grenelliser» leurs discours, mais elles ne semblent pas avoir encore stabilisé le concept de développement durable. On peut en prendre comme exemple la DGALN, jeune héritière de ses composantes «environnement» et «équipement» qui peine à établir sa doctrine sur un diagnostic territorial intégrateur du volet social et du volet environnemental. Les structures de formation du nouveau périmètre ministériel sont elles-mêmes confrontées à la nécessité de réinterroger leurs pratiques et leurs méthodes. Non sans quelques «rugosités» parfois, l'IFORE (institut de formation de l'environnement) et les CVRH doivent apprendre à travailler ensemble, s'assurer de leur complémentarité. Comment les CVRH peuvent-ils jouer pleinement leur rôle de relais locaux des formations reçues par l'IFORE dans les domaines de l'environnement et du développement durable? Comment articuler une offre de formation très spécialisée au plus près des besoins des services? Un partage des tâches raisonné entre l'IFORE et les CVRH ne peut qu'être que profitable aux acteurs et bénéficiaires de la formation. D'évidence, un travail reste à faire pour bien préciser et articuler les rôles. La maîtrise d'ouvrage interministérielle de formation placée auprès du préfet de région devrait devenir un élément plus important du paysage institutionnel de la formation. Souvent cantonnée à des formations «catalogue», ouvertes à tous, sans analyse réelle des besoins, elle pourrait, en se renforçant au niveau régional, s'inscrire dans de nouvelles dynamiques et rechercher de nouveaux partenariats. Les entretiens conduits montrent, selon les CVRH, une grande diversité d'approche des relations avec d'autres partenaires avec lesquels une collaboration renforcée gagnerait à être systématisée. C'est le cas de la collaboration avec les universités. S'il y a un consensus pour dire que cette collaboration doit être développée, elle l'est dans les faits de façon très inégale selon les régions, et la formation diplômante décrite ci-après, réalisée par le CVRH de Toulouse et l'Université, est loin d'être généralisée. C'est le cas également de la collaboration avec le Centre National de la Fonction Publique Territoriale (CNFPT) qui paraît dépendre davantage des proximités et des opportunités que d'une démarche d'ensemble construite. Pourtant, la territorialisation du Grenelle suppose une mise en mouvement d'un ensemble d'acteurs locaux qui gagnerait à une formation mieux coordonnée de ces acteurs. De même, les CVRH ne s'estiment pas les mieux placés pour nouer des relations institutionnelles avec l'ADEME. S'ils font ponctuellement appel à des intervenants de l'ADEME dans leurs formations, la mise en place d'un volet formation dans la déclinaison locale de la convention MEEDDM-ADEME reste à inventer.
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Enfin, même à l'heure de la gouvernance à cinq, le réseau associatif n'est pas encore un partenaire des CVRH qui s'interrogent sur leur légitimité à nouer des collaborations avec certaines associations qui disposent de ressources documentaires, méthodologiques et pédagogiques importantes.
DES INITIATIVES LOCALES A PARTAGER ET A EVALUER
Une logique matricielle : les parcours de professionnalisation du CVRH de Mâcon. Faisant le constat d'absence de sollicitation structurée des services pour des formations au développement durable, le choix du CVRH a été de structurer l'offre de formation pour décliner les engagements du Grenelle. Cette structuration a permis d'élaborer un catalogue (un terme qui n'a ici aucune connotation péjorative) d'une soixantaine d'actions, relevant tantôt de la sensibilisation, tantôt du perfectionnement. Les modules inscrits au catalogue constituent autant d'actions mobilisables dans le cadre de parcours individuels de formation, mais aussi en référence au répertoire des emplois-types du ministère. Ainsi, pour le métier de «référent territorial», est défini un parcours constitué de 38 jours de formation liée aux compétences essentielles du métier et 38 jours de formations complémentaires et optionnelles. Un effort de formation qu'il faut mesurer à l'aune des enjeux d'acculturation des services au développement durable. Un effort de qualification : la formation diplômante au CVRH de Toulouse. Cette formation est issue du plan de développement des compétences de l'«agence de réseau» de Midi-Pyrénées qui fédère les capacités d'études des services du ministère dans la région. Son objectif est de donner aux agents une compétence reconnue dans l'analyse territoriale et une légitimité intellectuelle dans leur dialogue avec des partenaires de plus en plus qualifiés. Cette formation exigeante, qui retient les agents quatre jours par mois pendant dix mois, au CVRH et à l'université, se conclut par une maîtrise délivrée par l'université. Malgré l'effort que cela représente, pour l'agent mais aussi pour l'employeur, il y a consensus pour renouveler le processus, une seconde session étant en cours pour 2009-2010. Cette démarche a suscité un très grand intérêt, tant de la part de l'université qui manifeste ainsi sa volonté d'ouverture dans le milieu professionnel de l'aménagement, de l'environnement et du développement durable que de la part des agents et de leur hiérarchie: il y a eu pour la première session trois candidatures pour chaque place, malgré la diffusion relativement confidentielle de l'offre. Un tiers des agents sélectionnés étaient en poste en dehors de l'inter-région du CVRH. La formation délivrée, si elle n'est pas centrée sur le développement durable intègre beaucoup de ses composantes. La question qui se pose dès lors est celle de la pertinence de l'émergence d'une formation dédiée tout aussi qualifiante sur le développement durable ou d'une meilleure intégration du développement durable aux modules existants. L'autre question est celle d'une extension de cette démarche et de l'impulsion à donner en ce sens. Au niveau central? Au niveau local? Pour dépasser la collecte «anecdotique» d'actions de formation autour du développement durable, il serait intéressant de pouvoir disposer d'un état plus exhaustif des actions de formation proposées au niveau national et de procéder à l'évaluation des actions les plus significatives. Une commande pourrait être passée en ce sens au CEDIP (centre d'évaluation, de documentation et d'innovation pédagogique) du MEEDDM, ou à tout autre organisme compétent. Un groupe de travail pourrait avoir en charge sur la base de cette contribution, mais surtout des résultats d'audits en cours sur ce sujet au sein du CGEDD, de bâtir le cahier des charges d'une telle consultation. Alain LAVIELLE MIGT 4 Sud-Ouest
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4.5. La mobilisation du réseau scientifique et technique : un appui indispensable aux services
La réussite de la promotion de la politique de territorialisation du Grenelle (et on peut le dire aussi dans ce sens : la réussite de l'implication des services dans la territorialisation du Grenelle) dépend en grande partie de la mobilisation des DDT et des DREAL auprès des collectivités desquelles dépend pour l'essentiel la mise en oeuvre des orientations du Grenelle. Les services d'ores et déjà sont allés ou vont devoir aller le plus vite possible au contact, «se jeter à l'eau», sans attendre les actions de professionnalisation nécessaires et souhaitées (formations, méthodologies,...), pour apprendre (formation/action), et pour se forger des références. Mais en même temps, doit être soulignée l'urgence d'organiser la montée en régime des compétences, de même que la nécessité de disposer d'un appui méthodologique fort du réseau technique souhaité de part et d'autre.
UNE ÉVOLUTION À ACCÉLÉRER POUR RÉPONDRE AUX ENJEUX DU GRENELLE
L'ouverture vers de nouveaux partenariats Des partenariats forts et de plus grande ampleur qu'antérieurement sont à construire avec de nombreux acteurs et opérateurs, dont l'activité et les missions se sont souvent déployées en dehors du réseau Équipement en particulier. Le cas de l'ADEME est à cet égard emblématique, et les initiatives de rapprochement prises au niveau local visent à permettre de démultiplier l'action de celle-ci en faisant bénéficier l'agence de la réactivité du relais d'information et de la couverture géographique du réseau territorial des DDT et de leur connaissance des territoires et des acteurs et de légitimer les services eux-mêmes. Un management global de changement et de la compétence Le management interne du changement dans les services, dont l'importance n'a pas besoin d'être soulignée, sera d'autant compris et efficace qu'il s'appuiera sur la dynamique des actions d'appui lancées auprès des collectivités et de l'ouverture aux partenaires externes. Des actions de formation dans les domaines nouveaux sont évidemment très attendues (énergie, biodiversité, eau,...). Mais il faut rappeler combien est nécessaire de revisiter les missions «anciennes» (urbanisme, aménagement, déplacements,...) ainsi que les différentes démarches de mise en oeuvre des politiques publiques (procédures, subventions,...) qui ont souvent besoin d'être remises en perspective. En bref, les services ont donc à construire des «doctrines» qui prennent en compte l'ensemble de leurs domaines d'action pour les mettre en cohérence avec les objectifs du Grenelle et du développement durable. En matière de formation, outre l'urgence signalée, sont pointées d'une part la nécessité de mettre en place des modules adaptés à ce que font d'ores et déjà les services et à ce qu'ils ont l'intention de développer, et d'autre part celle d'organiser l'échanges d'expériences. L'écoute de ce qui se passe sur le terrain apparaît essentiel. Le niveau régional est sans doute le plus pertinent pour le faire.
DES COMMANDES À STRUCTURER TANT AU NIVEAU TERRITORIAL QUE NATIONAL
L'importance du pilotage des services Ce contexte permet d'éclairer ce qui attendu au niveau local du réseau scientifique et technique : appui méthodologique, participation à l'échange d'expérience, expertise,... et c'est d'ailleurs l'objectif qui est assigné aux CETE à travers la commande d'évolution de la circulaire de juillet 2008. Mais certaines conditions sont sans aucun doute à réunir pour réussir ce challenge.
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La pertinence et l'adéquation de l'offre des CETE (pour ne parler que de ceux-ci) va en grande partie dépendre de la qualité de l'animation et du pilotage des services par les DREAL (et de l'implication des CETE concernés dans ce processus) et de la commande régionalisée qui en découlera, avec la difficulté, inhérente à l'exercice, d'avoir à composer avec les différentes DREAL de leur périmètre d'action. Cela plaide d'ailleurs pour leur (re) donner de la souplesse dans leurs modalités d'appui aux services (forfait, droits de tirage,...), et accroître leur réactivité. De leur côté, les CETE aussi peuvent contribuer à la définition à la détermination du positionnement des services par la capitalisation des enseignements tirés de leur activité directe en faveur des collectivités et en profitant de l'évolution des conférences techniques interdépartementales sur les transports et l'aménagement (CoTITA) qui intègrent une meilleure représentation des collectivités pouvant faciliter l'analyse et la prise en compte des attentes et besoins de ces dernières. Coordonner la commande des administrations centrales avec la commande locale Il y a également à l'évidence un problème au niveau de la commande centrale au RST. D'une part en ce qui concerne le CERTU, les DAC le mobilisent en effet de façon différenciée : le DGITM l'utilise explicitement comme tête de réseau pour mobiliser le RST alors que la DGALN (qui concentre une grande partie des missions qui sont celles du CERTU) n'a pas intégré le rôle d'interface et la plus-value que peut jouer le CERTU dans une chaîne DAC/CERTU/CETE/Services déconcentrés. Cela se lit notamment dans l'évolution des crédits : ceux de la DGITM augmentent (notamment ceux consacrés aux transports collectifs, ainsi qu'au «partage de la voirie» qui montent en régime), alors que ceux de la DGALN ont baissé depuis la mise en place de la polarisation des CETE. Celle-ci «ne passe» donc pas par le CERTU, sauf pour des commandes ponctuelles ; elle n'a d'ailleurs pas de service d'étude fort et reconnu qui faciliterait le dialogue avec le RST. Autre exemple, la commande technique relative au bâtiment est très segmentée (confort d'été, confort d'hiver...) et les CETE commencent à exprimer la nécessité d'un réseau et d'une mise en cohérence. D'autre part, la polarisation des CETE a comme conséquence de relativement saturer les équipes par la commande centrale, lesquelles n'ont plus le temps de s'occuper du local ; la pratique de la DHUP qui les considère comme des bureaux d'étude «déconcentrés», en ne passant pas par le CERTU, y contribue fortement. Le CERTU le constate également au travers du retard des CETE pour sa propre commande (de l'ordre d'une année de décalage de paiement...). Le calibrage de la commande centrale pour laisser toute sa place à une prise en compte structurée et pérenne de la commande territoriale apparaît indispensable. De même, le rôle de plus-value que peut apporter le CERTU dans le pilotage des CETE demande à être éclairci notamment au niveau de la DGALN. Enfin, le CERTU, de par sa posture d'observateur avisé des actions des collectivités, peut sans aucun doute apporter sa contribution à la définition d'une stratégie de positionnement des services et d'appui à ceux-ci du RST ; encore faut-il le lui demander explicitement. Où est donc le lieu d'écoute des attentes et besoins des services régionaux et départementaux? Ce n'est pas le rôle direct du CERTU (sauf ponctuellement : exemple des SCOT «Grenelle») ; est-ce celui des CETE? Mais selon quel mode opératoire? Les CETE eux-mêmes disent qu'ils n'ont plus le temps (pas assez de temps?) pour s'occuper des services déconcentrés. Comment organiser la remontée : à partir des DREAL?
POUR RÉUSSIR, TROIS MOTS-CLÉS : ANALYSER, COORDONNER ET STRUCTURER
De tout cela, si l'on est convaincu que c'est au niveau local que va se jouer en grande partie la réussite de la politique de territorialisation du Grenelle, par la qualité du portage des politiques publiques afférentes par les services auprès des collectivités, découlent trois nécessités :
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celle de problématiser le positionnement des services auprès des collectivités et de
définir des orientations d'action vis-à-vis de celles-ci ; une analyse stratégique de leurs besoins et attentes, s'appuyant sur l'expérience et la connaissance des territoires par les services apparaît indispensable pour ne pas dire incontournable : y a-t-il une segmentation grandes/moyennes collectivités? Quels sont les domaines à investir pour répondre à leurs attentes?
- celle d'organiser l'écoute des attentes et besoins des services eux-mêmes, en matière de
formation, de méthodologie, d'échanges d'expérience, et de capitaliser leurs pratiques, souvent en avance, même si elles requièrent appui et méthode pour progresser ;
- celle de structurer au niveau régional la commande au réseau technique, en articulation
et en cohérence avec la commande centrale, ce qui renvoie aux modalités de gouvernance de celui-ci. Bernard DURU, MIGT 6-Lyon
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5. QUELLES ATTENTES ET COLLABORATIONS SUR LES TERRITOIRES ?
La réussite du Grenelle se mesurera par la mise en oeuvre concrète de ses engagements sur le terrain, et donc par la réussite de sa territorialisation ; celle-ci ne peut qu'être le résultat d'une oeuvre collective impliquant les services de l'État mais aussi les collectivités territoriales, les acteurs économiques, la société civile. Cette conviction à conduit à rencontrer, dans le cadre de la démarche, un certain nombre d'interlocuteurs externes, et notamment des associations d'élus. Cette partie du rapport retrace les préoccupations qu'ils ont exprimées lors de ces rencontres.
LE RÔLE DETERMINANT DES COLLECTIVITES DANS LA TERRITORIALISATION DU GRENELLE MAIS AUSSI LEUR INQUIETUDE
FACE AUX REFORMES EN COURS
Les collectivités territoriales ont un rôle déterminant dans la concrétisation des engagements du Grenelle, parce qu'il leur revient dans le contexte de la décentralisation de mettre en oeuvre localement les politiques publiques, parce qu'elles représentent aussi plus de 70% des investissements publics, parce que, enfin, elles sont au plus près des acteurs du terrain, là où se concrétisent les projets. Depuis le sommet de la terre de Rio, en 1992, nombre d'entre elles sont déjà engagées dans des démarches et actions relevant d'un développement plus soutenable. Il s'agit donc pour les services de l'État tout autant de valoriser les initiatives déjà prises, de faciliter leur généralisation sur l'ensemble du territoire, que d'en élargir le champ en veillant toutefois à la cohérence des actions menées. Dans un tel contexte, la démarche de l'État doit être résolument partenariale, mais quelles sont les attentes exactes de ces partenaires vis à vis des services déconcentrés de l'État? Une volonté affirmée d'être parties prenantes dans la définition des mesures du Grenelle qu'elles auront à mettre en oeuvre Si ce sont les organisations non gouvernementales, et tout particulièrement les associations de protection de l'environnement, qui se sont le plus mobilisées pour susciter la démarche, puis participer au Grenelle, les grandes associations d'élus ne sont pas pour autant restées en retrait, loin de là. Les raisons qu'elles avancent sont principalement de deux ordres :
- plusieurs d'entre elles s'étaient déjà engagées, à partir d'initiatives locales et notamment
de démarches d'agendas 21, dans la rédaction de chartes pour l'environnement et le développement durable. Elles estimaient donc pouvoir contribuer très concrètement à l'élaboration des propositions ;
- un nombre appréciable de mesures retenues relèveront pour leur application des
autorités publiques décentralisées. Il leur importait donc d'être associées le plus en amont possible à leur définition et à l'évaluation de leur impact. Dans le cadre des lois traduisant les conclusions du Grenelle de l'environnement (lois Grenelle et lois de finances), elles vont en effet être conduites à intégrer de nouveaux objectifs liés à la lutte contre le réchauffement climatique, à la maîtrise de la consommation d'énergie et d'espace, à la protection de la biodiversité... Les associations d'élus demandent donc à être étroitement associées à l'élaboration des dispositifs, des schémas et des normes qu'elles devront prendre en compte dans le cadre de leurs compétences. De fortes inquiétudes liées à la réforme des collectivités territoriales Les débats en cours sur la réforme des collectivités territoriales ne sont pas sans répercussions sur leurs approches de la territorialisation du Grenelle... La demande d'être une partie prenante reconnue à part entière n'est pas formulée sans inquiétude par l'ADF qui
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estime que les départements sont les grands oubliés des textes d'application du Grenelle de l'environnement. Ils demandent notamment que leur rôle dans la gestion des territoires, notamment des infrastructures routières (support des transports en commun, de modes de déplacement doux) mais aussi des espaces naturels et agricoles, et donc de la future trame verte et bleue, soit expressément visé.
