Filière (la) porcine française et le développement durable.

QUEVREMONT, Philippe ; LESSIRARD, Jean

Auteur moral
France. Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux ; France. Inspection générale de l'environnement
Auteur secondaire
Résumé
Le rapport établit le bilan des améliorations déjà acquises et fait des propositions pour que la filière respecte les contraintes environnementales tout en maintenant sa compétitivité. Après un état des lieux en distinguant les zones de production dense des zones de production diffuse, il propose un bilan de la dynamique environnementale des dix dernières années. Les suggestions formulées à l'intention de la filière porcine ont pour objectif de mieux anticiper les évolutions des politiques environnementales. Des recommandation sont également adressées aux pouvoirs publics. En zone de production non dense où les questions de nuisances sont dominantes, le rapport analyse la demande professionnelle d'abaissement du seuil d'autorisation au titre des installations classées. En zone de production dense, il propose plusieurs mesures visant à renforcer les disciplines environnementales et à réviser la stratégie de résorption. Ces propositions novatrices concernent plus spécifiquement la Bretagne où il est suggéré d'organiser une vaste concertation sur le sujet avec les organisations professionnelles agricoles et les associations de protection de l'environnement.
Editeur
IGE ; CGAAER
Descripteur Urbamet
élevage ; politique publique ; politique de l'environnement ; législation
Descripteur écoplanete
porc ; lisier
Thème
Economie ; Environnement - Paysage ; Ressources - Nuisances
Texte intégral
MINISTÈRE DE L'ÉCOLOGIE, DU DÉVELOPPEMENT ET DE L'AMÉNAGEMENT DURABLES Inspection générale de l'environnement MINISTÈRE DE L'AGRICULTURE ET DE LA PÊCHE Conseil général de l'agriculture, de l'alimentation et des espaces ruraux IGE/07/042 N°CGAAER 1579 LA FILIÈRE PORCINE FRANCAISE ET LE DÉVELOPPEMENT DURABLE Rapport définitif Par Jean LESSIRARD Inspecteur général de la santé publique Îtérinaire Membre du CGAAER et Philippe QUEVREMONT Ingénieur général du génie rural, des eaux et des forêts Membre de l'IGE MARS 2008 SOMMAIRE 1 2 Introduction ......................................................................................................... 2 Etat des lieux ......................................................................................................... 6 2.1 Chiffres clés de la filière porcine française ........................................................................6 2.1.1 2.1.2 2.1.3 2.1.4 2.2.1 2.2.2 2.2.3 2.2.4 2.2.5 Élevage et production............................................................................................................. 6 Répartition géographique des acteurs de la filière ................................................................. 11 Les principales productions de produits transformés en 2006 .............................................. 15 Les débouchés, la consommation, la segmentation du marché .............................................. 15 Les déjections animales........................................................................................................ 17 Les éléments du lisier responsables de la pression écologique et leur maîtrise ...................... 20 Les émissions gazeuses ........................................................................................................ 25 Les facteurs dont l'impact est moins identifié ....................................................................... 28 Les nuisances....................................................................................................................... 29 2.2 L'impact environnemental de la production porcine .....................................................17 2.3 La situation environnementale des zones de production dense ....................................30 2.3.1 Eléments de contexte ........................................................................................................... 30 2.3.2 Résorption des excédents d'azote en Bretagne ...................................................................... 31 2.3.3 Situation de la résorption en 2007 ........................................................................................ 35 3 La dynamique environnementale des 10 dernières années................................ 37 3.1 Les politiques publiques relatives aux pollutions diffuses en application dans les zones de production dense...................................................................................................37 3.1.1 Articulation des différentes politiques publiques concernant les pollutions diffuses .............. 37 3.1.2 Le cas particulier des zones d'excédent structurel (ZES)...................................................... 38 3.1.3 Les SAGE et la mise en place de la directive-cadre sur l'eau. ............................................... 39 3.2 Les résultats obtenus, leur interprétation ........................................................................40 3.2.1 Présentation synthétique des résultats ................................................................................... 40 3.2.2 Les limites de ces politiques publiques en ce qui concerne l'azote ........................................ 41 3.3 Le jeu des acteurs .................................................................................................................49 3.3.1 3.3.2 3.3.3 3.3.4 Stratégie environnementale de la filière porcine.................................................................... 49 Les associations ................................................................................................................... 51 Les pouvoirs publics ............................................................................................................ 52 Evaluation générale sur le jeu des acteurs ............................................................................. 52 3.4 Le régime des installations classées pour la protection de l'environnement. .............53 4 Recommandations et suggestions........................................................................ 57 4.1 Suggestions à la filière : intégrer les valeurs de l'environnement au sein d'une politique globale d'image de la filière ...............................................................................57 4.1.1 4.1.2 4.1.3 4.1.4 4.1.5 4.1.6 4.1.7 4.1.8 4.1.9 Développer une image positive de la filière .......................................................................... 57 Proposer une évolution positive des pratiques environnementales ......................................... 58 Un constat, les efforts de traitement des effluents en Bretagne .............................................. 59 Infléchir la demande traditionnelle concernant le seuil d'autorisation au titre des installations classées ...................................................................................................... 59 Traiter dès maintenant le phosphore en conformité avec la directive cadre sur l'eau.............. 60 Etre actif en vue de la certification des exploitations............................................................. 60 Gérer les sites de production comme un patrimoine.............................................................. 61 Soutenir par une initiative interprofessionnelle la recherche environnementale ..................... 61 Organiser la concurrence sur les filières de traitement, suivre les coûts de traitement............ 61 4.2 Recommandations aux pouvoirs publics ..........................................................................62 4.2.1 Les principes de base ........................................................................................................... 62 4.2.2 Les recommandations........................................................................................................... 63 5 Conclusion ....................................................................................................... 74 Annexes RESUME DU RAPPORT Les Ministères chargés de l'Agriculture et de l'Environnement ont demandé au CGAAER et à l'IGE de conduire une mission concernant la filière porcine et l'environnement, afin d'établir « un bilan faisant état des améliorations déjà acquises en matière de développement durable » et de « définir les actions à venir pour que la filière respecte les contraintes environnementales tout en maintenant sa compétitivité ». La mission a été amenée à différencier, pour certaines questions ou préconisations, une approche à suivre dans les zones de production dense, où l'impact de la filière sur l'environnement peut être très significatif, de celle à suivre pour les zones de faible densité de production porcine. Après avoir établi un état des lieux pour la filière porcine, ce rapport propose un bilan de la dynamique environnementale des dix dernières années. Dans les zones de production dense situées dans l'Ouest de la France, la production porcine contribue aux pollutions diffuses associées à l'ensemble des productions animales et à la fertilisation minérale. Les politiques publiques menées depuis une dizaine d'années dans ces zones pour lutter contre ces pollutions diffuses sont particulièrement complexes, leurs résultats semblent cependant marquer le pas. La mission a consulté les acteurs concernés (organisations professionnelles, associations, administrations,...) sur les raisons qui pourraient expliquer un tel état de fait et en propose une synthèse. Comme la lettre de mission y invitait, des suggestions sont formulées à l'intention de la filière porcine. L'objectif, si elle en partageait l'opportunité, serait de mieux anticiper les évolutions des politiques environnementales. Des recommandation aux pouvoirs publics complètent ce rapport. En zone de production non dense, les questions de nuisances sont dominantes, la mission analyse la demande professionnelle d'abaissement du seuil d'autorisation au titre des installations classées. En zone de production dense, la mission propose plusieurs mesures liées entre elles visant à renforcer les disciplines environnementales et à réviser la stratégie de résorption suivie depuis une dizaine d'années. 1 1 INTRODUCTION Par lettre en date du 21 août 2007, le Directeur du Cabinet du Ministre de l'Agriculture et de la Pêche et le Directeur du Cabinet du Ministre de l'Ecologie, du Développement et de l'Aménagement Durables ont demandé au Conseil Général de l'Agriculture, de l'Alimentation et des Espaces Ruraux (CGAAER) et à l'Inspection Générale de l'Environnement (IGE) de conduire une mission concernant la filière porcine et l'environnement. L'objectif premier de la mission est d'établir « un bilan faisant état des améliorations déjà acquises en matière de développement durable » et de « définir les actions à venir pour que la filière respecte les contraintes environnementales tout en maintenant sa compétitivité ». Les questions à aborder par la mission, visant à concilier environnement et économie, sont ainsi au coeur du concept de développement durable1. Une copie de la lettre de mission est annexée au présent rapport. La mission, composée pour le CGAAER de M. Jean LESSIRARD, inspecteur général de la santé publique Îtérinaire, et pour l'IGE de M. Philippe QUEVREMONT, ingénieur général du génie rural, des eaux et forêts, a commencé ses travaux en rencontrant les Cabinets ministériels le 17 septembre 2007. A cette occasion, il a été précisé que le champ de la mission n'incluait pas un avis à donner sur les procédures en cours de mise en place en Bretagne dans les « bassins versants en contentieux » : les orientations suivies par l'Etat y étaient déjà définies ; il était également trop tôt pour engager une première évaluation des actions qui y étaient menées. Avant de présenter les résultats de la mission, il convient de rappeler la démarche suivie et les principales questions posées, telles qu'elles ont été exposées par la mission dans son rapport d'étape. La démarche suivie par la mission Comme la lettre de mission y invitait, et de manière tout à fait classique, la mission a rencontré les organisations professionnelles concernées, les associations de protection de l'environnement, les associations de consommateurs et les services de l'Etat : la liste des entretiens réalisés figure en annexe 2 du présent rapport. En parallèle, la mission prend connaissance de nombreux travaux et documents concernant, directement ou indirectement, la filière porcine et l'environnement (voir liste en annexe 3 du présent rapport). Les questions posées à la mission Une lecture attentive de la lettre de mission permet d'identifier deux points de vue différents quant aux propositions à formuler. 1 Le concept de développement durable s'étend aussi aux questions sociales, objectif non cité dans la lettre de mission. 2 D'une part, « il apparaît important que la filière porcine puisse disposer...de propositions d'actions à mener pour l'avenir ». Il s'agit ici de contribuer, par un avis externe, à un débat stratégique interne à cette filière ; la démarche à suivre par l'actuelle mission s'apparente alors à celle qui a conduit au « rapport PORRY2 » concernant l'avenir de la filière porcine française, établi en 2004 pour le Ministère chargé de l'agriculture, dans le domaine économique. D'autre part, il convient aussi de « définir les actions à venir pour que la filière respecte les contraintes environnementales tout en maintenant sa compétitivité » : ces recommandations s'adresseront d'abord aux pouvoirs publics eux-mêmes, ce qui est le rôle premier tant du CGAAER3 que de l'IGE4. Une double logique devait donc guider les propositions à élaborer par la mission ; aux recommandations aux pouvoirs publics devront s'ajouter des suggestions à la filière. Par ailleurs la mission a été amenée à différencier, pour certaines questions ou préconisations, une approche à suivre dans les zones de production dense, où l'impact de la filière sur l'environnement peut être très significatif, de celle à suivre pour les zones de faible densité de production porcine. Programme de travail suivi par la mission Selon les termes de la lettre de mission, « un bilan des améliorations déjà acquises en matière de développement durable » devait être établi, ce qui supposait de répertorier les principales démarches engagées concernant la filière porcine. Il s'agissait ici principalement de collationner des éléments factuels, qui concernent le stade de la production. Le paysage est plus complexe s `agissant des politiques publiques menées par l'Etat. La législation relative aux installations classées, elle-même encadrée par la législation communautaire (dite directive IPPC), est le principal dispositif de contrôle de l'activité porcine au titre de l'environnement. Mais s'y ajoutent aujourd'hui la lutte contre les pollutions diffuses au titre de la directive nitrates et un encadrement européen des émissions gazeuses d'ammoniac, complétés par la mise en oeuvre en France du dispositif communautaire prévu par la directive-cadre sur l'eau (DCE). En parallèle, plusieurs des politiques publiques spécialement mises en oeuvre dans des zones de production dense arrivent à échéance ou doivent être renouvelées : le 3ème programme d'action au titre de la directive nitrates doit être bientôt suivi du 4ème programme ; le PMPOA n'accepte plus de nouveaux contrats ; le plan breton pour la reconquête de la qualité de l'eau était initialement prévu jusqu'en fin 2006, même si certaines de ses dispositions continuent de s'appliquer en 2007 ; et si des financements publics significatifs ont contribué à la mise en service de plus de 400 stations de traitement d'effluents d'élevage porcin, aucune décision ne semble actuellement arrêtée quant à un éventuel dispositif à appliquer dans l'avenir. 2 Jacques GUIBE, André MANFREDI, Jean-Louis PORRY, Jean-Marie TRAVERS : Rapport sur la filière porcine française (Comité permanent de coordination des inspections du Ministère chargé de l'Agriculture, janvier 2004). André MANFREDI, Jean-Louis PORRY, Jean-Marie TRAVERS : L'avenir de la filière porcine française, conclusions des groupes de travail (Comité permanent de coordination des inspections du Ministère chargé de l'Agriculture, janvier 2004). 3 « Le conseil participe à la conception, au suivi et à l'évaluation des politiques publiques », article 1er du décret du 26 avril 2006. 4 « Le service de l'Inspection générale de l'environnement émet des avis et recommandations dans tous les domaines relevant des attributions du Ministre chargé de l'environnement », article 2 du décret 2000-426 du 19 mai 2000. 3 En résumé, les politiques publiques pour ces zones denses semblent bien être à la croisée des chemins. Dans ce contexte complexe, la mission a souhaité poser aux interlocuteurs professionnels qu'elle a rencontré une double question : - les résultats obtenus en matière environnementale vous semblent-ils à la hauteur des efforts consentis ; et si non (ou pas tout à fait) quelles explications peut-on avancer ? Quelles pourraient être les alternatives ? - dans l'univers concurrentiel européen, comment envisagez-vous la stratégie de la filière porcine française, en particulier en zone de production dense ? Qu'attendezvous des pouvoirs publics, dès lors que leur attitude s'inscrira nécessairement dans une logique générale de développement durable, cherchant à concilier économie et environnement ? La mission a posé la même première question aux associations de protection de l'environnement ou de consommateurs, comme aux différents services de l'Etat intervenant dans ce domaine. En complément les associations ont été également interrogées sur les priorités qu'elles souhaiteraient voir reconnues par les pouvoirs publics. Il est enfin apparu logique de débattre, avec les administrations gestionnaires, de la complexité des dispositifs actuels et de leurs principes fondateurs, incluant tantôt des obligations de moyens (recours au traitement des effluents, par exemple), et tantôt des obligations de résultats. Les questions centrales Plusieurs questions sont apparues centrales ; elles tiennent en effet un rôle-clé dans les débats actuels ou futurs, en vue de déterminer la stratégie à venir des pouvoirs publics comme celle de la filière : Les effets environnementaux de la politique générale dite « de résorption », suivie depuis une dizaine d'années en zone de production dense, peuvent-ils être précisément mesurés ? Répondent-ils aux attentes ? Faut-il envisager de les infléchir, et si oui, en quel sens ? Les questions de calendrier sont probablement ici importantes, tant en ce qui concerne les politiques publiques déjà engagées (nitrates) que la mise en place en France de dispositions à venir en application de nos engagements communautaires. Les effets économiques de cette même politique générale (dite « de résorption ») peuvent-ils être estimés ? Peut-on par exemple isoler l'incidence économique des choix proposés ou effectués, tant par les pouvoirs publics que par la filière elle-même, au regard de l'objectif de maintien de la compétitivité assigné par la lettre de mission ? Comment en particulier la filière française s'adapte-t-elle, en comparaison avec ses concurrents européens les plus compétitifs, soumis (au moins en principe) à des règles environnementales équivalentes ? Quel regard peut-on porter sur l'acceptabilité sociale de la production porcine et les moyens mobilisés dans la lutte contre les nuisances, dans le cadre de la réglementation nationale et/ou européenne appliquée en France ? - - 4 - Quel pourrait être l'impact de la mise en oeuvre progressive de la directive-cadre sur l'eau, en particulier au titre de règles envisagées en ce qui concerne le phosphore ou d'autres éléments à suivre désormais avec plus de précision (métaux tels le cuivre, potassium,...) ? La mission intervient alors que la filière est confrontée à une crise économique d'une nature inédite : ce n'est plus seulement le développement de l'offre qui crée une pression sur les prix du porc ; ce sont aussi les coûts alimentaires, majoritaires dans les charges de production, qui subissent une très forte hausse tirée par l'envol du cours des céréales, jusqu'ici non répercutée vers l'aval. Une autre mission, au titre du CGAAER, a été amenée à se pencher sur cette question économique, qui n'a donc pas été abordée par la présente mission. Après avoir établi un état des lieux (partie 2) ce rapport propose un bilan de la dynamique environnementale des dix dernières années (partie 3) avant de formuler des suggestions (à la filière porcine) et des recommandations (aux pouvoirs publics). 5 2 2.1 ETAT DES LIEUX Chiffres clés de la filière porcine française Élevage et production 2.1.1 2.1.1.1 Elevage 39.808 exploitations agricoles françaises détiennent au moins 1 porc5 : (soit 7 exploitations agricoles sur 100) dont 9.766 naisseurs et 30.042 engraisseurs pour un cheptel de 1.071.917 truies (moyenne de 109 truies) pour un cheptel de 7.840.893 porcs (moyenne de 260 porcs). La répart it ion des éleva ges en fonction des classes d'effectifs est la suivante : Truies Exploitations Effectifs 1 à 49 3.078 41.683 50 à 69 903 53.102 70 à 99 1.407 117.512 100 à 149 1.998 239.226 150 à 199 1.137 190.992 200 et + 1.243 429.402 Porcs à l'engrais Exploitations Effectifs 1 à 49 17.598 73.885 50 à 199 1.692 211.108 200 à 399 3.296 972.434 400 à 599 2.783 1.302.263 600 à 1199 3.324 2.744.307 1200 + 1.349 2.536.896 Les élevages de plus de 50 porcs sont environ 19.000. La répartition entre les cheptels comptant moins de 50 animaux et ceux en comptant plus de 50 est la suivante : Répartit ion des cheptels Chez les naisseurs : Chez les engraisseurs : Cheptel < 50 animaux : 31,51% Cheptel > 50 animaux : 68,49% Cheptel < 50 animaux: 58,57% Cheptel > 50 animaux: 41,43% pour un effectif moyen de : 14 pour un effectif moyen de : 154 pour un effectif moyen de : 4 pour un effectif moyen de : 624 5 Source Agreste : enquête structure 2005. 6 La taille moyenne des élevages de porcs français est parmi les plus faibles d'Europe 6. Cette taille s'élève à 154 truies en système naisseur. Bien que les porcs soient présents dans de nombreuses exploitations, la filière porcine est fortement structurée autour des groupements de producteurs, des abattoirs et des services à l'élevage (génétique et appui technique), ainsi 23 000 éleveurs de porcs (57% des détenteurs) produisant 25 millions de porcs charcutiers par an sont regroupés au sein de 77 groupements de producteurs (coopératives) ce qui représente 96 % de la production. La production porcine est souvent associée à une autre production dans les exploitations agricoles (cultures céréalières ou élevage). Une étude issue du programme « Porcherie Verte », réalisée avec le concours financier de l'OFIVAL, décrit une typologie en huit classes qui permet de mettre en évidence la diversité des exploitations ayant des porcs, du point de vue de leur structure de production. 7 6 La taille moyenne s'élève à plus 500 truies naisseur engraisseur au Danemark, plus de 600 truies en Allemagne et dépasse très couramment les 1000 truies en Espagne et plus de 10 000 truies aux USA. Dans le cas français, la taille des élevages est restée dans des proportions que l'on peut qualifier de familiale. En effet, il est important de préciser que les cheptels se situent dans des exploitations gérées par des familles d'agriculteurs avec des capitaux familiaux, très peu de ces élevages sont détenus par des sociétés à capitaux financiers importants comme c'est couramment le cas pour les élevages d'Espagne ou des USA. 7 Les systèmes de production du porc en France : typologie des exploitations agricoles ayant des porcs (2004. Journées Recherche Porcine, 36, 1-8). 7 Ventilat ion des éleva ges par type de production Petites structures bovines Petites structures porcines Bovins lait et petit atelier E Régions Types GAEC bovins lait et atelier NE Petits céréaliers + atelier N ou E ou NE Grands céréaliers + atelier E Grands céréaliers + grand atelier NE Spécialisés porcs Total Ile de France Champagne-Ardenne Picardie Haute-Normandie Centre Basse-Normandie Bourgogne Nord-Pas-de-Calais Lorraine Alsace Franche-Comté Pays de la Loire Bretagne Poitou-Charentes Aquitaine Midi-Pyrénées Limousin Rhône-Alpes Auvergne Languedoc-Roussillon PACA Corse France 17,6 46,7 36,9 38,7 43,3 9,3 31,3 17,3 33,5 28,3 6,9 10,4 1,6 22,5 8,4 8,2 1,1 8,3 6,0 5,9 10,0 0,3 9,7 35,3 16,6 26,6 16 30,1 9,5 22,9 38,4 28,5 42,8 12,7 15,9 10,7 28,1 32,2 27,3 14,1 23,6 12,4 32,2 38,6 8,4 18,2 5,9 10,7 6,5 8,5 3,0 1,8 2,6 6,6 1,9 2,7 0,8 4,6 6,6 5,0 3,5 1,4 1,1 1,7 0,5 1,7 1,4 0,0 4,6 5,9 10,7 4,8 7,5 3,0 9,5 3,1 3,1 2,7 10,2 2,9 9,7 26,2 11,2 6,5 4,4 2,6 5,3 3,7 2,5 14,3 0,0 13,7 5,9 4,7 9,2 8,5 13,6 11,3 19,8 10,6 15,6 6,4 23,7 7,9 5,1 8,1 30,5 32,3 50,7 26,9 37,6 33,1 11,4 52,3 14,4 23,5 4,1 6,1 4,2 3,6 7,3 8,1 4,4 6,1 2,7 40,0 4,9 4,8 12,6 6,3 6,9 7,0 13,1 9,6 15,3 22,9 38,7 7,1 0,0 2,4 3,4 6,1 1,4 22,6 8,3 9,0 6,8 3,7 10,6 17,8 16,8 4,1 6,7 11,7 17,0 14,9 21,4 8,5 1,4 0,3 13,9 5,9 4,1 6,5 10,4 2,0 28,9 3,9 10,5 4,9 3,2 2,4 28,9 28,2 8,5 5,8 7,9 6,4 6,1 8,7 0,8 0,0 0,0 18,5 100 100 100 100 100 100 100 100 100 100 100 100 100 100 100 100 100 100 100 100 100 100 100 8 Les exploitations spécialisées porc (EsP) représentent en France 13,7 % du nombre des élevages détenant des porcs. Les exploitations associant de la production de porc avec des systèmes de production bovins lait (BvLt), petites structures bovines (PsB) participent à hauteur de 46,8 % des élevages et avec des petits producteurs céréaliers (PPC) à hauteur de 65% des élevages. Ceci est également obserÎ en zone d'élevage dense comme en Bretagne, mais dans une moindre mesure : les élevages spécialisés porc (EsP) y représentent 26,2 % des élevages porcins. Ventilat ion des effectifs animaux par type de production Spécialisés porcs Petites structures bovines Petites structures porcines GAEC bovins lait et atelier NE Bovins lait et petit atelier E Petits céréaliers + atelier N ou E ou NE + Grands céréaliers+ grand atelier NE Grands céréaliers atelier E Région / Type Total Ile de France Champagne-Ardenne Picardie Haute-Normandie Centre Basse-Normandie Bourgogne Nord-Pas-de-Calais Lorraine Alsace Franche-Comté Pays de la Loire Bretagne Poitou-Charentes Aquitaine Midi-Pyrénées Limousin Rhône-Alpes Auvergne 5,7 20,9 29,0 28,8 39,5 9,4 36,3 15,5 37,8 16,5 9,8 9,0 1,0 19,5 8,2 7,5 1,7 8,4 8,3 6,1 7,7 11,1 5,5 16,1 4,5 12,4 25,9 16,6 22,8 5,5 11,0 4,7 12,2 18,1 16,9 18,0 17,3 10,8 20,5 16,7 6,3 8,7 25,6 21,4 23,0 17,8 20,2 5,1 10,2 20,2 10,0 10,6 2,8 10,9 10,5 13,5 16,7 6,4 3,9 7,7 3,4 3,2 5,1 0,0 11,0 34,7 41,4 20,6 33,7 16,1 25,9 12,6 12,9 12,6 42,9 11,6 22,2 50,8 30,6 32,1 18,6 12,6 25,9 19,8 30,9 55,2 0,0 38,3 0,2 1,1 1,6 0,9 1,8 3,5 9,4 2,1 2,9 0,4 3,9 2,5 1,3 2,9 9,0 16,1 30,5 7,7 16,3 9,9 0,9 48,1 3,5 26,0 3,6 7,3 4,6 3,2 5,7 10,2 6,7 9,7 4,4 58,5 5,6 3,6 11,3 6,2 12,4 9,7 19,9 14,9 20,3 16,8 39,7 6,2 0,0 0,3 1,2 1,1 0,8 9,6 4,4 4,3 2,6 0,5 4,8 7,9 4,3 1,5 3,5 8,1 13,6 5,9 14,1 5,3 0,3 1,7 5,1 1,7 3,7 6,3 7,7 2,3 34,7 4,3 12,8 5,9 2,0 3,2 3,9 23,8 8,5 6,5 14,0 10,0 7,2 12,4 0,8 0,0 0,0 20,5 100 100 100 100 100 100 100 100 100 100 100 100 100 100 100 100 100 100 100 100 100 100 100 Languedoc-Roussillon 9,2 PACA Corse France 5,0 4,2 6,8 9 Les élevages spécialisés avec de grands effectifs sont majoritairement en Bretagne (50,8% des effectifs bretons, soit : 4.184.690 animaux), avec toutefois une présence significative des effectifs dans des ateliers importants associés, soit à des Gaec bovins lait (23,8% : 1.960.544), soit à des céréaliers de taille importante (10,5 % : 864.945). La restructuration des exploitations est presque deux fois plus active hors Bretagne qu'en Bretagne8. Une étude récente de l'IFIP établit un état du parc des bâtiments d'élevage de porcs. Elle conclut que les structures de production ne sont plus en adéquation avec les évolutions techniques, génétiques et réglementaires, et qu'une partie du décrochage de la production française en matière de rentabilité par rapport aux concurrents européens en découle.9 Le niveau de technicité de la production française est globalement bon, voire excellent. Ce niveau est mesuré par les performances obtenues en naissage (nombre de porcelets sevrés par truie) comme en engraissement (gain moyen de croissance). La performance moyenne française a cependant tendance à quelque peu décrocher du peloton de tête en Europe, représenté par la production danoise10, depuis 2001 pour le naissage, et depuis 1998 pour l'engraissement, ce qui est à mettre en relation avec le constat précédent. 2.1.1.2 Production En nombre de porcs abattus en France en 2006 : 26.000.000 de têtes 11 Variation de ­0,3% en 2007. Production (en milliers de têtes) UE à 25 UE à 15 20062007 n/n-1 244 830 205 855 -0,2 -0,6 Allemagne. 42 990 -0,8 Espagne 37 310 -3,8 Danemark. 26 380 2,8 Pologne 25 000 1,9 P.-Bas 21 014 0,7 Roy-Uni 8 805 0,6 En poids de viande de porc produit : 2.262.789 tonnes 12 Production (en tonnes) Date Pays Danemark Allemagne Espagne France Pays-Bas Royaume-Uni 8 2006 Poids moyen en kg 1.748.576 4.662.221 3.229.623 2.262.789 1.264.897 696.549 81,09 93,26 84,10 88,56 90,23 76,92 Critère retenu : progression entre 2000 et 2005 du taux de production assuré par les exploitations de plus de 2000 porcs (source SCEES). 9 Le parc des élevages de porcs en France : état des lieux, évaluation des besoins d'investissement (IFIP rapport d'étude Septembre 2007 Christine R). 10 Source IFIP Baromètre Porc décembre 2007. 11 Agreste conjoncture juillet 2007. 12 Eurostat extraction 18 janvier 2008 ­ donnée mise à jour décembre 2007. 10 Il existe 218 abattoirs qui produisent 2 300 000 t équivalents de carcasses. Les carcasses sont transformées pour 25 % en viande fraîche, et pour 75 % des volumes produits sous forme de charcuterie. Au total la consommation nationale s'établit à 2 189 000 t (équivalent carcasses). 2.1.2 2.1.2.1 Répartition géographique des acteurs de la filière La production porcine française par région 13 Régions Bretagne Pays de la Loire Poitou-Charentes Basse-Normandie Nord-Pas-de-Calais Midi-Pyrénées Aquitaine 2006 57,34% 11,21% 2,57% 3,87% 3,34% 3,25% 3,07% Le Grand Ouest (4 régions) regroupe 75% de la production et 7 régions concentrent 84,65% de la production. Trois régions du Grand Ouest ont augmenté leur cheptel entre 1995 et 2006. En dehors de l'Ouest, seule la région Centre connaît une progression des effectifs de 16,36% avec un cheptel de 371.000 animaux. 2.1.2.2 Répartition régionale des abattages en 2005 14 24,932 millions de porcins ont été abattus en 2005 contre 23,909 millions de porcins abattus en 1995 (hors départements d'outre-mer) Région Bretagne Pays de la Loire Poitou-Charentes Midi-Pyrénées Rhône-Alpes Basse-Normandie Aquitaine 1995 52 % 13 % 4% 4% 6% 4% 3% 2005 56 % 11 % 6% 4% 4% 3% 3% 13 14 SCEES 2006. Inaporc : le marché du Porc en 2005. 11 Les gros abattoirs sont concentrés en Bretagne Région Bretagne Pays de la Loire Poitou-Charentes Midi-Pyrénées Rhône-Alpes Basse-Normandie Aquitaine taille des abattoirs >1 million porcs / an 9 500 000 à 1 million 2 1 1 - Quinze abattoirs représentent 62 % de l'abattage, soit 15,5 millions de têtes / an Abattoir COPERL SOCOPA BERNARD ABC EUROPIG GAD KERMENE ABERA GATINE Viande ARCA AIM FIPSO CARREL Total Total France Nombre d'abattoirs 2 4 2 3 1 1 1 1 1 1 1 2 2 25 200 millions de têtes 3,6 3,1 2 1,6 1,4 1,4 1,4 1 0,9 0,8 0,7 0,5 0,5 19 25 % 14 12 8 6 6 6 6 4 4 3 3 2 2 76 12 Répartition régionale des abattages et implantation (% du nombre total de porcins) des abattoirs de plus de 100 000 porcs en 2005 2.1.2.3 Répartition régionale de la production de charcuterie 15 1994 Production de charcuterie Bretagne Pays de la Loire Rhône-Alpes Nord-Pas-de-Calais Midi-Pyrénées Alsace-Lorraine 999 346 t 24,6 % 11,1 % 15,2 % 6,2 % 5,3 % 4,9 % 2004 1 308 804 t 25,8 % 17 % 16,3 % 6,5 % 4,6 % 4,3 % 15 (La filière porcine française en chiffres, source INAPORC (séminaire INAPORC 25 janvier 2007 Tokyo). 13 Le secteur des industries charcutières, traiteurs et transformateur de viandes transforme 75 % de la production porcine française. Il constitue un maillon indispensable de la filière. Le porc n'est en effet pas consommé en l'état pour la plus grosse partie de la carcasse d'où l'intérêt du développement des industries de la charcuterie salaison. Le secteur reste encore très atomisé, bien que le nombre d'entreprises tende légèrement à se réduire, de 359 en 2003, il est de 354 en 2006 répartis sur l'ensemble du territoire avec 3 grands pôles : la Bretagne, les Pays-de-Loire et la région Rhône-Alpes. Effectifs (au 31/ 12/ 2006) des entreprises :de charcuterie et conserves de viandes Effectifs Ouvriers Employés Technicien/ Agents de maîtrise Cadres Total Hommes 15.279 922 2.600 1620 20.421 %2006 / 2005 -2,0% -3,5% 1,4% -0.9% -1,6% Femmes 11.991 1.826 1.161 547 15.525 %2006 / 2005 -1,4% 1,9% 2,7% 2,2% -0,6% Total 27.270 2.748 3761 2167 35.946 %2006 / 2005 1,8% 0,0% 1,8% -0,2% -1,2% Facturations 2005 2006 Produits fabriqués, à l'e xclusion des produits reve ndus e n l'état (né goce) 6.771.777 milliers d'euros 6.950.406 milliers d'euros Matières premières utilisées en 2006 (en tonnes) Viandes Abats Total Porc %2006/ 2005 Boeuf veau %2006/ 2005 Volaille %2006/ 2005 Autres %2006/ 2005 Total %2006/ 2005 1.057.847 86.175 1.144.016 -0,1% 4,5% 0,2% 63.760 12.279 76.039 -14%,0 -7,6% -13,1% 48.087 10.321 58.408 6,8% -0,6% 5,4% 13.310 1.090 14.400 -32,4% 2,8% -30,6% 1.182.998 109.865 1.292.863 -1,2% 2,5% -0,9% La charcuterie salaison est souvent attachée à un terroir et permet le maintien d'un tissu industriel dans de nombreuses zones rurales. 14 2.1.3 Les principales productions de produits transformés en 2006 16 Jambon cuit Pâté Saucisses 18 % 9% 17 % 3% 6% Charcuteries pâtissières 18 % 9% 20 % 75 % 6% 22 % Produits embossés Saucissons cuits Autres charcuteries Produits cuisinés 8% 9% 5% 4% 8% 12 % 1% 12 % 12 % 1% 100 % 12 % 12 % 1% Salades composées Plats cuisinés Jambon sec Charcuterie sèche Autres salaisons Conserves de viandes Saucisson sec La consommation des produits fabriqués à partir du porc est essentiellement (75 %) orientée sur les produits de charcuterie cuits ou à cuire (jambon, pâté, saucisses et saucissons, produits cuisinés). Le secteur du jambon est principalement occupé par des produits de moyenne gamme. La viande de porc non transformée est peu utilisée par le consommateur final (25%). 2.1.4 Les débouchés, la consommation, la segmentation du marché 17 En 1985, le déficit français annuel entre la consommation et la production était de 600.000 t équivalent carcasses. La production et la consommation se sont équilibrées en 1994, résultat de 10 années d'investissement dans la filière. Depuis 1997 la production et la consommation évoluent en plateau avec un différentiel en faveur de la production d'environ 140.000 t équivalent carcasse par an. Toutefois la France a un solde négatif d'importation pour les pièces destinées à la fabrication, elle importe également des produits transformés pour satisfaire sa demande. Elle exporte des porcs vivants, des carcasses et des longes, ainsi que de la graisse. 16 17 FICT : www.fict.fr//prive/fichiers/DOC_F1/1/2/0/141.pdf. (La filière porcine française en chiffres, source INAPORC (séminaire INAPORC 25 janvier 2007 Tokyo). 15 Le principal fournisseur de la France est l'Espagne à hauteur de 46 %, vient ensuite la Belgique (12,5 %), l'Allemagne (11,3 %), l'Italie (10,9 %), les Pays-Bas (8,6 %), et le Danemark (6,9 %). L'Union Européenne des 25 représente 99,5 % des fournisseurs de la France. Le principal client de la France est l'Italie (24 %), devant le Royaume-Uni (13,3 %), l'Allemagne (8,8 %), la Grèce (8,4 %), la Belgique (7 %), les Pays-Bas (6,6 %), et l'Espagne (3,4 %). L'Union Européenne des 25 représente 79,6 % des clients de la France. En termes quantitatifs, la France a couvert ses besoins à hauteur de 107 % en 2006. Comparaison par rapport aux principaux pays producteurs en Europe 18 Taux d'auto approvisionnement 2005 Danemark Allemagne Pays-Bas Royaume-Uni 729 % 94 % 235 % 72 % La consommation de viande (par habitant en équivalent carcasse) est de 35 kilos en France, 42 kilos aux Pays-Bas, 58 kilos au Danemark, et de 64 kilos en Espagne. Les canaux de dis tribution du porc en 2005 : répartit ion du tonnage (en %) Porc frais (hors gros achats) Hypermarchés Supermarchés supérettes Discounters Bouchers Marché, Vente Directe... 