Ours des Pyrénées : territoires de présence et gestion des populations.

LAURENS, Denis ; RIBIERE, Georges

Auteur moral
France. Conseil général de l'environnement et du développement durable
Auteur secondaire
Résumé
Sur la base d'une étude comparative avec l'Espagne, l'Italie, la Slovénie et les États Unis, le rapport formule tout d'abord des propositions visant à une meilleure cohabitation entre ours et activités humaines. Il propose ensuite une méthode de qualification des territoires de présence dans les Pyrénées illustrée de cartes puis traite de la gestion des populations d'ours, de l'information et de la concertation. Une dernière partie aborde enfin la valorisation de l'espèce. Sur un plan général, il s'inscrit dans le cadre global de l'aménagement équilibré de la montagne pyrénéenne et de l'organisation des activités dans l'espace, plaçant au même niveau biodiversité, élevage et autres activités présentes sur le massif avec pour objectif la reprise du dialogue entre les parties concernées à partir de propositions nouvelles pouvant s'intégrer aux axes stratégiques du schéma interrégional du massif des Pyrénées.
Editeur
CGEDD
Descripteur Urbamet
faune ; élevage
Descripteur écoplanete
faune sauvage ; ours ; chasseur ; randonnée pédestre ; chasse
Thème
Environnement - Paysage
Texte intégral
IGE/07/037 Mai 2008 Ours des Pyrénées : territoires de présence et gestion des populations par Denis LAURENS Ingénieur général du génie rural des eaux et des forêts Georges RIBIÈRE Chargé d'inspection générale Membres de l'inspection générale de l'environnement SOMMAIRE 1 RESUME DU RAPPORT_____________________________________ 1 2 PREAMBULE ______________________________________________ 3 2.1 2.2 Objet et contexte de la mission_________________________________ 3 Méthode de travail __________________________________________ 4 3 LES ENSEIGNEMENTS DE L'ANALYSE COMPARATIVE _______ 5 4 LES TERRITOIRES DE PRESENCE DE L'OURS ______________ 11 4.1 L'ours et ses territoires _____________________________________ 11 4.1.1 l'habitat de l'ours ___________________________________________ 11 4.1.2 le comportement de l'ours _____________________________________ 13 4.1.3 les territoires de l'ours________________________________________ 13 4.2 Les territoires du pastoralisme _______________________________ 16 4.2.1 l'état du pastoralisme dans les Pyrénées __________________________ 16 4.2.2 le pastoralisme, les milieux naturels et la faune sauvage ______________ 18 4.2.3 les territoires du pastoralisme __________________________________ 19 4.3 La qualification des territoires de présence _____________________ 21 4.3.1 4.3.2 4.3.3 4.3.4 4.3.5 l'exigence préalable de territoires favorables ______________________ l'hypothèse du cantonnement ___________________________________ la qualification des territoires de présence_________________________ la concertation sur la qualification des territoires___________________ l'optimisation de la qualification des territoires_____________________ 21 23 25 29 30 4.4 Les mesures à prendre dans les territoires de présence ____________ 31 4.4.1 4.4.2 4.4.3 4.4.4 l'adaptation de la gestion forestière______________________________ la participation des chasseurs et des randonneurs ___________________ l'amélioration de la disponibilité alimentaire ______________________ le renforcement des mesures de coexistence avec le pastoralisme ovin____ 32 35 37 41 4.5 Les mesures à prendre en dehors des territoires de présence _______ 43 4.5.1 les mesures vis à vis des ours présents ____________________________ 43 4.5.2 les mesures de protection et de réparation des prédations._____________ 44 4.5.3 le suivi ____________________________________________________ 44 5 LA GESTION DES POPULATIONS D'OURS __________________ 45 5.1 L'optimisation du suivi______________________________________ 45 5.1.1 le suivi actuel de la population d'ours____________________________ 45 5.1.2 l'optimisation du suivi ________________________________________ 48 5.2 Les moyens du suivi ________________________________________ 50 5.2.1 5.2.2 5.2.3 5.2.4 la situation dans les autres pays_________________________________ le renforcement de l'ETO ______________________________________ la densification des stations de suivi _____________________________ le développement du Réseau ours brun____________________________ 50 51 52 53 5.3 5.4 5.5 5.6 La sécurité des personnes____________________________________ 54 La gestion des ours à problèmes ______________________________ 55 La coopération avec l'Espagne et l'Andorre_____________________ 58 L'information et la concertation ______________________________ 59 5.6.1 l'information et la communication _______________________________ 59 5.6.2 la concertation et la gouvernance _______________________________ 60 6 LA VALORISATION DE LA PRESENCE DE L'OURS___________ 61 6.1 6.2 le produit ours ____________________________________________ 61 l'image de l'ours ___________________________________________ 63 ANNEXE 1 : ANNEXE 2 : ANNEXE 3 : ANNEXE 4 : ANNEXE 5 : ANNEXE 6 : ANNEXE 7 : ANNEXE 8 : ANNEXE 9 : ANNEXE 10 : LETTRE DE MISSION MISSION DANS LES ASTURIES MISSION DANS LE TRENTIN MISSION EN SLOVENIE MISSION DANS LE MONTANA ANALYSE JURIDIQUE DEMARCHE ADOPTEE DANS LE TRENTIN DEFINITION DES TERRITOIRES DE PRESENCE PERSONNES ET ORGANISMES RENCONTRES ELEMENTS BIBLIOGRAPHIQUE 1 RESUME DU RAPPORT A la suite de la réunion du 26 juillet 2007 à Toulouse sur le Plan de restauration et de conservation de l'ours brun dans les Pyrénées françaises, la secrétaire d'Etat à l'écologie a demandé à l'Inspection générale de l'environnement (IGE) une expertise pour aboutir à une meilleure définition des territoires de présence des ours, au renforcement du suivi des populations d'ours, au partage des informations entre les parties prenantes et à la valorisation de la présence de l'espèce. Cette mission devait en particulier examiner la situation d'autres pays pour en établir des comparaisons avec la France et formuler sur les bases de ces analyses comparatives des propositions visant à une meilleure cohabitation entre ours et activités humaines. Quatre déplacements ont été effectués : en Espagne dans les monts Cantabriques en novembre 2007 ; en Italie dans la région du Trentin-Haut-Adige en décembre 2007 ; en Slovénie dans le secteur de Kocevje début février 2008 et aux Etats-Unis dans le Montana fin février 2008. Pour chacun de ces déplacements, la délégation française, emmenée par la mission IGE, était constituée d'élus locaux, de fonctionnaires, de représentants des éleveurs et/ou des bergers, de représentants des chasseurs et d'associations d'environnement. Il était également demandé de procéder à une large consultation, permettant de compléter l'analyse comparative externe par une analyse comparative complémentaire sur le massif pyrénéen. De nombreux entretiens individuels ou collectifs et des visites de terrain ont ainsi été effectués entre les déplacements à l'étranger. Ces entretiens ont par ailleurs été coordonnés avec ceux de la mission chargée de conduire l'évaluation à mi-parcours du Plan de restauration. Dans une première partie, ce rapport présente les constats généraux issus des déplacements à l'étranger et faisant ressortir points communs et différences. Le rapport propose ensuite une méthode de qualification des territoires de présence dans les Pyrénées en l'illustrant de cartes. Dans une troisième partie, il traite de la gestion des populations d'ours, de l'information et de la concertation. La quatrième partie aborde la valorisation de la présence de l'espèce. Les annexes comprennent notamment les compte-rendus factuels des voyages, élaborés au retour des déplacements et adressés pour observations à chacun des participants. Sur un plan général, la mission a souhaité inscrire son rapport dans le cadre global de l'aménagement équilibré de la montagne pyrénéenne et de l'organisation des activités dans l'espace, plaçant au même niveau biodiversité, élevage et toutes les autres activités présentes sur le massif. En correspondance avec l'analyse comparative externe, cette prise de recul a pour objectif de jeter les bases d'une reprise du dialogue à partir de propositions nouvelles, pouvant s'intégrer aux axes stratégiques du schéma interrégional du massif des Pyrénées. Au vu notamment de la superposition de la carte des zones de fréquentation des ours avec celle des estives, qui rend a priori difficile le partage de l'espace, la mission a d'abord analysé les avantages et les inconvénients de l'hypothèse du cantonnement de l'ours, solution de nombreuses fois évoquée, pour finalement l'écarter pour des raisons principalement techniques et budgétaires. 1 Elle a alors cherché une solution alternative, pragmatique et moins coûteuse, en s'appuyant sur la biologie de l'ours, sur les enseignements de l'analyse comparative et sur ses entretiens avec les acteurs du massif. Les propositions de qualification de nouveaux territoires de présence ont été faites sur la base des territoires forestiers favorables aux besoins vitaux de l'ours et où ses interactions avec les activités humaines sont limitées. Dans un premier temps et selon une méthode basée sur le critère de compacité forestière, elle a cherché à déterminer ces territoires en fonction de deux invariants : la biologie de l'ours qui détermine la taille du territoire, et la disposition des estives, qui constitue un capital ancien à préserver. Dans un deuxième temps, elle s'est efforcée de déterminer comment favoriser les conditions de vie de l'ours, alimentation et tranquillité, dans les zones de présence ainsi identifiées pour réduire ses déplacements hors milieu forestier, mais aussi au dehors de ces zones. Cette qualification nouvelle entraîne alors une adaptation de la gestion de la population d'ours et demande une amélioration de son suivi. Plutôt que de chercher à parquer l'ours dans certains territoires et qu'il en soit exclu en dehors, le principe proposé est donc de l'encourager à fréquenter certaines zones et de le réguler ailleurs. Des explications précises et des cartes illustrent cette méthode qui devrait être affinée et concertée dans le cadre d'un groupe de travail pyrénéen permettant le travail technique d'évaluation des propositions et la négociation politique de leur acceptabilité sociale. Les mesures à prendre dans les territoires de présence concernent l'adaptation de la gestion forestière, la participation des chasseurs, l'amélioration de la disponibilité alimentaire pour l'ours et le renforcement des dispositifs de coexistence avec le pastoralisme ovin. En dehors de ces territoires, il s'agit de contrôler strictement les déplacements et le comportement de l'animal, notamment à l'endroit de l'activité pastorale. Concernant la gestion des populations d'ours, la mission propose de la réorienter par une optimisation qualitative du suivi, un renforcement des moyens à lui consacrer, la maîtrise de la sécurité des personnes, le contrôle des ours à problèmes, l'intensification des relations avec l'Espagne, et surtout le développement de l'information et de la concertation. Enfin, la mission a traité de la valorisation économique et touristique de la présence de l'espèce, en analysant les deux vecteurs principaux qui peuvent la porter : le « produit » ours et l' « image » de l'ours, notamment à l'aune de deux tendances lourdes de l'aménagement des territoires de moyenne montagne : la diversification et la recherche d'alternatives à la saisonnalité ; l'atout qu'ils représentent, au même titre que le pastoralisme, comme indicateurs de la qualité de l'environnement dans le contexte dynamique de l'économie résidentielle. 2 2 PREAMBULE 2.1 Objet et contexte de la mission Par courrier d'août 20071, la secrétaire d'Etat à l'écologie a demandé au chef du service de l'Inspection générale de l'environnement (IGE) un appui à ses services dans l'objectif d'aboutir à une « meilleure définition des territoires de présence des ours » des Pyrénées « au regard des contraintes imposées aux élevages, mais aussi des avantages économiques pouvant être tirés de la valorisation de la présence de l'espèce », ainsi qu'à l'étude d'un « renforcement du suivi des populations d'ours et du partage de ces informations auprès des organisations et des publics concernés ». Le principe de cette mission avait été annoncé par la secrétaire d'Etat à la suite de la réunion qui s'était tenue le 26 juillet 2007 à Toulouse sur le Plan de restauration et de conservation de l'ours brun dans les Pyrénées françaises. Denis Laurens, ingénieur général du génie rural, des eaux et des forêts, et Georges Ribière, chargé d'inspection générale, tous deux membres de l'IGE, ont ainsi été désignés pour assister dans cette tâche la direction de la nature et des paysages, en liaison avec le préfet de région Midi-Pyrénées, coordonnateur de massif, et avec l'assistance technique de la direction régionale de l'environnement Midi-Pyrénées. Cette mission devait en particulier examiner la situation d'autres pays pour en établir des comparaisons avec la France et formuler sur les bases de ces « analyses comparatives 2 » des « propositions visant à une meilleure cohabitation entre ours et activités humaines ». Quatre déplacements ont été effectués : en Espagne dans les Monts cantabriques du 26 au 29 novembre 2007 ; en Italie dans la région du Trentin-Haut-Adige du 10 au 13 décembre 2007 ; en Slovénie dans le secteur de Kocevje du 12 au 15 février 2008 et aux Etats-Unis dans le Montana du 25 au 29 février 2008. Pour chacun de ces déplacements, la délégation française, emmenée par la mission IGE, était constituée d'élus locaux, de fonctionnaires, de représentants des éleveurs et/ou des bergers, de représentants des chasseurs et d'associations d'environnement. Même si les calendriers choisis, relativement serrés, les contraintes de chacun et les inévitables impondérables de dernière minute n'ont pas toujours permis la représentation idéale des diverses sensibilités, la mission a pu observer une satisfaction globale de la pertinence de ces voyages, tant dans leur principe que dans les enseignements que chacun a pu en tirer pour sa sensibilité. Il faut cependant signaler que la principale association d'opposants à l'ours, présente lors des deux premiers voyages, n'a pas souhaité participer aux deux derniers. Nonobstant, la configuration choisie a permis de nombreux échanges croisés avec les uns et les autres, permettant d'assurer un climat naturellement empreint de courtoisie, relativement serein et même, il faut le dire, non dépourvu de convivialité. 1 2 Annexe 1 En anglais : « benchmarking ». 3 La mission tient à remercier de leur disponibilité et de leur qualité tous les participants à ces voyages. Elle remercie aussi la direction de la nature et des paysages et la direction régionale de l'environnement Midi-Pyrénées, ainsi que les ambassades, consulats et missions économiques de France à l'étranger, pour leur assistance et leur compétence dans la préparation des déplacements. Elle remercie enfin tous les hôtes qui ont accueilli avec plaisir, dynamisme et excellence les quatre délégations venues visiter leurs pays et leurs régions et connaître et apprendre leur gestion de la cohabitation entre les ours et les activités humaines. 2.2 Méthode de travail Dans le contexte sensible du plan de restauration de l'ours brun dans le massif pyrénéen, la mission a naturellement cherché, au cours de ces déplacements et tout au long de son travail, à équilibrer les débats et à écouter les uns et les autres. Refusant d'emblée, et dans le droit fil de la déontologie des inspections générales, les polémiques de tous ordres, la mission s'est essentiellement positionnée sur un plan technique. C'est pourquoi, au retour de chacun des déplacements, un compte-rendu factuel, ne constituant ni pré-rapport, ni synthèse interprétative de ce qui avait été présenté, a été élaboré et adressé pour avis et propositions éventuelles d'amendements à chacun des participants. Un certain nombre de réponses a été enregistré et les compte-rendus figurant en annexes 2, 3, 4 et 5 en sont le fruit. La lettre de mission demandait également de procéder à une « large consultation » sur le massif pyrénéen, permettant en quelque sorte de compléter l'analyse comparative externe par une analyse comparative « pyrénéenne » du plus grand intérêt. De nombreux entretiens individuels ou collectifs et des visites de terrain ont ainsi été effectués entre les périodes de déplacements à l'étranger jusqu'à la fin mars. Ils sont listés en annexe 9. Ces entretiens ont été soigneusement coordonnés, quand ils n'étaient pas couplés, avec ceux de la mission conjointe Environnement/Agriculture (IGE/CGAEER), chargée de conduire l'évaluation à mi-parcours du Plan de restauration et de conservation de l'ours brun dans les Pyrénées françaises et l'évaluation du Plan de soutien à l'économie de montagne. Cette coordination entre les deux missions s'est également concrétisée au cours de plusieurs réunions et à travers des contacts constants permettant, en reprenant les termes mêmes du rapport de cette autre mission, de « confronter les perceptions et les analyses et de veiller à la cohérence des propositions et recommandations ». Cela était d'autant plus nécessaire que ce rapport sur les territoires de présence constitue une sorte de déclinaison territoriale du rapport général d'évaluation du Plan de restauration, qui aborde également et fort logiquement cet aspect. Enfin, la présente mission s'est enquis des méthodes de gestion de la cohabitation ours/activités humaines et du suivi des populations dans d'autres pays que ceux visités, permettant d'élargir encore cette analyse comparative et de l'enrichir. Dans une première partie, ce rapport présente les constats généraux issus des déplacements à l'étranger et faisant ressortir points communs et différences. Le rapport propose ensuite une méthode de qualification des territoires de présence dans les Pyrénées en l'illustrant de cartes. Dans une troisième partie, le rapport traite du suivi des populations d'ours et des questions d'information. La quatrième partie aborde la valorisation de la présence de l'espèce. Tout au long du rapport, une sélection de « verbatim » de ce que la mission a entendu est indiqué entre parenthèses et en italique. 4 3 LES ENSEIGNEMENTS DE L'ANALYSE COMPARATIVE Comment sortir de l'impasse ? Tel pourrait être le sous-titre de ce rapport, tant la mission a eu le sentiment d'une situation bloquée, d'un enjeu technique et social extrêmement difficile à gérer, par chacune d'ailleurs des sensibilités en présence, et ce, malgré la bonne volonté de chacun à rechercher des solutions et les entretiens constructifs que la mission a eus sur le terrain. C'est pourquoi l'idée de lancer une analyse comparative externe était pertinente, tant pour jeter les bases d'un renouveau du dialogue interrompu que pour relativiser les problèmes et essayer de relancer une dynamique en suspens. A l'issue de ces déplacements, la mission en tire un certain nombre d'enseignements dont le fil conducteur est de dire la vérité. Les 12 points suivants ne sont sans doute pas exhaustifs, mais sont ceux que la mission a trouvé les plus significatifs pour ce rapport. 1* Il n'y a pas un seul pays où la cohabitation entre l'ours et les activités humaines ne pose pas de problèmes. L'ours n'est d'ailleurs pas le seul concerné : toutes les espèces animales, et même certaines végétales, en posent peu ou prou et il suffit pour s'en convaincre, en se reportant à la Liste rouge de l'UICN3, d'examiner les raisons de leur inscription sur cette liste : ce sont les activités humaines et la disparition des habitats qui sont en cause et à chaque fois se pose le défi de gérer cette cohabitation. Mais c'est l'ours qui est ici concerné et le constat est sans appel. Même aux Etats-Unis, qu'on aurait pu penser épargnés par les conflits en regard de leur vastitude et du caractère réputé sauvage et inhabité de leurs parcs nationaux, la cohabitation engendre des conflits, certes différents, mais tout aussi difficiles que dans les « petites » Pyrénées. En vérité, les mêmes causes produisent les mêmes effets et il n'y a pas lieu d'être vraiment surpris. Car il faut dire la vérité ! Oui ! il y a un problème, ne serait-ce que spatial, de cohabitation dans les Pyrénées ; oui ! ce problème est techniquement difficile à résoudre ; oui ! la concertation et le partenariat constituent les conditions incontournables, et préalables, d'une cohabitation pérenne. Mais, non ! il n'y a pas lieu de parler d'incompatibilité a priori, tant que toutes les issues n'ont pas été recherchées et testées ; non ! le Plan de restauration ne peut être abrogé, non pas seulement parce que la France s'est engagée au plan européen et international4, mais d'abord parce que les ours sont là, que personne ne demande de les enlever et qu'il faut gérer leur présence. Cette gestion est d'ailleurs effective et il faut noter que les plus récentes évaluations5 de l'état de conservation des espèces pour la France reconnaissent implicitement les efforts effectués localement et font ressortir un tableau qui, s'il n'est pas positif, n'est pas non plus négatif. 3 La Liste rouge de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), créée en 1963, constitue l'inventaire mondial le plus complet de l'état de conservation global des espèces végétales et animales. 4 Voir sur ce sujet une courte analyse juridique en annexe 6. 5 Dans la première évaluation de l'application de la directive Habitats, adressée en février 2008 par la France à la Commission européenne, l'espèce ours est notée « défavorable-inadéquat », soit « faible population et perspectives incertaines, mais aire de répartition et habitats en état favorable » ; il est noté en couleur jaune (juste après le vert « favorable », mais avant le rouge « défavorable-mauvais »). Par ailleurs, le prochain bilan effectué par le Comité français de l'UICN au titre de la Liste rouge placera l'ours des Pyrénées comme « espèce vulnérable/menacée », et non comme espèce en danger. 5 Il faut dire la vérité. En cas de disparition de l'ours brun dans les Pyrénées, la mission, ayant entendu les uns et les autres, a la certitude que chacun, Etat compris, devrait en assumer sa part de responsabilité : chacun accuse l'autre, souvent publiquement, de tous les maux : erreurs d'analyse, méthode inadéquate, irresponsabilité, surenchère, précipitation, intransigeance, etc ; et le bilan en est un « jeu à somme nulle », qui révèle avant tout un échec collectif, et d'abord pour la « communauté pyrénéenne ». La mission a eu le sentiment que chaque partie, sans l'avouer tant le sujet est sensible, espérait arriver à une certaine intégration, a minima pour éviter un échec définitif qui leur serait imputé. Il faut dire la vérité. Au fur et à mesure de ses contacts, la mission s'est étonnée du décalage patent entre la portée médiatique de la présence de l'ours et la réalité des enjeux socio-économiques et environnementaux qu'il représente, tant au niveau national que local. Sans méconnaître, ni sous-estimer son intérêt, il y a des problèmes plus importants pour l'avenir des Pyrénées ! Et l'ours est loin d'être le responsable principal du « secteur économiquement fragilisé6 » qu'est malheureusement le pastoralisme. Et, même avec sa dimension symbolique, l'ours n'est pas non plus le problème majeur qui se pose à la biodiversité 7 en France. Il est temps de relativiser les enjeux et de redonner à la cohabitation un aspect essentiellement technique, qui est celui qui prédomine dans tous les pays visités : la gestion de la population d'une espèce animale sauvage. Et il faut surtout éviter à l'avenir d'être en situation d'arbitrage politique8 sur un dossier d'ordre technique. Du reste, même si les Ministres rencontrés (Slovénie, Etats-Unis) sont quelquefois saisis du problème, la mission n'a pas enregistré qu'il constituait ce qu'on appelle un « enjeu politique ». 2* d'ours. Tous ces pays ont d'ailleurs mis en place des plans de gestion des populations Ces Plans qui portent des noms et des contenus bien sûr différents : récupération en Espagne ; projet européen Life ours en Italie ; plan stratégique en Slovénie ; plans de gestion des parcs nationaux aux USA, ont tous démarré dans les années 90 ­un peu plus tôt dans le Montanaaprès le constat de tendances défavorables à la viabilité des populations d'ours. On peut dire qu'il y a là une similitude frappante en regard des différences entre ces pays : aucun Etat concerné, comme d'ailleurs la France, n'a décidé d'abandonner le plantigrade à son sort, à la fois pour des raisons environnementales, mais aussi socioculturelles et d'attractivité touristique (Asturies, Trentin, USA). 3* La raison majeure en est sans doute que les problèmes ne remettent pas en cause l'acceptation sociale de la présence du/des prédateur(s). Sans doute avant tout parce que l'ours, même menacé à certaines époques, n'a jamais vraiment disparu des Asturies, de Slovénie ou des Etats-Unis, son acceptation sociale 9, au niveau des élus et des socioprofessionnels, dans ces pays est manifeste ; mais elle l'est aussi dans le Trentin où, comme dans les Pyrénées, l'ours a failli disparaître. 6 7 Rapport d'information des sénateurs Gérard Bailly et François Fortassin ­ janvier 2008. Rapport du groupe 2 « biodiversité et ressources naturelles » au Grenelle de l'environnement ­ septembre 2007. 8 « ...le fait même d'avoir été mis en situation de rendre un arbitrage dans ces conditions est un échec collectif... » Discours du Président de la République à Cayenne, à propos du projet de mine d'or à Kaw ­ février 2008. 9 La mission n'évoquera pas ici les sondages d'opinion qui, même s'ils sont globalement favorables à l'ours, ne se situent pas au même niveau que la gestion de terrain. 6 Pour expliquer la différence de réceptivité avec la France, il faut sans doute apprécier la géographie du massif pyrénéen et les spécificités de la transhumance. Néanmoins, au cours de ses entretiens pyrénéens, aucun éleveur ne s'est opposé, ni bien sûr à l'existence de cette espèce dans son principe, ni à sa présence dans le massif ­même si la majorité préfère l'avoir chez le voisin plutôt que chez lui. Certes, cela ne vaut sans doute pas automatiquement acceptation sociale, mais témoigne simplement du constat factuel de cette présence (« il faut faire avec »), sans d'ailleurs avoir manifesté pour autant de la résignation. Ce sont avant tout des considérations professionnelles bien normales qui remettent en cause, non pas l'espèce ours, mais sa présence dans les estives et la gestion de celle-ci, et dont l'optimisation doit permettre de réévaluer l'acceptation sociale. 4* La concertation et le partenariat constituent les clefs d'une cohabitation pérenne. La concertation et le partenariat entre les acteurs sont partout jugés indispensables à la gestion de l'espèce présente et à la résolution des conflits : c'est une constante et c'est d'ailleurs du simple bon sens ! « Ce sont les hommes qui vivent à son contact qui protègent vraiment l'ours, pas un décret ministériel ». Les formes en sont variées et adaptées à chaque situation : partage avec les ONG Fondations dans les Asturies, où l'acceptation de l'ours est large, notamment pour la sensibilisation des enfants ; implication du parc naturel Adamello-Brenta dans le Trentin, notamment vis-à-vis des maires et de la sécurité publique ; concertation entre pouvoirs publics, élus, éleveurs et chasseurs en Slovénie, pour la régulation de la population d'ours à un niveau très élevé ; présence de médiateurs locaux dans le Montana pour entretenir des contacts durables avec la population et les ranchers. Le gestion de l'ours brun demande une forte mobilisation des acteurs locaux, notamment élus, probablement plus forte que pour toute autre espèce animale des pays tempérés. Elle se manifeste particulièrement en matière de suivi, auquel tous participent de près ou de loin. Les structures décentralisées italienne et espagnole, et la superficie restreinte de la Slovénie, y contribuent et facilitent le « circuit court » entre le problème et la décision. Pourtant, dans chaque pays, l'Etat, central (Slovénie, Etats-Unis) ou par le biais de structures décentralisées (parcs, réserves), est présent et garant de la bonne médiation entre les parties prenantes, grâce à sa position d'arbitre et grâce à ses moyens. L'information, la communication et la transparence sur la gestion de cette espèce, quelle qu'en soit la difficulté, constituent aussi des priorités dans les pays visités. 5* Et, pour cela, le facteur temps est primordial. Comme on l'a vu, tous les plans de gestion ont été mis en place dans les années 90, c'est-àdire il y a une vingtaine d'années. Compte tenu des difficultés de tous ordres rencontrées, ce n'est guère étonnant : il faut autant de temps en France pour créer un parc national ou un parc naturel régional, et ce n'est souvent pas de trop pour leur conférer les bases politiques et sociales qui légitiment leur bien-fondé et garantissent leur pérennité. La France a entamé son plan de gestion (ou restauration, ou réintroduction) en 1996 : elle n'est donc nullement en retard. Même si les prochaines années seront cruciales pour la viabilité ursine des deux principaux noyaux, la mission a enregistré de la part de ses interlocuteurs pyrénéens le souhait manifeste d'une pause après la période de « fièvre » de 2006, pause confirmée par la lettre du secrétaire général de l'Elysée du 1 septembre 2007 au maire de Saint Lary (en Couserans). 7 6* Dans l'ensemble des régions visitées, les populations d'ours sont présentes dans les territoires les plus favorables, sur le plan biologique et sur le plan de la tranquillité. Comme il a été dit plus haut, en dehors du Trentin, l'ours, même menacé à certaines époques, n'a jamais vraiment disparu des Asturies, de Slovénie ou des Etats-Unis : il est logique d'en induire que par nature il s'est installé tout seul dans les territoires qui lui convenaient. Les opérations visant à accroître la présence d'ours dans ces pays ont bien entendu conforté la pertinence biologique de ces territoires et, dans le Trentin, le renforcement a été précédée d'une étude de définition des territoires de présence, résumée dans l'annexe 7. Il faut aussi noter en sus que les opérations de renforcement (Trentin) ou de restauration des populations (Asturies, USA) se sont faites dans le cadre d'espaces protégés. Le parc naturel Adamello-Brenta a été créé pour la restauration de l'ours brun dans les Alpes centre-orientales ; l'ours asturien se déploie dans un territoire comportant plusieurs parcs naturels, dont celui de Somiedo ; l'existence du parc du Yellowstone a permis au siècle dernier le re- développement d'une population isolée de grizzlys, seule du sud-ouest américain à avoir échappé à l'extinction. Seule, la Slovénie, sans doute compte tenu des caractéristiques de son territoire qui favorisent en soi la gestion du plantigrade, n'en a pas créé exprès ; quant au Parc national des Pyrénées-Occidentales, il n'est pas directement impliqué dans la gestion de l'ours, malgré la présence de ce dernier dans sa zone périphérique : ces deux exemples montrent qu'un espace protégé, s'il est sans doute un facilitateur dans la gestion et sans doute un gage de tranquillité pour l'animal, ne constitue pas une condition nécessaire de réussite. 7* Dans ces territoires, la maîtrise des sources exogènes d'alimentation de l'ours est une exigence constante. L'un des faits marquants des voyages, notamment au Montana et en Slovénie, a été l'attention extrême, à la limite de l'obsession, portée aux sources exogènes d'alimentation du plantigrade, en éliminant tout ce qui pourrait l'attirer et l'amener à quitter ses territoires de présence. Collecte et élimination des carcasses d'animaux morts naturellement ou tués par accident ou collision aux Etats-Unis ; poubelles protégées par des grillages ou grilles cadenassés aux Etats-Unis et en Slovénie ; protection des arbres fruitiers et des ruches en Slovénie et dans le Trentin. A ces mesures, s'ajoute, en Slovénie dans les zones où il y a beaucoup d'ours, le nourrissage en certains points des forêts qu'ils fréquentent, permettant ainsi de les éloigner des villages. Pour conforter ces actions menées par les autorités locales, l'information et l'éducation des habitants et des enfants sur la gestion des déchets est permanente, mais se heurte quelquefois à l'incivilité d'autres qui au contraire jettent des déchets pour attirer les ours et les prendre en photo (Montana) ! 8* Aucun des pays visités n'a arrêté ses plans de gestion indépendamment de la question de l'élevage et les moyens de protection sont les mêmes partout. Si le nombre d'ovins dans les pays visités n'a rien à voir avec celui des Pyrénées, l'ours brun n'en est pas moins, de façon constante, prédateur de moutons, partout où il côtoie des troupeaux non protégés. C'est pourquoi les Plans de gestion des ours ont fait, et font, une part importante à la concertation et au partenariat avec les éleveurs, comme avec l'ensemble des parties prenantes qui participent à la gestion et aux décisions à prendre. 8 Les Asturies accueillent quelques milliers d'ovins grands transhumants, gardés en raison de la présence du loup, auteur de la plupart des dommages constatés. Le Trentin italien reçoit aussi dans les alpages de l'Adamello Brenta, des troupeaux d'ovins transhumant de Vénétie. Le loup est absent de ce territoire ; les ours prélèvent annuellement une centaine d'ovins et des dispositifs de protection sont en cours de mise en place. Dans le sud de la Slovénie, dans un contexte rural différent où les ovins sont sédentaires et parqués dans de grands enclos, les dégâts sont majoritairement le fait du loup, secondairement du lynx et du grand corbeau. Pendant les décennies d'absence du loup, avant sa réintroduction, la présence du grizzly aurait contribué dans le Montana à l'abandon de l'élevage ovin, remplacé par le bovin. D'une façon reconnue par tous, dans les régions où le loup est présent, et a fortiori d'autres grands prédateurs (le puma aux USA), l'impact de ceux-ci est beaucoup plus significatif. Enfin, les mesures de protection utilisées ailleurs sont les mêmes que dans les Pyrénées, gardiennage, clôtures et chiens de protection. 9* Les chasseurs jouent partout un rôle actif d'intervention, de médiation et d'information. Les chasseurs rencontrés sont globalement favorables à la présence de l'ours, et pour la plupart à sa réintroduction (Trentin), sans doute parce que les contraintes imposées à la chasse sont généralement minimes. L'implication des chasseurs est toutefois forte, volontaire et multiple et s'inscrit dans un cadre de gestion technique du territoire et de protection de la faune : information sur la présence des ours, partout ; sensibilisation et pédagogie auprès des enfants dans le Trentin ; régulation des ongulés en Asturies ; améliorations cynégétiques en Slovénie. On peut certainement dire qu'au vu des expériences présentées, les chasseurs ont joué, et jouent, un rôle déterminant de médiation avec la population, compte tenu de leurs cultures, de leur proximité avec la population et de leurs compétences techniques. 10* L'ours brun est rarement dangereux pour l'homme, celui du sud-ouest de l'Europe encore moins. La question de la dangerosité de l'ours a été frontalement abordée dans chacun des déplacements. Il en ressort deux enseignements principaux : d'une part, les agressions directes sont pratiquement inexistantes et aucune mort10 d'homme n'a été enregistrée en Europe ; d'autre part, et c'en est peut-être la raison principale, la réactivité vis à vis des ours à problèmes est immédiate. Il y des équipes d'intervention, sous des formes diverses, dans tous les pays visités et un ours devenant familier, même non agressif, est de fait un ours condamné, au minimum à la privation de liberté, et souvent à mort. Ce fait est particulièrement illustré aux USA où les milieux naturels des Rocheuses centrales sont assez secs et pauvres en ressources alimentaires pour l'ours, et où l'installation de l'homme blanc s'est faite sur des milieux auparavant favorables à l'ours. Les ours ont une tendance forte à s'approcher des fermes, agglomérations et voies de communication à la recherche d'une nourriture plus facile. Si les mesures d'effarouchement et d'éloignement échouent, l'animal est abattu. L'ourse Jurka, réintroduite dans le Trentin et devenue familière, a dû être mise en captivité ; et la population d'ours slovènes a été récemment réduite par la suppression d'animaux fréquentant les décharges et poubelles proches d'agglomérations. 10 4 morts en 136 ans au Yellowstone. 9 11* La mobilisation des associations et des ONG est une constante, variable sur le plan participatif et budgétaire. L'implication des associations, ONG et autres fondations existe partout, mais est variable : elles sont très présentes avec des partenariats forts en Espagne et aux USA ; en Slovénie et dans le Trentin, seuls les chasseurs et les socioprofessionnels agricoles sont réellement parties prenantes aux plans de gestion. Dans le Trentin, l'administration provinciale considère en effet que la gestion exclusive par les pouvoirs publics, réputés impartiaux, est une condition de réussite. Aux Etats-Unis, la capacité de « lever des fonds » par les grandes ONG et Fondations est impressionnante et se chiffre en milliers, voire millions, de dollars, souvent utilisés pour des actions foncières d'envergure, et soutenue par des personnalités médiatiques d'influence. 12* La valorisation touristique de la présence et de l'image de l'ours est forte en Asturies, dans le Trentin et surtout dans le parc national du Yellowstone. En Asturies, l'image de l'ours s'associe à celle de l'élevage de races bovines autochtones pour caractériser un espace rural exceptionnellement préservé ; dans le Trentin, la présence de l'ours est un facteur de différenciation de cet espace dans les Alpes centrales au coeur d'une des régions les plus riches d'Europe. Cette valorisation est à l'évidence liée à la rareté de populations d'ours survivants dans les montagnes des riches et très urbanisées régions d'Europe occidentale. En Slovénie, la présence d'une population ursine importante, visiblement objet de fierté dans ce pays, est pourtant moins valorisée. C'est aux USA, et notamment dans le parc du Yellowstone, que la valorisation de l'ours grizzly, indissociable de celle des grands ongulés (bison, élan, cerf wapiti) et des grands paysages, est la plus exploitée. Dans tous ces pays, un marchandisage, quelquefois digne de Disney, couplé avec la vente des produits locaux, participe au développement local des villages et régions concernés et à la satisfaction des touristes férus de souvenirs à ramener chez eux. *** Toute analyse comparative réputée sérieuse ne devrait évidemment comparer que ce qui est comparable ! Mais est-il un domaine sur terre où cela est possible, tant les pays, les hommes et leurs traditions, les institutions et les règles de vie en commun, sont, et fort heureusement, différents ? Bien sûr, l'élevage ovin est marginal ailleurs par rapport aux Pyrénées ; bien sûr, la gestion des ours n'est pas identique s'il y en a 20 ou 400 ; et bien sûr, il n'y a pas de massif pyrénéen hors des Pyrénées ! et on trouvera, surtout si on cherche, des différences partout. Mais, en cherchant tout aussi fort, on peut aussi trouver des points communs partout : la gestion collective, malgré la difficulté de vivre ensemble ; l'aménagement des territoires ; les moyens de protection et le suivi ; l'information et la communication. L'objet de l'analyse comparative n'est pas de décalquer méthodes et pratiques, mais de les « interpréter », de les comprendre et de les traduire, d'en trouver la portée pour chercher ensemble et essayer de trouver les marges de progrès de ce difficile sujet : c'est dans ce sens que la mission considère ces voyages comme particulièrement fructueux et s'en est inspiré pour bâtir son rapport. 10 4 LES TERRITOIRES DE PRESENCE DE L'OURS Compte tenu du contexte socio-politique dans lequel s'inscrit le Plan de restauration, et dans le droit fil de sa lettre de mission lui demandant d'analyser les territoires de présence au regard des « contraintes imposées aux élevages » et des « opportunités de valorisation économique », la mission a dès le départ considéré que son rapport devait s'insérer dans le cadre global de l'aménagement équilibré de la montagne pyrénéenne, et de l'organisation des activités dans l'espace, plaçant au même niveau biodiversité et élevage, mais aussi activités artisanales et industrielles, services, agriculture, chasse, randonnée, exploitation forestière, etc. Seul, ce positionnement semble à même de répondre à la question aussi pertinente que récurrente entendue par la mission : « Que voulons-nous faire des Pyrénées ? ». Une grande part de la réponse est contenue dans le Schéma interrégional d'aménagement et de développement des Pyrénées, élaboré au cours d'un processus participatif par les Pyrénéens eux-mêmes et approuvé le 11 décembre 2006 par le Comité de massif. Cette indispensable « prise de recul » correspond d'ailleurs à la commande ministérielle de l'analyse comparative externe -dont les principales leçons ont été présentées au chapitre précédent-, le tout ayant pour objectif de jeter les bases d'une reprise du dialogue à partir de propositions nouvelles, pouvant s'intégrer aux axes stratégiques du schéma de massif. C'est dans ce cadre que s'inscrivent les propositions de ce chapitre sur les territoires de présence. 4.1 L'ours et ses territoires Il y a huit espèces d'ours dans le monde : le grand panda, l'ours malais, l'ours lippu, l'ours à lunettes, l'ours noir américain, l'ours brun ou grizzly, l'ours polaire, l'ours noir asiatique. Le grizzly américain est un immigré assez récent d'Eurasie qui s'est répandu dans l'Ouest américain en coexistant avec l'ours noir, plus ancien. L'ours polaire, menacé par le changement climatique est génétiquement issu et resté très proche des ours bruns. L'ours brun est une espèce d'origine eurasiatique, assez récente. Différentes espèces l'ont précédé en Europe occidentale, comme l'attestent les fossiles de la Sierra de Atapuerca dans les monts Cantabriques. Pour certains, se basant notamment sur la succession d'espèces ursines fossiles identifiées dans les gisements Cantabriques11, la différenciation de l'ours brun se serait faite en Europe occidentale avant qu'il se répande dans l'espace holarctique12, ce qui donne une valeur patrimoniale particulière aux ours autochtones qui subsistent dans cette région. 4.1.1 l'habitat de l'ours Sur la planète, les ours vivent dans différents types d'habitats, la plupart sous couvert forestier13 : forêts tropicales, forêts de conifères et de feuillus, forêts de montagne. 11 Osos y otros carnivoros de la Sierra de Atapuerca. N.G.Garcia - Fundacion Oso Asturiano -2003 . Tafonomia y paleoecologia de ursidos cuaternarios cantabricos. Fundacion Oso de Asturias.A.C.Pinto Llona, P-J.Andrews, F.Etxebarria ­ 2005. 12 Holarctique est un terme utilisé en biogéographie regroupant les régions néarctiques et paléarctiques, à savoir l'Amérique du Nord, l'Afrique au nord de l'Atlas et l'Eurasie au nord de l'Himalaya. 13 Bears ­ statut et conservation ­ Rapport de la commission spécialisée de l'UICN sous la direction de Christopher Servheen, co-président de la commission spécialisée de l'UICN sur l'ours, responsable de la gestion de l'ours grizzly aux Etats-Unis - United States Wildlife and Fish Service (USWFS). 11 Schématiquement, les ours bruns occupent, de nos jours, deux types de milieux : - les forêts et toundras arborées nordiques, où les ressources alimentaires végétales sont dispersées, ou disponibles sur une courte période, et où il trouve souvent des ressources complémentaires en poissons, carcasses, micro mammifères. Les densités d'ours y sont faibles, de l'ordre de 1 individu pour 100 km2, sur des surfaces immenses ; les montagnes tempérées et méridionales, où la diversité et la quantité de nourriture est importante, sur des territoires réduits. La densité d'ours atteint 10 individus pour 100 km2 dans les Carpates et les Alpes dinariques, environ 3 pour la même superficie en Cantabrique et dans le Trentin. L'habitat préférentiel de l'ours en Europe est la forêt tempérée de feuillus. Elle a été largement détruite et il n'existe plus de grands massifs forestiers de plaine hébergeant l'ours brun qu'en quelques territoires d'Ukraine et de Russie méridionale. L'ours des montagnes méridionales est un animal essentiellement forestier. En Asturies, il vit dans un milieu très boisé, partiellement occupé de landes à genêt, qui s'est étendu dans la deuxième moitié du XXème siècle, favorisé par le climat océanique. Dans le Trentin, il occupe l'espace forestier, qui comporte sur 1000m d'amplitude altitudinale (500-1500m) une forêt feuillue riche en hêtres et châtaigniers, et se situe entre les vergers fruitiers en bas et les alpages à moutons en haut, faisant des incursions saisonnières dans ces deux milieux pour compléter son alimentation. En Slovénie, l'ours occupe les forêts continues du karst, se rapprochant aussi pour s'alimenter des lisières urbaines et agropastorales. L'ours brun, issu d'une lignée de mammifères carnivores, peut se nourrir presque exclusivement de végétaux à condition qu'ils soient à haute teneur en protéines, glucides, vitamines. Il passe une grande partie de son temps à rechercher une nourriture riche, mais dispersée. L'ours explore pour cela rapidement de vastes superficies, jusqu'à ce qu'il trouve à satisfaire ses besoins vitaux du moment. Ces besoins alimentaires sont très proches de ceux de l'homme. L'ours surmontant sa méfiance peut rechercher des ressources alimentaires en se rapprochant de l'habitat humain : petits animaux domestiques, miel, fruits, déchets. Cette tendance paraît être accentuée quand l'ours vit dans des milieux naturels pauvres, tel les Rocheuses centrales aux USA, et/ou quand la population ursine est dense comme en Slovénie. La répartition de la population pyrénéenne ressemble à celle des autres montagnes du sud de l'Europe, c'est-à-dire devenue progressivement isolée par la destruction de l'habitat forestier en plaine et par la chasse, depuis l'époque romaine. De nos jours, des Asturies au Pakistan, en passant par les Pyrénées, les Alpes, l'Apennin, le Taurus, le Caucase, l'Elbourz, on trouve des populations d'ours brun isolées dans les montagnes du sud. Ainsi, dans les Pyrénées, la population était encore présente au début du XXème siècle sur l'ensemble du massif avec 150 individus estimés ; c'est vers le milieu du XXème, avec un effectif chuté à 70 individus que la population s'est séparée en deux noyaux14 : le Béarn et les Pyrénées centrales. 14 D'après Elodie Bonnemaison, mémoire en mastère « Pratiques cynégétiques en présence d'ours brun dans le HautBéarn » - janvier 2006. 12 4.1.2 le comportement de l'ours En dehors du cas de certains animaux devenant familiers, l'ours est un animal discret ou farouche, qui évite l'homme, que l'on voit peu15, y compris quand sa population est dense. L'ours est un animal solitaire, qui parcourt un vaste territoire, aux limites imprécises, variant au long de la vie de l'animal. Les comportements sont très différents selon les sexes : - les femelles adultes, catégorie la moins vagabonde, utilisent un territoire de 30 à 60 km2, qui comporte des zones favorables à l'alimentation des jeunes. Les jeunes restent deux ans avec la mère et l'apprentissage des ressources alimentaires du milieu paraît très important. Les mises bas, habituellement gémellaires ou triples, ont lieu tous les 3 ans. La mortalité juvénile est assez forte, par accident ou prédation, y compris par les ours mâles adultes dans certaines régions (Cantabrique). Les mères « gardent leurs filles auprès d'elles en leur cédant une partie de territoire, mais chassent leurs fils pour qu'ils ne risquent pas de se reproduire avec elles ». Cette explication imagée 16 correspond à une réalité constatée partout. Les femelles sont organisées en groupes familiaux. Ce comportement est mis en évidence en Scandinavie par du suivi radio de longue durée ; il est constaté en Slovénie et en Cantabrique, en phase de re colonisation, avec l'apparition et l'accroissement de groupes de femelles reproductrices. L'ours subadulte, après trois ans, a peu d'ennemis, hormis ses congénères, et l'homme. La longévité est d'environ 25 ans. L'espacement des naissances et la mortalité de jeunes font que le taux d'accroissement de la population est lent, de l'ordre de 10% annuel au plus. - les mâles ont un comportement erratique au départ, puis évoluent sur des territoires très vastes d'environ 100 km2 ou plus, variant au long de leur vie en fonction de leur statut social. Les territoires des mâles dominants, reproducteurs, sont centrés sur celui des noyaux de femelles. Pour les Pyrénées, c'est l'ensemble du massif qui est susceptible d'être fréquenté par des individus mâles, colonisateurs ou erratiques. Il faut d'ailleurs noter que des mâles issus des animaux réintroduits en 96/97 dans les Pyrénées-Centrales (d'où l'espèce avait disparu dans les années 1980) se sont dispersés aux confins des Pyrénées-Orientales (Boutxy) et des Pyrénées-Atlantiques (Néré). 4.1.3 les territoires de l'ours De ces particularités, il résulte : au niveau de la population, le groupe déterminant pour son devenir est celui des femelles suitées. Compte tenu du comportement de l'espèce, un sex ratio déséquilibré au détriment des mâles impacte peu la fécondité. au niveau des territoires, l'ours a besoin de vastes territoires où chaque individu satisfait ses besoins alimentaires, de repos, d'élevage de ses jeunes, d'hibernation. L'échelle pertinente est celle de plusieurs dizaines de milliers d'hectares (centaines de km2). l' importance du milieu forestier pour l'ours, au titre de la production alimentaire et de sa tranquillité, ainsi que de son confort thermique. L'ours trouve environ 75% de son alimentation17 en forêt, myrtilles et framboises, glands et faines, larves de fourmis. Son besoin de sécurité requiert des massifs forestiers compacts et peu pénétrés. - - 15 16 Le constat de cette rareté est symbolisé par la fameuse formule de « l'homme qui a vu l'ours » ! Marko Jonosovic, Institut forestier slovène. 17 Gestion forestière et ours ­ Office national des forêts ­ 1994. 13 La densité d'ours ne correspond pas à l'inverse de la surface du territoire vital moyen d'un ours, parce que les territoires exploités par les différents individus d'une population se superposent totalement entre sexes, et très largement entre individus du même sexe. Les suivis télémétriques semblent confirmer toutefois que le territoire moyen prospecté par un animal est inversement proportionnel à la densité d'animaux. On a vu que le territoire vital d'un individu est au minimum de 30 km2 (3000 hectares) pour une femelle et du triple au quadruple pour un mâle. Le territoire vital d'un individu est le territoire dans lequel un ours se déplace pour assurer ses besoins physiologiques au long d'une année. Chaque individu a son territoire propre, qui varie selon son sexe et, dans le temps, suivant son âge et le rang hiérarchique de l'animal. Au sein de ces territoires vitaux se trouvent des « sites vitaux18 », beaucoup plus restreints, qui comprennent : les zones d'élevage des jeunes (zones régulièrement utilisées au cours de la première année par une femelle et ses oursons) ; les zones d'hivernage (alentours d'une tanière d'hibernation) ; les sites de repos diurne ou sites de couche (lorsque l'ours est inactif) ; les tanières (et ses abords de 3 à 400 mètres) ; les corridors (pistes permettant à l'ours de franchir un col ou un fond de vallée). De grandes variations de densité ont été observées dans les pays visités : dans les pays à petite population, il y a 20 à 25 ours sur 2000 km2 dans le Trentin, 50 à 60 sur 2500 km2 dans les Abruzzes, 90 ours sur 2000 km2 dans les Asturies ; pour les grandes populations, on en compte de 500 à 700 sur 5 000 km2 en Slovénie et plus de 500 sur les 9000 km2 du parc du Yellowstone. On observe donc de très grandes différences de densité ursine, de 1 ours par 10 km2 à 1 ours par 100 km2, car les territoires des mâles peuvent se superposer, plus ou moins, en fonction de la richesse alimentaire et de la quiétude du milieu et de la gestion de la population par les hommes. Les six départements français du massif pyrénéen ont une superficie de près de 34 000 km2, et le massif des Pyrénées proprement dit19 en fait 19 000 km2. En comptant aujourd'hui une vingtaine d'ours au maximum sur l'ensemble de la chaîne (estimation actuelle), on arrive à un territoire vital de 2000 km2 à 2500 km2, mais sans superposition et en ne prenant en compte que le côté français, soit grosso modo du tiers à la moitié de la superficie d'un département français. La carte suivante (carte 1) montre les zones de fréquentation régulière et occasionnelle de la population d'ours dans les Pyrénées. La zone de présence régulière regroupe l'ensemble des sous-massifs où l'on a pu relever la présence de l'espèce au moins 3 années sur 5 années de suivi. La zone de présence occasionnelle regroupe l'ensemble des sous-massifs dont la présence de l'espèce n'a été confirmée au maximum que 2 années sur les 5 années de suivi. La zone de présence probable correspond aux cas où certains sous-massifs se trouvent enclavés entre les zones de présence occasionnelle ou régulière, mais où aucune présence d'ours n'a été décelée. Elle englobe aussi certains sous-massifs situés en périphérie des zones de présence occasionnelle ou régulière où l'on suspecte la présence de l'ours suite à des indices de présence repérés pendant plusieurs années. 18 19 Source : ONCFS/ETO. Décret du 30 septembre 1985 délimitant la zone de massif. 14 Carte 1 : Massif pyrénéen. Zones de présence des ours. 15 4.2 Les territoires du pastoralisme Parmi les territoires concernés par la présence de l'ours dans les montagnes d'Europe occidentale, les Pyrénées se caractérisent par l'importance du pastoralisme ovin. Bien que l'élevage bovin à viande soit très majoritaire, exprimé en unités gros bétail, 600 000 ovins fréquentent 550 000 à 600 000 formations pâturées d'altitude dénommées « estives ». Ces espaces sont supraforestiers, au dessus de 1800 à 2000m d'altitude, ou à des altitudes intermédiaires issus de défrichements anciens. Dans les pays visités, la mission a enregistré que la commune de Somiedo en Asturies, ne compte, sur 30 000 hectares qu'un troupeau transhumant de 1500 têtes d'ovins pour 8000 vaches présentes l'été sur la commune ; le massif de la Brenta dans le Trentin accueille 4000 à 5000 ovins, alors que le département des Pyrénées-Atlantiques accueille plus de la moitié de l'effectif pyrénéen, et les autres départements plus d'une centaine de milliers chacun. En Slovénie, il n'y a pas de transhumance dans le région du karst. Aux USA, la transhumance concerne une partie du cheptel ovin du Montana et elle utilise des terrains des forêts nationales. Malgré ces différences en quantité nette d'ovins dans les trois pays européens, le chargement reste le même de 1 à 2 brebis par hectare. Dans toutes les vallées pyrénéennes visitées, il y a des problèmes de coexistence entre le pastoralisme en milieu ouvert, non clôturé, et l'ours. L'importance et le caractère général du sujet sur la chaîne pyrénéenne justifie une présentation des spécificités du pastoralisme pyrénéen. 4.2.1 l'état du pastoralisme dans les Pyrénées Les systèmes ovins pyrénéens se répartissent en deux types principaux : le système laitier qui est spécifique au Pays basque et au Béarn, produisant des fromages très recherchés sur les marchés local et national, et des agneaux maigres en sous produit. La majorité des ovins pyrénéens (400 000 têtes), pratiquement tous dans les PyrénéesAtlantiques, relèvent de l'élevage laitier, qui implique un regroupement bi-quotidien pour la traite, et l'utilisation de pâturages riches, la production laitière étant incompatible avec de grands déplacements des animaux. Jusqu'à présent, les ours du noyau occidental coexistent avec cette forme d'élevage, qui a toujours côtoyé le prédateur, et qui a utilisé en permanence les chiens de protection. L'envoi en estive d'animaux « taris » après lactation crée toutefois une vulnérabilité particulière. le système à viande des Pyrénées-centrales, qui produit essentiellement des agneaux « maigres », à « finir » en plaine aux céréales, et minoritairement des « broutards » ayant crû en estive. Les animaux, de race locale, principalement la « Tarasconnaise » (de Tarascon sur Ariège), sont aptes à utiliser des pâturages pentus et pierreux de haute altitude (entre 2200 et 2600m), non utilisables par des bovins ou par des ovins laitiers. - La filière viande ovine pyrénéenne, comme l'ensemble de la production française, est fortement concurrencée20 par les productions à moindre coût de l'hémisphère sud, Nouvelle-Zélande essentiellement. Le revenu brut des éleveurs est par ailleurs très dépendant des aides à finalité environnementale, reconnaissant ainsi leur rôle dans l'entretien des milieux ouverts par le pâturage et la fauche de ces formations herbacées d'altitude. 20 Rapport d'information des sénateurs Gérard Bailly et François Fortassin ­ janvier 2008. 16 Les modes d'exploitation revêtent une grande diversité, liée aux caractéristiques de l'exploitation « de fond de vallée » et à celles de l' « estive », milieu naturel d'altitude dont le capital productif ne peut évoluer que lentement, mais aussi aux choix individuels des agriculteurs dans leur optimisation d'un système complexe : espaces de fond de vallée produisant les fourrages conservés (prairies de fauche ou productions plus intensives), espaces d'altitude intermédiaires, estives qui sont souvent des biens collectifs, équilibre entre production ovine et bovine... La difficulté de rémunérer des bergers, particulièrement en filière viande, et la nécessité de récolter en été les fourrages pour l`hiver, ont souvent conduit les éleveurs à renoncer, au XXème siècle et en l'absence de prédateurs, au gardiennage, notamment pour les petits troupeaux. Contrairement aux équins et surtout aux bovins qui, de par leur taille et leur comportement, ont des moyens de défense contre les prédateurs, les ovins ne peuvent que fuir pour se protéger des prédateurs21. Le comportement social des ovins, et vis à vis du prédateur, semble d'ailleurs être variable selon les races, voire selon les lignées, plus ou moins grégaires ou tendant à se disperser. L'utilisation des estives, dont la production d'herbe, « gratuite » ou presque, ne nécessite en outre pas d'intrants, est réputée être indispensable à l'équilibre des exploitations ovines à viande : « l'estive permet à l'ovin viande de s'en sortir » a indiqué un éleveur rencontré par la mission. Et il faut remarquer à cet égard que l'augmentation actuelle des coûts de l'énergie et des fourrages artificiels tend à accroître cet avantage relatif. Cependant, notamment par une insuffisante valorisation22 des productions, la filière viande ovine des Pyrénées-Centrales demeure en difficulté. C'est la raison pour laquelle, particulièrement dans les zones de production ovine à viande, de la Haute-Ariège aux Hautes-Pyrénées, la présence ou la réapparition de l'ours est vécue comme une contrainte supplémentaire - « l'ours met en danger le pastoralisme qui est fragile » a déclaré un autre éleveur. Pour ceux qui sont confrontés à sa présence permanente : « on ne peut pas continuer (le renforcement en ours) sans l'accord des populations locales ». Pour d'autres, « il faut arrêter avant que les choses ne soient plus gérables » ou encore « les ours qui sont là, ils y sont, et il faut essayer de vivre avec, mais n'en relâchez pas ». L'ours est en outre vécu comme une contradiction de l'Etat, initiateur d'une politique de soutien à l`agriculture de montagne23, en même temps promoteur de la réintroduction d'un animal prédateur24 : l'ours apporte incertitude dans une activité que l'on s'efforce par ailleurs de conforter. La fragilité des structures collectives d'alpage est soulignée ­ on note un mouvement d'abandon des estives, notamment dans les Hautes-Pyrénées : il est ressenti que « la disparition d'usage des estives ramène la pression en plaine ». L'équilibre financier des groupements pastoraux peut être compromis par les défections d'éleveurs25, engendrant alors perte de cotisations, et perte possible de la PHAE par insuffisance de charge pastorale. En synthèse, le pastoralisme est un domaine complexe et engendre un travail difficile, lié en particulier aux irrégularités de production de l'herbe, aux aléas climatiques, et où chaque estive est un cas particulier. La difficulté d'adopter des solutions standardisées est donc bien réelle. 21 Les ancêtres des ovins domestiques, les mouflons du Proche Orient et d'Asie Centrale, se défendent efficacement des prédateurs par la fuite rapide à grande distance. La domestication plurimillénaire, pour laquelle ce comportement est inadapté, et l'accroissement des performances zootechniques ont fait disparaître cette aptitude chez les ovins domestiques. 22 Rapport sur l'état de la situation relative à la valorisation économique des produits agricoles du massif pyrénéen ­ Rapport du Conseil général de l'agriculture, de l'alimentation et des espaces ruraux ­ Alain Escafre, Jean-Michel Berges ­ mars 2007. 23 Plan de soutien à l'économie de montagne (PSEM) ­ 2007-2013. 24 Plan de restauration et de conservation de l'ours brun dans les Pyrénées françaises 2006-2009. 25 Plus de la moitié des transhumants ont plus de 55 ans dans les Hautes-Pyrénées. 17 4.2.2 le pastoralisme, les milieux naturels et la faune sauvage Le caractère respectueux de l'élevage traditionnel pyrénéen est revendiqué : « quand on voit ce que l'on a fait d'autres territoires, les éleveurs pyrénéens sont les derniers à avoir des pratiques respectueuses de l'environnement, sans engrais ou pesticides » ou encore : « l'ovin est le dernier rempart contre la friche ». Ce rôle est d'ailleurs reconnu26, tant pour la diversité des paysages ­avec dans ce cas le débroussaillage et le feu contrôlé- que pour les espèces végétales, dans le maintien des milieux ouverts, d'autant qu'il faut souligner qu'il n'y a pas de solution alternative à l'entretien des zones de pente par les troupeaux. Le pastoralisme apparaît ainsi comme un outil privilégié d'application de la directive Habitats (Natura 200027), à travers les documents d'objectifs (DOCOB28), pour le maintien des milieux ouverts d'altitude. Dans les Pyrénées-Occidentales, le Parc national paraît être celui des 4 parcs nationaux français de montagne le plus impliqué dans le pastoralisme : depuis une trentaine d'années, par l'amélioration des conditions de vie et de travail des éleveurs et l'indemnisation des dégâts d'ours aux troupeaux ; récemment, par la réalisation de DOCOB à composante pastorale et leur animation ; enfin, avec la mise en place de contrats « biodiversité et agriculture de montagne » pour l'entretien des prairies naturelles de fauche en zone périphérique. En collaboration avec le Conservatoire botanique national (CBN) Midi-Pyrénées, est également réalisé un suivi de la biodiversité végétale. Dans les Pyrénées-Centrales, les DOCOB de l'Isard et de Ribérot-Valier en Ariège, constatant l'extension « fulgurante » des landes à rhododendron liée à l'abandon du pastoralisme, recommandent la réhabilitation d'un pastoralisme gardé, avec mise en place de plans de pâturage adapté. Un gardiennage serré, ou des parcs mobiles, sont préconisés pour limiter l'envahissement par la lande des pelouses calcicoles alpines et subalpine. L'abandon du gardiennage29 peut en effet impacter la pérennité de la pelouse, qui paraît alors menacée par l'envahissement ligneux des zones sous pâturées et par l'érosion des zones surpâturées. Le gardiennage des troupeaux évitant le stationnement trop important des animaux est préconisé dans les formations à fétuque des Pyrénées, riches en espèces appétentes, pour éviter la disparition de ces espèces, et l'apparition de l'érosion. Deux pans de la biodiversité, l'un animal, l'autre végétal, sont ainsi confrontés et certains posent la question : « la valeur environnementale de la réintroduction de l'ours est-elle plus intéressante que la perte de diversité liée à la limitation du pastoralisme ? » ou encore : « on veut imposer une espèce au titre de la biodiversité à une agriculture de montagne indispensable au maintien d'autres formes de biodiversité. Mais qu'a-t-on fait de la biodiversité des territoires de plaine ! ». D'autres demandent : « la biodiversité prise en compte par la directive Habitats s'évalue au niveau européen. Il faut sauvegarder l'ours qui n'est pas menacé au plan européen dans des endroits où il ne menace pas le pastoralisme ». 26 27 Réflexions sur le pastoralisme et la qualité biologique des milieux naturels de montagne ­ Vincent Vignon ­ 2007. 13 sites Natura 2000 sont concernés par l'espèce ours dans les Pyrénées : 4 en Ariège, 4 en Haute-Garonne, 5 en Pyrénées-Atlantiques. 28 Établi pour chaque site, le Docob constitue le document de référence pour la préservation et la gestion des habitats naturels et habitats d'espèces d'intérêt communautaire. Il est élaboré suivant un processus de concertation, associant toutes les parties prenantes. Les mesures de gestion sont fondées sur la contractualisation et le volontariat. 29 « Vers des unités pastorales vivables » - Le domaine pastoral - Michel Dantin - 2005. 18 L'ours n'est en outre pas le seul représentant de la biodiversité sauvage à causer des pertes aux troupeaux. La situation a beaucoup évolué durant le XXème siècle : « en Haut-Béarn, avant, il y avait un peu de sanglier, pas de cerfs, très peu d'isards, mais beaucoup de grand tétras. Le dernier loup a été tué vers 1920 », a raconté à la mission un « ancien ». Le sanglier occasionne des dégâts aux estives proches de zones boisées, notamment en zone laitière à proximité de la zone centrale du Parc National des Pyrénées-Occidentales : « notre estive est retournée à 40% en fin de saison ; il y repousse ensuite des herbes non appétentes. A cause du sanglier, des gens sont partis ». Le chien Patou est reconnu être un moyen très dissuasif, mais il reste près du troupeau et les sangliers commettent leurs dégâts à distance. Le cerf, dans les Pyrénées centrales où il est en forte densité, se nourrit dans les estives, mais surtout dans les pâturages intermédiaires, en suivant la progression de la végétation. Le grand corbeau s'attaque aux animaux nouveau-nés, agneaux et veaux. Il est cité en Slovénie comme un prédateur plus nuisant que l'ours. Il est évoqué un peu partout dans les Pyrénées, mais surtout dans la partie orientale de la chaîne. « Le grand corbeau exclut l'ovin de plein air extérieur des Corbières », raconte un éleveur de là-bas. Enfin, le vautour fauve, en croissance exponentielle, est suspecté d'attaquer maintenant des animaux vivants. Les pertes économiques aux éleveurs, par prédation ou compétition de la part de ces espèces, ne sont pas évaluées comme le sont, avec précision, les prédations imputées à l'ours, de même que, plus largement, la mortalité totale en estive est difficile à évaluer. Il existe donc d'autres prédateurs ou compétiteurs des troupeaux ovins, de même qu'il y a d'autres motifs de garder les troupeaux que la protection contre ce prédateur, en premier lieu, la conservation à long terme du capital pastoral. En effet, la présence de troupeaux transhumants permet le maintien d'espaces ouverts et donc la diversité paysagère, mais le gardiennage paraît être nécessaire au maintien de la diversité des espèces végétales. 4.2.3 les territoires du pastoralisme A l'échelle du territoire pyrénéen de moyenne montagne (concerné par des estives de demi saison) ou de haute montagnes (estives subalpines/alpines), il n'y a pas d'espace pyrénéen sans mouton. Les surfaces d'estives, généralement propriétés de la collectivité, utilisées en commun par les habitants, sont présentes dans la quasi totalité des communes de montagne30, et s'étendent, dans chacune sur quelques centaines à quelques milliers d'hectares. Cette dimension correspond aujourd'hui à des effectifs d'ovins de centaines à quelques milliers, effectifs par ailleurs compatibles avec la capacité des éleveurs à produire localement la part d'alimentation hivernale des animaux. 30 Pour des raisons historiques (organisation du territoire en paroisses, puis en communes) et économiques, tenant à l'importance de l'élevage dans des sociétés très autarciques. 19 Ces estives sont imbriqués avec les milieux fréquentés par l'ours comme le montre clairement la carte 31 suivante (carte 2), établie en croisant les zones à ours de la carte précédente (2002-2006) et les unités pastorales pyrénéennes (couche SIG de 1999) en hachuré noir. 31 La mission tient particulièrement à remercier Pierrick Touchet, membre de l'Equipe technique Ours, pour sa disponibilité et sa compétence cartographique. 20 4.3 La qualification des territoires de présence Les constats issus des deux chapitres précédents, et surtout la superposition de la carte des zones de fréquentation des ours avec celle des estives, pourraient amener à la conclusion d'une incompatibilité définitive de la cohabitation ours/pastoralisme, simplement du fait d'un impossible partage de l'espace. Cette conclusion tout à fait compréhensible ­et sur laquelle la mission s'est elle-même interrogée - lui a d'ailleurs maintes fois été affirmée et elle est suggérée par ailleurs dans de nombreux rapports ou documents. Cette présomption d'une incompatibilité physique est accompagnée d'un légitime débat sur la liberté : la liberté de l'ours, espèce erratique, est imposée par sa biologie ; la liberté de pâturage du mouton dans les estives constitue, sinon une exigence environnementale32, du moins un usage hérité du XXème siècle quand il n'y avait ni prédateur, ni berger. Si on ne peut concilier ces deux libertés, faut-il pour autant mettre chaque animal en enclos ? ou l'un des deux ? et pourquoi l'un plutôt que l'autre et au nom de quoi ? Et bien entendu, ce débat renvoie en toile de fond à la liberté de l'homme lui-même, de l'homme33 d'abord, d'exercer son métier, et pour beaucoup sa passion, avec un minimum de contraintes. Cette recherche de compatibilité, autant physique que sociale, constituait bien là la question première posée à la mission. Mais aussi difficile a priori soit-elle, elle a aussi constaté dans ses déplacements que, si ce problème existait ailleurs et était effectivement unanimement jugé difficile, sa gestion avait été prise à bras le corps par l'ensemble des parties prenantes pour arriver à des solutions satisfaisantes pour tous, ou presque, et qu'il n'y avait aucune raison que la France n'y arrive pas. 4.3.1 l'exigence préalable de territoires favorables Le déroulement du processus de raréfaction, puis de disparition de l'ours au XIXème siècle et au début du XXème siècle, dans les montagnes du sud ouest de l'Europe, tend à montrer que l'ours a subsisté le plus longtemps dans des territoires forestiers qui lui étaient favorables pour ses besoins vitaux, et où ses interactions avec les activités humaines étaient limitées : les deux noyaux asturiens, la Brenta au Trentin, les Abruzzes dans l'Appenin, le centre-sud du Karst slovène, le Haut-Béarn et le Luchonnais-Couserans-Val d'Aran dans les Pyrénées, correspondent à ce constat. La protection stricte de ces noyaux, (chaîne Cantabrique, Slovénie), suivie spontanément d'augmentation de la population, et les opérations de renforcement (Trentin), ont suscité chez nos voisins des réflexions sur les territoires de présence, en termes de territoire total occupé, et sur l'utilisation qualitative du territoire dans les milieux très diversifiés. Dans le Trentin, le territoire est centré sur le Parc naturel Adamello Brenta (6495 km2 limité par des frontières topographiques, cours d'eau, axes routiers, et hautes crêtes montagneuses). A l'intérieur, 1700 km2 sont reconnus favorables à l'ours. L'objectif du Trentin est d'atteindre en 20 à 40 ans une population viable de 40 à 60 individus adultes dans les Alpes centrales, correspondant à des densités de 2 à 3 individus pour 100 km2. Un objectif à plus long terme est de relier cette population avec celle des Alpes dinariques. 32 Ce point fait débat, tant pour la pérennité des pelouses d'altitude (voir 4.4..2), que dans le cas spécifique de l'AOC « Barèges-Gavarnie ». 33 "La seule richesse des gens de là-haut, c'est la liberté" ­ Paul Lacube ­ L'outs, de Paul et Julien Lacube ­ La ferme du Quié, éditeur. 21 Ces objectifs sont présentés dans des documents de grande diffusion. Des études34 pour mieux connaître et prévoir les zones de présence des ours ont été conduites, préalablement au renforcement, en étalonnant les prévisions fournies par l'analyse multicritères du milieu au moyen des indices de présence connues pendant les 20 années précédant la disparition des ours autochtones. Dans les Asturies, bien qu'une connaissance approfondie de l'utilisation des territoires soit d'ores et déjà acquise, elle est améliorée en continu, en confrontant prévision et observation. La zone de présence est caractérisée par le territoire occupé par des ourses suitées d'oursons de l'année, dont la représentation se fait par surfaces emboîtées, correspondant aux probabilités pour qu'une ourse suitée se trouve dans le noyau35. Ces surfaces sont déterminées par méthodes statistiques à partir des observations et analyses de terrain - il faut rappeler à cet égard que les ours sont relativement visibles dans cette région. A l'étendue de la zone de présence effective est donc associée une probabilité de présence : ainsi, en 2006, les ourses suitées du noyau occidental asturien occupaient 1291 km2 avec une probabilité de présence de 95%. La population Cantabrique totale est actuellement de 130 à 160 individus, l'objectif à long terme serait que l'ours fréquente à nouveau le territoire qu'il occupait au début du XXe siècle, compte tenu des activités humaines actuelles limitant le territoire disponible. L'effectif correspondant serait d'environ 250 animaux36. Certains des espaces nouvellement réoccupés par l'espèce sont proches d'agglomérations importantes. Dans ces deux territoires, les zones de présence de l'ours sont constatées, et non imposées37 à l'espèce : si des territoires potentiellement favorables peuvent être proscrits, il ne semble pas qu'une population d'ours puisse être maintenue dans un territoire défavorable, à côté d'un territoire potentiellement favorable d'où l'ours serait exclu. Dans l'hypothèse où les territoires de présence reconnus ne seraient pas les plus favorables à l'ours, les animaux seraient naturellement incités à quitter ces territoires pour fréquenter les espaces plus favorables, où ils seraient alors exposés à retrait, ce qui conduirait à un fonctionnement en « source et puits38 », qui serait dommageable pour les ours comme pour les hommes. Enfin, dans les milieux les plus divers, et dans toutes les régions visitées, l'organisation spatiale de la population d'ours, comporte des groupes, ou noyaux, de femelles reproductrices, souvent apparentées entre elles, dont les territoires vitaux se juxtaposent et se recoupent partiellement. Ce sont là les véritables territoires de présence, à côté des territoires parcourus par les mâles, qui ont de plus une période d'erratisme juvénile, et qui sont beaucoup plus vastes. 34 35 Se référer à l'annexe 7 concernant le Trentin. Palomero G, Ballesteros F, Herrero J,y Nores. ED.2006 - Demografia, distribucion, genetica y conservacion del oso pardo cantabrico. FOP. Direccion general para la biodiversidad, Ministerio de Medio Ambiente - Madrid 36 D'après Juan Jose Aceres - Ministerio de Medio Ambiente - Madrid. 37 « Il est très difficile de penser pouvoir influencer un animal dans son choix de territoire » - Marko Jonosovic, Institut forestier slovène. 38 Dynamique des habitats de faune sauvage basée sur leur qualité et pouvant engendrer des surplus démographiques (source) ou des déficits démographiques (puits). 22 La superficie des noyaux de population asturiens (respectivement 1291 km2 et 776 km2, d'après la localisation des femelles reproductrices) et la superficie considérée comme très favorable dans le Trentin de 1700 km2, donnent, dans le contexte des montagnes du sud de l'Europe occidentale, l'ordre de grandeur d'un « territoire de présence » : de 750 km2 à 2000 km2 pour 25 à 100 ours en fonction de la densité. Dans ces deux pays, des communications génétiques entre les noyaux sont en outre recherchées (Asturies : souhait de réunir les deux noyaux ; Trentin : flux spontanés escomptés depuis la Slovénie). 4.3.2 l'hypothèse du cantonnement L'hypothèse d'un « cantonnement » des ours a été de nombreuses fois formulée à la mission ­« la vraie coexistence, c'est cela »- pour tenter de concilier les territoires en conflit et les intérêts en présence. Ce terme désigne, selon le Petit Larousse, à la fois la délimitation d'un terrain (non obligatoirement clôturé) et une installation temporaire. Selon les interlocuteurs rencontrés, d'autres termes ont été utilisés : territoire dédié, zone d'exclusion, réserve, grand parc ou grand enclos, bref un territoire plus ou moins vaste où l'ours pourrait être « fixé » ou se fixer, sans doute clôturé, sans doute définitif, mais sans que ces dernières qualifications aient été explicitement formulées. Il ne s'agit pas pour autant d'un parc zoologique, terme jamais prononcé, mais plutôt d'une immense réserve, sans qu'obligatoirement elle soit associée à un objectif touristique de parc de vision39, et, comme chacun sait, il existe, au moins dans des régions tropicales et subtropicales, de vastes parcs clôturés : diverses réserves d'Afrique australe, la clôture à dingos d'Australie. La mission a eu le sentiment qu'un accord général pourrait même être facilement trouvé pour localiser les terrains nécessaires, en un ou plusieurs tenants, même s'il faudrait bien que quelqu'un se décide à un moment à mettre à disposition des milliers d'hectares. Si on veut respecter la biologie de l'ours présentée supra, il faudrait en effet trouver l'équivalent, pour la population actuelle d'ours, d'environ 200 à 300 000 hectares, soit la superficie d'un demidépartement. La mission a donc analysé la pertinence et la faisabilité de cette hypothèse séduisante au premier abord. Elle estime en synthèse que cette solution de grande(s) réserve(s) clôturée(s), de plusieurs milliers d'hectares, conduirait à de grandes difficultés de mise en oeuvre ou à des impasses, et que les partisans de cette réalisation sont, pour beaucoup d'entre eux, tout à fait conscients de ces difficultés. Indépendamment du coût budgétaire de la clôture elle-même, celles-ci paraissent à la mission de trois ordres : techniques, biologiques, sociales. techniques d'abord : le biotope naturel de l'ours dans les Pyrénées comprend les landes d'altitude à myrtilles, vers 2000m d'altitude. La clôture, approximativement plantée en courbes de niveau qui la limiterait vers le haut, serait exposée aux avalanches ; en forêt, biotope principal de l'ours, elle serait exposée aux chutes d'arbres, sauf à la border de tranchées déboisées plus larges que la hauteur du peuplement forestier. La libre circulation des cours d'eau traversant l'enclos poserait des problèmes hydrauliques (embâcles, charriages d'alluvions...) difficilement compatibles avec la continuité d'une clôture très étanche. 39 L'exemple du parc à loups de l'Ariège a été plusieurs fois cité, mais en beaucoup plus grand. 23 - biologiques ensuite : quelle gestion de la faune à l'intérieur du parc ? L'ours devraitil être nourri ? Quelle densité d'animaux accepter, sachant qu'un seul individu occupe en liberté plusieurs milliers d'hectares et que les mâles dominants peuvent exclure violemment les autres ? Que faire des animaux issus des reproductions ? quelle gestion des autres espèces, ongulés notamment ; la chasse serait-elle envisageable en présence d'une forte densité d'ours, et intéresserait-elle quelqu'un ? S'il n'y avait pas de chasse et que l`ours ne régulait pas suffisamment les herbivores, le milieu serait dégradé par ceux-ci. De ce fait, un tel enclos paraît nécessiter une gestion attentive et interventionniste, donc coûteuse. Si le périmètre d'un tel projet devait concerner des sites Natura 2000, le projet devrait faire l'objet d'évaluation d'incidence, en raison des impacts sur les espèces et sur les milieux. Enfin, cette solution ne serait vraisemblablement pas reconnue comme satisfaisant les conventions internationales et directives européennes, mais ceci reste à analyser en fonction des superficies retenues. sociales enfin : pour les motifs techniques exposés plus haut, le parc ne pourrait vraisemblablement pas être traversé par des sentiers de randonnée, et cette activité pourrait être gelée dans les territoires correspondants. A tout le moins, une clôture à ours poserait le problème de son franchissement possible par les piétons, randonneurs et autres. Tout dispositif de franchissement praticable par l'homme le serait a fortiori par l'ours lui-même, même si sa propension à sortir d'un grand parc serait plus faible que celle de sortir d'un enclos exigu. Par contre, les autres espèces animales terrestres, sangliers, cervidés et isards notamment, rencontreraient une barrière infranchissable. Concernant la vision des animaux, ceux-ci ne seraient facilement visibles dans, par exemple 5 000ha d'un seul tenant, que s'ils sont « apprivoisés » par nourrissage. Y a-til un public pour payer la vision aléatoire et difficile d'animaux captifs qui ne seraient pas présents ailleurs en liberté dans le massif ? Au final, ce parc pourrait donc constituer une gêne pour certaines activités (randonnée, chasse), sans apporter de réel valorisation économique. - Il semble donc qu'à ce stade, sous réserve de l'examen de situations comparables, populations d'ours captifs dans des enclos de quelques milliers d'hectares et parcs clos en situation de moyenne et haute montagne tempérée, s'ils existent, un projet de cette nature, difficile à conduire techniquement, coûteux, non rentabilisable et ne satisfaisant sans doute pas engagements internationaux, ne doive pas être poursuivi. 24 4.3.3 la qualification des territoires de présence En conséquence, la mission a cherché une solution alternative, pragmatique et moins coûteuse, en s'appuyant sur la biologie de l'ours, sur les enseignements de l'analyse comparative, ainsi que sur ses entretiens avec les interlocuteurs du massif, et propose la qualification suivante : Dans un premier temps, la mission a cherché à déterminer les territoires où l'espace forestier est suffisant et où les impacts de l'ours sur l'élevage ovin extensif puissent être les plus limités, en fonction de deux invariants : la biologie de l'ours qui détermine la taille du territoire, et la disposition des estives, qui constitue un capital ancien à préserver. Dans un deuxième temps, elle s'est efforcée de déterminer comment favoriser les conditions de vie de l'ours, alimentation et tranquillité, dans les zones de présence ainsi identifiées pour réduire ses déplacements hors milieu forestier, mais aussi au dehors de ces zones. Cette qualification nouvelle entraîne une adaptation de la gestion de la population d'ours visant à améliorer ses conditions de vie et à contrôler ses déplacements. Elle comprend une amélioration du suivi de l'ensemble de la population. Plutôt que de chercher à parquer l'ours dans certains territoires et qu'il en soit exclu en dehors, le principe proposé est donc de l'encourager à fréquenter certaines zones et de le réguler ailleurs. En inversant ce qui paraît à la mission une fausse bonne piste, elle a plutôt cherché à définir les territoires qui pourraient constituer un « parc virtuel » et les conditions de gestion de l'ours qui pourraient limiter son « dé-cantonnement » de ces territoires. La démarche proposée comporte trois phases : 1. Mettre en évidence les zones forestières compactes : l'ours, animal forestier, vit en forêt et peut se déplacer régulièrement la nuit, plus occasionnellement le jour, dans des espaces ouverts. Sous réserve d'études plus complètes sur l'identification des habitats favorables dans les Pyrénées (voir en 4.3.4), le critère de compacité forestière -l'existence de massifs forestiers étendus, peu imbriqués avec des espaces ouverts-, est celui qui explique le mieux la présence de l'ours. La forêt existante est évaluée en termes de compacité ; seuls sont pris en compte les massifs forestiers d'une étendue de plus de 314 hectares, distants d'autres massifs forestiers semblables ou plus grands de moins de 1 km. Ces seuils sont déterminés d'après le déplacement moyen sur 24 heures des ours les moins mobiles. Le massif pyrénéen n'est pas homogène : parmi les espaces actuellement fréquentés par l'ours, apparaissent comme présentant les zones forestières les plus compactes, le Haut Béarn (Vallées d'Aspe et Ossau), ainsi que les Pyrénées centrales (Haut Comminges et Couserans) et, versant espagnol, le Val d'Aran. 25 2- L'ours étant prédateur de moutons, il convient ensuite d'écarter les zones forestières comportant beaucoup d'estives enclavées ou du pâturage en forêt. Ceci conduit à exclure, notamment dans les Hautes-Pyrénées et la Haute-Ariège, la forêt constituée de versants de faible largeur, dans les hautes vallées, ou bien imbriquée à maille petite avec des surfaces pastorales. L'ours, dans les conditions actuelles d'occupation de l'espace, y sera plus nuisant sur les troupeaux, ou trop dérangé par les activités humaines. Il ressort deux territoires principaux : le Haut-Béarn ; les Pyrénées-Centrales ; et éventuellement un troisième territoire, en limite de l'Ariège, de l'Aude et des PyrénéesOrientales. - Le Haut-Béarn est l'habitat actuel des ours autochtones rélictuels, sur une surface totale (présence régulière, occasionnelle ou très occasionnelle des ours) de 840 km2. La surface contiguë occupée en Aragon est d'environ 400 km2. Les Pyrénées-Centrales (Luchonnais-Couserans), avec les territoires contigus en Espagne du Val d'Aran et de Pallars Sobirà. Les ours d'origine slovène, réintroduits dans cette zone d'où l'ours autochtone a disparu dans les années 1980, amorcent aujourd'hui la reconstitution d'un noyau de femelles reproductrices. Ce constat40 paraît valider le critère de compacité forestière, vis à vis des exigences de l'ours. La surface totale en France est de 1800 km2. La continuité de la forêt dans cette zone, ainsi qu'une séparation assez nette entre espaces forestiers et estives, ne doit pas faire perdre de vue qu'il s'agit d'une montagne habitée, avec une densité moyenne de 17 habitants au km2, réduite à 2 à 4 habitants au km2 dans les communes de fond de vallée. L'élevage y comporte environ 20 bovins41 et 20 ovins au km2. - - Si le critère de compacité forestière explique et permet la fixation de l'ours, une troisième zone des Pyrénées présente des caractéristiques de compacité forestière : il s'agit du territoire incluant en Ariège les massifs des Hares et du Carcanet, la haute vallée de l'Aude et les forêts du Capcir dans les Pyrénées-Orientales. Ce massif forestier compact est d'une étendue comparable à celle de la zone de présence du Haut-Béarn (1000 km2) : il est fréquenté actuellement en été par un ou deux ours mâles. Les études en cours devraient préciser les potentialités de cette zone, où un pâturage extensif, bovin surtout, est pratiqué. Pour mémoire, d'autres territoires, non concernés actuellement par la présence d'ours, comportent une forte densité forestière : Monts d'Olmes, Bélesta en Ariège, Pays de Sault dans l'Aude, massif des Albères dans les Pyrénées-Orientales en zone méditerranéenne. 40 « C'est bien ici les zones à ours, mais il faut rendre les choses vivables pour les gens » a dit un élu local à la mission. 41 Somiedo en Asturies comporte 5 habitants au km2, très répartis, en 38 hameaux sur 300 km2 ; il y a 27 bovins au km2 et 2 ovins (transhumants d'été) au km2 26 Par ailleurs, la zone de plaines et collines au nord du massif pyrénéen ne comporte pas de massifs suffisamment compacts, avec le même critère de prise en compte de la densité forestière. En piémont ou en plaine, la vie de l'ours est possible (les ours croates qui appartiennent à la même population que les ours slovènes se trouvent jusqu'au littoral méditerranéen). Mais les surfaces forestières présentes dans les milieux de piémont ou de plaine au nord des Pyrénées ne présentent pas de compacité, d'où une forte probabilité de dérangement ; la densité de population humaine est forte, et le réseau routier important. D'autre part, la disponibilité alimentaire pour l'ours sur l'année n'est pas prouvée. La présence de l'ours ne paraît possible de façon compatible avec les activités humaines qu'au dessus de 600m d'altitude environ. Il est important de préciser que ces « nouveaux » territoires de présence ne sont pas assimilables à la totalité des zones de fréquentation régulière ou occasionnelle de la carte de la page 14, qu'ils restreignent en fonction du critère de compacité forestière. 3- Dans les territoires identifiés, sont alors à rechercher toutes les voies pour maintenir la qualité du milieu et si possible améliorer celle-ci, pour que l'ours trouve la satisfaction de ses besoins vitaux, essentiellement en forêt, et sur des surfaces plus restreintes. *** La répartition et la compacité des milieux boisés et la présence de troupeaux d'ovins sont donc proposées comme les facteurs les plus importants pour la délimitation de « nouveaux » territoires de présence des ours. Cette approche apporte une représentation simple, voire simpliste, de l'utilisation possible du territoire par l'ours et ne vise qu'à mettre en évidence, par rapport aux critères utilisés, des contrastes entre territoires pyrénéens. Il en ressort la carte suivante (carte 3). La démarche complète est exposée dans l'annexe 8, qui présente aussi les cartes correspondants aux trois zones identifiées ici. 27 Carte 3 : Massif pyrénéen. Proposition de territoires de présence. 28 4.3.4 la concertation sur la qualification des territoires Dans les trois pays européens visités, des territoires ont ainsi, comme dans la proposition présentée supra, été délimités. Leur représentation cartographique existe avec une large diffusion. Sont représentées les zones où la présence de l'ours est reconnue et acceptée, et les zones dans lesquelles la présence de l'ours est, soit considérée comme impossible parce que les habitats adéquats n'existent pas, soit parce que la densité d'occupation humaine et les activités sont jugées incompatibles avec la présence de l'ours. Cette délimitation s'est faite avec la participation des élus et de la population. Dans le contexte pyrénéen actuel, en tenant compte, d'une part, de la biologie de l'ours, qui pourrait l'amener à réoccuper tout l'espace montagnard occupé il y a un siècle, et, d'autre part, de l'opposition majoritaire actuelle des acteurs locaux à la présence de l'ours, il n'est évidemment pas envisageable aujourd'hui de délimiter unilatéralement des zones par un trait sur une carte, c'est-à-dire de définir un zonage, comme il est proposé ici, sans la participation de toutes les parties prenantes et « l'adhésion de la population locale 42 ». La mission n'était évidemment pas mandatée pour esquisser une telle négociation sur un, ou plusieurs, territoire(s), ni sur des critères de choix de territoires. Elle estime que la proposition de qualification de territoires de présence -présentée supra et détaillée dans l'annexe 8-, et l'attente, sinon la nécessité, de trouver une « porte de sortie honorable pour tous », qu'elle a ressentie pendant les voyages et lors de ses entretiens de terrain, est l'occasion d'engager cette participation. Cela pourrait se faire, soit par une négociation entre les représentants des différents intérêts en présence, sur le contour de ces territoires, avec un accord préalable sur la représentativité des participants et sur la méthode ; soit par l'application plus ou moins mécanique de critères de choix des territoires, l'établissement de ces critères ayant fait lui-même préalablement l'objet d'une négociation ; ou par tout autre vecteur43 ou méthode de concertation à mettre en place. Sur la base de ses propositions de qualification, la mission recommande la mise en place d'un groupe de travail pyrénéen permettant de remettre les acteurs autour d'une table, pour engager le travail technique d'évaluation de ces propositions et la négociation politique de leur acceptabilité sociale. 42 43 Lettre (déjà citée) du Secrétaire Général de l'Elysée du 1 septembre 2007 au maire de Saint-Lary. A cet égard, la mission a pris connaissance de la proposition d'étude de faisabilité « portant sur la réalisation d'un cantonnement d'ours dans les Pyrénées », proposée en mai 2007 par l'Association pour la sauvegarde du patrimoine Ariège-Pyrénées (ASPAP). 29 4.3.5 l'optimisation de la qualification des territoires L'approche proposée ici par la compacité du territoire forestier correspond à la biologie de l'ours par ses choix spontanés de localisation d'habitat à l'échelle de ces ensembles, mais ne permet pas d'optimiser précisément les territoires de présence permanente de l'ours, dont la connaissance découle d'une capitalisation d'observations. Le travail de thèse44 en cours à l'ETO devrait permettre cette évaluation précise de la capacité d'accueil de l'ours sur la chaîne pyrénéenne. On peut d'ailleurs regretter qu'il ait fallu attendre 2008 pour l'entreprendre45. Pour que ce travail puisse contribuer efficacement à une définition plus précise des territoires à ours, il paraît essentiel que cette thèse ait un prolongement sous la forme d'un travail identifiant deux catégories de paramètres ou facteurs caractérisant le territoire à ours : il s'agirait de distinguer les paramètres qui sont invariants de ceux dont la présence ou l'intensité dépend de la gestion du territoire. Ce travail devrait être mené par l'ONCFS dans le cadre de son programme d'études et de recherche 2007-2010. parmi les premiers : la topographie, l'emprise et la composition en espèces des massifs forestiers (invariants au moins à moyen terme), mais aussi les voies de circulation publiques au titre du dérangement. parmi les seconds, la richesse de la forêt en fruits forestiers, la nature et l'intensité du pastoralisme, les densités d'ongulés, le dérangement éventuel occasionné par la fréquentation touristique. - Dans le cadre de ce travail, l'impact de la modification d'un des paramètres variables (réduction du nombre de cervidés et sangliers, diminution de la fréquentation touristique.....) pourrait ainsi être évalué, ou du moins approché, permettant d'opérer des choix efficaces pour le maintien ou l'amélioration de la qualité du territoire à ours, ainsi que de préciser les enjeux d'une modification de ces paramètres sur l'habitat de l'ours. Par ailleurs, l'analyse du territoire forestier montre que les territoires à ours correspondent à des parties du massif pyrénéen où la discontinuité forestière avec le versant espagnol est la plus faible : au-delà il paraît essentiel que les relations entre les territoires des deux versants puissent être précisés, et que l'étude en cours prenne en compte les données sur la zone frontalière Espagnole. Bien entendu, cette optimisation des territoires de présence devra lui aussi être suivi et travaillé avec l'ensemble des parties prenantes comme présenté en 4.3.4. 44 Thèse de Jodie Martin sur la sélection de l'habitat de l'ours, en cours ­ Universités de Lyon et de Norvège ­ sous la direction de Jon Swenson, responsable du programme de recherches sur l'ours brun en Scandinavie. 45 L'explication en est que le modèle visé nécessite la connaissance de l'utilisation des milieux par les ours réintroduits encore pourvus d'un dispositif télémétrique. 30 4.4 Les mesures à prendre dans les territoires de présence Dans les territoires de présence ainsi identifiés, puis partagés, des mesures spécifiques doivent être étudiées, puis prises, pour améliorer la quiétude de l'ours 46 et ainsi le « fixer », autant que faire se peut, dans ces zones pour éviter son « dé-cantonnement ». Ces mesures concernent particulièrement : - la gestion forestière - la chasse et les loisirs - la disponibilité alimentaire - le pastoralisme ovin Prônant avant toute chose un partage de ces mesures entre les acteurs sur la base d'une dynamique locale volontariste, et non d'une contrainte de l'Etat central47, la mission s'est malgré tout interrogée sur la pertinence d'un cadre réglementaire 48 éventuel pour chacun de ces domaines. Elle pense finalement qu'un tel cadre ne doit pas être a priori écarté, sachant que l'Etat doit prendre les responsabilités qui sont les siennes, puisqu'il est également un acteur de ces mesures à partager. Ainsi, la mission a observé que, pour le juge administratif49, la voie contractuelle est insuffisante pour assurer le respect de la directive Habitats et de l'article L 411-1 du Code de l'Environnement : il considère que les moyens prévus par les arrêtés préfectoraux : déclaration de battue 72 heures à l'avance, panneautage, puis dispositions spécifiques aux ourses avec oursons et ours en tanière, méconnaissent les dispositions de la directive et de l'article susmentionné, compte tenu du très petit nombre d'ours subsistant dans ce département et du caractère dérangeant des battues collectives. Le tribunal administratif considère que seul un arrêté qui contiendrait les « mesures nécessaires pour qu'une battue ne puisse pas être organisée sur un territoire fréquenté par un ours », serait « de nature à interdire la perturbation intentionnelle et à éviter la destruction » de l'ours. Les seules mesures d'interdiction de chasser édictées concernent les femelles avec ourson et les ours en tanière hivernale. De même, dans le cas du jugement en correctionnelle 50 de Pau, la mission a pris note qu'aucune faute pénale n'avait été commise, la présence d'un ours n'interdisant pas le déroulement d'une battue, ou d'autre acte de chasse, en l'absence d'interdiction formelle de chasser, et que le chasseur se trouvait en état de nécessité quand il avait ouvert le feu. Ces décisions jurisprudentielles amènent la mission à ne pas considérer l'absence de mesures réglementaires comme un dogme qui ferait obstacle au consensus : elles doivent au contraire être étudiées collectivement en fonction de l'efficacité escomptée des mesures à prendre. La qualification partagée des nouveaux territoires de présence, qui, de fait, restreint la présence des ours dans une plus petite part du massif, devrait avoir comme corollaire une plus grande attention portée à la gestion des populations d'ours au sein de ces territoires 51. 46 47 Cet objectif est incontestablement LE motif premier de toutes les mesures prises dans les pays visités. La « guerre des Demoiselles » s'est terminée en 1870, il y a 138 ans ! 48 Suivant en cela la prescription du Plan de renforcement en matière de chasse. 49 Jugement du tribunal administratif de Pau du 27 mars 2008, sur requête visant à l'annulation des mesures concernant l'ours dans les arrêtés d'ouverture et de clôture de la chasse dans les Pyrénées-Atlantiques. 50 Jugement du tribunal correctionnel de Pau du 21 avril 2008, suite au tir de l'ourse Cannelle en novembre 2004. 51 « Le contrat n'empêche pas le contrôle » a dit un élu local à la mission. 31 4.4.1 l'adaptation de la gestion forestière Il convient de prendre en compte le fait que, depuis le début du XXème siècle, époque où le massif pyrénéen hébergeait une population ursine encore potentiellement viable (150 individus environ), le milieu forestier a connu des modifications substantielles : - progression de la forêt, vers le haut et vers le bas, suivant une tendance amorcée au milieu du XIXème siècle, - pénétration accrue du massif par des voies d'accès pour véhicules, apparition et développement de l'activité randonnée loisirs, - multiplication du sanglier et des cervidés, absents ou rares auparavant. Certaines de ces évolutions sont favorables à l'ours (augmentation de la surface forestière), d'autres peuvent être défavorables (fréquentation et compétition par les ongulés). Dans les régions visitées, seule la Slovénie fait l`objet d'une activité d'exploitation forestière régulière. En Asturies, il n'y a pas d'exploitation forestière dans le territoire visité. Dans le Trentin, cette exploitation est, en zone à ours, limitée à des surfaces réduites, notamment par la topographie, et interdite au-dessus de 1700m d'altitude. Aux USA, dans les régions visitées, il n'y a pas d'exploitation dans le parc de Yellowstone, et dans le Montana certains droits d'exploitation de compagnies forestières en zone à ours sont rachetés par des ONG. En Slovénie, dans la région de Medved (et il en est probablement de même dans toute la région forestière du Karst au relief doux), l'exploitation régulière (par petites coupes rases de quelques dizaines de mètres de diamètre) concerne la quasi-totalité de la forêt, à l'exception de périmètres de 200m autour des zones de tanières connues. Conduite par des moyens classiques, l'exploitation a motivé la création d'un réseau dense de routes forestières 52. Hors activité d'exploitation, les routes et pistes forestières ne sont interdites qu'aux « véhicules à roues », mais pas aux piétons. Des différences significatives existent ainsi entre territoires forestiers fréquentés par l'ours, quant à l'exploitation et quant à la pénétrabilité. Sur ce dernier point, les « zones critiques » asturiennes du parc de Somiedo sont interdites à la pénétration des touristes, par des dispositions réglementaires. En Italie, le massif de la Brenta est quant à lui défendu par son relief particulièrement escarpé et compliqué : l'exploitation forestière y est inexistante au dessus de 1700m. La pénétrabilité de la forêt slovène est peut-être compensée pour la tranquillité de l'ours par sa grande étendue et la compacité de cette forêt dans la zone à ours du sud du pays, forêt à peu près continue dans laquelle les zones urbanisées et agricoles constituent des îlots. Cette pénétrabilité de la forêt est toutefois de nature à favoriser l'accoutumance des ours à la présence humaine, concurremment avec le nourrissage. Pour les Pyrénées, les pentes fortes qui caractérisent les zones à ours ont conduit à préconiser l'exploitation des coupes par câble, qui demande moins d'équipements pérennes en routes et pistes de pénétration . 52 Soit 25 m de routes forestières et 200m de pistes d'exploitation par hectare, adaptés au débusquage par tracteurs à une distance maximale de 60m. Cette densité de voies forestières est élevée par rapport aux standards français d'équipement routier en forêt de production . 32 Mais l'équilibre économique de l'exploitation par câble, même avec des incitations financières, implique des prélèvements importants sur des surfaces significatives, avec pour conséquence un retour de l'exploitation sur les mêmes surfaces après plusieurs décennies seulement, donc des perturbations appréciables des milieux, suivies de périodes de quiétude prolongées. L'ouverture des milieux qui y correspond paraît être favorable au développement de la végétation arbustive productive de baies ; cette ouverture paraît cependant défavorable au développement des myrtilles, qui demandent un couvert arboré léger. La sylviculture progressive de peuplements forestiers irrégularisés par parquets et bouquets, préconisée dans le plan de restauration de l'ours pyrénéen, ne paraît guère compatible avec l'exploitation par câble préconisée pour limiter la création d'accès routiers aux sites sensibles de l'habitat de l'ours. D'autre part, dans le contexte d'une mobilisation accrue des bois demandée à l'ensemble de la forêt, suite aux conclusions du « Grenelle de l'Environnement », le massif pyrénéen est l'un de ceux qui recèle des volumes de bois peu exploités depuis longtemps, susceptibles de déstockage. Il paraît donc nécessaire qu'une protection stricte des zones de quiétude (souvent forêts de sapins sur très forte pente, difficilement exploitables) et des zones d'élevage des jeunes (milieux plus ouverts) soit instituée. Les zones vitales sont bien connues et cartographiées, et prises en compte en Béarn, moins connues encore en Pyrénées-Centrales où elles semblent toutefois souvent se situer en forêt domaniale. Concilier un accroissement de la mobilisation de bois pour réduire les émissions de CO2 et la présence de l'ours demande ainsi une amélioration des connaissances sur l'utilisation des milieux forestiers par l'ours : si la situation slovène montre que l'ours peut vivre, en forte densité, en forêt régulièrement exploitée, l'objectif pyrénéen de garder le plus possible les ours en forêt doit viser deux objectifs : - quiétude pour éviter toute accoutumance à l'homme, - et nourriture en forêt pour limiter les incursions de l'ours dans les estives. En forêt domaniale, la règle des « 2/3 - 1/3 », édictée dans les années 1990, et transcrite dans le « guide de gestion forestière en zone à ours en Pyrénées-Centrales. Office National des Forêts. 1994 » est toujours en vigueur53 et appliquée. Il s'agit, à l'échelle d'une unité de gestion forestière, d'assurer en permanence une absence de perturbation par des chantiers sur les 2/3 de la superficie. Cette disposition n'est applicable et intéressante qu'à l'échelle de territoires assez vastes relevant d'une gestion commune. Selon les gestionnaires forestiers pyrénéens, « la mévente des bois pyrénéens depuis 2000 après les grands chablis, l'absence de coupes forestières, ont conduit au respect spontané de cette règle ». La révision du guide ONF de gestion forestière en zone à ours est en cours. Il adopte une approche différente : des zones de quiétude, correspondant notamment à des sites vitaux54 pour l'ours, spontanément non perturbées, (généralement forêts inexploitables, inaccessibles ou rocheuses, trop pentues) sont identifiées. Il est prévu d'en évaluer ensuite le complément à rechercher, en instaurant si nécessaire des contraintes à l'exploitation des autres surfaces domaniales. Ce travail est en cours, avec une phase technique s'achevant mi-mai 2008, et une concertation avec les propriétaires communaux et privés au deuxième semestre. 53 54 Ce guide a été approuvé par arrêté interministériel du 28 mars 1994. Voir définition page 13. 33 Dans les Pyrénées centrales, les terrains domaniaux représentent 20% environ des espaces naturels, forêts et pâturages, soit 35 000 ha sur 180 000 ha. Leur proportion dans le Haut Comminges et le Haut Couserans atteint 40%. Les forêts domaniales, champ d'application directe de ce guide représentent donc une part significative du territoire. L'application de ce guide à la gestion forestière, comme l'adaptation des modes de chasse et des pratiques pastorales en terrains domaniaux, sont des opportunités pour une meilleure prise en compte des besoins vitaux de l'ours. L'Etat, de fait, a la possibilité, et la responsabilité, de prendre les mesures nécessaires dans ces territoires plus que dans ceux qui ne sont pas de sa maîtrise directe. C'est pourquoi la mission recommande à la Direction de la Nature et des Paysages d'entreprendre, avec la Direction générale de l'ONF, une étude des mesures à prendre dans les forêts domaniales comprises dans les nouveaux territoires de présence. Concernant la seule gestion forestière, ces mesures pourraient notamment étudier : - la mise en réserve biologique domaniale des zones de quiétude spontanées (inaccessibles, rocheuses, pentues), et éventuellement d'autres surfaces domaniales (exploitables) en complément ; - la modification d'itinéraires de randonnée, suivant l'analyse précédente des zones de quiétude ; - l'examen des modalités de chasse sur ces territoires (interdiction dans les réserves de chasse, achèvement de la saison de chasse au 1er décembre). Concernant les autres problématiques présentées ci-après (4.4.2 et suivants) et se situant en forêt domaniale, ces mesures pourraient étudier : - l'amélioration de la disponibilité alimentaire (production des myrtillaies, mise en place dans des sites adéquats des cultures de légumineuses et céréales, plantation de fruitiers de variétés autochtones) et la participation à son suivi ; - la participation à la mise à disposition de pièces de grand gibier pour nourrissage ; - la maîtrise des densités de grands ongulés (plans de chasse permettant de maintenir le cerf à des densités de 1 à 2 animaux /100ha, régulation du sanglier à un niveau comparable) ; - la poursuite des expérimentations de LIFE ours 1998 ; - l'élaboration d'un volet pastoral dans les directives régionales d'aménagement (qui pourraient s'inspirer des recommandations des DOCOB relatives aux milieux pastoraux, notamment en ce qui concerne le gardiennage) ; - le soutien aux investissements de protection, par l'allègement des redevances domaniales. Concernant le suivi des populations d'ours (chapitre 5), la participation de l'ONF pourrait comprendre : - la mise à disposition de 200 journées de personnels au printemps, pour effectuer les comptages sur neige « orso » ; - la communication à l'ETO de tous les indices recueillis sur le terrain au cours de l'année par les fonctionnaire et ouvriers de l'établissement. 34 Conformément au Contrat Etat-ONF 2007-2011 en vigueur, l'ensemble de ces mesures devra faire l'objet d'étude d'impact technique et financier. Concernant les autres forêts, communales et privées, la mission estime que l'étude de tout ou partie de ces mesures est également nécessaire, en concertation avec l'Union massif des communes forestières des Pyrénées pour les forêts communales, et avec les trois Centres régionaux de la propriété forestières (CRPF). 4.4.2 la participation des chasseurs et des randonneurs Pour la chasse, la majorité des surfaces pyrénéennes fréquentées par l'ours est chassée. Dès les premières réintroductions de 1996/1997, l'Etat s'est engagé à ne pas imposer de mesures réglementaires 55 concernant la chasse en présence d'ours dans le massif des Pyrénées. Des chartes56, négociées entre l'Etat et les fédérations de chasseurs, prévoient la formation et l'information des chasseurs, et les actions appropriées aux situations jugées à risques. Elles prévoient aussi une évaluation des actions à la fin de chaque saison cynégétique et leur réexamen pour les saisons suivantes. Deux jugements récents, cités supra, concernant les arrêtés d'ouverture et de clôture de la chasse, et le tir de la dernière ourse de souche pyrénéenne, précisent l'appréciation par la justice des dispositions en vigueur. Pour le juge pénal, la battue est légale en l'absence d'interdiction formelle ; pour le juge administratif, la voie contractuelle (seule existante dans les Pyrénées-Atlantiques pour les animaux autres que les ourses suitées et les ours en tanière) est insuffisante pour assurer le respect de la directive Habitats. Si elles étaient finalement décidées après négociation, des réglementations limitées dans l'espace (réserves de chasse limitées à des sites vitaux connus) ou dans le temps (interdiction de battues en présence détectée d'ours) présenteraient cependant aujourd'hui quelques difficultés d'application : d'une part, si les sites vitaux des ours sont bien connus dans le Béarn, ils le sont peu encore dans les Pyrénées-Centrales ; d'autre part, en dehors de la minorité d'ours des Pyrénées-Centrales pourvus provisoirement d'un collier, un ours peut être présent dans une battue sans avoir été détecté, et un ours détecté dans un territoire de battue peut se trouver quelques heures plus tard dans un territoire voisin. On ne peut donc conditionner des mesures à la détection des ours, parce qu'ils ne sont pas toujours détectables. Les ours n'étant pas détectables, il paraît exclu de faire de réserves de chasse à l'échelle des territoires de présence proposés : dans chaque cas, ces réserves occuperaient une surface appréciable de plusieurs communes. Ceci n'existe d'ailleurs pas dans les territoires similaires des pays voisins, et ne manquerait pas de créer des problèmes avec sanglier et cerf, y compris pour l'ours. 55 56 Plan de restauration, page 122. Charte entre l'Etat et la fédération des chasseurs de Haute-Garonne, signée pour la saison 2007-2008. Charte entre l'Etat et la fédération des chasseurs des Pyrénées-Atlantiques, signée pour la saison 2005-2006, reconduite en 2006-2007. 35 Il apparaît donc à la mission, au vu de ces décisions de justice et de l'évaluation des chartes pour les saisons à venir, que les seules voies d'amélioration de la situation sont à la fois la création de réserves dans les sites vitaux57 pour l'ours, au fur et à mesure que ceux-ci sont connus, et la formation des chasseurs à la pratique de la chasse en territoire à ours. La mission recommande donc : - En forêt domaniale, les réserves de chasse et de faune sauvage58, venant à échéance, devraient être reconduites par précaution. Leur modification ultérieure ne devrait intervenir que dans le cadre de l'application du guide de gestion forestière en zone à ours, identifiant les zones de quiétude, et en fonction de la meilleure connaissance de l'utilisation du territoire par l'ours. - En dehors des territoires domaniaux, les sites vitaux identifiés pourraient être progressivement comprises dans les réserves de chasse des Associations communales de chasse agréées59 (ACCA). En dehors de ces zones, la détection (plus aléatoire) d'ours devrait inspirer des méthodes plus précautionneuses : chiens tenus en laisse, et utilisation de talkies walkies ; formation à la distinction ours/sanglier ; formation à l'attitude à tenir en cas de rencontre avec l'ours, en s'inspirant de l'expérience asturienne. Pour prendre ces mesures à bon escient dans les Pyrénées-Centrales, il est nécessaire de mieux connaître l'utilisation du territoire par l'ours. Un suivi efficace de la présence de l'ours, tel que celui qui se pratique dans les Asturies, permettant une amélioration continue des connaissances, doit donc fonctionner. Les zones de tanières ne seront identifiables que progressivement : le choix des animaux actuellement suivis montre un certain éclectisme dans les choix des sites de tanières, en matière d'altitudes et d'expositions, ce qui laisse à penser que la caractérisation de ces zones par des critères physiques du milieu (pente, altitude, exposition, couvert forestier, confinement ...) est difficile, d'autant que l'on manquera de données d'étalonnage. On peut noter qu'en Cantabrique, bien que le suivi soit dense, la connaissance continue à évoluer. En Slovénie, les zones de tanières correspondent à des formations de Karst à cavernes et sont ainsi connues et prises en compte. Il semble difficile dans le contexte pyrénéen de localiser avec précision des zones de tanières assez restreintes pour y édicter des règles de gestion. Une mesure peut être d'arrêter la chasse au 1er décembre dans les zones à tanières connues et les plus probables. Par ailleurs, les informations régulières sur la localisation des ours concernent essentiellement les ours pourvus d'émetteurs. La disparition de ceux-ci implique la prise en compte de tous les indices et des synthèses préalables. 57 58 Voir définition page 13. Article L. 422-27 du Code de l'environnement. 59 Article L 422-2 du Code de l'environnement. Cette mesure est d'ailleurs actuellement à l'étude dans le département des Pyrénées-Atlantiques. 36 Ainsi, les indices (poils, fèces) peuvent donner des indications datées, mais pas toujours. Les recherches simultanées d'indices sur neige peuvent en donner fin avril-début mai « dernière neige » et septembre-début octobre « première neige ». La possibilité et la date de ces opérations sont dépendantes des conditions climatiques. Les dates des synthèses qui peuvent être proposées utilement, sont en juin, avant la montée des troupeaux en estive, et fin août, avant l'ouverture de la chasse (données de juin actualisées de données estivales sur les pièges à poils). Par ailleurs, pour les itinéraires de randonnée, des modifications de tracé pourraient être envisagées, en forêt domaniale, en fonction des connaissances sur le besoin de l'ours en zones de quiétude. Une négociation avec la Fédération française de la randonnée pédestre (FFRP) et ses comités régionaux et départementaux, et avec d'autres associations de randonnée et d'opérateurs du tourisme, devrait être engagée. Enfin, l'interdiction des voies forestières à la circulation automobile privée est aujourd'hui la règle et il est important qu'elle soit appliquée. 4.4.3 l'amélioration de la disponibilité alimentaire La disponibilité alimentaire du milieu paraît pouvoir orienter largement le régime alimentaire de l'ours brun60, ce qui valide la recherche d'amélioration en ce sens. L'ours Cantabrique, réputé se contenter de quelques carcasses de nourriture animale, dispose d'un milieu forestier riche en ressource alimentaire végétale : il est végétivore. Il semble que la situation du territoire béarnais soit relativement satisfaisante en matière de disponibilité alimentaire pour l'ours, la politique conduite par l'IPHB61 avec ses partenaires, notamment les communes forestières, ayant, avec la présence permanente des ours, conservé en bon état les milieux forestiers qu'il fréquente. Les préconisation ci-dessous concernent donc essentiellement les Pyrénées-Centrales, avec des objectifs à court, moyen et long terme. pour le court terme : valoriser en priorité l'existant Il est nécessaire en premier lieu d'améliorer la production des myrtillaies en forêt domaniale, dont la production assure une part significative de l'alimentation de l'ours62. Un travail de recherche technique sur ce thème a été confié en 1994 à l'ONF pour préciser les techniques à mettre en oeuvre. Des protocoles expérimentaux ont été mis en place, mais ce travail n'a pas fait l'objet de suivi et d'évaluation. 60 Aux USA, dans un contexte différent, les milieux du Yellowstone, sous climat sec, sont pauvres en ressources végétales pour l'ours. De plus, les ongulés, bison et cervidés en densité importante, exploitent l'essentiel de la ressource végétale, avec un impact fort sur la végétation, bien révélé par des enclos témoins. L'ours brun y est largement carnivore. Par contre, dans le Parc des Glaciers, plus humide et bien pourvu de baies et autres végétaux appétents, le même grizzly se nourrit à plus de 90% d'herbe et baies. 61 Institution Patrimoniale du Haut-Béarn. 62 Plus du quart, selon Berduccou, Falliu et Barrat, 1990. 37 La mission recommande que ce programme soit réactivé, pour déboucher sur des réalisations concrètes, d'autant que les dispositifs expérimentaux déjà installés sont à même de livrer certains résultats. Les conclusions des expérimentations lancées ensuite plus largement en 1998 sur les modalités d'amélioration des ressources alimentaires végétales, dans le cadre du programme LIFE Ours devraient aussi être tirées. Les protocoles expérimentaux mis en place ou projetés devraient être rénovés et exploités. Il pourrait également être envisagé le nourrissage de l'ours dans des lieux d'alimentation potentiels. L'abandon sur place de pièces de grand gibier (cerf, sanglier) pourrait contribuer de façon très naturelle à l'alimentation en protéines de l'ours63, en automne et, suivant des formules à étudier, au printemps. Les tirs correspondants devraient se faire sous couvert forestier dense pour éviter les vautours, et loin de toute ressource d'eau potable et des itinéraires de randonnée. L'adaptation des tarifs de tir (bracelets utilisés dans ce cas) des animaux, soumis au plan de chasse, reste aussi à étudier. Cette question du nourrissage fait néanmoins débat. Elle s'argumente à plusieurs niveaux : nourrir l'ours en forêt permet de le maintenir à distance des lieux habités ou de ceux où on ne veut pas qu'il aille ; il permet le suivi et le comptage ; il donne l'occasion de le capturer ou de l'éliminer. A côté du débat éthique sur l'intervention de l'homme et l'artificiel, cette pratique peut sembler pertinente pour cantonner l'ours en cas de forte densité (Slovénie, USA 64), mais il est alors absolument nécessaire qu'elle se fasse dans des lieux forestiers très éloignés des zones habitées et pastorales, avec précautions olfactives et de façon aléatoire, pour lui éviter d'associer ce nourrissage avec la présence humaine. Il n'est pas certain que le territoire pyrénéen soit adapté à toutes ces données, mais il n'est pas interdit d'étudier la question. De même, le nourrissage au maïs, pratiqué en Slovénie 65, doit-il être soigneusement mis en oeuvre pour éviter une accoutumance qui inviterait le plantigrade à descendre dans les champs de maïs de la plaine, nombreux dans les Pyrénées. pour le moyen terme : planter des végétaux herbacés alimentaires Les gestionnaires du Montana ont insisté sur la valeur alimentaire des différentes espèces de trèfle pour l'ours, alimentation végétale particulièrement riche en protéines. Il est connu d'autre part que l'ours apprécie les céréales (blé, orge, avoine) avant maturité complète, au stade « grain pâteux ». Ce type de culture pourrait être installé en forêt, sous réserve de trouver des sites de qualité de sol convenable, éloignés des zones fréquentées, pour éviter à la fois dérangement et accoutumance à l'homme . La mission recommande de réaliser des cultures de légumineuses (source de protéines) et de céréales. 63 64 Selon Christopher Servheen, la consommation de carcasses n'induit pas de comportement prédateur. Ce nourrissage sur sites aléatoires est pratiqué dans le Montana, avec des cervidés victimes de collisions. 65 Nourrissage sur plateaux sur pilotis et maïs dans caissons en bois avec couvercle pour éviter l'utilisation sauvage par les sangliers et les corbeaux. 38 pour le long terme : planter des fruitiers La plantation d'arbres fruitiers (pommiers, poiriers) de variétés locales adaptées et d'arbres forestiers (châtaigniers, voire chênes), s'ils sont absents alors que les conditions de milieu sont favorables, sont à terme indispensables. Un inventaire et une cartographie des plantes alimentaires de l'ours brun en Pyrénées-Centrales (ONF, Life Ours, 1988) ont été réalisés : plantation d'espèces arbustives, mise en oeuvre des mesures d'amélioration des milieux préconisées par les études, optimisation de la disponibilité des baies et fruits forestiers dans les forêts publiques. En forêt communale, et surtout en forêt privée où se situent souvent les milieux les plus fertiles, des actions de même nature peuvent être envisagées avec les propriétaires, en particulier en ce qui concerne la plantation de fruitiers, suivant des formules contractuelles à préciser, prenant en compte le fait que ces plantations ne sont pas susceptibles d'apporter un revenu aux propriétaires. Des plants d'espèces et variétés autochtones de fruitiers pourraient être fournis gratuitement aux propriétaires pour les inclure dans leurs plantations forestières. et intégrer ces modalités de gestion « ours » dans les documents d'orientation et de planification forestière Au delà, il serait intéressant que le schéma stratégique de massif forestier pyrénéen, en cours d'élaboration (phase d'état des lieux), à l'initiative de l'Union de massif des communes forestières pyrénéennes, et auquel participent activement les forestiers privés et l'ONF, prenne en compte les spécificités de gestion des espèces pyrénéennes emblématiques, l'ours et le grand tétras. La refonte des « règles de gestion forestière en zone à ours » de l'ONF récemment entreprise (voir 4.4.1) par cet établissement pourra, au delà de ses applications en forêt domaniale, apporter de propositions techniques à ce schéma stratégique. limiter la concurrence avec les grands ongulés L'ours du sud-ouest européen est très majoritairement végétivore, 70 à 75% de son alimentation est d'origine végétale, les protéines animales lui étant surtout nécessaires au sortir de l'hibernation, et avant d'y entrer. Aux époques de disponibilité de myrtilles (aoûtdécembre), celles-ci peuvent représenter plus de la moitié de son alimentation. Depuis le XIXème siècle quand les Pyrénées hébergeaient une population viable d'ours, avec des surfaces forestières notablement plus faibles qu'actuellement, et partiellement pâturées par du bétail, la disponibilité alimentaire pour l'ours en forêt a très vraisemblablement augmenté. Toutefois, le développement des cerfs et sangliers, à peu près inexistants à l'époque, est maintenant de nature à réduire cette disponibilité. Pour le sanglier, il s'agit de compétition directe. Pour le cerf, il s'agit à la fois de compétition directe sur l'herbe en croissance printanière riche en protéines, et de compétition indirecte par abroutissement de plantes à fruits. Cette compétition est à même de s'exercer partout, et notamment dans les zones de quiétude des ours. 39 Dans les communes des Pyrénées-Centrales, les densités de cerf atteignent 3 à 6 pour 100 ha et celles de sanglier 2 à 8 pour 100 ha66. A titre de comparaison, en Asturies, les densités, variables selon les territoires, sont de l`ordre de 2 cerfs pour 100 ha, et 1,5 à 2,4 sangliers pour 100 ha ; dans le Trentin : 1cerf/100 ha, sanglier absent ; en Slovénie, 5 cerfs/100 ha et 1 sanglier/100 ha. Ainsi ces densités sont-elles les plus fortes en Pyrénées-Centrales. Les comparaisons entre territoires à composition floristique et productivités différentes doivent être maniées avec précaution, mais la compétition alimentaire par le sanglier, notée dans les Asturies, s'exerce très probablement aussi dans les Pyrénées. Concernant le cerf, les densités très fortes présentes dans les Pyrénées centrales, Luchonnais et Barousse, sont reconnues empêcher depuis une décennie au moins la régénération d'une espèce forestière majeure, le sapin. De façon plus discrète, les espèces arbustives à baies, tel le framboisier, sont pratiquement éliminées 67. L'étendue des territoires et la diversité des ressources permettent à l'ours de s'alimenter convenablement malgré cette raréfaction de la ressource, mais il est probable qu'une plus forte densité de cette ressource en baies et autres végétaux en forêt serait de nature à réduire les déplacements des ours, notamment hors forêt. L'impact des cervidés pourrait être mieux appréhendé par l'exploitation de nombreux dispositifs d' « enclos-exclos », y compris les placettes « RENECOFOR 68 », existants dans les Pyrénées centrales, dans une démarche pluriannuelle. Le retour à des densités plus basses de cervidés conditionne le renouvellement de la forêt de sapin en Haut Comminges et en Barousse, actuellement compromis ; la maîtrise des densités de cervidés et sangliers est nécessaire au bon état de la végétation intéressante pour l'ours (et pour le grand tétras), y compris les cultures que l'on propose de réaliser pour l'ours. D'autre part, la constitution de zones de quiétude pour l'ours, notamment en implantant les réserves d'ACCA dans les territoires favorables, peut conduire à un développement des sangliers dans ces zones refuges : les ongulés « apprendront » assez vite à utiliser les zones de refuge quand c'est nécessaire, même avec une densité forte, pour le reste du temps occuper l'espace disponible. La régulation du sanglier dans ce cas pourrait mettre à profit l'expérience asturienne de chasse dans les « zones critiques » pour l'ours cantabrique. La mission recommande à l'administration, en concertation avec les chasseurs, pour les espèces soumises au plan de chasse, et aux chasseurs (fédérations départementales de chasse) pour les sangliers, de limiter la pression des cervidés et des sangliers. Il lui paraît utile d'assurer un suivi de l'évolution de la ressource alimentaire végétale disponible pour l'ours compte tenu de cette compétition. Ce suivi peut se faire à partir d'un réseau de placettes couplées à des témoins mis en défens des ongulés, implantées en des sites représentatifs de la flore qui concourt à l'alimentation de l'ours, sur l'ensemble du territoire concerné. 66 67 Source ONCFS, densité de sanglier évaluée à partir des tableaux connus. Observation directe de dispositifs d'enclos-exclos de l'ONF. 68 RENECOFOR : Réseau National de suivi à long terme des ECOsystèmes FORestier. Réseau de placettes clôturées mis en place en forêt pour suivre l'évolution de divers paramètres des écosystèmes forestiers. Ces placettes non accessibles aux ongulés peuvent constituer des témoins de la flore herbacée/arbustive. 40 4.4.4 le renforcement des mesures de coexistence avec le pastoralisme ovin Si l'ours doit trouver suffisamment de tranquillité et de nourriture en forêt, il faut aussi que le mouton ne soit pas une proie facile pour lui : « on n'est pas là pour amener à manger aux prédateurs ». A l'échelle des territoires de présence identifiés (millier de km2), il n'est pas envisageable, économiquement et socialement, d'exclure l'élevage ovin extensif. Celui-ci est d'autre part, comme on l'a vu, le seul acteur de l'entretien de certaines zones. En premier lieu, la mission rappelle, s'il en était besoin, l'existence des différents rapports, indépendants du plan de restauration de l'ours, élaborés ces dernières années sur le soutien au pastoralisme : « Plan de soutien69 à l'économie de montagne (PSEM) ­ 2007-2013 » ; « La situation relative à la valorisation70 économique des produits agricoles du massif pyrénéen » ; « Les équipements pastoraux71 dans le massif pyrénéen » ; « Pastoralisme pyrénéen : proposition de plan72 d'actions ». Certaines des mesures budgétaires prises en prolongement de ces rapports sont prévues dans le volet en faveur de la filière agropastorale de la Convention interrégionale du massif des Pyrénées 2007-2013 et un nouvel arrêté 73 fixant les modalités d'attribution des subventions dans le cadre du PSEM est paru récemment. Par ailleurs, les collectivités territoriales, notamment les Départements, ont mis en place et/ou soutiennent des politiques et des instruments spécifiques : la Fédération pastorale de l'Ariège, le Centre de ressources pour le pastoralisme et la gestion de l'espace (CRPGE) des HautesPyrénées, l'Institution patrimoniale du Haut-Béarn (IPHB) dans les Pyrénées-Atlantiques. La mission fait évidemment siennes les propositions des rapports, ainsi que celles contenues dans l'évaluation74 du Plan de restauration et du PSEM qui les rappellent, et insiste sur leur indispensable mise en oeuvre, et notamment leur continuité budgétaire. Dans les territoires de présence des ours identifiés supra, et à leur périphérie, la mission estime nécessaire, dans le cadre du groupe de travail évoqué en 4.3.4, de travailler avec les Chambres d'agriculture et les représentants des éleveurs et bergers à renforcer les mesures de coexistence, particulièrement dans les domaines suivants : diagnostics de vulnérabilité, dispositifs de protection, gardiennage et bergers, indemnisation des pertes. Dans chacun de ces domaines, des mesures75 spécifiques pourraient être prises : les diagnostics de vulnérabilité des estives, avec une priorisation des mesures ; les dispositifs de protection, notamment quand cela est possible par des parcs de grande dimension permettant aux troupeaux d'y séjourner plusieurs jours consécutifs par temps de brouillard, car selon la mission et au vu des expériences visitées à l'étranger, il n'y a pas d'autre voie que de continuer à développer les mesures de protection, en faisant un effort particulier dans les sites vitaux et à leur périphérie ; 69 70 Rapport de la DRAF Midi-Pyrénées ­ octobre 2006. Rapport du Conseil général de l'agriculture, de l'alimentation et des espaces ruraux ­ mars 2007. 71 Rapport IGE/CGPC/CGAAER/IGAPA ­ juin 2007. 72 Note du Préfet de région Midi-Pyrénées ­ décembre 2007. 73 Arrêté du 10 avril 2008 du ministère de l'Agriculture et de la pêche « relatif au dispositif intégré en faveur du pastoralisme mis en oeuvre dans le cadre du PSEM » (J.O. du 30 avril). 74 Rapport IGE/CGAAER - « Evaluation à mi-parcours du Plan de restauration et de conservation de l'ours brun dans les Pyrénées françaises et évaluation du Plan de soutien à l'économie de montagne » ­ mars 2008. 75 D'autres aides, associatives (Fonds d'intervention éco-pastoral, Pastorale pyrénéenne), et liées à la présence de l'ours, sont également disponibles. 