UNE EVOLUTION PRUDENTE DE LA GOUVERNANCE TERRITORIALE
Plus que par l'élaboration de nouvelles règles, c'est par l'information et la vulgarisation des bonnes pratiques que les associations d'élus estiment que les engagements du Grenelle rentreront le plus efficacement dans les faits. Le développement d'un partenariat entre parties prenantes sur la base de critères clairement définis constitue un axe de progrès qu'elles entendent promouvoir. Un changement progressif de culture : participation et évaluation Pour l'AMF comme pour l'ADF, les Agendas 21 ont bien préparé les collectivités locales à se fixer des objectifs, à jouer la transparence, à développer la participation des acteurs locaux, et une culture de l'évaluation commence à émerger dans leurs démarches. Mais les collectivités reconnaissent que ces démarches ne sont pas exemptes de difficultés comme celles de se fixer des objectifs trop ambitieux (par exemple, dans les plans carbone). L'intégration des objectifs et plans d'actions de l'ensemble des parties prenantes, notamment des entreprises, ne leur paraît pas non plus évidente. Se posent également des problèmes de vocabulaire, de méthodes de travail, de choix pour les organismes d'animation, d'évaluation. Pour mener ces exercices, les élus constatent la multiplication de bureaux d'études spécialisés dont ils ont du mal à apprécier la réelle qualité des prestations. Certaines collectivités regrettent en ce domaine le manque de conseil, d'assistance, de la part des services de l'État jugés par nature indépendants. Les collectivités sont de plus en plus conscientes de la nécessité de développer des outils d'évaluation des politiques menées (observatoires, diagnostics territoriaux, guides et référentiels) mais les dispositifs d'évaluation ne sont encore qu'émergents et sans aucun lien avec le contrôle de gestion qui commence par ailleurs à se développer sur la base de référentiels ; des cellules d'audit sont mises progressivement en place. Là encore, les associations d'élus s'efforcent de relayer et diffuser les "bonnes pratiques". Il y a en ce domaine selon l'AMF une réelle attente de la part des collectivités envers l'État pour que soit menée une évaluation conjointe des démarches contractuelles (État exemplaire? Apprentissage partagé?) mais aussi une attente de plus de rigueur dans la façon de conduire les démarches expérimentales lancées par l'État : elles sont le plus souvent généralisées sans véritable évaluation. Les élus souhaitent avant toute chose des règles claires ; pour eux, celles appliquées par l'État au principe de réversibilité des expérimentations ne le sont pas. Une évolution du partenariat contractualisé : vers la conditionnalité des aides? Les collectivités territoriales sont de plus en plus nombreuses à regrouper leurs interventions -entre elles ou en soutien à des partenaires privilégiés- dans des engagements contractuels annuels, voire pluriannuels. Selon l'ADF, certains conseils généraux n'hésitent plus à introduire dans les conventions qu'ils proposent aux établissement publics de coopération intercommunale (EPCI) des clauses de conditionnalité et des cibles obligatoires comme le respect de l'article 55 de la loi SRU, l'application des normes HQE..., le non-respect des cibles entraînant la modulation des aides lors de leur versement. Il s'agit là d'un très efficace moyen de favoriser la mise en oeuvre de nombre d'engagements du Grenelle. C'est le dispositif désormais appliqué pour la gestion des fonds «chaleur» et «déchets» gérés par l'ADEME dont l'accès est désormais assujetti de clauses d'écoconditionnalité : l'accent est mis sur la prévention et le taux de subvention est lié au respect des objectifs cibles affichés selon le même principe que précédemment énoncé. C'est cette démarche de contractualisation globale et cohérente que les collectivités engagées dans des démarches de développement durable souhaiteraient pouvoir
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développer avec l'État sur la base de leur agenda 21. La posture offensive d'une agence comme l'ADEME L'ADEME s'implique pleinement dans la territorialisation du Grenelle comme elle l'a fait dans sa préparation. Ses domaines de compétence comme ses modalités d'intervention auprès des acteurs locaux s'y prêtent particulièrement. Sa pratique ancienne de la contractualisation avec les collectivités mais aussi ses interventions auprès des entreprises et des associations lui ont fourni l'occasion de développer un partenariat d'anticipation dans des secteurs très variés comme «la production et la consommation responsables» ou encore «l'efficacité énergétique» en investissant des champs comme la pédagogie, la formation, le diagnostic et l'évaluation. L'amplification de ses activités suite au Grenelle n'est pas sans conséquence sur son plan de charge et donc sur les choix de priorités qu'il lui revient d'effectuer en interne entre le soutien à l'innovation pour précéder les évolutions technologiques et la gestion des fonds pour répondre aux besoins immédiats. Elle pose également la question de l'articulation de son action avec celle ses services de l'État sur le territoire.
LE BESOIN D'UNE INGENIERIE TERRITORIALE RENFORCEE ET D'UNE EXPERTISE TECHNIQUE DE QUALITE
Un certain nombre d'engagements du Grenelle vont se traduire dans des réglementations techniques nouvelles qui ne sont pas sans inquiéter les élus, tout particulièrement les maires des communes rurales. l'AMF relaie cette inquiétude en la focalisant sur les trois points suivants :
- Le constat d'une perte de compétence technique des services de l'État
Sur le terrain, ce qui est avant tout perçu par les maires, ce sont les impacts de la revue générale des politiques publiques (RGPP) et une inquiétude s'exprime face à la perte d'expertise technique de l'État local. En parallèle, se multiplient des bureaux d'études dont les élus et leurs services ont du mal là encore à apprécier les réelles compétences, notamment en matière de rénovation thermique des bâtiments. Il y a une attente d'accompagnement et d'«aval technique» aux propositions de ces bureaux d'études.
- Le nécessaire développement d'une ingénierie territoriale
Pour réussir le Grenelle, il faut de l'ingénierie pour appuyer les décisions des maîtres d'ouvrage et leur permettre d'être des décideurs éclairés. Les intercommunalités s'organisent progressivement pour répondre à ce besoin d'ingénierie technique ; les progrès sont certains en matière d'urbanisme mais beaucoup de domaines ne sont pas encore investis. Les syndicats d'électrification sous-traitent par exemple les études d'efficacité, ce qui complique les phases de décision. Les services de l'État ou des établissements publics comme l'ADEME peuvent donner des conseils dits de premier niveau (cahiers des charges) mais ne peuvent faire les études proprement-dites. Face à l'investissement des bureaux d'études comme des maîtres d'oeuvre, il paraît indispensable que les maîtres d'ouvrage publics renforcent leur propre capacité technique.
- L'identification du niveau régional comme niveau pertinent de conseil
Si les collectivités ressentent le besoin de renforcer leur ingénierie (et l'achèvement de la carte de l'intercommunalité devrait en favoriser l'organisation), elles ont aussi besoin de conseils de haut niveau d'expertise. Le niveau régional apparaît pour l'AMF être le bon niveau et un organisme comme l'ADEME qui s'est, de son point de vue, bien réorientée sur l'énergie, est jugé bien placé pour assurer une telle expertise. Elle ne ressent pas en revanche d'approche nouvelle de la part des services de l'État au niveau local pour la mise en oeuvre des thématiques du Grenelle. Les associations d'élus sont toutefois conscientes que l'importante réorganisation des services en cours les mobilise prioritairement et ne leur permet pas d'avoir des actions très lisibles. De fait, les élus
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attendent la mise en place des nouvelles structures, notamment au niveau départemental, pour reprendre leur collaboration avec les services de l'État qu'ils jugent globalement bonne et nécessaire. Des organismes comme les CETE ou le CERTU ne sont pas spontanément identifiés par elle comme structures d'expertise.
UNE INQUIETUDE FACE AU RENFORCEMENT DE L'ETAT DANS LA PLANIFICATION TERRITORIALE
Poursuite de la collaboration avec les services de l'État, développement d'un partenariat contractualisé, sont sans aucun doute appelés de leurs voeux par la grande majorité des élus. Mais les lois du Grenelle renforcent également le rôle des préfets en leur reconnaissant par exemple un pouvoir de substitution pour déterminer ou étudier un périmètre de SCOT. L'AMF a émis des réserves sur ce point, redoutant un risque d'«autoritarisme» des préfets, alors que beaucoup d'entre eux raisonnent encore sur le périmètre trop étroit du département, en négligeant la réalité des bassins de vie. Des évolutions positives permettant de dépasser ces positions sont heureusement observables, notamment dans le travail des commissions départementales d'aménagement commercial (CDAC) qui s'affranchit maintenant beaucoup mieux de limites territoriales étroites. Sur le sujet des PLU intercommunaux, l'AMF confirme également son désaccord vis à vis de l'attribution par la loi de la compétence PLU aux intercommunalités. Elle considère que la couverture obligatoire par le PLU de la totalité du périmètre de l'EPCI peut apparaître comme une mesure disproportionnée au regard des enjeux de certains territoires ruraux. Enfin, en matière de planification en général, elle exprime le sentiment d'une accumulation des plans thématiques qui s'empilent sans hiérarchie, ni mise en cohérence. Les élus ont du mal à s'y retrouver et peinent à s'approprier tous ces outils. Les maires commencent également à s'inquiéter du contenu des PLU «mis à toutes les sauces». De plus, l'élaboration de tous ces plans prend du temps, surtout lorsqu'il faut associer la population. Pour les élus locaux, la dimension temporelle nécessaire à tout exercice de planification participatif n'est pas suffisamment prise en compte dans les procédures règlementaires. Face au renforcement des planifications thématiques déclinés dans les lois du Grenelle, les schémas de cohérence territoriale (SCOT) apparaissent pour l'AMF comme étant le bon outil pour assurer la meilleure intégration des politiques publiques et correspondre à la bonne échelle pour assurer, comme son nom l'ambitionne, leur cohérence territoriale. Annick HELIAS Section 3 Michèle JOIGNY MIGT 2-Paris
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6. QUELQUES PISTES POUR POURSUIVRE LA RÉFLEXION ENGAGÉE
L'objectif de la territorialisation du Grenelle est de mettre l'ensemble des acteurs de la société en mouvement sur des orientations et des projets partagés afin de mieux faire accepter les changements nécessaires, d'améliorer collectivement les projets, tout en limitant les blocages et les contentieux. C'est un immense chantier qui vient tout juste de démarrer. Il est trop tôt pour en évaluer les premiers résultats -la loi Grenelle II n'est pas encore votée- mais la démarche est lancée et il paraît indispensable que le dispositif mis en place pour suivre les engagements du Grenelle soit pérennisé en s'appuyant sur les mêmes principes qui ont présidé à leur élaboration. Pour y contribuer, tous les services de l'État ont été invités à se mobiliser, soit en agissant directement dans leurs champs de responsabilité propre, soit en impulsant les principes et priorités du Grenelle auprès des acteurs du territoire. Mais pour être pleinement efficace, le rôle d'impulsion de l'État doit être organisé, maîtrisé (connaissance stratégique des territoires, intégration des principes du développement durable dans les modalités d'intervention et de fonctionnement interne, dans la formation des agents, dans le dialogue de gestion pour accompagner les évolutions indispensables...). «L'État exemplaire» en matière de développement durable doit être lisible dans son action prise dans sa globalité. Au terme de cette réflexion exploratoire sur la territorialisation du Grenelle qui n'avait d'autre ambition que d'apporter un éclairage sur certains de ses aspects, quelques recommandations peuvent être formulées et des pistes proposées pour poursuivre la réflexion interne engagée au sein du MEDDM. Il n'est pas surprenant qu'elles concernent les grands thèmes qui l'ont structurée : la «gouvernance à 5», l'intégration du développement durable dans les politiques publiques, «l'évaluation globale».
LA «GOUVERNANCE A 5» ET SA DECLINAISON SUR LE TERRAIN
La plupart des contributions abordent ce thème porteur de changements significatifs de la part des services de l'État dans l'exercice de leurs missions traditionnelles (missions de conseil, missions régaliennes), mais aussi d'exigences nouvelles :
- développer une vision stratégique des territoires, indispensable à la définition d'objectifs
pertinents, à des «porter à connaissance» et des avis au titre de l'autorité environnementale de qualité ;
- organiser une expertise technique et juridique de haut niveau en mobilisant auprès des
services le réseau scientifique et technique et les centres de recherche. A la demande du CGDD, Le thème de la «gouvernance à 5» fait l'objet d'une mission en cours au sein du CGEDD. Il est proposé de lui donner un prolongement sous forme d'audits d'initiative locale en choisissant deux ou trois territoires pour approfondir les premières observations recueillies, notamment dans les exercices de planification (co-élaboration, association, information, dispositifs de suivi et d'évaluation). Ce travail pourra dans un second temps faire l'objet d'un audit général sur les changements observés dans les pratiques des services et les conséquences à en tirer pour améliorer la contribution de l'État à la gouvernance territoriale.
L'INTEGRATION DES PRINCIPES DU DEVELOPPEMENT DURABLE DANS LES EXERCICES DE PROGRAMMATION ET DE PLANIFICATION
Le Grenelle a renforcé l'intégration des principes du développement durable dans les politiques publiques et l'exigence de mise en cohérence entre elles dans le temps comme dans l'espace. Les outils de planification sont particulièrement concernés par cette exigence,
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mais aussi les exercices de programmation pluriannuelle menés avec les acteurs locaux au premier rang desquels les collectivités territoriales. Ainsi que l'Association des Maires de France l'a souligné, le sentiment des acteurs locaux est aujourd'hui celui d'une accumulation de plans thématiques qui s'empilent sans hiérarchie, ni mise en cohérence. Pour répondre à cette inquiétude, la capacité de deux outils pourrait être plus particulièrement étudiée :
- les agendas 21 dont l'intérêt est de garantir la cohérence des plans d'action territoriaux.
Ils pourraient devenir de véritables supports d'une programmation pluriannuelle susceptible de faire l'objet d'une contractualisation entre parties prenantes (avec clauses de conditionnalité) ;
- les schémas de cohérence territoriale (SCoT) comme outils intégrateurs des politiques
publiques dans les bassins de vie, traduisant dans l'espace de véritables projets de territoire porteurs des objectifs du Grenelle de l'environnement.
LA PRATIQUE DE «L'EVALUATION GLOBALE»
La France peine à développer une véritable culture de l'évaluation. Plus que la mise au point de référentiels dont certains existent déjà, ce sont les phases portant d'une part sur la fixation d'objectifs clairs et réalistes, d'autre part, sur la définition d'un dispositif de suivi-évaluation dès la définition de la politique, du programme ou du projet, qui soulèvent le plus de difficultés dans les exercices engagés. «L'évaluation globale» est l'un des trois thèmes de réflexion lancés par le CGEDD en 2009. Plusieurs contributions réunies dans ce rapport ont évoqué cet enjeu. Cette réflexion est un chantier à mener prioritairement en interne mais il serait intéressant d'y associer des représentants de parties prenantes. L'AMF, qui reconnaît que sur ce sujet les collectivités territoriales sont en phase d'apprentissage, a formulé le souhait de développer des démarches d'évaluation conjointes avec l'État sur des politiques partenariales. Une invitation à saisir ?
Annick HELIAS
Section 3
Michèle JOIGNY
MIGT 2-Paris
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Annexes
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1. LETTRE DE COMMANDE
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2. CAHIER DES CHARGES
CONSEIL GENERAL DE L'ENVIRONNEMENT ET DU DEVELOPPEMENT DURABLE
Thème de réflexion n° 3 pour l'année 2009 : « Développement durable des territoires : la territorialisation du Grenelle »
CAHIER DES CHARGES
6.Objet du projet Dans le cadre du projet CGEDD, il est prévu de traiter chaque année des thèmes de réflexion liés au développement durable. Chacun de ces thèmes doit pouvoir mobiliser les membres du conseil dans l'ensemble des sections et des MIGT. Le thème de réflexion n°3 porte sur « l'approche du développement durable des territoires et de leur gouvernance ». Il renvoie à des problématiques multiples portant notamment sur la gouvernance territoriale, la prospective territoriale, la territorialisation des politiques publiques, les relations entre l'État et les collectivités locales et, d'une façon générale, sur les modalités de mise en oeuvre des politiques publiques en France. La réflexion sur l'ensemble de ces problématiques ayant vocation à se prolonger sur plusieurs années, il est proposé pour 2009 de cibler la réflexion sur le thème de la « territorialisation du Grenelle ». Lors de l'élaboration de cette proposition, le contenu de la circulaire d'application n'était pas encore connu mais il paraissait déjà évident à toutes les parties prenantes que la réussite du Grenelle de l'environnement reposait sur la mise en oeuvre sur le terrain des engagements pris. Aussi la réflexion proposée sur les modalités de cette mise en oeuvre s'est-elle sensiblement modifiée pour se cibler sur le contenu même de la circulaire articulé autour des cinq principales politiques sectorielles impactées par le Grenelle et telles qu'elles sont définies dans la circulaire du 23 mars 2009 :
la lutte contre le changement climatique (rénovation thermique des bâtiments, transports
et déplacements, énergies renouvelables) ;
l'urbanisme et l'aménagement du territoire ; la qualité des milieux naturels et la préservation de la biodiversité ; le traitement des déchets (réduction à la source de la production, valorisation, qualité des
installations) ;
la prévention des risques (plans santé-environnement, réduction de l'exposition).