44,1 30,6 9,0 11,8 4,4 Jambons cuits et secs Hypermarchés Supermarchés supérettes Discounters Bouchers Marché, Vente Directe... 43,3 30,6 17,7 5,2 2,2 18 Eurostat données à jour au 31 décembre 2007. 16 Conclusion : La production porcine, même en zone dense est fortement associée à l'économie des exploitations agricoles. Même si les élevages spécialisés concentrent la majorité des effectifs, la production porcine continue à être présente de façon significative dans un grand nombre d'exploitations agricoles. La technicité de la production et l'ensemble des services qui y sont associés tant au niveau de la santé animale que de la gestion des différents éléments nécessaires à la production (alimentation, génétique, gestion des effluents,...) font de cette filière une filière fortement encadrée et technicienne, mais aussi fortement dépendante de fonctions support apportées par les services des groupements. La filière est surtout productrice de produits transformés, avec une relativement faible diversification comparativement aux autres pays de l'Union Européenne. La production française semble dans une situation d'équilibre par rapport à la demande intérieure, elle souffre toutefois d'un déficit qualitatif pour certains produits, ce qui a entraîné en 2007 un déficit (en valeur) de la balance commerciale de la filière porcine. 19 2.2 L'impact environnemental de la production porcine Comme toute activité économique ou humaine, l'activité d'élevage modifie l'environnement dans lequel elle s'inscrit. 2.2.1 2.2.1.1 Les déjections animales Généralités Chaque année en France, l'agriculture produit plusieurs centaines de millions de tonnes de déjections animales (297,8 millions en 2002)20. Les déjections animales, toutes espèces confondues, représentent les quantités globales suivantes (en milliers de tonnes/an) : Déjections animales Matière brute Quantité % Effluents émis 148 420 50 au champ Déjections récupérables *Fumiers *Lisiers Matière sèche Quantité % 16 320 31 400 27 760 3 640 Matière organique Quantité 12 240 23 550 20 820 2 730 Eléments fertilisants Azote Phosphore Potasse 623 827 622 205 34 66 58 8 317 502 341 161 798 955 772 183 149 380 50 105 840 43 540 36 15 Total 19 20 297 800 100 47 720 100 35 790 1 450 819 1 754 http://www.office-elevage.fr/instances/c-porcin/Cs_0208.pdf. Agence de l'Eau Adour-Garonne / J. Leroux ­ 2003 - http://www.economie.eaufrance.fr/rubrique.php3?id_rubrique=59. 17 Répartit ion des déjections animales (aux champs et récupérées en bâtiments) selon les cheptels (en milliers de tonnes /an) : Répartition selon Matière brute les productions Quantité Bovins Porcins Volailles et lapins 243 080 24 710 8 990 % 82 8 3 7 100 Matière sèche Quantité 39 080 2 640 1 920 4 080 47 720 % 82 6 4 8 100 Matière organique Quantité 29 310 1 980 1 440 3 060 35 790 Eléments fertilisants N 118 93 135 P 94 106 79 K 1 414 77 68 194 1 753 1 104 540 Ovins, Caprins et 21 020 équidés Total 297 800 1 450 819 L'extrapolation des volumes produits en 2006 eu éga rd à l'évo lution du nombre d'animaux présents dans les cheptels, est de l'ordre de 285 millions de tonnes. 21 Cheptel 2002 Bovins Porcins Ovins Caprins 2.2.1.2 19.777 15.378 9.127 1.229 Cheptel 2006 18.902 15.009 8.494 1.252 Tonnage actualisé (en milliers de tonnes) 232 325 24 117 19.781 Spécificités des déjections porcines La production porcine se caractérise de la manière suivante : * Les déjections sont émises en bâtiment et sous forme liquide. Les déjections émises au champ sont extrêmement minoritaires en élevage porcin. Même si les modes de stabulation des porcins sont très divers (cases collectives ou individuelles, sols raclés, paillés ou en caillebotis...) et variables selon les régions, la grande majorité des déjections récupérées est constituée de lisier (80% de lisier), notamment dans les zones de production dense (dans les départements bretons (22 et 29 particulièrement) où les porcs à l'engraissement sont logés à 95% sur caillebotis). Dans cette configuration les déjections porcines sous forme liquide ont des caractéristiques qui devraient faciliter leur gestion par rapport au fumier. 21 source Eurostat. 18 L'homogénéité du lisier (due à son caractère liquide) dans sa fonction fertilisante se rapproche de l'utilisation des engrais minéraux, son aptitude au stockage (écoulement vers les fosses, reprise par pompe), la possibilité de son traitement et de son exportation devraient en faire un produit à forte valorisation. Toutefois l'importance du volume de lisier produit, et notamment en zone dense, en fait un produit dont l'impact en terme environnemental est perçu de façon significativement différente du fumier de bovins ou de la fiente de volaille, et particulièrement lors de son utilisation. * La contrainte olfactive est majoritairement mise en avant. Quelle que soit la zone de production (zone dense ou non), la production porcine est associée à l'odeur quelle produit, sur les lieux d'élevage ou lors de l'épandage du lisier. Le volume de déjections à épandre22 par unité de production conduit à une concentration des odeurs autour des élevages de porcs (en tonnes / an / exploitation) , comme le montre cette comparaison établie avec l'espèce bovine : Volume de déjections à épandre Nombre d'exploitations Volume/ exploitation / an Bovins Porcins 94.660.000 24.710.000 238.480 41.890 39,69 589,87 Les produits à l'origine de ces nuisances (ammoniac et composés volatils) sont présents dans les autres productions animales, et notamment dans les élevages bovins. Mais leur perception semble différente. * L'aptitude au traitement. Le caractère liquide du lisier permet de le soumettre à un traitement qui permet de modifier ses caractéristiques physico-chimiques, (Matière sèche totale, Matière en suspension, Azote et Phosphore), biologiques (DCO, DBO5) et microbiologiques. Les procédés de traitement des lisiers peuvent être classés selon leur mode d'action (mécanique, physico-chimique, biologique et thermique). * Le traitement mécanique inclut par exemple le tamisage, le pressage, la centrifugation et la filtration membranaire. * La flottaison ou la décantation figurent parmi les procédés de nature physicochimique. * Le traitement biologique inclut par exemple la digestion aérobie ou anaérobie. * Le traitement thermique peut être un séchage préalable au compostage. Le traitement du lisier a pour objectif de diminuer le volume des produits à gérer par concentration et production de boues (objectif quantitatif), mais ce traitement peut également modifier les caractéristiques du lisier et avoir un impact sur les contraintes environnementales qui leur sont associées (objectif qualitatif). 22 le volume à épandre correspond au volume des déjections récupérables cité plus haut pour la totalité des espèces. 19 Les différents traitements peuvent être associés, de façon générale un traitement comprendra : - un traitement primaire : séparation solide-liquide, - un traitement secondaire: digestion aérobie ou/et anaérobie ( nitrification / dénitrification ), - un traitement tertiaire: champ d'épandage, traitement électrochimique, osmose inverse. 2.2.2 Les éléments du lisier responsables de la pression écologique et leur maîtrise 23 Certains facteurs de pression écologique comme l'azote, le phosphore, l'ammoniaque, les oxydes d'azote, ont des conséquences clairement identifiées sur le milieu, soit au niveau de l'eau, soit au niveau de l'air, soit au niveau des sols. Leur maîtrise ou non aux différents stades de leur production, de leur stockage, de leur transformation et de leur élimination caractérise la contrainte qu'exerce le sous-produit de l'élevage qu'est le lisier. 2.2.2.1 L'azote Données générales L'azote et les acides aminés (AA) qui sont présents dans la ration alimentaire sous forme de protéines, sont essentiels à la croissance des animaux. Les acides aminés servent à la fabrication de protéines propres à l'animal (croissance de nouveaux tissus), mais aussi à couvrir les besoins d'entretien. Différents mécanismes vont conduire à la présence en quantité plus ou moins importantes de produits contenant de l'azote dans le lisier. Une partie des protéines ingérées n'est pas assimilée, parce que non digestible ou « mal » digestible, et est excrétée dans les féces. Les protéines digestibles, donc assimilables, ingérées en excès des besoins ou non absorbées à cause d'une mauvaise balance des acides aminés qui ne peuvent être utilisés pour couvrir la croissance ou les besoins en d'entretien, sont excrétées dans l'urine. En fonction de l'état physiologique de l'animal (croissance, reproduction ...), les besoins en protéine vont varier amplifiant à l'occasion l'excrétion de l'azote. Il est ainsi apparu essentiel de mieux connaître les besoins des animaux, ceux-ci pouvant varier selon les conditions de logement, le génotype des animaux (Dourmad et al. 1993), le sexe (mâles entiers ou castrés et femelles), le niveau d'alimentation et les ingrédients de la ration qui sont dominants. Il est aussi apparu essentiel de connaître l'impact de l'origine et de la qualité des matières premières dans l'excrétion des composés azotés. 23 http://www.prairieswine.com/porkinsight/environmental_issues/pdf/Nutrient-Francais.pdf. 20 Impact de l'Azote Ce sont les produits de dégradation des protéines, et non l'azote, qui vont alimenter l'environnement en composés dont la présence va modifier de façon significative l'équilibre de ce dernier, en favorisant l'eutrophisation des milieux naturels par un apport trop important de nutriments (perturbation écologique), et en modifiant la teneur en nitrates dans les eaux alimentaires (perturbation toxicologique directe). Les techniques de maîtrise Maîtrise quantitative La maîtrise de la quantité des composés azotés dans le lisier, dont la présence dans les effluents des élevages de porc a pour conséquence la perturbation du milieu naturel, passe par différents processus : * Réduction en amont de la production des lisiers Il s'agit des méthodes visant à optimiser l'alimentation des animaux afin que les protéines soient mieux valorisées au moment de la digestion des rations alimentaires. L'alimentation biphase ou multiphase (alimentation adaptée en fonction des différents stades d'élevage : croissance -finition, gestation et lactation) permet de réduire de 15 % l'élimination de composés azotés dans les déjections des porcs. * Élimination L'élimination de l'azote est réalisée au cours d'un processus de nitrification-dénitrification dans un réacteur biologique, qui a pour résultat de transformer les composés azotés en azote moléculaire (N2). Le tableau ci-dessous illustre la forte réduction de l'azote. 24 Volume et composition des coproduits d'un lis ie r tra ité par un procédé biologique de nitrificat ion-dénitrificat ion (sans traitement du phosphore) Produit Volume (en %) Matière sèche (%) Azote P2O5 K2O Teneur (°/00) Répartition (%) (c) Teneur (°/00) Teneur (°/00) Lisier brut 100 5,5 4,4 100 3,2 100 3,5 100 Refus solide (a) 5 35 8,1 9 9,9 15 3,4 5 Boues liquides Effluent (b) liquide 30 8 2,7 18 7,6 71 3,4 29 65 0,9 0,1 1,5 0,6 12 3,0 56 24 (a) les valeurs obtenues (volume et teneur) dépendent fortement du procédé de séparation de phase utilisé (tamisage, centrifugation) (b) après le décanteur (c) l'azote abattu (N2) correspond ici à 71,5. 21 Le traitement dans une station biologique permet de réduire la quantité d'azote dans l'effluent liquide et de concentrer en fonction du pré traitement une quantité minime d'azote dans les boues de station. On constate également que le phosphore est concentré dans la fraction solide et que les stations sont perméables au potassium. Maîtrise qualitative * Méthanisation La méthanisation a pour but de produire de l'énergie par production de méthane. Cette énergie est utilisée en interne (chauffage des bâtiments) ou en externe (production d'électricité). Outre cet aspect énergétique la méthanisation modifie les caractéristiques de nuisance des lisiers. Le principe de fonctionnement est relativement simple et très efficace. Dans le lisier, la proportion moyenne de matières liquides est de 95 %, pour 5 % de matières solides. Ce lisier est récupéré selon la méthode en place dans les bâtiments d'élevage, puis pompé vers un bio-réacteur. Le lisier est tamisé pour enlever les particules grossières comme les brindilles paille, les écorces de céréales, les morceaux de métal, de bois ou de béton pouvant provenir des bâtiments. Il est ensuite mélangé à des sources de nutriments riches en carbone, comme du sucre, de la mélasse, du lactosérum, des déchets verts etc. Le mélange entre alors en contact avec des levures sélectionnées et contenues dans le bio réacteur. Il convient ensuite de séparer la partie solide de la partie liquide par des procédés de centrifugation ou de floculation. La partie liquide peut être épandue, servir d'eau de lavage ou être rejetée dans le milieu naturel puisqu'elle ne contient plus de polluants organiques. La partie solide peut-être valorisée au même titre qu'un engrais. * Compostage Le compostage est une dégradation biologique en milieu aéré et humide, dégageant de la chaleur. Cette transformation est réalisée par des microorganismes. Elle aboutit à la formation d'un produit riche en matière organique, plus stable et correctement « hygiénisé » : le compost. Les principales caractéristiques sont la facilité d'épandage à faible dose et une meilleure répartition au champ. Sur prairie, limitation des risques sanitaires et des problèmes d'appétence pour les animaux. Destruction des graines d'adventices. La désodorisation du compost permet de réduire les distances d'épandage par rapport aux tiers (10 m). La réduction de volume est de l'ordre de 30 à 50 %, ce qui en entraîne des gains de coût de transport. La qualité agronomique du produit, sa richesse en matière organique stable, la libération lente de l'azote et sa richesse en en phosphore et en potasse en font un amendement intéressant. 22 Toutefois, la production de compost soit par élevage sur litière ou par traitement du lisier s'accompagne de perte d'azote sous forme de NH3, de N20, ainsi que de CH4, qui sont des gaz à effet de serre. Le compostage peut également être le résultat d'une co-production par utilisation des déchets verts comme source de carbone ; en pratique cette alternative ne peut intervenir qu'à proximité des agglomérations. * Déshydratation La déshydratation est un procédé qui permet de stabiliser le produit et de diminuer le volume de stockage. Plusieurs procédés peuvent être utilisés qui mettent en oeuvre des quantités d'énergie plus où moins importantes. Exportation du sous-produit La production de déjections par les élevages oblige les éleveurs à prévoir le devenir de ces sous-produits. L'utilisation initiale des déjections avec un minimum de traitement, du fait de la présence d'éléments nutritifs pour les Îgétaux, a été l'épandage sur des terres agricoles. L'équilibre agronomique nécessitant de limiter l'apport des nutriments aux capacités d'exportation par les plantes, le sous-produit de l'élevage peut devenir une charge pour l'exploitation, sauf à le transformer en un produit fertilisant susceptible de trouver un marché dans le cadre d'une substitution à l'amendement minéral. * L'épandage L'épandage est conditionné par deux facteurs principaux : 1) La surface Au plan réglementaire, la quantité d'azote épandable est limité aux quantités mobilisables par les cultures (et au plus à 170 kg par hectare et par an) ; toutes les surfaces ne sont pas épandables du fait de leur caractéristiques (pente, localisation par rapport aux zones urbaines, proximité des cours d'eau, contrainte géologique ou géographique). 2) Les cultures L'équilibre agronomique n'est pas le même en fonction des cultures en place, et des contraintes climatiques peuvent faire varier les conditions d'utilisation des amendements organiques. Il résulte des différents éléments précédents que de grandes difficultés peuvent être rencontrées dans les zones de production dense, où la production n'est pas directement liée au sol. 23 * Le transfert de produits fertilisants Pour pallier l'impossibilité de recourir à l'épandage dans les zones de production dense, et pour tenir compte de la différence existant entre l'azote et le phosphore en matière de traitement dans les stations, le transfert des produits fertilisants est une alternative qui a été développée par la filière porcine. Ce processus de valorisation nécessite de normaliser le coproduit et de conforter les filières de commercialisation. 2.2.2.2 Le phosphore Données générales Le Phosphore est un élément important pour le développement de l'animal (croissance musculaire, squelette) ainsi que pour le métabolisme en général. Les aliments d'origine Îgétale contiennent naturellement une importante proportion de phosphore. Cependant selon la plante environ 66% de ce phosphore est sous forme de phytate, difficilement digestible pour les porcs et donc excrété dans les fèces. Impact du Phosphore Au même titre que l'azote, le phosphore est un nutriment pour de nombreux êtres vivants. L'excès de phosphore dans le milieu naturel contribue aux phénomènes d'eutrophisation des cours d'eau et des bordures littorales. Les techniques de maîtrise * Réduction en amont de la production des lisiers Pour pallier la faible digestibilité du phosphore contenu dans les produits Îgétaux, du phosphore inorganique (plus facilement assimilé) est ajouté à la ration de manière à couvrir les besoins des animaux. Tout excès de phosphore digestible qui est ingéré par les porcs sera excrété dans les urines. Les facteurs qui causent la variation de la digestibilité du phosphore dans les aliments utilisés dans la préparation de la ration incluent : l'origine de l'aliment (Îgétale, animale, inorganique [phosphate]), la concentration de phytate par rapport à la quantité totale de Phosphore, et la présence de l'enzyme phytase (Jongbloed et al., 1991). Comme pour l'azote, l'excrétion de phosphore peut être réduite si la quantité de phosphore fournie au porc se rapproche de la couverture de ses besoins, de son stade physiologique de développement et de son génotype (de Lange 1997).25 Comme dans le cas de l'azote une alimentation en bi-phase ou multi-phase contribue à réduire l'excrétion de phosphore. 25 La digestibilité du P dans les aliments varie (de 10 à 50% pour les Îgétaux, par exemple: 17% pour le maïs, 39% pour l'orge, 45% pour les pois; de 65 à 90 % pour les produits animaux et les suppléments de phosphates) il est important de considérer la digestibilité du phosphore dans la formulation de la ration (Jongbloed et Kemme, 1991). 24 * Élimination : la déphosphatation - Déphosphatation chimique L'élimination chimique du phosphore est réalisée au moyen de réactifs (sels de fer et d'aluminium, chaux) qui donnent naissance à des précipités ou complexes insolubles séparés de l'eau par des techniques de séparation de phases solide-liquide. - Déphosphatation biologique Les travaux de recherche ont débuté à partir de constatations fortuites d'élimination du phosphore sur des stations faisant l'objet d'un suivi expérimental, en essayant de comprendre et de reproduire les phénomènes obserÎs. A l'heure actuelle, toutes les théories s'accordent pour dire que ces mécanismes de biochimie moléculaire sont essentiels, mais qu'ils sont raccordées à des mécanismes physico-chimiques. Les techniques de déphosphatation biologiques sont difficiles à mettre en oeuvre pour le traitement des lisiers d'élevage. * Le transfert après séparation de la phase liquide Le phosphore se retrouve essentiellement dans la phase solide du lisier, pour cette raison, le traitement bactériologique qui réduit l'azote ne permet pas l'élimination du phosphore. La séparation peut se faire immédiatement après la production des féces par séparation des matières solides de la phase liquide dans le cadre de l `aménagement des pentes de drainage sous le caillebotis. Elle peut également être le résultat d'une centrifugation qui a pour conséquence de concentrer le phosphore dans la partie solide du lisier, avec pour résultat un appauvrissement progressif des produits d'épandage pouvant aboutir à une division par 5 du phosphore épandu. La gestion des co-produits issus de la station de traitement passe souvent par le transfert, car l'épandage en excès conduit à un enrichissement des sols en phosphore. Les zones de production denses, souvent initialement déficitaires en phosphore sont désormais en général en situation excédentaire. A l'occasion de phénomènes d'érosion, le phosphore peut être mobilisé dans les eaux de ruissellement, participant à l'eutrophisation des rivières et des zones littorales. 2.2.3 Les émissions gazeuses Les émissions atmosphériques de composés polluants sont de plus en plus au centre des préoccupations environnementales. De nombreux secteurs d'activité sont concernés. L'agriculture est particulièrement concernée par l'ammoniac, le méthane et le protoxyde d'azote, notamment à travers la gestion des déjections animales. Depuis le début de l'ère industrielle, les concentrations, dans l'atmosphère, de CH4 et de N2O ont augmenté de 145 % et 15 %, respectivement. 25 2.2.3.1 L'ammoniac Données générales Les émissions d'ammoniac issues de l'activité économique ou humaine sont pour l'essentiel d'origine agricole (95 %), notamment liées à la gestion des déjections animales. L'ammoniac est un gaz irritant pouvant être incriminé à partir d'une certaine concentration dans l'apparition de certaines maladies chez les éleveurs et les animaux et dans la diminution des performances zootechniques. Les retombées de ce gaz ont diverses conséquences sur les plantes (déséquilibre et fragilisation) et sur les sols (enrichissement en azote, acidification) 26. Un tiers de l'azote apporté pour l'alimentation d'un porc est perdu sous forme d'ammoniac 27. Les techniques de maîtrise * Les bâtiments La façon dont le lisier est récupéré influence la volatilisation de l'ammoniac. La séparation rapide de la phase solide d'avec la phase liquide du lisier conditionne la production plus ou moins importante d'ammoniac et par la même la teneur en ammoniac de l'air des porcherie. Cet air contenant de l'ammoniac peut être maîtrisé par lavage de l'air avec recyclage vers les lieux de stockage. 28 * Les lieux de stockage La couverture des zones de stockage diminue le risque d'évaporation de l'ammoniac, ainsi que la production d'oxyde d'azote. * Les conditions d'épandage L'injection du lisier au moment de l'épandage diminue la volatilisation de l'ammoniac. Conséquences La maîtrise de l'ammoniac a un impact immédiat sur la santé des animaux et des hommes intervenant dans les bâtiments d'élevage, sur le dégagement d'odeurs, sur la production de gaz à effet de serre et sur les retombées acides à proximité ou à faible distance des lieux d'émission. 26 «L'ammoniac d'origine agricole: impact sur la santé humaine et animale et sur le milieu naturel» S.Portejoie, J.Martinez, G.Landmann - http://www.inra.fr/productions-animales/an2002/tap2002/sp223.pdf. 27 Flux d'azote pour produire un porc de 105 kg (Dourmad et al 1999). 28 http://w3.rennes.inra.fr/umrù/jrp/2005/05Env/env0507.pdf. 26 2.2.3.2 Les oxydes d'Azote Conditions d'émission des Oxydes d'azote 29 : Bien que le N2O puisse être produit dans les sols de façon purement chimique, la majeure partie de ce gaz est produite à la suite d'une action bactériènne. Le N2O est en effet un intermédiaire métabolique des processus de nitrification et de dénitrification. On ne peut empêcher de façon systématique les émissions de N2O en agriculture en raison, entre autres, des aléas climatiques (ex. : précipitations) qui ne peuvent être contrôlés de façon très précise. Les émissions de N2O peuvent être importantes lorsque les déjections sont soumises alternativement à des conditions aérobies, qui favorisent la nitrification, et anaérobies, qui favorisent la dénitrification. C'est le procédé de nitrification­dénitrification qui peut produire de l'azote gazeux mais aussi de l'oxyde nitreux. Ceci se produit par exemple avec un tas de fumier pailleux ou de compost qui reçoit une bonne pluie. Le potentiel de production dépend de la composition des déjections et des quantités d'oxygène disponibles. On peut donc s'attendre à peu d'émission de N2O avec l'entreposage du lisier qui est en anaérobie. Par contre, lors d'entreposage en tas solide soumis à des précipitations fréquentes et passant alternativement de conditions aérobies à anaérobies, il y a émission de quantités importantes de N2O. Maîtrise Le respect de certains principes simples permet de minimiser les risques d'émissions importantes de N2O. * Prescriptions agronomiques Plus les quantités d'azote apportées sont éleÎes par rapport aux besoins réels de la plante, plus les émissions de N2O dans l'atmosphère sont importantes, il convient donc d'ajuster les apports d'engrais au plus prés des besoins de la parcelle et aux besoins des cultures. Dans le cas de tout apport d'éléments nutritifs, engrais minéraux ou amendements, ce qui provoque les émissions de N2O est principalement lié à la fraction inutilisée de l'engrais par la culture, et non à la dose totale. De plus il faut impérativement utiliser des cultures intermédiaires ou intercalaires afin de minimiser les quantités de NO3- libres dans le sol. Étant donné la grande capacité d'absorption d'azote par des espèces comme la moutarde, le ray-grass italien ou le sarrasin, cette pratique de cultures intermédiaires ou intercalaires peut s'aÎrer judicieuse lorsque des épandages de lisier ou de fumier sont faits en dehors de la période de croissance de la culture principale. Toute pratique agricole visant à améliorer l'efficacité d'utilisation de l'azote d'un fertilisant ou d'un amendement par la culture aura un effet dépressif sur les émissions de N2O. 29 65ième congrès des agronomes du Québec : juin 2002 (http://www.oaq.qc.ca/pdf/Communique 20juin_solutions échelle local.pdf). 27 * Récupération et stockage des déjections Pour lutter contre les émissions de N2O dans les fosses à lisier, l'aération séquentielle s'est réÎlée être un moyen efficace. Dans le cas de l'élevage porcin, l'adoption de l'élevage sur litière peut limiter les émissions de gaz à effet de serre. Les déjections animales se mélangent à la litière pour former un fumier dont la décomposition commence dans le bâtiment d'élevage et qui évolue pour former un compost dégageant peu de méthane. Une réduction de la fréquence du brassage de la litière limite également les émissions de N2O. Conséquences Les oxydes d'azote sont des gaz à effet de serre 200 fois plus pénalisants que le gaz carbonique. 2.2.3.3 Gaz carbonique Pour mémoire et pour être le plus exhaustif possible en ce qui concerne les impacts environnementaux des productions animales, la mission mentionne ici l'impact de la production de porc en ce qui concerne la notion d'équivalent carbone ou équivalent CO2, en fonction des pratiques alimentaires des consommateurs (source ADEME) : Poids l'unité de Kg equ. C Kg equ.C par Kg equ. CO2 par kg par kg unité d'aliment d'aliment d'aliment 6,08 0,88 0,50 0,91 0,13 0,08 22,30 3,23 1,83 Famille d'Aliments Viandes rouges (veau, boeuf, mouton) 0,15 Viandes blanches (poulet, porc) 0,15 Poisson 2.2.4 2.2.4.1 0,15 Les facteurs dont l'impact est moins identifié Potassium Le potassium est en général très soluble et se trouve dans la phase liquide des lisiers. Les sels de potassium sont absorbés ou fixés aux particules d'argile ou à tout autre composé fixant les cations. Le potassium à hautes doses a des effets agronomiques défavorables identifiés. Le risque de migration du potassium dépend donc de la nature du sol et, là également, ce sont les sols sableux qui présentent le plus de risque. Il n'existe pas de risque sanitaire reconnu lié à la présence de potassium dans les eaux souterraines ou de surface ; cependant, une directive européenne a établi à 10 mg/l la concentration maximale admissible pour l'eau de consommation humaine. 28 2.2.4.2 Cuivre et Zinc Le Cu et le Zn sont généralement ajoutés à la ration en quantités plus grandes que les besoins minimums des porcs et ce en considérant une performance normale (minimum de 5-25 ppm pour le Cu et de 50-125 ppm pour le Zn dépendant du stade physiologique). La supplémentation peut être faite pour les deux raisons suivantes: 1) s'assurer que les besoins minimums sont satisfaits ; 2) bénéficier des avantages de ces minéraux comme agents de croissance lorsqu'ils sont présents dans la ration à de fortes concentrations. Le cuivre et le zinc constituent un facteur limitant pour l'exportation des co-produits issus du traitement du lisier du fait des contraintes existant sur la composition des co-produits au regard de la composition des fertilisants. L'analyse de la composition du lisier de porc pour 22 éléments a permis de quantifier son aptitude fertilisante et les risques de toxicité par rapport aux quantités habituellement épandues. Sur la base de 170 kg d'azote par hectare, les apports seront approximativement de 100 kg de P2O5, 170 kg de K2O, 140 kg de CaO, 50 kg de SO3, 35 kg de MgO et Na2O, permettant de compenser tout ou partie les exportations culturales et les pertes par lessivage. Le lisier contribue également à fournir les oligo-éléments pouvant poser des problèmes d'excès ou de carence. Il s'agit du fer, du bore, du cuivre, du zinc, du molybdène et du manganèse. Les lisiers de porcelet et d'engraissement ont des teneurs éleÎes en cuivre (742 et 837 mg/kg MS) et en zinc(1886 et 1301 mg/kg MS), au point qu'elles seraient considérées comme excessives au regard des conditions fixées par l'arrêté du 08 janvier 1998 (concernant les boues de stations urbaines), par les recommandations du CERAFEL pour les zones légumières et pour l'obtention du Label Ecologique Communautaire.30 2.2.5 2.2.5.1 Les nuisances Les odeurs Le tableau ci-dessous, réalisé par des équipes canadiennes, reprend des conclusions obserÎes également par les chercheurs de l'IFIP, montrent les caractéristiques de la contrainte olfactive associée aux différents éléments de la production porcine (notamment les bâtiments, les lieux de stockage et l'épandage), ainsi que l'impact des mesures correctives mises en oeuvre pour pallier le caractère incommodant de la gestion des effluents porcins. 30 Le cuivre dans l'alimentation du porc : oligo-élément essentiel, facteur de croissance et risque potentiel pour l'Homme et l'environnement INRA Prod. Anim.,2002, 15 (4), 247-265, C. Jondreville P.S. Revy , A. Jaffrezic, J.Y. Dourmad. 29 Répartition de Lieu la charge odeur sur l'exploitation Epandage Bâtiment Entreposage Reprise 65% 20% 10% 5% Pratique visant à maîtriser ces odeurs Réduction de la charge odeur Rampe basse et incorporation 70 à 80% immédiate des lisiers Multi-phase, acides aminés, 25% planchers, site d'implantation Couverture 50 à 100% Total 100% Source : données extrapolées de IRDA, 2002 ; R.Joncas, 2003, communication personnelle 2.2.5.2 Les poussières La poussière se compose de fines particules en suspension : composants alimentaires, matières fécales séchées, poils, cellules de peau, moisissures, champignons, virus et bactéries. La poussière dans les installations de production porcine amplifie la perception des odeurs : la concentration de certains constituants odorants peut être 40 millions de fois plus importante sur des particules de poussières en suspension que dans un volume égal d'air sans particules. Les particules de poussière sont également capables de transporter les odeurs sur de grandes distances. Indépendamment de sa contribution à la pollution olfactive de l'environnement, les poussières peuvent représenter un risque sanitaire direct sur les personnels travaillant dans les bâtiments d'élevage ou à leur proximité immédiate. 2.2.5.3 Le bruit Cette nuisance est ici citée pour mémoire. 2.2.5.4 La pollution visuelle Cette nuisance est ici citée pour mémoire. 2.3 La situation environnementale des zones de production dense Eléments de contexte 31 2.3.1 Sur la base de données extrapolées, il est possible de donner une approche quantitative globale de la situation des zones de production porcine dense, en particulier en Bretagne. Ces données devront être rapprochées des éléments constatés en matière d'impact qualitatif sur le milieu, notamment en ce qui concerne la teneur en nitrate des eaux. 31 chiffres extrapolés sur données Eurostats 2005. 30 Nombre d'exploitations Bretagne 40.630 Total Exploitations ayant en au moins 1 cheptel 34.890 Cheptels bovin 24.900 Cheptels porcin 7.160 Cheptels volaille ( + de 1000 animaux) Total des cheptels 41.380 9.320 Ces deux tableaux donnent des éléments concernant la répartition des différents types d'exploitations en région Bretagne : dans cette région d'élevage dense, où il y a plus de 40.000 exploitations, 34.890 hébergent un cheptel (ce qui représente 85% des exploitations). 60,2% sont des cheptels bovin, 17,3% sont des cheptels porcin et 22,5% des cheptels volaille. Bovins Total animaux Moyenne par élevage 2.006.330 80 Porcins 8.237.580 1.150 Volailles 94.990.000 10.192 Le tableau ci-dessous donne un ordre de grandeur des déjections produites en Bretagne en fonction des espèces et de l'équivalent en azote organique. L'azote qualifié de non maîtrisé correspond à l'azote produit directement dans les pâturages et qui de ce fait est sous la dépendance des aléas climatiques. Total déjections Matière brute N total N non maîtrisé P total P non maîtrisé (1) Bovins 24.363.708 120.000 (1) 60.000 56.000 28.000 Porcins 13.429.875 65.000 (1) (2) Volailles 3.014.012 31.000 (1) (2) 52.000 (2) 35.000 (2) total de l'azote organique produit : 216.000 tonnes. (2) il y a très peu d'azote non maîtrisé en production porcine ou avicole en Bretagne. 2.3.2 Résorption des excédents d'azote en Bretagne La situation particulière des productions animales en Bretagne (densité, production intensive et hors-sol) nécessite l'utilisation de mécanismes spécifiques pour retrouver un état plus satisfaisant de l'environnement. 31 2.3.2.1 La maîtrise statique des pollutions diffuses (PMPOA) La mise en oeuvre du PMPOA (Plan de Maîtrise des Pollution d'Origine Agricole) vise à permettre une maîtrise des déjections animales ainsi que de l'écoulement des différents jus issus des exploitations susceptibles d'avoir un impact négatif sur le milieu naturel du fait de leur charge en matière organique. La gestion des effluents d'élevage est également améliorée du fait de la création de capacités de stockage suffisantes pour respecter les calendriers réglementaires d'épandage. Enfin, la comptabilisation des effluents dans le cadre d'un plan de fertilisation en rapport avec un plan d'épandage est susceptible de permettre une plus grande objectivation du respect du plafond des 170 kg d'azote par hectare. Cette procédure, qui concernait toutes les espèces animales, a mobilisé des fonds publics importants en Bretagne (157 millions d'euros, dans le cadre d'une intervention à hauteur de 60% des investissements), compte tenu du nombre éleÎ de dossiers concernés : 18.251 dossiers financés (auxquels il faut ajouter 1695 dossiers reconnus conformes « aux normes » et donc sans travaux associés). Au 1ier octobre 2007, 44% des travaux restaient à terminer. La production porcine, représentant un nombre important de gros élevages a été majoritairement prise en compte dans le PMPOA 1, pour lequel le solde des travaux à réaliser s'établit à 27% au 1ier octobre 2007. 2.3.2.2 La maîtrise dynamique des pollutions diffuses : gérer la quantité de lisier et le manque de surface d'épandage : les stations de traitement L'excès des déjections animales en Bretagne au regard des capacités d'épandage, et la mise en oeuvre de la Directive nitrate ont conduit au développement du traitement biologique du lisier, afin de diminuer la quantité d'azote à épandre, et ultérieurement à la mise en place de processus plus sophistiqués pour valoriser les co-produits de la production animale. Evolution du nombre des stations de traitement En janvier 2007, 390 unités de traitement de lisier de porc étaient en fonctionnement, pour environ 530 élevages soumis au traitement des déjections produites. Ces stations ont une capacité de traitement de 2,4 millions de m3 de lisier par an, contribuant à résorber plus de 8,3 millions d'unités d'azote, et environ 2,9 millions d'unités de phosphore. La majorité des stations se trouvent en Bretagne (plus de 85%). Les premières stations ont été mises en chantier en 1998 ; le seuil de 200 stations, réparties à parts égales entre le Finistère et les Côtes d'Armor, a été franchi en 2002. 