41 - les bergers : en raison du taux d'abandon important, il faut développer les formations76 de bergers pour augmenter le nombre de personnes formées. Il faut aussi développer le service de remplacement estival en bergers, couplé avec d'autres fonctions saisonnières, auprès des Chambres d'Agriculture volontaires, de façon à offrir des solutions de gardiennage à certaines estives, et à amplifier le service rendu par les Techniciens pastoraux itinérants, Il faut aussi positionner les bergers itinérants dans le territoire à ours des Pyrénées centrales et ses abords ; pour favoriser le gardiennage, travailler sur les formes sociétaires familiales d'agriculture (GAEC) au sein desquelles paraît plus facilement se résoudre le problème du gardiennage, sur les groupements d'employeurs ; - l'indemnisation des pertes dues à l'ours : les diagnostics de vulnérabilité les plus récemment élaborés conduisent à des prévisions de coûts de protection totale très élevés. L'efficacité des protections paraît se situer dans une logique de rendements décroissants, qui pourra être accentuée par le report des prédations des élevages très protégés, sur les élevages moins ou pas protégés. Le niveau globalement assez modeste des prédations habituelles par l'ours, non compris les accidents importants, tels les dérochements77, vis-à-vis des coûts d'investissement de protection, ainsi que le coût indirect élevé des indemnisations (lié notamment à la reconnaissance des dégâts dans des lieux éloignés des accès routiers), incitent à étudier la solution d'une forfaitisation de l'indemnisation des dommages, tout en maintenant l'aide aux dispositifs de protection. Une aide annuelle compensatrice de dommages, pourrait être assise sur le chargement d'animaux sur les espaces pastoraux à enjeux, et soumise à la mise en place des dispositifs de prévention reconnus identifiés comme prioritaires par un diagnostic de vulnérabilité. Les critères correspondant à ces enjeux pourraient être : - en premier niveau : la présence régulière de l'ours, suivant la définition de l'ONCFS pour l'ensemble de l'espace pastoral situé dans le territoire de présence, apprécié à l'échelle de la commune, - en second niveau : en site Natura 2000, l'identification et la recommandation du pastoralisme, comme moyen de maintien de milieux communautaires, tels la pelouse à gispet ou les prés de fauche de l'étage intermédiaire. - En estive propriété de l'Etat, un guide des bonnes pratiques pourrait utilement rappeler la vocation multifonctionnelle des terrains domaniaux, et dans ce cadre les pratiques pastorales à privilégier, sous une forme analogue à celle du guide de sylviculture en zone à ours. La prise en compte de la présence de l'ours pourrait se traduire par une réduction des redevances domaniales, proportionnellement à l'autofinancement des protections requises. Sur ce domaine essentiel de l'indemnisation des dégâts, et à côté de cette suggestion, la mission rappelle aussi les propositions78 du rapport d'évaluation du Plan de restauration ­voir nota 73. 76 La mission souligne la qualité des établissements de formation CFPPA des Hautes Pyrénées, soutenu par le Conseil général, et de Pamiers, soutenu par le Conseil régional. 77 L'attaque par l'ours est une cause de dérochement, parmi d'autres causes qui sont principalement, dans le contexte pyrénéen actuel, les attaques de chiens errants et les orages. 78 Il serait notamment intéressant d'étudier les avantages et inconvénients de la procédure d'auto-certification observée dans le Trentin. 42 D'autres mesures pourraient être étudiées dans les territoires de présence et en fonction de leurs caractéristiques, dans un terme plus prospectif et sans tabou : - envisager l'abandon des estives les plus dangereuses (pente, escarpement...) et indemniser la commune propriétaire (cas général) de la perte de revenu et les utilisateurs en aidant ceuxci à retrouver place dans d'autres estives protégées ; cependant, la mission ne mésestime pas, au delà des engagements de la PAC et de l'impact économique de la perte de revenu, la difficulté culturelle de cette démarche pour une municipalité, et la comprend. - encourager à moyen terme la reconversion d'une partie de l'ovin viande vers l'ovin lait, dont le produit n'a pas de problème de débouchés, et pour lequel les Pyrénées centrales possèdent des pâturages de qualité suffisantes. 4.5 Les mesures à prendre en dehors des territoires de présence Comme il a été dit en 4.3.3 dans la présentation de la démarche de qualification des territoires de présence, le principe proposé est d'encourager les ours à fréquenter certaines zones et de les réguler ailleurs. La régulation79 des populations d'animaux, couramment exercée par les chasseurs, induit introduction, relocalisation et/ou élimination. Il s'agira ici de contrôler, autant que faire se peut, les déplacements de l'animal dans les territoires une fois identifiés et négociés. Le protocole d'intervention sur les ours à problèmes de février 2006, et les gradations d'intervention qu'il contient, peut servir de base pour mettre au point ce contrôle, qui devra être d'autant plus strict que l'ours aura été laissé libre à l'intérieur des territoires de présence, tout en étant incité à y rester par les mesures proposées en 4.4. 4.5.1 les mesures vis à vis des ours présents De même qu'il n'est pas question d'exclure les moutons des territoires de présence des ours, pour des raisons sociales, économiques, culturelles, l'ours ne peut pas être exclu du restant du territoire, ne serait-ce que du fait de l'éthologie de l'espèce. L'expérience des Asturies et du Trentin tend à montrer que la population n'est globalement viable que si un flux suffisant d'ours peut circuler entre les noyaux. L'étendue restreinte des territoires de présence proposés induit donc que les mouvements d'animaux soient possibles entre ces noyaux, entre lesquels il n'existe pas de barrière écologique/physique, comme le montre la carte ETO de présence des ours (carte 1), contrairement à la situation prévalant entre les 2 noyaux asturiens qui sont séparés par des infrastructures routières importantes. Une fois la présence de l'ours confortée dans le massif pyrénéen par des noyaux reproducteurs dans des territoires identifiés, les individus se trouvant hors de ces territoires devront faire l'objet d'une gestion appropriée aux autres enjeux de ces territoires. Après la disparition des émetteurs radio des ours réintroduits, ces animaux ne seront décelables que par leurs indices de présence et par les prédations qui semblent être plus fréquentes chez les animaux en phase d'erratisme connaissant mal les ressources alimentaires du territoire traversé. 79 Le fait de maintenir en équilibre, d'assurer le fonctionnement correct d'un système complexe. 43 La régulation doit concerner les animaux dont le comportement se révèlera incompatible avec l'activité pastorale- « ne pas tolérer de mauvais comportements »-. Les ours très prédateurs, même s'ils ne manifestent pas de familiarité particulière, doivent être régulés, donc vraisemblablement éliminés. La délocalisation est probablement inefficace sur les mâles à l'échelle du massif pyrénéen, mais elle pourrait être envisagée sur les femelles. L'élimination par tir est par ailleurs beaucoup plus facile que la capture d`animal vivant (surtout non équipé d'émetteur). D'autre part, l'effarouchement semble par le passé avoir réduit durablement le comportement prédateur de certains ours. Ainsi, le protocole suivant, après concertation avec toutes les parties, pourrait être envisagé : - pour les mâles, ou pour les animaux dont le sexe n'est pas déterminable faute d'indices suffisants80 : effarouchement, puis élimination si récidive de prédation (a priori aucune chance de succès de relocalisation d'un mâle : inutile donc de tenter une capture d'animal vivant très coûteuse) ; - pour les femelles, qui ont une chance de se fixer dans un territoire de présence, relocalisation dans un de ces territoires, mais élimination si retour et récidive des dégâts. L'élimination devrait être précédée d'expertise du comportement, chaque situation étant un cas d'espèce, et devant être expliquée à l'opinion publique. Elle ne pourrait être prise que sur décision de l'autorité administrative compétente, dans le respect de la directive Habitats et de la Convention de Berne et avec son remplacement par un nouvel individu. Du reste, cette solution radicale, présentée en Slovénie et aux USA où elle peut concerner de petits noyaux de population, envisagée ailleurs n'a pas particulièrement ému les délégations présentes : il est vrai qu'elle est pratiquée dans les pays où il y a des centaines d'ours et, dans ceux où il y en a moins, elle est accompagnée d'explications argumentées et d'informations auprès du public. 4.5.2 les mesures de protection et de réparation des prédations. En dehors des territoires de présence et dans le cadre des mesures en faveur du pastoralisme, les incitations à la protection des troupeaux et le maintien du système d'indemnisation actuel sur l'ensemble du massif doivent être poursuivies. 4.5.3 le suivi Le renforcement du suivi, proposé tout au long du chapitre 5, est à mettre en oeuvre aussi bien dans les territoires de présence qu'en dehors. Il est nécessaire pour la connaissance de l'espèce : mouvements d'ours entre les noyaux, présence d'animaux discrets et non prédateurs hors des territoires de présence dédiés, prévention des dégâts. Le réseau actuel de « pièges à poils » couvre les espaces compris entre les noyaux, sur la zone de présence permanente et occasionnelle de l'ours, mais avec une densité réduite de pièges (8km*8Km). Au-delà, le coût d'une recherche simultanée d'indices au printemps paraît être disproportionné aux enjeux, et impraticable compte tenu des surfaces concernés et des moyens humains disponibles. En l'absence de recherches systématiques d'indices, et d'un quadrillage plus serré de pièges à poils, la connaissance des observations spontanées faites par l'ONF, par les chasseurs, les éleveurs et les bergers est en revanche particulièrement importante, notamment dans le cadre d'une formalisation avec l'ONF, de la formation /sensibilisation des chasseurs et des coopérations avec les bergers. 80 L'identification du sexe, souvent pas aisée, peut être faite en identification génétique d'urgence sous réserve de posséder des échantillons exploitables. 44 5 LA GESTION DES POPULATIONS D'OURS Dans aucun des pays visités, les gestionnaires des populations81 d'ours ne leur donnent de noms82 propres comme il est fait systématiquement dans les Pyrénées. Ce choix ne semble nullement affecter l'attachement - quand c'est le cas- que leur portent les populations locales et les habitants de ces pays. Cette différence, d'apparence anodine, et qui peut s'expliquer dans un contexte de « pénurie », est au contraire fondamentale. Quelque soit le nombre d'individus, il s'agit de gérer une espèce biologique sauvage, et non des individus : c'est pourquoi le suivi et la régulation des ours, quelque soit leur nombre, doivent, selon la mission, rentrer dans le cadre global de la gestion d'une population. Les propositions de la mission, tant pour la qualification des territoires de présence que pour leurs conséquences au niveau de la gestion, sont faites en considération de la petite population83 d'ours présents, mais ont vocation à s'appliquer quel qu'en soit leur nombre. A cet égard, quelle que soit l'évolution des effectifs, la mission, au regard de la situation actuelle, estime que l'absence de femelles dans le noyau occidental ­ ce qui le voue biologiquement à l'extinction- et le petit nombre d'ours présents dans les Pyrénées-Centrales amènent à ce que de nouvelles disparitions d'ours dans ces deux noyaux fassent, a minima et immédiatement, l'objet d'un remplacement par le type d'animal le plus à même de contribuer à la pérennité de la population. La qualification nouvelle des territoires de présence amène à réorienter cette gestion par : - une optimisation du suivi, - un renforcement des moyens à lui consacrer, - la maîtrise de la sécurité des personnes, - le contrôle des ours à problèmes, - l'intensification des relations avec l'Espagne, - le développement de l'information et de la concertation, 5.1 L'optimisation du suivi 5.1.1 le suivi actuel de la population d'ours L'ours, animal forestier, habituellement discret et présent en faible densité, est par nature des plus difficiles à suivre. Ce suivi vise habituellement deux objectifs principaux : - la connaissance démographique de la population considérée : nombre d'individus, sex-ratio, fécondité, mortalité... et le comportement des ours : territoires de femelles structuré par groupes familiaux, proportion de reproducteurs dans l'effectif de mâles, naissances espacées tous les 3 ans de portées multiples, mortalité juvénile non négligeable...d'où fécondité résultante faible. Le paramètre le plus important de l'état et du devenir possible d'une population, est le suivi des ourses suitées. 81 En biologie : ensemble des animaux ou végétaux de même espèce vivant sur un territoire déterminé. L'emploi au pluriel est lié au fait qu'il existe plusieurs noyaux comptant chacun plusieurs individus. 82 A l'exception des 10 ours réintroduits dans le Trentin, mais leurs descendants n'ont pas de nom propre. Dans les pays où leur nombre est restreint, on leur donne un numéro et/ou une lettre, ce qui devient ingérable et inutile quand on en compte 4 à 500. 83 Pour Christopher Servheen, la gestion des petites populations d'ours (moins de 50) passent par plusieurs vecteurs à mener simultanément : le contrôle de la mortalité, la sécurisation des habitats, la gestion des conflits et l'éducation du public, le renforcement si nécessaire, et la liaison entre les noyaux quand ils existent. 45 - la connaissance éthologique : comportement spatial des animaux, de leurs habitudes alimentaires, de l'évolution de ces comportements dans le temps... Un autre objectif est la connaissance génétique : niveau de variabilité génétique au sein de la population et évolution de celui-ci. Deux types de suivi alimentent ces connaissances : la recherche d'indices de présence, spontanés ou recueillis sur des dispositifs ad hoc : places de nourrissage, stations de suivi comportant des pièges à poils : ce sont les fèces et les poils qui permettent l'identification génétique, mais aussi les empreintes, relevées par observation spontanée, ou par opérations systématiques. La photographie automatique sur des itinéraires fréquentés par les animaux et l'observation directe (seulement fortuite dans nos régions boisées, mais plus facilement pratiquée dans les landes atlantiques asturiennes comme dans les régions nordiques) apportent d'autres données. la localisation radio, obtenue à partir de signaux d'émetteurs fixés sur un collier ou implantés dans le corps de l'animal. - La connaissance démographique et génétique est principalement apportée par l'analyse des indices, mais aussi par les données d'observation notamment photographique (caractérisation des groupes familiaux). La connaissance du comportement utilise commodément la localisation radio, mais la durée de vie des équipements est au maximum de 3 ans. La localisation spatiale précise et les mouvements des animaux informent sur l'utilisation du milieu par l'ours. En l'absence de ces données, cette connaissance de l'utilisation du milieu peut être apportée par des observations d'indices de présence, recueillies dans la durée : ainsi la carte de l'utilisation du territoire dans le Pyrénées-Occidentales est construite sur la synthèse d'observation d'indices de présence. La carte des potentialités du milieu établie dans le Trentin en préalable au renforcement a été étalonnée sur des indices de présence de la population autochtone, recueillis auparavant pendant vingt ans. En Asturies, les indices de présence, y compris l'observation directe, servent à améliorer en permanence la carte des « zones critiques » (nourrissage de jeunes, tanières...). La localisation radio a été utilisée en Suède pour déterminer l'organisation spatiale et sociale des animaux. Au Yellowstone, un dixième de la population d'ours en est équipé, par des animaux régulièrement répartis sur l'ensemble du Parc. L'observation de leurs déplacements a permis notamment de déterminer la réponse des ours à des changements de disponibilité alimentaire. Dans les Pyrénées, le suivi actuel comporte les deux modalités : - Le plan de restauration prévoit un suivi scientifique fin des individus relâchés, avec notamment l'utilisation de deux systèmes de localisation : - un collier muni d'un émetteur VHF (ondes radios) et d'un GPS transmettant les données recueillies par satellite via le réseau de téléphonie mobile, 46 - un émetteur VHF intra abdominal qui émet sur une fréquence différente de celle du collier. Ce suivi fin est prévu pour la durée de vie des piles des émetteurs (soit un an pour le collier et environ 3 ans pour l'émetteur intra abdominal). Les 5 ours relâchés en 2006 ont été initialement équipés de ces émetteurs, mais deux d'entre eux ont fait l'objet de re-capture, car le collier avait été perdu ou parce qu'il n'était pas assez performant. Les trois ours survivants de ce dernier lâcher sont actuellement équipés. - Les autres ours sont suivis de façon indirecte grâce à plusieurs types d'opérations : - le recueil - expertise de témoignages, - l'opération de recherche simultanée d'indices d'ours (ORSO), - l'indice d'abondance (suivis répétés d'itinéraires), - les stations de suivi (50 stations sur le versant français), comportant des pièges à poils, permettant ensuite l'identification ADN, - la prospection systématique ciblée de certains sites de repos intensivement utilisés. Dans les Pyrénées-Occidentales, le suivi par indices de présence et la recherche systématique d'indices au printemps, sur neige, par le Réseau de suivi ours est pratiqué depuis longtemps. Ce suivi, qui dans le temps a permis de dresser des cartes précises d'occupation et d'utilisation de l'espace par l'ours, ne comporte pas de données de localisation radio, aucun animal présent dans ce territoire n'en ayant été équipé. La localisation radio des individus équipés dans les Pyrénées-Centrales, destiné initialement à connaître les modalités d'acclimatation des ours introduits dans leur nouveau territoire a été ensuite utilisée pour prévenir de la présence de l'ours, pour des raisons de prédation de troupeaux et de sécurité publique, en situation de crise, dans le cas d'ours particulièrement prédateurs (Franska) . En terme de bilan de ces modalités dans les Pyrénées, l'équipement radio des animaux réintroduits fournit des données importantes sur l'utilisation de l'espace par ces ours. Le suivi de ces animaux a notamment permis de re-localiser deux d'entre eux. En revanche, la connaissance des animaux survivant de la réintroduction de 1996, et surtout celle de leurs descendants, reste faible : seuls de ces ours, deux animaux différents, l'ourse Ziva et l'ours Boutxy, sont actuellement identifiés avec certitude à partir des échantillons génétiques 2007. En tout, 8 ours sont donc identifiés, compte tenu des 3 mâles présents dans le Béarn (sur 4 connus) et de l'ourse Hvala avec ses deux oursons, à partir de 61 échantillons fournissant de l'information génétique. L'ourse Ziva a été identifiée en 2007, 7 ans après une précédente collecte de ses indices. Le cumul des décomptes d'animaux distincts, identifiés pendant plusieurs années, donnait en 2005 un nombre de 11 à 14 individus dans les Pyrénées-Centrales,1 à 2 individus à l'est en limite Ariège ­ Aude Pyrénées-Orientales, soit 16 à 20 sur le massif. La variation dans les estimations est donc forte. Dans le Trentin, on considère comme disparu un ours dont les indices n'ont pas été collectés pendant deux années consécutives et cette règle n'a pas pour le moment été mise en défaut. Le « vide » prolongé dans la collecte d'indices identifiables de Ziva est d'évidence un indicateur d'insuffisance du dispositif. 47 S'il est habituel que les effectifs de populations animales soient connus avec une approximation de 30%, cela ne présente pas les mêmes inconvénients pour des populations importantes que pour de très faibles effectifs. Ainsi, malgré les moyens déployés depuis plus de 10 ans, il est ressenti une forte incertitude sur le nombre d'ours présents en Pyrénées-Centrales incluant le Val d'Aran, les extrêmes cités variant de 7 ou 8 identifiés -voir supra- à plus de 15, y compris les ours survivants de la réintroduction de 2006 et les oursons connus nés en 2007. Des éleveurs de la zone estiment avoir fait directement, ou recoupé, l'observation d'individus morphologiquement différents, ce qui les conduirait à évaluer l'effectif de ce noyau à 25, voire 30 ours ! Si c'était le cas, l'approximation passerait du tiers tolérée à la moitié, ce qui n'est plus tolérable. 5.1.2 l'optimisation du suivi Ce suivi doit être à la fois scientifique (connaissance biologique de la population d'ours : génétique, démographique, éthologique ou comportementale) et finalisé (réponse à des préoccupations éventuelles de sécurité publique, contribution à la prévention des dégâts sur les troupeaux). Ces objectifs constituent le corollaire d'une nouvelle qualification des territoires de présence, telle qu'elle a été proposée supra, c'est-à-dire d'une présence permanente d'une population d'ours dans certains territoires, et, sur le restant de l'espace pyrénéen, la présence d'individus ayant vocation à rejoindre ces territoires ou à être déplacés ou éliminés. dans les Pyrénées-Occidentales Dans les Pyrénées-Occidentales, la priorité est simple dans l'immédiat : suivre les 4 derniers mâles restants et détecter l'arrivée éventuelle d'animaux erratiques. Si, dans l'esprit d'une meilleure répartition de l'ours sur la chaîne pyrénéenne dans les territoires qui lui sont les plus favorables, le lâcher de deux femelles paraît être une nécessité biologique, elle permettrait aussi de conserver une trace du génotype pyrénéen, sous réserve toutefois que les deux animaux autochtones restants participent à la reproduction. Sur le plan éthologique (ours présumé peu prédateur) et symbolique (ours génétiquement le plus proche de l'ours pyrénéen), la mission a enregistré un souhait très largement partagé pour qu'un tel renforcement, s'il était décidé, se fasse avec des ours venus des Cantabriques84. dans les Pyrénées-Centrales Dans les Pyrénées-Centrales, les objectifs d'un suivi amélioré seraient, d'une part, - de rassembler les données permettant d'avoir une estimation plus précise de l'effectif présent, basée sur les génotypes individuels distincts, et d'évaluer l'avenir biologique de la population, 84 Outre la proximité géographique avec l'ours pyrénéen, et le régime peu carnivore, l'ours Cantabrique a conservé un niveau de variabilité génétique élevé . 48 Ou bien, en hypothèse basse, correspondant au nombre de génotypes différents mis en évidence en 2007, l'effectif est comparable, à une ou deux unités près, au nombre total d'animaux introduits (8, en comptant les oursons connus de deuxième année), ou bien il existe entre les Pyrénées-Centrales françaises et le Val d'Aran, plusieurs autres ours, particulièrement discrets et peu mobiles, qui n'ont pas laissé en 2007 d'indices génétiques exploitables. En tout état de cause, le point de vue très largement exprimé chez les interlocuteurs rencontrés dans le massif, et spécialement dans les Pyrénées-Centrales, est de laisser évoluer ce noyau de population, sans nouvel apport d'animaux. de déterminer de façon plus précise les modalités d'occupation de l'espace par les ours, de façon à préciser les adaptations souhaitables de l'activité pastorale, de l'exploitation forestière, des itinéraires de randonnée, des pratiques de chasse ; et, d'autre part, de déceler la présence d'ours dans les zones fréquentées occasionnellement. - Il s'agit sur le premier point de déterminer avec la meilleure précision possible : les effectifs de femelles suitées, meilleur indicateur de l'avenir possible de la population, qui se trouvent habituellement en zone de présence permanente, et la présence d'individus colonisateurs, habituellement mâles, et quelquefois femelles, le niveau d'hétérosis ou la « consanguinité », sujet important compte tenu de l'effectif restreint du groupe fondateur et de la longue prégnance du mâle reproducteur Pyros pendant la dizaine d'années écoulées depuis son lâcher . - Ceci dans le contexte d'une disparition prochaine des émetteurs, actuellement en place sur 3 individus, représentant 15% à 40% ( ?) de la « population totale » estimée de ce noyau. Le suivi des femelles suitées, discrètes et méfiantes, est reconnu comme le plus riche d'information sur la dynamique de la population, mais le plus difficile hors du cas des individus équipés. Ce suivi devrait combiner, dans les milieux où évoluent les ours pyrénéens, l'analyse génétique des indices, avec la recherche de traces sur neige au printemps, dans le cadre d'opérations systématiques du réseau de suivi, les photographies par affûts automatiques venant en complément. La mise en place en cours de pièges à poils suivant un quadrillage systématique renforcé répond à ce besoin 85. Sur le second point relatif à la connaissance de l'utilisation du territoire, le cas asturien montre que la gestion d'ours dans un espace très multifonctionnel (élevage bovin très actif, randonnée, chasse) demande une amélioration continue des connaissances sur l'utilisation du territoire par l'ours, alors même que les gestionnaires en ont déjà une connaissance particulièrement précise. L'une des priorités serait donc de multiplier le nombre d'échantillons permettant l'analyse ADN. 85 Le Trentin utilise, en milieu très forestier, un réseau de pièges à poils, combiné à la collecte d'autres indices, fèces principalement, obtenus par recherche systématique ou recueil fortuit, En 2002, le suivi génétique basé sur des échantillons fèces et poils sur 64 km2, y a caractérisé 10 ours différents ; en 2006, sur 752 km2 ont été dénombrés 22 génotypes. 49 Mais, dans l'immédiat, l'urgence est de connaître l'effectif réel des PyrénéesCentrales : l'activité de suivi restant mal connue, ses résultats sont relativement contestés : ainsi beaucoup des interlocuteurs évoquant des animaux qui n'ont jamais été observés ou localisés par l'ETO considèrent que le nombre d'ours dans les Pyrénées-Centrales est largement sous-estimé. Compte tenu d'un souhait, largement exprimé devant la mission, de laisser pour l'instant évoluer le noyau central sans nouvel apport d'animaux, cette population ursine pyrénéenne nécessite donc avant tout le suivi de sa variabilité génétique, pouvant motiver l'apport ultérieur d'animaux nécessaire au maintien de cette variabilité. La mission recommande d'améliorer la connaissance dans deux directions : la communication sur les méthodes de collecte et de traitement des données et l'ouverture au Réseau Ours brun (ROB), d'acteurs peu impliqués jusqu'à maintenant, tels les associations de bergers, ou même d'acteurs hostiles à la présence de l'ours, afin de permettre une évaluation de l'effectif, partagée entre les acteurs. 5.2 Les moyens du suivi La comparaison avec les situations à l'étranger enseigne que les structures de suivi dans les autres pays concernent le plus souvent des populations d'ours préexistantes, d'augmentation démographique récente ou en cours, après une période de diminution : USA, Asturies, Slovénie. La situation la plus comparable à celle des Pyrénées est celle du Trentin, avec un renforcement effectué du fait d'un très faible nombre d'ours préexistants. 5.2.1 la situation dans les autres pays En Asturies, qui hébergent une centaine des 130 à 160 ours Cantabriques, le suivi est assuré par l'Autonomie : il est l'activité principale des 5 gardes de la « patrouille ours », auxquels s'ajoutent 10% du temps d'autres corps généralistes, gardes de l'environnement et gardes chasse principalement, au nombre de 121. Les moyens publics globaux affectés en ETP sont ainsi de 17, 1, financés par l'Autonomie. A ces moyens s'ajoutent ceux des Fondations, Oso Pardo, Oso Asturiano et FAPAS, cette dernière réalisant beaucoup de photographie automatique. Ces participations importantes et techniquement expertes du fait de l'expériences acquise, n'ont pas été évaluées, mais représentent plusieurs ETP. En Slovénie, la gestion de l'ours, assurée globalement par l'Institut Forestier Slovène, représenterait au titre du suivi une soixantaine d'emplois à temps partiel, soit 30 ETP, pour une population d'ours comprise entre 500 et 700 animaux. L'essentiel du suivi se fait sur 186 points d'observation et de nourrissage. Aux USA, les deux situations étudiées : ours colonisateurs autour de Missoula dans le Montana, et gestion globale de faune du Parc de Yellowstone, ne permettent pas de dégager simplement des données comparables spécifiques au suivi ours, les actions correspondantes étant de plus réparties entre plusieurs agences nationales, fédérales et ONG, et les prédateurs étant multiples, ours, mais aussi puma et loup. L'Etat du Montana a ainsi engagé 6 agents, médiateurs chargés d'améliorer l'acceptation de l'ours, d'assurer la sécurité des personnes (vis-à-vis du puma aussi), l'élimination des substances alimentaires susceptibles d'attirer l'ours dans les zones habitées, (notamment cadavres d'animaux tués sur les routes) et la prévention auprès des éleveurs. 50 Dans les parcs nationaux, les effectifs sont respectivement de 1 permanent et l'équivalent de 8 saisonniers à plein temps sur 100 permanents et 300 saisonniers d'été, au parc national des Glaciers, pour 300 grizzlys sur 4100 km2. La gestion de l'ours dans le Yellowstone mobilise de son côté 7 rangers sur les 80 du parc, et des saisonniers, pour 600 grizzlys sur 9000 km2. Dans le Trentin, le suivi mobilise 4,8 ETP 86 au titre de l'administration provinciale, répartis sur 27 personnes. Ces moyens sont renforcés par une participation du parc naturel AdamelloBrenta au niveau de 2 ETP actuellement, après avoir compté 4 ETP pendant la phase de renforcement de la population ursine. On compte actuellement 6,8 ETP et 8,8 au maximum, lors du renforcement, pour un effectif d'ours qui a crû de 10 en 2000 à 25 actuellement. Le suivi le plus dense paraît être effectué en Asturies, si on prend en compte services publics et Fondations. Le cas du Trentin est le plus proche de celui des Pyrénées, avec la réalisation et l'accompagnement d'une réintroduction, mais le territoire de présence habituelle de l'ours est notablement plus étendu dans les Pyrénées, avec deux noyaux distants bien individualisés, et un territoire de présence occasionnelle très vaste. 5.2.2 le renforcement de l'ETO L'organisation du suivi de l'ours brun a été confiée à l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) par le Ministère chargé de l'environnement en 1983. Il repose sur la mise en place d'un réseau de membres répartis sur l'ensemble du massif pyrénéen, le Réseau ours brun (ROB) et sur une structure technique permanente. L' « Equipe Technique Ours » (ETO) est la structure de permanents, créée en 1995, dans le cadre des programmes européens LIFE « restauration et conservation de l'ours brun dans les Pyrénées centrales » : sous la houlette de la Direction des études et de la recherche de l'ONCFS, elle élabore les protocoles de suivi, centralise les données, effectue des synthèses et anime le ROB. Elle apporte un soutien aux éleveurs et bergers et un appui technique à la mise en place des mesures de protection. C'est une équipe partenariale composée de techniciens de l'ONCFS et de l'ONF, et de techniciens des Fédérations départementales des chasseurs, mis à disposition. Elle comprend deux pôles : un pôle « suivi et recherche » et un pôle « pastoral ». Le pôle « suivi » de l'ETO comporte actuellement, au titre de ses moyens pluriannuels, 3 ETP de techniciens permanents, personnels de l'ONCFS ; 2,25 ETP techniciens des Fédérations de Chasse et 0,75 ETP techniciens de l`ONF. Il est renforcé jusqu'en 2008 de 3 Techniciens de l'ONCFS en CDD, soit un effectif total de 9 ETP, qui devrait être réduit à 6 fin 2008 (fin des CDD). Même si l'effectif global de l'ETO correspond globalement, et sans entrer dans le détail des missions et des schémas d'organisation très variables d'un pays à l'autre, à la situation des autres pays, la mission considère que la gestion de la population d'ours consécutive à la nouvelle stratégie proposée justifie un renforcement des moyens de l'ETO. 86 Equivalent Temps Plein. 51 Pour assurer convenablement ce suivi, tout en se mettant en situation de répondre aux demandes diverses, la première mesure à prendre est de pérenniser les 3 postes de techniciens en CDD, avec les missions principales suivantes : 1 poste d'opérateur technique de terrain, catégorie C, installé à Pau. La création de ce poste d'opérateur technique est à lier aux décisions à prendre sur le devenir du noyau ursin occidental. 1 poste d'animateur du réseau sur les Pyrénées-Centrales et orientales, assurant l'exploitation des réseaux de suivi, des données des stations de suivi et indices relevés par le RSO, l'analyse des synthèses et retours d'information, la préparation de documents de communication. 1 poste d'assistance à la gestion administrative (y compris financière et RH) de l'ETO et à la correspondance du SIG87 Pyrénées. Deux domaines de compétence différents qui devraient pouvoir être assumés par un cadre A. - - Ce renforcement permettrait à l'ETO de dégager du temps pour l'analyse de données, les publications demandées par l'ONCFS, la participation à des colloques internationaux et la réalisation de diverses expertises. Cela lui permettrait aussi de parfaire la formation de ses personnels aux situations de crise et de leur permettre, par des formations adéquates, une amélioration qualitative des services de tous ordres à rendre, notamment aux éleveurs et aux bergers. La mission recommande fortement le renforcement des moyens de l'Equipe Technique Ours, notamment en pérennisant les trois CDD mentionnés supra, et lui permettant de parfaire et d'adapter sa formation, notamment en situation de crise. Elle demande à la DNP de travailler avant la fin 2008, sur la mise au point d'une lettre de mission à l'ONCFS permettant d'améliorer son organisation et de traiter deux questions : - l'implication scientifique souhaitée par l'ONCFS sur l'ours et l'amélioration de celle-ci (publications scientifiques, colloques, encadrement de thèses) ; - la prise en charge des missions de suivi d'animaux équipés radio, de reprise88 et de renforcement éventuel. 5.2.3 la densification des stations de suivi Le premier moyen, en cours autant qu'urgent, est la densification des stations de suivi équipées de pièges à poils, pour déterminer les génotypes différents. 49 pièges existaient, dont 18 en Béarn, et 31 dans les Pyrénées-Centrales et à l'est, répartis à maille moyenne de 64 km2 (8x8 km), soit 3136 km2 couverts. Le dispositif est en cours de densification en Pyrénées-Centrales, avec 34 nouveaux sites conduisant à une maille de 4x4 km, sur un territoire de 752 km2. Un indicateur de l'efficacité de nouveau maillage serait qu'il permette de capter chaque année plusieurs échantillons de chaque génotype identifié, ce qui présume que tous les animaux présents sont contactés, et ainsi fournir une estimation plus représentative du nombre réel d'animaux présents. 87 La mission tient à souligner la qualité du SIG Pyrénées, la compétence de son équipe d'animation de l'Assemblée pyrénéenne d'économie montagnarde (APEM) et l'intérêt du partenariat qu'il offre pour le Plan de restauration. 88 La capture de deux ours a nécessité pour chacun, une centaine de journées pour huit personnes, ce qui représente chaque fois près de 40% du potentiel humain annuel de l'ETO ! 52 5.2.4 le développement du Réseau ours brun Le « Réseau ours brun » (ROB), coordonné par l'ONCFS, est composé officiellement d'environ 180 membres répartis sur les six départements pyrénéens, provenant d'horizons divers : services de l'Etat, fédérations départementales des chasseurs, associations d'environnement, syndicat mixte IPHB. Un certain nombre d'usagers de la montagne lui apporte aussi de temps à autre leur contribution. La mission estime nécessaire de re-dynamiser, et de densifier, le réseau ours brun, en améliorant son animation, et en augmentant le nombre de participants, pour se préparer à la disparition des données fournies par les ours équipés. Dans les Pyrénées-Atlantiques, les seules prospections directes de terrain (suivis de pièges, itinéraires kilométriques d'abondance, recherche simultanée d'indices), excluant le contrôle de témoignages, mobilise 190 journées, pour une surface prospectée de 600 km2 environ. Ces opérations associent des personnels de l'ONCFS, du Parc national, de l'ONF, des Fédérations de chasse et des adhérents du FIEP. En raison de l'étendue du territoire à prospecter en France, le suivi doit concerner en priorité les territoires fréquentés par des ourses reproductrices, c'est-à-dire le LuchonnaisCouserans, notamment en recueillant des indices non liés à un réseau de pièges attractifs, pour disposer de données non biaisées sur la fréquentation du territoire. Il faut aussi inclure la totalité du territoire qualifié de zone de présence occasionnelle, dans la mesure où la principale source de données relatives aux ours se trouvant hors des territoires de présence retenus, proviendra du Réseau. Dans les Pyrénées-Centrales, la même pression d'observation devrait concerner une surface approximativement double, mobilisant donc 350 à 400 journées. Une « tranche » de 200 journées supplémentaires pourrait donc être nécessaire, pour prospecter de part et autre de cette zone, dans les Hautes-Pyrénées à l'ouest et en Haute-Ariège à l'est. La participation des chasseurs aux recherches systématiques d'indices devrait être encouragée, dans l'esprit des chartes négociées entre l'Etat et les Fédérations départementales des chasseurs ­voir 4.4.2-. La formation prévue par ces chartes doit contribuer à cette sensibilisation, au delà de la remontée de données d'observation individuelles. Une contractualisation avec l'ONF, qui dispose de plusieurs dizaines de personnels fonctionnaires et ouvriers sur la zone, devrait être recherchée, en vue de mobiliser ces personnels, notamment pour des recherches simultanées d'indices qui se font au printemps (début mai) ou en automne (mi-octobre) sur neige fraîche ; les observations spontanées faites par les personnels fonctionnaires et ouvriers de cet établissement peuvent aussi être valorisées. Cette action relève des missions d'intérêt général de cet établissement ­voir 4.4.1-. D'autre part, plusieurs des personnes rencontrées lors de la consultation, comme l'Association des Bergers des Hautes-Pyrénées, se sont déclarées intéressées pour une participation au Réseau ours brun, aux côtés des chasseurs, accompagnateurs en montagne, randonneurs, membres d'associations d'environnement. 53 D'autre part, certains éleveurs ont fait part à la mission de leur souhait être dotés d'appareils photographiques numériques, pour saisir des indices fugaces : traces dans neige fraîche, dans la boue, par temps pluvieux, etc. Il semble que ces intentions méritent un examen attentif, d'autant que le coût des matériels nécessaires ne cesse de diminuer. L'accroissement des moyens du ROB pourrait enfin faire appel au mécénat : si la gestion proprement dite de l'espèce ne peut que relever des pouvoirs publics, la connaissance de la population ursine qui implique déjà le secteur associatif, avec le FIEP notamment, pourrait intéresser le mécénat, comme par ailleurs, la préservation et l'amélioration des habitats forestiers. Cette mobilisation collective d'un réseau ours brun renforcé peut être une conséquence directe et positive de la requalification des territoires de présence et de la gestion renouvelée de la population d'ours qu'elle entraîne. C'est pourquoi la mission recommande de porter cette proposition devant le groupe de travail pyrénéen évoqué en 4.3.4. 5.3 La sécurité des personnes Des constats faits par la mission dans les différents pays, l'ours brun n'est pas ressenti par les habitants qui le côtoient comme spontanément dangereux pour l'homme : très discret en Asturies, apparemment plus visible dans le Trentin, où son régime alimentaire saisonnier l'attire vers les vignobles et vergers de pommiers, ce n'est qu'en Slovénie qu'une forte densité d'ours (7 ou 8 pour 100 km2) conduit à envisager des mesures de prévention vis à vis des personnes, notamment des enfants. En Asturies et dans le Trentin, il n'y a pas souvenir d'une attaque physique d'ours sur un humain dans le passé et celles-ci sont rares dans les pays d'Europe centrale à fortes populations d'ours, Slovaquie et Roumanie. Dans un contexte différent, le grizzly du Yellowstone, beaucoup plus imposant physiquement que l'ours du Sud-Ouest Européen, réputé agressif, majoritairement carnivore et qui a connu dans le passé une période de près de 40 ans de familiarisation volontaire ­par nourrissagepour faciliter sa vision par les touristes, n'a causé que 3 ou 4 morts depuis89 la création du parc national en 1872, et attaqué et/ou blessé chaque année une cinquantaine de personnes de 1931 à 1969. Si une attaque d'ours ne peut évidemment pas dans l'absolu être exclue dans le contexte des montagnes d'Europe occidentale, notamment dans le cas d'une ourse suitée se sentant menacée, même si les zones d'élevage des jeunes sont habituellement très retirées par rapport à l'habitat humain, la probabilité en est beaucoup plus faible que celle d'une attaque ou dommage par un autre animal. Dans aucun de ces pays, y compris aux USA, il n'y a de suivi individuel « sécuritaire » des ours, y compris en zone très fréquentée par le public. Des conseils de comportement en cas de rencontre d'ours et des consignes pour éviter l'accoutumance de l'ours à des ressources alimentaires associées à la présence humaine, sont largement diffusées. 89 Pendant que les bisons, beaucoup plus nombreux et très proches des routes, faisaient 5 victimes. 54 La sécurité des humains, compte tenu du comportement habituel de l'ours, ne semble pas justifier un suivi spécifique. Si cela était, ce suivi qui ne pourrait être fait qu'avec un équipement radio, devrait être permanent et concerner tous les ours. Les délais d'interprétation des signaux et la mobilité de l'animal entraîneraient en tout état de cause une incertitude permanente de plusieurs kilomètres sur la localisation exacte de l'animal. L'équipement permanent de l'ensemble de la population n'est par ailleurs pas envisageable 90 : il faudrait capturer l'ensemble des animaux, les re-capturer environ tous les 3 ans avant épuisement des piles électriques, indépendamment du coût budgétaire d'une telle mesure91. Ces animaux dont le psychisme est complexe en seraient vraisemblablement perturbés, de façon imprévisible. Cette situation ne serait pas compatible d'autre part avec la notion d'animal sauvage et libre de ses mouvements. Toutefois, même si le risque est faible, des moyens d'intervention doivent pouvoir être activés. Ils sont prévus par le « protocole 92 d'intervention sur un ours à problèmes », qui mérite une adaptation à la gestion renouvelée de la population d'ours qu'entraîne la requalification des territoires de présence : c'est l'objet du chapitre suivant. Par ailleurs, la question sécuritaire rejaillit naturellement sur celle de la responsabilité, notamment des élus locaux. La circulaire interministérielle 93 d'avril 2007 aux préfets du massif des Pyrénées relative au « rôle des autorités publiques dans la mise en oeuvre des dispositifs de sécurité des personnes et de suivi des populations d'ours bruns » apporte des réponses sur lesquelles que le Conseil d'Etat devrait prochainement donner son avis. 5.4 La gestion des ours à problèmes Le « protocole d'intervention sur un ours à problèmes » ONCFS/ETO de février 2006 considère « à problème » : un ours trop familier vis à vis de l'homme, un ours anormalement prédateur, un ours agressif envers l'homme. L'évaluation comparative tend à montrer que les solutions adoptées dans les territoires à populations d'ours importantes sont « expéditives » : en Slovénie, jusqu'en 1990, tous les animaux sortant de la « zone rouge » de présence de l'ours étaient abattus94. Depuis cette date, après concertation, les prélèvements ont été répartis entre la zone rouge et sa périphérie ; ailleurs, dans les corridors de colonisation (vers le nord ­ est et le nord-ouest), les ours à problèmes sont déplacés, pas éliminés. Ils sont aussi éliminés des autres territoires, hors zone rouges du sud et corridors -telle la Pannonie aux environs de Maribor-. A cette politique s'est ajoutée la suppression ces dernières années des ours familiers près des villages en zone rouge. 90 Aucune population d'ours ne comporte d'animaux équipés en permanence pour des raisons sécuritaires. Aucun ours asturien n'est même équipé, semble-t-il pour partie, en raison de l'hostilité de la population à toute capture d'ours autochtone. Les ours réintroduits dans le Trentin étaient équipés à leur lâcher en 2000, les colliers qui ont progressivement cessé d'émettre n'ont pas été remplacés et aucun animal n'est équipé actuellement. Un seul ours, « relocalisé » est actuellement équipé en Slovénie. L'équipement permanent d'ours en Suède et aux USA (Yellowstone) correspond à des programmes scientifiques dans la durée et ne concernent qu'une fraction de la population. 91 Un collier coûte 4000 . 92 ONCFS/ETO ­ février 2006. 93 Circulaire DNP/CFF 07-02 des ministres de l'Intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, de l'Agriculture et de la pêche et de l'Ecologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire du 26 avril 2007. 94 Ce qui a engendré de vices réactions de la part de la population, amenant les gestionnaires de la population à plus d'informations et d'explications du pourquoi. 55 Au Montana, après délocalisation ou effarouchements infructueux, les animaux familiers ou agressifs sont supprimés. Dans l'ouest des USA, l'espace disponible permet de tenter systématiquement le déplacement et la « re-localisation », l'ours brun américain paraissant aussi plus facile à capturer, peut-être du fait de la faible densité des ressources alimentaires ; mais beaucoup d'ours reviennent et conservent leur comportement antérieur, et il faut alors les éliminer. A l'inverse, dans le Trentin, le traitement du cas unique de l'ourse familière Jurka a pris en compte des souhaits divergents, fortement exprimés dans l'opinion locale et nationale, de l'extraire du milieu naturel, de ne pas la tuer, et même de ne pas l'exhiber en captivité : elle a donc été mise en captivité dans une installation non accessible au public, où d'autres places sont prévues en prévision de cas analogues. Avec ses partenaires, la mission a visité cette installation, qui a laissé pour le moins perplexe l'ensemble de la délégation française. En Asturies, il n'a pas été évoqué la présence d'ours à problèmes . La question des ours à problèmes est complexe : « le Ministère slovène a établi une liste de cas, de types d'interventions et de solutions à appliquer, mais chaque situation est unique et demande à être évaluée95 ». dans les territoires de présence reconnue et à leur proximité, il s'agit de tenter de dissuader des ours, familiers ou agressifs vis à vis des humains, d'adopter ces comportements. Selon Christopher Servheen, ces actions ont une chance de réussite si l'ours n'a pas encore satisfait sa faim ou sa curiosité. Dans ces territoires, il paraît préférable de re-capturer l'ours incriminé sans effarouchement préalable, puis de relâcher l'animal après équipement radio, et cette fois, avec effarouchement renforcé, par exemple avec le concours de chiens. Concernant les animaux prédateurs, il faut considérer que la prédation d'animaux non gardés est un comportement normal de l'ours. Certains ours ont été très prédateurs, mais ont cessé de présenter ce comportement. Face à une prédation multiple, il faudra donc faire une analyse de comportement, avant de décider d'une reprise. en dehors de ces territoires et à l'échelle des Pyrénées, le schéma « capture et relâcher à grande distance » d'animaux nés dans le massif, qui est efficace à l'échelle de vastes territoires, paraît inadapté. En effet, l'animal aux habitudes prédatrices, qui est déjà largement « passé à l'acte », ne changera pas de comportement après une délocalisation, suite à laquelle, au contraire, il cherchera vraisemblablement dans un territoire inconnu la source d'alimentation la plus facile. Le territoire pyrénéen est exigu à l'échelle des déplacements des ours : le retour sur le lieu de reprise d'un ours né dans le massif est toujours probable, l'animal ayant une connaissance large du territoire. Enfin, le relâcher ne pourrait s'envisager qu'en territoire de présence reconnue, caractérisé par la présence de femelles reproductrices et donc de mâles dominants : si l'intégration d'une femelle dans ce contexte paraît envisageable, celle d'un mâle paraît très improbable. - 95 Marko Jonosovic, Institut forestier slovène, responsable du groupe d'intervention spécial, qui traite plus d'une trentaine de cas par an. 56 C'est pourquoi, dans le contexte pyrénéen, la mission estime qu'il faudrait probablement envisager l'élimination des ours excessivement familiers, dangereux ou très prédateurs. Outre les aspects réglementaires, s'agissant d'une espèce actuellement en état de conservation « défavorable-inadéquat », cette mesure pourrait être admise par l'opinion en fonction du développement des noyaux de population dans les territoires de présence. Cette gestion, si elle était décidée, nécessiterait une équipe spécialisée, d'intervention d'urgence, vis à vis des ours familiers ou agressifs96, d'autant que la disparition du suivi radio d'une partie des animaux accroît la probabilité de situation imprévue et renforce la nécessité d'une capacité d'intervention d'urgence. Dans les pays visités, cette fonction est toujours prévue et son activité varie en fonction de la densité d'ours. - au Montana, l'équipe de 6 médiateurs est chargée de plusieurs tâches : mitigation auprès de la population pour faire évoluer la perception des prédateurs ; prévention vis à vis de l'accoutumance alimentaire des ours ; mise en place de dispositifs de protection des troupeaux ; effarouchement des ours ; élimination des animaux potentiellement dangereux (couguars s'approchant des établissements recevant des enfants, ours noirs et ours bruns grizzlys familiers ou agressifs). - en Slovénie, le groupe d'intervention spécial, comporte au niveau du pays un coordinateur national et trois équipes de trois personnes : il traite 150 à 200 sollicitations par an, réalise 30 à 40 interventions, dont effarouchement, anesthésie et transfert, élimination, suivant l'évaluation faite par l'équipe qui s'appuie sur des critères nationaux. - dans le Trentin, une équipe d'urgence de 3 personnes, 1 coordinateur et deux opérateurs, est activée 24h/24 de mars à novembre, pour effaroucher, éventuellement capturer et équiper ; elle implique 21 personnes, 9 coordinateurs et 12 opérateurs du service forêt-faune de la province. - dans les Asturies, où aucun cas de familiarité ou d'agressivité n'a été relaté à la mission, la Patrouille Ours de cinq personnes, en charge habituellement du suivi, assumerait éventuellement cette mission. L'activité de reprise d'un animal non équipé d'émetteur peut se révéler extrêmement coûteuse en temps : ainsi la capture de Papillon et la re-capture de Pyros ont coûté chacune 90 à 100 journées de piégeage à 8 personnes, plus un vétérinaire en permanence pour Papillon ! Ces opérations de capture, forcément aléatoires, peuvent discréditer l'équipe, alors qu'elle est par là même empêchée de s'investir dans ses autres activités. 96 Dans le passé, il y a eu dans les Pyrénées des ours autochtones familiers ou agressifs. 57 Pour les Pyrénées, la mission recommande que l'Equipe Technique Ours soit confirmée dans cette mission de gestion des ours à problèmes, qui pourrait s'inscrire en partie dans le temps libéré par la diminution ou la disparition du suivi télémétrique. Comme pour les opérations de re-capture, un concours pourrait être demandé aux services départementaux de l'ONCFS : les deux brigades mobiles d'intervention compétentes sur la chaîne pyrénéenne pourraient apporter leur concours aux opérations de tir d'élimination en vue d'alléger le cas échéant l'engagement de l'ETO. Ces opérations comme d'ailleurs les expertises de dommages, peuvent se dérouler dans un contexte tendu, voire passionnel, au contact de personnes très impliquées dans l'élevage, ou dans la protection de la faune sauvage . Les personnels concernés de l'ETO et des autres services de l'ONCFS devraient bénéficier de formations à la gestion des situations de conflit. 5.5 La coopération avec l'Espagne et l'Andorre Les noyaux de population d'ours des Pyrénées-Occidentales, et des PyrénéesCentrales, sont établis sur les deux versants des Pyrénées. Même au faible niveau de l'effectif actuel, la population d'ours est transfrontalière. Les Autonomies Espagnoles et la Principauté d'Andorre participent de façon significative au suivi de l'ours pyrénéen : l'Aragon affecte 1100 journées/agent annuelles, par une patrouille ours de 5 personnes, plus un demi poste dédié à la cartographie ; la Navarre assure 90 journées de suivi réparties entre ses 8 gardes locaux ; la Catalogne affecte 3 personnes, à Barcelone, en Val d'Aran et en Pallars Sobirà ; la Principauté d'Andorre affecte de son côté un agent à plein temps. La coopération franco-espagnole existe donc bel et bien, dans le cadre d'une déclaration97 signée en l'an 2006. Un comité se réunit une fois par an et les agents de l'ETO assurent un contact régulier avec les responsables du suivi en Espagne et en Andorre. La mission et les principaux interlocuteurs rencontrés sur le terrain estiment qu'il est nécessaire d'intensifier cette coopération pour gérer une population d'ours par nature transfrontalière. Dans le cadre de la déclaration d'intention entre les trois pays, deux axes paraissent devoir particulièrement être privilégiés : - le montage d'opérations communes de recherche simultanée d'indices, sur les deux versants des Pyrénées, - l'harmonisation des méthodes d'identification génétique des animaux, par les méthodes de collecte, et par les marqueurs génétiques utilisés. 97 Déclaration d'intention du 22 mai 2006 entre le ministère français chargé de l'environnement, le ministère de l'agriculture et du patrimoine naturel d'Andorre et le ministère espagnol de l'environnement pour une coopération relative à la conservation de l'ours brun dans les Pyrénées ainsi qu'à d'autres espèces d'intérêt commun. 58 5.6 L'information et la concertation Si la mission place cette partie sur l'information et la concertation en fin de chapitre, ce n'est pas seulement parce qu'elle est le prolongement naturel des considérations techniques exposées supra et qu'il faut expliquer au public et aux socioprofessionnels, mais surtout parce qu'elle est la condition d'une bonne application de tout ce qui est proposé précédemment, et qu'elle boucle de cette manière le principal enseignement de l'analyse comparative présentée au début du rapport : la transparence et la gestion collectives. 5.6.1 l'information et la communication Dans tous les pays visités, l'information des habitants et des parties prenantes fait partie intégrante des plans et mesures de gestion. Cette information et cette communication ne sont bien entendu pas absentes du Plan de restauration dans les Pyrénées, tant vis à vis des élus et du grand public que des socioprofessionnels : lettre d'information semestrielle, communiqués de presse, dépliants, site Internet, sensibilisation des scolaires, etc. Elle devra se poursuivre et s'accentuer pour la mise en oeuvre des propositions de ce rapport. Concernant la localisation des ours, elle ne pourra pas dans le futur être connue précisément dans les Pyrénées, sauf circonstances particulières (observation directe, photographie, traces très récentes, pouvant être datées...), ce qui est déjà le cas pour la majorité des ours présents. L'identification certaine d'un animal, ayant déposé un indice en un lieu connu, mais à une date indéterminée, sauf cas particuliers, devra attendre l'analyse génétique. Dans ce contexte, le partage de l'information et la transparence sur les méthodes de collecte d'indices et d'interprétation de résultats sont essentielles pour connaître, mais inévitablement avec délai (le temps des analyses génétiques), l'effectif estimé des animaux, et les points de passage répertoriés de ceux-ci. En revanche, toute localisation d'un ours, instantanée ou récente et prouvée (individu souvent non identifié, notamment suite à prédation) devra être largement portée à la connaissance du maire de la commune et des communes voisines, des responsables des agriculteurs et groupements pastoraux et des associations communales de chasse. Mais sauf cas d'urgence, l'identification de l'ours par la génétique ne pourra être réalisée que plus tard, les déterminations en laboratoire devant être regroupés en un ou deux traitements annuels d'échantillons, pour maîtriser les coûts. Il en est ainsi dans les pays visités. Les pièges à poils des stations de suivi sont relevés tous les 15 jours : par contre, en raison du coût, les analyses sont faites en deux sessions annuelles, sur échantillons regroupés : juin et novembre. Une procédure d'urgence, coûteuse, peut donner une détermination d'échantillon en 15 jours. Dans le cas habituel, le délai entre la collecte de l'échantillon et l'identification de l'animal est de 1 à 6 mois. La date de passage de cet animal sur le lieu de piégeage est connue dans ce délai, avec une incertitude de 15 jours. Les recherches simultanées d'indices se font sur neige fraîche, à des dates fonction de la météo, en mai et en octobre. Trois synthèses de données peuvent être produites dans l'année : - 30 juin : synthèse des recherches simultanées d'indices, enrichie le cas échéant des indices kilométriques d'abondance et de témoignages validés. - 1er septembre : données précédentes consolidées avec les identifications génétiques : individus (génotypes) différents sur échantillons collectés au 1er semestre, sexes et dates de présence (à la quinzaine de jours près) sur les pièges. 59 - février : synthèse annuelle, avec l'ensemble des données issues des analyses génétiques. La synthèse du 30 juin est utilisable par les élus et les éleveurs ; la synthèse du 1er septembre intéressera principalement les chasseurs. La mission recommande que soient élaborées dans l'année ces trois synthèses, avec une large diffusion auprès des élus, des responsables agricoles et groupements pastoraux, des Fédérations de chasse et associations locales concernées, des associations d'environnement. 5.6.2 la concertation et la gouvernance Il s'agit sans doute là de l'enseignement principal de l'analyse comparative : la mobilisation et la gestion collectives -qui ne sont pas synonymes de consensus-, pour travailler ensemble est une constante dans les pays visités. Le Plan de restauration avait bien sûr prévu la concertation entre les parties prenantes et l'exemple des pays voisins montre, s'il en était besoin, qu'elle est indispensable pour la gestion de l'ours (Asturies, Slovénie, Trentin) : « cette réunion98 des partenaires autour de la table, administration, élus, chasseurs et associatifs, résulte de nombreuses années de concertation ». Il faut d'ailleurs souligner qu'à côté de nombreuses réunions ou instances à thématiques spécifiques, des outils institutionnels de concertation existent sur le massif : le Comité de massif ; les Comités départementaux de gestion de l'espace montagnard en Haute-Garonne et dans les Hautes-Pyrénées ; l'Institution patrimoniale du Haut-Béarn (IPHB) pour les Pyrénées occidentales, notamment. La mission recommande que cette concertation se situe à deux niveaux principaux : - un groupe de travail99 pyrénéen, tel que déjà mentionné en 4.3.4, dispositif permanent de dialogue entre les parties prenantes, - des groupes de travail locaux, qui pourraient être, soit départementaux (sur le modèle des deux Comités départementaux de gestion de l'espace montagnard), soit en correspondance territoriale avec les territoires de présence identifiés. Dans ce cas, il pourrait prendre modèle sur l'IPHB. Mais cette concertation ne pourrait vraiment porter ses fruits que si elle est accompagnée d'une coordination interrégionale - et interministérielle - sur le massif. Compte tenu de la prise de recul prônée par la mission dans le cadre d'un aménagement équilibré de la montagne pyrénéenne, ce rôle, à la fois d'animateur et de médiateur, ne peut revenir qu'à l'Etat, en la personne du Préfet, coordonnateur de massif. C'est pourquoi la mission propose que les ministères chargés de l'environnement et de l'agriculture mettent à disposition du Préfet un directeur de projet100, placé auprès de ce dernier, chargé de la mise en oeuvre des propositions de la mission sur le terrain, une fois qu'elles auront été étudiées, négociés et validées. 98 Conclusion solennelle du maire de Kocevje à la fin d'une réunion des parties prenantes avec la délégation française lors de son déplacement en Slovénie. 99 La secrétaire d'Etat à l'écologie a d'ores et déjà annoncé son principe sous l'appellation Groupe national Ours, en parallèle avec le Groupe national Loup, qui se réunit régulièrement depuis quelques années. 100 Décret du 23 mai 2000 relatif aux emplois de directeur de projet. La mission des directeurs de projet est de trois ans, éventuellement renouvelable. 60 6 LA VALORISATION DE LA PRESENCE DE L'OURS Deux vecteurs principaux peuvent porter la valorisation économique et touristique de la présence de l'ours : - le « produit » ours ­ l'exploitation « hard »- ; - l' « image » de l'ours ­ la valorisation « soft »-, l'un n'étant évidemment pas exclusif de l'autre. Dans les pays visités, cette valorisation ressort de ces deux vecteurs : aux Etats-Unis, c'est plutôt le produit qui prédomine ; en Asturies et dans le Trentin, c'est plutôt l'image ; alors qu'en Slovénie, le « tourisme de l'ours » ne semble pas une priorité ­sauf pour la chasse. En France, force est de reconnaître que le faible nombre d'ours et le contexte socio-politique difficile ne constituent pas des facteurs favorables à cette valorisation. 6.1 le produit ours C'est incontestablement dans le parc du Yellowstone que l'ours constitue un véritable produit touristique : « on vient voir les ours », et les bisons, et les loups, à côté d'autres richesses naturelles et paysagères. Il y a même dans ce parc des « bear jam101 », quand des plantigrades se montrent et que les voitures stationnent à la file le long des routes pour les observer et les prendre en photo. Ce phénomène existe aussi en France, par exemple dans les réserves animalières de Thoiry ou Sigean, dont certains parcours se font en voiture. Le Yellowstone ­parc où l'on acquitte un droit d'entrée comme dans tous les parcs nationaux américains- reçoit 1,5 à 2 millions de visiteurs 102 par an. Les recettes de l'entrée sont abondées de celles de l'hébergement, de la restauration, des commerces, de la location de matériel, etc. et d'un important marchandisage103 (publicité, promotion, produits divers ­ours en peluche, photos, objets représentant des ours, etc.), comme dans tous les sites touristiques de la planète. On trouve aujourd'hui dans les Pyrénées des parcs animaliers où l'on peut voir des ours : les Angles dans les Pyrénées orientales, Borce dans les Pyrénées-Atlantiques, et un espace dédié : la Maison de l'ours à Saint Lary-Soulan dans les Hautes-Pyrénées. Ces initiatives participent pleinement au développement de ces stations, mais ont une aire d'influence essentiellement locale. D'autres projets de parc ont été étudiés par le passé : un parc animalier sur la faune pyrénéenne au Mourtis en 1997 et, dans le même secteur, une « Montagne aux ours » à Boutx en 1998 à l'initiative du propriétaire de Thoiry. Les deux études préliminaires correspondantes ont servi de base en 2000 à une étude plus approfondie pour l'implantation d'un « parc de vision animalier d'ours », toujours dans ce secteur de la Haute-Garonne -qui correspond à un territoire de présence identifié supra- et sous l'égide d'un syndicat mixte du parc de vision du Haut Comminges, créé à cette occasion. Aucun de ces projets n'a vu le jour. 101 102 Embouteillage liés à la présence d'ours. Les 7 parcs nationaux français (hors Réunion et Guyane) en reçoivent 6 millions par an ­ source IFEN. 103 En anglais, « merchandising ». 61 La question qui se pose aujourd'hui n'est pas de savoir s'il est pertinent de relancer l'idée d'un « parc à ours » -la mission pense que c'est une piste naturellement intéressante-, mais si cette relance peut être faite indépendamment du devenir des populations d'ours actuelles. - oui, car on pourrait, si on le décidait, mettre quelques ours dans un grande réserve animalière. Encore faudrait-il définir le lieu, ou les lieux, trouver des investisseurs et faire de sérieuses études de clientèles. Et il vaudrait mieux que ces investisseurs soient privés, car un parc animalier coûte cher en investissement et en fonctionnement pour une collectivité publique ­dont ce n'est d'ailleurs pas vraiment le métier- : on sait les difficultés de rentabilité des parcs d'attraction en France, compte tenu de la concurrence entre destinations et de la volatilité des clientèles touristiques. Le problème des parcs n'est pas de permettre d'y aller une fois, c'est de donner envie d'y revenir. - non, sans doute, car pourrait-on faire une réserve animalière en lieu et place d'ours en liberté, même surveillée, comme il est proposé dans ce rapport ? En dehors des difficultés évoquées en 4.3.2 quant à l'hypothèse d'un cantonnement, se poserait, compte tenu de la médiatisation de l'animal, une question d'acceptabilité sociétale d'un tel parc, qui risquerait d'hypothéquer son succès : l' « ours en cage » est-il le prix à payer pour sa survie dans les Pyrénées ? ne témoigne-t-il pas de l'impuissance collective à le garder « en liberté » ? et dans ce cas, ce « produit » reste-t-il vraiment attractif ? Dans un contexte socio-économique difficile et de raréfaction du pouvoir d'achat, nul doute que les investisseurs potentiels se poseraient ce type de questions. En réalité, parc à ours et territoires de présence ­surveillée- sont complémentaires : le parc permet aux gens de « voir » des ours qu'ils ne verront sans doute jamais « en vrai » dans la nature, mais qu'ils savent être là, ce qui est totalement différent en termes d'attractivité touristique et de réception psychologique. Indépendamment d'une exploitation touristique « lourde » liée à l'existence d'un parc à ours qui n'existe pas aujourd'hui, il faut signaler la création il y a quelques années d'un « réseau des professionnels du Pays de l'Ours » (accompagnateurs en montagne, aubergistes, éleveurs, apiculteurs, producteurs et artisans), proposant, autour d'une charte104 de qualité, des produits et des services, respectueux de l'environnement et s'engageant pour la présence de l'ours. Cette initiative n'est pas sans rappeler celle de l'association « Cévennes Ecotourisme », développée avec succès dans le parc national des Cévennes. Dans ce même secteur et en même temps, des éleveurs, accompagnés par la même association, ont engagé la production et la vente directe du « broutard105 du Pays de l'ours » avec un cahier des charges spécifique et se sont regroupés au sein d'une association Estives du Pays de l'Ours. Enfin, le fromage « Pé Descaous »106 a été créé en 1994 par le Fonds d'intervention écopastoral avec l'association « les bergers du Haut-Béarn » et le soutien du WWF - France. Il s'agit d'un fromage fermier élaboré en estives, avec une commercialisation utilisant l'image de l'ours (empreinte d'une patte d'ours sur la croûte), symbole de la qualité du terroir. Une trentaine de bergers-fromagers participent à ce programme et une vingtaine de tonnes de fromage est produite en moyenne chaque année, en majorité du fromage de brebis. 104 105 Initiée et animée par l'association Pays de l'Ours ­ Adet. Agneau âgé de 6 à 12 mois, élevé au lait de sa mère, puis à l'herbe. Il transhume en estive avec le troupeau sur les pâturages de montagne et est ensuite vendu directement de l'éleveur au consommateur, à la descente d'estive et jusqu'au mois de décembre. 106 «Va-nu-pieds », surnom de l'ours en béarnais. 62 Toutes ces initiatives sont intéressantes, mais ponctuelles et limitées en termes économiques, et ne ressortent pas d'une stratégie d'ensemble sur le massif. Le « bilan produit » est donc faible, mais le produit existe-t-il vraiment ? 6.2 l'image de l'ours L'exemple des Asturies est particulièrement illustrateur de cette valorisation par l'image. Il s'agit là-bas d'un développement local, entièrement fondé sur l'image de l'ours, sur un consensus culturel fort, sur un outil Parc naturel ­mi-national, mi-régional- fédérateur d'un pays rural très enclavé dans une région très touchée par la reconversion industrielle. Même si le secteur de Somiedo n'avait sans doute pas d'autres choix pour son développement, les élus se sont mobilisés de façon très volontariste, avec de fortes convictions environnementales, et avec l'appui des autorités régionales et nationales. Du reste, il a été démonstratif de constater que le seul « parc à ours » du secteur ­deux ourses orphelines recueillies, 60 000 visiteurs annuels- est volontairement gratuit pour éviter d'en faire le point focal de l'attractivité de ce territoire : il ne s'agit que d'un produit d'appel, l'essentiel n'étant pas là pour son développement. Le Trentin ressort de la même dynamique, mais à un degré moindre, compte tenu du fait qu'il y a peu d'ours, et que la région de Trento-Bolzano est une des plus développées d'Europe, qui dispose de bien d'autres vecteurs de développement que le tourisme. Dans les Pyrénées, cette image est aussi et depuis longtemps exploitée de façon volontaire par de nombreux commerçants, restaurateurs, cafetiers et villages qui associent le nom de leur établissement et de leur signalétique à celui de l'ours. D'autres opérateurs107 ont joué, ou jouent, cette image pour leur promotion. Mais on sent bien aussi que les offices du tourisme, les syndicats d'initiative et certaines collectivités hésitent encore à utiliser pleinement son image. Ainsi, le remarquable instrument de promotion du massif, la Confédération108 pyrénéenne du tourisme, n'a inclus aucune photo d'ours, ni fait aucune référence à la présence d'ours dans le massif dans aucune de ses nombreuses brochures ! Pourtant, il suffit de randonner dans le massif pour emprunter un « chemin de l'ours », passer un « pas de l'ours » ou gravir un « pic de l'ours », skier aux abords de la « tute de l'ours » voire en rencontrer un par hasard ! Sur ce thème, très important dans le contexte culturel pyrénéen, de l'image et du symbole, il est également intéressant de noter que les deux principales coordinations d'éleveurs « antiours », l'Association pour la sauvegarde du patrimoine Ariège-Pyrénées (ASPAP) et l'Association pour le développement durable de l'identité des Pyrénées (ADDIP), ainsi d'ailleurs que l'Institution patrimoniale du Haut-Béarn (IPHB), se sont placées dans leur intitulé sous le timbre très pertinent du « patrimoine pyrénéen » et de l' « identité pyrénéenne ». L'une des plus anciennes activités du massif, le pastoralisme, participe en effet à cette culture : organisation humaine collective, gestion des estives diversifiée et adaptée en fonction des territoires, image positive véhiculant des produits de qualité. 107 Par exemple, l'opérateur touristique La Balaguère avait jadis un produit de randonnée autour des territoires de l'ours ; aujourd'hui, la nouvelle collection locale de vêtements «By Pyrénées » associe sur son site Internet son logo avec des empreintes d'ours. 108 Il s'agit, avec la Normandie, du seul outil de promotion touristique et de mise en réseau des partenaires de l'économie touristique en France qui couvre plusieurs régions et un massif de montagne. 63 Mais c'est à ce même titre du patrimoine et de l'identité que les défenseurs associatifs du plantigrade arguent de l'histoire et de la culture pyrénéennes autant que de la sauvegarde de la biodiversité pour soutenir la présence de l'ours dans le massif. Ce substrat culturel et psychologique très profond, qui frappe tous ceux qui font le « voyage aux Pyrénées »109, constitue le fondement de son identité et de son image et l'attractivité de son tourisme110. Au moment où des sondages d'opinion111 -sans pour autant les survaloriser- sont plutôt favorables à la présence de l'ours et indiquent que c'est « l'espèce animale sauvage qui représente le mieux les Pyrénées », et où la plupart des professionnels du tourisme rencontrés par les deux missions considèrent que l'ours peut jouer un rôle important dans l'attractivité du territoire, n'est-il pas possible de surmonter tous les paradoxes illustrés précédemment et d'arriver a minima à un plus petit dénominateur commun ? *** Les évolutions des comportements des touristes, la concurrence de plus en plus vive entre les destinations, notamment les plus lointaines, les effets escomptés du changement climatique, amènent la plupart des stations et des territoires de moyenne montagne à repositionner leur développement touristique en se diversifiant, notamment par rapport à la neige, et en trouvant des alternatives à la saisonnalité. La politique des « pôles touristiques », mise en oeuvre sur le massif pyrénéen, est à cet égard exemplaire. La valorisation touristique de l'ours, comme d'ailleurs du pastoralisme, pourrait parfaitement constituer un chantier complémentaire à cette incontournable recherche de diversification. D'autre part, les plus récentes recherches112 sur le développement local et l'aménagement du territoire montrent que les revenus113 qui permettent ce qu'on appelle aujourd'hui l' « économie résidentielle» ou « présentielle » pèsent plus du double des revenus tirés des activités productives et que c'est cette économie qui tire vers le haut les territoires, sinon les plus compétitifs, du moins les plus attractifs. Dans ce cadre, la qualité environnementale joue évidemment un rôle majeur pour le développement des régions concernées, dont le Grand Sud-Ouest fait partie. 109 110 Le voyage aux Pyrénées ­ Hippolyte Taine ­ 1860. Dont le pyrénéisme, le thermalisme et les grands sites sont les supports traditionnels. 111 IFOP ­ sondages auprès des Pyrénéens - 2003 et février 2005. 112 La République et ses territoires ­ Laurent Davezies ­ Editions du Seuil ­ janvier 2008. Atlas des mobilités touristiques ­ Françoise Potier, Christophe Terrier ­ Editions Autrement, avec l'appui de la DIACT ­ mars 2007. 113 Revenus des agents publics, des prestations sociales, des touristes, des actifs travaillant ailleurs, des retraités. 64 L'ours et le pastoralisme sont tous les deux des indicateurs de cette qualité de l'environnement. Plutôt que de se neutraliser, le cumul de leurs avantages respectifs pourraient être de nature à conforter cette dynamique. La mission recommande aux ministères chargés de l'environnement, de l'agriculture et du tourisme de lancer une étude exploratoire sur l'apport de l'ours et du pastoralisme au tourisme pyrénéen, dans une optique d'aménagement équilibré du territoire pyrénéen et de valorisation économique. Cette étude pourrait être confiée au GIP OditFrance . Denis LAURENS Georges RIBIÈRE 65 ANNEXES ANNEXE 2 : DEPLACEMENT DANS LES ASTURIES (ESPAGNE) Qualification de la zone de présence et renforcement du suivi de la population d'ours dans les Pyrénées françaises Mission de l'Inspection générale de l'Environnement Compte-rendu du voyage d'étude d'une délégation française dans les Asturies (Espagne) du 26 au 29 novembre 2007 Liste des participants Madame Marie-Lise BROUEILH, présidente de l'Association pour la Sauvegarde du Patrimoine Pyrénéen ­ Hautes-Pyrénées Monsieur François ARCANGELI, président de l'association Pays de l'Ours, maire d'Arbas Madame Magali BONIFACE, représentante de l'Association pour le Développement Durable de l'Identité des Pyrénées Monsieur Augustin BONREPAUX, président du Conseil Général de l'Ariège Monsieur Jean-Jacques CAMARRA, Équipe Technique Ours ­ Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage Monsieur Claude CARRIERE, co-président de l'Association pour la Sauvegarde du Patrimoine d'Ariège-Pyrénées Monsieur Rolland CASTELLS, maire de Bagnères-de-Bigorre, conseiller général des HautesPyrénées, Monsieur Fernand ESTEREZ, secrétaire général de la Fédération Départementale des Chasseurs des Pyrénées-Atlantiques Monsieur Thierry GALIBERT, Adjoint au directeur régional de l'environnement de MidiPyrénées Monsieur Denis LAURENS, inspecteur général de l'environnement Monsieur Marcel MINVIELLE, maire d'Etsaut Monsieur Jérôme OUILHON, directeur du Fonds d'Intervention Eco Pastoral ­ Groupe Ours Pyrénées Monsieur Sébastien PAULY, représentant de la Fédération Départementale des Chasseurs de l'Ariège Monsieur Georges RIBIERE, inspecteur général de l'environnement Monsieur Jean-Luc TRONCO, Sous-Préfet d'Oloron-Sainte-Marie 3 La Principauté des Asturies est l'une des régions autonomes espagnoles. Située sur la côte nord, elle borde l'océan Atlantique, la Galice à l'ouest, la Cantabrie à l'est, la CastilleLeon au sud. Les Asturies s'étendent d'est en ouest sur 170 km, pour une superficie de 10 000 km2. De fortes densités de population humaine se trouvent en partie centrale (Oviedo) et sur la côte (Gijon - Avilès). Avec les régions précitées, les Asturies partagent la chaîne cantabrique, qui culmine aux Picos de Europa, à 2600 m d'altitude. La chaîne cantabrique constitue le prolongement naturel de la chaîne pyrénéenne. L'occupation du sol se répartit entre 30% en forêt, 30% d'espaces naturels ouverts (landes atlantiques ou alpages), le troisième tiers en terrains cultivés et espaces artificialisés. La région visitée se situe au sud-ouest d'Oviedo : Proaza et la Senda del Oso, et le parc naturel de Somiedo. Elle abrite encore une importante population d'ours autochtones. Mardi 27 novembre 2007 9 h 30 - 12 h Présentation générale Maison de l'ours à PROAZA Juan José ARECES, Ministère espagnol de l'environnement ; Teresa Sanchez COROMINAS et Juan Carlos DEL CAMPO, ministère de l'Environnement et du développement rural de la Province des Asturies ; Carlos Zapico ACEBAL, Antonio Eder GARCIA, Roberto Garcia GARCIA, José Tunon HUERTA, Fondation de l'ours des Asturies ; Miguel Fernandez OTERO, Grade principal de la patrouille Ours du Ministère de l'Environnement et du développement rural de la Province des Asturies. La Principauté des Asturies est une communauté autonome d'Espagne. Sa capitale est la ville d'Oviedo. Son territoire couvre 10 000 km2 et accueille une population en régression qui dépasse légèrement le million d'habitants, concentrés dans la zone centrale dans trois villes principales : Gijon (274 000 hbts), Oviedo (212 000 hbts), Avilès (84 000 hbts). La langue officielle est l'espagnol, même si l'asturien s'utilise beaucoup. La Communauté est divisée en 78 Communes qui ont la même valeur légale qu'une municipalité en France. L'économie des Asturies repose sur un secteur primaire en perte de vitesse qui occupe près de 6 % de la population active avec l'élevage bovin, l'agriculture et la pêche. Le secteur secondaire emploie 30 % de la population active, particulièrement dans les domaines de la sidérurgie, de l'agroalimentaire, de l'acier, de l'armement, de la chimie, des équipements de transport. Le secteur tertiaire concerne 65 % de la population active et cette part va en augmentant, effet de la concentration de la population dans les centres urbains et de l'importance qu'à acquis le tourisme dans la région ces dernières années. La fin de l'extraction du charbon, dans les années 70, qui avait un rôle prépondérant autrefois, a durement frappé l'économie asturienne qui a du faire d'importants efforts de reconversion (les Asturies étaient classées en Objectif 1 par la Commission européenne). La partie sud de la province où vivent les ours appartient à la cordillère Cantabrique, montagnes pouvant s'élever jusqu'à 3000 mètres. La cordillère cantabrique est relativement anthropisée (12 habitants au km2), soit plus que les Pyrénées. La superficie totale de la zone à ours sur les Cantabriques s'étend sur 500 000 hectares et la zone en Asturies couvre 200 000 hectares et 75 000 habitants, répartis dans 19 communes. Deux zones sont principalement concernées : la vallée de l'ours, autour du village de Proaza et le parc naturel de Somiedo. 4 L'activité sur cette zone à ours s'est essentiellement focalisée depuis 1990 sur la complémentarité entre élevage (essentiellement bovin, d'une race à viande locale) et tourisme de nature, centré sur l'image de l'ours. La population d'ours s'élève à environ 150 unités répartis en deux noyaux séparés (120 à l'ouest, 30 à l'est) par une zone intermédiaire, riche en infrastructures. Il y en a 90 en Asturies. Un des objectifs de la politique menée est d'essayer de réunir les deux noyaux pour limiter les risques d'endogamie. Le processus sera très long eu égard à la forte présence d'activités humaines dans la zone intermédiaire et au caractère « casanier » des femelles ourses suitées. Cette population a été reconstituée suite à une décision datant d'il y a une vingtaine d'années, époque à laquelle elle était descendue à une soixantaine d'individus. La compétence de la conservation de la nature relève du gouvernement autonome. La législation nationale relayée par la législation de l'Autonomie asturienne place l'ours dans la liste des espèces en danger d'extinction, considérant d'abord l'avenir de la population locale, indépendamment de l'existence d'ours bruns ailleurs dans le monde. La population, même si elle atteignait le seuil de 250 individus, resterait, selon les Espagnols, en danger eu égard à son caractère isolé des autres populations ursines. C'est la raison pour laquelle les Espagnols ne souhaitent pas donner d'ours à d'autres pays, notamment à la France, même si le massif pyrénéen est transfrontalier, et les deux populations ursines, asturiennes et pyrénéennes, séparées depuis quelques siècles seulement, sont génétiquement très proches. Pour les espèces classées en danger d'extinction, il y a une obligation de mise en uvre d'un « plan de récupération ». Ce plan a fait l'objet d'une loi asturienne du 27 mars 1989 et d'un décret du 24 janvier 1991 actualisé par un nouveau décret le 24 janvier 2002. La « récupération » -le rétablissement- de la population d'ours passe par une série de mesures de gestion et de suivi, notamment : - suivi et recensement des individus, notamment des femelles suitées (15 en 2006) ; - travaux scientifiques : détermination des lieux d'hibernation et d'alimentation. à noter que la cartographie est diffusée au public - prise en compte des dommages (indemnisation de tous les dommages à hauteur du prix du marché plus 20%, ce qui aboutit à 130 par ovin en moyenne, pour un total de 90 000 en 2006. Pas de prime de dérangement. Les plus grands dommages sont constatés sur les ruches, avec un nombre faible sur les ovins (cheptel d'environ 3 000 têtes en été venant de l'extérieur ­Estrémadure- avec gardiens et chiens), et inexistant sur les bovins. Le barème est revu trimestriellement (selon le prix du marché). - gestion de la chasse avec création de zones interdites aux battues à sangliers (zones d'alimentation et tanières par exemple). Ces zones réservées correspondent aux secteurs fréquentés par les ours. - régulation des activités touristiques. La gestion de l'ensemble des activités de protection de la nature est assurée sur le territoire des Asturies par un corps de 145 gardes, dont 5 sont consacrés à l'ours. En outre, 150 gardes des sociétés de chasse interviennent également. 12 h Rencontre avec Belén FERNANDEZ, conseillère à l'Environnement et au développement rural de la Province des Asturies Maison de l'ours à PROAZA 5 La ministre a indiqué que l'ours était l'emblème et l'ambassadeur des Asturies et que la population locale a participé à la volonté d'éviter l'extinction de l'espèce. Elle a précisé qu'il s'est formé un consensus autour de l'ours et qu'il n'existe en Asturies aucun organisme opposé à l'ours et qu'il n'y a pas de raisons objectives qu'il y ait un conflit. Il faut comprendre que l'ours améliore l'économie à long terme et que dès lors il cesse d'être un problème, les dommages et les inconvénients devenant moindres par rapport aux avantages. Le plan de récupération a fonctionné grâce à un système efficace de compensation des dommages ; la mise en place d'équipes spécialisées pour le suivi et la gestion ; l'élimination des risques liés à l'ours - aucun incident en 25 ans -. Il faut poursuivre la recherche sur les habitats et la génétique et l'éducation et sensibilisation de la population et des visiteurs. La ministre a fait l'éloge du parc naturel de Somiedo, exemple concret de la politique de protection de la nature alliée à un développement économique directement issu de la qualité naturelle du territoire. En 1988, Somiedo était classée avant dernière sur les 78 communes des Asturies en termes de PIB, elle est aujourd'hui quarantième. Concernant les rapports avec l'élevage et les prédations, notamment sur ovins, elle a indiqué que l'élevage asturien est surtout bovin, et de ce fait les quelques élevages ovins ont très peu de prédations. Il s'agit surtout d'éleveurs transhumants qui viennent avec bergers et chiens. Concernant le développement du tourisme dans des zones où l'accès est interdit, notamment aux touristes, la ministre a précisé que l'objectif était d'améliorer la qualité des habitats naturels tout en laissant la majeure partie du territoire accessible : la présence de ces zones réservées est un gage du sérieux du travail que les visiteurs comprennent et apprécient. Sur Somiedo qui a un statut de parc naturel, il y avait en 1988, 20 chambres d'hôtels, il y en a 800 aujourd'hui, le tout en ayant augmenté la population d'ours. Il y a eu développement d'un modèle d'organisation du territoire fondée sur la coexistence et le développement du tourisme sans gêner l'ours. Une dizaine de journalistes étaient présents à la conférence de presse qui a suivi et à laquelle ont participé, aux côtés de la ministre, Denis Laurens et Augustin Bonrepaux, membres de la délégation. Plusieurs articles ou dépêches dans les médias locaux en ont été le fruit dès le lendemain. 12 h 30 - 13 h Visite d'un parc à ours. Le Parc est un enclos de 4 hectares visitable gratuitement où sont entretenus deux femelles autochtones, rendues orphelines suite à un accident de chasse. Il est situé à Villanueva, à quelques kilomètres de Proaza, le long du « senda del oso », important sentier de randonnée, servant d'axe touristique dans ce secteur. 60 000 personnes le visite chaque année, le choix a été fait de garder l'entrée gratuite pour éviter de focaliser sur cette attraction qui n'est là que pour donner à voir des ours que l'on ne voit pas dans la nature. L'idée générale du tourisme de nature est de montrer un territoire protégé où peuvent vivre les ours et d'attendre les retombées économiques des activités associées (hébergement, restauration, vente de produits). 6 14 h Rencontre avec l'association de sauvegarde des races domestiques autochtones Anton Alvarez SEVILLA La biodiversité concerne les espèces sauvages, mais aussi les races domestiques autochtones. Les écosystèmes pastoraux traditionnels des Asturies, Pyrénées, Alpes, donnent une identité ethnographique, culturelle et économique à l'Europe, appréciée des touristes. Et, dans de nombreux cas, les races domestiques millénaires donnent de bons produits : laine, lait, viande. Les Pyrénéens sont venus pour voir où vit l'ours. L'ours est symbole des Asturies. Il ne représente pas un problème pour les éleveurs. Le travail des éleveurs permet aux touristes de voir les vaches autochtones, plus facilement que les animaux sauvages ! Le travail fait dans les Asturies sur les races autochtones a un parallèle dans les Pyrénées, où un grand nombre de races autochtones existe, participant au patrimoine génétique pyrénéen. L'impact sur le milieu de ces animaux adaptés à la topographie et au climat est important. L'utilisation de terrains difficiles maintient ces milieux ouverts, et régénère une biodiversité riche. 15 h 30 - 16 h Visite de la Maison de l'ours à PROAZA Fondation « Oso de Asturias La Fondation « Oso de Asturias » est une association privée sans but lucratif, créée en 1992, destinée à promouvoir et développer des actions en faveur de la conservation de l'ours cantabrique. Elle est administrée par différents membres, dont la Province, de grandes entreprises et des banques. Elle gère la Maison de l'ours de Proaza. La présentation a notamment porté sur le travail conduit auprès des scolaires, avec la mise en place d'animations pour des classes d'une semaine avec découverte du territoire (et une attention particulière sur les enfants immigrés pour leur faire découvrir la nature locale dans un souci d'intégration). 900 enfants sont accueillis chaque année, au printemps et à l'automne, et abordent, en dehors de l'ours, les thèmes qui lui sont liés : biodiversité et nature, ressources énergétiques et eau, changement climatique. La Fondation accueille également des thésards en collaboration avec des universités espagnoles, mais aussi étrangères. Une travail sur la transposition des études conduites sur les ours scandinaves (comportement des ourses suitées, basé sur le suivi de 500 individus marqués) dans le contexte asturien a ainsi été mené. 17 H 15 ­ 18 h Présentation du suivi des ours Maison du parc à POLA DE SOMIEDO Fondation Oso Pardo (FOP) ; Fondation pour la protection des animaux sauvages (FAPAS) La Fondation Oso Pardo (ours brun) est une ONG créée en 1992 pour contribuer à la conservation de l'ours, de son habitat et de son environnement culturel. Elle forme et gère des gardes-moniteurs dans les zones à ours de la cordillère cantabrique (pas seulement en Asturies) et organise des visites de découverte. Elle acquiert également des terrains pour développer des modèles de gestion compatibles avec la conservation du plantigrade et mène des actions d'éducation et de sensibilisation. 7 La Fondation pour la protection des animaux sauvages est une association d'environnement créée en 1982, et compte 18 000 membres, emploie 18 personnes, avec un budget de 1 200 000 . La FAPAS travaille sur la protection de l'ours, notamment en contribuant à quantifier la population d'ours, par différentes méthodes qui renseignent aussi sur les autres espèces. Le suivi des ours et leur comptage sont faits via des affûts organisés en place fixe sur quatre semaines dans l'année dans les « zones critiques » et les zones de présence habituelle. Ils servent surtout à connaître le nombre de femelles suitées (possibilité d'identification, moins de mobilité spatiale) qui sert de base à la connaissance de l'évolution de la population d'ours. Ils sont complétés par des photos prises par des appareils, en place depuis 10 ans. Ceux-ci donnent beaucoup d'informations sur la fréquence relative des différentes espèces : (par exemple, 1 ours pour 9 sangliers), sur le sens de déplacement des individus photographiés, sur la présence de chiens suivant les animaux sauvages, sur la taille précise des animaux photographiés par photomontage ultérieur. Ce travail qui permet de caractériser à l'échelle locale la représentation d'une espèce et son évolution dans le temps, aide notamment à gérer la population de sanglier en fonction de la compétition alimentaire. Il confirme que les femelles ourses suitées se déplacent peu, contrairement aux mâles. D'autres informations sont données par des analyses de transects (152 km sont suivis) qui sont transposées en statistiques de présence d'ours. Ce travail est conduit sur deux vallées de 800 à 1 000 ha chacune. Le suivi général est coordonné entre les différents observateurs, pour éviter le doublonnage des dénombrements. Des informations proviennent aussi des habitants, éleveurs, bergers, randonneurs et sont validées par la « patrouille ours » de la Province. Des réunions trimestrielles sont également organisées avec les différents organismes impliqués. Les différentes fondations et les gardes enlèvent aussi les différents pièges et autres poisons qui, bien qu'ils ne soient pas mis pour l`ours, peuvent constituer un danger (poisons pour loups, liens pour sangliers). Toutes ces informations, au delà de l'intérêt scientifique, sont aussi utilisées pour l'information des chasseurs. Grâce à ce suivi, ont été dénombrés en 2006 15 femelles suitées, pour 33 jeunes en Asturies. 86 ours différents au minimum ont fréquenté la principauté, sur une population totale estimée à 150 individus. C'est à l'est de Somiedo que la population ursine asturienne est la plus dense. Sur la commune de Somiedo (30 000ha) on peut donc considérer qu' il y a en moyenne 2 ou 3 femelles suitées, soit une quinzaine d'ours sur les 86 recensés dans les Asturies. La population continue d'augmenter, mais la mortalité de jeunes sans cause déterminée s'observe. 8 18 h 00 ­ 20 h 30 Réunion sur la chasse Maison du parc à POLA DE SOMIEDO Chasseurs ; FOP ; FAPAS Avant 1964, la chasse était une activité privée réservée à la « bourgeoisie ». En 1964, fut créée une réserve nationale de chasse. En 1975, avec l'avènement de la démocratie et des communautés autonomes, cette réserve est devenue de compétence régionale et la loi régionale a démocratisé le droit de chasse. En 1988 a été créé le parc naturel de Somiedo. Le meilleur moyen de lutter contre le braconnage fut d'accorder le droit de chasse aux habitants locaux. 40% de la chasse au sanglier est confiée aux locaux, ainsi qu'un droit de chasse sur cerfs et isards, les 3 seules espèces chassables dans la réserve. Somiedo compte 150 chasseurs répartis en 7 équipes, pour 1 600 habitants. Le nombre de chasseurs n'est pas limité. Les plans de chasse, inclus dans l'ensemble des plans de chasse de la Communauté autonome approuvés par l' Assemblée, sont répartis par tirage au sort. La communauté autonome paie annuellement 150 000 à la commune de Somiedo au titre du parc naturel de 30 000 ha ; elle paie les dommages dans la réserve, de l'ordre de 300 000 (causés à 50% par le sanglier sur prairies et cultures, 20% par le cerf sur prairies et arboriculture, 20% par le loup sur bétail, 1 à 2% par l'ours, dommages aux ruches surtout) A Somiedo, il y a un excès de sangliers et de cerfs, ce qui conduisait les gardes à éliminer le sanglier après la période de chasse, pratique mal vécue par les chasseurs locaux. Une nouvelle loi régionale permet de pratiquer la chasse touristique guidée, auparavant par un garde, maintenant par un chasseur local. Dans le futur il faudrait accentuer la pression de chasse au sanglier, alors que le nombre de chasseurs diminue par vieillissement. L'université d'Oviedo étudie ces évolutions, au plan économique, démographique, législatif. En ce qui concerne la gestion des zones de présence des ours, celles-ci sont conçues pour assurer la tranquillité des ours, et non pas pour la protection des personnes ou des troupeaux. La chasse en battue des sangliers étant une activité traditionnelle dans les Asturies, c'est la seule forme de chasse qui pose un problème de dérangement par rapport à l'ours. Par ailleurs, la densité élevée de sangliers pose un problème pour l'ours, via la concurrence alimentaire. La chasse sportive est un instrument important de contrôle des sangliers, permettant de réduire tout à la fois cette concurrence et le piégeage qui met les ours en danger. Il a donc fallu rechercher un point d'équilibre : pas de chasse en battue si tanière, si ourse avec jeunes signalée, ou zones d'alimentation. Mais l'interdiction est limitée dans le temps (ex : l'interdiction sur les zones d'alimentation ne vaut plus lorsque l'ours est en tanière, et celle sur les tanières ne vaut que pendant la période d'hibernation). Si une femelle suitée est repérée sur le territoire de battue, la chasse est suspendue et reportée sur un autre territoire. On ne chasse pas à partir de décembre dans les zones de tanières. On chasse avec des chiens tenus en laisse, sur des traces de sanglier fraîches. Les chasseurs ainsi sont considérés comme participant activement au plan de récupération. La gestion est partenariale entre chasseurs et fondations, avec échanges réguliers d'information. Un guide (« les chasseurs asturiens et la conservation de l'ours ») a été élaboré en co-écriture entre chasseurs et fondations qui prévoit notamment la chasse avec les chiens tenue en laisse, la mise à disposition de gilets de couleur orange pour identifier les chasseurs, l'obligation d'utiliser des talkies-walkies. 9 Les autres modes de chasse : chasses accompagnées aux cervidés et à l'isard, chasse au petit gibier, ne posent pas de problèmes. Une bonne cohabitation est maintenue, bien que la population d'ours augmente. Sur l'ensemble des Asturies, il y a 9 des associations de chasse, comptant 4 000 chasseurs. Ils ont des conventions avec la FOP : informations sur les ours en échange de la collaboration à la surveillance et à la prévention des dégâts sanglier. L'administration paie les éventuels dégâts occasionnés par une collision routière avec un ours : la traversée des routes par les ours est courante, il y a eu un ours tué il y a longtemps, quelque animaux blessés ; le service forêt faune se rapproche des gestionnaires des routes pour la tenue de base de données et la prise de mesures de prévention, barrières, clôtures. Par contre la responsabilité des sociétés de chasse peut être recherchée par les tribunaux judiciaires en cas de collision avec une espèce gibier, cerf ou sanglier, lors d'une action de chasse. MERCREDI 28 NOVEMBRE 2007 9 h 30 ­ 10 h Visite et présentation du parc naturel Maison du parc à POLA DE SOMIEDO Belarmino Fernandez FERVIENZA, maire de Somiedo. Le parc a été créé en 1988 avec, comme objectif, la conservation de la nature et le développement économique de la région. Il était alors pilote et il y a maintenant 6 parcs naturels dans les Asturies. En 2008, ce sera les 20 ans du Parc : il constitue aujourd'hui un modèle d'aménagement du territoire et une marque de qualité. En 1988, il y avait 350 exploitations bovines, 12 vaches par exploitation. L'élevage reste un moteur important. Il y a maintenant moins d'éleveurs, mais une moyenne de 50 animaux par exploitation. On a beaucoup investi dans la génétique et le développement de la race. L'IGP asturienne a été créée. La vache asturienne s'est répandue dans tout le nord de l'Espagne et jusqu'en. Argentine. Beaucoup de géniteurs sont vendus, jusqu'à 6 000 par vache. Un veau de 3 mois est vendu 1 000 , un animal de 3 ans 2 000 à 3 000 . En 1988, il n'y avait pas du tout de tourisme rural. Aujourd'hui à Somiedo, on trouve 1 500 chambres pour 80 entreprises familiales, gérées par des locaux, ce qui était recherché. L'économie ne dépend plus seulement maintenant de l'élevage, mais aussi du tourisme. 10 h ­ 12 h Rencontre avec les professionnels du tourisme Maison du parc à POLA DE SOMIEDO Le tourisme est fondé sur l'ours et son image et sur la nature avec deux sites principaux, la vallée de l'ours autour de Proaza (sentier de l'ours -utilisant le tracé d'une ancienne voie ferrée-, maison de l'ours, Paca et Tola ­noms des deux ourses du parc à ours-) et le parc naturel de Somiedo (maison du par cet activités). Chacune des 4 communes concernées possède son office de tourisme. 10 Le tourisme était inexistant il y a 10 ans. Pendant ces 10 ans, les places hôtelières et la fréquentation, d'une part, et le nombre d'ours, d'autre part, ont simultanément augmenté. Les acteurs locaux se sont posé la question de la compatibilité : que l'accroissement de la population d'ours ne soit pas un frein au développement du tourisme. L'objectif de ce développement touristique est de fixer la population pour freiner l'exode rural et restaurer le patrimoine, mais, jusqu'à présent, on n'est pas assez parvenu à stopper la diminution de la population en zone rurale. Toutes les activités touristiques ont été confiées aux locaux (hôtels, restaurants) avec des règles : par exemple, la capacité d'hébergement commercial est limité à 19 chambres, avec une volonté de répartir les hôtels dans les différents villages de la municipalité de Somiedo (sur les 38 villages, 22 ont des établissements, l'objectif étant d'en avoir dans chacun des villages). Dans la vallée de l'ours (4 municipalités, dont Proaza), on est passé de 50 chambres d'hôtels en 2000 à 750 aujourd'hui. Le chiffre d'occupation indiqué est de 120 à 150 nuitées par an par chambre. Le choix a été fait de laisser les activités de tourisme de nature gratuites ­ notamment le parc à ours- et de fonder l'activité économique sur les activités associées. Le développement économique vient de la marque de qualité. Pour Somiedo, 120 000 personnes passent par le parc chaque année, essentiellement des Espagnols, et 1500 étrangers seulement, avec une volonté de se développer vers l'Europe (l'obtention récente du label « Europarc » devrait y aider). Le tourisme est essentiellement axé sur la nature et la promenade, à pied, à cheval, en vélo. Somiedo est l'un des parcs les plus restrictifs d'Espagne : pas de parapente, de rafting, de canyoning, une seule école d'escalade. « Si on permet le parapente, les 2 000 personnes que cela attirerait ne valent pas les 120 000 qui viennent pour échapper à ce type d'activités ». Le problème, ici comme ailleurs, reste la saisonnalité de ce tourisme ­ le taux d'occupation à Proaza est de 120 à 150 jours sur 365 -, mais la rentabilité, selon les hôteliers présents, est acquise, d'autant plus que l'activité est de type familiale et que la pluriactivité semble la règle. Le chiffre d'affaires annuel d'un gîte de 4 personnes est de 10.000 à 18.000 ; celui d'un hôtel de 15 chambres de 10 000 /mois. Le taux de cotisations sociales est de 300 à 400 mensuels par employé, la TVA à 7%, l'impôt sur les personnes physiques de 20%, l'impôt sur les bénéfices des sociétés de 35%. A ce jour, une seule des entreprises hôtelières de Somiedo a fait l'objet d'une transmission familiale, les autres sont de création récente. La région étant en objectif 1, elle a bénéficié d'un programme européen de développement rural. Un programme Leader interviendra à compter de 2008. Le programme Leader actuel (2002-2006) concerne 10 communes et 25 000 habitants, pour 13 millions d' . Il a appuyé 240 projets d'entreprise, essentiellement du tourisme rural, mais aussi de la petite industrie. Le taux de financement moyen est de 33% (1/3 Europe, 1/3 Etat, 1/3 Autonomie). Il varie de 20% à 40% suivant la qualité du projet, la subvention maximale par projet est de 150 000 . 155 projets concernent Somiedo. Les mêmes modalités seront pratiquées pour le prochain programme ; la région ajustera pour cela sa participation suivant l'évolution des taux de financement européens. 11 13 h ­ 14 h Rencontre avec des éleveurs et bergers Visite d'une estive et des granges (« branas ») VILLAR DE VILDAS L'élevage est surtout bovin et s'est rationalisé depuis la création du parc naturel. En 1988, 300 élevages de 12 bovins de moyenne, aujourd'hui 200 élevages de 50 bovins en moyenne. Il s'agit d'élevage allaitant de vaches de la race Asturienne. L`élevage se fait une grande partie de l'année en estive avec présence de « cabanes pastorales ». De grands secteurs sont en espace réservé (pour l'accès automobile) aux éleveurs. La valorisation bouchère des animaux est, selon les acteurs rencontrés, excellente. Dans la gestion de l'urbanisme, le choix a été fait de garder les élevages au sein des villages pour éviter un mitage du territoire. Cela ne pose pas de souci pour le développement du tourisme, les villages recevant en hébergement le plus de touristes sont aussi ceux où l'élevage est le plus important. Il y a à Villar de Vildas 24 troupeaux de 40 vaches, qui sont de mai à octobre dans le pâturage communal ; en hiver, la moitié reste sur place, la moitié va dans la plaine côtière. Il y avait auparavant des moutons et chèvres. La population, en diminution, a choisi ce qui était le plus rentable : le bovin à viande. L'éleveur rencontré possède 95 vaches, il complémente par des céréales. Il a 30 hectares de prairie de fauche, fauchés en partie à la faux, et exploite en été 140 hectares. Il visite ses vaches tous les jours. En 10 ans, il a eu 2 dégâts de loup et 1 dégât d'ours -la vache asturienne est un animal de 700 à 800 kg-. Il y a des problèmes avec les sangliers qui détruisent les prairies. Les loups qui font quelques dommages sur les ovins doivent être régulés. Il est responsable d'une coopérative d'éleveurs, engraisse des veaux de 1 an, aux céréale. La viande est à 90% commercialisée dans les Asturies, l'asturienne IGP est payée plus cher que les autres races. L'acheteur paie plus cher en ayant la une certitude de la qualité. Le maire espère développer plus de produits avec la marque « Somiedo » : transformation de viande, fromages de chèvres, embouteillage d'eau de source. Ce dernier projet, de réalisation proche, est important sur le plan démonstratif : le but étant d'attirer de la population, la contribution de la petite industrie sera essentielle. 12 17 h ­ 20 h Rencontre avec des maires et élus des Asturies Maison du parc à POLA DE SOMIEDO Maria Elena Diaz PALACIOS, députée au Parlement de la Principauté des Asturies Belarmino Fernandez FERVIENSA, maire de Somiedo ; Ramon Fernandez GARCIA, maire de Proaza ; Carlos de Llanos GONZALEZ, maire de Santo Adriano ; Jose Felix Garcia GAONA, Directeur général de la biodiversité et du paysage à la Principauté des Asturies Pour le maire de Somiedo, chaque territoire a ses stratégies et doit choisir son destin : si l'on faisait venir des gens à Somiedo pour voir des ours, on les tromperait. On leur dit : venez à Somiedo, il y a des ours en liberté, ceci atteste d' un haut niveau de conservation. Même si vous ne les voyez pas, cela signifie qu'il existe un habitat réunissant les conditions de leur existence. L'ours est un symbole, mais une destination touristique ne doit pas se baser que sur l'ours. Heureusement, Somiedo réunit tous les atouts de la cordillère cantabrique. L'initiative du parc est venue de la commune, et non de la Région ou de l'Etat central. L'implication du parc dans le développement fait la marque de qualité de ce territoire. Du point de vue de l'environnement, les zones de montagne, au lieu d'être en retard, ont une grande valeur Le choix a été fait d'un parc « permissif » vis-à-vis de l'élevage bovin traditionnel favorable à la biodiversité, mais très restrictif pour l'usage touristique. Le débat est présent en Espagne sur ce thème, sur la côte méditerranéenne et dans les Pyrénées : trop de tourisme détruit la nature. L'urbanisme est contraint à Somiedo : pas de constructions hors village, et plan d'urbanisme pour chacun des 38 villages. Le grand risque pour la conservation n'est pas l'élevage, mais l'urbanisme. Les étables sont autorisées dans les villages et jusqu'à 500m à l'extérieur. Les villages qui ont le plus d'élevage ont aussi le plus de touristes . Concernant l'ours, le maire indique que l'ours en Asturies est « sacré », car il a une grande valeur économique. Autrefois, le tueur d'ours était un héros, aujourd'hui il serait banni de la société. Mais il ne donne pas de conseil ; chaque territoire est différent. Le parc national de Pyrénées occidentales, qu'il connaît, a été une bonne initiative à son époque, mais dans ce type de structure, les acteurs locaux n'ont pas toujours eu toute l'initiative. Le problème de l'ours reste entier, tout le monde doit faire un pas, il n'y a pas de montagne vivante sans pastoralisme, mais l'humanité a le devoir de protéger les espèces sauvages. Les habitants sont les véritables gardes de la faune, sinon il n'y a pas de réussite possible. Celle-ci passe par la compensation pour les habitants des contraintes (dommages, mais surtout développement des activités économiques de façon à ce qu'ils ne se sentent pas handicapés par rapport aux autres territoires). Il faut faire passer le souhait de partager le territoire. Pour le futur, il faudra développer encore plus le tourisme, notamment européen. Dans les statistiques espagnoles, les Asturies sont la première destination de tourisme rural et cette destination est bien stabilisée, mais on ne pourra rivaliser avec le tourisme méditerranéen. Pour l'agriculture et l'élevage, il faut ouvrir plus de potentialités même si le pays connaît un certain déclin. Et aussi appuyer l'élevage bovin viande. Pour le maire de Santo Adriano (280 habitants), dans cette zone déprimée où l'élevage n'existe plus, la seule ressource est la nature. Le maire encourage à la restauration de la population pyrénéenne d'ours. Le parc d'ours captifs est complémentaire de la présence d'ours sauvages que l'on ne voit pas, et qu'il est dissuadé ou interdit d'approcher . 13 La Députée a rappelé que l'Espagne est constituée de communautés, disposant d'une Assemblée, héritière des parlements régionaux. Les Asturies pour 1 million d'habitants ont une assemblée de 45 députés. L'Assemblée asturienne s'était déplacée à Somiedo lors de l'avancée sur le littoral des troupes napoléoniennes. Elle s'est déclarée souveraine en 1820. Madrid a les compétences législatives de base et l'Autonomie complète par des dispositions législatives spécifiques. Les députés pour leur travail législatif peuvent demander des opinions d'experts, ou des parties intéressées. La politique environnementale et de conservation des espèces est l'objet d'une attention particulière de toutes les partis au Parlement. La région asturienne est marquée par une forte tradition industrielle et une forte concentration de population. Quand la communauté autonome s'est constituée au début des années 1980, deux problèmes sensibles se sont révélés : la pollution des sols des eaux, de l'air, au c ur du bassin minier, et la présence de vastes zones rurales sans activité économique. La région a connu une grave crise économique dans les années 1980 : la réponse a été un rééquilibrage territorial des activités, couplé avec la protection et l'amélioration de l'environnement. Le retour du saumon est utilisé comme symbole du nouveau modèle économique ; « une vie audelà de l'industrie lourde ». Dans les Asturies, le symbole est l'ours, il induit de nouvelles activités économiques différentes de l'élevage qui a su s'adapter aux conditions modernes. La protection de l'habitat qui permet aux espèces de survivre est une garantie pour le maintien de l'activité. Pas de rivalité, mais la coexistence. Il y a eu une large concertation des acteurs locaux pour le plan régional. L'institut d'aménagement du territoire l'étudiait depuis 1984, dans le contexte de crise économique. En 1987, le projet de premier plan de gestion a été discuté dans tous les villages, le principe étant de travailler sur un texte amendé au fur et à mesure pour prendre en compte l'avis des minorités. Le texte même s'il est plus long à produire doit être accepté par les populations locales, mais aussi par le reste du territoire (qui paie les impôts permettant la mise en uvre). Aujourd'hui, on discute de ce que l'on doit faire, mais plus de l'existence du parc. Des structures de gestion démocratiques de gestion ont été créées, des lieux de débat. Aucun projet ne peut aboutir sans l'adhésion des habitants. Il faut aussi indemniser « généreusement » les dégâts d'ours, et aussi compenser pour les habitants de la zone avec d'autres bénéfices, tel l'amélioration des infrastructures. 14 ANNEXE 3 : DEPLACEMENT DANS LE TRENTIN (ITALIE) Qualification de la zone de présence et renforcement du suivi de la population d'ours dans les Pyrénées françaises Mission de l'Inspection générale de l'Environnement Compte-rendu du voyage d'étude d'une délégation française dans le Trentin (Italie) du 10 au 13 décembre 2007 Liste des participants Monsieur Francis ADER, Président de l'Association de Défense de l'Identité Pyrénéenne, Monsieur François ARCANGELI, Président de l'Association Pays de l'ours-ADET, Maire d'Arbas, Monsieur Henri BONAFFE-CLAUSS, Président de la Fédération Départementale des Chasseurs de la Haute-Garonne, Monsieur Stéphan CARBONNAUX, représentant l'Association FERUS, Monsieur Frédéric DECALUWE, Equipe Technique Ours, Monsieur Thierry GALIBERT, Adjoint au Directeur Régional de l'Environnement de MidiPyrénées, Madame Hélène HUEZ, représentant l'Association pour la Sauvegarde du Patrimoine d'Ariège - Pyrénées Monsieur Denis LAURENS, Inspecteur Général de l'Environnement, Monsieur Samuel MARGUET, représentant l'Association des Bergers ­ Hautes-Pyrénées, Madame Madé MAYLIN, représentant l'Association pour le Développement Durable de l'Identité des Pyrénées, Monsieur Jean-Paul MERCIER, administrateur de l'Association Pays de l'ours-ADET, Monsieur Philippe QUAINON, Directeur départemental de l'Equipement et de l'Agriculture de l'Ariège, Monsieur Georges RIBIERE, Inspecteur Général de l'Environnement, Monsieur André ROUCH, Président de la Fédération Pastorale de l'Ariège, Monsieur Jean-François RUMMENS, Directeur de la Fédération Pastorale de l'Ariège, Monsieur Claude TERON, Maire de Goulier, Monsieur Claude VIELLE, représentant l'Association pour la Sauvegarde du Patrimoine Pyrénéen ­ Hautes-Pyrénées. 15 La province du Trentin se situe dans la partie nord est des Alpes italiennes. Elle constitue avec la province de Bolzano la région autonome Trentin-Haut Adige. Proche des frontières suisse, autrichienne et slovène, la province du Trentin n'est pas elle-même frontalière : elle est bordée à l'ouest par la Lombardie, au sud-est par la Vénétie, deux régions particulièrement peuplées, et au nord par le Haut Adige. Le territoire visité a été le parc naturel Adamello-Brenta. Il correspond à l'entité montagneuse, à l'ouest de la ville de Trente, située entre le lac de Garde au sud et le parc national de Stelvio (Val Venosta) au nord. Deux chaînes de montagnes le constituent, à l'ouest la Brenta dolomitique, réputée pour l'alpinisme et la station de ski de Madonna di Campiglio, et à l'est, l'Adamello constitué de roches cristallines. Ce Parc naturel a été le support, de 1999 à 2001, d'une opération de renforcement de la population d'ours brun autochtone qui était en voie d'extinction. Mardi 11 décembre 2007 9 h 30 - 12 h Présentation des modalités de gestion des ours bruns Intervention de Romano MASE, Directeur général du Département Ressources forestières de la Province du Trento Un projet «Life ours », soutenu par la Commission européenne, a démarré en 1999 à l'initiative de la province autonome du Trentin (Trento). Il comporte des aspects positifs : le succès biologique de la réintroduction, traduit par le rapport entre la natalité et la mortalité des ours, et la démonstration que le milieu naturel est favorable à l'ours ; et des aspects critiques ou critiqués: le rapport entre l'homme et l'ours, et la communication : comment une administration doit-elle s'exprimer auprès de la population sur ces sujets ? Au final, la situation est encore fragile, du point de vue biologique, et eu égard aux réactions de la population à certains aspects de ce projet. Pour le Département Ressources forestières, ce projet représente une grande opportunité pour développer son professionnalisme et pour approfondir certaines thématiques. Un autre aspect, plus culturel, est de suivre et promouvoir la capacité d'un territoire à s'adapter à la présence d'un prédateur : quel rapport de l'homme avec l'animal sauvage ? Intervention de Ruggero GIOVANNINI, Directeur du Bureau de la faune au Service Forêt-faune du Département Ressources forestières de la Province du Trento Il existe actuellement 20 à 24 ours bruns à l'ouest de Trente répartis sur environ 2 000 km2 (200 000 ha). L'objectif affiché est d'arriver à une population de 40 à 60 adultes sur la même superficie, soit 2 à 3 individus par 100 km2. Sur le très long terme ­40 ans-, l'idéal serait de parvenir à faire la jonction avec les populations ursines de Slovénie et des Alpes dinariques. Intervention de Claudio GROFF et Lorenzo VALENTI, du bureau de la faune au Service Forêt-faune du département Ressources forestières de la Province du Trento Il y avait 3 ou 4 ours autochtones dans les années 1990. La réintroduction de 10 individus slovènes a permis de comptabiliser 27 naissances de 2001 à 2007. Il y a eu 3 décès et 7 disparus, auxquels il faut ajouter la capture d'un ours à problème (Jurka). 16 La gestion de la population d'ours se fait par l'intermédiaire d'organisations publiques dépendant de la province du Trento, et non par des ONG. Il n'y a pas de restrictions aux activités de la population locale : la chasse est maintenue, mais contrôlée ; le ramassage de champignons est libre. Six axes constituent la méthode de cette gestion : - le suivi - l'information et la communication - la formation du personnel - la prévention des dommages et indemnisation - l'organisation d'urgence - le rapport avec les autres régions et pays voisins Le suivi La méthode traditionnelle (traces, affûts photos), engagée depuis 1974, a été complétée depuis 2002 par le suivi génétique (analyses de poils). 2 individus potentiellement à problème sont suivis par télémétrie. En 2002, le suivi génétique basé sur des échantillons fèces et poils sur 64 Km2, a caractérisé 10 ours différents ; en 2006, sur 752 Km2, ont été dénombrés 22 ours. En 2005, de jeunes individus mâles se sont déplacés jusqu'en Autriche, ce qui était prévisible du fait de l'éthologie de l'espèce. Le service avait préalablement établi des contacts avec les régions limitrophes : en 2006, un individu (Bruno) est allé jusqu'en Allemagne. Cet erratisme confirme l'importance des contacts avec les pays environnants. Les déplacements respectifs des ours ont été suivis par télémétrie satellite : ainsi, Jurka se déplaçait sur 500 Km2, une autre ourse Daniza sur 140 Km2 seulement. Au minimum, un ours se déplace sur 30-40 Km2, mais certains individus occupent 1000 Km2. Des déplacements de jeunes mâles dans diverses directions ont été observés, de 45 à 115 Km, en raison probablement de la saturation du territoire central. Ces grands déplacements peuvent poser des problèmes. Sur le plan démographique, la population d'adultes recensés n'a pas augmenté de 2002 à 2006 (8 individus sur 10 en 2002, 8 individus sur 22 en 2006). La quantité d'ours à maturité sexuelle est de 6 exemplaires. Sur 33 ours distincts ayant été identifiés, y compris les ours importés, 22 sont vivants et 11 sont morts ou disparus (un ours peut disparaître du recensement génétique pendant 1 an puis réapparaître, mais à ce jour aucun disparu pendant 2 années consécutives n'a réapparu ensuite). Le taux de « perte » global est donc de 30 à 33%. Sur un total net d'ours importés, 9, 4 sont présents et 5 disparus. Tous les animaux lâchés ont été pourvus d'un émetteur, pour 3 ans d'émission. On ne prévoit pas d'autre équipement radio émetteur, si ce n'est pour des ours à problèmes. Actuellement, un seul ours est équipé, Daniza, prédatrice de moutons autour des habitations, mais ne peut encore être considérée comme une ourse à problème. La comparaison avec la France sur la connaissance précise des populations montre que la méthode est globalement la même, les principales variations venant de la connaissance initiale exhaustive et de l'étendue du territoire (plus petit en Italie). A noter que l'organisation de sessions de récupération de poils est peut être plus cadrée dans le temps qu'en France, mais la moitié des résultats viennent des recherches occasionnelles ; quant au délai de retour des résultats des analyses génétiques, il peut être en Italie de deux semaines si urgence, gestion annuelle sinon. 17 L'information et la communication Lors des opérations de réintroduction ont été mis en place deux comités, un à vocation scientifique et technique, un à vocation de consultation de l'ensemble des populations concernées notamment par les activités professionnelles. Ces comités ont travaillé dans le cadre du programme Life jusqu'à la mise en uvre des réintroductions, puis ont été supprimés. La Province autonome a la responsabilité entière de la gestion. Les rapports de la Province avec les différentes catégories se poursuivent, mais sans institution officielle. Elles sont bonnes avec les professionnels du tourisme, compte tenu de la valorisation de l'image du Trentin ; assez bonnes avec les chasseurs et les agriculteurs ; difficiles avec les éleveurs ; très variables, mais plutôt en amélioration, avec les élus locaux. En cas d'attaque humaine de l'ours, le principe général est la non responsabilité de l'administration, l'ours, animal sauvage, étant « res nullius », surtout s'il ne dispose pas d'émetteur. Cependant, la Province a souscrit une assurance spéciale au cas où, mais, en 150 ans, aucun cas d'agression sur l'homme n'a été constaté. Plusieurs sondages auprès de la population locale ont montré 75,4 % d'opinions favorables à la présence des ours en 1997 et 73,2 % en 2003. Le budget de cette opération ours se monte à 309 000 annuels, y compris pour les dommages, dont 188 400 de coûts salariaux ( 4, 8 ETP pour 36 personnes concernées). La prévention et l'indemnisation des dommages L'indemnisation (à 100 % depuis 1974) concerne ruches, ovins, productions végétales, portes, enclos, etc. (pour mémoire, aucune attaque sur bovin ou équin n'a été signalée). Le principe repose sur une simple déclaration (appelée « autocertification ») par l'éleveur ou autre sur un numéro téléphonique accessible en permanence de mars à novembre. Contrôle ou non par l'administration responsable et remboursement dans les 60 jours. 90 % des déclarations sont contrôlées, mais moins de 10 % des dossiers sont refusés. Le remboursement n'est effectif que si l'attaque est effectivement imputable à l'ours, y compris pour les dérochements, mais pas pour les bêtes disparues. Cependant, l'indemnisation au bénéfice du doute n'existe pas en Italie. Mesures de prévention : troupeaux gardés, clôtures (double enceinte électrifiée) et chiens de protection. L'administration mène des efforts de sensibilisation, d'information et d'appui (héliportage) auprès des bergers et la plupart des éleveurs ont mis un système en place. Cependant, il existe une vallée où les troupeaux ne sont pas gardés et où les dégâts existent et peuvent représenter jusqu'à 5 % du troupeau, alors qu'ils n'en représentent que 1 à 2 % en cas de garde et d'équipement. Nombre et volume des dommages : 35 000 en 2005, année la plus forte (Jurka était responsable de la moitié des dommages) ; 28 000 en 2007, ce qui représente à peu près 100 dégâts. Barème : 150 par brebis, 250 par ruche. Le territoire compte environ 4000 ovins et 2000 bovins sur 2000 hectares (6 estives) occupés par les troupeaux (sur la zone de 2000 Km2 fréquentée par les ours). 18 L'administration croit que l'ours peut et doit s'installer sur le territoire, mais ne doit pas disposer d`une liberté totale. Le milieu ambiant peut accueillir l'ours, mais cela ne doit pas se faire au détriment du pastoralisme. Le cas échéant, un choix politique devrait être fait. On peut réduire les dégâts d'ours par la mise en uvre de moyens de protection, mais pas les éliminer complètement. Il existe des menaces plus grandes pour le pastoralisme que l'ours : changement climatique, manque de bergers, concurrence d'autres occupations humaines de l'espace, notamment dans les parcours littoraux utilisé en hiver. Au niveau des dégâts constatés, il ne semble pas y avoir de différence entre les ours slovènes et les autochtones selon le Département Ressources forestières du Trentin. L'organisation d'urgence et la gestion de situations particulières Il existe une équipe spécifique techniquement compétente, notamment pour les opérations d'effarouchement (balles en plastique) et de capture. Cette équipe a le même numéro d'appel permanent de mars à novembre que l'équipe Dommages. Elle est composée de 2 animateurs et d'un coordinateur (équivalent temps plein) et est intervenue 78 fois en 2006 et 20 fois en 2007 et est équipée d'une chienne russe de race Laïka, connue pour ses capacités à contrer les ours. L'ourse Jurka, réintroduite en 2001, avait un comportement très spécifique (84 signalements à l'équipe d'urgence dont 36 présences dans les villages, 2 entrées dans les maisons ­ inhabitées-, etc.). Demande de capture en 2006 au Ministère de l'environnement. Réponse de prolonger l'observation et décision de l'équiper en télémétrie. La capture pour équipement a été difficile (plus de deux mois). Réalisation d'opérations d'effarouchement. Pas de changement de comportement, voire aggravation, du fait de certaines pratiques des habitants (placement de déchets organiques pour l'attirer et pouvoir la photographier). Finalement, capture en 2007 et placement définitif en enclos. A noter des demandes d'ONG et une pétition de 18 000 signatures pour demander son relâcher. Le rapport avec les autres régions et pays voisins Une coordination inter-pays et interrégionale a été organisée depuis 2006 (cas de l'ours Bruno en Allemagne), notamment pour informer ceux-ci des possibles passages d'ours du Trentin (un descendant de Jurka a fait 115 Km vers le nord). 12 h ­ 13 h Visite d'un « parc à ours » Ce parc a été installé à Casteler (10 Km de Trente) pour accueillir Jurka, l'ourse à problème capturée en 2007. D'une superficie de 7500 m2, entouré d'un grillage de trois mètres de haut sur socle en béton, avec clôture électrifiée, il est destiné à abriter cet animal, stérilisée lors de sa capture, pour toute sa vie, sans prévoir de visite du public. Il est susceptible d'accueillir d'autres ours à problèmes et est équipé de cages pour permettre des soins. Son coût est de 400 000 . Les techniciens italiens ont indiqué à la mission qu'il s'agissait d'une position politique du Gouvernement central, leur position technique étant plutôt d'euthanasier Jurka dés lors qu'il était impossible d'envisager de la relâcher un jour. 19 15 h ­ 16 h Visite d'une aire faunistique Cette aire, située à Spormaggiore (30 Km de Trente), a été créée en 1994 par la Province, pour offrir un cadre naturel à trois ourses auparavant en captivité. Il contient aujourd'hui l'ensemble de la faune mammifère locale, avec notamment deux ourses dans un enclos de 7000 m2, hibernant en tanière lors de la visite de la mission. Après l'intrusion d'un ours sauvage qui a sauté les grillages, pourtant très conséquents, elles ont été stérilisées, à cause des problèmes de consanguinité et d'inaptitude à la vie sauvage des ours en captivité. Il semble que l'attrait d'une ourse en chaleur rende difficile toute protection physique, mais que le problème n'est pas de même nature pour des troupeaux ovins, le dispositif le plus efficace dans ce cas étant le fil électrique sous réserve d'un voltage suffisant. Les ourses sont nourries de croquettes et de fruits, avec viande et poisson deux fois par semaine. Cette aire faunistique attire 10 000 visiteurs par an, à 2,5 le billet. 16 h ­ 18 h Présentation du parc naturel d'Adamello-Brenta et visite de la maison du parc à SPORMAGGIORRE Antonello ZULBERTI, Président du parc, Filippo ZIBORDI, Chargé de la faune Ce parc, d'une superficie de 618 Km2, a été créé en 1967 dans un objectif essentiel de protection de l'environnement. Il est constitué des parties non urbanisées d'un certain nombre de villages (34), mais ne contient aucun de ces villages. Son budget est de 5 millions d'euros, dont 4 de la Province et 1 d'autofinancement. Il emploie 32 permanents et 60 saisonniers. Le Parc a obtenu la certification ISO 14 000 et EMAS, qui servent de base à un projet de labellisation des structures d'accueil (33 hôtels et 3 campings sont certifiés). En 1700, l'ours était répandu partout dans l'arc alpin. Avec les activités humaines de plus en plus nombreuses et les éliminations directes, encouragées par des primes à la destruction, il ne subsistait, après la 2e guerre mondiale, des ours que dans le massif Adamello-Brenta. C'est pour cette raison que le parc a pris l'ours comme symbole et logo du parc. Le parc a porté le projet Life ours en deux phases (1996, puis 2001) : étude de faisabilité, guide opérationnel, réalisation du projet. L'étude de faisabilité a surtout été conduite par rapport à la capacité du milieu ambiant d'accueillir une population d'ours. Elle a porté sur 7000 Km2 pour conduire à une zone préférentielle de 1745 km2 avec un potentiel de 40 à 60 ours. Elle a été conduite avec les deux comités cités plus haut. Le guide opérationnel s'est attaché à définir clairement le rôle de chaque acteur et les méthodes à employer. Le tout s'est conclu par le lâcher de dix individus (7 femelles et 3 mâles). Actuellement, le projet est considéré comme un succès biologique, mais aussi en termes d'acceptation de la population et d'utilisation de l'image de l'ours comme vecteur touristique. Il s'est aussi traduit par une clarification de la connaissance de l'ours par la population (ni « fauve sanguinaire », ni « Teddy bear »). Les résultats détaillés du sondage de 2003 démontrent une amélioration de la connaissance de la biologie de l'animal. Les résultats de sondage auprès de la population touristique font aussi apparaître une approche positive par rapport à la réintroduction d'ours (81% favorable à l'idée de relâcher, 72% ayant un intérêt pour visiter une aire où existe l'ours et 70% plutôt favorable à l'idée d'un surcoût sur les produits s'ils participent à la survie de la population d'ours). Pour le parc, il s'agit surtout d'utiliser le thème de l'ours pour la protection d'ensemble de la nature, car le futur de l'ours dans les Alpes italiennes passe par une « culture de l'ours ». 20 L'information a commencé dans les écoles : de 2000 à 2004, toutes les écoles du territoire ont été visitées. Pour les adultes, ont été organisées soirées et conférences, le plus grand nombre en été : 110 conférences, et 2620 participants. La presse a publié 75 articles parlant de l'ours et du projet, 127 émissions radio et télé pour 4h 30 cumulés. Deux expositions ont circulé dans les différentes mairies du territoire et, à la maison du parc, 3 étages sont consacrés à l`ours : ce musée reçoit 3000 visiteurs par an, ouvert au public en saison touristique de début juin à mi-septembre, et quelques semaines en hiver. Beaucoup de travail d'information a été fait. Le premier Life (500 K sur 4 ans) comportait 10% de communication. Cette implication a été portée à 25 % pendant le second projet Life d'un volume de 1 million d' en 4 ans. Mais cette communication initiale a été faite par des techniciens, biologistes, et pas par des communicateurs professionnels. Trop de communication peut exposer à la saturation, si l'on parle trop du projet : ainsi, 238 articles en 2002, contre 10 en 2001, mais diminution dès 2003. La saturation amène des aspects plus ambigus, comme l'utilisation du thème pour des raisons d'abord économiques et politiques. La région est très touristique : 900 000 visiteurs en été, pour 6 700 000 nuitées. Mais la grande majorité de la fréquentation est hivernale : le ski ne bénéficie qu'à trois communes du parc, alors que le tourisme estival vise à avoir des répercussions sur l'ensemble. Le domaine skiable de la station de Madonna di Campiglio est en quasi totalité dans le Parc. Celui-ci émet un avis sur les nouveaux équipements, l'économie locale étant d'abord basée sur le ski. Un accord est intervenu entre le parc et les gestionnaires de remontées : le secteur skiable est identifié. A l'intérieur, y sont possibles de nouvelles remontées, mais une étude d'impact y est requise. Il n'y a pas d'extension possible, même si c'est la Région qui a la compétence pour fixer les limites du parc. D'autres sites étaient potentiellement équipables en ski alpin, mais il a été considéré que l'équipement existant était suffisant. Les remontées mécaniques appartiennent à des sociétés privées. Les retombées aux collectivités ne se font que par la fiscalité et ne sont pas mutualisées. Le Parc en gelant du territoire skiable a empêché d'autres communes d'accéder au ski alpin. La Région ne finance plus les investissements de ski alpin au dessous d'une certaine altitude, en raison des risques liés au changement climatique. Elle finance des liaisons, mais pas de nouvelles stations. Il existe 3 à 400 Km de sentiers de randonnée balisés en haute altitude, entretenus par le Club alpin italien. La circulation à pied et à cheval est autorisée partout, mais il existe des restrictions. Un circuit VTT de 170 Km autour de Brenta est en cours de réalisation. Les motos sont interdites, là où les autres modes de circulation sont autorisés. Certaines routes sont fermées en hiver. Beaucoup de routes ne sont ouvertes qu'aux usages professionnels, pastoraux et forestiers. Les interdictions sont signalisées, les pénalités en cas d'infraction sont significatives. Sur la politique pastorale du Parc, les moutons et les vaches montent en estive, le pâturage est réglementé par des textes de la Province. Le Parc est très favorable au pâturage, sauf dans les réserves intégrales. Le pastoralisme est jugé important pour le paysage et la biodiversité. Des travaux d'amélioration pastorale sont en cours avec les communes. Il y a peu de demande pour les alpages, mais un éleveur nouveau pourrait trouver un alpage. L'élevage dans les villages du Parc est surtout bovin, les vaches laitières sont en étable ; des jeunes animaux et du bétail à viande montent en estive. Il y a dans le parc 40 bergeries « marghe », utilisées de façon variable suivant les années. 