Il s'agira pour le CGEDD d'examiner les objectifs fixés, les procédures mises en place, les moyens humains et financiers mobilisés. Pour cela, l'équipe projet établira une grille d'analyse des différentes instructions relatives à la « territorialisation du Grenelle » en identifiant :
les objectifs poursuivis (indicateurs de résultat quand ils existent) : lecture analytique
des fiches de la circulaire enrichies des engagements du Grenelle, des mesures correspondantes des lois Grenelle et des lois de finances, de la SNDD ...
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Pour les principaux d'entre eux :
les procédures ou méthodes utilisées pour leur mise en oeuvre par les services
déconcentrés et/ou autorités locales (qui fait quoi) analyse des modalités d'intervention des services (priorisation des actions et identification des territoires à enjeux nationaux ; évaluation des plans, programmes et projets ; contrôles et polices ; conventions et crédits d'intervention ; coordination des EP et mobilisation des expertises RST) et plus particulièrement de l'évolution de ces modalités pour mieux prendre en compte le DD.
les leviers d'action mobilisés (réglementaires, fiscaux...) : analyse de l'opérationnalité des
leviers d'action mis à disposition des services. Ces analyses devraient permettre de formuler un certain nombre de préconisations visant à améliorer la performance de ces procédures et leviers d'action au regard des objectifs à atteindre. Au terme de cette première réflexion, l'ambition est donc de préparer un cadre pour une évaluation ex-ante de la démarche de « territorialisation du Grenelle ». 2. Méthode de travail et organisation Deux axes guideront l'organisation du projet :
Le premier axe est interne au CGEDD (section, collèges et MIGT) ; il vise l'appropriation
par chacun de la démarche « territorialisation du Grenelle » et la production de contributions qui seront assemblées dans le rapport final.
Le second axe correspond à un travail préparatoire à ce qui pourrait devenir un audit
d'initiative nationale : il s'agirait de voir comment, au sein du MEEDAT, les services se sont mis en marche pour promouvoir les engagements du Grenelle d'une part, d'analyser les premiers résultats obtenus, d'autre part. La contribution des MIGT sera à ce titre particulièrement sollicitée pour effectuer l'analyse des objectifs fixés aux services par la circulaire du 23 mars 2009 et des premières procédures mises en place concernant notamment les partenariats locaux15. Pour assurer une large association des membres du CGEDD, deux structures de projet sont constituées, sous le pilotage d'Annick HELIAS et de Michèle JOIGNY désignées par le bureau du CGEDD du 23 avril 2009 pour animer cette démarche. Une équipe projet composée de deux « territoriaux » (coordonnateurs de MIGT) et de quatre correspondants désignés par les présidents de section pour leurs compétences spécialisées dans les différentes politiques sectorielles définies ci-dessus. L'équipe projet aura à charge de conduire les entretiens avec les principaux acteurs impliqués dans la territorialisation du Grenelle (DAC, ADEME ; RST ; référents DR-DREAL et DDEA ; AMF, ADF, ARF ; FNPNR, FNAU..). Elle aura également à assurer l'ouverture vers d'autres conseils et services d'inspection, au premier chef le CGIET et le CGAER, susceptibles d'apporter leur contribution dans la démarche. Elle aura enfin à assurer l'assemblage de l'ensemble des contributions et la réalisation des productions attendues dans le cadre de ce projet. Il s'agira pour l'équipe de se positionner comme « ensemblier » des différentes réflexions au sein du CGEDD sur le champ de la « territorialisation du Grenelle ». Un groupe plénier associant des représentants et « personnes-ressources » de l'ensemble des MIGT et sections. Les membres de ce groupe auront à charge de porter les contributions des collèges s'impliquant dans la démarche et, pour les représentants des MIGT, de conduire, sur la base de la grille d'analyse élaborée dans le cadre du projet, une approche territoriale de l'action
15
Voir par exemple la proposition des régions Alsace et Languedoc-Roussillon pour un contrat État-région pour la mise en oeuvre des engagements du Grenelle. Approche du développement durable des territoires et de leur gouvernance : Regards sur la territorialisation du "Grenelle" - Janvier 2010 66/72
des services. Trois réunions du groupe plénier sont prévues aux moments-clé de la démarche de projet (cf. calendrier). 3. Les productions attendues Il est attendu que chaque thème de réflexion fasse l'objet d'un rapport en fin d'année sous une forme permettant d'assurer une diffusion auprès d'un large public. En complément, la démarche vise la production d'un cadre d'évaluation de la démarche de « territorialisation du Grenelle », permettant de suivre et d'analyser, sur la durée, les actions conduites par les services et les résultats obtenus. Enfin, la démarche débouchera sur l'organisation de séminaires de restitution, en direction principalement des services du ministère, mais pouvant utilement associer les autres acteurs locaux porteurs de la territorialisation du Grenelle. 4. Calendrier prévisionnel
Équipe projet :
mise en place le 16 juin 2009 réunions mensuelles jusqu'en janvier 2010 mise en place le 17 septembre 2009 réunion du groupe en octobre et décembre 2010
Groupe plénier :
Productions :
contributions des sections, des collèges, des MIGT en continu et au plus tard le 15 novembre 2009 rédaction du rapport pour le 31 décembre 2009 séminaire de restitution : premier semestre 2010.
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3. LISTE DES CONTRIBUTEURS ET DES PERSONNES RENCONTRÉES
A. Équipe projet
Noms AUSSOURD BRILLET CARDOT HELIAS JOIGNY LAURENS MEAUX MERCHADOU RIMOUX SESBOUE SIMON-ROVETTO Prénoms Philippe Bernard Denis Annick Michèle Denis Marie-Line Chantal Lionel Éric Marie-Françoise Sections et MIGT Sciences et techniques (5) Commission spéciale du développement durable Risques, sécurité et sûreté (4) Aménagement durable des territoires (3) MIGT 3/4 Commission permanente des ressources naturelles Économie, transports et réseaux (2) Droit, logement et société (1) Personnels et services (6) MIGT 6 Droit, logement et société (1)
B. Contributeurs et autres membres du groupe plénier
Noms BRUNETIERE CAUVILLE CHAPERON DURU GAZEAU GUERBER-LE GALL KBAIER LAVIELLE MAILLOT PAUC PUECH
Prénoms Jean-René Didier Joël Bernard Jean-Claude Annick Rouchdy Alain Henri Jean-Claude Patrick
Sections et MIGT Commission spéciale du développement durable MIGT 8 MIGT 9 MIGT 10 Sciences et techniques (5) Aménagement durable des territoires (3) Droit, logement et société (1) MIGT 7 MIGT 6 MIGT 11 MIGT 5
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Noms
Prénoms
Sections et MIGT
RAVART REBEILLE-BORGELA SCHMITT VANDEWALLE
Jean-Louis Emmanuel Mireille Bernadette
MIGT 12 Droit, logement et société (1) MIGT 7 MIGT 1
C. Personnes rencontrées
Noms PELISSARD OBERLE Prénoms Jacques Sylviane Organismes AMF AMF Fonctions Président Responsable du département DD Dates 15/12/09 15/12/09
POURQUIER
Jean-Paul
ADF
Président de la commission « environnement, DD et agriculture » Chef du service « aménagement du territoire » Chargé d'études DD
22/10/09
HERSCU
Philippe
ADF
22/10/09
ELOIRE
Benjamin
ADF
22/10/09
RAVAILLAULT
Jacques
ADEME
Directeur de l'action régionale
22/10/09
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Présent pour l'avenir
Conseil général de l'Environnement et du Développement durable 7e section secrétariat général bureau Rapports et Documentation
Tour Pascal B - 92055 La Défense cedex Tél. (33) 01 40 81 68 12/45
www.cgedd.developpement-durable.gouv.fr
INVALIDE) (ATTENTION: OPTION DER à hauteur de 20% des coûts éligibles, pas moins de 100 000 logements pourraient en être bénéficiaires en 4 ans. L'effet levier que peut désormais assurer le FEDER suppose, de la part du Préfet de région , en sa qualité d'autorité de gestion du programme opérationnel FEDER (mission assurée par le SGAR), non seulement une connaissance des nouvelles conditions d'éligibilité offertes mais aussi une démarche volontaire bien ciblée. Il convient donc de rappeler que le règlement précité se réfère au plan européen de relance économique qui accorde une place importante aux investissement améliorant l'efficacité énergétique des bâtiments et des logements. Dans chaque État-membre, les dépenses relatives aux améliorations de l'efficacité énergétique et à l'utilisation des énergies renouvelables dans les logements existants sont éligibles jusqu'à 4% de la contribution totale du FEDER. Ce règlement a donné lieu à une circulaire du MEEDDM en date du 22 juin 2009 qui fournit le mode opératoire du dispositif. Parmi les critères de sélection, les projets devront «viser les logements les plus consommateurs d'énergie... dans le cadre de stratégies régionales
Approche du développement durable des territoires et de leur gouvernance : Regards sur la territorialisation du "Grenelle" - Janvier 2010 31/72
d'utilisation du FEDER visant l'exemplarité et l'effet d'entrainement et élaborés en concertation avec les acteurs du développement social». Pour donner de la visibilité au fonds européen, la circulaire demande «de concentrer ces aides sur des opérations structurantes regroupant un nombre significatif de logements et visant une performance énergétique exemplaire». Enfin, un règlement de cohérence juridique et financière du 23 septembre dernier énumère les 10 critères -non cumulatifs- susceptibles d'ouvrir droit aux financements du FEDER en matière de logement : le seul critère intitulé «un faible niveau de performance énergétique des bâtiments» pourrait être avancé par la France, dans le cadre de la rénovation thermique des logements sociaux lancée par le Grenelle. Le FEDER a donc vocation à intervenir en complément des financements nationaux et particulièrement, les dispositifs portés par les établissements publics nationaux comme l'ADEME, l'ANAH, l'ANRU et bien entendu, les collectivités territoriales. Ces dernières apparaissent dans les maquettes financières établies pour chaque programme opérationnel, dans chacune des collectivités régionales françaises.
DES COMPLEMENTS A PROPOSER AU MODE OPERATOIRE PREVU PAR LA CIRCULAIRE MINISTERIELLE, DANS LE CADRE D'UNE GOUVERNANCE ADAPTEE
Les acteurs du logement social n'ayant pas eu, jusqu'à présent, la possibilité de présenter des demandes de financement communautaire, une action soutenue de pédagogie, d'information et de sensibilisation s'avère indispensable. Il serait particulièrement utile de préparer un référentiel de «montage» de projets en direction des maîtres d'ouvrages publics et privés, afin qu'ils puissent disposer de toutes les réponses aux questions essentielles qu'exige la présentation d'un dossier FEDER. Dans cette perspective, il conviendrait d'élaborer un guide d'assistance de montage de dossier, en présentant un document simple et opérationnel, sériant à tout le moins les huit questions clefs ci-après :
- s'assurer que ces nouveaux partenaires aient bien pris connaissance du contenu du
programme opérationnel du FEDER de leur région et des modalités de fonctionnement du Fonds ;
- préciser la période d'éligibilité des dossiers concernant les actions engagées avant
l'entrée en vigueur du Règlement 397/ 2009, compte tenu des indications fournies par ce texte mais aussi par celles de la circulaire du MEEDDAT du 22 juin 2009 ;
- identifier les lignes budgétaires du FEDER sur lesquelles pourraient être imputés les
projets de chaque région ;
- Identifier les arbitrages effectués par chaque Préfet de région quant à la répartition
financière de l'enveloppe prévue (fractionnement sur un grand nombre de projets ou ciblage sur un bouquet réduit de projets ;
- préciser le taux de financement public maximal autorisé, dont le taux de participation du
FEDER ;
- définir la nature des dépenses éligibles avant, pendant et après les travaux thermiques
prévus ;
- par référence aux règles communautaires de financement applicables, fixer les
conditions nécessaires à la conduite de l'évaluation du projet ;
Approche du développement durable des territoires et de leur gouvernance : Regards sur la territorialisation du "Grenelle" - Janvier 2010
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- indiquer qui peut procéder à ce type d'évaluation (d'où la nécessité de faire appel à des
experts dans le domaine de l'efficacité énergétique) et préciser si son coût est intégré dans la demande de financement sollicitée au titre du FEDER. Rouchdy KBAIER Section 1 Collège juridique, droit et contentieux
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3.4. L'identification de la trame verte et bleue : vers reconnaissance de l'enjeu de la biodiversité dans développement durable des territoires ?
la le
Les trois documents6 qui fixent les grands principes de la trame verte et bleue, apportent les appuis méthodologiques nécessaires à son identification d'une part, à une meilleure prise en compte par les infrastructures linéaires de l'État d'autre part et résultent d'un processus d'élaboration concertée, menée pendant plus d'un an dans un format du type «Grenelle à cinq». Il n'est donc pas pertinent de la part du CGEDD d'en proposer à ce stade des modifications d'architecture ou même de rédaction ponctuelle, dont la prise en compte conduirait sans doute à remettre en cause le processus lui-même. L'idée centrale développée dans cette contribution pour la réussite de la territorialité de cette mesure est de donner à la trame verte et bleue un statut qui ne soit ni supérieur, ni subordonné, à celui des autres démarches d'organisation des activités économiques et sociales, conformément au concept même du développement durable.
UNE DEMARCHE DE PROJET
L'identification de la trame verte et bleue, sa reconnaissance par l'ensemble des parties prenantes locales, impliquent des démarches méthodologiques comparables à celles adoptées pour toute élaboration de projet, fondées sur un état des lieux initial fiable et un diagnostic partagé, une claire définition des objectifs poursuivis, une description des mesures de mise en oeuvre, y compris de limitation d`impacts négatifs éventuels sur d'autres projets ou programmes. Une évaluation ex-ante du projet doit en effet permettre de procéder aux arbitrages pris en toute connaissance de cause, en cas de conflits d'objectifs. A ce titre, la nécessité d'un état des lieux initial solidement établi devrait s'imposer à la trame verte et bleue. Une cartographie d'habitats, fondée sur la description de la flore, devrait servir de base au schéma régional de cohérence écologique (SRCE) co-élaboré par l'État et la Région. Cette cartographie permettrait d'inventorier les zones de forte diversité mais également d'identifier les thèmes de recherche permettant de mieux comprendre les continuités écologiques et d'identifier les espèces les plus représentatives des différents types de continuités. Elle devrait être complétée par une analyse de l'état de conservation des espèces animales nécessitant une échelle d'observation plus large pour certaines espèces (grands mammifères, oiseaux). La France, contrairement à d'autres états européens (comme l'Espagne), n'a pas fait le choix d'établir une cartographie d'habitats au moment de la mise en place du réseau Natura 2000. L'identification de la trame verte et bleue pourrait ainsi être l'occasion d'asseoir sur des bases scientifiques plus solides, sur le terrain, les politiques de préservation de la biodiversité7. Plus qu'un inventaire, il s'agirait de dresser un véritable diagnostic de l'état de la biodiversité
6
Documents en vue de l'élaboration des orientations nationales pour la préservation et la restauration des continuités écologiques et mis en consultation en avril 2009 : 1. Choix stratégiques de nature à contribuer à la préservation et à la restauration des continuités écologiques. 2. Guide méthodologique identifiant les enjeux nationaux et transfrontaliers relatifs à la préservation et à la restauration des continuités écologiques et comportant un volet relatif à l'élaboration des schémas régionaux de cohérence écologique. Prise en compte des orientations nationales pour la préservation et la restauration des continuités écologiques par les grandes infrastructures linéaires de l'État et de ses établissements publics.
3.
Ces trois documents sont cités dans le projet de loi dit Grenelle 2 (article 45 : article 371-2 du code de l'environnement respectivement aux alinéas 4, 5 et 6). Pour couvrir l'ensemble du territoire métropolitain et ainsi avoir une carte complète des habitats, il conviendrait de prévoir 60 personnes équivalents temps plein pendant 5 ans (cf. rapport sur le réseau des conservatoires botaniques nationaux - IGE 06/21 - p. 34). Approche du développement durable des territoires et de leur gouvernance : Regards sur la territorialisation du "Grenelle" - Janvier 2010 34/72
7
du territoire, non pour la figer mais pour éviter toute destruction inconsidérée et favoriser positivement son évolution... La définition d'objectifs par référence au «bon état de conservation des habitats et espèces» de la directive habitats pour la trame verte, ou au «bon état écologique des masses d'eau» de la directive cadre sur l'eau pour la trame bleue, devrait être explicitée dans chaque schéma régional de cohérence écologique. Concernant la trame verte, ces objectifs devraient également porter sur les espaces et espèces relevant de la biodiversité ordinaire.
UNE EXIGENCE DE COHERENCE
La trame verte et bleue qui répond aux besoins vitaux de déplacement des espèces animales sauvages, doit se lire à différentes échelles, de la lande communale au massif forestier interrégional. Elle trouve aussi des prolongements sur le continent européen pour beaucoup d'espèces terrestres, et même des prolongements transcontinentaux pour les oiseaux et poissons migrateurs. La circonscription administrative retenue pour élaborer le schéma de cohérence écologique (la région) ne coïncide habituellement pas avec les ensembles majeurs de continuités écologiques : massifs forestiers ou montagneux pour la trame verte, bassins versants et unités littorales pour la trame bleue. Par ailleurs, certaines collectivités, régions, départements et intercommunalités ont entrepris depuis plusieurs années des réflexions et réalisations relatives à la continuité écologique sur leur territoire. Il importe d'intégrer ces acquis dans la réflexion à mener. Enfin, la trame verte pose le problème d'une affectation durable, pérenne, des espaces qui la composent. L'élaboration du schéma régional de cohérence écologique devrait être l'occasion d'aborder entre les parties prenantes les modalités de protection et de gestion, réglementaires ou contractuelles. De son côté, la trame bleue qui est largement «canalisée» par le réseau hydrographique, pose le problème de l'effacement d'obstacles ; un programme de suppression mériterait d'être étudié au vu de l'état initial dressé et des objectifs poursuivis. La trame verte et bleue concernera aussi l'espace urbain ; c'est à l'évidence le cas de la trame bleue, beaucoup de villes s'étant historiquement édifiées en bordure de cours d'eau, mais la trame verte doit aussi être présente en ville, la pénétrer, la cerner, l'aérer ; elle peut contribuer à maîtriser, ordonnancer l'étalement urbain. La première exigence pour identifier la trame verte et bleue territorialement sera donc d'assurer la cohérence dans l'application des référentiels pour la cartographie des habitats, dans la délimitation des corridors d'intérêt interrégional et international, mais également dans les objectifs de conservation.