32 Répartition des stations Les stations de traitement sont réparties de la façon suivante : Département Nombre de stations Tonnes d'azote résorbés Finistère 208 5.067 Côtes-d'Armor 161 2.824 Morbihan 12 245 Ille-et-Vilaine 11 177 331 stations sont individuelles, les autres ont opté pour une station semi-collective partagée par plusieurs éleveurs, ou ont eu recours à une unité mobile. Total Région Stations individuelles Stations semi-collectives Stations mobiles Nombre total de stations Nombre d'éleveurs 29 22 56 35 331 56 3 390 529 174 31 3 208 287 136 24 1 161 204 10 1 1 12 27 11 0 0 11 11 Typologie du traitement 32 Il existe quatre grandes catégories de traitement : le traitement biologique par boue actiÎe, le compostage, le traitement physico-chimique et les autres (tels que le lagunage, la méthanisation, la nitrification - dénitrification autre que par boue actiÎe). La majorité des stations sont des stations de traitement par boue actiÎe (76%) ce qui représente environ 87% du volume traité. Ce procédé est adapté à la diversité des contraintes auxquelles sont confrontés les élevages de porcs : rusticité du matériel, temps de main d'oeuvre limité, possibilité de forte économie d'échelle, adaptabilité à des niveaux d'excédent variés ( sur l'azote et le phosphore). Bilan du traitement du lisier par département Total Région 29 1.482.762 5.067.163 22 851.753 2.824.209 56 67.281 245.226 35 55.405 177.555 Volume de lisier traité (m3) Unité d'azote résorbé 2.457.201 8.314.153 32 Etat des lieux du traitement des lisier IFIP Pascal Levasseur 2005. 33 Coût du traitement 33 Seul l'ordre de grandeur du coût de traitement peut être ici approché car il est très variable en fonction de chaque unité de traitement. Le coût total varie de 2,4 euros/m3 pour le stockage et l'épandage du lisier, à 17,5 dans le cas du traitement physico-chimique en station mobile. En ce qui concerne le coût de l'investissement il est variable en fonction de la taille de la station et de la présence ou pas du traitement du phosphore34. Le tableau ci dessous présente le résultat d'une enquête menée en 2005 par les chambres d'agriculture de Bretagne auprès de 51 stations biologiques avec des boues actiÎes. Toutes stations Sans séparation de phase Séparation Séparation de phase poussée (1) de phases Moyenne 1/3 1/3 simple des stations supérieur inférieur des stations des stations 6.643 53 2,50 10,07 10.037 45 2,69 9,12 16.279 36 2,47 7,61 5.600 54 2,94 10,65 Volume traité 8.760 par an (m3) 46 Coûts investissement 2,55 Coûts fonctionnement Coût global (3) 9,12 4.088 44 1,91 8,19 (1) classement en fonction du dimensionnement des stations. (2) coûts en euros hors taxes par m3 traités, et hors subventions sur investissements. (3)coûts en euros hors taxes par m3 traités. Amortissement des investissements sur la base de 50% en génie civil à 5% sur 12 ans et 50% en matériels à 5% sur 7 ans. 33 34 http://www.itp.asso.fr/eco/cotatio/baro/synth/pdf/2006/0603%20Effluents.pdf. Évaluation du coût de la gestion des effluents dans différents types d'exploitations porcines : Claudie GOURMELEN. Michel RIEU, 2006. Journées Recherche Porcine. 34 2.3.3 Situation de la résorption en 2007 35 La politique de résorption en zone d'excédent structurel est présentée plus loin. Progression annuelle de la résorption en ZES Situation en tonne d'azote Côte-d'Armor Finistère Ille-et-vilaine Morbihan Bretagne Progression annuelle Objectif fin d'année % d'atteinte de l'objectif 8800 128% fin 2002 6791 3190 0 1309 11290 fin 2003 fin 2004 fin 2005 fin 2006 10/2002 8634 4804 729 1323 15490 4200 17600 88% 10570 7084 862 2841 21357 5867 26400 81% 12053 8824 959 3280 25116 3759 35200 71% 13230 11087 1392 3875 29584 4468 43917 67,4% 13831 11577 4212 4212 31012 1428 43917 70,6% Avancement de la résorption par filière en tonnes d'azote Aviculture Bovins Porcins Bretagne Objectif de résorption 16.467 5.489 21.956 43.912 réalisé 13.632 339 15.578 29.549 % d'atteinte des objectifs 82,8% 6,2% 71,0% 67,3% 35 Situation au 25 avril 2007 : source MIRE et DRAF de Bretagne. 35 Avancement de la résorption de l'azote organique en ZES, par procédé de résorption En tonne Alimentation Abattement d'azote bi-phase (1) d'azote (2) Transfert d'azote(3) Gain de Réduction SPE (4) d'effectif (5) Azote Objectif de % organique résorption fin atteinte total résorbé plan d'action objectifs 22 29 35 56 3.148 2.801 730 720 2.825 4.340 165 687 8.017 7.135 3.654 238 1.925 12.952 48 0 0 0 48 675 782 260 880 2.597 13.831 11.577 1.393 4.212 31.013 17.797 15.108 3.210 7.802 43.917 77,7% 76,6% 43,4% 54,0% 70,6% Bretagne 7.399 (1) réduction à la source de la teneur en azote des effluents par un ajustement des apports alimentaires protéinés en fonction de l'âge des animaux. (2) 402 stations de traitement porcines fonctionnelles (y compris mobiles) au 31 mai 2007, concernant 545 éleveurs. (3) le transfert consiste en une exportation des effluents bruts et des co-produits de traitement vers des cantons où la quantité d'effluents d'élevage produite conduirait, si elle était totalement épandue sur place, à un apport d'azote inférieur à 140 kg par hectare de surface épandable. On intègre aussi l'azote utilisé pour la fabrication d'engrais organique et de support de culture. (4) surface potentiellement épandable (SPE) : ne sont comptabilisés que les gains obtenus par mise en oeuvre de solution d'enfouissement, de désodorisation ou de compostage des effluents. 36 3 LA DYNAMIQUE 10 DERNIERES ANNEES ENVIRONNEMENTALE DES La production porcine a un impact significatif sur l'environnement, en ce qui concerne les pollutions diffuses, pour les zones de production dense : les politiques publiques de maîtrise de ces pollutions doivent donc être examinées, dans le cadre de la présente mission, même si l'origine de ces pollutions diffuses dépasse largement le seul cadre porcin. En dehors de ces zones de production dense, l'impact de la production porcine sur les pollutions diffuses n'est en général pas suffisamment significatif pour que cet examen soit justifié, dans un rapport consacré à la production porcine et au développement durable ; il est en revanche approprié de s'intéresser à la lutte contre les nuisances susceptibles d'être induites par cette production, quelle que soit la zone de production. 3.1 Les politiques publiques relatives aux pollutions diffuses en application dans les zones de production dense 3.1.1 Articulation des différentes politiques publiques concernant les pollutions diffuses En zone d'élevage intensif, et notamment de production porcine dense, de nombreuses politiques publiques cherchent à contribuer, directement ou indirectement, à limiter l'impact des pollutions diffuses sur l'environnement. Certaines de ces politiques publiques sont thématiques, c'est-à-dire qu'elles ne s'intéressent qu'à un seul facteur environnemental considéré comme particulièrement important. C'est le cas de la lutte contre les pollutions diffuses par les nitrates, qui fait l'objet d'une déclinaison réglementaire abondante. La directive 91/676/CEE prévoit ainsi la mise en place, par les Etats-membres, de programmes d'action dans les zones vulnérables. A ce titre sont prévus l'équilibre de la fertilisation agricole, le plafonnement par exploitation des épandages de déjections animales (170 kg d'azote par hectare épandable et par an), et le respect d'un calendrier d'épandage. Des actions renforcées sont en outre mises en place si nécessaire, c'est le cas en France pour les zones d'excédent structurel (ZES), où la charge moyenne théorique des épandages dépasse ce même seuil pour l'ensemble d'un canton. C'est aussi le cas pour les zones d'action complémentaires (ZAC), correspondant aux bassins versants où la limite de 50 mg de nitrates par litre est dépassée dans des eaux brutes destinées à la consommation humaine. Ces deux zones font l'objet de prescriptions réglementaires distinctes pour les agriculteurs, elles sont définies en fonction des limites administratives pour l'une, physiques pour l'autre et ne se recouvrent pas totalement, ce qui est source de complexité. Un troisième zonage dit des « bassins versants en contentieux communautaire » a été ajouté en 2007, la Commission Européenne ayant mis en cause l'application par la France d'une directive sanitaire européenne concernant l'eau potable (directive 75/440/CEE). 37 A ces politiques thématiques réglementaires menées par l'Etat s'ajoute une politique incitative menée en Bretagne par l'Etat et les collectivités dans le cadre du contrat de projet : « poursuivre la reconquête de la qualité de l'eau et atteindre le bon état écologique des milieux aquatiques » (grand projet 5). Ce projet poursuit et élargit le programme antérieur « Bretagne Eau Pure ». Un autre ensemble réglementaire, piloté par l'Etat, interfère avec ces interventions thématiques, celui des installations classées pour la protection de l'environnement. Comme le nom même de la procédure l'indique, il ne s'agit plus, cette foisci, de s'intéresser à un thème environnemental particulier (les nitrates, par exemple), mais à un équipement (une porcherie, par exemple), et de Îrifier s'il satisfait à toutes les spécifications prévues à ce titre (par exemple pour les nuisances : bruit, odeurs...) comme au titre de l'ensemble des autres facteurs environnementaux, couverts par une réglementation particulière (loi sur l'eau, pollutions diffuses...) ou non. Cette procédure a un caractère clé d'autant plus marqué que les autorisations données à ce titre sont précédées d'une étude d'impact, d'une enquête publique et de l'avis d'une commission (CODERST36) ouverte à des sensibilités diversifiées ; une autre de ses particularités est que son très large champ d'intervention l'oblige à se prononcer sur une base jurisprudentielle pour des facteurs non couverts par une réglementation spécifique : c'est le cas, en particulier, pour le phosphore contenu dans les déjections animales. La complexité d'ensemble de cet édifice, rarement obserÎe, est telle que très peu d'acteurs en maîtrisent la totalité. Elle s'accompagne pourtant d'une relative inefficacité ; les résultats globaux en matière de pollutions diffuses doivent par exemple être considérés comme décevants (voir plus loin). 3.1.2 Le cas particulier des zones d'excédent structurel (ZES) En ZES, le principe de départ était cependant assez simple : compte tenu de la situation d'un fort excédent azoté obserÎ en 1996 dans certaines zones de Bretagne, où la production animale s'était développée pour de nombreux élevages en marge de la réglementation, un moratoire (qui n'a pas été appelé de ce nom) a été mis en place en 1997. Tout nouveau développement de la production était interdit (sauf exception) tant que la charge effective d'épandage sur les terres agricoles n'était pas réduite. Pour aboutir à cette résorption, les plus gros élevages ont été soumis à partir de janvier 1998 (circulaire Voynet ­ Le Pensec) à des obligations de moyens : traitement des effluents (pour les élevages porcins) ou « exportation » des déjections dans des zones non saturées (pour l'aviculture). En même temps, les très nombreux élevages qui opéraient hors de toute autorisation administrative ont été invités à régulariser leur situation, sur la base des effectifs dont ils disposaient en 1994. Cette opération s'est réÎlée très lourde, compte tenu du retard accumulé, elle n'a pris fin que récemment37. Cette politique nécessaire pour maîtriser un développement à l'époque incontrôlé, a été progressivement consolidée au plan juridique ; son principe continue d'être en application depuis plus de 10 ans, même si ses modalités se sont largement diversifiées (et donc aussi complexifiées) avec le temps, sous la pression d'une négociation quasiment continue. La lisibilité de cette politique est maintenant altérée, deux exemples peuvent l'illustrer : l'alimentation multi-phase, qui consiste à donner à chaque stade de la vie des porcins un aliment adapté à ses besoins spécifiques (ce qui limite donc les rejets dans les déjections), est désormais quasiment généralisée. 36 37 Conseil Départemental de l'Environnement et des Risques Naturels et Technologiques (voir décret 2006-665). Soit en général en 2005. 38 - La possibilité, ouverte en 2005 par la « restructuration externe » (décret du 31 mai 2005), de racheter des capacités de production à fermer pour en déplacer une partie sur un autre site de production où les effluents seront traités, induit une logique de « quasi-quotas » pour la production porcine en ZES. L'objectif était d'accélérer la mise en place des stations de traitement des effluents, ce qui était un enjeu réel. Son application induit toutefois un effet de rente pour les anciens producteurs, qui n'étaient pas nécessairement les moins pollueurs, financé par des producteurs d'aujourd'hui, qui respectent en général mieux l'environnement, ne serait-ce que parce que la réglementation est mieux contrôlée et qu'ils disposent d'une station de traitement : on est ici loin du principe pollueur-payeur. Ce transfert financier est d'autant plus préoccupant que le financement d'arrêts d'activité par les pouvoirs publics pourrait bien induire une hausse significative de la valorisation de cette rente38. Dix ans d'application de la politique de résorption permettent de bien en comprendre les principes fondateurs. Cette politique revient pour l'Etat à imposer une obligation de moyens, en décalage avec les principes appliqués avec fermeté aux autres types d'installations classées : l'Etat prescripteur s'en tient à imposer fermement une obligation de résultat, sans interférer avec les responsabilités propres des agents économiques. Si la nécessité d'une expertise se fait jour, le recours à un tiers est prévu. En revanche la multiplicité des rôles actuellement assumés par l'Etat en ZES le conduit à un pilotage délicat de ses propres décisions, prévoyant par exemple une obligation de traitement pour des exploitations produisant plus que le plafond cantonal, mais en ne la faisant effectivement respecter que pour les exploitations de plus de 12.500 kg. En outre, un effet indirect d'une politique centrée sur ces obligations de moyens est de conduire les services de l'Etat à focaliser plutôt leur attention sur les élevages soumis à ces obligations, au détriment d'un élargissement de leur champ d'intervention. On doit aussi observer que pour beaucoup de zones dans lesquelles les grandes exploitations sont peu représentées (zones à dominante mixte ou laitière, par exemple), la politique de résorption, eut-elle même été appliquée parfaitement, n'aurait conduit qu'à une baisse marginale des déjections animales épandues, et donc à des progrès très limités pour l'environnement : dans ces zones, il existe tout simplement trop peu d'exploitations importantes pour que la politique de résorption y soit efficace. Dans ces zones d'excédent structurel, aucune politique de réduction de fertilisation par l'azote minéral n'est dotée d'outils directement opérationnels. 3.1.3 Les SAGE et la mise en place de la directive-cadre sur l'eau La mise en oeuvre des schéma d'aménagement et de gestion des eaux (SAGE) complète les dispositions précédentes : établis sur des limites physiques d'un bassin, ces schémas sont élaborés localement par une commission de représentants des collectivités (50% des membres), d'organisations professionnelles et d'associations (25%), ainsi que de l'Etat (25%), puis approuÎs par le préfet après une très large consultation. Les décisions administratives prises dans le domaine de l'eau doivent être conformes à ce schéma39. 38 39 L'UGPVB chiffre à 425 par place de truie le montant de cette rente (mars 2008). Les dispositions du SAGE sont en outre opposables aux tiers relevant du régime de l'autorisation ou de la déclaration au titre de la loi sur l'eau, hors installations classées. 39 Cette approche territoriale par sous-bassins va être très nettement renforcée par l'application de la directive-cadre sur l'eau40. Celle-ci prévoit en effet la mise en place, par les Etatsmembres, d'objectifs de qualité définis pour chaque masse d'eau, puis des mesures nécessaires pour atteindre ces objectifs. Cette généralisation d'une approche géographique par bassin, durablement graÎe dans la législation européenne, doit nous interroger sur la pertinence du maintien des autres formes de zonage réglementaires. 3.2 Les résultats obtenus, leur interprétation Présentation synthétique des résultats 3.2.1 Les résultats obtenus en Bretagne font l'objet de très nombreuses discussions. L'indicateur le plus synthétique disponible, et le plus simple, résume la situation actuelle : mg NO3/l 45 40 35 30 valeur guide 2006 30,6 mg/l Moyenne annuelle de la concentration en Nitrates dans les eaux superficielles en Bretagne source : RNB - DIREN Bretagne 25 20 15 10 5 0 71 72 73 7 4 75 76 77 78 7 9 80 81 82 83 8 4 85 86 87 88 8 9 9 0 91 92 93 94 9 5 96 97 98 9 9 0 0 01 02 03 04 0 5 06 1 9 19 19 19 19 19 1 9 19 19 19 1 9 19 19 19 19 19 1 9 19 19 19 19 1 9 19 19 19 19 1 9 19 19 20 20 2 0 20 20 20 20 Au regard des moyens engagés en faveur de la reconquête de la qualité de l'eau, les résultats obtenus semblent relativement décevants : si la dégradation générale obserÎe pendant trente ans semble bien arrêtée, l'amélioration obserÎe au début des années 2000, et que l'on avait parfois considérée comme un effet des politiques publiques menées plus rigoureusement, reste encore à confirmer. Les résultats obtenus en 2007, qui pourraient encore marquer une légère dégradation par rapport à 2006, confirment cette analyse. Avant d'essayer d'identifier les causes potentielles d'une telle situation, il convient de rappeler deux éléments, qui doivent inciter à la prudence dans la lecture de ces résultats : La variabilité climatique influence directement le taux de nitrates dans les eaux superficielles, au titre de l'hydrologie (dilution, lessivage) comme au titre des 40 Directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire de l'eau. 40 températures (minéralisation des matières organiques). Le recul encore limité dont nous disposons sur ces phénomènes ne nous permet pas encore d'en isoler précisément les effets pour une année donnée. Le temps de réponse des milieux naturels (bassins versants) à une pression d'azote réduite présente une variabilité importante : si les « temps de réaction » (temps nécessaire à l'apparition des premiers effets) semblent assez courts (2 à 5 ans), les « temps de mise à l'équilibre » (temps nécessaire à la stabilisation des effets) pourraient atteindre jusqu'à une quinzaine d'années41. 3.2.2 Les limites de ces politiques publiques en ce qui concerne l'azote Quels que soient les aléas climatiques et le temps de réponse des milieux naturels, les améliorations durables ne peuvent provenir que d'une réduction de la pression de l'azote non capté par la Îgétation, au niveau des sols. C'est en principe l'objectif premier des politiques publiques, dont il convient de tenter d'analyser les limites après plusieurs années d'application. La mission rend ainsi compte, de manière synthétique, des réponses apportées par les acteurs de terrain à son propre questionnement42. 3.2.2.1 La notion de fertilisation équilibrée L'objectif des programmes d'action établis au titre de la directive nitrates 43, tel qu'annoncé dans l'article R. 211-81 du code de l'environnement44, est de « limiter les fuites de composés azotés à un niveau compatible avec les objectifs de restauration et de préservation, pour le paramètre nitrates, de la qualité des eaux superficielles et souterraines » ; le moyen retenu est d' « assurer l'équilibre de la fertilisation azotée de chaque parcelle » (3°). Cette dernière formulation recèle une part d'ambiguïté, dont on ne s'étonnera pas de retrouver un impact sur le terrain : pour simplifier, les agronomes considèrent qu'une fertilisation est équilibrée dès lors qu'elle n'apporte pas d'éléments en excès au regard des besoins des plantes, mais cette fertilisation raisonnée ne peut empêcher certaines fuites : celle des reliquats de fin de période de culture, par exemple ; ou bien celles qui sont associées à la lenteur et à la variabilité saisonnière de certains phénomènes naturels (minéralisation des fumiers et composts,...). Il est par ailleurs impossible de prévoir suffisamment à l'avance les mauvaises années agricoles, qui sont aussi celles où la Îgétation, croissant de manière insuffisante, ne peut pas mobiliser tous les fertilisants prévus pour elle. L'omission de l'existence d'un écart entre ce que pourrait être une fertilisation « optimale pour l'environnement » (et donc une sous-fertilisation pour l'agronome) et la fertilisation équilibrée prévue par les textes peut expliquer pour partie les résultats obserÎs. Une fertilisation équilibrée, au sens de l'agronome, ne permet pas l'arrêt total de l'entraînement de l'azote des sols vers les nappes. 41 Voir en particulier les fiches techniques et scientifiques établies par le Conseil scientifique de l'environnement de Bretagne : Pour la compréhension des bassins versants et le suivi de la qualité de l'eau (thème C , décembre 2005), ainsi que les avis et recommandations complémentaires de ce même Conseil (décembre 2006). 42 La mission précisait, dans la note d'étape qu'elle a établi le 2 novembre 2007, qu'elle interrogeait ainsi tous les partenaires qu'elle a rencontré : « Les résultats obtenus en matière environnementale vous semblent-ils à la hauteur des efforts consentis ; et si non (ou pas tout à fait) quelles explications peut-on avancer ? ». 43 Directive 91/676/CEE du 12 décembre 1991 concernant la protection des eaux contre la pollution par les nitrates à partir de sources agricoles. 44 Les programmes d'action actuellement en application sont établis sur la base juridique du décret 2001-34 du 10 janvier 2001 ; mais les termes ici cités sont rédigés de manière identique dans les deux textes. 41 La mission ne développera pas, dans le présent rapport, de propositions visant à peser sur ce point : elle doit en effet souligner que l'univers d'une sous-fertilisation agronomique est aussi celui où la question de l'indemnisation des pratiques agricoles est posée. Cependant la mise en oeuvre de la directive cadre sur l'eau, qui assigne à des indicateurs environnementaux des obligations de résultat dont des raisons économiques justifiées peuvent seulement retarder l'échéance, risque fort de poser à terme rapproché des questions équivalentes. 3.2.2.2 Les retombées ammoniacales et d'oxydes d'azote Les élevages porcins, comme les autres élevages, font partie des activités économiques qui émettent de l'azote ammoniacal, sous forme gazeuse. Ce type d'émission, qui contribue à l'acidification des précipitations, et, indirectement, à l'effet de serre, est désormais encadré par la législation européenne45 ; les élevages porcins les plus importants sont par exemple déjà tenus à des obligations déclaratives à ce titre. Indépendamment des nuisances créées par l'ammoniac sous forme gazeuse, ces émissions ne sont pas sans conséquence sur les sols : en période de pluie, une partie de ces émissions contribue à alimenter en azote les sols alentour. Une autre alimentation en azote des sols provient de l'activité humaine en général, les oxydes d'azote (Nox) émis en particulier par les moteurs thermiques de toute nature (transport des personnes et des marchandises, etc.) y contribue. Compte tenu des écarts d'estimation mentionnés dans les publications auxquelles elle a eu accès46, la mission n'est pas en mesure de chiffrer précisément ces apports ; la mission recommande donc qu'un travail scientifique complémentaire et/ou un développement des réseaux de mesure actuellement limités aux seules zones forestières puisse réduire les fourchettes d'évaluation jusqu'ici avancées. Ces apports pourraient être considérés comme faibles pour les zones d'élevage peu denses. Il est en revanche probable que ces apports doivent être considérés comme significatifs, au regard de l'équilibre de la fertilisation azotée, dans des zones d'élevage particulièrement dense. Pour autant, il serait inexact d'affirmer qu'il n'est pas tenu compte de ces apports, dans la mesure où ils sont en général47 inclus dans les références de production publiées par le CORPEN (voir ci-dessous). Il ne semble donc pas exister d'erreur systématique. Le problème est que les périmètres d'épandage et les zones de retombées ne sont pas identiques, ce qui induit une imprécision dans les calculs de fertilisation. Les agriculteurs ayant besoin de garantir leur production sont alors indirectement incités à rechercher le soutien d'une fertilisation complémentaire. La mission ne présentera pas d'autres propositions spécifiquement consacrées à ce point, dont l'encadrement communautaire est en cours de mise en place. Mais, comme pour le point précédent, elle doit souligner que le « bruit de fond » induit par ces émissions peut contribuer à une moindre réponse des milieux qu'attendu. 45 Directive 2001/81/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2001 fixant des plafonds d'émission nationaux pour certains polluants atmosphériques. 46 En particulier : Bilan global des émissions d'azote gazeux d'origine agricole en Bretagne, Emmanuelle LE DROFF, Chambre d'Agriculture de Bretagne DRIRE-DRAF, mars 2000. 47 Un point reste toutefois à Îrifier, celui des émissions dans les bâtiments avant stockage. 42 3.2.2.3 Les références de production d'azote par animal Le CORPEN établit en France les références de production d'azote dans les déjections animales. Les dernières références porcines ont été publiées en 2003. A l'exception d'un débat en cours concernant la production ammoniacale et ses retombées ultérieures48 (voir ci-dessus), ainsi qu'une recherche d'explication d'écarts releÎs lors de mesures non systématiques à l'épandage, la mission n'a pas identifié de différent fondamental portant sur les références porcines. Après qu'elles aient été longtemps sous-estimées, les références bovines ont été revalorisées en 2001. Mais ce ne sont pas ces références elles-mêmes qui sont utilisées pour calculer la production d'azote par animal présent, des données forfaitaires déterminées par une circulaire interministérielle s'y sont substituées (circulaire PMPOA du 15 mai 2003, annexe 4.2.2). Cette pratique aboutit à sous-estimer49 les quantités épandues, en particulier pour les productions à l'herbe. Même si cette sous-estimation est contrebalancée, en bonnes terres toujours en herbe, par une sous-estimation des capacités de mobilisation de l'azote, il ne semble guère sain de s'enfermer dans une double erreur d'estimation. L'actualisation de ces références est donc à recommander, elle sera d'autant plus nécessaire que l'accroissement de la production laitière est désormais prévu à court terme. Il convient d'ailleurs de souligner qu'une fois un indispensable rattrapage effectué, la baisse régulière des déjections émises par unité de production agricole (c'est à dire, par exemple, par kg de viande ou de lait produit) devrait se poursuivre, la meilleure efficacité alimentaire issue des programmes de sélection animale s'accompagnant d'une réduction proportionnelle des déjections. Ce constat est déjà effectif s'agissant de la production porcine. 3.2.2.4 Les délais de mise en oeuvre des investissements prévus dans les exploitations Les politiques les plus coûteuses, pour les pouvoirs publics comme pour les agriculteurs euxmêmes, sont celles qui passent par des investissements réalisés sur les exploitations : construction et mise en service de stations de traitement des effluents d'élevage, pour les éleveurs soumis à cette obligation, ou création de volumes de stockage dans le cadre du PMPOA, plus généralement. Même si le volume global des engagements pris pour ces actions se réÏle conforme aux attentes (PMPOA), leur mise en service effective est très décalée dans le temps par rapport aux prévisions initiales. L'objectif de la mission n'est pas ici d'analyser si ce retard est ou non justifié ; mais de constater que l'ampleur de ce retard a nécessairement un impact sur la qualité de l'eau. En effet les exploitations ne réduisent pas, en général, leur cheptel en attendant qu'une station de traitement des effluents d'élevage soit opérationnelle ; de même dans une exploitation dont la « mise aux normes » (PMPOA) est retardée, des écoulements directs d'effluents vers les milieux naturels ne sont pas nécessairement exclus ; il paraît en tous cas peu probable que le calendrier des épandages soit exactement respecté. 48 Une partie de l'azote inclus dans les références mesurées à l'émission à l'élevage contribue aux émissions ammoniacales, dont une autre partie retombe sur les sols autour de l'élevage. 49 Cette sous-estimation est indirectement confirmée par les écarts releÎs avec les références retenues dans les autres Etatsmembres. Ces écarts s'expliquaient tant que la génétique française était en retard par rapport à ses grands concurrents européens producteurs laitiers. La génétique laitière française figure désormais parmi les plus efficientes au niveau mondial. 43 Il est difficile d'imaginer accélérer brutalement un calendrier qui dépend, pour partie, d'un plan de charge des entreprises (bâtiment, etc.) sollicitées. Mais la facilité avec laquelle l'administration semble accorder des délais d'exécution encore allongés, pour la réalisation des investissements subventionnés50, appelle cependant une réaction appropriée. 3.2.2.5 Le calcul de la fertilisation Les modalités de calcul de la fertilisation ont été préparées en Bretagne de manière méthodique, l'administration y agrée les références utilisées dans les logiciels préparant les plans de fumure. Deux points mériteraient cependant d'être encore approfondis : certains éléments techniques laissent craindre une sous-estimation des effets de report de la fertilisation d'une année sur l'autre, en particulier pour des parcelles épandues chaque année. La mesure des reliquats d'azote dans les sols peut avoir deux fonctions : effectuée juste après (ou peu avant) la récolte, elle permet de Îrifier, a posteriori, que la culture précédente n'a pas été fertilisée à l'excès ; effectuée en sortie d'hiver ou au printemps, avant les semis de mais ou avant la première fertilisation sur blé, elle permet de quantifier l'azote minéral disponible dans les sols après l'hiver, azote qu'il ne sera pas nécessaire d'apporter en cours de campagne à venir. Mesurer les reliquats est donc un acte important en vue du pilotage de la fertilisation. - Cette mesure n'est toutefois pas généralisée, ni peut-être même généralisable, en zone d'élevage, où les parcelles agricoles sont souvent de taille limitée : le coût des prélèvements (qui doivent suivre un protocole précis) et des analyses se réÏlerait trop éleÎ par rapport aux marges dégagées, si ces mesures étaient généralisées. Chaque année en Bretagne les Chambres d'Agriculture mesurent les reliquats de fin d'hiver sur des parcelles témoin, ce qui permet une estimation des effets du climat (lessivage, minéralisation), variables selon les années. La difficulté de méthode tient ensuite à l'extension de ces estimations à chaque parcelle : l'historique de celle-ci (sur-fertilisation éventuelle, etc.) peut être à cette occasion oublié. Rien ne garantit, en tous cas, qu'une estimation correcte de ces reliquats soit employée par les prestataires chargés de préparer les plans de fumure pour le compte des agriculteurs, ni par les agriculteurs eux-mêmes ; l'usage assez répandu de reliquats standards est en tous cas un sujet de préoccupation. Il peut en résulter une sur-fertilisation non négligeable, par exemple pour des parcelles proches du siège d'exploitation, où des épandages fréquents ont pu avoir lieu les années précédentes, et qui peuvent ainsi faire l'objet d'une préconisation excessive. La mission estime que ces types de cas devraient être détectés et suivis. 3.2.2.6 Le contrôle de la fertilisation Les plans d'action ont prévu de rendre obligatoires, dans les zones vulnérables, deux outils permettant de prévoir une fertilisation équilibrée (au sens agronomique du terme), puis d'en tracer l'exécution : le plan prévisionnel de fumure, exigible au printemps, et le cahier de fertilisation. 50 Il doit être souligné qu'une telle décision accorde aussi de fait une dérogation aux plans d'action. 44 Depuis 2002, la généralisation de ces outils en zone de production dense a fait des progrès remarquables ; et depuis 2005 la mise en oeuvre de l'éco-conditionnalité au titre des soutiens directs de la PAC a montré que la Bretagne était sur ce point en avance par rapport au reste de la France. Ce succès n'est cependant pas sans nuances. Depuis 2002 des contrôles répétés à taux éleÎ (10% annuels) y ont sûrement contribué. Ce taux est même actuellement porté à 50% en bassin versant à contentieux. Mais ces contrôles se sont jusqu'ici surtout limités au respect des obligations de chaque agriculteur sur la forme (existence d'un plan prévisionnel de fumure et d'un cahier de fertilisation), sans en Îrifier de manière approfondie le contenu sur le fond : ces contrôles ne sont pas en mesure d'attester que la fertilisation a été correctement préconisée ni qu'elle a été effectuée, à la dose prévue et selon le calendrier adéquat, sauf à « mettre un gendarme derrière chaque agriculteur », ce qui est bien entendu difficilement envisageable. De nombreux prestataires proposent désormais aux agriculteurs un service, généralement facturé quelques centaines d'euros par an, visant à calculer les plans prévisionnels de fumure (ce qui est certainement une aide précieuse), et à présenter à l'administration la fertilisation effectuée sur un document automatisé (l'utilité réelle de l'automatisation est ici beaucoup plus discutable). A cette occasion, on peut craindre que la forme n'ait pris le pas sur le fond, et que le résultat de la fertilisation ne soit pas nécessairement équilibré par rapport aux besoins de la culture. Sans être en soi probantes, certaines anecdotes rapportées par les équipes de contrôle des DDAF et/ou DDSV illustrent ce risque de dérive collective : il s'est vu, par exemple, de rencontrer un cahier de fertilisation automatisé qui mentionnait par avance la date d'une récolte non encore effectuée ; ou de présenter au contrôle un plan de fumure portant automatiquement une date d'impression remontant à 48 heures, au moment où le contrôle a été annoncé à l'éleveur. L'ensemble de ce dispositif coûte cher, aux agriculteurs qui ont massivement recours à la sous-traitance, comme aux pouvoirs publics qui diligentent des contrôles devenus peu utiles. S'il apparaît nécessaire d'objectiver le processus de la mise en oeuvre d'une fertilisation équilibrée par l'utilisation d'outils tels que le plan de fumure prévisionnel et le cahier de fertilisation, il serait opportun de mieux définir les conditions de leur mise en oeuvre, ainsi que les processus permettant d'en mesurer l'efficacité par rapport au résultat attendu. 3.2.2.7 Le principe d'un plafonnement des épandages à 170 kg d'azote organique par hectare En application directe de la directive nitrates, l'azote apporté aux sols par les effluents d'origine animale (lisiers, fumiers, composts,..) doit être limité à 170 kg par hectare épandable et par an, à l'échelle de l'exploitation. Cette limite correspond sensiblement à l'équilibre agronomique de la fertilisation (c'est à dire aux besoins des plantes) pour un assolement courant dans des terres de bon potentiel agronomique. Mais l'équilibre de la fertilisation peut aussi se rencontrer à des niveaux supérieurs (si le rendement Îgétal accepte des apports d'azote importants en bonnes terres), comme à des niveaux inférieurs (en petites terres, ou avec des cultures ayant de faibles besoins en azote). 