21 Les réserves naturelles sont constituées de réserves intégrales (20% de l'espace en haute montagne) ; de réserves spéciales, thématiques pour un thème particulier flore ou faune. Les mesures à y prendre nécessitent l'accord du propriétaire. Une réserve avait été créée pour les derniers ours autochtones, mais les animaux réintroduits se déplacent beaucoup. Cette réserve a toutefois contribué à protéger l'environnement. L'un des objectifs des réserves était la sauvegarde des activités traditionnelles, dont la chasse. Une étape essentielle du LIFE Ursus a été l'accord avec l'association de chasseurs. La chasse dans la réserve se limite à une régulation des ongulés. La chasse est individuelle, accompagnée par un garde ou un chasseur expérimenté, mode de chasse d'inspiration austrohongroise. La sylviculture naturaliste qui est pratiquée exclut les coupes rases, les replantations, sauf danger et besoin de protection contre l'érosion. Ce type de sylviculture est cohérent avec la protection du milieu. La gestion forestière est assurée par le service forêt-faune du Trentin. Mercredi 12 décembre 2007 8 h 30 ­ 10 h Rencontre avec les maires de communes peu touristiques à VEZZANO Eddo TASIN, maire de Vezzano ; Agostino DEPAOLI, maire de Terlago ; Giuseppe SCROSATI, maire de San Lorenzo in Banale ; Ezio SEBASTIANI, maire de Stenico L'ensemble des maires ont fait valoir l'organisation de réunions d'information de la population pour, d'une part, expliquer le principe et les fondements de la réintroduction, d'autre part, apporter des informations sur le comportement à adopter face à l'ours en cas de rencontres. Les habitants ont d'abord été effrayés par la présence de l'ours, les pratiques de Jurka ayant beaucoup participé à cette peur. Toutefois, au fur et à mesure du constat que les rencontres ne posaient pas de difficultés, l'ours fuyant l'homme, cette peur s'est atténuée et l'acceptation est maintenant bonne. Les maires ont indiqué qu'ils n'ont pas été en situation d'accepter ou de refuser l'ours. Pour le maire de Vezzano, il n'y avait pas la possibilité de choisir : l'ours n'a pas été relâché ici, mais il fréquente la commune. Un arrêté municipal qualifiant l'ours de dangereux sur la commune n'aurait pas de sens, l'ours n'ayant pas été relâché sur le territoire communal. Il n'y a pas possibilité pour une commune de refuser juridiquement l'ours. Même si certains maires ont dans un premier temps eu peur, la collaboration avec la Province a permis de trouver un équilibre entre l'animal en liberté et la sécurité. Les retombées économiques et touristiques de l'ours doivent être considérées, d'autant que la population dans les villages (1000 à 2000 habitants) et les écoles (60 à 120 écoliers) est plutôt en augmentation dans le secteur. La Province pourrait créer des parcs pour l'ours, peut-être par un système d'enclos, donnant une solution pour l'ours et pour la population. Pour le maire de San Lorenzo in Banale, il estime que les touristes sont contents de savoir qu'il y a des ours. Concernant l'application de l'article 22 de la Directive Habitats sur la réintroduction d'espèces de l'annexe IV, le maire de Vezzano a indiqué que les ours réintroduits se déplacent largement, à 200 à 300 Km du point de lâcher, et qu'au-delà des opinions personnelles, il semble qu'après les réunions d'information, la population évolue lentement vers l'acceptation, d'autant qu'aucun accident humain n'est jamais arrivé. 22 Pour le maire de Vezzano, la différence est grande entre avoir 1 ou 2 ours, et en avoir une dizaine. Dans les 3 ou 4 dernières années, la présence des ours attirés par les pommiers s'est faite plus intense. La population se sent un peu prisonnière par la présence de ces ours. Certains en sont contents, d'autres mécontents ou fâchés. Le maire de Stenico est aussi confronté à cette réalité, surtout quand les ours sont attirés par les pommes mûres. Il a bénéficié du soutien du service forêt faune de la Province, qui a organisé des soirées d'information pour expliquer le comportement des ours. Le maire de Terlago a indiqué que l'ours était un animal splendide, mais que son rôle est de se préoccuper de la sécurité de sa population. Il a fait état d'une appréhension persistante, car, pendant certains mois, l'ours est très proche ; des tanières sont à proximité du village, et les ours sont attirés à l'automne par raisins et pommes. Dans les écoles, il est enseigné qu'il faut rester sur les routes fréquentées, et ne pas aller seul sur les sentiers le soir. Il a également cité le problème de Jurka. Il a en son temps été poursuivi par le WWF pour avoir préconisé l'élimination de Jurka lors d'un entretien informel avec un journaliste, que celui-ci s'est empressé d'écrire ! Il a toutefois noté les efforts faits par les services de la Province pour assurer l'information de la population. Il a aussi précisé qu'il convenait de collaborer activement avec la Province pour dépasser cette appréhension et créer une mentalité de cohabitation. Etant responsable du tourisme pour la Province, il reconnaît le rôle de l'ours pour l'image du Trentin. Il note d'ailleurs que, si les Pyrénéens se déplacent en Italie ou en Espagne, ici la Province du Trentin ne propose pas aux élus d'aller à l'étranger ! Concernant la sécurité des personnes, les maires ne se sentent pas juridiquement responsables, mais ils sont attentifs au danger que peut représenter l'ours. Dans la loi italienne, il y a deux types de responsabilité, objective et subjective : en application de cette dernière, les maires estiment qu'il est de leur responsabilité d'apprécier le moment auquel il faut contacter l'organisme dédié, compte tenu d'un danger potentiel. Pour Claudio Groff, la responsabilité civile des maires est à exclure à 100%, parce que le projet est à l'initiative de la Province. Cependant, pour des questions de sécurité du territoire, un maire devrait pouvoir décider de l'abattage d'un ours dangereux. Si l'ours est équipé d'un collier, on peut le contrôler, et la responsabilité de la Province est alors engagée. Pour le maire de Terlago, il y a une responsabilité morale, et une autre liée à la compétence juridique du maire par rapport à la sécurité publique. Cerf et chevreuil étaient là, l'ours a été réintroduit, et on sait qu'il peut éventuellement causer des dommages aux personnes. La province qui gère le projet a une responsabilité. Concernant les différents types d'impact liés à la présence de l'ours, le maire de Stenico voit surtout l'image du Trentin être associé à la présence d'ours, avec des retombées touristiques nationales et des pays limitrophes. Par exemple, une observation d'ourse avec ses oursons a conduit à une invasion de touristes, régulée ensuite par les gardes par contrôle des accès. L'image de l'ours est utilisée à travers le logo du parc, où se situent 2 des 4 communes. L'ordre de grandeur du nombre des personnes se monte à quelques centaines. Parmi les visiteurs individuels, personne ne nie l'importance de la présence de l'ours. Pour le maire de Vezzano, il n'y voit aucun avantage direct, mais il est important de sauver un animal localement en voie d'extinction. 23 Pour le maire de Terlago, même si le projet est en théorie intéressant, sa mise en pratique est complexe. Pour lui, l'avenir de la jeunesse est un sujet plus important que la présence de l'ours vu de l'étranger. Claudio Groff précise que si Terlago réagit ainsi, c'est parce qu'il y avait 10 ours attirés par les pommes dans le village. Si l'on avait pensé que cette concentration d'ours pouvait se produire, le projet n'aurait peut-être pas été lancé. Cependant, il faut constater qu'il ne se passe rien lors des rencontres avec les ours et que les gens s'habituent petit à petit. Concernant les dégâts au pastoralisme, un ours a prédaté en 2005 une vingtaine de brebis à la Paganella. Les éleveurs ont protesté dans la presse, puis se sont résignés à mettre en uvre des mesures de protection. Les éleveurs de la zone (1 à Stenico, 1 à San Lorenzo in Banale) se maintiennent, celui de San Lorenzo a demandé récemment d'augmenter sa superficie d'estive. Un éleveur de moutons de San Lorenzo a plus de problèmes avec les renards qu'avec l'ours. 11 h 30 - 13 h Rencontre avec les maires de communes touristiques à SPORMAGGIORE Arduino ZENI, maire de Spormaggiore ; Donata SARTORI, adjointe au maire de Molveno ; Enrico VIOLA, maire de Cavedago ; Pietro LEONARDI, maire de Tuenno ; Paolo CATANZARO, maire de Andalo ; Dans le Trentin, avant le projet Life, l'ours était en extinction, mais il a toujours existé. L'aspect patrimonial va au delà du naturel, il est aussi culturel. L'animal a le droit de vivre, l'homme a été responsables de sa disparition, pourquoi ne pas réapprendre à cohabiter ? Si l'ours était chassé il y a 100 ans, avec des primes pour sa destruction, c'est parce qu'il y avait d'autres enjeux : les gens mouraient de faim ; un dégât sur un petit troupeau de subsistance était insupportable pour une famille, personne ne payant les dommages. Il y a un siècle, 100 personnes vivaient de la montagne, là où 2 ou 3 en vivent aujourd'hui. Les maires ont présenté à la mission la situation d'une manière quasi identique à celle indiquée par les maires des communes moins touristiques en insistant sur l'impact en termes d'image, notamment sur le tourisme estival. L'organisation des réunions d'information, la mise en place des mesures d'indemnisation des dégâts et de leur prévention a permis, selon eux, une bonne acceptation sociale de l'ours. La première phase de peur a été dépassée et il y a même des pétitions pour remettre Jurka en liberté ! Chaque maire a indiqué l'impact de la présence de l'ours, tel qu'il l'appréciait sur sa commune. Le maire de Spormaggiore, la commune (1250 habitants) qui panache tourisme, élevage et arboriculture fruitière et qui a l'aire faunistique et le musée, a un rapport privilégié avec le projet de réintroduction d'ours, accueilli ici avec grand optimisme. Le point le plus positif est la restauration d'une espèce en voie de disparition ! Les dommages causés par l'ourse Jurka sont les plus importants, rapportés à ceux des 20 ours présents. Les alpages de la commune bénéficient de tous les moyens de prévention de la Province autonome, notamment clôtures électrifiées. Il n'y a pas eu de problème, l'ours ayant toujours été là, seulement plus nombreux maintenant. L'adjoint au maire a souvent rencontré l'ours. Il est persuadé qu'il ne présente aucun danger pour l'homme, bien qu'au printemps les ours mâles en recherche de femelles puissent avoir des attitudes agressives. Les visiteurs de l'aire faunistique posent des questions sur les ours captifs, mais surtout sur l'ours libre. 24 Le maire de Tuenno (2350 habitants) a indiqué que plusieurs réunions s'étaient tenues avec la population, pour préparer la réintroduction et évoquer les impacts écologiques du projet, et aussi ses aspects plus difficiles (comportement à adopter en présence d'ours). La population a bien accueilli le projet et les agriculteurs les plus concernés (val de Tovel) ont toujours protégé les troupeaux. Tuenno est la commune la plus étendue du parc. Des personnes habituées à aller au lac de Tovel hésitent maintenant. L'installation de ruches dans les vergers pour favoriser la pollinisation suscite la venue d'ours. L'apparition de l'ourse Jurka dans le village a causé un peu d'inquiétude dans la population, le Service Forêt faune a présenté en réunion publique les comportements à adopter, les gens se sont rassurés et ne souhaitaient pas mettre l'ourse Jurka en captivité. Le maire a aussi élaboré à l'intention des habitants de la vallée de Tovel une circulaire recommandant d'éviter de laisser les déchets organiques plus de 1h hors des habitations. Pour le maire de Cavedaggio, commune de 600 habitants à 4 km de Spormaggiore, la région peut s'enorgueillir de la présence de l'ours. La population était habituée à vivre avec l'ours autochtone, qui était réputé plus dangereux que l'actuel, mais ne se manifestait qu'une fois par an, pour dévaster des ruches. Après la réapparition des ours, grâce à la bonne information du service provincial forêt-faune, la population résidente s'est habituée, et, pour les touristes, il y a un aspect positif lié à l'aire faunistique et au musée : 30 000 visiteurs par saison. Pour le maire de Molveno, les retombées de LIFE-Ursus sur la commune essentiellement touristique (présence de lacs) de 1070 habitants (9000/jour en été), sont un développement international, commun à toute la région et aux communes qui en dépendent. La commune qui ne vit pas comme Tuenno d'agriculture et d'élevage, voit donc dans l'ours un élément positif. Les résultats de sondage initial étaient très favorables. Le projet est accueilli comme un plus par les opérateurs touristiques dans un territoire au tourisme déjà développé. Les rencontres rapprochées avec l'ours ont fait évoluer l'opinion, un petit climat d'appréhension a conduit les opérateurs touristiques à se poser des questions. Le seul réel problème identifié est par rapport aux personnes âgées qui randonnent en montagne. Le maire de Andalo, commune à tourisme estival et hivernal, a indiqué que l'image de l'ours figurait dans les armoiries de la commune. Elle comporte 70 hôtels et 600 appartements de vacances, la population passe de 1000 habitants à 14 000/jour en hiver. La présence de l'ours donne une notoriété plus importante que des spots télévisés : cas de l'ours Bruno qui a fait faire une pleine page aux journaux nationaux pour montrer qu'Andalo traitait mieux les ours que la Bavière. Le danger de l'ours est ressenti seulement par les habitants. Le touriste est plutôt irresponsable et manifeste une grande curiosité : il est donc nécessaire de développer de l'information également à leur intention. Concernant l'objectif long terme de 40 ou 60 ours, soit un triplement par rapport au nombre d'ours actuel, les élus pensent qu'il faut être mesuré et en limiter le nombre, ce à quoi Claudio Groff a précisé que ce chiffre était un objectif vital, génétique ou biologique. Cinq communes possédant déjà une densité maximale d'ours, cela veut dire que l'aire de répartition devra s'élargir. Il n'y a d'ailleurs pas de nouvelles introductions envisagées, vu la réussite biologique du programme. 25 Concernant l'agressivité de l'ours autochtone par rapport à l'ours slovène, il a été indiqué que l'ours autochtone était invisible. En effet, chassé, il avait peur de l'homme. Son comportement a été évoqué en table ronde, lors de la mise en place du projet. Les derniers ours autochtones, pendant les 30 dernières années, étaient de plus en plus timides. Concernant l'arboriculture fruitière, la situation est contrôlée à Tuenno : il est épandu moitié moins de produits phytosanitaires qu' ailleurs, depuis 25 ans. La vallée de Non fait réaliser des examens physiologiques sur les habitants, tous les 10 ans. Cependant, une tension existe entre les vergers de pommiers qui couvrent les vallées et les autres activités. 8 h 30 ­ 13 h Visite d'une estive et rencontre avec des bergers Pendant les rencontres avec les maires, trois personnes du groupe sont allés visiter une estive : Malga Tuena (1740 m), située dans le Val di Tovel, au-dessus du lac du même nom. Un compte rendu oral en a été fait au retour dans le car. Il s'agissait d'une estive pour un troupeau de 150 vaches laitières équipé d'un double bâtiment (stabulation avec fromagerie et habitation de 200 m2) correspondant à ce que l'on trouve dans les Alpes françaises. Cet outil de travail de grande qualité est comparable à ce qui peut exister dans le Béarn en ovin laitier (pour la fromagerie). L'ours est présent, mais n'a jamais attaqué les vaches. Il a été signalé un contact il y a quelques années avec un troupeau de 250 chèvres sur la même estive, l'ours ayant été mis en fuite par des chevaux présents sur l'estive. En allant vers Vezzano et profitant de la présence au bord de la route d'un troupeau de brebis, une autre partie du groupe est allé interroger spontanément le berger présent, de retour d'estive, en train de trier ses bêtes. Celui-ci s'est déclaré farouchement opposé à la présence de l'ours, compte tenu des dommages qu'il a eu à subir. Il a déclaré avoir été indemnisé, mais sans que cela compense le préjudice et le dérangement occasionnés. 26 15 h ­ 18 h Rencontre avec des acteurs socioprofessionnels Osvaldo DONGILLI, vice-président de l'association des chasseurs du Trentin, accompagné de Alessandro BRUGNOLI, Mauro ALBERTI, Stelio ROIATI ; Marco FACHINELLI, président de l'association des apiculteurs du Trentin ; Lorenzo FRONA, éleveur et berger. Les chasseurs L'association des chasseurs compte 7000 membres. En Trentin, l'ensemble des ongulés sont chassés, sauf le sanglier qui n'est quasiment pas présent sur le territoire. Il n'est pas utilisé de chiens pour la chasse aux ongulés, le choix étant de faire une chasse de sélection, à l'affût ou à l'approche. Ce mode de chasse est favorable non seulement à la tranquillité des ours, mais aussi au milieu ambiant en général. Lors de la chasse silencieuse aux ongulés, des ours sont observés de temps en temps. La chasse au lièvre, au chien courant, en milieu agricole, ne pose pas de problème de dérangement. Pour la réintroduction, les chasseurs ont participé dés le début au comité de l'étude de faisabilité, en tant que gestionnaire de la faune sauvage, pour deux raisons principales : sensibiliser les chasseurs à la sauvegarde de l'ours ; faire considérer la chasse comme participant à la gestion technique du territoire. Dans les années à venir, la chasse ne sera possible que si les chasseurs respectent et entretiennent l'environnement., ne prélèvent que le surplus de ce que la nature produit, et fondamentalement maintiennent la biodiversité. Les chasseurs sont ainsi favorables à la présence de l'ours, et dans le futur du loup et du lynx. Certains chasseurs doivent toutefois être convaincus de ces arguments. Un chasseur de la délégation a fait valoir que le projet de réintroduction dans le parc soulevait des difficultés compte tenu de la modification de l'habitat montagnard et du comportement de certains ours. Il se réfère notamment au cas de Jurka pour indiquer que cette réintroduction est selon lui vouée à l'échec. Il n'y a pas de véritables contraintes pour les chasseurs liées à la présence ursine : aucune période d'interdiction n'est définie, ou de lieu interdit. Même s'il n'y a plus d'ours munis d'émetteurs et si la période de chasse correspond à la période à laquelle on peut voir des ourses suitées, ce sont plutôt maintenant les chasseurs qui signalent leurs observations aux autorités. Même si les relations avec les différents partenaires ne sont plus comme au départ formalisées, elles restent constantes avec les différentes catégories socioprofessionnelles. L'association des chasseurs a pris une position stratégique dans ce dispositif en étant persuadé de la justesse pour l'image du Trentin et pour la gestion de la faune du projet Life ours et en indiquant que l'augmentation de la population est prévue par extension de la zone, et non de la densité. Des avis différents peuvent exister au sein des chasseurs, et le cas de Jurka ne doit pas occulter la réalité. D'une façon plus générale, les chasseurs reflètent les peurs de la société ; la peur de l'ours est ancestrale. Le problème est de convaincre de sa présence l'ensemble de la population. Il est difficile de convaincre une personne qui n'a rien à voir avec la chasse. 27 Pour le président de la réserve de chasse de Tuenno, il n'est pas tout à fait juste d'avoir réimplanté des ours, mais pourquoi l'espèce disparaissait-elle ? en raison des changements dans l'agriculture, et de l'urbanisation. Mais l'ours n'est pas tranquille dans le Parc où il y a trop de gens, pas assez de nourriture et de tranquillité : dans l'ancien temps, on ne voyait jamais les ours autochtones ; maintenant, on voit trop souvent les ours réintroduits. Du début du XXe siècle aux années1960, la montagne était « vécue », objet de récoltes et d'exploitations. Maintenant, c'est comme une place de Trente : la montagne est « consommée » ! Les apiculteurs L'association des apiculteurs compte 1400 adhérents dont 60 professionnels. Compte tenu du fait que l'activité agricole de la province est essentiellement fondée sur les vergers de pommiers et la vigne, l'apiculture est une activité importante (4500 kilos de miel produits en 2007), notamment via la pollinisation. Le service de pollinisation des vergers est nécessaire et développé, notamment en Val di Non où il y a des ours. Concernant les dégâts, l'ours, lorsqu'il recherche le couvain, s'en prend à une ou deux ruches sur une dizaine et les dégâts sont indemnisés. Par ailleurs, ont été mis en place des mesures de prévention fondées sur un fil électrique qui est dissuasif. Le travail supplémentaire pour l'apiculteur, lié à la mise en uvre du fil qui est financé par la Province, est réduit. La présence de l'ours traduit un environnement sain. Les apiculteurs produisant du miel dans la zone du parc vont utiliser le logo du parc pour valoriser leurs produits. Les traitements insecticides sur les pommiers, avec trois produits autorisés, induisent des dommages plus graves que ceux de l'ours, bien que la plupart des arboriculteurs respectent les normes de traitement. Les éleveurs et les bergers Le pastoralisme ovin dans la province du Trentin est une activité économique peu importante, la majeure partie de l'agriculture étant consacrée à la culture de la pomme qui occupe quasiment l'ensemble des terres en fond de vallée. Il y a 30 000 ovins et caprins dans le Trentin, 3 000 dans la zone à ours pour trois éleveurs locaux plus quelques transhumants. Les ovins sont de race bergamasque, qui se rassemble bien. Le nombre d'éleveurs est faible et les responsables politiques s'investissent peu dans le dossier pastoral. Il n'y a pas d'associations pastorales. Le service compétent est le service de l'élevage de la Province. Les rares éleveurs ovins sont des éleveurs itinérants. L'éleveur présent lors de la réunion était justement un éleveur/berger itinérant, sans terre, possédant un troupeau de près de 1000 têtes. Il vient sur le parc depuis 11 ans, dont 7 avec l'ours, et continue à venir sans avoir de projets alternatifs pour le moment. L'estive dure 100 jours. Il loge dans un préfabriqué fourni par la Province et travaille sur des terrains communaux qu'il loue. La Province a commencé à étudier l'éventualité d'une cabane permanente. 28 Il a eu des dégâts en 2007 : 30 brebis sur 1000, mais toutes n'ont pas été reconnues comme étant dues à l'ours. Il a vu 8 ours différents successivement autour de son alpage en 20062007, mais sans jamais avoir été inquiété physiquement. Les ours ne lui sont pas très sympathiques, c'était mieux quand il n'y en avait pas, mais il s'arrange maintenant pour cohabiter. Par ailleurs, les aigles causent aussi des pertes. L'indemnisation fonctionnait mieux quand le forestier venait contrôler directement que l' « autocertification » actuelle, qui demande de reproduire sur le document exactement ce que l'on a déclaré téléphoniquement, sinon il y a risque de litige. Jusqu'à l'arrivée de l'ours, les brebis étaient libres, maintenant elles passent la nuit à l'intérieur d'une clôture double, et le berger reste avec le troupeau. Il a indiqué que la présence de l'ours lui occasionnait plus de travail. Il a changé la conduite du troupeau en pratiquant le rassemblement nocturne de ces animaux via un double fil électrique. Cette protection est efficace, l'ours ne rentrant pas, mais peut ne pas empêcher l'effraiement des brebis et leur éventuelle sortie du parc. Les dégâts sont toutefois moindres depuis cette installation. Mais il y a peu de lieux favorables aux enclos, seulement 3 ou 4 emplacements. Il a été précisé que des expériences étaient en cours, en collaboration entre la Province et le berger, pour améliorer le dispositif de protection via une augmentation du voltage et que cela semblait efficace. Par ailleurs, un essai de chiens de protection suisses a été conduit pendant cinq jours, puis arrêté, parce que l'ours ne s'était pas montré pendant cette période et il est revenu le sixième jour. Ce dispositif doit être reconduit avec des chiens des Abruzzes. L'éleveur a indiqué ne par avoir de problèmes sanitaires depuis la mise en uvre du rassemblement, mais avoir l'impression (en précisant que ce n'est pas prouvé) qu'il y avait une différence pour la reproduction. Il n'y a pas d'aide de l'Etat ou de la Province pour des aides bergers. Sur cette question, Claudio Groff a précisé qu'il a été proposé aux éleveurs de la vallée de Lero qui laissent leurs moutons en alpage sans surveillance, de se regrouper, l'administration payant un berger. Ces éleveurs n'ont pas donné suite. Alors que les communes du secteur sont favorables à l'ours et que les terrains sont communaux, on aurait pu penser à un meilleur aménagement et à la construction d'un bâtiment. Mais il existe une concurrence entre chasseur et éleveurs. Les chasseurs n'ont pas envie de voir s'installer de façon pérenne les éleveurs de moutons sur les estives : d'une part, pour la concurrence moutons-chamois -les chasseurs veulent trouver le gibier près de la voiture, alors que le mouton l' éloigne-, d'autre part, par la difficulté complémentaire d'accès aux terrains de chasse que créent des estives équipées. Les produits de l'élevage sont des agneaux de 7 mois à 1 an, les naissances sont échelonnées sur l'année. Le marché est réduit dans le nord de l'Italie, mais en croissance avec les communautés musulmanes. Le prix vif est de 2,10 à 2,20 (contre le double en France), et davantage en période de fête. Il n'y pas comme en France au moins 50% de primes dans le revenu d'un éleveur d'ovins en France, mais chaque berger reçoit en fonction des animaux qui lui appartiennent en propre, ainsi qu'une prime liée à l'alpage de 70 par hectare. 29 ANNEXE 4 : DEPLACEMENT EN SLOVENIE Qualification de la zone de présence et renforcement du suivi de la population d'ours dans les Pyrénées françaises Mission de l'Inspection générale de l'Environnement Compte-rendu du voyage d'étude d'une délégation française en Slovénie du 12 au 15 février 2008 Liste des participants Monsieur Etienne-Jean BARBELANNE, président de la Fédération départementale des chasseurs de l'Ariège Monsieur Didier BUFFIERE, directeur du Centre de ressources pastoralisme gestion de l'espace (CRPGE) des Hautes-Pyrénées Monsieur Thierry GALIBERT, adjoint au directeur régional de l'environnement de MidiPyrénées Monsieur François GOUSSE, directeur départemental de l'agriculture et de la forêt des Pyrénées-Atlantiques Monsieur Denis LAURENS, inspecteur général de l'environnement Monsieur Robert LAURENS, éleveur, président du groupement pastoral d'Artigues - HauteGaronne Monsieur Robert MARQUIE, maire de Sarrancolin, conseiller général des Hautes-Pyrénées Monsieur Pierrick TOUCHET, Equipe Technique Ours ­ Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage Monsieur René RETTIG, maire de Luchon - Haute-Garonne Monsieur Alain REYNES, directeur de l'association Pays de l'Ours - ADET Monsieur Georges RIBIERE, inspecteur général de l'environnement Madame Sylvie SALAUN, présidente de l'association pour la cohabitation pastorale (ACP) Monsieur Michel TALLIEU, secrétaire de la Fédération Pastorale de l'Ariège Monsieur Ramuntcho TELLECHEA, Fonds d'Intervention Eco Pastoral (FIEP) 30 La Slovénie s'étend sur plus de 20 000 Km2 (quatre départements français) et compte 2 millions d'habitants avec une densité de population comparable à la France. Elle est située entre l'Italie à l'est, l'Autriche au nord, la Hongrie au nord est, la Croatie au sud. Le climat est méditerranéen le long de la côte et continental sur les plateaux et dans les vallées à l'est. La Slovénie est une république indépendante depuis juin 1991, membre de l'UE depuis mai 2004, de la zone euro depuis le 1er janvier 2007. Le PIB par habitant est de 82% de la moyenne des pays de l'UE25. L'agriculture concourt pour 2,5% au PIB, l'industrie pour 35%, les services pour 62,5%. Le territoire comporte 1 227 000ha de forêts, soit 57% de la surface du pays. Les forêts occupent surtout le tiers du pays situé au dessus de 600 m d'altitude, sur un substrat géologique majoritairement calcaire karstique. Les terres arables représentent 12% de la surface, et les pâturages permanents 24%. La région visitée se situe au sud du pays, dans la région de Kocevje, et notamment la réserve de Jelen, qui abrite plusieurs centaines d'ours. Mardi 12 février 2008 18 h 30 Accueil à l'Ambassade de France LJUBLJANA Chantal de BOURMONT, Ambassadrice de France en Slovénie Dominique LAPIERRE, chef de la mission économique, Louis-Charles ARRIVE, adjoint et Marine REBOUL, assistante Tea GLAZAR, Directrice du Service des relations internationales et des affaires européennes Janez KASTELIC, Directeur Général Nature et Paysages et Peter SKOBERNE, Assistant Katja PISKUR, conseiller affaires européennes, Alojz MARN, Responsable biodiversité au ministère de l'Environnement et de l'Aménagement du Territoire, Beti LIKAR, Ministère slovène des affaires étrangères Jo t JAKSA, Directeur de l'institut forestier slovène et Marko JONOZOVIC, département de la faune sauvage et de la chasse Darij KRAJCIK, Directeur de l'Institut slovène pour la conservation de la nature Mercredi 13 février 2008 Josep MUJIC, responsable de la chasse du territoire de Medved Sur la route de Ljubljana à Kocevje, une présentation de la région traversée est faite à la délégation : il s'agit d'une région karstique vallonnée, avec une densité forestière de 90%. La population vit dans des hameaux et de grands espaces sont inhabités. De grandes forêts domaniales constituent des « réserves » où l'organisation des chasseurs est gérée par l'Etat. Historiquement, il s'agit de grandes propriétés terriennes où les forêts ont fait l'objet de reboisement d'épicéas . Parmi les animaux présents, on trouve l'ours, le loup, le lynx. Le loup et l'ours n'ont jamais disparu ; le lynx a été réintroduit il y a 30 ans, avec réussite, mais il semble maintenant être menacé par la concurrence du loup qui est en augmentation. 31 On compte 5 à 6 cerfs /100ha, peu de chevreuils (1/100ha), la présence de chamois étant limitée aux zones escarpées qui sont peu étendues. Le loup se nourrit surtout de cerf, le lynx se nourrit de chevreuil et un peu de cerf : sont prélevés pour 100ha, annuellement : 0,5 sanglier, 1,5 cerf, 0 ,3 à 0,4 chevreuil. En traversant la zone à ours, il est expliqué que les ours traversent la route pour passer d'une zone de sapins à une zone à chênes. Cette route est celle où se produit le plus d'accidents ours-voitures, qui cause environ 25 mortalités d'ours par an dans l'ensemble du pays. Le tourisme dans cette zone cynégétique se limite à de la randonnée sur chemins balisés en forêt ; des panneaux explicatifs décrivent la faune sauvage dont l'ours, ainsi que les brochures des sentiers de randonnée. Par ailleurs, il est indiqué que l'élevage bovin/ovin est l'activité agricole prépondérante dans la région et que l'élevage ovin est en pleine expansion. 10 h Visite d'une ferme d'agriculture et élevage biologique GOTENICA Marko K0CJANCIC, propriétaire de la ferme Marko Kocjancic a racheté cette ferme de 165 ha en l'état il y a 10 ans . Il possède 100 vaches Holstein produisant du lait « biologique » et 60 génisses et veaux . Il dispose d'un quota de 500 000 litres de lait pour un prix de vente de 29c d'euro par litre. Les laitières sont alimentées à l'herbe. Jusqu'au 31 décembre 2007, il était possible de nourrir au maïs ensilage, mais c'est maintenant interdit par la réglementation bio. Pas d'engrais chimique, charge instantanée à l'hectare limitée, pas de fourrages industriels. L'exploitation de l'herbe annuellement comporte 2/3 de surface fauchée à la 1ère coupe, 1/3 à la seconde. Le bâtiment d'élevage d'un coût de 500 000 part européenne. a bénéficié d'aides de 150 000 , dont 75% de L'éleveur a abordé dans ses études universitaires la relation entre les animaux domestiques et sauvages et sa ferme est au c ur du territoire des grands carnivores. Ceux-ci ont ici assez de nourriture sauvage, mais il peut exister des problèmes occasionnels de prédation avec des veaux, lors de la mise bas, qui se fait à l'extérieur. Une clôture électrique double fil protège le troupeau avec 3 chiens, dont 2 de protection (berger du Karst et Abruzzes) et un berger allemand de conduite. Une partie des pâturages n'est clôturée que par des clôtures mobiles. Même avec cette discontinuité de clôture, il n'y a eu pas d'attaque grave depuis 10 ans. Vis à vis du mouton, les clôtures électriques suffisent pour évincer l'ours ; mais le loup en plein essor n'est pas arrêté par ces clôtures. En revanche, les vergers d'arbres fruitiers doivent être rigoureusement protégés contre l'ours et le cerf . Quand la ferme comportait plus de moutons et de chèvres, il y avait beaucoup de problèmes avec le renard et le grand corbeau : celui-ci, espèce protégée, attaque les veaux à la naissance, principal problème des mises-bas à l'extérieur. Les dégâts de corneille (mantelée ici) indiscernables de ceux du grand corbeau qui sont indemnisés par l'Etat, sont imputés par les agriculteurs au grand corbeau. 32 Les dégâts de gibier sont indemnisés par l'association des chasseurs, les dégâts d'espèces protégées par l'Etat. Les espèces protégées peuvent faire l'objet de destruction, mais il faut une étude argumentée prouvant que leur destruction ne nuit pas à la conservation de l'espèce. 12 h Déjeuner de travail au restaurant Jelen MOZELJ Marko JONOSOVIC et l'équipe de l'Institut forestier slovène Pour les ours à problèmes, le groupe d'intervention spécial l'élimine sur autorisation verbale, s'il estime que la vie humaine peut être en jeu. Marko Jonosovic est le coordinateur de ce groupe, dont tous les membres sont chasseurs ; ils sont nommés par le ministre de l'environnement ; il y a 3 équipes, constituées d'un chef et 2 assistants. Dans le pays, il y a 150 à 200 demandes d'intervention par an . Le ministère dispose d'une liste des cas possibles et des solutions à appliquer. 20% des demandes (30 à 40) conduisent à intervention : évaluation sur le terrain ; puis, pétards, balles plastiques ; anesthésie et transfert plus souvent que l'élimination. Chaque situation est unique et demande à être évaluée, pour un risque de trois types : agressivité et attaque directe, familiarité permanente dans un village, femelles suitées étant le groupe le plus à risque. Des exemples d'ours sans aucune peur de l'homme existent : comportements violents, attaques répétées, entrées répétitives dans les écuries. Les éleveurs ont des armes et l'habitude de s'en servir, en tant que chasseurs. Mais le changement de comportement de l'ensemble d'une population d'ours est utopique. Si toutefois cela arrivait, l'indemnisation prend en compte la valeur du bétail domestique, le barème est satisfaisant ; on pourrait encore mettre en place des équipes d'intervention supplémentaires et installer plus de protections en cas de passage accru d `animaux. L'ours était gibier, il est espèce protégée depuis 2005. Il fait souvent fonction de bouc émissaire pour les dégâts de sanglier, cerf, corbeau . 33 Sur 600 ours slovènes, 300 sont sur ce territoire de Kocevje de 250 000 hectares (2500 Km2) : il y a donc un ours pour environ 1000 hectares, et 10 fois moins de loups. Le loup est en augmentation, et corrélativement le lynx est en diminution. Le bétail domestique est de 8 000 moutons, 3 500 bovins, 250 à 350 chevaux. Il y a 16 000 habitants. La commune elle-même est peuplée de 30 000 habitants sur 800Km2. 14 h Visite d'un élevage de moutons PRERIGELJ Josip BLAZEVIC Cet élevage, l'un des plus grands de la région, est celui ayant eu le plus de dégâts dans les deux dernières années. Il s'agit d'un élevage ovin de 1 000 têtes sur le site, récemment installé dans le secteur et ne disposant pas d'équipements de protection adéquats. Les caractéristiques principales sont la proximité immédiate d'un bois, mais surtout le pacage des animaux sur des parcs de grande surface (85ha). La présence de chiens ne suffit pas, l'ours attaquant ailleurs et n'ayant pas hésité à rentrer dans la bergerie au temps du propriétaire précédent. L'éleveur indique être aidé pour la poursuite de la mise en place des mesures de protection via une subvention à l'hectare et être correctement indemnisé en cas d'attaque (il indique une indemnisation de 150 pour un prix de vente de brebis d'environ 100 ). Il affirme toutefois s'être installé sur le site en connaissance de cause de la présence de prédateurs et être prêt à s'organiser pour vivre avec. Dans ce secteur, il y a annuellement 300 à 400 dégâts enregistrés, de toute nature : 1/3 sont causés par l'ours, 1/3 causés par le loup, 1/3 par les autres espèces présentes : cerf, renard, corbeau. Les incidents liés à l`ours se répartissent entre attaques de moutons, dégâts aux arbres fruitiers, dégâts aux ruches, accidents routiers. Les dégâts de loup concernent les animaux domestiques : moutons, jeunes veaux et poulains, ainsi que des cerfs. En 2007, sur le territoire de référence de 250 000 hectares, il y a eu 950 animaux tués, principalement moutons, dont 800 par le loup et 150 par l'ours. Les dégâts causés se concentrant sur des sites restreints : cette exploitation connaît le pourcentage d'attaques d'ours le plus élevé, et des dégâts de lynx ; l'exploitation compte pour 10 à 12% des dégâts totaux de la région. Compte tenu de la présence des animaux sauvages, les protections paraissent insuffisantes. Cet éleveur a deux exploitations, celle-ci de 450 moutons et 50 chèvres, et une autre située plus bas de 450 moutons. Il connaît des problèmes depuis l'achat de cette ferme en 2005 ; 85 hectares sont clôturés, aménagés pour le mouton. La clôture est faite comme le prévoit la loi, grillage et fil électrique ; en plus des clôtures, il y a des chiens de protection et un âne, dont l'agitation lors des attaques a éloigné les prédateurs pendant 2 mois, avant accoutumance. Les animaux sont parqués la nuit dans une clôture supplémentaire, mais les prédateurs creusent en dessous . Le plus gros problème est représenté par les ourses suitées : les oursons passent sous la clôture et les mères suivent. 34 Les chiens de protection sont efficaces, mais un prédateur déterminé passe outre. Sur la ferme située en aval, les chiens de Abruzzes sont suffisants ; sur cette ferme-ci, un plus grand nombre de chiens poserait des problèmes de gestion ; les moutons sont dans de grands parcs avec les chiens de protection, sans autre gardiennage. Le vrai problème est le loup, l'ancien propriétaire avait laissé la surface à l'état sauvage, les animaux y reviennent. Les paysans achetant des exploitations dans cette région sont conscients des problèmes : ils ne demandent pas que les prédateurs soient éradiqués. C'est la politique de l'Etat : ils acceptent l'indemnisation, cherchent comment mieux se protéger et la compensation par l'Etat leur paraît logique. En zone sensible, il y a une subvention supplémentaire de l'Etat, l'éleveur qui est aussi aidé pour les clôtures s'en sort normalement, l'indemnisation compensant les pertes. Un décret prévoit dans les zones sensibles une subvention annuelle de 35 / hectare, et une subvention forfaitaire pour des protections supplémentaires. Un agneau de 10Kg s'indemnise 65 , un mouton adulte 150 , un mouton se vend 100 , mais il est logique que le dédommagement dépasse le prix de vente . L'éleveur a fait appel à l'équipe technique pour les prédateurs pénétrant dans ses clôtures, mais l'équipe ne résout pas tous ses problèmes. Il a fait le choix de vivre avec les prédateurs et envisage de renforcer ses dispositifs de protection. 15 h Visite d'un élevage de moutons, bovins et chevaux NEMSKA LOKA Joze HOBIC L'exploitation de Joze Hobic compte 160 moutons, 110 bovins, 7 chevaux, 2 ânes, 7 chiens. Les chevaux et les vaches sont en permanence à l'extérieur : il déplace le troupeau sur 200 hectares de prairie, et possède 40ha de prairie de fauche de bonne qualité, mais situés à 45 Km du siège d'exploitation. Non originaire de la région, mais installé depuis 30 ans et bien intégré, il élève des chiens des Abruzzes. Sur les 7 chiens, 3 sont avec les moutons ; pour les vaches, il n'y a pas de chien, seulement la clôture électrique. Avec une protection très bien organisée, il n'a que très peu d'incidents avec les prédateurs : il utilise des clôtures mobiles pour délimiter des petits parcs. Selon lui, avec des protections adéquates, la pression des grands prédateurs peut être réduite à des proportions gérables. Il n'a d'ailleurs subi aucune attaque depuis maintenant trois ans, alors qu'il est situé à moins de cinq kilomètres du précédent éleveur Marko Kocjancic. 35 16 h Visite d'un domaine public de chasse BUKOVA GORA et du site d'observation de LOVSKI VRH Marko JONOSOVIC et l'équipe de l'Institut forestier slovène Le territoire de chasse de Medved s'étend sur 40 000 hectares. Sur ces 40 000 ha, le tableau de chasse annuel est de 1000 cerfs, 200 chevreuils, 200 sangliers. Des améliorations cynégétiques sont pratiquées : suppression des noisetiers envahissants, entretien et taille des vergers de fruitiers dans les villages abandonnés. La chasse finance l'entretien. Les chasseurs touristes sont surtout autrichiens et allemands. Le prix des bracelets est le suivant : chevreuil : 500 à 1000 ; cerf : 3000 ; ours : 1000 à 5000 . Le loup est trop difficile à chasser, il n'y a pas d'amateurs. La visite s'est poursuivi sur le site de capture de l'ourse Franska. Explicitation du mode de capture possible (lacet et anesthésie). Le point est situé prés d'une aire de nourrissage qui sert aussi pour le comptage des animaux. Le gérant du site a expliqué la méthode de nourrissage, exclusivement végétale depuis l'entrée dans l'Union européenne (norme européenne motivée par l'ESB). L'utilisation de produits carnés auparavant visait surtout à permettre les comptages en escomptant aussi empêcher pour partie les attaques de troupeaux en fournissant de la viande (le régime alimentaire de l'ours nécessite des protéines d'origine animale). Depuis que le nourrissage viande est interdit, la pression sur les zones habitées s'est accrue et les incidents ont augmenté. Le nourrissage (maïs) est actuellement pratiqué pour plusieurs raisons : observation des ours, possibilité de capture (pour envoi vers d'autres pays ou équiper pour un suivi scientifique), pour effectuer des prélèvements sur la population ursine, pour occuper les ours et les détourner des villages et/ou des troupeaux : l'ours vient voir s'il y a à manger, ce qui le détourne d'occupations non souhaitées. Il y a 1 point de nourrissage sur 7000 hectares, soit 6 ou 7 sur ce territoire et en tout 167 points d'observation en Slovénie. 18 h Présentation du programme de gestion de l'ours Hôtel Jasnica ­ STARA CERKEV Janez KASTELIC, Directeur Général Nature et Paysages et Alojz MARN, Responsable biodiversité au ministère de l'Environnement et de l'Aménagement du Territoire, Marko JONOSOVIC et l'équipe de l'Institut forestier slovène Janko VEBER, maire de Ko evje, Srecko FELIX KROPE, président de l'association des chasseurs slovènes, Bla KR E président de la commission pour les relations internationales, Branko JUZNIC, président de la fédération des organisations de chasseurs slovènes, Boris GRABRIJAN, président de l'association des éleveurs de Slovénie et Joze HOBIC, représentant les éleveurs locaux Andrej ANDOLJSEK, chambre d'agriculture et des forêts de Slovénie Miran BARTOL 36 La Slovénie est petite en surface, mais grande en biodiversité. L'ours n'a en fait jamais été éradiqué, il est protégé depuis 100 ans sur une partie du territoire. Avant la deuxième guerre mondiale, il restait 80 ours sur le territoire slovène. En 1966, un premier décret a défini une zone d'habitat en centre sud, correspondant aux zones de forêt les plus compactes et ce périmètre a été étendu en 1976. Depuis 1993, la protection est étendue à plusieurs espèces. Suite à la loi de protection de la nature de 1999, une stratégie de gestion de l'ours brun a été décidée avec un premier plan d'action 2003-2005. Depuis 2004, l'ours n'est plus espèce gibier, mais espèce protégée. En 1955, il y avait 150 ours, en 2005, on en compte de 400 à 450. L'expansion s'est faite d'abord à l'ouest de la zone initiale, puis dans des noyaux à l'est et au nord ouest. La population ursine aujourd'hui n'est pas menacée en tant que telle, c'est l'une des plus vivantes en Europe, avec 500 à 700 animaux sur 5 000 Km2. La natalité annuelle est de 80 à 120 oursons, soit 1,7 à 2,2 par portée ; on ne note pas de cannibalisme notable et la plupart d'entre eux survivent. L'espèce se porte donc bien et les deux objectifs à long terme sont maintenant de préserver l'espèce à long terme et de faciliter une cohabitation satisfaisante avec les activités humaines. La nouvelle stratégie 2007-2011 vise à maintenir 450 à 550 ours dans la zone où il est très présent et 50 à 150 dans les corridors actuels d'expansion de l'espèce, vers le nord et l'est du pays. La gestion de l'ours dans l'espace alpin est différente selon les pays et les enjeux sont souvent plus politiques que biologiques Les petits élevages de pluriactifs sont par exemple souvent insuffisamment protégés. Le niveau d'acceptation sociale en Slovénie est très bon et ce n'est pas tant la présence de l'ours qui est remise en cause, mais plutôt le nombre d'ours que la Slovénie est capable d'accueillir. La zone centrale d'habitat de l'ours (sud) compte actuellement 450 à 550 individus. Y est accolée une zone périphérique (ouest) en cours de colonisation et s'en détachent deux corridors (vers le nord et vers l'est), ces secteurs comptant une centaine d'individus. Est également identifiée une zone de non-présence. Ces deux corridors permettent à l'espèce de se disperser vers le nord et notamment vers les Alpes Juliennes et les pays voisins (Italie, Autriche, Suisse). La gestion dans la zone Nord, qui, du point de vue de l'élevage, correspondrait plus aux Pyrénées, est délicate, car il y a une impossibilité d'élimination des ours, compte tenu de la nécessité de respecter la progression naturelle de la population dans le cadre de la convention de Berne et du programme Life-coopération en démarrage avec l'Autriche et l'Italie. Compte tenu de la biologie de l'ours, il faudra du temps pour que les femelles traversent effectivement les Alpes et qu'une population s'installe de l'autre coté de la frontière slovène. Les individus posant problème dans ce secteur ne sont pas abattus, mais déplacés dans un autre secteur de la Slovénie. Ce secteur Nord avait perdu l'habitude de la vie avec l'ours et les réactions de la population sont prises en compte par la mise en place des moyens de protection et une information active et à chaque phase (anticipation de la présence avant même l'arrivée, pendant l'apparition, quand la fréquence augmente, quand les dégâts apparaissent). 37 Il est rappelé qu'un mâle adulte dominant occupe 30 000 à 80 000 ha (3/800km2) comme territoire vital, une femelle 30 000 au plus. Pour éviter la consanguinité, la femelle chasse ses fils de son territoire, mais garde ses filles à proximité. Le territoire d'un mâle recouvre plusieurs territoires de femelles et la dispersion se fait donc par les mâles. Les femelles progressent peu à peu, il se forme des noyaux de reproduction qui s'étendent. Il est en conséquence très difficile de penser pouvoir influencer un animal dans son choix de territoire. Pour ce faire, les mesures d'accompagnement sont comparables à celles déployées en France et les techniques de suivi se font principalement par comptage direct des animaux. Le suivi indirect est réalisé dans les réserves de chasse où le suivi est très fin. Entre 80 et 100 individus sont prélevés (tués) chaque année sur une population qui en compte entre 600 et 700. Ces prélèvements soulèvent toutefois en général une incompréhension de la population qui y est hostile, mais constitue la seule façon efficace de gérer la limitation de la population. Il est indiqué que sur les prélèvements effectués, un très petit nombre (10% environ) se fait dans le cadre commercial et que l'ensemble des recettes correspondantes sont réaffectés aux travaux sur l'ours. Le comptage se fait notamment aux stations de nourrissage et le suivi est quotidien dans les réserves d'Etat depuis 2003, sur 167 sites, à des dates définies (trois fois par an), selon une méthodologie précise et sur des lieux assez éloignés les uns des autres pour éviter les doubles comptes. La stabilité du protocole donne une tendance valide. Les chasseurs sont associés pour effectuer les comptages. Le comptage vise notamment à vérifier les naissances et le suivi des oursons de première et de deuxième année (évolution de la population, taux de fécondité) ainsi que la proportion mâles-femelles. Il ne s'agit pas d'une recherche de la connaissance exacte de la population au sens numérique, mais bien de connaître les tendances d'évolution. Le nourrissage est admis là où l'ours est dense, il est interdit en périphérie où l'ours est moins commun. La baisse des dégâts en 2005-2006 est due aux éliminations des ours localisés à proximité des agglomérations ainsi qu'à un effort important de fructifications forestières. La recherche scientifique utilise la télémétrie et les tests ADN (1 300 échantillons par an). Le suivi génétique vise surtout à surveiller le niveau d'hétérozygotie et peut aussi être utilisé pour voir les évolutions de la population (sex ratio, familles, etc.). Le programme est géré par l'Université. L'équipement des ours en télémétrie n'est pas une pratique habituelle en premier lieu pour une question éthique (aspect sauvage de l'ours). Seuls, sont équipés des ours à problèmes (le seul équipé actuellement est l'ours capturé au nord près d'une station de ski et relâché au sud pour voir son comportement). Il est également prévu d'équiper pour des suivis scientifiques (exemple : comportement des ours par rapport aux stations de nourrissage). Le maire de Kocevje a présenté sa commune : c'est la plus grande de Slovénie - 564 Km2, 16 000 habitants, dont 12 000 dans la plaine autour, et 4 000 en hameaux ruraux vers la frontière croate. L'activité repose sur l'industrie chimique, la métallurgie, le travail du bois . Il est important de préserver le milieu naturel de la commune en évitant son envahissement par de l'habitat, ce qui serait gênant pour les habitants et pour le monde animal. L'équilibre doit être recherché ; la région est très connue pour la diversité d'animaux présents. 38 Le maire a affirmé son accord avec la présence d'ours, tout en soulignant la nécessité d'un équilibre entre la protection de l'espèce et la poursuite des activités humaines (agriculture, chasse). La population n'a pas le sentiment d'avoir un problème de cohabitation (à cent mètres de la mairie, existe un passage très fréquenté par les ours). Le principal souci est la protection des enfants et c'est pourquoi l'Etat finance le transport scolaire Les seuls vrais conflits sont ceux générés par la mauvaise gestion des déchets par certains habitants, ce qui peut attirer les ours. Une information suffisante est donnée sur les chemins de randonnée pour notamment expliciter les refuges des ours, mais elle est surtout utile pour les gens de l'extérieur. Les principaux problèmes sont avec les agriculteurs. Les éleveurs de moutons sont de plus en plus nombreux et on doit ainsi gérer l'espace entre la forêt et l'agglomération. Concernant la sécurité, le maire n'a pas de responsabilité légale vis-à-vis du danger spécifique des ours, les animaux appartenant à l'Etat ; en cas de blessure de personne, c'est l'Etat est responsable. Il y a eu 3 accidents graves en 40 ans, dont un seul serait de la responsabilité effective de l'ours. Le maire a conclu en sollicitant ses homologues français pour la mise en place d'une coopération plus poussée entre chacun des protagonistes : éleveurs, chasseurs et élus entre la France et la Slovénie. Le président de l'association des chasseurs slovènes a déclaré que si les conditions naturelles, l'acceptation de la population et la participation des chasseurs ne sont pas acquises, il n'est pas possible de réussir. Ce sont les hommes qui vivent à son contact qui protègent vraiment l'ours, pas un décret ministériel. En soi, l'ours est un animal craintif qui ne peut pas gêner la chasse, quel que soit le mode pratiqué. Les conflits avec les chasseurs sont insignifiants parce que l'animal s'éclipse aussitôt. Le rôle des chasseurs dans ce dossier est double : protéger la faune et contribuer à un climat de cohabitation de l'ours avec la population. Les communes n'ont pas de pouvoir sur la chasse. Le seul procédé légal est le plan de chasse et il est important que la chasse soit bien organisée au niveau de la commune. L'Etat gère la chasse sur les terrains de l'Etat sur le territoire communal. Il faut que des habitants soient dans les associations de chasseurs. Les communes soutiennent l'installation de points de nourrissage pour que l'ours évite le voisinage des humains. Le président de l'association des éleveurs de Slovénie s'est déclaré pour le maintien des grands prédateurs, et de l'ours en particulier, qui, de toutes façons, crée beaucoup moins de dégâts que le loup. Ils attendent de la part de l'Etat une contrepartie pour les aider financièrement, permettre des protections efficaces et indemniser correctement. La cohabitation consiste à dire : « s'il y a une volonté de vivre dans un pays qui a une population de grands prédateurs, elle doit accepter qu'il y ait des incidents. La bonne volonté passe par l'acceptation des pertes par les éleveurs et, en complément, par une gestion efficace et compréhensive de l'Etat ». Le système n'est pas idéal, mais satisfaisant pour les deux parties. Toutefois, si, dans les territoires classés sensibles, les aides financières sont correctes, elles ne sont pas suffisantes dans les autres, où l'ours peut s'étendre. 39 Au niveau du tourisme, il y a beaucoup de touristes de vision, notamment français et suisses ; il existe des agences et les visiteurs peuvent aussi être guidés par des chasseurs. Il y a peu de publicité faite pour le tourisme de vision. La décision de réduire la population d'ours en 2006, prise par l'Etat slovène, a suscité des critiques de la part de touristes de nature. En conclusion, il a été réaffirmé que tout réside dans le travail de communication avec les différents acteurs et dans la préparation en amont des décisions. En Slovénie, la population ursine n'a jamais disparu, et a vraiment ré-augmenté depuis seulement vingt ans, en l'accompagnant de discussions continues avec les acteurs : avec les éleveurs, les barèmes sont revues par l'Etat tous les trois mois selon le marché, les méthodes de protection et les aides évaluées et discutées régulièrement ; avec les chasseurs, le quota de prélèvement est revu annuellement dans un souci de maintenir, mais de ne plus augmenter la population, etc.. Cette réunion des partenaires autour de la table, administration, élus, chasseurs et associatifs, résulte de nombreuse années de concertation. Jeudi 14 février 2008 10 h Visite d'une exploitation forestière STARI TRG LOZ Jo e STERLE, directeur adjoint de l'entreprise forestière de Postoïna La Slovénie est divisée en 14 régions forestières et de chasse ; la densité forestière est forte avec 80% de surface boisée : c'est un des massifs d'Europe les moins peuplés et les forêts sont semi naturelles. La récolte de bois slovène est annuellement de 3 millions de mètres cubes, l'objectif est de la porter à 4 millions. Le pays a une tradition de production de bois ancienne, complétée par des industries métallurgiques. Le lynx, le loup, l'ours sont présents dans ces forêts où le loup et l'ours ont toujours existé ; le lynx a été réintroduit en 1970 ; les populations d'ours et de loup s'étendent sur 1000 Km au sud, en Croatie et Bosnie. Les habitants ont essayé d'éradiquer le loup il y a 100 ans, sans y parvenir. Aujourd'hui, tous sont protégés par la directive habitats et par la loi slovène, il n'y a aucun problème avec l'exploitation forestière. L'entreprise visitée a été fondée en 1948 et emploie plus de 100 personnes. Au départ uniquement exploitation forestière, puis création d'une scierie, puis d'une unité de découpe de bois (fabrication de coffrage exporté en Europe) et enfin de plaquettes de bois avec les déchets. Il n'y a pas de chômage dans la région qui accueille même des travailleurs d'autres pays européens -travailleurs immigrés slovaques, croates et bosniaques (les slovènes ne sont pas intéressés), notamment pour le bûcheronnage. L'entreprise travaille essentiellement sur le domaine forestier de l'Etat sur une surface de 33 000 hectares et produit 160 000 mètres cubes par an (+ 90 000 venant de l'exploitation de forêts privées). Elle vend 85 000 m3 de sciage de qualité, 85 000 m3 de coffrage et 50 000 tonnes de déchets plaquettes exportées en Italie - la demande de plaquette est supérieure à la production -. 40 Environ 5% de la superficie sont exploités chaque année. La périodicité des coupes est de 10 ans ; des coupes rases, réservant la régénération, se font par placeaux de 1 à 2 fois la hauteur du peuplement, et des coupes pied à pied en fonction du diamètre. La sylviculture vise à obtenir ou maintenir 70% de hêtre, 25% de sapin, 5% d'autres essences (épicéa, érables ...) L'épicéa, qui a fait l'objet de reboisements importants dans le passé, tiendra ainsi une place réduite à l'avenir. L'exploitation est faite dans la région en totalité au tracteur avec pistes d'exploitation, l'entreprise exploite par câble dans les Alpes. Sur le secteur (30 000ha de forêt d'Etat et 45 000 ha de forêt privée), il y a 60 agents forestiers, qui font la surveillance et les plans d'aménagement, et depuis peu travaille aussi à la protection de la nature . La forêt privée est très encadrée par l'Etat qui propose les plans de gestion, cofinance les infrastructures, réalise les exploitations ; un privé possède en moyenne 3,5 ha, morcelé en 3 parties ; ils sont 350 000 propriétaires en Slovénie. Des associations de propriétaires privées se sont constituées pour dialoguer avec les services d'Etat. Pour l'exploitant forestier rencontré, il n'y a pas de problème de gestion de la présence d'ours. Les seules contraintes prévues sont le respect des tanières en période hivernale à partir de la connaissance de leur emplacement, déterminé dans le cadre de la gestion des plans de chasse (pas d'exploitation ou de construction de routes forestières dans un rayon de 200 mètres). La totalité de la surface (comme 35% du territoire slovène) est inclus dans une zone Natura 2000, dont les modalités de gestion ont été fixées dans la continuité de la gestion précédente déjà respectueuse du milieu. Selon la législation, les routes forestières sont accessibles à tous, mais interdites aux engins à roues. Le service forestier peut fermer les voies dans des cas particuliers. La législation sur les routes forestières est susceptible d'évolution, avec l'autorisation de circulation de véhicules réglementée par la commune, permettant à celle-ci des retombées financières. La cueillette de produits forestiers est libre pour tous les citoyens, pour la consommation familiale, dans les forêts d'Etat et privées (en fait, seuls, les arbres sont en pleine propriété, le sol restant d'utilisation libre). En contrepartie de cette obligation, l'Etat assume pour les propriétaires privés une activité de conseil, de définition de plans de gestion, etc. Il n'y a en général aucun problème avec les randonneurs dans les forêts, les slovènes ayant conservé le respect de la nature. 11 h 30 Rencontre avec un maire STARI TRG LOZ Janez STRLE, maire de Lo ka Dolina Le maire salue en préambule le travail mené en parfaite intelligence avec l'administration d'Etat -ministères de l'environnement et de l'agriculture- pour gérer la cohabitation avec l'ours 41 Sa commune s'étend sur 168 Km2, les surfaces urbanisées sur 25 Km2, pour 3800 habitants répartis en 27 villages. L'économie est industrielle, avec beaucoup de main d' uvre immigrée des pays voisins. Il y a très peu d'activité agricole, seulement deux exploitations. Le maire est préoccupé par la sécurité publique. La région est en majorité forestière, mais habitée. Il souligne que les habitants ont toujours vécu avec l'ours, les problèmes ayant surtout commencé avec une augmentation non maîtrisée de la population ursine et surtout le fait que les animaux avaient de plus en plus tendance à se rapprocher des villages. Les habitants ont demandé des mesures pour que les ours restent en forêt. A la période la plus cruciale ­notamment au printemps qui vient plus tôt dans la vallée que dans la montagne et où les ours ont tendance à descendre dans la vallée pour ensuite s'y fixer-, il avait plusieurs demandes quotidiennes des habitants et cite des anecdotes (ours à l'entrée de la cuisine du restaurant où nous sommes qui fut éliminé in fine ; ourson ayant pris l'habitude de venir au contact des enfants et qui fut également éliminé). Une enquête dans tous les foyers (1 300) faite par la mairie à partir d'un questionnaire fait par le ministère de l'environnement et l'institut forestier slovène a fait ressortir que les gens n'étaient pas contre la présence de l'ours, mais considéraient que le nombre dans la région était trop important. Les dégâts ne sont pas le problème principal, mais le sentiment d'insécurité lié à la rencontre quotidienne. Il a en particulier été demandé que la municipalité assure la sécurité des enfants. A l'occasion de la restructuration des transports scolaires, il a été décidé que ceux-ci concerneraient maintenant tous les enfants, l'Etat prenant en charge le surcoût. Toutefois, il n'y a pas de document préparé, ni de personnel communal dédié à cette mission. Au printemps, des promenades scolaires sont accompagnées par des chasseurs et ceux-ci assurent une information systématique chaque année dans les classes. La population d'ours a ainsi été réduite depuis 10 ans, et le maire considère que le plus important est le dialogue constant avec des mesures rapides et efficaces. Au début de l'augmentation de la population, on a perdu trop de temps en laissant les choses sans réaction. Il y a eu aussi trop d'interventions aussi de gens extérieurs se mêlant des affaires locales (ONG). 14 h 30 rencontre avec le Ministère de l'environnement et de l'aménagement du territoire à LJUBLJANA Janez PODOBNIK, Ministre de l'Environnement et de l'Aménagement du Territoire Tea GLAZAR, Directrice du Service des relations internationales et des affaires européennes, Peter SKOBERNE, Assistant du Directeur Général Nature et Paysages, Katja PISKUR, conseiller affaires européennes Chantal de BOURMONT, Ambassadrice de France en Slovénie Louis-Charles ARRIVE, Adjoint au chef de mission économique et Marine REBOUL En introduction, et après avoir salué la délégation française, le ministre rappelle qu'il était à Paris le vendredi 8 février pour inaugurer avec le ministre français Jean-Louis Borloo l'exposition sur le patrimoine naturel slovène au Museum national d'histoire naturelle. Le ministre français a salué la qualité du travail fait par la Slovénie en matière de gestion et de protection de la nature et tout particulièrement des grands prédateurs, et l'équilibre atteint en Slovénie entre conservation et modernité. 42 Le choix a été fait ici de conserver l'ours dans un contexte particulier. Il connaît le souci de la France vis-à-vis de cette question, le sujet est à débattre rapidement avec de bonnes méthodes pratiques. Les bons rapports entre les partenaires sont essentiels et il faut trouver des réponses aux arguments fondés. Mais quand on est au point mort, ce sont les politiques qui sont sollicités pour trouver des solutions. Après une présentation par Madame l'ambassadrice et la délégation française du cadre et des objectifs de son déplacement en Slovénie, il souligne concernant la gestion de l'ours qu'il est nécessaire d'avoir de bonnes pratiques techniques pour répondre rapidement aux problèmes qui se posent. Il évoque ainsi le décret organisant un groupe de travail réunissant toutes les compétences et travaillant sur les incidents constatés pour proposer des solutions consensuelles. Le processus a mûri avec les associations, la population et l'administration tous les collègues accompagnant aujourd'hui le ministre font fonctionner le système -. Concernant l'élevage ovin, le transfert de l'élevage bovin à l'ovin accroît les problèmes de cohabitation. Il y a eu un débat en Slovénie : au début était la nature sauvage, ensuite vint le pastoralisme ; est-il bon d'introduire du mouton dans l'habitat typique de l'ours ? Il faut de la mesure en toute chose : on encourage l'élevage de moutons avec des subventions ; mais si ce n'est pas viable économiquement, il n'y a pas de subventions. Concernant la chasse, la délégation française propose de prolonger cette mission par des rencontres avec les fédérations de chasseurs slovènes pour parvenir à comprendre et à importer en France l'appréciation positive que porte l'ensemble de l'administration de l'environnement slovène sur le rôle des chasseurs dans la gestion de la nature. Le ministre approuve cette initiative et invite l'ambassadrice à lui réserver une suite favorable. La question de l'appréciation des citoyens face à la politique de gestion de la population ursine par prélèvement est évoquée et le ministre indique qu'il s'agit d'une question délicate, car chargée d'affect et beaucoup d'opinions divergent. La gestion scientifique du dispositif, en pleine transparence et avec une communication claire, permet d'arriver à un consensus. Les gens qui vivent au contact d'une population dense d'ours doivent se sentir protégés, sinon ils s'arrogeront le droit de réguler. Il y a actuellement peu d'animaux sauvages abattus frauduleusement en Slovénie, comparativement aux pays voisins. Les mots-clefs sont : proximité des acteurs entre eux, professionnalisme des équipes et communication. 16 h Réunion à l'Institut forestier slovène LJUBLJANA Jo t JAKSA, Directeur de l'institut forestier slovène et Marko JONOZOVIC, département de la faune sauvage et de la chasse L'Institut forestier slovène gère depuis 1994 la chasse, les forêts, le suivi des grands prédateurs et la protection de la nature. Il est organisé en 13 unités et compte 800 employés, dont 100 travaillent sur les grands prédateurs. Pour la chasse, il a trois missions essentielles : l'élaboration des plans de chasse ; la réalisation des plans et le contrôle de la chasse. L'organisation territoriale est fondée sur 416 associations locales regroupées en 15 régions cynégétiques, avec toutefois quelques zones réservées. Le gibier est propriété de l'Etat qui octroie donc les droits de chasse. 43 Le fait d'être membre d`une association de chasse est libre. Il y a 26 000 chasseurs en Slovénie (1 habitant sur 100), soit 50 chasseurs en moyenne par association. Les zones de chasse s'autofinancent par la commercialisation du droit de chasse, le service central est financé par l'Etat ; 80% du budget vient de l'Etat. L'organisation de la chasse est basée sur deux lois, gibier et chasse. Le gibier est soumis à plans de chasse, application, contrôle ; des zones spéciales à présence de grands carnivores, ou à faune et flore typiques de chaque région sont délimitées. Le gibier est propriété de l'Etat, le droit de chasse n'est pas octroyé au propriétaire du sol. Concernant la situation du loup, qui n'avait pas été exterminée, il y a aujourd'hui 70 à 100 individus. La population est en augmentation. Elle n'est plus espèce gibier depuis 2004, maintenant strictement protégé, mais dérogations spéciales pour élimination, de niveau ministère . Le loup occupe 500 Km2 dans les 2/3sud de la Slovénie, se propage au nord ouest La prédation sur élevage et gibier est forte : 12 dégâts en 1995, 410 en 2007 pour 210 000 avec 1 600 moutons, 6 ânes, 4 ovins 2 chevaux.. Elimination possible d'individus sur autorisation spéciale (6 en 2007). De 1995 à 2007, 56 loups ont été éliminés. Depuis 2004, élimination sur permis spécial basé sur incidents déterminés, mais tirs illégaux probablement nombreux et accidents routiers . Sur la situation du lynx, il y a eu réintroduction de trois couples en 1973 ; actuellement, il y a environ 20 à 40 individus, pour 8 dégâts en 2007 (1 500 ). La population diminue du fait de la concurrence avec le loup. Concernant l'ours, le suivi des ours par télémétrie est toujours liés à un travail de recherche. Connaître les mouvements des ours, leur utilisation de l'espace, par rapport aux points de nourrissage anciens ; vérifier qu'une source d'alimentation protéinée en forêt éviterait que les ours aillent en agglomération, mais pour cela, il faudrait équiper des ours ordinaires. Or, chaque collier coûtant 4 000 , ils ne peuvent être multipliés ; il y a aussi une question d'éthique : suivre un animal partout lui fait perdre son intimité. Un seul ours, délocalisé des Alpes à Kocevje, est actuellement équipé. Les Slovènes sont « égoïstement intéressés par les ours Dinariques ». Dans les régions alpines, la population a perdu l'habitude d'avoir l'ours, est relativement hostile à cette arrivée conséquente d'ours, l'occupation de l'espace est différente de celle de la région dinarique. Les attentes de l'Autriche est de l'Italie, conformes à la convention de Berne et à la Directive habitats sont que les ours arrivent naturellement. Dans les Alpes, les habitudes pastorales sont sans clôtures et surveillance et les mêmes actions qu'ailleurs sont entreprises : information/formation, mise en place de protections. Les projets européens Life Nature et Life Coex, lancés par l'Italie et l'Autriche ont été bénéfiques. Jusqu'en 1990, la zone Sud privilégiait le nombre d'ours par rapport au sex-ratio : tout ce qui sortait était abattu ; après 1990, suite à des pourparlers avec les pays voisins, des prélèvements ont été autorisé en zone rouge et périphérie ; ailleurs, dans les corridors, on déplace les seuls ours à problèmes. 44 Pour le suivi génétique, l'Institut forestier collabore à un projet initié par la faculté de biotechnique. Les gestionnaires ne cherchent pas à avoir des données sur la structuration des gènes dans la métapopulation dinarique-alpine, mais à surveiller la diversité intra spécifique, le niveau de consanguinité. On cherche surtout à essayer de localiser certains individus et réaliser un comptage de l'effectif : nombre d'individus (génotypes différents), sex-ratio, niveau d'hétérosis . La base de la collecte d'échantillons est un quadrillage, qui recoupe les chemins et points de nourrissage, en utilisant la connaissance des personnels de terrain sur les habitudes des ours, les lieux de fèces. Le nourrissage au maïs occupe le temps des ours, leur évite d'aller aux poubelles : une habitude se crée, mais elle éloigne les ours des lieux habités : c'est un moindre mal. Une étude ONCFS sur l'impact du nourrissage ne montre pas de différence entre ours slovènes et autochtones ; en revanche les points de nourrissage ont beaucoup d'utilité : éloigner les ours des zones habitées, observation et comptage, capture pour repeuplement, élimination sécurisée. Dans les 3 dernières années, entre 80 et 100 ours par an ont été prélevés au total, ce chiffre incluant les prélèvements commerciaux (10%), la réduction de la population, et les repeuplements. Le coût global de la gestion de l'ours par les Pouvoirs Publics slovènes coûte 500 000 , dont 250 000 pour les indemnisations, et 250 000 de rémunération des 50 à 60 personnes qui contribuent pour une part variable de leur temps. 45 ANNEXE 5 : DEPLACEMENT DANS LE MONTANA (USA) Qualification de la zone de présence et renforcement du suivi de la population d'ours dans les Pyrénées françaises Mission de l'Inspection générale de l'Environnement Compte-rendu du voyage d'étude d'une délégation française au Montana (USA) du 25 au 29 février 2008 Liste des participants Monsieur François ARCANGELI, président de l'association Pays de l'Ours, maire d'Arbas (31), Monsieur Jean-Jacques CAMARRA, Équipe Technique Ours ­ Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage, Monsieur Patrick DEGEORGES, chargé de mission à le Direction de la nature et des paysages, ministère de l'Ecologie, du développement et de l'aménagement durables, Monsieur Fernand ESTEREZ, secrétaire général de la Fédération Départementale des Chasseurs des Pyrénées-Atlantiques (64), Monsieur Denis LAURENS, inspecteur général de l'environnement Monsieur Georges RIBIERE, inspecteur général de l'environnement Le Montana est un Etat du nord des Etats-Unis, d'une superficie de plus de 380 000 km2 pour 900 000 habitants, soit une densité extrêmement faible (2,39 habitants au km2 ­ pour mémoire, le département le moins dense de France, la Lozère, fait 15 habitants au km2). Bordant la frontière canadienne, le climat est continental et son relief comporte à la fois des montagnes (les Rocheuses) dominant de larges vallées à l'ouest, et des vastes plaines à l'est. Le fleuve Missouri traverse le Montana. 46 Le Montana présente une économie diversifiée. Les ressources minérales sont considérables. L' État possède de grandes réserves de cuivre, de pétrole, de gaz naturel et de charbon. Les autres ressources sont l'or, l'argent, les phosphates, le zinc et le manganèse. L'agriculture, essentiellement pratiquée dans les larges vallées des Rocheuses concerne principalement l'élevage, les céréales, les plantes fourragères et la betterave à sucre. L'exploitation forestière est une activité très importante. Les industries reposent surtout sur le traitement et la transformation des matières premières agricoles et minérales. Le tourisme est très actif dans les Rocheuses. Les sites les plus fréquentés sont les deux parcs nationaux de Glacier, à la frontière canadienne, et du Yellowstone, à cheval sur l'Etat du Wyoming, et le site historique de Little Big Horn. D'importantes stations de ski ont été créées. Plusieurs points focaux ont été visités : la région de Missoula, fréquentée par les ours, où résident et étudient parmi les plus grands spécialistes de l'ours aux USA et dans le monde ; la région d'Helena, capitale administrative de l'Etat, et la partie nord du parc national du Yellowstone, où vivent de très nombreux ours bruns et noirs, ainsi que des loups. Lundi 25 février 2008 8 h 30 Présentation de la situation de l'ours brun aux Etats-Unis et dans le Montana MISSOULA Charles et Jamie JONKEL, Great Bear Foundation De nombreuses ONG s'occupent de l'ours, en recueillant de l'argent, car les dons sont déductibles des revenus. Elles relaient les actions du Gouvernement et sont économiquement viables. La Great Bear Foundation, créée en 1982, promeut la conservation des ours sauvages et de leur habitat, notamment au travers d'éducation, de recherche et de communication. Charles Jonkel rappelle la longue histoire des relations des hommes avec l'ours en Amérique : ceux qui occupaient le territoire des Amériques furent presque tous éradiqués par l'arrivée progressive des immigrants sur le continent, notamment lors de conflits avec l'agriculture et l'élevage (défrichements par le feu, arrivée de gigantesques troupeaux de moutons). La biologie de la conservation et les services de protection de la faune sauvage sont nés dans les années 30 de la prise de conscience de cette extermination qui a duré jusque vers 1950. Le changement d'attitude dans le rapport à la vie sauvage date des années 60 : l'Endangered Species Act (ESA) est voté en 1973 et ce n'est qu'en 1975 que l'ours grizzly 1 a reçu un statut légal de protection (avant, il n'y avait pas de limite à la chasse ou à l'abattage des ours). La réhabilitation des grands carnivores, considérés comme nuisibles, fut très lente : le conflit entre agriculture et protection de la vie sauvage a persisté longtemps après la décision de protéger l'ours. De même, la protection des ongulés (cerfs élaphes, élans, etc.) l'a longtemps emporté sur la protection de l'ours dans l'allocation des fonds associés à la gestion de la faune sauvage. C'est encore un problème aujourd'hui que l'on retrouve jusque dans la formation des personnels qui travaillent dans le domaine de la gestion de la faune sauvage. 1 L'ours grizzly (ursus arctos) est surnommé ainsi car, comme pour tous les ours bruns, son pelage présente un dégradé de blond, brun et noir ou un mélange des trois. L'extrémité des poils de son pelage a souvent une teinte grise ce qui lui vaut son nom (en anglais grizzle est une perruque de cheveux gris). Ce surnom lui a été donné pour le différencier de l'autre espèce d'ours vivant en Amérique, l'ours noir (ursus americanus). 47 Les conflits entre la protection de l'ours et l'agriculture dans le Montana se poursuivent de nos jours lorsque les ours descendent dans les plaines agricoles. Mais les choses vont mieux depuis une vingtaine d'années, grâce à une prise de conscience collective. Les autorités ont peu à peu compris que, pour progresser, il faut des gens capables de faire office de médiateurs, capables de reconnaître les valeurs du monde rural et de gagner la confiance des éleveurs, des gens capables de boire le café, de faire des visites amicales, d'entretenir des relations de voisinage avec ceux qui vivent quotidiennement dans les territoires à ours... Dans le Montana, il y a aujourd'hui 6 personnes qui travaillent de cette façon. Ce sont tous des agents officiellement mandatés. Ils sont biologistes de formation, ont une personnalité adaptée à leur travail, de l'humilité et une façon d'être en accord avec les valeurs rurales. La fonction de médiateur est très particulière et on ne l'apprend pas à l'Université. Il faut à la fois connaître la biologie de l'ours et pouvoir entretenir des contacts durables avec la population. Cette capacité de créer et d'entretenir la relation avec les locaux est essentielle. Aux Etats-Unis, le droit de propriété est une valeur fondamentale et, dans le Montana, la propriété privée représente 7 à 10% de sa superficie. Les ranchers possèdent des propriétés dont la taille est souvent plus grande qu'un petit pays : du coup, si l'on ne s'entend pas avec les propriétaires locaux, on perd le contact avec des habitats à ours, parfois pendant plus de 50 ans, parce que ces habitats sont situés sur des propriétés privées. Si on ne trouve pas les moyens de travailler avec les propriétaires privés, on ne peut rien faire sur leurs terres pour la protection des ours. Des ONG mènent dans l'Ouest une importante politique de maîtrise foncière (achat de terres) pour la protection de l'ours : ainsi, récemment, Nature Conservancy of Montana, avec le soutien du siège national de cette ONG qui est majoritairement financée à la fois par des dons de grandes entreprises (corporate funds) qui bénéficient ainsi d'une exonération fiscale, et par des subventions de l'Etat fédéral, a acheté pour 80 millions de dollars de terres (30 square/miles) à la compagnie Plum Creek Timber (le plus grand propriétaire forestier privé des USA). Ces politiques visent spécifiquement les habitats propices à l'ours : c'est une politique d'achat sélective. Ainsi, ce sont les zones à haute valeur biologique pour l'ours comme des corridors (couvert forestier) ou des zones de nourrissage de printemps qui sont achetés, puis éventuellement revendus ultérieurement à l'Etat ou à des propriétaires fonciers avec lesquels des conventions sont passées pour maintenir la protection. L'argent récupéré de cette façon permet d'engager de nouveaux achats de terres. Cela coûte très cher de protéger l'ours : ainsi, les Etats du Montana ou de l'Idaho ne peuvent supporter seuls ces investissements. Il faut aussi, en plus des fonds du gouvernement fédéral, des soutiens venant des ONG qui mènent des actions telles que le ramassage des fruits dans les jardins afin de maintenir les ours à distance des résidences humaines et des routes pour limiter les conflits. Charles Jonkel explique qu'il s'agit de créer une zone tampon autour des habitations humaines dans lequel il n'y a pas d'ordures non protégées des ours, de fruits laissés à terre, etc. Ce type d'activité rassemble les gens (étudiants de l'Université, propriétaires de vergers, etc.) dans un travail collectif qui sensibilise la population à ce qu'il faut faire pour vivre avec les ours. 48 Ces relais locaux et un réseau de médiateurs efficaces sont déterminants. Il faut aussi un soutien fort de la population au niveau national. Pour Charles Jonkel, il faut une vingtaine d'années pour que les gens et les ours apprennent à vivre ensemble. Il y a, estimés par analyse génétique, 554 grizzlys dans le Nord Est du Montana. Quant au nombre des ours noirs, il y a en a presque autant que de cerfs. Mais ce qui compte, ce n'est pas le nombre d'ours, c'est l'habitat. Il faut faire comprendre que, quand on protège un bon habitat pour l'ours (mais aussi pour d'autres espèces sauvages), on protège aussi un bon habitat pour l'homme. Il faut défendre l'habitat, et ne pas retirer l'ours de la liste des espèces en danger de disparition, car s'il en était exclu, la défense de son habitat par acquisitions foncières pourrait coûter, en estimation pour 1 seul ours, 8 ou 9 millions de dollars. Charles Jonkel explique que la communication auprès du grand public mené par la Great Bear Foundation s'appuie sur la culture indienne traditionnelle dans laquelle l'ours a une très grande importance : c'est aussi une façon de maintenir cette culture vivante aujourd'hui. Le « Bear Honoring » est une fête annuelle de printemps qui participe de cette communication culturelle. Jamie Jonkel, biologiste, médiateur avec les populations locales ­et par ailleurs fils de Charles Jonkel- intervient ensuite en complément de son père. Il explique que la faune sauvage est plus importante aujourd'hui dans le Montana qu'il y a cent ans : il y a plus de loups, d'ours, d'ongulés etc. La protection de l'ours ou du loup a engendré la limitation du développement économique sur les territoires de leur habitat. Il reste donc de grands espaces sauvages. Pourtant, le meilleur de ces espaces (près des rivières et des lacs) est aussi occupé par les hommes. Or, c'est dans ces zones très riches en ressources alimentaires que les ours et les ongulés vont préférentiellement, et le fait que ces territoires aient été aménagés les rend encore plus attirants pour les ours ! L'habitat de l'homme risque de devenir l'habitat préférentiel de l'ours ; le problème est donc de laisser la vie sauvage utiliser cet habitat, mais sans laisser les ours engendrer des conflits avec les hommes. Ainsi, il y a, en ce moment, 4 à 5 couguars aux abords de la ville de Missoula, 10 à12 ours noirs qui ont fait leur tanière dans les environs immédiats, et 2 ou 3 loups qui rôdent dans le périmètre. On trouve aussi 2 ou 3 orignaux, beaucoup de coyotes et lynx bobcat, des centaines de cerfs à queue blanche. Il y a, dans le Montana, un programme sur les dégâts de grand gibier (financé par les permis de chasse et, au niveau fédéral, par la taxation de la vente des armes à feu), tels que les cerfs élaphes, etc, qui prend en compte les dommages sur les clôtures et les haies dans les ranchs, ou les tensions suscitées par la compétition sur les pâturages avec les troupeaux domestiques. Ce programme a permis aux agents qui travaillent sur l'ours d'entretenir un rapport privilégié avec les propriétaires, car ce fonds pour les dégâts de grand gibier sert aussi pour la gestion des ours (à hauteur de 7000 dollars/an/technicien). Il y a six techniciens à l'échelle du Montana spécialisés sur les ours : achat de matériel pour les clôtures, électrification des clôtures, construction de protection autour des décharges... Pour protéger les moutons, on utilise des parcs de nuit, des bergers, des chiens de protection et des lamas. Ces techniciens travaillent aussi bien avec de nombreuses ONG qu'avec des agences gouvernementales (USFW...) et le ministère de l'agriculture pour obtenir des fonds supplémentaires pour des projets spécifiques. 49 Ils travaillent enfin en dernier recours avec l'ADC (Animal Damage Control) du ministère de l'agriculture : cette agence ne fait pas de travail préventif, mais prélève les prédateurs qui attaquent les troupeaux domestiques. Ces opérations de prélèvement coûtent cher au Montana. 13 h 30 Rencontre avec le maire de Missoula Visite du Boone and Crockett Club MISSOULA John ENGEN, maire Jodi BISHOP, Boone and Crockett Club Comme tous ses confrères, le maire de Missoula est confronté aux problèmes de cohabitation, notamment quand les ours dévient de leur habitat traditionnel pour descendre dans les plaines. Même si certaines personnes ne sont pas contentes des ours, ce sont souvent les mêmes qui les attirent en jetant leurs déchets n'importe où. Pour lui, le dialogue, la recherche de compromis, le partenariat entre les acteurs sont essentiels, ainsi que l'éducation du public. La mise en place de moyens compensant les pertes individuelles est nécessaire, avec de gros efforts. Cependant, il note un soutien majoritaire de la municipalité et de la population à la présence des ours. Les gens qui viennent habiter Missoula se sont imposés des contraintes pour supporter la vie sauvage et c'est pourquoi il faut les accompagner. Par ailleurs, le maire n'a pas de responsabilité juridique au niveau sécuritaire pour les animaux protégés : cette responsabilité échoit à l'Etat. La part du tourisme dans l'économie locale est très importante : 10 millions de personnes visitent le Montana chaque année ; c'est une industrie qui rapporte plusieurs milliards de dollars et chaque grizzly peut être valorisé à 500 000 USD par an. Fondée en 1887 par Théodore Roosevelt, l'association Boone and Crockett Club est une ONG constituée de chasseurs sportifs et conservationnistes, et comportant des personnalités influentes pour sauvegarder la nature, et qui a été à l'origine des premières lois de protection. Elle est maintenant orientée vers l'acquisition et la conservation des terres (espaces naturels) et des habitats, notamment pour l'ours. Les données morphométriques sur les trophées anciens conservés et répertoriés par l'association permettent de mieux connaître l'état des populations que l'on protège. 14h 30 Visite de la Vital Ground Foundation MISSOULA Gary WOLFE, directeur ; Kiffin HOPE ; Shannon FOLEY La Vital Ground Foundation est une ONG qui reçoit des fonds d'environ 15 pays étrangers, en plus des Etats-Unis et qui est également soutenue par des stars hollywoodiennes. En effet, cette association a été créée en 1990 par Doug et Lynne Seus, qui avaient recueilli jeune, l'ours brun Bart, le « héros » du film de Jean-Jacques Annaud « L'ours » et d'autres longs métrages américains et internationaux, et qui l'avait dressé. Elle fonctionne avec 500 000 dollars de fonctionnement par an, 6 salariés et 1 million de dollars en financement d'action. 50 Elle travaille beaucoup avec les propriétaires fonciers. Dans le Montana, la plupart des habitats d'ours se trouvent sur des terres publiques, mais certains habitats importants sont sur des terres privées. Les actions menées visent à acquérir la maîtrise foncière de ces habitats importants pour les ours : - soit par achat des terres, - soit par des contrats de conservation (conservation agreement), - soit par « conservation easement », c'est-à-dire par le fait d'acquérir des droits sur des terres sans les acheter afin de limiter toute action pouvant conduire à la disparition de l'habitat (ces droits sont acquis, soit par donation contre exonération fiscale, soit achetés au propriétaire). Il est pour cette association essentiel de travailler avec la population, car sans soutien des locaux, de ceux qui vivent sur ces terres, qui y travaillent ou y passent leurs loisirs, il n'est pas possible de protéger les ours. La Fondation mène ainsi des actions de sensibilisation auprès des propriétaires qui peuvent modifier leur pratiques (ramassage des fruits, des carcasses, attention aux ordures pour les collectivités, etc.) pour apprendre à vivre avec les ours. Il est vrai que de nombreuses ONG se recoupent dans leurs missions de conservation, mais il n'y a pas de redondances, car chacune se concentre sur un point particulier, et un bon partenariat existe entre tous . Il y a beaucoup de contacts et d'information réciproque entre les organisations, mais avec des spécialisations : la Great Bear Foundation est très spécialisée dans l'éducation, les campagnes médiatiques, la sensibilisation de l'opinion ; la Vital Ground Foundation est spécialisée dans les habitats et d'autres groupes le sont plutôt dans la recherche. Il y a aussi des partenariats entre les différentes ONG. 15 h 30 Visite de la Rocky Mountain Elk Foundation MISSOULA Casey DOWELL La Rocky Mountain Elk Foundation est une ONG créée en 1984 par quelques chasseurs, qui voyaient se réduire les habitats à cerfs, pour protéger ceux-ci, ce qui profite aussi à l'ours. Elle protège ainsi 5 millions d'acres (environ 2 millions d'hectares). Elle comprend 150 000 membres à travers le monde. La Fondation achètent des terres et les donnent en gestion ; elle achète aussi des droits à construire, réhabilite des terrains miniers (revégétalisation). Si son activité est en croissance, les perspectives à long terme sont incertaines en raison de la diminution du nombre de chasseurs. La délégation a visité un bâtiment public de la Fondation (Elk Country Visitor Center) qui présente expositions, films, documentation et produits touristiques. 17 h 30 Réception de bienvenue chez Chantal DAVOINE-MOSER, Consule honoraire de France MISSOULA Pierre MATTOT, Consul adjoint à San Francisco Ronald et Chantal DAVOINE-MOSER Charles et Jamie JONKEL ; Christopher SERVHEEN 51 Mardi 26 février 2008 8 h 30 Visite du territoire de la Blackfoot Valley et réunion sur le projet Blackfoot Challenge Land LINDBERGH ; Steven KLOETZEL ; Seth WILSON Charles et Jamie JONKEL Les responsables de l'ONG Nature Conservancy of Montana, dont Land Lindbergh, petit-fils de Charles Lindbergh, ont présenté à la Délégation le projet Blackfoot Challenge, sur le territoire de la rivière Blackfoot, à une trentaine de miles de Missoula.. Le projet s'appuie sur un travail collectif organisé au sein de 8 groupes de travail regroupant 400 propriétaires fonciers, 20 agences gouvernementales, 18 collaborateurs, 25 contractants en 2002-2003, avec réunions, visites et séminaires. Cette communauté locale (Blackfoot Community) s'est organisée pour mettre en place de façon collective des mesures afin de vivre avec les prédateurs. Le principe de ce travail avec la population est de ne jamais placer l'ours avant l'éleveur. Du fait de la recolonisation progressive naturelle par les grizzlys vers le Sud depuis Glacier National Park et vers le Nord à partir de Yellowstone, l'objectif poursuivi est de repeupler toute la zone entre ces deux parcs dans l'espoir de reconstituer une large population susceptible de devenir chassable à terme. Cela a permis de rassembler aussi bien des éleveurs que des chasseurs autour de ce projet. Le travail de ce groupe repose sur une constante concertation et sur la recherche en commun de nouveaux financements. Les objectifs qui ont émergé en commun relèvent de la prévention des conflits avec les ours, de la sécurité des personnes et de l'amélioration générale du mode de vie des ranchers (aménagement des exploitations, construction de systèmes d'irrigation plus performants etc. et pas seulement des aménagements liés à l'ours). Une politique de maîtrise foncière a également été engagée par l'ONG (voir supra). L'inventaire et cartographie par GPS des habitats à ours et des sites de conflits potentiels (ruchers, troupeaux...) permet d'identifier le travail prioritaire à faire avec les éleveurs et propriétaires qui sont sur ces sites en s'appuyant à la fois sur les savoirs locaux et sur le savoir des experts. Il existe aussi un réseau mis en place entre les habitants avec dans chaque zone une personne référente pour identifier les ours à problème et intervenir de façon réactive (jusqu'au prélèvement). L'accent a été mis sur la gestion préventive : éliminer tout ce qui peut attirer les ours, et sur la sécurité humaine : les réactions sont évidemment vives si trop d'attention est portée à l'ours et pas assez à l'homme. Les habitats prioritaires pour les ours ont été identifiés avec les propriétaires de ranches. Un de grands problèmes a été de gérer les carcasses d'animaux, 300 à 400 chevaux morts de mort naturelle par an : un programme de ramassage et de traitement a été mis en place. Une importante communication a été lancée avec écoles et les fermiers. Des ours trop proches des charniers ont dû être éliminés. 52 Le traitement des carcasses d'animaux domestiques, et sauvages (2 ou 3 cerfs par jour) tués sur la route se fait par compostage par strates de copeaux de bois et de carcasses, avec traitement séparé des carcasses d'animaux domestiques et sauvages. Il faut une semaine de fermentation pour 1 cheval. La température atteint 180°C. Le compost n'est pas utilisé en agriculture, mais incinéré en raison de la crainte d'ESB. Une enceinte électrifiée entoure le site de traitement et empêche les ours de se rapprocher. Il est interdit au public. 14 h Réunion sur la gestion des populations d'ours aux Etats-Unis et au Montana MISSOULA Christopher SERVHEEN, Responsable de la restauration de l'ours grizzly United States Wildlife and Fish Service (USWFS) Michael MADEL, Montana Fish and Wildlife and Parks John WALLER, responsable de la gestion des ours du Glacier National Park Le Glacier National Park, à la frontière canadienne, a été créé par le Congrès en 1910, sur 4100 Km2. Il reçoit 1,5 à 2 millions de visiteurs par an. Ce parc abrite comporte la plus forte densité de grizzlys d'Amérique du nord, avec 6 à 7 pour 100 Km2 et 6 ou 7 ours noirs pour 1 grizzly. Le plan de gestion des ours du parc a trois objectifs majeurs : - assurer la conservation à long terme du grizzly, - remplir les missions des parcs nationaux, - minimiser les conflits entre les ours et les hommes. La gestion des ours, c'est d'abord la gestion des hommes : l'éducation est la première priorité. Le plan repose donc sur l'éducation du public ; la gestion des poubelles et de la nourriture ; la gestion réglementaire (police, amende, contrôle) ; la gestion des ours. Le problème principal est lié aux activités récréatives de camping : tout visiteur ou campeur qui nourrit un ours ou abandonne de la nourriture reçoit une amende ; s'il y a beaucoup d'ours, on signalise ; on peut aussi fermer les chemins, notamment en présence d'une carcasse, pour assurer la tranquillité. A l'extérieur des limites du parc, on sécurise les poubelles non protégées et on surveille les dommages aux propriétés privées. La capture des ours à problème et leur relâcher (sur site) est une technique d'éducation de l'ours. Il y a deux grandes techniques de relâcher : - « hard release » (avec effarouchement : chiens de Carélie, tirs d'effarouchement) - « soft release » (sans effarouchement). Le principe est d'observer l'évolution du comportement des ours à problème, en essayant d'inverser la tendance à la familiarité et la dépendance. Quand cela ne suffit pas pour les ours « habitués » aux sources de nourriture non naturelle, agressifs vis-à-vis de l'homme ou devenus familiers, ces ours sont éliminéss, car ils ont une tendance à aller de plus en plus loin dans ce type de comportement. Sur 100 permanents et 300 saisonniers d'été, 1 permanent et l'équivalent de 8 saisonniers s'occupent à plein temps de l'ours au parc national des Glaciers. 53 En contrebas de la zone des Montagnes Rocheuses qui va du Montana à l'Alberta, au Canada, le Rocky Mountain Front, se trouve un important élevage extensif bovin et ovin. Dans ce territoire où la Prairie rejoint les Rocheuses, les grizzlys, qui hibernent haut en montagne, descendent au moment de mises bas du bétail : on compte ainsi 5 à 6 attaques sur veaux sur 20 000 têtes et 30 à 40 moutons par an sur 10 000 animaux. Il y a, à cette période, de nombreuses pertes naturelles liées au vêlage et les grizzlys viennent ainsi se nourrir sur les carcasses senties depuis une longue distance (plus de 20 km). On constate aussi des attaques de ruchers, des saccages de poubelles, des destruction de silos à grains, des dégâts sur les récoltes, d'autres dégâts aux propriétés privées et aux jardins, et des destructions de sites de camping. Auparavant, les conséquences de ces conflits se soldaient par l'élimination des ours, mais ces conflits ont fortement diminué depuis la mise en uvre du programme de restauration dans les années 80, en collaboration avec les communautés locales. L'objectif de ce programme est de développer des mesures en vue de maintenir la population de grizzlys dans la région. Il repose sur une cartographie des zones d'habitats à haute importance biologique pour les ours et a permis de mettre en place des techniques de prévention : - clôtures électriques -8000 V- fixes autour de tous les ruchers (pas d'attaque depuis 3 ans) et mobiles autour des zones de couchage des moutons (12 000 USD /an au total), - ramassage du bétail mort pour mettre les cadavres dans des zones interdites au public ou les disperser de façon aléatoire pour simuler une mort naturelle de faune sauvage, - mise en place de systèmes de protection pour les ordures, - éducation des campeurs sur la façon de rendre leur nourriture inaccessible aux ours, avec l'adoption de standards désormais obligatoires (nourriture suspendue à 100 yards des tentes, foyer de cuisson à 100 yards aussi), - utilisation de chiens de protection Patou et Athabasca, et de Carélie pour effaroucher les ours afin de les rendre plus craintifs, - capture des ours qui posent des problèmes et relocalisation (à courte distance : 30-40 miles) : ces ours sont alors équipés de colliers émetteurs. Il y a enfin un système d'indemnisation pris en charge par l'ONG « Defender's of Wildlife » « Défenseurs de la vie sauvage » -, alimentée par des fonds privés, qui rembourse les animaux prédatés au prix du marché (600 500 USD/an de dommages). Les dommages collatéraux et mortalités douteuses sont mentionnés dans le rapport d'investigations pré indemnisation. En cas de doute, on fait appel à une agence fédérale comportant des biologistes, pour une expertise conjointe fédéral-Etat. Malgré au départ des refus de principe de certains éleveurs d'être indemnisés, la majorité d'entre eux s'y sont maintenant ralliés. Le résultat de ce programme, mis en uvre de façon continue, malgré une résistance et des conflits très importants, c'est qu' il y a plus de grizzlys dans cette région qu'il y a 20 ans. 54 Les modalités de gestion d'une petite population d'ours ­donc intéressant particulièrement les Pyrénées- a ensuite été présentée à la Délégation. Situées à la frontière entre le Canada et les Etats-Unis, les Cabinets Mountains contiennent un noyau d'une dizaine d'individus. La présentation a porté sur la population de Selkirk (10 ours). La stratégie adoptée pour augmenter la population consiste à combiner trois mesures sur la population de Selkirk : - à court terme, renforcer la population (femelles sub-adultes) : 4 individus, âgés de 3 à 5 ans, ont été introduits, venant de 150 Km ; - à long terme, agir en vue de réduire la mortalité (prévention des conflits, des accidents liés à des rencontres avec l'homme ou aux accidents de la route) : c'est ce qui a le plus d'effet ; - susciter une connectivité avec d'autres noyaux de populations, ce qui réduit le plus efficacement le risque d'extinction. Pour une population de 1 à 50 individus, la gestion doit être intensive : - contrôle de la mortalité, - contrôle intensif des conflits, - communication importante avec le public, - opération de renforcement de population, - développement de la connectivité entre les habitats. Ces petites populations répondent lentement à ces mesures de gestion : le changement prend beaucoup de temps (plus de 20-30 ans). Mais la courbe décolle au delà d'un seuil entre 50 et 100 individus. D'où la difficulté considérable de la période de gestion intensive qui implique la combinaison de toutes les actions énumérées ci-dessus en même temps. Le simple renforcement de la population ne suffit pas pour faire la différence, pas plus que le contrôle de la mortalité à lui seul. Ce qui est décisif, c'est la simultanéité de ces mesures. Au-delà de 150 individus, c'est l'éducation du public et le contrôle de la mortalité qui font l'essentiel et l'accroissement est rapide si le contrôle de la mortalité est acquis. Il n'y a pas ici trop de conflit avec le bétail, mais la cause principale de mortalité est le braconnage (plus du tiers de la mortalité) et les conflits liés au pillage des ordures par les ours. Le suivi des mortalités permet de cibler les actions de prévention. Le principal problème est la rurbanisation qui amène les gens à construire dans des zones qui sont des habitats à ours. Dans les zones où la densité humaine est trop importante, il y a une limite sociale à la présence de l'ours et c'est pourquoi on peut affirmer que la restauration de la population d'ours n'est pas un problème biologique, c'est un problème social. Dans les opérations de réintroduction, il ne faut pas aborder les gens sur leur position (pour ou contre les ours), mais s'appuyer sur leurs intérêts : les gens veulent la sécurité, pouvoir chasser sans contrainte, ou continuer des activités récréatives de nature sans danger, et que les ours ne menacent pas leur emploi ; et c'est aussi ce que veulent les autorités. Lorsque le sujet est abordé de cette façon, on détermine un terrain d'entente commun parce qu'il n'est de l'intérêt de personne que les gens perdent leur emploi ou se sentent menacés par les ours. Dans le cadre défini par la loi de protection des espèces en danger d'extinction (ESA) qui fonde l'action de restauration, il faut chercher à trouver des moyens d'organiser la coexistence. 55 16 h Rencontre avec des représentants élus du Comté de Missoula MISSOULA James McCUBBIN, procureur adjoint du Comté Larry ANDERSON, Jean CURTISS, Bill CAREY, commissaires du Comté Patrick 0'HERREN, chargé des affaires rurales Le Comté de Missoula fait 2600 miles carrés et compte 108 000 habitants, en progression annuelle de 3%, soit 30 000 personnes en plus dans les 30 prochaines années. Il y a les mêmes espèces animales qu'il y a 200 ans. Tous ces animaux ont une présence importante dans le paysage. L'ours était là en premier, il a le droit de rester là. Beaucoup de gens s'installent à Missoula, notamment du fait de la qualité de la vie sauvage, et veulent construire là où il y a l'ours : c'est pourquoi des règlements existent pour l'interdire. On essaye de regrouper l'habitat : récemment, les élus du Comté ont mis 10 millions d'USD pour racheter des droits à lotir en terrain privé, pour une protection pérenne : 1 million USD a été dépensé en 1 an. A côté de cette action des pouvoirs publics, des gens fortunés achètent des lots de terre et en mettent une partie en protection, obtiennent une exonération d'impôts correspondant aux plusvalues de lotissement abandonnées. Dans la Swan Valley voisine, une zone corridor d'une chaîne de montagnes à une autre pour les grizzlys est reconnue et les gens sont dissuadés d'y construire. Beaucoup d'efforts sont employés à éduquer les gens qui vivent dans ces zones, éviter tout ce qui attirerait les ours, jusqu'aux mangeoires d'oiseaux , et notamment les déchets et les fruits. Les autorisations de construire relèvent d'une commission du Comté. Les autorisations de lotir sont refusées dans ces corridors. Si le développement n'est pas contrôlé, il y a destruction d'habitats d'ours. Si le régime d'autorisation n'existait pas, il y aurait beaucoup plus de conflits avec la faune sauvage. Cette fonction de l'administration fait l`objet de recours judiciaire de la part des particuliers. Il n'y a pas d'expropriation, mais possibilité d'échange. Dans la gestion des conflits, les conflits se terminent presque toujours par la mort de l'ours. Ou les ours déplacés reviennent. Ils ne recherchent pas le conflit, sauf quand ils perçoivent que l'espace est restreint. Les ours marqués permettent d'identifier les zones corridors , et prévenir les conflits dans ces zones critiques . Des lois sévères encadrent aussi la chasse. L'ours est un facteur positif pour le tourisme saisonnier. Le mouton a fortement diminué dans le Montana, par rapport au passé, et il remonte un peu. Il y avait beaucoup de moutons dans les années 1930, le pâturage était facilité par les feux de forêt. Le mouton utilisait des endroits éloignés qui ne sont plus utilisés. Il y avait peu de grizzlys à cette époque et l'élevage du mouton incitait à la destruction des prédateurs 56 Mercredi 27 février 2008 transfert de la délégation vers le parc national du Yellowstone Jeudi 28 février 2008 Réunions au quartier général du parc national du Yellowstone MAMMOTH HOT SPRINGS Chris LEHNERTZ, adjointe du Superintendant Kerry GUNTHER, responsable des ours au sein du parc Al NASH, chargé de communication La superficie du parc national du Yellowstone (près de 9 000 km2) est égale à celle de la Corse. Il est situé sur un haut plateau, à une moyenne de 2400 mètres d'altitude, avec un climat montagnard. 80 % de sa superficie est recouverte par la forêt. Il s'étend à cheval sur trois Etats, principalement le Wyoming, et aussi le Montana et l'Idaho. Il a reçu près de 3 millions de visiteurs en 2005. Célèbre pour ses phénomènes géothermiques (geysers), il abrite aussi de nombreux grands mammifères (loups, ours, bisons, pumas, wapitis,...) qui constituent l'autre raison de son attractivité. Il a été fondé en 1872 : c'est le premier parc national créé aux Etats-Unis et dans le monde. Il est géré, comme les autres parcs nationaux, par le National Park Service (NPS), qui dépend du ministère américain de l'Intérieur. Au-delà du parc, il faut considérer, pour la gestion des animaux, et notamment de l'ours, l' « écosystème Yellowstone », qui déborde de ses frontières sur le Wyoming et l'Idaho. On compte 600 ours dans l`écosystème Yellowstone. Depuis sa création, il y a eu beaucoup de conflits entre l'ours et l'homme. Dans les années 1890, les ours noirs et les grizzlys fréquentaient les poubelles d'hôtels et mendiaient. Le parc avait été créé pour les geysers, mais l'ours est devenu aussi une attraction. 57 Les gens attiraient les ours pour faire de belles photos. Les ours nourris devinrent plus gros et, certains jours, jusqu'à 3000 personnes étaient rassemblées à certains endroits pour les observer à proximité. De ce fait, attaques et blessures furent nombreuses et, de 1931 à 1969, près de 50 ours ont chaque année attaqué des personnes et près de 150 causaient des dommages aux biens. On a donc organisé reprise et déplacement d'ours. Mais déplacer un ours est délicat et il a fallu en éliminer ou en mettre en zoo : environ 3 grizzlys et 25 ours noirs par an. En 1970, un nouvel objectif a été fixé : maintenir des populations viables de grizzlys et d'ours noirs, en faisant en sorte que les ours retournent à leur subsistance naturelle pour réduire les incidents ours/homme. En1975, l'ours a été mis sur la liste des espèces en voie d'extinction. 30 ans plus tard, la population d'ours de Yellowstone s'est redressée sur le plan biologique et vivre avec le grizzly tout en permettant des activités récréatives est aujourd'hui effectif car on a écarté les sources d'alimentation humaine et réduit les dommages aux biens. L'un des points majeurs de ce plan d'actions est donc l'éducation du public pour éviter les contacts : nourrissage interdit, rendre inviolable les conteneurs de déchets, aménagement, sur les aires de camping, de dispositifs avec cordes et poulies pour suspendre la nourriture même si, de temps en temps, un ours apprend à couper les cordes ! -. De fait, si les « bouchons » routiers liés à l'observation d'ours (« bear jam ») sont passés de 100 en 1990 à 919 en 2004, le nombre de conflit grave est faible. Malgré les précautions, et en rapport avec le nombre d'ours présents, il y a 1 accident par an, 4 morts d'hommes depuis la création du parc, mais 5 accidents mortels par bison sur la même période (environ 4 700 têtes). Avec ces mesures, il y avait moins d'ours visibles le long des routes du Yellowstone et les visiteurs se sont plaints. On a donc changé la politique de gestion des espèces wapiti, bison, truite, pour apporter plus de nourriture aux ours. Les jeunes wapitis sont une source de nourriture importante au printemps. En 1975, on a réintroduit le loup qui régule le wapiti (de 20 000 à 8/9 000 aujourd'hui), l'ours prend les proies tuées par le loup, et cela évite le surpâturage. La pêche à la truite est autorisée, mais « no kill » : la population de truite augmente et va frayer dans les ruisseaux où l'ours la capture. Les loups ont fait revenir la population de cerfs à 8 000 ou 9 000 Des zones du parc sont temporairement fermées à la fréquentation : annuellement au printemps, les rivières de fraie des truites ; au cas par cas, les sites où bisons et wapitis viennent mourir, surtout près des geysers . Dans le parc, l'élimination d'ours était de 3 par an avant 1970, 4 dans les années 70, 1 en 1980 et actuellement, on en a éliminé 1 seul en 5 ans . L'ours à problèmes (maintenant celui qui va régulièrement aux tentes et campings) est normalement tué, mais il peut être aussi déplacé et équipé. 1/10 des grizzlys sont équipés d'émetteurs, avec 2 types d'émetteurs selon ce que l'on recherche. Les ours suivis sont répartis dans les différents secteurs du parc. 58 L'ours mâle adulte du Yellowstone a une nourriture carnée à 78% -la femelle adulte à 45%-, et prend les proies des loups, alors que l'ours du parc national des Glaciers, où la pluviosité est plus forte et la végétation plus riche, est végétarien à 90%. L'alimentation carnée des ours du Yellowstone comprend ongulés ­ce sont des animaux morts naturellement, souvent aux sources chaudes-, des proies faciles de très jeunes cervidés, mais aussi des cerfs adultes au brame pris par de gros ours-, truites, insectes ; et la végétale : racines et tubercules, fruits, feuilles. Il faut noter que la fécondité des ourses a augmenté avec l'augmentation d'ongulés proies. Le seul parc national ne représente que 40% de la surface occupée par les grizzlys dans l'écosystème Yellowstone. La population a cru linéairement de 138 en 1978 à 425 en 2004. Ils occupaient 15 400 km2 dans les années 1970, 34 000 depuis 2000. La population d'ours de l'écosystème Yellowstone est considérée comme viable, supérieure à 500, bien que certains généticiens disent qu'il faudrait 2000 individus. Si la chasse était restaurée, il faudrait stabiliser la population à 500 ours minimum, parc compris. Alors que seulement 6% des conflits sont en zone parc ­où il y a une réglementation et des budgets spécifiques et en plus du travail associatif et bénévole-, la majorité d'entre eux concerne les terrains privés de l'extérieur : c'est là que les enjeux sont les plus importants. Des ours qui sont sortis du parc ont été tués par des éleveurs de vaches et de moutons (l'écosystème Yellowstone comporte 10 000 à 20 000 moutons). Le vrai problème est l'aire de distribution qui s'étend, atteint des zones où les gens ont perdu l'habitude des prédateurs. Il faut tout recommencer à zéro avec eux, car enfants, animaux de compagnie, bétail posent problème. Hors parc, l'ours est suivi par une structure et plusieurs équipes, dont le parc national. Dans le Wyoming, l'administration fédérale travaille avec des ONG, là où il faut protéger des habitats vitaux pour l'ours. On déplace les ours prédateurs de moutons, et on installe des protections avant qu'ils reviennent. Des ONG aident les bergers et les remplacent pour la garde des moutons. Certaines ont proposé à des fermiers de racheter leurs propriétés. Indemnisations et clôtures électriques de parcage nocturne sont financées par l'Etat du Montana. Le coût de la gestion ours dans le parc : 7 personnes sur 80 rangers, et des gardes saisonniers a représenté 600 000 à 800 000 USD/an. 59 Vendredi 29 février 2008 11 h Rencontre au Secrétariat d'Etat du Montana HELENA Brad JOHNSON, Secrétaire d'Etat Ralph PECK, adjoint Pierre MATTOT, Consul adjoint à San Francisco Chantal DAVOINE-MOSER, Consule honoraire à Missoula et Ronald MOSER Séverine MURDOCH, Consule honoraire à Dubois - Wyoming Bert et Peggy GUTHRIE, éleveurs Le Secrétaire d'Etat ­l'équivalent d'un Ministre de l'Intérieur- salue la Délégation et la remercie de sa visite. Il présente l'Etat du Montana et indique que son économie traditionnelle demeure l'agriculture et l'élevage. Son PIB est diversifié : 50% d'industrie, 30% d'agriculture, 20% de tourisme. Dans les recettes fiscales de 2007, un surplus de 3 milliards d'USD est dû à l'extraction du pétrole et du gaz. S'il n'y a pas de conflit pétrole/tourisme, c'est parce que les principaux gisements de pétrole sont dans le nord-est, qui n'est pas touristique. S'il y en avait dans les Rocheuses, de graves conflits se feraient jour. Il témoigne d'une situation mixte et en évolution entre une économie traditionnelle propre à cet Etat rural et une économie nouvelle comme le tourisme, en plein essor. Il rappelle que le grizzly a été réintroduit dans les années 70. L'Etat comportant de vastes territoires, le partage entre élevage et vie des grands prédateurs en est facilité. Cependant, il y a des conflits et sa position est modérée : on ne peut pas retourner dans le passé où on tuait des ours et s'il y avait moins d'ours, il y aurait un peu moins de touristes. Pour autant, l'effectif actuel de grizzlys lui paraît suffisant, pour éviter plus de contraintes. L'ours fait surtout débat dans le milieu agricole, alors que la population est à 70% pour. Il faut discuter sans aspect émotionnel, ce qui conduit souvent à de mauvaises politiques. Le couple d'éleveurs présents, en retraite, exploitait 10 000 acres, dont 3000 acres loués à l'Etat. Il possédait 2000 moutons et affirme en avoir perdu 30% par prédation, principalement du grizzly. Il a pratiquement abandonné cet élevage, avec 250 têtes. Il estime que la protection contre l'ours sur sa propriété privée n'est pas de sa responsabilité, mais du ressort de l'Etat et des contribuables. Il a toujours refusé les indemnisations des ONG : accepter leur argent, c'est accepter l'ours. L'éleveur qui loue des terres à l'Etat doit assumer le risque de prédation et la protection sur les terrains de l'Etat. Il est pour lui facile d'être pour l'ours quand on n'est pas propriétaire. Il estime que les bisons de Yellowstone transmettent des maladies aux bovins domestiques, mais qu'ils sont heureusement éliminés quand ils sortent des limites du parc. Dans les 35 dernières années, la population agricole a beaucoup décliné et il le déplore. Les éleveurs ont peu de subventions, les subventions fédérales allant aux céréales pour maintenir 60 des prix bas dans l'alimentation, depuis F-D. Roosevelt. Il faut noter que les prix du blé ont récemment augmenté, mais les charges aussi. 18 h 30 Réunion de synthèse MISSOULA Christopher SERVHEEN En guise de conclusion de ce déplacement aux Etats-Unis, Christopher Servheen ­ qui connaît bien les Pyrénées pour y être venu en mission d'expertise pour l'Etat français, a présenté à la Délégation quelques recommandations pour la gestion de la petite population française d'ours : isoler quelques territoires-coeurs de fréquentation régulière de l'ours de l'élevage et d'un minimum de dérangement humain. Ces zones devraient être au minimum 2 à 3 fois la superficie nécessaire à une femelle et sécurisées au sein de chacun des noyaux souhaités pour les ours. protéger les moutons dans ces zones par des clôtures électriques pendant la nuit et les accompagner grâce à des bergers et des chiens pendant la journée. Si les éleveurs ne l'acceptent pas, il n'y a pas de raison de les indemniser pour les pertes qu'ils subissent. s'accorder avec les éleveurs pour des mesures de protection et des conditions identiques dans les zones entourant ces c urs de fréquentation des ours. chercher à reconnecter les deux noyaux de population des Pyrénées, pas obligatoirement de façon continue, mais en les considérant ensemble comme une « métapopulation » fonctionnant avec des liaisons occasionnelles entre les noyaux. - - Il lui paraît en tout cas impossible de maintenir des ours au voisinage des troupeaux sans clôture électrique la nuit, et bergers et chiens le jour. Le mouton est une proie trop facile pour l'ours, c'est comme un bonbon pour un enfant et il va l'attaquer inévitablement si le mouton n'est pas protégé. C'est pourquoi il ne faut pas introduire d'autres ours, tant qu'on n'a pas réglé la situation du mouton. Il faut sécuriser les zones à moutons, obtenir l'accord des éleveurs et des bergers pour cette sécurisation et conduire ces actions pendant 5 ans au moins. Le schéma suivant présente trois zones de gestion : les ours des territoires-c urs constituent l'objectif premier de gestion et les autres usages de l'espace viennent après. - S'il y a un conflit dans ces zones, il doit se résoudre en faveur de l'ours ; - S'il y a un conflit dans les zones situées en dehors de ce c ur, mais où les ours peuvent venir, il peut se résoudre, soit en faveur de l'ours, soit en faveur de l'éleveur, en fonction du problème ; - S'il y a un conflit dans les zones où l'ours n'est pas attendu, il est déplacé ou éliminé en fonction du problème posé par cet ours et de son histoire. Des liaisons occasionnelles entre les noyaux sont par ailleurs souhaitables dans la perspective d'une « métapopulation » fonctionnelle. 61 Il faut capturer l'ours familier ou à problèmes avant qu'un incident n'arrive. Ne pas remplacer l'ours défectueux éliminé, mais remplacer l'ours braconné. En cas de réintroduction, le bon âge est 3 à 5 ans pour les femelles ; la fixation des mâles est plus difficile. Par ailleurs, on gère une population biologique et non des individus, avec un accompagnement affectif : leur donner des noms pose un problème. . 63 ANNEXE 6 : ANALYSE JURIDIQUE DE LA SITUATION ACTUELLE VIS-A-VIS DES EXIGENCES EUROPEENNES ET INTERNATIONALES La réalité des menaces pesant sur la France en cas, soit de disparition de l'ours, soit de non-réintroduction, interrogeant par là-même le caractère contraignant ou non des engagements européens et internationaux de la France vis à vis de la réintroduction de l'ours, a été fréquemment abordée par les interlocuteurs de la mission. C'est pourquoi il lui a semblé opportun de rédiger cette note, avec le concours du Service des affaires juridiques du ministère. L'article 2 de la directive Habitats 2 indique : « les mesures prises en vertu de la présente directive visent à assurer le maintien ou le rétablissement, dans un état de conservation favorable, des habitats naturels et des espèces de faune et de flore sauvages d'intérêt communautaire ». L'annexe II de la directive indique que l'ours (ursus arctos) est une espèce d'intérêt communautaire, nécessitant la désignation de zones spéciales de conservation (ZSC). Ces ZSC sont parties intégrantes du réseau Natura 2000. L'article 12 indique par ailleurs que les Etats membres « prennent les mesures nécessaires pour instaurer un système de protection stricte des espèces animales figurant à l'annexe IV point a) ­ l'ours y figure -, dans leur aire de répartition naturelle, interdisant : - toute forme de capture ou de mise à mort intentionnelle de spécimens de ces espèces dans la nature, - la perturbation intentionnelle de ces espèces notamment durant la période de reproduction, de dépendance, d'hibernation et de migration, - la détérioration ou la destruction des sites de reproduction ou des aires de repos ». Même si la réintroduction en vue du renforcement de la population d'une espèce n'est pas explicitement exigée par un article spécifique, ni même mentionnée dans l'article 2, elle peut être considérée comme un corollaire des dispositions de cet article visant au maintien ou rétablissement d'un état de conservation favorable puisque la population de l'ours n'est pas aujourd'hui en « état de conservation favorable », c'est-à-dire viable. Cet article 2 indique ce à quoi un Etat membre est tenu a minima. Il n'indique pas ce que cet Etat encourt s'il ne fait pas (de réintroduction). Si aucun recours -aucun pays n'a jusqu'à ce jour été condamné par l'Union européenne pour ne pas avoir réintroduit d'espèce d'intérêt communautaire- n'a été formulé envers une non-réintroduction, il n'est pas pour autant possible d'en préjuger que cela ne peut se faire, ni ne se ferait pas. De même, l'article 6 de la Convention de Berne3 indique : « Chaque partie contractante prend les mesures législatives et réglementaires appropriées et nécessaires pour assurer la conservation particulière des espèces de faune sauvage énumérées dans l'annexe II ­ dont toutes les espèces d'ursidés -. Seront notamment interdits, pour ces espèces : - toute forme de capture intentionnelle, de détention et de mise à mort intentionnelle, - la détérioration ou la destruction intentionnelle des sites de reproduction ou des aires de repos, - la perturbation intentionnelle de la faune sauvage, notamment durant la période de reproduction, de dépendance et d'hibernation, pour autant que la perturbation ait un effet significatif eu égard aux objectifs de la présente Convention » . Directive 92/43/CEE du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages. 3 Convention du 19 septembre 1979relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l'Europe. 2 64 L'article 11 précise que « Chaque partie contractante s'engage à encourager la réintroduction des espèces indigènes de la flore et de la faune sauvages lorsque cette mesure contribuerait à la conservation d'une espèce menacée d'extinction...et à contrôler strictement l'introduction d'une espèce non indigène ». Si le terme de réintroduction est ici explicite, un débat pourrait s'instaurer sur la nature du terme « indigène » : est-il synonyme d'autochtone ?, mais ce débat n'a plus lieu d'être dès lors qu'on parle d'introduction d'espèce « non indigène ». Par ailleurs, il faut rappeler l'ordonnance du Conseil d'Etat du 9 mai 2006 rejetant la requête formée par la Fédération transpyrénéenne des éleveurs de montagne et autres aux fins d'obtenir la suspension de la « décision ministérielle en date du 13 mars 2006 de lâcher cinq ours dans le massif pyrénéen », en « considérant que, compte tenu, en premier lieu, du fait que l'Ursus arctos figure aussi bien au nombre des espèces mentionnées à l'annexe II de la Convention de Berne vis à vis desquelles l'Etat s'est engagé sur le plan international à assurer la conservation particulière, que parmi celles d'intérêt communautaire nécessitant une protection stricte énumérées à l'annexe IV de la Directive Habitats, en deuxième lieu, de la concertation conduite à l'égard des élus et des populations elles-mêmes depuis février 2005 et, en troisième lieu, des mesures prises pour prévenir et réparer les conséquences dommageables pouvant résulter du maintien de la population ursine, les différents moyens invoqués à l'encontre de la décision contestée ne sont pas propres à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à sa légalité ». Cependant, il faut aussi souligner4 que l'article 11 précité de la Convention de Berne émet une condition d'application : « Dans l'exécution des dispositions de la présente Convention, les Parties contractantes s'engagent à :(...) à encourager la réintroduction des espèces indigènes de la flore et de la faune sauvages lorsque cette mesure contribuerait à la conservation d'une espèce menacée d'extinction, à condition de procéder au préalable et au regard des expériences d'autres Parties contractantes à une étude en vue de rechercher si une telle réintroduction serait efficace et acceptable ». Le terme « étude » peut recouvrir beaucoup de choses et cette condition a été plaidée par les requérants cités supra. En l'occurrence, le Conseil d'Etat a répondu, mais sans référence explicite à cette partie de l'article 11, en mentionnant notamment deux documents : le rapport établi par l'Inspection générale de l'environnement et le Conseil général du génie rural des eaux et des forêts de mai 2005 relatif à la concertation préalable, et le Plan de renforcement lui-même, largement diffusé, et les différentes mesures qu'il contient. Comme l'a fait Augustin Bonrepaux, député de l'Ariège, dans son rapport d'information du 13 décembre 2006 sur le coût administratif de la réintroduction de l'ours dans les Pyrénées. 4 65 ANNEXE 7 : ETUDE5 PREALABLE D'OURS DANS LE TRENTIN AU RENFORCEMENT DE LA POPULATION Cette annexe présente l'étude réalisée en 2000, préparatoire au renforcement de la population d'ours dans le Trentin, avec ses deux aspects : définition des territoires de présence ­c'est ce qu'est en train de réaliser l'ONCFS/ETO dans le cadre d'une thèse référée dans le rapport en 4.3.4- ; acceptabilité et faisabilité. L'étude concerne un territoire de 6495 km2, avec le parc naturel Adamello Brenta en zone centrale. Les limites de ce territoire sont définies par des zones d'habitat humain dense. La population est de 58hab/km2, en excluant Trento et Bolzano. La fréquentation touristique est basée les nuitées et repas, y compris en refuges d'altitude ; les activités agricoles sont évaluées par les productions végétales et animales, au niveau communal ; l'activité chasse est décrite par types de chasse et nombre de sorties. La protection de l'ours a été édictée en Italie en 1939. 192 ours ont été tués dans le Trentin dans les 150 ans précédents, dont 84 dans la Brenta. 15 individus subsistaient en 1970. Pour estimer si le territoire pouvait accueillir une population d'ours, un modèle d'habitat a été calé par l'utilisation des données de présence des ours collectées durant les 20 dernières années. Le modèle subdivise pour cela le territoire en 2 581 carrés de 25 hectares, sur chacun desquels sont quantifiés des paramètres du milieu et anthropiques : classes d'altitude, de pente, climat, détail des peuplements forestiers ; un indice de complexité morphologique du territoire est donné par le nombre d'expositions différentes présentes sur le carré. La disponibilité alimentaire est très difficile à caractériser : les seules sources sont la densité de gibier, l'ours se nourrissant de 10 à 30 % d'ongulés sauvages, vivants ou cadavres. La prédation sur le bétail domestique concerne essentiellement les ovins. Le dérangement anthropique est difficilement mesurable : par l'ensemble du réseau routier et des pistes forestières, qui donne la densité de voirie par unité de superficie (km/km2). Les carrés sont caractérisés par la présence ou l'absence d'ours, par des paramètres d'environnement et de présence anthropique. Une analyse de variance donne des différences entre ours et sans ours pour : aires agricoles, bois de feuillus, zones urbanisées, densité de bovins, d'équins et moutons, densité de population, nuitées, densité du réseau routier. Le modèle individualise, en deux phases distinctes, les habitats naturels favorables à l'ours, et les surfaces caractérisées par un dérangement excessif ; ceci permet de déterminer les zones où un effort sur la tranquillité a le plus de chance d'être efficace, parce qu'elle concerne des surfaces biologiquement favorables, de celles où le milieu est limitant. Le modèle identifie 1700 km2 de surface favorable à l'ours, avec une densité de 2 à 3 individus pour 100 km2. Cette surface peut accueillir de 34 à 51 ours, ou de 79 à118 en incluant des territoires périphériques moins favorables.. Plusieurs décennies seront nécessaires pour atteindre 70 individus. A moyen terme, la jonction avec la population des Alpes orientales est escomptée, améliorant la probabilité de survie. 5 Cette étude « de faisabilité pour la réintroduction de l'ours brun dans les Alpes centrales » a été réalisée par l'Institut national italien pour la faune sauvage - Eugenio Dupré, Piero Genovesi, Luca Pedrotti - 2000. 66 L'évaluation du coût du projet a associé l'expertise privée, elle prend en compte les coûts directs et l'impact potentiel sur les activités humaines, pour le délai nécessaire à l'établissement d'une population de 50 individus ; le coût prévisionnel des dommages aux activités humaines ont été estimés sur la base des coûts recueillis dans des projets similaires de translocation en Autriche et en France. Le coût du projet est potentiellement très élevé, entre 1 422 000 et 5 482 000 , écart dû principalement à l'incertitude des dégâts sur le bétail par les ours à problèmes, à la pression humaine, au braconnage, à l'accroissement de la population, ce qui peut allonger significativement le temps nécessaire à l'atteinte d'une population minimale viable. Les aspects humains ont été examinés avec soin ; la pression humaine représente nettement le principal facteur de la dynamique de la population ursine dans ce territoire, du fait que les Alpes centrales sont probablement le territoire ayant la plus forte pression humaine sur l'habitat de l'ours brun. Une enquête d'opinion a donné 75% d'opinions favorables, et 80% si les ours restaient équipés. L'étude conclut à une bonne probabilité de réussite ; les mesures prises pour le renforcement accroissant aussi les chances de survie des ours arrivant naturellement dans la zone. Le cadre juridique a été actualisé. Le fonds d'indemnisation a été provisionné. Le dérangement humain est un facteur critique. Il peut être cas d'échec, ainsi toutes les mesures visant à résoudre les conflits entre ours et humains sont prioritaires, et une bonne information doit être assurée. Le risque d'attaque d'humains, faible, conduit à prévoir toutes les mesures possibles : sélection des ours à relâcher, équipe d'urgence, information sur le comportement à tenir en cas de rencontre. Les recommandations furent de lâcher 9 ours en 4 ans, avec un suivi post-lâcher attentif et intensif. Une révision du projet est prévue en cas d'accroissement très faible ou perte par braconnage. 67 ANNEXE 8 : DEFINITION DES TERRITOIRES DE PRESENCE A partir des analyses de Christopher Servheen appliquées en 1996 à la zone du HautBéarn, la mission propose une méthode de caractérisation des massifs forestiers sur l'ensemble du massif pyrénéen. Cette méthode comprend deux phases, qui sont résumées pages 24 et 25 du rapport. PHASE 1 : MISE EN EVIDENCE DE LA COMPACITE FORESTIERE a - l'analyse du milieu faite dans l'étude AScA Les travaux de Christopher Servheen, adaptés du grizzly aux ours européens (étude AScA6Béarn - 1996) visaient à déterminer, vis à vis d'un milieu forestier morcelé et imbriqué avec des espaces ouverts, quelle était l'utilisation de cet habitat par l'ours, dans la mesure où la valeur pour l'ours de l'habitat forestier est déterminé par sa taille et par la connexion entre les divers blocs forestiers au sein de cet habitat. L'étude AScA a procédé à une évaluation de l'accessibilité des forêts existantes et de l'efficacité de l'habitat à garantir la sécurité des ours. De petites unités forestières sont d'une faible valeur pour l'ours dans la mesure où leur taille est insuffisante au regard de l'aire nécessaire pour ses activités normales, et, de manière plus importante, ces petites unités forestières offrent peu de sécurité aux ours du fait du dérangement occasionné aux ours par les activités humaines. Ce mode d'analyse est basé sur le comportement alimentaire de l'ours. Les valeurs-seuil de taille des massifs forestiers et de connexion sont déterminées d'après les déplacements des ours en 24 h. En l'absence de données directes sur les déplacements effectués par les ours, données qui sont maintenant disponibles par analyse des résultats de télémétrie, l'hypothèse était faite que la zone prospectée en 24 h par un individu est directement proportionnelle au « territoire moyen » occupé par l'animal, territoire moyen qui est l'inverse de la densité de population (en fait, les territoires utilisés individuellement par les ours sont notablement plus grands et se superposent largement, mais cela ne contredit pas la notion de proportionnalité). Les distances et surfaces déterminées résultent d'une proportion faite sur l'utilisation du territoire, avec les densités respectives d'ours dans un territoire américain, et des densités rencontrées en Europe centrale (Roumanie) : pour la population d'ours du nord-ouest des USA : densité de 1 pour 64,75 km2, et surface exploitée alimentairement en 24 h : 10,1 km2. pour des populations d'ours en Europe centrale : densité moyenne de 1 pour 12 km2, et surface exploitée alimentairement en 24 h : 10,1* 12/64, 75 = 1,87 km2. On considère ainsi que les femelles suitées, animaux les plus exigeants en alimentation et en tranquillité, n'utilisent pas de massifs forestiers compacts de moins de 187 ha d'un seul tenant, et que ces massifs ne sont utilisés que si leur distance à un autre massif utilisable est inférieure à 771 mètres, distance équivalente au rayon d'un massif de contour circulaire de 187 ha, distance de référence. 