UNE EXIGENCE D'EVALUATION, BASE DE TOUT ARBITRAGE
L'autre exigence pour faire vivre cette trame verte et bleue sera d'évaluer les incidences de l'action humaine sur son « bon état de conservation » afin d'apporter les éclairages nécessaires aux arbitrages éventuels entre projets et d'arbitrer les modifications par l'action humaine des infrastructures écologiques constituant la trame verte et bleue, celles des infrastructures économiques, à partir de grilles d'analyses comparables. L'état de référence des habitats et espèces, tel que décrit précédemment8 constitue l'héritage de l'histoire en matière de biodiversité et « d'infrastructure écologique » au même titre que l'état des composantes et infrastructures économiques ou encore l'état des acquis sociétaux et sociaux composent l'héritage des actions humaines passées.
8
Cet état de référence pourrait aussi être celui de l'arrêt de l'érosion de la biodiversité prévu en 2010. Approche du développement durable des territoires et de leur gouvernance : Regards sur la territorialisation du "Grenelle" - Janvier 2010 35/72
Les modifications éventuelles apportées par l'action humaine 9 à ce patrimoine écologique, économique ou social devraient être examinées, et arbitrées en cas de conflits d'objectif, selon des grilles d'analyse multicritères permettant de mettre en évidence les incidences négatives ou positives de chaque projet, incidences abordées sous leurs trois dimensions économiques, sociales et écologiques (évaluation globale). Ce qui exige d'adopter des approches similaires pour ces trois composantes avec pour chaque d'elles, une description de l'état initial du territoire impacté par le projet, une analyse des effets du projet, les mesures préconisées pour éviter, atténuer ou compenser les impacts négatifs (effets sociaux et économiques négatifs de projets à finalité écologique, effets écologiques négatifs éventuels de projets à finalité économique ou sociale). Le recours systématique à des grilles d'analyse multi-critères serait de nature à faciliter ces arbitrages et apporterait une plus grande transparence des décisions. Une telle démarche équilibrée de préparation des décisions (d'éclairage des arbitrages) devrait viser à réduire les situations de conflits voire de blocages actuels, dans lesquelles les porteurs de projets socio-économiques ont parfois le sentiment de voir entraver leurs actions pour des raisons qu'ils ne comprennent pas (le syndrome de l'autoroute arrêtée par le piqueprune), alors que les défenseurs d'intérêts écologiques se sentent souvent en situation d'infériorité face aux enjeux économiques (on n'a jamais détruit une voie de communication pour rétablir une continuité écologique, alors qu'on détruit couramment des continuités écologiques pour construire des voies de communication). Cette démarche d'évaluation globale des impacts des projets devrait être renforcée en amont par une évaluation similaire des plans et de programmes : il s'agirait notamment de s'assurer de la compatibilité des schémas régionaux de cohérence écologique avec le schéma national des infrastructures de transport, les plans énergie-air-climat, les schémas directeurs d'aménagement des eaux, les plans départementaux de prévention des incendies de forêts... C'est pour les services de l'État en région, un chantier novateur et ambitieux qui relève tout à la fois de la connaissance stratégique des territoires, de la préparation à la décision (arbitrages) et de l'évaluation. Denis LAURENS, Commission permanente des ressources naturelles Collège "Biodiversité"
9
Ne sont pas évoquées ici le fait que les infrastructures écologiques se trouvent aussi modifiées sous l'effet de facteurs indépendants de l'action humaine locale, notamment le changement climatique. Approche du développement durable des territoires et de leur gouvernance : Regards sur la territorialisation du "Grenelle" - Janvier 2010 36/72
3.5. La mise en oeuvre du plan « séisme Antilles » : pour le renforcement des leviers d'action
Les départements d'outremer sont en France les territoires les plus exposés aux risques naturels majeurs de toutes sortes et l'attente des populations pour une action publique en ce domaine est forte, aussi bien pour prévoir les phénomènes que pour se protéger de leurs effets. Parmi tous les risques, il apparaît que le risque sismique est le plus préoccupant pour la sécurité des populations. L'intensité du phénomène, la brutalité avec laquelle il intervient et la faiblesse du délai d'anticipation peuvent être à l'origine d'une catastrophe humanitaire majeure qui nous incite à le traiter spécifiquement pour son impact potentiel dans les Antilles. La présente contribution résulte essentiellement de contacts pris avec la CCIAPSA (cellule interministérielle d'appui au plan séisme Antilles) placée auprès du DGPR (entretien avec son responsable et examen des documents qu'elle a produits), mais le parti a été pris de ne pas procéder à l'analyse précise des contributions des services déconcentrés, DDE et DIREN de la Martinique et de la Guadeloupe. Aucune analyse ne concerne les territoires de Saint Martin et de Saint Barthélémy. L'analyse présentée est donc partielle faute de confrontation avec le terrain.
UN PROGRAMME D'INTERVENTION GLOBAL
Bien que les îles soient géologiquement différentes, l'ensemble des Antilles se situe en zone de forte sismicité correspondant à des accélérations supérieures à 3 m/s². Les scientifiques s'accordent pour considérer que la probabilité qu'un séisme majeur se produise est de l'ordre de 150 ans. Le dernier s'est produit en 1839 en Martinique et en 1843 en Guadeloupe et il y a eu en 2004 et 2007 des secousses, aux Saintes notamment, peu destructrices. «The Big One» est donc craint avec juste raison et les préfets mobilisent les services de l'État et s'efforcent de faire partager leurs préoccupations aux responsables des collectivités, au niveau des communes notamment. Ce d'autant que le patrimoine bâti est très vulnérable aux secousses sismiques. Le plan «séisme Antilles», présenté en janvier 2007 en Conseil des ministres, a fixé comme objectif principal de protéger les populations en mettant l'accent sur le risque d'effondrement des constructions, tant pour les locaux des services de gestion de crise ou les établissements recevant du public que pour les habitations. La loi de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle, dite «Grenelle 1», a donné à ce plan une valeur législative (article 44 a). Les populations concernées sont importantes (800 000 habitants) et nombre d'entre elles occupent un logement social (un quart des logements antillais). Elles sont principalement concentrées sur le littoral, ce qui implique, en cas de cataclysme, de préserver l'accès aux communes par la mer et d'être sûr de la résistance des quais portuaires Le réseau routier national a été transféré aux deux régions. La gouvernance du plan «séisme Antilles» est assurée par un comité de direction (CODIRPSA) présidé par le directeur général de la prévention des risques et réunissant les représentants des services de l'État les plus concernés. Pour mettre en oeuvre le plan séisme dans chaque région, les préfets s'appuient sur les décisions des comités «séisme» qu'ils ont constitués, ainsi que sur des cellules locales animées par les DDE et les DIREN avec les services des préfectures. Les objectifs du Plan au nombre de cinq sont :
- la meilleure connaissance scientifique du phénomène, - la constitution d'un milieu professionnel local de la construction, - l'étude de règles d'aménagement et de dispositions constructives adaptées aux Antilles
sur l'ensemble des risques naturels (cyclones très particulièrement),
Approche du développement durable des territoires et de leur gouvernance : Regards sur la territorialisation du "Grenelle" - Janvier 2010 37/72
- la sensibilisation des populations et l'éducation notamment des jeunes, - le contrôle du respect des règles de construction parasismique.
Les priorités d'action portent sur :
- les installations des services d'intervention et de gestion de crise, au premier rang
desquels les services de secours (casernes de pompiers...),
- les écoles primaires publiques, car elles concentrent une forte densité de jeunes et
peuvent de plus servir d'abris aux populations,
- les autres établissements d'enseignement, - les logements sociaux. UNE FORTE MOBILISATION DES SERVICES DE L'ETAT
Les DDE participent à l'élaboration du diagnostic pour les constructions d'écoles et les bâtiments de l'État notamment. De gros moyens sont consacrés à la construction de logements sociaux et à la conduite d'opération des bâtiments d'État. La distinction est à faire entre les constructions neuves réalisées aux normes parasismiques, d'une part, et les aménagements ou renforcements de bâtiments existants visant à les mettre aux normes, plus difficiles à appréhender, donc à chiffrer et à en estimer l'efficacité réelle, d'autre part. L'analyse coût-avantage entre les deux solutions s'avère de ce fait délicate, une méthodologie spécifique serait à mettre au point. Des actions significatives ont déjà été réalisées depuis plusieurs années par les DIREN avec l'appui des DDE et de plusieurs services de l'État. Les DIREN ont en charge les volets immatériels, tels l'animation, la formation, y compris pour le corps artisanal de toute la filière construction, la gestion des études sur la connaissance de l'aléa, la préparation à la gestion de crise et la gestion éventuelle de crise, l'information... Sous l'autorité des préfets, ces deux services sont particulièrement mobilisés. En Martinique, la DIREN qui pilote la démarche, a créé trois groupes de travail (vulnérabilité, construction/formation, communication) et un comité Séisme regroupant l'ensemble des parties prenantes. En Guadeloupe, la DIREN a renforcé son équipe risques grâce à la création de deux emplois et une unité spécifique chargée d'établir le diagnostic des bâtiments État a été mise en place à la DDE par redéploiement de trois postes.
UN FINANCEMENT PROBLEMATIQUE
Les DDE ont reçu et mis en place des crédits de diagnostic de l'état des constructions et ont fait réaliser des études par des bureaux spécialisés. Ces diagnostics portent sur le patrimoine public, mais également sur les établissements privés d'enseignement (lesquels devront se plier aux exigences de sécurité sous la contrainte de fermeture). Dans la limite des moyens et compétences disponibles, les bureaux d'études et les contrôleurs techniques locaux y ont participé de façon significative. Sans rentrer dans le détail des mécanismes financiers (octroi de mer constituant la majeure partie des ressources notamment communales, plan gouvernemental de relance, participation de l'AFD, FEDER), le simple examen de la situation financière de la plupart des communes laisse présupposer qu'il leur sera difficile de s'engager dans la mise aux normes des écoles primaires ou des postes de crise communaux. L'assurance d'un financement extérieur à hauteur de 80% obtenu grâce notamment à la forte contribution du fonds national de prévention des risques naturels majeurs (FNPRNM) au plan séisme Antilles (50 M/an) ne suffit pas toujours à finaliser le plan de financement. Ainsi, en est-il d'importants projets comme celui du lycée Baimbridge aux Âbimes pour 67 M, dont 20 attendus du dit fonds. Le renforcement parasismique des 600 écoles primaires (également lieux d'abri) est particulièrement onéreux (400 M en Guadeloupe par exemple). Il en est de même pour les 100 collèges concernés pour lesquels les Conseils généraux peinent à rassembler rapidement leurs propres crédits .
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L'enjeu financier pour la mise à niveau des seuls bâtiments publics est de l'ordre de 2 milliards d' pour chacune des 2 îles.
UNE PROGRAMMATION EN QUÊTE DE SOUTIEN METHODOLOGIQUE
La réglementation française (notamment les prescriptions du décret du 14 mai 1991) impose des règles de construction parasismiques normalisées contraignantes. Pour y faire face, le choix entre la reconstruction et le confortement de l'existant dépend de critères multiples qui s'ajoutent aux difficultés de financement. Ce choix demande en effet une réflexion avancée sur l'importance socio-économique des bâtiments, l'analyse comparée des coûts et des bénéfices, la vulnérabilité des installations et de leur état de vétusté, le niveau de risque accepté et de protection souhaitée. L'absence de texte précisant les conditions de dimensionnement des travaux de confortement au regard de ces critères, dont on peut penser que des règles adaptées seraient sur certains points moins contraignantes ,ne facilite pas le choix des décideurs. La réécriture en cours de la réglementation de 1991 constitue une opportunité pour prendre en compte ces aspects. Les actions visant à améliorer la connaissance sont essentielles pour l'ensemble des acteurs de la gouvernance du plan séisme Antilles. Elles visent aussi bien les cadres des services de l'État que ceux des collectivités ou les entreprises et bureaux d'études locaux. Agissant auprès de la CCIAPSA pour dynamiser la mise en oeuvre du plan, le CERTU a animé début 2009 un séminaire d'où ont émergé des thèmes de travail et une feuille de route pour les services d'État. De tels séminaires seront organisés avec les collectivités. La formation de base initiale n'est pas en reste, aussi bien dans les lycées et collèges antillais (notamment les lycées professionnels formant au métiers de la construction) qu'au niveau des 2ème et 3ème cycles universitaires. Plus de 50 formations ont été recensées fin 2008 par l'association française de génie parasismique (AFPS) mettant en évidence une formation plus orientée vers l'aléa et le génie civil que sur les aspects socio-économiques du risque et les problèmes de réhabilitation des bâtiments existants. L'inventaire des bâtiments publics, plusieurs fois prescrit (en dernier lieu par la circulaire du 16 janvier 2009) n'est toujours pas achevé. Les premières estimations de la durée de réalisation de l'ensemble des travaux nécessaires sont de l'ordre de 15 à 20 ans. La gestion d'une telle programmation nécessite de disposer d'un minimum de garanties financières sur cette durée. Ceci a été exprimé les élus lors des réunions du Comité national de pilotage. Ceci implique une politique contractuelle dotée d'un dispositif de suivi et d'évaluation du plan séisme Antilles qui semble-t-il reste à définir et à intégrer au plan, y compris son financement.
PRECONISATIONS POUR RENFORCER LE PLAN SEISME DES ANTILLES - La réalisation d'un diagnostic complet des opérations à engager constitue le point de
départ incontournable pour évaluer les coûts, définir les priorités et établir la programmation des interventions. Il doit s'appuyer sur une méthodologie qui pourrait être définie par un comité scientifique et technique en appui de la CCIAPSA. Les services devront notamment s'approprier les conclusions du séminaire organisé avec l'appui du CERTU et les approfondir. L'établissement d'un tel diagnostic demande un travail conséquent. Si compétences et motivation sont avérées, il faudra aussi mobiliser des effectifs à la hauteur du défi.
- L'ampleur des investissements sur la durée nécessite un étalement dans le temps qui
impose des engagements financiers aussi bien de l'État, de l'Europe que des collectivités. Ces financements pourraient faire l'objet d'une contractualisation que sur la base du diagnostic pré-cité et d'une programmation pluriannuelle rigoureuse dotée d'un dispositif de suivi -évaluation clairement défini.
- La contractualisation devrait également favoriser la mobilisation (et l'affichage) des
crédits des ministères les plus concernés par des opérations prioritaires (SDIS, hôpitaux...).
Approche du développement durable des territoires et de leur gouvernance : Regards sur la territorialisation du "Grenelle" - Janvier 2010 39/72
- La trop faible mobilisation de crédits communaux, malgré l'importance des aides
mobilisées (40% FPRNM, 20% FEDER, 20% BOP 181 ou 123) constitue un frein dans le confortement ou la reconstruction des écoles.
- La gestion des travaux de renforcement de grande ampleur doit se faire en préservant la
continuité de l'activité des services concernés (en premier lieu les cellules de crises voir la mise en conformité du PC préfectoral de la Martinique et l'utilisation éventuelle à cet effet et à court terme du bâtiment de la DDE SDIS,). Des « opérations tiroirs » doivent pouvoir être mises en place au profit des écoles, des hôpitaux...et du foncier rendu disponible lorsque des installations provisoires sont nécessaires.
- La capacité actuelle d'intervention des professionnels de la construction, maîtres
d'oeuvre, bureaux d'études et entreprises, n'est pas à la hauteur du défi. De nombreuses formations sont dispensées dans le domaine de la construction parasismique sans qu'elles soient toujours bien identifiées. Un effort de coordination des ces formations sera nécessaire lorsqu'elles auront été précisément évaluées.
- La mise à niveau du bâti privé n'est pas traitée par les services du ministère mais devra
être conduite en parallèle. Elle passe par une forte incitation aussi bien au niveau de la sensibilisation que dans le domaine financier. Il n'y a aucune action de diagnostic sur les constructions privées en dehors des établissements privés d'enseignement et les principales industries (classées SEVESO), ni sur les réseaux de fluides. Or, par exemple la Guadeloupe est très dépendante de son château d'eau naturel, malgré des interconnections. De réels efforts de sensibilisation et d'information sont entrepris, vers les responsables et les populations, mais aussi en milieu scolaire avec l'action volontariste du rectorat. Les avancées les plus spectaculaires relèvent plus de la motivation et du dynamisme d'individus ou de services (par exemple le bailleur social principal représente en Guadeloupe 70% du parc et entraîne d'autres acteurs). Ces actions doivent être prolongées pour aboutir à une culture du risque réellement partagée. Denis CARDOT Section 4 Jean-Louis RAVARD MIGT 8
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4. LA MISE EN MOUVEMENT DES SERVICES DU MEEDDM
La prise en compte du Grenelle de l'environnement par les
administrations centrales : en traduire les engagements dans les circulaires et le dialogue de gestion Lionel RIMOUX - Thierry LAVOUX
La connaissance stratégique des territoires :
un enjeu incontournable pour réussir la territorialisation du Grenelle Didier CAUVILLE
La mutualisation des pratiques de l'évaluation
environnementale : vers une synergie des travaux des trois formations de l'autorité environnementale Rouchdy KBAIER
Les enjeux de la formation :
nouveaux acteurs, nouveaux parcours de professionnalisation Alain LAVIELLE
La mobilisation du réseau scientifique et technique :
un appui indispensable aux services Bernard DURU
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4.1. La prise en compte du Grenelle de l'environnement par les administrations centrales : en traduire les engagements dans les circulaires et le dialogue de gestion
Cette contribution à la réflexion menée sur la territorialisation du Grenelle fait suite à une analyse sous l'angle du Grenelle de l'environnement des circulaires adressées par le ministère aux préfets, mission que nous avons faite à la demande de la commissaire générale au développement durable. Le rapport de cette mission a été publié en août 2009.