45 Ce constat renvoie à deux questions complémentaires: Le respect de ce niveau réglementaire est-il garant d'un équilibre (agronomique) de la fertilisation, parcelle par parcelle ? A quelles occasions le respect de ce plafond est-il Îrifié, et quelles conséquences en tire-t-on ? La répartition géographique des épandages Même dans les cas où la limite des 170 kg d'azote organique à l'hectare en moyenne sur l'exploitation est fondée au plan agronomique, son respect ne garantit pas une limitation adéquate des fuites de nitrates vers les nappes pour chaque parcelle, si le calendrier et la répartition spatiale des effluents sur l'exploitation sont incorrects. Les habitudes d'un apport excessif d'effluents sur maïs51 sont certainement en régression en Bretagne, les épandages sur blé, par exemple, se développent. Est-on cependant certain que certaines parcelles, en maïs et proches des bâtiments d'élevage, ne soient pas sur-fertilisées par rapport à des parcelles plus lointaines ? Les procédures de contrôle actuelles ne peuvent en tous cas pas le garantir. Ce point quelque peu préoccupant est à relier à un autre phénomène : la procédure d'instruction d'une autorisation au titre des installations classées est lourde, et comme à chaque fois qu'une telle particularité se présente, l'attention du maître d'ouvrage comme celle des services de contrôle est certainement moins vigilante pour la mise à jour ultérieure du plan d'épandage, probablement imparfaite. Mais à quoi sert un plan d'épandage initial parfait si la réalité, ajustée d'une année à l'autre, peut être différente ? Deux éléments permettent d'illustrer ce propos : la relation contractuelle entre un agriculteur « prêteur de terres » (qui accepte sur son exploitation l'épandage d'effluents provenant d'un autre élevage) et l'installation classée qui produit ces effluents n'est pas encadrée par le code rural, pourtant prolixe en procédures foncières dirigistes 52. Cette particularité aboutit à une certaine absurdité administrative, le demandeur prépare pendant plusieurs mois, souvent à grands frais, un dossier de demande d'autorisation, que les pouvoirs publics mettent une année à valider, voire plus, alors que le tiers qui autorise effectivement ces épandages peut éventuellement revenir sur son accord sans délai. Ce ne serait pas pour autant une bonne idée, aux yeux de la mission que de chercher à rigidifier ce type de contrat (voir plus loin), ces dispositions nouvelles seraient probablement contournées. En principe l'administration dispose déjà de la possibilité d'effectuer certaines Îrifications annuelles, ne serait-ce qu'en détectant, à l'aide des fichiers des déclarations annuelles de surface au titre de la PAC (détenus par les DDAF), que le « prêteur de terres » autorisé (par la DDSV) n'a pas cessé d'exploiter. Est-ce un effet de la bi-polarité des administrations de terrain (DDAF et DDSV) dépendant du Ministère de l'Agriculture ? Ce suivi, automatisable, n'est en tous cas pas effectué. - 51 52 Le maïs est une culture tolérante vis à vis des excès d'azote. Il faut par exemple rappeler que la totalité du statut du fermage est d'ordre public, c'est à dire qu'il ne laisse pratiquement pas de liberté aux parties pour déterminer les détails du contrat de bail. 46 En outre, le lien direct, imposé par la réglementation, entre l'exploitation produisant les effluents et les terres de son voisin « prêtées » pour l'épandage atteint des limites évidentes s'il conduit à reprendre la totalité d'un dossier simplement pour remplacer un fournisseur d'effluents par un autre. Ce double constat milite pour une certaine souplesse dans l'adaptation des plans d'épandage, dès lors que le droit des tiers serait garanti : il ne doit pas s'agir d'inclure de nouvelles parcelles ni d'augmenter les nuisances (remplacer un enfouissement de lisier par un épandage simple, par exemple). Cette plus grande souplesse serait associée à un suivi annuel renforcé des épandages effectués (voir plus loin). La Îrification de la limite des 170 kg d'azote organique à l'hectare Le respect du plafond des 170 kg d'azote organique par hectare épandable et par an est Îrifié à l'occasion des procédures concernant spécifiquement l'environnement, par exemple l'instruction d'une demande d'autorisation au titre des installations classées, ou l'octroi d'une subvention au titre du PMPOA. Cette Îrification est toutefois moins systématique lors de l'instruction de procédures spécifiquement agricoles, comme par exemple lors de l'octroi de quotas laitiers supplémentaires, qui doit être conditionné au non dépassement de ce seuil, compte tenu de l'incidence des quotas à distribuer. L'octroi des aides à l'installation devrait également être conditionné au respect de ce seuil, l'exploitation qui ne respecte pas ce point important pouvant difficilement être considérée comme viable au plan économique. L'application de ces principes est cependant inégale selon les départements. Il s'agit certes de procédures agricoles. Mais si l'on peut dans certains cas être convaincu de la difficulté économique à réduire sans délai un chargement animal excédant la limite des 170 kg d'azote organique à l'hectare épandable, compte tenu par exemple d'investissements antérieurement effectués, on ne peut pas dans le même temps accepter que des exploitations s'engagent économiquement pour des durées longues (installation, augmentation de production) sans Îrifier ce critère essentiel. Comme il a déjà été évoqué plus haut, le respect des 170 kg d'azote organique épandu par hectare et par an n'est pas, en soi, une garantie totale de l'équilibre agronomique de la fertilisation : celui-ci dépend des cultures, de la qualité des terres, du calendrier d'apport, etc. C'est d'ailleurs pourquoi on peut s'inquiéter de la tendance, rapportée par les interlocuteurs de la mission, à présenter à l'autorisation préfectorale au titre des installations classées des plans d'épandage calés à 169 kg d'azote : la réalité des cultures et des rendements justifie-telle vraiment cette ambition ? La mission considère toutefois que ce serait une erreur, sur la base de ces arguments, que de trop relativiser le critère des 170 kg d'azote organique, que sa simplicité rend facilement utilisable : il convient, au contraire, de l'utiliser plus largement qu'aujourd'hui (voir plus loin). 3.2.2.8 Le régime des sanctions En principe les défaillances releÎes dans la préparation d'un plan de fumure ou la traçabilité de la fertilisation relèvent de sanctions pénales. Ceci a pu conduire, en zone de production dense, les DDAF à multiplier les avertissements en cas de défaillance aÎrée, avec l'accord du procureur de la République. 47 L'emploi de sanctions effectives se réÏle de fait disproportionné, les sanctions pénales (amendes, etc.) étant très rarement prononcées sur la base de ce seul constat, qui doit être en outre établi par du personnel assermenté. Une autre disproportion peut également s'observer au titre de la conditionnalité des soutiens directs de la PAC : l'absence de plusieurs données dans un plan de fumure ou un cahier de fertilisation peut aboutir à des sanctions effectives (1% d'aides en moins), alors que dans ce cas la sur-fertilisation est possible sans être certaine. A l'inverse le dépassement de la limite des 170 kg d'azote organique à l'hectare, qui établit une sur-fertilisation très probable, n'est sanctionné que s'il atteint le seuil éleÎ de 225 kg. Ce double constat accentue la nature trop formelle des contrôles releÎe plus haut. 3.2.2.9 Une baisse de la fertilisation minérale moins marquée qu'attendu Selon les chiffres de l'Union des industries de la fertilisation53, la vente d'azote minéral a décru plus vite en Bretagne (-19,5%) qu'en France entière (-11,6%) sur les 7 années qui ont précédé la campagne 2005-2006. Cet écart est appréciable ; mais la réduction obserÎe pendant la période du plan d'action breton est cependant plus faible (16.000t) qu'attendu (30.000t). Une des explications avancées sur le terrain est que la substitution d'un plan d'épandage par un autre, lorsque le premier éleveur est soumis en ZES à l'obligation de traiter ses effluents, serait très imparfaite : l'azote organique serait ainsi parfois remplacé par de l'azote minéral. Personne ne se risque à chiffrer ce phénomène, qui, s'il était largement confirmé, saperait l'un des principes sur lesquels la politique de résorption a été bâtie. Les résultats moindres qu'attendus tiennent peut-être aussi, en partie, aux conditions dans lesquels sont formulés les conseils de fertilisation. Ceux-ci mobilisent, dans les zones de production dense, de très nombreux intervenants. La certification des organismes de conseil, engagée en Bretagne, n'a pas été jusqu'à prévoir pour la fertilisation une séparation totale, au niveau des agents comme au niveau des organisations, entre les fonctions de prescription et les fonctions de commercialisation. D'autres zones excédentaires ont toutefois fait un choix différent ; il faut ainsi signaler qu'au Canada (Québec), dont la proximité de la culture anglo-saxonne garantit un bon pragmatisme, cette séparation est en application, malgré des difficultés pratiques évidentes pour sa mise en application. Sans proposer une réforme d'ensemble en France, qui dépasserait visiblement le cadre de cette mission, ce rapport propose cependant de faire un pas dans le sens d'une clarification des responsabilités de chaque intervenant (voir plus loin). 3.2.2.10 Avis global sur la fertilisation azotée Au total, les outils de suivi de la fertilisation (plans de fumure et cahiers de fertilisation), apparemment bien diffusés, ne permettent pas de confirmer tous les espoirs qu'ils avaient suscités. Des contrôles récents réalisés dans le Morbihan parmi des catégories d'éleveurs jusqu'ici peu suivies illustrent cette déception. Deux raisons fondamentales se conjuguent qui conduisent à ce constat : d'une part ces outils ne sont probablement pas encore mis en oeuvre avec toute la rigueur nécessaire, et à ce titre la mission doit présenter des propositions d'adaptation. 53 Chiffres cités par l' «Evaluation du plan d'action pour un développement pérenne de l'agriculture, de l'agroalimentaire et pour la reconquête de la qualité de l'eau en Bretagne, note pour le comité de pilotage du 1/12/06, préfecture de région Bretagne (page 9). 48 D'autre part, dans un univers où l'excès d'azote est très fréquent, l'argument d'économies attendues sur les intrants, du fait d'une fertilisation raisonnée, est probablement moins puissant que dans les zones où l'azote n'est pas structurellement excédentaire. A l'extrême, l'azote n'a pas de coût, ce qui compte c'est de s'en débarrasser. A l'inverse, on peut noter qu'à cause d'un effet de seuil, le risque d'une sous-fertilisation est peut-être plus pénalisant pour un élevage, qui peut craindre une rupture dans ses stocks d'alimentation hivernale, que pour les cultures de vente. La fertilisation équilibrée ne va pas alors nécessairement de soi, ce qui a conduit la mission à proposer de procédures d'adaptation des contrôles. 3.2.2.11 Les limites liées aux politiques publiques elles-mêmes : la quantification économique des actions La reconquête de la qualité de l'eau a justifié de nombreuses actions publiques ; mais même dans les documents les plus synthétiques, aucune estimation physique des résultats à attendre de chaque action n'est associée aux actions proposées ou réalisées : on sait ce que coûte (ou coûtera) la mesure, on ne quantifie pas pour autant son impact technique en unités comparables, par exemple en tonnes d'azote organique ou minéral non apportées au niveau des sols chaque année. L'absence d'un tel indicateur commun rend très difficile l'analyse comparative de l'efficacité potentielle ou obserÎe des différentes mesures. Cette remarque est à rapprocher de nombreuses observations faites sur l'application insuffisante du principe pollueur-payeur en ce domaine54. 3.3 Le jeu des acteurs Stratégie environnementale de la filière porcine. 3.3.1 En mars 2003, le premier document émis au titre du « rapport PORRY55 » résumait le positionnement historique de la filière porcine, au regard des questions d'environnement, en indiquant que son « succès notable... a trop longtemps négligé les contraintes environnementales ». Deux éléments-clé apparaissent dans cette formulation ramassée, la notion de délai, et la mention d'une démarche contrainte. La recherche de délais supplémentaires a été dominante au moins jusque vers la fin des années 1990. A cette époque, l'Etat a affiché dans les zones de production dense une stratégie d'ensemble, dénommée résorption (instruction aux préfets du 21 janvier 1998, dite « circulaire VOYNET ­ LE PENSEC ») ; la volonté de l'Etat de mettre en oeuvre une politique plus restrictive s'est affirmée à partir de l'année 2000. Un abattage de truies excédentaires décidé par l'Etat, symbolique, est par exemple intervenu dans le Finistère en juillet 200156. 54 Voir en particulier le rapport de la Cour des Comptes : la préservation de la ressource en eau face aux pollutions d'origine agricole : le cas de la Bretagne (février 2002). 55 Jacques GUIBE, André MANFREDI, Jean-Louis PORRY, Jean-Marie TRAVERS : L'avenir de la filière porcine française, Analyse générale (Comité permanent de coordination des inspections du Ministère chargé de l'Agriculture, 17 mars 2003), page 3. 56 Le 24 juillet 2001, le préfet du Finistère a fait abattre d'office, aux frais de l'exploitant et avec le concours de la force publique, plus de 400 truies excédent l'autorisation d'un établissement classé. 49 La filière porcine, dont l'importance économique en Bretagne était en jeu, a alors développé une stratégie visant à s'adapter à des règles environnementales ressenties comme nouvelles. Cette stratégie d'adaptation comprend trois caractéristiques remarquables : La production porcine a engagé un effort sans précédent d'investissement à des fins environnementales, constitué pour l'essentiel de stations d'épuration nouvellement construites ; l'énergie dont a été historiquement capable la filière bretonne s'est ici à nouveau manifestée. Cet effort a eu des effets très positifs en termes de savoir faire technique, l'engagement de certains groupes économiques ayant permis le développement de Îritables filières industrielles de traitement des effluents porcins, et même dans certains cas de distribution des co-produits. Cet acquis, à consolider, est désormais essentiel pour la filière française. La filière porcine a participé à des structures de dialogue avec le reste de la société, y compris avec des sensibilités environnementales marquées, comme par exemple au sein du comité de pilotage du plan d'action breton57. Cette participation répondait toutefois plus aux initiatives des pouvoirs publics qu'à une dynamique propre à la filière. La qualité de ce dialogue est inégale, dans cet exemple elle a été altérée à l'occasion de la mise en place des règles dites de « restructuration externe des élevages », les principaux acteurs n'ayant pas réussi à définir un compromis durable sur un élément-clé pilotant l'équilibre entre objectifs économiques et objectifs environnementaux associés à ces règles. En même temps, la filière porcine n'a pas complètement cessé d'intervenir, auprès des pouvoirs publics, pour chercher à retarder, autant que faire se pouvait, l'application de règles environnementales. Il convient ici de bien préciser le point de vue de la mission : celle-ci ne considère pas que le principe de telles interventions soit choquant, pour autant qu'elles soient argumentées, et, si possible, accompagnées de propositions alternatives: les pouvoirs publics ne peuvent pas connaître a priori tous les problèmes de tous les agents économiques, et il leur appartient bien, in fine, de prendre les décisions nécessaires. - - Si le principe de ces interventions ne peut être mis en cause, leurs résultats peuvent se réÎler moins fructueux. La filière se plaint ainsi souvent que les règles environnementales ne changent trop rapidement. Face à une demande sociale très forte en ce domaine, ce n'est à l'inverse qu'en admettant des exigences de bon niveau qu'une réglementation peut se réÎler durable. L'instabilité est en revanche particulièrement marquée quand les pouvoirs publics finissent par accepter une application « réglementaire » si atténuée qu'elle ne peut conduire qu'à être suivie d'un mouvement inverse initié par voie jurisprudentielle : l'instabilité réglementaire n'est plus alors contrôlée par aucun acteur. Globalement, la stratégie de la filière porcine au regard des questions d'environnement présente ainsi un caractère plutôt défensif : elle a du mal à anticiper, pour protéger son image ou pour élaborer des propositions en matière d'environnement58, comme le font certaines grandes branches industrielles pourtant réputées polluantes. Un dialogue inabouti avec le reste de la société, en particulier avec ses sensibilités environnementales, ne permet guère à cette filière de valoriser des efforts économiquement lourds en faveur de l'environnement, pourtant 57 Plan d'action pour un développement pérenne de l'agriculture, de l'agroalimentaire et pour la reconquête de la qualité de l'eau en Bretagne. 58 L'exception est bien entendu la proposition de « restructuration externe » des élevages, formulée en 2002 en Bretagne. Mais il s'agit tout autant, voire plus, d'une proposition dans le domaine économique que dans le domaine environnemental. 50 indéniables. Cette situation est d'autant plus dommageable que pendant le même temps la filière réussit mal à faire comprendre les enjeux économiques réels auxquels elle est ellemême confrontée. 3.3.2 3.3.2.1 Les associations En zone de production peu dense Il serait délicat pour la mission d'asséner des affirmations définitives sans avoir pu enquêter de manière détaillée dans un grand nombre de départements français. Globalement, la plupart des observateurs s'accordent cependant à considérer que l'approche des associations locales vis à vis de l'élevage porcin est assez facilement négative par réflexe, portée par une image défavorable de la production porcine : le projet de développement d'un seul élevage porcin peut ainsi susciter des oppositions farouches, assez souvent soutenues par des élus, argumentées par la volonté de ne pas recommencer ailleurs les « erreurs environnementales commises en Bretagne ». De fait, on peut plutôt imaginer que cette logique très locale soit d'abord motiÎe par la volonté d'échapper à des nuisances (odeurs,...), considérées comme inévitables pour ce type d'élevage. L'approche réaliste et mesurée d' organisations nationales représentatives, telles France Nature Environnement qui accepte sans objection de principe l'autorisation d'implanter des unités d'élevages dès lors qu'elles sont conformes aux règles, correspond à une défense de l'environnement en tant que tel ; mais elle ne peut suffire à freiner le puissant développement dans la société française de ces logiques locales très défensives 59. La rationalité de ce type d'oppositions est considérée comme discutable par la filière porcine. Mais ce n'est pas pour autant, aux yeux de la mission, qu'il faille simplifier sans précaution les procédures publiques d'encadrement du développement de l'élevage porcin (installations classées,...), sauf à prendre le risque de blocages encore plus nets, sans capacité locale des pouvoirs publics à arbitrer (voir plus loin). 3.3.2.2 En zone de production dense De très sérieux problèmes environnementaux, en particulier quant à la qualité des eaux superficielles, ont été induits par le développement, dans un univers d'élevages déjà denses, d'un élevage porcin et avicole « hors sol », c'est à dire sans les superficies agricoles nécessaires à la production des aliments pour les porcs (céréales...) comme à l'épandage de leurs effluents. La vigilance des pouvoirs publics, pour équilibrer le débat entre les valeurs du développement durable (développement économique d'une part, environnement d'autre part), s'est en effet affirmée tardivement. Ce constat indéniable, ainsi que la lenteur de la reconquête annoncée de la qualité des eaux en Bretagne, justifient aux yeux des associations le maintien d'une vigilance particulière à l'égard de l'élevage porcin. La délicate question des nuisances (odeurs des élevages et des épandages,...) ne constitue-telle pas cependant, aux yeux d'une partie des adhérents de base, une raison supplémentaire de mobilisation ? En tous cas, l'expression spontanée de griefs vis à vis de la production porcine associe souvent ces questions de nuisances à celle de la qualité des eaux, et parfois même à un rejet général du système de production le plus représenté en production porcine. Le discours 59 Les sociologues américains ont baptisé « NIMBY » ce syndrome désormais bien identifié dans toutes nos sociétés contemporaines (Not In My Back Yard : pas dans la cour derrière chez moi), en référence à des projets d'investissement dont l'utilité collective n'est pas nécessairement contestée, à condition qu'ils s'implantent ailleurs que près de chez vous. 51 se développe alors dans trois dimensions : deux concernent directement l'environnement, au titre des milieux naturels ou des nuisances60 ; la troisième relève plus d'un débat général concernant notre modèle de société, et son rapport avec les activités productives. 3.3.3 Les pouvoirs publics Le « rapport BARON » soulignait en 2001 la dimension formelle 61 de la réglementation environnementale appliquée aux élevages en zone de production dense, relevant une volonté insuffisante des pouvoirs publics d'en obtenir une application réelle. Il est vrai que l'on dénombrait alors plusieurs milliers d'élevages en Bretagne en marge de la légalité, les procédures prévues depuis 1975 (date à laquelle les élevages de porc ont été soumis en France à la législation relative aux installations classées), 1994 (date de référence retenue par les pouvoirs publics pour régulariser les élevages existants) et 1998 (date à laquelle les pouvoirs publics ont arrêté les bases de la politique de résorption toujours en application) commençaient seulement à être systématiquement appliquées. Cette situation de retard généralisé ne semble plus d'actualité, et le stock d'élevages « à régulariser » n'existe d'ailleurs plus. La volonté des pouvoirs publics d'équilibrer développement économique et protection de l'environnement a été soulignée à de très nombreuses reprises, y compris par les Ministres chargés de l'Environnement et/ou de l'Agriculture eux-mêmes. De nombreuses initiatives ont été prises pour développer un dialogue constructif, en particulier entre représentants des agriculteurs et associations de protection de l'environnement. De nombreuses procédures de contrôle, sans précédent, ont été mises en place. Des raisons de préoccupation perdurent néanmoins. Le caractère constructif de ce dialogue peine à se maintenir dans la durée, au point que de très vives tensions se sont par exemple à nouveau réÎlées au cours de l'année 2007, à l'occasion d'un large débat sur le contentieux communautaire. Plusieurs des politiques publiques appliquées jusqu'alors viennent à échéance fin 2007 (voire fin 2006), sans que l'on puisse encore localiser avec précision quelles sont les hypothèses à l'étude pour leurs suites, ni les lieux où elles seront débattues. Des signes de vieillissement des choix opérés précédemment apparaissent, le plus inquiétant étant la montée d'un nouveau formalisme de contrôle administratif (voir plus haut), qui n'est satisfaisant ni pour les éleveurs, soumis à des procédures dont certaines suscitent le doute quant à leur efficacité, ni pour l'environnement, ni au regard d'une saine gestion des fonds publics. 3.3.4 Evaluation générale sur le jeu des acteurs Mesurée à l'aune de l'année 2007, la dynamique des acteurs se caractérise par une grande difficulté à développer des collaborations constructives, et parfois même simplement à maintenir un dialogue réel entre les parties prenantes. On ne peut s `étonner, dans ce contexte, de constater un nouveau développement du recours au contentieux (administratif surtout), chaque partie cherchant à obtenir du juge ce qu'elle ne peut obtenir d'un dialogue inacheÎ. Le respect d'un état de droit est l'une des valeurs fondamentales de la République ; mais la mission se doit aussi de souligner que cette 60 61 La prévention des nuisances fait partie du code de l'environnement, au titre des installations classées par exemple. « La priorité a été donnée au respect formel de la procédure et non au aux conséquences réelles sur l'environnement de chaque projet d'élevage ». Paul BARON, François BARTHELEMY, Michel BOUVIER, Xavier MARTIN, Jean-Pierre VOGLER : Elevages et fonctionnement du conseil départemental d'hygiène en Ille-et-Vilaine, 20 mars 2001 (page 4). 52 orientation, à supposer qu'elle perdure indéfiniment, n'apporterait aux parties aucune garantie que ses attentes les plus fondamentales soient satisfaites : les tribunaux Îrifient le respect du droit, non une équité abstraite ou l'adaptation à une situation particulière d'une procédure réglementaire. La qualité juridique irrégulière de procédures parfois mal conçues ou mal mises en oeuvre facilite malheureusement une telle fuite en avant. 3.4 Le régime des installations classées pour la protection de l'environnement. Comme exposé ci-dessus, la prévention des nuisances relève du dispositif des installations classées pour la protection de l'environnement, lui-même encadré par le dispositif communautaire dit « IPPC ». L'application de cette réglementation est pilotée pour les élevages par les services de l'Etat (directions départementales des services Îtérinaires) ; selon sa taille l'élevage relève d'une autorisation préalable de l'autorité administrative (préfet) donnée après enquête publique, ou d'une déclaration dont il est simplement donné récépissé. Les élevages soumis à déclaration doivent cependant respecter un arrêté définissant leurs obligations ; comme les élevages soumis à autorisation, ils peuvent être contrôlés par un inspecteur des installations classées disposant de larges pouvoirs. Cette procédure est appliquée à de nombreux secteurs industriels, y compris pour l'agroalimentaire. Son très large champ d'application, son antériorité, ses très nombreux instruments possibles d'intervention (incluant par exemple jusqu'à des mesures de consignation financière ou des travaux exécutés d'office), la place qu'elle accorde au public, aux élus et aux associations au travers de procédures de consultation minutieuses, le sérieux avec lequel elle est désormais généralement appliquée y compris pour les élevages en fait une procédure reconnue. La limite entre les deux procédures (autorisation ou déclaration) se situe depuis 1975 à hauteur de 450 porcs, elle est nettement inférieure au plafond communautaire défini pour cette activité par la directive IPPC ; cette limite n'a pas été réévaluée à l'occasion d'un récent exercice de simplification administrative, contrairement aux choix effectués pour les secteurs de la volaille et de l'élevage bovin. Là se situe de fait le vrai point de débat entre la filière porcine, qui estime économiquement anormale cette distorsion se concurrence intraeuropéenne, et les associations, qui souhaitent continuer à être informées, et même de pouvoir peser dans le débat public ainsi organisé, préalablement à toute extension significative d'élevage. Il convient toutefois de préciser que, selon la directive, la fixation de la limite entre les procédures ne relève pas d'une décision de principe : le seuil retenu doit tenir compte de la situation environnementale que l'équipement projeté peut impacter, et du niveau de risque correspondant. Avant de revenir sur ce point (voir plus loin), il est apparu intéressant à la mission de rechercher, dans la littérature scientifique et/ou technique, s'il existait des études internationales, qui ne soient pas établies par l'une ou l'autre des parties présentes au débat, comparant les éventuelles distorsions induites par des dispositions réglementaires nationales. 53 Le seul document identifié sur un tel cahier des charges est canadien62 ; on peut penser que l'éloignement de ses auteurs, préoccupés par la situation en Amérique du Nord beaucoup plus qu'en Europe, contribue à son objectivité. Un extrait de ce document est ici dupliqué. Principaux éléments de comparaison des réglementations environnementales « Une comparaison de réglementations environnementales peut mobiliser de nombreux éléments. Nous avons choisi de retenir huit critères qui nous paraissent bien représenter les principales exigences des mesures environnementales en matière de production animale. Ces critères concernent à la fois les procédures d'évaluation des dossiers d'établissement ou d'agrandissement d'élevages (seuils d'autorisation, d'évaluation d'impact, mécanismes de consultation publique) et des exigences en matière de gestion des effluents d'élevage (exigences du plan de gestion des fumiers et lisiers, normes de localisation et normes d'épandage). Le tableau 2 présente, selon les pays et les régions, une appréciation qualitative de ces huit principales dispositions. Un examen de ce tableau permet d'établir un certain nombre de constats. La séÎrité de la réglementation environnementale québécoise dans le domaine des productions animales : mythe ou réalité? Guy Debaillleul, professeur titulaire de la Faculté des sciences de l'agriculture et 62 de l'alimentation, Université Laval, et Denis Boutin, agronome et économiste rural, M.Sc. Ministère du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs. 54 Tableau 2 - Comparaison de dispositions de la réglementation environnementale dans le domaine des productions animales selon les pays et les régions (2003) Distances séparatrices des Seuils des installations Seuils des mécanismes Plan Seuils des de procédures des zones à d'enquête gestion des ou procédures d'évaluation protéger de demande publique et matières (étude (cours de d'autorisation fertilisantes d'eau, puits, d'impacts) consultation zone de captage, etc.) Pays région Distances d'épandage des cours Période d'eau ou d'épandage des zones de captage Distances relatives à la gestion des odeurs (sites d'élevage et épandages) Europe Allemagne Danemark Espagne (Catalogne) France (Bretagne) Pays-Bas États-Unis Caroline Nord Iowa Minnesota Nebraska Wisconsin Canada Alberta nd nd nd nd nd nd nd nd nd nd nd nd nd nd nd du nd nd nd nd nd nd nd nd nd nd nd nd nd Saskatchewan Manitoba Ontario Québec NouveauBrunswick Légende : exigences réglementaires parmi les plus contraignantes exigences réglementaires moyennement contraignantes exigences réglementaires parmi les moins contraignantes non disponibles Source : adapté de Debailleul, 2004 » Ce document confirme de manière synthétique le niveau éleÎ des exigences environnementales appliquées en France, au regard des autres grandes zones de production 55 porcine européennes, à l'exception des dispositions visant à réduire ou contrôler les nuisances relatives à la gestion des odeurs. Cette particularité a contribué à l'orientation de certaines des propositions formulées par la mission (voir plus loin). 56 4 RECOMMANDATIONS ET SUGGESTIONS 4.1 Suggestions à la filière : intégrer les valeurs de l'environnement au sein d'une politique globale d'image de la filière La lettre de commande ministérielle indique qu' « il apparaît important que la filière porcine puisse disposer...de propositions d'actions à mener pour l'avenir ». Répondre à cette demande suppose, pour la mission, d'analyser la situation de la filière porcine au regard des valeurs de l'environnement dans une perspective de moyen terme, et d'examiner les stratégies possibles du point de vue de la filière elle-même. Avant de développer ce point, il convient de préciser qu'une stratégie infléchie n'aura de sens pour la filière que si elle est pleinement décidée par ses acteurs. Il ne peut donc être question, pour les auteurs de ce rapport, que de formuler des suggestions, la légitimité de cette démarche tenant à sa mention explicite dans la lettre de commande ministérielle 63. 4.1.1 Développer une image positive de la filière Une observation attentive de la communication des entreprises mettant en oeuvre des procédés de fabrication potentiellement polluants montre qu'elles ont désormais généralement quitté, en termes de communication, le terrain de la dénégation, pour tenter d'occuper celui de l'affirmation positive. En d'autres termes il ne s'agit plus, pour ces entreprises, principalement d'expliquer pourquoi elles ont besoin de délais (ou de soutiens financiers, etc.) pour aménager des procédés de fabrication ; il s'agit de chercher à convaincre qu'elles ont elles-mêmes des réalisations à mettre à leur actif, et qu'elles sont à la recherche d'améliorations permanentes de leurs procédés. Une telle politique de communication n'a bien sûr de sens que si la réalité des politiques suivies par l'entreprise inclut des efforts significatifs en faveur de l'environnement ; à défaut son échec apparaîtrait rapidement. Par ailleurs les entreprises sont en général d'autant plus soucieuses de leur image auprès du grand public qu'elles commercialisent des produits s'adressant directement au consommateur final. La dépendance des filières alimentaires vis à vis des représentations que s'en fait le grand public est ainsi considérable, ne serait-ce qu'en matière sanitaire par exemple. Le soin que de nombreuses filières, y compris non alimentaires, déploient pour convaincre les consommateurs qu'elles adhèrent aux valeurs environnementales indique bien qu'une autre vulnérabilité (ou, à l'inverse, une capacité supplémentaire d'influence positive) a été ici identifiée. 63 Voir la lettre de mission en annexe 1. 57 La filière porcine présente ces deux caractéristiques : elle met en oeuvre des procédés de production nécessitant des précautions environnementales, ses produits sont vendus dans le grand public. L'image de ses produits est multiple, souvent favorable pour beaucoup de produits transformés qui s'appuient sur des traditions locales ou sont très faciles d'usage ; cette image est plus brouillée en ce qui concerne la viande fraîche, qui peine à sortir d'un statut plus banal. Globalement, l'image des produits de la filière semble cependant plutôt positive, et le niveau de leur consommation se maintient au sein d'un poste « viandes » en effritement progressif. Qu'elle soit positive ou plus brouillée, l'image des produits de la filière porcine ne semble pas souffrir des débats qui affectent l'amont de cette filière en matière d'environnement. Cet état de fait est heureux pour la filière. Peut-elle cependant le considérer comme un acquis durable ? Deux attitudes semblent ici possibles. On peut tout d'abord estimer que tout mouvement dans ce champ complexe que constitue l'environnement, pour une activité productive, induit en luimême des risques, ce qui inciterait à la prudence. Mais le débat étant déjà bien présent en ce qui concerne l'environnement et l'amont de la filière, on peut aussi craindre qu'une absence d'action n'induise elle-même des risques grandissants d'une superposition d'image avec les produits commercialisés, face à des consommateurs de plus en plus sensibles à l'impact environnemental du contenu de leur assiette. Faire part ici d'une suggestion de dosage entre ces deux attitudes, formulée à partir de leur propre sensibilité personnelle, n'est pas de la responsabilité des missionnaires. Aussi ce rapport se poursuit-il indépendamment de cette question d'opportunité en tentant de répondre à la seule question suivante, de faisabilité : est-il possible d'esquisser une stratégie pour la filière porcine, qui limiterait ce risque d'une superposition d'image ? Il appartient à la filière elle-même de se prononcer sur de telles suggestions. 