6 Etat des lieux de la population ursine et de son habitat dans le Haut-Béarn ­ Stratégies de conservation et de renforcement éventuel (dite Etude AscA) ­ mars 1996 ­ rapport pour l'IPHB et le Syndicat mixte du HautBéarn ­ Auteurs : bureau d'études AscA, UICN, Université du Montana : Xavier Poux, Isabelle Dubien, en collaboration avec Christopher Servheen. 68 L'application de ce mode d'analyse au Haut Béarn en 1996 s'appliquait bien au territoire effectivement occupé par les ours actuels, l'aire de présence régulière de l'ours correspondait aux massifs compacts, y compris la zone tampon, et les sites vitaux d'activité se localisaient dans les surfaces forestières les plus importantes. Cette méthode simple permet de caractériser globalement l'utilisation par l'ours des espaces forestiers pyrénéens. b - l'adaptation faite pour caractériser les massifs forestiers sur le massif pyrénéen Pour représenter les surfaces boisées utilisées, l'étude AScA utilisait une image satellite SPOT, qui a nécessité un traitement informatique et une validation locale. La mission 2008 a utilisé les données de l'inventaire forestier national 1996, qui sont validées par les enquêtes de terrain de l'Inventaire forestier national. Pour trouver la distance parcourue en 24 h, les suivis radio faits suite aux lâchers permettent d'accéder directement à une évaluation de cette distance. Ces suivis radio faits depuis 1994 dans les Pyrénées, et dans le Trentin depuis 2000, sur les animaux réintroduits, conduisent à enregistrer des distances de déplacement un peu plus grandes7 que dans l'étude AScA, de l'ordre de 2 km par 24 h (avec une forte variabilité individuelle, saisonnière, journalière), en relation avec une capacité d'accueil du milieu forestier plus faible qu'en Europe centrale. La mission a donc interprété cette distance de déplacement par la non utilisation des massifs d'une surface de moins de 314 ha, équivalente à celle d'un massif de 2 km de diamètre. Autour des massifs forestiers sélectionnés comme pouvant être utilisés, une bande de 1000m de largeur est susceptible d'être exploitée par l'ours pendant la période nocturne. Cette bande tampon est bien sûr réduite en cas d'installations et d'activités humaines. Un traitement informatique appliquant ces critères de taille (314ha minimum) et de connexion des massifs (distance inférieure à 1000m) aide ainsi à préciser la zone « potentiellement occupable » par l'ours dans les Pyrénées françaises, sachant que les études en cours devraient, au delà, largement préciser la capacité d'accueil du milieu, en fonction des capacités alimentaires pour l'ours du milieu forestier et du dérangement lié aux diverses activités. La compacité des massifs forestiers est aussi appréciée par rapport à cette largeur de 1000m : des versants forestiers dont la largeur (plus petite dimension, correspondant en général à la direction de plus grande pente) est de l'ordre de 1000m, sont continus, mais non compacts, et l'habitat de l'ours y comporte le maximum d'interface avec les estives d'une part, les fonds de vallée d'autre part. Cette approche a essentiellement une valeur comparative, mais le choix d'autres paramètres, traduisant des distances un peu différentes de déplacement des animaux en 24h, n'induirait pas de modifications significatives. Il s'agit essentiellement d'écarter les massifs forestiers trop réduits pour intéresser l'ours, et de figurer la zone en bordure des massifs forestiers compacts, couramment fréquentée par l'ours lors de ses déplacements alimentaires. Ourses du lâcher Pyrénées 1996 : 1,4 Km/24h en 1997, 2,6 Km/ 24h en 1998 ; ourses du lâcher Pyrénées 2006 : 2,21 et 2,74. Données du Trentin sur deux ourses : 0,8 à 1,9 Km/24h et 1,3 à 2,6 Km/24h. En période d'activité, et hors phase initiale de prospection. 7 69 Dans les Hautes-Pyrénées Les vallées des Gaves de Gavarnie et de Cauterets comportent des forêts de versants, massifs continus, mais étroits et non connectés entre eux. La vallée d'Aure comporte des massifs distincts, mais connectés selon le critère retenu, le milieu boisé approche la frontière dans le Rioumajou. Les massifs de l'Estibète, de l'Hautacam et des Baronnies portent des massifs forestiers assez étendus, mais imbriqués de milieux ouverts. A l'est, la Barousse comporte une forte densité et compacité forestière, continue avec le Haut Comminges. En Haute-Garonne Le Haut Comminges est très boisé, le massif est compact et connecté au Val d'Aran et au Couserans. En Ariège Le Couserans comporte un seul massif compact, de grande étendue, qui se rapproche de la frontière Espagnole par les vallées. La Haute Ariège comporte un massif important, en rive droite de l'Ariège (versant nord ). Les flancs de la vallée de Vicdessos constituent un massif moins compact. Un autre massif important s'étend au nord est, du Pays d'Olmes à Bélesta, et se prolonge par le pays de Sault dans l'Aude. A l'est, le Quérigut par les forêts des Hares et du Carcanet, est en connexion avec les massifs de l'Aude et des Pyrénées-Orientales. Dans l'Aude Un massif forestier important s'étend entre les gorges du Rébenty et les gorges de l'Aude . Dans les Pyrénées-Orientales Le Capcir comporte plusieurs massifs étendus et reliés entre eux L'ensemble constitué par le Quérigut en Ariège, et les territoires voisins de l'Aude et des Pyrénées-Orientales, constitue un massif de forte densité forestière, actuellement concerné par la présence régulière, mais saisonnière, de l'ours. Les massifs étendus des monts d'Olmes, Bélesta en Ariège, Pays de Sault dans l'Aude, ne sont pas concernés actuellement par la présence d'ours, et bien que présentant une forte compacité et continuité, justifient une approche plus fine, prenant en compte le relief modéré ainsi que la nature des activités humaines dans les milieux non forestiers. Le massif des Albères, dans les Pyrénées-Orientales, présente suivant cette approche une forte compacité, et serait peu parcouru par les troupeaux. Il comporte des milieux forestiers méditerranéens très différents des forêts de moyenne et haute montagne des PyrénéesCentrales et Occidentales, et n'est pas concerné actuellement par la présence de l'ours. 71 Par ailleurs, sur l'ensemble de la chaîne, la zone d'altitude inférieure à 600m, qui correspond globalement, à l'exception de la part du massif de Plantaurel au nord de Saint-Girons, au territoire situé au nord d'une ligne joignant Oloron à Saint-Paul de Fenouillet 8 , ne comporte selon ces critères que des espaces forestiers peu compacts, imbriqués avec des espaces cultivés. En piémont ou en plaine, la vie de l'ours est possible (les ours croates qui appartiennent à la même population que les ours slovènes se trouvent jusqu'au littoral méditerranéen). Mais les surfaces forestières présentes dans les milieux de piémont ou de plaine au nord des Pyrénées ne présentent pas de compacité, d'où une forte probabilité de dérangement ; la carte 3 (placée dans le rapport) y visualise des zones tampon de surface équivalente à la superficie forestière, qui correspondent en plaine à des zones cultivées ou urbanisées ; la densité de population humaine est forte et le réseau routier important. D'autre part, la disponibilité alimentaire pour l'ours sur l'année n'est pas prouvée. La présence de l'ours ne paraît possible de façon compatible avec les activités humaines qu'au dessus 600m d'altitude environ. PHASE 2 : PRISE EN COMPTE DE L'ACTIVITE PASTORALE. Dans les départements pyrénéens, espaces boisés et estives s'imbriquent et se superposent. La superposition cartographique (carte 5) des surfaces pastorales (Enquête pastorale 1999 ­ DATAR - Ministère de l'Agriculture - SUAIA Pyrénées) avec les massifs forestiers identifiés ci-dessus complète, à une échelle globale, la caractérisation de ces territoires. L'approche est cependant approximative dans la mesure où les surfaces pastorales ne distinguent pas les espèces utilisatrices, ni les modes de conduite des troupeaux, alors que les ovins non gardés sont sensibles à la prédation et que les bovins le sont beaucoup moins. Toutefois, dans les Pyrénées-Atlantiques, l'élevage ovin est très majoritairement laitier ; les estives de haute altitude des Pyrénées-Centrales sont à ovin viande ; les bovins sont prépondérants dans les Pyrénées-Orientales. Dans l'analyse, une partie des surfaces forestières apparaît pâturée, il peut s'agir, soit de pâturage en milieu boisé, soit de pâturages sur anciennes prairies de fauche intermédiaires, indiscernables à cette échelle. Oloron-Arudy-Lourdes-Lannemezan-St.Gaudens-St.Girons-Foix-Lavelanet-Bélesta-Quillan-St.Paul Fenouillet. 8 de 72 SYNTHESE DES PHASES 1 ET 2 De cette analyse globale fondée sur des documents cartographiques, il ressort que les Pyrénées-Centrales comportent un espace forestier unique dans le massif pour son étendue et sa continuité, où l'imbrication de l'espace forestier et de l'espace pastoral paraît être la plus faible. Toutefois, ce massif est densément traversé de routes, et comporte un habitat dispersé important. Ce territoire occupe 180 000ha (1 800 km2), boisé sur 120 000 ha, soit 66%. Le Haut-Béarn, sur une étendue plus réduite, présente une continuité forestière le long des deux vallées d'Aspe et Ossau, depuis les altitudes basses jusqu'à la frontière espagnole. Ce territoire occidental occupe 84000 ha (840 km2), boisé sur 30 000 ha, soit 36%. Les Hautes-Pyrénées juxtaposent des massifs de haute altitude peu forestiers, avec des massifs périphériques où surfaces forestières et pastorales sont très imbriquées. Les Pyrénées centrales : Haut Comminges-Couserans représentent, selon les deux critères, l'espace le plus favorable à l'habitat d'une population d'ours. Le Haut-Béarn représente le deuxième espace, plus restreint, présentant ces caractéristiques Le massif forestier à l'ouest de la chaîne, imbriqué d'espaces ouverts, bien que fréquenté par des troupeaux sur de vastes surfaces forestières, notamment dans sa partie sud, paraît être potentiellement assez étendu pour accueillir un extension du noyau d'ours des Pyrénées-Centrales. Ce territoire oriental occupe 105 000 ha (1050 km2), boisé sur 59 000 ha, soit 56%. L'essentiel du département des Hautes-Pyrénées, la vallée de l'Ariège et le Vicdessos en Ariège, bien que fréquentés par les ours, seraient à exclure des territoires de présence souhaités, en raison de la faible compacité des espaces forestiers et de l'importance des surfaces d'estive, notamment en milieu boisé et de l'élevage ovin . Les territoires de présence ainsi identifiés sont localisés au niveau du massif sur la carte 3, placée dans le rapport lui-même. Elle présente l'ensemble de la chaîne pyrénéenne, représente les massifs forestiers sélectionnés par compacité, la zone tampon, les estives, l'isoligne 600m, l'axe routier « Oloron ­Fenouillet ». Les cartes 6 à 11, placées supra dans cette annexe 8, détaillent le territoire pyrénéen, avec les mêmes thèmes. Pour caractériser la consistance des territoires concernés (superficies totales et forestières détaillées ci-dessus), ces territoires ont été représentés par les massifs et sous-massifs ONCFS (cartes 12, 13 et 14 ci-après), en prenant en compte les territoires de présence continue des ours 2002-2006. 80 ANNEXE 9 : PERSONNES ET ORGANISMES RENCONTRES (en dehors de celles ayant participé aux déplacements) 10 septembre 2007 Jean-François CARENCO , Préfet de la Haute Garonne, Préfet de Région Midi-Pyrénées Dominique PELISSIE, directeur régional de l'agriculture et de la forêt Midi-Pyrénées André BACHOC, directeur régional de l'environnement Midi-Pyrénées, Thierry GALIBERT, directeur-adjoint, Evelyne SANCHIS, chargée de mission, Dominique GENTIER, assistante DIREN 12 septembre Michel DANTIN, Conseiller Technique au Cabinet du Ministre de l'Agriculture et de la Pêche 12 octobre Hugues BOUZIGES, Préfet des Pyrénées-Orientales 17 octobre Rencontre avec le Bureau de l'Association nationale des élus de la montagne (ANEM) : Martial SADDIER, président, Henri NAYROU, secrétaire général, Chantal ROBIN-RODRIGO, Frédérique MASSAT, René RETTIG, Pierre BRETEL, directeur, Hervé BENOIST, chargé de mission 17 et 18 octobre Déplacement dans le Trentin (Italie) : préparation de la mission d'évaluation comparative Rencontre avec Romano MAZE directeur, Maurizio ZANIN, Claudio GROFF, Lorenzo VALENTI, du Service Forêt Faune de la Province de Trente 23 et 24 octobre Déplacement en Asturies (Espagne) : préparation de la mission d'évaluation comparative. Rencontre avec Juan José ARECES du Ministère espagnol de l'Environnement, José GARCIA GAONA, Directeur, Teresa SANCHEZ COROMINAS, Juan Carlos DEL CAMPO, Miguel FERNANDEZ OTERO des Services de la Principauté des Asturies, Belarmino FERVIENSA, Maire de Somiedo 26 octobre Déplacement en Slovénie : préparation de la mission d'évaluation comparative Rencontre avec Chantal de BOURMONT, Ambassadrice de France, Louis Charles ARRIVE, adjoint au Chef de la mission économique et Marine REBOUL, assistante, Janez KASTELIC Directeur de la nature et des paysages, Marko JONOZOVIC de l'Institut Forestier 6 Novembre Marc CABANE, Préfet des Pyrénées-Atlantiques, Jean-Luc TRONCO, Sous Préfet d'Oloron-SainteMarie Marc TISSEYRE, directeur départemental de l'agriculture et de la forêt des Hautes-Pyrénées. Emmanuel DIDON, adjoint au DDAF des Hautes-Pyrénées. 8 novembre Jean-François VALETTE, Préfet de l'Ariège Mickaël DORE , Sous Préfet de Saint-Girons Philippe QUAINON, directeur départemental de l'équipement et de l'agriculture de l'Ariège Anne CHENE, ingénieure à la DDEA de l'Ariège 20 novembre Gilbert SIMON, vice-président de l'association FERUS Bertrand AUBAN, sénateur de la Haute-Garonne, maire d'Eup 84 18 décembre Jean-François CARENCO, préfet de la région Midi-Pyrénées André BACHOC, directeur régional de l'environnement, Thierry GALIBERT, directeur-adjoint, Evelyne SANCHIS, chargée de mission, Dominique GENTIER, assistante DIREN 15 janvier 2008 Georges DHOM, éleveur d'ovins à Orincles (Hautes-Pyrénées) Patrice JEANDEAUX, éleveur d'ovins à Arrodets es Angles (Hautes-Pyrénées) Patrice MERIGAUX, éleveur d'ovins à Gez es Angles (Hautes-Pyrénées) 16 janvier 2008 Lucie BERGEZ BENEBIG, Laurent MONTREPOS, éleveurs à Arette Yannick LAMAZOU, éleveur, Pierre BONNEAU, berger, à Lucq-de-Béarn, Jean-Luc TRONCO, sous-préfet d'Oloron-Sainte-Marie Didier HERVE, directeur de l'Institut Patrimonial du Haut-Béarn (IPHB) François GOUSSE, directeur départemental de l'agriculture et de la forêt des Pyrénées-Atlantiques Gérard CAUSSIMONT, président du Fonds d'intervention éco-pastoral (FIEP) 17 janvier : réunion à la mairie de Laruns (accueil par André BERDOU, maire), avec : Madé MAYLIN, Fédération transpyrénéenne des éleveurs de montagne (FTEM) Jean-Pierre POMMIES, Groupement pastoral de l'Ouzoum, membre de la FTEM Serge LOUSPLAAS, Groupement pastoral de l'Ouzoum, membre de la FTEM Marcel ACCOCEBERRY, éleveur à Larrau, membre de l'Association de défense des éleveurs du pays basque (ADEB) Jean-Marc BENGOCHEA, éleveur à Larrau, membre de l'ADEB André CASASSUS, berger à Gère et Belesten (vallée d'Ossau) Marc PARIS, éleveur à BIELLE (vallée d'Ossau) Philippe LAHOURCADE, éleveur à Arette (vallée du Barétous) Pierre CASASSUS-LACOUZATTE, éleveur à Aste Béost (vallée d'Ossau), membre de la FTEM et de l'ADDIP Albert ELGOYHEN, éleveur à Accous (vallée d'Aspe) Bertrand CLAVERANNE, éleveur à Lées-Athas (vallée d'Aspe) Pierre GANISSERE, éleveur à Lées-Athas (vallée d'Aspe) Corrine CANIOU-TUNCAS, éleveur à Escot (vallée d'Aspe) Joseph PAROIX, éleveur à Laruns, porte-parole de l'association des éleveurs transhumants OssauAspe-Baretous, Conseil de gestion patrimoniale de l'IPHB 18 janvier Jean-François DELAGE, préfet des Hautes-Pyrénées Jean de CROZEFON, directeur des politiques de l'Etat à la Préfecture des Hautes-Pyrénées Marc TISSEIRE, directeur départemental de l'agriculture et de la forêt des Hautes-Pyrénées Rouchdy KBAIER, directeur du Parc national des Pyrénées-Occidentales 24 janvier Pierre CASTERAS, président de la Confédération pyrénéenne du tourisme Christian JOUVE et Anne BUSSELOT, Commissariat à l'aménagement des Pyrénées - DIACT Francis GIORA, délégué régional au tourisme Midi-Pyrénées Pierre-Yves QUENETTE, Equipe technique Ours - ONCFS Jean-Marie NICOLAS, sous-préfet de Saint-Gaudens 25 janvier Robert LAURENS, éleveur, président du Groupement pastoral d'Artigue (Haute-Garonne) Daniel GRAND, éleveur à Labach ­ Melles (Haute-Garonne) Frédéric ARTIGUE, éleveur à Boutx 85 26 février Jean-Louis CAZAUBON, vice-président de l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture (APCA), président de la Chambre régionale d'agriculture Midi-Pyrénées, président de la Chambre d'agriculture des Hautes-Pyrénées 2 mars René-Marc WILLEMOT, directeur de l'environnement et du développement durable au Conseil régional Midi-Pyrénées (entretien téléphonique) Vincent FONVIEILLE, président, directeur général de La Balaguère (entretien téléphonique) Jean-Claude RIVERT, vice-président du Comité régional de randonnée pédestre en Midi-Pyrénées ­ CORAMIP (entretien téléphonique) 10 mars Jean-Pierre POLY, directeur général de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) Pierre MIGOT, directeur des études et de la recherche. ONCFS 12 mars Serge SOUQUE , éleveur à Salsein (Ariège) Christian MOLE, éleveur à Audressein (Ariège) Gérard DUBUC, maire de Saint-Lary (Ariège) Charles ACAP, trésorier du Groupement Pastoral du Barestet à Saint-Lary 13 mars Jean-François VALETTE, préfet de l'Ariège François TOULIS, président de la Chambre d'agriculture de l'Ariège André ROUCH, vice-président du Conseil général de l'Ariège délégué au syndicat mixte de préfiguration du PNR des Pyrénées ariégeoises, président de la fédération pastorale ariégeoise Philippe LACUBE, éleveur, président de l'ADDIPP Jean-François RUMMENS, directeur de la fédération pastorale ariégeoise Jean FREBY, ONF Ariège-Haute-Garonne 14 mars Michel ROUFFET, ODIT-France, DEATM, responsable de l'antenne des Pyrénées Jacques MARINIER, directeur territorial de l'ONF Sud-Ouest David CARLIER, directeur de la Confédération pyrénéenne du tourisme Dominique PELISSIE, directeur régional de l'agriculture et de la forêt Midi-Pyrénées Jacques RUFFE, chargé de mission tourisme au Conseil régional Midi-Pyrénées 18 mars Loïc MATRINGE, représentant du DIREN Aquitaine à Pau Sabine MATRAIRE, Association FERUS 19 mars René ROSE, Maire de Borce Jean-Marc PRIM, responsable montagne, Chambre d'Agriculture des Pyrénées-Atlantiques 20 mars Hélène ROULAND-BOYER, sous-Préfète d'Argelès-Gazost Chantal ROBIN RODRIGO, Députée des Hautes-Pyrénées . Pierre MARTIN, responsable montagne à la Chambre d'Agriculture des Hautes-Pyrénées M. CASTERAN Président de l'association des bergers des Hautes-Pyrénées, Guillaume TOURNEMOULY, Mathieu LUCBERT membres de l'association des bergers des Hautes-Pyrénées 86 21 mars Yannick BOURNAUD, Président du Centre Régional de la Propriété Forestière MidiPyrénées.(CRPF) Jean-Louis CHAIRE , gérant du groupement forestier de Heche (65) Robert CABE, maire d'Artigues, Président de l'Association des Communes forestières de Hautes Garonne Luc BOUVAREL, Directeur du CRPF Midi-Pyrénées M. MAURY, Président du syndicat interdépartemental des propriétaires forestiers sylviculteurs (3165-82) Jacques MIRAULT, ONF Direction Territoriale Sud-Ouest 26 mars Michel SICRE, éleveur, Président de la Fédération ovine de l'Aude Gérard BEDOS, Responsable du SUAIA Pyrénées Jean ARZUL, Jean-François et Roger TOUSTOU, éleveurs Olivier MORENO et Olivier BEDOS, éleveurs. Jean-Luc DAIRIEN, directeur DDAF, et Christine MEUTELET, technicienne DDAF Stéphanie RUBIO, animatrice pastorale des groupements pastoraux Aude Jean-Charles GLEIZES., technicien Fédération des chasseurs Jean Louis CASSIGNOL, technicien ONCFS. 27 mars Michel GUALLAR. Président de la Chambre d'Agriculture des Pyrénées-Orientales . Bernard REMEDI. Consller Général.Maire de Prats de Mollo Guy ILARY, Président de l'Association départementale des Maires Alain ESCLOPE, Président de la Fédération départementale des Chasseurs. Bernard MOULINES, Sous Préfet de Prades. Entretiens téléphoniques : Emmanuel BERTHIER, Préfet des Hautes-Pyrénées Georges AZAVANT, Président du Parc National des Pyrénées-Occidentales. Bruno LEROUX, Président de l'association « Aude Claire » 87 ANNEXE 10 : ELEMENTS BIBLIOGRAPHIQUES Cette liste ne retient que des ouvrages collectés ou connus pendant les déplacements de la mission à l'étranger. Riesgo de estinction del oso pardo cantabrico. La poblacion occidental . Fundacion Oso de Asturias. J.Noves, T.Wiegand, A.Fernandez, T.Stephan. 1999. Demografia, Distribucion, genetica, y conservacion del oso pardo cantabrico. Ministerio de medio ambiente. G.Palomero, F.Ballesteros, J;Herrero, C.Noves. Tafonomia y paleoecologia de ursidos cuaternarios cantabricos. Fundacion Oso dee Asturias. A-C.Pinto Llona, P-J.Andrews, F.Etxebarria. 2005. Osos y otros carnivoros de la Sierra de Atapuerca. F.O.A. 2003 N-G.Garcia. Somiedo . Parc Natural. Reserva de la Biosfera. Asturias Paraiso natural. Gobierno de el Principiado de Asturias. Consejeria de cultura. Comunicacion social y turismo. Fondo para la proteccion de los animales salvajes (FAPAS) . Boletin Abril 2007. n° 78. FORO . La gestion del Jabali en relacion con la conservacion del oso pardo . FOA. Los cazadores asturianos y la conservacion del oso . Manual para cazar en las zonas osers asturianas. Fundacion Oso Pardo. Studio de fattibilità per la reintroduzione del'orso bruno sulle alpi centrali. E.Dupré, P Genovesi, L Pedrotti Istituto Nazionale per la fauna selvatica. 2000 L'orso bruno è pericoloso . Il progetto di ricerca scandinavo sull'orso bruno. Björn experten i Orsa. Provincia Autonoma di Trento. 1996. A caccia nella terra dell'orso bruno . Iniziativa di communicazione rivolte ai cacciatori. Provincia autonoma de Trento. Associazione cacciatori trentini. 88 Allevatori nella terra dell'orso . Provincia autonoma di Trento . The bears of Yellowstone. Paul Schullery. Edité par Robert Rinehart, inc publishers. From the fields. Brown bear habituation to people. Safety, risks and benefits. Stephen Herrero, Tom Smith, Terry D.Debruyn, Kery Gunther, Colleenn A Matt. Wildlife Society bulletin. 2005. Food Habits of grizzly bears and black bear in the Yellowstone ecosystem. Kerry Gunther Information paper. Bear Management Office. March 2003. Yellowstone National Park. Miedvedi . Bears . Ours. Répartition, écologie, gestion et protection Ours brun , ours noir asiatique et ours polaire, en Russie et régions avoisinantes. M A Vaïsfeld , I E Tchestin. Académie des Sciences de Russie. Moscou, Nauka,1993. 89 (ATTENTION: OPTION compagnies forestières en zone à ours sont rachetés par des ONG. En Slovénie, dans la région de Medved (et il en est probablement de même dans toute la région forestière du Karst au relief doux), l'exploitation régulière (par petites coupes rases de quelques dizaines de mètres de diamètre) concerne la quasi-totalité de la forêt, à l'exception de périmètres de 200m autour des zones de tanières connues. Conduite par des moyens classiques, l'exploitation a motivé la création d'un réseau dense de routes forestières 52. Hors activité d'exploitation, les routes et pistes forestières ne sont interdites qu'aux « véhicules à roues », mais pas aux piétons. Des différences significatives existent ainsi entre territoires forestiers fréquentés par l'ours, quant à l'exploitation et quant à la pénétrabilité. Sur ce dernier point, les « zones critiques » asturiennes du parc de Somiedo sont interdites à la pénétration des touristes, par des dispositions réglementaires. En Italie, le massif de la Brenta est quant à lui défendu par son relief particulièrement escarpé et compliqué : l'exploitation forestière y est inexistante au dessus de 1700m. La pénétrabilité de la forêt slovène est peut-être compensée pour la tranquillité de l'ours par sa grande étendue et la compacité de cette forêt dans la zone à ours du sud du pays, forêt à peu près continue dans laquelle les zones urbanisées et agricoles constituent des îlots. Cette pénétrabilité de la forêt est toutefois de nature à favoriser l'accoutumance des ours à la présence humaine, concurremment avec le nourrissage. Pour les Pyrénées, les pentes fortes qui caractérisent les zones à ours ont conduit à préconiser l'exploitation des coupes par câble, qui demande moins d'équipements pérennes en routes et pistes de pénétration . 52 Soit 25 m de routes forestières et 200m de pistes d'exploitation par hectare, adaptés au débusquage par tracteurs à une distance maximale de 60m. Cette densité de voies forestières est élevée par rapport aux standards français d'équipement routier en forêt de production . 32 Mais l'équilibre économique de l'exploitation par câble, même avec des incitations financières, implique des prélèvements importants sur des surfaces significatives, avec pour conséquence un retour de l'exploitation sur les mêmes surfaces après plusieurs décennies seulement, donc des perturbations appréciables des milieux, suivies de périodes de quiétude prolongées. L'ouverture des milieux qui y correspond paraît être favorable au développement de la végétation arbustive productive de baies ; cette ouverture paraît cependant défavorable au développement des myrtilles, qui demandent un couvert arboré léger. La sylviculture progressive de peuplements forestiers irrégularisés par parquets et bouquets, préconisée dans le plan de restauration de l'ours pyrénéen, ne paraît guère compatible avec l'exploitation par câble préconisée pour limiter la création d'accès routiers aux sites sensibles de l'habitat de l'ours. D'autre part, dans le contexte d'une mobilisation accrue des bois demandée à l'ensemble de la forêt, suite aux conclusions du « Grenelle de l'Environnement », le massif pyrénéen est l'un de ceux qui recèle des volumes de bois peu exploités depuis longtemps, susceptibles de déstockage. Il paraît donc nécessaire qu'une protection stricte des zones de quiétude (souvent forêts de sapins sur très forte pente, difficilement exploitables) et des zones d'élevage des jeunes (milieux plus ouverts) soit instituée. Les zones vitales sont bien connues et cartographiées, et prises en compte en Béarn, moins connues encore en Pyrénées-Centrales où elles semblent toutefois souvent se situer en forêt domaniale. Concilier un accroissement de la mobilisation de bois pour réduire les émissions de CO2 et la présence de l'ours demande ainsi une amélioration des connaissances sur l'utilisation des milieux forestiers par l'ours : si la situation slovène montre que l'ours peut vivre, en forte densité, en forêt régulièrement exploitée, l'objectif pyrénéen de garder le plus possible les ours en forêt doit viser deux objectifs : - quiétude pour éviter toute accoutumance à l'homme, - et nourriture en forêt pour limiter les incursions de l'ours dans les estives. En forêt domaniale, la règle des « 2/3 - 1/3 », édictée dans les années 1990, et transcrite dans le « guide de gestion forestière en zone à ours en Pyrénées-Centrales. Office National des Forêts. 1994 » est toujours en vigueur53 et appliquée. Il s'agit, à l'échelle d'une unité de gestion forestière, d'assurer en permanence une absence de perturbation par des chantiers sur les 2/3 de la superficie. Cette disposition n'est applicable et intéressante qu'à l'échelle de territoires assez vastes relevant d'une gestion commune. Selon les gestionnaires forestiers pyrénéens, « la mévente des bois pyrénéens depuis 2000 après les grands chablis, l'absence de coupes forestières, ont conduit au respect spontané de cette règle ». La révision du guide ONF de gestion forestière en zone à ours est en cours. Il adopte une approche différente : des zones de quiétude, correspondant notamment à des sites vitaux54 pour l'ours, spontanément non perturbées, (généralement forêts inexploitables, inaccessibles ou rocheuses, trop pentues) sont identifiées. Il est prévu d'en évaluer ensuite le complément à rechercher, en instaurant si nécessaire des contraintes à l'exploitation des autres surfaces domaniales. Ce travail est en cours, avec une phase technique s'achevant mi-mai 2008, et une concertation avec les propriétaires communaux et privés au deuxième semestre. 53 54 Ce guide a été approuvé par arrêté interministériel du 28 mars 1994. Voir définition page 13. 33 Dans les Pyrénées centrales, les terrains domaniaux représentent 20% environ des espaces naturels, forêts et pâturages, soit 35 000 ha sur 180 000 ha. Leur proportion dans le Haut Comminges et le Haut Couserans atteint 40%. Les forêts domaniales, champ d'application directe de ce guide représentent donc une part significative du territoire. L'application de ce guide à la gestion forestière, comme l'adaptation des modes de chasse et des pratiques pastorales en terrains domaniaux, sont des opportunités pour une meilleure prise en compte des besoins vitaux de l'ours. L'Etat, de fait, a la possibilité, et la responsabilité, de prendre les mesures nécessaires dans ces territoires plus que dans ceux qui ne sont pas de sa maîtrise directe. C'est pourquoi la mission recommande à la Direction de la Nature et des Paysages d'entreprendre, avec la Direction générale de l'ONF, une étude des mesures à prendre dans les forêts domaniales comprises dans les nouveaux territoires de présence. Concernant la seule gestion forestière, ces mesures pourraient notamment étudier : - la mise en réserve biologique domaniale des zones de quiétude spontanées (inaccessibles, rocheuses, pentues), et éventuellement d'autres surfaces domaniales (exploitables) en complément ; - la modification d'itinéraires de randonnée, suivant l'analyse précédente des zones de quiétude ; - l'examen des modalités de chasse sur ces territoires (interdiction dans les réserves de chasse, achèvement de la saison de chasse au 1er décembre). Concernant les autres problématiques présentées ci-après (4.4.2 et suivants) et se situant en forêt domaniale, ces mesures pourraient étudier : - l'amélioration de la disponibilité alimentaire (production des myrtillaies, mise en place dans des sites adéquats des cultures de légumineuses et céréales, plantation de fruitiers de variétés autochtones) et la participation à son suivi ; - la participation à la mise à disposition de pièces de grand gibier pour nourrissage ; - la maîtrise des densités de grands ongulés (plans de chasse permettant de maintenir le cerf à des densités de 1 à 2 animaux /100ha, régulation du sanglier à un niveau comparable) ; - la poursuite des expérimentations de LIFE ours 1998 ; - l'élaboration d'un volet pastoral dans les directives régionales d'aménagement (qui pourraient s'inspirer des recommandations des DOCOB relatives aux milieux pastoraux, notamment en ce qui concerne le gardiennage) ; - le soutien aux investissements de protection, par l'allègement des redevances domaniales. Concernant le suivi des populations d'ours (chapitre 5), la participation de l'ONF pourrait comprendre : - la mise à disposition de 200 journées de personnels au printemps, pour effectuer les comptages sur neige « orso » ; - la communication à l'ETO de tous les indices recueillis sur le terrain au cours de l'année par les fonctionnaire et ouvriers de l'établissement. 34 Conformément au Contrat Etat-ONF 2007-2011 en vigueur, l'ensemble de ces mesures devra faire l'objet d'étude d'impact technique et financier. Concernant les autres forêts, communales et privées, la mission estime que l'étude de tout ou partie de ces mesures est également nécessaire, en concertation avec l'Union massif des communes forestières des Pyrénées pour les forêts communales, et avec les trois Centres régionaux de la propriété forestières (CRPF). 4.4.2 la participation des chasseurs et des randonneurs Pour la chasse, la majorité des surfaces pyrénéennes fréquentées par l'ours est chassée. Dès les premières réintroductions de 1996/1997, l'Etat s'est engagé à ne pas imposer de mesures réglementaires 55 concernant la chasse en présence d'ours dans le massif des Pyrénées. Des chartes56, négociées entre l'Etat et les fédérations de chasseurs, prévoient la formation et l'information des chasseurs, et les actions appropriées aux situations jugées à risques. Elles prévoient aussi une évaluation des actions à la fin de chaque saison cynégétique et leur réexamen pour les saisons suivantes. Deux jugements récents, cités supra, concernant les arrêtés d'ouverture et de clôture de la chasse, et le tir de la dernière ourse de souche pyrénéenne, précisent l'appréciation par la justice des dispositions en vigueur. Pour le juge pénal, la battue est légale en l'absence d'interdiction formelle ; pour le juge administratif, la voie contractuelle (seule existante dans les Pyrénées-Atlantiques pour les animaux autres que les ourses suitées et les ours en tanière) est insuffisante pour assurer le respect de la directive Habitats. Si elles étaient finalement décidées après négociation, des réglementations limitées dans l'espace (réserves de chasse limitées à des sites vitaux connus) ou dans le temps (interdiction de battues en présence détectée d'ours) présenteraient cependant aujourd'hui quelques difficultés d'application : d'une part, si les sites vitaux des ours sont bien connus dans le Béarn, ils le sont peu encore dans les Pyrénées-Centrales ; d'autre part, en dehors de la minorité d'ours des Pyrénées-Centrales pourvus provisoirement d'un collier, un ours peut être présent dans une battue sans avoir été détecté, et un ours détecté dans un territoire de battue peut se trouver quelques heures plus tard dans un territoire voisin. On ne peut donc conditionner des mesures à la détection des ours, parce qu'ils ne sont pas toujours détectables. Les ours n'étant pas détectables, il paraît exclu de faire de réserves de chasse à l'échelle des territoires de présence proposés : dans chaque cas, ces réserves occuperaient une surface appréciable de plusieurs communes. Ceci n'existe d'ailleurs pas dans les territoires similaires des pays voisins, et ne manquerait pas de créer des problèmes avec sanglier et cerf, y compris pour l'ours. 55 56 Plan de restauration, page 122. Charte entre l'Etat et la fédération des chasseurs de Haute-Garonne, signée pour la saison 2007-2008. Charte entre l'Etat et la fédération des chasseurs des Pyrénées-Atlantiques, signée pour la saison 2005-2006, reconduite en 2006-2007. 35 Il apparaît donc à la mission, au vu de ces décisions de justice et de l'évaluation des chartes pour les saisons à venir, que les seules voies d'amélioration de la situation sont à la fois la création de réserves dans les sites vitaux57 pour l'ours, au fur et à mesure que ceux-ci sont connus, et la formation des chasseurs à la pratique de la chasse en territoire à ours. La mission recommande donc : - En forêt domaniale, les réserves de chasse et de faune sauvage58, venant à échéance, devraient être reconduites par précaution. Leur modification ultérieure ne devrait intervenir que dans le cadre de l'application du guide de gestion forestière en zone à ours, identifiant les zones de quiétude, et en fonction de la meilleure connaissance de l'utilisation du territoire par l'ours. - En dehors des territoires domaniaux, les sites vitaux identifiés pourraient être progressivement comprises dans les réserves de chasse des Associations communales de chasse agréées59 (ACCA). En dehors de ces zones, la détection (plus aléatoire) d'ours devrait inspirer des méthodes plus précautionneuses : chiens tenus en laisse, et utilisation de talkies walkies ; formation à la distinction ours/sanglier ; formation à l'attitude à tenir en cas de rencontre avec l'ours, en s'inspirant de l'expérience asturienne. Pour prendre ces mesures à bon escient dans les Pyrénées-Centrales, il est nécessaire de mieux connaître l'utilisation du territoire par l'ours. Un suivi efficace de la présence de l'ours, tel que celui qui se pratique dans les Asturies, permettant une amélioration continue des connaissances, doit donc fonctionner. Les zones de tanières ne seront identifiables que progressivement : le choix des animaux actuellement suivis montre un certain éclectisme dans les choix des sites de tanières, en matière d'altitudes et d'expositions, ce qui laisse à penser que la caractérisation de ces zones par des critères physiques du milieu (pente, altitude, exposition, couvert forestier, confinement ...) est difficile, d'autant que l'on manquera de données d'étalonnage. On peut noter qu'en Cantabrique, bien que le suivi soit dense, la connaissance continue à évoluer. En Slovénie, les zones de tanières correspondent à des formations de Karst à cavernes et sont ainsi connues et prises en compte. Il semble difficile dans le contexte pyrénéen de localiser avec précision des zones de tanières assez restreintes pour y édicter des règles de gestion. Une mesure peut être d'arrêter la chasse au 1er décembre dans les zones à tanières connues et les plus probables. Par ailleurs, les informations régulières sur la localisation des ours concernent essentiellement les ours pourvus d'émetteurs. La disparition de ceux-ci implique la prise en compte de tous les indices et des synthèses préalables. 57 58 Voir définition page 13. Article L. 422-27 du Code de l'environnement. 59 Article L 422-2 du Code de l'environnement. Cette mesure est d'ailleurs actuellement à l'étude dans le département des Pyrénées-Atlantiques. 36 Ainsi, les indices (poils, fèces) peuvent donner des indications datées, mais pas toujours. Les recherches simultanées d'indices sur neige peuvent en donner fin avril-début mai « dernière neige » et septembre-début octobre « première neige ». La possibilité et la date de ces opérations sont dépendantes des conditions climatiques. Les dates des synthèses qui peuvent être proposées utilement, sont en juin, avant la montée des troupeaux en estive, et fin août, avant l'ouverture de la chasse (données de juin actualisées de données estivales sur les pièges à poils). Par ailleurs, pour les itinéraires de randonnée, des modifications de tracé pourraient être envisagées, en forêt domaniale, en fonction des connaissances sur le besoin de l'ours en zones de quiétude. Une négociation avec la Fédération française de la randonnée pédestre (FFRP) et ses comités régionaux et départementaux, et avec d'autres associations de randonnée et d'opérateurs du tourisme, devrait être engagée. Enfin, l'interdiction des voies forestières à la circulation automobile privée est aujourd'hui la règle et il est important qu'elle soit appliquée. 4.4.3 l'amélioration de la disponibilité alimentaire La disponibilité alimentaire du milieu paraît pouvoir orienter largement le régime alimentaire de l'ours brun60, ce qui valide la recherche d'amélioration en ce sens. L'ours Cantabrique, réputé se contenter de quelques carcasses de nourriture animale, dispose d'un milieu forestier riche en ressource alimentaire végétale : il est végétivore. Il semble que la situation du territoire béarnais soit relativement satisfaisante en matière de disponibilité alimentaire pour l'ours, la politique conduite par l'IPHB61 avec ses partenaires, notamment les communes forestières, ayant, avec la présence permanente des ours, conservé en bon état les milieux forestiers qu'il fréquente. Les préconisation ci-dessous concernent donc essentiellement les Pyrénées-Centrales, avec des objectifs à court, moyen et long terme. pour le court terme : valoriser en priorité l'existant Il est nécessaire en premier lieu d'améliorer la production des myrtillaies en forêt domaniale, dont la production assure une part significative de l'alimentation de l'ours62. Un travail de recherche technique sur ce thème a été confié en 1994 à l'ONF pour préciser les techniques à mettre en oeuvre. Des protocoles expérimentaux ont été mis en place, mais ce travail n'a pas fait l'objet de suivi et d'évaluation. 60 Aux USA, dans un contexte différent, les milieux du Yellowstone, sous climat sec, sont pauvres en ressources végétales pour l'ours. De plus, les ongulés, bison et cervidés en densité importante, exploitent l'essentiel de la ressource végétale, avec un impact fort sur la végétation, bien révélé par des enclos témoins. L'ours brun y est largement carnivore. Par contre, dans le Parc des Glaciers, plus humide et bien pourvu de baies et autres végétaux appétents, le même grizzly se nourrit à plus de 90% d'herbe et baies. 61 Institution Patrimoniale du Haut-Béarn. 62 Plus du quart, selon Berduccou, Falliu et Barrat, 1990. 37 La mission recommande que ce programme soit réactivé, pour déboucher sur des réalisations concrètes, d'autant que les dispositifs expérimentaux déjà installés sont à même de livrer certains résultats. Les conclusions des expérimentations lancées ensuite plus largement en 1998 sur les modalités d'amélioration des ressources alimentaires végétales, dans le cadre du programme LIFE Ours devraient aussi être tirées. Les protocoles expérimentaux mis en place ou projetés devraient être rénovés et exploités. Il pourrait également être envisagé le nourrissage de l'ours dans des lieux d'alimentation potentiels. L'abandon sur place de pièces de grand gibier (cerf, sanglier) pourrait contribuer de façon très naturelle à l'alimentation en protéines de l'ours63, en automne et, suivant des formules à étudier, au printemps. Les tirs correspondants devraient se faire sous couvert forestier dense pour éviter les vautours, et loin de toute ressource d'eau potable et des itinéraires de randonnée. L'adaptation des tarifs de tir (bracelets utilisés dans ce cas) des animaux, soumis au plan de chasse, reste aussi à étudier. Cette question du nourrissage fait néanmoins débat. Elle s'argumente à plusieurs niveaux : nourrir l'ours en forêt permet de le maintenir à distance des lieux habités ou de ceux où on ne veut pas qu'il aille ; il permet le suivi et le comptage ; il donne l'occasion de le capturer ou de l'éliminer. A côté du débat éthique sur l'intervention de l'homme et l'artificiel, cette pratique peut sembler pertinente pour cantonner l'ours en cas de forte densité (Slovénie, USA 64), mais il est alors absolument nécessaire qu'elle se fasse dans des lieux forestiers très éloignés des zones habitées et pastorales, avec précautions olfactives et de façon aléatoire, pour lui éviter d'associer ce nourrissage avec la présence humaine. Il n'est pas certain que le territoire pyrénéen soit adapté à toutes ces données, mais il n'est pas interdit d'étudier la question. De même, le nourrissage au maïs, pratiqué en Slovénie 65, doit-il être soigneusement mis en oeuvre pour éviter une accoutumance qui inviterait le plantigrade à descendre dans les champs de maïs de la plaine, nombreux dans les Pyrénées. pour le moyen terme : planter des végétaux herbacés alimentaires Les gestionnaires du Montana ont insisté sur la valeur alimentaire des différentes espèces de trèfle pour l'ours, alimentation végétale particulièrement riche en protéines. Il est connu d'autre part que l'ours apprécie les céréales (blé, orge, avoine) avant maturité complète, au stade « grain pâteux ». Ce type de culture pourrait être installé en forêt, sous réserve de trouver des sites de qualité de sol convenable, éloignés des zones fréquentées, pour éviter à la fois dérangement et accoutumance à l'homme . La mission recommande de réaliser des cultures de légumineuses (source de protéines) et de céréales. 63 64 Selon Christopher Servheen, la consommation de carcasses n'induit pas de comportement prédateur. Ce nourrissage sur sites aléatoires est pratiqué dans le Montana, avec des cervidés victimes de collisions. 65 Nourrissage sur plateaux sur pilotis et maïs dans caissons en bois avec couvercle pour éviter l'utilisation sauvage par les sangliers et les corbeaux. 38 pour le long terme : planter des fruitiers La plantation d'arbres fruitiers (pommiers, poiriers) de variétés locales adaptées et d'arbres forestiers (châtaigniers, voire chênes), s'ils sont absents alors que les conditions de milieu sont favorables, sont à terme indispensables. Un inventaire et une cartographie des plantes alimentaires de l'ours brun en Pyrénées-Centrales (ONF, Life Ours, 1988) ont été réalisés : plantation d'espèces arbustives, mise en oeuvre des mesures d'amélioration des milieux préconisées par les études, optimisation de la disponibilité des baies et fruits forestiers dans les forêts publiques. En forêt communale, et surtout en forêt privée où se situent souvent les milieux les plus fertiles, des actions de même nature peuvent être envisagées avec les propriétaires, en particulier en ce qui concerne la plantation de fruitiers, suivant des formules contractuelles à préciser, prenant en compte le fait que ces plantations ne sont pas susceptibles d'apporter un revenu aux propriétaires. Des plants d'espèces et variétés autochtones de fruitiers pourraient être fournis gratuitement aux propriétaires pour les inclure dans leurs plantations forestières. et intégrer ces modalités de gestion « ours » dans les documents d'orientation et de planification forestière Au delà, il serait intéressant que le schéma stratégique de massif forestier pyrénéen, en cours d'élaboration (phase d'état des lieux), à l'initiative de l'Union de massif des communes forestières pyrénéennes, et auquel participent activement les forestiers privés et l'ONF, prenne en compte les spécificités de gestion des espèces pyrénéennes emblématiques, l'ours et le grand tétras. La refonte des « règles de gestion forestière en zone à ours » de l'ONF récemment entreprise (voir 4.4.1) par cet établissement pourra, au delà de ses applications en forêt domaniale, apporter de propositions techniques à ce schéma stratégique. limiter la concurrence avec les grands ongulés L'ours du sud-ouest européen est très majoritairement végétivore, 70 à 75% de son alimentation est d'origine végétale, les protéines animales lui étant surtout nécessaires au sortir de l'hibernation, et avant d'y entrer. Aux époques de disponibilité de myrtilles (aoûtdécembre), celles-ci peuvent représenter plus de la moitié de son alimentation. Depuis le XIXème siècle quand les Pyrénées hébergeaient une population viable d'ours, avec des surfaces forestières notablement plus faibles qu'actuellement, et partiellement pâturées par du bétail, la disponibilité alimentaire pour l'ours en forêt a très vraisemblablement augmenté. Toutefois, le développement des cerfs et sangliers, à peu près inexistants à l'époque, est maintenant de nature à réduire cette disponibilité. Pour le sanglier, il s'agit de compétition directe. Pour le cerf, il s'agit à la fois de compétition directe sur l'herbe en croissance printanière riche en protéines, et de compétition indirecte par abroutissement de plantes à fruits. Cette compétition est à même de s'exercer partout, et notamment dans les zones de quiétude des ours. 39 Dans les communes des Pyrénées-Centrales, les densités de cerf atteignent 3 à 6 pour 100 ha et celles de sanglier 2 à 8 pour 100 ha66. A titre de comparaison, en Asturies, les densités, variables selon les territoires, sont de l`ordre de 2 cerfs pour 100 ha, et 1,5 à 2,4 sangliers pour 100 ha ; dans le Trentin : 1cerf/100 ha, sanglier absent ; en Slovénie, 5 cerfs/100 ha et 1 sanglier/100 ha. Ainsi ces densités sont-elles les plus fortes en Pyrénées-Centrales. Les comparaisons entre territoires à composition floristique et productivités différentes doivent être maniées avec précaution, mais la compétition alimentaire par le sanglier, notée dans les Asturies, s'exerce très probablement aussi dans les Pyrénées. Concernant le cerf, les densités très fortes présentes dans les Pyrénées centrales, Luchonnais et Barousse, sont reconnues empêcher depuis une décennie au moins la régénération d'une espèce forestière majeure, le sapin. De façon plus discrète, les espèces arbustives à baies, tel le framboisier, sont pratiquement éliminées 67. L'étendue des territoires et la diversité des ressources permettent à l'ours de s'alimenter convenablement malgré cette raréfaction de la ressource, mais il est probable qu'une plus forte densité de cette ressource en baies et autres végétaux en forêt serait de nature à réduire les déplacements des ours, notamment hors forêt. L'impact des cervidés pourrait être mieux appréhendé par l'exploitation de nombreux dispositifs d' « enclos-exclos », y compris les placettes « RENECOFOR 68 », existants dans les Pyrénées centrales, dans une démarche pluriannuelle. Le retour à des densités plus basses de cervidés conditionne le renouvellement de la forêt de sapin en Haut Comminges et en Barousse, actuellement compromis ; la maîtrise des densités de cervidés et sangliers est nécessaire au bon état de la végétation intéressante pour l'ours (et pour le grand tétras), y compris les cultures que l'on propose de réaliser pour l'ours. D'autre part, la constitution de zones de quiétude pour l'ours, notamment en implantant les réserves d'ACCA dans les territoires favorables, peut conduire à un développement des sangliers dans ces zones refuges : les ongulés « apprendront » assez vite à utiliser les zones de refuge quand c'est nécessaire, même avec une densité forte, pour le reste du temps occuper l'espace disponible. La régulation du sanglier dans ce cas pourrait mettre à profit l'expérience asturienne de chasse dans les « zones critiques » pour l'ours cantabrique. La mission recommande à l'administration, en concertation avec les chasseurs, pour les espèces soumises au plan de chasse, et aux chasseurs (fédérations départementales de chasse) pour les sangliers, de limiter la pression des cervidés et des sangliers. Il lui paraît utile d'assurer un suivi de l'évolution de la ressource alimentaire végétale disponible pour l'ours compte tenu de cette compétition. Ce suivi peut se faire à partir d'un réseau de placettes couplées à des témoins mis en défens des ongulés, implantées en des sites représentatifs de la flore qui concourt à l'alimentation de l'ours, sur l'ensemble du territoire concerné. 66 67 Source ONCFS, densité de sanglier évaluée à partir des tableaux connus. Observation directe de dispositifs d'enclos-exclos de l'ONF. 68 RENECOFOR : Réseau National de suivi à long terme des ECOsystèmes FORestier. Réseau de placettes clôturées mis en place en forêt pour suivre l'évolution de divers paramètres des écosystèmes forestiers. Ces placettes non accessibles aux ongulés peuvent constituer des témoins de la flore herbacée/arbustive. 40 4.4.4 le renforcement des mesures de coexistence avec le pastoralisme ovin Si l'ours doit trouver suffisamment de tranquillité et de nourriture en forêt, il faut aussi que le mouton ne soit pas une proie facile pour lui : « on n'est pas là pour amener à manger aux prédateurs ». A l'échelle des territoires de présence identifiés (millier de km2), il n'est pas envisageable, économiquement et socialement, d'exclure l'élevage ovin extensif. Celui-ci est d'autre part, comme on l'a vu, le seul acteur de l'entretien de certaines zones. En premier lieu, la mission rappelle, s'il en était besoin, l'existence des différents rapports, indépendants du plan de restauration de l'ours, élaborés ces dernières années sur le soutien au pastoralisme : « Plan de soutien69 à l'économie de montagne (PSEM) ­ 2007-2013 » ; « La situation relative à la valorisation70 économique des produits agricoles du massif pyrénéen » ; « Les équipements pastoraux71 dans le massif pyrénéen » ; « Pastoralisme pyrénéen : proposition de plan72 d'actions ». Certaines des mesures budgétaires prises en prolongement de ces rapports sont prévues dans le volet en faveur de la filière agropastorale de la Convention interrégionale du massif des Pyrénées 2007-2013 et un nouvel arrêté 73 fixant les modalités d'attribution des subventions dans le cadre du PSEM est paru récemment. Par ailleurs, les collectivités territoriales, notamment les Départements, ont mis en place et/ou soutiennent des politiques et des instruments spécifiques : la Fédération pastorale de l'Ariège, le Centre de ressources pour le pastoralisme et la gestion de l'espace (CRPGE) des HautesPyrénées, l'Institution patrimoniale du Haut-Béarn (IPHB) dans les Pyrénées-Atlantiques. La mission fait évidemment siennes les propositions des rapports, ainsi que celles contenues dans l'évaluation74 du Plan de restauration et du PSEM qui les rappellent, et insiste sur leur indispensable mise en oeuvre, et notamment leur continuité budgétaire. Dans les territoires de présence des ours identifiés supra, et à leur périphérie, la mission estime nécessaire, dans le cadre du groupe de travail évoqué en 4.3.4, de travailler avec les Chambres d'agriculture et les représentants des éleveurs et bergers à renforcer les mesures de coexistence, particulièrement dans les domaines suivants : diagnostics de vulnérabilité, dispositifs de protection, gardiennage et bergers, indemnisation des pertes. Dans chacun de ces domaines, des mesures75 spécifiques pourraient être prises : les diagnostics de vulnérabilité des estives, avec une priorisation des mesures ; les dispositifs de protection, notamment quand cela est possible par des parcs de grande dimension permettant aux troupeaux d'y séjourner plusieurs jours consécutifs par temps de brouillard, car selon la mission et au vu des expériences visitées à l'étranger, il n'y a pas d'autre voie que de continuer à développer les mesures de protection, en faisant un effort particulier dans les sites vitaux et à leur périphérie ; 69 70 Rapport de la DRAF Midi-Pyrénées ­ octobre 2006. Rapport du Conseil général de l'agriculture, de l'alimentation et des espaces ruraux ­ mars 2007. 71 Rapport IGE/CGPC/CGAAER/IGAPA ­ juin 2007. 72 Note du Préfet de région Midi-Pyrénées ­ décembre 2007. 73 Arrêté du 10 avril 2008 du ministère de l'Agriculture et de la pêche « relatif au dispositif intégré en faveur du pastoralisme mis en oeuvre dans le cadre du PSEM » (J.O. du 30 avril). 74 Rapport IGE/CGAAER - « Evaluation à mi-parcours du Plan de restauration et de conservation de l'ours brun dans les Pyrénées françaises et évaluation du Plan de soutien à l'économie de montagne » ­ mars 2008. 75 D'autres aides, associatives (Fonds d'intervention éco-pastoral, Pastorale pyrénéenne), et liées à la présence de l'ours, sont également disponibles. 41 - les bergers : en raison du taux d'abandon important, il faut développer les formations76 de bergers pour augmenter le nombre de personnes formées. Il faut aussi développer le service de remplacement estival en bergers, couplé avec d'autres fonctions saisonnières, auprès des Chambres d'Agriculture volontaires, de façon à offrir des solutions de gardiennage à certaines estives, et à amplifier le service rendu par les Techniciens pastoraux itinérants, Il faut aussi positionner les bergers itinérants dans le territoire à ours des Pyrénées centrales et ses abords ; pour favoriser le gardiennage, travailler sur les formes sociétaires familiales d'agriculture (GAEC) au sein desquelles paraît plus facilement se résoudre le problème du gardiennage, sur les groupements d'employeurs ; - l'indemnisation des pertes dues à l'ours : les diagnostics de vulnérabilité les plus récemment élaborés conduisent à des prévisions de coûts de protection totale très élevés. L'efficacité des protections paraît se situer dans une logique de rendements décroissants, qui pourra être accentuée par le report des prédations des élevages très protégés, sur les élevages moins ou pas protégés. Le niveau globalement assez modeste des prédations habituelles par l'ours, non compris les accidents importants, tels les dérochements77, vis-à-vis des coûts d'investissement de protection, ainsi que le coût indirect élevé des indemnisations (lié notamment à la reconnaissance des dégâts dans des lieux éloignés des accès routiers), incitent à étudier la solution d'une forfaitisation de l'indemnisation des dommages, tout en maintenant l'aide aux dispositifs de protection. Une aide annuelle compensatrice de dommages, pourrait être assise sur le chargement d'animaux sur les espaces pastoraux à enjeux, et soumise à la mise en place des dispositifs de prévention reconnus identifiés comme prioritaires par un diagnostic de vulnérabilité. Les critères correspondant à ces enjeux pourraient être : - en premier niveau : la présence régulière de l'ours, suivant la définition de l'ONCFS pour l'ensemble de l'espace pastoral situé dans le territoire de présence, apprécié à l'échelle de la commune, - en second niveau : en site Natura 2000, l'identification et la recommandation du pastoralisme, comme moyen de maintien de milieux communautaires, tels la pelouse à gispet ou les prés de fauche de l'étage intermédiaire. - En estive propriété de l'Etat, un guide des bonnes pratiques pourrait utilement rappeler la vocation multifonctionnelle des terrains domaniaux, et dans ce cadre les pratiques pastorales à privilégier, sous une forme analogue à celle du guide de sylviculture en zone à ours. La prise en compte de la présence de l'ours pourrait se traduire par une réduction des redevances domaniales, proportionnellement à l'autofinancement des protections requises. Sur ce domaine essentiel de l'indemnisation des dégâts, et à côté de cette suggestion, la mission rappelle aussi les propositions78 du rapport d'évaluation du Plan de restauration ­voir nota 73. 76 La mission souligne la qualité des établissements de formation CFPPA des Hautes Pyrénées, soutenu par le Conseil général, et de Pamiers, soutenu par le Conseil régional. 77 L'attaque par l'ours est une cause de dérochement, parmi d'autres causes qui sont principalement, dans le contexte pyrénéen actuel, les attaques de chiens errants et les orages. 78 Il serait notamment intéressant d'étudier les avantages et inconvénients de la procédure d'auto-certification observée dans le Trentin. 42 D'autres mesures pourraient être étudiées dans les territoires de présence et en fonction de leurs caractéristiques, dans un terme plus prospectif et sans tabou : - envisager l'abandon des estives les plus dangereuses (pente, escarpement...) et indemniser la commune propriétaire (cas général) de la perte de revenu et les utilisateurs en aidant ceuxci à retrouver place dans d'autres estives protégées ; cependant, la mission ne mésestime pas, au delà des engagements de la PAC et de l'impact économique de la perte de revenu, la difficulté culturelle de cette démarche pour une municipalité, et la comprend. - encourager à moyen terme la reconversion d'une partie de l'ovin viande vers l'ovin lait, dont le produit n'a pas de problème de débouchés, et pour lequel les Pyrénées centrales possèdent des pâturages de qualité suffisantes. 4.5 Les mesures à prendre en dehors des territoires de présence Comme il a été dit en 4.3.3 dans la présentation de la démarche de qualification des territoires de présence, le principe proposé est d'encourager les ours à fréquenter certaines zones et de les réguler ailleurs. La régulation79 des populations d'animaux, couramment exercée par les chasseurs, induit introduction, relocalisation et/ou élimination. Il s'agira ici de contrôler, autant que faire se peut, les déplacements de l'animal dans les territoires une fois identifiés et négociés. Le protocole d'intervention sur les ours à problèmes de février 2006, et les gradations d'intervention qu'il contient, peut servir de base pour mettre au point ce contrôle, qui devra être d'autant plus strict que l'ours aura été laissé libre à l'intérieur des territoires de présence, tout en étant incité à y rester par les mesures proposées en 4.4. 4.5.1 les mesures vis à vis des ours présents De même qu'il n'est pas question d'exclure les moutons des territoires de présence des ours, pour des raisons sociales, économiques, culturelles, l'ours ne peut pas être exclu du restant du territoire, ne serait-ce que du fait de l'éthologie de l'espèce. L'expérience des Asturies et du Trentin tend à montrer que la population n'est globalement viable que si un flux suffisant d'ours peut circuler entre les noyaux. L'étendue restreinte des territoires de présence proposés induit donc que les mouvements d'animaux soient possibles entre ces noyaux, entre lesquels il n'existe pas de barrière écologique/physique, comme le montre la carte ETO de présence des ours (carte 1), contrairement à la situation prévalant entre les 2 noyaux asturiens qui sont séparés par des infrastructures routières importantes. Une fois la présence de l'ours confortée dans le massif pyrénéen par des noyaux reproducteurs dans des territoires identifiés, les individus se trouvant hors de ces territoires devront faire l'objet d'une gestion appropriée aux autres enjeux de ces territoires. Après la disparition des émetteurs radio des ours réintroduits, ces animaux ne seront décelables que par leurs indices de présence et par les prédations qui semblent être plus fréquentes chez les animaux en phase d'erratisme connaissant mal les ressources alimentaires du territoire traversé. 79 Le fait de maintenir en équilibre, d'assurer le fonctionnement correct d'un système complexe. 43 La régulation doit concerner les animaux dont le comportement se révèlera incompatible avec l'activité pastorale- « ne pas tolérer de mauvais comportements »-. Les ours très prédateurs, même s'ils ne manifestent pas de familiarité particulière, doivent être régulés, donc vraisemblablement éliminés. La délocalisation est probablement inefficace sur les mâles à l'échelle du massif pyrénéen, mais elle pourrait être envisagée sur les femelles. L'élimination par tir est par ailleurs beaucoup plus facile que la capture d`animal vivant (surtout non équipé d'émetteur). D'autre part, l'effarouchement semble par le passé avoir réduit durablement le comportement prédateur de certains ours. Ainsi, le protocole suivant, après concertation avec toutes les parties, pourrait être envisagé : - pour les mâles, ou pour les animaux dont le sexe n'est pas déterminable faute d'indices suffisants80 : effarouchement, puis élimination si récidive de prédation (a priori aucune chance de succès de relocalisation d'un mâle : inutile donc de tenter une capture d'animal vivant très coûteuse) ; - pour les femelles, qui ont une chance de se fixer dans un territoire de présence, relocalisation dans un de ces territoires, mais élimination si retour et récidive des dégâts. L'élimination devrait être précédée d'expertise du comportement, chaque situation étant un cas d'espèce, et devant être expliquée à l'opinion publique. Elle ne pourrait être prise que sur décision de l'autorité administrative compétente, dans le respect de la directive Habitats et de la Convention de Berne et avec son remplacement par un nouvel individu. Du reste, cette solution radicale, présentée en Slovénie et aux USA où elle peut concerner de petits noyaux de population, envisagée ailleurs n'a pas particulièrement ému les délégations présentes : il est vrai qu'elle est pratiquée dans les pays où il y a des centaines d'ours et, dans ceux où il y en a moins, elle est accompagnée d'explications argumentées et d'informations auprès du public. 4.5.2 les mesures de protection et de réparation des prédations. En dehors des territoires de présence et dans le cadre des mesures en faveur du pastoralisme, les incitations à la protection des troupeaux et le maintien du système d'indemnisation actuel sur l'ensemble du massif doivent être poursuivies. 4.5.3 le suivi Le renforcement du suivi, proposé tout au long du chapitre 5, est à mettre en oeuvre aussi bien dans les territoires de présence qu'en dehors. Il est nécessaire pour la connaissance de l'espèce : mouvements d'ours entre les noyaux, présence d'animaux discrets et non prédateurs hors des territoires de présence dédiés, prévention des dégâts. Le réseau actuel de « pièges à poils » couvre les espaces compris entre les noyaux, sur la zone de présence permanente et occasionnelle de l'ours, mais avec une densité réduite de pièges (8km*8Km). Au-delà, le coût d'une recherche simultanée d'indices au printemps paraît être disproportionné aux enjeux, et impraticable compte tenu des surfaces concernés et des moyens humains disponibles. En l'absence de recherches systématiques d'indices, et d'un quadrillage plus serré de pièges à poils, la connaissance des observations spontanées faites par l'ONF, par les chasseurs, les éleveurs et les bergers est en revanche particulièrement importante, notamment dans le cadre d'une formalisation avec l'ONF, de la formation /sensibilisation des chasseurs et des coopérations avec les bergers. 80 L'identification du sexe, souvent pas aisée, peut être faite en identification génétique d'urgence sous réserve de posséder des échantillons exploitables. 44 5 LA GESTION DES POPULATIONS D'OURS Dans aucun des pays visités, les gestionnaires des populations81 d'ours ne leur donnent de noms82 propres comme il est fait systématiquement dans les Pyrénées. Ce choix ne semble nullement affecter l'attachement - quand c'est le cas- que leur portent les populations locales et les habitants de ces pays. Cette différence, d'apparence anodine, et qui peut s'expliquer dans un contexte de « pénurie », est au contraire fondamentale. Quelque soit le nombre d'individus, il s'agit de gérer une espèce biologique sauvage, et non des individus : c'est pourquoi le suivi et la régulation des ours, quelque soit leur nombre, doivent, selon la mission, rentrer dans le cadre global de la gestion d'une population. Les propositions de la mission, tant pour la qualification des territoires de présence que pour leurs conséquences au niveau de la gestion, sont faites en considération de la petite population83 d'ours présents, mais ont vocation à s'appliquer quel qu'en soit leur nombre. A cet égard, quelle que soit l'évolution des effectifs, la mission, au regard de la situation actuelle, estime que l'absence de femelles dans le noyau occidental ­ ce qui le voue biologiquement à l'extinction- et le petit nombre d'ours présents dans les Pyrénées-Centrales amènent à ce que de nouvelles disparitions d'ours dans ces deux noyaux fassent, a minima et immédiatement, l'objet d'un remplacement par le type d'animal le plus à même de contribuer à la pérennité de la population. La qualification nouvelle des territoires de présence amène à réorienter cette gestion par : - une optimisation du suivi, - un renforcement des moyens à lui consacrer, - la maîtrise de la sécurité des personnes, - le contrôle des ours à problèmes, - l'intensification des relations avec l'Espagne, - le développement de l'information et de la concertation, 5.1 L'optimisation du suivi 5.1.1 le suivi actuel de la population d'ours L'ours, animal forestier, habituellement discret et présent en faible densité, est par nature des plus difficiles à suivre. Ce suivi vise habituellement deux objectifs principaux : - la connaissance démographique de la population considérée : nombre d'individus, sex-ratio, fécondité, mortalité... et le comportement des ours : territoires de femelles structuré par groupes familiaux, proportion de reproducteurs dans l'effectif de mâles, naissances espacées tous les 3 ans de portées multiples, mortalité juvénile non négligeable...d'où fécondité résultante faible. Le paramètre le plus important de l'état et du devenir possible d'une population, est le suivi des ourses suitées. 81 En biologie : ensemble des animaux ou végétaux de même espèce vivant sur un territoire déterminé. L'emploi au pluriel est lié au fait qu'il existe plusieurs noyaux comptant chacun plusieurs individus. 82 A l'exception des 10 ours réintroduits dans le Trentin, mais leurs descendants n'ont pas de nom propre. Dans les pays où leur nombre est restreint, on leur donne un numéro et/ou une lettre, ce qui devient ingérable et inutile quand on en compte 4 à 500. 83 Pour Christopher Servheen, la gestion des petites populations d'ours (moins de 50) passent par plusieurs vecteurs à mener simultanément : le contrôle de la mortalité, la sécurisation des habitats, la gestion des conflits et l'éducation du public, le renforcement si nécessaire, et la liaison entre les noyaux quand ils existent. 45 - la connaissance éthologique : comportement spatial des animaux, de leurs habitudes alimentaires, de l'évolution de ces comportements dans le temps... Un autre objectif est la connaissance génétique : niveau de variabilité génétique au sein de la population et évolution de celui-ci. Deux types de suivi alimentent ces connaissances : la recherche d'indices de présence, spontanés ou recueillis sur des dispositifs ad hoc : places de nourrissage, stations de suivi comportant des pièges à poils : ce sont les fèces et les poils qui permettent l'identification génétique, mais aussi les empreintes, relevées par observation spontanée, ou par opérations systématiques. La photographie automatique sur des itinéraires fréquentés par les animaux et l'observation directe (seulement fortuite dans nos régions boisées, mais plus facilement pratiquée dans les landes atlantiques asturiennes comme dans les régions nordiques) apportent d'autres données. la localisation radio, obtenue à partir de signaux d'émetteurs fixés sur un collier ou implantés dans le corps de l'animal. - La connaissance démographique et génétique est principalement apportée par l'analyse des indices, mais aussi par les données d'observation notamment photographique (caractérisation des groupes familiaux). La connaissance du comportement utilise commodément la localisation radio, mais la durée de vie des équipements est au maximum de 3 ans. La localisation spatiale précise et les mouvements des animaux informent sur l'utilisation du milieu par l'ours. En l'absence de ces données, cette connaissance de l'utilisation du milieu peut être apportée par des observations d'indices de présence, recueillies dans la durée : ainsi la carte de l'utilisation du territoire dans le Pyrénées-Occidentales est construite sur la synthèse d'observation d'indices de présence. La carte des potentialités du milieu établie dans le Trentin en préalable au renforcement a été étalonnée sur des indices de présence de la population autochtone, recueillis auparavant pendant vingt ans. En Asturies, les indices de présence, y compris l'observation directe, servent à améliorer en permanence la carte des « zones critiques » (nourrissage de jeunes, tanières...). La localisation radio a été utilisée en Suède pour déterminer l'organisation spatiale et sociale des animaux. Au Yellowstone, un dixième de la population d'ours en est équipé, par des animaux régulièrement répartis sur l'ensemble du Parc. L'observation de leurs déplacements a permis notamment de déterminer la réponse des ours à des changements de disponibilité alimentaire. Dans les Pyrénées, le suivi actuel comporte les deux modalités : - Le plan de restauration prévoit un suivi scientifique fin des individus relâchés, avec notamment l'utilisation de deux systèmes de localisation : - un collier muni d'un émetteur VHF (ondes radios) et d'un GPS transmettant les données recueillies par satellite via le réseau de téléphonie mobile, 46 - un émetteur VHF intra abdominal qui émet sur une fréquence différente de celle du collier. Ce suivi fin est prévu pour la durée de vie des piles des émetteurs (soit un an pour le collier et environ 3 ans pour l'émetteur intra abdominal). Les 5 ours relâchés en 2006 ont été initialement équipés de ces émetteurs, mais deux d'entre eux ont fait l'objet de re-capture, car le collier avait été perdu ou parce qu'il n'était pas assez performant. Les trois ours survivants de ce dernier lâcher sont actuellement équipés. - Les autres ours sont suivis de façon indirecte grâce à plusieurs types d'opérations : - le recueil - expertise de témoignages, - l'opération de recherche simultanée d'indices d'ours (ORSO), - l'indice d'abondance (suivis répétés d'itinéraires), - les stations de suivi (50 stations sur le versant français), comportant des pièges à poils, permettant ensuite l'identification ADN, - la prospection systématique ciblée de certains sites de repos intensivement utilisés. Dans les Pyrénées-Occidentales, le suivi par indices de présence et la recherche systématique d'indices au printemps, sur neige, par le Réseau de suivi ours est pratiqué depuis longtemps. Ce suivi, qui dans le temps a permis de dresser des cartes précises d'occupation et d'utilisation de l'espace par l'ours, ne comporte pas de données de localisation radio, aucun animal présent dans ce territoire n'en ayant été équipé. La localisation radio des individus équipés dans les Pyrénées-Centrales, destiné initialement à connaître les modalités d'acclimatation des ours introduits dans leur nouveau territoire a été ensuite utilisée pour prévenir de la présence de l'ours, pour des raisons de prédation de troupeaux et de sécurité publique, en situation de crise, dans le cas d'ours particulièrement prédateurs (Franska) . En terme de bilan de ces modalités dans les Pyrénées, l'équipement radio des animaux réintroduits fournit des données importantes sur l'utilisation de l'espace par ces ours. Le suivi de ces animaux a notamment permis de re-localiser deux d'entre eux. En revanche, la connaissance des animaux survivant de la réintroduction de 1996, et surtout celle de leurs descendants, reste faible : seuls de ces ours, deux animaux différents, l'ourse Ziva et l'ours Boutxy, sont actuellement identifiés avec certitude à partir des échantillons génétiques 2007. En tout, 8 ours sont donc identifiés, compte tenu des 3 mâles présents dans le Béarn (sur 4 connus) et de l'ourse Hvala avec ses deux oursons, à partir de 61 échantillons fournissant de l'information génétique. L'ourse Ziva a été identifiée en 2007, 7 ans après une précédente collecte de ses indices. Le cumul des décomptes d'animaux distincts, identifiés pendant plusieurs années, donnait en 2005 un nombre de 11 à 14 individus dans les Pyrénées-Centrales,1 à 2 individus à l'est en limite Ariège ­ Aude Pyrénées-Orientales, soit 16 à 20 sur le massif. La variation dans les estimations est donc forte. Dans le Trentin, on considère comme disparu un ours dont les indices n'ont pas été collectés pendant deux années consécutives et cette règle n'a pas pour le moment été mise en défaut. Le « vide » prolongé dans la collecte d'indices identifiables de Ziva est d'évidence un indicateur d'insuffisance du dispositif. 47 S'il est habituel que les effectifs de populations animales soient connus avec une approximation de 30%, cela ne présente pas les mêmes inconvénients pour des populations importantes que pour de très faibles effectifs. Ainsi, malgré les moyens déployés depuis plus de 10 ans, il est ressenti une forte incertitude sur le nombre d'ours présents en Pyrénées-Centrales incluant le Val d'Aran, les extrêmes cités variant de 7 ou 8 identifiés -voir supra- à plus de 15, y compris les ours survivants de la réintroduction de 2006 et les oursons connus nés en 2007. Des éleveurs de la zone estiment avoir fait directement, ou recoupé, l'observation d'individus morphologiquement différents, ce qui les conduirait à évaluer l'effectif de ce noyau à 25, voire 30 ours ! Si c'était le cas, l'approximation passerait du tiers tolérée à la moitié, ce qui n'est plus tolérable. 5.1.2 l'optimisation du suivi Ce suivi doit être à la fois scientifique (connaissance biologique de la population d'ours : génétique, démographique, éthologique ou comportementale) et finalisé (réponse à des préoccupations éventuelles de sécurité publique, contribution à la prévention des dégâts sur les troupeaux). Ces objectifs constituent le corollaire d'une nouvelle qualification des territoires de présence, telle qu'elle a été proposée supra, c'est-à-dire d'une présence permanente d'une population d'ours dans certains territoires, et, sur le restant de l'espace pyrénéen, la présence d'individus ayant vocation à rejoindre ces territoires ou à être déplacés ou éliminés. dans les Pyrénées-Occidentales Dans les Pyrénées-Occidentales, la priorité est simple dans l'immédiat : suivre les 4 derniers mâles restants et détecter l'arrivée éventuelle d'animaux erratiques. Si, dans l'esprit d'une meilleure répartition de l'ours sur la chaîne pyrénéenne dans les territoires qui lui sont les plus favorables, le lâcher de deux femelles paraît être une nécessité biologique, elle permettrait aussi de conserver une trace du génotype pyrénéen, sous réserve toutefois que les deux animaux autochtones restants participent à la reproduction. Sur le plan éthologique (ours présumé peu prédateur) et symbolique (ours génétiquement le plus proche de l'ours pyrénéen), la mission a enregistré un souhait très largement partagé pour qu'un tel renforcement, s'il était décidé, se fasse avec des ours venus des Cantabriques84. dans les Pyrénées-Centrales Dans les Pyrénées-Centrales, les objectifs d'un suivi amélioré seraient, d'une part, - de rassembler les données permettant d'avoir une estimation plus précise de l'effectif présent, basée sur les génotypes individuels distincts, et d'évaluer l'avenir biologique de la population, 84 Outre la proximité géographique avec l'ours pyrénéen, et le régime peu carnivore, l'ours Cantabrique a conservé un niveau de variabilité génétique élevé . 48 Ou bien, en hypothèse basse, correspondant au nombre de génotypes différents mis en évidence en 2007, l'effectif est comparable, à une ou deux unités près, au nombre total d'animaux introduits (8, en comptant les oursons connus de deuxième année), ou bien il existe entre les Pyrénées-Centrales françaises et le Val d'Aran, plusieurs autres ours, particulièrement discrets et peu mobiles, qui n'ont pas laissé en 2007 d'indices génétiques exploitables. En tout état de cause, le point de vue très largement exprimé chez les interlocuteurs rencontrés dans le massif, et spécialement dans les Pyrénées-Centrales, est de laisser évoluer ce noyau de population, sans nouvel apport d'animaux. de déterminer de façon plus précise les modalités d'occupation de l'espace par les ours, de façon à préciser les adaptations souhaitables de l'activité pastorale, de l'exploitation forestière, des itinéraires de randonnée, des pratiques de chasse ; et, d'autre part, de déceler la présence d'ours dans les zones fréquentées occasionnellement. - Il s'agit sur le premier point de déterminer avec la meilleure précision possible : les effectifs de femelles suitées, meilleur indicateur de l'avenir possible de la population, qui se trouvent habituellement en zone de présence permanente, et la présence d'individus colonisateurs, habituellement mâles, et quelquefois femelles, le niveau d'hétérosis ou la « consanguinité », sujet important compte tenu de l'effectif restreint du groupe fondateur et de la longue prégnance du mâle reproducteur Pyros pendant la dizaine d'années écoulées depuis son lâcher . - Ceci dans le contexte d'une disparition prochaine des émetteurs, actuellement en place sur 3 individus, représentant 15% à 40% ( ?) de la « population totale » estimée de ce noyau. Le suivi des femelles suitées, discrètes et méfiantes, est reconnu comme le plus riche d'information sur la dynamique de la population, mais le plus difficile hors du cas des individus équipés. Ce suivi devrait combiner, dans les milieux où évoluent les ours pyrénéens, l'analyse génétique des indices, avec la recherche de traces sur neige au printemps, dans le cadre d'opérations systématiques du réseau de suivi, les photographies par affûts automatiques venant en complément. La mise en place en cours de pièges à poils suivant un quadrillage systématique renforcé répond à ce besoin 85. Sur le second point relatif à la connaissance de l'utilisation du territoire, le cas asturien montre que la gestion d'ours dans un espace très multifonctionnel (élevage bovin très actif, randonnée, chasse) demande une amélioration continue des connaissances sur l'utilisation du territoire par l'ours, alors même que les gestionnaires en ont déjà une connaissance particulièrement précise. L'une des priorités serait donc de multiplier le nombre d'échantillons permettant l'analyse ADN. 85 Le Trentin utilise, en milieu très forestier, un réseau de pièges à poils, combiné à la collecte d'autres indices, fèces principalement, obtenus par recherche systématique ou recueil fortuit, En 2002, le suivi génétique basé sur des échantillons fèces et poils sur 64 km2, y a caractérisé 10 ours différents ; en 2006, sur 752 km2 ont été dénombrés 22 génotypes. 49 Mais, dans l'immédiat, l'urgence est de connaître l'effectif réel des PyrénéesCentrales : l'activité de suivi restant mal connue, ses résultats sont relativement contestés : ainsi beaucoup des interlocuteurs évoquant des animaux qui n'ont jamais été observés ou localisés par l'ETO considèrent que le nombre d'ours dans les Pyrénées-Centrales est largement sous-estimé. Compte tenu d'un souhait, largement exprimé devant la mission, de laisser pour l'instant évoluer le noyau central sans nouvel apport d'animaux, cette population ursine pyrénéenne nécessite donc avant tout le suivi de sa variabilité génétique, pouvant motiver l'apport ultérieur d'animaux nécessaire au maintien de cette variabilité. La mission recommande d'améliorer la connaissance dans deux directions : la communication sur les méthodes de collecte et de traitement des données et l'ouverture au Réseau Ours brun (ROB), d'acteurs peu impliqués jusqu'à maintenant, tels les associations de bergers, ou même d'acteurs hostiles à la présence de l'ours, afin de permettre une évaluation de l'effectif, partagée entre les acteurs. 5.2 Les moyens du suivi La comparaison avec les situations à l'étranger enseigne que les structures de suivi dans les autres pays concernent le plus souvent des populations d'ours préexistantes, d'augmentation démographique récente ou en cours, après une période de diminution : USA, Asturies, Slovénie. La situation la plus comparable à celle des Pyrénées est celle du Trentin, avec un renforcement effectué du fait d'un très faible nombre d'ours préexistants. 5.2.1 la situation dans les autres pays En Asturies, qui hébergent une centaine des 130 à 160 ours Cantabriques, le suivi est assuré par l'Autonomie : il est l'activité principale des 5 gardes de la « patrouille ours », auxquels s'ajoutent 10% du temps d'autres corps généralistes, gardes de l'environnement et gardes chasse principalement, au nombre de 121. Les moyens publics globaux affectés en ETP sont ainsi de 17, 1, financés par l'Autonomie. A ces moyens s'ajoutent ceux des Fondations, Oso Pardo, Oso Asturiano et FAPAS, cette dernière réalisant beaucoup de photographie automatique. Ces participations importantes et techniquement expertes du fait de l'expériences acquise, n'ont pas été évaluées, mais représentent plusieurs ETP. En Slovénie, la gestion de l'ours, assurée globalement par l'Institut Forestier Slovène, représenterait au titre du suivi une soixantaine d'emplois à temps partiel, soit 30 ETP, pour une population d'ours comprise entre 500 et 700 animaux. L'essentiel du suivi se fait sur 186 points d'observation et de nourrissage. Aux USA, les deux situations étudiées : ours colonisateurs autour de Missoula dans le Montana, et gestion globale de faune du Parc de Yellowstone, ne permettent pas de dégager simplement des données comparables spécifiques au suivi ours, les actions correspondantes étant de plus réparties entre plusieurs agences nationales, fédérales et ONG, et les prédateurs étant multiples, ours, mais aussi puma et loup. L'Etat du Montana a ainsi engagé 6 agents, médiateurs chargés d'améliorer l'acceptation de l'ours, d'assurer la sécurité des personnes (vis-à-vis du puma aussi), l'élimination des substances alimentaires susceptibles d'attirer l'ours dans les zones habitées, (notamment cadavres d'animaux tués sur les routes) et la prévention auprès des éleveurs. 50 Dans les parcs nationaux, les effectifs sont respectivement de 1 permanent et l'équivalent de 8 saisonniers à plein temps sur 100 permanents et 300 saisonniers d'été, au parc national des Glaciers, pour 300 grizzlys sur 4100 km2. La gestion de l'ours dans le Yellowstone mobilise de son côté 7 rangers sur les 80 du parc, et des saisonniers, pour 600 grizzlys sur 9000 km2. Dans le Trentin, le suivi mobilise 4,8 ETP 86 au titre de l'administration provinciale, répartis sur 27 personnes. Ces moyens sont renforcés par une participation du parc naturel AdamelloBrenta au niveau de 2 ETP actuellement, après avoir compté 4 ETP pendant la phase de renforcement de la population ursine. On compte actuellement 6,8 ETP et 8,8 au maximum, lors du renforcement, pour un effectif d'ours qui a crû de 10 en 2000 à 25 actuellement. Le suivi le plus dense paraît être effectué en Asturies, si on prend en compte services publics et Fondations. Le cas du Trentin est le plus proche de celui des Pyrénées, avec la réalisation et l'accompagnement d'une réintroduction, mais le territoire de présence habituelle de l'ours est notablement plus étendu dans les Pyrénées, avec deux noyaux distants bien individualisés, et un territoire de présence occasionnelle très vaste. 5.2.2 le renforcement de l'ETO L'organisation du suivi de l'ours brun a été confiée à l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) par le Ministère chargé de l'environnement en 1983. Il repose sur la mise en place d'un réseau de membres répartis sur l'ensemble du massif pyrénéen, le Réseau ours brun (ROB) et sur une structure technique permanente. L' « Equipe Technique Ours » (ETO) est la structure de permanents, créée en 1995, dans le cadre des programmes européens LIFE « restauration et conservation de l'ours brun dans les Pyrénées centrales » : sous la houlette de la Direction des études et de la recherche de l'ONCFS, elle élabore les protocoles de suivi, centralise les données, effectue des synthèses et anime le ROB. Elle apporte un soutien aux éleveurs et bergers et un appui technique à la mise en place des mesures de protection. C'est une équipe partenariale composée de techniciens de l'ONCFS et de l'ONF, et de techniciens des Fédérations départementales des chasseurs, mis à disposition. Elle comprend deux pôles : un pôle « suivi et recherche » et un pôle « pastoral ». Le pôle « suivi » de l'ETO comporte actuellement, au titre de ses moyens pluriannuels, 3 ETP de techniciens permanents, personnels de l'ONCFS ; 2,25 ETP techniciens des Fédérations de Chasse et 0,75 ETP techniciens de l`ONF. Il est renforcé jusqu'en 2008 de 3 Techniciens de l'ONCFS en CDD, soit un effectif total de 9 ETP, qui devrait être réduit à 6 fin 2008 (fin des CDD). Même si l'effectif global de l'ETO correspond globalement, et sans entrer dans le détail des missions et des schémas d'organisation très variables d'un pays à l'autre, à la situation des autres pays, la mission considère que la gestion de la population d'ours consécutive à la nouvelle stratégie proposée justifie un renforcement des moyens de l'ETO. 86 Equivalent Temps Plein. 51 Pour assurer convenablement ce suivi, tout en se mettant en situation de répondre aux demandes diverses, la première mesure à prendre est de pérenniser les 3 postes de techniciens en CDD, avec les missions principales suivantes : 1 poste d'opérateur technique de terrain, catégorie C, installé à Pau. La création de ce poste d'opérateur technique est à lier aux décisions à prendre sur le devenir du noyau ursin occidental. 1 poste d'animateur du réseau sur les Pyrénées-Centrales et orientales, assurant l'exploitation des réseaux de suivi, des données des stations de suivi et indices relevés par le RSO, l'analyse des synthèses et retours d'information, la préparation de documents de communication. 1 poste d'assistance à la gestion administrative (y compris financière et RH) de l'ETO et à la correspondance du SIG87 Pyrénées. Deux domaines de compétence différents qui devraient pouvoir être assumés par un cadre A. - - Ce renforcement permettrait à l'ETO de dégager du temps pour l'analyse de données, les publications demandées par l'ONCFS, la participation à des colloques internationaux et la réalisation de diverses expertises. Cela lui permettrait aussi de parfaire la formation de ses personnels aux situations de crise et de leur permettre, par des formations adéquates, une amélioration qualitative des services de tous ordres à rendre, notamment aux éleveurs et aux bergers. La mission recommande fortement le renforcement des moyens de l'Equipe Technique Ours, notamment en pérennisant les trois CDD mentionnés supra, et lui permettant de parfaire et d'adapter sa formation, notamment en situation de crise. Elle demande à la DNP de travailler avant la fin 2008, sur la mise au point d'une lettre de mission à l'ONCFS permettant d'améliorer son organisation et de traiter deux questions : - l'implication scientifique souhaitée par l'ONCFS sur l'ours et l'amélioration de celle-ci (publications scientifiques, colloques, encadrement de thèses) ; - la prise en charge des missions de suivi d'animaux équipés radio, de reprise88 et de renforcement éventuel. 5.2.3 la densification des stations de suivi Le premier moyen, en cours autant qu'urgent, est la densification des stations de suivi équipées de pièges à poils, pour déterminer les génotypes différents. 49 pièges existaient, dont 18 en Béarn, et 31 dans les Pyrénées-Centrales et à l'est, répartis à maille moyenne de 64 km2 (8x8 km), soit 3136 km2 couverts. Le dispositif est en cours de densification en Pyrénées-Centrales, avec 34 nouveaux sites conduisant à une maille de 4x4 km, sur un territoire de 752 km2. Un indicateur de l'efficacité de nouveau maillage serait qu'il permette de capter chaque année plusieurs échantillons de chaque génotype identifié, ce qui présume que tous les animaux présents sont contactés, et ainsi fournir une estimation plus représentative du nombre réel d'animaux présents. 87 La mission tient à souligner la qualité du SIG Pyrénées, la compétence de son équipe d'animation de l'Assemblée pyrénéenne d'économie montagnarde (APEM) et l'intérêt du partenariat qu'il offre pour le Plan de restauration. 88 La capture de deux ours a nécessité pour chacun, une centaine de journées pour huit personnes, ce qui représente chaque fois près de 40% du potentiel humain annuel de l'ETO ! 52 5.2.4 le développement du Réseau ours brun Le « Réseau ours brun » (ROB), coordonné par l'ONCFS, est composé officiellement d'environ 180 membres répartis sur les six départements pyrénéens, provenant d'horizons divers : services de l'Etat, fédérations départementales des chasseurs, associations d'environnement, syndicat mixte IPHB. Un certain nombre d'usagers de la montagne lui apporte aussi de temps à autre leur contribution. La mission estime nécessaire de re-dynamiser, et de densifier, le réseau ours brun, en améliorant son animation, et en augmentant le nombre de participants, pour se préparer à la disparition des données fournies par les ours équipés. Dans les Pyrénées-Atlantiques, les seules prospections directes de terrain (suivis de pièges, itinéraires kilométriques d'abondance, recherche simultanée d'indices), excluant le contrôle de témoignages, mobilise 190 journées, pour une surface prospectée de 600 km2 environ. Ces opérations associent des personnels de l'ONCFS, du Parc national, de l'ONF, des Fédérations de chasse et des adhérents du FIEP. En raison de l'étendue du territoire à prospecter en France, le suivi doit concerner en priorité les territoires fréquentés par des ourses reproductrices, c'est-à-dire le LuchonnaisCouserans, notamment en recueillant des indices non liés à un réseau de pièges attractifs, pour disposer de données non biaisées sur la fréquentation du territoire. Il faut aussi inclure la totalité du territoire qualifié de zone de présence occasionnelle, dans la mesure où la principale source de données relatives aux ours se trouvant hors des territoires de présence retenus, proviendra du Réseau. Dans les Pyrénées-Centrales, la même pression d'observation devrait concerner une surface approximativement double, mobilisant donc 350 à 400 journées. Une « tranche » de 200 journées supplémentaires pourrait donc être nécessaire, pour prospecter de part et autre de cette zone, dans les Hautes-Pyrénées à l'ouest et en Haute-Ariège à l'est. La participation des chasseurs aux recherches systématiques d'indices devrait être encouragée, dans l'esprit des chartes négociées entre l'Etat et les Fédérations départementales des chasseurs ­voir 4.4.2-. La formation prévue par ces chartes doit contribuer à cette sensibilisation, au delà de la remontée de données d'observation individuelles. Une contractualisation avec l'ONF, qui dispose de plusieurs dizaines de personnels fonctionnaires et ouvriers sur la zone, devrait être recherchée, en vue de mobiliser ces personnels, notamment pour des recherches simultanées d'indices qui se font au printemps (début mai) ou en automne (mi-octobre) sur neige fraîche ; les observations spontanées faites par les personnels fonctionnaires et ouvriers de cet établissement peuvent aussi être valorisées. Cette action relève des missions d'intérêt général de cet établissement ­voir 4.4.1-. D'autre part, plusieurs des personnes rencontrées lors de la consultation, comme l'Association des Bergers des Hautes-Pyrénées, se sont déclarées intéressées pour une participation au Réseau ours brun, aux côtés des chasseurs, accompagnateurs en montagne, randonneurs, membres d'associations d'environnement. 53 D'autre part, certains éleveurs ont fait part à la mission de leur souhait être dotés d'appareils photographiques numériques, pour saisir des indices fugaces : traces dans neige fraîche, dans la boue, par temps pluvieux, etc. Il semble que ces intentions méritent un examen attentif, d'autant que le coût des matériels nécessaires ne cesse de diminuer. L'accroissement des moyens du ROB pourrait enfin faire appel au mécénat : si la gestion proprement dite de l'espèce ne peut que relever des pouvoirs publics, la connaissance de la population ursine qui implique déjà le secteur associatif, avec le FIEP notamment, pourrait intéresser le mécénat, comme par ailleurs, la préservation et l'amélioration des habitats forestiers. Cette mobilisation collective d'un réseau ours brun renforcé peut être une conséquence directe et positive de la requalification des territoires de présence et de la gestion renouvelée de la population d'ours qu'elle entraîne. C'est pourquoi la mission recommande de porter cette proposition devant le groupe de travail pyrénéen évoqué en 4.3.4. 5.3 La sécurité des personnes Des constats faits par la mission dans les différents pays, l'ours brun n'est pas ressenti par les habitants qui le côtoient comme spontanément dangereux pour l'homme : très discret en Asturies, apparemment plus visible dans le Trentin, où son régime alimentaire saisonnier l'attire vers les vignobles et vergers de pommiers, ce n'est qu'en Slovénie qu'une forte densité d'ours (7 ou 8 pour 100 km2) conduit à envisager des mesures de prévention vis à vis des personnes, notamment des enfants. En Asturies et dans le Trentin, il n'y a pas souvenir d'une attaque physique d'ours sur un humain dans le passé et celles-ci sont rares dans les pays d'Europe centrale à fortes populations d'ours, Slovaquie et Roumanie. Dans un contexte différent, le grizzly du Yellowstone, beaucoup plus imposant physiquement que l'ours du Sud-Ouest Européen, réputé agressif, majoritairement carnivore et qui a connu dans le passé une période de près de 40 ans de familiarisation volontaire ­par nourrissagepour faciliter sa vision par les touristes, n'a causé que 3 ou 4 morts depuis89 la création du parc national en 1872, et attaqué et/ou blessé chaque année une cinquantaine de personnes de 1931 à 1969. Si une attaque d'ours ne peut évidemment pas dans l'absolu être exclue dans le contexte des montagnes d'Europe occidentale, notamment dans le cas d'une ourse suitée se sentant menacée, même si les zones d'élevage des jeunes sont habituellement très retirées par rapport à l'habitat humain, la probabilité en est beaucoup plus faible que celle d'une attaque ou dommage par un autre animal. Dans aucun de ces pays, y compris aux USA, il n'y a de suivi individuel « sécuritaire » des ours, y compris en zone très fréquentée par le public. Des conseils de comportement en cas de rencontre d'ours et des consignes pour éviter l'accoutumance de l'ours à des ressources alimentaires associées à la présence humaine, sont largement diffusées. 89 Pendant que les bisons, beaucoup plus nombreux et très proches des routes, faisaient 5 victimes. 54 La sécurité des humains, compte tenu du comportement habituel de l'ours, ne semble pas justifier un suivi spécifique. Si cela était, ce suivi qui ne pourrait être fait qu'avec un équipement radio, devrait être permanent et concerner tous les ours. Les délais d'interprétation des signaux et la mobilité de l'animal entraîneraient en tout état de cause une incertitude permanente de plusieurs kilomètres sur la localisation exacte de l'animal. L'équipement permanent de l'ensemble de la population n'est par ailleurs pas envisageable 90 : il faudrait capturer l'ensemble des animaux, les re-capturer environ tous les 3 ans avant épuisement des piles électriques, indépendamment du coût budgétaire d'une telle mesure91. Ces animaux dont le psychisme est complexe en seraient vraisemblablement perturbés, de façon imprévisible. Cette situation ne serait pas compatible d'autre part avec la notion d'animal sauvage et libre de ses mouvements. Toutefois, même si le risque est faible, des moyens d'intervention doivent pouvoir être activés. Ils sont prévus par le « protocole 92 d'intervention sur un ours à problèmes », qui mérite une adaptation à la gestion renouvelée de la population d'ours qu'entraîne la requalification des territoires de présence : c'est l'objet du chapitre suivant. Par ailleurs, la question sécuritaire rejaillit naturellement sur celle de la responsabilité, notamment des élus locaux. La circulaire interministérielle 93 d'avril 2007 aux préfets du massif des Pyrénées relative au « rôle des autorités publiques dans la mise en oeuvre des dispositifs de sécurité des personnes et de suivi des populations d'ours bruns » apporte des réponses sur lesquelles que le Conseil d'Etat devrait prochainement donner son avis. 5.4 La gestion des ours à problèmes Le « protocole d'intervention sur un ours à problèmes » ONCFS/ETO de février 2006 considère « à problème » : un ours trop familier vis à vis de l'homme, un ours anormalement prédateur, un ours agressif envers l'homme. L'évaluation comparative tend à montrer que les solutions adoptées dans les territoires à populations d'ours importantes sont « expéditives » : en Slovénie, jusqu'en 1990, tous les animaux sortant de la « zone rouge » de présence de l'ours étaient abattus94. Depuis cette date, après concertation, les prélèvements ont été répartis entre la zone rouge et sa périphérie ; ailleurs, dans les corridors de colonisation (vers le nord ­ est et le nord-ouest), les ours à problèmes sont déplacés, pas éliminés. Ils sont aussi éliminés des autres territoires, hors zone rouges du sud et corridors -telle la Pannonie aux environs de Maribor-. A cette politique s'est ajoutée la suppression ces dernières années des ours familiers près des villages en zone rouge. 90 Aucune population d'ours ne comporte d'animaux équipés en permanence pour des raisons sécuritaires. Aucun ours asturien n'est même équipé, semble-t-il pour partie, en raison de l'hostilité de la population à toute capture d'ours autochtone. Les ours réintroduits dans le Trentin étaient équipés à leur lâcher en 2000, les colliers qui ont progressivement cessé d'émettre n'ont pas été remplacés et aucun animal n'est équipé actuellement. Un seul ours, « relocalisé » est actuellement équipé en Slovénie. L'équipement permanent d'ours en Suède et aux USA (Yellowstone) correspond à des programmes scientifiques dans la durée et ne concernent qu'une fraction de la population. 91 Un collier coûte 4000 . 92 ONCFS/ETO ­ février 2006. 93 Circulaire DNP/CFF 07-02 des ministres de l'Intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, de l'Agriculture et de la pêche et de l'Ecologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire du 26 avril 2007. 94 Ce qui a engendré de vices réactions de la part de la population, amenant les gestionnaires de la population à plus d'informations et d'explications du pourquoi. 55 Au Montana, après délocalisation ou effarouchements infructueux, les animaux familiers ou agressifs sont supprimés. Dans l'ouest des USA, l'espace disponible permet de tenter systématiquement le déplacement et la « re-localisation », l'ours brun américain paraissant aussi plus facile à capturer, peut-être du fait de la faible densité des ressources alimentaires ; mais beaucoup d'ours reviennent et conservent leur comportement antérieur, et il faut alors les éliminer. A l'inverse, dans le Trentin, le traitement du cas unique de l'ourse familière Jurka a pris en compte des souhaits divergents, fortement exprimés dans l'opinion locale et nationale, de l'extraire du milieu naturel, de ne pas la tuer, et même de ne pas l'exhiber en captivité : elle a donc été mise en captivité dans une installation non accessible au public, où d'autres places sont prévues en prévision de cas analogues. Avec ses partenaires, la mission a visité cette installation, qui a laissé pour le moins perplexe l'ensemble de la délégation française. En Asturies, il n'a pas été évoqué la présence d'ours à problèmes . La question des ours à problèmes est complexe : « le Ministère slovène a établi une liste de cas, de types d'interventions et de solutions à appliquer, mais chaque situation est unique et demande à être évaluée95 ». dans les territoires de présence reconnue et à leur proximité, il s'agit de tenter de dissuader des ours, familiers ou agressifs vis à vis des humains, d'adopter ces comportements. Selon Christopher Servheen, ces actions ont une chance de réussite si l'ours n'a pas encore satisfait sa faim ou sa curiosité. Dans ces territoires, il paraît préférable de re-capturer l'ours incriminé sans effarouchement préalable, puis de relâcher l'animal après équipement radio, et cette fois, avec effarouchement renforcé, par exemple avec le concours de chiens. Concernant les animaux prédateurs, il faut considérer que la prédation d'animaux non gardés est un comportement normal de l'ours. Certains ours ont été très prédateurs, mais ont cessé de présenter ce comportement. Face à une prédation multiple, il faudra donc faire une analyse de comportement, avant de décider d'une reprise. en dehors de ces territoires et à l'échelle des Pyrénées, le schéma « capture et relâcher à grande distance » d'animaux nés dans le massif, qui est efficace à l'échelle de vastes territoires, paraît inadapté. En effet, l'animal aux habitudes prédatrices, qui est déjà largement « passé à l'acte », ne changera pas de comportement après une délocalisation, suite à laquelle, au contraire, il cherchera vraisemblablement dans un territoire inconnu la source d'alimentation la plus facile. Le territoire pyrénéen est exigu à l'échelle des déplacements des ours : le retour sur le lieu de reprise d'un ours né dans le massif est toujours probable, l'animal ayant une connaissance large du territoire. Enfin, le relâcher ne pourrait s'envisager qu'en territoire de présence reconnue, caractérisé par la présence de femelles reproductrices et donc de mâles dominants : si l'intégration d'une femelle dans ce contexte paraît envisageable, celle d'un mâle paraît très improbable. - 95 Marko Jonosovic, Institut forestier slovène, responsable du groupe d'intervention spécial, qui traite plus d'une trentaine de cas par an. 56 C'est pourquoi, dans le contexte pyrénéen, la mission estime qu'il faudrait probablement envisager l'élimination des ours excessivement familiers, dangereux ou très prédateurs. Outre les aspects réglementaires, s'agissant d'une espèce actuellement en état de conservation « défavorable-inadéquat », cette mesure pourrait être admise par l'opinion en fonction du développement des noyaux de population dans les territoires de présence. Cette gestion, si elle était décidée, nécessiterait une équipe spécialisée, d'intervention d'urgence, vis à vis des ours familiers ou agressifs96, d'autant que la disparition du suivi radio d'une partie des animaux accroît la probabilité de situation imprévue et renforce la nécessité d'une capacité d'intervention d'urgence. Dans les pays visités, cette fonction est toujours prévue et son activité varie en fonction de la densité d'ours. - au Montana, l'équipe de 6 médiateurs est chargée de plusieurs tâches : mitigation auprès de la population pour faire évoluer la perception des prédateurs ; prévention vis à vis de l'accoutumance alimentaire des ours ; mise en place de dispositifs de protection des troupeaux ; effarouchement des ours ; élimination des animaux potentiellement dangereux (couguars s'approchant des établissements recevant des enfants, ours noirs et ours bruns grizzlys familiers ou agressifs). - en Slovénie, le groupe d'intervention spécial, comporte au niveau du pays un coordinateur national et trois équipes de trois personnes : il traite 150 à 200 sollicitations par an, réalise 30 à 40 interventions, dont effarouchement, anesthésie et transfert, élimination, suivant l'évaluation faite par l'équipe qui s'appuie sur des critères nationaux. - dans le Trentin, une équipe d'urgence de 3 personnes, 1 coordinateur et deux opérateurs, est activée 24h/24 de mars à novembre, pour effaroucher, éventuellement capturer et équiper ; elle implique 21 personnes, 9 coordinateurs et 12 opérateurs du service forêt-faune de la province. - dans les Asturies, où aucun cas de familiarité ou d'agressivité n'a été relaté à la mission, la Patrouille Ours de cinq personnes, en charge habituellement du suivi, assumerait éventuellement cette mission. L'activité de reprise d'un animal non équipé d'émetteur peut se révéler extrêmement coûteuse en temps : ainsi la capture de Papillon et la re-capture de Pyros ont coûté chacune 90 à 100 journées de piégeage à 8 personnes, plus un vétérinaire en permanence pour Papillon ! Ces opérations de capture, forcément aléatoires, peuvent discréditer l'équipe, alors qu'elle est par là même empêchée de s'investir dans ses autres activités. 96 Dans le passé, il y a eu dans les Pyrénées des ours autochtones familiers ou agressifs. 57 Pour les Pyrénées, la mission recommande que l'Equipe Technique Ours soit confirmée dans cette mission de gestion des ours à problèmes, qui pourrait s'inscrire en partie dans le temps libéré par la diminution ou la disparition du suivi télémétrique. Comme pour les opérations de re-capture, un concours pourrait être demandé aux services départementaux de l'ONCFS : les deux brigades mobiles d'intervention compétentes sur la chaîne pyrénéenne pourraient apporter leur concours aux opérations de tir d'élimination en vue d'alléger le cas échéant l'engagement de l'ETO. Ces opérations comme d'ailleurs les expertises de dommages, peuvent se dérouler dans un contexte tendu, voire passionnel, au contact de personnes très impliquées dans l'élevage, ou dans la protection de la faune sauvage . Les personnels concernés de l'ETO et des autres services de l'ONCFS devraient bénéficier de formations à la gestion des situations de conflit. 5.5 La coopération avec l'Espagne et l'Andorre Les noyaux de population d'ours des Pyrénées-Occidentales, et des PyrénéesCentrales, sont établis sur les deux versants des Pyrénées. Même au faible niveau de l'effectif actuel, la population d'ours est transfrontalière. Les Autonomies Espagnoles et la Principauté d'Andorre participent de façon significative au suivi de l'ours pyrénéen : l'Aragon affecte 1100 journées/agent annuelles, par une patrouille ours de 5 personnes, plus un demi poste dédié à la cartographie ; la Navarre assure 90 journées de suivi réparties entre ses 8 gardes locaux ; la Catalogne affecte 3 personnes, à Barcelone, en Val d'Aran et en Pallars Sobirà ; la Principauté d'Andorre affecte de son côté un agent à plein temps. La coopération franco-espagnole existe donc bel et bien, dans le cadre d'une déclaration97 signée en l'an 2006. Un comité se réunit une fois par an et les agents de l'ETO assurent un contact régulier avec les responsables du suivi en Espagne et en Andorre. La mission et les principaux interlocuteurs rencontrés sur le terrain estiment qu'il est nécessaire d'intensifier cette coopération pour gérer une population d'ours par nature transfrontalière. Dans le cadre de la déclaration d'intention entre les trois pays, deux axes paraissent devoir particulièrement être privilégiés : - le montage d'opérations communes de recherche simultanée d'indices, sur les deux versants des Pyrénées, - l'harmonisation des méthodes d'identification génétique des animaux, par les méthodes de collecte, et par les marqueurs génétiques utilisés. 97 Déclaration d'intention du 22 mai 2006 entre le ministère français chargé de l'environnement, le ministère de l'agriculture et du patrimoine naturel d'Andorre et le ministère espagnol de l'environnement pour une coopération relative à la conservation de l'ours brun dans les Pyrénées ainsi qu'à d'autres espèces d'intérêt commun. 58 5.6 L'information et la concertation Si la mission place cette partie sur l'information et la concertation en fin de chapitre, ce n'est pas seulement parce qu'elle est le prolongement naturel des considérations techniques exposées supra et qu'il faut expliquer au public et aux socioprofessionnels, mais surtout parce qu'elle est la condition d'une bonne application de tout ce qui est proposé précédemment, et qu'elle boucle de cette manière le principal enseignement de l'analyse comparative présentée au début du rapport : la transparence et la gestion collectives. 5.6.1 l'information et la communication Dans tous les pays visités, l'information des habitants et des parties prenantes fait partie intégrante des plans et mesures de gestion. Cette information et cette communication ne sont bien entendu pas absentes du Plan de restauration dans les Pyrénées, tant vis à vis des élus et du grand public que des socioprofessionnels : lettre d'information semestrielle, communiqués de presse, dépliants, site Internet, sensibilisation des scolaires, etc. Elle devra se poursuivre et s'accentuer pour la mise en oeuvre des propositions de ce rapport. Concernant la localisation des ours, elle ne pourra pas dans le futur être connue précisément dans les Pyrénées, sauf circonstances particulières (observation directe, photographie, traces très récentes, pouvant être datées...), ce qui est déjà le cas pour la majorité des ours présents. L'identification certaine d'un animal, ayant déposé un indice en un lieu connu, mais à une date indéterminée, sauf cas particuliers, devra attendre l'analyse génétique. Dans ce contexte, le partage de l'information et la transparence sur les méthodes de collecte d'indices et d'interprétation de résultats sont essentielles pour connaître, mais inévitablement avec délai (le temps des analyses génétiques), l'effectif estimé des animaux, et les points de passage répertoriés de ceux-ci. En revanche, toute localisation d'un ours, instantanée ou récente et prouvée (individu souvent non identifié, notamment suite à prédation) devra être largement portée à la connaissance du maire de la commune et des communes voisines, des responsables des agriculteurs et groupements pastoraux et des associations communales de chasse. Mais sauf cas d'urgence, l'identification de l'ours par la génétique ne pourra être réalisée que plus tard, les déterminations en laboratoire devant être regroupés en un ou deux traitements annuels d'échantillons, pour maîtriser les coûts. Il en est ainsi dans les pays visités. Les pièges à poils des stations de suivi sont relevés tous les 15 jours : par contre, en raison du coût, les analyses sont faites en deux sessions annuelles, sur échantillons regroupés : juin et novembre. Une procédure d'urgence, coûteuse, peut donner une détermination d'échantillon en 15 jours. Dans le cas habituel, le délai entre la collecte de l'échantillon et l'identification de l'animal est de 1 à 6 mois. La date de passage de cet animal sur le lieu de piégeage est connue dans ce délai, avec une incertitude de 15 jours. Les recherches simultanées d'indices se font sur neige fraîche, à des dates fonction de la météo, en mai et en octobre. Trois synthèses de données peuvent être produites dans l'année : - 30 juin : synthèse des recherches simultanées d'indices, enrichie le cas échéant des indices kilométriques d'abondance et de témoignages validés. - 1er septembre : données précédentes consolidées avec les identifications génétiques : individus (génotypes) différents sur échantillons collectés au 1er semestre, sexes et dates de présence (à la quinzaine de jours près) sur les pièges. 59 - février : synthèse annuelle, avec l'ensemble des données issues des analyses génétiques. La synthèse du 30 juin est utilisable par les élus et les éleveurs ; la synthèse du 1er septembre intéressera principalement les chasseurs. La mission recommande que soient élaborées dans l'année ces trois synthèses, avec une large diffusion auprès des élus, des responsables agricoles et groupements pastoraux, des Fédérations de chasse et associations locales concernées, des associations d'environnement. 5.6.2 la concertation et la gouvernance Il s'agit sans doute là de l'enseignement principal de l'analyse comparative : la mobilisation et la gestion collectives -qui ne sont pas synonymes de consensus-, pour travailler ensemble est une constante dans les pays visités. Le Plan de restauration avait bien sûr prévu la concertation entre les parties prenantes et l'exemple des pays voisins montre, s'il en était besoin, qu'elle est indispensable pour la gestion de l'ours (Asturies, Slovénie, Trentin) : « cette réunion98 des partenaires autour de la table, administration, élus, chasseurs et associatifs, résulte de nombreuses années de concertation ». Il faut d'ailleurs souligner qu'à côté de nombreuses réunions ou instances à thématiques spécifiques, des outils institutionnels de concertation existent sur le massif : le Comité de massif ; les Comités départementaux de gestion de l'espace montagnard en Haute-Garonne et dans les Hautes-Pyrénées ; l'Institution patrimoniale du Haut-Béarn (IPHB) pour les Pyrénées occidentales, notamment. La mission recommande que cette concertation se situe à deux niveaux principaux : - un groupe de travail99 pyrénéen, tel que déjà mentionné en 4.3.4, dispositif permanent de dialogue entre les parties prenantes, - des groupes de travail locaux, qui pourraient être, soit départementaux (sur le modèle des deux Comités départementaux de gestion de l'espace montagnard), soit en correspondance territoriale avec les territoires de présence identifiés. Dans ce cas, il pourrait prendre modèle sur l'IPHB. Mais cette concertation ne pourrait vraiment porter ses fruits que si elle est accompagnée d'une coordination interrégionale - et interministérielle - sur le massif. Compte tenu de la prise de recul prônée par la mission dans le cadre d'un aménagement équilibré de la montagne pyrénéenne, ce rôle, à la fois d'animateur et de médiateur, ne peut revenir qu'à l'Etat, en la personne du Préfet, coordonnateur de massif. C'est pourquoi la mission propose que les ministères chargés de l'environnement et de l'agriculture mettent à disposition du Préfet un directeur de projet100, placé auprès de ce dernier, chargé de la mise en oeuvre des propositions de la mission sur le terrain, une fois qu'elles auront été étudiées, négociés et validées. 98 Conclusion solennelle du maire de Kocevje à la fin d'une réunion des parties prenantes avec la délégation française lors de son déplacement en Slovénie. 99 La secrétaire d'Etat à l'écologie a d'ores et déjà annoncé son principe sous l'appellation Groupe national Ours, en parallèle avec le Groupe national Loup, qui se réunit régulièrement depuis quelques années. 100 Décret du 23 mai 2000 relatif aux emplois de directeur de projet. La mission des directeurs de projet est de trois ans, éventuellement renouvelable. 60 6 LA VALORISATION DE LA PRESENCE DE L'OURS Deux vecteurs principaux peuvent porter la valorisation économique et touristique de la présence de l'ours : - le « produit » ours ­ l'exploitation « hard »- ; - l' « image » de l'ours ­ la valorisation « soft »-, l'un n'étant évidemment pas exclusif de l'autre. Dans les pays visités, cette valorisation ressort de ces deux vecteurs : aux Etats-Unis, c'est plutôt le produit qui prédomine ; en Asturies et dans le Trentin, c'est plutôt l'image ; alors qu'en Slovénie, le « tourisme de l'ours » ne semble pas une priorité ­sauf pour la chasse. En France, force est de reconnaître que le faible nombre d'ours et le contexte socio-politique difficile ne constituent pas des facteurs favorables à cette valorisation. 6.1 le produit ours C'est incontestablement dans le parc du Yellowstone que l'ours constitue un véritable produit touristique : « on vient voir les ours », et les bisons, et les loups, à côté d'autres richesses naturelles et paysagères. Il y a même dans ce parc des « bear jam101 », quand des plantigrades se montrent et que les voitures stationnent à la file le long des routes pour les observer et les prendre en photo. Ce phénomène existe aussi en France, par exemple dans les réserves animalières de Thoiry ou Sigean, dont certains parcours se font en voiture. Le Yellowstone ­parc où l'on acquitte un droit d'entrée comme dans tous les parcs nationaux américains- reçoit 1,5 à 2 millions de visiteurs 102 par an. Les recettes de l'entrée sont abondées de celles de l'hébergement, de la restauration, des commerces, de la location de matériel, etc. et d'un important marchandisage103 (publicité, promotion, produits divers ­ours en peluche, photos, objets représentant des ours, etc.), comme dans tous les sites touristiques de la planète. On trouve aujourd'hui dans les Pyrénées des parcs animaliers où l'on peut voir des ours : les Angles dans les Pyrénées orientales, Borce dans les Pyrénées-Atlantiques, et un espace dédié : la Maison de l'ours à Saint Lary-Soulan dans les Hautes-Pyrénées. Ces initiatives participent pleinement au développement de ces stations, mais ont une aire d'influence essentiellement locale. D'autres projets de parc ont été étudiés par le passé : un parc animalier sur la faune pyrénéenne au Mourtis en 1997 et, dans le même secteur, une « Montagne aux ours » à Boutx en 1998 à l'initiative du propriétaire de Thoiry. Les deux études préliminaires correspondantes ont servi de base en 2000 à une étude plus approfondie pour l'implantation d'un « parc de vision animalier d'ours », toujours dans ce secteur de la Haute-Garonne -qui correspond à un territoire de présence identifié supra- et sous l'égide d'un syndicat mixte du parc de vision du Haut Comminges, créé à cette occasion. Aucun de ces projets n'a vu le jour. 101 102 Embouteillage liés à la présence d'ours. Les 7 parcs nationaux français (hors Réunion et Guyane) en reçoivent 6 millions par an ­ source IFEN. 103 En anglais, « merchandising ». 61 La question qui se pose aujourd'hui n'est pas de savoir s'il est pertinent de relancer l'idée d'un « parc à ours » -la mission pense que c'est une piste naturellement intéressante-, mais si cette relance peut être faite indépendamment du devenir des populations d'ours actuelles. - oui, car on pourrait, si on le décidait, mettre quelques ours dans un grande réserve animalière. Encore faudrait-il définir le lieu, ou les lieux, trouver des investisseurs et faire de sérieuses études de clientèles. Et il vaudrait mieux que ces investisseurs soient privés, car un parc animalier coûte cher en investissement et en fonctionnement pour une collectivité publique ­dont ce n'est d'ailleurs pas vraiment le métier- : on sait les difficultés de rentabilité des parcs d'attraction en France, compte tenu de la concurrence entre destinations et de la volatilité des clientèles touristiques. Le problème des parcs n'est pas de permettre d'y aller une fois, c'est de donner envie d'y revenir. - non, sans doute, car pourrait-on faire une réserve animalière en lieu et place d'ours en liberté, même surveillée, comme il est proposé dans ce rapport ? En dehors des difficultés évoquées en 4.3.2 quant à l'hypothèse d'un cantonnement, se poserait, compte tenu de la médiatisation de l'animal, une question d'acceptabilité sociétale d'un tel parc, qui risquerait d'hypothéquer son succès : l' « ours en cage » est-il le prix à payer pour sa survie dans les Pyrénées ? ne témoigne-t-il pas de l'impuissance collective à le garder « en liberté » ? et dans ce cas, ce « produit » reste-t-il vraiment attractif ? Dans un contexte socio-économique difficile et de raréfaction du pouvoir d'achat, nul doute que les investisseurs potentiels se poseraient ce type de questions. En réalité, parc à ours et territoires de présence ­surveillée- sont complémentaires : le parc permet aux gens de « voir » des ours qu'ils ne verront sans doute jamais « en vrai » dans la nature, mais qu'ils savent être là, ce qui est totalement différent en termes d'attractivité touristique et de réception psychologique. Indépendamment d'une exploitation touristique « lourde » liée à l'existence d'un parc à ours qui n'existe pas aujourd'hui, il faut signaler la création il y a quelques années d'un « réseau des professionnels du Pays de l'Ours » (accompagnateurs en montagne, aubergistes, éleveurs, apiculteurs, producteurs et artisans), proposant, autour d'une charte104 de qualité, des produits et des services, respectueux de l'environnement et s'engageant pour la présence de l'ours. Cette initiative n'est pas sans rappeler celle de l'association « Cévennes Ecotourisme », développée avec succès dans le parc national des Cévennes. Dans ce même secteur et en même temps, des éleveurs, accompagnés par la même association, ont engagé la production et la vente directe du « broutard105 du Pays de l'ours » avec un cahier des charges spécifique et se sont regroupés au sein d'une association Estives du Pays de l'Ours. Enfin, le fromage « Pé Descaous »106 a été créé en 1994 par le Fonds d'intervention écopastoral avec l'association « les bergers du Haut-Béarn » et le soutien du WWF - France. Il s'agit d'un fromage fermier élaboré en estives, avec une commercialisation utilisant l'image de l'ours (empreinte d'une patte d'ours sur la croûte), symbole de la qualité du terroir. Une trentaine de bergers-fromagers participent à ce programme et une vingtaine de tonnes de fromage est produite en moyenne chaque année, en majorité du fromage de brebis. 104 105 Initiée et animée par l'association Pays de l'Ours ­ Adet. Agneau âgé de 6 à 12 mois, élevé au lait de sa mère, puis à l'herbe. Il transhume en estive avec le troupeau sur les pâturages de montagne et est ensuite vendu directement de l'éleveur au consommateur, à la descente d'estive et jusqu'au mois de décembre. 106 «Va-nu-pieds », surnom de l'ours en béarnais. 62 Toutes ces initiatives sont intéressantes, mais ponctuelles et limitées en termes économiques, et ne ressortent pas d'une stratégie d'ensemble sur le massif. Le « bilan produit » est donc faible, mais le produit existe-t-il vraiment ? 6.2 l'image de l'ours L'exemple des Asturies est particulièrement illustrateur de cette valorisation par l'image. Il s'agit là-bas d'un développement local, entièrement fondé sur l'image de l'ours, sur un consensus culturel fort, sur un outil Parc naturel ­mi-national, mi-régional- fédérateur d'un pays rural très enclavé dans une région très touchée par la reconversion industrielle. Même si le secteur de Somiedo n'avait sans doute pas d'autres choix pour son développement, les élus se sont mobilisés de façon très volontariste, avec de fortes convictions environnementales, et avec l'appui des autorités régionales et nationales. Du reste, il a été démonstratif de constater que le seul « parc à ours » du secteur ­deux ourses orphelines recueillies, 60 000 visiteurs annuels- est volontairement gratuit pour éviter d'en faire le point focal de l'attractivité de ce territoire : il ne s'agit que d'un produit d'appel, l'essentiel n'étant pas là pour son développement. Le Trentin ressort de la même dynamique, mais à un degré moindre, compte tenu du fait qu'il y a peu d'ours, et que la région de Trento-Bolzano est une des plus développées d'Europe, qui dispose de bien d'autres vecteurs de développement que le tourisme. Dans les Pyrénées, cette image est aussi et depuis longtemps exploitée de façon volontaire par de nombreux commerçants, restaurateurs, cafetiers et villages qui associent le nom de leur établissement et de leur signalétique à celui de l'ours. D'autres opérateurs107 ont joué, ou jouent, cette image pour leur promotion. Mais on sent bien aussi que les offices du tourisme, les syndicats d'initiative et certaines collectivités hésitent encore à utiliser pleinement son image. Ainsi, le remarquable instrument de promotion du massif, la Confédération108 pyrénéenne du tourisme, n'a inclus aucune photo d'ours, ni fait aucune référence à la présence d'ours dans le massif dans aucune de ses nombreuses brochures ! Pourtant, il suffit de randonner dans le massif pour emprunter un « chemin de l'ours », passer un « pas de l'ours » ou gravir un « pic de l'ours », skier aux abords de la « tute de l'ours » voire en rencontrer un par hasard ! Sur ce thème, très important dans le contexte culturel pyrénéen, de l'image et du symbole, il est également intéressant de noter que les deux principales coordinations d'éleveurs « antiours », l'Association pour la sauvegarde du patrimoine Ariège-Pyrénées (ASPAP) et l'Association pour le développement durable de l'identité des Pyrénées (ADDIP), ainsi d'ailleurs que l'Institution patrimoniale du Haut-Béarn (IPHB), se sont placées dans leur intitulé sous le timbre très pertinent du « patrimoine pyrénéen » et de l' « identité pyrénéenne ». L'une des plus anciennes activités du massif, le pastoralisme, participe en effet à cette culture : organisation humaine collective, gestion des estives diversifiée et adaptée en fonction des territoires, image positive véhiculant des produits de qualité. 107 Par exemple, l'opérateur touristique La Balaguère avait jadis un produit de randonnée autour des territoires de l'ours ; aujourd'hui, la nouvelle collection locale de vêtements «By Pyrénées » associe sur son site Internet son logo avec des empreintes d'ours. 108 Il s'agit, avec la Normandie, du seul outil de promotion touristique et de mise en réseau des partenaires de l'économie touristique en France qui couvre plusieurs régions et un massif de montagne. 63 Mais c'est à ce même titre du patrimoine et de l'identité que les défenseurs associatifs du plantigrade arguent de l'histoire et de la culture pyrénéennes autant que de la sauvegarde de la biodiversité pour soutenir la présence de l'ours dans le massif. Ce substrat culturel et psychologique très profond, qui frappe tous ceux qui font le « voyage aux Pyrénées »109, constitue le fondement de son identité et de son image et l'attractivité de son tourisme110. Au moment où des sondages d'opinion111 -sans pour autant les survaloriser- sont plutôt favorables à la présence de l'ours et indiquent que c'est « l'espèce animale sauvage qui représente le mieux les Pyrénées », et où la plupart des professionnels du tourisme rencontrés par les deux missions considèrent que l'ours peut jouer un rôle important dans l'attractivité du territoire, n'est-il pas possible de surmonter tous les paradoxes illustrés précédemment et d'arriver a minima à un plus petit dénominateur commun ? *** Les évolutions des comportements des touristes, la concurrence de plus en plus vive entre les destinations, notamment les plus lointaines, les effets escomptés du changement climatique, amènent la plupart des stations et des territoires de moyenne montagne à repositionner leur développement touristique en se diversifiant, notamment par rapport à la neige, et en trouvant des alternatives à la saisonnalité. La politique des « pôles touristiques », mise en oeuvre sur le massif pyrénéen, est à cet égard exemplaire. La valorisation touristique de l'ours, comme d'ailleurs du pastoralisme, pourrait parfaitement constituer un chantier complémentaire à cette incontournable recherche de diversification. D'autre part, les plus récentes recherches112 sur le développement local et l'aménagement du territoire montrent que les revenus113 qui permettent ce qu'on appelle aujourd'hui l' « économie résidentielle» ou « présentielle » pèsent plus du double des revenus tirés des activités productives et que c'est cette économie qui tire vers le haut les territoires, sinon les plus compétitifs, du moins les plus attractifs. Dans ce cadre, la qualité environnementale joue évidemment un rôle majeur pour le développement des régions concernées, dont le Grand Sud-Ouest fait partie. 109 110 Le voyage aux Pyrénées ­ Hippolyte Taine ­ 1860. Dont le pyrénéisme, le thermalisme et les grands sites sont les supports traditionnels. 111 IFOP ­ sondages auprès des Pyrénéens - 2003 et février 2005. 112 La République et ses territoires ­ Laurent Davezies ­ Editions du Seuil ­ janvier 2008. Atlas des mobilités touristiques ­ Françoise Potier, Christophe Terrier ­ Editions Autrement, avec l'appui de la DIACT ­ mars 2007. 113 Revenus des agents publics, des prestations sociales, des touristes, des actifs travaillant ailleurs, des retraités. 64 L'ours et le pastoralisme sont tous les deux des indicateurs de cette qualité de l'environnement. Plutôt que de se neutraliser, le cumul de leurs avantages respectifs pourraient être de nature à conforter cette dynamique. La mission recommande aux ministères chargés de l'environnement, de l'agriculture et du tourisme de lancer une étude exploratoire sur l'apport de l'ours et du pastoralisme au tourisme pyrénéen, dans une optique d'aménagement équilibré du territoire pyrénéen et de valorisation économique. Cette étude pourrait être confiée au GIP OditFrance . Denis LAURENS Georges RIBIÈRE 65 ANNEXES ANNEXE 2 : DEPLACEMENT DANS LES ASTURIES (ESPAGNE) Qualification de la zone de présence et renforcement du suivi de la population d'ours dans les Pyrénées françaises Mission de l'Inspection générale de l'Environnement Compte-rendu du voyage d'étude d'une délégation française dans les Asturies (Espagne) du 26 au 29 novembre 2007 Liste des participants Madame Marie-Lise BROUEILH, présidente de l'Association pour la Sauvegarde du Patrimoine Pyrénéen ­ Hautes-Pyrénées Monsieur François ARCANGELI, président de l'association Pays de l'Ours, maire d'Arbas Madame Magali BONIFACE, représentante de l'Association pour le Développement Durable de l'Identité des Pyrénées Monsieur Augustin BONREPAUX, président du Conseil Général de l'Ariège Monsieur Jean-Jacques CAMARRA, Équipe Technique Ours ­ Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage Monsieur Claude CARRIERE, co-président de l'Association pour la Sauvegarde du Patrimoine d'Ariège-Pyrénées Monsieur Rolland CASTELLS, maire de Bagnères-de-Bigorre, conseiller général des HautesPyrénées, Monsieur Fernand ESTEREZ, secrétaire général de la Fédération Départementale des Chasseurs des Pyrénées-Atlantiques Monsieur Thierry GALIBERT, Adjoint au directeur régional de l'environnement de MidiPyrénées Monsieur Denis LAURENS, inspecteur général de l'environnement Monsieur Marcel MINVIELLE, maire d'Etsaut Monsieur Jérôme OUILHON, directeur du Fonds d'Intervention Eco Pastoral ­ Groupe Ours Pyrénées Monsieur Sébastien PAULY, représentant de la Fédération Départementale des Chasseurs de l'Ariège Monsieur Georges RIBIERE, inspecteur général de l'environnement Monsieur Jean-Luc TRONCO, Sous-Préfet d'Oloron-Sainte-Marie 3 La Principauté des Asturies est l'une des régions autonomes espagnoles. Située sur la côte nord, elle borde l'océan Atlantique, la Galice à l'ouest, la Cantabrie à l'est, la CastilleLeon au sud. Les Asturies s'étendent d'est en ouest sur 170 km, pour une superficie de 10 000 km2. De fortes densités de population humaine se trouvent en partie centrale (Oviedo) et sur la côte (Gijon - Avilès). Avec les régions précitées, les Asturies partagent la chaîne cantabrique, qui culmine aux Picos de Europa, à 2600 m d'altitude. La chaîne cantabrique constitue le prolongement naturel de la chaîne pyrénéenne. L'occupation du sol se répartit entre 30% en forêt, 30% d'espaces naturels ouverts (landes atlantiques ou alpages), le troisième tiers en terrains cultivés et espaces artificialisés. La région visitée se situe au sud-ouest d'Oviedo : Proaza et la Senda del Oso, et le parc naturel de Somiedo. Elle abrite encore une importante population d'ours autochtones. Mardi 27 novembre 2007 9 h 30 - 12 h Présentation générale Maison de l'ours à PROAZA Juan José ARECES, Ministère espagnol de l'environnement ; Teresa Sanchez COROMINAS et Juan Carlos DEL CAMPO, ministère de l'Environnement et du développement rural de la Province des Asturies ; Carlos Zapico ACEBAL, Antonio Eder GARCIA, Roberto Garcia GARCIA, José Tunon HUERTA, Fondation de l'ours des Asturies ; Miguel Fernandez OTERO, Grade principal de la patrouille Ours du Ministère de l'Environnement et du développement rural de la Province des Asturies. La Principauté des Asturies est une communauté autonome d'Espagne. Sa capitale est la ville d'Oviedo. Son territoire couvre 10 000 km2 et accueille une population en régression qui dépasse légèrement le million d'habitants, concentrés dans la zone centrale dans trois villes principales : Gijon (274 000 hbts), Oviedo (212 000 hbts), Avilès (84 000 hbts). La langue officielle est l'espagnol, même si l'asturien s'utilise beaucoup. La Communauté est divisée en 78 Communes qui ont la même valeur légale qu'une municipalité en France. L'économie des Asturies repose sur un secteur primaire en perte de vitesse qui occupe près de 6 % de la population active avec l'élevage bovin, l'agriculture et la pêche. Le secteur secondaire emploie 30 % de la population active, particulièrement dans les domaines de la sidérurgie, de l'agroalimentaire, de l'acier, de l'armement, de la chimie, des équipements de transport. Le secteur tertiaire concerne 65 % de la population active et cette part va en augmentant, effet de la concentration de la population dans les centres urbains et de l'importance qu'à acquis le tourisme dans la région ces dernières années. La fin de l'extraction du charbon, dans les années 70, qui avait un rôle prépondérant autrefois, a durement frappé l'économie asturienne qui a du faire d'importants efforts de reconversion (les Asturies étaient classées en Objectif 1 par la Commission européenne). La partie sud de la province où vivent les ours appartient à la cordillère Cantabrique, montagnes pouvant s'élever jusqu'à 3000 mètres. La cordillère cantabrique est relativement anthropisée (12 habitants au km2), soit plus que les Pyrénées. La superficie totale de la zone à ours sur les Cantabriques s'étend sur 500 000 hectares et la zone en Asturies couvre 200 000 hectares et 75 000 habitants, répartis dans 19 communes. Deux zones sont principalement concernées : la vallée de l'ours, autour du village de Proaza et le parc naturel de Somiedo. 