LES INSTRUCTIONS AUX SERVICES TERRITORIALISATION DU GRENELLE
N'ACCOMPAGNENT
PAS
LA
Une quarantaine de circulaires adressées aux préfets a été recensée sur la période d'analyse (quatrième trimestre 2008 - premier trimestre 2009). Après en avoir évalué le contenu en terme d'information, d'orientation, de gouvernance, d'impulsion des politiques ainsi induites, d'organisation et de moyens pour la mise en oeuvre de ces politiques, nous nous sommes attachés à examiner chacune de ces circulaires à la lumière des grands enjeux du Grenelle de l'environnement. Nous avons en particulier analysé en quoi elles pouvaient s'inscrire en tout ou partie dans l'un ou dans plusieurs de ces enjeux. Une grille de lecture des circulaires croisant enjeux et missions nous a permis de mettre en évidence les constats suivants :
- les circulaires adressées aux préfets ne traitent pas directement des enjeux du Grenelle
même lorsque leur objet y trouve un prolongement ou une application. En général, ni les thèmes abordés, ni les instructions ne répondent de manière satisfaisante aux enjeux du Grenelle de l'environnement qui sont au mieux effleurés et à tout le moins très mal abordés ;
- la nécessité d'impulser la territorialisation du Grenelle n'a, par conséquent, ni fait l'objet
d'une réelle appropriation par les différentes directions du ministère, ni d'une approche coordonnée et volontariste sur la période d'étude ;
- enfin, aucune circulaire de l'administration centrale n'aborde, sur cette période, les
notions d'organisation et de moyens pour la mise en oeuvre des engagements du Grenelle aux niveaux déconcentrés, à l'exception bien sûr de la circulaire de mars 2009 consacrée à sa territorialisation. Afin de garantir la traduction effective -et durable- du Grenelle de l'environnement dans les instructions données aux préfets, les principales recommandations suivantes ont été formulées :
- établir pour l'ensemble des directions une grille d'analyse homogène bâtie sur un modèle
similaire à celui utilisé lors de notre mission, complétée par des enjeux ignorés ou mal couverts par le Grenelle (par exemple l'eau, le paysage, la montagne, le littoral) afin d'aider les services à en tenir compte de manière plus efficace ;
- rédiger dans chaque circulaire un encadré consacré aux enjeux du Grenelle indiquant
brièvement les articulations avec les enjeux et les thèmes du Grenelle ;
- prévoir une évaluation semestrielle des circulaires adressées aux préfets pour en vérifier
l'adéquation aux engagements du Grenelle et la diffuser aux services rédacteurs ;
- demander aux différentes directions d'administration centrale d'élaborer un programme
de «grenellisation» de leur action sur une base semestrielle ou annuelle.
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LA NECESSITE D'UNE COORDINATION RENFORCEE DES DIRECTIONS
Ces constats, et les préconisations qui en découlent, sont à rapprocher en terme d'analyse synthétique des conclusions du récent audit sur la prise en compte du développement durable par les services déconcentrés, mais aussi des contributions et compte-rendus des Préfets de Région demandés par la circulaire du 23 Mars 2009 relative à la territorialisation du Grenelle. D'une analyse rapide de ces documents, il ressort :
- une forte implication et mobilisation des services déconcentrés sous l'autorité des préfets, - une réelle capacité d'animation et d'impulsion à ce stade du CGDD qui ne dispose
cependant pas de la capacité de mise en oeuvre,
- mais aussi une insuffisante appropriation par les administrations centrales de la
démarche portée par le Grenelle de l'environnement. Se poserait donc à l'évidence, si cette analyse se confirmait dans le cadre des travaux en cours ou à venir, un réel problème de gouvernance, au sein même du ministère, pour la mise en oeuvre de la territorialisation du Grenelle, de son suivi et donc à terme de son évaluation. Pour prévenir un tel risque, la mise au point d'un dispositif apte à mobiliser de manière coordonnée l'ensemble des administrations centrales du ministère pour intégrer dans leurs propres actions la territorialisation du Grenelle et pouvoir ainsi contribuer à en évaluer ex post les effets, paraît indispensable. La nécessité de mettre en place un tel dispositif au niveau du ministère, ne doit bien évidemment pas occulter la dimension interministérielle propre au Grenelle et en particulier l'obligation pour l'ensemble des administrations de l'État de faire vivre la «gouvernance à 5». Une circulaire du Premier ministre pourrait la réintroduire en position centrale dans le dispositif de rénovation de la concertation, base de la «démocratie environnementale». La posture et le rôle de l'État se posent à cet égard avec d'autant plus d'acuité qu'il n'est pas, loin s'en faut, le seul intervenant dans le processus de territorialisation. Il est donc essentiel qu'en préalable à toute démarche, la cohérence interne et l'efficacité de l'action de l'État soient garanties pour qu'il puisse exercer son rôle de coordinateur, d'impulseur et d'arbitre dans le cadre de la «gouvernance à 5» qui sous-tend l'ensemble de la démarche du Grenelle. Il faut cependant reconnaitre que cette démarche requiert une mise en cohérence et du temps souvent peu compatibles avec les modalités d'action préconisées dans les circulaires. Il apparaît de ce fait relativement urgent d'être en mesure d'assurer cette cohérence et cette efficacité au plus près -en terme de calendrier- de la promulgation des Lois Grenelle et de leurs textes d'application par une mobilisation coordonnée de nos administrations centrales.
DES PROPOSITIONS POUR RENDRE PLUS LISIBLE LA TERRITORIALISATION DU GRENELLE DANS L'ACTION DES DIRECTIONS CENTRALES
Les quelques propositions générales suivantes visent à répondre aux problèmes posés.
- Mettre en place une véritable instance d'impulsion et de suivi de la territorialisation
du Grenelle Cette instance pourrait réunir formellement, une fois par trimestre, les directeurs généraux et directeurs d'administration centrale et être préparée et prolongée par des réunions inter-DAC ad hoc sur une base mensuelle. Idéalement la formation trimestrielle devrait être présidée par le directeur de cabinet du ministre et prendre la forme d'une réunion dédiée de la réunion des directeurs généraux et directeurs.
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- Mettre en oeuvre l'intégralité des préconisations du rapport sur l'étude des
circulaires Ces préconisations pourraient utilement être complétées par un véritable plan d'arbitrage, d'orientation, de rédaction et de publication des « circulaires filles» de la circulaire du 23 mars 2009 dont la nécessité, à l'évidence, se fait sentir au niveau des services déconcentrés tout particulièrement.
- Traduire dans la LOLF, dans chacun des programmes annuels de performance du
ministère les engagements du Grenelle et de sa territorialisation Ces engagements devraient non seulement être déclinés dans les stratégies de programme mais aussi dans le descriptif détaillé de chaque action, en mettant si possible l'accent sur le volet performance et en adaptant si nécessaire les indicateurs aux priorités définies..
- En conséquence de ce qui précède, décliner les nouveaux enjeux identifiés et les
objectifs fixés dans l'ensemble du mécanisme annuel de dialogue de gestion. Pour ces deux dernières approches il semblerait raisonnable de cibler cette première prise en compte, opérationnelle, globale et construite dans le cadre de la LOLF, pour l'élaboration du budget 2011. D'importantes marges de manoeuvre existent ainsi pour permettre une application effective du Grenelle de l'environnement au plan territorial, comme la nécessaire construction d'une méthode de rédaction des circulaires aux préfets et la mise en place d'un dispositif de coordination au sein de l'administration centrale complétées par une «lolfisation» du Grenelle et de sa territorialisation. Thierry LAVOUX Section 3 Lionel RIMOUX Section 6
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4.2. La connaissance stratégique des territoires : un enjeu incontournable pour réussir la territorialisation du Grenelle
UN ENJEU ANCIEN QUI PEINE A SE STRUCTURER
La connaissance du fonctionnement des territoires et l'élaboration d'une vision globale permettant une mise en oeuvre cohérente des politiques publiques font partie des orientations données aux services déconcentrés de l'État depuis de nombreuses années. Cette préoccupation reste une constante comme le confirme l'analyse des instructions récentes, notamment pour réussir la territorialisation du Grenelle. Malgré cette constante, force est de constater que beaucoup reste à faire pour structurer une connaissance territoriale stratégique au sein du ministère si l'on se réfère aux résultats de l'enquête réalisée en 200810 ou aux divers entretiens menés avec les administrations centrales sur ce thème11). En caricaturant la situation, il est possible aujourd'hui d'identifier une multitude d'expériences intéressantes, de géométrie très variable et de durabilité encore plus aléatoire et, parallèlement, noter une incapacité d'évaluer certaines politiques publiques à partir des données disponibles, comme dans le domaine du logement par exemple. Le constat effectué lors de l'évaluation 2003 de la connaissance des territoires par les services du ministère de l'équipement12 reste d'actualité : «On peut d'emblée remarquer que cette évaluation présente la particularité de porter non pas sur une politique publique, mais simplement sur une situation à un moment donné. On verra en effet qu'à aucun moment une politique de la connaissance des territoires n'a été formellement définie au sein du ministère de l'équipement».
UNE BASE FONDAMENTALE POUR ECLAIRER L'ACTION DE L'ÉTAT
Tout est déjà dit dans les textes sur les finalités / enjeux / légitimités / positionnement / nécessités de la connaissance stratégique des territoires pour les services de l'État, et plusieurs rapports du CGPC puis du CGEDD ont déjà fait des recommandations pertinentes13. Les plus anciens de ces rapports ont certes été rédigés avant la création du ministère du développement durable (MEDDAT puis MEEDDM), de l'instauration des DREAL, des DDEA puis des DDT. Mais les principaux constats et les recommandations qui en découlent, peuvent sans difficulté être transposés dans l'organisation actuelle en conservant leur acuité:
- l'importance du rôle local de l'État en tant que stratège, régulateur et impulseur, qui doit
disposer pour ce faire d'une vision territoriale ;
- la nécessite d'organiser et de piloter les services de l'État, de définir des priorités, de
gérer les ressources et les compétences ;
- l'obligation de développer la coopération et les partenariats tant avec les autres
départements ministériels qu'avec les collectivités locales. Cette connaissance des territoires est en effet indispensable pour assurer une application pertinente des lois et règlements, pour en évaluer l'efficacité et d'une façon plus générale pour asseoir le pouvoir d'appréciation de l'État dans son rôle d'autorité régulatrice. La création d'un ministère de développement durable, le Grenelle de l'environnement et la mise en oeuvre des orientations qui en sont issues, la réorganisation des services territoriaux
10 11 12 13
Enquête Apostolo - Dodu Notamment avec le CGDD et la DGALN, mais aussi le PUCA, le CERTU ... Rapport Brunetière Outre les 2 rapports cités supra, il faut mentionner le rapport Gibelin, les audits AUIP et DD Approche du développement durable des territoires et de leur gouvernance : Regards sur la territorialisation du "Grenelle" - Janvier 2010 45/72
de l'État renforcent la nécessité de cette connaissance des territoires tout en créant des opportunités de la structurer.
UN EXEMPLE D'ACTUALITE : LA GESTION ECONOME DE L'ESPACE
Si le cadrage méthodologique relève sans nul doute de l'administration centrale, la notion d'économie en la matière ne saurait se définir au plan national. Elle s'appréciera sur le terrain en fonction des enjeux locaux, en assurant l'équilibre entre une urbanisation répondant aux besoins de logements, un développement des activités économiques et la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers, tout en limitant les déplacements, tout en prenant en compte les risques naturels, tout en veillant aux continuités écologiques... Les débats puis les décisions visant à intégrer toutes ces composantes doivent se situer dans une gouvernance où l'État doit tenir toute sa place, pour ne pas dire son rang, de stratège et de garant des grands équilibres. Comment pourra-t-il le faire s'il ne peut s'appuyer sur une vision territoriale à la hauteur de ses responsabilités? La récente circulaire sur la territorialisation du Grenelle, par ses commandes aux services territoriaux de l'État, souligne cette nécessité.
LA REORGANISATION DES SERVICES : UNE OPPORTUNITE A SAISIR
La réorganisation de ces services repose sur le renforcement de l'échelon régional, avec les DREAL, en ce qui concerne notre ministère, et la création de directions départementales interministérielles qui ne sont plus des services déconcentrés de ministères, mais qui dépendent néanmoins de l'échelon régional pour la déclinaison des politiques publiques et l'allocation des ressources. Pour le MEEDDM, nombre des politiques publiques dont il a la charge, la planification spatiale avec pour objectif la gestion économe de l'espace en est un exemple, dépendent en grande partie de l'action des services départementaux. Comment en matière de connaissance stratégique des territoires articuler les différents niveaux territoriaux et comment organiser la production de connaissance en liaison avec les autres partenaires locaux? Quel doit être le rôle des DREAL vis à vis des DDT en ce domaine particulier? Si à l'évidence la plupart de ces questions doivent trouver leurs réponses localement, les services territoriaux ont besoin, et ils le réclament, d'un pilotage national qui assure cohérence entre fixation d'objectifs et allocation de ressources (moyens humains et financiers, mais aussi doctrine, méthodologie, offre de formation...). Entre autres, la LOLF pourrait être l'outil et le dialogue de gestion l'occasion pour ce faire.
UN PILOTAGE DES SERVICES DECONCENTRES NECESSITE D'UNE COORDINATION INTER-DAC
EFFICACE
:
LA
Il apparaît non seulement qu'un tel dispositif de pilotage n'a pas encore été mis en place, mais que sa nécessité même ne soit pas encore reconnue par l'ensemble des DAC de notre ministère, pourtant toutes concernées à un titre ou à un autre par la déclinaison locale des politiques qu'elles portent et par conséquent par la connaissance stratégique des territoires14. Un premier pas qui n'a pas été encore franchi, serait qu'une coordination inter-DAC sur ce sujet soit mise en place et que l'une d'entre elles soit désignée pour assurer le pilotage des services territoriaux. La LOLF peut en offrir le cadre. Mais de quel programme la connaissance stratégique des territoires relève-t-elle?
- du programme 113 «Urbanisme, paysages, eau et biodiversité» en charge de la
planification spatiale et de l'intégration des autres politiques dans cette planification qui se décline au niveau des territoires?
- du programme 217 «Conduite des politiques de l'écologie, de l'énergie, du
développement durable et de la mer» qui comprend également une dimension stratégique qui le conduit à assurer des fonctions transversales?
14
Voir les critiques récentes du Conseil d'État et de la Cour des Comptes à l'égard de la connaissances de l'impact des politiques en matière de logement sociaux. Approche du développement durable des territoires et de leur gouvernance : Regards sur la territorialisation du "Grenelle" - Janvier 2010 46/72
- des deux? - de tous les programmes, dans la mesure où la connaissance des territoires constitue un
socle commun à la définition, à la mise en oeuvre et à l'évaluation des politiques conduites par le ministère en matière de transports, de gestion des risques, d'énergie...? Comment peut-il y avoir un pilote et plusieurs responsables de programmes? Dans l'attente de réponse, la DGALN assure certes une animation pertinente des services, plus en matière d'études que de connaissance proprement dite, mais quelle est sa légitimité pour donner toute sa dimension au pilotage indispensable et réclamé par les services? Elle n'est d'ailleurs pas identifiée comme telle. Le CGDD assure également une coordination des services déconcentrés, et notamment des DREAL, sur les questions du développement durable et la territorialisation du Grenelle, mais aussi sur les statistiques, la prospective territoriale... Le SG est lui en charge d'assurer cette transversalité inter-DAC. Ce n'est qu'une fois que sera créée une coordination inter-DAC et que sera désigné un interlocuteur-pilote pour les services qu'on pourra espérer réunir les conditions de réussite d'une politique de la connaissance des territoires au sein du ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer. Didier CAUVILLE, MIGT 7-Est Collège "AUHM"
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4.3. Mutualiser les pratiques de l'évaluation environnementale : vers une synergie des travaux des trois formations de l'autorité environnementale
L'évaluation environnementale est un processus destiné à intégrer les enjeux environnementaux dans la planification et la réalisation de projets, plans et programmes dans un objectif de développement durable. Elle vise à faciliter la participation du public à l'élaboration des décisions qui le concernent, dans le droit fil de la convention d'Aarhus et à améliorer la qualité des projets avant la prise de décision. Cette démarche est surtout pertinente dans les cas de grands travaux de construction ou d'aménagement ainsi que lors de la préparation de documents de planification, en jargon administratif «les plans et programmes», souvent illustrés par les documents d'urbanisme, que ces projets et réalisations soient nationaux ou locaux. L'évaluation environnementale n'est pas un concept récent : prévue par de nombreux textes internationaux et communautaires, cette démarche fournit des éléments méthodologiques indispensables à l'intégration du pilier environnemental dans toute étude socio-économique. C'est pour se mettre en conformité avec le droit communautaires que les évaluations d'impact environnemental des grandes opérations sont soumises à l'avis, rendu public, d'une «autorité compétente en matière d'environnement». Le Gouvernement a ainsi créé, par décret du 30 avril 2009 pris en Conseil d' État, «l'autorité administrative de l'État, compétente en matière d'environnement». La circulaire du 23 mars relative à la territorialisation du Grenelle rappelle que pour les projets de niveau local, l'autorité environnementale est confiée au préfet de région. Elle demande aux services déconcentrés de s'investir dans deux actions interdépendantes : mettre en place et assurer le rôle d'autorité environnementale, diffuser la culture de l'évaluation environnementale. L'efficacité de ces nouvelles missions reposent sur trois préalables :
- clarifier les différents niveaux d'intervention de la fonction environnementale; - donner la formation et les moyens de la diffusion de la culture de l'évaluation
environnementale;
- organiser le pilotage et désigner la structure responsable de la «veille doctrinale». QUELLES LEÇONS TIRER DE CETTE NOUVELLE PRATIQUE?