4.1.2 Proposer une évolution positive des pratiques environnementales Comme pour toute activité économique, la filière porcine a besoin de perspectives. Celles-ci sont d'autant plus nécessaires en France qu'une partie des solutions environnementales passe par des investissements lourds. Plusieurs conditions souhaitables doivent ici s'enchaîner. Les réglementations devraient être connues assez longtemps à l'avance, et elles devraient pouvoir s'appliquer sur une plage de temps assez stable. Sauf à renoncer à toute ambition environnementale, ce que ce rapport ne pourrait évidemment approuver, cette condition suppose que l'on accepte de discuter de règles suffisamment ambitieuses pour pouvoir durer. C'est bien ainsi que sont régulées, au niveau européen, les activités potentiellement polluantes (1) nécessitant des investissements lourds (2) et la mobilisation de technologies avancées (3), par exemple les émissions de gaz et de particules par les Îhicules automobiles. Au delà des apparences, ces trois caractéristiques s'appliquent également à la production porcine. Une participation active à un tel processus pourrait permettre à la filière d'influencer dans le sens du réalisme des évolutions projetées. Elle lui permettrait aussi, une fois que les échéances sont décidées, de développer une communication moins défensive : au lieu d'expliquer pourquoi elle ne peut pas évoluer, face à une demande sociale exigeante mais aussi parfois brouillonne, la filière pourrait expliquer, sur un mode plus positif, quelles sont ses propres échéances, et quels progrès collectifs peuvent en être attendus. Dans un schéma général de ce type, en ce qui concerne les produits industriels destinés au grand public, on peut même constater que certaines entreprises se positionnent en avance par rapport au calendrier réglementaire, au profit de leur image propre, en associant même parfois des hausses de prix sur les produits correspondants. Une nouvelle combinaison d'intérêts apparaît 58 alors, plus conforme à la logique du développement durable : les intérêts économiques ne sont pas niés, mais ils s'expriment dans un cadre général plus favorable à l'environnement. 4.1.3 Un constat, les efforts de traitement des effluents en Bretagne L'adhésion à une telle stratégie générale peut ne pas aller de soi, d'autant plus qu'il se trouve que sa suggestion est formulée dans un contexte de crise marquée pour la production porcine. Une telle stratégie n'est pourtant pas nécessairement si inaccessible qu'elle peut le paraître, si l'on accepte de situer les progrès récents de la production porcine dans ce contexte. Pour crédibiliser cette stratégie, ce rapport évoque aussi des suggestions complémentaires, qui pourraient permettre à la filière de développer dès maintenant, sur une base moins défensive, le dialogue avec les sensibilités environnementales. Dans les zones de production dense, les progrès réalisés ces dernières années par la production porcine en matière environnementale sont en effet réels. Ils sont décrits dans la première partie de ce rapport. Pour en situer l'importance d'un seul chiffre, on rappellera seulement que l'ensemble des stations de traitement d'effluents porcins mis en service en Bretagne représente 402 unités en service au 31 mai 2007. 4.1.4 Infléchir la demande traditionnelle concernant le seuil d'autorisation au titre des installations classées Quelques suggestions, formulées à la filière, permettraient ainsi de ne pas s'en tenir au seul passé, fût-il très récent. La première concerne plus particulièrement les zones de production non dense. La filière porcine souligne que la réglementation ne devrait pas introduire de distorsions de concurrence, à l'intérieur du même espace économique européen. Ce souhait non contestable dans le champ de l'économie la conduit à renouveler régulièrement une demande d'alignement du seuil d'autorisation au titre des installations classées sur les seules obligations communautaires relevant de la directive IPPC (..........). Si cette demande n'a pu jusqu'ici aboutir, c'est qu'elle doit être examinée avec prudence. La filière porcine française cite l'exemple britannique, où une réglementation sur le bien-être animal sensiblement renforcée par rapport aux obligations communautaires a abouti à une baisse de la production locale. Mais à l'inverse on doit s'attendre à ce qu'une population française, au niveau de vie supérieur à la moyenne européenne et devenue très urbaine dans son comportement, soit exigeante, en particulier en matière de nuisances de voisinage : c'est bien de cette question très controversée qu'il est principalement question en ce cas, à tort ou à raison. La suggestion de la mission à la filière serait d'infléchir cette demande traditionnelle, dans le sens d'un meilleur compromis entre l'économie (la réduction des distorsions de concurrence) et l'environnement (ici la réduction des nuisances), proposant une disposition similaire à celle qui est appliquée au Danemark. On pourrait ainsi imaginer hors des zones de production dense que tout établissement classé d'une capacité supérieure à la limite actuelle (450 porcs) mais inférieur à la limite européenne soit soumis à une procédure simplifiée, s'il met en service dès l'origine les équipements les plus modernes pour réduire les nuisances olfactives, lavage d'air pour les bâtiments, couverture des fosses et injection directe des lisiers à l'épandage. La mission expose plus loin quelles seraient alors ses recommandations aux pouvoirs publics pour le traitement d'une telle demande. 59 4.1.5 Traiter dès maintenant le phosphore en conformité avec la directive cadre sur l'eau Les débats en cours au moment où était élaboré le projet de SDAGE pour le bassin LoireBretagne ont longuement évoqué la question du phosphore, dont il était contesté que l'on puisse exiger l'équilibre de fertilisation, comme c'est déjà exigé pour les nitrates. La question de principe est simple: le phosphore est indiscutablement un facteur clé de l'eutrophisation des milieux aquatiques, et la directive cadre fait désormais obligation de l'inclure dans la recherche du bon état des eaux. Les questions techniques sont plus complexes : si le stockage du phosphore dans les parcelles agricoles est une réalité, son érosion possible l'est aussi, et l'on ne peut imaginer y accumuler en permanence des stocks croissants. Dans le cas où les lisiers sont épandus sans traitement, le respect de l'équilibre de la fertilisation phosphorée conduit à réduire le volume d'effluents porcins épandus, ce qui est perçu comme une menace sur le volume de la production. A moyen terme, la stratégie qui consisterait pour la filière porcine à ne chercher qu'à freiner cette évolution est-elle pour autant optimale? Lorsque le lisier est traité, l'expérience de ces dernières années montre que la séparation du phosphore en amont de la station est une technique bien maîtrisée. Le phosphore devient alors un co-produit, à destination des zones agricoles qui en ont besoin en tant qu'amendement. Ne pourrait-on alors imaginer pour la filière une autre stratégie, « proposant une évolution positive des pratiques environnementales » (voir plus haut), en mettant en avant en cas de traitement les capacités de maîtrise du phosphore, et en soumettant à débat le calendrier de cette évolution et son accompagnement ? La question très débattue de l'équilibre de la fertilisation phosphorée serait alors déjà partiellement résolue. 4.1.6 Etre actif en vue de la certification des exploitations Les filières de production confrontées à des problèmes d'environnement cherchent souvent à garantir, par le respect d'un cahier des charges et sa certification externe, les bonnes pratiques qu'elles ont choisi d'appliquer : la norme ISO 14.001 est souvent citée à cet effet. Le problème est ardu s'agissant de la production porcine : celle-ci est réalisée au sein de petites et moyennes entreprises familiales, dont peu atteignent la taille critique nécessaire pour envisager seules un tel projet ; à de rares exceptions près, ces entreprises ne commercialisent pas directement leurs produits auprès des consommateurs finaux, et leur bénéfice en terme d'image dans le circuit commercial serait donc très dilué. Cet état de fait explique le très faible nombre de certifications réalisées en France à ce titre (une dizaine). Une autre difficulté potentielle tient au niveau d'exigence du cahier des charges : s'il est trop proche de la simple réglementation, certifier son respect n'apporte qu'une plus value limitée. La mise en place d'une certification très largement diffusée, concernant les exploitations agricoles d'une manière générale, est visée par les conclusions du « Grenelle de l'environnement ». Cette question ne sera donc pas développée ici. Une autre approche semblerait cependant intéressante à explorer, celle d'une certification des pratiques environnementales qui viserait à rassurer, non plus les clients de la filière, mais le voisinage d'un élevage. L'engagement des groupements de producteurs dans une telle démarche pourrait contribuer à limiter les blocages de la part des futurs voisins d'un élevage à agrandir ou à installer. En complément d'un solide volet consacré à la prévention des nuisances (voir plus haut), cette démarche pourrait également permettre de valoriser un volet paysager, qui ne doit pas être ici oublié. 60 4.1.7 Gérer les sites de production comme un patrimoine Implanter une nouvelle porcherie suppose un difficile travail de conviction, indépendamment même des démarches réglementaires. La plupart des activités productives en France sont également confrontées à cette réalité, y compris d'ailleurs des activités industrielles peu polluantes. De ce fait, avant même d'envisager de choisir de nouveaux sites, elles recherchent souvent à transformer un site déjà consacré à une activité industrielle, s'il est approprié à son nouvel usage. Une telle vision de long terme suppose, pour des exploitations individuelles, que la transmission soit organisée (et assez souvent la remise à niveau correspondante) entre un cédant et un repreneur ; dans la pratique cette opération n'aura lieu que si le site productif est en bon état et géré avec responsabilité, comme un patrimoine durable. Les groupements de producteurs, qui ont intérêt à ce que la production soit pérennisée, ne pourraient-ils pas y contribuer, tout particulièrement en zone peu dense ? On constate par ailleurs que des exploitations porcines participent régulièrement, dans les différents départements, à des opérations « portes ouvertes » réalisées par la profession agricole, ce qui est heureux. Mais la production porcine ne pourrait-elle aller plus loin, en se donnant par exemple comme objectif pour le maximum d'exploitations de recevoir, une fois par an, la visite des voisins et élus proches ? L'expérience semble prouver qu'un tel effort amène en général plus de positif (échanges, explications) que de réelles difficultés. 4.1.8 Soutenir par une initiative interprofessionnelle la recherche environnementale Certaines interprofessions, en complément d'interventions fortes dans le domaine de la communication, ont souhaité développer des interventions plus ponctuelles dans le domaine de la recherche. Si l'interprofession porcine était ouverte à ce type d'intervention, il pourrait être opportun de prendre des initiatives pour que soient engagées ou poursuivies des recherches sur des points-clé à la fois pour l'environnement et la filière porcine. Cette initiative viendrait compléter le programme de recherche « Porcherie verte » (2001-2007) initié directement par la recherche, et qui se poursuit actuellement (à un rythme moindre) sous la forme d'un réseau mixte technologique. Un tel programme pourrait bénéficier d'un certain effet de levier au plan financier ; il pourrait aussi ouvrir, en amont de questions concrètes parfois difficiles, un espace de dialogue avec les associations. 4.1.9 Organiser la concurrence sur les filières de traitement, suivre les coûts de traitement La construction de plusieurs centaines de stations de traitement de lisier en Bretagne est un acquis remarquable de ces dernières années. Les fournisseurs ont affiné leurs offres. Certains sont indépendants, d'autres sont liés à des groupements de producteurs, qui ont choisi de faciliter ainsi une évolution qu'il aurait été difficile d'engager seuls par certains de leurs adhérents. Certains groupements accompagnent cette prestation d'une participation à l'exploitation (télésurveillance) ou d'une commercialisation des co-produits du traitement, ce qui en accélère le recyclage. Ces initiatives prennent efficacement le relais de l'intérêt général. Sans remettre en cause ces démarches, il pourrait être judicieux de veiller, à terme, à ce qu'une concurrence entre fournisseurs puisse continuer à s'exercer, gage de dynamisme de cette activité et de maîtrise des coûts. La diffusion régulière d'informations techniques (performances, coûts initiaux,...), tâche qu'a engagée l'IFIP, et d'informations sur les coûts 61 d'exploitation de ces stations (qui peuvent être obtenus en association avec les centres de gestion) pourrait y contribuer. Ce dernier type d'information (suivi des coûts de traitement) est également un élément-clé pour l'analyse des conditions de la concurrence intra-européenne. 4.2 Recommandations aux pouvoirs publics Les principes de base 4.2.1 Les recommandations aux pouvoirs publics sont ici formulées en référence à trois principes, qu'il convient d'énoncer, avant que la mission ne précise ensuite le contenu de ces recommandations. 4.2.1.1 Se situer résolument dans le cadre communautaire Faut-il encore le rappeler : les politiques nationales doivent résolument se situer dans le cadre communautaire (ou dans leur prolongement direct) ; sinon le risque de contentieux s'accroît très vite, comme il est malheureusement régulièrement démontré. Un autre effet induit de la création de réglementations nationales peu conformes à la législation européenne (ou non prévues par elle) est moins connu : en ce cas, la réglementation nationale appliquée en France se complexifie progressivement, sous la pression des injonctions communautaires ou des négociations nationales, et l'administré finit par appliquer de fait deux réglementations. Cet écueil n'a pas été totalement évité par la France pour les pollutions diffuses en zone de production dense. Dans ce cadre, une attention particulière doit être apportée à la mise en application de la directive cadre sur l'eau, complexe et encore généralement mal connue. 4.2.1.2 Chercher à redéployer la production, maintenir la couverture des besoins Compte tenu des problèmes environnementaux générés par la superposition de plusieurs productions animales dans les zones de production dense, ainsi que des demandes d'approvisionnement plus local formulés par certaines filières de transformation hors Bretagne, il est logique de chercher à redéployer la production porcine dans les zones où elle est peu présente ; une mission spécifique du CGAAER est d'ailleurs en cours sur ce point. La limite de ce souhait quasi général tient en deux constats : un tel déplacement, même très progressif, est souhaité par les pouvoirs publics depuis longtemps, mais il n'a jamais été très opérant. Les économies d'échelle obtenues en amont (aliment) et en aval (abattage) de la production, l'émulation à obtenir les meilleurs résultats techniques (plus forte entre voisins), la densité du réseau d'appui expliquent probablement l'impact très modeste de telles politiques. Personne ne souhaite ouvertement par ailleurs que la filière française, autosuffisante depuis une quinzaine d'années, renoue avec les déficits importants connus antérieurement. 4.2.1.3 Organiser le dialogue Comme souvent pour les choses qui semblent aller de soi, le dernier principe sur la base desquels les propositions de la mission sont établies mérite d'être rappelé. Le rapport de la production porcine à l'environnement est très discuté en France, y compris parfois de manière mal fondée. Mais l'expérience prouve que les modifications réglementaires non précédées d'une phase appropriée de dialogue atteignent souvent mal leurs objectifs. Il convient aussi de 62 rappeler que l'information du public sur les questions environnementales doit être désormais considéré comme un principe, compte tenu des engagements souscrits par la France (par la convention de Aarhus notamment). Les propositions élaborées en application de ces trois principes sont présentés ci-dessous. 4.2.2 4.2.2.1 Les recommandations La modification du seuil d'autorisation au titre des installations classées L'argumentation de la filière porcine, qui demande à ce que le seuil d'autorisation au titre des installations classées soit releÎ, est fondée dans le domaine économique. Pour autant, on peut craindre qu'une hausse des seuils n'améliore pas réellement la situation rencontrée dans des zones où va jusqu'à s'exprimer une hostilité de principe envers la production porcine. La suppression du lieu de dialogue que constitue normalement la CODERST, le retrait du préfet en tant que médiateur et décideur final, l'absence d'information préalable systématique des associations et des voisins pourraient même conduire à un débat violent, voire dans certains cas extrêmes à des affrontements sur le terrain. Selon la mission, aucune solution satisfaisante ne peut apparaître sans rassurer les futurs voisins de l'élevage et les élus locaux. C'est la raison pour laquelle elle s'est permis de suggérer à la filière de proposer en ce cas la mobilisation maximale des techniques susceptibles de maîtriser les odeurs, à l'instar du Danemark (lavage d'air des bâtiments, couverture des fosses, enfouissement du lisier à l'épandage). Dans l'hypothèse où cette suggestion serait reprise, deux conditions supplémentaires pourraient être apportées par les pouvoirs publics : une procédure locale de concertation, obligatoire (et donc conclue par une décision effective), doit être maintenue, la directive de 1985 relative aux études d'impact64 prévoit un abaissement des seuils pour lesquels une étude d'impact est nécessaire, du fait par exemple de la juxtaposition de nombreuses installations de taille intermédiaire, dans les zones confrontées à des problèmes environnementaux importants65. En France les actuelles zones de production porcine dense correspondent à ce critère. Il ne semble donc pas envisageable d'y relever le seuil actuellement appliqué, tant que ces problèmes perdurent. 4.2.2.2 Renouveler par de nouveaux outils l'ambition de la reconquête de la qualité de l'eau en zone dense Actuellement, la reconquête de la qualité de l'eau ne progresse plus de façon significative dans les zones de production dense (voir plus haut), et l'on peut craindre que cette situation ne s'inscrive dans la durée si les outils de la résorption ne sont pas réexaminés. Complexes, porteurs de certaines inefficacités (voir plus haut), ils ne pourraient guère apporter, s'ils étaient employés sans changement pour une période supplémentaire, une résorption suffisante, ne serait-ce qu'équivalente à celle obtenue depuis dix ans : les gros élevages susceptibles de mettre en place des stations de traitement (ou d' « exporter » leurs fientes) l'ont fait (ou devraient le faire de manière imminente). Aucune solution efficace de 64 Directive 85/337/CEE du Conseil du 27 juin 1985 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et priÎs sur l'environnement. 65 Un pré-contentieux est en cours à ce sujet avec la Commission européenne. 63 traitement de type collectif ne semble s'être vraiment dégagée concernant les exploitations de taille moyenne. La mission a envisagé deux pistes alternatives pour établir l'ossature d'un éventuel nouveau dispositif, qui serait à soumettre à débat avant d'être proposé aux pouvoirs publics eux-mêmes : la mise en place de droits d'émission d'azote, échangeables entre producteurs, et soumis à des obligations de baisse progressive. Les économistes nous apprennent que cette méthode est particulièrement efficace, puisque les éleveurs capables de réduire leurs émissions au meilleur coût le feraient en premier, y compris en se faisant financer par d'autres éleveurs qui maintiendraient les leurs. Les difficultés pratiques seraient cependant ici importantes, la plus considérable pour les pouvoirs publics serait l'attribution initiale des droits et la fixation du rythme de leur décroissance. Mais il ne faut pas oublier que la mise en oeuvre de la directive cadre sur l'eau obligerait à compartimenter le marché des droits par sousbassins (sinon toutes les réductions d'émissions pourraient être localisées dans le même secteur), chacun générant son propre prix de marché. Et constater que de petits éleveurs bovins pourraient être amenés à financer la résorption chez des éleveurs porcins, euxmêmes peut-être voisins d'éleveurs un peu plus gros ayant récemment résorbé « gratuitement » : difficile à expliquer sur le terrain. De tels droits organiseraient aussi des transferts financiers vers tous ceux qui cessent leur activité, à la charge de ceux qui la continuent. Enfin la résolution des problèmes d'azote ne résoudrait pas l'ensemble des problèmes posés (phosphore, etc.). Compte tenu de ces inconÎnients, la mission ne propose pas de retenir une telle solution. Bâtir une autre solution est un travail délicat : nous ne sommes plus du tout dans la même situation qu'à la fin des années 1990, où il semblait possible d'améliorer significativement la situation par des obligations de traitement (ou de transfert) portant sur un nombre assez limité d'éleveurs. Cette solution serait donc composée de quatre éléments complémentaires, dont la présentation est détaillée dans la suite de ce rapport : le renforcement du respect du plafond des 170 kg d'azote organique à l'hectare s'appliquant à tous les éleveurs ; le maintien des obligations de traitement (ou de transfert) devenues effectives; l'infléchissement des modalités de contrôle sur place des exploitations agricoles ; la mise en place d'une Îritable politique de résorption pour l'azote minéral ; le traitement progressif des situations individuelles qui auraient la double caractéristique d'être anormales au regard du respect de l'environnement, et où la pérennité de l'exploitation serait potentiellement en jeu ; la mise en place, à débattre avant de la rendre effective, d'une double mesure de transparence et de restructuration. - - Aux yeux de la mission, ces quatre ensembles de mesures sont de nature différente : le premier est un principe directeur, qu'il est proposé d'affirmer très clairement ; le second ensemble est composé de mesures qui seraient à mettre en oeuvre (ou à maintenir) sans délai, accompagnant le choix de ce principe directeur. Le troisième ensemble est particulièrement délicat, puisqu'il s'agirait là de conjuguer non pas tant l'environnement avec l'économie, mais avec le social. Le dernier associe deux propositions plus novatrices, leur impact potentiel mérite, pour les auteurs de ce rapport, un débat construit entre les différentes sensibilités s'exprimant sur le terrain, avant d'être adoptées. 64 4.2.2.3 Le respect des 170 kg d'azote, un principe directeur... Ce principe figure explicitement dans la directive « nitrates », et comme il a été exposé plus haut son respect constitue déjà une ligne directrice simple pour l'Etat-membre. Il s'agit d'ailleurs de la seule mesure quantitative arrêtée au niveau communautaire. Elle correspond (en général) à une réalité agronomique explicable. Elle vise les épandages effectifs indépendamment de décomptes portant sur des droits (explicites ou implicites) à produire, qui pourraient être confondus avec des droits à polluer. Elle s'exprime en référence à une superficie exploitée, bien identifiée par chaque agriculteur, et sa (relative) stabilité dans le temps en fait un indicateur quasiment structurel pour l'exploitation. Elle est enfin facilement contrôlable par l'administration, qui dispose dans les DDAF et les DDSV de la quasi-totalité des données permettant de savoir si ce plafond est respecté ou non : les seuls écarts notables par rapport à un calcul simple (du type cheptel divisé par surface) proviennent de l'épandage chez autrui (« prêt de terres ») et du traitement (ou de l' « exportation »). En cela cette mesure réaffirme un lien au sol qui ne doit pas être oublié. Pour être efficace, le respect de cette obligation doit être Îrifié de manière plus méthodique qu'aujourd'hui (nous avons vu qu'il pouvait encore être défaillant), ce qui amène à distinguer trois types de situation : Les exploitations qui projettent de se développer dans le cadre de procédures environnementales ou agricoles nécessitant un accord public de quelque nature que ce soit : attribution de quotas laitiers supplémentaires, par exemple, ou bien aides à l'installation, etc. Il est logique en ce cas de conditionner effectivement cet accord au strict respect du plafond des 170 kg (compte tenu du projet), à défaut la viabilité de l'exploitation ne peut s'inscrire dans la durée. Il serait par ailleurs très discutable d'argumenter sur la difficulté de revenir sur des situations acquises antérieurement (voir plus loin) sans en tirer toutes les conséquences pour les exploitations d'avenir ; Les exploitations sans projet de développement qui se sont construites sur un système d'exploitation aboutissant de fait à un épandage excédant la limite des 170 kg d'azote organique à l'hectare, faute d'une autre destination aÎrée pour leurs déjections animales. Il est inévitable que dans ces exploitations existent un certain nombre de situations potentiellement difficiles, où des solutions immédiates auront du mal à être mises en oeuvre : ces cas particuliers seront traités plus loin. Mais est-ce pour autant une raison d'attendre que l'arrêt « naturel » de l'exploitation, par retraite par exemple, résolve à lui seul le problème ? Il serait légitime en tous cas que pour les exploitations qui relèvent des installations classées (régime de déclaration inclus) un calendrier progressif d'intervention des services de l'Etat (DDSV) soit défini, pour interroger officiellement les exploitants sur leurs intentions. La mise en oeuvre de techniques assez simples, telles par exemple que le compostage, pourrait en être accélérée. Il pourrait être également judicieux, avant d'envisager des moyens plus contraignants (mise en demeure, etc.), d'inviter les exploitants concernés à être entendus par le CODERST, conseil officiel du préfet et des services de l'Etat en la matière, ou plutôt par une section spécialisée à définir, compte tenu du nombre de cas potentiels ; Les exploitations qui pour des raisons techniques et/ou économiques objectives et aÎrées ne pourraient pas se mettre en conformité dans les délais prescrits, malgré les procédures de soutien qui auraient pu être mises en oeuvre. Ces cas devraient être traités à part, avec les situations difficiles présentées plus loin. - - 65 4.2.2.4 ...s'accompagnant de mesures à mettre en oeuvre (ou à maintenir) sans délai Le processus décrit ci-dessus est relativement lent. S'il veut être plus méthodique dans son application, il n'est pas Îritablement nouveau dans son principe. Il ne saurait donc être question de relâcher systématiquement des disciplines engagées antérieurement : pour toutes les exploitations dépassant les seuils les obligeant à traiter (ou transférer), et qui ont été individuellement mis en demeure par le préfet de s'y conformer (produisant en général plus de 12.500 kg d'azote annuels), la procédure doit se poursuivre sans changement par rapport à la période précédente. Pour les exploitations couvertes par une obligation n'ayant pas fait l'objet d'une mise en demeure individuelle, le maintien juridique de l'obligation pourrait s'accompagner de conditions non définies par l'Etat pour sa mise en oeuvre, dès lors qu'elle respecterait strictement le plafond des 170 kg d'azote (ce que certains départements semblent déjà avoir commencé à accepter). En outre ces obligations de traitement ne seraient pas élargies à de nouvelles catégories d'éleveurs, compte tenu des limites associées à toute obligation de moyens définie par l'Etat (voir plus haut) ; mais une obligation de résultat (170 kg d'azote) serait maintenue. Ces exploitations seraient traitées en priorité au titre de la procédure de Îrification du plafond présentée plus haut. Dans le même calendrier, trois actions de contrôle des services de l'Etat seraient à engager ou à réorienter partiellement : Professionnaliser le suivi des stations de traitement des effluents La mission n'a pas elle-même réalisé d'enquête sur les conditions d'exploitation des stations de traitement d'effluents nouvellement construites. Des échos indirects qui lui sont parvenus, il semble cependant que les situations de terrain puissent être diverses, depuis la station très bien suivie par le chef d'exploitation lui-même et parfaitement intégrée à l'exploitation porcine (ou faisant l'objet d'une télésurveillance efficace), jusqu'à des situations plus aléatoires. Dans des situations sensiblement équivalentes les collectivités ont généralement développé des outils d'assistance (SATESE,...). Les stations d'élevage méritent la même attention. Ceci ne veut pas dire qu'un modèle unique de suivi, celui d'une assistance externe, soit nécessaire si le chef d'exploitation (ou l'organisme qu'il aura délégué) s'astreint correctement au protocole d'auto-surveillance, qui doit être défini dans l'arrêté préfectoral d'autorisation. Au besoin un arrêté complémentaire sera pris. L'administration doit en contrôler régulièrement l'exécution ; à défaut d'auto-surveillance correcte ou en cas de résultats non conformes aux performances prévues, le préfet doit prescrire un suivi externe complémentaire (télésurveillance, tierce assistance,...). Adapter les modalités de contrôle de la fertilisation L'absence de contrôles effectifs des services de l'Etat sur la localisation des épandages dans l'exploitation, comme l'absence de Îrification des reliquats azotés pour les parcelles ayant fait l'objet de sur-épandages antérieurs devraient être corrigées dès maintenant. Il semblerait en effet possible, en combinant différents éléments objectifs connus de l'administration (localisation respective des bâtiments d'élevage et de parcelles habituellement en maïs, par exemple), d'identifier un certain nombre de situations où des contrôles plus techniques, incluant prélèvements et reliquats, pourraient être engagés. L'objectif premier ne serait pas ici répressif (la réalité des manquements ne serait probablement pas établie), mais d'alerter clairement et de faire corriger. Dans le cas où des situations anormales seraient identifiées, il pourrait être en outre justifié d'inviter l'éleveur à 66 bénéficier d'un suivi plus proche de sa fertilisation (incluant systématiquement les reliquats), de la part d'un organisme ne se livrant pas à des activités commerciales pour des fertilisants (Chambre d'agriculture...), par exemple au titre d'une tierce assistance pour les installations classées. Les coûts pour l'administration de ces contrôles ciblés pourraient être supportables si l'on réduisait en même temps la fréquence des actuels contrôles des cahiers de fertilisation et de plans de fumure, devenus trop formels (voir plus haut). Les modèles employés pour les cahiers de fertilisation gagneraient en outre à être radicalement simplifiés, le résultat principal d'un document trop complexe étant sa fourniture sous forme automatisée par un prestataire de l'agriculteur. Cette solution n'est satisfaisante ni pour l'agriculteur, qui en supporte les coûts, ni pour l'administration. L'objectif devrait se limiter à pouvoir identifier, sur un carnet rempli de préférence à la main par l'exploitant, la réalité des pratiques de fertilisation mises en oeuvre. Le coût global des contrôles pour les éleveurs pourrait probablement ne pas augmenter en moyenne, si toutes ces modifications étaient appliquées simultanément. Mettre en place une politique de résorption de l'azote minéral dotée d'instruments opérationnels La réduction des quantités d'azote minéral épandues en Bretagne n'a atteint que 53% de ses objectifs. Et si l'on n'oublie pas que recours à la fertilisation minérale azotée en France a aussi baissé pendant la période de référence (voir plus haut), on ne peut que conclure à la modicité des résultats spécifiques du plan breton dans ce domaine (8% de baisse en 7 ans). De fortes quantités d'azote continuent d'être recommandées dans certaines situations, par exemple sur certaines cultures légumières. Ce constat interroge sur les priorités retenues par les pouvoirs publics en vue d'une résorption globale de l'azote apporté au niveau des sols : une politique portant plus fortement qu'aujourd'hui sur les engrais minéraux ne serait-elle pas a priori moins coûteuse qu'une politique basée sur les déjections animales, qui a supposé de gros investissements (PMPOA, stations) ? En tout état de cause, sans changement de méthode de la part des pouvoirs publics, on voit mal comment une évolution plus favorable pour la fertilisation minérale pourrait être initiée. Des dispositions juridiques visant à plafonner l'azote total existent dans les ZAC (voir plus haut). Les contrôles portant sur l'utilisation de l'azote minéral semblent cependant tellement difficiles à organiser qu'ils restent très limités. Des dispositions simples pourraient être définies, afin de permettre ces contrôles : mention obligatoire par les fournisseurs, sur chaque facture, des quantités globales de chaque fertilisant (N, P) ; attestation annuelle à établir par le comptable agréé. Ces dispositions seraient de nature réglementaire. 4.2.2.5 Que faire en cas de situation difficile aÎrée? Nous avons déjà identifié des cas où les difficultés de l'exploitation pourraient être aÎrées (en ce qui concerne le respect du plafond des 170 kg d'azote organique à l'hectare). D'autres cas existent où une situation non réglementaire pourrait s'accompagner de difficultés réelles à revenir en situation conforme : les assez rares éleveurs à ne pas s'être engagés dans la « mise aux normes » de leur exploitation (PMPOA) peuvent en faire partie, comme ceux qui ont déposé un dossier sans avoir pour l'instant engagé les travaux correspondants. Ces situations ne semblent pas avoir été répertoriées systématiquement ; si l'on peut dire qu'elles ne sont pas méconnues de la part de l'administration (DDAF et DDSV réunies), qui 67 dispose de beaucoup d'éléments qui permettraient d'en établir la liste, ces éléments ne sont pas rapprochés, et aucune liste positive ne semble exister. Ces situations ne pourraient se lire qu' « en creux » dans différentes procédures. Il est possible que de nombreux cas particuliers (voire des cas qui nécessiteraient un intervention de nature sociale) soient inclus dans cette population. Ne pas en établir la liste est peut-être d'ailleurs le reflet d'une crainte, que pourrait-on faire en ce cas ? Cette situation évite de désigner du doigt des cas potentiellement difficiles, mais elle n'est pas non plus sans inconÎnient. Elle peut conduire à sous estimer les efforts encore possibles dans certains de ces cas, comme par exemple de mettre fin sans attendre à des écoulements directs dans les milieux naturels dans des cas où, par ailleurs, la capacité de stockage des effluents est trop faible faute de travaux au PMPOA. Elle pourrait dans certains cas conduire à des choix discutables, comme une installation sans aides sur une telle exploitation. La conformité de l'action de l'administration aux règles de procédure pénale ne pose-t-elle pas aussi question dans certains cas ? Aucun arbitrage systématique entre deux des valeurs du développement durable, l'environnement et le social, ne peut être aujourd'hui proposé pour cet ensemble d'exploitations ; aucune estimation chiffrée, même approchée, de leur nombre ne semble avoir été avancée. Leur traitement ne pourrait résulter que d'une approche pragmatique de terrain. Mais il conviendrait au moins d'inviter l'administration locale à identifier progressivement ces exploitations et à établir une typologie des trajectoires qui permettraient d'en réduire progressivement l'importance. 4.2.2.6 Un débat à engager méthodiquement : comment mieux concilier transparence et restructuration ? En complément des propositions antérieurement formulées, la mission suggère d'examiner trois questions liées entre elles, délicates, qu'elle propose de soumettre à débat : tirer les conséquences de l'absence d'encadrement du « prêt de terres » pour l'épandage et améliorer la transparence sur les effectifs ; mutualiser les efforts de modernisation environnementale ; établir un calendrier pour faire évoluer la stratégie de résorption. Tirer les conséquences de l'instabilité juridique des contrats de « prêt de terres » pour l'épandage Il est étonnant de constater que les actuels contrats de « prêt de terres » pour l'épandage ne sont pas encadrés par le code rural, pourtant assez systématiquement dirigiste en France en ce qui concerne les questions foncières. Le code de l'environnement, dont relève le régime des installations classées qui en accepte l'usage, ne les encadre pas non plus. Il est tentant de penser qu'un tel encadrement pourrait être opportun, tant interroge la juxtaposition de la lourdeur de la procédure d'autorisation, au titre des installations classées, et de la fragilité des accords de droit priÎ qui en permettent l'application. Telle n'est pas pour autant la proposition de la mission. On peut en effet difficilement imaginer en 2008 que le législateur prenne une disposition d'ordre public 66 encadrant les contrats d'épandage, incluant par exemple une durée minimale de 5 ans. Le ferait-il que l'extension de cette disposition aux contrats existants serait fort problématique, pour des raisons juridiques comme pour des raisons pratiques (moyens de preuve...). La juxtaposition éventuelle de dispositions nouvelles, très encadrées, avec les dispositions actuelles, qui ne le sont pas du tout, ne serait pas non plus sans risque : le résultat 66 Une disposition législative d'ordre public impose des clauses contractuelles sans que les parties ne puissent y déroger. 