4 L'activité sur cette zone à ours s'est essentiellement focalisée depuis 1990 sur la complémentarité entre élevage (essentiellement bovin, d'une race à viande locale) et tourisme de nature, centré sur l'image de l'ours. La population d'ours s'élève à environ 150 unités répartis en deux noyaux séparés (120 à l'ouest, 30 à l'est) par une zone intermédiaire, riche en infrastructures. Il y en a 90 en Asturies. Un des objectifs de la politique menée est d'essayer de réunir les deux noyaux pour limiter les risques d'endogamie. Le processus sera très long eu égard à la forte présence d'activités humaines dans la zone intermédiaire et au caractère « casanier » des femelles ourses suitées. Cette population a été reconstituée suite à une décision datant d'il y a une vingtaine d'années, époque à laquelle elle était descendue à une soixantaine d'individus. La compétence de la conservation de la nature relève du gouvernement autonome. La législation nationale relayée par la législation de l'Autonomie asturienne place l'ours dans la liste des espèces en danger d'extinction, considérant d'abord l'avenir de la population locale, indépendamment de l'existence d'ours bruns ailleurs dans le monde. La population, même si elle atteignait le seuil de 250 individus, resterait, selon les Espagnols, en danger eu égard à son caractère isolé des autres populations ursines. C'est la raison pour laquelle les Espagnols ne souhaitent pas donner d'ours à d'autres pays, notamment à la France, même si le massif pyrénéen est transfrontalier, et les deux populations ursines, asturiennes et pyrénéennes, séparées depuis quelques siècles seulement, sont génétiquement très proches. Pour les espèces classées en danger d'extinction, il y a une obligation de mise en uvre d'un « plan de récupération ». Ce plan a fait l'objet d'une loi asturienne du 27 mars 1989 et d'un décret du 24 janvier 1991 actualisé par un nouveau décret le 24 janvier 2002. La « récupération » -le rétablissement- de la population d'ours passe par une série de mesures de gestion et de suivi, notamment : - suivi et recensement des individus, notamment des femelles suitées (15 en 2006) ; - travaux scientifiques : détermination des lieux d'hibernation et d'alimentation. à noter que la cartographie est diffusée au public - prise en compte des dommages (indemnisation de tous les dommages à hauteur du prix du marché plus 20%, ce qui aboutit à 130 par ovin en moyenne, pour un total de 90 000 en 2006. Pas de prime de dérangement. Les plus grands dommages sont constatés sur les ruches, avec un nombre faible sur les ovins (cheptel d'environ 3 000 têtes en été venant de l'extérieur ­Estrémadure- avec gardiens et chiens), et inexistant sur les bovins. Le barème est revu trimestriellement (selon le prix du marché). - gestion de la chasse avec création de zones interdites aux battues à sangliers (zones d'alimentation et tanières par exemple). Ces zones réservées correspondent aux secteurs fréquentés par les ours. - régulation des activités touristiques. La gestion de l'ensemble des activités de protection de la nature est assurée sur le territoire des Asturies par un corps de 145 gardes, dont 5 sont consacrés à l'ours. En outre, 150 gardes des sociétés de chasse interviennent également. 12 h Rencontre avec Belén FERNANDEZ, conseillère à l'Environnement et au développement rural de la Province des Asturies Maison de l'ours à PROAZA 5 La ministre a indiqué que l'ours était l'emblème et l'ambassadeur des Asturies et que la population locale a participé à la volonté d'éviter l'extinction de l'espèce. Elle a précisé qu'il s'est formé un consensus autour de l'ours et qu'il n'existe en Asturies aucun organisme opposé à l'ours et qu'il n'y a pas de raisons objectives qu'il y ait un conflit. Il faut comprendre que l'ours améliore l'économie à long terme et que dès lors il cesse d'être un problème, les dommages et les inconvénients devenant moindres par rapport aux avantages. Le plan de récupération a fonctionné grâce à un système efficace de compensation des dommages ; la mise en place d'équipes spécialisées pour le suivi et la gestion ; l'élimination des risques liés à l'ours - aucun incident en 25 ans -. Il faut poursuivre la recherche sur les habitats et la génétique et l'éducation et sensibilisation de la population et des visiteurs. La ministre a fait l'éloge du parc naturel de Somiedo, exemple concret de la politique de protection de la nature alliée à un développement économique directement issu de la qualité naturelle du territoire. En 1988, Somiedo était classée avant dernière sur les 78 communes des Asturies en termes de PIB, elle est aujourd'hui quarantième. Concernant les rapports avec l'élevage et les prédations, notamment sur ovins, elle a indiqué que l'élevage asturien est surtout bovin, et de ce fait les quelques élevages ovins ont très peu de prédations. Il s'agit surtout d'éleveurs transhumants qui viennent avec bergers et chiens. Concernant le développement du tourisme dans des zones où l'accès est interdit, notamment aux touristes, la ministre a précisé que l'objectif était d'améliorer la qualité des habitats naturels tout en laissant la majeure partie du territoire accessible : la présence de ces zones réservées est un gage du sérieux du travail que les visiteurs comprennent et apprécient. Sur Somiedo qui a un statut de parc naturel, il y avait en 1988, 20 chambres d'hôtels, il y en a 800 aujourd'hui, le tout en ayant augmenté la population d'ours. Il y a eu développement d'un modèle d'organisation du territoire fondée sur la coexistence et le développement du tourisme sans gêner l'ours. Une dizaine de journalistes étaient présents à la conférence de presse qui a suivi et à laquelle ont participé, aux côtés de la ministre, Denis Laurens et Augustin Bonrepaux, membres de la délégation. Plusieurs articles ou dépêches dans les médias locaux en ont été le fruit dès le lendemain. 12 h 30 - 13 h Visite d'un parc à ours. Le Parc est un enclos de 4 hectares visitable gratuitement où sont entretenus deux femelles autochtones, rendues orphelines suite à un accident de chasse. Il est situé à Villanueva, à quelques kilomètres de Proaza, le long du « senda del oso », important sentier de randonnée, servant d'axe touristique dans ce secteur. 60 000 personnes le visite chaque année, le choix a été fait de garder l'entrée gratuite pour éviter de focaliser sur cette attraction qui n'est là que pour donner à voir des ours que l'on ne voit pas dans la nature. L'idée générale du tourisme de nature est de montrer un territoire protégé où peuvent vivre les ours et d'attendre les retombées économiques des activités associées (hébergement, restauration, vente de produits). 6 14 h Rencontre avec l'association de sauvegarde des races domestiques autochtones Anton Alvarez SEVILLA La biodiversité concerne les espèces sauvages, mais aussi les races domestiques autochtones. Les écosystèmes pastoraux traditionnels des Asturies, Pyrénées, Alpes, donnent une identité ethnographique, culturelle et économique à l'Europe, appréciée des touristes. Et, dans de nombreux cas, les races domestiques millénaires donnent de bons produits : laine, lait, viande. Les Pyrénéens sont venus pour voir où vit l'ours. L'ours est symbole des Asturies. Il ne représente pas un problème pour les éleveurs. Le travail des éleveurs permet aux touristes de voir les vaches autochtones, plus facilement que les animaux sauvages ! Le travail fait dans les Asturies sur les races autochtones a un parallèle dans les Pyrénées, où un grand nombre de races autochtones existe, participant au patrimoine génétique pyrénéen. L'impact sur le milieu de ces animaux adaptés à la topographie et au climat est important. L'utilisation de terrains difficiles maintient ces milieux ouverts, et régénère une biodiversité riche. 15 h 30 - 16 h Visite de la Maison de l'ours à PROAZA Fondation « Oso de Asturias La Fondation « Oso de Asturias » est une association privée sans but lucratif, créée en 1992, destinée à promouvoir et développer des actions en faveur de la conservation de l'ours cantabrique. Elle est administrée par différents membres, dont la Province, de grandes entreprises et des banques. Elle gère la Maison de l'ours de Proaza. La présentation a notamment porté sur le travail conduit auprès des scolaires, avec la mise en place d'animations pour des classes d'une semaine avec découverte du territoire (et une attention particulière sur les enfants immigrés pour leur faire découvrir la nature locale dans un souci d'intégration). 900 enfants sont accueillis chaque année, au printemps et à l'automne, et abordent, en dehors de l'ours, les thèmes qui lui sont liés : biodiversité et nature, ressources énergétiques et eau, changement climatique. La Fondation accueille également des thésards en collaboration avec des universités espagnoles, mais aussi étrangères. Une travail sur la transposition des études conduites sur les ours scandinaves (comportement des ourses suitées, basé sur le suivi de 500 individus marqués) dans le contexte asturien a ainsi été mené. 17 H 15 ­ 18 h Présentation du suivi des ours Maison du parc à POLA DE SOMIEDO Fondation Oso Pardo (FOP) ; Fondation pour la protection des animaux sauvages (FAPAS) La Fondation Oso Pardo (ours brun) est une ONG créée en 1992 pour contribuer à la conservation de l'ours, de son habitat et de son environnement culturel. Elle forme et gère des gardes-moniteurs dans les zones à ours de la cordillère cantabrique (pas seulement en Asturies) et organise des visites de découverte. Elle acquiert également des terrains pour développer des modèles de gestion compatibles avec la conservation du plantigrade et mène des actions d'éducation et de sensibilisation. 7 La Fondation pour la protection des animaux sauvages est une association d'environnement créée en 1982, et compte 18 000 membres, emploie 18 personnes, avec un budget de 1 200 000 . La FAPAS travaille sur la protection de l'ours, notamment en contribuant à quantifier la population d'ours, par différentes méthodes qui renseignent aussi sur les autres espèces. Le suivi des ours et leur comptage sont faits via des affûts organisés en place fixe sur quatre semaines dans l'année dans les « zones critiques » et les zones de présence habituelle. Ils servent surtout à connaître le nombre de femelles suitées (possibilité d'identification, moins de mobilité spatiale) qui sert de base à la connaissance de l'évolution de la population d'ours. Ils sont complétés par des photos prises par des appareils, en place depuis 10 ans. Ceux-ci donnent beaucoup d'informations sur la fréquence relative des différentes espèces : (par exemple, 1 ours pour 9 sangliers), sur le sens de déplacement des individus photographiés, sur la présence de chiens suivant les animaux sauvages, sur la taille précise des animaux photographiés par photomontage ultérieur. Ce travail qui permet de caractériser à l'échelle locale la représentation d'une espèce et son évolution dans le temps, aide notamment à gérer la population de sanglier en fonction de la compétition alimentaire. Il confirme que les femelles ourses suitées se déplacent peu, contrairement aux mâles. D'autres informations sont données par des analyses de transects (152 km sont suivis) qui sont transposées en statistiques de présence d'ours. Ce travail est conduit sur deux vallées de 800 à 1 000 ha chacune. Le suivi général est coordonné entre les différents observateurs, pour éviter le doublonnage des dénombrements. Des informations proviennent aussi des habitants, éleveurs, bergers, randonneurs et sont validées par la « patrouille ours » de la Province. Des réunions trimestrielles sont également organisées avec les différents organismes impliqués. Les différentes fondations et les gardes enlèvent aussi les différents pièges et autres poisons qui, bien qu'ils ne soient pas mis pour l`ours, peuvent constituer un danger (poisons pour loups, liens pour sangliers). Toutes ces informations, au delà de l'intérêt scientifique, sont aussi utilisées pour l'information des chasseurs. Grâce à ce suivi, ont été dénombrés en 2006 15 femelles suitées, pour 33 jeunes en Asturies. 86 ours différents au minimum ont fréquenté la principauté, sur une population totale estimée à 150 individus. C'est à l'est de Somiedo que la population ursine asturienne est la plus dense. Sur la commune de Somiedo (30 000ha) on peut donc considérer qu' il y a en moyenne 2 ou 3 femelles suitées, soit une quinzaine d'ours sur les 86 recensés dans les Asturies. La population continue d'augmenter, mais la mortalité de jeunes sans cause déterminée s'observe. 8 18 h 00 ­ 20 h 30 Réunion sur la chasse Maison du parc à POLA DE SOMIEDO Chasseurs ; FOP ; FAPAS Avant 1964, la chasse était une activité privée réservée à la « bourgeoisie ». En 1964, fut créée une réserve nationale de chasse. En 1975, avec l'avènement de la démocratie et des communautés autonomes, cette réserve est devenue de compétence régionale et la loi régionale a démocratisé le droit de chasse. En 1988 a été créé le parc naturel de Somiedo. Le meilleur moyen de lutter contre le braconnage fut d'accorder le droit de chasse aux habitants locaux. 40% de la chasse au sanglier est confiée aux locaux, ainsi qu'un droit de chasse sur cerfs et isards, les 3 seules espèces chassables dans la réserve. Somiedo compte 150 chasseurs répartis en 7 équipes, pour 1 600 habitants. Le nombre de chasseurs n'est pas limité. Les plans de chasse, inclus dans l'ensemble des plans de chasse de la Communauté autonome approuvés par l' Assemblée, sont répartis par tirage au sort. La communauté autonome paie annuellement 150 000 à la commune de Somiedo au titre du parc naturel de 30 000 ha ; elle paie les dommages dans la réserve, de l'ordre de 300 000 (causés à 50% par le sanglier sur prairies et cultures, 20% par le cerf sur prairies et arboriculture, 20% par le loup sur bétail, 1 à 2% par l'ours, dommages aux ruches surtout) A Somiedo, il y a un excès de sangliers et de cerfs, ce qui conduisait les gardes à éliminer le sanglier après la période de chasse, pratique mal vécue par les chasseurs locaux. Une nouvelle loi régionale permet de pratiquer la chasse touristique guidée, auparavant par un garde, maintenant par un chasseur local. Dans le futur il faudrait accentuer la pression de chasse au sanglier, alors que le nombre de chasseurs diminue par vieillissement. L'université d'Oviedo étudie ces évolutions, au plan économique, démographique, législatif. En ce qui concerne la gestion des zones de présence des ours, celles-ci sont conçues pour assurer la tranquillité des ours, et non pas pour la protection des personnes ou des troupeaux. La chasse en battue des sangliers étant une activité traditionnelle dans les Asturies, c'est la seule forme de chasse qui pose un problème de dérangement par rapport à l'ours. Par ailleurs, la densité élevée de sangliers pose un problème pour l'ours, via la concurrence alimentaire. La chasse sportive est un instrument important de contrôle des sangliers, permettant de réduire tout à la fois cette concurrence et le piégeage qui met les ours en danger. Il a donc fallu rechercher un point d'équilibre : pas de chasse en battue si tanière, si ourse avec jeunes signalée, ou zones d'alimentation. Mais l'interdiction est limitée dans le temps (ex : l'interdiction sur les zones d'alimentation ne vaut plus lorsque l'ours est en tanière, et celle sur les tanières ne vaut que pendant la période d'hibernation). Si une femelle suitée est repérée sur le territoire de battue, la chasse est suspendue et reportée sur un autre territoire. On ne chasse pas à partir de décembre dans les zones de tanières. On chasse avec des chiens tenus en laisse, sur des traces de sanglier fraîches. Les chasseurs ainsi sont considérés comme participant activement au plan de récupération. La gestion est partenariale entre chasseurs et fondations, avec échanges réguliers d'information. Un guide (« les chasseurs asturiens et la conservation de l'ours ») a été élaboré en co-écriture entre chasseurs et fondations qui prévoit notamment la chasse avec les chiens tenue en laisse, la mise à disposition de gilets de couleur orange pour identifier les chasseurs, l'obligation d'utiliser des talkies-walkies. 9 Les autres modes de chasse : chasses accompagnées aux cervidés et à l'isard, chasse au petit gibier, ne posent pas de problèmes. Une bonne cohabitation est maintenue, bien que la population d'ours augmente. Sur l'ensemble des Asturies, il y a 9 des associations de chasse, comptant 4 000 chasseurs. Ils ont des conventions avec la FOP : informations sur les ours en échange de la collaboration à la surveillance et à la prévention des dégâts sanglier. L'administration paie les éventuels dégâts occasionnés par une collision routière avec un ours : la traversée des routes par les ours est courante, il y a eu un ours tué il y a longtemps, quelque animaux blessés ; le service forêt faune se rapproche des gestionnaires des routes pour la tenue de base de données et la prise de mesures de prévention, barrières, clôtures. Par contre la responsabilité des sociétés de chasse peut être recherchée par les tribunaux judiciaires en cas de collision avec une espèce gibier, cerf ou sanglier, lors d'une action de chasse. MERCREDI 28 NOVEMBRE 2007 9 h 30 ­ 10 h Visite et présentation du parc naturel Maison du parc à POLA DE SOMIEDO Belarmino Fernandez FERVIENZA, maire de Somiedo. Le parc a été créé en 1988 avec, comme objectif, la conservation de la nature et le développement économique de la région. Il était alors pilote et il y a maintenant 6 parcs naturels dans les Asturies. En 2008, ce sera les 20 ans du Parc : il constitue aujourd'hui un modèle d'aménagement du territoire et une marque de qualité. En 1988, il y avait 350 exploitations bovines, 12 vaches par exploitation. L'élevage reste un moteur important. Il y a maintenant moins d'éleveurs, mais une moyenne de 50 animaux par exploitation. On a beaucoup investi dans la génétique et le développement de la race. L'IGP asturienne a été créée. La vache asturienne s'est répandue dans tout le nord de l'Espagne et jusqu'en. Argentine. Beaucoup de géniteurs sont vendus, jusqu'à 6 000 par vache. Un veau de 3 mois est vendu 1 000 , un animal de 3 ans 2 000 à 3 000 . En 1988, il n'y avait pas du tout de tourisme rural. Aujourd'hui à Somiedo, on trouve 1 500 chambres pour 80 entreprises familiales, gérées par des locaux, ce qui était recherché. L'économie ne dépend plus seulement maintenant de l'élevage, mais aussi du tourisme. 10 h ­ 12 h Rencontre avec les professionnels du tourisme Maison du parc à POLA DE SOMIEDO Le tourisme est fondé sur l'ours et son image et sur la nature avec deux sites principaux, la vallée de l'ours autour de Proaza (sentier de l'ours -utilisant le tracé d'une ancienne voie ferrée-, maison de l'ours, Paca et Tola ­noms des deux ourses du parc à ours-) et le parc naturel de Somiedo (maison du par cet activités). Chacune des 4 communes concernées possède son office de tourisme. 10 Le tourisme était inexistant il y a 10 ans. Pendant ces 10 ans, les places hôtelières et la fréquentation, d'une part, et le nombre d'ours, d'autre part, ont simultanément augmenté. Les acteurs locaux se sont posé la question de la compatibilité : que l'accroissement de la population d'ours ne soit pas un frein au développement du tourisme. L'objectif de ce développement touristique est de fixer la population pour freiner l'exode rural et restaurer le patrimoine, mais, jusqu'à présent, on n'est pas assez parvenu à stopper la diminution de la population en zone rurale. Toutes les activités touristiques ont été confiées aux locaux (hôtels, restaurants) avec des règles : par exemple, la capacité d'hébergement commercial est limité à 19 chambres, avec une volonté de répartir les hôtels dans les différents villages de la municipalité de Somiedo (sur les 38 villages, 22 ont des établissements, l'objectif étant d'en avoir dans chacun des villages). Dans la vallée de l'ours (4 municipalités, dont Proaza), on est passé de 50 chambres d'hôtels en 2000 à 750 aujourd'hui. Le chiffre d'occupation indiqué est de 120 à 150 nuitées par an par chambre. Le choix a été fait de laisser les activités de tourisme de nature gratuites ­ notamment le parc à ours- et de fonder l'activité économique sur les activités associées. Le développement économique vient de la marque de qualité. Pour Somiedo, 120 000 personnes passent par le parc chaque année, essentiellement des Espagnols, et 1500 étrangers seulement, avec une volonté de se développer vers l'Europe (l'obtention récente du label « Europarc » devrait y aider). Le tourisme est essentiellement axé sur la nature et la promenade, à pied, à cheval, en vélo. Somiedo est l'un des parcs les plus restrictifs d'Espagne : pas de parapente, de rafting, de canyoning, une seule école d'escalade. « Si on permet le parapente, les 2 000 personnes que cela attirerait ne valent pas les 120 000 qui viennent pour échapper à ce type d'activités ». Le problème, ici comme ailleurs, reste la saisonnalité de ce tourisme ­ le taux d'occupation à Proaza est de 120 à 150 jours sur 365 -, mais la rentabilité, selon les hôteliers présents, est acquise, d'autant plus que l'activité est de type familiale et que la pluriactivité semble la règle. Le chiffre d'affaires annuel d'un gîte de 4 personnes est de 10.000 à 18.000 ; celui d'un hôtel de 15 chambres de 10 000 /mois. Le taux de cotisations sociales est de 300 à 400 mensuels par employé, la TVA à 7%, l'impôt sur les personnes physiques de 20%, l'impôt sur les bénéfices des sociétés de 35%. A ce jour, une seule des entreprises hôtelières de Somiedo a fait l'objet d'une transmission familiale, les autres sont de création récente. La région étant en objectif 1, elle a bénéficié d'un programme européen de développement rural. Un programme Leader interviendra à compter de 2008. Le programme Leader actuel (2002-2006) concerne 10 communes et 25 000 habitants, pour 13 millions d' . Il a appuyé 240 projets d'entreprise, essentiellement du tourisme rural, mais aussi de la petite industrie. Le taux de financement moyen est de 33% (1/3 Europe, 1/3 Etat, 1/3 Autonomie). Il varie de 20% à 40% suivant la qualité du projet, la subvention maximale par projet est de 150 000 . 155 projets concernent Somiedo. Les mêmes modalités seront pratiquées pour le prochain programme ; la région ajustera pour cela sa participation suivant l'évolution des taux de financement européens. 11 13 h ­ 14 h Rencontre avec des éleveurs et bergers Visite d'une estive et des granges (« branas ») VILLAR DE VILDAS L'élevage est surtout bovin et s'est rationalisé depuis la création du parc naturel. En 1988, 300 élevages de 12 bovins de moyenne, aujourd'hui 200 élevages de 50 bovins en moyenne. Il s'agit d'élevage allaitant de vaches de la race Asturienne. L`élevage se fait une grande partie de l'année en estive avec présence de « cabanes pastorales ». De grands secteurs sont en espace réservé (pour l'accès automobile) aux éleveurs. La valorisation bouchère des animaux est, selon les acteurs rencontrés, excellente. Dans la gestion de l'urbanisme, le choix a été fait de garder les élevages au sein des villages pour éviter un mitage du territoire. Cela ne pose pas de souci pour le développement du tourisme, les villages recevant en hébergement le plus de touristes sont aussi ceux où l'élevage est le plus important. Il y a à Villar de Vildas 24 troupeaux de 40 vaches, qui sont de mai à octobre dans le pâturage communal ; en hiver, la moitié reste sur place, la moitié va dans la plaine côtière. Il y avait auparavant des moutons et chèvres. La population, en diminution, a choisi ce qui était le plus rentable : le bovin à viande. L'éleveur rencontré possède 95 vaches, il complémente par des céréales. Il a 30 hectares de prairie de fauche, fauchés en partie à la faux, et exploite en été 140 hectares. Il visite ses vaches tous les jours. En 10 ans, il a eu 2 dégâts de loup et 1 dégât d'ours -la vache asturienne est un animal de 700 à 800 kg-. Il y a des problèmes avec les sangliers qui détruisent les prairies. Les loups qui font quelques dommages sur les ovins doivent être régulés. Il est responsable d'une coopérative d'éleveurs, engraisse des veaux de 1 an, aux céréale. La viande est à 90% commercialisée dans les Asturies, l'asturienne IGP est payée plus cher que les autres races. L'acheteur paie plus cher en ayant la une certitude de la qualité. Le maire espère développer plus de produits avec la marque « Somiedo » : transformation de viande, fromages de chèvres, embouteillage d'eau de source. Ce dernier projet, de réalisation proche, est important sur le plan démonstratif : le but étant d'attirer de la population, la contribution de la petite industrie sera essentielle. 12 17 h ­ 20 h Rencontre avec des maires et élus des Asturies Maison du parc à POLA DE SOMIEDO Maria Elena Diaz PALACIOS, députée au Parlement de la Principauté des Asturies Belarmino Fernandez FERVIENSA, maire de Somiedo ; Ramon Fernandez GARCIA, maire de Proaza ; Carlos de Llanos GONZALEZ, maire de Santo Adriano ; Jose Felix Garcia GAONA, Directeur général de la biodiversité et du paysage à la Principauté des Asturies Pour le maire de Somiedo, chaque territoire a ses stratégies et doit choisir son destin : si l'on faisait venir des gens à Somiedo pour voir des ours, on les tromperait. On leur dit : venez à Somiedo, il y a des ours en liberté, ceci atteste d' un haut niveau de conservation. Même si vous ne les voyez pas, cela signifie qu'il existe un habitat réunissant les conditions de leur existence. L'ours est un symbole, mais une destination touristique ne doit pas se baser que sur l'ours. Heureusement, Somiedo réunit tous les atouts de la cordillère cantabrique. L'initiative du parc est venue de la commune, et non de la Région ou de l'Etat central. L'implication du parc dans le développement fait la marque de qualité de ce territoire. Du point de vue de l'environnement, les zones de montagne, au lieu d'être en retard, ont une grande valeur Le choix a été fait d'un parc « permissif » vis-à-vis de l'élevage bovin traditionnel favorable à la biodiversité, mais très restrictif pour l'usage touristique. Le débat est présent en Espagne sur ce thème, sur la côte méditerranéenne et dans les Pyrénées : trop de tourisme détruit la nature. L'urbanisme est contraint à Somiedo : pas de constructions hors village, et plan d'urbanisme pour chacun des 38 villages. Le grand risque pour la conservation n'est pas l'élevage, mais l'urbanisme. Les étables sont autorisées dans les villages et jusqu'à 500m à l'extérieur. Les villages qui ont le plus d'élevage ont aussi le plus de touristes . Concernant l'ours, le maire indique que l'ours en Asturies est « sacré », car il a une grande valeur économique. Autrefois, le tueur d'ours était un héros, aujourd'hui il serait banni de la société. Mais il ne donne pas de conseil ; chaque territoire est différent. Le parc national de Pyrénées occidentales, qu'il connaît, a été une bonne initiative à son époque, mais dans ce type de structure, les acteurs locaux n'ont pas toujours eu toute l'initiative. Le problème de l'ours reste entier, tout le monde doit faire un pas, il n'y a pas de montagne vivante sans pastoralisme, mais l'humanité a le devoir de protéger les espèces sauvages. Les habitants sont les véritables gardes de la faune, sinon il n'y a pas de réussite possible. Celle-ci passe par la compensation pour les habitants des contraintes (dommages, mais surtout développement des activités économiques de façon à ce qu'ils ne se sentent pas handicapés par rapport aux autres territoires). Il faut faire passer le souhait de partager le territoire. Pour le futur, il faudra développer encore plus le tourisme, notamment européen. Dans les statistiques espagnoles, les Asturies sont la première destination de tourisme rural et cette destination est bien stabilisée, mais on ne pourra rivaliser avec le tourisme méditerranéen. Pour l'agriculture et l'élevage, il faut ouvrir plus de potentialités même si le pays connaît un certain déclin. Et aussi appuyer l'élevage bovin viande. Pour le maire de Santo Adriano (280 habitants), dans cette zone déprimée où l'élevage n'existe plus, la seule ressource est la nature. Le maire encourage à la restauration de la population pyrénéenne d'ours. Le parc d'ours captifs est complémentaire de la présence d'ours sauvages que l'on ne voit pas, et qu'il est dissuadé ou interdit d'approcher . 13 La Députée a rappelé que l'Espagne est constituée de communautés, disposant d'une Assemblée, héritière des parlements régionaux. Les Asturies pour 1 million d'habitants ont une assemblée de 45 députés. L'Assemblée asturienne s'était déplacée à Somiedo lors de l'avancée sur le littoral des troupes napoléoniennes. Elle s'est déclarée souveraine en 1820. Madrid a les compétences législatives de base et l'Autonomie complète par des dispositions législatives spécifiques. Les députés pour leur travail législatif peuvent demander des opinions d'experts, ou des parties intéressées. La politique environnementale et de conservation des espèces est l'objet d'une attention particulière de toutes les partis au Parlement. La région asturienne est marquée par une forte tradition industrielle et une forte concentration de population. Quand la communauté autonome s'est constituée au début des années 1980, deux problèmes sensibles se sont révélés : la pollution des sols des eaux, de l'air, au c ur du bassin minier, et la présence de vastes zones rurales sans activité économique. La région a connu une grave crise économique dans les années 1980 : la réponse a été un rééquilibrage territorial des activités, couplé avec la protection et l'amélioration de l'environnement. Le retour du saumon est utilisé comme symbole du nouveau modèle économique ; « une vie audelà de l'industrie lourde ». Dans les Asturies, le symbole est l'ours, il induit de nouvelles activités économiques différentes de l'élevage qui a su s'adapter aux conditions modernes. La protection de l'habitat qui permet aux espèces de survivre est une garantie pour le maintien de l'activité. Pas de rivalité, mais la coexistence. Il y a eu une large concertation des acteurs locaux pour le plan régional. L'institut d'aménagement du territoire l'étudiait depuis 1984, dans le contexte de crise économique. En 1987, le projet de premier plan de gestion a été discuté dans tous les villages, le principe étant de travailler sur un texte amendé au fur et à mesure pour prendre en compte l'avis des minorités. Le texte même s'il est plus long à produire doit être accepté par les populations locales, mais aussi par le reste du territoire (qui paie les impôts permettant la mise en uvre). Aujourd'hui, on discute de ce que l'on doit faire, mais plus de l'existence du parc. Des structures de gestion démocratiques de gestion ont été créées, des lieux de débat. Aucun projet ne peut aboutir sans l'adhésion des habitants. Il faut aussi indemniser « généreusement » les dégâts d'ours, et aussi compenser pour les habitants de la zone avec d'autres bénéfices, tel l'amélioration des infrastructures. 14 ANNEXE 3 : DEPLACEMENT DANS LE TRENTIN (ITALIE) Qualification de la zone de présence et renforcement du suivi de la population d'ours dans les Pyrénées françaises Mission de l'Inspection générale de l'Environnement Compte-rendu du voyage d'étude d'une délégation française dans le Trentin (Italie) du 10 au 13 décembre 2007 Liste des participants Monsieur Francis ADER, Président de l'Association de Défense de l'Identité Pyrénéenne, Monsieur François ARCANGELI, Président de l'Association Pays de l'ours-ADET, Maire d'Arbas, Monsieur Henri BONAFFE-CLAUSS, Président de la Fédération Départementale des Chasseurs de la Haute-Garonne, Monsieur Stéphan CARBONNAUX, représentant l'Association FERUS, Monsieur Frédéric DECALUWE, Equipe Technique Ours, Monsieur Thierry GALIBERT, Adjoint au Directeur Régional de l'Environnement de MidiPyrénées, Madame Hélène HUEZ, représentant l'Association pour la Sauvegarde du Patrimoine d'Ariège - Pyrénées Monsieur Denis LAURENS, Inspecteur Général de l'Environnement, Monsieur Samuel MARGUET, représentant l'Association des Bergers ­ Hautes-Pyrénées, Madame Madé MAYLIN, représentant l'Association pour le Développement Durable de l'Identité des Pyrénées, Monsieur Jean-Paul MERCIER, administrateur de l'Association Pays de l'ours-ADET, Monsieur Philippe QUAINON, Directeur départemental de l'Equipement et de l'Agriculture de l'Ariège, Monsieur Georges RIBIERE, Inspecteur Général de l'Environnement, Monsieur André ROUCH, Président de la Fédération Pastorale de l'Ariège, Monsieur Jean-François RUMMENS, Directeur de la Fédération Pastorale de l'Ariège, Monsieur Claude TERON, Maire de Goulier, Monsieur Claude VIELLE, représentant l'Association pour la Sauvegarde du Patrimoine Pyrénéen ­ Hautes-Pyrénées. 15 La province du Trentin se situe dans la partie nord est des Alpes italiennes. Elle constitue avec la province de Bolzano la région autonome Trentin-Haut Adige. Proche des frontières suisse, autrichienne et slovène, la province du Trentin n'est pas elle-même frontalière : elle est bordée à l'ouest par la Lombardie, au sud-est par la Vénétie, deux régions particulièrement peuplées, et au nord par le Haut Adige. Le territoire visité a été le parc naturel Adamello-Brenta. Il correspond à l'entité montagneuse, à l'ouest de la ville de Trente, située entre le lac de Garde au sud et le parc national de Stelvio (Val Venosta) au nord. Deux chaînes de montagnes le constituent, à l'ouest la Brenta dolomitique, réputée pour l'alpinisme et la station de ski de Madonna di Campiglio, et à l'est, l'Adamello constitué de roches cristallines. Ce Parc naturel a été le support, de 1999 à 2001, d'une opération de renforcement de la population d'ours brun autochtone qui était en voie d'extinction. Mardi 11 décembre 2007 9 h 30 - 12 h Présentation des modalités de gestion des ours bruns Intervention de Romano MASE, Directeur général du Département Ressources forestières de la Province du Trento Un projet «Life ours », soutenu par la Commission européenne, a démarré en 1999 à l'initiative de la province autonome du Trentin (Trento). Il comporte des aspects positifs : le succès biologique de la réintroduction, traduit par le rapport entre la natalité et la mortalité des ours, et la démonstration que le milieu naturel est favorable à l'ours ; et des aspects critiques ou critiqués: le rapport entre l'homme et l'ours, et la communication : comment une administration doit-elle s'exprimer auprès de la population sur ces sujets ? Au final, la situation est encore fragile, du point de vue biologique, et eu égard aux réactions de la population à certains aspects de ce projet. Pour le Département Ressources forestières, ce projet représente une grande opportunité pour développer son professionnalisme et pour approfondir certaines thématiques. Un autre aspect, plus culturel, est de suivre et promouvoir la capacité d'un territoire à s'adapter à la présence d'un prédateur : quel rapport de l'homme avec l'animal sauvage ? Intervention de Ruggero GIOVANNINI, Directeur du Bureau de la faune au Service Forêt-faune du Département Ressources forestières de la Province du Trento Il existe actuellement 20 à 24 ours bruns à l'ouest de Trente répartis sur environ 2 000 km2 (200 000 ha). L'objectif affiché est d'arriver à une population de 40 à 60 adultes sur la même superficie, soit 2 à 3 individus par 100 km2. Sur le très long terme ­40 ans-, l'idéal serait de parvenir à faire la jonction avec les populations ursines de Slovénie et des Alpes dinariques. Intervention de Claudio GROFF et Lorenzo VALENTI, du bureau de la faune au Service Forêt-faune du département Ressources forestières de la Province du Trento Il y avait 3 ou 4 ours autochtones dans les années 1990. La réintroduction de 10 individus slovènes a permis de comptabiliser 27 naissances de 2001 à 2007. Il y a eu 3 décès et 7 disparus, auxquels il faut ajouter la capture d'un ours à problème (Jurka). 16 La gestion de la population d'ours se fait par l'intermédiaire d'organisations publiques dépendant de la province du Trento, et non par des ONG. Il n'y a pas de restrictions aux activités de la population locale : la chasse est maintenue, mais contrôlée ; le ramassage de champignons est libre. Six axes constituent la méthode de cette gestion : - le suivi - l'information et la communication - la formation du personnel - la prévention des dommages et indemnisation - l'organisation d'urgence - le rapport avec les autres régions et pays voisins Le suivi La méthode traditionnelle (traces, affûts photos), engagée depuis 1974, a été complétée depuis 2002 par le suivi génétique (analyses de poils). 2 individus potentiellement à problème sont suivis par télémétrie. En 2002, le suivi génétique basé sur des échantillons fèces et poils sur 64 Km2, a caractérisé 10 ours différents ; en 2006, sur 752 Km2, ont été dénombrés 22 ours. En 2005, de jeunes individus mâles se sont déplacés jusqu'en Autriche, ce qui était prévisible du fait de l'éthologie de l'espèce. Le service avait préalablement établi des contacts avec les régions limitrophes : en 2006, un individu (Bruno) est allé jusqu'en Allemagne. Cet erratisme confirme l'importance des contacts avec les pays environnants. Les déplacements respectifs des ours ont été suivis par télémétrie satellite : ainsi, Jurka se déplaçait sur 500 Km2, une autre ourse Daniza sur 140 Km2 seulement. Au minimum, un ours se déplace sur 30-40 Km2, mais certains individus occupent 1000 Km2. Des déplacements de jeunes mâles dans diverses directions ont été observés, de 45 à 115 Km, en raison probablement de la saturation du territoire central. Ces grands déplacements peuvent poser des problèmes. Sur le plan démographique, la population d'adultes recensés n'a pas augmenté de 2002 à 2006 (8 individus sur 10 en 2002, 8 individus sur 22 en 2006). La quantité d'ours à maturité sexuelle est de 6 exemplaires. Sur 33 ours distincts ayant été identifiés, y compris les ours importés, 22 sont vivants et 11 sont morts ou disparus (un ours peut disparaître du recensement génétique pendant 1 an puis réapparaître, mais à ce jour aucun disparu pendant 2 années consécutives n'a réapparu ensuite). Le taux de « perte » global est donc de 30 à 33%. Sur un total net d'ours importés, 9, 4 sont présents et 5 disparus. Tous les animaux lâchés ont été pourvus d'un émetteur, pour 3 ans d'émission. On ne prévoit pas d'autre équipement radio émetteur, si ce n'est pour des ours à problèmes. Actuellement, un seul ours est équipé, Daniza, prédatrice de moutons autour des habitations, mais ne peut encore être considérée comme une ourse à problème. La comparaison avec la France sur la connaissance précise des populations montre que la méthode est globalement la même, les principales variations venant de la connaissance initiale exhaustive et de l'étendue du territoire (plus petit en Italie). A noter que l'organisation de sessions de récupération de poils est peut être plus cadrée dans le temps qu'en France, mais la moitié des résultats viennent des recherches occasionnelles ; quant au délai de retour des résultats des analyses génétiques, il peut être en Italie de deux semaines si urgence, gestion annuelle sinon. 17 L'information et la communication Lors des opérations de réintroduction ont été mis en place deux comités, un à vocation scientifique et technique, un à vocation de consultation de l'ensemble des populations concernées notamment par les activités professionnelles. Ces comités ont travaillé dans le cadre du programme Life jusqu'à la mise en uvre des réintroductions, puis ont été supprimés. La Province autonome a la responsabilité entière de la gestion. Les rapports de la Province avec les différentes catégories se poursuivent, mais sans institution officielle. Elles sont bonnes avec les professionnels du tourisme, compte tenu de la valorisation de l'image du Trentin ; assez bonnes avec les chasseurs et les agriculteurs ; difficiles avec les éleveurs ; très variables, mais plutôt en amélioration, avec les élus locaux. En cas d'attaque humaine de l'ours, le principe général est la non responsabilité de l'administration, l'ours, animal sauvage, étant « res nullius », surtout s'il ne dispose pas d'émetteur. Cependant, la Province a souscrit une assurance spéciale au cas où, mais, en 150 ans, aucun cas d'agression sur l'homme n'a été constaté. Plusieurs sondages auprès de la population locale ont montré 75,4 % d'opinions favorables à la présence des ours en 1997 et 73,2 % en 2003. Le budget de cette opération ours se monte à 309 000 annuels, y compris pour les dommages, dont 188 400 de coûts salariaux ( 4, 8 ETP pour 36 personnes concernées). La prévention et l'indemnisation des dommages L'indemnisation (à 100 % depuis 1974) concerne ruches, ovins, productions végétales, portes, enclos, etc. (pour mémoire, aucune attaque sur bovin ou équin n'a été signalée). Le principe repose sur une simple déclaration (appelée « autocertification ») par l'éleveur ou autre sur un numéro téléphonique accessible en permanence de mars à novembre. Contrôle ou non par l'administration responsable et remboursement dans les 60 jours. 90 % des déclarations sont contrôlées, mais moins de 10 % des dossiers sont refusés. Le remboursement n'est effectif que si l'attaque est effectivement imputable à l'ours, y compris pour les dérochements, mais pas pour les bêtes disparues. Cependant, l'indemnisation au bénéfice du doute n'existe pas en Italie. Mesures de prévention : troupeaux gardés, clôtures (double enceinte électrifiée) et chiens de protection. L'administration mène des efforts de sensibilisation, d'information et d'appui (héliportage) auprès des bergers et la plupart des éleveurs ont mis un système en place. Cependant, il existe une vallée où les troupeaux ne sont pas gardés et où les dégâts existent et peuvent représenter jusqu'à 5 % du troupeau, alors qu'ils n'en représentent que 1 à 2 % en cas de garde et d'équipement. Nombre et volume des dommages : 35 000 en 2005, année la plus forte (Jurka était responsable de la moitié des dommages) ; 28 000 en 2007, ce qui représente à peu près 100 dégâts. Barème : 150 par brebis, 250 par ruche. Le territoire compte environ 4000 ovins et 2000 bovins sur 2000 hectares (6 estives) occupés par les troupeaux (sur la zone de 2000 Km2 fréquentée par les ours). 18 L'administration croit que l'ours peut et doit s'installer sur le territoire, mais ne doit pas disposer d`une liberté totale. Le milieu ambiant peut accueillir l'ours, mais cela ne doit pas se faire au détriment du pastoralisme. Le cas échéant, un choix politique devrait être fait. On peut réduire les dégâts d'ours par la mise en uvre de moyens de protection, mais pas les éliminer complètement. Il existe des menaces plus grandes pour le pastoralisme que l'ours : changement climatique, manque de bergers, concurrence d'autres occupations humaines de l'espace, notamment dans les parcours littoraux utilisé en hiver. Au niveau des dégâts constatés, il ne semble pas y avoir de différence entre les ours slovènes et les autochtones selon le Département Ressources forestières du Trentin. L'organisation d'urgence et la gestion de situations particulières Il existe une équipe spécifique techniquement compétente, notamment pour les opérations d'effarouchement (balles en plastique) et de capture. Cette équipe a le même numéro d'appel permanent de mars à novembre que l'équipe Dommages. Elle est composée de 2 animateurs et d'un coordinateur (équivalent temps plein) et est intervenue 78 fois en 2006 et 20 fois en 2007 et est équipée d'une chienne russe de race Laïka, connue pour ses capacités à contrer les ours. L'ourse Jurka, réintroduite en 2001, avait un comportement très spécifique (84 signalements à l'équipe d'urgence dont 36 présences dans les villages, 2 entrées dans les maisons ­ inhabitées-, etc.). Demande de capture en 2006 au Ministère de l'environnement. Réponse de prolonger l'observation et décision de l'équiper en télémétrie. La capture pour équipement a été difficile (plus de deux mois). Réalisation d'opérations d'effarouchement. Pas de changement de comportement, voire aggravation, du fait de certaines pratiques des habitants (placement de déchets organiques pour l'attirer et pouvoir la photographier). Finalement, capture en 2007 et placement définitif en enclos. A noter des demandes d'ONG et une pétition de 18 000 signatures pour demander son relâcher. Le rapport avec les autres régions et pays voisins Une coordination inter-pays et interrégionale a été organisée depuis 2006 (cas de l'ours Bruno en Allemagne), notamment pour informer ceux-ci des possibles passages d'ours du Trentin (un descendant de Jurka a fait 115 Km vers le nord). 12 h ­ 13 h Visite d'un « parc à ours » Ce parc a été installé à Casteler (10 Km de Trente) pour accueillir Jurka, l'ourse à problème capturée en 2007. D'une superficie de 7500 m2, entouré d'un grillage de trois mètres de haut sur socle en béton, avec clôture électrifiée, il est destiné à abriter cet animal, stérilisée lors de sa capture, pour toute sa vie, sans prévoir de visite du public. Il est susceptible d'accueillir d'autres ours à problèmes et est équipé de cages pour permettre des soins. Son coût est de 400 000 . Les techniciens italiens ont indiqué à la mission qu'il s'agissait d'une position politique du Gouvernement central, leur position technique étant plutôt d'euthanasier Jurka dés lors qu'il était impossible d'envisager de la relâcher un jour. 19 15 h ­ 16 h Visite d'une aire faunistique Cette aire, située à Spormaggiore (30 Km de Trente), a été créée en 1994 par la Province, pour offrir un cadre naturel à trois ourses auparavant en captivité. Il contient aujourd'hui l'ensemble de la faune mammifère locale, avec notamment deux ourses dans un enclos de 7000 m2, hibernant en tanière lors de la visite de la mission. Après l'intrusion d'un ours sauvage qui a sauté les grillages, pourtant très conséquents, elles ont été stérilisées, à cause des problèmes de consanguinité et d'inaptitude à la vie sauvage des ours en captivité. Il semble que l'attrait d'une ourse en chaleur rende difficile toute protection physique, mais que le problème n'est pas de même nature pour des troupeaux ovins, le dispositif le plus efficace dans ce cas étant le fil électrique sous réserve d'un voltage suffisant. Les ourses sont nourries de croquettes et de fruits, avec viande et poisson deux fois par semaine. Cette aire faunistique attire 10 000 visiteurs par an, à 2,5 le billet. 16 h ­ 18 h Présentation du parc naturel d'Adamello-Brenta et visite de la maison du parc à SPORMAGGIORRE Antonello ZULBERTI, Président du parc, Filippo ZIBORDI, Chargé de la faune Ce parc, d'une superficie de 618 Km2, a été créé en 1967 dans un objectif essentiel de protection de l'environnement. Il est constitué des parties non urbanisées d'un certain nombre de villages (34), mais ne contient aucun de ces villages. Son budget est de 5 millions d'euros, dont 4 de la Province et 1 d'autofinancement. Il emploie 32 permanents et 60 saisonniers. Le Parc a obtenu la certification ISO 14 000 et EMAS, qui servent de base à un projet de labellisation des structures d'accueil (33 hôtels et 3 campings sont certifiés). En 1700, l'ours était répandu partout dans l'arc alpin. Avec les activités humaines de plus en plus nombreuses et les éliminations directes, encouragées par des primes à la destruction, il ne subsistait, après la 2e guerre mondiale, des ours que dans le massif Adamello-Brenta. C'est pour cette raison que le parc a pris l'ours comme symbole et logo du parc. Le parc a porté le projet Life ours en deux phases (1996, puis 2001) : étude de faisabilité, guide opérationnel, réalisation du projet. L'étude de faisabilité a surtout été conduite par rapport à la capacité du milieu ambiant d'accueillir une population d'ours. Elle a porté sur 7000 Km2 pour conduire à une zone préférentielle de 1745 km2 avec un potentiel de 40 à 60 ours. Elle a été conduite avec les deux comités cités plus haut. Le guide opérationnel s'est attaché à définir clairement le rôle de chaque acteur et les méthodes à employer. Le tout s'est conclu par le lâcher de dix individus (7 femelles et 3 mâles). Actuellement, le projet est considéré comme un succès biologique, mais aussi en termes d'acceptation de la population et d'utilisation de l'image de l'ours comme vecteur touristique. Il s'est aussi traduit par une clarification de la connaissance de l'ours par la population (ni « fauve sanguinaire », ni « Teddy bear »). Les résultats détaillés du sondage de 2003 démontrent une amélioration de la connaissance de la biologie de l'animal. Les résultats de sondage auprès de la population touristique font aussi apparaître une approche positive par rapport à la réintroduction d'ours (81% favorable à l'idée de relâcher, 72% ayant un intérêt pour visiter une aire où existe l'ours et 70% plutôt favorable à l'idée d'un surcoût sur les produits s'ils participent à la survie de la population d'ours). Pour le parc, il s'agit surtout d'utiliser le thème de l'ours pour la protection d'ensemble de la nature, car le futur de l'ours dans les Alpes italiennes passe par une « culture de l'ours ». 20 L'information a commencé dans les écoles : de 2000 à 2004, toutes les écoles du territoire ont été visitées. Pour les adultes, ont été organisées soirées et conférences, le plus grand nombre en été : 110 conférences, et 2620 participants. La presse a publié 75 articles parlant de l'ours et du projet, 127 émissions radio et télé pour 4h 30 cumulés. Deux expositions ont circulé dans les différentes mairies du territoire et, à la maison du parc, 3 étages sont consacrés à l`ours : ce musée reçoit 3000 visiteurs par an, ouvert au public en saison touristique de début juin à mi-septembre, et quelques semaines en hiver. Beaucoup de travail d'information a été fait. Le premier Life (500 K sur 4 ans) comportait 10% de communication. Cette implication a été portée à 25 % pendant le second projet Life d'un volume de 1 million d' en 4 ans. Mais cette communication initiale a été faite par des techniciens, biologistes, et pas par des communicateurs professionnels. Trop de communication peut exposer à la saturation, si l'on parle trop du projet : ainsi, 238 articles en 2002, contre 10 en 2001, mais diminution dès 2003. La saturation amène des aspects plus ambigus, comme l'utilisation du thème pour des raisons d'abord économiques et politiques. La région est très touristique : 900 000 visiteurs en été, pour 6 700 000 nuitées. Mais la grande majorité de la fréquentation est hivernale : le ski ne bénéficie qu'à trois communes du parc, alors que le tourisme estival vise à avoir des répercussions sur l'ensemble. Le domaine skiable de la station de Madonna di Campiglio est en quasi totalité dans le Parc. Celui-ci émet un avis sur les nouveaux équipements, l'économie locale étant d'abord basée sur le ski. Un accord est intervenu entre le parc et les gestionnaires de remontées : le secteur skiable est identifié. A l'intérieur, y sont possibles de nouvelles remontées, mais une étude d'impact y est requise. Il n'y a pas d'extension possible, même si c'est la Région qui a la compétence pour fixer les limites du parc. D'autres sites étaient potentiellement équipables en ski alpin, mais il a été considéré que l'équipement existant était suffisant. Les remontées mécaniques appartiennent à des sociétés privées. Les retombées aux collectivités ne se font que par la fiscalité et ne sont pas mutualisées. Le Parc en gelant du territoire skiable a empêché d'autres communes d'accéder au ski alpin. La Région ne finance plus les investissements de ski alpin au dessous d'une certaine altitude, en raison des risques liés au changement climatique. Elle finance des liaisons, mais pas de nouvelles stations. Il existe 3 à 400 Km de sentiers de randonnée balisés en haute altitude, entretenus par le Club alpin italien. La circulation à pied et à cheval est autorisée partout, mais il existe des restrictions. Un circuit VTT de 170 Km autour de Brenta est en cours de réalisation. Les motos sont interdites, là où les autres modes de circulation sont autorisés. Certaines routes sont fermées en hiver. Beaucoup de routes ne sont ouvertes qu'aux usages professionnels, pastoraux et forestiers. Les interdictions sont signalisées, les pénalités en cas d'infraction sont significatives. Sur la politique pastorale du Parc, les moutons et les vaches montent en estive, le pâturage est réglementé par des textes de la Province. Le Parc est très favorable au pâturage, sauf dans les réserves intégrales. Le pastoralisme est jugé important pour le paysage et la biodiversité. Des travaux d'amélioration pastorale sont en cours avec les communes. Il y a peu de demande pour les alpages, mais un éleveur nouveau pourrait trouver un alpage. L'élevage dans les villages du Parc est surtout bovin, les vaches laitières sont en étable ; des jeunes animaux et du bétail à viande montent en estive. Il y a dans le parc 40 bergeries « marghe », utilisées de façon variable suivant les années. 21 Les réserves naturelles sont constituées de réserves intégrales (20% de l'espace en haute montagne) ; de réserves spéciales, thématiques pour un thème particulier flore ou faune. Les mesures à y prendre nécessitent l'accord du propriétaire. Une réserve avait été créée pour les derniers ours autochtones, mais les animaux réintroduits se déplacent beaucoup. Cette réserve a toutefois contribué à protéger l'environnement. L'un des objectifs des réserves était la sauvegarde des activités traditionnelles, dont la chasse. Une étape essentielle du LIFE Ursus a été l'accord avec l'association de chasseurs. La chasse dans la réserve se limite à une régulation des ongulés. La chasse est individuelle, accompagnée par un garde ou un chasseur expérimenté, mode de chasse d'inspiration austrohongroise. La sylviculture naturaliste qui est pratiquée exclut les coupes rases, les replantations, sauf danger et besoin de protection contre l'érosion. Ce type de sylviculture est cohérent avec la protection du milieu. La gestion forestière est assurée par le service forêt-faune du Trentin. Mercredi 12 décembre 2007 8 h 30 ­ 10 h Rencontre avec les maires de communes peu touristiques à VEZZANO Eddo TASIN, maire de Vezzano ; Agostino DEPAOLI, maire de Terlago ; Giuseppe SCROSATI, maire de San Lorenzo in Banale ; Ezio SEBASTIANI, maire de Stenico L'ensemble des maires ont fait valoir l'organisation de réunions d'information de la population pour, d'une part, expliquer le principe et les fondements de la réintroduction, d'autre part, apporter des informations sur le comportement à adopter face à l'ours en cas de rencontres. Les habitants ont d'abord été effrayés par la présence de l'ours, les pratiques de Jurka ayant beaucoup participé à cette peur. Toutefois, au fur et à mesure du constat que les rencontres ne posaient pas de difficultés, l'ours fuyant l'homme, cette peur s'est atténuée et l'acceptation est maintenant bonne. Les maires ont indiqué qu'ils n'ont pas été en situation d'accepter ou de refuser l'ours. Pour le maire de Vezzano, il n'y avait pas la possibilité de choisir : l'ours n'a pas été relâché ici, mais il fréquente la commune. Un arrêté municipal qualifiant l'ours de dangereux sur la commune n'aurait pas de sens, l'ours n'ayant pas été relâché sur le territoire communal. Il n'y a pas possibilité pour une commune de refuser juridiquement l'ours. Même si certains maires ont dans un premier temps eu peur, la collaboration avec la Province a permis de trouver un équilibre entre l'animal en liberté et la sécurité. Les retombées économiques et touristiques de l'ours doivent être considérées, d'autant que la population dans les villages (1000 à 2000 habitants) et les écoles (60 à 120 écoliers) est plutôt en augmentation dans le secteur. La Province pourrait créer des parcs pour l'ours, peut-être par un système d'enclos, donnant une solution pour l'ours et pour la population. Pour le maire de San Lorenzo in Banale, il estime que les touristes sont contents de savoir qu'il y a des ours. Concernant l'application de l'article 22 de la Directive Habitats sur la réintroduction d'espèces de l'annexe IV, le maire de Vezzano a indiqué que les ours réintroduits se déplacent largement, à 200 à 300 Km du point de lâcher, et qu'au-delà des opinions personnelles, il semble qu'après les réunions d'information, la population évolue lentement vers l'acceptation, d'autant qu'aucun accident humain n'est jamais arrivé. 22 Pour le maire de Vezzano, la différence est grande entre avoir 1 ou 2 ours, et en avoir une dizaine. Dans les 3 ou 4 dernières années, la présence des ours attirés par les pommiers s'est faite plus intense. La population se sent un peu prisonnière par la présence de ces ours. Certains en sont contents, d'autres mécontents ou fâchés. Le maire de Stenico est aussi confronté à cette réalité, surtout quand les ours sont attirés par les pommes mûres. Il a bénéficié du soutien du service forêt faune de la Province, qui a organisé des soirées d'information pour expliquer le comportement des ours. Le maire de Terlago a indiqué que l'ours était un animal splendide, mais que son rôle est de se préoccuper de la sécurité de sa population. Il a fait état d'une appréhension persistante, car, pendant certains mois, l'ours est très proche ; des tanières sont à proximité du village, et les ours sont attirés à l'automne par raisins et pommes. Dans les écoles, il est enseigné qu'il faut rester sur les routes fréquentées, et ne pas aller seul sur les sentiers le soir. Il a également cité le problème de Jurka. Il a en son temps été poursuivi par le WWF pour avoir préconisé l'élimination de Jurka lors d'un entretien informel avec un journaliste, que celui-ci s'est empressé d'écrire ! Il a toutefois noté les efforts faits par les services de la Province pour assurer l'information de la population. Il a aussi précisé qu'il convenait de collaborer activement avec la Province pour dépasser cette appréhension et créer une mentalité de cohabitation. Etant responsable du tourisme pour la Province, il reconnaît le rôle de l'ours pour l'image du Trentin. Il note d'ailleurs que, si les Pyrénéens se déplacent en Italie ou en Espagne, ici la Province du Trentin ne propose pas aux élus d'aller à l'étranger ! Concernant la sécurité des personnes, les maires ne se sentent pas juridiquement responsables, mais ils sont attentifs au danger que peut représenter l'ours. Dans la loi italienne, il y a deux types de responsabilité, objective et subjective : en application de cette dernière, les maires estiment qu'il est de leur responsabilité d'apprécier le moment auquel il faut contacter l'organisme dédié, compte tenu d'un danger potentiel. Pour Claudio Groff, la responsabilité civile des maires est à exclure à 100%, parce que le projet est à l'initiative de la Province. Cependant, pour des questions de sécurité du territoire, un maire devrait pouvoir décider de l'abattage d'un ours dangereux. Si l'ours est équipé d'un collier, on peut le contrôler, et la responsabilité de la Province est alors engagée. Pour le maire de Terlago, il y a une responsabilité morale, et une autre liée à la compétence juridique du maire par rapport à la sécurité publique. Cerf et chevreuil étaient là, l'ours a été réintroduit, et on sait qu'il peut éventuellement causer des dommages aux personnes. La province qui gère le projet a une responsabilité. Concernant les différents types d'impact liés à la présence de l'ours, le maire de Stenico voit surtout l'image du Trentin être associé à la présence d'ours, avec des retombées touristiques nationales et des pays limitrophes. Par exemple, une observation d'ourse avec ses oursons a conduit à une invasion de touristes, régulée ensuite par les gardes par contrôle des accès. L'image de l'ours est utilisée à travers le logo du parc, où se situent 2 des 4 communes. L'ordre de grandeur du nombre des personnes se monte à quelques centaines. Parmi les visiteurs individuels, personne ne nie l'importance de la présence de l'ours. Pour le maire de Vezzano, il n'y voit aucun avantage direct, mais il est important de sauver un animal localement en voie d'extinction. 23 Pour le maire de Terlago, même si le projet est en théorie intéressant, sa mise en pratique est complexe. Pour lui, l'avenir de la jeunesse est un sujet plus important que la présence de l'ours vu de l'étranger. Claudio Groff précise que si Terlago réagit ainsi, c'est parce qu'il y avait 10 ours attirés par les pommes dans le village. Si l'on avait pensé que cette concentration d'ours pouvait se produire, le projet n'aurait peut-être pas été lancé. Cependant, il faut constater qu'il ne se passe rien lors des rencontres avec les ours et que les gens s'habituent petit à petit. Concernant les dégâts au pastoralisme, un ours a prédaté en 2005 une vingtaine de brebis à la Paganella. Les éleveurs ont protesté dans la presse, puis se sont résignés à mettre en uvre des mesures de protection. Les éleveurs de la zone (1 à Stenico, 1 à San Lorenzo in Banale) se maintiennent, celui de San Lorenzo a demandé récemment d'augmenter sa superficie d'estive. Un éleveur de moutons de San Lorenzo a plus de problèmes avec les renards qu'avec l'ours. 11 h 30 - 13 h Rencontre avec les maires de communes touristiques à SPORMAGGIORE Arduino ZENI, maire de Spormaggiore ; Donata SARTORI, adjointe au maire de Molveno ; Enrico VIOLA, maire de Cavedago ; Pietro LEONARDI, maire de Tuenno ; Paolo CATANZARO, maire de Andalo ; Dans le Trentin, avant le projet Life, l'ours était en extinction, mais il a toujours existé. L'aspect patrimonial va au delà du naturel, il est aussi culturel. L'animal a le droit de vivre, l'homme a été responsables de sa disparition, pourquoi ne pas réapprendre à cohabiter ? Si l'ours était chassé il y a 100 ans, avec des primes pour sa destruction, c'est parce qu'il y avait d'autres enjeux : les gens mouraient de faim ; un dégât sur un petit troupeau de subsistance était insupportable pour une famille, personne ne payant les dommages. Il y a un siècle, 100 personnes vivaient de la montagne, là où 2 ou 3 en vivent aujourd'hui. Les maires ont présenté à la mission la situation d'une manière quasi identique à celle indiquée par les maires des communes moins touristiques en insistant sur l'impact en termes d'image, notamment sur le tourisme estival. L'organisation des réunions d'information, la mise en place des mesures d'indemnisation des dégâts et de leur prévention a permis, selon eux, une bonne acceptation sociale de l'ours. La première phase de peur a été dépassée et il y a même des pétitions pour remettre Jurka en liberté ! Chaque maire a indiqué l'impact de la présence de l'ours, tel qu'il l'appréciait sur sa commune. Le maire de Spormaggiore, la commune (1250 habitants) qui panache tourisme, élevage et arboriculture fruitière et qui a l'aire faunistique et le musée, a un rapport privilégié avec le projet de réintroduction d'ours, accueilli ici avec grand optimisme. Le point le plus positif est la restauration d'une espèce en voie de disparition ! Les dommages causés par l'ourse Jurka sont les plus importants, rapportés à ceux des 20 ours présents. Les alpages de la commune bénéficient de tous les moyens de prévention de la Province autonome, notamment clôtures électrifiées. Il n'y a pas eu de problème, l'ours ayant toujours été là, seulement plus nombreux maintenant. L'adjoint au maire a souvent rencontré l'ours. Il est persuadé qu'il ne présente aucun danger pour l'homme, bien qu'au printemps les ours mâles en recherche de femelles puissent avoir des attitudes agressives. Les visiteurs de l'aire faunistique posent des questions sur les ours captifs, mais surtout sur l'ours libre. 24 Le maire de Tuenno (2350 habitants) a indiqué que plusieurs réunions s'étaient tenues avec la population, pour préparer la réintroduction et évoquer les impacts écologiques du projet, et aussi ses aspects plus difficiles (comportement à adopter en présence d'ours). La population a bien accueilli le projet et les agriculteurs les plus concernés (val de Tovel) ont toujours protégé les troupeaux. Tuenno est la commune la plus étendue du parc. Des personnes habituées à aller au lac de Tovel hésitent maintenant. L'installation de ruches dans les vergers pour favoriser la pollinisation suscite la venue d'ours. L'apparition de l'ourse Jurka dans le village a causé un peu d'inquiétude dans la population, le Service Forêt faune a présenté en réunion publique les comportements à adopter, les gens se sont rassurés et ne souhaitaient pas mettre l'ourse Jurka en captivité. Le maire a aussi élaboré à l'intention des habitants de la vallée de Tovel une circulaire recommandant d'éviter de laisser les déchets organiques plus de 1h hors des habitations. Pour le maire de Cavedaggio, commune de 600 habitants à 4 km de Spormaggiore, la région peut s'enorgueillir de la présence de l'ours. La population était habituée à vivre avec l'ours autochtone, qui était réputé plus dangereux que l'actuel, mais ne se manifestait qu'une fois par an, pour dévaster des ruches. Après la réapparition des ours, grâce à la bonne information du service provincial forêt-faune, la population résidente s'est habituée, et, pour les touristes, il y a un aspect positif lié à l'aire faunistique et au musée : 30 000 visiteurs par saison. Pour le maire de Molveno, les retombées de LIFE-Ursus sur la commune essentiellement touristique (présence de lacs) de 1070 habitants (9000/jour en été), sont un développement international, commun à toute la région et aux communes qui en dépendent. La commune qui ne vit pas comme Tuenno d'agriculture et d'élevage, voit donc dans l'ours un élément positif. Les résultats de sondage initial étaient très favorables. Le projet est accueilli comme un plus par les opérateurs touristiques dans un territoire au tourisme déjà développé. Les rencontres rapprochées avec l'ours ont fait évoluer l'opinion, un petit climat d'appréhension a conduit les opérateurs touristiques à se poser des questions. Le seul réel problème identifié est par rapport aux personnes âgées qui randonnent en montagne. Le maire de Andalo, commune à tourisme estival et hivernal, a indiqué que l'image de l'ours figurait dans les armoiries de la commune. Elle comporte 70 hôtels et 600 appartements de vacances, la population passe de 1000 habitants à 14 000/jour en hiver. La présence de l'ours donne une notoriété plus importante que des spots télévisés : cas de l'ours Bruno qui a fait faire une pleine page aux journaux nationaux pour montrer qu'Andalo traitait mieux les ours que la Bavière. Le danger de l'ours est ressenti seulement par les habitants. Le touriste est plutôt irresponsable et manifeste une grande curiosité : il est donc nécessaire de développer de l'information également à leur intention. Concernant l'objectif long terme de 40 ou 60 ours, soit un triplement par rapport au nombre d'ours actuel, les élus pensent qu'il faut être mesuré et en limiter le nombre, ce à quoi Claudio Groff a précisé que ce chiffre était un objectif vital, génétique ou biologique. Cinq communes possédant déjà une densité maximale d'ours, cela veut dire que l'aire de répartition devra s'élargir. Il n'y a d'ailleurs pas de nouvelles introductions envisagées, vu la réussite biologique du programme. 25 Concernant l'agressivité de l'ours autochtone par rapport à l'ours slovène, il a été indiqué que l'ours autochtone était invisible. En effet, chassé, il avait peur de l'homme. Son comportement a été évoqué en table ronde, lors de la mise en place du projet. Les derniers ours autochtones, pendant les 30 dernières années, étaient de plus en plus timides. Concernant l'arboriculture fruitière, la situation est contrôlée à Tuenno : il est épandu moitié moins de produits phytosanitaires qu' ailleurs, depuis 25 ans. La vallée de Non fait réaliser des examens physiologiques sur les habitants, tous les 10 ans. Cependant, une tension existe entre les vergers de pommiers qui couvrent les vallées et les autres activités. 8 h 30 ­ 13 h Visite d'une estive et rencontre avec des bergers Pendant les rencontres avec les maires, trois personnes du groupe sont allés visiter une estive : Malga Tuena (1740 m), située dans le Val di Tovel, au-dessus du lac du même nom. Un compte rendu oral en a été fait au retour dans le car. Il s'agissait d'une estive pour un troupeau de 150 vaches laitières équipé d'un double bâtiment (stabulation avec fromagerie et habitation de 200 m2) correspondant à ce que l'on trouve dans les Alpes françaises. Cet outil de travail de grande qualité est comparable à ce qui peut exister dans le Béarn en ovin laitier (pour la fromagerie). L'ours est présent, mais n'a jamais attaqué les vaches. Il a été signalé un contact il y a quelques années avec un troupeau de 250 chèvres sur la même estive, l'ours ayant été mis en fuite par des chevaux présents sur l'estive. En allant vers Vezzano et profitant de la présence au bord de la route d'un troupeau de brebis, une autre partie du groupe est allé interroger spontanément le berger présent, de retour d'estive, en train de trier ses bêtes. Celui-ci s'est déclaré farouchement opposé à la présence de l'ours, compte tenu des dommages qu'il a eu à subir. Il a déclaré avoir été indemnisé, mais sans que cela compense le préjudice et le dérangement occasionnés. 26 15 h ­ 18 h Rencontre avec des acteurs socioprofessionnels Osvaldo DONGILLI, vice-président de l'association des chasseurs du Trentin, accompagné de Alessandro BRUGNOLI, Mauro ALBERTI, Stelio ROIATI ; Marco FACHINELLI, président de l'association des apiculteurs du Trentin ; Lorenzo FRONA, éleveur et berger. Les chasseurs L'association des chasseurs compte 7000 membres. En Trentin, l'ensemble des ongulés sont chassés, sauf le sanglier qui n'est quasiment pas présent sur le territoire. Il n'est pas utilisé de chiens pour la chasse aux ongulés, le choix étant de faire une chasse de sélection, à l'affût ou à l'approche. Ce mode de chasse est favorable non seulement à la tranquillité des ours, mais aussi au milieu ambiant en général. Lors de la chasse silencieuse aux ongulés, des ours sont observés de temps en temps. La chasse au lièvre, au chien courant, en milieu agricole, ne pose pas de problème de dérangement. Pour la réintroduction, les chasseurs ont participé dés le début au comité de l'étude de faisabilité, en tant que gestionnaire de la faune sauvage, pour deux raisons principales : sensibiliser les chasseurs à la sauvegarde de l'ours ; faire considérer la chasse comme participant à la gestion technique du territoire. Dans les années à venir, la chasse ne sera possible que si les chasseurs respectent et entretiennent l'environnement., ne prélèvent que le surplus de ce que la nature produit, et fondamentalement maintiennent la biodiversité. Les chasseurs sont ainsi favorables à la présence de l'ours, et dans le futur du loup et du lynx. Certains chasseurs doivent toutefois être convaincus de ces arguments. Un chasseur de la délégation a fait valoir que le projet de réintroduction dans le parc soulevait des difficultés compte tenu de la modification de l'habitat montagnard et du comportement de certains ours. Il se réfère notamment au cas de Jurka pour indiquer que cette réintroduction est selon lui vouée à l'échec. Il n'y a pas de véritables contraintes pour les chasseurs liées à la présence ursine : aucune période d'interdiction n'est définie, ou de lieu interdit. Même s'il n'y a plus d'ours munis d'émetteurs et si la période de chasse correspond à la période à laquelle on peut voir des ourses suitées, ce sont plutôt maintenant les chasseurs qui signalent leurs observations aux autorités. Même si les relations avec les différents partenaires ne sont plus comme au départ formalisées, elles restent constantes avec les différentes catégories socioprofessionnelles. L'association des chasseurs a pris une position stratégique dans ce dispositif en étant persuadé de la justesse pour l'image du Trentin et pour la gestion de la faune du projet Life ours et en indiquant que l'augmentation de la population est prévue par extension de la zone, et non de la densité. Des avis différents peuvent exister au sein des chasseurs, et le cas de Jurka ne doit pas occulter la réalité. D'une façon plus générale, les chasseurs reflètent les peurs de la société ; la peur de l'ours est ancestrale. Le problème est de convaincre de sa présence l'ensemble de la population. Il est difficile de convaincre une personne qui n'a rien à voir avec la chasse. 27 Pour le président de la réserve de chasse de Tuenno, il n'est pas tout à fait juste d'avoir réimplanté des ours, mais pourquoi l'espèce disparaissait-elle ? en raison des changements dans l'agriculture, et de l'urbanisation. Mais l'ours n'est pas tranquille dans le Parc où il y a trop de gens, pas assez de nourriture et de tranquillité : dans l'ancien temps, on ne voyait jamais les ours autochtones ; maintenant, on voit trop souvent les ours réintroduits. Du début du XXe siècle aux années1960, la montagne était « vécue », objet de récoltes et d'exploitations. Maintenant, c'est comme une place de Trente : la montagne est « consommée » ! Les apiculteurs L'association des apiculteurs compte 1400 adhérents dont 60 professionnels. Compte tenu du fait que l'activité agricole de la province est essentiellement fondée sur les vergers de pommiers et la vigne, l'apiculture est une activité importante (4500 kilos de miel produits en 2007), notamment via la pollinisation. Le service de pollinisation des vergers est nécessaire et développé, notamment en Val di Non où il y a des ours. Concernant les dégâts, l'ours, lorsqu'il recherche le couvain, s'en prend à une ou deux ruches sur une dizaine et les dégâts sont indemnisés. Par ailleurs, ont été mis en place des mesures de prévention fondées sur un fil électrique qui est dissuasif. Le travail supplémentaire pour l'apiculteur, lié à la mise en uvre du fil qui est financé par la Province, est réduit. La présence de l'ours traduit un environnement sain. Les apiculteurs produisant du miel dans la zone du parc vont utiliser le logo du parc pour valoriser leurs produits. Les traitements insecticides sur les pommiers, avec trois produits autorisés, induisent des dommages plus graves que ceux de l'ours, bien que la plupart des arboriculteurs respectent les normes de traitement. Les éleveurs et les bergers Le pastoralisme ovin dans la province du Trentin est une activité économique peu importante, la majeure partie de l'agriculture étant consacrée à la culture de la pomme qui occupe quasiment l'ensemble des terres en fond de vallée. Il y a 30 000 ovins et caprins dans le Trentin, 3 000 dans la zone à ours pour trois éleveurs locaux plus quelques transhumants. Les ovins sont de race bergamasque, qui se rassemble bien. Le nombre d'éleveurs est faible et les responsables politiques s'investissent peu dans le dossier pastoral. Il n'y a pas d'associations pastorales. Le service compétent est le service de l'élevage de la Province. Les rares éleveurs ovins sont des éleveurs itinérants. L'éleveur présent lors de la réunion était justement un éleveur/berger itinérant, sans terre, possédant un troupeau de près de 1000 têtes. Il vient sur le parc depuis 11 ans, dont 7 avec l'ours, et continue à venir sans avoir de projets alternatifs pour le moment. L'estive dure 100 jours. Il loge dans un préfabriqué fourni par la Province et travaille sur des terrains communaux qu'il loue. La Province a commencé à étudier l'éventualité d'une cabane permanente. 28 Il a eu des dégâts en 2007 : 30 brebis sur 1000, mais toutes n'ont pas été reconnues comme étant dues à l'ours. Il a vu 8 ours différents successivement autour de son alpage en 20062007, mais sans jamais avoir été inquiété physiquement. Les ours ne lui sont pas très sympathiques, c'était mieux quand il n'y en avait pas, mais il s'arrange maintenant pour cohabiter. Par ailleurs, les aigles causent aussi des pertes. L'indemnisation fonctionnait mieux quand le forestier venait contrôler directement que l' « autocertification » actuelle, qui demande de reproduire sur le document exactement ce que l'on a déclaré téléphoniquement, sinon il y a risque de litige. Jusqu'à l'arrivée de l'ours, les brebis étaient libres, maintenant elles passent la nuit à l'intérieur d'une clôture double, et le berger reste avec le troupeau. Il a indiqué que la présence de l'ours lui occasionnait plus de travail. Il a changé la conduite du troupeau en pratiquant le rassemblement nocturne de ces animaux via un double fil électrique. Cette protection est efficace, l'ours ne rentrant pas, mais peut ne pas empêcher l'effraiement des brebis et leur éventuelle sortie du parc. Les dégâts sont toutefois moindres depuis cette installation. Mais il y a peu de lieux favorables aux enclos, seulement 3 ou 4 emplacements. Il a été précisé que des expériences étaient en cours, en collaboration entre la Province et le berger, pour améliorer le dispositif de protection via une augmentation du voltage et que cela semblait efficace. Par ailleurs, un essai de chiens de protection suisses a été conduit pendant cinq jours, puis arrêté, parce que l'ours ne s'était pas montré pendant cette période et il est revenu le sixième jour. Ce dispositif doit être reconduit avec des chiens des Abruzzes. L'éleveur a indiqué ne par avoir de problèmes sanitaires depuis la mise en uvre du rassemblement, mais avoir l'impression (en précisant que ce n'est pas prouvé) qu'il y avait une différence pour la reproduction. Il n'y a pas d'aide de l'Etat ou de la Province pour des aides bergers. Sur cette question, Claudio Groff a précisé qu'il a été proposé aux éleveurs de la vallée de Lero qui laissent leurs moutons en alpage sans surveillance, de se regrouper, l'administration payant un berger. Ces éleveurs n'ont pas donné suite. Alors que les communes du secteur sont favorables à l'ours et que les terrains sont communaux, on aurait pu penser à un meilleur aménagement et à la construction d'un bâtiment. Mais il existe une concurrence entre chasseur et éleveurs. Les chasseurs n'ont pas envie de voir s'installer de façon pérenne les éleveurs de moutons sur les estives : d'une part, pour la concurrence moutons-chamois -les chasseurs veulent trouver le gibier près de la voiture, alors que le mouton l' éloigne-, d'autre part, par la difficulté complémentaire d'accès aux terrains de chasse que créent des estives équipées. Les produits de l'élevage sont des agneaux de 7 mois à 1 an, les naissances sont échelonnées sur l'année. Le marché est réduit dans le nord de l'Italie, mais en croissance avec les communautés musulmanes. Le prix vif est de 2,10 à 2,20 (contre le double en France), et davantage en période de fête. Il n'y pas comme en France au moins 50% de primes dans le revenu d'un éleveur d'ovins en France, mais chaque berger reçoit en fonction des animaux qui lui appartiennent en propre, ainsi qu'une prime liée à l'alpage de 70 par hectare. 29 ANNEXE 4 : DEPLACEMENT EN SLOVENIE Qualification de la zone de présence et renforcement du suivi de la population d'ours dans les Pyrénées françaises Mission de l'Inspection générale de l'Environnement Compte-rendu du voyage d'étude d'une délégation française en Slovénie du 12 au 15 février 2008 Liste des participants Monsieur Etienne-Jean BARBELANNE, président de la Fédération départementale des chasseurs de l'Ariège Monsieur Didier BUFFIERE, directeur du Centre de ressources pastoralisme gestion de l'espace (CRPGE) des Hautes-Pyrénées Monsieur Thierry GALIBERT, adjoint au directeur régional de l'environnement de MidiPyrénées Monsieur François GOUSSE, directeur départemental de l'agriculture et de la forêt des Pyrénées-Atlantiques Monsieur Denis LAURENS, inspecteur général de l'environnement Monsieur Robert LAURENS, éleveur, président du groupement pastoral d'Artigues - HauteGaronne Monsieur Robert MARQUIE, maire de Sarrancolin, conseiller général des Hautes-Pyrénées Monsieur Pierrick TOUCHET, Equipe Technique Ours ­ Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage Monsieur René RETTIG, maire de Luchon - Haute-Garonne Monsieur Alain REYNES, directeur de l'association Pays de l'Ours - ADET Monsieur Georges RIBIERE, inspecteur général de l'environnement Madame Sylvie SALAUN, présidente de l'association pour la cohabitation pastorale (ACP) Monsieur Michel TALLIEU, secrétaire de la Fédération Pastorale de l'Ariège Monsieur Ramuntcho TELLECHEA, Fonds d'Intervention Eco Pastoral (FIEP) 30 La Slovénie s'étend sur plus de 20 000 Km2 (quatre départements français) et compte 2 millions d'habitants avec une densité de population comparable à la France. Elle est située entre l'Italie à l'est, l'Autriche au nord, la Hongrie au nord est, la Croatie au sud. Le climat est méditerranéen le long de la côte et continental sur les plateaux et dans les vallées à l'est. La Slovénie est une république indépendante depuis juin 1991, membre de l'UE depuis mai 2004, de la zone euro depuis le 1er janvier 2007. Le PIB par habitant est de 82% de la moyenne des pays de l'UE25. L'agriculture concourt pour 2,5% au PIB, l'industrie pour 35%, les services pour 62,5%. Le territoire comporte 1 227 000ha de forêts, soit 57% de la surface du pays. Les forêts occupent surtout le tiers du pays situé au dessus de 600 m d'altitude, sur un substrat géologique majoritairement calcaire karstique. Les terres arables représentent 12% de la surface, et les pâturages permanents 24%. La région visitée se situe au sud du pays, dans la région de Kocevje, et notamment la réserve de Jelen, qui abrite plusieurs centaines d'ours. Mardi 12 février 2008 18 h 30 Accueil à l'Ambassade de France LJUBLJANA Chantal de BOURMONT, Ambassadrice de France en Slovénie Dominique LAPIERRE, chef de la mission économique, Louis-Charles ARRIVE, adjoint et Marine REBOUL, assistante Tea GLAZAR, Directrice du Service des relations internationales et des affaires européennes Janez KASTELIC, Directeur Général Nature et Paysages et Peter SKOBERNE, Assistant Katja PISKUR, conseiller affaires européennes, Alojz MARN, Responsable biodiversité au ministère de l'Environnement et de l'Aménagement du Territoire, Beti LIKAR, Ministère slovène des affaires étrangères Jo t JAKSA, Directeur de l'institut forestier slovène et Marko JONOZOVIC, département de la faune sauvage et de la chasse Darij KRAJCIK, Directeur de l'Institut slovène pour la conservation de la nature Mercredi 13 février 2008 Josep MUJIC, responsable de la chasse du territoire de Medved Sur la route de Ljubljana à Kocevje, une présentation de la région traversée est faite à la délégation : il s'agit d'une région karstique vallonnée, avec une densité forestière de 90%. La population vit dans des hameaux et de grands espaces sont inhabités. De grandes forêts domaniales constituent des « réserves » où l'organisation des chasseurs est gérée par l'Etat. Historiquement, il s'agit de grandes propriétés terriennes où les forêts ont fait l'objet de reboisement d'épicéas . Parmi les animaux présents, on trouve l'ours, le loup, le lynx. Le loup et l'ours n'ont jamais disparu ; le lynx a été réintroduit il y a 30 ans, avec réussite, mais il semble maintenant être menacé par la concurrence du loup qui est en augmentation. 31 On compte 5 à 6 cerfs /100ha, peu de chevreuils (1/100ha), la présence de chamois étant limitée aux zones escarpées qui sont peu étendues. Le loup se nourrit surtout de cerf, le lynx se nourrit de chevreuil et un peu de cerf : sont prélevés pour 100ha, annuellement : 0,5 sanglier, 1,5 cerf, 0 ,3 à 0,4 chevreuil. En traversant la zone à ours, il est expliqué que les ours traversent la route pour passer d'une zone de sapins à une zone à chênes. Cette route est celle où se produit le plus d'accidents ours-voitures, qui cause environ 25 mortalités d'ours par an dans l'ensemble du pays. Le tourisme dans cette zone cynégétique se limite à de la randonnée sur chemins balisés en forêt ; des panneaux explicatifs décrivent la faune sauvage dont l'ours, ainsi que les brochures des sentiers de randonnée. Par ailleurs, il est indiqué que l'élevage bovin/ovin est l'activité agricole prépondérante dans la région et que l'élevage ovin est en pleine expansion. 10 h Visite d'une ferme d'agriculture et élevage biologique GOTENICA Marko K0CJANCIC, propriétaire de la ferme Marko Kocjancic a racheté cette ferme de 165 ha en l'état il y a 10 ans . Il possède 100 vaches Holstein produisant du lait « biologique » et 60 génisses et veaux . Il dispose d'un quota de 500 000 litres de lait pour un prix de vente de 29c d'euro par litre. Les laitières sont alimentées à l'herbe. Jusqu'au 31 décembre 2007, il était possible de nourrir au maïs ensilage, mais c'est maintenant interdit par la réglementation bio. Pas d'engrais chimique, charge instantanée à l'hectare limitée, pas de fourrages industriels. L'exploitation de l'herbe annuellement comporte 2/3 de surface fauchée à la 1ère coupe, 1/3 à la seconde. Le bâtiment d'élevage d'un coût de 500 000 part européenne. a bénéficié d'aides de 150 000 , dont 75% de L'éleveur a abordé dans ses études universitaires la relation entre les animaux domestiques et sauvages et sa ferme est au c ur du territoire des grands carnivores. Ceux-ci ont ici assez de nourriture sauvage, mais il peut exister des problèmes occasionnels de prédation avec des veaux, lors de la mise bas, qui se fait à l'extérieur. Une clôture électrique double fil protège le troupeau avec 3 chiens, dont 2 de protection (berger du Karst et Abruzzes) et un berger allemand de conduite. Une partie des pâturages n'est clôturée que par des clôtures mobiles. Même avec cette discontinuité de clôture, il n'y a eu pas d'attaque grave depuis 10 ans. Vis à vis du mouton, les clôtures électriques suffisent pour évincer l'ours ; mais le loup en plein essor n'est pas arrêté par ces clôtures. En revanche, les vergers d'arbres fruitiers doivent être rigoureusement protégés contre l'ours et le cerf . Quand la ferme comportait plus de moutons et de chèvres, il y avait beaucoup de problèmes avec le renard et le grand corbeau : celui-ci, espèce protégée, attaque les veaux à la naissance, principal problème des mises-bas à l'extérieur. Les dégâts de corneille (mantelée ici) indiscernables de ceux du grand corbeau qui sont indemnisés par l'Etat, sont imputés par les agriculteurs au grand corbeau. 32 Les dégâts de gibier sont indemnisés par l'association des chasseurs, les dégâts d'espèces protégées par l'Etat. Les espèces protégées peuvent faire l'objet de destruction, mais il faut une étude argumentée prouvant que leur destruction ne nuit pas à la conservation de l'espèce. 12 h Déjeuner de travail au restaurant Jelen MOZELJ Marko JONOSOVIC et l'équipe de l'Institut forestier slovène Pour les ours à problèmes, le groupe d'intervention spécial l'élimine sur autorisation verbale, s'il estime que la vie humaine peut être en jeu. Marko Jonosovic est le coordinateur de ce groupe, dont tous les membres sont chasseurs ; ils sont nommés par le ministre de l'environnement ; il y a 3 équipes, constituées d'un chef et 2 assistants. Dans le pays, il y a 150 à 200 demandes d'intervention par an . Le ministère dispose d'une liste des cas possibles et des solutions à appliquer. 20% des demandes (30 à 40) conduisent à intervention : évaluation sur le terrain ; puis, pétards, balles plastiques ; anesthésie et transfert plus souvent que l'élimination. Chaque situation est unique et demande à être évaluée, pour un risque de trois types : agressivité et attaque directe, familiarité permanente dans un village, femelles suitées étant le groupe le plus à risque. Des exemples d'ours sans aucune peur de l'homme existent : comportements violents, attaques répétées, entrées répétitives dans les écuries. Les éleveurs ont des armes et l'habitude de s'en servir, en tant que chasseurs. Mais le changement de comportement de l'ensemble d'une population d'ours est utopique. Si toutefois cela arrivait, l'indemnisation prend en compte la valeur du bétail domestique, le barème est satisfaisant ; on pourrait encore mettre en place des équipes d'intervention supplémentaires et installer plus de protections en cas de passage accru d `animaux. L'ours était gibier, il est espèce protégée depuis 2005. Il fait souvent fonction de bouc émissaire pour les dégâts de sanglier, cerf, corbeau . 33 Sur 600 ours slovènes, 300 sont sur ce territoire de Kocevje de 250 000 hectares (2500 Km2) : il y a donc un ours pour environ 1000 hectares, et 10 fois moins de loups. Le loup est en augmentation, et corrélativement le lynx est en diminution. Le bétail domestique est de 8 000 moutons, 3 500 bovins, 250 à 350 chevaux. Il y a 16 000 habitants. La commune elle-même est peuplée de 30 000 habitants sur 800Km2. 14 h Visite d'un élevage de moutons PRERIGELJ Josip BLAZEVIC Cet élevage, l'un des plus grands de la région, est celui ayant eu le plus de dégâts dans les deux dernières années. Il s'agit d'un élevage ovin de 1 000 têtes sur le site, récemment installé dans le secteur et ne disposant pas d'équipements de protection adéquats. Les caractéristiques principales sont la proximité immédiate d'un bois, mais surtout le pacage des animaux sur des parcs de grande surface (85ha). La présence de chiens ne suffit pas, l'ours attaquant ailleurs et n'ayant pas hésité à rentrer dans la bergerie au temps du propriétaire précédent. L'éleveur indique être aidé pour la poursuite de la mise en place des mesures de protection via une subvention à l'hectare et être correctement indemnisé en cas d'attaque (il indique une indemnisation de 150 pour un prix de vente de brebis d'environ 100 ). Il affirme toutefois s'être installé sur le site en connaissance de cause de la présence de prédateurs et être prêt à s'organiser pour vivre avec. Dans ce secteur, il y a annuellement 300 à 400 dégâts enregistrés, de toute nature : 1/3 sont causés par l'ours, 1/3 causés par le loup, 1/3 par les autres espèces présentes : cerf, renard, corbeau. Les incidents liés à l`ours se répartissent entre attaques de moutons, dégâts aux arbres fruitiers, dégâts aux ruches, accidents routiers. Les dégâts de loup concernent les animaux domestiques : moutons, jeunes veaux et poulains, ainsi que des cerfs. En 2007, sur le territoire de référence de 250 000 hectares, il y a eu 950 animaux tués, principalement moutons, dont 800 par le loup et 150 par l'ours. Les dégâts causés se concentrant sur des sites restreints : cette exploitation connaît le pourcentage d'attaques d'ours le plus élevé, et des dégâts de lynx ; l'exploitation compte pour 10 à 12% des dégâts totaux de la région. Compte tenu de la présence des animaux sauvages, les protections paraissent insuffisantes. Cet éleveur a deux exploitations, celle-ci de 450 moutons et 50 chèvres, et une autre située plus bas de 450 moutons. Il connaît des problèmes depuis l'achat de cette ferme en 2005 ; 85 hectares sont clôturés, aménagés pour le mouton. La clôture est faite comme le prévoit la loi, grillage et fil électrique ; en plus des clôtures, il y a des chiens de protection et un âne, dont l'agitation lors des attaques a éloigné les prédateurs pendant 2 mois, avant accoutumance. Les animaux sont parqués la nuit dans une clôture supplémentaire, mais les prédateurs creusent en dessous . Le plus gros problème est représenté par les ourses suitées : les oursons passent sous la clôture et les mères suivent. 34 Les chiens de protection sont efficaces, mais un prédateur déterminé passe outre. Sur la ferme située en aval, les chiens de Abruzzes sont suffisants ; sur cette ferme-ci, un plus grand nombre de chiens poserait des problèmes de gestion ; les moutons sont dans de grands parcs avec les chiens de protection, sans autre gardiennage. Le vrai problème est le loup, l'ancien propriétaire avait laissé la surface à l'état sauvage, les animaux y reviennent. Les paysans achetant des exploitations dans cette région sont conscients des problèmes : ils ne demandent pas que les prédateurs soient éradiqués. C'est la politique de l'Etat : ils acceptent l'indemnisation, cherchent comment mieux se protéger et la compensation par l'Etat leur paraît logique. En zone sensible, il y a une subvention supplémentaire de l'Etat, l'éleveur qui est aussi aidé pour les clôtures s'en sort normalement, l'indemnisation compensant les pertes. Un décret prévoit dans les zones sensibles une subvention annuelle de 35 / hectare, et une subvention forfaitaire pour des protections supplémentaires. Un agneau de 10Kg s'indemnise 65 , un mouton adulte 150 , un mouton se vend 100 , mais il est logique que le dédommagement dépasse le prix de vente . L'éleveur a fait appel à l'équipe technique pour les prédateurs pénétrant dans ses clôtures, mais l'équipe ne résout pas tous ses problèmes. Il a fait le choix de vivre avec les prédateurs et envisage de renforcer ses dispositifs de protection. 15 h Visite d'un élevage de moutons, bovins et chevaux NEMSKA LOKA Joze HOBIC L'exploitation de Joze Hobic compte 160 moutons, 110 bovins, 7 chevaux, 2 ânes, 7 chiens. Les chevaux et les vaches sont en permanence à l'extérieur : il déplace le troupeau sur 200 hectares de prairie, et possède 40ha de prairie de fauche de bonne qualité, mais situés à 45 Km du siège d'exploitation. Non originaire de la région, mais installé depuis 30 ans et bien intégré, il élève des chiens des Abruzzes. Sur les 7 chiens, 3 sont avec les moutons ; pour les vaches, il n'y a pas de chien, seulement la clôture électrique. Avec une protection très bien organisée, il n'a que très peu d'incidents avec les prédateurs : il utilise des clôtures mobiles pour délimiter des petits parcs. Selon lui, avec des protections adéquates, la pression des grands prédateurs peut être réduite à des proportions gérables. Il n'a d'ailleurs subi aucune attaque depuis maintenant trois ans, alors qu'il est situé à moins de cinq kilomètres du précédent éleveur Marko Kocjancic. 35 16 h Visite d'un domaine public de chasse BUKOVA GORA et du site d'observation de LOVSKI VRH Marko JONOSOVIC et l'équipe de l'Institut forestier slovène Le territoire de chasse de Medved s'étend sur 40 000 hectares. Sur ces 40 000 ha, le tableau de chasse annuel est de 1000 cerfs, 200 chevreuils, 200 sangliers. Des améliorations cynégétiques sont pratiquées : suppression des noisetiers envahissants, entretien et taille des vergers de fruitiers dans les villages abandonnés. La chasse finance l'entretien. Les chasseurs touristes sont surtout autrichiens et allemands. Le prix des bracelets est le suivant : chevreuil : 500 à 1000 ; cerf : 3000 ; ours : 1000 à 5000 . Le loup est trop difficile à chasser, il n'y a pas d'amateurs. La visite s'est poursuivi sur le site de capture de l'ourse Franska. Explicitation du mode de capture possible (lacet et anesthésie). Le point est situé prés d'une aire de nourrissage qui sert aussi pour le comptage des animaux. Le gérant du site a expliqué la méthode de nourrissage, exclusivement végétale depuis l'entrée dans l'Union européenne (norme européenne motivée par l'ESB). L'utilisation de produits carnés auparavant visait surtout à permettre les comptages en escomptant aussi empêcher pour partie les attaques de troupeaux en fournissant de la viande (le régime alimentaire de l'ours nécessite des protéines d'origine animale). Depuis que le nourrissage viande est interdit, la pression sur les zones habitées s'est accrue et les incidents ont augmenté. Le nourrissage (maïs) est actuellement pratiqué pour plusieurs raisons : observation des ours, possibilité de capture (pour envoi vers d'autres pays ou équiper pour un suivi scientifique), pour effectuer des prélèvements sur la population ursine, pour occuper les ours et les détourner des villages et/ou des troupeaux : l'ours vient voir s'il y a à manger, ce qui le détourne d'occupations non souhaitées. Il y a 1 point de nourrissage sur 7000 hectares, soit 6 ou 7 sur ce territoire et en tout 167 points d'observation en Slovénie. 18 h Présentation du programme de gestion de l'ours Hôtel Jasnica ­ STARA CERKEV Janez KASTELIC, Directeur Général Nature et Paysages et Alojz MARN, Responsable biodiversité au ministère de l'Environnement et de l'Aménagement du Territoire, Marko JONOSOVIC et l'équipe de l'Institut forestier slovène Janko VEBER, maire de Ko evje, Srecko FELIX KROPE, président de l'association des chasseurs slovènes, Bla KR E président de la commission pour les relations internationales, Branko JUZNIC, président de la fédération des organisations de chasseurs slovènes, Boris GRABRIJAN, président de l'association des éleveurs de Slovénie et Joze HOBIC, représentant les éleveurs locaux Andrej ANDOLJSEK, chambre d'agriculture et des forêts de Slovénie Miran BARTOL 36 La Slovénie est petite en surface, mais grande en biodiversité. L'ours n'a en fait jamais été éradiqué, il est protégé depuis 100 ans sur une partie du territoire. Avant la deuxième guerre mondiale, il restait 80 ours sur le territoire slovène. En 1966, un premier décret a défini une zone d'habitat en centre sud, correspondant aux zones de forêt les plus compactes et ce périmètre a été étendu en 1976. Depuis 1993, la protection est étendue à plusieurs espèces. Suite à la loi de protection de la nature de 1999, une stratégie de gestion de l'ours brun a été décidée avec un premier plan d'action 2003-2005. Depuis 2004, l'ours n'est plus espèce gibier, mais espèce protégée. En 1955, il y avait 150 ours, en 2005, on en compte de 400 à 450. L'expansion s'est faite d'abord à l'ouest de la zone initiale, puis dans des noyaux à l'est et au nord ouest. La population ursine aujourd'hui n'est pas menacée en tant que telle, c'est l'une des plus vivantes en Europe, avec 500 à 700 animaux sur 5 000 Km2. La natalité annuelle est de 80 à 120 oursons, soit 1,7 à 2,2 par portée ; on ne note pas de cannibalisme notable et la plupart d'entre eux survivent. L'espèce se porte donc bien et les deux objectifs à long terme sont maintenant de préserver l'espèce à long terme et de faciliter une cohabitation satisfaisante avec les activités humaines. La nouvelle stratégie 2007-2011 vise à maintenir 450 à 550 ours dans la zone où il est très présent et 50 à 150 dans les corridors actuels d'expansion de l'espèce, vers le nord et l'est du pays. La gestion de l'ours dans l'espace alpin est différente selon les pays et les enjeux sont souvent plus politiques que biologiques Les petits élevages de pluriactifs sont par exemple souvent insuffisamment protégés. Le niveau d'acceptation sociale en Slovénie est très bon et ce n'est pas tant la présence de l'ours qui est remise en cause, mais plutôt le nombre d'ours que la Slovénie est capable d'accueillir. La zone centrale d'habitat de l'ours (sud) compte actuellement 450 à 550 individus. Y est accolée une zone périphérique (ouest) en cours de colonisation et s'en détachent deux corridors (vers le nord et vers l'est), ces secteurs comptant une centaine d'individus. Est également identifiée une zone de non-présence. Ces deux corridors permettent à l'espèce de se disperser vers le nord et notamment vers les Alpes Juliennes et les pays voisins (Italie, Autriche, Suisse). La gestion dans la zone Nord, qui, du point de vue de l'élevage, correspondrait plus aux Pyrénées, est délicate, car il y a une impossibilité d'élimination des ours, compte tenu de la nécessité de respecter la progression naturelle de la population dans le cadre de la convention de Berne et du programme Life-coopération en démarrage avec l'Autriche et l'Italie. Compte tenu de la biologie de l'ours, il faudra du temps pour que les femelles traversent effectivement les Alpes et qu'une population s'installe de l'autre coté de la frontière slovène. Les individus posant problème dans ce secteur ne sont pas abattus, mais déplacés dans un autre secteur de la Slovénie. Ce secteur Nord avait perdu l'habitude de la vie avec l'ours et les réactions de la population sont prises en compte par la mise en place des moyens de protection et une information active et à chaque phase (anticipation de la présence avant même l'arrivée, pendant l'apparition, quand la fréquence augmente, quand les dégâts apparaissent). 37 Il est rappelé qu'un mâle adulte dominant occupe 30 000 à 80 000 ha (3/800km2) comme territoire vital, une femelle 30 000 au plus. Pour éviter la consanguinité, la femelle chasse ses fils de son territoire, mais garde ses filles à proximité. Le territoire d'un mâle recouvre plusieurs territoires de femelles et la dispersion se fait donc par les mâles. Les femelles progressent peu à peu, il se forme des noyaux de reproduction qui s'étendent. Il est en conséquence très difficile de penser pouvoir influencer un animal dans son choix de territoire. Pour ce faire, les mesures d'accompagnement sont comparables à celles déployées en France et les techniques de suivi se font principalement par comptage direct des animaux. Le suivi indirect est réalisé dans les réserves de chasse où le suivi est très fin. Entre 80 et 100 individus sont prélevés (tués) chaque année sur une population qui en compte entre 600 et 700. Ces prélèvements soulèvent toutefois en général une incompréhension de la population qui y est hostile, mais constitue la seule façon efficace de gérer la limitation de la population. Il est indiqué que sur les prélèvements effectués, un très petit nombre (10% environ) se fait dans le cadre commercial et que l'ensemble des recettes correspondantes sont réaffectés aux travaux sur l'ours. Le comptage se fait notamment aux stations de nourrissage et le suivi est quotidien dans les réserves d'Etat depuis 2003, sur 167 sites, à des dates définies (trois fois par an), selon une méthodologie précise et sur des lieux assez éloignés les uns des autres pour éviter les doubles comptes. La stabilité du protocole donne une tendance valide. Les chasseurs sont associés pour effectuer les comptages. Le comptage vise notamment à vérifier les naissances et le suivi des oursons de première et de deuxième année (évolution de la population, taux de fécondité) ainsi que la proportion mâles-femelles. Il ne s'agit pas d'une recherche de la connaissance exacte de la population au sens numérique, mais bien de connaître les tendances d'évolution. Le nourrissage est admis là où l'ours est dense, il est interdit en périphérie où l'ours est moins commun. La baisse des dégâts en 2005-2006 est due aux éliminations des ours localisés à proximité des agglomérations ainsi qu'à un effort important de fructifications forestières. La recherche scientifique utilise la télémétrie et les tests ADN (1 300 échantillons par an). Le suivi génétique vise surtout à surveiller le niveau d'hétérozygotie et peut aussi être utilisé pour voir les évolutions de la population (sex ratio, familles, etc.). Le programme est géré par l'Université. L'équipement des ours en télémétrie n'est pas une pratique habituelle en premier lieu pour une question éthique (aspect sauvage de l'ours). Seuls, sont équipés des ours à problèmes (le seul équipé actuellement est l'ours capturé au nord près d'une station de ski et relâché au sud pour voir son comportement). Il est également prévu d'équiper pour des suivis scientifiques (exemple : comportement des ours par rapport aux stations de nourrissage). Le maire de Kocevje a présenté sa commune : c'est la plus grande de Slovénie - 564 Km2, 16 000 habitants, dont 12 000 dans la plaine autour, et 4 000 en hameaux ruraux vers la frontière croate. L'activité repose sur l'industrie chimique, la métallurgie, le travail du bois . Il est important de préserver le milieu naturel de la commune en évitant son envahissement par de l'habitat, ce qui serait gênant pour les habitants et pour le monde animal. L'équilibre doit être recherché ; la région est très connue pour la diversité d'animaux présents. 38 Le maire a affirmé son accord avec la présence d'ours, tout en soulignant la nécessité d'un équilibre entre la protection de l'espèce et la poursuite des activités humaines (agriculture, chasse). La population n'a pas le sentiment d'avoir un problème de cohabitation (à cent mètres de la mairie, existe un passage très fréquenté par les ours). Le principal souci est la protection des enfants et c'est pourquoi l'Etat finance le transport scolaire Les seuls vrais conflits sont ceux générés par la mauvaise gestion des déchets par certains habitants, ce qui peut attirer les ours. Une information suffisante est donnée sur les chemins de randonnée pour notamment expliciter les refuges des ours, mais elle est surtout utile pour les gens de l'extérieur. Les principaux problèmes sont avec les agriculteurs. Les éleveurs de moutons sont de plus en plus nombreux et on doit ainsi gérer l'espace entre la forêt et l'agglomération. Concernant la sécurité, le maire n'a pas de responsabilité légale vis-à-vis du danger spécifique des ours, les animaux appartenant à l'Etat ; en cas de blessure de personne, c'est l'Etat est responsable. Il y a eu 3 accidents graves en 40 ans, dont un seul serait de la responsabilité effective de l'ours. Le maire a conclu en sollicitant ses homologues français pour la mise en place d'une coopération plus poussée entre chacun des protagonistes : éleveurs, chasseurs et élus entre la France et la Slovénie. Le président de l'association des chasseurs slovènes a déclaré que si les conditions naturelles, l'acceptation de la population et la participation des chasseurs ne sont pas acquises, il n'est pas possible de réussir. Ce sont les hommes qui vivent à son contact qui protègent vraiment l'ours, pas un décret ministériel. En soi, l'ours est un animal craintif qui ne peut pas gêner la chasse, quel que soit le mode pratiqué. Les conflits avec les chasseurs sont insignifiants parce que l'animal s'éclipse aussitôt. Le rôle des chasseurs dans ce dossier est double : protéger la faune et contribuer à un climat de cohabitation de l'ours avec la population. Les communes n'ont pas de pouvoir sur la chasse. Le seul procédé légal est le plan de chasse et il est important que la chasse soit bien organisée au niveau de la commune. L'Etat gère la chasse sur les terrains de l'Etat sur le territoire communal. Il faut que des habitants soient dans les associations de chasseurs. Les communes soutiennent l'installation de points de nourrissage pour que l'ours évite le voisinage des humains. Le président de l'association des éleveurs de Slovénie s'est déclaré pour le maintien des grands prédateurs, et de l'ours en particulier, qui, de toutes façons, crée beaucoup moins de dégâts que le loup. Ils attendent de la part de l'Etat une contrepartie pour les aider financièrement, permettre des protections efficaces et indemniser correctement. La cohabitation consiste à dire : « s'il y a une volonté de vivre dans un pays qui a une population de grands prédateurs, elle doit accepter qu'il y ait des incidents. La bonne volonté passe par l'acceptation des pertes par les éleveurs et, en complément, par une gestion efficace et compréhensive de l'Etat ». Le système n'est pas idéal, mais satisfaisant pour les deux parties. Toutefois, si, dans les territoires classés sensibles, les aides financières sont correctes, elles ne sont pas suffisantes dans les autres, où l'ours peut s'étendre. 39 Au niveau du tourisme, il y a beaucoup de touristes de vision, notamment français et suisses ; il existe des agences et les visiteurs peuvent aussi être guidés par des chasseurs. Il y a peu de publicité faite pour le tourisme de vision. La décision de réduire la population d'ours en 2006, prise par l'Etat slovène, a suscité des critiques de la part de touristes de nature. En conclusion, il a été réaffirmé que tout réside dans le travail de communication avec les différents acteurs et dans la préparation en amont des décisions. En Slovénie, la population ursine n'a jamais disparu, et a vraiment ré-augmenté depuis seulement vingt ans, en l'accompagnant de discussions continues avec les acteurs : avec les éleveurs, les barèmes sont revues par l'Etat tous les trois mois selon le marché, les méthodes de protection et les aides évaluées et discutées régulièrement ; avec les chasseurs, le quota de prélèvement est revu annuellement dans un souci de maintenir, mais de ne plus augmenter la population, etc.. Cette réunion des partenaires autour de la table, administration, élus, chasseurs et associatifs, résulte de nombreuse années de concertation. Jeudi 14 février 2008 10 h Visite d'une exploitation forestière STARI TRG LOZ Jo e STERLE, directeur adjoint de l'entreprise forestière de Postoïna La Slovénie est divisée en 14 régions forestières et de chasse ; la densité forestière est forte avec 80% de surface boisée : c'est un des massifs d'Europe les moins peuplés et les forêts sont semi naturelles. La récolte de bois slovène est annuellement de 3 millions de mètres cubes, l'objectif est de la porter à 4 millions. Le pays a une tradition de production de bois ancienne, complétée par des industries métallurgiques. Le lynx, le loup, l'ours sont présents dans ces forêts où le loup et l'ours ont toujours existé ; le lynx a été réintroduit en 1970 ; les populations d'ours et de loup s'étendent sur 1000 Km au sud, en Croatie et Bosnie. Les habitants ont essayé d'éradiquer le loup il y a 100 ans, sans y parvenir. Aujourd'hui, tous sont protégés par la directive habitats et par la loi slovène, il n'y a aucun problème avec l'exploitation forestière. L'entreprise visitée a été fondée en 1948 et emploie plus de 100 personnes. Au départ uniquement exploitation forestière, puis création d'une scierie, puis d'une unité de découpe de bois (fabrication de coffrage exporté en Europe) et enfin de plaquettes de bois avec les déchets. Il n'y a pas de chômage dans la région qui accueille même des travailleurs d'autres pays européens -travailleurs immigrés slovaques, croates et bosniaques (les slovènes ne sont pas intéressés), notamment pour le bûcheronnage. L'entreprise travaille essentiellement sur le domaine forestier de l'Etat sur une surface de 33 000 hectares et produit 160 000 mètres cubes par an (+ 90 000 venant de l'exploitation de forêts privées). Elle vend 85 000 m3 de sciage de qualité, 85 000 m3 de coffrage et 50 000 tonnes de déchets plaquettes exportées en Italie - la demande de plaquette est supérieure à la production -. 40 Environ 5% de la superficie sont exploités chaque année. La périodicité des coupes est de 10 ans ; des coupes rases, réservant la régénération, se font par placeaux de 1 à 2 fois la hauteur du peuplement, et des coupes pied à pied en fonction du diamètre. La sylviculture vise à obtenir ou maintenir 70% de hêtre, 25% de sapin, 5% d'autres essences (épicéa, érables ...) L'épicéa, qui a fait l'objet de reboisements importants dans le passé, tiendra ainsi une place réduite à l'avenir. L'exploitation est faite dans la région en totalité au tracteur avec pistes d'exploitation, l'entreprise exploite par câble dans les Alpes. Sur le secteur (30 000ha de forêt d'Etat et 45 000 ha de forêt privée), il y a 60 agents forestiers, qui font la surveillance et les plans d'aménagement, et depuis peu travaille aussi à la protection de la nature . La forêt privée est très encadrée par l'Etat qui propose les plans de gestion, cofinance les infrastructures, réalise les exploitations ; un privé possède en moyenne 3,5 ha, morcelé en 3 parties ; ils sont 350 000 propriétaires en Slovénie. Des associations de propriétaires privées se sont constituées pour dialoguer avec les services d'Etat. Pour l'exploitant forestier rencontré, il n'y a pas de problème de gestion de la présence d'ours. Les seules contraintes prévues sont le respect des tanières en période hivernale à partir de la connaissance de leur emplacement, déterminé dans le cadre de la gestion des plans de chasse (pas d'exploitation ou de construction de routes forestières dans un rayon de 200 mètres). La totalité de la surface (comme 35% du territoire slovène) est inclus dans une zone Natura 2000, dont les modalités de gestion ont été fixées dans la continuité de la gestion précédente déjà respectueuse du milieu. Selon la législation, les routes forestières sont accessibles à tous, mais interdites aux engins à roues. Le service forestier peut fermer les voies dans des cas particuliers. La législation sur les routes forestières est susceptible d'évolution, avec l'autorisation de circulation de véhicules réglementée par la commune, permettant à celle-ci des retombées financières. La cueillette de produits forestiers est libre pour tous les citoyens, pour la consommation familiale, dans les forêts d'Etat et privées (en fait, seuls, les arbres sont en pleine propriété, le sol restant d'utilisation libre). En contrepartie de cette obligation, l'Etat assume pour les propriétaires privés une activité de conseil, de définition de plans de gestion, etc. Il n'y a en général aucun problème avec les randonneurs dans les forêts, les slovènes ayant conservé le respect de la nature. 11 h 30 Rencontre avec un maire STARI TRG LOZ Janez STRLE, maire de Lo ka Dolina Le maire salue en préambule le travail mené en parfaite intelligence avec l'administration d'Etat -ministères de l'environnement et de l'agriculture- pour gérer la cohabitation avec l'ours 41 Sa commune s'étend sur 168 Km2, les surfaces urbanisées sur 25 Km2, pour 3800 habitants répartis en 27 villages. L'économie est industrielle, avec beaucoup de main d' uvre immigrée des pays voisins. Il y a très peu d'activité agricole, seulement deux exploitations. Le maire est préoccupé par la sécurité publique. La région est en majorité forestière, mais habitée. Il souligne que les habitants ont toujours vécu avec l'ours, les problèmes ayant surtout commencé avec une augmentation non maîtrisée de la population ursine et surtout le fait que les animaux avaient de plus en plus tendance à se rapprocher des villages. Les habitants ont demandé des mesures pour que les ours restent en forêt. A la période la plus cruciale ­notamment au printemps qui vient plus tôt dans la vallée que dans la montagne et où les ours ont tendance à descendre dans la vallée pour ensuite s'y fixer-, il avait plusieurs demandes quotidiennes des habitants et cite des anecdotes (ours à l'entrée de la cuisine du restaurant où nous sommes qui fut éliminé in fine ; ourson ayant pris l'habitude de venir au contact des enfants et qui fut également éliminé). Une enquête dans tous les foyers (1 300) faite par la mairie à partir d'un questionnaire fait par le ministère de l'environnement et l'institut forestier slovène a fait ressortir que les gens n'étaient pas contre la présence de l'ours, mais considéraient que le nombre dans la région était trop important. Les dégâts ne sont pas le problème principal, mais le sentiment d'insécurité lié à la rencontre quotidienne. Il a en particulier été demandé que la municipalité assure la sécurité des enfants. A l'occasion de la restructuration des transports scolaires, il a été décidé que ceux-ci concerneraient maintenant tous les enfants, l'Etat prenant en charge le surcoût. Toutefois, il n'y a pas de document préparé, ni de personnel communal dédié à cette mission. Au printemps, des promenades scolaires sont accompagnées par des chasseurs et ceux-ci assurent une information systématique chaque année dans les classes. La population d'ours a ainsi été réduite depuis 10 ans, et le maire considère que le plus important est le dialogue constant avec des mesures rapides et efficaces. Au début de l'augmentation de la population, on a perdu trop de temps en laissant les choses sans réaction. Il y a eu aussi trop d'interventions aussi de gens extérieurs se mêlant des affaires locales (ONG). 14 h 30 rencontre avec le Ministère de l'environnement et de l'aménagement du territoire à LJUBLJANA Janez PODOBNIK, Ministre de l'Environnement et de l'Aménagement du Territoire Tea GLAZAR, Directrice du Service des relations internationales et des affaires européennes, Peter SKOBERNE, Assistant du Directeur Général Nature et Paysages, Katja PISKUR, conseiller affaires européennes Chantal de BOURMONT, Ambassadrice de France en Slovénie Louis-Charles ARRIVE, Adjoint au chef de mission économique et Marine REBOUL En introduction, et après avoir salué la délégation française, le ministre rappelle qu'il était à Paris le vendredi 8 février pour inaugurer avec le ministre français Jean-Louis Borloo l'exposition sur le patrimoine naturel slovène au Museum national d'histoire naturelle. Le ministre français a salué la qualité du travail fait par la Slovénie en matière de gestion et de protection de la nature et tout particulièrement des grands prédateurs, et l'équilibre atteint en Slovénie entre conservation et modernité. 42 Le choix a été fait ici de conserver l'ours dans un contexte particulier. Il connaît le souci de la France vis-à-vis de cette question, le sujet est à débattre rapidement avec de bonnes méthodes pratiques. Les bons rapports entre les partenaires sont essentiels et il faut trouver des réponses aux arguments fondés. Mais quand on est au point mort, ce sont les politiques qui sont sollicités pour trouver des solutions. Après une présentation par Madame l'ambassadrice et la délégation française du cadre et des objectifs de son déplacement en Slovénie, il souligne concernant la gestion de l'ours qu'il est nécessaire d'avoir de bonnes pratiques techniques pour répondre rapidement aux problèmes qui se posent. Il évoque ainsi le décret organisant un groupe de travail réunissant toutes les compétences et travaillant sur les incidents constatés pour proposer des solutions consensuelles. Le processus a mûri avec les associations, la population et l'administration tous les collègues accompagnant aujourd'hui le ministre font fonctionner le système -. Concernant l'élevage ovin, le transfert de l'élevage bovin à l'ovin accroît les problèmes de cohabitation. Il y a eu un débat en Slovénie : au début était la nature sauvage, ensuite vint le pastoralisme ; est-il bon d'introduire du mouton dans l'habitat typique de l'ours ? Il faut de la mesure en toute chose : on encourage l'élevage de moutons avec des subventions ; mais si ce n'est pas viable économiquement, il n'y a pas de subventions. Concernant la chasse, la délégation française propose de prolonger cette mission par des rencontres avec les fédérations de chasseurs slovènes pour parvenir à comprendre et à importer en France l'appréciation positive que porte l'ensemble de l'administration de l'environnement slovène sur le rôle des chasseurs dans la gestion de la nature. Le ministre approuve cette initiative et invite l'ambassadrice à lui réserver une suite favorable. La question de l'appréciation des citoyens face à la politique de gestion de la population ursine par prélèvement est évoquée et le ministre indique qu'il s'agit d'une question délicate, car chargée d'affect et beaucoup d'opinions divergent. La gestion scientifique du dispositif, en pleine transparence et avec une communication claire, permet d'arriver à un consensus. Les gens qui vivent au contact d'une population dense d'ours doivent se sentir protégés, sinon ils s'arrogeront le droit de réguler. Il y a actuellement peu d'animaux sauvages abattus frauduleusement en Slovénie, comparativement aux pays voisins. Les mots-clefs sont : proximité des acteurs entre eux, professionnalisme des équipes et communication. 16 h Réunion à l'Institut forestier slovène LJUBLJANA Jo t JAKSA, Directeur de l'institut forestier slovène et Marko JONOZOVIC, département de la faune sauvage et de la chasse L'Institut forestier slovène gère depuis 1994 la chasse, les forêts, le suivi des grands prédateurs et la protection de la nature. Il est organisé en 13 unités et compte 800 employés, dont 100 travaillent sur les grands prédateurs. Pour la chasse, il a trois missions essentielles : l'élaboration des plans de chasse ; la réalisation des plans et le contrôle de la chasse. L'organisation territoriale est fondée sur 416 associations locales regroupées en 15 régions cynégétiques, avec toutefois quelques zones réservées. Le gibier est propriété de l'Etat qui octroie donc les droits de chasse. 43 Le fait d'être membre d`une association de chasse est libre. Il y a 26 000 chasseurs en Slovénie (1 habitant sur 100), soit 50 chasseurs en moyenne par association. Les zones de chasse s'autofinancent par la commercialisation du droit de chasse, le service central est financé par l'Etat ; 80% du budget vient de l'Etat. L'organisation de la chasse est basée sur deux lois, gibier et chasse. Le gibier est soumis à plans de chasse, application, contrôle ; des zones spéciales à présence de grands carnivores, ou à faune et flore typiques de chaque région sont délimitées. Le gibier est propriété de l'Etat, le droit de chasse n'est pas octroyé au propriétaire du sol. Concernant la situation du loup, qui n'avait pas été exterminée, il y a aujourd'hui 70 à 100 individus. La population est en augmentation. Elle n'est plus espèce gibier depuis 2004, maintenant strictement protégé, mais dérogations spéciales pour élimination, de niveau ministère . Le loup occupe 500 Km2 dans les 2/3sud de la Slovénie, se propage au nord ouest La prédation sur élevage et gibier est forte : 12 dégâts en 1995, 410 en 2007 pour 210 000 avec 1 600 moutons, 6 ânes, 4 ovins 2 chevaux.. Elimination possible d'individus sur autorisation spéciale (6 en 2007). De 1995 à 2007, 56 loups ont été éliminés. Depuis 2004, élimination sur permis spécial basé sur incidents déterminés, mais tirs illégaux probablement nombreux et accidents routiers . Sur la situation du lynx, il y a eu réintroduction de trois couples en 1973 ; actuellement, il y a environ 20 à 40 individus, pour 8 dégâts en 2007 (1 500 ). La population diminue du fait de la concurrence avec le loup. Concernant l'ours, le suivi des ours par télémétrie est toujours liés à un travail de recherche. Connaître les mouvements des ours, leur utilisation de l'espace, par rapport aux points de nourrissage anciens ; vérifier qu'une source d'alimentation protéinée en forêt éviterait que les ours aillent en agglomération, mais pour cela, il faudrait équiper des ours ordinaires. Or, chaque collier coûtant 4 000 , ils ne peuvent être multipliés ; il y a aussi une question d'éthique : suivre un animal partout lui fait perdre son intimité. Un seul ours, délocalisé des Alpes à Kocevje, est actuellement équipé. Les Slovènes sont « égoïstement intéressés par les ours Dinariques ». Dans les régions alpines, la population a perdu l'habitude d'avoir l'ours, est relativement hostile à cette arrivée conséquente d'ours, l'occupation de l'espace est différente de celle de la région dinarique. Les attentes de l'Autriche est de l'Italie, conformes à la convention de Berne et à la Directive habitats sont que les ours arrivent naturellement. Dans les Alpes, les habitudes pastorales sont sans clôtures et surveillance et les mêmes actions qu'ailleurs sont entreprises : information/formation, mise en place de protections. Les projets européens Life Nature et Life Coex, lancés par l'Italie et l'Autriche ont été bénéfiques. Jusqu'en 1990, la zone Sud privilégiait le nombre d'ours par rapport au sex-ratio : tout ce qui sortait était abattu ; après 1990, suite à des pourparlers avec les pays voisins, des prélèvements ont été autorisé en zone rouge et périphérie ; ailleurs, dans les corridors, on déplace les seuls ours à problèmes. 44 Pour le suivi génétique, l'Institut forestier collabore à un projet initié par la faculté de biotechnique. Les gestionnaires ne cherchent pas à avoir des données sur la structuration des gènes dans la métapopulation dinarique-alpine, mais à surveiller la diversité intra spécifique, le niveau de consanguinité. On cherche surtout à essayer de localiser certains individus et réaliser un comptage de l'effectif : nombre d'individus (génotypes différents), sex-ratio, niveau d'hétérosis . La base de la collecte d'échantillons est un quadrillage, qui recoupe les chemins et points de nourrissage, en utilisant la connaissance des personnels de terrain sur les habitudes des ours, les lieux de fèces. Le nourrissage au maïs occupe le temps des ours, leur évite d'aller aux poubelles : une habitude se crée, mais elle éloigne les ours des lieux habités : c'est un moindre mal. Une étude ONCFS sur l'impact du nourrissage ne montre pas de différence entre ours slovènes et autochtones ; en revanche les points de nourrissage ont beaucoup d'utilité : éloigner les ours des zones habitées, observation et comptage, capture pour repeuplement, élimination sécurisée. Dans les 3 dernières années, entre 80 et 100 ours par an ont été prélevés au total, ce chiffre incluant les prélèvements commerciaux (10%), la réduction de la population, et les repeuplements. Le coût global de la gestion de l'ours par les Pouvoirs Publics slovènes coûte 500 000 , dont 250 000 pour les indemnisations, et 250 000 de rémunération des 50 à 60 personnes qui contribuent pour une part variable de leur temps. 45 ANNEXE 5 : DEPLACEMENT DANS LE MONTANA (USA) Qualification de la zone de présence et renforcement du suivi de la population d'ours dans les Pyrénées françaises Mission de l'Inspection générale de l'Environnement Compte-rendu du voyage d'étude d'une délégation française au Montana (USA) du 25 au 29 février 2008 Liste des participants Monsieur François ARCANGELI, président de l'association Pays de l'Ours, maire d'Arbas (31), Monsieur Jean-Jacques CAMARRA, Équipe Technique Ours ­ Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage, Monsieur Patrick DEGEORGES, chargé de mission à le Direction de la nature et des paysages, ministère de l'Ecologie, du développement et de l'aménagement durables, Monsieur Fernand ESTEREZ, secrétaire général de la Fédération Départementale des Chasseurs des Pyrénées-Atlantiques (64), Monsieur Denis LAURENS, inspecteur général de l'environnement Monsieur Georges RIBIERE, inspecteur général de l'environnement Le Montana est un Etat du nord des Etats-Unis, d'une superficie de plus de 380 000 km2 pour 900 000 habitants, soit une densité extrêmement faible (2,39 habitants au km2 ­ pour mémoire, le département le moins dense de France, la Lozère, fait 15 habitants au km2). Bordant la frontière canadienne, le climat est continental et son relief comporte à la fois des montagnes (les Rocheuses) dominant de larges vallées à l'ouest, et des vastes plaines à l'est. Le fleuve Missouri traverse le Montana. 46 Le Montana présente une économie diversifiée. Les ressources minérales sont considérables. L' État possède de grandes réserves de cuivre, de pétrole, de gaz naturel et de charbon. Les autres ressources sont l'or, l'argent, les phosphates, le zinc et le manganèse. L'agriculture, essentiellement pratiquée dans les larges vallées des Rocheuses concerne principalement l'élevage, les céréales, les plantes fourragères et la betterave à sucre. L'exploitation forestière est une activité très importante. Les industries reposent surtout sur le traitement et la transformation des matières premières agricoles et minérales. Le tourisme est très actif dans les Rocheuses. Les sites les plus fréquentés sont les deux parcs nationaux de Glacier, à la frontière canadienne, et du Yellowstone, à cheval sur l'Etat du Wyoming, et le site historique de Little Big Horn. D'importantes stations de ski ont été créées. Plusieurs points focaux ont été visités : la région de Missoula, fréquentée par les ours, où résident et étudient parmi les plus grands spécialistes de l'ours aux USA et dans le monde ; la région d'Helena, capitale administrative de l'Etat, et la partie nord du parc national du Yellowstone, où vivent de très nombreux ours bruns et noirs, ainsi que des loups. Lundi 25 février 2008 8 h 30 Présentation de la situation de l'ours brun aux Etats-Unis et dans le Montana MISSOULA Charles et Jamie JONKEL, Great Bear Foundation De nombreuses ONG s'occupent de l'ours, en recueillant de l'argent, car les dons sont déductibles des revenus. Elles relaient les actions du Gouvernement et sont économiquement viables. La Great Bear Foundation, créée en 1982, promeut la conservation des ours sauvages et de leur habitat, notamment au travers d'éducation, de recherche et de communication. Charles Jonkel rappelle la longue histoire des relations des hommes avec l'ours en Amérique : ceux qui occupaient le territoire des Amériques furent presque tous éradiqués par l'arrivée progressive des immigrants sur le continent, notamment lors de conflits avec l'agriculture et l'élevage (défrichements par le feu, arrivée de gigantesques troupeaux de moutons). La biologie de la conservation et les services de protection de la faune sauvage sont nés dans les années 30 de la prise de conscience de cette extermination qui a duré jusque vers 1950. Le changement d'attitude dans le rapport à la vie sauvage date des années 60 : l'Endangered Species Act (ESA) est voté en 1973 et ce n'est qu'en 1975 que l'ours grizzly 1 a reçu un statut légal de protection (avant, il n'y avait pas de limite à la chasse ou à l'abattage des ours). La réhabilitation des grands carnivores, considérés comme nuisibles, fut très lente : le conflit entre agriculture et protection de la vie sauvage a persisté longtemps après la décision de protéger l'ours. De même, la protection des ongulés (cerfs élaphes, élans, etc.) l'a longtemps emporté sur la protection de l'ours dans l'allocation des fonds associés à la gestion de la faune sauvage. C'est encore un problème aujourd'hui que l'on retrouve jusque dans la formation des personnels qui travaillent dans le domaine de la gestion de la faune sauvage. 1 L'ours grizzly (ursus arctos) est surnommé ainsi car, comme pour tous les ours bruns, son pelage présente un dégradé de blond, brun et noir ou un mélange des trois. L'extrémité des poils de son pelage a souvent une teinte grise ce qui lui vaut son nom (en anglais grizzle est une perruque de cheveux gris). Ce surnom lui a été donné pour le différencier de l'autre espèce d'ours vivant en Amérique, l'ours noir (ursus americanus). 