Trois cas sont à considérer :
- pour les opérations dont le ministre chargé de l'environnement n'est pas lui-même
responsable au titre de ses autres attributions, la fonction d'autorité environnementale est assurée par le ministre ou, localement, pour son compte, par les préfets ;
- pour les opérations réalisées par le ministère ou un organisme placé sous sa tutelle, la
fonction d'autorité environnementale est assurée par une structure spécifique, garante d'impartialité, au sein du conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) ;
- enfin, pour les opérations relevant de la décision de collectivités, la fonction d'autorité
environnementale est assurée par le ministre s'appuyant sur ses services ou localement par les préfets «selon la nature et la portée de l'opération». Après quelques mois de fonctionnement, il est possible de tirer de premiers enseignements méthodologiques de la formation d'autorité environnementale instituée au sein du CGEDD. La réflexion s' est en particulier enrichie du travail d'une mission de parangonnage
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commandée par cette autorité qui a conduit à l'élaboration d'un rapport du CGEDD relatif aux «Comparaisons des pratiques et méthodes de certains autres États-membres de l'Union européenne pour l'élaboration des avis de l'autorité environnementale et prise en compte des jurisprudences concernant les insuffisances d'évaluation d'impact».
L'EXPERIENCE ET LE RÔLE DU CGEDD
L'autorité environnementale du CGEDD s'est mise en ordre de marche dès l'entrée en vigueur du décret du 30 avril 2009. Même si on ne peut encore se fonder que sur un retour d'expérience limité (une quinzaine d'avis rendus à ce jour), il est intéressant de souligner les questions essentielles que se pose cette formation en termes de méthodologie. Le rapport du CGEDD mentionné ci-dessus vise à éclairer l'autorité environnementale du CGEDD sur l'application des directives en droit positif et à tirer les enseignements de la jurisprudence nationale et communautaire. Pour autant, les fondements, objectifs et contenu de ce rapport - dont ses recommandations- pourraient également être utiles aux préfets de région qui sont investis, à leur niveau, de la compétence d'autorité environnementale. Les trois objectifs opérationnels qui ont guidé le CGEDD sont aisément transposables aux avis des préfets de région. Contribuer à la qualité technique des avis rendus par l'autorité environnementale. La matière est complexe et hétérogène. Il faut donc s'assurer, dans les différentes phases de procédure prévues par la législation que l'autorité environnementale dispose bien des référentiels et méthodes favorisant la qualité de ses avis. Améliorer la sécurité juridique des projets, plans et programmes soumis à évaluation. On assiste à une judiciarisation croissante du domaine de l'environnement avec une multiplication des contentieux aux plans national et communautaire qui ont maintenant des conséquences financières majeures, les sanctions pécuniaires de plus en plus lourdes grévant le budget de l'État. Au plan communautaire, les contentieux liés aux directives projets sont les plus importants en nombre après ceux relatifs aux directives Oiseaux et Habitats (Natura 2000). Cela n'est pas neutre lorsque l'on sait que le juge communautaire évalue systématiquement l'impact des projets de développement à l'aune de ces deux dernières directives. Il est donc impératif de s'assurer que les prescriptions contenues dans ces directives soient correctement mises en oeuvre. Contribuer à assurer la sécurité financière des projets, plans et programmes cofinancés par la Communauté européenne. De nombreux projets sont co-financés par le fonds européen de développement régional (FEDER), le fonds européen pour la pêche (FEP) ou le fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) en «additionnalité» des contrats de projets État/région ou d'autres fonds publics nationaux. La Commission européenne est très attentive à ce que les obligations d'évaluation environnementale soient correctement remplies. Elle peut être amenée à suspendre, voire annuler, un financement communautaire pour les projets, plans ou programmes qui ne respecteraient pas les clauses relatives à l'évaluation environnementale. De même, elle peut vérifier que la procédure d'évaluation environnementale en amont a été correctement suivie. Par ailleurs, les préfets de région devront, dans le cadre de leur exercice d'autorité environnementale, ne pas omettre de prendre en compte les évaluations spécifiques des programmes opérationnels du FEDER, du FEADER ou du FEP, conformément au règlement général sur les fonds structurels.
POUR UNE MUTUALISATION DES CONNAISSANCES ET DES BONNES PRATIQUES DANS LE DOMAINE DE L'EVALUATION ENVIRONNEMENTALE
La bonne transposition des directives relatives à l'évaluation environnementale, des projets, plans ou programmes implique de bien distinguer l'«autorité responsable» de l'«autorité environnementale», instance consultative appelée à rendre des avis à différents moments du
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processus d'évaluation. Parmi les questions qui se posent dans la mise en oeuvre de l'évaluation environnementale, deux d'entre elles méritent une attention particulière. Le contrôle préliminaire : première phase du processus d'évaluation L'autorité environnementale exercée par le préfet de région doit s'interroger sur les critères selon lesquels un projet, un plan ou un programme devrait faire l'objet d'une évaluation environnementale. Les textes nationaux et communautaires contribuent évidemment à la réponse, mais l'interprétation de la Cour de justice européenne est bien utile pour savoir ce qu'il ne faut pas faire. Sa jurisprudence est relativement abondante en ce qui concerne l'étude d'impact des projets et la bonne application des règles de procédure de la directive «Habitats». Elle permet, d'ores et déjà, d'anticiper ce que pourrait être la position de la Cour sur certaines questions qui tiennent une place importante dans la directive «plans-programmes». En particulier, elle censure régulièrement les interprétations restrictives (ou erronées) que font certains États-membres du champ d'application de la directive 85/337. De même, elle a clairement -et de longue date- établi sa doctrine pour censurer les pratiques consistant à ne retenir que le coût d'un projet comme unique critère de soumission à l'avis de l'autorité. Elle s'en tient à une interprétation littérale de la directive qui précise que doivent être prises en compte la nature, la dimension et la localisation des projets et que, de surcroît, ces critères ne sont pas exclusifs les uns des autres. La Cour a également condamné des Étatsmembres qui pratiquaient le fractionnement des projets ou qui n'en prenaient pas en compte l'effet cumulatif. Le contenu de l'évaluation environnementale et le cadrage préalable Une fois la première question renseignée, que doit contenir le rapport environnemental préparé par le pétitionnaire et soumis à l'avis de l'autorité environnementale? Question majeure qui se double d'une autre : à quelle période du processus l'autorité environnementale doit-elle être saisie? Car, l'intervention précoce de l'autorité dans le processus peut être de nature à éviter des retards dans la prise de décision, susceptibles d'induire des coûts supplémentaires. Dans cette phase qui allie considérations et instruments d'ordre technique et juridique, il est nécessaire de disposer d'outils méthodologiques et de référentiels, mais également de connaître les motifs de censure de la Cour de justice européenne et d'en tirer les leçons : nécessité de rechercher dès l'amont les effets cumulatifs d'un projet, analyser l'interaction des projets entre eux, analyser des projets s'insérant dans une procédure à plusieurs étapes... Autant de données qui sont utiles à la préparation du cahier des charges du rapport environnemental.
VERS UNE SYNERGIE DES TRAVAUX DES TROIS FORMATIONS DE L'AUTORITE ENVIRONNEMENTALE
Dans le cadre de la territorialisation du Grenelle de l'environnement, il serait souhaitable de fédérer les réflexions et expériences des trois formations d'autorité environnementale et d'organiser régulièrement des réunions de travail aux niveaux national et déconcentré. Le rapport du CGEDD précité a suscité des réactions de la part du Commissariat général au développement durable (CGDD). Le Commissariat pointe notamment les convergences de vue entre ses propres réflexions et les recommandations de ce rapport. Il serait souhaitable, dans le cadre du travail opérationnel de territorialisation du Grenelle, d' impliquer les préfets de région et les services déconcentrés compétents. Il serait en outre utile de rechercher les points d'harmonisation entre les trois formations. En effet, des premiers avis rendus par le CGEDD ressortent des enseignements à caractère opérationnel :
- ne pas dissocier dans le temps la procédure «étude d'impact» de la procédure «loi sur
l'eau» (il existe deux bases juridiques distinctes en droit français, mais la directive 85/337 ne fait pas de distinction entre les sujets) ;
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- traiter convenablement les liaisons entre projets différents (exemple de plusieurs projets
routiers reliés, ou de la liaison gazoduc-terminal) ;
- assurer l'articulation projets/plan-programme ; - justifier le choix de la solution retenue par rapport aux variantes écartées ; - ménager l'«autoportance» du résumé non technique qui doit se suffire à lui-même pour
présenter le projet. En termes de cohérence entre les avis des différentes formation d'autorité environnementale, il est hautement souhaitable que leurs «doctrines» ne divergent pas. Rouchdy KBAIER, Section 1 Collège juridique, droit et contentieux
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4.4. Les enjeux de la formation : nouveaux jeux d'acteurs, nouveaux parcours de professionnalisation
L'analyse des enjeux de la formation et des réponses ébauchées par le réseau formation fait ici l'objet d'une contribution encore partielle, après entretiens dans deux centres de valorisation des ressources humaines (CVRH). Il sera utile de confronter cette première approche des enseignements de l'audit en cours, sous le pilotage de J.R Brunetière, sur la formation.
UN JEU D'ACTEURS A RECOMPOSER
Un premier point frappant lorsqu'on interroge le réseau formation c'est que la maîtrise d'ouvrage centrale joue moins qu'avant dans les domaines traditionnels de l'ex-ministère de l'équipement un rôle de prescripteur de la formation ou n'impulse pas des commandes de formation aisément traduisibles en priorités locales. Les directions centrales, elles-mêmes confrontées aux réorganisations tentent de «grenelliser» leurs discours, mais elles ne semblent pas avoir encore stabilisé le concept de développement durable. On peut en prendre comme exemple la DGALN, jeune héritière de ses composantes «environnement» et «équipement» qui peine à établir sa doctrine sur un diagnostic territorial intégrateur du volet social et du volet environnemental. Les structures de formation du nouveau périmètre ministériel sont elles-mêmes confrontées à la nécessité de réinterroger leurs pratiques et leurs méthodes. Non sans quelques «rugosités» parfois, l'IFORE (institut de formation de l'environnement) et les CVRH doivent apprendre à travailler ensemble, s'assurer de leur complémentarité. Comment les CVRH peuvent-ils jouer pleinement leur rôle de relais locaux des formations reçues par l'IFORE dans les domaines de l'environnement et du développement durable? Comment articuler une offre de formation très spécialisée au plus près des besoins des services? Un partage des tâches raisonné entre l'IFORE et les CVRH ne peut qu'être que profitable aux acteurs et bénéficiaires de la formation. D'évidence, un travail reste à faire pour bien préciser et articuler les rôles. La maîtrise d'ouvrage interministérielle de formation placée auprès du préfet de région devrait devenir un élément plus important du paysage institutionnel de la formation. Souvent cantonnée à des formations «catalogue», ouvertes à tous, sans analyse réelle des besoins, elle pourrait, en se renforçant au niveau régional, s'inscrire dans de nouvelles dynamiques et rechercher de nouveaux partenariats. Les entretiens conduits montrent, selon les CVRH, une grande diversité d'approche des relations avec d'autres partenaires avec lesquels une collaboration renforcée gagnerait à être systématisée. C'est le cas de la collaboration avec les universités. S'il y a un consensus pour dire que cette collaboration doit être développée, elle l'est dans les faits de façon très inégale selon les régions, et la formation diplômante décrite ci-après, réalisée par le CVRH de Toulouse et l'Université, est loin d'être généralisée. C'est le cas également de la collaboration avec le Centre National de la Fonction Publique Territoriale (CNFPT) qui paraît dépendre davantage des proximités et des opportunités que d'une démarche d'ensemble construite. Pourtant, la territorialisation du Grenelle suppose une mise en mouvement d'un ensemble d'acteurs locaux qui gagnerait à une formation mieux coordonnée de ces acteurs. De même, les CVRH ne s'estiment pas les mieux placés pour nouer des relations institutionnelles avec l'ADEME. S'ils font ponctuellement appel à des intervenants de l'ADEME dans leurs formations, la mise en place d'un volet formation dans la déclinaison locale de la convention MEEDDM-ADEME reste à inventer.
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Enfin, même à l'heure de la gouvernance à cinq, le réseau associatif n'est pas encore un partenaire des CVRH qui s'interrogent sur leur légitimité à nouer des collaborations avec certaines associations qui disposent de ressources documentaires, méthodologiques et pédagogiques importantes.
DES INITIATIVES LOCALES A PARTAGER ET A EVALUER
Une logique matricielle : les parcours de professionnalisation du CVRH de Mâcon. Faisant le constat d'absence de sollicitation structurée des services pour des formations au développement durable, le choix du CVRH a été de structurer l'offre de formation pour décliner les engagements du Grenelle. Cette structuration a permis d'élaborer un catalogue (un terme qui n'a ici aucune connotation péjorative) d'une soixantaine d'actions, relevant tantôt de la sensibilisation, tantôt du perfectionnement. Les modules inscrits au catalogue constituent autant d'actions mobilisables dans le cadre de parcours individuels de formation, mais aussi en référence au répertoire des emplois-types du ministère. Ainsi, pour le métier de «référent territorial», est défini un parcours constitué de 38 jours de formation liée aux compétences essentielles du métier et 38 jours de formations complémentaires et optionnelles. Un effort de formation qu'il faut mesurer à l'aune des enjeux d'acculturation des services au développement durable. Un effort de qualification : la formation diplômante au CVRH de Toulouse. Cette formation est issue du plan de développement des compétences de l'«agence de réseau» de Midi-Pyrénées qui fédère les capacités d'études des services du ministère dans la région. Son objectif est de donner aux agents une compétence reconnue dans l'analyse territoriale et une légitimité intellectuelle dans leur dialogue avec des partenaires de plus en plus qualifiés. Cette formation exigeante, qui retient les agents quatre jours par mois pendant dix mois, au CVRH et à l'université, se conclut par une maîtrise délivrée par l'université. Malgré l'effort que cela représente, pour l'agent mais aussi pour l'employeur, il y a consensus pour renouveler le processus, une seconde session étant en cours pour 2009-2010. Cette démarche a suscité un très grand intérêt, tant de la part de l'université qui manifeste ainsi sa volonté d'ouverture dans le milieu professionnel de l'aménagement, de l'environnement et du développement durable que de la part des agents et de leur hiérarchie: il y a eu pour la première session trois candidatures pour chaque place, malgré la diffusion relativement confidentielle de l'offre. Un tiers des agents sélectionnés étaient en poste en dehors de l'inter-région du CVRH. La formation délivrée, si elle n'est pas centrée sur le développement durable intègre beaucoup de ses composantes. La question qui se pose dès lors est celle de la pertinence de l'émergence d'une formation dédiée tout aussi qualifiante sur le développement durable ou d'une meilleure intégration du développement durable aux modules existants. L'autre question est celle d'une extension de cette démarche et de l'impulsion à donner en ce sens. Au niveau central? Au niveau local? Pour dépasser la collecte «anecdotique» d'actions de formation autour du développement durable, il serait intéressant de pouvoir disposer d'un état plus exhaustif des actions de formation proposées au niveau national et de procéder à l'évaluation des actions les plus significatives. Une commande pourrait être passée en ce sens au CEDIP (centre d'évaluation, de documentation et d'innovation pédagogique) du MEEDDM, ou à tout autre organisme compétent. Un groupe de travail pourrait avoir en charge sur la base de cette contribution, mais surtout des résultats d'audits en cours sur ce sujet au sein du CGEDD, de bâtir le cahier des charges d'une telle consultation. Alain LAVIELLE MIGT 4 Sud-Ouest
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4.5. La mobilisation du réseau scientifique et technique : un appui indispensable aux services
La réussite de la promotion de la politique de territorialisation du Grenelle (et on peut le dire aussi dans ce sens : la réussite de l'implication des services dans la territorialisation du Grenelle) dépend en grande partie de la mobilisation des DDT et des DREAL auprès des collectivités desquelles dépend pour l'essentiel la mise en oeuvre des orientations du Grenelle. Les services d'ores et déjà sont allés ou vont devoir aller le plus vite possible au contact, «se jeter à l'eau», sans attendre les actions de professionnalisation nécessaires et souhaitées (formations, méthodologies,...), pour apprendre (formation/action), et pour se forger des références. Mais en même temps, doit être soulignée l'urgence d'organiser la montée en régime des compétences, de même que la nécessité de disposer d'un appui méthodologique fort du réseau technique souhaité de part et d'autre.