68 le plus probable ne serait-il pas de tarir la possibilité, pour un éleveur excédentaire, d'épandre chez un voisin qui ne l'est pas ? L'insécurité juridique et pratique de la durée effective des contrats d'épandage doit plutôt être considérée comme une donnée de fait pour les pouvoirs publics, en particulier en ce qui concerne l'application de la législation relative aux installations classées : aux yeux de la mission, il faut tirer les conséquences de cette situation, plutôt qu'il ne faut songer à la modifier. Cette instabilité, dont on ne connaît pas pratiquement l'ampleur, pourrait conduire à demander chaque année aux deux partenaires (apporteur d'effluents et « prêteur de terres ») de souscrire une déclaration annuelle. Par souci de simplification, cette déclaration pourrait intervenir en même temps que la déclaration de surfaces au titre des aides compensatoires de la PAC. Cette déclaration serait effectuée globalement par exploitation, sans même recourir aux formes graphiques prévues pour la PAC. Les informations ainsi déclarées seraient accessibles à la DDAF comme à la DDSV. La mise en place d'une telle procédure permettrait de consolider dans le temps un point particulièrement délicat : y a-t-il ou non dépassement des capacités du sol (170 kg, etc.) chez le « prêteur de terres », qui dispose aussi assez souvent, en tant qu'éleveur laitier par exemple, de son propre cheptel ? Cette Îrification est certes faite (par les services de la DDSV) avant l'autorisation du plan d'épandage, mais est-elle maintenue dans le temps ? Des ajustements dans le plan d'épandage de l'apporteur d'effluents (procédure lourde, à suivre par la DDSV) sont-ils par exemple opérés lorsque la DDAF augmente les quotas laitiers, sur la base de la déclaration du seul « prêteur de terres », alors non confrontée à celle de l'apporteur d'effluents ? De même, on peut craindre que le renoncement d'un « prêteur de terres » à prendre les effluents de son voisin ne soit pas systématiquement porté à la connaissance l'administration. Ces cas ne risquent-ils pas de se multiplier à l'occasion de l'attribution de quotas laitiers supplémentaires proposés au niveau communautaire ? La contrepartie logique de la mise en place d'une procédure annuelle déclarative serait de simplifier les procédures de modification du plan d'épandage, dont on peut aussi craindre qu'elles ne soient sous-employées compte tenu de leur lourdeur. S'il n'est pas question de revenir sur une nécessaire enquête publique initiale, est-il vraiment indispensable de mobiliser une procédure aussi lourde si les terres à épandre ont déjà fait l'objet d'une procédure d'autorisation en bonne et due forme, et si les modalités d'épandage ne sont pas modifiées dans le sens de l'aggravation des risques (enfouissement remplacé par épandage simple, par exemple) ? Une deuxième mesure d'amélioration de la transparence pourrait également être utile : les abatteurs pourraient être tenus, chaque année, de déclarer à la DDSV le nombre total de porcs abattus en provenance de chaque élevage. Cette disposition ne devrait pas soulever de difficultés pratiques, compte de l'organisation efficace mise en place par UNIPORC. Ces deux mesures conjuguées permettraient à la DDSV de faire chaque année une première Îrification du respect du plafond des 170 kg d'azote organique à l'hectare pour chaque installation classée, sans devoir systématiquement solliciter les exploitants par un contrôle sur place ; le même type de logique est déjà d'ailleurs en application pour le secteur bovin, du fait de l'existence d'un système d'identification. Ces deux mesures permettraient aussi à la DDAF de disposer d'informations actualisées, à mobiliser à l'occasion des procédures pour lesquelles la Îrification de ce même plafond est indispensable (installation et attribution de quotas laitiers supplémentaires notamment). 69 Mutualiser les efforts de modernisation environnementale Le dispositif permettant une participation financière publique aux investissements réalisés dans des stations de traitement d'effluents d'élevage est venu à échéance ; aucun des acteurs rencontré par la mission n'a évoqué son éventuel renouvellement. Pour autant, les investissements nécessaires à la modernisation environnementale de la production porcine vont continuer d'être nécessaires, surtout si l'on se place dans le cadre d'une évolution de la stratégie de résorption (voir ci-dessous). Et si la reconduction des niveaux d'aide antérieurs ne peut être envisagée compte tenu de l'encadrement communautaire des aides, il conviendrait cependant de Îrifier si les lignes directrices établies à Bruxelles ne permettraient pas une intervention plus modérée. Certains groupements de producteurs ont commencé à imaginer des dispositions visant à soutenir, ne serait-ce qu'indirectement, de tels investissements, globalement favorables à la filière. Il pourrait être envisagé de systématiser une telle approche, comme l'ont fait d'autres filières interprofessionnelles : la filière laitière a par exemple soutenu la restructuration des élevages, en redistribuant annuellement des quotas supplémentaires correspondant à des cessations d'activité, le financement étant apporté par des pénalités de dépassement67 des quotas. Il pourrait être opportun de mettre à l'étude une telle mutualisation, qui pourrait par exemple prendre la forme d'une cotisation professionnelle, interprofessionnelle (voire d'une taxe), perçue au stade de l'abattage. Cette contribution, d'un montant à définir, serait répercutée sur l'amont, une exemption étant toutefois prévue pour les exploitations respectant totalement et immédiatement le critère des 170 kg d'azote organique à l'hectare. L'avantage d'une telle assiette serait évidemment de permettre de poursuivre la modernisation environnementale de la filière. Les transferts financiers générés à l'intérieur de la filière, qui pourraient rester globalement d'un niveau modeste (voir l'exemple chiffré esquissé ci dessous68), auraient l'avantage de s'effectuer en faveur des exploitations d'avenir, en sens inverse des « droits à produire » actuellement associés au régime de la restructuration externe, et conformément au principe « pollueur ­ payeur ». La mission suggère de mettre à l'étude un tel schéma de mutualisation, par exemple en demandant une expertise interministérielle adaptée, après débat avec les professionnels concernés. Etablir un calendrier pour faire évoluer la stratégie de résorption Si la question précédente peut apparaître délicate aux yeux des éleveurs, la question suivante ne le sera probablement pas moins au yeux des associations. Il convient cependant aussi de l'aborder, afin qu'elle contribue au débat, en veillant à ce que la complexité des questions posées ne nous conduise pas nous arrêter à des arguments trop réflexes. 67 68 Lorsque l'Etat-membre France ne dépasse pas son quota national. A titre d'exemple, une contribution de 1 centime d'euro du kilo de carcasse, payée par les seuls producteurs excédant les 170 kg d'azote à l'hectare (hypothèse : 15% des abattages des zones de production dense ?) représenterait en ce cas une recette annuelle de 1,95 M par an (15% * 1,3 Mt * 1/t). Si l'on suppose ce fonds abondé d'autant par l'Etat et/ou les collectivités, la ressource annuelle (3,9 M) permettrait de financer 52 stations (azote + phosphore, représentant un investissement de 300 000 pour chaque station) au taux de 25 %. Dans l'hypothèse où la suppression des mécanismes d'échange de « droits à produire » ne génèreraient plus de charges pour l'acquéreur de droits (économie : 425 /truie), l'équilibre financier de l'opération se rapprocherait du dispositif actuel. Dans la situation actuelle l'éleveur qui développe sa production par « restructuration externe » supporte en effet un coût de 425 +40%*1500 = 1025 par truie ; dans l'hypothèse ici présentée ce coût serait de 75%*1500 = 1125 par truie. 70 Le choix il y a dix ans d'une stratégie de résorption, associant un blocage des exploitations existantes ou nouvelles à la mise en place d'obligations de moyens (donc à caractère exceptionnel) doit il être maintenu inchangé, et si oui, pour combien de temps ? A l'extrême, peut-on envisager de donner à cette stratégie une durée indéfinie, face à des principes juridiques difficiles à concilier (liberté d'établissement) ? Ou bien cette stratégie, dont on voit bien les soubassements moraux, ne devrait-elle être que provisoire, et dans ce cas quelles pourraient être les conditions pour en sortir ? La mission ne peut avoir pour ambition de clarifier à elle seule un débat aussi complexe, qui n'est d'ailleurs pas ouvertement établi (tout au moins pas en ces termes) au moment où ce rapport est élaboré. Mais elle doit logiquement contribuer à l'analyse des arguments estimés pertinents. Si l'on ne remet pas en cause la légitimité de la stratégie de résorption suivie jusqu'ici (et la mission ne le fait pas), une éventuelle sortie de cette période devrait être associée à des résultats obtenus, et/ou à l'impossibilité de progresser encore avec les mêmes instruments. La difficulté potentielle du débat peut ainsi d'abord tenir à la définition des résultats pertinents ; s'agit-il d'avoir mis en service les stations de traitement visées (aux cas près où l'expérience en a montré la quasi-impossibilité économique), auquel cas la filière porcine pourrait se prévaloir des réalisations mises en place ? S'agit-il à l'inverse de Îrifier que l'objectif environnemental visé, à savoir une reconquête de la qualité des eaux, soit totalement atteint ? Chacun sait que ce n'est pas le cas. Posé en ces seuls termes, qui sous-entendent autant de conflits de légitimité, le débat n'a guère de chance de progresser ; d'autant plus qu'un débat sur les modèles de production, concernant la production porcine, comme d'ailleurs pour d'autres productions agricoles, peut facilement s'y ajouter. La mission n'a aucune légitimité à chercher à limiter un tel débat, qui est aussi un débat de société. Pour aller jusqu'au bout de la formulation de l'avis qui lui est demandé, elle doit cependant expliciter quel raisonnement elle suit au sein de ces problématiques complexes. A ce titre, le premier argument à prendre en compte nous semble bien être le facteur temps : la question principale est de savoir quelle pourrait être, maintenant, la meilleure stratégie, c'est à dire la plus efficace. Comme ce rapport l'a exposé, la mission est convaincue que c'est par une approche horizontale (concernant toutes les productions agricoles), liée au sol (au travers du critère principal des 170 kg) que des progrès sont possibles. Cette approche n'exclut pas des difficultés pour certaines exploitations, qu'il faudra traiter progressivement. Elle sera de ce fait relativement lente, mais cette caractéristique est à mettre en balance avec des résultats qui de toutes façons piétinent actuellement. Elle correspond à la valorisation systématique d'un critère communautaire déterminant. Le raisonnement de la mission sur le dernier point ­ le plus délicat, faut-il envisager de mettre fin à l'interdiction de toute croissance de cheptel en zone d'excédent structurel ­ est le suivant : La mise en oeuvre de la directive cadre sur l'eau va conduire à revoir l'ensemble des politiques publiques dans le domaine de l'eau. L'unité géographique pertinente devient le sous-bassin (la masse d'eau). Le canton ne pourra plus être une unité géographique de référence. La question n'est pas ici que de nature juridique : pour mesurer avec précision les résultats obtenus sur la qualité des eaux, et les relier à des actions mises en oeuvre (ou à engager) en amont, une approche par bassin est indispensable. 71 - Le choix historique d'imposer des obligations de moyens de la part de l'Etat a conduit à des résultats effectifs en termes de moyens (mise en service de plus de 400 stations de traitement des effluents) ; prolonger sans changement cette stratégie risquerait fort d'être décevant, en termes de résultat. Sauf modification immédiate du régime d'attribution des quotas laitiers, une différence de traitement va apparaître dès 2008, lorsque l'attribution des quotas supplémentaires en cours de négociation à Bruxelles va devenir effective : actuellement, même en ZES, cette attribution (et l'augmentation de cheptel qui en permet la production) n'est conditionnée que par l'examen de la situation individuelle de l'éleveur. Cette différence de traitement était logique lorsque l'on redistribuait des quotas correspondant à des arrêts de production antérieurs. Mais il va s'agir maintenant d'autoriser un accroissement global de la production laitière. Il doit être bien entendu exclu d'autoriser une extension d'élevage qui ne respecterait pas la totalité des critères environnementaux pertinents, c'est à dire incluant la maîtrise des deux éléments majeurs d'eutrophisation que sont l'azote et le phosphore ; c'est aussi pour cette raison que la mission propose de ne pas modifier le seuil actuel d'autorisation des installations classées en zone de production dense, afin que chacun puisse Îrifier, même pour des investissements assez limités, que c'est bien le cas. Il semble en revanche difficile de maintenir indéfiniment une interdiction de principe de toute croissance d'élevage, dont il ne faut pas oublier qu'elle a été édictée dans une période où le respect même de la légalité, c'est à dire des procédures d'autorisation préalable à cette croissance, n'étaient pas acquis. Si l'on suit ce raisonnement, la question du calendrier le plus pertinent doit être posée. Il convient en effet de préciser qu'on ne peut pas exclure l'hypothèse que la mise en service d'une double déclaration annuelle des épandages chez les tiers et d'une déclaration annuelle des abattages (voir plus haut) n'entraîne une remise à plat d'un certain nombre de situations limites, c'est d'ailleurs dans le sens d'une clarification que ces mesures pourraient être intéressantes en faveur de l'environnement. La coïncidence dans le temps avec l'attribution de quotas laitiers pourrait également y contribuer. Les éleveurs porcins dont les périmètres d'épandage pourraient être ainsi remis en cause auront besoin de se réorganiser. Il semblerait beaucoup plus sain à la mission d'indiquer nettement que de nouvelles transitions (ne pas baisser immédiatement son cheptel dans une hypothétique attente de nouvelles terres d'épandage, etc.) ne seront pas alors appliquées, tout en donnant aux éleveurs des règles fonctionnant clairement en faveur de l'environnement s'ils souhaitent recomposer un projet. - - - La mission a examiné une éventuelle transition accompagnant une telle évolution dans la stratégie de résorption, qui consisterait à définir annuellement un contingent départemental de projets nouveaux susceptibles d'être autorisés au titre des installations classées, si la totalité des critères environnementaux était bien sûr satisfaite. Une attribution selon la règle du « premier arriÎ ­ premier servi » pourrait éviter l'écueil de la valorisation monétaire des quotas individuels (voir plus haut). Cette mesure de transition permettrait de Îrifier qu'une certaine proportionnalité s'établirait entre les nouveaux élevages autorisés et les élevages restructurés. Ayant fait cet examen, la mission a finalement choisi de ne pas retenir cette idée parmi les propositions qu'elle formule, elle aurait à ses yeux plus d'inconÎnients que d'avantages. Si des réductions affectant des élevages respectant mal les critères environnementaux sont légitimes, est-il justifié de contingenter des nouveaux élevages qui respecteraient tous ces critères ? Et cette mesure n'aurait-elle pas des effets pervers 72 prévisibles, ne serait-ce que de fournir un argumentaire en vue de freiner la restructuration si les nouveaux développements tardent à venir, ou même d'accepter de nouveaux projets médiocres parce que la restructuration serait trop forte ? Il pourrait être en revanche estimé opportun de mettre en place un suivi rapproché de cette opération d'infléchissement de la stratégie de résorption, en diffusant (par exemple en CODERST) chaque année les effets obserÎs. En outre une mission d'audit de conformité des procédures employées, associant les inspections ou conseils généraux des ministères chargé de l'Agriculture et chargé de l'Environnement, pourrait être diligentée après un ou deux ans de mise en place de ce nouveau dispositif. 73 5 CONCLUSION Après un vaste panorama des incidences sur l'environnement de la production porcine, il convient de revenir aux points essentiels. La filière porcine suscite en France, de ce point de vue, des débats pour lesquels la passion n'exclut pas toujours les excès. L'objet même de ces débats peut être différent selon les régions : motiÎ bien souvent, à tort ou à raison, par des questions de nuisances en dehors de l'Ouest de la France, ce débat s'étend aussi dans les zones de production dense à la complexe question des pollutions diffuses, pour lesquelles les responsabilités sont partagées. Un point essentiel ne peut toutefois être oublié : même si la filière porcine s'adresse, sur ce point comme sur d'autres, d'abord aux pouvoirs publics, ce débat est avant tout un débat entre la filière et ses voisins, qui sont aussi ses clients. C'est pourquoi la question d'une stratégie environnementale de la filière porcine, qui a demandé cette mission, est particulièrement pertinente. ArriÎ au terme de ses travaux, la mission ne peut s'empêcher de faire part d'un constat important, qui concerne les deux questions principales ici traitées, les nuisances et les pollutions diffuses. Il est en effet frappant de constater à quel point se développent globalement, entre les deux parties au débat, ce que les économistes appellent des « logiques non coopératives » : faute d'un dialogue approfondi et d'une coopération suffisante, les solutions retenues ne sont finalement satisfaisantes pour personne. La restauration progressive d'une logique plus coopérative n'est pourtant peut-être pas impossible. A son niveau la mission a cherché à y contribuer en préparant les propositions et les suggestions de ce rapport, dont certaines sollicitent un effort prospectif de l'une et l'autre des parties à ce débat. C'est en particulier le cas pour les propositions visant à faire évoluer la stratégie de résorption, qui sont liées au renforcement de certaines exigences, ainsi que pour les propositions concernant les procédures d'autorisation. Le concept de développement durable repose bien sur la recherche d'un équilibre entre l'économie et l'environnement. Jean LESSIRARD Philippe QUEVREMONT 74 ANNEXES Anne xe 1 Lettre de commande Anne xe 2 Liste des personnes re ncontrées 17 septembre 2007 : MM. Jérôme-André GAUTHIER et Vincent GITZ, conseillers techniques au Cabinet du Ministre de l'Agriculture et de la pêche (MAP) ; M. Alain AUVE, conseiller technique au Cabinet du Ministre de l'Ecologie, du développement et de l'aménagement durables (MEDAD) ; M Stéphane LE DEN, chef du bureau du porc, de la volaille et des productions animales spéciales (MAP, DGPEI). 30 août 2007 : Mme Danièle MANFREDI, adjointe au chef de service de l'environnement industriel, direction de la prévention des pollutions et des risques (MEDAD), M. Joël FRANCART, chef de bureau. 26 septembre 2007 : M Dominique DUFUMIER, chef du bureau réglementation et sécurité au travail (MAP, DGFAR) et Mme Fabienne COLLET, chargée de mission. 27 septembre 2007 : M Jacques LEMAITRE, président de l'IFIP (Institut du porc) et M. Philippe LECOUVEY, directeur. 4 octobre 2007 : M. Jean DAUBIGNY, préfet de la région Bretagne, M. Bertrand GUIZARD, chargé de la mission interdépartementale et régionale de l'eau (MIRE, SGAR), M. Jacques AUBERT, chargé de mission (SGAR), M. Jean-Claude BRIENS, chef de service, DRAF (direction régionale de l'agriculture et de la forêt) et M. Guillaume HEMERY, mission d'appui agroalimentaire Bretagne, Conférence des Chambres économiques de Bretagne. 4 octobre 2007 : M. Bertrand GUIZARD, chargé de la mission interdépartementale et régionale de l'eau (MIRE), SGAR, préfecture de région Bretagne. 4 octobre 2007 : M Stéphane BURON, directeur délégué, DDAF d'Ille-et-Vilaine ; M BESSIN, chef de service, Christian LAINE, chef de service, Mme Florence FERNANDEZ, ingénieur. 5 octobre 2007 ; M. Marc MICHEL, directeur régional, DRAF Bretagne, M. JeanClaude BRIENS, chef de service, André LESPINASSE, chargé de mission, M JeanPaul SAUVE, statisticien. 5 octobre 2007 : M. Philippe HERCOUET, directeur départemental, DDSV d'Ille-etVilaine, M. Jean-Paul LE DANTEC, chef de service. - - - - - - - - - 5 octobre 2007 : Mme Anne-Marie ROPERT, chef de service (SEMARN), DIREN Bretagne. 8 octobre 2007 : entretien téléphonique avec M.Christian HUARD, Président de Conso-France, représentant des consommateurs au conseil supérieur d'orientation (CSO) 10 octobre 2007 : M. Jean-Claude BEVILLARD, secrétaire national, chargé des questions agricoles, France Nature Environnement, et M. Lionel VILAIN, conseiller technique. 10 octobre 2007 : M Guillaume ROUE, président d'INAPORC. 10 octobre 2007 : M. Jean-Claude VIAL, directeur-adjoint de l'eau (MEDAD), M. Philippe JEANNOT, chargé de mission. 18 octobre 2007 : M. Jean-Michel SERRES, président de la FNP (fédération nationale porcine), M. Jeff TREBAOL, vice-président, M. Paul AUFFRAY, M. Bernard ESNAULT. 24 octobre 2007 : M. Yvon SALAÜN, responsable Techniques d'élevage, IFIP institut du porc, Mme Nadine GUINGAND, ingénieur d'études, M. Pascal LEVASSEUR. 24 octobre 2007 : M. Michel RIEU, responsable du pôle économie de l'élevage et de la filière, IFIP institut du porc, Mme Christine ROGUET, ingénieur d'études. 6 novembre 2007 : M. Jacques JAOUEN, président de la Chambre Régionale d'Agriculture de Bretagne. 7 novembre 2007 : M. Christian SCHWARTZ, directeur départemental (DDAF des Cotes d'Armor), M. Charles QUINTARD, directeur départemental DDSV, M. PAPADOPOULOS et Mme Florence TOURNEL, chefs de service (DDAF), M Yannick CORNEL, chargé de mission DDAF. 7 novembre 2007 : M. Marcel CORMAN, président de l'Union des groupements de producteurs de viande de Bretagne (UGPVB), M. Patrice DRILLET, responsable environnement UGPVB, Mme Séverine GOYPERON, chargée de mission environnement. - - - - - - - - - - 13 novembre 2007 : Mme BLANC-DUBUISSON, M. Marcel CARTEAU, M. Armand MAHE, M. Jean-Yves BUAN, M. Christian LIETS, M. Jules GEORGEAINT, comité de liaison d'associations de consommateurs du Morbihan. 13 novembre 2007 : M. Philippe CHARETTON, directeur départemental (DDAF du Morbihan). 13 novembre 2007 : M. Laurent KERLIR, président, FRSEA de Bretagne. 14 novembre 2007 : M. Jean-François PIQUOT, porte-parole d'Eau et Rivières de Bretagne, M. Gilles HUET, délégué général. 14 novembre 2007 : M. Patrice MAUMONT, chef de service, DRAF de Bretagne. 4 décembre 2007 : M. François BONNET, directeur départemental de l'agriculture et de la forêt du Finistère, Mme Hélène BOUCHER, chef du service environnement. 4 décembre 2007 : Mme Laurence DEFLESSELLE, chef de service, direction départementale des services Îtérinaires du Finistère. 4 décembre 2007 : M. Louis COZ, président de la communauté de communes de Plabennec et des Abers, MM Yannick PACAULT et Pierre GUILCHER, cabinet Portances. 5 décembre 2007 : MM Philippe TOUZE et Jean-Guy HAMON, responsables du contrôle des exploitations, DDAF d'Ille-et-Vilaine. - - - - - - - 5 et 17 décembre 2007 : M. Louis BIANNIC, directeur régional de l'agriculture et de la forêt de Bretagne. Anne xe 3 Liste des principaux documents cons ultés - Paul BARON, François BARTHELEMY, Michel BOUVIER, Xavier MARTIN, JeanPierre VOGLER : Elevages et fonctionnement du conseil départemental d'hygiène en Ille et Vilaine (Inspection générale de l'environnement, Conseil général du génie rural, des eaux et des forêts, 20 mars 2001). Cour des Comptes : la préservation de la ressource en eau face aux pollutions d'origine agricole : le cas de la Bretagne (février 2002). Alain CARPENTIER, Karine LATOUCHE, Pierre RAINELLI : Les attributs de la viande de porc et la demande des consommateurs français (2003). IFIP (Claudie GOURMELEN et al) : Le coût des contraintes réglementaires pour la production porcine française (juin 2003). IFIP : Conditions d'installation et de fonctionnement des élevages de porcs face aux contraintes d'environnement dans quelques bassins de l'UE. Jacques GUIBE, André MANFREDI, Jean-Louis PORRY, Jean-Marie TRAVERS : Rapport sur la filière porcine française (Comité permanent de coordination des inspections du Ministère chargé de l'Agriculture, janvier 2004). André MANFREDI, Jean-Louis PORRY, Jean-Marie TRAVERS : L'avenir de la filière porcine française, conclusions des groupes de travail (Comité permanent de coordination des inspections du Ministère chargé de l'Agriculture, janvier 2004). Chantal LE MOUËL : Perspectives d'évolution du secteur porcin européen : Enjeux des négociations agricoles internationales et des réglementations en matière sanitaire, environnementale et de bien-être animal (INRA-ESR, 2004). Yves LEON, Etienne BLANCHET, Yves SURRY : Bilan de l'azote en Bretagne par bassin de production : l'importance des éléments porcins (INRA, 2005). - - - - - - - - - Isabelle PIOT-LEPERTIT, Monique LE MOING, Maud ULVE : la production porcine en France entre gains de productivité et réduction des rejets polluants (INRAEconomie). Guy DEBAILLEUL, Denis BOUTIN : La séÎrité de la réglementation environnementale québécoise dans le domaine des productions animales : mythe ou réalité (Développement durable, Environnement et Parcs, Gouvernement du Québec). Direction générale de l'environnement de Bretagne : Evaluation intermédiaire du programme Bretagne Eau Pure 2000-2006, première phase de l'évaluation (ISL Oréade-Brèche, juin 2005). Vincent BATTAULT, Sandrine ESPAGNOL : Méthode (parties A et B), Bilan de la mise en place d'une certification environnementale dans deux élevages porcins du Pays de Caux et extrapolation aux autres élevages porcins, Institut technique du porc (août 2005). Conseil scientifique de l'environnement de Bretagne : Evolution de la qualité des eaux en nitrate, recommandations pour une nouvelle politique de l'eau (décembre 2005). Conseil scientifique de l'environnement de Bretagne : Pour la compréhension des bassins versants et le suivi de la qualité de l'eau, fiches techniques et scientifiques (décembre 2005). Maurice FENETRE, Jean-Marie TRAVERS : Note de suivi du rapport sur l'avenir de la filière porcine française (Comité permanent de coordination des inspections du Ministère chargé de l'Agriculture, avril 2006). Office de l'Elevage : La consommation des produits carnés (septembre 2006). Préfecture de la région Bretagne (SGAR) : Evaluation du plan d'action pour un développement pérenne de l'agriculture, de l'agroalimentaire et pour la reconquête de la qualité » de l'eau en Bretagne (note pour le comité de pilotage du 1er décembre 2006). Conseil scientifique de l'environnement de Bretagne : Evolution de la qualité des eaux en Bretagne, avis et recommandations complémentaires (décembre 2006). Sillons d'Europe : La directive nitrates : application et conséquences (MINEFIDGTPE, mai 2007). - - - - - - - - - - IFIP (Institut du porc) : Filière porcine et environnement, note pour le Grenelle de l'Environnement (version 3, 20 juillet 2007). Fiches de synthèse du programme « Porcherie verte » (2007). IFIP : Les signes de qualité en production porcine (2007). Bertrand MONTEL, Guy DEBAILLEUL : Les élevages porcins face l'environnement : reconstruction du système de gestion et norme ISO 14001. à - - Martin BOSCHAMA, Alain JOARIS, Claude VIDAL : Agriculture et environnement, concentration de la production animale (Eurostat, 2007). - Christine ROGUET et al : Le parc des élevages de porcs en France, IFIP (septembre 2007). - Leif KNUDSEN : how do the pig production deal with the environnemental legislation in Denmark ? (june 2007). - Baromètre Porc, décembre 2007 : Danemark Les élevages de porc en mutation. (ATTENTION: OPTION es écoulements directs d'effluents vers les milieux naturels ne sont pas nécessairement exclus ; il paraît en tous cas peu probable que le calendrier des épandages soit exactement respecté. 48 Une partie de l'azote inclus dans les références mesurées à l'émission à l'élevage contribue aux émissions ammoniacales, dont une autre partie retombe sur les sols autour de l'élevage. 49 Cette sous-estimation est indirectement confirmée par les écarts releÎs avec les références retenues dans les autres Etatsmembres. Ces écarts s'expliquaient tant que la génétique française était en retard par rapport à ses grands concurrents européens producteurs laitiers. La génétique laitière française figure désormais parmi les plus efficientes au niveau mondial. 43 Il est difficile d'imaginer accélérer brutalement un calendrier qui dépend, pour partie, d'un plan de charge des entreprises (bâtiment, etc.) sollicitées. Mais la facilité avec laquelle l'administration semble accorder des délais d'exécution encore allongés, pour la réalisation des investissements subventionnés50, appelle cependant une réaction appropriée. 3.2.2.5 Le calcul de la fertilisation Les modalités de calcul de la fertilisation ont été préparées en Bretagne de manière méthodique, l'administration y agrée les références utilisées dans les logiciels préparant les plans de fumure. Deux points mériteraient cependant d'être encore approfondis : certains éléments techniques laissent craindre une sous-estimation des effets de report de la fertilisation d'une année sur l'autre, en particulier pour des parcelles épandues chaque année. La mesure des reliquats d'azote dans les sols peut avoir deux fonctions : effectuée juste après (ou peu avant) la récolte, elle permet de Îrifier, a posteriori, que la culture précédente n'a pas été fertilisée à l'excès ; effectuée en sortie d'hiver ou au printemps, avant les semis de mais ou avant la première fertilisation sur blé, elle permet de quantifier l'azote minéral disponible dans les sols après l'hiver, azote qu'il ne sera pas nécessaire d'apporter en cours de campagne à venir. Mesurer les reliquats est donc un acte important en vue du pilotage de la fertilisation. - Cette mesure n'est toutefois pas généralisée, ni peut-être même généralisable, en zone d'élevage, où les parcelles agricoles sont souvent de taille limitée : le coût des prélèvements (qui doivent suivre un protocole précis) et des analyses se réÏlerait trop éleÎ par rapport aux marges dégagées, si ces mesures étaient généralisées. Chaque année en Bretagne les Chambres d'Agriculture mesurent les reliquats de fin d'hiver sur des parcelles témoin, ce qui permet une estimation des effets du climat (lessivage, minéralisation), variables selon les années. La difficulté de méthode tient ensuite à l'extension de ces estimations à chaque parcelle : l'historique de celle-ci (sur-fertilisation éventuelle, etc.) peut être à cette occasion oublié. Rien ne garantit, en tous cas, qu'une estimation correcte de ces reliquats soit employée par les prestataires chargés de préparer les plans de fumure pour le compte des agriculteurs, ni par les agriculteurs eux-mêmes ; l'usage assez répandu de reliquats standards est en tous cas un sujet de préoccupation. Il peut en résulter une sur-fertilisation non négligeable, par exemple pour des parcelles proches du siège d'exploitation, où des épandages fréquents ont pu avoir lieu les années précédentes, et qui peuvent ainsi faire l'objet d'une préconisation excessive. La mission estime que ces types de cas devraient être détectés et suivis. 3.2.2.6 Le contrôle de la fertilisation Les plans d'action ont prévu de rendre obligatoires, dans les zones vulnérables, deux outils permettant de prévoir une fertilisation équilibrée (au sens agronomique du terme), puis d'en tracer l'exécution : le plan prévisionnel de fumure, exigible au printemps, et le cahier de fertilisation. 50 Il doit être souligné qu'une telle décision accorde aussi de fait une dérogation aux plans d'action. 44 Depuis 2002, la généralisation de ces outils en zone de production dense a fait des progrès remarquables ; et depuis 2005 la mise en oeuvre de l'éco-conditionnalité au titre des soutiens directs de la PAC a montré que la Bretagne était sur ce point en avance par rapport au reste de la France. Ce succès n'est cependant pas sans nuances. Depuis 2002 des contrôles répétés à taux éleÎ (10% annuels) y ont sûrement contribué. Ce taux est même actuellement porté à 50% en bassin versant à contentieux. Mais ces contrôles se sont jusqu'ici surtout limités au respect des obligations de chaque agriculteur sur la forme (existence d'un plan prévisionnel de fumure et d'un cahier de fertilisation), sans en Îrifier de manière approfondie le contenu sur le fond : ces contrôles ne sont pas en mesure d'attester que la fertilisation a été correctement préconisée ni qu'elle a été effectuée, à la dose prévue et selon le calendrier adéquat, sauf à « mettre un gendarme derrière chaque agriculteur », ce qui est bien entendu difficilement envisageable. De nombreux prestataires proposent désormais aux agriculteurs un service, généralement facturé quelques centaines d'euros par an, visant à calculer les plans prévisionnels de fumure (ce qui est certainement une aide précieuse), et à présenter à l'administration la fertilisation effectuée sur un document automatisé (l'utilité réelle de l'automatisation est ici beaucoup plus discutable). A cette occasion, on peut craindre que la forme n'ait pris le pas sur le fond, et que le résultat de la fertilisation ne soit pas nécessairement équilibré par rapport aux besoins de la culture. Sans être en soi probantes, certaines anecdotes rapportées par les équipes de contrôle des DDAF et/ou DDSV illustrent ce risque de dérive collective : il s'est vu, par exemple, de rencontrer un cahier de fertilisation automatisé qui mentionnait par avance la date d'une récolte non encore effectuée ; ou de présenter au contrôle un plan de fumure portant automatiquement une date d'impression remontant à 48 heures, au moment où le contrôle a été annoncé à l'éleveur. L'ensemble de ce dispositif coûte cher, aux agriculteurs qui ont massivement recours à la sous-traitance, comme aux pouvoirs publics qui diligentent des contrôles devenus peu utiles. S'il apparaît nécessaire d'objectiver le processus de la mise en oeuvre d'une fertilisation équilibrée par l'utilisation d'outils tels que le plan de fumure prévisionnel et le cahier de fertilisation, il serait opportun de mieux définir les conditions de leur mise en oeuvre, ainsi que les processus permettant d'en mesurer l'efficacité par rapport au résultat attendu. 3.2.2.7 Le principe d'un plafonnement des épandages à 170 kg d'azote organique par hectare En application directe de la directive nitrates, l'azote apporté aux sols par les effluents d'origine animale (lisiers, fumiers, composts,..) doit être limité à 170 kg par hectare épandable et par an, à l'échelle de l'exploitation. Cette limite correspond sensiblement à l'équilibre agronomique de la fertilisation (c'est à dire aux besoins des plantes) pour un assolement courant dans des terres de bon potentiel agronomique. Mais l'équilibre de la fertilisation peut aussi se rencontrer à des niveaux supérieurs (si le rendement Îgétal accepte des apports d'azote importants en bonnes terres), comme à des niveaux inférieurs (en petites terres, ou avec des cultures ayant de faibles besoins en azote). 