47 Les conflits entre la protection de l'ours et l'agriculture dans le Montana se poursuivent de nos jours lorsque les ours descendent dans les plaines agricoles. Mais les choses vont mieux depuis une vingtaine d'années, grâce à une prise de conscience collective. Les autorités ont peu à peu compris que, pour progresser, il faut des gens capables de faire office de médiateurs, capables de reconnaître les valeurs du monde rural et de gagner la confiance des éleveurs, des gens capables de boire le café, de faire des visites amicales, d'entretenir des relations de voisinage avec ceux qui vivent quotidiennement dans les territoires à ours... Dans le Montana, il y a aujourd'hui 6 personnes qui travaillent de cette façon. Ce sont tous des agents officiellement mandatés. Ils sont biologistes de formation, ont une personnalité adaptée à leur travail, de l'humilité et une façon d'être en accord avec les valeurs rurales. La fonction de médiateur est très particulière et on ne l'apprend pas à l'Université. Il faut à la fois connaître la biologie de l'ours et pouvoir entretenir des contacts durables avec la population. Cette capacité de créer et d'entretenir la relation avec les locaux est essentielle. Aux Etats-Unis, le droit de propriété est une valeur fondamentale et, dans le Montana, la propriété privée représente 7 à 10% de sa superficie. Les ranchers possèdent des propriétés dont la taille est souvent plus grande qu'un petit pays : du coup, si l'on ne s'entend pas avec les propriétaires locaux, on perd le contact avec des habitats à ours, parfois pendant plus de 50 ans, parce que ces habitats sont situés sur des propriétés privées. Si on ne trouve pas les moyens de travailler avec les propriétaires privés, on ne peut rien faire sur leurs terres pour la protection des ours. Des ONG mènent dans l'Ouest une importante politique de maîtrise foncière (achat de terres) pour la protection de l'ours : ainsi, récemment, Nature Conservancy of Montana, avec le soutien du siège national de cette ONG qui est majoritairement financée à la fois par des dons de grandes entreprises (corporate funds) qui bénéficient ainsi d'une exonération fiscale, et par des subventions de l'Etat fédéral, a acheté pour 80 millions de dollars de terres (30 square/miles) à la compagnie Plum Creek Timber (le plus grand propriétaire forestier privé des USA). Ces politiques visent spécifiquement les habitats propices à l'ours : c'est une politique d'achat sélective. Ainsi, ce sont les zones à haute valeur biologique pour l'ours comme des corridors (couvert forestier) ou des zones de nourrissage de printemps qui sont achetés, puis éventuellement revendus ultérieurement à l'Etat ou à des propriétaires fonciers avec lesquels des conventions sont passées pour maintenir la protection. L'argent récupéré de cette façon permet d'engager de nouveaux achats de terres. Cela coûte très cher de protéger l'ours : ainsi, les Etats du Montana ou de l'Idaho ne peuvent supporter seuls ces investissements. Il faut aussi, en plus des fonds du gouvernement fédéral, des soutiens venant des ONG qui mènent des actions telles que le ramassage des fruits dans les jardins afin de maintenir les ours à distance des résidences humaines et des routes pour limiter les conflits. Charles Jonkel explique qu'il s'agit de créer une zone tampon autour des habitations humaines dans lequel il n'y a pas d'ordures non protégées des ours, de fruits laissés à terre, etc. Ce type d'activité rassemble les gens (étudiants de l'Université, propriétaires de vergers, etc.) dans un travail collectif qui sensibilise la population à ce qu'il faut faire pour vivre avec les ours. 48 Ces relais locaux et un réseau de médiateurs efficaces sont déterminants. Il faut aussi un soutien fort de la population au niveau national. Pour Charles Jonkel, il faut une vingtaine d'années pour que les gens et les ours apprennent à vivre ensemble. Il y a, estimés par analyse génétique, 554 grizzlys dans le Nord Est du Montana. Quant au nombre des ours noirs, il y a en a presque autant que de cerfs. Mais ce qui compte, ce n'est pas le nombre d'ours, c'est l'habitat. Il faut faire comprendre que, quand on protège un bon habitat pour l'ours (mais aussi pour d'autres espèces sauvages), on protège aussi un bon habitat pour l'homme. Il faut défendre l'habitat, et ne pas retirer l'ours de la liste des espèces en danger de disparition, car s'il en était exclu, la défense de son habitat par acquisitions foncières pourrait coûter, en estimation pour 1 seul ours, 8 ou 9 millions de dollars. Charles Jonkel explique que la communication auprès du grand public mené par la Great Bear Foundation s'appuie sur la culture indienne traditionnelle dans laquelle l'ours a une très grande importance : c'est aussi une façon de maintenir cette culture vivante aujourd'hui. Le « Bear Honoring » est une fête annuelle de printemps qui participe de cette communication culturelle. Jamie Jonkel, biologiste, médiateur avec les populations locales ­et par ailleurs fils de Charles Jonkel- intervient ensuite en complément de son père. Il explique que la faune sauvage est plus importante aujourd'hui dans le Montana qu'il y a cent ans : il y a plus de loups, d'ours, d'ongulés etc. La protection de l'ours ou du loup a engendré la limitation du développement économique sur les territoires de leur habitat. Il reste donc de grands espaces sauvages. Pourtant, le meilleur de ces espaces (près des rivières et des lacs) est aussi occupé par les hommes. Or, c'est dans ces zones très riches en ressources alimentaires que les ours et les ongulés vont préférentiellement, et le fait que ces territoires aient été aménagés les rend encore plus attirants pour les ours ! L'habitat de l'homme risque de devenir l'habitat préférentiel de l'ours ; le problème est donc de laisser la vie sauvage utiliser cet habitat, mais sans laisser les ours engendrer des conflits avec les hommes. Ainsi, il y a, en ce moment, 4 à 5 couguars aux abords de la ville de Missoula, 10 à12 ours noirs qui ont fait leur tanière dans les environs immédiats, et 2 ou 3 loups qui rôdent dans le périmètre. On trouve aussi 2 ou 3 orignaux, beaucoup de coyotes et lynx bobcat, des centaines de cerfs à queue blanche. Il y a, dans le Montana, un programme sur les dégâts de grand gibier (financé par les permis de chasse et, au niveau fédéral, par la taxation de la vente des armes à feu), tels que les cerfs élaphes, etc, qui prend en compte les dommages sur les clôtures et les haies dans les ranchs, ou les tensions suscitées par la compétition sur les pâturages avec les troupeaux domestiques. Ce programme a permis aux agents qui travaillent sur l'ours d'entretenir un rapport privilégié avec les propriétaires, car ce fonds pour les dégâts de grand gibier sert aussi pour la gestion des ours (à hauteur de 7000 dollars/an/technicien). Il y a six techniciens à l'échelle du Montana spécialisés sur les ours : achat de matériel pour les clôtures, électrification des clôtures, construction de protection autour des décharges... Pour protéger les moutons, on utilise des parcs de nuit, des bergers, des chiens de protection et des lamas. Ces techniciens travaillent aussi bien avec de nombreuses ONG qu'avec des agences gouvernementales (USFW...) et le ministère de l'agriculture pour obtenir des fonds supplémentaires pour des projets spécifiques. 49 Ils travaillent enfin en dernier recours avec l'ADC (Animal Damage Control) du ministère de l'agriculture : cette agence ne fait pas de travail préventif, mais prélève les prédateurs qui attaquent les troupeaux domestiques. Ces opérations de prélèvement coûtent cher au Montana. 13 h 30 Rencontre avec le maire de Missoula Visite du Boone and Crockett Club MISSOULA John ENGEN, maire Jodi BISHOP, Boone and Crockett Club Comme tous ses confrères, le maire de Missoula est confronté aux problèmes de cohabitation, notamment quand les ours dévient de leur habitat traditionnel pour descendre dans les plaines. Même si certaines personnes ne sont pas contentes des ours, ce sont souvent les mêmes qui les attirent en jetant leurs déchets n'importe où. Pour lui, le dialogue, la recherche de compromis, le partenariat entre les acteurs sont essentiels, ainsi que l'éducation du public. La mise en place de moyens compensant les pertes individuelles est nécessaire, avec de gros efforts. Cependant, il note un soutien majoritaire de la municipalité et de la population à la présence des ours. Les gens qui viennent habiter Missoula se sont imposés des contraintes pour supporter la vie sauvage et c'est pourquoi il faut les accompagner. Par ailleurs, le maire n'a pas de responsabilité juridique au niveau sécuritaire pour les animaux protégés : cette responsabilité échoit à l'Etat. La part du tourisme dans l'économie locale est très importante : 10 millions de personnes visitent le Montana chaque année ; c'est une industrie qui rapporte plusieurs milliards de dollars et chaque grizzly peut être valorisé à 500 000 USD par an. Fondée en 1887 par Théodore Roosevelt, l'association Boone and Crockett Club est une ONG constituée de chasseurs sportifs et conservationnistes, et comportant des personnalités influentes pour sauvegarder la nature, et qui a été à l'origine des premières lois de protection. Elle est maintenant orientée vers l'acquisition et la conservation des terres (espaces naturels) et des habitats, notamment pour l'ours. Les données morphométriques sur les trophées anciens conservés et répertoriés par l'association permettent de mieux connaître l'état des populations que l'on protège. 14h 30 Visite de la Vital Ground Foundation MISSOULA Gary WOLFE, directeur ; Kiffin HOPE ; Shannon FOLEY La Vital Ground Foundation est une ONG qui reçoit des fonds d'environ 15 pays étrangers, en plus des Etats-Unis et qui est également soutenue par des stars hollywoodiennes. En effet, cette association a été créée en 1990 par Doug et Lynne Seus, qui avaient recueilli jeune, l'ours brun Bart, le « héros » du film de Jean-Jacques Annaud « L'ours » et d'autres longs métrages américains et internationaux, et qui l'avait dressé. Elle fonctionne avec 500 000 dollars de fonctionnement par an, 6 salariés et 1 million de dollars en financement d'action. 50 Elle travaille beaucoup avec les propriétaires fonciers. Dans le Montana, la plupart des habitats d'ours se trouvent sur des terres publiques, mais certains habitats importants sont sur des terres privées. Les actions menées visent à acquérir la maîtrise foncière de ces habitats importants pour les ours : - soit par achat des terres, - soit par des contrats de conservation (conservation agreement), - soit par « conservation easement », c'est-à-dire par le fait d'acquérir des droits sur des terres sans les acheter afin de limiter toute action pouvant conduire à la disparition de l'habitat (ces droits sont acquis, soit par donation contre exonération fiscale, soit achetés au propriétaire). Il est pour cette association essentiel de travailler avec la population, car sans soutien des locaux, de ceux qui vivent sur ces terres, qui y travaillent ou y passent leurs loisirs, il n'est pas possible de protéger les ours. La Fondation mène ainsi des actions de sensibilisation auprès des propriétaires qui peuvent modifier leur pratiques (ramassage des fruits, des carcasses, attention aux ordures pour les collectivités, etc.) pour apprendre à vivre avec les ours. Il est vrai que de nombreuses ONG se recoupent dans leurs missions de conservation, mais il n'y a pas de redondances, car chacune se concentre sur un point particulier, et un bon partenariat existe entre tous . Il y a beaucoup de contacts et d'information réciproque entre les organisations, mais avec des spécialisations : la Great Bear Foundation est très spécialisée dans l'éducation, les campagnes médiatiques, la sensibilisation de l'opinion ; la Vital Ground Foundation est spécialisée dans les habitats et d'autres groupes le sont plutôt dans la recherche. Il y a aussi des partenariats entre les différentes ONG. 15 h 30 Visite de la Rocky Mountain Elk Foundation MISSOULA Casey DOWELL La Rocky Mountain Elk Foundation est une ONG créée en 1984 par quelques chasseurs, qui voyaient se réduire les habitats à cerfs, pour protéger ceux-ci, ce qui profite aussi à l'ours. Elle protège ainsi 5 millions d'acres (environ 2 millions d'hectares). Elle comprend 150 000 membres à travers le monde. La Fondation achètent des terres et les donnent en gestion ; elle achète aussi des droits à construire, réhabilite des terrains miniers (revégétalisation). Si son activité est en croissance, les perspectives à long terme sont incertaines en raison de la diminution du nombre de chasseurs. La délégation a visité un bâtiment public de la Fondation (Elk Country Visitor Center) qui présente expositions, films, documentation et produits touristiques. 17 h 30 Réception de bienvenue chez Chantal DAVOINE-MOSER, Consule honoraire de France MISSOULA Pierre MATTOT, Consul adjoint à San Francisco Ronald et Chantal DAVOINE-MOSER Charles et Jamie JONKEL ; Christopher SERVHEEN 51 Mardi 26 février 2008 8 h 30 Visite du territoire de la Blackfoot Valley et réunion sur le projet Blackfoot Challenge Land LINDBERGH ; Steven KLOETZEL ; Seth WILSON Charles et Jamie JONKEL Les responsables de l'ONG Nature Conservancy of Montana, dont Land Lindbergh, petit-fils de Charles Lindbergh, ont présenté à la Délégation le projet Blackfoot Challenge, sur le territoire de la rivière Blackfoot, à une trentaine de miles de Missoula.. Le projet s'appuie sur un travail collectif organisé au sein de 8 groupes de travail regroupant 400 propriétaires fonciers, 20 agences gouvernementales, 18 collaborateurs, 25 contractants en 2002-2003, avec réunions, visites et séminaires. Cette communauté locale (Blackfoot Community) s'est organisée pour mettre en place de façon collective des mesures afin de vivre avec les prédateurs. Le principe de ce travail avec la population est de ne jamais placer l'ours avant l'éleveur. Du fait de la recolonisation progressive naturelle par les grizzlys vers le Sud depuis Glacier National Park et vers le Nord à partir de Yellowstone, l'objectif poursuivi est de repeupler toute la zone entre ces deux parcs dans l'espoir de reconstituer une large population susceptible de devenir chassable à terme. Cela a permis de rassembler aussi bien des éleveurs que des chasseurs autour de ce projet. Le travail de ce groupe repose sur une constante concertation et sur la recherche en commun de nouveaux financements. Les objectifs qui ont émergé en commun relèvent de la prévention des conflits avec les ours, de la sécurité des personnes et de l'amélioration générale du mode de vie des ranchers (aménagement des exploitations, construction de systèmes d'irrigation plus performants etc. et pas seulement des aménagements liés à l'ours). Une politique de maîtrise foncière a également été engagée par l'ONG (voir supra). L'inventaire et cartographie par GPS des habitats à ours et des sites de conflits potentiels (ruchers, troupeaux...) permet d'identifier le travail prioritaire à faire avec les éleveurs et propriétaires qui sont sur ces sites en s'appuyant à la fois sur les savoirs locaux et sur le savoir des experts. Il existe aussi un réseau mis en place entre les habitants avec dans chaque zone une personne référente pour identifier les ours à problème et intervenir de façon réactive (jusqu'au prélèvement). L'accent a été mis sur la gestion préventive : éliminer tout ce qui peut attirer les ours, et sur la sécurité humaine : les réactions sont évidemment vives si trop d'attention est portée à l'ours et pas assez à l'homme. Les habitats prioritaires pour les ours ont été identifiés avec les propriétaires de ranches. Un de grands problèmes a été de gérer les carcasses d'animaux, 300 à 400 chevaux morts de mort naturelle par an : un programme de ramassage et de traitement a été mis en place. Une importante communication a été lancée avec écoles et les fermiers. Des ours trop proches des charniers ont dû être éliminés. 52 Le traitement des carcasses d'animaux domestiques, et sauvages (2 ou 3 cerfs par jour) tués sur la route se fait par compostage par strates de copeaux de bois et de carcasses, avec traitement séparé des carcasses d'animaux domestiques et sauvages. Il faut une semaine de fermentation pour 1 cheval. La température atteint 180°C. Le compost n'est pas utilisé en agriculture, mais incinéré en raison de la crainte d'ESB. Une enceinte électrifiée entoure le site de traitement et empêche les ours de se rapprocher. Il est interdit au public. 14 h Réunion sur la gestion des populations d'ours aux Etats-Unis et au Montana MISSOULA Christopher SERVHEEN, Responsable de la restauration de l'ours grizzly United States Wildlife and Fish Service (USWFS) Michael MADEL, Montana Fish and Wildlife and Parks John WALLER, responsable de la gestion des ours du Glacier National Park Le Glacier National Park, à la frontière canadienne, a été créé par le Congrès en 1910, sur 4100 Km2. Il reçoit 1,5 à 2 millions de visiteurs par an. Ce parc abrite comporte la plus forte densité de grizzlys d'Amérique du nord, avec 6 à 7 pour 100 Km2 et 6 ou 7 ours noirs pour 1 grizzly. Le plan de gestion des ours du parc a trois objectifs majeurs : - assurer la conservation à long terme du grizzly, - remplir les missions des parcs nationaux, - minimiser les conflits entre les ours et les hommes. La gestion des ours, c'est d'abord la gestion des hommes : l'éducation est la première priorité. Le plan repose donc sur l'éducation du public ; la gestion des poubelles et de la nourriture ; la gestion réglementaire (police, amende, contrôle) ; la gestion des ours. Le problème principal est lié aux activités récréatives de camping : tout visiteur ou campeur qui nourrit un ours ou abandonne de la nourriture reçoit une amende ; s'il y a beaucoup d'ours, on signalise ; on peut aussi fermer les chemins, notamment en présence d'une carcasse, pour assurer la tranquillité. A l'extérieur des limites du parc, on sécurise les poubelles non protégées et on surveille les dommages aux propriétés privées. La capture des ours à problème et leur relâcher (sur site) est une technique d'éducation de l'ours. Il y a deux grandes techniques de relâcher : - « hard release » (avec effarouchement : chiens de Carélie, tirs d'effarouchement) - « soft release » (sans effarouchement). Le principe est d'observer l'évolution du comportement des ours à problème, en essayant d'inverser la tendance à la familiarité et la dépendance. Quand cela ne suffit pas pour les ours « habitués » aux sources de nourriture non naturelle, agressifs vis-à-vis de l'homme ou devenus familiers, ces ours sont éliminéss, car ils ont une tendance à aller de plus en plus loin dans ce type de comportement. Sur 100 permanents et 300 saisonniers d'été, 1 permanent et l'équivalent de 8 saisonniers s'occupent à plein temps de l'ours au parc national des Glaciers. 53 En contrebas de la zone des Montagnes Rocheuses qui va du Montana à l'Alberta, au Canada, le Rocky Mountain Front, se trouve un important élevage extensif bovin et ovin. Dans ce territoire où la Prairie rejoint les Rocheuses, les grizzlys, qui hibernent haut en montagne, descendent au moment de mises bas du bétail : on compte ainsi 5 à 6 attaques sur veaux sur 20 000 têtes et 30 à 40 moutons par an sur 10 000 animaux. Il y a, à cette période, de nombreuses pertes naturelles liées au vêlage et les grizzlys viennent ainsi se nourrir sur les carcasses senties depuis une longue distance (plus de 20 km). On constate aussi des attaques de ruchers, des saccages de poubelles, des destruction de silos à grains, des dégâts sur les récoltes, d'autres dégâts aux propriétés privées et aux jardins, et des destructions de sites de camping. Auparavant, les conséquences de ces conflits se soldaient par l'élimination des ours, mais ces conflits ont fortement diminué depuis la mise en uvre du programme de restauration dans les années 80, en collaboration avec les communautés locales. L'objectif de ce programme est de développer des mesures en vue de maintenir la population de grizzlys dans la région. Il repose sur une cartographie des zones d'habitats à haute importance biologique pour les ours et a permis de mettre en place des techniques de prévention : - clôtures électriques -8000 V- fixes autour de tous les ruchers (pas d'attaque depuis 3 ans) et mobiles autour des zones de couchage des moutons (12 000 USD /an au total), - ramassage du bétail mort pour mettre les cadavres dans des zones interdites au public ou les disperser de façon aléatoire pour simuler une mort naturelle de faune sauvage, - mise en place de systèmes de protection pour les ordures, - éducation des campeurs sur la façon de rendre leur nourriture inaccessible aux ours, avec l'adoption de standards désormais obligatoires (nourriture suspendue à 100 yards des tentes, foyer de cuisson à 100 yards aussi), - utilisation de chiens de protection Patou et Athabasca, et de Carélie pour effaroucher les ours afin de les rendre plus craintifs, - capture des ours qui posent des problèmes et relocalisation (à courte distance : 30-40 miles) : ces ours sont alors équipés de colliers émetteurs. Il y a enfin un système d'indemnisation pris en charge par l'ONG « Defender's of Wildlife » « Défenseurs de la vie sauvage » -, alimentée par des fonds privés, qui rembourse les animaux prédatés au prix du marché (600 500 USD/an de dommages). Les dommages collatéraux et mortalités douteuses sont mentionnés dans le rapport d'investigations pré indemnisation. En cas de doute, on fait appel à une agence fédérale comportant des biologistes, pour une expertise conjointe fédéral-Etat. Malgré au départ des refus de principe de certains éleveurs d'être indemnisés, la majorité d'entre eux s'y sont maintenant ralliés. Le résultat de ce programme, mis en uvre de façon continue, malgré une résistance et des conflits très importants, c'est qu' il y a plus de grizzlys dans cette région qu'il y a 20 ans. 54 Les modalités de gestion d'une petite population d'ours ­donc intéressant particulièrement les Pyrénées- a ensuite été présentée à la Délégation. Situées à la frontière entre le Canada et les Etats-Unis, les Cabinets Mountains contiennent un noyau d'une dizaine d'individus. La présentation a porté sur la population de Selkirk (10 ours). La stratégie adoptée pour augmenter la population consiste à combiner trois mesures sur la population de Selkirk : - à court terme, renforcer la population (femelles sub-adultes) : 4 individus, âgés de 3 à 5 ans, ont été introduits, venant de 150 Km ; - à long terme, agir en vue de réduire la mortalité (prévention des conflits, des accidents liés à des rencontres avec l'homme ou aux accidents de la route) : c'est ce qui a le plus d'effet ; - susciter une connectivité avec d'autres noyaux de populations, ce qui réduit le plus efficacement le risque d'extinction. Pour une population de 1 à 50 individus, la gestion doit être intensive : - contrôle de la mortalité, - contrôle intensif des conflits, - communication importante avec le public, - opération de renforcement de population, - développement de la connectivité entre les habitats. Ces petites populations répondent lentement à ces mesures de gestion : le changement prend beaucoup de temps (plus de 20-30 ans). Mais la courbe décolle au delà d'un seuil entre 50 et 100 individus. D'où la difficulté considérable de la période de gestion intensive qui implique la combinaison de toutes les actions énumérées ci-dessus en même temps. Le simple renforcement de la population ne suffit pas pour faire la différence, pas plus que le contrôle de la mortalité à lui seul. Ce qui est décisif, c'est la simultanéité de ces mesures. Au-delà de 150 individus, c'est l'éducation du public et le contrôle de la mortalité qui font l'essentiel et l'accroissement est rapide si le contrôle de la mortalité est acquis. Il n'y a pas ici trop de conflit avec le bétail, mais la cause principale de mortalité est le braconnage (plus du tiers de la mortalité) et les conflits liés au pillage des ordures par les ours. Le suivi des mortalités permet de cibler les actions de prévention. Le principal problème est la rurbanisation qui amène les gens à construire dans des zones qui sont des habitats à ours. Dans les zones où la densité humaine est trop importante, il y a une limite sociale à la présence de l'ours et c'est pourquoi on peut affirmer que la restauration de la population d'ours n'est pas un problème biologique, c'est un problème social. Dans les opérations de réintroduction, il ne faut pas aborder les gens sur leur position (pour ou contre les ours), mais s'appuyer sur leurs intérêts : les gens veulent la sécurité, pouvoir chasser sans contrainte, ou continuer des activités récréatives de nature sans danger, et que les ours ne menacent pas leur emploi ; et c'est aussi ce que veulent les autorités. Lorsque le sujet est abordé de cette façon, on détermine un terrain d'entente commun parce qu'il n'est de l'intérêt de personne que les gens perdent leur emploi ou se sentent menacés par les ours. Dans le cadre défini par la loi de protection des espèces en danger d'extinction (ESA) qui fonde l'action de restauration, il faut chercher à trouver des moyens d'organiser la coexistence. 55 16 h Rencontre avec des représentants élus du Comté de Missoula MISSOULA James McCUBBIN, procureur adjoint du Comté Larry ANDERSON, Jean CURTISS, Bill CAREY, commissaires du Comté Patrick 0'HERREN, chargé des affaires rurales Le Comté de Missoula fait 2600 miles carrés et compte 108 000 habitants, en progression annuelle de 3%, soit 30 000 personnes en plus dans les 30 prochaines années. Il y a les mêmes espèces animales qu'il y a 200 ans. Tous ces animaux ont une présence importante dans le paysage. L'ours était là en premier, il a le droit de rester là. Beaucoup de gens s'installent à Missoula, notamment du fait de la qualité de la vie sauvage, et veulent construire là où il y a l'ours : c'est pourquoi des règlements existent pour l'interdire. On essaye de regrouper l'habitat : récemment, les élus du Comté ont mis 10 millions d'USD pour racheter des droits à lotir en terrain privé, pour une protection pérenne : 1 million USD a été dépensé en 1 an. A côté de cette action des pouvoirs publics, des gens fortunés achètent des lots de terre et en mettent une partie en protection, obtiennent une exonération d'impôts correspondant aux plusvalues de lotissement abandonnées. Dans la Swan Valley voisine, une zone corridor d'une chaîne de montagnes à une autre pour les grizzlys est reconnue et les gens sont dissuadés d'y construire. Beaucoup d'efforts sont employés à éduquer les gens qui vivent dans ces zones, éviter tout ce qui attirerait les ours, jusqu'aux mangeoires d'oiseaux , et notamment les déchets et les fruits. Les autorisations de construire relèvent d'une commission du Comté. Les autorisations de lotir sont refusées dans ces corridors. Si le développement n'est pas contrôlé, il y a destruction d'habitats d'ours. Si le régime d'autorisation n'existait pas, il y aurait beaucoup plus de conflits avec la faune sauvage. Cette fonction de l'administration fait l`objet de recours judiciaire de la part des particuliers. Il n'y a pas d'expropriation, mais possibilité d'échange. Dans la gestion des conflits, les conflits se terminent presque toujours par la mort de l'ours. Ou les ours déplacés reviennent. Ils ne recherchent pas le conflit, sauf quand ils perçoivent que l'espace est restreint. Les ours marqués permettent d'identifier les zones corridors , et prévenir les conflits dans ces zones critiques . Des lois sévères encadrent aussi la chasse. L'ours est un facteur positif pour le tourisme saisonnier. Le mouton a fortement diminué dans le Montana, par rapport au passé, et il remonte un peu. Il y avait beaucoup de moutons dans les années 1930, le pâturage était facilité par les feux de forêt. Le mouton utilisait des endroits éloignés qui ne sont plus utilisés. Il y avait peu de grizzlys à cette époque et l'élevage du mouton incitait à la destruction des prédateurs 56 Mercredi 27 février 2008 transfert de la délégation vers le parc national du Yellowstone Jeudi 28 février 2008 Réunions au quartier général du parc national du Yellowstone MAMMOTH HOT SPRINGS Chris LEHNERTZ, adjointe du Superintendant Kerry GUNTHER, responsable des ours au sein du parc Al NASH, chargé de communication La superficie du parc national du Yellowstone (près de 9 000 km2) est égale à celle de la Corse. Il est situé sur un haut plateau, à une moyenne de 2400 mètres d'altitude, avec un climat montagnard. 80 % de sa superficie est recouverte par la forêt. Il s'étend à cheval sur trois Etats, principalement le Wyoming, et aussi le Montana et l'Idaho. Il a reçu près de 3 millions de visiteurs en 2005. Célèbre pour ses phénomènes géothermiques (geysers), il abrite aussi de nombreux grands mammifères (loups, ours, bisons, pumas, wapitis,...) qui constituent l'autre raison de son attractivité. Il a été fondé en 1872 : c'est le premier parc national créé aux Etats-Unis et dans le monde. Il est géré, comme les autres parcs nationaux, par le National Park Service (NPS), qui dépend du ministère américain de l'Intérieur. Au-delà du parc, il faut considérer, pour la gestion des animaux, et notamment de l'ours, l' « écosystème Yellowstone », qui déborde de ses frontières sur le Wyoming et l'Idaho. On compte 600 ours dans l`écosystème Yellowstone. Depuis sa création, il y a eu beaucoup de conflits entre l'ours et l'homme. Dans les années 1890, les ours noirs et les grizzlys fréquentaient les poubelles d'hôtels et mendiaient. Le parc avait été créé pour les geysers, mais l'ours est devenu aussi une attraction. 57 Les gens attiraient les ours pour faire de belles photos. Les ours nourris devinrent plus gros et, certains jours, jusqu'à 3000 personnes étaient rassemblées à certains endroits pour les observer à proximité. De ce fait, attaques et blessures furent nombreuses et, de 1931 à 1969, près de 50 ours ont chaque année attaqué des personnes et près de 150 causaient des dommages aux biens. On a donc organisé reprise et déplacement d'ours. Mais déplacer un ours est délicat et il a fallu en éliminer ou en mettre en zoo : environ 3 grizzlys et 25 ours noirs par an. En 1970, un nouvel objectif a été fixé : maintenir des populations viables de grizzlys et d'ours noirs, en faisant en sorte que les ours retournent à leur subsistance naturelle pour réduire les incidents ours/homme. En1975, l'ours a été mis sur la liste des espèces en voie d'extinction. 30 ans plus tard, la population d'ours de Yellowstone s'est redressée sur le plan biologique et vivre avec le grizzly tout en permettant des activités récréatives est aujourd'hui effectif car on a écarté les sources d'alimentation humaine et réduit les dommages aux biens. L'un des points majeurs de ce plan d'actions est donc l'éducation du public pour éviter les contacts : nourrissage interdit, rendre inviolable les conteneurs de déchets, aménagement, sur les aires de camping, de dispositifs avec cordes et poulies pour suspendre la nourriture même si, de temps en temps, un ours apprend à couper les cordes ! -. De fait, si les « bouchons » routiers liés à l'observation d'ours (« bear jam ») sont passés de 100 en 1990 à 919 en 2004, le nombre de conflit grave est faible. Malgré les précautions, et en rapport avec le nombre d'ours présents, il y a 1 accident par an, 4 morts d'hommes depuis la création du parc, mais 5 accidents mortels par bison sur la même période (environ 4 700 têtes). Avec ces mesures, il y avait moins d'ours visibles le long des routes du Yellowstone et les visiteurs se sont plaints. On a donc changé la politique de gestion des espèces wapiti, bison, truite, pour apporter plus de nourriture aux ours. Les jeunes wapitis sont une source de nourriture importante au printemps. En 1975, on a réintroduit le loup qui régule le wapiti (de 20 000 à 8/9 000 aujourd'hui), l'ours prend les proies tuées par le loup, et cela évite le surpâturage. La pêche à la truite est autorisée, mais « no kill » : la population de truite augmente et va frayer dans les ruisseaux où l'ours la capture. Les loups ont fait revenir la population de cerfs à 8 000 ou 9 000 Des zones du parc sont temporairement fermées à la fréquentation : annuellement au printemps, les rivières de fraie des truites ; au cas par cas, les sites où bisons et wapitis viennent mourir, surtout près des geysers . Dans le parc, l'élimination d'ours était de 3 par an avant 1970, 4 dans les années 70, 1 en 1980 et actuellement, on en a éliminé 1 seul en 5 ans . L'ours à problèmes (maintenant celui qui va régulièrement aux tentes et campings) est normalement tué, mais il peut être aussi déplacé et équipé. 1/10 des grizzlys sont équipés d'émetteurs, avec 2 types d'émetteurs selon ce que l'on recherche. Les ours suivis sont répartis dans les différents secteurs du parc. 58 L'ours mâle adulte du Yellowstone a une nourriture carnée à 78% -la femelle adulte à 45%-, et prend les proies des loups, alors que l'ours du parc national des Glaciers, où la pluviosité est plus forte et la végétation plus riche, est végétarien à 90%. L'alimentation carnée des ours du Yellowstone comprend ongulés ­ce sont des animaux morts naturellement, souvent aux sources chaudes-, des proies faciles de très jeunes cervidés, mais aussi des cerfs adultes au brame pris par de gros ours-, truites, insectes ; et la végétale : racines et tubercules, fruits, feuilles. Il faut noter que la fécondité des ourses a augmenté avec l'augmentation d'ongulés proies. Le seul parc national ne représente que 40% de la surface occupée par les grizzlys dans l'écosystème Yellowstone. La population a cru linéairement de 138 en 1978 à 425 en 2004. Ils occupaient 15 400 km2 dans les années 1970, 34 000 depuis 2000. La population d'ours de l'écosystème Yellowstone est considérée comme viable, supérieure à 500, bien que certains généticiens disent qu'il faudrait 2000 individus. Si la chasse était restaurée, il faudrait stabiliser la population à 500 ours minimum, parc compris. Alors que seulement 6% des conflits sont en zone parc ­où il y a une réglementation et des budgets spécifiques et en plus du travail associatif et bénévole-, la majorité d'entre eux concerne les terrains privés de l'extérieur : c'est là que les enjeux sont les plus importants. Des ours qui sont sortis du parc ont été tués par des éleveurs de vaches et de moutons (l'écosystème Yellowstone comporte 10 000 à 20 000 moutons). Le vrai problème est l'aire de distribution qui s'étend, atteint des zones où les gens ont perdu l'habitude des prédateurs. Il faut tout recommencer à zéro avec eux, car enfants, animaux de compagnie, bétail posent problème. Hors parc, l'ours est suivi par une structure et plusieurs équipes, dont le parc national. Dans le Wyoming, l'administration fédérale travaille avec des ONG, là où il faut protéger des habitats vitaux pour l'ours. On déplace les ours prédateurs de moutons, et on installe des protections avant qu'ils reviennent. Des ONG aident les bergers et les remplacent pour la garde des moutons. Certaines ont proposé à des fermiers de racheter leurs propriétés. Indemnisations et clôtures électriques de parcage nocturne sont financées par l'Etat du Montana. Le coût de la gestion ours dans le parc : 7 personnes sur 80 rangers, et des gardes saisonniers a représenté 600 000 à 800 000 USD/an. 59 Vendredi 29 février 2008 11 h Rencontre au Secrétariat d'Etat du Montana HELENA Brad JOHNSON, Secrétaire d'Etat Ralph PECK, adjoint Pierre MATTOT, Consul adjoint à San Francisco Chantal DAVOINE-MOSER, Consule honoraire à Missoula et Ronald MOSER Séverine MURDOCH, Consule honoraire à Dubois - Wyoming Bert et Peggy GUTHRIE, éleveurs Le Secrétaire d'Etat ­l'équivalent d'un Ministre de l'Intérieur- salue la Délégation et la remercie de sa visite. Il présente l'Etat du Montana et indique que son économie traditionnelle demeure l'agriculture et l'élevage. Son PIB est diversifié : 50% d'industrie, 30% d'agriculture, 20% de tourisme. Dans les recettes fiscales de 2007, un surplus de 3 milliards d'USD est dû à l'extraction du pétrole et du gaz. S'il n'y a pas de conflit pétrole/tourisme, c'est parce que les principaux gisements de pétrole sont dans le nord-est, qui n'est pas touristique. S'il y en avait dans les Rocheuses, de graves conflits se feraient jour. Il témoigne d'une situation mixte et en évolution entre une économie traditionnelle propre à cet Etat rural et une économie nouvelle comme le tourisme, en plein essor. Il rappelle que le grizzly a été réintroduit dans les années 70. L'Etat comportant de vastes territoires, le partage entre élevage et vie des grands prédateurs en est facilité. Cependant, il y a des conflits et sa position est modérée : on ne peut pas retourner dans le passé où on tuait des ours et s'il y avait moins d'ours, il y aurait un peu moins de touristes. Pour autant, l'effectif actuel de grizzlys lui paraît suffisant, pour éviter plus de contraintes. L'ours fait surtout débat dans le milieu agricole, alors que la population est à 70% pour. Il faut discuter sans aspect émotionnel, ce qui conduit souvent à de mauvaises politiques. Le couple d'éleveurs présents, en retraite, exploitait 10 000 acres, dont 3000 acres loués à l'Etat. Il possédait 2000 moutons et affirme en avoir perdu 30% par prédation, principalement du grizzly. Il a pratiquement abandonné cet élevage, avec 250 têtes. Il estime que la protection contre l'ours sur sa propriété privée n'est pas de sa responsabilité, mais du ressort de l'Etat et des contribuables. Il a toujours refusé les indemnisations des ONG : accepter leur argent, c'est accepter l'ours. L'éleveur qui loue des terres à l'Etat doit assumer le risque de prédation et la protection sur les terrains de l'Etat. Il est pour lui facile d'être pour l'ours quand on n'est pas propriétaire. Il estime que les bisons de Yellowstone transmettent des maladies aux bovins domestiques, mais qu'ils sont heureusement éliminés quand ils sortent des limites du parc. Dans les 35 dernières années, la population agricole a beaucoup décliné et il le déplore. Les éleveurs ont peu de subventions, les subventions fédérales allant aux céréales pour maintenir 60 des prix bas dans l'alimentation, depuis F-D. Roosevelt. Il faut noter que les prix du blé ont récemment augmenté, mais les charges aussi. 18 h 30 Réunion de synthèse MISSOULA Christopher SERVHEEN En guise de conclusion de ce déplacement aux Etats-Unis, Christopher Servheen ­ qui connaît bien les Pyrénées pour y être venu en mission d'expertise pour l'Etat français, a présenté à la Délégation quelques recommandations pour la gestion de la petite population française d'ours : isoler quelques territoires-coeurs de fréquentation régulière de l'ours de l'élevage et d'un minimum de dérangement humain. Ces zones devraient être au minimum 2 à 3 fois la superficie nécessaire à une femelle et sécurisées au sein de chacun des noyaux souhaités pour les ours. protéger les moutons dans ces zones par des clôtures électriques pendant la nuit et les accompagner grâce à des bergers et des chiens pendant la journée. Si les éleveurs ne l'acceptent pas, il n'y a pas de raison de les indemniser pour les pertes qu'ils subissent. s'accorder avec les éleveurs pour des mesures de protection et des conditions identiques dans les zones entourant ces c urs de fréquentation des ours. chercher à reconnecter les deux noyaux de population des Pyrénées, pas obligatoirement de façon continue, mais en les considérant ensemble comme une « métapopulation » fonctionnant avec des liaisons occasionnelles entre les noyaux. - - Il lui paraît en tout cas impossible de maintenir des ours au voisinage des troupeaux sans clôture électrique la nuit, et bergers et chiens le jour. Le mouton est une proie trop facile pour l'ours, c'est comme un bonbon pour un enfant et il va l'attaquer inévitablement si le mouton n'est pas protégé. C'est pourquoi il ne faut pas introduire d'autres ours, tant qu'on n'a pas réglé la situation du mouton. Il faut sécuriser les zones à moutons, obtenir l'accord des éleveurs et des bergers pour cette sécurisation et conduire ces actions pendant 5 ans au moins. Le schéma suivant présente trois zones de gestion : les ours des territoires-c urs constituent l'objectif premier de gestion et les autres usages de l'espace viennent après. - S'il y a un conflit dans ces zones, il doit se résoudre en faveur de l'ours ; - S'il y a un conflit dans les zones situées en dehors de ce c ur, mais où les ours peuvent venir, il peut se résoudre, soit en faveur de l'ours, soit en faveur de l'éleveur, en fonction du problème ; - S'il y a un conflit dans les zones où l'ours n'est pas attendu, il est déplacé ou éliminé en fonction du problème posé par cet ours et de son histoire. Des liaisons occasionnelles entre les noyaux sont par ailleurs souhaitables dans la perspective d'une « métapopulation » fonctionnelle. 61 Il faut capturer l'ours familier ou à problèmes avant qu'un incident n'arrive. Ne pas remplacer l'ours défectueux éliminé, mais remplacer l'ours braconné. En cas de réintroduction, le bon âge est 3 à 5 ans pour les femelles ; la fixation des mâles est plus difficile. Par ailleurs, on gère une population biologique et non des individus, avec un accompagnement affectif : leur donner des noms pose un problème. . 63 ANNEXE 6 : ANALYSE JURIDIQUE DE LA SITUATION ACTUELLE VIS-A-VIS DES EXIGENCES EUROPEENNES ET INTERNATIONALES La réalité des menaces pesant sur la France en cas, soit de disparition de l'ours, soit de non-réintroduction, interrogeant par là-même le caractère contraignant ou non des engagements européens et internationaux de la France vis à vis de la réintroduction de l'ours, a été fréquemment abordée par les interlocuteurs de la mission. C'est pourquoi il lui a semblé opportun de rédiger cette note, avec le concours du Service des affaires juridiques du ministère. L'article 2 de la directive Habitats 2 indique : « les mesures prises en vertu de la présente directive visent à assurer le maintien ou le rétablissement, dans un état de conservation favorable, des habitats naturels et des espèces de faune et de flore sauvages d'intérêt communautaire ». L'annexe II de la directive indique que l'ours (ursus arctos) est une espèce d'intérêt communautaire, nécessitant la désignation de zones spéciales de conservation (ZSC). Ces ZSC sont parties intégrantes du réseau Natura 2000. L'article 12 indique par ailleurs que les Etats membres « prennent les mesures nécessaires pour instaurer un système de protection stricte des espèces animales figurant à l'annexe IV point a) ­ l'ours y figure -, dans leur aire de répartition naturelle, interdisant : - toute forme de capture ou de mise à mort intentionnelle de spécimens de ces espèces dans la nature, - la perturbation intentionnelle de ces espèces notamment durant la période de reproduction, de dépendance, d'hibernation et de migration, - la détérioration ou la destruction des sites de reproduction ou des aires de repos ». Même si la réintroduction en vue du renforcement de la population d'une espèce n'est pas explicitement exigée par un article spécifique, ni même mentionnée dans l'article 2, elle peut être considérée comme un corollaire des dispositions de cet article visant au maintien ou rétablissement d'un état de conservation favorable puisque la population de l'ours n'est pas aujourd'hui en « état de conservation favorable », c'est-à-dire viable. Cet article 2 indique ce à quoi un Etat membre est tenu a minima. Il n'indique pas ce que cet Etat encourt s'il ne fait pas (de réintroduction). Si aucun recours -aucun pays n'a jusqu'à ce jour été condamné par l'Union européenne pour ne pas avoir réintroduit d'espèce d'intérêt communautaire- n'a été formulé envers une non-réintroduction, il n'est pas pour autant possible d'en préjuger que cela ne peut se faire, ni ne se ferait pas. De même, l'article 6 de la Convention de Berne3 indique : « Chaque partie contractante prend les mesures législatives et réglementaires appropriées et nécessaires pour assurer la conservation particulière des espèces de faune sauvage énumérées dans l'annexe II ­ dont toutes les espèces d'ursidés -. Seront notamment interdits, pour ces espèces : - toute forme de capture intentionnelle, de détention et de mise à mort intentionnelle, - la détérioration ou la destruction intentionnelle des sites de reproduction ou des aires de repos, - la perturbation intentionnelle de la faune sauvage, notamment durant la période de reproduction, de dépendance et d'hibernation, pour autant que la perturbation ait un effet significatif eu égard aux objectifs de la présente Convention » . Directive 92/43/CEE du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages. 3 Convention du 19 septembre 1979relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l'Europe. 2 64 L'article 11 précise que « Chaque partie contractante s'engage à encourager la réintroduction des espèces indigènes de la flore et de la faune sauvages lorsque cette mesure contribuerait à la conservation d'une espèce menacée d'extinction...et à contrôler strictement l'introduction d'une espèce non indigène ». Si le terme de réintroduction est ici explicite, un débat pourrait s'instaurer sur la nature du terme « indigène » : est-il synonyme d'autochtone ?, mais ce débat n'a plus lieu d'être dès lors qu'on parle d'introduction d'espèce « non indigène ». Par ailleurs, il faut rappeler l'ordonnance du Conseil d'Etat du 9 mai 2006 rejetant la requête formée par la Fédération transpyrénéenne des éleveurs de montagne et autres aux fins d'obtenir la suspension de la « décision ministérielle en date du 13 mars 2006 de lâcher cinq ours dans le massif pyrénéen », en « considérant que, compte tenu, en premier lieu, du fait que l'Ursus arctos figure aussi bien au nombre des espèces mentionnées à l'annexe II de la Convention de Berne vis à vis desquelles l'Etat s'est engagé sur le plan international à assurer la conservation particulière, que parmi celles d'intérêt communautaire nécessitant une protection stricte énumérées à l'annexe IV de la Directive Habitats, en deuxième lieu, de la concertation conduite à l'égard des élus et des populations elles-mêmes depuis février 2005 et, en troisième lieu, des mesures prises pour prévenir et réparer les conséquences dommageables pouvant résulter du maintien de la population ursine, les différents moyens invoqués à l'encontre de la décision contestée ne sont pas propres à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à sa légalité ». Cependant, il faut aussi souligner4 que l'article 11 précité de la Convention de Berne émet une condition d'application : « Dans l'exécution des dispositions de la présente Convention, les Parties contractantes s'engagent à :(...) à encourager la réintroduction des espèces indigènes de la flore et de la faune sauvages lorsque cette mesure contribuerait à la conservation d'une espèce menacée d'extinction, à condition de procéder au préalable et au regard des expériences d'autres Parties contractantes à une étude en vue de rechercher si une telle réintroduction serait efficace et acceptable ». Le terme « étude » peut recouvrir beaucoup de choses et cette condition a été plaidée par les requérants cités supra. En l'occurrence, le Conseil d'Etat a répondu, mais sans référence explicite à cette partie de l'article 11, en mentionnant notamment deux documents : le rapport établi par l'Inspection générale de l'environnement et le Conseil général du génie rural des eaux et des forêts de mai 2005 relatif à la concertation préalable, et le Plan de renforcement lui-même, largement diffusé, et les différentes mesures qu'il contient. Comme l'a fait Augustin Bonrepaux, député de l'Ariège, dans son rapport d'information du 13 décembre 2006 sur le coût administratif de la réintroduction de l'ours dans les Pyrénées. 4 65 ANNEXE 7 : ETUDE5 PREALABLE D'OURS DANS LE TRENTIN AU RENFORCEMENT DE LA POPULATION Cette annexe présente l'étude réalisée en 2000, préparatoire au renforcement de la population d'ours dans le Trentin, avec ses deux aspects : définition des territoires de présence ­c'est ce qu'est en train de réaliser l'ONCFS/ETO dans le cadre d'une thèse référée dans le rapport en 4.3.4- ; acceptabilité et faisabilité. L'étude concerne un territoire de 6495 km2, avec le parc naturel Adamello Brenta en zone centrale. Les limites de ce territoire sont définies par des zones d'habitat humain dense. La population est de 58hab/km2, en excluant Trento et Bolzano. La fréquentation touristique est basée les nuitées et repas, y compris en refuges d'altitude ; les activités agricoles sont évaluées par les productions végétales et animales, au niveau communal ; l'activité chasse est décrite par types de chasse et nombre de sorties. La protection de l'ours a été édictée en Italie en 1939. 192 ours ont été tués dans le Trentin dans les 150 ans précédents, dont 84 dans la Brenta. 15 individus subsistaient en 1970. Pour estimer si le territoire pouvait accueillir une population d'ours, un modèle d'habitat a été calé par l'utilisation des données de présence des ours collectées durant les 20 dernières années. Le modèle subdivise pour cela le territoire en 2 581 carrés de 25 hectares, sur chacun desquels sont quantifiés des paramètres du milieu et anthropiques : classes d'altitude, de pente, climat, détail des peuplements forestiers ; un indice de complexité morphologique du territoire est donné par le nombre d'expositions différentes présentes sur le carré. La disponibilité alimentaire est très difficile à caractériser : les seules sources sont la densité de gibier, l'ours se nourrissant de 10 à 30 % d'ongulés sauvages, vivants ou cadavres. La prédation sur le bétail domestique concerne essentiellement les ovins. Le dérangement anthropique est difficilement mesurable : par l'ensemble du réseau routier et des pistes forestières, qui donne la densité de voirie par unité de superficie (km/km2). Les carrés sont caractérisés par la présence ou l'absence d'ours, par des paramètres d'environnement et de présence anthropique. Une analyse de variance donne des différences entre ours et sans ours pour : aires agricoles, bois de feuillus, zones urbanisées, densité de bovins, d'équins et moutons, densité de population, nuitées, densité du réseau routier. Le modèle individualise, en deux phases distinctes, les habitats naturels favorables à l'ours, et les surfaces caractérisées par un dérangement excessif ; ceci permet de déterminer les zones où un effort sur la tranquillité a le plus de chance d'être efficace, parce qu'elle concerne des surfaces biologiquement favorables, de celles où le milieu est limitant. Le modèle identifie 1700 km2 de surface favorable à l'ours, avec une densité de 2 à 3 individus pour 100 km2. Cette surface peut accueillir de 34 à 51 ours, ou de 79 à118 en incluant des territoires périphériques moins favorables.. Plusieurs décennies seront nécessaires pour atteindre 70 individus. A moyen terme, la jonction avec la population des Alpes orientales est escomptée, améliorant la probabilité de survie. 5 Cette étude « de faisabilité pour la réintroduction de l'ours brun dans les Alpes centrales » a été réalisée par l'Institut national italien pour la faune sauvage - Eugenio Dupré, Piero Genovesi, Luca Pedrotti - 2000. 66 L'évaluation du coût du projet a associé l'expertise privée, elle prend en compte les coûts directs et l'impact potentiel sur les activités humaines, pour le délai nécessaire à l'établissement d'une population de 50 individus ; le coût prévisionnel des dommages aux activités humaines ont été estimés sur la base des coûts recueillis dans des projets similaires de translocation en Autriche et en France. Le coût du projet est potentiellement très élevé, entre 1 422 000 et 5 482 000 , écart dû principalement à l'incertitude des dégâts sur le bétail par les ours à problèmes, à la pression humaine, au braconnage, à l'accroissement de la population, ce qui peut allonger significativement le temps nécessaire à l'atteinte d'une population minimale viable. Les aspects humains ont été examinés avec soin ; la pression humaine représente nettement le principal facteur de la dynamique de la population ursine dans ce territoire, du fait que les Alpes centrales sont probablement le territoire ayant la plus forte pression humaine sur l'habitat de l'ours brun. Une enquête d'opinion a donné 75% d'opinions favorables, et 80% si les ours restaient équipés. L'étude conclut à une bonne probabilité de réussite ; les mesures prises pour le renforcement accroissant aussi les chances de survie des ours arrivant naturellement dans la zone. Le cadre juridique a été actualisé. Le fonds d'indemnisation a été provisionné. Le dérangement humain est un facteur critique. Il peut être cas d'échec, ainsi toutes les mesures visant à résoudre les conflits entre ours et humains sont prioritaires, et une bonne information doit être assurée. Le risque d'attaque d'humains, faible, conduit à prévoir toutes les mesures possibles : sélection des ours à relâcher, équipe d'urgence, information sur le comportement à tenir en cas de rencontre. Les recommandations furent de lâcher 9 ours en 4 ans, avec un suivi post-lâcher attentif et intensif. Une révision du projet est prévue en cas d'accroissement très faible ou perte par braconnage. 67 ANNEXE 8 : DEFINITION DES TERRITOIRES DE PRESENCE A partir des analyses de Christopher Servheen appliquées en 1996 à la zone du HautBéarn, la mission propose une méthode de caractérisation des massifs forestiers sur l'ensemble du massif pyrénéen. Cette méthode comprend deux phases, qui sont résumées pages 24 et 25 du rapport. PHASE 1 : MISE EN EVIDENCE DE LA COMPACITE FORESTIERE a - l'analyse du milieu faite dans l'étude AScA Les travaux de Christopher Servheen, adaptés du grizzly aux ours européens (étude AScA6Béarn - 1996) visaient à déterminer, vis à vis d'un milieu forestier morcelé et imbriqué avec des espaces ouverts, quelle était l'utilisation de cet habitat par l'ours, dans la mesure où la valeur pour l'ours de l'habitat forestier est déterminé par sa taille et par la connexion entre les divers blocs forestiers au sein de cet habitat. L'étude AScA a procédé à une évaluation de l'accessibilité des forêts existantes et de l'efficacité de l'habitat à garantir la sécurité des ours. De petites unités forestières sont d'une faible valeur pour l'ours dans la mesure où leur taille est insuffisante au regard de l'aire nécessaire pour ses activités normales, et, de manière plus importante, ces petites unités forestières offrent peu de sécurité aux ours du fait du dérangement occasionné aux ours par les activités humaines. Ce mode d'analyse est basé sur le comportement alimentaire de l'ours. Les valeurs-seuil de taille des massifs forestiers et de connexion sont déterminées d'après les déplacements des ours en 24 h. En l'absence de données directes sur les déplacements effectués par les ours, données qui sont maintenant disponibles par analyse des résultats de télémétrie, l'hypothèse était faite que la zone prospectée en 24 h par un individu est directement proportionnelle au « territoire moyen » occupé par l'animal, territoire moyen qui est l'inverse de la densité de population (en fait, les territoires utilisés individuellement par les ours sont notablement plus grands et se superposent largement, mais cela ne contredit pas la notion de proportionnalité). Les distances et surfaces déterminées résultent d'une proportion faite sur l'utilisation du territoire, avec les densités respectives d'ours dans un territoire américain, et des densités rencontrées en Europe centrale (Roumanie) : pour la population d'ours du nord-ouest des USA : densité de 1 pour 64,75 km2, et surface exploitée alimentairement en 24 h : 10,1 km2. pour des populations d'ours en Europe centrale : densité moyenne de 1 pour 12 km2, et surface exploitée alimentairement en 24 h : 10,1* 12/64, 75 = 1,87 km2. On considère ainsi que les femelles suitées, animaux les plus exigeants en alimentation et en tranquillité, n'utilisent pas de massifs forestiers compacts de moins de 187 ha d'un seul tenant, et que ces massifs ne sont utilisés que si leur distance à un autre massif utilisable est inférieure à 771 mètres, distance équivalente au rayon d'un massif de contour circulaire de 187 ha, distance de référence. 6 Etat des lieux de la population ursine et de son habitat dans le Haut-Béarn ­ Stratégies de conservation et de renforcement éventuel (dite Etude AscA) ­ mars 1996 ­ rapport pour l'IPHB et le Syndicat mixte du HautBéarn ­ Auteurs : bureau d'études AscA, UICN, Université du Montana : Xavier Poux, Isabelle Dubien, en collaboration avec Christopher Servheen. 68 L'application de ce mode d'analyse au Haut Béarn en 1996 s'appliquait bien au territoire effectivement occupé par les ours actuels, l'aire de présence régulière de l'ours correspondait aux massifs compacts, y compris la zone tampon, et les sites vitaux d'activité se localisaient dans les surfaces forestières les plus importantes. Cette méthode simple permet de caractériser globalement l'utilisation par l'ours des espaces forestiers pyrénéens. b - l'adaptation faite pour caractériser les massifs forestiers sur le massif pyrénéen Pour représenter les surfaces boisées utilisées, l'étude AScA utilisait une image satellite SPOT, qui a nécessité un traitement informatique et une validation locale. La mission 2008 a utilisé les données de l'inventaire forestier national 1996, qui sont validées par les enquêtes de terrain de l'Inventaire forestier national. Pour trouver la distance parcourue en 24 h, les suivis radio faits suite aux lâchers permettent d'accéder directement à une évaluation de cette distance. Ces suivis radio faits depuis 1994 dans les Pyrénées, et dans le Trentin depuis 2000, sur les animaux réintroduits, conduisent à enregistrer des distances de déplacement un peu plus grandes7 que dans l'étude AScA, de l'ordre de 2 km par 24 h (avec une forte variabilité individuelle, saisonnière, journalière), en relation avec une capacité d'accueil du milieu forestier plus faible qu'en Europe centrale. La mission a donc interprété cette distance de déplacement par la non utilisation des massifs d'une surface de moins de 314 ha, équivalente à celle d'un massif de 2 km de diamètre. Autour des massifs forestiers sélectionnés comme pouvant être utilisés, une bande de 1000m de largeur est susceptible d'être exploitée par l'ours pendant la période nocturne. Cette bande tampon est bien sûr réduite en cas d'installations et d'activités humaines. Un traitement informatique appliquant ces critères de taille (314ha minimum) et de connexion des massifs (distance inférieure à 1000m) aide ainsi à préciser la zone « potentiellement occupable » par l'ours dans les Pyrénées françaises, sachant que les études en cours devraient, au delà, largement préciser la capacité d'accueil du milieu, en fonction des capacités alimentaires pour l'ours du milieu forestier et du dérangement lié aux diverses activités. La compacité des massifs forestiers est aussi appréciée par rapport à cette largeur de 1000m : des versants forestiers dont la largeur (plus petite dimension, correspondant en général à la direction de plus grande pente) est de l'ordre de 1000m, sont continus, mais non compacts, et l'habitat de l'ours y comporte le maximum d'interface avec les estives d'une part, les fonds de vallée d'autre part. Cette approche a essentiellement une valeur comparative, mais le choix d'autres paramètres, traduisant des distances un peu différentes de déplacement des animaux en 24h, n'induirait pas de modifications significatives. Il s'agit essentiellement d'écarter les massifs forestiers trop réduits pour intéresser l'ours, et de figurer la zone en bordure des massifs forestiers compacts, couramment fréquentée par l'ours lors de ses déplacements alimentaires. Ourses du lâcher Pyrénées 1996 : 1,4 Km/24h en 1997, 2,6 Km/ 24h en 1998 ; ourses du lâcher Pyrénées 2006 : 2,21 et 2,74. Données du Trentin sur deux ourses : 0,8 à 1,9 Km/24h et 1,3 à 2,6 Km/24h. En période d'activité, et hors phase initiale de prospection. 7 69 Dans les Hautes-Pyrénées Les vallées des Gaves de Gavarnie et de Cauterets comportent des forêts de versants, massifs continus, mais étroits et non connectés entre eux. La vallée d'Aure comporte des massifs distincts, mais connectés selon le critère retenu, le milieu boisé approche la frontière dans le Rioumajou. Les massifs de l'Estibète, de l'Hautacam et des Baronnies portent des massifs forestiers assez étendus, mais imbriqués de milieux ouverts. A l'est, la Barousse comporte une forte densité et compacité forestière, continue avec le Haut Comminges. En Haute-Garonne Le Haut Comminges est très boisé, le massif est compact et connecté au Val d'Aran et au Couserans. En Ariège Le Couserans comporte un seul massif compact, de grande étendue, qui se rapproche de la frontière Espagnole par les vallées. La Haute Ariège comporte un massif important, en rive droite de l'Ariège (versant nord ). Les flancs de la vallée de Vicdessos constituent un massif moins compact. Un autre massif important s'étend au nord est, du Pays d'Olmes à Bélesta, et se prolonge par le pays de Sault dans l'Aude. A l'est, le Quérigut par les forêts des Hares et du Carcanet, est en connexion avec les massifs de l'Aude et des Pyrénées-Orientales. Dans l'Aude Un massif forestier important s'étend entre les gorges du Rébenty et les gorges de l'Aude . Dans les Pyrénées-Orientales Le Capcir comporte plusieurs massifs étendus et reliés entre eux L'ensemble constitué par le Quérigut en Ariège, et les territoires voisins de l'Aude et des Pyrénées-Orientales, constitue un massif de forte densité forestière, actuellement concerné par la présence régulière, mais saisonnière, de l'ours. Les massifs étendus des monts d'Olmes, Bélesta en Ariège, Pays de Sault dans l'Aude, ne sont pas concernés actuellement par la présence d'ours, et bien que présentant une forte compacité et continuité, justifient une approche plus fine, prenant en compte le relief modéré ainsi que la nature des activités humaines dans les milieux non forestiers. Le massif des Albères, dans les Pyrénées-Orientales, présente suivant cette approche une forte compacité, et serait peu parcouru par les troupeaux. Il comporte des milieux forestiers méditerranéens très différents des forêts de moyenne et haute montagne des PyrénéesCentrales et Occidentales, et n'est pas concerné actuellement par la présence de l'ours. 71 Par ailleurs, sur l'ensemble de la chaîne, la zone d'altitude inférieure à 600m, qui correspond globalement, à l'exception de la part du massif de Plantaurel au nord de Saint-Girons, au territoire situé au nord d'une ligne joignant Oloron à Saint-Paul de Fenouillet 8 , ne comporte selon ces critères que des espaces forestiers peu compacts, imbriqués avec des espaces cultivés. En piémont ou en plaine, la vie de l'ours est possible (les ours croates qui appartiennent à la même population que les ours slovènes se trouvent jusqu'au littoral méditerranéen). Mais les surfaces forestières présentes dans les milieux de piémont ou de plaine au nord des Pyrénées ne présentent pas de compacité, d'où une forte probabilité de dérangement ; la carte 3 (placée dans le rapport) y visualise des zones tampon de surface équivalente à la superficie forestière, qui correspondent en plaine à des zones cultivées ou urbanisées ; la densité de population humaine est forte et le réseau routier important. D'autre part, la disponibilité alimentaire pour l'ours sur l'année n'est pas prouvée. La présence de l'ours ne paraît possible de façon compatible avec les activités humaines qu'au dessus 600m d'altitude environ. PHASE 2 : PRISE EN COMPTE DE L'ACTIVITE PASTORALE. Dans les départements pyrénéens, espaces boisés et estives s'imbriquent et se superposent. La superposition cartographique (carte 5) des surfaces pastorales (Enquête pastorale 1999 ­ DATAR - Ministère de l'Agriculture - SUAIA Pyrénées) avec les massifs forestiers identifiés ci-dessus complète, à une échelle globale, la caractérisation de ces territoires. L'approche est cependant approximative dans la mesure où les surfaces pastorales ne distinguent pas les espèces utilisatrices, ni les modes de conduite des troupeaux, alors que les ovins non gardés sont sensibles à la prédation et que les bovins le sont beaucoup moins. Toutefois, dans les Pyrénées-Atlantiques, l'élevage ovin est très majoritairement laitier ; les estives de haute altitude des Pyrénées-Centrales sont à ovin viande ; les bovins sont prépondérants dans les Pyrénées-Orientales. Dans l'analyse, une partie des surfaces forestières apparaît pâturée, il peut s'agir, soit de pâturage en milieu boisé, soit de pâturages sur anciennes prairies de fauche intermédiaires, indiscernables à cette échelle. Oloron-Arudy-Lourdes-Lannemezan-St.Gaudens-St.Girons-Foix-Lavelanet-Bélesta-Quillan-St.Paul Fenouillet. 8 de 72 SYNTHESE DES PHASES 1 ET 2 De cette analyse globale fondée sur des documents cartographiques, il ressort que les Pyrénées-Centrales comportent un espace forestier unique dans le massif pour son étendue et sa continuité, où l'imbrication de l'espace forestier et de l'espace pastoral paraît être la plus faible. Toutefois, ce massif est densément traversé de routes, et comporte un habitat dispersé important. Ce territoire occupe 180 000ha (1 800 km2), boisé sur 120 000 ha, soit 66%. Le Haut-Béarn, sur une étendue plus réduite, présente une continuité forestière le long des deux vallées d'Aspe et Ossau, depuis les altitudes basses jusqu'à la frontière espagnole. Ce territoire occidental occupe 84000 ha (840 km2), boisé sur 30 000 ha, soit 36%. Les Hautes-Pyrénées juxtaposent des massifs de haute altitude peu forestiers, avec des massifs périphériques où surfaces forestières et pastorales sont très imbriquées. Les Pyrénées centrales : Haut Comminges-Couserans représentent, selon les deux critères, l'espace le plus favorable à l'habitat d'une population d'ours. Le Haut-Béarn représente le deuxième espace, plus restreint, présentant ces caractéristiques Le massif forestier à l'ouest de la chaîne, imbriqué d'espaces ouverts, bien que fréquenté par des troupeaux sur de vastes surfaces forestières, notamment dans sa partie sud, paraît être potentiellement assez étendu pour accueillir un extension du noyau d'ours des Pyrénées-Centrales. Ce territoire oriental occupe 105 000 ha (1050 km2), boisé sur 59 000 ha, soit 56%. L'essentiel du département des Hautes-Pyrénées, la vallée de l'Ariège et le Vicdessos en Ariège, bien que fréquentés par les ours, seraient à exclure des territoires de présence souhaités, en raison de la faible compacité des espaces forestiers et de l'importance des surfaces d'estive, notamment en milieu boisé et de l'élevage ovin . Les territoires de présence ainsi identifiés sont localisés au niveau du massif sur la carte 3, placée dans le rapport lui-même. Elle présente l'ensemble de la chaîne pyrénéenne, représente les massifs forestiers sélectionnés par compacité, la zone tampon, les estives, l'isoligne 600m, l'axe routier « Oloron ­Fenouillet ». Les cartes 6 à 11, placées supra dans cette annexe 8, détaillent le territoire pyrénéen, avec les mêmes thèmes. Pour caractériser la consistance des territoires concernés (superficies totales et forestières détaillées ci-dessus), ces territoires ont été représentés par les massifs et sous-massifs ONCFS (cartes 12, 13 et 14 ci-après), en prenant en compte les territoires de présence continue des ours 2002-2006. 80 ANNEXE 9 : PERSONNES ET ORGANISMES RENCONTRES (en dehors de celles ayant participé aux déplacements) 10 septembre 2007 Jean-François CARENCO , Préfet de la Haute Garonne, Préfet de Région Midi-Pyrénées Dominique PELISSIE, directeur régional de l'agriculture et de la forêt Midi-Pyrénées André BACHOC, directeur régional de l'environnement Midi-Pyrénées, Thierry GALIBERT, directeur-adjoint, Evelyne SANCHIS, chargée de mission, Dominique GENTIER, assistante DIREN 12 septembre Michel DANTIN, Conseiller Technique au Cabinet du Ministre de l'Agriculture et de la Pêche 12 octobre Hugues BOUZIGES, Préfet des Pyrénées-Orientales 17 octobre Rencontre avec le Bureau de l'Association nationale des élus de la montagne (ANEM) : Martial SADDIER, président, Henri NAYROU, secrétaire général, Chantal ROBIN-RODRIGO, Frédérique MASSAT, René RETTIG, Pierre BRETEL, directeur, Hervé BENOIST, chargé de mission 17 et 18 octobre Déplacement dans le Trentin (Italie) : préparation de la mission d'évaluation comparative Rencontre avec Romano MAZE directeur, Maurizio ZANIN, Claudio GROFF, Lorenzo VALENTI, du Service Forêt Faune de la Province de Trente 23 et 24 octobre Déplacement en Asturies (Espagne) : préparation de la mission d'évaluation comparative. Rencontre avec Juan José ARECES du Ministère espagnol de l'Environnement, José GARCIA GAONA, Directeur, Teresa SANCHEZ COROMINAS, Juan Carlos DEL CAMPO, Miguel FERNANDEZ OTERO des Services de la Principauté des Asturies, Belarmino FERVIENSA, Maire de Somiedo 26 octobre Déplacement en Slovénie : préparation de la mission d'évaluation comparative Rencontre avec Chantal de BOURMONT, Ambassadrice de France, Louis Charles ARRIVE, adjoint au Chef de la mission économique et Marine REBOUL, assistante, Janez KASTELIC Directeur de la nature et des paysages, Marko JONOZOVIC de l'Institut Forestier 6 Novembre Marc CABANE, Préfet des Pyrénées-Atlantiques, Jean-Luc TRONCO, Sous Préfet d'Oloron-SainteMarie Marc TISSEYRE, directeur départemental de l'agriculture et de la forêt des Hautes-Pyrénées. Emmanuel DIDON, adjoint au DDAF des Hautes-Pyrénées. 8 novembre Jean-François VALETTE, Préfet de l'Ariège Mickaël DORE , Sous Préfet de Saint-Girons Philippe QUAINON, directeur départemental de l'équipement et de l'agriculture de l'Ariège Anne CHENE, ingénieure à la DDEA de l'Ariège 20 novembre Gilbert SIMON, vice-président de l'association FERUS Bertrand AUBAN, sénateur de la Haute-Garonne, maire d'Eup 84 18 décembre Jean-François CARENCO, préfet de la région Midi-Pyrénées André BACHOC, directeur régional de l'environnement, Thierry GALIBERT, directeur-adjoint, Evelyne SANCHIS, chargée de mission, Dominique GENTIER, assistante DIREN 15 janvier 2008 Georges DHOM, éleveur d'ovins à Orincles (Hautes-Pyrénées) Patrice JEANDEAUX, éleveur d'ovins à Arrodets es Angles (Hautes-Pyrénées) Patrice MERIGAUX, éleveur d'ovins à Gez es Angles (Hautes-Pyrénées) 16 janvier 2008 Lucie BERGEZ BENEBIG, Laurent MONTREPOS, éleveurs à Arette Yannick LAMAZOU, éleveur, Pierre BONNEAU, berger, à Lucq-de-Béarn, Jean-Luc TRONCO, sous-préfet d'Oloron-Sainte-Marie Didier HERVE, directeur de l'Institut Patrimonial du Haut-Béarn (IPHB) François GOUSSE, directeur départemental de l'agriculture et de la forêt des Pyrénées-Atlantiques Gérard CAUSSIMONT, président du Fonds d'intervention éco-pastoral (FIEP) 17 janvier : réunion à la mairie de Laruns (accueil par André BERDOU, maire), avec : Madé MAYLIN, Fédération transpyrénéenne des éleveurs de montagne (FTEM) Jean-Pierre POMMIES, Groupement pastoral de l'Ouzoum, membre de la FTEM Serge LOUSPLAAS, Groupement pastoral de l'Ouzoum, membre de la FTEM Marcel ACCOCEBERRY, éleveur à Larrau, membre de l'Association de défense des éleveurs du pays basque (ADEB) Jean-Marc BENGOCHEA, éleveur à Larrau, membre de l'ADEB André CASASSUS, berger à Gère et Belesten (vallée d'Ossau) Marc PARIS, éleveur à BIELLE (vallée d'Ossau) Philippe LAHOURCADE, éleveur à Arette (vallée du Barétous) Pierre CASASSUS-LACOUZATTE, éleveur à Aste Béost (vallée d'Ossau), membre de la FTEM et de l'ADDIP Albert ELGOYHEN, éleveur à Accous (vallée d'Aspe) Bertrand CLAVERANNE, éleveur à Lées-Athas (vallée d'Aspe) Pierre GANISSERE, éleveur à Lées-Athas (vallée d'Aspe) Corrine CANIOU-TUNCAS, éleveur à Escot (vallée d'Aspe) Joseph PAROIX, éleveur à Laruns, porte-parole de l'association des éleveurs transhumants OssauAspe-Baretous, Conseil de gestion patrimoniale de l'IPHB 18 janvier Jean-François DELAGE, préfet des Hautes-Pyrénées Jean de CROZEFON, directeur des politiques de l'Etat à la Préfecture des Hautes-Pyrénées Marc TISSEIRE, directeur départemental de l'agriculture et de la forêt des Hautes-Pyrénées Rouchdy KBAIER, directeur du Parc national des Pyrénées-Occidentales 24 janvier Pierre CASTERAS, président de la Confédération pyrénéenne du tourisme Christian JOUVE et Anne BUSSELOT, Commissariat à l'aménagement des Pyrénées - DIACT Francis GIORA, délégué régional au tourisme Midi-Pyrénées Pierre-Yves QUENETTE, Equipe technique Ours - ONCFS Jean-Marie NICOLAS, sous-préfet de Saint-Gaudens 25 janvier Robert LAURENS, éleveur, président du Groupement pastoral d'Artigue (Haute-Garonne) Daniel GRAND, éleveur à Labach ­ Melles (Haute-Garonne) Frédéric ARTIGUE, éleveur à Boutx 85 26 février Jean-Louis CAZAUBON, vice-président de l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture (APCA), président de la Chambre régionale d'agriculture Midi-Pyrénées, président de la Chambre d'agriculture des Hautes-Pyrénées 2 mars René-Marc WILLEMOT, directeur de l'environnement et du développement durable au Conseil régional Midi-Pyrénées (entretien téléphonique) Vincent FONVIEILLE, président, directeur général de La Balaguère (entretien téléphonique) Jean-Claude RIVERT, vice-président du Comité régional de randonnée pédestre en Midi-Pyrénées ­ CORAMIP (entretien téléphonique) 10 mars Jean-Pierre POLY, directeur général de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) Pierre MIGOT, directeur des études et de la recherche. ONCFS 12 mars Serge SOUQUE , éleveur à Salsein (Ariège) Christian MOLE, éleveur à Audressein (Ariège) Gérard DUBUC, maire de Saint-Lary (Ariège) Charles ACAP, trésorier du Groupement Pastoral du Barestet à Saint-Lary 13 mars Jean-François VALETTE, préfet de l'Ariège François TOULIS, président de la Chambre d'agriculture de l'Ariège André ROUCH, vice-président du Conseil général de l'Ariège délégué au syndicat mixte de préfiguration du PNR des Pyrénées ariégeoises, président de la fédération pastorale ariégeoise Philippe LACUBE, éleveur, président de l'ADDIPP Jean-François RUMMENS, directeur de la fédération pastorale ariégeoise Jean FREBY, ONF Ariège-Haute-Garonne 14 mars Michel ROUFFET, ODIT-France, DEATM, responsable de l'antenne des Pyrénées Jacques MARINIER, directeur territorial de l'ONF Sud-Ouest David CARLIER, directeur de la Confédération pyrénéenne du tourisme Dominique PELISSIE, directeur régional de l'agriculture et de la forêt Midi-Pyrénées Jacques RUFFE, chargé de mission tourisme au Conseil régional Midi-Pyrénées 18 mars Loïc MATRINGE, représentant du DIREN Aquitaine à Pau Sabine MATRAIRE, Association FERUS 19 mars René ROSE, Maire de Borce Jean-Marc PRIM, responsable montagne, Chambre d'Agriculture des Pyrénées-Atlantiques 20 mars Hélène ROULAND-BOYER, sous-Préfète d'Argelès-Gazost Chantal ROBIN RODRIGO, Députée des Hautes-Pyrénées . Pierre MARTIN, responsable montagne à la Chambre d'Agriculture des Hautes-Pyrénées M. CASTERAN Président de l'association des bergers des Hautes-Pyrénées, Guillaume TOURNEMOULY, Mathieu LUCBERT membres de l'association des bergers des Hautes-Pyrénées 86 21 mars Yannick BOURNAUD, Président du Centre Régional de la Propriété Forestière MidiPyrénées.(CRPF) Jean-Louis CHAIRE , gérant du groupement forestier de Heche (65) Robert CABE, maire d'Artigues, Président de l'Association des Communes forestières de Hautes Garonne Luc BOUVAREL, Directeur du CRPF Midi-Pyrénées M. MAURY, Président du syndicat interdépartemental des propriétaires forestiers sylviculteurs (3165-82) Jacques MIRAULT, ONF Direction Territoriale Sud-Ouest 26 mars Michel SICRE, éleveur, Président de la Fédération ovine de l'Aude Gérard BEDOS, Responsable du SUAIA Pyrénées Jean ARZUL, Jean-François et Roger TOUSTOU, éleveurs Olivier MORENO et Olivier BEDOS, éleveurs. Jean-Luc DAIRIEN, directeur DDAF, et Christine MEUTELET, technicienne DDAF Stéphanie RUBIO, animatrice pastorale des groupements pastoraux Aude Jean-Charles GLEIZES., technicien Fédération des chasseurs Jean Louis CASSIGNOL, technicien ONCFS. 27 mars Michel GUALLAR. Président de la Chambre d'Agriculture des Pyrénées-Orientales . Bernard REMEDI. Consller Général.Maire de Prats de Mollo Guy ILARY, Président de l'Association départementale des Maires Alain ESCLOPE, Président de la Fédération départementale des Chasseurs. Bernard MOULINES, Sous Préfet de Prades. Entretiens téléphoniques : Emmanuel BERTHIER, Préfet des Hautes-Pyrénées Georges AZAVANT, Président du Parc National des Pyrénées-Occidentales. Bruno LEROUX, Président de l'association « Aude Claire » 87 ANNEXE 10 : ELEMENTS BIBLIOGRAPHIQUES Cette liste ne retient que des ouvrages collectés ou connus pendant les déplacements de la mission à l'étranger. Riesgo de estinction del oso pardo cantabrico. La poblacion occidental . Fundacion Oso de Asturias. J.Noves, T.Wiegand, A.Fernandez, T.Stephan. 1999. Demografia, Distribucion, genetica, y conservacion del oso pardo cantabrico. Ministerio de medio ambiente. G.Palomero, F.Ballesteros, J;Herrero, C.Noves. Tafonomia y paleoecologia de ursidos cuaternarios cantabricos. Fundacion Oso dee Asturias. A-C.Pinto Llona, P-J.Andrews, F.Etxebarria. 2005. Osos y otros carnivoros de la Sierra de Atapuerca. F.O.A. 2003 N-G.Garcia. Somiedo . Parc Natural. Reserva de la Biosfera. Asturias Paraiso natural. Gobierno de el Principiado de Asturias. Consejeria de cultura. Comunicacion social y turismo. Fondo para la proteccion de los animales salvajes (FAPAS) . Boletin Abril 2007. n° 78. FORO . La gestion del Jabali en relacion con la conservacion del oso pardo . FOA. Los cazadores asturianos y la conservacion del oso . Manual para cazar en las zonas osers asturianas. Fundacion Oso Pardo. Studio de fattibilità per la reintroduzione del'orso bruno sulle alpi centrali. E.Dupré, P Genovesi, L Pedrotti Istituto Nazionale per la fauna selvatica. 2000 L'orso bruno è pericoloso . Il progetto di ricerca scandinavo sull'orso bruno. Björn experten i Orsa. Provincia Autonoma di Trento. 1996. A caccia nella terra dell'orso bruno . Iniziativa di communicazione rivolte ai cacciatori. Provincia autonoma de Trento. Associazione cacciatori trentini. 88 Allevatori nella terra dell'orso . Provincia autonoma di Trento . The bears of Yellowstone. Paul Schullery. Edité par Robert Rinehart, inc publishers. From the fields. Brown bear habituation to people. Safety, risks and benefits. Stephen Herrero, Tom Smith, Terry D.Debruyn, Kery Gunther, Colleenn A Matt. Wildlife Society bulletin. 2005. Food Habits of grizzly bears and black bear in the Yellowstone ecosystem. Kerry Gunther Information paper. Bear Management Office. March 2003. Yellowstone National Park. Miedvedi . Bears . Ours. Répartition, écologie, gestion et protection Ours brun , ours noir asiatique et ours polaire, en Russie et régions avoisinantes. M A Vaïsfeld , I E Tchestin. Académie des Sciences de Russie. Moscou, Nauka,1993. 89 INVALIDE) (ATTENTION: OPTION ux), l'exploitation régulière (par petites coupes rases de quelques dizaines de mètres de diamètre) concerne la quasi-totalité de la forêt, à l'exception de périmètres de 200m autour des zones de tanières connues. Conduite par des moyens classiques, l'exploitation a motivé la création d'un réseau dense de routes forestières 52. Hors activité d'exploitation, les routes et pistes forestières ne sont interdites qu'aux « véhicules à roues », mais pas aux piétons. Des différences significatives existent ainsi entre territoires forestiers fréquentés par l'ours, quant à l'exploitation et quant à la pénétrabilité. Sur ce dernier point, les « zones critiques » asturiennes du parc de Somiedo sont interdites à la pénétration des touristes, par des dispositions réglementaires. En Italie, le massif de la Brenta est quant à lui défendu par son relief particulièrement escarpé et compliqué : l'exploitation forestière y est inexistante au dessus de 1700m. La pénétrabilité de la forêt slovène est peut-être compensée pour la tranquillité de l'ours par sa grande étendue et la compacité de cette forêt dans la zone à ours du sud du pays, forêt à peu près continue dans laquelle les zones urbanisées et agricoles constituent des îlots. Cette pénétrabilité de la forêt est toutefois de nature à favoriser l'accoutumance des ours à la présence humaine, concurremment avec le nourrissage. Pour les Pyrénées, les pentes fortes qui caractérisent les zones à ours ont conduit à préconiser l'exploitation des coupes par câble, qui demande moins d'équipements pérennes en routes et pistes de pénétration . 52 Soit 25 m de routes forestières et 200m de pistes d'exploitation par hectare, adaptés au débusquage par tracteurs à une distance maximale de 60m. Cette densité de voies forestières est élevée par rapport aux standards français d'équipement routier en forêt de production . 32 Mais l'équilibre économique de l'exploitation par câble, même avec des incitations financières, implique des prélèvements importants sur des surfaces significatives, avec pour conséquence un retour de l'exploitation sur les mêmes surfaces après plusieurs décennies seulement, donc des perturbations appréciables des milieux, suivies de périodes de quiétude prolongées. L'ouverture des milieux qui y correspond paraît être favorable au développement de la végétation arbustive productive de baies ; cette ouverture paraît cependant défavorable au développement des myrtilles, qui demandent un couvert arboré léger. La sylviculture progressive de peuplements forestiers irrégularisés par parquets et bouquets, préconisée dans le plan de restauration de l'ours pyrénéen, ne paraît guère compatible avec l'exploitation par câble préconisée pour limiter la création d'accès routiers aux sites sensibles de l'habitat de l'ours. D'autre part, dans le contexte d'une mobilisation accrue des bois demandée à l'ensemble de la forêt, suite aux conclusions du « Grenelle de l'Environnement », le massif pyrénéen est l'un de ceux qui recèle des volumes de bois peu exploités depuis longtemps, susceptibles de déstockage. Il paraît donc nécessaire qu'une protection stricte des zones de quiétude (souvent forêts de sapins sur très forte pente, difficilement exploitables) et des zones d'élevage des jeunes (milieux plus ouverts) soit instituée. Les zones vitales sont bien connues et cartographiées, et prises en compte en Béarn, moins connues encore en Pyrénées-Centrales où elles semblent toutefois souvent se situer en forêt domaniale. Concilier un accroissement de la mobilisation de bois pour réduire les émissions de CO2 et la présence de l'ours demande ainsi une amélioration des connaissances sur l'utilisation des milieux forestiers par l'ours : si la situation slovène montre que l'ours peut vivre, en forte densité, en forêt régulièrement exploitée, l'objectif pyrénéen de garder le plus possible les ours en forêt doit viser deux objectifs : - quiétude pour éviter toute accoutumance à l'homme, - et nourriture en forêt pour limiter les incursions de l'ours dans les estives. En forêt domaniale, la règle des « 2/3 - 1/3 », édictée dans les années 1990, et transcrite dans le « guide de gestion forestière en zone à ours en Pyrénées-Centrales. Office National des Forêts. 1994 » est toujours en vigueur53 et appliquée. Il s'agit, à l'échelle d'une unité de gestion forestière, d'assurer en permanence une absence de perturbation par des chantiers sur les 2/3 de la superficie. Cette disposition n'est applicable et intéressante qu'à l'échelle de territoires assez vastes relevant d'une gestion commune. Selon les gestionnaires forestiers pyrénéens, « la mévente des bois pyrénéens depuis 2000 après les grands chablis, l'absence de coupes forestières, ont conduit au respect spontané de cette règle ». La révision du guide ONF de gestion forestière en zone à ours est en cours. Il adopte une approche différente : des zones de quiétude, correspondant notamment à des sites vitaux54 pour l'ours, spontanément non perturbées, (généralement forêts inexploitables, inaccessibles ou rocheuses, trop pentues) sont identifiées. Il est prévu d'en évaluer ensuite le complément à rechercher, en instaurant si nécessaire des contraintes à l'exploitation des autres surfaces domaniales. Ce travail est en cours, avec une phase technique s'achevant mi-mai 2008, et une concertation avec les propriétaires communaux et privés au deuxième semestre. 53 54 Ce guide a été approuvé par arrêté interministériel du 28 mars 1994. Voir définition page 13. 33 Dans les Pyrénées centrales, les terrains domaniaux représentent 20% environ des espaces naturels, forêts et pâturages, soit 35 000 ha sur 180 000 ha. Leur proportion dans le Haut Comminges et le Haut Couserans atteint 40%. Les forêts domaniales, champ d'application directe de ce guide représentent donc une part significative du territoire. L'application de ce guide à la gestion forestière, comme l'adaptation des modes de chasse et des pratiques pastorales en terrains domaniaux, sont des opportunités pour une meilleure prise en compte des besoins vitaux de l'ours. L'Etat, de fait, a la possibilité, et la responsabilité, de prendre les mesures nécessaires dans ces territoires plus que dans ceux qui ne sont pas de sa maîtrise directe. C'est pourquoi la mission recommande à la Direction de la Nature et des Paysages d'entreprendre, avec la Direction générale de l'ONF, une étude des mesures à prendre dans les forêts domaniales comprises dans les nouveaux territoires de présence. Concernant la seule gestion forestière, ces mesures pourraient notamment étudier : - la mise en réserve biologique domaniale des zones de quiétude spontanées (inaccessibles, rocheuses, pentues), et éventuellement d'autres surfaces domaniales (exploitables) en complément ; - la modification d'itinéraires de randonnée, suivant l'analyse précédente des zones de quiétude ; - l'examen des modalités de chasse sur ces territoires (interdiction dans les réserves de chasse, achèvement de la saison de chasse au 1er décembre). Concernant les autres problématiques présentées ci-après (4.4.2 et suivants) et se situant en forêt domaniale, ces mesures pourraient étudier : - l'amélioration de la disponibilité alimentaire (production des myrtillaies, mise en place dans des sites adéquats des cultures de légumineuses et céréales, plantation de fruitiers de variétés autochtones) et la participation à son suivi ; - la participation à la mise à disposition de pièces de grand gibier pour nourrissage ; - la maîtrise des densités de grands ongulés (plans de chasse permettant de maintenir le cerf à des densités de 1 à 2 animaux /100ha, régulation du sanglier à un niveau comparable) ; - la poursuite des expérimentations de LIFE ours 1998 ; - l'élaboration d'un volet pastoral dans les directives régionales d'aménagement (qui pourraient s'inspirer des recommandations des DOCOB relatives aux milieux pastoraux, notamment en ce qui concerne le gardiennage) ; - le soutien aux investissements de protection, par l'allègement des redevances domaniales. Concernant le suivi des populations d'ours (chapitre 5), la participation de l'ONF pourrait comprendre : - la mise à disposition de 200 journées de personnels au printemps, pour effectuer les comptages sur neige « orso » ; - la communication à l'ETO de tous les indices recueillis sur le terrain au cours de l'année par les fonctionnaire et ouvriers de l'établissement. 34 Conformément au Contrat Etat-ONF 2007-2011 en vigueur, l'ensemble de ces mesures devra faire l'objet d'étude d'impact technique et financier. Concernant les autres forêts, communales et privées, la mission estime que l'étude de tout ou partie de ces mesures est également nécessaire, en concertation avec l'Union massif des communes forestières des Pyrénées pour les forêts communales, et avec les trois Centres régionaux de la propriété forestières (CRPF). 4.4.2 la participation des chasseurs et des randonneurs Pour la chasse, la majorité des surfaces pyrénéennes fréquentées par l'ours est chassée. Dès les premières réintroductions de 1996/1997, l'Etat s'est engagé à ne pas imposer de mesures réglementaires 55 concernant la chasse en présence d'ours dans le massif des Pyrénées. Des chartes56, négociées entre l'Etat et les fédérations de chasseurs, prévoient la formation et l'information des chasseurs, et les actions appropriées aux situations jugées à risques. Elles prévoient aussi une évaluation des actions à la fin de chaque saison cynégétique et leur réexamen pour les saisons suivantes. Deux jugements récents, cités supra, concernant les arrêtés d'ouverture et de clôture de la chasse, et le tir de la dernière ourse de souche pyrénéenne, précisent l'appréciation par la justice des dispositions en vigueur. Pour le juge pénal, la battue est légale en l'absence d'interdiction formelle ; pour le juge administratif, la voie contractuelle (seule existante dans les Pyrénées-Atlantiques pour les animaux autres que les ourses suitées et les ours en tanière) est insuffisante pour assurer le respect de la directive Habitats. Si elles étaient finalement décidées après négociation, des réglementations limitées dans l'espace (réserves de chasse limitées à des sites vitaux connus) ou dans le temps (interdiction de battues en présence détectée d'ours) présenteraient cependant aujourd'hui quelques difficultés d'application : d'une part, si les sites vitaux des ours sont bien connus dans le Béarn, ils le sont peu encore dans les Pyrénées-Centrales ; d'autre part, en dehors de la minorité d'ours des Pyrénées-Centrales pourvus provisoirement d'un collier, un ours peut être présent dans une battue sans avoir été détecté, et un ours détecté dans un territoire de battue peut se trouver quelques heures plus tard dans un territoire voisin. On ne peut donc conditionner des mesures à la détection des ours, parce qu'ils ne sont pas toujours détectables. Les ours n'étant pas détectables, il paraît exclu de faire de réserves de chasse à l'échelle des territoires de présence proposés : dans chaque cas, ces réserves occuperaient une surface appréciable de plusieurs communes. Ceci n'existe d'ailleurs pas dans les territoires similaires des pays voisins, et ne manquerait pas de créer des problèmes avec sanglier et cerf, y compris pour l'ours. 55 56 Plan de restauration, page 122. Charte entre l'Etat et la fédération des chasseurs de Haute-Garonne, signée pour la saison 2007-2008. Charte entre l'Etat et la fédération des chasseurs des Pyrénées-Atlantiques, signée pour la saison 2005-2006, reconduite en 2006-2007. 35 Il apparaît donc à la mission, au vu de ces décisions de justice et de l'évaluation des chartes pour les saisons à venir, que les seules voies d'amélioration de la situation sont à la fois la création de réserves dans les sites vitaux57 pour l'ours, au fur et à mesure que ceux-ci sont connus, et la formation des chasseurs à la pratique de la chasse en territoire à ours. La mission recommande donc : - En forêt domaniale, les réserves de chasse et de faune sauvage58, venant à échéance, devraient être reconduites par précaution. Leur modification ultérieure ne devrait intervenir que dans le cadre de l'application du guide de gestion forestière en zone à ours, identifiant les zones de quiétude, et en fonction de la meilleure connaissance de l'utilisation du territoire par l'ours. - En dehors des territoires domaniaux, les sites vitaux identifiés pourraient être progressivement comprises dans les réserves de chasse des Associations communales de chasse agréées59 (ACCA). En dehors de ces zones, la détection (plus aléatoire) d'ours devrait inspirer des méthodes plus précautionneuses : chiens tenus en laisse, et utilisation de talkies walkies ; formation à la distinction ours/sanglier ; formation à l'attitude à tenir en cas de rencontre avec l'ours, en s'inspirant de l'expérience asturienne. Pour prendre ces mesures à bon escient dans les Pyrénées-Centrales, il est nécessaire de mieux connaître l'utilisation du territoire par l'ours. Un suivi efficace de la présence de l'ours, tel que celui qui se pratique dans les Asturies, permettant une amélioration continue des connaissances, doit donc fonctionner. Les zones de tanières ne seront identifiables que progressivement : le choix des animaux actuellement suivis montre un certain éclectisme dans les choix des sites de tanières, en matière d'altitudes et d'expositions, ce qui laisse à penser que la caractérisation de ces zones par des critères physiques du milieu (pente, altitude, exposition, couvert forestier, confinement ...) est difficile, d'autant que l'on manquera de données d'étalonnage. On peut noter qu'en Cantabrique, bien que le suivi soit dense, la connaissance continue à évoluer. En Slovénie, les zones de tanières correspondent à des formations de Karst à cavernes et sont ainsi connues et prises en compte. Il semble difficile dans le contexte pyrénéen de localiser avec précision des zones de tanières assez restreintes pour y édicter des règles de gestion. Une mesure peut être d'arrêter la chasse au 1er décembre dans les zones à tanières connues et les plus probables. Par ailleurs, les informations régulières sur la localisation des ours concernent essentiellement les ours pourvus d'émetteurs. La disparition de ceux-ci implique la prise en compte de tous les indices et des synthèses préalables. 57 58 Voir définition page 13. Article L. 422-27 du Code de l'environnement. 59 Article L 422-2 du Code de l'environnement. Cette mesure est d'ailleurs actuellement à l'étude dans le département des Pyrénées-Atlantiques. 36 Ainsi, les indices (poils, fèces) peuvent donner des indications datées, mais pas toujours. Les recherches simultanées d'indices sur neige peuvent en donner fin avril-début mai « dernière neige » et septembre-début octobre « première neige ». La possibilité et la date de ces opérations sont dépendantes des conditions climatiques. Les dates des synthèses qui peuvent être proposées utilement, sont en juin, avant la montée des troupeaux en estive, et fin août, avant l'ouverture de la chasse (données de juin actualisées de données estivales sur les pièges à poils). Par ailleurs, pour les itinéraires de randonnée, des modifications de tracé pourraient être envisagées, en forêt domaniale, en fonction des connaissances sur le besoin de l'ours en zones de quiétude. Une négociation avec la Fédération française de la randonnée pédestre (FFRP) et ses comités régionaux et départementaux, et avec d'autres associations de randonnée et d'opérateurs du tourisme, devrait être engagée. Enfin, l'interdiction des voies forestières à la circulation automobile privée est aujourd'hui la règle et il est important qu'elle soit appliquée. 4.4.3 l'amélioration de la disponibilité alimentaire La disponibilité alimentaire du milieu paraît pouvoir orienter largement le régime alimentaire de l'ours brun60, ce qui valide la recherche d'amélioration en ce sens. L'ours Cantabrique, réputé se contenter de quelques carcasses de nourriture animale, dispose d'un milieu forestier riche en ressource alimentaire végétale : il est végétivore. Il semble que la situation du territoire béarnais soit relativement satisfaisante en matière de disponibilité alimentaire pour l'ours, la politique conduite par l'IPHB61 avec ses partenaires, notamment les communes forestières, ayant, avec la présence permanente des ours, conservé en bon état les milieux forestiers qu'il fréquente. Les préconisation ci-dessous concernent donc essentiellement les Pyrénées-Centrales, avec des objectifs à court, moyen et long terme. pour le court terme : valoriser en priorité l'existant Il est nécessaire en premier lieu d'améliorer la production des myrtillaies en forêt domaniale, dont la production assure une part significative de l'alimentation de l'ours62. Un travail de recherche technique sur ce thème a été confié en 1994 à l'ONF pour préciser les techniques à mettre en oeuvre. Des protocoles expérimentaux ont été mis en place, mais ce travail n'a pas fait l'objet de suivi et d'évaluation. 60 Aux USA, dans un contexte différent, les milieux du Yellowstone, sous climat sec, sont pauvres en ressources végétales pour l'ours. De plus, les ongulés, bison et cervidés en densité importante, exploitent l'essentiel de la ressource végétale, avec un impact fort sur la végétation, bien révélé par des enclos témoins. L'ours brun y est largement carnivore. Par contre, dans le Parc des Glaciers, plus humide et bien pourvu de baies et autres végétaux appétents, le même grizzly se nourrit à plus de 90% d'herbe et baies. 61 Institution Patrimoniale du Haut-Béarn. 62 Plus du quart, selon Berduccou, Falliu et Barrat, 1990. 37 La mission recommande que ce programme soit réactivé, pour déboucher sur des réalisations concrètes, d'autant que les dispositifs expérimentaux déjà installés sont à même de livrer certains résultats. Les conclusions des expérimentations lancées ensuite plus largement en 1998 sur les modalités d'amélioration des ressources alimentaires végétales, dans le cadre du programme LIFE Ours devraient aussi être tirées. Les protocoles expérimentaux mis en place ou projetés devraient être rénovés et exploités. Il pourrait également être envisagé le nourrissage de l'ours dans des lieux d'alimentation potentiels. L'abandon sur place de pièces de grand gibier (cerf, sanglier) pourrait contribuer de façon très naturelle à l'alimentation en protéines de l'ours63, en automne et, suivant des formules à étudier, au printemps. Les tirs correspondants devraient se faire sous couvert forestier dense pour éviter les vautours, et loin de toute ressource d'eau potable et des itinéraires de randonnée. L'adaptation des tarifs de tir (bracelets utilisés dans ce cas) des animaux, soumis au plan de chasse, reste aussi à étudier. Cette question du nourrissage fait néanmoins débat. Elle s'argumente à plusieurs niveaux : nourrir l'ours en forêt permet de le maintenir à distance des lieux habités ou de ceux où on ne veut pas qu'il aille ; il permet le suivi et le comptage ; il donne l'occasion de le capturer ou de l'éliminer. A côté du débat éthique sur l'intervention de l'homme et l'artificiel, cette pratique peut sembler pertinente pour cantonner l'ours en cas de forte densité (Slovénie, USA 64), mais il est alors absolument nécessaire qu'elle se fasse dans des lieux forestiers très éloignés des zones habitées et pastorales, avec précautions olfactives et de façon aléatoire, pour lui éviter d'associer ce nourrissage avec la présence humaine. Il n'est pas certain que le territoire pyrénéen soit adapté à toutes ces données, mais il n'est pas interdit d'étudier la question. De même, le nourrissage au maïs, pratiqué en Slovénie 65, doit-il être soigneusement mis en oeuvre pour éviter une accoutumance qui inviterait le plantigrade à descendre dans les champs de maïs de la plaine, nombreux dans les Pyrénées. pour le moyen terme : planter des végétaux herbacés alimentaires Les gestionnaires du Montana ont insisté sur la valeur alimentaire des différentes espèces de trèfle pour l'ours, alimentation végétale particulièrement riche en protéines. Il est connu d'autre part que l'ours apprécie les céréales (blé, orge, avoine) avant maturité complète, au stade « grain pâteux ». Ce type de culture pourrait être installé en forêt, sous réserve de trouver des sites de qualité de sol convenable, éloignés des zones fréquentées, pour éviter à la fois dérangement et accoutumance à l'homme . La mission recommande de réaliser des cultures de légumineuses (source de protéines) et de céréales. 63 64 Selon Christopher Servheen, la consommation de carcasses n'induit pas de comportement prédateur. Ce nourrissage sur sites aléatoires est pratiqué dans le Montana, avec des cervidés victimes de collisions. 65 Nourrissage sur plateaux sur pilotis et maïs dans caissons en bois avec couvercle pour éviter l'utilisation sauvage par les sangliers et les corbeaux. 38 pour le long terme : planter des fruitiers La plantation d'arbres fruitiers (pommiers, poiriers) de variétés locales adaptées et d'arbres forestiers (châtaigniers, voire chênes), s'ils sont absents alors que les conditions de milieu sont favorables, sont à terme indispensables. Un inventaire et une cartographie des plantes alimentaires de l'ours brun en Pyrénées-Centrales (ONF, Life Ours, 1988) ont été réalisés : plantation d'espèces arbustives, mise en oeuvre des mesures d'amélioration des milieux préconisées par les études, optimisation de la disponibilité des baies et fruits forestiers dans les forêts publiques. En forêt communale, et surtout en forêt privée où se situent souvent les milieux les plus fertiles, des actions de même nature peuvent être envisagées avec les propriétaires, en particulier en ce qui concerne la plantation de fruitiers, suivant des formules contractuelles à préciser, prenant en compte le fait que ces plantations ne sont pas susceptibles d'apporter un revenu aux propriétaires. Des plants d'espèces et variétés autochtones de fruitiers pourraient être fournis gratuitement aux propriétaires pour les inclure dans leurs plantations forestières. et intégrer ces modalités de gestion « ours » dans les documents d'orientation et de planification forestière Au delà, il serait intéressant que le schéma stratégique de massif forestier pyrénéen, en cours d'élaboration (phase d'état des lieux), à l'initiative de l'Union de massif des communes forestières pyrénéennes, et auquel participent activement les forestiers privés et l'ONF, prenne en compte les spécificités de gestion des espèces pyrénéennes emblématiques, l'ours et le grand tétras. La refonte des « règles de gestion forestière en zone à ours » de l'ONF récemment entreprise (voir 4.4.1) par cet établissement pourra, au delà de ses applications en forêt domaniale, apporter de propositions techniques à ce schéma stratégique. limiter la concurrence avec les grands ongulés L'ours du sud-ouest européen est très majoritairement végétivore, 70 à 75% de son alimentation est d'origine végétale, les protéines animales lui étant surtout nécessaires au sortir de l'hibernation, et avant d'y entrer. Aux époques de disponibilité de myrtilles (aoûtdécembre), celles-ci peuvent représenter plus de la moitié de son alimentation. Depuis le XIXème siècle quand les Pyrénées hébergeaient une population viable d'ours, avec des surfaces forestières notablement plus faibles qu'actuellement, et partiellement pâturées par du bétail, la disponibilité alimentaire pour l'ours en forêt a très vraisemblablement augmenté. Toutefois, le développement des cerfs et sangliers, à peu près inexistants à l'époque, est maintenant de nature à réduire cette disponibilité. Pour le sanglier, il s'agit de compétition directe. Pour le cerf, il s'agit à la fois de compétition directe sur l'herbe en croissance printanière riche en protéines, et de compétition indirecte par abroutissement de plantes à fruits. Cette compétition est à même de s'exercer partout, et notamment dans les zones de quiétude des ours. 39 Dans les communes des Pyrénées-Centrales, les densités de cerf atteignent 3 à 6 pour 100 ha et celles de sanglier 2 à 8 pour 100 ha66. A titre de comparaison, en Asturies, les densités, variables selon les territoires, sont de l`ordre de 2 cerfs pour 100 ha, et 1,5 à 2,4 sangliers pour 100 ha ; dans le Trentin : 1cerf/100 ha, sanglier absent ; en Slovénie, 5 cerfs/100 ha et 1 sanglier/100 ha. Ainsi ces densités sont-elles les plus fortes en Pyrénées-Centrales. Les comparaisons entre territoires à composition floristique et productivités différentes doivent être maniées avec précaution, mais la compétition alimentaire par le sanglier, notée dans les Asturies, s'exerce très probablement aussi dans les Pyrénées. Concernant le cerf, les densités très fortes présentes dans les Pyrénées centrales, Luchonnais et Barousse, sont reconnues empêcher depuis une décennie au moins la régénération d'une espèce forestière majeure, le sapin. De façon plus discrète, les espèces arbustives à baies, tel le framboisier, sont pratiquement éliminées 67. L'étendue des territoires et la diversité des ressources permettent à l'ours de s'alimenter convenablement malgré cette raréfaction de la ressource, mais il est probable qu'une plus forte densité de cette ressource en baies et autres végétaux en forêt serait de nature à réduire les déplacements des ours, notamment hors forêt. L'impact des cervidés pourrait être mieux appréhendé par l'exploitation de nombreux dispositifs d' « enclos-exclos », y compris les placettes « RENECOFOR 68 », existants dans les Pyrénées centrales, dans une démarche pluriannuelle. Le retour à des densités plus basses de cervidés conditionne le renouvellement de la forêt de sapin en Haut Comminges et en Barousse, actuellement compromis ; la maîtrise des densités de cervidés et sangliers est nécessaire au bon état de la végétation intéressante pour l'ours (et pour le grand tétras), y compris les cultures que l'on propose de réaliser pour l'ours. D'autre part, la constitution de zones de quiétude pour l'ours, notamment en implantant les réserves d'ACCA dans les territoires favorables, peut conduire à un développement des sangliers dans ces zones refuges : les ongulés « apprendront » assez vite à utiliser les zones de refuge quand c'est nécessaire, même avec une densité forte, pour le reste du temps occuper l'espace disponible. La régulation du sanglier dans ce cas pourrait mettre à profit l'expérience asturienne de chasse dans les « zones critiques » pour l'ours cantabrique. La mission recommande à l'administration, en concertation avec les chasseurs, pour les espèces soumises au plan de chasse, et aux chasseurs (fédérations départementales de chasse) pour les sangliers, de limiter la pression des cervidés et des sangliers. Il lui paraît utile d'assurer un suivi de l'évolution de la ressource alimentaire végétale disponible pour l'ours compte tenu de cette compétition. Ce suivi peut se faire à partir d'un réseau de placettes couplées à des témoins mis en défens des ongulés, implantées en des sites représentatifs de la flore qui concourt à l'alimentation de l'ours, sur l'ensemble du territoire concerné. 66 67 Source ONCFS, densité de sanglier évaluée à partir des tableaux connus. Observation directe de dispositifs d'enclos-exclos de l'ONF. 68 RENECOFOR : Réseau National de suivi à long terme des ECOsystèmes FORestier. Réseau de placettes clôturées mis en place en forêt pour suivre l'évolution de divers paramètres des écosystèmes forestiers. Ces placettes non accessibles aux ongulés peuvent constituer des témoins de la flore herbacée/arbustive. 40 4.4.4 le renforcement des mesures de coexistence avec le pastoralisme ovin Si l'ours doit trouver suffisamment de tranquillité et de nourriture en forêt, il faut aussi que le mouton ne soit pas une proie facile pour lui : « on n'est pas là pour amener à manger aux prédateurs ». A l'échelle des territoires de présence identifiés (millier de km2), il n'est pas envisageable, économiquement et socialement, d'exclure l'élevage ovin extensif. Celui-ci est d'autre part, comme on l'a vu, le seul acteur de l'entretien de certaines zones. En premier lieu, la mission rappelle, s'il en était besoin, l'existence des différents rapports, indépendants du plan de restauration de l'ours, élaborés ces dernières années sur le soutien au pastoralisme : « Plan de soutien69 à l'économie de montagne (PSEM) ­ 2007-2013 » ; « La situation relative à la valorisation70 économique des produits agricoles du massif pyrénéen » ; « Les équipements pastoraux71 dans le massif pyrénéen » ; « Pastoralisme pyrénéen : proposition de plan72 d'actions ». Certaines des mesures budgétaires prises en prolongement de ces rapports sont prévues dans le volet en faveur de la filière agropastorale de la Convention interrégionale du massif des Pyrénées 2007-2013 et un nouvel arrêté 73 fixant les modalités d'attribution des subventions dans le cadre du PSEM est paru récemment. Par ailleurs, les collectivités territoriales, notamment les Départements, ont mis en place et/ou soutiennent des politiques et des instruments spécifiques : la Fédération pastorale de l'Ariège, le Centre de ressources pour le pastoralisme et la gestion de l'espace (CRPGE) des HautesPyrénées, l'Institution patrimoniale du Haut-Béarn (IPHB) dans les Pyrénées-Atlantiques. La mission fait évidemment siennes les propositions des rapports, ainsi que celles contenues dans l'évaluation74 du Plan de restauration et du PSEM qui les rappellent, et insiste sur leur indispensable mise en oeuvre, et notamment leur continuité budgétaire. Dans les territoires de présence des ours identifiés supra, et à leur périphérie, la mission estime nécessaire, dans le cadre du groupe de travail évoqué en 4.3.4, de travailler avec les Chambres d'agriculture et les représentants des éleveurs et bergers à renforcer les mesures de coexistence, particulièrement dans les domaines suivants : diagnostics de vulnérabilité, dispositifs de protection, gardiennage et bergers, indemnisation des pertes. Dans chacun de ces domaines, des mesures75 spécifiques pourraient être prises : les diagnostics de vulnérabilité des estives, avec une priorisation des mesures ; les dispositifs de protection, notamment quand cela est possible par des parcs de grande dimension permettant aux troupeaux d'y séjourner plusieurs jours consécutifs par temps de brouillard, car selon la mission et au vu des expériences visitées à l'étranger, il n'y a pas d'autre voie que de continuer à développer les mesures de protection, en faisant un effort particulier dans les sites vitaux et à leur périphérie ; 69 70 Rapport de la DRAF Midi-Pyrénées ­ octobre 2006. Rapport du Conseil général de l'agriculture, de l'alimentation et des espaces ruraux ­ mars 2007. 71 Rapport IGE/CGPC/CGAAER/IGAPA ­ juin 2007. 72 Note du Préfet de région Midi-Pyrénées ­ décembre 2007. 73 Arrêté du 10 avril 2008 du ministère de l'Agriculture et de la pêche « relatif au dispositif intégré en faveur du pastoralisme mis en oeuvre dans le cadre du PSEM » (J.O. du 30 avril). 74 Rapport IGE/CGAAER - « Evaluation à mi-parcours du Plan de restauration et de conservation de l'ours brun dans les Pyrénées françaises et évaluation du Plan de soutien à l'économie de montagne » ­ mars 2008. 75 D'autres aides, associatives (Fonds d'intervention éco-pastoral, Pastorale pyrénéenne), et liées à la présence de l'ours, sont également disponibles. 41 - les bergers : en raison du taux d'abandon important, il faut développer les formations76 de bergers pour augmenter le nombre de personnes formées. Il faut aussi développer le service de remplacement estival en bergers, couplé avec d'autres fonctions saisonnières, auprès des Chambres d'Agriculture volontaires, de façon à offrir des solutions de gardiennage à certaines estives, et à amplifier le service rendu par les Techniciens pastoraux itinérants, Il faut aussi positionner les bergers itinérants dans le territoire à ours des Pyrénées centrales et ses abords ; pour favoriser le gardiennage, travailler sur les formes sociétaires familiales d'agriculture (GAEC) au sein desquelles paraît plus facilement se résoudre le problème du gardiennage, sur les groupements d'employeurs ; - l'indemnisation des pertes dues à l'ours : les diagnostics de vulnérabilité les plus récemment élaborés conduisent à des prévisions de coûts de protection totale très élevés. L'efficacité des protections paraît se situer dans une logique de rendements décroissants, qui pourra être accentuée par le report des prédations des élevages très protégés, sur les élevages moins ou pas protégés. Le niveau globalement assez modeste des prédations habituelles par l'ours, non compris les accidents importants, tels les dérochements77, vis-à-vis des coûts d'investissement de protection, ainsi que le coût indirect élevé des indemnisations (lié notamment à la reconnaissance des dégâts dans des lieux éloignés des accès routiers), incitent à étudier la solution d'une forfaitisation de l'indemnisation des dommages, tout en maintenant l'aide aux dispositifs de protection. Une aide annuelle compensatrice de dommages, pourrait être assise sur le chargement d'animaux sur les espaces pastoraux à enjeux, et soumise à la mise en place des dispositifs de prévention reconnus identifiés comme prioritaires par un diagnostic de vulnérabilité. Les critères correspondant à ces enjeux pourraient être : - en premier niveau : la présence régulière de l'ours, suivant la définition de l'ONCFS pour l'ensemble de l'espace pastoral situé dans le territoire de présence, apprécié à l'échelle de la commune, - en second niveau : en site Natura 2000, l'identification et la recommandation du pastoralisme, comme moyen de maintien de milieux communautaires, tels la pelouse à gispet ou les prés de fauche de l'étage intermédiaire. - En estive propriété de l'Etat, un guide des bonnes pratiques pourrait utilement rappeler la vocation multifonctionnelle des terrains domaniaux, et dans ce cadre les pratiques pastorales à privilégier, sous une forme analogue à celle du guide de sylviculture en zone à ours. La prise en compte de la présence de l'ours pourrait se traduire par une réduction des redevances domaniales, proportionnellement à l'autofinancement des protections requises. Sur ce domaine essentiel de l'indemnisation des dégâts, et à côté de cette suggestion, la mission rappelle aussi les propositions78 du rapport d'évaluation du Plan de restauration ­voir nota 73. 76 La mission souligne la qualité des établissements de formation CFPPA des Hautes Pyrénées, soutenu par le Conseil général, et de Pamiers, soutenu par le Conseil régional. 77 L'attaque par l'ours est une cause de dérochement, parmi d'autres causes qui sont principalement, dans le contexte pyrénéen actuel, les attaques de chiens errants et les orages. 78 Il serait notamment intéressant d'étudier les avantages et inconvénients de la procédure d'auto-certification observée dans le Trentin. 42 D'autres mesures pourraient être étudiées dans les territoires de présence et en fonction de leurs caractéristiques, dans un terme plus prospectif et sans tabou : - envisager l'abandon des estives les plus dangereuses (pente, escarpement...) et indemniser la commune propriétaire (cas général) de la perte de revenu et les utilisateurs en aidant ceuxci à retrouver place dans d'autres estives protégées ; cependant, la mission ne mésestime pas, au delà des engagements de la PAC et de l'impact économique de la perte de revenu, la difficulté culturelle de cette démarche pour une municipalité, et la comprend. - encourager à moyen terme la reconversion d'une partie de l'ovin viande vers l'ovin lait, dont le produit n'a pas de problème de débouchés, et pour lequel les Pyrénées centrales possèdent des pâturages de qualité suffisantes. 4.5 Les mesures à prendre en dehors des territoires de présence Comme il a été dit en 4.3.3 dans la présentation de la démarche de qualification des territoires de présence, le principe proposé est d'encourager les ours à fréquenter certaines zones et de les réguler ailleurs. La régulation79 des populations d'animaux, couramment exercée par les chasseurs, induit introduction, relocalisation et/ou élimination. Il s'agira ici de contrôler, autant que faire se peut, les déplacements de l'animal dans les territoires une fois identifiés et négociés. Le protocole d'intervention sur les ours à problèmes de février 2006, et les gradations d'intervention qu'il contient, peut servir de base pour mettre au point ce contrôle, qui devra être d'autant plus strict que l'ours aura été laissé libre à l'intérieur des territoires de présence, tout en étant incité à y rester par les mesures proposées en 4.4. 4.5.1 les mesures vis à vis des ours présents De même qu'il n'est pas question d'exclure les moutons des territoires de présence des ours, pour des raisons sociales, économiques, culturelles, l'ours ne peut pas être exclu du restant du territoire, ne serait-ce que du fait de l'éthologie de l'espèce. L'expérience des Asturies et du Trentin tend à montrer que la population n'est globalement viable que si un flux suffisant d'ours peut circuler entre les noyaux. L'étendue restreinte des territoires de présence proposés induit donc que les mouvements d'animaux soient possibles entre ces noyaux, entre lesquels il n'existe pas de barrière écologique/physique, comme le montre la carte ETO de présence des ours (carte 1), contrairement à la situation prévalant entre les 2 noyaux asturiens qui sont séparés par des infrastructures routières importantes. Une fois la présence de l'ours confortée dans le massif pyrénéen par des noyaux reproducteurs dans des territoires identifiés, les individus se trouvant hors de ces territoires devront faire l'objet d'une gestion appropriée aux autres enjeux de ces territoires. Après la disparition des émetteurs radio des ours réintroduits, ces animaux ne seront décelables que par leurs indices de présence et par les prédations qui semblent être plus fréquentes chez les animaux en phase d'erratisme connaissant mal les ressources alimentaires du territoire traversé. 79 Le fait de maintenir en équilibre, d'assurer le fonctionnement correct d'un système complexe. 43 La régulation doit concerner les animaux dont le comportement se révèlera incompatible avec l'activité pastorale- « ne pas tolérer de mauvais comportements »-. Les ours très prédateurs, même s'ils ne manifestent pas de familiarité particulière, doivent être régulés, donc vraisemblablement éliminés. La délocalisation est probablement inefficace sur les mâles à l'échelle du massif pyrénéen, mais elle pourrait être envisagée sur les femelles. L'élimination par tir est par ailleurs beaucoup plus facile que la capture d`animal vivant (surtout non équipé d'émetteur). D'autre part, l'effarouchement semble par le passé avoir réduit durablement le comportement prédateur de certains ours. Ainsi, le protocole suivant, après concertation avec toutes les parties, pourrait être envisagé : - pour les mâles, ou pour les animaux dont le sexe n'est pas déterminable faute d'indices suffisants80 : effarouchement, puis élimination si récidive de prédation (a priori aucune chance de succès de relocalisation d'un mâle : inutile donc de tenter une capture d'animal vivant très coûteuse) ; - pour les femelles, qui ont une chance de se fixer dans un territoire de présence, relocalisation dans un de ces territoires, mais élimination si retour et récidive des dégâts. L'élimination devrait être précédée d'expertise du comportement, chaque situation étant un cas d'espèce, et devant être expliquée à l'opinion publique. Elle ne pourrait être prise que sur décision de l'autorité administrative compétente, dans le respect de la directive Habitats et de la Convention de Berne et avec son remplacement par un nouvel individu. Du reste, cette solution radicale, présentée en Slovénie et aux USA où elle peut concerner de petits noyaux de population, envisagée ailleurs n'a pas particulièrement ému les délégations présentes : il est vrai qu'elle est pratiquée dans les pays où il y a des centaines d'ours et, dans ceux où il y en a moins, elle est accompagnée d'explications argumentées et d'informations auprès du public. 4.5.2 les mesures de protection et de réparation des prédations. En dehors des territoires de présence et dans le cadre des mesures en faveur du pastoralisme, les incitations à la protection des troupeaux et le maintien du système d'indemnisation actuel sur l'ensemble du massif doivent être poursuivies. 4.5.3 le suivi Le renforcement du suivi, proposé tout au long du chapitre 5, est à mettre en oeuvre aussi bien dans les territoires de présence qu'en dehors. Il est nécessaire pour la connaissance de l'espèce : mouvements d'ours entre les noyaux, présence d'animaux discrets et non prédateurs hors des territoires de présence dédiés, prévention des dégâts. Le réseau actuel de « pièges à poils » couvre les espaces compris entre les noyaux, sur la zone de présence permanente et occasionnelle de l'ours, mais avec une densité réduite de pièges (8km*8Km). Au-delà, le coût d'une recherche simultanée d'indices au printemps paraît être disproportionné aux enjeux, et impraticable compte tenu des surfaces concernés et des moyens humains disponibles. En l'absence de recherches systématiques d'indices, et d'un quadrillage plus serré de pièges à poils, la connaissance des observations spontanées faites par l'ONF, par les chasseurs, les éleveurs et les bergers est en revanche particulièrement importante, notamment dans le cadre d'une formalisation avec l'ONF, de la formation /sensibilisation des chasseurs et des coopérations avec les bergers. 80 L'identification du sexe, souvent pas aisée, peut être faite en identification génétique d'urgence sous réserve de posséder des échantillons exploitables. 44 5 LA GESTION DES POPULATIONS D'OURS Dans aucun des pays visités, les gestionnaires des populations81 d'ours ne leur donnent de noms82 propres comme il est fait systématiquement dans les Pyrénées. Ce choix ne semble nullement affecter l'attachement - quand c'est le cas- que leur portent les populations locales et les habitants de ces pays. Cette différence, d'apparence anodine, et qui peut s'expliquer dans un contexte de « pénurie », est au contraire fondamentale. Quelque soit le nombre d'individus, il s'agit de gérer une espèce biologique sauvage, et non des individus : c'est pourquoi le suivi et la régulation des ours, quelque soit leur nombre, doivent, selon la mission, rentrer dans le cadre global de la gestion d'une population. Les propositions de la mission, tant pour la qualification des territoires de présence que pour leurs conséquences au niveau de la gestion, sont faites en considération de la petite population83 d'ours présents, mais ont vocation à s'appliquer quel qu'en soit leur nombre. A cet égard, quelle que soit l'évolution des effectifs, la mission, au regard de la situation actuelle, estime que l'absence de femelles dans le noyau occidental ­ ce qui le voue biologiquement à l'extinction- et le petit nombre d'ours présents dans les Pyrénées-Centrales amènent à ce que de nouvelles disparitions d'ours dans ces deux noyaux fassent, a minima et immédiatement, l'objet d'un remplacement par le type d'animal le plus à même de contribuer à la pérennité de la population. La qualification nouvelle des territoires de présence amène à réorienter cette gestion par : - une optimisation du suivi, - un renforcement des moyens à lui consacrer, - la maîtrise de la sécurité des personnes, - le contrôle des ours à problèmes, - l'intensification des relations avec l'Espagne, - le développement de l'information et de la concertation, 5.1 L'optimisation du suivi 5.1.1 le suivi actuel de la population d'ours L'ours, animal forestier, habituellement discret et présent en faible densité, est par nature des plus difficiles à suivre. Ce suivi vise habituellement deux objectifs principaux : - la connaissance démographique de la population considérée : nombre d'individus, sex-ratio, fécondité, mortalité... et le comportement des ours : territoires de femelles structuré par groupes familiaux, proportion de reproducteurs dans l'effectif de mâles, naissances espacées tous les 3 ans de portées multiples, mortalité juvénile non négligeable...d'où fécondité résultante faible. Le paramètre le plus important de l'état et du devenir possible d'une population, est le suivi des ourses suitées. 81 En biologie : ensemble des animaux ou végétaux de même espèce vivant sur un territoire déterminé. L'emploi au pluriel est lié au fait qu'il existe plusieurs noyaux comptant chacun plusieurs individus. 82 A l'exception des 10 ours réintroduits dans le Trentin, mais leurs descendants n'ont pas de nom propre. Dans les pays où leur nombre est restreint, on leur donne un numéro et/ou une lettre, ce qui devient ingérable et inutile quand on en compte 4 à 500. 83 Pour Christopher Servheen, la gestion des petites populations d'ours (moins de 50) passent par plusieurs vecteurs à mener simultanément : le contrôle de la mortalité, la sécurisation des habitats, la gestion des conflits et l'éducation du public, le renforcement si nécessaire, et la liaison entre les noyaux quand ils existent. 45 - la connaissance éthologique : comportement spatial des animaux, de leurs habitudes alimentaires, de l'évolution de ces comportements dans le temps... Un autre objectif est la connaissance génétique : niveau de variabilité génétique au sein de la population et évolution de celui-ci. Deux types de suivi alimentent ces connaissances : la recherche d'indices de présence, spontanés ou recueillis sur des dispositifs ad hoc : places de nourrissage, stations de suivi comportant des pièges à poils : ce sont les fèces et les poils qui permettent l'identification génétique, mais aussi les empreintes, relevées par observation spontanée, ou par opérations systématiques. La photographie automatique sur des itinéraires fréquentés par les animaux et l'observation directe (seulement fortuite dans nos régions boisées, mais plus facilement pratiquée dans les landes atlantiques asturiennes comme dans les régions nordiques) apportent d'autres données. la localisation radio, obtenue à partir de signaux d'émetteurs fixés sur un collier ou implantés dans le corps de l'animal. - La connaissance démographique et génétique est principalement apportée par l'analyse des indices, mais aussi par les données d'observation notamment photographique (caractérisation des groupes familiaux). La connaissance du comportement utilise commodément la localisation radio, mais la durée de vie des équipements est au maximum de 3 ans. La localisation spatiale précise et les mouvements des animaux informent sur l'utilisation du milieu par l'ours. En l'absence de ces données, cette connaissance de l'utilisation du milieu peut être apportée par des observations d'indices de présence, recueillies dans la durée : ainsi la carte de l'utilisation du territoire dans le Pyrénées-Occidentales est construite sur la synthèse d'observation d'indices de présence. La carte des potentialités du milieu établie dans le Trentin en préalable au renforcement a été étalonnée sur des indices de présence de la population autochtone, recueillis auparavant pendant vingt ans. En Asturies, les indices de présence, y compris l'observation directe, servent à améliorer en permanence la carte des « zones critiques » (nourrissage de jeunes, tanières...). La localisation radio a été utilisée en Suède pour déterminer l'organisation spatiale et sociale des animaux. Au Yellowstone, un dixième de la population d'ours en est équipé, par des animaux régulièrement répartis sur l'ensemble du Parc. L'observation de leurs déplacements a permis notamment de déterminer la réponse des ours à des changements de disponibilité alimentaire. Dans les Pyrénées, le suivi actuel comporte les deux modalités : - Le plan de restauration prévoit un suivi scientifique fin des individus relâchés, avec notamment l'utilisation de deux systèmes de localisation : - un collier muni d'un émetteur VHF (ondes radios) et d'un GPS transmettant les données recueillies par satellite via le réseau de téléphonie mobile, 46 - un émetteur VHF intra abdominal qui émet sur une fréquence différente de celle du collier. Ce suivi fin est prévu pour la durée de vie des piles des émetteurs (soit un an pour le collier et environ 3 ans pour l'émetteur intra abdominal). Les 5 ours relâchés en 2006 ont été initialement équipés de ces émetteurs, mais deux d'entre eux ont fait l'objet de re-capture, car le collier avait été perdu ou parce qu'il n'était pas assez performant. Les trois ours survivants de ce dernier lâcher sont actuellement équipés. - Les autres ours sont suivis de façon indirecte grâce à plusieurs types d'opérations : - le recueil - expertise de témoignages, - l'opération de recherche simultanée d'indices d'ours (ORSO), - l'indice d'abondance (suivis répétés d'itinéraires), - les stations de suivi (50 stations sur le versant français), comportant des pièges à poils, permettant ensuite l'identification ADN, - la prospection systématique ciblée de certains sites de repos intensivement utilisés. Dans les Pyrénées-Occidentales, le suivi par indices de présence et la recherche systématique d'indices au printemps, sur neige, par le Réseau de suivi ours est pratiqué depuis longtemps. Ce suivi, qui dans le temps a permis de dresser des cartes précises d'occupation et d'utilisation de l'espace par l'ours, ne comporte pas de données de localisation radio, aucun animal présent dans ce territoire n'en ayant été équipé. La localisation radio des individus équipés dans les Pyrénées-Centrales, destiné initialement à connaître les modalités d'acclimatation des ours introduits dans leur nouveau territoire a été ensuite utilisée pour prévenir de la présence de l'ours, pour des raisons de prédation de troupeaux et de sécurité publique, en situation de crise, dans le cas d'ours particulièrement prédateurs (Franska) . En terme de bilan de ces modalités dans les Pyrénées, l'équipement radio des animaux réintroduits fournit des données importantes sur l'utilisation de l'espace par ces ours. Le suivi de ces animaux a notamment permis de re-localiser deux d'entre eux. En revanche, la connaissance des animaux survivant de la réintroduction de 1996, et surtout celle de leurs descendants, reste faible : seuls de ces ours, deux animaux différents, l'ourse Ziva et l'ours Boutxy, sont actuellement identifiés avec certitude à partir des échantillons génétiques 2007. En tout, 8 ours sont donc identifiés, compte tenu des 3 mâles présents dans le Béarn (sur 4 connus) et de l'ourse Hvala avec ses deux oursons, à partir de 61 échantillons fournissant de l'information génétique. L'ourse Ziva a été identifiée en 2007, 7 ans après une précédente collecte de ses indices. Le cumul des décomptes d'animaux distincts, identifiés pendant plusieurs années, donnait en 2005 un nombre de 11 à 14 individus dans les Pyrénées-Centrales,1 à 2 individus à l'est en limite Ariège ­ Aude Pyrénées-Orientales, soit 16 à 20 sur le massif. La variation dans les estimations est donc forte. Dans le Trentin, on considère comme disparu un ours dont les indices n'ont pas été collectés pendant deux années consécutives et cette règle n'a pas pour le moment été mise en défaut. Le « vide » prolongé dans la collecte d'indices identifiables de Ziva est d'évidence un indicateur d'insuffisance du dispositif. 47 S'il est habituel que les effectifs de populations animales soient connus avec une approximation de 30%, cela ne présente pas les mêmes inconvénients pour des populations importantes que pour de très faibles effectifs. Ainsi, malgré les moyens déployés depuis plus de 10 ans, il est ressenti une forte incertitude sur le nombre d'ours présents en Pyrénées-Centrales incluant le Val d'Aran, les extrêmes cités variant de 7 ou 8 identifiés -voir supra- à plus de 15, y compris les ours survivants de la réintroduction de 2006 et les oursons connus nés en 2007. Des éleveurs de la zone estiment avoir fait directement, ou recoupé, l'observation d'individus morphologiquement différents, ce qui les conduirait à évaluer l'effectif de ce noyau à 25, voire 30 ours ! Si c'était le cas, l'approximation passerait du tiers tolérée à la moitié, ce qui n'est plus tolérable. 5.1.2 l'optimisation du suivi Ce suivi doit être à la fois scientifique (connaissance biologique de la population d'ours : génétique, démographique, éthologique ou comportementale) et finalisé (réponse à des préoccupations éventuelles de sécurité publique, contribution à la prévention des dégâts sur les troupeaux). Ces objectifs constituent le corollaire d'une nouvelle qualification des territoires de présence, telle qu'elle a été proposée supra, c'est-à-dire d'une présence permanente d'une population d'ours dans certains territoires, et, sur le restant de l'espace pyrénéen, la présence d'individus ayant vocation à rejoindre ces territoires ou à être déplacés ou éliminés. dans les Pyrénées-Occidentales Dans les Pyrénées-Occidentales, la priorité est simple dans l'immédiat : suivre les 4 derniers mâles restants et détecter l'arrivée éventuelle d'animaux erratiques. Si, dans l'esprit d'une meilleure répartition de l'ours sur la chaîne pyrénéenne dans les territoires qui lui sont les plus favorables, le lâcher de deux femelles paraît être une nécessité biologique, elle permettrait aussi de conserver une trace du génotype pyrénéen, sous réserve toutefois que les deux animaux autochtones restants participent à la reproduction. Sur le plan éthologique (ours présumé peu prédateur) et symbolique (ours génétiquement le plus proche de l'ours pyrénéen), la mission a enregistré un souhait très largement partagé pour qu'un tel renforcement, s'il était décidé, se fasse avec des ours venus des Cantabriques84. dans les Pyrénées-Centrales Dans les Pyrénées-Centrales, les objectifs d'un suivi amélioré seraient, d'une part, - de rassembler les données permettant d'avoir une estimation plus précise de l'effectif présent, basée sur les génotypes individuels distincts, et d'évaluer l'avenir biologique de la population, 84 Outre la proximité géographique avec l'ours pyrénéen, et le régime peu carnivore, l'ours Cantabrique a conservé un niveau de variabilité génétique élevé . 