UNE ÉVOLUTION À ACCÉLÉRER POUR RÉPONDRE AUX ENJEUX DU GRENELLE
L'ouverture vers de nouveaux partenariats Des partenariats forts et de plus grande ampleur qu'antérieurement sont à construire avec de nombreux acteurs et opérateurs, dont l'activité et les missions se sont souvent déployées en dehors du réseau Équipement en particulier. Le cas de l'ADEME est à cet égard emblématique, et les initiatives de rapprochement prises au niveau local visent à permettre de démultiplier l'action de celle-ci en faisant bénéficier l'agence de la réactivité du relais d'information et de la couverture géographique du réseau territorial des DDT et de leur connaissance des territoires et des acteurs et de légitimer les services eux-mêmes. Un management global de changement et de la compétence Le management interne du changement dans les services, dont l'importance n'a pas besoin d'être soulignée, sera d'autant compris et efficace qu'il s'appuiera sur la dynamique des actions d'appui lancées auprès des collectivités et de l'ouverture aux partenaires externes. Des actions de formation dans les domaines nouveaux sont évidemment très attendues (énergie, biodiversité, eau,...). Mais il faut rappeler combien est nécessaire de revisiter les missions «anciennes» (urbanisme, aménagement, déplacements,...) ainsi que les différentes démarches de mise en oeuvre des politiques publiques (procédures, subventions,...) qui ont souvent besoin d'être remises en perspective. En bref, les services ont donc à construire des «doctrines» qui prennent en compte l'ensemble de leurs domaines d'action pour les mettre en cohérence avec les objectifs du Grenelle et du développement durable. En matière de formation, outre l'urgence signalée, sont pointées d'une part la nécessité de mettre en place des modules adaptés à ce que font d'ores et déjà les services et à ce qu'ils ont l'intention de développer, et d'autre part celle d'organiser l'échanges d'expériences. L'écoute de ce qui se passe sur le terrain apparaît essentiel. Le niveau régional est sans doute le plus pertinent pour le faire.
DES COMMANDES À STRUCTURER TANT AU NIVEAU TERRITORIAL QUE NATIONAL
L'importance du pilotage des services Ce contexte permet d'éclairer ce qui attendu au niveau local du réseau scientifique et technique : appui méthodologique, participation à l'échange d'expérience, expertise,... et c'est d'ailleurs l'objectif qui est assigné aux CETE à travers la commande d'évolution de la circulaire de juillet 2008. Mais certaines conditions sont sans aucun doute à réunir pour réussir ce challenge.
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La pertinence et l'adéquation de l'offre des CETE (pour ne parler que de ceux-ci) va en grande partie dépendre de la qualité de l'animation et du pilotage des services par les DREAL (et de l'implication des CETE concernés dans ce processus) et de la commande régionalisée qui en découlera, avec la difficulté, inhérente à l'exercice, d'avoir à composer avec les différentes DREAL de leur périmètre d'action. Cela plaide d'ailleurs pour leur (re) donner de la souplesse dans leurs modalités d'appui aux services (forfait, droits de tirage,...), et accroître leur réactivité. De leur côté, les CETE aussi peuvent contribuer à la définition à la détermination du positionnement des services par la capitalisation des enseignements tirés de leur activité directe en faveur des collectivités et en profitant de l'évolution des conférences techniques interdépartementales sur les transports et l'aménagement (CoTITA) qui intègrent une meilleure représentation des collectivités pouvant faciliter l'analyse et la prise en compte des attentes et besoins de ces dernières. Coordonner la commande des administrations centrales avec la commande locale Il y a également à l'évidence un problème au niveau de la commande centrale au RST. D'une part en ce qui concerne le CERTU, les DAC le mobilisent en effet de façon différenciée : le DGITM l'utilise explicitement comme tête de réseau pour mobiliser le RST alors que la DGALN (qui concentre une grande partie des missions qui sont celles du CERTU) n'a pas intégré le rôle d'interface et la plus-value que peut jouer le CERTU dans une chaîne DAC/CERTU/CETE/Services déconcentrés. Cela se lit notamment dans l'évolution des crédits : ceux de la DGITM augmentent (notamment ceux consacrés aux transports collectifs, ainsi qu'au «partage de la voirie» qui montent en régime), alors que ceux de la DGALN ont baissé depuis la mise en place de la polarisation des CETE. Celle-ci «ne passe» donc pas par le CERTU, sauf pour des commandes ponctuelles ; elle n'a d'ailleurs pas de service d'étude fort et reconnu qui faciliterait le dialogue avec le RST. Autre exemple, la commande technique relative au bâtiment est très segmentée (confort d'été, confort d'hiver...) et les CETE commencent à exprimer la nécessité d'un réseau et d'une mise en cohérence. D'autre part, la polarisation des CETE a comme conséquence de relativement saturer les équipes par la commande centrale, lesquelles n'ont plus le temps de s'occuper du local ; la pratique de la DHUP qui les considère comme des bureaux d'étude «déconcentrés», en ne passant pas par le CERTU, y contribue fortement. Le CERTU le constate également au travers du retard des CETE pour sa propre commande (de l'ordre d'une année de décalage de paiement...). Le calibrage de la commande centrale pour laisser toute sa place à une prise en compte structurée et pérenne de la commande territoriale apparaît indispensable. De même, le rôle de plus-value que peut apporter le CERTU dans le pilotage des CETE demande à être éclairci notamment au niveau de la DGALN. Enfin, le CERTU, de par sa posture d'observateur avisé des actions des collectivités, peut sans aucun doute apporter sa contribution à la définition d'une stratégie de positionnement des services et d'appui à ceux-ci du RST ; encore faut-il le lui demander explicitement. Où est donc le lieu d'écoute des attentes et besoins des services régionaux et départementaux? Ce n'est pas le rôle direct du CERTU (sauf ponctuellement : exemple des SCOT «Grenelle») ; est-ce celui des CETE? Mais selon quel mode opératoire? Les CETE eux-mêmes disent qu'ils n'ont plus le temps (pas assez de temps?) pour s'occuper des services déconcentrés. Comment organiser la remontée : à partir des DREAL?
POUR RÉUSSIR, TROIS MOTS-CLÉS : ANALYSER, COORDONNER ET STRUCTURER
De tout cela, si l'on est convaincu que c'est au niveau local que va se jouer en grande partie la réussite de la politique de territorialisation du Grenelle, par la qualité du portage des politiques publiques afférentes par les services auprès des collectivités, découlent trois nécessités :
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celle de problématiser le positionnement des services auprès des collectivités et de
définir des orientations d'action vis-à-vis de celles-ci ; une analyse stratégique de leurs besoins et attentes, s'appuyant sur l'expérience et la connaissance des territoires par les services apparaît indispensable pour ne pas dire incontournable : y a-t-il une segmentation grandes/moyennes collectivités? Quels sont les domaines à investir pour répondre à leurs attentes?
- celle d'organiser l'écoute des attentes et besoins des services eux-mêmes, en matière de
formation, de méthodologie, d'échanges d'expérience, et de capitaliser leurs pratiques, souvent en avance, même si elles requièrent appui et méthode pour progresser ;
- celle de structurer au niveau régional la commande au réseau technique, en articulation
et en cohérence avec la commande centrale, ce qui renvoie aux modalités de gouvernance de celui-ci. Bernard DURU, MIGT 6-Lyon
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5. QUELLES ATTENTES ET COLLABORATIONS SUR LES TERRITOIRES ?
La réussite du Grenelle se mesurera par la mise en oeuvre concrète de ses engagements sur le terrain, et donc par la réussite de sa territorialisation ; celle-ci ne peut qu'être le résultat d'une oeuvre collective impliquant les services de l'État mais aussi les collectivités territoriales, les acteurs économiques, la société civile. Cette conviction à conduit à rencontrer, dans le cadre de la démarche, un certain nombre d'interlocuteurs externes, et notamment des associations d'élus. Cette partie du rapport retrace les préoccupations qu'ils ont exprimées lors de ces rencontres.
LE RÔLE DETERMINANT DES COLLECTIVITES DANS LA TERRITORIALISATION DU GRENELLE MAIS AUSSI LEUR INQUIETUDE
FACE AUX REFORMES EN COURS
Les collectivités territoriales ont un rôle déterminant dans la concrétisation des engagements du Grenelle, parce qu'il leur revient dans le contexte de la décentralisation de mettre en oeuvre localement les politiques publiques, parce qu'elles représentent aussi plus de 70% des investissements publics, parce que, enfin, elles sont au plus près des acteurs du terrain, là où se concrétisent les projets. Depuis le sommet de la terre de Rio, en 1992, nombre d'entre elles sont déjà engagées dans des démarches et actions relevant d'un développement plus soutenable. Il s'agit donc pour les services de l'État tout autant de valoriser les initiatives déjà prises, de faciliter leur généralisation sur l'ensemble du territoire, que d'en élargir le champ en veillant toutefois à la cohérence des actions menées. Dans un tel contexte, la démarche de l'État doit être résolument partenariale, mais quelles sont les attentes exactes de ces partenaires vis à vis des services déconcentrés de l'État? Une volonté affirmée d'être parties prenantes dans la définition des mesures du Grenelle qu'elles auront à mettre en oeuvre Si ce sont les organisations non gouvernementales, et tout particulièrement les associations de protection de l'environnement, qui se sont le plus mobilisées pour susciter la démarche, puis participer au Grenelle, les grandes associations d'élus ne sont pas pour autant restées en retrait, loin de là. Les raisons qu'elles avancent sont principalement de deux ordres :
- plusieurs d'entre elles s'étaient déjà engagées, à partir d'initiatives locales et notamment
de démarches d'agendas 21, dans la rédaction de chartes pour l'environnement et le développement durable. Elles estimaient donc pouvoir contribuer très concrètement à l'élaboration des propositions ;
- un nombre appréciable de mesures retenues relèveront pour leur application des
autorités publiques décentralisées. Il leur importait donc d'être associées le plus en amont possible à leur définition et à l'évaluation de leur impact. Dans le cadre des lois traduisant les conclusions du Grenelle de l'environnement (lois Grenelle et lois de finances), elles vont en effet être conduites à intégrer de nouveaux objectifs liés à la lutte contre le réchauffement climatique, à la maîtrise de la consommation d'énergie et d'espace, à la protection de la biodiversité... Les associations d'élus demandent donc à être étroitement associées à l'élaboration des dispositifs, des schémas et des normes qu'elles devront prendre en compte dans le cadre de leurs compétences. De fortes inquiétudes liées à la réforme des collectivités territoriales Les débats en cours sur la réforme des collectivités territoriales ne sont pas sans répercussions sur leurs approches de la territorialisation du Grenelle... La demande d'être une partie prenante reconnue à part entière n'est pas formulée sans inquiétude par l'ADF qui
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estime que les départements sont les grands oubliés des textes d'application du Grenelle de l'environnement. Ils demandent notamment que leur rôle dans la gestion des territoires, notamment des infrastructures routières (support des transports en commun, de modes de déplacement doux) mais aussi des espaces naturels et agricoles, et donc de la future trame verte et bleue, soit expressément visé.
UNE EVOLUTION PRUDENTE DE LA GOUVERNANCE TERRITORIALE
Plus que par l'élaboration de nouvelles règles, c'est par l'information et la vulgarisation des bonnes pratiques que les associations d'élus estiment que les engagements du Grenelle rentreront le plus efficacement dans les faits. Le développement d'un partenariat entre parties prenantes sur la base de critères clairement définis constitue un axe de progrès qu'elles entendent promouvoir. Un changement progressif de culture : participation et évaluation Pour l'AMF comme pour l'ADF, les Agendas 21 ont bien préparé les collectivités locales à se fixer des objectifs, à jouer la transparence, à développer la participation des acteurs locaux, et une culture de l'évaluation commence à émerger dans leurs démarches. Mais les collectivités reconnaissent que ces démarches ne sont pas exemptes de difficultés comme celles de se fixer des objectifs trop ambitieux (par exemple, dans les plans carbone). L'intégration des objectifs et plans d'actions de l'ensemble des parties prenantes, notamment des entreprises, ne leur paraît pas non plus évidente. Se posent également des problèmes de vocabulaire, de méthodes de travail, de choix pour les organismes d'animation, d'évaluation. Pour mener ces exercices, les élus constatent la multiplication de bureaux d'études spécialisés dont ils ont du mal à apprécier la réelle qualité des prestations. Certaines collectivités regrettent en ce domaine le manque de conseil, d'assistance, de la part des services de l'État jugés par nature indépendants. Les collectivités sont de plus en plus conscientes de la nécessité de développer des outils d'évaluation des politiques menées (observatoires, diagnostics territoriaux, guides et référentiels) mais les dispositifs d'évaluation ne sont encore qu'émergents et sans aucun lien avec le contrôle de gestion qui commence par ailleurs à se développer sur la base de référentiels ; des cellules d'audit sont mises progressivement en place. Là encore, les associations d'élus s'efforcent de relayer et diffuser les "bonnes pratiques". Il y a en ce domaine selon l'AMF une réelle attente de la part des collectivités envers l'État pour que soit menée une évaluation conjointe des démarches contractuelles (État exemplaire? Apprentissage partagé?) mais aussi une attente de plus de rigueur dans la façon de conduire les démarches expérimentales lancées par l'État : elles sont le plus souvent généralisées sans véritable évaluation. Les élus souhaitent avant toute chose des règles claires ; pour eux, celles appliquées par l'État au principe de réversibilité des expérimentations ne le sont pas. Une évolution du partenariat contractualisé : vers la conditionnalité des aides? Les collectivités territoriales sont de plus en plus nombreuses à regrouper leurs interventions -entre elles ou en soutien à des partenaires privilégiés- dans des engagements contractuels annuels, voire pluriannuels. Selon l'ADF, certains conseils généraux n'hésitent plus à introduire dans les conventions qu'ils proposent aux établissement publics de coopération intercommunale (EPCI) des clauses de conditionnalité et des cibles obligatoires comme le respect de l'article 55 de la loi SRU, l'application des normes HQE..., le non-respect des cibles entraînant la modulation des aides lors de leur versement. Il s'agit là d'un très efficace moyen de favoriser la mise en oeuvre de nombre d'engagements du Grenelle. C'est le dispositif désormais appliqué pour la gestion des fonds «chaleur» et «déchets» gérés par l'ADEME dont l'accès est désormais assujetti de clauses d'écoconditionnalité : l'accent est mis sur la prévention et le taux de subvention est lié au respect des objectifs cibles affichés selon le même principe que précédemment énoncé. C'est cette démarche de contractualisation globale et cohérente que les collectivités engagées dans des démarches de développement durable souhaiteraient pouvoir
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développer avec l'État sur la base de leur agenda 21. La posture offensive d'une agence comme l'ADEME L'ADEME s'implique pleinement dans la territorialisation du Grenelle comme elle l'a fait dans sa préparation. Ses domaines de compétence comme ses modalités d'intervention auprès des acteurs locaux s'y prêtent particulièrement. Sa pratique ancienne de la contractualisation avec les collectivités mais aussi ses interventions auprès des entreprises et des associations lui ont fourni l'occasion de développer un partenariat d'anticipation dans des secteurs très variés comme «la production et la consommation responsables» ou encore «l'efficacité énergétique» en investissant des champs comme la pédagogie, la formation, le diagnostic et l'évaluation. L'amplification de ses activités suite au Grenelle n'est pas sans conséquence sur son plan de charge et donc sur les choix de priorités qu'il lui revient d'effectuer en interne entre le soutien à l'innovation pour précéder les évolutions technologiques et la gestion des fonds pour répondre aux besoins immédiats. Elle pose également la question de l'articulation de son action avec celle ses services de l'État sur le territoire.
LE BESOIN D'UNE INGENIERIE TERRITORIALE RENFORCEE ET D'UNE EXPERTISE TECHNIQUE DE QUALITE
Un certain nombre d'engagements du Grenelle vont se traduire dans des réglementations techniques nouvelles qui ne sont pas sans inquiéter les élus, tout particulièrement les maires des communes rurales. l'AMF relaie cette inquiétude en la focalisant sur les trois points suivants :
- Le constat d'une perte de compétence technique des services de l'État
Sur le terrain, ce qui est avant tout perçu par les maires, ce sont les impacts de la revue générale des politiques publiques (RGPP) et une inquiétude s'exprime face à la perte d'expertise technique de l'État local. En parallèle, se multiplient des bureaux d'études dont les élus et leurs services ont du mal là encore à apprécier les réelles compétences, notamment en matière de rénovation thermique des bâtiments. Il y a une attente d'accompagnement et d'«aval technique» aux propositions de ces bureaux d'études.
- Le nécessaire développement d'une ingénierie territoriale
Pour réussir le Grenelle, il faut de l'ingénierie pour appuyer les décisions des maîtres d'ouvrage et leur permettre d'être des décideurs éclairés. Les intercommunalités s'organisent progressivement pour répondre à ce besoin d'ingénierie technique ; les progrès sont certains en matière d'urbanisme mais beaucoup de domaines ne sont pas encore investis. Les syndicats d'électrification sous-traitent par exemple les études d'efficacité, ce qui complique les phases de décision. Les services de l'État ou des établissements publics comme l'ADEME peuvent donner des conseils dits de premier niveau (cahiers des charges) mais ne peuvent faire les études proprement-dites. Face à l'investissement des bureaux d'études comme des maîtres d'oeuvre, il paraît indispensable que les maîtres d'ouvrage publics renforcent leur propre capacité technique.
- L'identification du niveau régional comme niveau pertinent de conseil
Si les collectivités ressentent le besoin de renforcer leur ingénierie (et l'achèvement de la carte de l'intercommunalité devrait en favoriser l'organisation), elles ont aussi besoin de conseils de haut niveau d'expertise. Le niveau régional apparaît pour l'AMF être le bon niveau et un organisme comme l'ADEME qui s'est, de son point de vue, bien réorientée sur l'énergie, est jugé bien placé pour assurer une telle expertise. Elle ne ressent pas en revanche d'approche nouvelle de la part des services de l'État au niveau local pour la mise en oeuvre des thématiques du Grenelle. Les associations d'élus sont toutefois conscientes que l'importante réorganisation des services en cours les mobilise prioritairement et ne leur permet pas d'avoir des actions très lisibles. De fait, les élus
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attendent la mise en place des nouvelles structures, notamment au niveau départemental, pour reprendre leur collaboration avec les services de l'État qu'ils jugent globalement bonne et nécessaire. Des organismes comme les CETE ou le CERTU ne sont pas spontanément identifiés par elle comme structures d'expertise.