45 Ce constat renvoie à deux questions complémentaires: Le respect de ce niveau réglementaire est-il garant d'un équilibre (agronomique) de la fertilisation, parcelle par parcelle ? A quelles occasions le respect de ce plafond est-il Îrifié, et quelles conséquences en tire-t-on ? La répartition géographique des épandages Même dans les cas où la limite des 170 kg d'azote organique à l'hectare en moyenne sur l'exploitation est fondée au plan agronomique, son respect ne garantit pas une limitation adéquate des fuites de nitrates vers les nappes pour chaque parcelle, si le calendrier et la répartition spatiale des effluents sur l'exploitation sont incorrects. Les habitudes d'un apport excessif d'effluents sur maïs51 sont certainement en régression en Bretagne, les épandages sur blé, par exemple, se développent. Est-on cependant certain que certaines parcelles, en maïs et proches des bâtiments d'élevage, ne soient pas sur-fertilisées par rapport à des parcelles plus lointaines ? Les procédures de contrôle actuelles ne peuvent en tous cas pas le garantir. Ce point quelque peu préoccupant est à relier à un autre phénomène : la procédure d'instruction d'une autorisation au titre des installations classées est lourde, et comme à chaque fois qu'une telle particularité se présente, l'attention du maître d'ouvrage comme celle des services de contrôle est certainement moins vigilante pour la mise à jour ultérieure du plan d'épandage, probablement imparfaite. Mais à quoi sert un plan d'épandage initial parfait si la réalité, ajustée d'une année à l'autre, peut être différente ? Deux éléments permettent d'illustrer ce propos : la relation contractuelle entre un agriculteur « prêteur de terres » (qui accepte sur son exploitation l'épandage d'effluents provenant d'un autre élevage) et l'installation classée qui produit ces effluents n'est pas encadrée par le code rural, pourtant prolixe en procédures foncières dirigistes 52. Cette particularité aboutit à une certaine absurdité administrative, le demandeur prépare pendant plusieurs mois, souvent à grands frais, un dossier de demande d'autorisation, que les pouvoirs publics mettent une année à valider, voire plus, alors que le tiers qui autorise effectivement ces épandages peut éventuellement revenir sur son accord sans délai. Ce ne serait pas pour autant une bonne idée, aux yeux de la mission que de chercher à rigidifier ce type de contrat (voir plus loin), ces dispositions nouvelles seraient probablement contournées. En principe l'administration dispose déjà de la possibilité d'effectuer certaines Îrifications annuelles, ne serait-ce qu'en détectant, à l'aide des fichiers des déclarations annuelles de surface au titre de la PAC (détenus par les DDAF), que le « prêteur de terres » autorisé (par la DDSV) n'a pas cessé d'exploiter. Est-ce un effet de la bi-polarité des administrations de terrain (DDAF et DDSV) dépendant du Ministère de l'Agriculture ? Ce suivi, automatisable, n'est en tous cas pas effectué. - 51 52 Le maïs est une culture tolérante vis à vis des excès d'azote. Il faut par exemple rappeler que la totalité du statut du fermage est d'ordre public, c'est à dire qu'il ne laisse pratiquement pas de liberté aux parties pour déterminer les détails du contrat de bail. 46 En outre, le lien direct, imposé par la réglementation, entre l'exploitation produisant les effluents et les terres de son voisin « prêtées » pour l'épandage atteint des limites évidentes s'il conduit à reprendre la totalité d'un dossier simplement pour remplacer un fournisseur d'effluents par un autre. Ce double constat milite pour une certaine souplesse dans l'adaptation des plans d'épandage, dès lors que le droit des tiers serait garanti : il ne doit pas s'agir d'inclure de nouvelles parcelles ni d'augmenter les nuisances (remplacer un enfouissement de lisier par un épandage simple, par exemple). Cette plus grande souplesse serait associée à un suivi annuel renforcé des épandages effectués (voir plus loin). La Îrification de la limite des 170 kg d'azote organique à l'hectare Le respect du plafond des 170 kg d'azote organique par hectare épandable et par an est Îrifié à l'occasion des procédures concernant spécifiquement l'environnement, par exemple l'instruction d'une demande d'autorisation au titre des installations classées, ou l'octroi d'une subvention au titre du PMPOA. Cette Îrification est toutefois moins systématique lors de l'instruction de procédures spécifiquement agricoles, comme par exemple lors de l'octroi de quotas laitiers supplémentaires, qui doit être conditionné au non dépassement de ce seuil, compte tenu de l'incidence des quotas à distribuer. L'octroi des aides à l'installation devrait également être conditionné au respect de ce seuil, l'exploitation qui ne respecte pas ce point important pouvant difficilement être considérée comme viable au plan économique. L'application de ces principes est cependant inégale selon les départements. Il s'agit certes de procédures agricoles. Mais si l'on peut dans certains cas être convaincu de la difficulté économique à réduire sans délai un chargement animal excédant la limite des 170 kg d'azote organique à l'hectare épandable, compte tenu par exemple d'investissements antérieurement effectués, on ne peut pas dans le même temps accepter que des exploitations s'engagent économiquement pour des durées longues (installation, augmentation de production) sans Îrifier ce critère essentiel. Comme il a déjà été évoqué plus haut, le respect des 170 kg d'azote organique épandu par hectare et par an n'est pas, en soi, une garantie totale de l'équilibre agronomique de la fertilisation : celui-ci dépend des cultures, de la qualité des terres, du calendrier d'apport, etc. C'est d'ailleurs pourquoi on peut s'inquiéter de la tendance, rapportée par les interlocuteurs de la mission, à présenter à l'autorisation préfectorale au titre des installations classées des plans d'épandage calés à 169 kg d'azote : la réalité des cultures et des rendements justifie-telle vraiment cette ambition ? La mission considère toutefois que ce serait une erreur, sur la base de ces arguments, que de trop relativiser le critère des 170 kg d'azote organique, que sa simplicité rend facilement utilisable : il convient, au contraire, de l'utiliser plus largement qu'aujourd'hui (voir plus loin). 3.2.2.8 Le régime des sanctions En principe les défaillances releÎes dans la préparation d'un plan de fumure ou la traçabilité de la fertilisation relèvent de sanctions pénales. Ceci a pu conduire, en zone de production dense, les DDAF à multiplier les avertissements en cas de défaillance aÎrée, avec l'accord du procureur de la République. 47 L'emploi de sanctions effectives se réÏle de fait disproportionné, les sanctions pénales (amendes, etc.) étant très rarement prononcées sur la base de ce seul constat, qui doit être en outre établi par du personnel assermenté. Une autre disproportion peut également s'observer au titre de la conditionnalité des soutiens directs de la PAC : l'absence de plusieurs données dans un plan de fumure ou un cahier de fertilisation peut aboutir à des sanctions effectives (1% d'aides en moins), alors que dans ce cas la sur-fertilisation est possible sans être certaine. A l'inverse le dépassement de la limite des 170 kg d'azote organique à l'hectare, qui établit une sur-fertilisation très probable, n'est sanctionné que s'il atteint le seuil éleÎ de 225 kg. Ce double constat accentue la nature trop formelle des contrôles releÎe plus haut. 3.2.2.9 Une baisse de la fertilisation minérale moins marquée qu'attendu Selon les chiffres de l'Union des industries de la fertilisation53, la vente d'azote minéral a décru plus vite en Bretagne (-19,5%) qu'en France entière (-11,6%) sur les 7 années qui ont précédé la campagne 2005-2006. Cet écart est appréciable ; mais la réduction obserÎe pendant la période du plan d'action breton est cependant plus faible (16.000t) qu'attendu (30.000t). Une des explications avancées sur le terrain est que la substitution d'un plan d'épandage par un autre, lorsque le premier éleveur est soumis en ZES à l'obligation de traiter ses effluents, serait très imparfaite : l'azote organique serait ainsi parfois remplacé par de l'azote minéral. Personne ne se risque à chiffrer ce phénomène, qui, s'il était largement confirmé, saperait l'un des principes sur lesquels la politique de résorption a été bâtie. Les résultats moindres qu'attendus tiennent peut-être aussi, en partie, aux conditions dans lesquels sont formulés les conseils de fertilisation. Ceux-ci mobilisent, dans les zones de production dense, de très nombreux intervenants. La certification des organismes de conseil, engagée en Bretagne, n'a pas été jusqu'à prévoir pour la fertilisation une séparation totale, au niveau des agents comme au niveau des organisations, entre les fonctions de prescription et les fonctions de commercialisation. D'autres zones excédentaires ont toutefois fait un choix différent ; il faut ainsi signaler qu'au Canada (Québec), dont la proximité de la culture anglo-saxonne garantit un bon pragmatisme, cette séparation est en application, malgré des difficultés pratiques évidentes pour sa mise en application. Sans proposer une réforme d'ensemble en France, qui dépasserait visiblement le cadre de cette mission, ce rapport propose cependant de faire un pas dans le sens d'une clarification des responsabilités de chaque intervenant (voir plus loin). 3.2.2.10 Avis global sur la fertilisation azotée Au total, les outils de suivi de la fertilisation (plans de fumure et cahiers de fertilisation), apparemment bien diffusés, ne permettent pas de confirmer tous les espoirs qu'ils avaient suscités. Des contrôles récents réalisés dans le Morbihan parmi des catégories d'éleveurs jusqu'ici peu suivies illustrent cette déception. Deux raisons fondamentales se conjuguent qui conduisent à ce constat : d'une part ces outils ne sont probablement pas encore mis en oeuvre avec toute la rigueur nécessaire, et à ce titre la mission doit présenter des propositions d'adaptation. 53 Chiffres cités par l' «Evaluation du plan d'action pour un développement pérenne de l'agriculture, de l'agroalimentaire et pour la reconquête de la qualité de l'eau en Bretagne, note pour le comité de pilotage du 1/12/06, préfecture de région Bretagne (page 9). 48 D'autre part, dans un univers où l'excès d'azote est très fréquent, l'argument d'économies attendues sur les intrants, du fait d'une fertilisation raisonnée, est probablement moins puissant que dans les zones où l'azote n'est pas structurellement excédentaire. A l'extrême, l'azote n'a pas de coût, ce qui compte c'est de s'en débarrasser. A l'inverse, on peut noter qu'à cause d'un effet de seuil, le risque d'une sous-fertilisation est peut-être plus pénalisant pour un élevage, qui peut craindre une rupture dans ses stocks d'alimentation hivernale, que pour les cultures de vente. La fertilisation équilibrée ne va pas alors nécessairement de soi, ce qui a conduit la mission à proposer de procédures d'adaptation des contrôles. 3.2.2.11 Les limites liées aux politiques publiques elles-mêmes : la quantification économique des actions La reconquête de la qualité de l'eau a justifié de nombreuses actions publiques ; mais même dans les documents les plus synthétiques, aucune estimation physique des résultats à attendre de chaque action n'est associée aux actions proposées ou réalisées : on sait ce que coûte (ou coûtera) la mesure, on ne quantifie pas pour autant son impact technique en unités comparables, par exemple en tonnes d'azote organique ou minéral non apportées au niveau des sols chaque année. L'absence d'un tel indicateur commun rend très difficile l'analyse comparative de l'efficacité potentielle ou obserÎe des différentes mesures. Cette remarque est à rapprocher de nombreuses observations faites sur l'application insuffisante du principe pollueur-payeur en ce domaine54. 3.3 Le jeu des acteurs Stratégie environnementale de la filière porcine. 3.3.1 En mars 2003, le premier document émis au titre du « rapport PORRY55 » résumait le positionnement historique de la filière porcine, au regard des questions d'environnement, en indiquant que son « succès notable... a trop longtemps négligé les contraintes environnementales ». Deux éléments-clé apparaissent dans cette formulation ramassée, la notion de délai, et la mention d'une démarche contrainte. La recherche de délais supplémentaires a été dominante au moins jusque vers la fin des années 1990. A cette époque, l'Etat a affiché dans les zones de production dense une stratégie d'ensemble, dénommée résorption (instruction aux préfets du 21 janvier 1998, dite « circulaire VOYNET ­ LE PENSEC ») ; la volonté de l'Etat de mettre en oeuvre une politique plus restrictive s'est affirmée à partir de l'année 2000. Un abattage de truies excédentaires décidé par l'Etat, symbolique, est par exemple intervenu dans le Finistère en juillet 200156. 54 Voir en particulier le rapport de la Cour des Comptes : la préservation de la ressource en eau face aux pollutions d'origine agricole : le cas de la Bretagne (février 2002). 55 Jacques GUIBE, André MANFREDI, Jean-Louis PORRY, Jean-Marie TRAVERS : L'avenir de la filière porcine française, Analyse générale (Comité permanent de coordination des inspections du Ministère chargé de l'Agriculture, 17 mars 2003), page 3. 56 Le 24 juillet 2001, le préfet du Finistère a fait abattre d'office, aux frais de l'exploitant et avec le concours de la force publique, plus de 400 truies excédent l'autorisation d'un établissement classé. 49 La filière porcine, dont l'importance économique en Bretagne était en jeu, a alors développé une stratégie visant à s'adapter à des règles environnementales ressenties comme nouvelles. Cette stratégie d'adaptation comprend trois caractéristiques remarquables : La production porcine a engagé un effort sans précédent d'investissement à des fins environnementales, constitué pour l'essentiel de stations d'épuration nouvellement construites ; l'énergie dont a été historiquement capable la filière bretonne s'est ici à nouveau manifestée. Cet effort a eu des effets très positifs en termes de savoir faire technique, l'engagement de certains groupes économiques ayant permis le développement de Îritables filières industrielles de traitement des effluents porcins, et même dans certains cas de distribution des co-produits. Cet acquis, à consolider, est désormais essentiel pour la filière française. La filière porcine a participé à des structures de dialogue avec le reste de la société, y compris avec des sensibilités environnementales marquées, comme par exemple au sein du comité de pilotage du plan d'action breton57. Cette participation répondait toutefois plus aux initiatives des pouvoirs publics qu'à une dynamique propre à la filière. La qualité de ce dialogue est inégale, dans cet exemple elle a été altérée à l'occasion de la mise en place des règles dites de « restructuration externe des élevages », les principaux acteurs n'ayant pas réussi à définir un compromis durable sur un élément-clé pilotant l'équilibre entre objectifs économiques et objectifs environnementaux associés à ces règles. En même temps, la filière porcine n'a pas complètement cessé d'intervenir, auprès des pouvoirs publics, pour chercher à retarder, autant que faire se pouvait, l'application de règles environnementales. Il convient ici de bien préciser le point de vue de la mission : celle-ci ne considère pas que le principe de telles interventions soit choquant, pour autant qu'elles soient argumentées, et, si possible, accompagnées de propositions alternatives: les pouvoirs publics ne peuvent pas connaître a priori tous les problèmes de tous les agents économiques, et il leur appartient bien, in fine, de prendre les décisions nécessaires. - - Si le principe de ces interventions ne peut être mis en cause, leurs résultats peuvent se réÎler moins fructueux. La filière se plaint ainsi souvent que les règles environnementales ne changent trop rapidement. Face à une demande sociale très forte en ce domaine, ce n'est à l'inverse qu'en admettant des exigences de bon niveau qu'une réglementation peut se réÎler durable. L'instabilité est en revanche particulièrement marquée quand les pouvoirs publics finissent par accepter une application « réglementaire » si atténuée qu'elle ne peut conduire qu'à être suivie d'un mouvement inverse initié par voie jurisprudentielle : l'instabilité réglementaire n'est plus alors contrôlée par aucun acteur. Globalement, la stratégie de la filière porcine au regard des questions d'environnement présente ainsi un caractère plutôt défensif : elle a du mal à anticiper, pour protéger son image ou pour élaborer des propositions en matière d'environnement58, comme le font certaines grandes branches industrielles pourtant réputées polluantes. Un dialogue inabouti avec le reste de la société, en particulier avec ses sensibilités environnementales, ne permet guère à cette filière de valoriser des efforts économiquement lourds en faveur de l'environnement, pourtant 57 Plan d'action pour un développement pérenne de l'agriculture, de l'agroalimentaire et pour la reconquête de la qualité de l'eau en Bretagne. 58 L'exception est bien entendu la proposition de « restructuration externe » des élevages, formulée en 2002 en Bretagne. Mais il s'agit tout autant, voire plus, d'une proposition dans le domaine économique que dans le domaine environnemental. 50 indéniables. Cette situation est d'autant plus dommageable que pendant le même temps la filière réussit mal à faire comprendre les enjeux économiques réels auxquels elle est ellemême confrontée. 3.3.2 3.3.2.1 Les associations En zone de production peu dense Il serait délicat pour la mission d'asséner des affirmations définitives sans avoir pu enquêter de manière détaillée dans un grand nombre de départements français. Globalement, la plupart des observateurs s'accordent cependant à considérer que l'approche des associations locales vis à vis de l'élevage porcin est assez facilement négative par réflexe, portée par une image défavorable de la production porcine : le projet de développement d'un seul élevage porcin peut ainsi susciter des oppositions farouches, assez souvent soutenues par des élus, argumentées par la volonté de ne pas recommencer ailleurs les « erreurs environnementales commises en Bretagne ». De fait, on peut plutôt imaginer que cette logique très locale soit d'abord motiÎe par la volonté d'échapper à des nuisances (odeurs,...), considérées comme inévitables pour ce type d'élevage. L'approche réaliste et mesurée d' organisations nationales représentatives, telles France Nature Environnement qui accepte sans objection de principe l'autorisation d'implanter des unités d'élevages dès lors qu'elles sont conformes aux règles, correspond à une défense de l'environnement en tant que tel ; mais elle ne peut suffire à freiner le puissant développement dans la société française de ces logiques locales très défensives 59. La rationalité de ce type d'oppositions est considérée comme discutable par la filière porcine. Mais ce n'est pas pour autant, aux yeux de la mission, qu'il faille simplifier sans précaution les procédures publiques d'encadrement du développement de l'élevage porcin (installations classées,...), sauf à prendre le risque de blocages encore plus nets, sans capacité locale des pouvoirs publics à arbitrer (voir plus loin). 3.3.2.2 En zone de production dense De très sérieux problèmes environnementaux, en particulier quant à la qualité des eaux superficielles, ont été induits par le développement, dans un univers d'élevages déjà denses, d'un élevage porcin et avicole « hors sol », c'est à dire sans les superficies agricoles nécessaires à la production des aliments pour les porcs (céréales...) comme à l'épandage de leurs effluents. La vigilance des pouvoirs publics, pour équilibrer le débat entre les valeurs du développement durable (développement économique d'une part, environnement d'autre part), s'est en effet affirmée tardivement. Ce constat indéniable, ainsi que la lenteur de la reconquête annoncée de la qualité des eaux en Bretagne, justifient aux yeux des associations le maintien d'une vigilance particulière à l'égard de l'élevage porcin. La délicate question des nuisances (odeurs des élevages et des épandages,...) ne constitue-telle pas cependant, aux yeux d'une partie des adhérents de base, une raison supplémentaire de mobilisation ? En tous cas, l'expression spontanée de griefs vis à vis de la production porcine associe souvent ces questions de nuisances à celle de la qualité des eaux, et parfois même à un rejet général du système de production le plus représenté en production porcine. Le discours 59 Les sociologues américains ont baptisé « NIMBY » ce syndrome désormais bien identifié dans toutes nos sociétés contemporaines (Not In My Back Yard : pas dans la cour derrière chez moi), en référence à des projets d'investissement dont l'utilité collective n'est pas nécessairement contestée, à condition qu'ils s'implantent ailleurs que près de chez vous. 51 se développe alors dans trois dimensions : deux concernent directement l'environnement, au titre des milieux naturels ou des nuisances60 ; la troisième relève plus d'un débat général concernant notre modèle de société, et son rapport avec les activités productives. 3.3.3 Les pouvoirs publics Le « rapport BARON » soulignait en 2001 la dimension formelle 61 de la réglementation environnementale appliquée aux élevages en zone de production dense, relevant une volonté insuffisante des pouvoirs publics d'en obtenir une application réelle. Il est vrai que l'on dénombrait alors plusieurs milliers d'élevages en Bretagne en marge de la légalité, les procédures prévues depuis 1975 (date à laquelle les élevages de porc ont été soumis en France à la législation relative aux installations classées), 1994 (date de référence retenue par les pouvoirs publics pour régulariser les élevages existants) et 1998 (date à laquelle les pouvoirs publics ont arrêté les bases de la politique de résorption toujours en application) commençaient seulement à être systématiquement appliquées. Cette situation de retard généralisé ne semble plus d'actualité, et le stock d'élevages « à régulariser » n'existe d'ailleurs plus. La volonté des pouvoirs publics d'équilibrer développement économique et protection de l'environnement a été soulignée à de très nombreuses reprises, y compris par les Ministres chargés de l'Environnement et/ou de l'Agriculture eux-mêmes. De nombreuses initiatives ont été prises pour développer un dialogue constructif, en particulier entre représentants des agriculteurs et associations de protection de l'environnement. De nombreuses procédures de contrôle, sans précédent, ont été mises en place. Des raisons de préoccupation perdurent néanmoins. Le caractère constructif de ce dialogue peine à se maintenir dans la durée, au point que de très vives tensions se sont par exemple à nouveau réÎlées au cours de l'année 2007, à l'occasion d'un large débat sur le contentieux communautaire. Plusieurs des politiques publiques appliquées jusqu'alors viennent à échéance fin 2007 (voire fin 2006), sans que l'on puisse encore localiser avec précision quelles sont les hypothèses à l'étude pour leurs suites, ni les lieux où elles seront débattues. Des signes de vieillissement des choix opérés précédemment apparaissent, le plus inquiétant étant la montée d'un nouveau formalisme de contrôle administratif (voir plus haut), qui n'est satisfaisant ni pour les éleveurs, soumis à des procédures dont certaines suscitent le doute quant à leur efficacité, ni pour l'environnement, ni au regard d'une saine gestion des fonds publics. 3.3.4 Evaluation générale sur le jeu des acteurs Mesurée à l'aune de l'année 2007, la dynamique des acteurs se caractérise par une grande difficulté à développer des collaborations constructives, et parfois même simplement à maintenir un dialogue réel entre les parties prenantes. On ne peut s `étonner, dans ce contexte, de constater un nouveau développement du recours au contentieux (administratif surtout), chaque partie cherchant à obtenir du juge ce qu'elle ne peut obtenir d'un dialogue inacheÎ. Le respect d'un état de droit est l'une des valeurs fondamentales de la République ; mais la mission se doit aussi de souligner que cette 60 61 La prévention des nuisances fait partie du code de l'environnement, au titre des installations classées par exemple. « La priorité a été donnée au respect formel de la procédure et non au aux conséquences réelles sur l'environnement de chaque projet d'élevage ». Paul BARON, François BARTHELEMY, Michel BOUVIER, Xavier MARTIN, Jean-Pierre VOGLER : Elevages et fonctionnement du conseil départemental d'hygiène en Ille-et-Vilaine, 20 mars 2001 (page 4). 52 orientation, à supposer qu'elle perdure indéfiniment, n'apporterait aux parties aucune garantie que ses attentes les plus fondamentales soient satisfaites : les tribunaux Îrifient le respect du droit, non une équité abstraite ou l'adaptation à une situation particulière d'une procédure réglementaire. La qualité juridique irrégulière de procédures parfois mal conçues ou mal mises en oeuvre facilite malheureusement une telle fuite en avant. 3.4 Le régime des installations classées pour la protection de l'environnement. Comme exposé ci-dessus, la prévention des nuisances relève du dispositif des installations classées pour la protection de l'environnement, lui-même encadré par le dispositif communautaire dit « IPPC ». L'application de cette réglementation est pilotée pour les élevages par les services de l'Etat (directions départementales des services Îtérinaires) ; selon sa taille l'élevage relève d'une autorisation préalable de l'autorité administrative (préfet) donnée après enquête publique, ou d'une déclaration dont il est simplement donné récépissé. Les élevages soumis à déclaration doivent cependant respecter un arrêté définissant leurs obligations ; comme les élevages soumis à autorisation, ils peuvent être contrôlés par un inspecteur des installations classées disposant de larges pouvoirs. Cette procédure est appliquée à de nombreux secteurs industriels, y compris pour l'agroalimentaire. Son très large champ d'application, son antériorité, ses très nombreux instruments possibles d'intervention (incluant par exemple jusqu'à des mesures de consignation financière ou des travaux exécutés d'office), la place qu'elle accorde au public, aux élus et aux associations au travers de procédures de consultation minutieuses, le sérieux avec lequel elle est désormais généralement appliquée y compris pour les élevages en fait une procédure reconnue. La limite entre les deux procédures (autorisation ou déclaration) se situe depuis 1975 à hauteur de 450 porcs, elle est nettement inférieure au plafond communautaire défini pour cette activité par la directive IPPC ; cette limite n'a pas été réévaluée à l'occasion d'un récent exercice de simplification administrative, contrairement aux choix effectués pour les secteurs de la volaille et de l'élevage bovin. Là se situe de fait le vrai point de débat entre la filière porcine, qui estime économiquement anormale cette distorsion se concurrence intraeuropéenne, et les associations, qui souhaitent continuer à être informées, et même de pouvoir peser dans le débat public ainsi organisé, préalablement à toute extension significative d'élevage. Il convient toutefois de préciser que, selon la directive, la fixation de la limite entre les procédures ne relève pas d'une décision de principe : le seuil retenu doit tenir compte de la situation environnementale que l'équipement projeté peut impacter, et du niveau de risque correspondant. Avant de revenir sur ce point (voir plus loin), il est apparu intéressant à la mission de rechercher, dans la littérature scientifique et/ou technique, s'il existait des études internationales, qui ne soient pas établies par l'une ou l'autre des parties présentes au débat, comparant les éventuelles distorsions induites par des dispositions réglementaires nationales. 53 Le seul document identifié sur un tel cahier des charges est canadien62 ; on peut penser que l'éloignement de ses auteurs, préoccupés par la situation en Amérique du Nord beaucoup plus qu'en Europe, contribue à son objectivité. Un extrait de ce document est ici dupliqué. Principaux éléments de comparaison des réglementations environnementales « Une comparaison de réglementations environnementales peut mobiliser de nombreux éléments. Nous avons choisi de retenir huit critères qui nous paraissent bien représenter les principales exigences des mesures environnementales en matière de production animale. Ces critères concernent à la fois les procédures d'évaluation des dossiers d'établissement ou d'agrandissement d'élevages (seuils d'autorisation, d'évaluation d'impact, mécanismes de consultation publique) et des exigences en matière de gestion des effluents d'élevage (exigences du plan de gestion des fumiers et lisiers, normes de localisation et normes d'épandage). Le tableau 2 présente, selon les pays et les régions, une appréciation qualitative de ces huit principales dispositions. Un examen de ce tableau permet d'établir un certain nombre de constats. La séÎrité de la réglementation environnementale québécoise dans le domaine des productions animales : mythe ou réalité? Guy Debaillleul, professeur titulaire de la Faculté des sciences de l'agriculture et 62 de l'alimentation, Université Laval, et Denis Boutin, agronome et économiste rural, M.Sc. Ministère du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs. 54 Tableau 2 - Comparaison de dispositions de la réglementation environnementale dans le domaine des productions animales selon les pays et les régions (2003) Distances séparatrices des Seuils des installations Seuils des mécanismes Plan Seuils des de procédures des zones à d'enquête gestion des ou procédures d'évaluation protéger de demande publique et matières (étude (cours de d'autorisation fertilisantes d'eau, puits, d'impacts) consultation zone de captage, etc.) Pays région Distances d'épandage des cours Période d'eau ou d'épandage des zones de captage Distances relatives à la gestion des odeurs (sites d'élevage et épandages) Europe Allemagne Danemark Espagne (Catalogne) France (Bretagne) Pays-Bas États-Unis Caroline Nord Iowa Minnesota Nebraska Wisconsin Canada Alberta nd nd nd nd nd nd nd nd nd nd nd nd nd nd nd du nd nd nd nd nd nd nd nd nd nd nd nd nd Saskatchewan Manitoba Ontario Québec NouveauBrunswick Légende : exigences réglementaires parmi les plus contraignantes exigences réglementaires moyennement contraignantes exigences réglementaires parmi les moins contraignantes non disponibles Source : adapté de Debailleul, 2004 » Ce document confirme de manière synthétique le niveau éleÎ des exigences environnementales appliquées en France, au regard des autres grandes zones de production 55 porcine européennes, à l'exception des dispositions visant à réduire ou contrôler les nuisances relatives à la gestion des odeurs. Cette particularité a contribué à l'orientation de certaines des propositions formulées par la mission (voir plus loin). 56 4 RECOMMANDATIONS ET SUGGESTIONS 4.1 Suggestions à la filière : intégrer les valeurs de l'environnement au sein d'une politique globale d'image de la filière La lettre de commande ministérielle indique qu' « il apparaît important que la filière porcine puisse disposer...de propositions d'actions à mener pour l'avenir ». Répondre à cette demande suppose, pour la mission, d'analyser la situation de la filière porcine au regard des valeurs de l'environnement dans une perspective de moyen terme, et d'examiner les stratégies possibles du point de vue de la filière elle-même. Avant de développer ce point, il convient de préciser qu'une stratégie infléchie n'aura de sens pour la filière que si elle est pleinement décidée par ses acteurs. Il ne peut donc être question, pour les auteurs de ce rapport, que de formuler des suggestions, la légitimité de cette démarche tenant à sa mention explicite dans la lettre de commande ministérielle 63. 4.1.1 Développer une image positive de la filière Une observation attentive de la communication des entreprises mettant en oeuvre des procédés de fabrication potentiellement polluants montre qu'elles ont désormais généralement quitté, en termes de communication, le terrain de la dénégation, pour tenter d'occuper celui de l'affirmation positive. En d'autres termes il ne s'agit plus, pour ces entreprises, principalement d'expliquer pourquoi elles ont besoin de délais (ou de soutiens financiers, etc.) pour aménager des procédés de fabrication ; il s'agit de chercher à convaincre qu'elles ont elles-mêmes des réalisations à mettre à leur actif, et qu'elles sont à la recherche d'améliorations permanentes de leurs procédés. Une telle politique de communication n'a bien sûr de sens que si la réalité des politiques suivies par l'entreprise inclut des efforts significatifs en faveur de l'environnement ; à défaut son échec apparaîtrait rapidement. Par ailleurs les entreprises sont en général d'autant plus soucieuses de leur image auprès du grand public qu'elles commercialisent des produits s'adressant directement au consommateur final. La dépendance des filières alimentaires vis à vis des représentations que s'en fait le grand public est ainsi considérable, ne serait-ce qu'en matière sanitaire par exemple. Le soin que de nombreuses filières, y compris non alimentaires, déploient pour convaincre les consommateurs qu'elles adhèrent aux valeurs environnementales indique bien qu'une autre vulnérabilité (ou, à l'inverse, une capacité supplémentaire d'influence positive) a été ici identifiée. 63 Voir la lettre de mission en annexe 1. 57 La filière porcine présente ces deux caractéristiques : elle met en oeuvre des procédés de production nécessitant des précautions environnementales, ses produits sont vendus dans le grand public. L'image de ses produits est multiple, souvent favorable pour beaucoup de produits transformés qui s'appuient sur des traditions locales ou sont très faciles d'usage ; cette image est plus brouillée en ce qui concerne la viande fraîche, qui peine à sortir d'un statut plus banal. Globalement, l'image des produits de la filière semble cependant plutôt positive, et le niveau de leur consommation se maintient au sein d'un poste « viandes » en effritement progressif. Qu'elle soit positive ou plus brouillée, l'image des produits de la filière porcine ne semble pas souffrir des débats qui affectent l'amont de cette filière en matière d'environnement. Cet état de fait est heureux pour la filière. Peut-elle cependant le considérer comme un acquis durable ? Deux attitudes semblent ici possibles. On peut tout d'abord estimer que tout mouvement dans ce champ complexe que constitue l'environnement, pour une activité productive, induit en luimême des risques, ce qui inciterait à la prudence. Mais le débat étant déjà bien présent en ce qui concerne l'environnement et l'amont de la filière, on peut aussi craindre qu'une absence d'action n'induise elle-même des risques grandissants d'une superposition d'image avec les produits commercialisés, face à des consommateurs de plus en plus sensibles à l'impact environnemental du contenu de leur assiette. Faire part ici d'une suggestion de dosage entre ces deux attitudes, formulée à partir de leur propre sensibilité personnelle, n'est pas de la responsabilité des missionnaires. Aussi ce rapport se poursuit-il indépendamment de cette question d'opportunité en tentant de répondre à la seule question suivante, de faisabilité : est-il possible d'esquisser une stratégie pour la filière porcine, qui limiterait ce risque d'une superposition d'image ? Il appartient à la filière elle-même de se prononcer sur de telles suggestions. 