48 Ou bien, en hypothèse basse, correspondant au nombre de génotypes différents mis en évidence en 2007, l'effectif est comparable, à une ou deux unités près, au nombre total d'animaux introduits (8, en comptant les oursons connus de deuxième année), ou bien il existe entre les Pyrénées-Centrales françaises et le Val d'Aran, plusieurs autres ours, particulièrement discrets et peu mobiles, qui n'ont pas laissé en 2007 d'indices génétiques exploitables. En tout état de cause, le point de vue très largement exprimé chez les interlocuteurs rencontrés dans le massif, et spécialement dans les Pyrénées-Centrales, est de laisser évoluer ce noyau de population, sans nouvel apport d'animaux. de déterminer de façon plus précise les modalités d'occupation de l'espace par les ours, de façon à préciser les adaptations souhaitables de l'activité pastorale, de l'exploitation forestière, des itinéraires de randonnée, des pratiques de chasse ; et, d'autre part, de déceler la présence d'ours dans les zones fréquentées occasionnellement. - Il s'agit sur le premier point de déterminer avec la meilleure précision possible : les effectifs de femelles suitées, meilleur indicateur de l'avenir possible de la population, qui se trouvent habituellement en zone de présence permanente, et la présence d'individus colonisateurs, habituellement mâles, et quelquefois femelles, le niveau d'hétérosis ou la « consanguinité », sujet important compte tenu de l'effectif restreint du groupe fondateur et de la longue prégnance du mâle reproducteur Pyros pendant la dizaine d'années écoulées depuis son lâcher . - Ceci dans le contexte d'une disparition prochaine des émetteurs, actuellement en place sur 3 individus, représentant 15% à 40% ( ?) de la « population totale » estimée de ce noyau. Le suivi des femelles suitées, discrètes et méfiantes, est reconnu comme le plus riche d'information sur la dynamique de la population, mais le plus difficile hors du cas des individus équipés. Ce suivi devrait combiner, dans les milieux où évoluent les ours pyrénéens, l'analyse génétique des indices, avec la recherche de traces sur neige au printemps, dans le cadre d'opérations systématiques du réseau de suivi, les photographies par affûts automatiques venant en complément. La mise en place en cours de pièges à poils suivant un quadrillage systématique renforcé répond à ce besoin 85. Sur le second point relatif à la connaissance de l'utilisation du territoire, le cas asturien montre que la gestion d'ours dans un espace très multifonctionnel (élevage bovin très actif, randonnée, chasse) demande une amélioration continue des connaissances sur l'utilisation du territoire par l'ours, alors même que les gestionnaires en ont déjà une connaissance particulièrement précise. L'une des priorités serait donc de multiplier le nombre d'échantillons permettant l'analyse ADN. 85 Le Trentin utilise, en milieu très forestier, un réseau de pièges à poils, combiné à la collecte d'autres indices, fèces principalement, obtenus par recherche systématique ou recueil fortuit, En 2002, le suivi génétique basé sur des échantillons fèces et poils sur 64 km2, y a caractérisé 10 ours différents ; en 2006, sur 752 km2 ont été dénombrés 22 génotypes. 49 Mais, dans l'immédiat, l'urgence est de connaître l'effectif réel des PyrénéesCentrales : l'activité de suivi restant mal connue, ses résultats sont relativement contestés : ainsi beaucoup des interlocuteurs évoquant des animaux qui n'ont jamais été observés ou localisés par l'ETO considèrent que le nombre d'ours dans les Pyrénées-Centrales est largement sous-estimé. Compte tenu d'un souhait, largement exprimé devant la mission, de laisser pour l'instant évoluer le noyau central sans nouvel apport d'animaux, cette population ursine pyrénéenne nécessite donc avant tout le suivi de sa variabilité génétique, pouvant motiver l'apport ultérieur d'animaux nécessaire au maintien de cette variabilité. La mission recommande d'améliorer la connaissance dans deux directions : la communication sur les méthodes de collecte et de traitement des données et l'ouverture au Réseau Ours brun (ROB), d'acteurs peu impliqués jusqu'à maintenant, tels les associations de bergers, ou même d'acteurs hostiles à la présence de l'ours, afin de permettre une évaluation de l'effectif, partagée entre les acteurs. 5.2 Les moyens du suivi La comparaison avec les situations à l'étranger enseigne que les structures de suivi dans les autres pays concernent le plus souvent des populations d'ours préexistantes, d'augmentation démographique récente ou en cours, après une période de diminution : USA, Asturies, Slovénie. La situation la plus comparable à celle des Pyrénées est celle du Trentin, avec un renforcement effectué du fait d'un très faible nombre d'ours préexistants. 5.2.1 la situation dans les autres pays En Asturies, qui hébergent une centaine des 130 à 160 ours Cantabriques, le suivi est assuré par l'Autonomie : il est l'activité principale des 5 gardes de la « patrouille ours », auxquels s'ajoutent 10% du temps d'autres corps généralistes, gardes de l'environnement et gardes chasse principalement, au nombre de 121. Les moyens publics globaux affectés en ETP sont ainsi de 17, 1, financés par l'Autonomie. A ces moyens s'ajoutent ceux des Fondations, Oso Pardo, Oso Asturiano et FAPAS, cette dernière réalisant beaucoup de photographie automatique. Ces participations importantes et techniquement expertes du fait de l'expériences acquise, n'ont pas été évaluées, mais représentent plusieurs ETP. En Slovénie, la gestion de l'ours, assurée globalement par l'Institut Forestier Slovène, représenterait au titre du suivi une soixantaine d'emplois à temps partiel, soit 30 ETP, pour une population d'ours comprise entre 500 et 700 animaux. L'essentiel du suivi se fait sur 186 points d'observation et de nourrissage. Aux USA, les deux situations étudiées : ours colonisateurs autour de Missoula dans le Montana, et gestion globale de faune du Parc de Yellowstone, ne permettent pas de dégager simplement des données comparables spécifiques au suivi ours, les actions correspondantes étant de plus réparties entre plusieurs agences nationales, fédérales et ONG, et les prédateurs étant multiples, ours, mais aussi puma et loup. L'Etat du Montana a ainsi engagé 6 agents, médiateurs chargés d'améliorer l'acceptation de l'ours, d'assurer la sécurité des personnes (vis-à-vis du puma aussi), l'élimination des substances alimentaires susceptibles d'attirer l'ours dans les zones habitées, (notamment cadavres d'animaux tués sur les routes) et la prévention auprès des éleveurs. 50 Dans les parcs nationaux, les effectifs sont respectivement de 1 permanent et l'équivalent de 8 saisonniers à plein temps sur 100 permanents et 300 saisonniers d'été, au parc national des Glaciers, pour 300 grizzlys sur 4100 km2. La gestion de l'ours dans le Yellowstone mobilise de son côté 7 rangers sur les 80 du parc, et des saisonniers, pour 600 grizzlys sur 9000 km2. Dans le Trentin, le suivi mobilise 4,8 ETP 86 au titre de l'administration provinciale, répartis sur 27 personnes. Ces moyens sont renforcés par une participation du parc naturel AdamelloBrenta au niveau de 2 ETP actuellement, après avoir compté 4 ETP pendant la phase de renforcement de la population ursine. On compte actuellement 6,8 ETP et 8,8 au maximum, lors du renforcement, pour un effectif d'ours qui a crû de 10 en 2000 à 25 actuellement. Le suivi le plus dense paraît être effectué en Asturies, si on prend en compte services publics et Fondations. Le cas du Trentin est le plus proche de celui des Pyrénées, avec la réalisation et l'accompagnement d'une réintroduction, mais le territoire de présence habituelle de l'ours est notablement plus étendu dans les Pyrénées, avec deux noyaux distants bien individualisés, et un territoire de présence occasionnelle très vaste. 5.2.2 le renforcement de l'ETO L'organisation du suivi de l'ours brun a été confiée à l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) par le Ministère chargé de l'environnement en 1983. Il repose sur la mise en place d'un réseau de membres répartis sur l'ensemble du massif pyrénéen, le Réseau ours brun (ROB) et sur une structure technique permanente. L' « Equipe Technique Ours » (ETO) est la structure de permanents, créée en 1995, dans le cadre des programmes européens LIFE « restauration et conservation de l'ours brun dans les Pyrénées centrales » : sous la houlette de la Direction des études et de la recherche de l'ONCFS, elle élabore les protocoles de suivi, centralise les données, effectue des synthèses et anime le ROB. Elle apporte un soutien aux éleveurs et bergers et un appui technique à la mise en place des mesures de protection. C'est une équipe partenariale composée de techniciens de l'ONCFS et de l'ONF, et de techniciens des Fédérations départementales des chasseurs, mis à disposition. Elle comprend deux pôles : un pôle « suivi et recherche » et un pôle « pastoral ». Le pôle « suivi » de l'ETO comporte actuellement, au titre de ses moyens pluriannuels, 3 ETP de techniciens permanents, personnels de l'ONCFS ; 2,25 ETP techniciens des Fédérations de Chasse et 0,75 ETP techniciens de l`ONF. Il est renforcé jusqu'en 2008 de 3 Techniciens de l'ONCFS en CDD, soit un effectif total de 9 ETP, qui devrait être réduit à 6 fin 2008 (fin des CDD). Même si l'effectif global de l'ETO correspond globalement, et sans entrer dans le détail des missions et des schémas d'organisation très variables d'un pays à l'autre, à la situation des autres pays, la mission considère que la gestion de la population d'ours consécutive à la nouvelle stratégie proposée justifie un renforcement des moyens de l'ETO. 86 Equivalent Temps Plein. 51 Pour assurer convenablement ce suivi, tout en se mettant en situation de répondre aux demandes diverses, la première mesure à prendre est de pérenniser les 3 postes de techniciens en CDD, avec les missions principales suivantes : 1 poste d'opérateur technique de terrain, catégorie C, installé à Pau. La création de ce poste d'opérateur technique est à lier aux décisions à prendre sur le devenir du noyau ursin occidental. 1 poste d'animateur du réseau sur les Pyrénées-Centrales et orientales, assurant l'exploitation des réseaux de suivi, des données des stations de suivi et indices relevés par le RSO, l'analyse des synthèses et retours d'information, la préparation de documents de communication. 1 poste d'assistance à la gestion administrative (y compris financière et RH) de l'ETO et à la correspondance du SIG87 Pyrénées. Deux domaines de compétence différents qui devraient pouvoir être assumés par un cadre A. - - Ce renforcement permettrait à l'ETO de dégager du temps pour l'analyse de données, les publications demandées par l'ONCFS, la participation à des colloques internationaux et la réalisation de diverses expertises. Cela lui permettrait aussi de parfaire la formation de ses personnels aux situations de crise et de leur permettre, par des formations adéquates, une amélioration qualitative des services de tous ordres à rendre, notamment aux éleveurs et aux bergers. La mission recommande fortement le renforcement des moyens de l'Equipe Technique Ours, notamment en pérennisant les trois CDD mentionnés supra, et lui permettant de parfaire et d'adapter sa formation, notamment en situation de crise. Elle demande à la DNP de travailler avant la fin 2008, sur la mise au point d'une lettre de mission à l'ONCFS permettant d'améliorer son organisation et de traiter deux questions : - l'implication scientifique souhaitée par l'ONCFS sur l'ours et l'amélioration de celle-ci (publications scientifiques, colloques, encadrement de thèses) ; - la prise en charge des missions de suivi d'animaux équipés radio, de reprise88 et de renforcement éventuel. 5.2.3 la densification des stations de suivi Le premier moyen, en cours autant qu'urgent, est la densification des stations de suivi équipées de pièges à poils, pour déterminer les génotypes différents. 49 pièges existaient, dont 18 en Béarn, et 31 dans les Pyrénées-Centrales et à l'est, répartis à maille moyenne de 64 km2 (8x8 km), soit 3136 km2 couverts. Le dispositif est en cours de densification en Pyrénées-Centrales, avec 34 nouveaux sites conduisant à une maille de 4x4 km, sur un territoire de 752 km2. Un indicateur de l'efficacité de nouveau maillage serait qu'il permette de capter chaque année plusieurs échantillons de chaque génotype identifié, ce qui présume que tous les animaux présents sont contactés, et ainsi fournir une estimation plus représentative du nombre réel d'animaux présents. 87 La mission tient à souligner la qualité du SIG Pyrénées, la compétence de son équipe d'animation de l'Assemblée pyrénéenne d'économie montagnarde (APEM) et l'intérêt du partenariat qu'il offre pour le Plan de restauration. 88 La capture de deux ours a nécessité pour chacun, une centaine de journées pour huit personnes, ce qui représente chaque fois près de 40% du potentiel humain annuel de l'ETO ! 52 5.2.4 le développement du Réseau ours brun Le « Réseau ours brun » (ROB), coordonné par l'ONCFS, est composé officiellement d'environ 180 membres répartis sur les six départements pyrénéens, provenant d'horizons divers : services de l'Etat, fédérations départementales des chasseurs, associations d'environnement, syndicat mixte IPHB. Un certain nombre d'usagers de la montagne lui apporte aussi de temps à autre leur contribution. La mission estime nécessaire de re-dynamiser, et de densifier, le réseau ours brun, en améliorant son animation, et en augmentant le nombre de participants, pour se préparer à la disparition des données fournies par les ours équipés. Dans les Pyrénées-Atlantiques, les seules prospections directes de terrain (suivis de pièges, itinéraires kilométriques d'abondance, recherche simultanée d'indices), excluant le contrôle de témoignages, mobilise 190 journées, pour une surface prospectée de 600 km2 environ. Ces opérations associent des personnels de l'ONCFS, du Parc national, de l'ONF, des Fédérations de chasse et des adhérents du FIEP. En raison de l'étendue du territoire à prospecter en France, le suivi doit concerner en priorité les territoires fréquentés par des ourses reproductrices, c'est-à-dire le LuchonnaisCouserans, notamment en recueillant des indices non liés à un réseau de pièges attractifs, pour disposer de données non biaisées sur la fréquentation du territoire. Il faut aussi inclure la totalité du territoire qualifié de zone de présence occasionnelle, dans la mesure où la principale source de données relatives aux ours se trouvant hors des territoires de présence retenus, proviendra du Réseau. Dans les Pyrénées-Centrales, la même pression d'observation devrait concerner une surface approximativement double, mobilisant donc 350 à 400 journées. Une « tranche » de 200 journées supplémentaires pourrait donc être nécessaire, pour prospecter de part et autre de cette zone, dans les Hautes-Pyrénées à l'ouest et en Haute-Ariège à l'est. La participation des chasseurs aux recherches systématiques d'indices devrait être encouragée, dans l'esprit des chartes négociées entre l'Etat et les Fédérations départementales des chasseurs ­voir 4.4.2-. La formation prévue par ces chartes doit contribuer à cette sensibilisation, au delà de la remontée de données d'observation individuelles. Une contractualisation avec l'ONF, qui dispose de plusieurs dizaines de personnels fonctionnaires et ouvriers sur la zone, devrait être recherchée, en vue de mobiliser ces personnels, notamment pour des recherches simultanées d'indices qui se font au printemps (début mai) ou en automne (mi-octobre) sur neige fraîche ; les observations spontanées faites par les personnels fonctionnaires et ouvriers de cet établissement peuvent aussi être valorisées. Cette action relève des missions d'intérêt général de cet établissement ­voir 4.4.1-. D'autre part, plusieurs des personnes rencontrées lors de la consultation, comme l'Association des Bergers des Hautes-Pyrénées, se sont déclarées intéressées pour une participation au Réseau ours brun, aux côtés des chasseurs, accompagnateurs en montagne, randonneurs, membres d'associations d'environnement. 53 D'autre part, certains éleveurs ont fait part à la mission de leur souhait être dotés d'appareils photographiques numériques, pour saisir des indices fugaces : traces dans neige fraîche, dans la boue, par temps pluvieux, etc. Il semble que ces intentions méritent un examen attentif, d'autant que le coût des matériels nécessaires ne cesse de diminuer. L'accroissement des moyens du ROB pourrait enfin faire appel au mécénat : si la gestion proprement dite de l'espèce ne peut que relever des pouvoirs publics, la connaissance de la population ursine qui implique déjà le secteur associatif, avec le FIEP notamment, pourrait intéresser le mécénat, comme par ailleurs, la préservation et l'amélioration des habitats forestiers. Cette mobilisation collective d'un réseau ours brun renforcé peut être une conséquence directe et positive de la requalification des territoires de présence et de la gestion renouvelée de la population d'ours qu'elle entraîne. C'est pourquoi la mission recommande de porter cette proposition devant le groupe de travail pyrénéen évoqué en 4.3.4. 5.3 La sécurité des personnes Des constats faits par la mission dans les différents pays, l'ours brun n'est pas ressenti par les habitants qui le côtoient comme spontanément dangereux pour l'homme : très discret en Asturies, apparemment plus visible dans le Trentin, où son régime alimentaire saisonnier l'attire vers les vignobles et vergers de pommiers, ce n'est qu'en Slovénie qu'une forte densité d'ours (7 ou 8 pour 100 km2) conduit à envisager des mesures de prévention vis à vis des personnes, notamment des enfants. En Asturies et dans le Trentin, il n'y a pas souvenir d'une attaque physique d'ours sur un humain dans le passé et celles-ci sont rares dans les pays d'Europe centrale à fortes populations d'ours, Slovaquie et Roumanie. Dans un contexte différent, le grizzly du Yellowstone, beaucoup plus imposant physiquement que l'ours du Sud-Ouest Européen, réputé agressif, majoritairement carnivore et qui a connu dans le passé une période de près de 40 ans de familiarisation volontaire ­par nourrissagepour faciliter sa vision par les touristes, n'a causé que 3 ou 4 morts depuis89 la création du parc national en 1872, et attaqué et/ou blessé chaque année une cinquantaine de personnes de 1931 à 1969. Si une attaque d'ours ne peut évidemment pas dans l'absolu être exclue dans le contexte des montagnes d'Europe occidentale, notamment dans le cas d'une ourse suitée se sentant menacée, même si les zones d'élevage des jeunes sont habituellement très retirées par rapport à l'habitat humain, la probabilité en est beaucoup plus faible que celle d'une attaque ou dommage par un autre animal. Dans aucun de ces pays, y compris aux USA, il n'y a de suivi individuel « sécuritaire » des ours, y compris en zone très fréquentée par le public. Des conseils de comportement en cas de rencontre d'ours et des consignes pour éviter l'accoutumance de l'ours à des ressources alimentaires associées à la présence humaine, sont largement diffusées. 89 Pendant que les bisons, beaucoup plus nombreux et très proches des routes, faisaient 5 victimes. 54 La sécurité des humains, compte tenu du comportement habituel de l'ours, ne semble pas justifier un suivi spécifique. Si cela était, ce suivi qui ne pourrait être fait qu'avec un équipement radio, devrait être permanent et concerner tous les ours. Les délais d'interprétation des signaux et la mobilité de l'animal entraîneraient en tout état de cause une incertitude permanente de plusieurs kilomètres sur la localisation exacte de l'animal. L'équipement permanent de l'ensemble de la population n'est par ailleurs pas envisageable 90 : il faudrait capturer l'ensemble des animaux, les re-capturer environ tous les 3 ans avant épuisement des piles électriques, indépendamment du coût budgétaire d'une telle mesure91. Ces animaux dont le psychisme est complexe en seraient vraisemblablement perturbés, de façon imprévisible. Cette situation ne serait pas compatible d'autre part avec la notion d'animal sauvage et libre de ses mouvements. Toutefois, même si le risque est faible, des moyens d'intervention doivent pouvoir être activés. Ils sont prévus par le « protocole 92 d'intervention sur un ours à problèmes », qui mérite une adaptation à la gestion renouvelée de la population d'ours qu'entraîne la requalification des territoires de présence : c'est l'objet du chapitre suivant. Par ailleurs, la question sécuritaire rejaillit naturellement sur celle de la responsabilité, notamment des élus locaux. La circulaire interministérielle 93 d'avril 2007 aux préfets du massif des Pyrénées relative au « rôle des autorités publiques dans la mise en oeuvre des dispositifs de sécurité des personnes et de suivi des populations d'ours bruns » apporte des réponses sur lesquelles que le Conseil d'Etat devrait prochainement donner son avis. 5.4 La gestion des ours à problèmes Le « protocole d'intervention sur un ours à problèmes » ONCFS/ETO de février 2006 considère « à problème » : un ours trop familier vis à vis de l'homme, un ours anormalement prédateur, un ours agressif envers l'homme. L'évaluation comparative tend à montrer que les solutions adoptées dans les territoires à populations d'ours importantes sont « expéditives » : en Slovénie, jusqu'en 1990, tous les animaux sortant de la « zone rouge » de présence de l'ours étaient abattus94. Depuis cette date, après concertation, les prélèvements ont été répartis entre la zone rouge et sa périphérie ; ailleurs, dans les corridors de colonisation (vers le nord ­ est et le nord-ouest), les ours à problèmes sont déplacés, pas éliminés. Ils sont aussi éliminés des autres territoires, hors zone rouges du sud et corridors -telle la Pannonie aux environs de Maribor-. A cette politique s'est ajoutée la suppression ces dernières années des ours familiers près des villages en zone rouge. 90 Aucune population d'ours ne comporte d'animaux équipés en permanence pour des raisons sécuritaires. Aucun ours asturien n'est même équipé, semble-t-il pour partie, en raison de l'hostilité de la population à toute capture d'ours autochtone. Les ours réintroduits dans le Trentin étaient équipés à leur lâcher en 2000, les colliers qui ont progressivement cessé d'émettre n'ont pas été remplacés et aucun animal n'est équipé actuellement. Un seul ours, « relocalisé » est actuellement équipé en Slovénie. L'équipement permanent d'ours en Suède et aux USA (Yellowstone) correspond à des programmes scientifiques dans la durée et ne concernent qu'une fraction de la population. 91 Un collier coûte 4000 . 92 ONCFS/ETO ­ février 2006. 93 Circulaire DNP/CFF 07-02 des ministres de l'Intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, de l'Agriculture et de la pêche et de l'Ecologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire du 26 avril 2007. 94 Ce qui a engendré de vices réactions de la part de la population, amenant les gestionnaires de la population à plus d'informations et d'explications du pourquoi. 55 Au Montana, après délocalisation ou effarouchements infructueux, les animaux familiers ou agressifs sont supprimés. Dans l'ouest des USA, l'espace disponible permet de tenter systématiquement le déplacement et la « re-localisation », l'ours brun américain paraissant aussi plus facile à capturer, peut-être du fait de la faible densité des ressources alimentaires ; mais beaucoup d'ours reviennent et conservent leur comportement antérieur, et il faut alors les éliminer. A l'inverse, dans le Trentin, le traitement du cas unique de l'ourse familière Jurka a pris en compte des souhaits divergents, fortement exprimés dans l'opinion locale et nationale, de l'extraire du milieu naturel, de ne pas la tuer, et même de ne pas l'exhiber en captivité : elle a donc été mise en captivité dans une installation non accessible au public, où d'autres places sont prévues en prévision de cas analogues. Avec ses partenaires, la mission a visité cette installation, qui a laissé pour le moins perplexe l'ensemble de la délégation française. En Asturies, il n'a pas été évoqué la présence d'ours à problèmes . La question des ours à problèmes est complexe : « le Ministère slovène a établi une liste de cas, de types d'interventions et de solutions à appliquer, mais chaque situation est unique et demande à être évaluée95 ». dans les territoires de présence reconnue et à leur proximité, il s'agit de tenter de dissuader des ours, familiers ou agressifs vis à vis des humains, d'adopter ces comportements. Selon Christopher Servheen, ces actions ont une chance de réussite si l'ours n'a pas encore satisfait sa faim ou sa curiosité. Dans ces territoires, il paraît préférable de re-capturer l'ours incriminé sans effarouchement préalable, puis de relâcher l'animal après équipement radio, et cette fois, avec effarouchement renforcé, par exemple avec le concours de chiens. Concernant les animaux prédateurs, il faut considérer que la prédation d'animaux non gardés est un comportement normal de l'ours. Certains ours ont été très prédateurs, mais ont cessé de présenter ce comportement. Face à une prédation multiple, il faudra donc faire une analyse de comportement, avant de décider d'une reprise. en dehors de ces territoires et à l'échelle des Pyrénées, le schéma « capture et relâcher à grande distance » d'animaux nés dans le massif, qui est efficace à l'échelle de vastes territoires, paraît inadapté. En effet, l'animal aux habitudes prédatrices, qui est déjà largement « passé à l'acte », ne changera pas de comportement après une délocalisation, suite à laquelle, au contraire, il cherchera vraisemblablement dans un territoire inconnu la source d'alimentation la plus facile. Le territoire pyrénéen est exigu à l'échelle des déplacements des ours : le retour sur le lieu de reprise d'un ours né dans le massif est toujours probable, l'animal ayant une connaissance large du territoire. Enfin, le relâcher ne pourrait s'envisager qu'en territoire de présence reconnue, caractérisé par la présence de femelles reproductrices et donc de mâles dominants : si l'intégration d'une femelle dans ce contexte paraît envisageable, celle d'un mâle paraît très improbable. - 95 Marko Jonosovic, Institut forestier slovène, responsable du groupe d'intervention spécial, qui traite plus d'une trentaine de cas par an. 56 C'est pourquoi, dans le contexte pyrénéen, la mission estime qu'il faudrait probablement envisager l'élimination des ours excessivement familiers, dangereux ou très prédateurs. Outre les aspects réglementaires, s'agissant d'une espèce actuellement en état de conservation « défavorable-inadéquat », cette mesure pourrait être admise par l'opinion en fonction du développement des noyaux de population dans les territoires de présence. Cette gestion, si elle était décidée, nécessiterait une équipe spécialisée, d'intervention d'urgence, vis à vis des ours familiers ou agressifs96, d'autant que la disparition du suivi radio d'une partie des animaux accroît la probabilité de situation imprévue et renforce la nécessité d'une capacité d'intervention d'urgence. Dans les pays visités, cette fonction est toujours prévue et son activité varie en fonction de la densité d'ours. - au Montana, l'équipe de 6 médiateurs est chargée de plusieurs tâches : mitigation auprès de la population pour faire évoluer la perception des prédateurs ; prévention vis à vis de l'accoutumance alimentaire des ours ; mise en place de dispositifs de protection des troupeaux ; effarouchement des ours ; élimination des animaux potentiellement dangereux (couguars s'approchant des établissements recevant des enfants, ours noirs et ours bruns grizzlys familiers ou agressifs). - en Slovénie, le groupe d'intervention spécial, comporte au niveau du pays un coordinateur national et trois équipes de trois personnes : il traite 150 à 200 sollicitations par an, réalise 30 à 40 interventions, dont effarouchement, anesthésie et transfert, élimination, suivant l'évaluation faite par l'équipe qui s'appuie sur des critères nationaux. - dans le Trentin, une équipe d'urgence de 3 personnes, 1 coordinateur et deux opérateurs, est activée 24h/24 de mars à novembre, pour effaroucher, éventuellement capturer et équiper ; elle implique 21 personnes, 9 coordinateurs et 12 opérateurs du service forêt-faune de la province. - dans les Asturies, où aucun cas de familiarité ou d'agressivité n'a été relaté à la mission, la Patrouille Ours de cinq personnes, en charge habituellement du suivi, assumerait éventuellement cette mission. L'activité de reprise d'un animal non équipé d'émetteur peut se révéler extrêmement coûteuse en temps : ainsi la capture de Papillon et la re-capture de Pyros ont coûté chacune 90 à 100 journées de piégeage à 8 personnes, plus un vétérinaire en permanence pour Papillon ! Ces opérations de capture, forcément aléatoires, peuvent discréditer l'équipe, alors qu'elle est par là même empêchée de s'investir dans ses autres activités. 96 Dans le passé, il y a eu dans les Pyrénées des ours autochtones familiers ou agressifs. 57 Pour les Pyrénées, la mission recommande que l'Equipe Technique Ours soit confirmée dans cette mission de gestion des ours à problèmes, qui pourrait s'inscrire en partie dans le temps libéré par la diminution ou la disparition du suivi télémétrique. Comme pour les opérations de re-capture, un concours pourrait être demandé aux services départementaux de l'ONCFS : les deux brigades mobiles d'intervention compétentes sur la chaîne pyrénéenne pourraient apporter leur concours aux opérations de tir d'élimination en vue d'alléger le cas échéant l'engagement de l'ETO. Ces opérations comme d'ailleurs les expertises de dommages, peuvent se dérouler dans un contexte tendu, voire passionnel, au contact de personnes très impliquées dans l'élevage, ou dans la protection de la faune sauvage . Les personnels concernés de l'ETO et des autres services de l'ONCFS devraient bénéficier de formations à la gestion des situations de conflit. 5.5 La coopération avec l'Espagne et l'Andorre Les noyaux de population d'ours des Pyrénées-Occidentales, et des PyrénéesCentrales, sont établis sur les deux versants des Pyrénées. Même au faible niveau de l'effectif actuel, la population d'ours est transfrontalière. Les Autonomies Espagnoles et la Principauté d'Andorre participent de façon significative au suivi de l'ours pyrénéen : l'Aragon affecte 1100 journées/agent annuelles, par une patrouille ours de 5 personnes, plus un demi poste dédié à la cartographie ; la Navarre assure 90 journées de suivi réparties entre ses 8 gardes locaux ; la Catalogne affecte 3 personnes, à Barcelone, en Val d'Aran et en Pallars Sobirà ; la Principauté d'Andorre affecte de son côté un agent à plein temps. La coopération franco-espagnole existe donc bel et bien, dans le cadre d'une déclaration97 signée en l'an 2006. Un comité se réunit une fois par an et les agents de l'ETO assurent un contact régulier avec les responsables du suivi en Espagne et en Andorre. La mission et les principaux interlocuteurs rencontrés sur le terrain estiment qu'il est nécessaire d'intensifier cette coopération pour gérer une population d'ours par nature transfrontalière. Dans le cadre de la déclaration d'intention entre les trois pays, deux axes paraissent devoir particulièrement être privilégiés : - le montage d'opérations communes de recherche simultanée d'indices, sur les deux versants des Pyrénées, - l'harmonisation des méthodes d'identification génétique des animaux, par les méthodes de collecte, et par les marqueurs génétiques utilisés. 97 Déclaration d'intention du 22 mai 2006 entre le ministère français chargé de l'environnement, le ministère de l'agriculture et du patrimoine naturel d'Andorre et le ministère espagnol de l'environnement pour une coopération relative à la conservation de l'ours brun dans les Pyrénées ainsi qu'à d'autres espèces d'intérêt commun. 58 5.6 L'information et la concertation Si la mission place cette partie sur l'information et la concertation en fin de chapitre, ce n'est pas seulement parce qu'elle est le prolongement naturel des considérations techniques exposées supra et qu'il faut expliquer au public et aux socioprofessionnels, mais surtout parce qu'elle est la condition d'une bonne application de tout ce qui est proposé précédemment, et qu'elle boucle de cette manière le principal enseignement de l'analyse comparative présentée au début du rapport : la transparence et la gestion collectives. 5.6.1 l'information et la communication Dans tous les pays visités, l'information des habitants et des parties prenantes fait partie intégrante des plans et mesures de gestion. Cette information et cette communication ne sont bien entendu pas absentes du Plan de restauration dans les Pyrénées, tant vis à vis des élus et du grand public que des socioprofessionnels : lettre d'information semestrielle, communiqués de presse, dépliants, site Internet, sensibilisation des scolaires, etc. Elle devra se poursuivre et s'accentuer pour la mise en oeuvre des propositions de ce rapport. Concernant la localisation des ours, elle ne pourra pas dans le futur être connue précisément dans les Pyrénées, sauf circonstances particulières (observation directe, photographie, traces très récentes, pouvant être datées...), ce qui est déjà le cas pour la majorité des ours présents. L'identification certaine d'un animal, ayant déposé un indice en un lieu connu, mais à une date indéterminée, sauf cas particuliers, devra attendre l'analyse génétique. Dans ce contexte, le partage de l'information et la transparence sur les méthodes de collecte d'indices et d'interprétation de résultats sont essentielles pour connaître, mais inévitablement avec délai (le temps des analyses génétiques), l'effectif estimé des animaux, et les points de passage répertoriés de ceux-ci. En revanche, toute localisation d'un ours, instantanée ou récente et prouvée (individu souvent non identifié, notamment suite à prédation) devra être largement portée à la connaissance du maire de la commune et des communes voisines, des responsables des agriculteurs et groupements pastoraux et des associations communales de chasse. Mais sauf cas d'urgence, l'identification de l'ours par la génétique ne pourra être réalisée que plus tard, les déterminations en laboratoire devant être regroupés en un ou deux traitements annuels d'échantillons, pour maîtriser les coûts. Il en est ainsi dans les pays visités. Les pièges à poils des stations de suivi sont relevés tous les 15 jours : par contre, en raison du coût, les analyses sont faites en deux sessions annuelles, sur échantillons regroupés : juin et novembre. Une procédure d'urgence, coûteuse, peut donner une détermination d'échantillon en 15 jours. Dans le cas habituel, le délai entre la collecte de l'échantillon et l'identification de l'animal est de 1 à 6 mois. La date de passage de cet animal sur le lieu de piégeage est connue dans ce délai, avec une incertitude de 15 jours. Les recherches simultanées d'indices se font sur neige fraîche, à des dates fonction de la météo, en mai et en octobre. Trois synthèses de données peuvent être produites dans l'année : - 30 juin : synthèse des recherches simultanées d'indices, enrichie le cas échéant des indices kilométriques d'abondance et de témoignages validés. - 1er septembre : données précédentes consolidées avec les identifications génétiques : individus (génotypes) différents sur échantillons collectés au 1er semestre, sexes et dates de présence (à la quinzaine de jours près) sur les pièges. 59 - février : synthèse annuelle, avec l'ensemble des données issues des analyses génétiques. La synthèse du 30 juin est utilisable par les élus et les éleveurs ; la synthèse du 1er septembre intéressera principalement les chasseurs. La mission recommande que soient élaborées dans l'année ces trois synthèses, avec une large diffusion auprès des élus, des responsables agricoles et groupements pastoraux, des Fédérations de chasse et associations locales concernées, des associations d'environnement. 5.6.2 la concertation et la gouvernance Il s'agit sans doute là de l'enseignement principal de l'analyse comparative : la mobilisation et la gestion collectives -qui ne sont pas synonymes de consensus-, pour travailler ensemble est une constante dans les pays visités. Le Plan de restauration avait bien sûr prévu la concertation entre les parties prenantes et l'exemple des pays voisins montre, s'il en était besoin, qu'elle est indispensable pour la gestion de l'ours (Asturies, Slovénie, Trentin) : « cette réunion98 des partenaires autour de la table, administration, élus, chasseurs et associatifs, résulte de nombreuses années de concertation ». Il faut d'ailleurs souligner qu'à côté de nombreuses réunions ou instances à thématiques spécifiques, des outils institutionnels de concertation existent sur le massif : le Comité de massif ; les Comités départementaux de gestion de l'espace montagnard en Haute-Garonne et dans les Hautes-Pyrénées ; l'Institution patrimoniale du Haut-Béarn (IPHB) pour les Pyrénées occidentales, notamment. La mission recommande que cette concertation se situe à deux niveaux principaux : - un groupe de travail99 pyrénéen, tel que déjà mentionné en 4.3.4, dispositif permanent de dialogue entre les parties prenantes, - des groupes de travail locaux, qui pourraient être, soit départementaux (sur le modèle des deux Comités départementaux de gestion de l'espace montagnard), soit en correspondance territoriale avec les territoires de présence identifiés. Dans ce cas, il pourrait prendre modèle sur l'IPHB. Mais cette concertation ne pourrait vraiment porter ses fruits que si elle est accompagnée d'une coordination interrégionale - et interministérielle - sur le massif. Compte tenu de la prise de recul prônée par la mission dans le cadre d'un aménagement équilibré de la montagne pyrénéenne, ce rôle, à la fois d'animateur et de médiateur, ne peut revenir qu'à l'Etat, en la personne du Préfet, coordonnateur de massif. C'est pourquoi la mission propose que les ministères chargés de l'environnement et de l'agriculture mettent à disposition du Préfet un directeur de projet100, placé auprès de ce dernier, chargé de la mise en oeuvre des propositions de la mission sur le terrain, une fois qu'elles auront été étudiées, négociés et validées. 98 Conclusion solennelle du maire de Kocevje à la fin d'une réunion des parties prenantes avec la délégation française lors de son déplacement en Slovénie. 99 La secrétaire d'Etat à l'écologie a d'ores et déjà annoncé son principe sous l'appellation Groupe national Ours, en parallèle avec le Groupe national Loup, qui se réunit régulièrement depuis quelques années. 100 Décret du 23 mai 2000 relatif aux emplois de directeur de projet. La mission des directeurs de projet est de trois ans, éventuellement renouvelable. 60 6 LA VALORISATION DE LA PRESENCE DE L'OURS Deux vecteurs principaux peuvent porter la valorisation économique et touristique de la présence de l'ours : - le « produit » ours ­ l'exploitation « hard »- ; - l' « image » de l'ours ­ la valorisation « soft »-, l'un n'étant évidemment pas exclusif de l'autre. Dans les pays visités, cette valorisation ressort de ces deux vecteurs : aux Etats-Unis, c'est plutôt le produit qui prédomine ; en Asturies et dans le Trentin, c'est plutôt l'image ; alors qu'en Slovénie, le « tourisme de l'ours » ne semble pas une priorité ­sauf pour la chasse. En France, force est de reconnaître que le faible nombre d'ours et le contexte socio-politique difficile ne constituent pas des facteurs favorables à cette valorisation. 6.1 le produit ours C'est incontestablement dans le parc du Yellowstone que l'ours constitue un véritable produit touristique : « on vient voir les ours », et les bisons, et les loups, à côté d'autres richesses naturelles et paysagères. Il y a même dans ce parc des « bear jam101 », quand des plantigrades se montrent et que les voitures stationnent à la file le long des routes pour les observer et les prendre en photo. Ce phénomène existe aussi en France, par exemple dans les réserves animalières de Thoiry ou Sigean, dont certains parcours se font en voiture. Le Yellowstone ­parc où l'on acquitte un droit d'entrée comme dans tous les parcs nationaux américains- reçoit 1,5 à 2 millions de visiteurs 102 par an. Les recettes de l'entrée sont abondées de celles de l'hébergement, de la restauration, des commerces, de la location de matériel, etc. et d'un important marchandisage103 (publicité, promotion, produits divers ­ours en peluche, photos, objets représentant des ours, etc.), comme dans tous les sites touristiques de la planète. On trouve aujourd'hui dans les Pyrénées des parcs animaliers où l'on peut voir des ours : les Angles dans les Pyrénées orientales, Borce dans les Pyrénées-Atlantiques, et un espace dédié : la Maison de l'ours à Saint Lary-Soulan dans les Hautes-Pyrénées. Ces initiatives participent pleinement au développement de ces stations, mais ont une aire d'influence essentiellement locale. D'autres projets de parc ont été étudiés par le passé : un parc animalier sur la faune pyrénéenne au Mourtis en 1997 et, dans le même secteur, une « Montagne aux ours » à Boutx en 1998 à l'initiative du propriétaire de Thoiry. Les deux études préliminaires correspondantes ont servi de base en 2000 à une étude plus approfondie pour l'implantation d'un « parc de vision animalier d'ours », toujours dans ce secteur de la Haute-Garonne -qui correspond à un territoire de présence identifié supra- et sous l'égide d'un syndicat mixte du parc de vision du Haut Comminges, créé à cette occasion. Aucun de ces projets n'a vu le jour. 101 102 Embouteillage liés à la présence d'ours. Les 7 parcs nationaux français (hors Réunion et Guyane) en reçoivent 6 millions par an ­ source IFEN. 103 En anglais, « merchandising ». 61 La question qui se pose aujourd'hui n'est pas de savoir s'il est pertinent de relancer l'idée d'un « parc à ours » -la mission pense que c'est une piste naturellement intéressante-, mais si cette relance peut être faite indépendamment du devenir des populations d'ours actuelles. - oui, car on pourrait, si on le décidait, mettre quelques ours dans un grande réserve animalière. Encore faudrait-il définir le lieu, ou les lieux, trouver des investisseurs et faire de sérieuses études de clientèles. Et il vaudrait mieux que ces investisseurs soient privés, car un parc animalier coûte cher en investissement et en fonctionnement pour une collectivité publique ­dont ce n'est d'ailleurs pas vraiment le métier- : on sait les difficultés de rentabilité des parcs d'attraction en France, compte tenu de la concurrence entre destinations et de la volatilité des clientèles touristiques. Le problème des parcs n'est pas de permettre d'y aller une fois, c'est de donner envie d'y revenir. - non, sans doute, car pourrait-on faire une réserve animalière en lieu et place d'ours en liberté, même surveillée, comme il est proposé dans ce rapport ? En dehors des difficultés évoquées en 4.3.2 quant à l'hypothèse d'un cantonnement, se poserait, compte tenu de la médiatisation de l'animal, une question d'acceptabilité sociétale d'un tel parc, qui risquerait d'hypothéquer son succès : l' « ours en cage » est-il le prix à payer pour sa survie dans les Pyrénées ? ne témoigne-t-il pas de l'impuissance collective à le garder « en liberté » ? et dans ce cas, ce « produit » reste-t-il vraiment attractif ? Dans un contexte socio-économique difficile et de raréfaction du pouvoir d'achat, nul doute que les investisseurs potentiels se poseraient ce type de questions. En réalité, parc à ours et territoires de présence ­surveillée- sont complémentaires : le parc permet aux gens de « voir » des ours qu'ils ne verront sans doute jamais « en vrai » dans la nature, mais qu'ils savent être là, ce qui est totalement différent en termes d'attractivité touristique et de réception psychologique. Indépendamment d'une exploitation touristique « lourde » liée à l'existence d'un parc à ours qui n'existe pas aujourd'hui, il faut signaler la création il y a quelques années d'un « réseau des professionnels du Pays de l'Ours » (accompagnateurs en montagne, aubergistes, éleveurs, apiculteurs, producteurs et artisans), proposant, autour d'une charte104 de qualité, des produits et des services, respectueux de l'environnement et s'engageant pour la présence de l'ours. Cette initiative n'est pas sans rappeler celle de l'association « Cévennes Ecotourisme », développée avec succès dans le parc national des Cévennes. Dans ce même secteur et en même temps, des éleveurs, accompagnés par la même association, ont engagé la production et la vente directe du « broutard105 du Pays de l'ours » avec un cahier des charges spécifique et se sont regroupés au sein d'une association Estives du Pays de l'Ours. Enfin, le fromage « Pé Descaous »106 a été créé en 1994 par le Fonds d'intervention écopastoral avec l'association « les bergers du Haut-Béarn » et le soutien du WWF - France. Il s'agit d'un fromage fermier élaboré en estives, avec une commercialisation utilisant l'image de l'ours (empreinte d'une patte d'ours sur la croûte), symbole de la qualité du terroir. Une trentaine de bergers-fromagers participent à ce programme et une vingtaine de tonnes de fromage est produite en moyenne chaque année, en majorité du fromage de brebis. 104 105 Initiée et animée par l'association Pays de l'Ours ­ Adet. Agneau âgé de 6 à 12 mois, élevé au lait de sa mère, puis à l'herbe. Il transhume en estive avec le troupeau sur les pâturages de montagne et est ensuite vendu directement de l'éleveur au consommateur, à la descente d'estive et jusqu'au mois de décembre. 106 «Va-nu-pieds », surnom de l'ours en béarnais. 62 Toutes ces initiatives sont intéressantes, mais ponctuelles et limitées en termes économiques, et ne ressortent pas d'une stratégie d'ensemble sur le massif. Le « bilan produit » est donc faible, mais le produit existe-t-il vraiment ? 6.2 l'image de l'ours L'exemple des Asturies est particulièrement illustrateur de cette valorisation par l'image. Il s'agit là-bas d'un développement local, entièrement fondé sur l'image de l'ours, sur un consensus culturel fort, sur un outil Parc naturel ­mi-national, mi-régional- fédérateur d'un pays rural très enclavé dans une région très touchée par la reconversion industrielle. Même si le secteur de Somiedo n'avait sans doute pas d'autres choix pour son développement, les élus se sont mobilisés de façon très volontariste, avec de fortes convictions environnementales, et avec l'appui des autorités régionales et nationales. Du reste, il a été démonstratif de constater que le seul « parc à ours » du secteur ­deux ourses orphelines recueillies, 60 000 visiteurs annuels- est volontairement gratuit pour éviter d'en faire le point focal de l'attractivité de ce territoire : il ne s'agit que d'un produit d'appel, l'essentiel n'étant pas là pour son développement. Le Trentin ressort de la même dynamique, mais à un degré moindre, compte tenu du fait qu'il y a peu d'ours, et que la région de Trento-Bolzano est une des plus développées d'Europe, qui dispose de bien d'autres vecteurs de développement que le tourisme. Dans les Pyrénées, cette image est aussi et depuis longtemps exploitée de façon volontaire par de nombreux commerçants, restaurateurs, cafetiers et villages qui associent le nom de leur établissement et de leur signalétique à celui de l'ours. D'autres opérateurs107 ont joué, ou jouent, cette image pour leur promotion. Mais on sent bien aussi que les offices du tourisme, les syndicats d'initiative et certaines collectivités hésitent encore à utiliser pleinement son image. Ainsi, le remarquable instrument de promotion du massif, la Confédération108 pyrénéenne du tourisme, n'a inclus aucune photo d'ours, ni fait aucune référence à la présence d'ours dans le massif dans aucune de ses nombreuses brochures ! Pourtant, il suffit de randonner dans le massif pour emprunter un « chemin de l'ours », passer un « pas de l'ours » ou gravir un « pic de l'ours », skier aux abords de la « tute de l'ours » voire en rencontrer un par hasard ! Sur ce thème, très important dans le contexte culturel pyrénéen, de l'image et du symbole, il est également intéressant de noter que les deux principales coordinations d'éleveurs « antiours », l'Association pour la sauvegarde du patrimoine Ariège-Pyrénées (ASPAP) et l'Association pour le développement durable de l'identité des Pyrénées (ADDIP), ainsi d'ailleurs que l'Institution patrimoniale du Haut-Béarn (IPHB), se sont placées dans leur intitulé sous le timbre très pertinent du « patrimoine pyrénéen » et de l' « identité pyrénéenne ». L'une des plus anciennes activités du massif, le pastoralisme, participe en effet à cette culture : organisation humaine collective, gestion des estives diversifiée et adaptée en fonction des territoires, image positive véhiculant des produits de qualité. 107 Par exemple, l'opérateur touristique La Balaguère avait jadis un produit de randonnée autour des territoires de l'ours ; aujourd'hui, la nouvelle collection locale de vêtements «By Pyrénées » associe sur son site Internet son logo avec des empreintes d'ours. 108 Il s'agit, avec la Normandie, du seul outil de promotion touristique et de mise en réseau des partenaires de l'économie touristique en France qui couvre plusieurs régions et un massif de montagne. 63 Mais c'est à ce même titre du patrimoine et de l'identité que les défenseurs associatifs du plantigrade arguent de l'histoire et de la culture pyrénéennes autant que de la sauvegarde de la biodiversité pour soutenir la présence de l'ours dans le massif. Ce substrat culturel et psychologique très profond, qui frappe tous ceux qui font le « voyage aux Pyrénées »109, constitue le fondement de son identité et de son image et l'attractivité de son tourisme110. Au moment où des sondages d'opinion111 -sans pour autant les survaloriser- sont plutôt favorables à la présence de l'ours et indiquent que c'est « l'espèce animale sauvage qui représente le mieux les Pyrénées », et où la plupart des professionnels du tourisme rencontrés par les deux missions considèrent que l'ours peut jouer un rôle important dans l'attractivité du territoire, n'est-il pas possible de surmonter tous les paradoxes illustrés précédemment et d'arriver a minima à un plus petit dénominateur commun ? *** Les évolutions des comportements des touristes, la concurrence de plus en plus vive entre les destinations, notamment les plus lointaines, les effets escomptés du changement climatique, amènent la plupart des stations et des territoires de moyenne montagne à repositionner leur développement touristique en se diversifiant, notamment par rapport à la neige, et en trouvant des alternatives à la saisonnalité. La politique des « pôles touristiques », mise en oeuvre sur le massif pyrénéen, est à cet égard exemplaire. La valorisation touristique de l'ours, comme d'ailleurs du pastoralisme, pourrait parfaitement constituer un chantier complémentaire à cette incontournable recherche de diversification. D'autre part, les plus récentes recherches112 sur le développement local et l'aménagement du territoire montrent que les revenus113 qui permettent ce qu'on appelle aujourd'hui l' « économie résidentielle» ou « présentielle » pèsent plus du double des revenus tirés des activités productives et que c'est cette économie qui tire vers le haut les territoires, sinon les plus compétitifs, du moins les plus attractifs. Dans ce cadre, la qualité environnementale joue évidemment un rôle majeur pour le développement des régions concernées, dont le Grand Sud-Ouest fait partie. 109 110 Le voyage aux Pyrénées ­ Hippolyte Taine ­ 1860. Dont le pyrénéisme, le thermalisme et les grands sites sont les supports traditionnels. 111 IFOP ­ sondages auprès des Pyrénéens - 2003 et février 2005. 112 La République et ses territoires ­ Laurent Davezies ­ Editions du Seuil ­ janvier 2008. Atlas des mobilités touristiques ­ Françoise Potier, Christophe Terrier ­ Editions Autrement, avec l'appui de la DIACT ­ mars 2007. 113 Revenus des agents publics, des prestations sociales, des touristes, des actifs travaillant ailleurs, des retraités. 64 L'ours et le pastoralisme sont tous les deux des indicateurs de cette qualité de l'environnement. Plutôt que de se neutraliser, le cumul de leurs avantages respectifs pourraient être de nature à conforter cette dynamique. La mission recommande aux ministères chargés de l'environnement, de l'agriculture et du tourisme de lancer une étude exploratoire sur l'apport de l'ours et du pastoralisme au tourisme pyrénéen, dans une optique d'aménagement équilibré du territoire pyrénéen et de valorisation économique. Cette étude pourrait être confiée au GIP OditFrance . Denis LAURENS Georges RIBIÈRE 65 ANNEXES ANNEXE 2 : DEPLACEMENT DANS LES ASTURIES (ESPAGNE) Qualification de la zone de présence et renforcement du suivi de la population d'ours dans les Pyrénées françaises Mission de l'Inspection générale de l'Environnement Compte-rendu du voyage d'étude d'une délégation française dans les Asturies (Espagne) du 26 au 29 novembre 2007 Liste des participants Madame Marie-Lise BROUEILH, présidente de l'Association pour la Sauvegarde du Patrimoine Pyrénéen ­ Hautes-Pyrénées Monsieur François ARCANGELI, président de l'association Pays de l'Ours, maire d'Arbas Madame Magali BONIFACE, représentante de l'Association pour le Développement Durable de l'Identité des Pyrénées Monsieur Augustin BONREPAUX, président du Conseil Général de l'Ariège Monsieur Jean-Jacques CAMARRA, Équipe Technique Ours ­ Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage Monsieur Claude CARRIERE, co-président de l'Association pour la Sauvegarde du Patrimoine d'Ariège-Pyrénées Monsieur Rolland CASTELLS, maire de Bagnères-de-Bigorre, conseiller général des HautesPyrénées, Monsieur Fernand ESTEREZ, secrétaire général de la Fédération Départementale des Chasseurs des Pyrénées-Atlantiques Monsieur Thierry GALIBERT, Adjoint au directeur régional de l'environnement de MidiPyrénées Monsieur Denis LAURENS, inspecteur général de l'environnement Monsieur Marcel MINVIELLE, maire d'Etsaut Monsieur Jérôme OUILHON, directeur du Fonds d'Intervention Eco Pastoral ­ Groupe Ours Pyrénées Monsieur Sébastien PAULY, représentant de la Fédération Départementale des Chasseurs de l'Ariège Monsieur Georges RIBIERE, inspecteur général de l'environnement Monsieur Jean-Luc TRONCO, Sous-Préfet d'Oloron-Sainte-Marie 3 La Principauté des Asturies est l'une des régions autonomes espagnoles. Située sur la côte nord, elle borde l'océan Atlantique, la Galice à l'ouest, la Cantabrie à l'est, la CastilleLeon au sud. Les Asturies s'étendent d'est en ouest sur 170 km, pour une superficie de 10 000 km2. De fortes densités de population humaine se trouvent en partie centrale (Oviedo) et sur la côte (Gijon - Avilès). Avec les régions précitées, les Asturies partagent la chaîne cantabrique, qui culmine aux Picos de Europa, à 2600 m d'altitude. La chaîne cantabrique constitue le prolongement naturel de la chaîne pyrénéenne. L'occupation du sol se répartit entre 30% en forêt, 30% d'espaces naturels ouverts (landes atlantiques ou alpages), le troisième tiers en terrains cultivés et espaces artificialisés. La région visitée se situe au sud-ouest d'Oviedo : Proaza et la Senda del Oso, et le parc naturel de Somiedo. Elle abrite encore une importante population d'ours autochtones. Mardi 27 novembre 2007 9 h 30 - 12 h Présentation générale Maison de l'ours à PROAZA Juan José ARECES, Ministère espagnol de l'environnement ; Teresa Sanchez COROMINAS et Juan Carlos DEL CAMPO, ministère de l'Environnement et du développement rural de la Province des Asturies ; Carlos Zapico ACEBAL, Antonio Eder GARCIA, Roberto Garcia GARCIA, José Tunon HUERTA, Fondation de l'ours des Asturies ; Miguel Fernandez OTERO, Grade principal de la patrouille Ours du Ministère de l'Environnement et du développement rural de la Province des Asturies. La Principauté des Asturies est une communauté autonome d'Espagne. Sa capitale est la ville d'Oviedo. Son territoire couvre 10 000 km2 et accueille une population en régression qui dépasse légèrement le million d'habitants, concentrés dans la zone centrale dans trois villes principales : Gijon (274 000 hbts), Oviedo (212 000 hbts), Avilès (84 000 hbts). La langue officielle est l'espagnol, même si l'asturien s'utilise beaucoup. La Communauté est divisée en 78 Communes qui ont la même valeur légale qu'une municipalité en France. L'économie des Asturies repose sur un secteur primaire en perte de vitesse qui occupe près de 6 % de la population active avec l'élevage bovin, l'agriculture et la pêche. Le secteur secondaire emploie 30 % de la population active, particulièrement dans les domaines de la sidérurgie, de l'agroalimentaire, de l'acier, de l'armement, de la chimie, des équipements de transport. Le secteur tertiaire concerne 65 % de la population active et cette part va en augmentant, effet de la concentration de la population dans les centres urbains et de l'importance qu'à acquis le tourisme dans la région ces dernières années. La fin de l'extraction du charbon, dans les années 70, qui avait un rôle prépondérant autrefois, a durement frappé l'économie asturienne qui a du faire d'importants efforts de reconversion (les Asturies étaient classées en Objectif 1 par la Commission européenne). La partie sud de la province où vivent les ours appartient à la cordillère Cantabrique, montagnes pouvant s'élever jusqu'à 3000 mètres. La cordillère cantabrique est relativement anthropisée (12 habitants au km2), soit plus que les Pyrénées. La superficie totale de la zone à ours sur les Cantabriques s'étend sur 500 000 hectares et la zone en Asturies couvre 200 000 hectares et 75 000 habitants, répartis dans 19 communes. Deux zones sont principalement concernées : la vallée de l'ours, autour du village de Proaza et le parc naturel de Somiedo. 4 L'activité sur cette zone à ours s'est essentiellement focalisée depuis 1990 sur la complémentarité entre élevage (essentiellement bovin, d'une race à viande locale) et tourisme de nature, centré sur l'image de l'ours. La population d'ours s'élève à environ 150 unités répartis en deux noyaux séparés (120 à l'ouest, 30 à l'est) par une zone intermédiaire, riche en infrastructures. Il y en a 90 en Asturies. Un des objectifs de la politique menée est d'essayer de réunir les deux noyaux pour limiter les risques d'endogamie. Le processus sera très long eu égard à la forte présence d'activités humaines dans la zone intermédiaire et au caractère « casanier » des femelles ourses suitées. Cette population a été reconstituée suite à une décision datant d'il y a une vingtaine d'années, époque à laquelle elle était descendue à une soixantaine d'individus. La compétence de la conservation de la nature relève du gouvernement autonome. La législation nationale relayée par la législation de l'Autonomie asturienne place l'ours dans la liste des espèces en danger d'extinction, considérant d'abord l'avenir de la population locale, indépendamment de l'existence d'ours bruns ailleurs dans le monde. La population, même si elle atteignait le seuil de 250 individus, resterait, selon les Espagnols, en danger eu égard à son caractère isolé des autres populations ursines. C'est la raison pour laquelle les Espagnols ne souhaitent pas donner d'ours à d'autres pays, notamment à la France, même si le massif pyrénéen est transfrontalier, et les deux populations ursines, asturiennes et pyrénéennes, séparées depuis quelques siècles seulement, sont génétiquement très proches. Pour les espèces classées en danger d'extinction, il y a une obligation de mise en uvre d'un « plan de récupération ». Ce plan a fait l'objet d'une loi asturienne du 27 mars 1989 et d'un décret du 24 janvier 1991 actualisé par un nouveau décret le 24 janvier 2002. La « récupération » -le rétablissement- de la population d'ours passe par une série de mesures de gestion et de suivi, notamment : - suivi et recensement des individus, notamment des femelles suitées (15 en 2006) ; - travaux scientifiques : détermination des lieux d'hibernation et d'alimentation. à noter que la cartographie est diffusée au public - prise en compte des dommages (indemnisation de tous les dommages à hauteur du prix du marché plus 20%, ce qui aboutit à 130 par ovin en moyenne, pour un total de 90 000 en 2006. Pas de prime de dérangement. Les plus grands dommages sont constatés sur les ruches, avec un nombre faible sur les ovins (cheptel d'environ 3 000 têtes en été venant de l'extérieur ­Estrémadure- avec gardiens et chiens), et inexistant sur les bovins. Le barème est revu trimestriellement (selon le prix du marché). - gestion de la chasse avec création de zones interdites aux battues à sangliers (zones d'alimentation et tanières par exemple). Ces zones réservées correspondent aux secteurs fréquentés par les ours. - régulation des activités touristiques. La gestion de l'ensemble des activités de protection de la nature est assurée sur le territoire des Asturies par un corps de 145 gardes, dont 5 sont consacrés à l'ours. En outre, 150 gardes des sociétés de chasse interviennent également. 12 h Rencontre avec Belén FERNANDEZ, conseillère à l'Environnement et au développement rural de la Province des Asturies Maison de l'ours à PROAZA 5 La ministre a indiqué que l'ours était l'emblème et l'ambassadeur des Asturies et que la population locale a participé à la volonté d'éviter l'extinction de l'espèce. Elle a précisé qu'il s'est formé un consensus autour de l'ours et qu'il n'existe en Asturies aucun organisme opposé à l'ours et qu'il n'y a pas de raisons objectives qu'il y ait un conflit. Il faut comprendre que l'ours améliore l'économie à long terme et que dès lors il cesse d'être un problème, les dommages et les inconvénients devenant moindres par rapport aux avantages. Le plan de récupération a fonctionné grâce à un système efficace de compensation des dommages ; la mise en place d'équipes spécialisées pour le suivi et la gestion ; l'élimination des risques liés à l'ours - aucun incident en 25 ans -. Il faut poursuivre la recherche sur les habitats et la génétique et l'éducation et sensibilisation de la population et des visiteurs. La ministre a fait l'éloge du parc naturel de Somiedo, exemple concret de la politique de protection de la nature alliée à un développement économique directement issu de la qualité naturelle du territoire. En 1988, Somiedo était classée avant dernière sur les 78 communes des Asturies en termes de PIB, elle est aujourd'hui quarantième. Concernant les rapports avec l'élevage et les prédations, notamment sur ovins, elle a indiqué que l'élevage asturien est surtout bovin, et de ce fait les quelques élevages ovins ont très peu de prédations. Il s'agit surtout d'éleveurs transhumants qui viennent avec bergers et chiens. Concernant le développement du tourisme dans des zones où l'accès est interdit, notamment aux touristes, la ministre a précisé que l'objectif était d'améliorer la qualité des habitats naturels tout en laissant la majeure partie du territoire accessible : la présence de ces zones réservées est un gage du sérieux du travail que les visiteurs comprennent et apprécient. Sur Somiedo qui a un statut de parc naturel, il y avait en 1988, 20 chambres d'hôtels, il y en a 800 aujourd'hui, le tout en ayant augmenté la population d'ours. Il y a eu développement d'un modèle d'organisation du territoire fondée sur la coexistence et le développement du tourisme sans gêner l'ours. Une dizaine de journalistes étaient présents à la conférence de presse qui a suivi et à laquelle ont participé, aux côtés de la ministre, Denis Laurens et Augustin Bonrepaux, membres de la délégation. Plusieurs articles ou dépêches dans les médias locaux en ont été le fruit dès le lendemain. 12 h 30 - 13 h Visite d'un parc à ours. Le Parc est un enclos de 4 hectares visitable gratuitement où sont entretenus deux femelles autochtones, rendues orphelines suite à un accident de chasse. Il est situé à Villanueva, à quelques kilomètres de Proaza, le long du « senda del oso », important sentier de randonnée, servant d'axe touristique dans ce secteur. 60 000 personnes le visite chaque année, le choix a été fait de garder l'entrée gratuite pour éviter de focaliser sur cette attraction qui n'est là que pour donner à voir des ours que l'on ne voit pas dans la nature. L'idée générale du tourisme de nature est de montrer un territoire protégé où peuvent vivre les ours et d'attendre les retombées économiques des activités associées (hébergement, restauration, vente de produits). 6 14 h Rencontre avec l'association de sauvegarde des races domestiques autochtones Anton Alvarez SEVILLA La biodiversité concerne les espèces sauvages, mais aussi les races domestiques autochtones. Les écosystèmes pastoraux traditionnels des Asturies, Pyrénées, Alpes, donnent une identité ethnographique, culturelle et économique à l'Europe, appréciée des touristes. Et, dans de nombreux cas, les races domestiques millénaires donnent de bons produits : laine, lait, viande. Les Pyrénéens sont venus pour voir où vit l'ours. L'ours est symbole des Asturies. Il ne représente pas un problème pour les éleveurs. Le travail des éleveurs permet aux touristes de voir les vaches autochtones, plus facilement que les animaux sauvages ! Le travail fait dans les Asturies sur les races autochtones a un parallèle dans les Pyrénées, où un grand nombre de races autochtones existe, participant au patrimoine génétique pyrénéen. L'impact sur le milieu de ces animaux adaptés à la topographie et au climat est important. L'utilisation de terrains difficiles maintient ces milieux ouverts, et régénère une biodiversité riche. 15 h 30 - 16 h Visite de la Maison de l'ours à PROAZA Fondation « Oso de Asturias La Fondation « Oso de Asturias » est une association privée sans but lucratif, créée en 1992, destinée à promouvoir et développer des actions en faveur de la conservation de l'ours cantabrique. Elle est administrée par différents membres, dont la Province, de grandes entreprises et des banques. Elle gère la Maison de l'ours de Proaza. La présentation a notamment porté sur le travail conduit auprès des scolaires, avec la mise en place d'animations pour des classes d'une semaine avec découverte du territoire (et une attention particulière sur les enfants immigrés pour leur faire découvrir la nature locale dans un souci d'intégration). 900 enfants sont accueillis chaque année, au printemps et à l'automne, et abordent, en dehors de l'ours, les thèmes qui lui sont liés : biodiversité et nature, ressources énergétiques et eau, changement climatique. La Fondation accueille également des thésards en collaboration avec des universités espagnoles, mais aussi étrangères. Une travail sur la transposition des études conduites sur les ours scandinaves (comportement des ourses suitées, basé sur le suivi de 500 individus marqués) dans le contexte asturien a ainsi été mené. 17 H 15 ­ 18 h Présentation du suivi des ours Maison du parc à POLA DE SOMIEDO Fondation Oso Pardo (FOP) ; Fondation pour la protection des animaux sauvages (FAPAS) La Fondation Oso Pardo (ours brun) est une ONG créée en 1992 pour contribuer à la conservation de l'ours, de son habitat et de son environnement culturel. Elle forme et gère des gardes-moniteurs dans les zones à ours de la cordillère cantabrique (pas seulement en Asturies) et organise des visites de découverte. Elle acquiert également des terrains pour développer des modèles de gestion compatibles avec la conservation du plantigrade et mène des actions d'éducation et de sensibilisation. 7 La Fondation pour la protection des animaux sauvages est une association d'environnement créée en 1982, et compte 18 000 membres, emploie 18 personnes, avec un budget de 1 200 000 . La FAPAS travaille sur la protection de l'ours, notamment en contribuant à quantifier la population d'ours, par différentes méthodes qui renseignent aussi sur les autres espèces. Le suivi des ours et leur comptage sont faits via des affûts organisés en place fixe sur quatre semaines dans l'année dans les « zones critiques » et les zones de présence habituelle. Ils servent surtout à connaître le nombre de femelles suitées (possibilité d'identification, moins de mobilité spatiale) qui sert de base à la connaissance de l'évolution de la population d'ours. Ils sont complétés par des photos prises par des appareils, en place depuis 10 ans. Ceux-ci donnent beaucoup d'informations sur la fréquence relative des différentes espèces : (par exemple, 1 ours pour 9 sangliers), sur le sens de déplacement des individus photographiés, sur la présence de chiens suivant les animaux sauvages, sur la taille précise des animaux photographiés par photomontage ultérieur. Ce travail qui permet de caractériser à l'échelle locale la représentation d'une espèce et son évolution dans le temps, aide notamment à gérer la population de sanglier en fonction de la compétition alimentaire. Il confirme que les femelles ourses suitées se déplacent peu, contrairement aux mâles. D'autres informations sont données par des analyses de transects (152 km sont suivis) qui sont transposées en statistiques de présence d'ours. Ce travail est conduit sur deux vallées de 800 à 1 000 ha chacune. Le suivi général est coordonné entre les différents observateurs, pour éviter le doublonnage des dénombrements. Des informations proviennent aussi des habitants, éleveurs, bergers, randonneurs et sont validées par la « patrouille ours » de la Province. Des réunions trimestrielles sont également organisées avec les différents organismes impliqués. Les différentes fondations et les gardes enlèvent aussi les différents pièges et autres poisons qui, bien qu'ils ne soient pas mis pour l`ours, peuvent constituer un danger (poisons pour loups, liens pour sangliers). Toutes ces informations, au delà de l'intérêt scientifique, sont aussi utilisées pour l'information des chasseurs. Grâce à ce suivi, ont été dénombrés en 2006 15 femelles suitées, pour 33 jeunes en Asturies. 86 ours différents au minimum ont fréquenté la principauté, sur une population totale estimée à 150 individus. C'est à l'est de Somiedo que la population ursine asturienne est la plus dense. Sur la commune de Somiedo (30 000ha) on peut donc considérer qu' il y a en moyenne 2 ou 3 femelles suitées, soit une quinzaine d'ours sur les 86 recensés dans les Asturies. La population continue d'augmenter, mais la mortalité de jeunes sans cause déterminée s'observe. 8 18 h 00 ­ 20 h 30 Réunion sur la chasse Maison du parc à POLA DE SOMIEDO Chasseurs ; FOP ; FAPAS Avant 1964, la chasse était une activité privée réservée à la « bourgeoisie ». En 1964, fut créée une réserve nationale de chasse. En 1975, avec l'avènement de la démocratie et des communautés autonomes, cette réserve est devenue de compétence régionale et la loi régionale a démocratisé le droit de chasse. En 1988 a été créé le parc naturel de Somiedo. Le meilleur moyen de lutter contre le braconnage fut d'accorder le droit de chasse aux habitants locaux. 40% de la chasse au sanglier est confiée aux locaux, ainsi qu'un droit de chasse sur cerfs et isards, les 3 seules espèces chassables dans la réserve. Somiedo compte 150 chasseurs répartis en 7 équipes, pour 1 600 habitants. Le nombre de chasseurs n'est pas limité. Les plans de chasse, inclus dans l'ensemble des plans de chasse de la Communauté autonome approuvés par l' Assemblée, sont répartis par tirage au sort. La communauté autonome paie annuellement 150 000 à la commune de Somiedo au titre du parc naturel de 30 000 ha ; elle paie les dommages dans la réserve, de l'ordre de 300 000 (causés à 50% par le sanglier sur prairies et cultures, 20% par le cerf sur prairies et arboriculture, 20% par le loup sur bétail, 1 à 2% par l'ours, dommages aux ruches surtout) A Somiedo, il y a un excès de sangliers et de cerfs, ce qui conduisait les gardes à éliminer le sanglier après la période de chasse, pratique mal vécue par les chasseurs locaux. Une nouvelle loi régionale permet de pratiquer la chasse touristique guidée, auparavant par un garde, maintenant par un chasseur local. Dans le futur il faudrait accentuer la pression de chasse au sanglier, alors que le nombre de chasseurs diminue par vieillissement. L'université d'Oviedo étudie ces évolutions, au plan économique, démographique, législatif. En ce qui concerne la gestion des zones de présence des ours, celles-ci sont conçues pour assurer la tranquillité des ours, et non pas pour la protection des personnes ou des troupeaux. La chasse en battue des sangliers étant une activité traditionnelle dans les Asturies, c'est la seule forme de chasse qui pose un problème de dérangement par rapport à l'ours. Par ailleurs, la densité élevée de sangliers pose un problème pour l'ours, via la concurrence alimentaire. La chasse sportive est un instrument important de contrôle des sangliers, permettant de réduire tout à la fois cette concurrence et le piégeage qui met les ours en danger. Il a donc fallu rechercher un point d'équilibre : pas de chasse en battue si tanière, si ourse avec jeunes signalée, ou zones d'alimentation. Mais l'interdiction est limitée dans le temps (ex : l'interdiction sur les zones d'alimentation ne vaut plus lorsque l'ours est en tanière, et celle sur les tanières ne vaut que pendant la période d'hibernation). Si une femelle suitée est repérée sur le territoire de battue, la chasse est suspendue et reportée sur un autre territoire. On ne chasse pas à partir de décembre dans les zones de tanières. On chasse avec des chiens tenus en laisse, sur des traces de sanglier fraîches. Les chasseurs ainsi sont considérés comme participant activement au plan de récupération. La gestion est partenariale entre chasseurs et fondations, avec échanges réguliers d'information. Un guide (« les chasseurs asturiens et la conservation de l'ours ») a été élaboré en co-écriture entre chasseurs et fondations qui prévoit notamment la chasse avec les chiens tenue en laisse, la mise à disposition de gilets de couleur orange pour identifier les chasseurs, l'obligation d'utiliser des talkies-walkies. 9 Les autres modes de chasse : chasses accompagnées aux cervidés et à l'isard, chasse au petit gibier, ne posent pas de problèmes. Une bonne cohabitation est maintenue, bien que la population d'ours augmente. Sur l'ensemble des Asturies, il y a 9 des associations de chasse, comptant 4 000 chasseurs. Ils ont des conventions avec la FOP : informations sur les ours en échange de la collaboration à la surveillance et à la prévention des dégâts sanglier. L'administration paie les éventuels dégâts occasionnés par une collision routière avec un ours : la traversée des routes par les ours est courante, il y a eu un ours tué il y a longtemps, quelque animaux blessés ; le service forêt faune se rapproche des gestionnaires des routes pour la tenue de base de données et la prise de mesures de prévention, barrières, clôtures. Par contre la responsabilité des sociétés de chasse peut être recherchée par les tribunaux judiciaires en cas de collision avec une espèce gibier, cerf ou sanglier, lors d'une action de chasse. MERCREDI 28 NOVEMBRE 2007 9 h 30 ­ 10 h Visite et présentation du parc naturel Maison du parc à POLA DE SOMIEDO Belarmino Fernandez FERVIENZA, maire de Somiedo. Le parc a été créé en 1988 avec, comme objectif, la conservation de la nature et le développement économique de la région. Il était alors pilote et il y a maintenant 6 parcs naturels dans les Asturies. En 2008, ce sera les 20 ans du Parc : il constitue aujourd'hui un modèle d'aménagement du territoire et une marque de qualité. En 1988, il y avait 350 exploitations bovines, 12 vaches par exploitation. L'élevage reste un moteur important. Il y a maintenant moins d'éleveurs, mais une moyenne de 50 animaux par exploitation. On a beaucoup investi dans la génétique et le développement de la race. L'IGP asturienne a été créée. La vache asturienne s'est répandue dans tout le nord de l'Espagne et jusqu'en. Argentine. Beaucoup de géniteurs sont vendus, jusqu'à 6 000 par vache. Un veau de 3 mois est vendu 1 000 , un animal de 3 ans 2 000 à 3 000 . En 1988, il n'y avait pas du tout de tourisme rural. Aujourd'hui à Somiedo, on trouve 1 500 chambres pour 80 entreprises familiales, gérées par des locaux, ce qui était recherché. L'économie ne dépend plus seulement maintenant de l'élevage, mais aussi du tourisme. 10 h ­ 12 h Rencontre avec les professionnels du tourisme Maison du parc à POLA DE SOMIEDO Le tourisme est fondé sur l'ours et son image et sur la nature avec deux sites principaux, la vallée de l'ours autour de Proaza (sentier de l'ours -utilisant le tracé d'une ancienne voie ferrée-, maison de l'ours, Paca et Tola ­noms des deux ourses du parc à ours-) et le parc naturel de Somiedo (maison du par cet activités). Chacune des 4 communes concernées possède son office de tourisme. 10 Le tourisme était inexistant il y a 10 ans. Pendant ces 10 ans, les places hôtelières et la fréquentation, d'une part, et le nombre d'ours, d'autre part, ont simultanément augmenté. Les acteurs locaux se sont posé la question de la compatibilité : que l'accroissement de la population d'ours ne soit pas un frein au développement du tourisme. L'objectif de ce développement touristique est de fixer la population pour freiner l'exode rural et restaurer le patrimoine, mais, jusqu'à présent, on n'est pas assez parvenu à stopper la diminution de la population en zone rurale. Toutes les activités touristiques ont été confiées aux locaux (hôtels, restaurants) avec des règles : par exemple, la capacité d'hébergement commercial est limité à 19 chambres, avec une volonté de répartir les hôtels dans les différents villages de la municipalité de Somiedo (sur les 38 villages, 22 ont des établissements, l'objectif étant d'en avoir dans chacun des villages). Dans la vallée de l'ours (4 municipalités, dont Proaza), on est passé de 50 chambres d'hôtels en 2000 à 750 aujourd'hui. Le chiffre d'occupation indiqué est de 120 à 150 nuitées par an par chambre. Le choix a été fait de laisser les activités de tourisme de nature gratuites ­ notamment le parc à ours- et de fonder l'activité économique sur les activités associées. Le développement économique vient de la marque de qualité. Pour Somiedo, 120 000 personnes passent par le parc chaque année, essentiellement des Espagnols, et 1500 étrangers seulement, avec une volonté de se développer vers l'Europe (l'obtention récente du label « Europarc » devrait y aider). Le tourisme est essentiellement axé sur la nature et la promenade, à pied, à cheval, en vélo. Somiedo est l'un des parcs les plus restrictifs d'Espagne : pas de parapente, de rafting, de canyoning, une seule école d'escalade. « Si on permet le parapente, les 2 000 personnes que cela attirerait ne valent pas les 120 000 qui viennent pour échapper à ce type d'activités ». Le problème, ici comme ailleurs, reste la saisonnalité de ce tourisme ­ le taux d'occupation à Proaza est de 120 à 150 jours sur 365 -, mais la rentabilité, selon les hôteliers présents, est acquise, d'autant plus que l'activité est de type familiale et que la pluriactivité semble la règle. Le chiffre d'affaires annuel d'un gîte de 4 personnes est de 10.000 à 18.000 ; celui d'un hôtel de 15 chambres de 10 000 /mois. Le taux de cotisations sociales est de 300 à 400 mensuels par employé, la TVA à 7%, l'impôt sur les personnes physiques de 20%, l'impôt sur les bénéfices des sociétés de 35%. A ce jour, une seule des entreprises hôtelières de Somiedo a fait l'objet d'une transmission familiale, les autres sont de création récente. La région étant en objectif 1, elle a bénéficié d'un programme européen de développement rural. Un programme Leader interviendra à compter de 2008. Le programme Leader actuel (2002-2006) concerne 10 communes et 25 000 habitants, pour 13 millions d' . Il a appuyé 240 projets d'entreprise, essentiellement du tourisme rural, mais aussi de la petite industrie. Le taux de financement moyen est de 33% (1/3 Europe, 1/3 Etat, 1/3 Autonomie). Il varie de 20% à 40% suivant la qualité du projet, la subvention maximale par projet est de 150 000 . 155 projets concernent Somiedo. Les mêmes modalités seront pratiquées pour le prochain programme ; la région ajustera pour cela sa participation suivant l'évolution des taux de financement européens. 11 13 h ­ 14 h Rencontre avec des éleveurs et bergers Visite d'une estive et des granges (« branas ») VILLAR DE VILDAS L'élevage est surtout bovin et s'est rationalisé depuis la création du parc naturel. En 1988, 300 élevages de 12 bovins de moyenne, aujourd'hui 200 élevages de 50 bovins en moyenne. Il s'agit d'élevage allaitant de vaches de la race Asturienne. L`élevage se fait une grande partie de l'année en estive avec présence de « cabanes pastorales ». De grands secteurs sont en espace réservé (pour l'accès automobile) aux éleveurs. La valorisation bouchère des animaux est, selon les acteurs rencontrés, excellente. Dans la gestion de l'urbanisme, le choix a été fait de garder les élevages au sein des villages pour éviter un mitage du territoire. Cela ne pose pas de souci pour le développement du tourisme, les villages recevant en hébergement le plus de touristes sont aussi ceux où l'élevage est le plus important. Il y a à Villar de Vildas 24 troupeaux de 40 vaches, qui sont de mai à octobre dans le pâturage communal ; en hiver, la moitié reste sur place, la moitié va dans la plaine côtière. Il y avait auparavant des moutons et chèvres. La population, en diminution, a choisi ce qui était le plus rentable : le bovin à viande. L'éleveur rencontré possède 95 vaches, il complémente par des céréales. Il a 30 hectares de prairie de fauche, fauchés en partie à la faux, et exploite en été 140 hectares. Il visite ses vaches tous les jours. En 10 ans, il a eu 2 dégâts de loup et 1 dégât d'ours -la vache asturienne est un animal de 700 à 800 kg-. Il y a des problèmes avec les sangliers qui détruisent les prairies. Les loups qui font quelques dommages sur les ovins doivent être régulés. Il est responsable d'une coopérative d'éleveurs, engraisse des veaux de 1 an, aux céréale. La viande est à 90% commercialisée dans les Asturies, l'asturienne IGP est payée plus cher que les autres races. L'acheteur paie plus cher en ayant la une certitude de la qualité. Le maire espère développer plus de produits avec la marque « Somiedo » : transformation de viande, fromages de chèvres, embouteillage d'eau de source. Ce dernier projet, de réalisation proche, est important sur le plan démonstratif : le but étant d'attirer de la population, la contribution de la petite industrie sera essentielle. 12 17 h ­ 20 h Rencontre avec des maires et élus des Asturies Maison du parc à POLA DE SOMIEDO Maria Elena Diaz PALACIOS, députée au Parlement de la Principauté des Asturies Belarmino Fernandez FERVIENSA, maire de Somiedo ; Ramon Fernandez GARCIA, maire de Proaza ; Carlos de Llanos GONZALEZ, maire de Santo Adriano ; Jose Felix Garcia GAONA, Directeur général de la biodiversité et du paysage à la Principauté des Asturies Pour le maire de Somiedo, chaque territoire a ses stratégies et doit choisir son destin : si l'on faisait venir des gens à Somiedo pour voir des ours, on les tromperait. On leur dit : venez à Somiedo, il y a des ours en liberté, ceci atteste d' un haut niveau de conservation. Même si vous ne les voyez pas, cela signifie qu'il existe un habitat réunissant les conditions de leur existence. L'ours est un symbole, mais une destination touristique ne doit pas se baser que sur l'ours. Heureusement, Somiedo réunit tous les atouts de la cordillère cantabrique. L'initiative du parc est venue de la commune, et non de la Région ou de l'Etat central. L'implication du parc dans le développement fait la marque de qualité de ce territoire. Du point de vue de l'environnement, les zones de montagne, au lieu d'être en retard, ont une grande valeur Le choix a été fait d'un parc « permissif » vis-à-vis de l'élevage bovin traditionnel favorable à la biodiversité, mais très restrictif pour l'usage touristique. Le débat est présent en Espagne sur ce thème, sur la côte méditerranéenne et dans les Pyrénées : trop de tourisme détruit la nature. L'urbanisme est contraint à Somiedo : pas de constructions hors village, et plan d'urbanisme pour chacun des 38 villages. Le grand risque pour la conservation n'est pas l'élevage, mais l'urbanisme. Les étables sont autorisées dans les villages et jusqu'à 500m à l'extérieur. Les villages qui ont le plus d'élevage ont aussi le plus de touristes . Concernant l'ours, le maire indique que l'ours en Asturies est « sacré », car il a une grande valeur économique. Autrefois, le tueur d'ours était un héros, aujourd'hui il serait banni de la société. Mais il ne donne pas de conseil ; chaque territoire est différent. Le parc national de Pyrénées occidentales, qu'il connaît, a été une bonne initiative à son époque, mais dans ce type de structure, les acteurs locaux n'ont pas toujours eu toute l'initiative. Le problème de l'ours reste entier, tout le monde doit faire un pas, il n'y a pas de montagne vivante sans pastoralisme, mais l'humanité a le devoir de protéger les espèces sauvages. Les habitants sont les véritables gardes de la faune, sinon il n'y a pas de réussite possible. Celle-ci passe par la compensation pour les habitants des contraintes (dommages, mais surtout développement des activités économiques de façon à ce qu'ils ne se sentent pas handicapés par rapport aux autres territoires). Il faut faire passer le souhait de partager le territoire. Pour le futur, il faudra développer encore plus le tourisme, notamment européen. Dans les statistiques espagnoles, les Asturies sont la première destination de tourisme rural et cette destination est bien stabilisée, mais on ne pourra rivaliser avec le tourisme méditerranéen. Pour l'agriculture et l'élevage, il faut ouvrir plus de potentialités même si le pays connaît un certain déclin. Et aussi appuyer l'élevage bovin viande. Pour le maire de Santo Adriano (280 habitants), dans cette zone déprimée où l'élevage n'existe plus, la seule ressource est la nature. Le maire encourage à la restauration de la population pyrénéenne d'ours. Le parc d'ours captifs est complémentaire de la présence d'ours sauvages que l'on ne voit pas, et qu'il est dissuadé ou interdit d'approcher . 13 La Députée a rappelé que l'Espagne est constituée de communautés, disposant d'une Assemblée, héritière des parlements régionaux. Les Asturies pour 1 million d'habitants ont une assemblée de 45 députés. L'Assemblée asturienne s'était déplacée à Somiedo lors de l'avancée sur le littoral des troupes napoléoniennes. Elle s'est déclarée souveraine en 1820. Madrid a les compétences législatives de base et l'Autonomie complète par des dispositions législatives spécifiques. Les députés pour leur travail législatif peuvent demander des opinions d'experts, ou des parties intéressées. La politique environnementale et de conservation des espèces est l'objet d'une attention particulière de toutes les partis au Parlement. La région asturienne est marquée par une forte tradition industrielle et une forte concentration de population. Quand la communauté autonome s'est constituée au début des années 1980, deux problèmes sensibles se sont révélés : la pollution des sols des eaux, de l'air, au c ur du bassin minier, et la présence de vastes zones rurales sans activité économique. La région a connu une grave crise économique dans les années 1980 : la réponse a été un rééquilibrage territorial des activités, couplé avec la protection et l'amélioration de l'environnement. Le retour du saumon est utilisé comme symbole du nouveau modèle économique ; « une vie audelà de l'industrie lourde ». Dans les Asturies, le symbole est l'ours, il induit de nouvelles activités économiques différentes de l'élevage qui a su s'adapter aux conditions modernes. La protection de l'habitat qui permet aux espèces de survivre est une garantie pour le maintien de l'activité. Pas de rivalité, mais la coexistence. Il y a eu une large concertation des acteurs locaux pour le plan régional. L'institut d'aménagement du territoire l'étudiait depuis 1984, dans le contexte de crise économique. En 1987, le projet de premier plan de gestion a été discuté dans tous les villages, le principe étant de travailler sur un texte amendé au fur et à mesure pour prendre en compte l'avis des minorités. Le texte même s'il est plus long à produire doit être accepté par les populations locales, mais aussi par le reste du territoire (qui paie les impôts permettant la mise en uvre). Aujourd'hui, on discute de ce que l'on doit faire, mais plus de l'existence du parc. Des structures de gestion démocratiques de gestion ont été créées, des lieux de débat. Aucun projet ne peut aboutir sans l'adhésion des habitants. Il faut aussi indemniser « généreusement » les dégâts d'ours, et aussi compenser pour les habitants de la zone avec d'autres bénéfices, tel l'amélioration des infrastructures. 14 ANNEXE 3 : DEPLACEMENT DANS LE TRENTIN (ITALIE) Qualification de la zone de présence et renforcement du suivi de la population d'ours dans les Pyrénées françaises Mission de l'Inspection générale de l'Environnement Compte-rendu du voyage d'étude d'une délégation française dans le Trentin (Italie) du 10 au 13 décembre 2007 Liste des participants Monsieur Francis ADER, Président de l'Association de Défense de l'Identité Pyrénéenne, Monsieur François ARCANGELI, Président de l'Association Pays de l'ours-ADET, Maire d'Arbas, Monsieur Henri BONAFFE-CLAUSS, Président de la Fédération Départementale des Chasseurs de la Haute-Garonne, Monsieur Stéphan CARBONNAUX, représentant l'Association FERUS, Monsieur Frédéric DECALUWE, Equipe Technique Ours, Monsieur Thierry GALIBERT, Adjoint au Directeur Régional de l'Environnement de MidiPyrénées, Madame Hélène HUEZ, représentant l'Association pour la Sauvegarde du Patrimoine d'Ariège - Pyrénées Monsieur Denis LAURENS, Inspecteur Général de l'Environnement, Monsieur Samuel MARGUET, représentant l'Association des Bergers ­ Hautes-Pyrénées, Madame Madé MAYLIN, représentant l'Association pour le Développement Durable de l'Identité des Pyrénées, Monsieur Jean-Paul MERCIER, administrateur de l'Association Pays de l'ours-ADET, Monsieur Philippe QUAINON, Directeur départemental de l'Equipement et de l'Agriculture de l'Ariège, Monsieur Georges RIBIERE, Inspecteur Général de l'Environnement, Monsieur André ROUCH, Président de la Fédération Pastorale de l'Ariège, Monsieur Jean-François RUMMENS, Directeur de la Fédération Pastorale de l'Ariège, Monsieur Claude TERON, Maire de Goulier, Monsieur Claude VIELLE, représentant l'Association pour la Sauvegarde du Patrimoine Pyrénéen ­ Hautes-Pyrénées. 15 La province du Trentin se situe dans la partie nord est des Alpes italiennes. Elle constitue avec la province de Bolzano la région autonome Trentin-Haut Adige. Proche des frontières suisse, autrichienne et slovène, la province du Trentin n'est pas elle-même frontalière : elle est bordée à l'ouest par la Lombardie, au sud-est par la Vénétie, deux régions particulièrement peuplées, et au nord par le Haut Adige. Le territoire visité a été le parc naturel Adamello-Brenta. Il correspond à l'entité montagneuse, à l'ouest de la ville de Trente, située entre le lac de Garde au sud et le parc national de Stelvio (Val Venosta) au nord. Deux chaînes de montagnes le constituent, à l'ouest la Brenta dolomitique, réputée pour l'alpinisme et la station de ski de Madonna di Campiglio, et à l'est, l'Adamello constitué de roches cristallines. Ce Parc naturel a été le support, de 1999 à 2001, d'une opération de renforcement de la population d'ours brun autochtone qui était en voie d'extinction. Mardi 11 décembre 2007 9 h 30 - 12 h Présentation des modalités de gestion des ours bruns Intervention de Romano MASE, Directeur général du Département Ressources forestières de la Province du Trento Un projet «Life ours », soutenu par la Commission européenne, a démarré en 1999 à l'initiative de la province autonome du Trentin (Trento). Il comporte des aspects positifs : le succès biologique de la réintroduction, traduit par le rapport entre la natalité et la mortalité des ours, et la démonstration que le milieu naturel est favorable à l'ours ; et des aspects critiques ou critiqués: le rapport entre l'homme et l'ours, et la communication : comment une administration doit-elle s'exprimer auprès de la population sur ces sujets ? Au final, la situation est encore fragile, du point de vue biologique, et eu égard aux réactions de la population à certains aspects de ce projet. Pour le Département Ressources forestières, ce projet représente une grande opportunité pour développer son professionnalisme et pour approfondir certaines thématiques. Un autre aspect, plus culturel, est de suivre et promouvoir la capacité d'un territoire à s'adapter à la présence d'un prédateur : quel rapport de l'homme avec l'animal sauvage ? Intervention de Ruggero GIOVANNINI, Directeur du Bureau de la faune au Service Forêt-faune du Département Ressources forestières de la Province du Trento Il existe actuellement 20 à 24 ours bruns à l'ouest de Trente répartis sur environ 2 000 km2 (200 000 ha). L'objectif affiché est d'arriver à une population de 40 à 60 adultes sur la même superficie, soit 2 à 3 individus par 100 km2. Sur le très long terme ­40 ans-, l'idéal serait de parvenir à faire la jonction avec les populations ursines de Slovénie et des Alpes dinariques. Intervention de Claudio GROFF et Lorenzo VALENTI, du bureau de la faune au Service Forêt-faune du département Ressources forestières de la Province du Trento Il y avait 3 ou 4 ours autochtones dans les années 1990. La réintroduction de 10 individus slovènes a permis de comptabiliser 27 naissances de 2001 à 2007. Il y a eu 3 décès et 7 disparus, auxquels il faut ajouter la capture d'un ours à problème (Jurka). 16 La gestion de la population d'ours se fait par l'intermédiaire d'organisations publiques dépendant de la province du Trento, et non par des ONG. Il n'y a pas de restrictions aux activités de la population locale : la chasse est maintenue, mais contrôlée ; le ramassage de champignons est libre. Six axes constituent la méthode de cette gestion : - le suivi - l'information et la communication - la formation du personnel - la prévention des dommages et indemnisation - l'organisation d'urgence - le rapport avec les autres régions et pays voisins Le suivi La méthode traditionnelle (traces, affûts photos), engagée depuis 1974, a été complétée depuis 2002 par le suivi génétique (analyses de poils). 2 individus potentiellement à problème sont suivis par télémétrie. En 2002, le suivi génétique basé sur des échantillons fèces et poils sur 64 Km2, a caractérisé 10 ours différents ; en 2006, sur 752 Km2, ont été dénombrés 22 ours. En 2005, de jeunes individus mâles se sont déplacés jusqu'en Autriche, ce qui était prévisible du fait de l'éthologie de l'espèce. Le service avait préalablement établi des contacts avec les régions limitrophes : en 2006, un individu (Bruno) est allé jusqu'en Allemagne. Cet erratisme confirme l'importance des contacts avec les pays environnants. Les déplacements respectifs des ours ont été suivis par télémétrie satellite : ainsi, Jurka se déplaçait sur 500 Km2, une autre ourse Daniza sur 140 Km2 seulement. Au minimum, un ours se déplace sur 30-40 Km2, mais certains individus occupent 1000 Km2. Des déplacements de jeunes mâles dans diverses directions ont été observés, de 45 à 115 Km, en raison probablement de la saturation du territoire central. Ces grands déplacements peuvent poser des problèmes. Sur le plan démographique, la population d'adultes recensés n'a pas augmenté de 2002 à 2006 (8 individus sur 10 en 2002, 8 individus sur 22 en 2006). La quantité d'ours à maturité sexuelle est de 6 exemplaires. Sur 33 ours distincts ayant été identifiés, y compris les ours importés, 22 sont vivants et 11 sont morts ou disparus (un ours peut disparaître du recensement génétique pendant 1 an puis réapparaître, mais à ce jour aucun disparu pendant 2 années consécutives n'a réapparu ensuite). Le taux de « perte » global est donc de 30 à 33%. Sur un total net d'ours importés, 9, 4 sont présents et 5 disparus. Tous les animaux lâchés ont été pourvus d'un émetteur, pour 3 ans d'émission. On ne prévoit pas d'autre équipement radio émetteur, si ce n'est pour des ours à problèmes. Actuellement, un seul ours est équipé, Daniza, prédatrice de moutons autour des habitations, mais ne peut encore être considérée comme une ourse à problème. La comparaison avec la France sur la connaissance précise des populations montre que la méthode est globalement la même, les principales variations venant de la connaissance initiale exhaustive et de l'étendue du territoire (plus petit en Italie). A noter que l'organisation de sessions de récupération de poils est peut être plus cadrée dans le temps qu'en France, mais la moitié des résultats viennent des recherches occasionnelles ; quant au délai de retour des résultats des analyses génétiques, il peut être en Italie de deux semaines si urgence, gestion annuelle sinon. 17 L'information et la communication Lors des opérations de réintroduction ont été mis en place deux comités, un à vocation scientifique et technique, un à vocation de consultation de l'ensemble des populations concernées notamment par les activités professionnelles. Ces comités ont travaillé dans le cadre du programme Life jusqu'à la mise en uvre des réintroductions, puis ont été supprimés. La Province autonome a la responsabilité entière de la gestion. Les rapports de la Province avec les différentes catégories se poursuivent, mais sans institution officielle. Elles sont bonnes avec les professionnels du tourisme, compte tenu de la valorisation de l'image du Trentin ; assez bonnes avec les chasseurs et les agriculteurs ; difficiles avec les éleveurs ; très variables, mais plutôt en amélioration, avec les élus locaux. En cas d'attaque humaine de l'ours, le principe général est la non responsabilité de l'administration, l'ours, animal sauvage, étant « res nullius », surtout s'il ne dispose pas d'émetteur. Cependant, la Province a souscrit une assurance spéciale au cas où, mais, en 150 ans, aucun cas d'agression sur l'homme n'a été constaté. Plusieurs sondages auprès de la population locale ont montré 75,4 % d'opinions favorables à la présence des ours en 1997 et 73,2 % en 2003. Le budget de cette opération ours se monte à 309 000 annuels, y compris pour les dommages, dont 188 400 de coûts salariaux ( 4, 8 ETP pour 36 personnes concernées). La prévention et l'indemnisation des dommages L'indemnisation (à 100 % depuis 1974) concerne ruches, ovins, productions végétales, portes, enclos, etc. (pour mémoire, aucune attaque sur bovin ou équin n'a été signalée). Le principe repose sur une simple déclaration (appelée « autocertification ») par l'éleveur ou autre sur un numéro téléphonique accessible en permanence de mars à novembre. Contrôle ou non par l'administration responsable et remboursement dans les 60 jours. 90 % des déclarations sont contrôlées, mais moins de 10 % des dossiers sont refusés. Le remboursement n'est effectif que si l'attaque est effectivement imputable à l'ours, y compris pour les dérochements, mais pas pour les bêtes disparues. Cependant, l'indemnisation au bénéfice du doute n'existe pas en Italie. Mesures de prévention : troupeaux gardés, clôtures (double enceinte électrifiée) et chiens de protection. L'administration mène des efforts de sensibilisation, d'information et d'appui (héliportage) auprès des bergers et la plupart des éleveurs ont mis un système en place. Cependant, il existe une vallée où les troupeaux ne sont pas gardés et où les dégâts existent et peuvent représenter jusqu'à 5 % du troupeau, alors qu'ils n'en représentent que 1 à 2 % en cas de garde et d'équipement. Nombre et volume des dommages : 35 000 en 2005, année la plus forte (Jurka était responsable de la moitié des dommages) ; 28 000 en 2007, ce qui représente à peu près 100 dégâts. Barème : 150 par brebis, 250 par ruche. Le territoire compte environ 4000 ovins et 2000 bovins sur 2000 hectares (6 estives) occupés par les troupeaux (sur la zone de 2000 Km2 fréquentée par les ours). 18 L'administration croit que l'ours peut et doit s'installer sur le territoire, mais ne doit pas disposer d`une liberté totale. Le milieu ambiant peut accueillir l'ours, mais cela ne doit pas se faire au détriment du pastoralisme. Le cas échéant, un choix politique devrait être fait. On peut réduire les dégâts d'ours par la mise en uvre de moyens de protection, mais pas les éliminer complètement. Il existe des menaces plus grandes pour le pastoralisme que l'ours : changement climatique, manque de bergers, concurrence d'autres occupations humaines de l'espace, notamment dans les parcours littoraux utilisé en hiver. Au niveau des dégâts constatés, il ne semble pas y avoir de différence entre les ours slovènes et les autochtones selon le Département Ressources forestières du Trentin. L'organisation d'urgence et la gestion de situations particulières Il existe une équipe spécifique techniquement compétente, notamment pour les opérations d'effarouchement (balles en plastique) et de capture. Cette équipe a le même numéro d'appel permanent de mars à novembre que l'équipe Dommages. Elle est composée de 2 animateurs et d'un coordinateur (équivalent temps plein) et est intervenue 78 fois en 2006 et 20 fois en 2007 et est équipée d'une chienne russe de race Laïka, connue pour ses capacités à contrer les ours. L'ourse Jurka, réintroduite en 2001, avait un comportement très spécifique (84 signalements à l'équipe d'urgence dont 36 présences dans les villages, 2 entrées dans les maisons ­ inhabitées-, etc.). Demande de capture en 2006 au Ministère de l'environnement. Réponse de prolonger l'observation et décision de l'équiper en télémétrie. La capture pour équipement a été difficile (plus de deux mois). Réalisation d'opérations d'effarouchement. Pas de changement de comportement, voire aggravation, du fait de certaines pratiques des habitants (placement de déchets organiques pour l'attirer et pouvoir la photographier). Finalement, capture en 2007 et placement définitif en enclos. A noter des demandes d'ONG et une pétition de 18 000 signatures pour demander son relâcher. Le rapport avec les autres régions et pays voisins Une coordination inter-pays et interrégionale a été organisée depuis 2006 (cas de l'ours Bruno en Allemagne), notamment pour informer ceux-ci des possibles passages d'ours du Trentin (un descendant de Jurka a fait 115 Km vers le nord). 12 h ­ 13 h Visite d'un « parc à ours » Ce parc a été installé à Casteler (10 Km de Trente) pour accueillir Jurka, l'ourse à problème capturée en 2007. D'une superficie de 7500 m2, entouré d'un grillage de trois mètres de haut sur socle en béton, avec clôture électrifiée, il est destiné à abriter cet animal, stérilisée lors de sa capture, pour toute sa vie, sans prévoir de visite du public. Il est susceptible d'accueillir d'autres ours à problèmes et est équipé de cages pour permettre des soins. Son coût est de 400 000 . Les techniciens italiens ont indiqué à la mission qu'il s'agissait d'une position politique du Gouvernement central, leur position technique étant plutôt d'euthanasier Jurka dés lors qu'il était impossible d'envisager de la relâcher un jour. 19 15 h ­ 16 h Visite d'une aire faunistique Cette aire, située à Spormaggiore (30 Km de Trente), a été créée en 1994 par la Province, pour offrir un cadre naturel à trois ourses auparavant en captivité. Il contient aujourd'hui l'ensemble de la faune mammifère locale, avec notamment deux ourses dans un enclos de 7000 m2, hibernant en tanière lors de la visite de la mission. Après l'intrusion d'un ours sauvage qui a sauté les grillages, pourtant très conséquents, elles ont été stérilisées, à cause des problèmes de consanguinité et d'inaptitude à la vie sauvage des ours en captivité. Il semble que l'attrait d'une ourse en chaleur rende difficile toute protection physique, mais que le problème n'est pas de même nature pour des troupeaux ovins, le dispositif le plus efficace dans ce cas étant le fil électrique sous réserve d'un voltage suffisant. Les ourses sont nourries de croquettes et de fruits, avec viande et poisson deux fois par semaine. Cette aire faunistique attire 10 000 visiteurs par an, à 2,5 le billet. 16 h ­ 18 h Présentation du parc naturel d'Adamello-Brenta et visite de la maison du parc à SPORMAGGIORRE Antonello ZULBERTI, Président du parc, Filippo ZIBORDI, Chargé de la faune Ce parc, d'une superficie de 618 Km2, a été créé en 1967 dans un objectif essentiel de protection de l'environnement. Il est constitué des parties non urbanisées d'un certain nombre de villages (34), mais ne contient aucun de ces villages. Son budget est de 5 millions d'euros, dont 4 de la Province et 1 d'autofinancement. Il emploie 32 permanents et 60 saisonniers. Le Parc a obtenu la certification ISO 14 000 et EMAS, qui servent de base à un projet de labellisation des structures d'accueil (33 hôtels et 3 campings sont certifiés). En 1700, l'ours était répandu partout dans l'arc alpin. Avec les activités humaines de plus en plus nombreuses et les éliminations directes, encouragées par des primes à la destruction, il ne subsistait, après la 2e guerre mondiale, des ours que dans le massif Adamello-Brenta. C'est pour cette raison que le parc a pris l'ours comme symbole et logo du parc. Le parc a porté le projet Life ours en deux phases (1996, puis 2001) : étude de faisabilité, guide opérationnel, réalisation du projet. L'étude de faisabilité a surtout été conduite par rapport à la capacité du milieu ambiant d'accueillir une population d'ours. Elle a porté sur 7000 Km2 pour conduire à une zone préférentielle de 1745 km2 avec un potentiel de 40 à 60 ours. Elle a été conduite avec les deux comités cités plus haut. Le guide opérationnel s'est attaché à définir clairement le rôle de chaque acteur et les méthodes à employer. Le tout s'est conclu par le lâcher de dix individus (7 femelles et 3 mâles). Actuellement, le projet est considéré comme un succès biologique, mais aussi en termes d'acceptation de la population et d'utilisation de l'image de l'ours comme vecteur touristique. Il s'est aussi traduit par une clarification de la connaissance de l'ours par la population (ni « fauve sanguinaire », ni « Teddy bear »). Les résultats détaillés du sondage de 2003 démontrent une amélioration de la connaissance de la biologie de l'animal. Les résultats de sondage auprès de la population touristique font aussi apparaître une approche positive par rapport à la réintroduction d'ours (81% favorable à l'idée de relâcher, 72% ayant un intérêt pour visiter une aire où existe l'ours et 70% plutôt favorable à l'idée d'un surcoût sur les produits s'ils participent à la survie de la population d'ours). Pour le parc, il s'agit surtout d'utiliser le thème de l'ours pour la protection d'ensemble de la nature, car le futur de l'ours dans les Alpes italiennes passe par une « culture de l'ours ». 20 L'information a commencé dans les écoles : de 2000 à 2004, toutes les écoles du territoire ont été visitées. Pour les adultes, ont été organisées soirées et conférences, le plus grand nombre en été : 110 conférences, et 2620 participants. La presse a publié 75 articles parlant de l'ours et du projet, 127 émissions radio et télé pour 4h 30 cumulés. Deux expositions ont circulé dans les différentes mairies du territoire et, à la maison du parc, 3 étages sont consacrés à l`ours : ce musée reçoit 3000 visiteurs par an, ouvert au public en saison touristique de début juin à mi-septembre, et quelques semaines en hiver. Beaucoup de travail d'information a été fait. Le premier Life (500 K sur 4 ans) comportait 10% de communication. Cette implication a été portée à 25 % pendant le second projet Life d'un volume de 1 million d' en 4 ans. Mais cette communication initiale a été faite par des techniciens, biologistes, et pas par des communicateurs professionnels. Trop de communication peut exposer à la saturation, si l'on parle trop du projet : ainsi, 238 articles en 2002, contre 10 en 2001, mais diminution dès 2003. La saturation amène des aspects plus ambigus, comme l'utilisation du thème pour des raisons d'abord économiques et politiques. La région est très touristique : 900 000 visiteurs en été, pour 6 700 000 nuitées. Mais la grande majorité de la fréquentation est hivernale : le ski ne bénéficie qu'à trois communes du parc, alors que le tourisme estival vise à avoir des répercussions sur l'ensemble. Le domaine skiable de la station de Madonna di Campiglio est en quasi totalité dans le Parc. Celui-ci émet un avis sur les nouveaux équipements, l'économie locale étant d'abord basée sur le ski. Un accord est intervenu entre le parc et les gestionnaires de remontées : le secteur skiable est identifié. A l'intérieur, y sont possibles de nouvelles remontées, mais une étude d'impact y est requise. Il n'y a pas d'extension possible, même si c'est la Région qui a la compétence pour fixer les limites du parc. D'autres sites étaient potentiellement équipables en ski alpin, mais il a été considéré que l'équipement existant était suffisant. Les remontées mécaniques appartiennent à des sociétés privées. Les retombées aux collectivités ne se font que par la fiscalité et ne sont pas mutualisées. Le Parc en gelant du territoire skiable a empêché d'autres communes d'accéder au ski alpin. La Région ne finance plus les investissements de ski alpin au dessous d'une certaine altitude, en raison des risques liés au changement climatique. Elle finance des liaisons, mais pas de nouvelles stations. Il existe 3 à 400 Km de sentiers de randonnée balisés en haute altitude, entretenus par le Club alpin italien. La circulation à pied et à cheval est autorisée partout, mais il existe des restrictions. Un circuit VTT de 170 Km autour de Brenta est en cours de réalisation. Les motos sont interdites, là où les autres modes de circulation sont autorisés. Certaines routes sont fermées en hiver. Beaucoup de routes ne sont ouvertes qu'aux usages professionnels, pastoraux et forestiers. Les interdictions sont signalisées, les pénalités en cas d'infraction sont significatives. Sur la politique pastorale du Parc, les moutons et les vaches montent en estive, le pâturage est réglementé par des textes de la Province. Le Parc est très favorable au pâturage, sauf dans les réserves intégrales. Le pastoralisme est jugé important pour le paysage et la biodiversité. Des travaux d'amélioration pastorale sont en cours avec les communes. Il y a peu de demande pour les alpages, mais un éleveur nouveau pourrait trouver un alpage. L'élevage dans les villages du Parc est surtout bovin, les vaches laitières sont en étable ; des jeunes animaux et du bétail à viande montent en estive. Il y a dans le parc 40 bergeries « marghe », utilisées de façon variable suivant les années. 21 Les réserves naturelles sont constituées de réserves intégrales (20% de l'espace en haute montagne) ; de réserves spéciales, thématiques pour un thème particulier flore ou faune. Les mesures à y prendre nécessitent l'accord du propriétaire. Une réserve avait été créée pour les derniers ours autochtones, mais les animaux réintroduits se déplacent beaucoup. Cette réserve a toutefois contribué à protéger l'environnement. L'un des objectifs des réserves était la sauvegarde des activités traditionnelles, dont la chasse. Une étape essentielle du LIFE Ursus a été l'accord avec l'association de chasseurs. La chasse dans la réserve se limite à une régulation des ongulés. La chasse est individuelle, accompagnée par un garde ou un chasseur expérimenté, mode de chasse d'inspiration austrohongroise. La sylviculture naturaliste qui est pratiquée exclut les coupes rases, les replantations, sauf danger et besoin de protection contre l'érosion. Ce type de sylviculture est cohérent avec la protection du milieu. La gestion forestière est assurée par le service forêt-faune du Trentin. Mercredi 12 décembre 2007 8 h 30 ­ 10 h Rencontre avec les maires de communes peu touristiques à VEZZANO Eddo TASIN, maire de Vezzano ; Agostino DEPAOLI, maire de Terlago ; Giuseppe SCROSATI, maire de San Lorenzo in Banale ; Ezio SEBASTIANI, maire de Stenico L'ensemble des maires ont fait valoir l'organisation de réunions d'information de la population pour, d'une part, expliquer le principe et les fondements de la réintroduction, d'autre part, apporter des informations sur le comportement à adopter face à l'ours en cas de rencontres. Les habitants ont d'abord été effrayés par la présence de l'ours, les pratiques de Jurka ayant beaucoup participé à cette peur. Toutefois, au fur et à mesure du constat que les rencontres ne posaient pas de difficultés, l'ours fuyant l'homme, cette peur s'est atténuée et l'acceptation est maintenant bonne. Les maires ont indiqué qu'ils n'ont pas été en situation d'accepter ou de refuser l'ours. Pour le maire de Vezzano, il n'y avait pas la possibilité de choisir : l'ours n'a pas été relâché ici, mais il fréquente la commune. Un arrêté municipal qualifiant l'ours de dangereux sur la commune n'aurait pas de sens, l'ours n'ayant pas été relâché sur le territoire communal. Il n'y a pas possibilité pour une commune de refuser juridiquement l'ours. Même si certains maires ont dans un premier temps eu peur, la collaboration avec la Province a permis de trouver un équilibre entre l'animal en liberté et la sécurité. Les retombées économiques et touristiques de l'ours doivent être considérées, d'autant que la population dans les villages (1000 à 2000 habitants) et les écoles (60 à 120 écoliers) est plutôt en augmentation dans le secteur. La Province pourrait créer des parcs pour l'ours, peut-être par un système d'enclos, donnant une solution pour l'ours et pour la population. Pour le maire de San Lorenzo in Banale, il estime que les touristes sont contents de savoir qu'il y a des ours. Concernant l'application de l'article 22 de la Directive Habitats sur la réintroduction d'espèces de l'annexe IV, le maire de Vezzano a indiqué que les ours réintroduits se déplacent largement, à 200 à 300 Km du point de lâcher, et qu'au-delà des opinions personnelles, il semble qu'après les réunions d'information, la population évolue lentement vers l'acceptation, d'autant qu'aucun accident humain n'est jamais arrivé. 22 Pour le maire de Vezzano, la différence est grande entre avoir 1 ou 2 ours, et en avoir une dizaine. Dans les 3 ou 4 dernières années, la présence des ours attirés par les pommiers s'est faite plus intense. La population se sent un peu prisonnière par la présence de ces ours. Certains en sont contents, d'autres mécontents ou fâchés. Le maire de Stenico est aussi confronté à cette réalité, surtout quand les ours sont attirés par les pommes mûres. Il a bénéficié du soutien du service forêt faune de la Province, qui a organisé des soirées d'information pour expliquer le comportement des ours. Le maire de Terlago a indiqué que l'ours était un animal splendide, mais que son rôle est de se préoccuper de la sécurité de sa population. Il a fait état d'une appréhension persistante, car, pendant certains mois, l'ours est très proche ; des tanières sont à proximité du village, et les ours sont attirés à l'automne par raisins et pommes. Dans les écoles, il est enseigné qu'il faut rester sur les routes fréquentées, et ne pas aller seul sur les sentiers le soir. Il a également cité le problème de Jurka. Il a en son temps été poursuivi par le WWF pour avoir préconisé l'élimination de Jurka lors d'un entretien informel avec un journaliste, que celui-ci s'est empressé d'écrire ! Il a toutefois noté les efforts faits par les services de la Province pour assurer l'information de la population. Il a aussi précisé qu'il convenait de collaborer activement avec la Province pour dépasser cette appréhension et créer une mentalité de cohabitation. Etant responsable du tourisme pour la Province, il reconnaît le rôle de l'ours pour l'image du Trentin. Il note d'ailleurs que, si les Pyrénéens se déplacent en Italie ou en Espagne, ici la Province du Trentin ne propose pas aux élus d'aller à l'étranger ! Concernant la sécurité des personnes, les maires ne se sentent pas juridiquement responsables, mais ils sont attentifs au danger que peut représenter l'ours. Dans la loi italienne, il y a deux types de responsabilité, objective et subjective : en application de cette dernière, les maires estiment qu'il est de leur responsabilité d'apprécier le moment auquel il faut contacter l'organisme dédié, compte tenu d'un danger potentiel. Pour Claudio Groff, la responsabilité civile des maires est à exclure à 100%, parce que le projet est à l'initiative de la Province. Cependant, pour des questions de sécurité du territoire, un maire devrait pouvoir décider de l'abattage d'un ours dangereux. Si l'ours est équipé d'un collier, on peut le contrôler, et la responsabilité de la Province est alors engagée. Pour le maire de Terlago, il y a une responsabilité morale, et une autre liée à la compétence juridique du maire par rapport à la sécurité publique. Cerf et chevreuil étaient là, l'ours a été réintroduit, et on sait qu'il peut éventuellement causer des dommages aux personnes. La province qui gère le projet a une responsabilité. Concernant les différents types d'impact liés à la présence de l'ours, le maire de Stenico voit surtout l'image du Trentin être associé à la présence d'ours, avec des retombées touristiques nationales et des pays limitrophes. Par exemple, une observation d'ourse avec ses oursons a conduit à une invasion de touristes, régulée ensuite par les gardes par contrôle des accès. L'image de l'ours est utilisée à travers le logo du parc, où se situent 2 des 4 communes. L'ordre de grandeur du nombre des personnes se monte à quelques centaines. Parmi les visiteurs individuels, personne ne nie l'importance de la présence de l'ours. Pour le maire de Vezzano, il n'y voit aucun avantage direct, mais il est important de sauver un animal localement en voie d'extinction. 23 Pour le maire de Terlago, même si le projet est en théorie intéressant, sa mise en pratique est complexe. Pour lui, l'avenir de la jeunesse est un sujet plus important que la présence de l'ours vu de l'étranger. Claudio Groff précise que si Terlago réagit ainsi, c'est parce qu'il y avait 10 ours attirés par les pommes dans le village. Si l'on avait pensé que cette concentration d'ours pouvait se produire, le projet n'aurait peut-être pas été lancé. Cependant, il faut constater qu'il ne se passe rien lors des rencontres avec les ours et que les gens s'habituent petit à petit. Concernant les dégâts au pastoralisme, un ours a prédaté en 2005 une vingtaine de brebis à la Paganella. Les éleveurs ont protesté dans la presse, puis se sont résignés à mettre en uvre des mesures de protection. Les éleveurs de la zone (1 à Stenico, 1 à San Lorenzo in Banale) se maintiennent, celui de San Lorenzo a demandé récemment d'augmenter sa superficie d'estive. Un éleveur de moutons de San Lorenzo a plus de problèmes avec les renards qu'avec l'ours. 11 h 30 - 13 h Rencontre avec les maires de communes touristiques à SPORMAGGIORE Arduino ZENI, maire de Spormaggiore ; Donata SARTORI, adjointe au maire de Molveno ; Enrico VIOLA, maire de Cavedago ; Pietro LEONARDI, maire de Tuenno ; Paolo CATANZARO, maire de Andalo ; Dans le Trentin, avant le projet Life, l'ours était en extinction, mais il a toujours existé. L'aspect patrimonial va au delà du naturel, il est aussi culturel. L'animal a le droit de vivre, l'homme a été responsables de sa disparition, pourquoi ne pas réapprendre à cohabiter ? Si l'ours était chassé il y a 100 ans, avec des primes pour sa destruction, c'est parce qu'il y avait d'autres enjeux : les gens mouraient de faim ; un dégât sur un petit troupeau de subsistance était insupportable pour une famille, personne ne payant les dommages. Il y a un siècle, 100 personnes vivaient de la montagne, là où 2 ou 3 en vivent aujourd'hui. Les maires ont présenté à la mission la situation d'une manière quasi identique à celle indiquée par les maires des communes moins touristiques en insistant sur l'impact en termes d'image, notamment sur le tourisme estival. L'organisation des réunions d'information, la mise en place des mesures d'indemnisation des dégâts et de leur prévention a permis, selon eux, une bonne acceptation sociale de l'ours. La première phase de peur a été dépassée et il y a même des pétitions pour remettre Jurka en liberté ! Chaque maire a indiqué l'impact de la présence de l'ours, tel qu'il l'appréciait sur sa commune. Le maire de Spormaggiore, la commune (1250 habitants) qui panache tourisme, élevage et arboriculture fruitière et qui a l'aire faunistique et le musée, a un rapport privilégié avec le projet de réintroduction d'ours, accueilli ici avec grand optimisme. Le point le plus positif est la restauration d'une espèce en voie de disparition ! Les dommages causés par l'ourse Jurka sont les plus importants, rapportés à ceux des 20 ours présents. Les alpages de la commune bénéficient de tous les moyens de prévention de la Province autonome, notamment clôtures électrifiées. Il n'y a pas eu de problème, l'ours ayant toujours été là, seulement plus nombreux maintenant. L'adjoint au maire a souvent rencontré l'ours. Il est persuadé qu'il ne présente aucun danger pour l'homme, bien qu'au printemps les ours mâles en recherche de femelles puissent avoir des attitudes agressives. Les visiteurs de l'aire faunistique posent des questions sur les ours captifs, mais surtout sur l'ours libre. 24 Le maire de Tuenno (2350 habitants) a indiqué que plusieurs réunions s'étaient tenues avec la population, pour préparer la réintroduction et évoquer les impacts écologiques du projet, et aussi ses aspects plus difficiles (comportement à adopter en présence d'ours). La population a bien accueilli le projet et les agriculteurs les plus concernés (val de Tovel) ont toujours protégé les troupeaux. Tuenno est la commune la plus étendue du parc. Des personnes habituées à aller au lac de Tovel hésitent maintenant. L'installation de ruches dans les vergers pour favoriser la pollinisation suscite la venue d'ours. L'apparition de l'ourse Jurka dans le village a causé un peu d'inquiétude dans la population, le Service Forêt faune a présenté en réunion publique les comportements à adopter, les gens se sont rassurés et ne souhaitaient pas mettre l'ourse Jurka en captivité. Le maire a aussi élaboré à l'intention des habitants de la vallée de Tovel une circulaire recommandant d'éviter de laisser les déchets organiques plus de 1h hors des habitations. Pour le maire de Cavedaggio, commune de 600 habitants à 4 km de Spormaggiore, la région peut s'enorgueillir de la présence de l'ours. La population était habituée à vivre avec l'ours autochtone, qui était réputé plus dangereux que l'actuel, mais ne se manifestait qu'une fois par an, pour dévaster des ruches. Après la réapparition des ours, grâce à la bonne information du service provincial forêt-faune, la population résidente s'est habituée, et, pour les touristes, il y a un aspect positif lié à l'aire faunistique et au musée : 30 000 visiteurs par saison. Pour le maire de Molveno, les retombées de LIFE-Ursus sur la commune essentiellement touristique (présence de lacs) de 1070 habitants (9000/jour en été), sont un développement international, commun à toute la région et aux communes qui en dépendent. La commune qui ne vit pas comme Tuenno d'agriculture et d'élevage, voit donc dans l'ours un élément positif. Les résultats de sondage initial étaient très favorables. Le projet est accueilli comme un plus par les opérateurs touristiques dans un territoire au tourisme déjà développé. Les rencontres rapprochées avec l'ours ont fait évoluer l'opinion, un petit climat d'appréhension a conduit les opérateurs touristiques à se poser des questions. Le seul réel problème identifié est par rapport aux personnes âgées qui randonnent en montagne. Le maire de Andalo, commune à tourisme estival et hivernal, a indiqué que l'image de l'ours figurait dans les armoiries de la commune. Elle comporte 70 hôtels et 600 appartements de vacances, la population passe de 1000 habitants à 14 000/jour en hiver. La présence de l'ours donne une notoriété plus importante que des spots télévisés : cas de l'ours Bruno qui a fait faire une pleine page aux journaux nationaux pour montrer qu'Andalo traitait mieux les ours que la Bavière. Le danger de l'ours est ressenti seulement par les habitants. Le touriste est plutôt irresponsable et manifeste une grande curiosité : il est donc nécessaire de développer de l'information également à leur intention. Concernant l'objectif long terme de 40 ou 60 ours, soit un triplement par rapport au nombre d'ours actuel, les élus pensent qu'il faut être mesuré et en limiter le nombre, ce à quoi Claudio Groff a précisé que ce chiffre était un objectif vital, génétique ou biologique. Cinq communes possédant déjà une densité maximale d'ours, cela veut dire que l'aire de répartition devra s'élargir. Il n'y a d'ailleurs pas de nouvelles introductions envisagées, vu la réussite biologique du programme. 25 Concernant l'agressivité de l'ours autochtone par rapport à l'ours slovène, il a été indiqué que l'ours autochtone était invisible. En effet, chassé, il avait peur de l'homme. Son comportement a été évoqué en table ronde, lors de la mise en place du projet. Les derniers ours autochtones, pendant les 30 dernières années, étaient de plus en plus timides. Concernant l'arboriculture fruitière, la situation est contrôlée à Tuenno : il est épandu moitié moins de produits phytosanitaires qu' ailleurs, depuis 25 ans. La vallée de Non fait réaliser des examens physiologiques sur les habitants, tous les 10 ans. Cependant, une tension existe entre les vergers de pommiers qui couvrent les vallées et les autres activités. 8 h 30 ­ 13 h Visite d'une estive et rencontre avec des bergers Pendant les rencontres avec les maires, trois personnes du groupe sont allés visiter une estive : Malga Tuena (1740 m), située dans le Val di Tovel, au-dessus du lac du même nom. Un compte rendu oral en a été fait au retour dans le car. Il s'agissait d'une estive pour un troupeau de 150 vaches laitières équipé d'un double bâtiment (stabulation avec fromagerie et habitation de 200 m2) correspondant à ce que l'on trouve dans les Alpes françaises. Cet outil de travail de grande qualité est comparable à ce qui peut exister dans le Béarn en ovin laitier (pour la fromagerie). L'ours est présent, mais n'a jamais attaqué les vaches. Il a été signalé un contact il y a quelques années avec un troupeau de 250 chèvres sur la même estive, l'ours ayant été mis en fuite par des chevaux présents sur l'estive. En allant vers Vezzano et profitant de la présence au bord de la route d'un troupeau de brebis, une autre partie du groupe est allé interroger spontanément le berger présent, de retour d'estive, en train de trier ses bêtes. Celui-ci s'est déclaré farouchement opposé à la présence de l'ours, compte tenu des dommages qu'il a eu à subir. Il a déclaré avoir été indemnisé, mais sans que cela compense le préjudice et le dérangement occasionnés. 26 15 h ­ 18 h Rencontre avec des acteurs socioprofessionnels Osvaldo DONGILLI, vice-président de l'association des chasseurs du Trentin, accompagné de Alessandro BRUGNOLI, Mauro ALBERTI, Stelio ROIATI ; Marco FACHINELLI, président de l'association des apiculteurs du Trentin ; Lorenzo FRONA, éleveur et berger. Les chasseurs L'association des chasseurs compte 7000 membres. En Trentin, l'ensemble des ongulés sont chassés, sauf le sanglier qui n'est quasiment pas présent sur le territoire. Il n'est pas utilisé de chiens pour la chasse aux ongulés, le choix étant de faire une chasse de sélection, à l'affût ou à l'approche. Ce mode de chasse est favorable non seulement à la tranquillité des ours, mais aussi au milieu ambiant en général. Lors de la chasse silencieuse aux ongulés, des ours sont observés de temps en temps. La chasse au lièvre, au chien courant, en milieu agricole, ne pose pas de problème de dérangement. Pour la réintroduction, les chasseurs ont participé dés le début au comité de l'étude de faisabilité, en tant que gestionnaire de la faune sauvage, pour deux raisons principales : sensibiliser les chasseurs à la sauvegarde de l'ours ; faire considérer la chasse comme participant à la gestion technique du territoire. Dans les années à venir, la chasse ne sera possible que si les chasseurs respectent et entretiennent l'environnement., ne prélèvent que le surplus de ce que la nature produit, et fondamentalement maintiennent la biodiversité. Les chasseurs sont ainsi favorables à la présence de l'ours, et dans le futur du loup et du lynx. Certains chasseurs doivent toutefois être convaincus de ces arguments. Un chasseur de la délégation a fait valoir que le projet de réintroduction dans le parc soulevait des difficultés compte tenu de la modification de l'habitat montagnard et du comportement de certains ours. Il se réfère notamment au cas de Jurka pour indiquer que cette réintroduction est selon lui vouée à l'échec. Il n'y a pas de véritables contraintes pour les chasseurs liées à la présence ursine : aucune période d'interdiction n'est définie, ou de lieu interdit. Même s'il n'y a plus d'ours munis d'émetteurs et si la période de chasse correspond à la période à laquelle on peut voir des ourses suitées, ce sont plutôt maintenant les chasseurs qui signalent leurs observations aux autorités. Même si les relations avec les différents partenaires ne sont plus comme au départ formalisées, elles restent constantes avec les différentes catégories socioprofessionnelles. L'association des chasseurs a pris une position stratégique dans ce dispositif en étant persuadé de la justesse pour l'image du Trentin et pour la gestion de la faune du projet Life ours et en indiquant que l'augmentation de la population est prévue par extension de la zone, et non de la densité. Des avis différents peuvent exister au sein des chasseurs, et le cas de Jurka ne doit pas occulter la réalité. D'une façon plus générale, les chasseurs reflètent les peurs de la société ; la peur de l'ours est ancestrale. Le problème est de convaincre de sa présence l'ensemble de la population. Il est difficile de convaincre une personne qui n'a rien à voir avec la chasse. 27 Pour le président de la réserve de chasse de Tuenno, il n'est pas tout à fait juste d'avoir réimplanté des ours, mais pourquoi l'espèce disparaissait-elle ? en raison des changements dans l'agriculture, et de l'urbanisation. Mais l'ours n'est pas tranquille dans le Parc où il y a trop de gens, pas assez de nourriture et de tranquillité : dans l'ancien temps, on ne voyait jamais les ours autochtones ; maintenant, on voit trop souvent les ours réintroduits. Du début du XXe siècle aux années1960, la montagne était « vécue », objet de récoltes et d'exploitations. Maintenant, c'est comme une place de Trente : la montagne est « consommée » ! Les apiculteurs L'association des apiculteurs compte 1400 adhérents dont 60 professionnels. Compte tenu du fait que l'activité agricole de la province est essentiellement fondée sur les vergers de pommiers et la vigne, l'apiculture est une activité importante (4500 kilos de miel produits en 2007), notamment via la pollinisation. Le service de pollinisation des vergers est nécessaire et développé, notamment en Val di Non où il y a des ours. Concernant les dégâts, l'ours, lorsqu'il recherche le couvain, s'en prend à une ou deux ruches sur une dizaine et les dégâts sont indemnisés. Par ailleurs, ont été mis en place des mesures de prévention fondées sur un fil électrique qui est dissuasif. Le travail supplémentaire pour l'apiculteur, lié à la mise en uvre du fil qui est financé par la Province, est réduit. La présence de l'ours traduit un environnement sain. Les apiculteurs produisant du miel dans la zone du parc vont utiliser le logo du parc pour valoriser leurs produits. Les traitements insecticides sur les pommiers, avec trois produits autorisés, induisent des dommages plus graves que ceux de l'ours, bien que la plupart des arboriculteurs respectent les normes de traitement. Les éleveurs et les bergers Le pastoralisme ovin dans la province du Trentin est une activité économique peu importante, la majeure partie de l'agriculture étant consacrée à la culture de la pomme qui occupe quasiment l'ensemble des terres en fond de vallée. Il y a 30 000 ovins et caprins dans le Trentin, 3 000 dans la zone à ours pour trois éleveurs locaux plus quelques transhumants. Les ovins sont de race bergamasque, qui se rassemble bien. Le nombre d'éleveurs est faible et les responsables politiques s'investissent peu dans le dossier pastoral. Il n'y a pas d'associations pastorales. Le service compétent est le service de l'élevage de la Province. Les rares éleveurs ovins sont des éleveurs itinérants. L'éleveur présent lors de la réunion était justement un éleveur/berger itinérant, sans terre, possédant un troupeau de près de 1000 têtes. Il vient sur le parc depuis 11 ans, dont 7 avec l'ours, et continue à venir sans avoir de projets alternatifs pour le moment. L'estive dure 100 jours. Il loge dans un préfabriqué fourni par la Province et travaille sur des terrains communaux qu'il loue. La Province a commencé à étudier l'éventualité d'une cabane permanente. 