UNE INQUIETUDE FACE AU RENFORCEMENT DE L'ETAT DANS LA PLANIFICATION TERRITORIALE
Poursuite de la collaboration avec les services de l'État, développement d'un partenariat contractualisé, sont sans aucun doute appelés de leurs voeux par la grande majorité des élus. Mais les lois du Grenelle renforcent également le rôle des préfets en leur reconnaissant par exemple un pouvoir de substitution pour déterminer ou étudier un périmètre de SCOT. L'AMF a émis des réserves sur ce point, redoutant un risque d'«autoritarisme» des préfets, alors que beaucoup d'entre eux raisonnent encore sur le périmètre trop étroit du département, en négligeant la réalité des bassins de vie. Des évolutions positives permettant de dépasser ces positions sont heureusement observables, notamment dans le travail des commissions départementales d'aménagement commercial (CDAC) qui s'affranchit maintenant beaucoup mieux de limites territoriales étroites. Sur le sujet des PLU intercommunaux, l'AMF confirme également son désaccord vis à vis de l'attribution par la loi de la compétence PLU aux intercommunalités. Elle considère que la couverture obligatoire par le PLU de la totalité du périmètre de l'EPCI peut apparaître comme une mesure disproportionnée au regard des enjeux de certains territoires ruraux. Enfin, en matière de planification en général, elle exprime le sentiment d'une accumulation des plans thématiques qui s'empilent sans hiérarchie, ni mise en cohérence. Les élus ont du mal à s'y retrouver et peinent à s'approprier tous ces outils. Les maires commencent également à s'inquiéter du contenu des PLU «mis à toutes les sauces». De plus, l'élaboration de tous ces plans prend du temps, surtout lorsqu'il faut associer la population. Pour les élus locaux, la dimension temporelle nécessaire à tout exercice de planification participatif n'est pas suffisamment prise en compte dans les procédures règlementaires. Face au renforcement des planifications thématiques déclinés dans les lois du Grenelle, les schémas de cohérence territoriale (SCOT) apparaissent pour l'AMF comme étant le bon outil pour assurer la meilleure intégration des politiques publiques et correspondre à la bonne échelle pour assurer, comme son nom l'ambitionne, leur cohérence territoriale. Annick HELIAS Section 3 Michèle JOIGNY MIGT 2-Paris
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6. QUELQUES PISTES POUR POURSUIVRE LA RÉFLEXION ENGAGÉE
L'objectif de la territorialisation du Grenelle est de mettre l'ensemble des acteurs de la société en mouvement sur des orientations et des projets partagés afin de mieux faire accepter les changements nécessaires, d'améliorer collectivement les projets, tout en limitant les blocages et les contentieux. C'est un immense chantier qui vient tout juste de démarrer. Il est trop tôt pour en évaluer les premiers résultats -la loi Grenelle II n'est pas encore votée- mais la démarche est lancée et il paraît indispensable que le dispositif mis en place pour suivre les engagements du Grenelle soit pérennisé en s'appuyant sur les mêmes principes qui ont présidé à leur élaboration. Pour y contribuer, tous les services de l'État ont été invités à se mobiliser, soit en agissant directement dans leurs champs de responsabilité propre, soit en impulsant les principes et priorités du Grenelle auprès des acteurs du territoire. Mais pour être pleinement efficace, le rôle d'impulsion de l'État doit être organisé, maîtrisé (connaissance stratégique des territoires, intégration des principes du développement durable dans les modalités d'intervention et de fonctionnement interne, dans la formation des agents, dans le dialogue de gestion pour accompagner les évolutions indispensables...). «L'État exemplaire» en matière de développement durable doit être lisible dans son action prise dans sa globalité. Au terme de cette réflexion exploratoire sur la territorialisation du Grenelle qui n'avait d'autre ambition que d'apporter un éclairage sur certains de ses aspects, quelques recommandations peuvent être formulées et des pistes proposées pour poursuivre la réflexion interne engagée au sein du MEDDM. Il n'est pas surprenant qu'elles concernent les grands thèmes qui l'ont structurée : la «gouvernance à 5», l'intégration du développement durable dans les politiques publiques, «l'évaluation globale».
LA «GOUVERNANCE A 5» ET SA DECLINAISON SUR LE TERRAIN
La plupart des contributions abordent ce thème porteur de changements significatifs de la part des services de l'État dans l'exercice de leurs missions traditionnelles (missions de conseil, missions régaliennes), mais aussi d'exigences nouvelles :
- développer une vision stratégique des territoires, indispensable à la définition d'objectifs
pertinents, à des «porter à connaissance» et des avis au titre de l'autorité environnementale de qualité ;
- organiser une expertise technique et juridique de haut niveau en mobilisant auprès des
services le réseau scientifique et technique et les centres de recherche. A la demande du CGDD, Le thème de la «gouvernance à 5» fait l'objet d'une mission en cours au sein du CGEDD. Il est proposé de lui donner un prolongement sous forme d'audits d'initiative locale en choisissant deux ou trois territoires pour approfondir les premières observations recueillies, notamment dans les exercices de planification (co-élaboration, association, information, dispositifs de suivi et d'évaluation). Ce travail pourra dans un second temps faire l'objet d'un audit général sur les changements observés dans les pratiques des services et les conséquences à en tirer pour améliorer la contribution de l'État à la gouvernance territoriale.
L'INTEGRATION DES PRINCIPES DU DEVELOPPEMENT DURABLE DANS LES EXERCICES DE PROGRAMMATION ET DE PLANIFICATION
Le Grenelle a renforcé l'intégration des principes du développement durable dans les politiques publiques et l'exigence de mise en cohérence entre elles dans le temps comme dans l'espace. Les outils de planification sont particulièrement concernés par cette exigence,
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mais aussi les exercices de programmation pluriannuelle menés avec les acteurs locaux au premier rang desquels les collectivités territoriales. Ainsi que l'Association des Maires de France l'a souligné, le sentiment des acteurs locaux est aujourd'hui celui d'une accumulation de plans thématiques qui s'empilent sans hiérarchie, ni mise en cohérence. Pour répondre à cette inquiétude, la capacité de deux outils pourrait être plus particulièrement étudiée :
- les agendas 21 dont l'intérêt est de garantir la cohérence des plans d'action territoriaux.
Ils pourraient devenir de véritables supports d'une programmation pluriannuelle susceptible de faire l'objet d'une contractualisation entre parties prenantes (avec clauses de conditionnalité) ;
- les schémas de cohérence territoriale (SCoT) comme outils intégrateurs des politiques
publiques dans les bassins de vie, traduisant dans l'espace de véritables projets de territoire porteurs des objectifs du Grenelle de l'environnement.
LA PRATIQUE DE «L'EVALUATION GLOBALE»
La France peine à développer une véritable culture de l'évaluation. Plus que la mise au point de référentiels dont certains existent déjà, ce sont les phases portant d'une part sur la fixation d'objectifs clairs et réalistes, d'autre part, sur la définition d'un dispositif de suivi-évaluation dès la définition de la politique, du programme ou du projet, qui soulèvent le plus de difficultés dans les exercices engagés. «L'évaluation globale» est l'un des trois thèmes de réflexion lancés par le CGEDD en 2009. Plusieurs contributions réunies dans ce rapport ont évoqué cet enjeu. Cette réflexion est un chantier à mener prioritairement en interne mais il serait intéressant d'y associer des représentants de parties prenantes. L'AMF, qui reconnaît que sur ce sujet les collectivités territoriales sont en phase d'apprentissage, a formulé le souhait de développer des démarches d'évaluation conjointes avec l'État sur des politiques partenariales. Une invitation à saisir ?
Annick HELIAS
Section 3
Michèle JOIGNY
MIGT 2-Paris
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Annexes
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1. LETTRE DE COMMANDE
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2. CAHIER DES CHARGES
CONSEIL GENERAL DE L'ENVIRONNEMENT ET DU DEVELOPPEMENT DURABLE
Thème de réflexion n° 3 pour l'année 2009 : « Développement durable des territoires : la territorialisation du Grenelle »
CAHIER DES CHARGES
6.Objet du projet Dans le cadre du projet CGEDD, il est prévu de traiter chaque année des thèmes de réflexion liés au développement durable. Chacun de ces thèmes doit pouvoir mobiliser les membres du conseil dans l'ensemble des sections et des MIGT. Le thème de réflexion n°3 porte sur « l'approche du développement durable des territoires et de leur gouvernance ». Il renvoie à des problématiques multiples portant notamment sur la gouvernance territoriale, la prospective territoriale, la territorialisation des politiques publiques, les relations entre l'État et les collectivités locales et, d'une façon générale, sur les modalités de mise en oeuvre des politiques publiques en France. La réflexion sur l'ensemble de ces problématiques ayant vocation à se prolonger sur plusieurs années, il est proposé pour 2009 de cibler la réflexion sur le thème de la « territorialisation du Grenelle ». Lors de l'élaboration de cette proposition, le contenu de la circulaire d'application n'était pas encore connu mais il paraissait déjà évident à toutes les parties prenantes que la réussite du Grenelle de l'environnement reposait sur la mise en oeuvre sur le terrain des engagements pris. Aussi la réflexion proposée sur les modalités de cette mise en oeuvre s'est-elle sensiblement modifiée pour se cibler sur le contenu même de la circulaire articulé autour des cinq principales politiques sectorielles impactées par le Grenelle et telles qu'elles sont définies dans la circulaire du 23 mars 2009 :
la lutte contre le changement climatique (rénovation thermique des bâtiments, transports
et déplacements, énergies renouvelables) ;
l'urbanisme et l'aménagement du territoire ; la qualité des milieux naturels et la préservation de la biodiversité ; le traitement des déchets (réduction à la source de la production, valorisation, qualité des
installations) ;
la prévention des risques (plans santé-environnement, réduction de l'exposition).
Il s'agira pour le CGEDD d'examiner les objectifs fixés, les procédures mises en place, les moyens humains et financiers mobilisés. Pour cela, l'équipe projet établira une grille d'analyse des différentes instructions relatives à la « territorialisation du Grenelle » en identifiant :
les objectifs poursuivis (indicateurs de résultat quand ils existent) : lecture analytique
des fiches de la circulaire enrichies des engagements du Grenelle, des mesures correspondantes des lois Grenelle et des lois de finances, de la SNDD ...
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Pour les principaux d'entre eux :
les procédures ou méthodes utilisées pour leur mise en oeuvre par les services
déconcentrés et/ou autorités locales (qui fait quoi) analyse des modalités d'intervention des services (priorisation des actions et identification des territoires à enjeux nationaux ; évaluation des plans, programmes et projets ; contrôles et polices ; conventions et crédits d'intervention ; coordination des EP et mobilisation des expertises RST) et plus particulièrement de l'évolution de ces modalités pour mieux prendre en compte le DD.
les leviers d'action mobilisés (réglementaires, fiscaux...) : analyse de l'opérationnalité des
leviers d'action mis à disposition des services. Ces analyses devraient permettre de formuler un certain nombre de préconisations visant à améliorer la performance de ces procédures et leviers d'action au regard des objectifs à atteindre. Au terme de cette première réflexion, l'ambition est donc de préparer un cadre pour une évaluation ex-ante de la démarche de « territorialisation du Grenelle ». 2. Méthode de travail et organisation Deux axes guideront l'organisation du projet :
Le premier axe est interne au CGEDD (section, collèges et MIGT) ; il vise l'appropriation
par chacun de la démarche « territorialisation du Grenelle » et la production de contributions qui seront assemblées dans le rapport final.
Le second axe correspond à un travail préparatoire à ce qui pourrait devenir un audit
d'initiative nationale : il s'agirait de voir comment, au sein du MEEDAT, les services se sont mis en marche pour promouvoir les engagements du Grenelle d'une part, d'analyser les premiers résultats obtenus, d'autre part. La contribution des MIGT sera à ce titre particulièrement sollicitée pour effectuer l'analyse des objectifs fixés aux services par la circulaire du 23 mars 2009 et des premières procédures mises en place concernant notamment les partenariats locaux15. Pour assurer une large association des membres du CGEDD, deux structures de projet sont constituées, sous le pilotage d'Annick HELIAS et de Michèle JOIGNY désignées par le bureau du CGEDD du 23 avril 2009 pour animer cette démarche. Une équipe projet composée de deux « territoriaux » (coordonnateurs de MIGT) et de quatre correspondants désignés par les présidents de section pour leurs compétences spécialisées dans les différentes politiques sectorielles définies ci-dessus. L'équipe projet aura à charge de conduire les entretiens avec les principaux acteurs impliqués dans la territorialisation du Grenelle (DAC, ADEME ; RST ; référents DR-DREAL et DDEA ; AMF, ADF, ARF ; FNPNR, FNAU..). Elle aura également à assurer l'ouverture vers d'autres conseils et services d'inspection, au premier chef le CGIET et le CGAER, susceptibles d'apporter leur contribution dans la démarche. Elle aura enfin à assurer l'assemblage de l'ensemble des contributions et la réalisation des productions attendues dans le cadre de ce projet. Il s'agira pour l'équipe de se positionner comme « ensemblier » des différentes réflexions au sein du CGEDD sur le champ de la « territorialisation du Grenelle ». Un groupe plénier associant des représentants et « personnes-ressources » de l'ensemble des MIGT et sections. Les membres de ce groupe auront à charge de porter les contributions des collèges s'impliquant dans la démarche et, pour les représentants des MIGT, de conduire, sur la base de la grille d'analyse élaborée dans le cadre du projet, une approche territoriale de l'action
15
Voir par exemple la proposition des régions Alsace et Languedoc-Roussillon pour un contrat État-région pour la mise en oeuvre des engagements du Grenelle. Approche du développement durable des territoires et de leur gouvernance : Regards sur la territorialisation du "Grenelle" - Janvier 2010 66/72
des services. Trois réunions du groupe plénier sont prévues aux moments-clé de la démarche de projet (cf. calendrier). 3. Les productions attendues Il est attendu que chaque thème de réflexion fasse l'objet d'un rapport en fin d'année sous une forme permettant d'assurer une diffusion auprès d'un large public. En complément, la démarche vise la production d'un cadre d'évaluation de la démarche de « territorialisation du Grenelle », permettant de suivre et d'analyser, sur la durée, les actions conduites par les services et les résultats obtenus. Enfin, la démarche débouchera sur l'organisation de séminaires de restitution, en direction principalement des services du ministère, mais pouvant utilement associer les autres acteurs locaux porteurs de la territorialisation du Grenelle. 4. Calendrier prévisionnel
Équipe projet :
mise en place le 16 juin 2009 réunions mensuelles jusqu'en janvier 2010 mise en place le 17 septembre 2009 réunion du groupe en octobre et décembre 2010
Groupe plénier :
Productions :
contributions des sections, des collèges, des MIGT en continu et au plus tard le 15 novembre 2009 rédaction du rapport pour le 31 décembre 2009 séminaire de restitution : premier semestre 2010.
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3. LISTE DES CONTRIBUTEURS ET DES PERSONNES RENCONTRÉES
A. Équipe projet
Noms AUSSOURD BRILLET CARDOT HELIAS JOIGNY LAURENS MEAUX MERCHADOU RIMOUX SESBOUE SIMON-ROVETTO Prénoms Philippe Bernard Denis Annick Michèle Denis Marie-Line Chantal Lionel Éric Marie-Françoise Sections et MIGT Sciences et techniques (5) Commission spéciale du développement durable Risques, sécurité et sûreté (4) Aménagement durable des territoires (3) MIGT 3/4 Commission permanente des ressources naturelles Économie, transports et réseaux (2) Droit, logement et société (1) Personnels et services (6) MIGT 6 Droit, logement et société (1)
B. Contributeurs et autres membres du groupe plénier
Noms BRUNETIERE CAUVILLE CHAPERON DURU GAZEAU GUERBER-LE GALL KBAIER LAVIELLE MAILLOT PAUC PUECH
Prénoms Jean-René Didier Joël Bernard Jean-Claude Annick Rouchdy Alain Henri Jean-Claude Patrick
Sections et MIGT Commission spéciale du développement durable MIGT 8 MIGT 9 MIGT 10 Sciences et techniques (5) Aménagement durable des territoires (3) Droit, logement et société (1) MIGT 7 MIGT 6 MIGT 11 MIGT 5
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Noms
Prénoms
Sections et MIGT
RAVART REBEILLE-BORGELA SCHMITT VANDEWALLE
Jean-Louis Emmanuel Mireille Bernadette
MIGT 12 Droit, logement et société (1) MIGT 7 MIGT 1
C. Personnes rencontrées
Noms PELISSARD OBERLE Prénoms Jacques Sylviane Organismes AMF AMF Fonctions Président Responsable du département DD Dates 15/12/09 15/12/09
POURQUIER
Jean-Paul
ADF
Président de la commission « environnement, DD et agriculture » Chef du service « aménagement du territoire » Chargé d'études DD
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HERSCU
Philippe
ADF
22/10/09
ELOIRE
Benjamin
ADF
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RAVAILLAULT
Jacques
ADEME
Directeur de l'action régionale
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Présent pour l'avenir
Conseil général de l'Environnement et du Développement durable 7e section secrétariat général bureau Rapports et Documentation
Tour Pascal B - 92055 La Défense cedex Tél. (33) 01 40 81 68 12/45
www.cgedd.developpement-durable.gouv.fr
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