28 Il a eu des dégâts en 2007 : 30 brebis sur 1000, mais toutes n'ont pas été reconnues comme étant dues à l'ours. Il a vu 8 ours différents successivement autour de son alpage en 20062007, mais sans jamais avoir été inquiété physiquement. Les ours ne lui sont pas très sympathiques, c'était mieux quand il n'y en avait pas, mais il s'arrange maintenant pour cohabiter. Par ailleurs, les aigles causent aussi des pertes. L'indemnisation fonctionnait mieux quand le forestier venait contrôler directement que l' « autocertification » actuelle, qui demande de reproduire sur le document exactement ce que l'on a déclaré téléphoniquement, sinon il y a risque de litige. Jusqu'à l'arrivée de l'ours, les brebis étaient libres, maintenant elles passent la nuit à l'intérieur d'une clôture double, et le berger reste avec le troupeau. Il a indiqué que la présence de l'ours lui occasionnait plus de travail. Il a changé la conduite du troupeau en pratiquant le rassemblement nocturne de ces animaux via un double fil électrique. Cette protection est efficace, l'ours ne rentrant pas, mais peut ne pas empêcher l'effraiement des brebis et leur éventuelle sortie du parc. Les dégâts sont toutefois moindres depuis cette installation. Mais il y a peu de lieux favorables aux enclos, seulement 3 ou 4 emplacements. Il a été précisé que des expériences étaient en cours, en collaboration entre la Province et le berger, pour améliorer le dispositif de protection via une augmentation du voltage et que cela semblait efficace. Par ailleurs, un essai de chiens de protection suisses a été conduit pendant cinq jours, puis arrêté, parce que l'ours ne s'était pas montré pendant cette période et il est revenu le sixième jour. Ce dispositif doit être reconduit avec des chiens des Abruzzes. L'éleveur a indiqué ne par avoir de problèmes sanitaires depuis la mise en uvre du rassemblement, mais avoir l'impression (en précisant que ce n'est pas prouvé) qu'il y avait une différence pour la reproduction. Il n'y a pas d'aide de l'Etat ou de la Province pour des aides bergers. Sur cette question, Claudio Groff a précisé qu'il a été proposé aux éleveurs de la vallée de Lero qui laissent leurs moutons en alpage sans surveillance, de se regrouper, l'administration payant un berger. Ces éleveurs n'ont pas donné suite. Alors que les communes du secteur sont favorables à l'ours et que les terrains sont communaux, on aurait pu penser à un meilleur aménagement et à la construction d'un bâtiment. Mais il existe une concurrence entre chasseur et éleveurs. Les chasseurs n'ont pas envie de voir s'installer de façon pérenne les éleveurs de moutons sur les estives : d'une part, pour la concurrence moutons-chamois -les chasseurs veulent trouver le gibier près de la voiture, alors que le mouton l' éloigne-, d'autre part, par la difficulté complémentaire d'accès aux terrains de chasse que créent des estives équipées. Les produits de l'élevage sont des agneaux de 7 mois à 1 an, les naissances sont échelonnées sur l'année. Le marché est réduit dans le nord de l'Italie, mais en croissance avec les communautés musulmanes. Le prix vif est de 2,10 à 2,20 (contre le double en France), et davantage en période de fête. Il n'y pas comme en France au moins 50% de primes dans le revenu d'un éleveur d'ovins en France, mais chaque berger reçoit en fonction des animaux qui lui appartiennent en propre, ainsi qu'une prime liée à l'alpage de 70 par hectare. 29 ANNEXE 4 : DEPLACEMENT EN SLOVENIE Qualification de la zone de présence et renforcement du suivi de la population d'ours dans les Pyrénées françaises Mission de l'Inspection générale de l'Environnement Compte-rendu du voyage d'étude d'une délégation française en Slovénie du 12 au 15 février 2008 Liste des participants Monsieur Etienne-Jean BARBELANNE, président de la Fédération départementale des chasseurs de l'Ariège Monsieur Didier BUFFIERE, directeur du Centre de ressources pastoralisme gestion de l'espace (CRPGE) des Hautes-Pyrénées Monsieur Thierry GALIBERT, adjoint au directeur régional de l'environnement de MidiPyrénées Monsieur François GOUSSE, directeur départemental de l'agriculture et de la forêt des Pyrénées-Atlantiques Monsieur Denis LAURENS, inspecteur général de l'environnement Monsieur Robert LAURENS, éleveur, président du groupement pastoral d'Artigues - HauteGaronne Monsieur Robert MARQUIE, maire de Sarrancolin, conseiller général des Hautes-Pyrénées Monsieur Pierrick TOUCHET, Equipe Technique Ours ­ Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage Monsieur René RETTIG, maire de Luchon - Haute-Garonne Monsieur Alain REYNES, directeur de l'association Pays de l'Ours - ADET Monsieur Georges RIBIERE, inspecteur général de l'environnement Madame Sylvie SALAUN, présidente de l'association pour la cohabitation pastorale (ACP) Monsieur Michel TALLIEU, secrétaire de la Fédération Pastorale de l'Ariège Monsieur Ramuntcho TELLECHEA, Fonds d'Intervention Eco Pastoral (FIEP) 30 La Slovénie s'étend sur plus de 20 000 Km2 (quatre départements français) et compte 2 millions d'habitants avec une densité de population comparable à la France. Elle est située entre l'Italie à l'est, l'Autriche au nord, la Hongrie au nord est, la Croatie au sud. Le climat est méditerranéen le long de la côte et continental sur les plateaux et dans les vallées à l'est. La Slovénie est une république indépendante depuis juin 1991, membre de l'UE depuis mai 2004, de la zone euro depuis le 1er janvier 2007. Le PIB par habitant est de 82% de la moyenne des pays de l'UE25. L'agriculture concourt pour 2,5% au PIB, l'industrie pour 35%, les services pour 62,5%. Le territoire comporte 1 227 000ha de forêts, soit 57% de la surface du pays. Les forêts occupent surtout le tiers du pays situé au dessus de 600 m d'altitude, sur un substrat géologique majoritairement calcaire karstique. Les terres arables représentent 12% de la surface, et les pâturages permanents 24%. La région visitée se situe au sud du pays, dans la région de Kocevje, et notamment la réserve de Jelen, qui abrite plusieurs centaines d'ours. Mardi 12 février 2008 18 h 30 Accueil à l'Ambassade de France LJUBLJANA Chantal de BOURMONT, Ambassadrice de France en Slovénie Dominique LAPIERRE, chef de la mission économique, Louis-Charles ARRIVE, adjoint et Marine REBOUL, assistante Tea GLAZAR, Directrice du Service des relations internationales et des affaires européennes Janez KASTELIC, Directeur Général Nature et Paysages et Peter SKOBERNE, Assistant Katja PISKUR, conseiller affaires européennes, Alojz MARN, Responsable biodiversité au ministère de l'Environnement et de l'Aménagement du Territoire, Beti LIKAR, Ministère slovène des affaires étrangères Jo t JAKSA, Directeur de l'institut forestier slovène et Marko JONOZOVIC, département de la faune sauvage et de la chasse Darij KRAJCIK, Directeur de l'Institut slovène pour la conservation de la nature Mercredi 13 février 2008 Josep MUJIC, responsable de la chasse du territoire de Medved Sur la route de Ljubljana à Kocevje, une présentation de la région traversée est faite à la délégation : il s'agit d'une région karstique vallonnée, avec une densité forestière de 90%. La population vit dans des hameaux et de grands espaces sont inhabités. De grandes forêts domaniales constituent des « réserves » où l'organisation des chasseurs est gérée par l'Etat. Historiquement, il s'agit de grandes propriétés terriennes où les forêts ont fait l'objet de reboisement d'épicéas . Parmi les animaux présents, on trouve l'ours, le loup, le lynx. Le loup et l'ours n'ont jamais disparu ; le lynx a été réintroduit il y a 30 ans, avec réussite, mais il semble maintenant être menacé par la concurrence du loup qui est en augmentation. 31 On compte 5 à 6 cerfs /100ha, peu de chevreuils (1/100ha), la présence de chamois étant limitée aux zones escarpées qui sont peu étendues. Le loup se nourrit surtout de cerf, le lynx se nourrit de chevreuil et un peu de cerf : sont prélevés pour 100ha, annuellement : 0,5 sanglier, 1,5 cerf, 0 ,3 à 0,4 chevreuil. En traversant la zone à ours, il est expliqué que les ours traversent la route pour passer d'une zone de sapins à une zone à chênes. Cette route est celle où se produit le plus d'accidents ours-voitures, qui cause environ 25 mortalités d'ours par an dans l'ensemble du pays. Le tourisme dans cette zone cynégétique se limite à de la randonnée sur chemins balisés en forêt ; des panneaux explicatifs décrivent la faune sauvage dont l'ours, ainsi que les brochures des sentiers de randonnée. Par ailleurs, il est indiqué que l'élevage bovin/ovin est l'activité agricole prépondérante dans la région et que l'élevage ovin est en pleine expansion. 10 h Visite d'une ferme d'agriculture et élevage biologique GOTENICA Marko K0CJANCIC, propriétaire de la ferme Marko Kocjancic a racheté cette ferme de 165 ha en l'état il y a 10 ans . Il possède 100 vaches Holstein produisant du lait « biologique » et 60 génisses et veaux . Il dispose d'un quota de 500 000 litres de lait pour un prix de vente de 29c d'euro par litre. Les laitières sont alimentées à l'herbe. Jusqu'au 31 décembre 2007, il était possible de nourrir au maïs ensilage, mais c'est maintenant interdit par la réglementation bio. Pas d'engrais chimique, charge instantanée à l'hectare limitée, pas de fourrages industriels. L'exploitation de l'herbe annuellement comporte 2/3 de surface fauchée à la 1ère coupe, 1/3 à la seconde. Le bâtiment d'élevage d'un coût de 500 000 part européenne. a bénéficié d'aides de 150 000 , dont 75% de L'éleveur a abordé dans ses études universitaires la relation entre les animaux domestiques et sauvages et sa ferme est au c ur du territoire des grands carnivores. Ceux-ci ont ici assez de nourriture sauvage, mais il peut exister des problèmes occasionnels de prédation avec des veaux, lors de la mise bas, qui se fait à l'extérieur. Une clôture électrique double fil protège le troupeau avec 3 chiens, dont 2 de protection (berger du Karst et Abruzzes) et un berger allemand de conduite. Une partie des pâturages n'est clôturée que par des clôtures mobiles. Même avec cette discontinuité de clôture, il n'y a eu pas d'attaque grave depuis 10 ans. Vis à vis du mouton, les clôtures électriques suffisent pour évincer l'ours ; mais le loup en plein essor n'est pas arrêté par ces clôtures. En revanche, les vergers d'arbres fruitiers doivent être rigoureusement protégés contre l'ours et le cerf . Quand la ferme comportait plus de moutons et de chèvres, il y avait beaucoup de problèmes avec le renard et le grand corbeau : celui-ci, espèce protégée, attaque les veaux à la naissance, principal problème des mises-bas à l'extérieur. Les dégâts de corneille (mantelée ici) indiscernables de ceux du grand corbeau qui sont indemnisés par l'Etat, sont imputés par les agriculteurs au grand corbeau. 32 Les dégâts de gibier sont indemnisés par l'association des chasseurs, les dégâts d'espèces protégées par l'Etat. Les espèces protégées peuvent faire l'objet de destruction, mais il faut une étude argumentée prouvant que leur destruction ne nuit pas à la conservation de l'espèce. 12 h Déjeuner de travail au restaurant Jelen MOZELJ Marko JONOSOVIC et l'équipe de l'Institut forestier slovène Pour les ours à problèmes, le groupe d'intervention spécial l'élimine sur autorisation verbale, s'il estime que la vie humaine peut être en jeu. Marko Jonosovic est le coordinateur de ce groupe, dont tous les membres sont chasseurs ; ils sont nommés par le ministre de l'environnement ; il y a 3 équipes, constituées d'un chef et 2 assistants. Dans le pays, il y a 150 à 200 demandes d'intervention par an . Le ministère dispose d'une liste des cas possibles et des solutions à appliquer. 20% des demandes (30 à 40) conduisent à intervention : évaluation sur le terrain ; puis, pétards, balles plastiques ; anesthésie et transfert plus souvent que l'élimination. Chaque situation est unique et demande à être évaluée, pour un risque de trois types : agressivité et attaque directe, familiarité permanente dans un village, femelles suitées étant le groupe le plus à risque. Des exemples d'ours sans aucune peur de l'homme existent : comportements violents, attaques répétées, entrées répétitives dans les écuries. Les éleveurs ont des armes et l'habitude de s'en servir, en tant que chasseurs. Mais le changement de comportement de l'ensemble d'une population d'ours est utopique. Si toutefois cela arrivait, l'indemnisation prend en compte la valeur du bétail domestique, le barème est satisfaisant ; on pourrait encore mettre en place des équipes d'intervention supplémentaires et installer plus de protections en cas de passage accru d `animaux. L'ours était gibier, il est espèce protégée depuis 2005. Il fait souvent fonction de bouc émissaire pour les dégâts de sanglier, cerf, corbeau . 33 Sur 600 ours slovènes, 300 sont sur ce territoire de Kocevje de 250 000 hectares (2500 Km2) : il y a donc un ours pour environ 1000 hectares, et 10 fois moins de loups. Le loup est en augmentation, et corrélativement le lynx est en diminution. Le bétail domestique est de 8 000 moutons, 3 500 bovins, 250 à 350 chevaux. Il y a 16 000 habitants. La commune elle-même est peuplée de 30 000 habitants sur 800Km2. 14 h Visite d'un élevage de moutons PRERIGELJ Josip BLAZEVIC Cet élevage, l'un des plus grands de la région, est celui ayant eu le plus de dégâts dans les deux dernières années. Il s'agit d'un élevage ovin de 1 000 têtes sur le site, récemment installé dans le secteur et ne disposant pas d'équipements de protection adéquats. Les caractéristiques principales sont la proximité immédiate d'un bois, mais surtout le pacage des animaux sur des parcs de grande surface (85ha). La présence de chiens ne suffit pas, l'ours attaquant ailleurs et n'ayant pas hésité à rentrer dans la bergerie au temps du propriétaire précédent. L'éleveur indique être aidé pour la poursuite de la mise en place des mesures de protection via une subvention à l'hectare et être correctement indemnisé en cas d'attaque (il indique une indemnisation de 150 pour un prix de vente de brebis d'environ 100 ). Il affirme toutefois s'être installé sur le site en connaissance de cause de la présence de prédateurs et être prêt à s'organiser pour vivre avec. Dans ce secteur, il y a annuellement 300 à 400 dégâts enregistrés, de toute nature : 1/3 sont causés par l'ours, 1/3 causés par le loup, 1/3 par les autres espèces présentes : cerf, renard, corbeau. Les incidents liés à l`ours se répartissent entre attaques de moutons, dégâts aux arbres fruitiers, dégâts aux ruches, accidents routiers. Les dégâts de loup concernent les animaux domestiques : moutons, jeunes veaux et poulains, ainsi que des cerfs. En 2007, sur le territoire de référence de 250 000 hectares, il y a eu 950 animaux tués, principalement moutons, dont 800 par le loup et 150 par l'ours. Les dégâts causés se concentrant sur des sites restreints : cette exploitation connaît le pourcentage d'attaques d'ours le plus élevé, et des dégâts de lynx ; l'exploitation compte pour 10 à 12% des dégâts totaux de la région. Compte tenu de la présence des animaux sauvages, les protections paraissent insuffisantes. Cet éleveur a deux exploitations, celle-ci de 450 moutons et 50 chèvres, et une autre située plus bas de 450 moutons. Il connaît des problèmes depuis l'achat de cette ferme en 2005 ; 85 hectares sont clôturés, aménagés pour le mouton. La clôture est faite comme le prévoit la loi, grillage et fil électrique ; en plus des clôtures, il y a des chiens de protection et un âne, dont l'agitation lors des attaques a éloigné les prédateurs pendant 2 mois, avant accoutumance. Les animaux sont parqués la nuit dans une clôture supplémentaire, mais les prédateurs creusent en dessous . Le plus gros problème est représenté par les ourses suitées : les oursons passent sous la clôture et les mères suivent. 34 Les chiens de protection sont efficaces, mais un prédateur déterminé passe outre. Sur la ferme située en aval, les chiens de Abruzzes sont suffisants ; sur cette ferme-ci, un plus grand nombre de chiens poserait des problèmes de gestion ; les moutons sont dans de grands parcs avec les chiens de protection, sans autre gardiennage. Le vrai problème est le loup, l'ancien propriétaire avait laissé la surface à l'état sauvage, les animaux y reviennent. Les paysans achetant des exploitations dans cette région sont conscients des problèmes : ils ne demandent pas que les prédateurs soient éradiqués. C'est la politique de l'Etat : ils acceptent l'indemnisation, cherchent comment mieux se protéger et la compensation par l'Etat leur paraît logique. En zone sensible, il y a une subvention supplémentaire de l'Etat, l'éleveur qui est aussi aidé pour les clôtures s'en sort normalement, l'indemnisation compensant les pertes. Un décret prévoit dans les zones sensibles une subvention annuelle de 35 / hectare, et une subvention forfaitaire pour des protections supplémentaires. Un agneau de 10Kg s'indemnise 65 , un mouton adulte 150 , un mouton se vend 100 , mais il est logique que le dédommagement dépasse le prix de vente . L'éleveur a fait appel à l'équipe technique pour les prédateurs pénétrant dans ses clôtures, mais l'équipe ne résout pas tous ses problèmes. Il a fait le choix de vivre avec les prédateurs et envisage de renforcer ses dispositifs de protection. 15 h Visite d'un élevage de moutons, bovins et chevaux NEMSKA LOKA Joze HOBIC L'exploitation de Joze Hobic compte 160 moutons, 110 bovins, 7 chevaux, 2 ânes, 7 chiens. Les chevaux et les vaches sont en permanence à l'extérieur : il déplace le troupeau sur 200 hectares de prairie, et possède 40ha de prairie de fauche de bonne qualité, mais situés à 45 Km du siège d'exploitation. Non originaire de la région, mais installé depuis 30 ans et bien intégré, il élève des chiens des Abruzzes. Sur les 7 chiens, 3 sont avec les moutons ; pour les vaches, il n'y a pas de chien, seulement la clôture électrique. Avec une protection très bien organisée, il n'a que très peu d'incidents avec les prédateurs : il utilise des clôtures mobiles pour délimiter des petits parcs. Selon lui, avec des protections adéquates, la pression des grands prédateurs peut être réduite à des proportions gérables. Il n'a d'ailleurs subi aucune attaque depuis maintenant trois ans, alors qu'il est situé à moins de cinq kilomètres du précédent éleveur Marko Kocjancic. 35 16 h Visite d'un domaine public de chasse BUKOVA GORA et du site d'observation de LOVSKI VRH Marko JONOSOVIC et l'équipe de l'Institut forestier slovène Le territoire de chasse de Medved s'étend sur 40 000 hectares. Sur ces 40 000 ha, le tableau de chasse annuel est de 1000 cerfs, 200 chevreuils, 200 sangliers. Des améliorations cynégétiques sont pratiquées : suppression des noisetiers envahissants, entretien et taille des vergers de fruitiers dans les villages abandonnés. La chasse finance l'entretien. Les chasseurs touristes sont surtout autrichiens et allemands. Le prix des bracelets est le suivant : chevreuil : 500 à 1000 ; cerf : 3000 ; ours : 1000 à 5000 . Le loup est trop difficile à chasser, il n'y a pas d'amateurs. La visite s'est poursuivi sur le site de capture de l'ourse Franska. Explicitation du mode de capture possible (lacet et anesthésie). Le point est situé prés d'une aire de nourrissage qui sert aussi pour le comptage des animaux. Le gérant du site a expliqué la méthode de nourrissage, exclusivement végétale depuis l'entrée dans l'Union européenne (norme européenne motivée par l'ESB). L'utilisation de produits carnés auparavant visait surtout à permettre les comptages en escomptant aussi empêcher pour partie les attaques de troupeaux en fournissant de la viande (le régime alimentaire de l'ours nécessite des protéines d'origine animale). Depuis que le nourrissage viande est interdit, la pression sur les zones habitées s'est accrue et les incidents ont augmenté. Le nourrissage (maïs) est actuellement pratiqué pour plusieurs raisons : observation des ours, possibilité de capture (pour envoi vers d'autres pays ou équiper pour un suivi scientifique), pour effectuer des prélèvements sur la population ursine, pour occuper les ours et les détourner des villages et/ou des troupeaux : l'ours vient voir s'il y a à manger, ce qui le détourne d'occupations non souhaitées. Il y a 1 point de nourrissage sur 7000 hectares, soit 6 ou 7 sur ce territoire et en tout 167 points d'observation en Slovénie. 18 h Présentation du programme de gestion de l'ours Hôtel Jasnica ­ STARA CERKEV Janez KASTELIC, Directeur Général Nature et Paysages et Alojz MARN, Responsable biodiversité au ministère de l'Environnement et de l'Aménagement du Territoire, Marko JONOSOVIC et l'équipe de l'Institut forestier slovène Janko VEBER, maire de Ko evje, Srecko FELIX KROPE, président de l'association des chasseurs slovènes, Bla KR E président de la commission pour les relations internationales, Branko JUZNIC, président de la fédération des organisations de chasseurs slovènes, Boris GRABRIJAN, président de l'association des éleveurs de Slovénie et Joze HOBIC, représentant les éleveurs locaux Andrej ANDOLJSEK, chambre d'agriculture et des forêts de Slovénie Miran BARTOL 36 La Slovénie est petite en surface, mais grande en biodiversité. L'ours n'a en fait jamais été éradiqué, il est protégé depuis 100 ans sur une partie du territoire. Avant la deuxième guerre mondiale, il restait 80 ours sur le territoire slovène. En 1966, un premier décret a défini une zone d'habitat en centre sud, correspondant aux zones de forêt les plus compactes et ce périmètre a été étendu en 1976. Depuis 1993, la protection est étendue à plusieurs espèces. Suite à la loi de protection de la nature de 1999, une stratégie de gestion de l'ours brun a été décidée avec un premier plan d'action 2003-2005. Depuis 2004, l'ours n'est plus espèce gibier, mais espèce protégée. En 1955, il y avait 150 ours, en 2005, on en compte de 400 à 450. L'expansion s'est faite d'abord à l'ouest de la zone initiale, puis dans des noyaux à l'est et au nord ouest. La population ursine aujourd'hui n'est pas menacée en tant que telle, c'est l'une des plus vivantes en Europe, avec 500 à 700 animaux sur 5 000 Km2. La natalité annuelle est de 80 à 120 oursons, soit 1,7 à 2,2 par portée ; on ne note pas de cannibalisme notable et la plupart d'entre eux survivent. L'espèce se porte donc bien et les deux objectifs à long terme sont maintenant de préserver l'espèce à long terme et de faciliter une cohabitation satisfaisante avec les activités humaines. La nouvelle stratégie 2007-2011 vise à maintenir 450 à 550 ours dans la zone où il est très présent et 50 à 150 dans les corridors actuels d'expansion de l'espèce, vers le nord et l'est du pays. La gestion de l'ours dans l'espace alpin est différente selon les pays et les enjeux sont souvent plus politiques que biologiques Les petits élevages de pluriactifs sont par exemple souvent insuffisamment protégés. Le niveau d'acceptation sociale en Slovénie est très bon et ce n'est pas tant la présence de l'ours qui est remise en cause, mais plutôt le nombre d'ours que la Slovénie est capable d'accueillir. La zone centrale d'habitat de l'ours (sud) compte actuellement 450 à 550 individus. Y est accolée une zone périphérique (ouest) en cours de colonisation et s'en détachent deux corridors (vers le nord et vers l'est), ces secteurs comptant une centaine d'individus. Est également identifiée une zone de non-présence. Ces deux corridors permettent à l'espèce de se disperser vers le nord et notamment vers les Alpes Juliennes et les pays voisins (Italie, Autriche, Suisse). La gestion dans la zone Nord, qui, du point de vue de l'élevage, correspondrait plus aux Pyrénées, est délicate, car il y a une impossibilité d'élimination des ours, compte tenu de la nécessité de respecter la progression naturelle de la population dans le cadre de la convention de Berne et du programme Life-coopération en démarrage avec l'Autriche et l'Italie. Compte tenu de la biologie de l'ours, il faudra du temps pour que les femelles traversent effectivement les Alpes et qu'une population s'installe de l'autre coté de la frontière slovène. Les individus posant problème dans ce secteur ne sont pas abattus, mais déplacés dans un autre secteur de la Slovénie. Ce secteur Nord avait perdu l'habitude de la vie avec l'ours et les réactions de la population sont prises en compte par la mise en place des moyens de protection et une information active et à chaque phase (anticipation de la présence avant même l'arrivée, pendant l'apparition, quand la fréquence augmente, quand les dégâts apparaissent). 37 Il est rappelé qu'un mâle adulte dominant occupe 30 000 à 80 000 ha (3/800km2) comme territoire vital, une femelle 30 000 au plus. Pour éviter la consanguinité, la femelle chasse ses fils de son territoire, mais garde ses filles à proximité. Le territoire d'un mâle recouvre plusieurs territoires de femelles et la dispersion se fait donc par les mâles. Les femelles progressent peu à peu, il se forme des noyaux de reproduction qui s'étendent. Il est en conséquence très difficile de penser pouvoir influencer un animal dans son choix de territoire. Pour ce faire, les mesures d'accompagnement sont comparables à celles déployées en France et les techniques de suivi se font principalement par comptage direct des animaux. Le suivi indirect est réalisé dans les réserves de chasse où le suivi est très fin. Entre 80 et 100 individus sont prélevés (tués) chaque année sur une population qui en compte entre 600 et 700. Ces prélèvements soulèvent toutefois en général une incompréhension de la population qui y est hostile, mais constitue la seule façon efficace de gérer la limitation de la population. Il est indiqué que sur les prélèvements effectués, un très petit nombre (10% environ) se fait dans le cadre commercial et que l'ensemble des recettes correspondantes sont réaffectés aux travaux sur l'ours. Le comptage se fait notamment aux stations de nourrissage et le suivi est quotidien dans les réserves d'Etat depuis 2003, sur 167 sites, à des dates définies (trois fois par an), selon une méthodologie précise et sur des lieux assez éloignés les uns des autres pour éviter les doubles comptes. La stabilité du protocole donne une tendance valide. Les chasseurs sont associés pour effectuer les comptages. Le comptage vise notamment à vérifier les naissances et le suivi des oursons de première et de deuxième année (évolution de la population, taux de fécondité) ainsi que la proportion mâles-femelles. Il ne s'agit pas d'une recherche de la connaissance exacte de la population au sens numérique, mais bien de connaître les tendances d'évolution. Le nourrissage est admis là où l'ours est dense, il est interdit en périphérie où l'ours est moins commun. La baisse des dégâts en 2005-2006 est due aux éliminations des ours localisés à proximité des agglomérations ainsi qu'à un effort important de fructifications forestières. La recherche scientifique utilise la télémétrie et les tests ADN (1 300 échantillons par an). Le suivi génétique vise surtout à surveiller le niveau d'hétérozygotie et peut aussi être utilisé pour voir les évolutions de la population (sex ratio, familles, etc.). Le programme est géré par l'Université. L'équipement des ours en télémétrie n'est pas une pratique habituelle en premier lieu pour une question éthique (aspect sauvage de l'ours). Seuls, sont équipés des ours à problèmes (le seul équipé actuellement est l'ours capturé au nord près d'une station de ski et relâché au sud pour voir son comportement). Il est également prévu d'équiper pour des suivis scientifiques (exemple : comportement des ours par rapport aux stations de nourrissage). Le maire de Kocevje a présenté sa commune : c'est la plus grande de Slovénie - 564 Km2, 16 000 habitants, dont 12 000 dans la plaine autour, et 4 000 en hameaux ruraux vers la frontière croate. L'activité repose sur l'industrie chimique, la métallurgie, le travail du bois . Il est important de préserver le milieu naturel de la commune en évitant son envahissement par de l'habitat, ce qui serait gênant pour les habitants et pour le monde animal. L'équilibre doit être recherché ; la région est très connue pour la diversité d'animaux présents. 38 Le maire a affirmé son accord avec la présence d'ours, tout en soulignant la nécessité d'un équilibre entre la protection de l'espèce et la poursuite des activités humaines (agriculture, chasse). La population n'a pas le sentiment d'avoir un problème de cohabitation (à cent mètres de la mairie, existe un passage très fréquenté par les ours). Le principal souci est la protection des enfants et c'est pourquoi l'Etat finance le transport scolaire Les seuls vrais conflits sont ceux générés par la mauvaise gestion des déchets par certains habitants, ce qui peut attirer les ours. Une information suffisante est donnée sur les chemins de randonnée pour notamment expliciter les refuges des ours, mais elle est surtout utile pour les gens de l'extérieur. Les principaux problèmes sont avec les agriculteurs. Les éleveurs de moutons sont de plus en plus nombreux et on doit ainsi gérer l'espace entre la forêt et l'agglomération. Concernant la sécurité, le maire n'a pas de responsabilité légale vis-à-vis du danger spécifique des ours, les animaux appartenant à l'Etat ; en cas de blessure de personne, c'est l'Etat est responsable. Il y a eu 3 accidents graves en 40 ans, dont un seul serait de la responsabilité effective de l'ours. Le maire a conclu en sollicitant ses homologues français pour la mise en place d'une coopération plus poussée entre chacun des protagonistes : éleveurs, chasseurs et élus entre la France et la Slovénie. Le président de l'association des chasseurs slovènes a déclaré que si les conditions naturelles, l'acceptation de la population et la participation des chasseurs ne sont pas acquises, il n'est pas possible de réussir. Ce sont les hommes qui vivent à son contact qui protègent vraiment l'ours, pas un décret ministériel. En soi, l'ours est un animal craintif qui ne peut pas gêner la chasse, quel que soit le mode pratiqué. Les conflits avec les chasseurs sont insignifiants parce que l'animal s'éclipse aussitôt. Le rôle des chasseurs dans ce dossier est double : protéger la faune et contribuer à un climat de cohabitation de l'ours avec la population. Les communes n'ont pas de pouvoir sur la chasse. Le seul procédé légal est le plan de chasse et il est important que la chasse soit bien organisée au niveau de la commune. L'Etat gère la chasse sur les terrains de l'Etat sur le territoire communal. Il faut que des habitants soient dans les associations de chasseurs. Les communes soutiennent l'installation de points de nourrissage pour que l'ours évite le voisinage des humains. Le président de l'association des éleveurs de Slovénie s'est déclaré pour le maintien des grands prédateurs, et de l'ours en particulier, qui, de toutes façons, crée beaucoup moins de dégâts que le loup. Ils attendent de la part de l'Etat une contrepartie pour les aider financièrement, permettre des protections efficaces et indemniser correctement. La cohabitation consiste à dire : « s'il y a une volonté de vivre dans un pays qui a une population de grands prédateurs, elle doit accepter qu'il y ait des incidents. La bonne volonté passe par l'acceptation des pertes par les éleveurs et, en complément, par une gestion efficace et compréhensive de l'Etat ». Le système n'est pas idéal, mais satisfaisant pour les deux parties. Toutefois, si, dans les territoires classés sensibles, les aides financières sont correctes, elles ne sont pas suffisantes dans les autres, où l'ours peut s'étendre. 39 Au niveau du tourisme, il y a beaucoup de touristes de vision, notamment français et suisses ; il existe des agences et les visiteurs peuvent aussi être guidés par des chasseurs. Il y a peu de publicité faite pour le tourisme de vision. La décision de réduire la population d'ours en 2006, prise par l'Etat slovène, a suscité des critiques de la part de touristes de nature. En conclusion, il a été réaffirmé que tout réside dans le travail de communication avec les différents acteurs et dans la préparation en amont des décisions. En Slovénie, la population ursine n'a jamais disparu, et a vraiment ré-augmenté depuis seulement vingt ans, en l'accompagnant de discussions continues avec les acteurs : avec les éleveurs, les barèmes sont revues par l'Etat tous les trois mois selon le marché, les méthodes de protection et les aides évaluées et discutées régulièrement ; avec les chasseurs, le quota de prélèvement est revu annuellement dans un souci de maintenir, mais de ne plus augmenter la population, etc.. Cette réunion des partenaires autour de la table, administration, élus, chasseurs et associatifs, résulte de nombreuse années de concertation. Jeudi 14 février 2008 10 h Visite d'une exploitation forestière STARI TRG LOZ Jo e STERLE, directeur adjoint de l'entreprise forestière de Postoïna La Slovénie est divisée en 14 régions forestières et de chasse ; la densité forestière est forte avec 80% de surface boisée : c'est un des massifs d'Europe les moins peuplés et les forêts sont semi naturelles. La récolte de bois slovène est annuellement de 3 millions de mètres cubes, l'objectif est de la porter à 4 millions. Le pays a une tradition de production de bois ancienne, complétée par des industries métallurgiques. Le lynx, le loup, l'ours sont présents dans ces forêts où le loup et l'ours ont toujours existé ; le lynx a été réintroduit en 1970 ; les populations d'ours et de loup s'étendent sur 1000 Km au sud, en Croatie et Bosnie. Les habitants ont essayé d'éradiquer le loup il y a 100 ans, sans y parvenir. Aujourd'hui, tous sont protégés par la directive habitats et par la loi slovène, il n'y a aucun problème avec l'exploitation forestière. L'entreprise visitée a été fondée en 1948 et emploie plus de 100 personnes. Au départ uniquement exploitation forestière, puis création d'une scierie, puis d'une unité de découpe de bois (fabrication de coffrage exporté en Europe) et enfin de plaquettes de bois avec les déchets. Il n'y a pas de chômage dans la région qui accueille même des travailleurs d'autres pays européens -travailleurs immigrés slovaques, croates et bosniaques (les slovènes ne sont pas intéressés), notamment pour le bûcheronnage. L'entreprise travaille essentiellement sur le domaine forestier de l'Etat sur une surface de 33 000 hectares et produit 160 000 mètres cubes par an (+ 90 000 venant de l'exploitation de forêts privées). Elle vend 85 000 m3 de sciage de qualité, 85 000 m3 de coffrage et 50 000 tonnes de déchets plaquettes exportées en Italie - la demande de plaquette est supérieure à la production -. 40 Environ 5% de la superficie sont exploités chaque année. La périodicité des coupes est de 10 ans ; des coupes rases, réservant la régénération, se font par placeaux de 1 à 2 fois la hauteur du peuplement, et des coupes pied à pied en fonction du diamètre. La sylviculture vise à obtenir ou maintenir 70% de hêtre, 25% de sapin, 5% d'autres essences (épicéa, érables ...) L'épicéa, qui a fait l'objet de reboisements importants dans le passé, tiendra ainsi une place réduite à l'avenir. L'exploitation est faite dans la région en totalité au tracteur avec pistes d'exploitation, l'entreprise exploite par câble dans les Alpes. Sur le secteur (30 000ha de forêt d'Etat et 45 000 ha de forêt privée), il y a 60 agents forestiers, qui font la surveillance et les plans d'aménagement, et depuis peu travaille aussi à la protection de la nature . La forêt privée est très encadrée par l'Etat qui propose les plans de gestion, cofinance les infrastructures, réalise les exploitations ; un privé possède en moyenne 3,5 ha, morcelé en 3 parties ; ils sont 350 000 propriétaires en Slovénie. Des associations de propriétaires privées se sont constituées pour dialoguer avec les services d'Etat. Pour l'exploitant forestier rencontré, il n'y a pas de problème de gestion de la présence d'ours. Les seules contraintes prévues sont le respect des tanières en période hivernale à partir de la connaissance de leur emplacement, déterminé dans le cadre de la gestion des plans de chasse (pas d'exploitation ou de construction de routes forestières dans un rayon de 200 mètres). La totalité de la surface (comme 35% du territoire slovène) est inclus dans une zone Natura 2000, dont les modalités de gestion ont été fixées dans la continuité de la gestion précédente déjà respectueuse du milieu. Selon la législation, les routes forestières sont accessibles à tous, mais interdites aux engins à roues. Le service forestier peut fermer les voies dans des cas particuliers. La législation sur les routes forestières est susceptible d'évolution, avec l'autorisation de circulation de véhicules réglementée par la commune, permettant à celle-ci des retombées financières. La cueillette de produits forestiers est libre pour tous les citoyens, pour la consommation familiale, dans les forêts d'Etat et privées (en fait, seuls, les arbres sont en pleine propriété, le sol restant d'utilisation libre). En contrepartie de cette obligation, l'Etat assume pour les propriétaires privés une activité de conseil, de définition de plans de gestion, etc. Il n'y a en général aucun problème avec les randonneurs dans les forêts, les slovènes ayant conservé le respect de la nature. 11 h 30 Rencontre avec un maire STARI TRG LOZ Janez STRLE, maire de Lo ka Dolina Le maire salue en préambule le travail mené en parfaite intelligence avec l'administration d'Etat -ministères de l'environnement et de l'agriculture- pour gérer la cohabitation avec l'ours 41 Sa commune s'étend sur 168 Km2, les surfaces urbanisées sur 25 Km2, pour 3800 habitants répartis en 27 villages. L'économie est industrielle, avec beaucoup de main d' uvre immigrée des pays voisins. Il y a très peu d'activité agricole, seulement deux exploitations. Le maire est préoccupé par la sécurité publique. La région est en majorité forestière, mais habitée. Il souligne que les habitants ont toujours vécu avec l'ours, les problèmes ayant surtout commencé avec une augmentation non maîtrisée de la population ursine et surtout le fait que les animaux avaient de plus en plus tendance à se rapprocher des villages. Les habitants ont demandé des mesures pour que les ours restent en forêt. A la période la plus cruciale ­notamment au printemps qui vient plus tôt dans la vallée que dans la montagne et où les ours ont tendance à descendre dans la vallée pour ensuite s'y fixer-, il avait plusieurs demandes quotidiennes des habitants et cite des anecdotes (ours à l'entrée de la cuisine du restaurant où nous sommes qui fut éliminé in fine ; ourson ayant pris l'habitude de venir au contact des enfants et qui fut également éliminé). Une enquête dans tous les foyers (1 300) faite par la mairie à partir d'un questionnaire fait par le ministère de l'environnement et l'institut forestier slovène a fait ressortir que les gens n'étaient pas contre la présence de l'ours, mais considéraient que le nombre dans la région était trop important. Les dégâts ne sont pas le problème principal, mais le sentiment d'insécurité lié à la rencontre quotidienne. Il a en particulier été demandé que la municipalité assure la sécurité des enfants. A l'occasion de la restructuration des transports scolaires, il a été décidé que ceux-ci concerneraient maintenant tous les enfants, l'Etat prenant en charge le surcoût. Toutefois, il n'y a pas de document préparé, ni de personnel communal dédié à cette mission. Au printemps, des promenades scolaires sont accompagnées par des chasseurs et ceux-ci assurent une information systématique chaque année dans les classes. La population d'ours a ainsi été réduite depuis 10 ans, et le maire considère que le plus important est le dialogue constant avec des mesures rapides et efficaces. Au début de l'augmentation de la population, on a perdu trop de temps en laissant les choses sans réaction. Il y a eu aussi trop d'interventions aussi de gens extérieurs se mêlant des affaires locales (ONG). 14 h 30 rencontre avec le Ministère de l'environnement et de l'aménagement du territoire à LJUBLJANA Janez PODOBNIK, Ministre de l'Environnement et de l'Aménagement du Territoire Tea GLAZAR, Directrice du Service des relations internationales et des affaires européennes, Peter SKOBERNE, Assistant du Directeur Général Nature et Paysages, Katja PISKUR, conseiller affaires européennes Chantal de BOURMONT, Ambassadrice de France en Slovénie Louis-Charles ARRIVE, Adjoint au chef de mission économique et Marine REBOUL En introduction, et après avoir salué la délégation française, le ministre rappelle qu'il était à Paris le vendredi 8 février pour inaugurer avec le ministre français Jean-Louis Borloo l'exposition sur le patrimoine naturel slovène au Museum national d'histoire naturelle. Le ministre français a salué la qualité du travail fait par la Slovénie en matière de gestion et de protection de la nature et tout particulièrement des grands prédateurs, et l'équilibre atteint en Slovénie entre conservation et modernité. 42 Le choix a été fait ici de conserver l'ours dans un contexte particulier. Il connaît le souci de la France vis-à-vis de cette question, le sujet est à débattre rapidement avec de bonnes méthodes pratiques. Les bons rapports entre les partenaires sont essentiels et il faut trouver des réponses aux arguments fondés. Mais quand on est au point mort, ce sont les politiques qui sont sollicités pour trouver des solutions. Après une présentation par Madame l'ambassadrice et la délégation française du cadre et des objectifs de son déplacement en Slovénie, il souligne concernant la gestion de l'ours qu'il est nécessaire d'avoir de bonnes pratiques techniques pour répondre rapidement aux problèmes qui se posent. Il évoque ainsi le décret organisant un groupe de travail réunissant toutes les compétences et travaillant sur les incidents constatés pour proposer des solutions consensuelles. Le processus a mûri avec les associations, la population et l'administration tous les collègues accompagnant aujourd'hui le ministre font fonctionner le système -. Concernant l'élevage ovin, le transfert de l'élevage bovin à l'ovin accroît les problèmes de cohabitation. Il y a eu un débat en Slovénie : au début était la nature sauvage, ensuite vint le pastoralisme ; est-il bon d'introduire du mouton dans l'habitat typique de l'ours ? Il faut de la mesure en toute chose : on encourage l'élevage de moutons avec des subventions ; mais si ce n'est pas viable économiquement, il n'y a pas de subventions. Concernant la chasse, la délégation française propose de prolonger cette mission par des rencontres avec les fédérations de chasseurs slovènes pour parvenir à comprendre et à importer en France l'appréciation positive que porte l'ensemble de l'administration de l'environnement slovène sur le rôle des chasseurs dans la gestion de la nature. Le ministre approuve cette initiative et invite l'ambassadrice à lui réserver une suite favorable. La question de l'appréciation des citoyens face à la politique de gestion de la population ursine par prélèvement est évoquée et le ministre indique qu'il s'agit d'une question délicate, car chargée d'affect et beaucoup d'opinions divergent. La gestion scientifique du dispositif, en pleine transparence et avec une communication claire, permet d'arriver à un consensus. Les gens qui vivent au contact d'une population dense d'ours doivent se sentir protégés, sinon ils s'arrogeront le droit de réguler. Il y a actuellement peu d'animaux sauvages abattus frauduleusement en Slovénie, comparativement aux pays voisins. Les mots-clefs sont : proximité des acteurs entre eux, professionnalisme des équipes et communication. 16 h Réunion à l'Institut forestier slovène LJUBLJANA Jo t JAKSA, Directeur de l'institut forestier slovène et Marko JONOZOVIC, département de la faune sauvage et de la chasse L'Institut forestier slovène gère depuis 1994 la chasse, les forêts, le suivi des grands prédateurs et la protection de la nature. Il est organisé en 13 unités et compte 800 employés, dont 100 travaillent sur les grands prédateurs. Pour la chasse, il a trois missions essentielles : l'élaboration des plans de chasse ; la réalisation des plans et le contrôle de la chasse. L'organisation territoriale est fondée sur 416 associations locales regroupées en 15 régions cynégétiques, avec toutefois quelques zones réservées. Le gibier est propriété de l'Etat qui octroie donc les droits de chasse. 43 Le fait d'être membre d`une association de chasse est libre. Il y a 26 000 chasseurs en Slovénie (1 habitant sur 100), soit 50 chasseurs en moyenne par association. Les zones de chasse s'autofinancent par la commercialisation du droit de chasse, le service central est financé par l'Etat ; 80% du budget vient de l'Etat. L'organisation de la chasse est basée sur deux lois, gibier et chasse. Le gibier est soumis à plans de chasse, application, contrôle ; des zones spéciales à présence de grands carnivores, ou à faune et flore typiques de chaque région sont délimitées. Le gibier est propriété de l'Etat, le droit de chasse n'est pas octroyé au propriétaire du sol. Concernant la situation du loup, qui n'avait pas été exterminée, il y a aujourd'hui 70 à 100 individus. La population est en augmentation. Elle n'est plus espèce gibier depuis 2004, maintenant strictement protégé, mais dérogations spéciales pour élimination, de niveau ministère . Le loup occupe 500 Km2 dans les 2/3sud de la Slovénie, se propage au nord ouest La prédation sur élevage et gibier est forte : 12 dégâts en 1995, 410 en 2007 pour 210 000 avec 1 600 moutons, 6 ânes, 4 ovins 2 chevaux.. Elimination possible d'individus sur autorisation spéciale (6 en 2007). De 1995 à 2007, 56 loups ont été éliminés. Depuis 2004, élimination sur permis spécial basé sur incidents déterminés, mais tirs illégaux probablement nombreux et accidents routiers . Sur la situation du lynx, il y a eu réintroduction de trois couples en 1973 ; actuellement, il y a environ 20 à 40 individus, pour 8 dégâts en 2007 (1 500 ). La population diminue du fait de la concurrence avec le loup. Concernant l'ours, le suivi des ours par télémétrie est toujours liés à un travail de recherche. Connaître les mouvements des ours, leur utilisation de l'espace, par rapport aux points de nourrissage anciens ; vérifier qu'une source d'alimentation protéinée en forêt éviterait que les ours aillent en agglomération, mais pour cela, il faudrait équiper des ours ordinaires. Or, chaque collier coûtant 4 000 , ils ne peuvent être multipliés ; il y a aussi une question d'éthique : suivre un animal partout lui fait perdre son intimité. Un seul ours, délocalisé des Alpes à Kocevje, est actuellement équipé. Les Slovènes sont « égoïstement intéressés par les ours Dinariques ». Dans les régions alpines, la population a perdu l'habitude d'avoir l'ours, est relativement hostile à cette arrivée conséquente d'ours, l'occupation de l'espace est différente de celle de la région dinarique. Les attentes de l'Autriche est de l'Italie, conformes à la convention de Berne et à la Directive habitats sont que les ours arrivent naturellement. Dans les Alpes, les habitudes pastorales sont sans clôtures et surveillance et les mêmes actions qu'ailleurs sont entreprises : information/formation, mise en place de protections. Les projets européens Life Nature et Life Coex, lancés par l'Italie et l'Autriche ont été bénéfiques. Jusqu'en 1990, la zone Sud privilégiait le nombre d'ours par rapport au sex-ratio : tout ce qui sortait était abattu ; après 1990, suite à des pourparlers avec les pays voisins, des prélèvements ont été autorisé en zone rouge et périphérie ; ailleurs, dans les corridors, on déplace les seuls ours à problèmes. 44 Pour le suivi génétique, l'Institut forestier collabore à un projet initié par la faculté de biotechnique. Les gestionnaires ne cherchent pas à avoir des données sur la structuration des gènes dans la métapopulation dinarique-alpine, mais à surveiller la diversité intra spécifique, le niveau de consanguinité. On cherche surtout à essayer de localiser certains individus et réaliser un comptage de l'effectif : nombre d'individus (génotypes différents), sex-ratio, niveau d'hétérosis . La base de la collecte d'échantillons est un quadrillage, qui recoupe les chemins et points de nourrissage, en utilisant la connaissance des personnels de terrain sur les habitudes des ours, les lieux de fèces. Le nourrissage au maïs occupe le temps des ours, leur évite d'aller aux poubelles : une habitude se crée, mais elle éloigne les ours des lieux habités : c'est un moindre mal. Une étude ONCFS sur l'impact du nourrissage ne montre pas de différence entre ours slovènes et autochtones ; en revanche les points de nourrissage ont beaucoup d'utilité : éloigner les ours des zones habitées, observation et comptage, capture pour repeuplement, élimination sécurisée. Dans les 3 dernières années, entre 80 et 100 ours par an ont été prélevés au total, ce chiffre incluant les prélèvements commerciaux (10%), la réduction de la population, et les repeuplements. Le coût global de la gestion de l'ours par les Pouvoirs Publics slovènes coûte 500 000 , dont 250 000 pour les indemnisations, et 250 000 de rémunération des 50 à 60 personnes qui contribuent pour une part variable de leur temps. 45 ANNEXE 5 : DEPLACEMENT DANS LE MONTANA (USA) Qualification de la zone de présence et renforcement du suivi de la population d'ours dans les Pyrénées françaises Mission de l'Inspection générale de l'Environnement Compte-rendu du voyage d'étude d'une délégation française au Montana (USA) du 25 au 29 février 2008 Liste des participants Monsieur François ARCANGELI, président de l'association Pays de l'Ours, maire d'Arbas (31), Monsieur Jean-Jacques CAMARRA, Équipe Technique Ours ­ Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage, Monsieur Patrick DEGEORGES, chargé de mission à le Direction de la nature et des paysages, ministère de l'Ecologie, du développement et de l'aménagement durables, Monsieur Fernand ESTEREZ, secrétaire général de la Fédération Départementale des Chasseurs des Pyrénées-Atlantiques (64), Monsieur Denis LAURENS, inspecteur général de l'environnement Monsieur Georges RIBIERE, inspecteur général de l'environnement Le Montana est un Etat du nord des Etats-Unis, d'une superficie de plus de 380 000 km2 pour 900 000 habitants, soit une densité extrêmement faible (2,39 habitants au km2 ­ pour mémoire, le département le moins dense de France, la Lozère, fait 15 habitants au km2). Bordant la frontière canadienne, le climat est continental et son relief comporte à la fois des montagnes (les Rocheuses) dominant de larges vallées à l'ouest, et des vastes plaines à l'est. Le fleuve Missouri traverse le Montana. 46 Le Montana présente une économie diversifiée. Les ressources minérales sont considérables. L' État possède de grandes réserves de cuivre, de pétrole, de gaz naturel et de charbon. Les autres ressources sont l'or, l'argent, les phosphates, le zinc et le manganèse. L'agriculture, essentiellement pratiquée dans les larges vallées des Rocheuses concerne principalement l'élevage, les céréales, les plantes fourragères et la betterave à sucre. L'exploitation forestière est une activité très importante. Les industries reposent surtout sur le traitement et la transformation des matières premières agricoles et minérales. Le tourisme est très actif dans les Rocheuses. Les sites les plus fréquentés sont les deux parcs nationaux de Glacier, à la frontière canadienne, et du Yellowstone, à cheval sur l'Etat du Wyoming, et le site historique de Little Big Horn. D'importantes stations de ski ont été créées. Plusieurs points focaux ont été visités : la région de Missoula, fréquentée par les ours, où résident et étudient parmi les plus grands spécialistes de l'ours aux USA et dans le monde ; la région d'Helena, capitale administrative de l'Etat, et la partie nord du parc national du Yellowstone, où vivent de très nombreux ours bruns et noirs, ainsi que des loups. Lundi 25 février 2008 8 h 30 Présentation de la situation de l'ours brun aux Etats-Unis et dans le Montana MISSOULA Charles et Jamie JONKEL, Great Bear Foundation De nombreuses ONG s'occupent de l'ours, en recueillant de l'argent, car les dons sont déductibles des revenus. Elles relaient les actions du Gouvernement et sont économiquement viables. La Great Bear Foundation, créée en 1982, promeut la conservation des ours sauvages et de leur habitat, notamment au travers d'éducation, de recherche et de communication. Charles Jonkel rappelle la longue histoire des relations des hommes avec l'ours en Amérique : ceux qui occupaient le territoire des Amériques furent presque tous éradiqués par l'arrivée progressive des immigrants sur le continent, notamment lors de conflits avec l'agriculture et l'élevage (défrichements par le feu, arrivée de gigantesques troupeaux de moutons). La biologie de la conservation et les services de protection de la faune sauvage sont nés dans les années 30 de la prise de conscience de cette extermination qui a duré jusque vers 1950. Le changement d'attitude dans le rapport à la vie sauvage date des années 60 : l'Endangered Species Act (ESA) est voté en 1973 et ce n'est qu'en 1975 que l'ours grizzly 1 a reçu un statut légal de protection (avant, il n'y avait pas de limite à la chasse ou à l'abattage des ours). La réhabilitation des grands carnivores, considérés comme nuisibles, fut très lente : le conflit entre agriculture et protection de la vie sauvage a persisté longtemps après la décision de protéger l'ours. De même, la protection des ongulés (cerfs élaphes, élans, etc.) l'a longtemps emporté sur la protection de l'ours dans l'allocation des fonds associés à la gestion de la faune sauvage. C'est encore un problème aujourd'hui que l'on retrouve jusque dans la formation des personnels qui travaillent dans le domaine de la gestion de la faune sauvage. 1 L'ours grizzly (ursus arctos) est surnommé ainsi car, comme pour tous les ours bruns, son pelage présente un dégradé de blond, brun et noir ou un mélange des trois. L'extrémité des poils de son pelage a souvent une teinte grise ce qui lui vaut son nom (en anglais grizzle est une perruque de cheveux gris). Ce surnom lui a été donné pour le différencier de l'autre espèce d'ours vivant en Amérique, l'ours noir (ursus americanus). 47 Les conflits entre la protection de l'ours et l'agriculture dans le Montana se poursuivent de nos jours lorsque les ours descendent dans les plaines agricoles. Mais les choses vont mieux depuis une vingtaine d'années, grâce à une prise de conscience collective. Les autorités ont peu à peu compris que, pour progresser, il faut des gens capables de faire office de médiateurs, capables de reconnaître les valeurs du monde rural et de gagner la confiance des éleveurs, des gens capables de boire le café, de faire des visites amicales, d'entretenir des relations de voisinage avec ceux qui vivent quotidiennement dans les territoires à ours... Dans le Montana, il y a aujourd'hui 6 personnes qui travaillent de cette façon. Ce sont tous des agents officiellement mandatés. Ils sont biologistes de formation, ont une personnalité adaptée à leur travail, de l'humilité et une façon d'être en accord avec les valeurs rurales. La fonction de médiateur est très particulière et on ne l'apprend pas à l'Université. Il faut à la fois connaître la biologie de l'ours et pouvoir entretenir des contacts durables avec la population. Cette capacité de créer et d'entretenir la relation avec les locaux est essentielle. Aux Etats-Unis, le droit de propriété est une valeur fondamentale et, dans le Montana, la propriété privée représente 7 à 10% de sa superficie. Les ranchers possèdent des propriétés dont la taille est souvent plus grande qu'un petit pays : du coup, si l'on ne s'entend pas avec les propriétaires locaux, on perd le contact avec des habitats à ours, parfois pendant plus de 50 ans, parce que ces habitats sont situés sur des propriétés privées. Si on ne trouve pas les moyens de travailler avec les propriétaires privés, on ne peut rien faire sur leurs terres pour la protection des ours. Des ONG mènent dans l'Ouest une importante politique de maîtrise foncière (achat de terres) pour la protection de l'ours : ainsi, récemment, Nature Conservancy of Montana, avec le soutien du siège national de cette ONG qui est majoritairement financée à la fois par des dons de grandes entreprises (corporate funds) qui bénéficient ainsi d'une exonération fiscale, et par des subventions de l'Etat fédéral, a acheté pour 80 millions de dollars de terres (30 square/miles) à la compagnie Plum Creek Timber (le plus grand propriétaire forestier privé des USA). Ces politiques visent spécifiquement les habitats propices à l'ours : c'est une politique d'achat sélective. Ainsi, ce sont les zones à haute valeur biologique pour l'ours comme des corridors (couvert forestier) ou des zones de nourrissage de printemps qui sont achetés, puis éventuellement revendus ultérieurement à l'Etat ou à des propriétaires fonciers avec lesquels des conventions sont passées pour maintenir la protection. L'argent récupéré de cette façon permet d'engager de nouveaux achats de terres. Cela coûte très cher de protéger l'ours : ainsi, les Etats du Montana ou de l'Idaho ne peuvent supporter seuls ces investissements. Il faut aussi, en plus des fonds du gouvernement fédéral, des soutiens venant des ONG qui mènent des actions telles que le ramassage des fruits dans les jardins afin de maintenir les ours à distance des résidences humaines et des routes pour limiter les conflits. Charles Jonkel explique qu'il s'agit de créer une zone tampon autour des habitations humaines dans lequel il n'y a pas d'ordures non protégées des ours, de fruits laissés à terre, etc. Ce type d'activité rassemble les gens (étudiants de l'Université, propriétaires de vergers, etc.) dans un travail collectif qui sensibilise la population à ce qu'il faut faire pour vivre avec les ours. 48 Ces relais locaux et un réseau de médiateurs efficaces sont déterminants. Il faut aussi un soutien fort de la population au niveau national. Pour Charles Jonkel, il faut une vingtaine d'années pour que les gens et les ours apprennent à vivre ensemble. Il y a, estimés par analyse génétique, 554 grizzlys dans le Nord Est du Montana. Quant au nombre des ours noirs, il y a en a presque autant que de cerfs. Mais ce qui compte, ce n'est pas le nombre d'ours, c'est l'habitat. Il faut faire comprendre que, quand on protège un bon habitat pour l'ours (mais aussi pour d'autres espèces sauvages), on protège aussi un bon habitat pour l'homme. Il faut défendre l'habitat, et ne pas retirer l'ours de la liste des espèces en danger de disparition, car s'il en était exclu, la défense de son habitat par acquisitions foncières pourrait coûter, en estimation pour 1 seul ours, 8 ou 9 millions de dollars. Charles Jonkel explique que la communication auprès du grand public mené par la Great Bear Foundation s'appuie sur la culture indienne traditionnelle dans laquelle l'ours a une très grande importance : c'est aussi une façon de maintenir cette culture vivante aujourd'hui. Le « Bear Honoring » est une fête annuelle de printemps qui participe de cette communication culturelle. Jamie Jonkel, biologiste, médiateur avec les populations locales ­et par ailleurs fils de Charles Jonkel- intervient ensuite en complément de son père. Il explique que la faune sauvage est plus importante aujourd'hui dans le Montana qu'il y a cent ans : il y a plus de loups, d'ours, d'ongulés etc. La protection de l'ours ou du loup a engendré la limitation du développement économique sur les territoires de leur habitat. Il reste donc de grands espaces sauvages. Pourtant, le meilleur de ces espaces (près des rivières et des lacs) est aussi occupé par les hommes. Or, c'est dans ces zones très riches en ressources alimentaires que les ours et les ongulés vont préférentiellement, et le fait que ces territoires aient été aménagés les rend encore plus attirants pour les ours ! L'habitat de l'homme risque de devenir l'habitat préférentiel de l'ours ; le problème est donc de laisser la vie sauvage utiliser cet habitat, mais sans laisser les ours engendrer des conflits avec les hommes. Ainsi, il y a, en ce moment, 4 à 5 couguars aux abords de la ville de Missoula, 10 à12 ours noirs qui ont fait leur tanière dans les environs immédiats, et 2 ou 3 loups qui rôdent dans le périmètre. On trouve aussi 2 ou 3 orignaux, beaucoup de coyotes et lynx bobcat, des centaines de cerfs à queue blanche. Il y a, dans le Montana, un programme sur les dégâts de grand gibier (financé par les permis de chasse et, au niveau fédéral, par la taxation de la vente des armes à feu), tels que les cerfs élaphes, etc, qui prend en compte les dommages sur les clôtures et les haies dans les ranchs, ou les tensions suscitées par la compétition sur les pâturages avec les troupeaux domestiques. Ce programme a permis aux agents qui travaillent sur l'ours d'entretenir un rapport privilégié avec les propriétaires, car ce fonds pour les dégâts de grand gibier sert aussi pour la gestion des ours (à hauteur de 7000 dollars/an/technicien). Il y a six techniciens à l'échelle du Montana spécialisés sur les ours : achat de matériel pour les clôtures, électrification des clôtures, construction de protection autour des décharges... Pour protéger les moutons, on utilise des parcs de nuit, des bergers, des chiens de protection et des lamas. Ces techniciens travaillent aussi bien avec de nombreuses ONG qu'avec des agences gouvernementales (USFW...) et le ministère de l'agriculture pour obtenir des fonds supplémentaires pour des projets spécifiques. 49 Ils travaillent enfin en dernier recours avec l'ADC (Animal Damage Control) du ministère de l'agriculture : cette agence ne fait pas de travail préventif, mais prélève les prédateurs qui attaquent les troupeaux domestiques. Ces opérations de prélèvement coûtent cher au Montana. 13 h 30 Rencontre avec le maire de Missoula Visite du Boone and Crockett Club MISSOULA John ENGEN, maire Jodi BISHOP, Boone and Crockett Club Comme tous ses confrères, le maire de Missoula est confronté aux problèmes de cohabitation, notamment quand les ours dévient de leur habitat traditionnel pour descendre dans les plaines. Même si certaines personnes ne sont pas contentes des ours, ce sont souvent les mêmes qui les attirent en jetant leurs déchets n'importe où. Pour lui, le dialogue, la recherche de compromis, le partenariat entre les acteurs sont essentiels, ainsi que l'éducation du public. La mise en place de moyens compensant les pertes individuelles est nécessaire, avec de gros efforts. Cependant, il note un soutien majoritaire de la municipalité et de la population à la présence des ours. Les gens qui viennent habiter Missoula se sont imposés des contraintes pour supporter la vie sauvage et c'est pourquoi il faut les accompagner. Par ailleurs, le maire n'a pas de responsabilité juridique au niveau sécuritaire pour les animaux protégés : cette responsabilité échoit à l'Etat. La part du tourisme dans l'économie locale est très importante : 10 millions de personnes visitent le Montana chaque année ; c'est une industrie qui rapporte plusieurs milliards de dollars et chaque grizzly peut être valorisé à 500 000 USD par an. Fondée en 1887 par Théodore Roosevelt, l'association Boone and Crockett Club est une ONG constituée de chasseurs sportifs et conservationnistes, et comportant des personnalités influentes pour sauvegarder la nature, et qui a été à l'origine des premières lois de protection. Elle est maintenant orientée vers l'acquisition et la conservation des terres (espaces naturels) et des habitats, notamment pour l'ours. Les données morphométriques sur les trophées anciens conservés et répertoriés par l'association permettent de mieux connaître l'état des populations que l'on protège. 14h 30 Visite de la Vital Ground Foundation MISSOULA Gary WOLFE, directeur ; Kiffin HOPE ; Shannon FOLEY La Vital Ground Foundation est une ONG qui reçoit des fonds d'environ 15 pays étrangers, en plus des Etats-Unis et qui est également soutenue par des stars hollywoodiennes. En effet, cette association a été créée en 1990 par Doug et Lynne Seus, qui avaient recueilli jeune, l'ours brun Bart, le « héros » du film de Jean-Jacques Annaud « L'ours » et d'autres longs métrages américains et internationaux, et qui l'avait dressé. Elle fonctionne avec 500 000 dollars de fonctionnement par an, 6 salariés et 1 million de dollars en financement d'action. 50 Elle travaille beaucoup avec les propriétaires fonciers. Dans le Montana, la plupart des habitats d'ours se trouvent sur des terres publiques, mais certains habitats importants sont sur des terres privées. Les actions menées visent à acquérir la maîtrise foncière de ces habitats importants pour les ours : - soit par achat des terres, - soit par des contrats de conservation (conservation agreement), - soit par « conservation easement », c'est-à-dire par le fait d'acquérir des droits sur des terres sans les acheter afin de limiter toute action pouvant conduire à la disparition de l'habitat (ces droits sont acquis, soit par donation contre exonération fiscale, soit achetés au propriétaire). Il est pour cette association essentiel de travailler avec la population, car sans soutien des locaux, de ceux qui vivent sur ces terres, qui y travaillent ou y passent leurs loisirs, il n'est pas possible de protéger les ours. La Fondation mène ainsi des actions de sensibilisation auprès des propriétaires qui peuvent modifier leur pratiques (ramassage des fruits, des carcasses, attention aux ordures pour les collectivités, etc.) pour apprendre à vivre avec les ours. Il est vrai que de nombreuses ONG se recoupent dans leurs missions de conservation, mais il n'y a pas de redondances, car chacune se concentre sur un point particulier, et un bon partenariat existe entre tous . Il y a beaucoup de contacts et d'information réciproque entre les organisations, mais avec des spécialisations : la Great Bear Foundation est très spécialisée dans l'éducation, les campagnes médiatiques, la sensibilisation de l'opinion ; la Vital Ground Foundation est spécialisée dans les habitats et d'autres groupes le sont plutôt dans la recherche. Il y a aussi des partenariats entre les différentes ONG. 15 h 30 Visite de la Rocky Mountain Elk Foundation MISSOULA Casey DOWELL La Rocky Mountain Elk Foundation est une ONG créée en 1984 par quelques chasseurs, qui voyaient se réduire les habitats à cerfs, pour protéger ceux-ci, ce qui profite aussi à l'ours. Elle protège ainsi 5 millions d'acres (environ 2 millions d'hectares). Elle comprend 150 000 membres à travers le monde. La Fondation achètent des terres et les donnent en gestion ; elle achète aussi des droits à construire, réhabilite des terrains miniers (revégétalisation). Si son activité est en croissance, les perspectives à long terme sont incertaines en raison de la diminution du nombre de chasseurs. La délégation a visité un bâtiment public de la Fondation (Elk Country Visitor Center) qui présente expositions, films, documentation et produits touristiques. 17 h 30 Réception de bienvenue chez Chantal DAVOINE-MOSER, Consule honoraire de France MISSOULA Pierre MATTOT, Consul adjoint à San Francisco Ronald et Chantal DAVOINE-MOSER Charles et Jamie JONKEL ; Christopher SERVHEEN 51 Mardi 26 février 2008 8 h 30 Visite du territoire de la Blackfoot Valley et réunion sur le projet Blackfoot Challenge Land LINDBERGH ; Steven KLOETZEL ; Seth WILSON Charles et Jamie JONKEL Les responsables de l'ONG Nature Conservancy of Montana, dont Land Lindbergh, petit-fils de Charles Lindbergh, ont présenté à la Délégation le projet Blackfoot Challenge, sur le territoire de la rivière Blackfoot, à une trentaine de miles de Missoula.. Le projet s'appuie sur un travail collectif organisé au sein de 8 groupes de travail regroupant 400 propriétaires fonciers, 20 agences gouvernementales, 18 collaborateurs, 25 contractants en 2002-2003, avec réunions, visites et séminaires. Cette communauté locale (Blackfoot Community) s'est organisée pour mettre en place de façon collective des mesures afin de vivre avec les prédateurs. Le principe de ce travail avec la population est de ne jamais placer l'ours avant l'éleveur. Du fait de la recolonisation progressive naturelle par les grizzlys vers le Sud depuis Glacier National Park et vers le Nord à partir de Yellowstone, l'objectif poursuivi est de repeupler toute la zone entre ces deux parcs dans l'espoir de reconstituer une large population susceptible de devenir chassable à terme. Cela a permis de rassembler aussi bien des éleveurs que des chasseurs autour de ce projet. Le travail de ce groupe repose sur une constante concertation et sur la recherche en commun de nouveaux financements. Les objectifs qui ont émergé en commun relèvent de la prévention des conflits avec les ours, de la sécurité des personnes et de l'amélioration générale du mode de vie des ranchers (aménagement des exploitations, construction de systèmes d'irrigation plus performants etc. et pas seulement des aménagements liés à l'ours). Une politique de maîtrise foncière a également été engagée par l'ONG (voir supra). L'inventaire et cartographie par GPS des habitats à ours et des sites de conflits potentiels (ruchers, troupeaux...) permet d'identifier le travail prioritaire à faire avec les éleveurs et propriétaires qui sont sur ces sites en s'appuyant à la fois sur les savoirs locaux et sur le savoir des experts. Il existe aussi un réseau mis en place entre les habitants avec dans chaque zone une personne référente pour identifier les ours à problème et intervenir de façon réactive (jusqu'au prélèvement). L'accent a été mis sur la gestion préventive : éliminer tout ce qui peut attirer les ours, et sur la sécurité humaine : les réactions sont évidemment vives si trop d'attention est portée à l'ours et pas assez à l'homme. Les habitats prioritaires pour les ours ont été identifiés avec les propriétaires de ranches. Un de grands problèmes a été de gérer les carcasses d'animaux, 300 à 400 chevaux morts de mort naturelle par an : un programme de ramassage et de traitement a été mis en place. Une importante communication a été lancée avec écoles et les fermiers. Des ours trop proches des charniers ont dû être éliminés. 52 Le traitement des carcasses d'animaux domestiques, et sauvages (2 ou 3 cerfs par jour) tués sur la route se fait par compostage par strates de copeaux de bois et de carcasses, avec traitement séparé des carcasses d'animaux domestiques et sauvages. Il faut une semaine de fermentation pour 1 cheval. La température atteint 180°C. Le compost n'est pas utilisé en agriculture, mais incinéré en raison de la crainte d'ESB. Une enceinte électrifiée entoure le site de traitement et empêche les ours de se rapprocher. Il est interdit au public. 14 h Réunion sur la gestion des populations d'ours aux Etats-Unis et au Montana MISSOULA Christopher SERVHEEN, Responsable de la restauration de l'ours grizzly United States Wildlife and Fish Service (USWFS) Michael MADEL, Montana Fish and Wildlife and Parks John WALLER, responsable de la gestion des ours du Glacier National Park Le Glacier National Park, à la frontière canadienne, a été créé par le Congrès en 1910, sur 4100 Km2. Il reçoit 1,5 à 2 millions de visiteurs par an. Ce parc abrite comporte la plus forte densité de grizzlys d'Amérique du nord, avec 6 à 7 pour 100 Km2 et 6 ou 7 ours noirs pour 1 grizzly. Le plan de gestion des ours du parc a trois objectifs majeurs : - assurer la conservation à long terme du grizzly, - remplir les missions des parcs nationaux, - minimiser les conflits entre les ours et les hommes. La gestion des ours, c'est d'abord la gestion des hommes : l'éducation est la première priorité. Le plan repose donc sur l'éducation du public ; la gestion des poubelles et de la nourriture ; la gestion réglementaire (police, amende, contrôle) ; la gestion des ours. Le problème principal est lié aux activités récréatives de camping : tout visiteur ou campeur qui nourrit un ours ou abandonne de la nourriture reçoit une amende ; s'il y a beaucoup d'ours, on signalise ; on peut aussi fermer les chemins, notamment en présence d'une carcasse, pour assurer la tranquillité. A l'extérieur des limites du parc, on sécurise les poubelles non protégées et on surveille les dommages aux propriétés privées. La capture des ours à problème et leur relâcher (sur site) est une technique d'éducation de l'ours. Il y a deux grandes techniques de relâcher : - « hard release » (avec effarouchement : chiens de Carélie, tirs d'effarouchement) - « soft release » (sans effarouchement). Le principe est d'observer l'évolution du comportement des ours à problème, en essayant d'inverser la tendance à la familiarité et la dépendance. Quand cela ne suffit pas pour les ours « habitués » aux sources de nourriture non naturelle, agressifs vis-à-vis de l'homme ou devenus familiers, ces ours sont éliminéss, car ils ont une tendance à aller de plus en plus loin dans ce type de comportement. Sur 100 permanents et 300 saisonniers d'été, 1 permanent et l'équivalent de 8 saisonniers s'occupent à plein temps de l'ours au parc national des Glaciers. 53 En contrebas de la zone des Montagnes Rocheuses qui va du Montana à l'Alberta, au Canada, le Rocky Mountain Front, se trouve un important élevage extensif bovin et ovin. Dans ce territoire où la Prairie rejoint les Rocheuses, les grizzlys, qui hibernent haut en montagne, descendent au moment de mises bas du bétail : on compte ainsi 5 à 6 attaques sur veaux sur 20 000 têtes et 30 à 40 moutons par an sur 10 000 animaux. Il y a, à cette période, de nombreuses pertes naturelles liées au vêlage et les grizzlys viennent ainsi se nourrir sur les carcasses senties depuis une longue distance (plus de 20 km). On constate aussi des attaques de ruchers, des saccages de poubelles, des destruction de silos à grains, des dégâts sur les récoltes, d'autres dégâts aux propriétés privées et aux jardins, et des destructions de sites de camping. Auparavant, les conséquences de ces conflits se soldaient par l'élimination des ours, mais ces conflits ont fortement diminué depuis la mise en uvre du programme de restauration dans les années 80, en collaboration avec les communautés locales. L'objectif de ce programme est de développer des mesures en vue de maintenir la population de grizzlys dans la région. Il repose sur une cartographie des zones d'habitats à haute importance biologique pour les ours et a permis de mettre en place des techniques de prévention : - clôtures électriques -8000 V- fixes autour de tous les ruchers (pas d'attaque depuis 3 ans) et mobiles autour des zones de couchage des moutons (12 000 USD /an au total), - ramassage du bétail mort pour mettre les cadavres dans des zones interdites au public ou les disperser de façon aléatoire pour simuler une mort naturelle de faune sauvage, - mise en place de systèmes de protection pour les ordures, - éducation des campeurs sur la façon de rendre leur nourriture inaccessible aux ours, avec l'adoption de standards désormais obligatoires (nourriture suspendue à 100 yards des tentes, foyer de cuisson à 100 yards aussi), - utilisation de chiens de protection Patou et Athabasca, et de Carélie pour effaroucher les ours afin de les rendre plus craintifs, - capture des ours qui posent des problèmes et relocalisation (à courte distance : 30-40 miles) : ces ours sont alors équipés de colliers émetteurs. Il y a enfin un système d'indemnisation pris en charge par l'ONG « Defender's of Wildlife » « Défenseurs de la vie sauvage » -, alimentée par des fonds privés, qui rembourse les animaux prédatés au prix du marché (600 500 USD/an de dommages). Les dommages collatéraux et mortalités douteuses sont mentionnés dans le rapport d'investigations pré indemnisation. En cas de doute, on fait appel à une agence fédérale comportant des biologistes, pour une expertise conjointe fédéral-Etat. Malgré au départ des refus de principe de certains éleveurs d'être indemnisés, la majorité d'entre eux s'y sont maintenant ralliés. Le résultat de ce programme, mis en uvre de façon continue, malgré une résistance et des conflits très importants, c'est qu' il y a plus de grizzlys dans cette région qu'il y a 20 ans. 54 Les modalités de gestion d'une petite population d'ours ­donc intéressant particulièrement les Pyrénées- a ensuite été présentée à la Délégation. Situées à la frontière entre le Canada et les Etats-Unis, les Cabinets Mountains contiennent un noyau d'une dizaine d'individus. La présentation a porté sur la population de Selkirk (10 ours). La stratégie adoptée pour augmenter la population consiste à combiner trois mesures sur la population de Selkirk : - à court terme, renforcer la population (femelles sub-adultes) : 4 individus, âgés de 3 à 5 ans, ont été introduits, venant de 150 Km ; - à long terme, agir en vue de réduire la mortalité (prévention des conflits, des accidents liés à des rencontres avec l'homme ou aux accidents de la route) : c'est ce qui a le plus d'effet ; - susciter une connectivité avec d'autres noyaux de populations, ce qui réduit le plus efficacement le risque d'extinction. Pour une population de 1 à 50 individus, la gestion doit être intensive : - contrôle de la mortalité, - contrôle intensif des conflits, - communication importante avec le public, - opération de renforcement de population, - développement de la connectivité entre les habitats. Ces petites populations répondent lentement à ces mesures de gestion : le changement prend beaucoup de temps (plus de 20-30 ans). Mais la courbe décolle au delà d'un seuil entre 50 et 100 individus. D'où la difficulté considérable de la période de gestion intensive qui implique la combinaison de toutes les actions énumérées ci-dessus en même temps. Le simple renforcement de la population ne suffit pas pour faire la différence, pas plus que le contrôle de la mortalité à lui seul. Ce qui est décisif, c'est la simultanéité de ces mesures. Au-delà de 150 individus, c'est l'éducation du public et le contrôle de la mortalité qui font l'essentiel et l'accroissement est rapide si le contrôle de la mortalité est acquis. Il n'y a pas ici trop de conflit avec le bétail, mais la cause principale de mortalité est le braconnage (plus du tiers de la mortalité) et les conflits liés au pillage des ordures par les ours. Le suivi des mortalités permet de cibler les actions de prévention. Le principal problème est la rurbanisation qui amène les gens à construire dans des zones qui sont des habitats à ours. Dans les zones où la densité humaine est trop importante, il y a une limite sociale à la présence de l'ours et c'est pourquoi on peut affirmer que la restauration de la population d'ours n'est pas un problème biologique, c'est un problème social. Dans les opérations de réintroduction, il ne faut pas aborder les gens sur leur position (pour ou contre les ours), mais s'appuyer sur leurs intérêts : les gens veulent la sécurité, pouvoir chasser sans contrainte, ou continuer des activités récréatives de nature sans danger, et que les ours ne menacent pas leur emploi ; et c'est aussi ce que veulent les autorités. Lorsque le sujet est abordé de cette façon, on détermine un terrain d'entente commun parce qu'il n'est de l'intérêt de personne que les gens perdent leur emploi ou se sentent menacés par les ours. Dans le cadre défini par la loi de protection des espèces en danger d'extinction (ESA) qui fonde l'action de restauration, il faut chercher à trouver des moyens d'organiser la coexistence. 55 16 h Rencontre avec des représentants élus du Comté de Missoula MISSOULA James McCUBBIN, procureur adjoint du Comté Larry ANDERSON, Jean CURTISS, Bill CAREY, commissaires du Comté Patrick 0'HERREN, chargé des affaires rurales Le Comté de Missoula fait 2600 miles carrés et compte 108 000 habitants, en progression annuelle de 3%, soit 30 000 personnes en plus dans les 30 prochaines années. Il y a les mêmes espèces animales qu'il y a 200 ans. Tous ces animaux ont une présence importante dans le paysage. L'ours était là en premier, il a le droit de rester là. Beaucoup de gens s'installent à Missoula, notamment du fait de la qualité de la vie sauvage, et veulent construire là où il y a l'ours : c'est pourquoi des règlements existent pour l'interdire. On essaye de regrouper l'habitat : récemment, les élus du Comté ont mis 10 millions d'USD pour racheter des droits à lotir en terrain privé, pour une protection pérenne : 1 million USD a été dépensé en 1 an. A côté de cette action des pouvoirs publics, des gens fortunés achètent des lots de terre et en mettent une partie en protection, obtiennent une exonération d'impôts correspondant aux plusvalues de lotissement abandonnées. Dans la Swan Valley voisine, une zone corridor d'une chaîne de montagnes à une autre pour les grizzlys est reconnue et les gens sont dissuadés d'y construire. Beaucoup d'efforts sont employés à éduquer les gens qui vivent dans ces zones, éviter tout ce qui attirerait les ours, jusqu'aux mangeoires d'oiseaux , et notamment les déchets et les fruits. Les autorisations de construire relèvent d'une commission du Comté. Les autorisations de lotir sont refusées dans ces corridors. Si le développement n'est pas contrôlé, il y a destruction d'habitats d'ours. Si le régime d'autorisation n'existait pas, il y aurait beaucoup plus de conflits avec la faune sauvage. Cette fonction de l'administration fait l`objet de recours judiciaire de la part des particuliers. Il n'y a pas d'expropriation, mais possibilité d'échange. Dans la gestion des conflits, les conflits se terminent presque toujours par la mort de l'ours. Ou les ours déplacés reviennent. Ils ne recherchent pas le conflit, sauf quand ils perçoivent que l'espace est restreint. Les ours marqués permettent d'identifier les zones corridors , et prévenir les conflits dans ces zones critiques . Des lois sévères encadrent aussi la chasse. L'ours est un facteur positif pour le tourisme saisonnier. Le mouton a fortement diminué dans le Montana, par rapport au passé, et il remonte un peu. Il y avait beaucoup de moutons dans les années 1930, le pâturage était facilité par les feux de forêt. Le mouton utilisait des endroits éloignés qui ne sont plus utilisés. Il y avait peu de grizzlys à cette époque et l'élevage du mouton incitait à la destruction des prédateurs 56 Mercredi 27 février 2008 transfert de la délégation vers le parc national du Yellowstone Jeudi 28 février 2008 Réunions au quartier général du parc national du Yellowstone MAMMOTH HOT SPRINGS Chris LEHNERTZ, adjointe du Superintendant Kerry GUNTHER, responsable des ours au sein du parc Al NASH, chargé de communication La superficie du parc national du Yellowstone (près de 9 000 km2) est égale à celle de la Corse. Il est situé sur un haut plateau, à une moyenne de 2400 mètres d'altitude, avec un climat montagnard. 80 % de sa superficie est recouverte par la forêt. Il s'étend à cheval sur trois Etats, principalement le Wyoming, et aussi le Montana et l'Idaho. Il a reçu près de 3 millions de visiteurs en 2005. Célèbre pour ses phénomènes géothermiques (geysers), il abrite aussi de nombreux grands mammifères (loups, ours, bisons, pumas, wapitis,...) qui constituent l'autre raison de son attractivité. Il a été fondé en 1872 : c'est le premier parc national créé aux Etats-Unis et dans le monde. Il est géré, comme les autres parcs nationaux, par le National Park Service (NPS), qui dépend du ministère américain de l'Intérieur. Au-delà du parc, il faut considérer, pour la gestion des animaux, et notamment de l'ours, l' « écosystème Yellowstone », qui déborde de ses frontières sur le Wyoming et l'Idaho. On compte 600 ours dans l`écosystème Yellowstone. Depuis sa création, il y a eu beaucoup de conflits entre l'ours et l'homme. Dans les années 1890, les ours noirs et les grizzlys fréquentaient les poubelles d'hôtels et mendiaient. Le parc avait été créé pour les geysers, mais l'ours est devenu aussi une attraction. 57 Les gens attiraient les ours pour faire de belles photos. Les ours nourris devinrent plus gros et, certains jours, jusqu'à 3000 personnes étaient rassemblées à certains endroits pour les observer à proximité. De ce fait, attaques et blessures furent nombreuses et, de 1931 à 1969, près de 50 ours ont chaque année attaqué des personnes et près de 150 causaient des dommages aux biens. On a donc organisé reprise et déplacement d'ours. Mais déplacer un ours est délicat et il a fallu en éliminer ou en mettre en zoo : environ 3 grizzlys et 25 ours noirs par an. En 1970, un nouvel objectif a été fixé : maintenir des populations viables de grizzlys et d'ours noirs, en faisant en sorte que les ours retournent à leur subsistance naturelle pour réduire les incidents ours/homme. En1975, l'ours a été mis sur la liste des espèces en voie d'extinction. 30 ans plus tard, la population d'ours de Yellowstone s'est redressée sur le plan biologique et vivre avec le grizzly tout en permettant des activités récréatives est aujourd'hui effectif car on a écarté les sources d'alimentation humaine et réduit les dommages aux biens. L'un des points majeurs de ce plan d'actions est donc l'éducation du public pour éviter les contacts : nourrissage interdit, rendre inviolable les conteneurs de déchets, aménagement, sur les aires de camping, de dispositifs avec cordes et poulies pour suspendre la nourriture même si, de temps en temps, un ours apprend à couper les cordes ! -. De fait, si les « bouchons » routiers liés à l'observation d'ours (« bear jam ») sont passés de 100 en 1990 à 919 en 2004, le nombre de conflit grave est faible. Malgré les précautions, et en rapport avec le nombre d'ours présents, il y a 1 accident par an, 4 morts d'hommes depuis la création du parc, mais 5 accidents mortels par bison sur la même période (environ 4 700 têtes). Avec ces mesures, il y avait moins d'ours visibles le long des routes du Yellowstone et les visiteurs se sont plaints. On a donc changé la politique de gestion des espèces wapiti, bison, truite, pour apporter plus de nourriture aux ours. Les jeunes wapitis sont une source de nourriture importante au printemps. En 1975, on a réintroduit le loup qui régule le wapiti (de 20 000 à 8/9 000 aujourd'hui), l'ours prend les proies tuées par le loup, et cela évite le surpâturage. La pêche à la truite est autorisée, mais « no kill » : la population de truite augmente et va frayer dans les ruisseaux où l'ours la capture. Les loups ont fait revenir la population de cerfs à 8 000 ou 9 000 Des zones du parc sont temporairement fermées à la fréquentation : annuellement au printemps, les rivières de fraie des truites ; au cas par cas, les sites où bisons et wapitis viennent mourir, surtout près des geysers . Dans le parc, l'élimination d'ours était de 3 par an avant 1970, 4 dans les années 70, 1 en 1980 et actuellement, on en a éliminé 1 seul en 5 ans . L'ours à problèmes (maintenant celui qui va régulièrement aux tentes et campings) est normalement tué, mais il peut être aussi déplacé et équipé. 1/10 des grizzlys sont équipés d'émetteurs, avec 2 types d'émetteurs selon ce que l'on recherche. Les ours suivis sont répartis dans les différents secteurs du parc. 58 L'ours mâle adulte du Yellowstone a une nourriture carnée à 78% -la femelle adulte à 45%-, et prend les proies des loups, alors que l'ours du parc national des Glaciers, où la pluviosité est plus forte et la végétation plus riche, est végétarien à 90%. L'alimentation carnée des ours du Yellowstone comprend ongulés ­ce sont des animaux morts naturellement, souvent aux sources chaudes-, des proies faciles de très jeunes cervidés, mais aussi des cerfs adultes au brame pris par de gros ours-, truites, insectes ; et la végétale : racines et tubercules, fruits, feuilles. Il faut noter que la fécondité des ourses a augmenté avec l'augmentation d'ongulés proies. Le seul parc national ne représente que 40% de la surface occupée par les grizzlys dans l'écosystème Yellowstone. La population a cru linéairement de 138 en 1978 à 425 en 2004. Ils occupaient 15 400 km2 dans les années 1970, 34 000 depuis 2000. La population d'ours de l'écosystème Yellowstone est considérée comme viable, supérieure à 500, bien que certains généticiens disent qu'il faudrait 2000 individus. Si la chasse était restaurée, il faudrait stabiliser la population à 500 ours minimum, parc compris. Alors que seulement 6% des conflits sont en zone parc ­où il y a une réglementation et des budgets spécifiques et en plus du travail associatif et bénévole-, la majorité d'entre eux concerne les terrains privés de l'extérieur : c'est là que les enjeux sont les plus importants. Des ours qui sont sortis du parc ont été tués par des éleveurs de vaches et de moutons (l'écosystème Yellowstone comporte 10 000 à 20 000 moutons). Le vrai problème est l'aire de distribution qui s'étend, atteint des zones où les gens ont perdu l'habitude des prédateurs. Il faut tout recommencer à zéro avec eux, car enfants, animaux de compagnie, bétail posent problème. Hors parc, l'ours est suivi par une structure et plusieurs équipes, dont le parc national. Dans le Wyoming, l'administration fédérale travaille avec des ONG, là où il faut protéger des habitats vitaux pour l'ours. On déplace les ours prédateurs de moutons, et on installe des protections avant qu'ils reviennent. Des ONG aident les bergers et les remplacent pour la garde des moutons. Certaines ont proposé à des fermiers de racheter leurs propriétés. Indemnisations et clôtures électriques de parcage nocturne sont financées par l'Etat du Montana. Le coût de la gestion ours dans le parc : 7 personnes sur 80 rangers, et des gardes saisonniers a représenté 600 000 à 800 000 USD/an. 59 Vendredi 29 février 2008 11 h Rencontre au Secrétariat d'Etat du Montana HELENA Brad JOHNSON, Secrétaire d'Etat Ralph PECK, adjoint Pierre MATTOT, Consul adjoint à San Francisco Chantal DAVOINE-MOSER, Consule honoraire à Missoula et Ronald MOSER Séverine MURDOCH, Consule honoraire à Dubois - Wyoming Bert et Peggy GUTHRIE, éleveurs Le Secrétaire d'Etat ­l'équivalent d'un Ministre de l'Intérieur- salue la Délégation et la remercie de sa visite. Il présente l'Etat du Montana et indique que son économie traditionnelle demeure l'agriculture et l'élevage. Son PIB est diversifié : 50% d'industrie, 30% d'agriculture, 20% de tourisme. Dans les recettes fiscales de 2007, un surplus de 3 milliards d'USD est dû à l'extraction du pétrole et du gaz. S'il n'y a pas de conflit pétrole/tourisme, c'est parce que les principaux gisements de pétrole sont dans le nord-est, qui n'est pas touristique. S'il y en avait dans les Rocheuses, de graves conflits se feraient jour. Il témoigne d'une situation mixte et en évolution entre une économie traditionnelle propre à cet Etat rural et une économie nouvelle comme le tourisme, en plein essor. Il rappelle que le grizzly a été réintroduit dans les années 70. L'Etat comportant de vastes territoires, le partage entre élevage et vie des grands prédateurs en est facilité. Cependant, il y a des conflits et sa position est modérée : on ne peut pas retourner dans le passé où on tuait des ours et s'il y avait moins d'ours, il y aurait un peu moins de touristes. Pour autant, l'effectif actuel de grizzlys lui paraît suffisant, pour éviter plus de contraintes. L'ours fait surtout débat dans le milieu agricole, alors que la population est à 70% pour. Il faut discuter sans aspect émotionnel, ce qui conduit souvent à de mauvaises politiques. Le couple d'éleveurs présents, en retraite, exploitait 10 000 acres, dont 3000 acres loués à l'Etat. Il possédait 2000 moutons et affirme en avoir perdu 30% par prédation, principalement du grizzly. Il a pratiquement abandonné cet élevage, avec 250 têtes. Il estime que la protection contre l'ours sur sa propriété privée n'est pas de sa responsabilité, mais du ressort de l'Etat et des contribuables. Il a toujours refusé les indemnisations des ONG : accepter leur argent, c'est accepter l'ours. L'éleveur qui loue des terres à l'Etat doit assumer le risque de prédation et la protection sur les terrains de l'Etat. Il est pour lui facile d'être pour l'ours quand on n'est pas propriétaire. Il estime que les bisons de Yellowstone transmettent des maladies aux bovins domestiques, mais qu'ils sont heureusement éliminés quand ils sortent des limites du parc. Dans les 35 dernières années, la population agricole a beaucoup décliné et il le déplore. Les éleveurs ont peu de subventions, les subventions fédérales allant aux céréales pour maintenir 60 des prix bas dans l'alimentation, depuis F-D. Roosevelt. Il faut noter que les prix du blé ont récemment augmenté, mais les charges aussi. 18 h 30 Réunion de synthèse MISSOULA Christopher SERVHEEN En guise de conclusion de ce déplacement aux Etats-Unis, Christopher Servheen ­ qui connaît bien les Pyrénées pour y être venu en mission d'expertise pour l'Etat français, a présenté à la Délégation quelques recommandations pour la gestion de la petite population française d'ours : isoler quelques territoires-coeurs de fréquentation régulière de l'ours de l'élevage et d'un minimum de dérangement humain. Ces zones devraient être au minimum 2 à 3 fois la superficie nécessaire à une femelle et sécurisées au sein de chacun des noyaux souhaités pour les ours. protéger les moutons dans ces zones par des clôtures électriques pendant la nuit et les accompagner grâce à des bergers et des chiens pendant la journée. Si les éleveurs ne l'acceptent pas, il n'y a pas de raison de les indemniser pour les pertes qu'ils subissent. s'accorder avec les éleveurs pour des mesures de protection et des conditions identiques dans les zones entourant ces c urs de fréquentation des ours. chercher à reconnecter les deux noyaux de population des Pyrénées, pas obligatoirement de façon continue, mais en les considérant ensemble comme une « métapopulation » fonctionnant avec des liaisons occasionnelles entre les noyaux. - - Il lui paraît en tout cas impossible de maintenir des ours au voisinage des troupeaux sans clôture électrique la nuit, et bergers et chiens le jour. Le mouton est une proie trop facile pour l'ours, c'est comme un bonbon pour un enfant et il va l'attaquer inévitablement si le mouton n'est pas protégé. C'est pourquoi il ne faut pas introduire d'autres ours, tant qu'on n'a pas réglé la situation du mouton. Il faut sécuriser les zones à moutons, obtenir l'accord des éleveurs et des bergers pour cette sécurisation et conduire ces actions pendant 5 ans au moins. Le schéma suivant présente trois zones de gestion : les ours des territoires-c urs constituent l'objectif premier de gestion et les autres usages de l'espace viennent après. - S'il y a un conflit dans ces zones, il doit se résoudre en faveur de l'ours ; - S'il y a un conflit dans les zones situées en dehors de ce c ur, mais où les ours peuvent venir, il peut se résoudre, soit en faveur de l'ours, soit en faveur de l'éleveur, en fonction du problème ; - S'il y a un conflit dans les zones où l'ours n'est pas attendu, il est déplacé ou éliminé en fonction du problème posé par cet ours et de son histoire. Des liaisons occasionnelles entre les noyaux sont par ailleurs souhaitables dans la perspective d'une « métapopulation » fonctionnelle. 61 Il faut capturer l'ours familier ou à problèmes avant qu'un incident n'arrive. Ne pas remplacer l'ours défectueux éliminé, mais remplacer l'ours braconné. En cas de réintroduction, le bon âge est 3 à 5 ans pour les femelles ; la fixation des mâles est plus difficile. Par ailleurs, on gère une population biologique et non des individus, avec un accompagnement affectif : leur donner des noms pose un problème. . 63 ANNEXE 6 : ANALYSE JURIDIQUE DE LA SITUATION ACTUELLE VIS-A-VIS DES EXIGENCES EUROPEENNES ET INTERNATIONALES La réalité des menaces pesant sur la France en cas, soit de disparition de l'ours, soit de non-réintroduction, interrogeant par là-même le caractère contraignant ou non des engagements européens et internationaux de la France vis à vis de la réintroduction de l'ours, a été fréquemment abordée par les interlocuteurs de la mission. C'est pourquoi il lui a semblé opportun de rédiger cette note, avec le concours du Service des affaires juridiques du ministère. L'article 2 de la directive Habitats 2 indique : « les mesures prises en vertu de la présente directive visent à assurer le maintien ou le rétablissement, dans un état de conservation favorable, des habitats naturels et des espèces de faune et de flore sauvages d'intérêt communautaire ». L'annexe II de la directive indique que l'ours (ursus arctos) est une espèce d'intérêt communautaire, nécessitant la désignation de zones spéciales de conservation (ZSC). Ces ZSC sont parties intégrantes du réseau Natura 2000. L'article 12 indique par ailleurs que les Etats membres « prennent les mesures nécessaires pour instaurer un système de protection stricte des espèces animales figurant à l'annexe IV point a) ­ l'ours y figure -, dans leur aire de répartition naturelle, interdisant : - toute forme de capture ou de mise à mort intentionnelle de spécimens de ces espèces dans la nature, - la perturbation intentionnelle de ces espèces notamment durant la période de reproduction, de dépendance, d'hibernation et de migration, - la détérioration ou la destruction des sites de reproduction ou des aires de repos ». Même si la réintroduction en vue du renforcement de la population d'une espèce n'est pas explicitement exigée par un article spécifique, ni même mentionnée dans l'article 2, elle peut être considérée comme un corollaire des dispositions de cet article visant au maintien ou rétablissement d'un état de conservation favorable puisque la population de l'ours n'est pas aujourd'hui en « état de conservation favorable », c'est-à-dire viable. Cet article 2 indique ce à quoi un Etat membre est tenu a minima. Il n'indique pas ce que cet Etat encourt s'il ne fait pas (de réintroduction). Si aucun recours -aucun pays n'a jusqu'à ce jour été condamné par l'Union européenne pour ne pas avoir réintroduit d'espèce d'intérêt communautaire- n'a été formulé envers une non-réintroduction, il n'est pas pour autant possible d'en préjuger que cela ne peut se faire, ni ne se ferait pas. De même, l'article 6 de la Convention de Berne3 indique : « Chaque partie contractante prend les mesures législatives et réglementaires appropriées et nécessaires pour assurer la conservation particulière des espèces de faune sauvage énumérées dans l'annexe II ­ dont toutes les espèces d'ursidés -. Seront notamment interdits, pour ces espèces : - toute forme de capture intentionnelle, de détention et de mise à mort intentionnelle, - la détérioration ou la destruction intentionnelle des sites de reproduction ou des aires de repos, - la perturbation intentionnelle de la faune sauvage, notamment durant la période de reproduction, de dépendance et d'hibernation, pour autant que la perturbation ait un effet significatif eu égard aux objectifs de la présente Convention » . Directive 92/43/CEE du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages. 3 Convention du 19 septembre 1979relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l'Europe. 2 64 L'article 11 précise que « Chaque partie contractante s'engage à encourager la réintroduction des espèces indigènes de la flore et de la faune sauvages lorsque cette mesure contribuerait à la conservation d'une espèce menacée d'extinction...et à contrôler strictement l'introduction d'une espèce non indigène ». Si le terme de réintroduction est ici explicite, un débat pourrait s'instaurer sur la nature du terme « indigène » : est-il synonyme d'autochtone ?, mais ce débat n'a plus lieu d'être dès lors qu'on parle d'introduction d'espèce « non indigène ». Par ailleurs, il faut rappeler l'ordonnance du Conseil d'Etat du 9 mai 2006 rejetant la requête formée par la Fédération transpyrénéenne des éleveurs de montagne et autres aux fins d'obtenir la suspension de la « décision ministérielle en date du 13 mars 2006 de lâcher cinq ours dans le massif pyrénéen », en « considérant que, compte tenu, en premier lieu, du fait que l'Ursus arctos figure aussi bien au nombre des espèces mentionnées à l'annexe II de la Convention de Berne vis à vis desquelles l'Etat s'est engagé sur le plan international à assurer la conservation particulière, que parmi celles d'intérêt communautaire nécessitant une protection stricte énumérées à l'annexe IV de la Directive Habitats, en deuxième lieu, de la concertation conduite à l'égard des élus et des populations elles-mêmes depuis février 2005 et, en troisième lieu, des mesures prises pour prévenir et réparer les conséquences dommageables pouvant résulter du maintien de la population ursine, les différents moyens invoqués à l'encontre de la décision contestée ne sont pas propres à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à sa légalité ». Cependant, il faut aussi souligner4 que l'article 11 précité de la Convention de Berne émet une condition d'application : « Dans l'exécution des dispositions de la présente Convention, les Parties contractantes s'engagent à :(...) à encourager la réintroduction des espèces indigènes de la flore et de la faune sauvages lorsque cette mesure contribuerait à la conservation d'une espèce menacée d'extinction, à condition de procéder au préalable et au regard des expériences d'autres Parties contractantes à une étude en vue de rechercher si une telle réintroduction serait efficace et acceptable ». Le terme « étude » peut recouvrir beaucoup de choses et cette condition a été plaidée par les requérants cités supra. En l'occurrence, le Conseil d'Etat a répondu, mais sans référence explicite à cette partie de l'article 11, en mentionnant notamment deux documents : le rapport établi par l'Inspection générale de l'environnement et le Conseil général du génie rural des eaux et des forêts de mai 2005 relatif à la concertation préalable, et le Plan de renforcement lui-même, largement diffusé, et les différentes mesures qu'il contient. Comme l'a fait Augustin Bonrepaux, député de l'Ariège, dans son rapport d'information du 13 décembre 2006 sur le coût administratif de la réintroduction de l'ours dans les Pyrénées. 4 65 ANNEXE 7 : ETUDE5 PREALABLE D'OURS DANS LE TRENTIN AU RENFORCEMENT DE LA POPULATION Cette annexe présente l'étude réalisée en 2000, préparatoire au renforcement de la population d'ours dans le Trentin, avec ses deux aspects : définition des territoires de présence ­c'est ce qu'est en train de réaliser l'ONCFS/ETO dans le cadre d'une thèse référée dans le rapport en 4.3.4- ; acceptabilité et faisabilité. L'étude concerne un territoire de 6495 km2, avec le parc naturel Adamello Brenta en zone centrale. Les limites de ce territoire sont définies par des zones d'habitat humain dense. La population est de 58hab/km2, en excluant Trento et Bolzano. La fréquentation touristique est basée les nuitées et repas, y compris en refuges d'altitude ; les activités agricoles sont évaluées par les productions végétales et animales, au niveau communal ; l'activité chasse est décrite par types de chasse et nombre de sorties. La protection de l'ours a été édictée en Italie en 1939. 192 ours ont été tués dans le Trentin dans les 150 ans précédents, dont 84 dans la Brenta. 15 individus subsistaient en 1970. Pour estimer si le territoire pouvait accueillir une population d'ours, un modèle d'habitat a été calé par l'utilisation des données de présence des ours collectées durant les 20 dernières années. Le modèle subdivise pour cela le territoire en 2 581 carrés de 25 hectares, sur chacun desquels sont quantifiés des paramètres du milieu et anthropiques : classes d'altitude, de pente, climat, détail des peuplements forestiers ; un indice de complexité morphologique du territoire est donné par le nombre d'expositions différentes présentes sur le carré. La disponibilité alimentaire est très difficile à caractériser : les seules sources sont la densité de gibier, l'ours se nourrissant de 10 à 30 % d'ongulés sauvages, vivants ou cadavres. La prédation sur le bétail domestique concerne essentiellement les ovins. Le dérangement anthropique est difficilement mesurable : par l'ensemble du réseau routier et des pistes forestières, qui donne la densité de voirie par unité de superficie (km/km2). Les carrés sont caractérisés par la présence ou l'absence d'ours, par des paramètres d'environnement et de présence anthropique. Une analyse de variance donne des différences entre ours et sans ours pour : aires agricoles, bois de feuillus, zones urbanisées, densité de bovins, d'équins et moutons, densité de population, nuitées, densité du réseau routier. Le modèle individualise, en deux phases distinctes, les habitats naturels favorables à l'ours, et les surfaces caractérisées par un dérangement excessif ; ceci permet de déterminer les zones où un effort sur la tranquillité a le plus de chance d'être efficace, parce qu'elle concerne des surfaces biologiquement favorables, de celles où le milieu est limitant. Le modèle identifie 1700 km2 de surface favorable à l'ours, avec une densité de 2 à 3 individus pour 100 km2. Cette surface peut accueillir de 34 à 51 ours, ou de 79 à118 en incluant des territoires périphériques moins favorables.. Plusieurs décennies seront nécessaires pour atteindre 70 individus. A moyen terme, la jonction avec la population des Alpes orientales est escomptée, améliorant la probabilité de survie. 5 Cette étude « de faisabilité pour la réintroduction de l'ours brun dans les Alpes centrales » a été réalisée par l'Institut national italien pour la faune sauvage - Eugenio Dupré, Piero Genovesi, Luca Pedrotti - 2000. 66 L'évaluation du coût du projet a associé l'expertise privée, elle prend en compte les coûts directs et l'impact potentiel sur les activités humaines, pour le délai nécessaire à l'établissement d'une population de 50 individus ; le coût prévisionnel des dommages aux activités humaines ont été estimés sur la base des coûts recueillis dans des projets similaires de translocation en Autriche et en France. Le coût du projet est potentiellement très élevé, entre 1 422 000 et 5 482 000 , écart dû principalement à l'incertitude des dégâts sur le bétail par les ours à problèmes, à la pression humaine, au braconnage, à l'accroissement de la population, ce qui peut allonger significativement le temps nécessaire à l'atteinte d'une population minimale viable. Les aspects humains ont été examinés avec soin ; la pression humaine représente nettement le principal facteur de la dynamique de la population ursine dans ce territoire, du fait que les Alpes centrales sont probablement le territoire ayant la plus forte pression humaine sur l'habitat de l'ours brun. Une enquête d'opinion a donné 75% d'opinions favorables, et 80% si les ours restaient équipés. L'étude conclut à une bonne probabilité de réussite ; les mesures prises pour le renforcement accroissant aussi les chances de survie des ours arrivant naturellement dans la zone. Le cadre juridique a été actualisé. Le fonds d'indemnisation a été provisionné. Le dérangement humain est un facteur critique. Il peut être cas d'échec, ainsi toutes les mesures visant à résoudre les conflits entre ours et humains sont prioritaires, et une bonne information doit être assurée. Le risque d'attaque d'humains, faible, conduit à prévoir toutes les mesures possibles : sélection des ours à relâcher, équipe d'urgence, information sur le comportement à tenir en cas de rencontre. Les recommandations furent de lâcher 9 ours en 4 ans, avec un suivi post-lâcher attentif et intensif. Une révision du projet est prévue en cas d'accroissement très faible ou perte par braconnage. 67 ANNEXE 8 : DEFINITION DES TERRITOIRES DE PRESENCE A partir des analyses de Christopher Servheen appliquées en 1996 à la zone du HautBéarn, la mission propose une méthode de caractérisation des massifs forestiers sur l'ensemble du massif pyrénéen. Cette méthode comprend deux phases, qui sont résumées pages 24 et 25 du rapport. PHASE 1 : MISE EN EVIDENCE DE LA COMPACITE FORESTIERE a - l'analyse du milieu faite dans l'étude AScA Les travaux de Christopher Servheen, adaptés du grizzly aux ours européens (étude AScA6Béarn - 1996) visaient à déterminer, vis à vis d'un milieu forestier morcelé et imbriqué avec des espaces ouverts, quelle était l'utilisation de cet habitat par l'ours, dans la mesure où la valeur pour l'ours de l'habitat forestier est déterminé par sa taille et par la connexion entre les divers blocs forestiers au sein de cet habitat. L'étude AScA a procédé à une évaluation de l'accessibilité des forêts existantes et de l'efficacité de l'habitat à garantir la sécurité des ours. De petites unités forestières sont d'une faible valeur pour l'ours dans la mesure où leur taille est insuffisante au regard de l'aire nécessaire pour ses activités normales, et, de manière plus importante, ces petites unités forestières offrent peu de sécurité aux ours du fait du dérangement occasionné aux ours par les activités humaines. Ce mode d'analyse est basé sur le comportement alimentaire de l'ours. Les valeurs-seuil de taille des massifs forestiers et de connexion sont déterminées d'après les déplacements des ours en 24 h. En l'absence de données directes sur les déplacements effectués par les ours, données qui sont maintenant disponibles par analyse des résultats de télémétrie, l'hypothèse était faite que la zone prospectée en 24 h par un individu est directement proportionnelle au « territoire moyen » occupé par l'animal, territoire moyen qui est l'inverse de la densité de population (en fait, les territoires utilisés individuellement par les ours sont notablement plus grands et se superposent largement, mais cela ne contredit pas la notion de proportionnalité). Les distances et surfaces déterminées résultent d'une proportion faite sur l'utilisation du territoire, avec les densités respectives d'ours dans un territoire américain, et des densités rencontrées en Europe centrale (Roumanie) : pour la population d'ours du nord-ouest des USA : densité de 1 pour 64,75 km2, et surface exploitée alimentairement en 24 h : 10,1 km2. pour des populations d'ours en Europe centrale : densité moyenne de 1 pour 12 km2, et surface exploitée alimentairement en 24 h : 10,1* 12/64, 75 = 1,87 km2. On considère ainsi que les femelles suitées, animaux les plus exigeants en alimentation et en tranquillité, n'utilisent pas de massifs forestiers compacts de moins de 187 ha d'un seul tenant, et que ces massifs ne sont utilisés que si leur distance à un autre massif utilisable est inférieure à 771 mètres, distance équivalente au rayon d'un massif de contour circulaire de 187 ha, distance de référence. 6 Etat des lieux de la population ursine et de son habitat dans le Haut-Béarn ­ Stratégies de conservation et de renforcement éventuel (dite Etude AscA) ­ mars 1996 ­ rapport pour l'IPHB et le Syndicat mixte du HautBéarn ­ Auteurs : bureau d'études AscA, UICN, Université du Montana : Xavier Poux, Isabelle Dubien, en collaboration avec Christopher Servheen. 68 L'application de ce mode d'analyse au Haut Béarn en 1996 s'appliquait bien au territoire effectivement occupé par les ours actuels, l'aire de présence régulière de l'ours correspondait aux massifs compacts, y compris la zone tampon, et les sites vitaux d'activité se localisaient dans les surfaces forestières les plus importantes. Cette méthode simple permet de caractériser globalement l'utilisation par l'ours des espaces forestiers pyrénéens. b - l'adaptation faite pour caractériser les massifs forestiers sur le massif pyrénéen Pour représenter les surfaces boisées utilisées, l'étude AScA utilisait une image satellite SPOT, qui a nécessité un traitement informatique et une validation locale. La mission 2008 a utilisé les données de l'inventaire forestier national 1996, qui sont validées par les enquêtes de terrain de l'Inventaire forestier national. Pour trouver la distance parcourue en 24 h, les suivis radio faits suite aux lâchers permettent d'accéder directement à une évaluation de cette distance. Ces suivis radio faits depuis 1994 dans les Pyrénées, et dans le Trentin depuis 2000, sur les animaux réintroduits, conduisent à enregistrer des distances de déplacement un peu plus grandes7 que dans l'étude AScA, de l'ordre de 2 km par 24 h (avec une forte variabilité individuelle, saisonnière, journalière), en relation avec une capacité d'accueil du milieu forestier plus faible qu'en Europe centrale. La mission a donc interprété cette distance de déplacement par la non utilisation des massifs d'une surface de moins de 314 ha, équivalente à celle d'un massif de 2 km de diamètre. Autour des massifs forestiers sélectionnés comme pouvant être utilisés, une bande de 1000m de largeur est susceptible d'être exploitée par l'ours pendant la période nocturne. Cette bande tampon est bien sûr réduite en cas d'installations et d'activités humaines. Un traitement informatique appliquant ces critères de taille (314ha minimum) et de connexion des massifs (distance inférieure à 1000m) aide ainsi à préciser la zone « potentiellement occupable » par l'ours dans les Pyrénées françaises, sachant que les études en cours devraient, au delà, largement préciser la capacité d'accueil du milieu, en fonction des capacités alimentaires pour l'ours du milieu forestier et du dérangement lié aux diverses activités. La compacité des massifs forestiers est aussi appréciée par rapport à cette largeur de 1000m : des versants forestiers dont la largeur (plus petite dimension, correspondant en général à la direction de plus grande pente) est de l'ordre de 1000m, sont continus, mais non compacts, et l'habitat de l'ours y comporte le maximum d'interface avec les estives d'une part, les fonds de vallée d'autre part. Cette approche a essentiellement une valeur comparative, mais le choix d'autres paramètres, traduisant des distances un peu différentes de déplacement des animaux en 24h, n'induirait pas de modifications significatives. Il s'agit essentiellement d'écarter les massifs forestiers trop réduits pour intéresser l'ours, et de figurer la zone en bordure des massifs forestiers compacts, couramment fréquentée par l'ours lors de ses déplacements alimentaires. Ourses du lâcher Pyrénées 1996 : 1,4 Km/24h en 1997, 2,6 Km/ 24h en 1998 ; ourses du lâcher Pyrénées 2006 : 2,21 et 2,74. Données du Trentin sur deux ourses : 0,8 à 1,9 Km/24h et 1,3 à 2,6 Km/24h. En période d'activité, et hors phase initiale de prospection. 7 69 Dans les Hautes-Pyrénées Les vallées des Gaves de Gavarnie et de Cauterets comportent des forêts de versants, massifs continus, mais étroits et non connectés entre eux. La vallée d'Aure comporte des massifs distincts, mais connectés selon le critère retenu, le milieu boisé approche la frontière dans le Rioumajou. Les massifs de l'Estibète, de l'Hautacam et des Baronnies portent des massifs forestiers assez étendus, mais imbriqués de milieux ouverts. A l'est, la Barousse comporte une forte densité et compacité forestière, continue avec le Haut Comminges. En Haute-Garonne Le Haut Comminges est très boisé, le massif est compact et connecté au Val d'Aran et au Couserans. En Ariège Le Couserans comporte un seul massif compact, de grande étendue, qui se rapproche de la frontière Espagnole par les vallées. La Haute Ariège comporte un massif important, en rive droite de l'Ariège (versant nord ). Les flancs de la vallée de Vicdessos constituent un massif moins compact. Un autre massif important s'étend au nord est, du Pays d'Olmes à Bélesta, et se prolonge par le pays de Sault dans l'Aude. A l'est, le Quérigut par les forêts des Hares et du Carcanet, est en connexion avec les massifs de l'Aude et des Pyrénées-Orientales. Dans l'Aude Un massif forestier important s'étend entre les gorges du Rébenty et les gorges de l'Aude . Dans les Pyrénées-Orientales Le Capcir comporte plusieurs massifs étendus et reliés entre eux L'ensemble constitué par le Quérigut en Ariège, et les territoires voisins de l'Aude et des Pyrénées-Orientales, constitue un massif de forte densité forestière, actuellement concerné par la présence régulière, mais saisonnière, de l'ours. Les massifs étendus des monts d'Olmes, Bélesta en Ariège, Pays de Sault dans l'Aude, ne sont pas concernés actuellement par la présence d'ours, et bien que présentant une forte compacité et continuité, justifient une approche plus fine, prenant en compte le relief modéré ainsi que la nature des activités humaines dans les milieux non forestiers. Le massif des Albères, dans les Pyrénées-Orientales, présente suivant cette approche une forte compacité, et serait peu parcouru par les troupeaux. Il comporte des milieux forestiers méditerranéens très différents des forêts de moyenne et haute montagne des PyrénéesCentrales et Occidentales, et n'est pas concerné actuellement par la présence de l'ours. 71 Par ailleurs, sur l'ensemble de la chaîne, la zone d'altitude inférieure à 600m, qui correspond globalement, à l'exception de la part du massif de Plantaurel au nord de Saint-Girons, au territoire situé au nord d'une ligne joignant Oloron à Saint-Paul de Fenouillet 8 , ne comporte selon ces critères que des espaces forestiers peu compacts, imbriqués avec des espaces cultivés. En piémont ou en plaine, la vie de l'ours est possible (les ours croates qui appartiennent à la même population que les ours slovènes se trouvent jusqu'au littoral méditerranéen). Mais les surfaces forestières présentes dans les milieux de piémont ou de plaine au nord des Pyrénées ne présentent pas de compacité, d'où une forte probabilité de dérangement ; la carte 3 (placée dans le rapport) y visualise des zones tampon de surface équivalente à la superficie forestière, qui correspondent en plaine à des zones cultivées ou urbanisées ; la densité de population humaine est forte et le réseau routier important. D'autre part, la disponibilité alimentaire pour l'ours sur l'année n'est pas prouvée. La présence de l'ours ne paraît possible de façon compatible avec les activités humaines qu'au dessus 600m d'altitude environ. PHASE 2 : PRISE EN COMPTE DE L'ACTIVITE PASTORALE. Dans les départements pyrénéens, espaces boisés et estives s'imbriquent et se superposent. La superposition cartographique (carte 5) des surfaces pastorales (Enquête pastorale 1999 ­ DATAR - Ministère de l'Agriculture - SUAIA Pyrénées) avec les massifs forestiers identifiés ci-dessus complète, à une échelle globale, la caractérisation de ces territoires. L'approche est cependant approximative dans la mesure où les surfaces pastorales ne distinguent pas les espèces utilisatrices, ni les modes de conduite des troupeaux, alors que les ovins non gardés sont sensibles à la prédation et que les bovins le sont beaucoup moins. Toutefois, dans les Pyrénées-Atlantiques, l'élevage ovin est très majoritairement laitier ; les estives de haute altitude des Pyrénées-Centrales sont à ovin viande ; les bovins sont prépondérants dans les Pyrénées-Orientales. Dans l'analyse, une partie des surfaces forestières apparaît pâturée, il peut s'agir, soit de pâturage en milieu boisé, soit de pâturages sur anciennes prairies de fauche intermédiaires, indiscernables à cette échelle. Oloron-Arudy-Lourdes-Lannemezan-St.Gaudens-St.Girons-Foix-Lavelanet-Bélesta-Quillan-St.Paul Fenouillet. 8 de 72 SYNTHESE DES PHASES 1 ET 2 De cette analyse globale fondée sur des documents cartographiques, il ressort que les Pyrénées-Centrales comportent un espace forestier unique dans le massif pour son étendue et sa continuité, où l'imbrication de l'espace forestier et de l'espace pastoral paraît être la plus faible. Toutefois, ce massif est densément traversé de routes, et comporte un habitat dispersé important. Ce territoire occupe 180 000ha (1 800 km2), boisé sur 120 000 ha, soit 66%. Le Haut-Béarn, sur une étendue plus réduite, présente une continuité forestière le long des deux vallées d'Aspe et Ossau, depuis les altitudes basses jusqu'à la frontière espagnole. Ce territoire occidental occupe 84000 ha (840 km2), boisé sur 30 000 ha, soit 36%. Les Hautes-Pyrénées juxtaposent des massifs de haute altitude peu forestiers, avec des massifs périphériques où surfaces forestières et pastorales sont très imbriquées. Les Pyrénées centrales : Haut Comminges-Couserans représentent, selon les deux critères, l'espace le plus favorable à l'habitat d'une population d'ours. Le Haut-Béarn représente le deuxième espace, plus restreint, présentant ces caractéristiques Le massif forestier à l'ouest de la chaîne, imbriqué d'espaces ouverts, bien que fréquenté par des troupeaux sur de vastes surfaces forestières, notamment dans sa partie sud, paraît être potentiellement assez étendu pour accueillir un extension du noyau d'ours des Pyrénées-Centrales. Ce territoire oriental occupe 105 000 ha (1050 km2), boisé sur 59 000 ha, soit 56%. L'essentiel du département des Hautes-Pyrénées, la vallée de l'Ariège et le Vicdessos en Ariège, bien que fréquentés par les ours, seraient à exclure des territoires de présence souhaités, en raison de la faible compacité des espaces forestiers et de l'importance des surfaces d'estive, notamment en milieu boisé et de l'élevage ovin . Les territoires de présence ainsi identifiés sont localisés au niveau du massif sur la carte 3, placée dans le rapport lui-même. Elle présente l'ensemble de la chaîne pyrénéenne, représente les massifs forestiers sélectionnés par compacité, la zone tampon, les estives, l'isoligne 600m, l'axe routier « Oloron ­Fenouillet ». Les cartes 6 à 11, placées supra dans cette annexe 8, détaillent le territoire pyrénéen, avec les mêmes thèmes. Pour caractériser la consistance des territoires concernés (superficies totales et forestières détaillées ci-dessus), ces territoires ont été représentés par les massifs et sous-massifs ONCFS (cartes 12, 13 et 14 ci-après), en prenant en compte les territoires de présence continue des ours 2002-2006. 80 ANNEXE 9 : PERSONNES ET ORGANISMES RENCONTRES (en dehors de celles ayant participé aux déplacements) 10 septembre 2007 Jean-François CARENCO , Préfet de la Haute Garonne, Préfet de Région Midi-Pyrénées Dominique PELISSIE, directeur régional de l'agriculture et de la forêt Midi-Pyrénées André BACHOC, directeur régional de l'environnement Midi-Pyrénées, Thierry GALIBERT, directeur-adjoint, Evelyne SANCHIS, chargée de mission, Dominique GENTIER, assistante DIREN 12 septembre Michel DANTIN, Conseiller Technique au Cabinet du Ministre de l'Agriculture et de la Pêche 12 octobre Hugues BOUZIGES, Préfet des Pyrénées-Orientales 17 octobre Rencontre avec le Bureau de l'Association nationale des élus de la montagne (ANEM) : Martial SADDIER, président, Henri NAYROU, secrétaire général, Chantal ROBIN-RODRIGO, Frédérique MASSAT, René RETTIG, Pierre BRETEL, directeur, Hervé BENOIST, chargé de mission 17 et 18 octobre Déplacement dans le Trentin (Italie) : préparation de la mission d'évaluation comparative Rencontre avec Romano MAZE directeur, Maurizio ZANIN, Claudio GROFF, Lorenzo VALENTI, du Service Forêt Faune de la Province de Trente 23 et 24 octobre Déplacement en Asturies (Espagne) : préparation de la mission d'évaluation comparative. Rencontre avec Juan José ARECES du Ministère espagnol de l'Environnement, José GARCIA GAONA, Directeur, Teresa SANCHEZ COROMINAS, Juan Carlos DEL CAMPO, Miguel FERNANDEZ OTERO des Services de la Principauté des Asturies, Belarmino FERVIENSA, Maire de Somiedo 26 octobre Déplacement en Slovénie : préparation de la mission d'évaluation comparative Rencontre avec Chantal de BOURMONT, Ambassadrice de France, Louis Charles ARRIVE, adjoint au Chef de la mission économique et Marine REBOUL, assistante, Janez KASTELIC Directeur de la nature et des paysages, Marko JONOZOVIC de l'Institut Forestier 6 Novembre Marc CABANE, Préfet des Pyrénées-Atlantiques, Jean-Luc TRONCO, Sous Préfet d'Oloron-SainteMarie Marc TISSEYRE, directeur départemental de l'agriculture et de la forêt des Hautes-Pyrénées. Emmanuel DIDON, adjoint au DDAF des Hautes-Pyrénées. 8 novembre Jean-François VALETTE, Préfet de l'Ariège Mickaël DORE , Sous Préfet de Saint-Girons Philippe QUAINON, directeur départemental de l'équipement et de l'agriculture de l'Ariège Anne CHENE, ingénieure à la DDEA de l'Ariège 20 novembre Gilbert SIMON, vice-président de l'association FERUS Bertrand AUBAN, sénateur de la Haute-Garonne, maire d'Eup 84 18 décembre Jean-François CARENCO, préfet de la région Midi-Pyrénées André BACHOC, directeur régional de l'environnement, Thierry GALIBERT, directeur-adjoint, Evelyne SANCHIS, chargée de mission, Dominique GENTIER, assistante DIREN 15 janvier 2008 Georges DHOM, éleveur d'ovins à Orincles (Hautes-Pyrénées) Patrice JEANDEAUX, éleveur d'ovins à Arrodets es Angles (Hautes-Pyrénées) Patrice MERIGAUX, éleveur d'ovins à Gez es Angles (Hautes-Pyrénées) 16 janvier 2008 Lucie BERGEZ BENEBIG, Laurent MONTREPOS, éleveurs à Arette Yannick LAMAZOU, éleveur, Pierre BONNEAU, berger, à Lucq-de-Béarn, Jean-Luc TRONCO, sous-préfet d'Oloron-Sainte-Marie Didier HERVE, directeur de l'Institut Patrimonial du Haut-Béarn (IPHB) François GOUSSE, directeur départemental de l'agriculture et de la forêt des Pyrénées-Atlantiques Gérard CAUSSIMONT, président du Fonds d'intervention éco-pastoral (FIEP) 17 janvier : réunion à la mairie de Laruns (accueil par André BERDOU, maire), avec : Madé MAYLIN, Fédération transpyrénéenne des éleveurs de montagne (FTEM) Jean-Pierre POMMIES, Groupement pastoral de l'Ouzoum, membre de la FTEM Serge LOUSPLAAS, Groupement pastoral de l'Ouzoum, membre de la FTEM Marcel ACCOCEBERRY, éleveur à Larrau, membre de l'Association de défense des éleveurs du pays basque (ADEB) Jean-Marc BENGOCHEA, éleveur à Larrau, membre de l'ADEB André CASASSUS, berger à Gère et Belesten (vallée d'Ossau) Marc PARIS, éleveur à BIELLE (vallée d'Ossau) Philippe LAHOURCADE, éleveur à Arette (vallée du Barétous) Pierre CASASSUS-LACOUZATTE, éleveur à Aste Béost (vallée d'Ossau), membre de la FTEM et de l'ADDIP Albert ELGOYHEN, éleveur à Accous (vallée d'Aspe) Bertrand CLAVERANNE, éleveur à Lées-Athas (vallée d'Aspe) Pierre GANISSERE, éleveur à Lées-Athas (vallée d'Aspe) Corrine CANIOU-TUNCAS, éleveur à Escot (vallée d'Aspe) Joseph PAROIX, éleveur à Laruns, porte-parole de l'association des éleveurs transhumants OssauAspe-Baretous, Conseil de gestion patrimoniale de l'IPHB 18 janvier Jean-François DELAGE, préfet des Hautes-Pyrénées Jean de CROZEFON, directeur des politiques de l'Etat à la Préfecture des Hautes-Pyrénées Marc TISSEIRE, directeur départemental de l'agriculture et de la forêt des Hautes-Pyrénées Rouchdy KBAIER, directeur du Parc national des Pyrénées-Occidentales 24 janvier Pierre CASTERAS, président de la Confédération pyrénéenne du tourisme Christian JOUVE et Anne BUSSELOT, Commissariat à l'aménagement des Pyrénées - DIACT Francis GIORA, délégué régional au tourisme Midi-Pyrénées Pierre-Yves QUENETTE, Equipe technique Ours - ONCFS Jean-Marie NICOLAS, sous-préfet de Saint-Gaudens 25 janvier Robert LAURENS, éleveur, président du Groupement pastoral d'Artigue (Haute-Garonne) Daniel GRAND, éleveur à Labach ­ Melles (Haute-Garonne) Frédéric ARTIGUE, éleveur à Boutx 85 26 février Jean-Louis CAZAUBON, vice-président de l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture (APCA), président de la Chambre régionale d'agriculture Midi-Pyrénées, président de la Chambre d'agriculture des Hautes-Pyrénées 2 mars René-Marc WILLEMOT, directeur de l'environnement et du développement durable au Conseil régional Midi-Pyrénées (entretien téléphonique) Vincent FONVIEILLE, président, directeur général de La Balaguère (entretien téléphonique) Jean-Claude RIVERT, vice-président du Comité régional de randonnée pédestre en Midi-Pyrénées ­ CORAMIP (entretien téléphonique) 10 mars Jean-Pierre POLY, directeur général de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) Pierre MIGOT, directeur des études et de la recherche. ONCFS 12 mars Serge SOUQUE , éleveur à Salsein (Ariège) Christian MOLE, éleveur à Audressein (Ariège) Gérard DUBUC, maire de Saint-Lary (Ariège) Charles ACAP, trésorier du Groupement Pastoral du Barestet à Saint-Lary 13 mars Jean-François VALETTE, préfet de l'Ariège François TOULIS, président de la Chambre d'agriculture de l'Ariège André ROUCH, vice-président du Conseil général de l'Ariège délégué au syndicat mixte de préfiguration du PNR des Pyrénées ariégeoises, président de la fédération pastorale ariégeoise Philippe LACUBE, éleveur, président de l'ADDIPP Jean-François RUMMENS, directeur de la fédération pastorale ariégeoise Jean FREBY, ONF Ariège-Haute-Garonne 14 mars Michel ROUFFET, ODIT-France, DEATM, responsable de l'antenne des Pyrénées Jacques MARINIER, directeur territorial de l'ONF Sud-Ouest David CARLIER, directeur de la Confédération pyrénéenne du tourisme Dominique PELISSIE, directeur régional de l'agriculture et de la forêt Midi-Pyrénées Jacques RUFFE, chargé de mission tourisme au Conseil régional Midi-Pyrénées 18 mars Loïc MATRINGE, représentant du DIREN Aquitaine à Pau Sabine MATRAIRE, Association FERUS 19 mars René ROSE, Maire de Borce Jean-Marc PRIM, responsable montagne, Chambre d'Agriculture des Pyrénées-Atlantiques 20 mars Hélène ROULAND-BOYER, sous-Préfète d'Argelès-Gazost Chantal ROBIN RODRIGO, Députée des Hautes-Pyrénées . Pierre MARTIN, responsable montagne à la Chambre d'Agriculture des Hautes-Pyrénées M. CASTERAN Président de l'association des bergers des Hautes-Pyrénées, Guillaume TOURNEMOULY, Mathieu LUCBERT membres de l'association des bergers des Hautes-Pyrénées 86 21 mars Yannick BOURNAUD, Président du Centre Régional de la Propriété Forestière MidiPyrénées.(CRPF) Jean-Louis CHAIRE , gérant du groupement forestier de Heche (65) Robert CABE, maire d'Artigues, Président de l'Association des Communes forestières de Hautes Garonne Luc BOUVAREL, Directeur du CRPF Midi-Pyrénées M. MAURY, Président du syndicat interdépartemental des propriétaires forestiers sylviculteurs (3165-82) Jacques MIRAULT, ONF Direction Territoriale Sud-Ouest 26 mars Michel SICRE, éleveur, Président de la Fédération ovine de l'Aude Gérard BEDOS, Responsable du SUAIA Pyrénées Jean ARZUL, Jean-François et Roger TOUSTOU, éleveurs Olivier MORENO et Olivier BEDOS, éleveurs. Jean-Luc DAIRIEN, directeur DDAF, et Christine MEUTELET, technicienne DDAF Stéphanie RUBIO, animatrice pastorale des groupements pastoraux Aude Jean-Charles GLEIZES., technicien Fédération des chasseurs Jean Louis CASSIGNOL, technicien ONCFS. 27 mars Michel GUALLAR. Président de la Chambre d'Agriculture des Pyrénées-Orientales . Bernard REMEDI. Consller Général.Maire de Prats de Mollo Guy ILARY, Président de l'Association départementale des Maires Alain ESCLOPE, Président de la Fédération départementale des Chasseurs. Bernard MOULINES, Sous Préfet de Prades. Entretiens téléphoniques : Emmanuel BERTHIER, Préfet des Hautes-Pyrénées Georges AZAVANT, Président du Parc National des Pyrénées-Occidentales. Bruno LEROUX, Président de l'association « Aude Claire » 87 ANNEXE 10 : ELEMENTS BIBLIOGRAPHIQUES Cette liste ne retient que des ouvrages collectés ou connus pendant les déplacements de la mission à l'étranger. Riesgo de estinction del oso pardo cantabrico. La poblacion occidental . Fundacion Oso de Asturias. J.Noves, T.Wiegand, A.Fernandez, T.Stephan. 1999. Demografia, Distribucion, genetica, y conservacion del oso pardo cantabrico. Ministerio de medio ambiente. G.Palomero, F.Ballesteros, J;Herrero, C.Noves. Tafonomia y paleoecologia de ursidos cuaternarios cantabricos. Fundacion Oso dee Asturias. A-C.Pinto Llona, P-J.Andrews, F.Etxebarria. 2005. Osos y otros carnivoros de la Sierra de Atapuerca. F.O.A. 2003 N-G.Garcia. Somiedo . Parc Natural. Reserva de la Biosfera. Asturias Paraiso natural. Gobierno de el Principiado de Asturias. Consejeria de cultura. Comunicacion social y turismo. Fondo para la proteccion de los animales salvajes (FAPAS) . Boletin Abril 2007. n° 78. FORO . La gestion del Jabali en relacion con la conservacion del oso pardo . FOA. Los cazadores asturianos y la conservacion del oso . Manual para cazar en las zonas osers asturianas. Fundacion Oso Pardo. Studio de fattibilità per la reintroduzione del'orso bruno sulle alpi centrali. E.Dupré, P Genovesi, L Pedrotti Istituto Nazionale per la fauna selvatica. 2000 L'orso bruno è pericoloso . Il progetto di ricerca scandinavo sull'orso bruno. Björn experten i Orsa. Provincia Autonoma di Trento. 1996. A caccia nella terra dell'orso bruno . Iniziativa di communicazione rivolte ai cacciatori. Provincia autonoma de Trento. Associazione cacciatori trentini. 88 Allevatori nella terra dell'orso . Provincia autonoma di Trento . The bears of Yellowstone. Paul Schullery. Edité par Robert Rinehart, inc publishers. From the fields. Brown bear habituation to people. Safety, risks and benefits. Stephen Herrero, Tom Smith, Terry D.Debruyn, Kery Gunther, Colleenn A Matt. Wildlife Society bulletin. 2005. Food Habits of grizzly bears and black bear in the Yellowstone ecosystem. Kerry Gunther Information paper. Bear Management Office. March 2003. Yellowstone National Park. Miedvedi . Bears . Ours. Répartition, écologie, gestion et protection Ours brun , ours noir asiatique et ours polaire, en Russie et régions avoisinantes. M A Vaïsfeld , I E Tchestin. Académie des Sciences de Russie. Moscou, Nauka,1993. 89 INVALIDE)

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