4.1.2 Proposer une évolution positive des pratiques environnementales Comme pour toute activité économique, la filière porcine a besoin de perspectives. Celles-ci sont d'autant plus nécessaires en France qu'une partie des solutions environnementales passe par des investissements lourds. Plusieurs conditions souhaitables doivent ici s'enchaîner. Les réglementations devraient être connues assez longtemps à l'avance, et elles devraient pouvoir s'appliquer sur une plage de temps assez stable. Sauf à renoncer à toute ambition environnementale, ce que ce rapport ne pourrait évidemment approuver, cette condition suppose que l'on accepte de discuter de règles suffisamment ambitieuses pour pouvoir durer. C'est bien ainsi que sont régulées, au niveau européen, les activités potentiellement polluantes (1) nécessitant des investissements lourds (2) et la mobilisation de technologies avancées (3), par exemple les émissions de gaz et de particules par les Îhicules automobiles. Au delà des apparences, ces trois caractéristiques s'appliquent également à la production porcine. Une participation active à un tel processus pourrait permettre à la filière d'influencer dans le sens du réalisme des évolutions projetées. Elle lui permettrait aussi, une fois que les échéances sont décidées, de développer une communication moins défensive : au lieu d'expliquer pourquoi elle ne peut pas évoluer, face à une demande sociale exigeante mais aussi parfois brouillonne, la filière pourrait expliquer, sur un mode plus positif, quelles sont ses propres échéances, et quels progrès collectifs peuvent en être attendus. Dans un schéma général de ce type, en ce qui concerne les produits industriels destinés au grand public, on peut même constater que certaines entreprises se positionnent en avance par rapport au calendrier réglementaire, au profit de leur image propre, en associant même parfois des hausses de prix sur les produits correspondants. Une nouvelle combinaison d'intérêts apparaît 58 alors, plus conforme à la logique du développement durable : les intérêts économiques ne sont pas niés, mais ils s'expriment dans un cadre général plus favorable à l'environnement. 4.1.3 Un constat, les efforts de traitement des effluents en Bretagne L'adhésion à une telle stratégie générale peut ne pas aller de soi, d'autant plus qu'il se trouve que sa suggestion est formulée dans un contexte de crise marquée pour la production porcine. Une telle stratégie n'est pourtant pas nécessairement si inaccessible qu'elle peut le paraître, si l'on accepte de situer les progrès récents de la production porcine dans ce contexte. Pour crédibiliser cette stratégie, ce rapport évoque aussi des suggestions complémentaires, qui pourraient permettre à la filière de développer dès maintenant, sur une base moins défensive, le dialogue avec les sensibilités environnementales. Dans les zones de production dense, les progrès réalisés ces dernières années par la production porcine en matière environnementale sont en effet réels. Ils sont décrits dans la première partie de ce rapport. Pour en situer l'importance d'un seul chiffre, on rappellera seulement que l'ensemble des stations de traitement d'effluents porcins mis en service en Bretagne représente 402 unités en service au 31 mai 2007. 4.1.4 Infléchir la demande traditionnelle concernant le seuil d'autorisation au titre des installations classées Quelques suggestions, formulées à la filière, permettraient ainsi de ne pas s'en tenir au seul passé, fût-il très récent. La première concerne plus particulièrement les zones de production non dense. La filière porcine souligne que la réglementation ne devrait pas introduire de distorsions de concurrence, à l'intérieur du même espace économique européen. Ce souhait non contestable dans le champ de l'économie la conduit à renouveler régulièrement une demande d'alignement du seuil d'autorisation au titre des installations classées sur les seules obligations communautaires relevant de la directive IPPC (..........). Si cette demande n'a pu jusqu'ici aboutir, c'est qu'elle doit être examinée avec prudence. La filière porcine française cite l'exemple britannique, où une réglementation sur le bien-être animal sensiblement renforcée par rapport aux obligations communautaires a abouti à une baisse de la production locale. Mais à l'inverse on doit s'attendre à ce qu'une population française, au niveau de vie supérieur à la moyenne européenne et devenue très urbaine dans son comportement, soit exigeante, en particulier en matière de nuisances de voisinage : c'est bien de cette question très controversée qu'il est principalement question en ce cas, à tort ou à raison. La suggestion de la mission à la filière serait d'infléchir cette demande traditionnelle, dans le sens d'un meilleur compromis entre l'économie (la réduction des distorsions de concurrence) et l'environnement (ici la réduction des nuisances), proposant une disposition similaire à celle qui est appliquée au Danemark. On pourrait ainsi imaginer hors des zones de production dense que tout établissement classé d'une capacité supérieure à la limite actuelle (450 porcs) mais inférieur à la limite européenne soit soumis à une procédure simplifiée, s'il met en service dès l'origine les équipements les plus modernes pour réduire les nuisances olfactives, lavage d'air pour les bâtiments, couverture des fosses et injection directe des lisiers à l'épandage. La mission expose plus loin quelles seraient alors ses recommandations aux pouvoirs publics pour le traitement d'une telle demande. 59 4.1.5 Traiter dès maintenant le phosphore en conformité avec la directive cadre sur l'eau Les débats en cours au moment où était élaboré le projet de SDAGE pour le bassin LoireBretagne ont longuement évoqué la question du phosphore, dont il était contesté que l'on puisse exiger l'équilibre de fertilisation, comme c'est déjà exigé pour les nitrates. La question de principe est simple: le phosphore est indiscutablement un facteur clé de l'eutrophisation des milieux aquatiques, et la directive cadre fait désormais obligation de l'inclure dans la recherche du bon état des eaux. Les questions techniques sont plus complexes : si le stockage du phosphore dans les parcelles agricoles est une réalité, son érosion possible l'est aussi, et l'on ne peut imaginer y accumuler en permanence des stocks croissants. Dans le cas où les lisiers sont épandus sans traitement, le respect de l'équilibre de la fertilisation phosphorée conduit à réduire le volume d'effluents porcins épandus, ce qui est perçu comme une menace sur le volume de la production. A moyen terme, la stratégie qui consisterait pour la filière porcine à ne chercher qu'à freiner cette évolution est-elle pour autant optimale? Lorsque le lisier est traité, l'expérience de ces dernières années montre que la séparation du phosphore en amont de la station est une technique bien maîtrisée. Le phosphore devient alors un co-produit, à destination des zones agricoles qui en ont besoin en tant qu'amendement. Ne pourrait-on alors imaginer pour la filière une autre stratégie, « proposant une évolution positive des pratiques environnementales » (voir plus haut), en mettant en avant en cas de traitement les capacités de maîtrise du phosphore, et en soumettant à débat le calendrier de cette évolution et son accompagnement ? La question très débattue de l'équilibre de la fertilisation phosphorée serait alors déjà partiellement résolue. 4.1.6 Etre actif en vue de la certification des exploitations Les filières de production confrontées à des problèmes d'environnement cherchent souvent à garantir, par le respect d'un cahier des charges et sa certification externe, les bonnes pratiques qu'elles ont choisi d'appliquer : la norme ISO 14.001 est souvent citée à cet effet. Le problème est ardu s'agissant de la production porcine : celle-ci est réalisée au sein de petites et moyennes entreprises familiales, dont peu atteignent la taille critique nécessaire pour envisager seules un tel projet ; à de rares exceptions près, ces entreprises ne commercialisent pas directement leurs produits auprès des consommateurs finaux, et leur bénéfice en terme d'image dans le circuit commercial serait donc très dilué. Cet état de fait explique le très faible nombre de certifications réalisées en France à ce titre (une dizaine). Une autre difficulté potentielle tient au niveau d'exigence du cahier des charges : s'il est trop proche de la simple réglementation, certifier son respect n'apporte qu'une plus value limitée. La mise en place d'une certification très largement diffusée, concernant les exploitations agricoles d'une manière générale, est visée par les conclusions du « Grenelle de l'environnement ». Cette question ne sera donc pas développée ici. Une autre approche semblerait cependant intéressante à explorer, celle d'une certification des pratiques environnementales qui viserait à rassurer, non plus les clients de la filière, mais le voisinage d'un élevage. L'engagement des groupements de producteurs dans une telle démarche pourrait contribuer à limiter les blocages de la part des futurs voisins d'un élevage à agrandir ou à installer. En complément d'un solide volet consacré à la prévention des nuisances (voir plus haut), cette démarche pourrait également permettre de valoriser un volet paysager, qui ne doit pas être ici oublié. 60 4.1.7 Gérer les sites de production comme un patrimoine Implanter une nouvelle porcherie suppose un difficile travail de conviction, indépendamment même des démarches réglementaires. La plupart des activités productives en France sont également confrontées à cette réalité, y compris d'ailleurs des activités industrielles peu polluantes. De ce fait, avant même d'envisager de choisir de nouveaux sites, elles recherchent souvent à transformer un site déjà consacré à une activité industrielle, s'il est approprié à son nouvel usage. Une telle vision de long terme suppose, pour des exploitations individuelles, que la transmission soit organisée (et assez souvent la remise à niveau correspondante) entre un cédant et un repreneur ; dans la pratique cette opération n'aura lieu que si le site productif est en bon état et géré avec responsabilité, comme un patrimoine durable. Les groupements de producteurs, qui ont intérêt à ce que la production soit pérennisée, ne pourraient-ils pas y contribuer, tout particulièrement en zone peu dense ? On constate par ailleurs que des exploitations porcines participent régulièrement, dans les différents départements, à des opérations « portes ouvertes » réalisées par la profession agricole, ce qui est heureux. Mais la production porcine ne pourrait-elle aller plus loin, en se donnant par exemple comme objectif pour le maximum d'exploitations de recevoir, une fois par an, la visite des voisins et élus proches ? L'expérience semble prouver qu'un tel effort amène en général plus de positif (échanges, explications) que de réelles difficultés. 4.1.8 Soutenir par une initiative interprofessionnelle la recherche environnementale Certaines interprofessions, en complément d'interventions fortes dans le domaine de la communication, ont souhaité développer des interventions plus ponctuelles dans le domaine de la recherche. Si l'interprofession porcine était ouverte à ce type d'intervention, il pourrait être opportun de prendre des initiatives pour que soient engagées ou poursuivies des recherches sur des points-clé à la fois pour l'environnement et la filière porcine. Cette initiative viendrait compléter le programme de recherche « Porcherie verte » (2001-2007) initié directement par la recherche, et qui se poursuit actuellement (à un rythme moindre) sous la forme d'un réseau mixte technologique. Un tel programme pourrait bénéficier d'un certain effet de levier au plan financier ; il pourrait aussi ouvrir, en amont de questions concrètes parfois difficiles, un espace de dialogue avec les associations. 4.1.9 Organiser la concurrence sur les filières de traitement, suivre les coûts de traitement La construction de plusieurs centaines de stations de traitement de lisier en Bretagne est un acquis remarquable de ces dernières années. Les fournisseurs ont affiné leurs offres. Certains sont indépendants, d'autres sont liés à des groupements de producteurs, qui ont choisi de faciliter ainsi une évolution qu'il aurait été difficile d'engager seuls par certains de leurs adhérents. Certains groupements accompagnent cette prestation d'une participation à l'exploitation (télésurveillance) ou d'une commercialisation des co-produits du traitement, ce qui en accélère le recyclage. Ces initiatives prennent efficacement le relais de l'intérêt général. Sans remettre en cause ces démarches, il pourrait être judicieux de veiller, à terme, à ce qu'une concurrence entre fournisseurs puisse continuer à s'exercer, gage de dynamisme de cette activité et de maîtrise des coûts. La diffusion régulière d'informations techniques (performances, coûts initiaux,...), tâche qu'a engagée l'IFIP, et d'informations sur les coûts 61 d'exploitation de ces stations (qui peuvent être obtenus en association avec les centres de gestion) pourrait y contribuer. Ce dernier type d'information (suivi des coûts de traitement) est également un élément-clé pour l'analyse des conditions de la concurrence intra-européenne. 4.2 Recommandations aux pouvoirs publics Les principes de base 4.2.1 Les recommandations aux pouvoirs publics sont ici formulées en référence à trois principes, qu'il convient d'énoncer, avant que la mission ne précise ensuite le contenu de ces recommandations. 4.2.1.1 Se situer résolument dans le cadre communautaire Faut-il encore le rappeler : les politiques nationales doivent résolument se situer dans le cadre communautaire (ou dans leur prolongement direct) ; sinon le risque de contentieux s'accroît très vite, comme il est malheureusement régulièrement démontré. Un autre effet induit de la création de réglementations nationales peu conformes à la législation européenne (ou non prévues par elle) est moins connu : en ce cas, la réglementation nationale appliquée en France se complexifie progressivement, sous la pression des injonctions communautaires ou des négociations nationales, et l'administré finit par appliquer de fait deux réglementations. Cet écueil n'a pas été totalement évité par la France pour les pollutions diffuses en zone de production dense. Dans ce cadre, une attention particulière doit être apportée à la mise en application de la directive cadre sur l'eau, complexe et encore généralement mal connue. 4.2.1.2 Chercher à redéployer la production, maintenir la couverture des besoins Compte tenu des problèmes environnementaux générés par la superposition de plusieurs productions animales dans les zones de production dense, ainsi que des demandes d'approvisionnement plus local formulés par certaines filières de transformation hors Bretagne, il est logique de chercher à redéployer la production porcine dans les zones où elle est peu présente ; une mission spécifique du CGAAER est d'ailleurs en cours sur ce point. La limite de ce souhait quasi général tient en deux constats : un tel déplacement, même très progressif, est souhaité par les pouvoirs publics depuis longtemps, mais il n'a jamais été très opérant. Les économies d'échelle obtenues en amont (aliment) et en aval (abattage) de la production, l'émulation à obtenir les meilleurs résultats techniques (plus forte entre voisins), la densité du réseau d'appui expliquent probablement l'impact très modeste de telles politiques. Personne ne souhaite ouvertement par ailleurs que la filière française, autosuffisante depuis une quinzaine d'années, renoue avec les déficits importants connus antérieurement. 4.2.1.3 Organiser le dialogue Comme souvent pour les choses qui semblent aller de soi, le dernier principe sur la base desquels les propositions de la mission sont établies mérite d'être rappelé. Le rapport de la production porcine à l'environnement est très discuté en France, y compris parfois de manière mal fondée. Mais l'expérience prouve que les modifications réglementaires non précédées d'une phase appropriée de dialogue atteignent souvent mal leurs objectifs. Il convient aussi de 62 rappeler que l'information du public sur les questions environnementales doit être désormais considéré comme un principe, compte tenu des engagements souscrits par la France (par la convention de Aarhus notamment). Les propositions élaborées en application de ces trois principes sont présentés ci-dessous. 4.2.2 4.2.2.1 Les recommandations La modification du seuil d'autorisation au titre des installations classées L'argumentation de la filière porcine, qui demande à ce que le seuil d'autorisation au titre des installations classées soit releÎ, est fondée dans le domaine économique. Pour autant, on peut craindre qu'une hausse des seuils n'améliore pas réellement la situation rencontrée dans des zones où va jusqu'à s'exprimer une hostilité de principe envers la production porcine. La suppression du lieu de dialogue que constitue normalement la CODERST, le retrait du préfet en tant que médiateur et décideur final, l'absence d'information préalable systématique des associations et des voisins pourraient même conduire à un débat violent, voire dans certains cas extrêmes à des affrontements sur le terrain. Selon la mission, aucune solution satisfaisante ne peut apparaître sans rassurer les futurs voisins de l'élevage et les élus locaux. C'est la raison pour laquelle elle s'est permis de suggérer à la filière de proposer en ce cas la mobilisation maximale des techniques susceptibles de maîtriser les odeurs, à l'instar du Danemark (lavage d'air des bâtiments, couverture des fosses, enfouissement du lisier à l'épandage). Dans l'hypothèse où cette suggestion serait reprise, deux conditions supplémentaires pourraient être apportées par les pouvoirs publics : une procédure locale de concertation, obligatoire (et donc conclue par une décision effective), doit être maintenue, la directive de 1985 relative aux études d'impact64 prévoit un abaissement des seuils pour lesquels une étude d'impact est nécessaire, du fait par exemple de la juxtaposition de nombreuses installations de taille intermédiaire, dans les zones confrontées à des problèmes environnementaux importants65. En France les actuelles zones de production porcine dense correspondent à ce critère. Il ne semble donc pas envisageable d'y relever le seuil actuellement appliqué, tant que ces problèmes perdurent. 4.2.2.2 Renouveler par de nouveaux outils l'ambition de la reconquête de la qualité de l'eau en zone dense Actuellement, la reconquête de la qualité de l'eau ne progresse plus de façon significative dans les zones de production dense (voir plus haut), et l'on peut craindre que cette situation ne s'inscrive dans la durée si les outils de la résorption ne sont pas réexaminés. Complexes, porteurs de certaines inefficacités (voir plus haut), ils ne pourraient guère apporter, s'ils étaient employés sans changement pour une période supplémentaire, une résorption suffisante, ne serait-ce qu'équivalente à celle obtenue depuis dix ans : les gros élevages susceptibles de mettre en place des stations de traitement (ou d' « exporter » leurs fientes) l'ont fait (ou devraient le faire de manière imminente). Aucune solution efficace de 64 Directive 85/337/CEE du Conseil du 27 juin 1985 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et priÎs sur l'environnement. 65 Un pré-contentieux est en cours à ce sujet avec la Commission européenne. 63 traitement de type collectif ne semble s'être vraiment dégagée concernant les exploitations de taille moyenne. La mission a envisagé deux pistes alternatives pour établir l'ossature d'un éventuel nouveau dispositif, qui serait à soumettre à débat avant d'être proposé aux pouvoirs publics eux-mêmes : la mise en place de droits d'émission d'azote, échangeables entre producteurs, et soumis à des obligations de baisse progressive. Les économistes nous apprennent que cette méthode est particulièrement efficace, puisque les éleveurs capables de réduire leurs émissions au meilleur coût le feraient en premier, y compris en se faisant financer par d'autres éleveurs qui maintiendraient les leurs. Les difficultés pratiques seraient cependant ici importantes, la plus considérable pour les pouvoirs publics serait l'attribution initiale des droits et la fixation du rythme de leur décroissance. Mais il ne faut pas oublier que la mise en oeuvre de la directive cadre sur l'eau obligerait à compartimenter le marché des droits par sousbassins (sinon toutes les réductions d'émissions pourraient être localisées dans le même secteur), chacun générant son propre prix de marché. Et constater que de petits éleveurs bovins pourraient être amenés à financer la résorption chez des éleveurs porcins, euxmêmes peut-être voisins d'éleveurs un peu plus gros ayant récemment résorbé « gratuitement » : difficile à expliquer sur le terrain. De tels droits organiseraient aussi des transferts financiers vers tous ceux qui cessent leur activité, à la charge de ceux qui la continuent. Enfin la résolution des problèmes d'azote ne résoudrait pas l'ensemble des problèmes posés (phosphore, etc.). Compte tenu de ces inconÎnients, la mission ne propose pas de retenir une telle solution. Bâtir une autre solution est un travail délicat : nous ne sommes plus du tout dans la même situation qu'à la fin des années 1990, où il semblait possible d'améliorer significativement la situation par des obligations de traitement (ou de transfert) portant sur un nombre assez limité d'éleveurs. Cette solution serait donc composée de quatre éléments complémentaires, dont la présentation est détaillée dans la suite de ce rapport : le renforcement du respect du plafond des 170 kg d'azote organique à l'hectare s'appliquant à tous les éleveurs ; le maintien des obligations de traitement (ou de transfert) devenues effectives; l'infléchissement des modalités de contrôle sur place des exploitations agricoles ; la mise en place d'une Îritable politique de résorption pour l'azote minéral ; le traitement progressif des situations individuelles qui auraient la double caractéristique d'être anormales au regard du respect de l'environnement, et où la pérennité de l'exploitation serait potentiellement en jeu ; la mise en place, à débattre avant de la rendre effective, d'une double mesure de transparence et de restructuration. - - Aux yeux de la mission, ces quatre ensembles de mesures sont de nature différente : le premier est un principe directeur, qu'il est proposé d'affirmer très clairement ; le second ensemble est composé de mesures qui seraient à mettre en oeuvre (ou à maintenir) sans délai, accompagnant le choix de ce principe directeur. Le troisième ensemble est particulièrement délicat, puisqu'il s'agirait là de conjuguer non pas tant l'environnement avec l'économie, mais avec le social. Le dernier associe deux propositions plus novatrices, leur impact potentiel mérite, pour les auteurs de ce rapport, un débat construit entre les différentes sensibilités s'exprimant sur le terrain, avant d'être adoptées. 64 4.2.2.3 Le respect des 170 kg d'azote, un principe directeur... Ce principe figure explicitement dans la directive « nitrates », et comme il a été exposé plus haut son respect constitue déjà une ligne directrice simple pour l'Etat-membre. Il s'agit d'ailleurs de la seule mesure quantitative arrêtée au niveau communautaire. Elle correspond (en général) à une réalité agronomique explicable. Elle vise les épandages effectifs indépendamment de décomptes portant sur des droits (explicites ou implicites) à produire, qui pourraient être confondus avec des droits à polluer. Elle s'exprime en référence à une superficie exploitée, bien identifiée par chaque agriculteur, et sa (relative) stabilité dans le temps en fait un indicateur quasiment structurel pour l'exploitation. Elle est enfin facilement contrôlable par l'administration, qui dispose dans les DDAF et les DDSV de la quasi-totalité des données permettant de savoir si ce plafond est respecté ou non : les seuls écarts notables par rapport à un calcul simple (du type cheptel divisé par surface) proviennent de l'épandage chez autrui (« prêt de terres ») et du traitement (ou de l' « exportation »). En cela cette mesure réaffirme un lien au sol qui ne doit pas être oublié. Pour être efficace, le respect de cette obligation doit être Îrifié de manière plus méthodique qu'aujourd'hui (nous avons vu qu'il pouvait encore être défaillant), ce qui amène à distinguer trois types de situation : Les exploitations qui projettent de se développer dans le cadre de procédures environnementales ou agricoles nécessitant un accord public de quelque nature que ce soit : attribution de quotas laitiers supplémentaires, par exemple, ou bien aides à l'installation, etc. Il est logique en ce cas de conditionner effectivement cet accord au strict respect du plafond des 170 kg (compte tenu du projet), à défaut la viabilité de l'exploitation ne peut s'inscrire dans la durée. Il serait par ailleurs très discutable d'argumenter sur la difficulté de revenir sur des situations acquises antérieurement (voir plus loin) sans en tirer toutes les conséquences pour les exploitations d'avenir ; Les exploitations sans projet de développement qui se sont construites sur un système d'exploitation aboutissant de fait à un épandage excédant la limite des 170 kg d'azote organique à l'hectare, faute d'une autre destination aÎrée pour leurs déjections animales. Il est inévitable que dans ces exploitations existent un certain nombre de situations potentiellement difficiles, où des solutions immédiates auront du mal à être mises en oeuvre : ces cas particuliers seront traités plus loin. Mais est-ce pour autant une raison d'attendre que l'arrêt « naturel » de l'exploitation, par retraite par exemple, résolve à lui seul le problème ? Il serait légitime en tous cas que pour les exploitations qui relèvent des installations classées (régime de déclaration inclus) un calendrier progressif d'intervention des services de l'Etat (DDSV) soit défini, pour interroger officiellement les exploitants sur leurs intentions. La mise en oeuvre de techniques assez simples, telles par exemple que le compostage, pourrait en être accélérée. Il pourrait être également judicieux, avant d'envisager des moyens plus contraignants (mise en demeure, etc.), d'inviter les exploitants concernés à être entendus par le CODERST, conseil officiel du préfet et des services de l'Etat en la matière, ou plutôt par une section spécialisée à définir, compte tenu du nombre de cas potentiels ; Les exploitations qui pour des raisons techniques et/ou économiques objectives et aÎrées ne pourraient pas se mettre en conformité dans les délais prescrits, malgré les procédures de soutien qui auraient pu être mises en oeuvre. Ces cas devraient être traités à part, avec les situations difficiles présentées plus loin. - - 65 4.2.2.4 ...s'accompagnant de mesures à mettre en oeuvre (ou à maintenir) sans délai Le processus décrit ci-dessus est relativement lent. S'il veut être plus méthodique dans son application, il n'est pas Îritablement nouveau dans son principe. Il ne saurait donc être question de relâcher systématiquement des disciplines engagées antérieurement : pour toutes les exploitations dépassant les seuils les obligeant à traiter (ou transférer), et qui ont été individuellement mis en demeure par le préfet de s'y conformer (produisant en général plus de 12.500 kg d'azote annuels), la procédure doit se poursuivre sans changement par rapport à la période précédente. Pour les exploitations couvertes par une obligation n'ayant pas fait l'objet d'une mise en demeure individuelle, le maintien juridique de l'obligation pourrait s'accompagner de conditions non définies par l'Etat pour sa mise en oeuvre, dès lors qu'elle respecterait strictement le plafond des 170 kg d'azote (ce que certains départements semblent déjà avoir commencé à accepter). En outre ces obligations de traitement ne seraient pas élargies à de nouvelles catégories d'éleveurs, compte tenu des limites associées à toute obligation de moyens définie par l'Etat (voir plus haut) ; mais une obligation de résultat (170 kg d'azote) serait maintenue. Ces exploitations seraient traitées en priorité au titre de la procédure de Îrification du plafond présentée plus haut. Dans le même calendrier, trois actions de contrôle des services de l'Etat seraient à engager ou à réorienter partiellement : Professionnaliser le suivi des stations de traitement des effluents La mission n'a pas elle-même réalisé d'enquête sur les conditions d'exploitation des stations de traitement d'effluents nouvellement construites. Des échos indirects qui lui sont parvenus, il semble cependant que les situations de terrain puissent être diverses, depuis la station très bien suivie par le chef d'exploitation lui-même et parfaitement intégrée à l'exploitation porcine (ou faisant l'objet d'une télésurveillance efficace), jusqu'à des situations plus aléatoires. Dans des situations sensiblement équivalentes les collectivités ont généralement développé des outils d'assistance (SATESE,...). Les stations d'élevage méritent la même attention. Ceci ne veut pas dire qu'un modèle unique de suivi, celui d'une assistance externe, soit nécessaire si le chef d'exploitation (ou l'organisme qu'il aura délégué) s'astreint correctement au protocole d'auto-surveillance, qui doit être défini dans l'arrêté préfectoral d'autorisation. Au besoin un arrêté complémentaire sera pris. L'administration doit en contrôler régulièrement l'exécution ; à défaut d'auto-surveillance correcte ou en cas de résultats non conformes aux performances prévues, le préfet doit prescrire un suivi externe complémentaire (télésurveillance, tierce assistance,...). Adapter les modalités de contrôle de la fertilisation L'absence de contrôles effectifs des services de l'Etat sur la localisation des épandages dans l'exploitation, comme l'absence de Îrification des reliquats azotés pour les parcelles ayant fait l'objet de sur-épandages antérieurs devraient être corrigées dès maintenant. Il semblerait en effet possible, en combinant différents éléments objectifs connus de l'administration (localisation respective des bâtiments d'élevage et de parcelles habituellement en maïs, par exemple), d'identifier un certain nombre de situations où des contrôles plus techniques, incluant prélèvements et reliquats, pourraient être engagés. L'objectif premier ne serait pas ici répressif (la réalité des manquements ne serait probablement pas établie), mais d'alerter clairement et de faire corriger. Dans le cas où des situations anormales seraient identifiées, il pourrait être en outre justifié d'inviter l'éleveur à 66 bénéficier d'un suivi plus proche de sa fertilisation (incluant systématiquement les reliquats), de la part d'un organisme ne se livrant pas à des activités commerciales pour des fertilisants (Chambre d'agriculture...), par exemple au titre d'une tierce assistance pour les installations classées. Les coûts pour l'administration de ces contrôles ciblés pourraient être supportables si l'on réduisait en même temps la fréquence des actuels contrôles des cahiers de fertilisation et de plans de fumure, devenus trop formels (voir plus haut). Les modèles employés pour les cahiers de fertilisation gagneraient en outre à être radicalement simplifiés, le résultat principal d'un document trop complexe étant sa fourniture sous forme automatisée par un prestataire de l'agriculteur. Cette solution n'est satisfaisante ni pour l'agriculteur, qui en supporte les coûts, ni pour l'administration. L'objectif devrait se limiter à pouvoir identifier, sur un carnet rempli de préférence à la main par l'exploitant, la réalité des pratiques de fertilisation mises en oeuvre. Le coût global des contrôles pour les éleveurs pourrait probablement ne pas augmenter en moyenne, si toutes ces modifications étaient appliquées simultanément. Mettre en place une politique de résorption de l'azote minéral dotée d'instruments opérationnels La réduction des quantités d'azote minéral épandues en Bretagne n'a atteint que 53% de ses objectifs. Et si l'on n'oublie pas que recours à la fertilisation minérale azotée en France a aussi baissé pendant la période de référence (voir plus haut), on ne peut que conclure à la modicité des résultats spécifiques du plan breton dans ce domaine (8% de baisse en 7 ans). De fortes quantités d'azote continuent d'être recommandées dans certaines situations, par exemple sur certaines cultures légumières. Ce constat interroge sur les priorités retenues par les pouvoirs publics en vue d'une résorption globale de l'azote apporté au niveau des sols : une politique portant plus fortement qu'aujourd'hui sur les engrais minéraux ne serait-elle pas a priori moins coûteuse qu'une politique basée sur les déjections animales, qui a supposé de gros investissements (PMPOA, stations) ? En tout état de cause, sans changement de méthode de la part des pouvoirs publics, on voit mal comment une évolution plus favorable pour la fertilisation minérale pourrait être initiée. Des dispositions juridiques visant à plafonner l'azote total existent dans les ZAC (voir plus haut). Les contrôles portant sur l'utilisation de l'azote minéral semblent cependant tellement difficiles à organiser qu'ils restent très limités. Des dispositions simples pourraient être définies, afin de permettre ces contrôles : mention obligatoire par les fournisseurs, sur chaque facture, des quantités globales de chaque fertilisant (N, P) ; attestation annuelle à établir par le comptable agréé. Ces dispositions seraient de nature réglementaire. 4.2.2.5 Que faire en cas de situation difficile aÎrée? Nous avons déjà identifié des cas où les difficultés de l'exploitation pourraient être aÎrées (en ce qui concerne le respect du plafond des 170 kg d'azote organique à l'hectare). D'autres cas existent où une situation non réglementaire pourrait s'accompagner de difficultés réelles à revenir en situation conforme : les assez rares éleveurs à ne pas s'être engagés dans la « mise aux normes » de leur exploitation (PMPOA) peuvent en faire partie, comme ceux qui ont déposé un dossier sans avoir pour l'instant engagé les travaux correspondants. Ces situations ne semblent pas avoir été répertoriées systématiquement ; si l'on peut dire qu'elles ne sont pas méconnues de la part de l'administration (DDAF et DDSV réunies), qui 67 dispose de beaucoup d'éléments qui permettraient d'en établir la liste, ces éléments ne sont pas rapprochés, et aucune liste positive ne semble exister. Ces situations ne pourraient se lire qu' « en creux » dans différentes procédures. Il est possible que de nombreux cas particuliers (voire des cas qui nécessiteraient un intervention de nature sociale) soient inclus dans cette population. Ne pas en établir la liste est peut-être d'ailleurs le reflet d'une crainte, que pourrait-on faire en ce cas ? Cette situation évite de désigner du doigt des cas potentiellement difficiles, mais elle n'est pas non plus sans inconÎnient. Elle peut conduire à sous estimer les efforts encore possibles dans certains de ces cas, comme par exemple de mettre fin sans attendre à des écoulements directs dans les milieux naturels dans des cas où, par ailleurs, la capacité de stockage des effluents est trop faible faute de travaux au PMPOA. Elle pourrait dans certains cas conduire à des choix discutables, comme une installation sans aides sur une telle exploitation. La conformité de l'action de l'administration aux règles de procédure pénale ne pose-t-elle pas aussi question dans certains cas ? Aucun arbitrage systématique entre deux des valeurs du développement durable, l'environnement et le social, ne peut être aujourd'hui proposé pour cet ensemble d'exploitations ; aucune estimation chiffrée, même approchée, de leur nombre ne semble avoir été avancée. Leur traitement ne pourrait résulter que d'une approche pragmatique de terrain. Mais il conviendrait au moins d'inviter l'administration locale à identifier progressivement ces exploitations et à établir une typologie des trajectoires qui permettraient d'en réduire progressivement l'importance. 4.2.2.6 Un débat à engager méthodiquement : comment mieux concilier transparence et restructuration ? En complément des propositions antérieurement formulées, la mission suggère d'examiner trois questions liées entre elles, délicates, qu'elle propose de soumettre à débat : tirer les conséquences de l'absence d'encadrement du « prêt de terres » pour l'épandage et améliorer la transparence sur les effectifs ; mutualiser les efforts de modernisation environnementale ; établir un calendrier pour faire évoluer la stratégie de résorption. Tirer les conséquences de l'instabilité juridique des contrats de « prêt de terres » pour l'épandage Il est étonnant de constater que les actuels contrats de « prêt de terres » pour l'épandage ne sont pas encadrés par le code rural, pourtant assez systématiquement dirigiste en France en ce qui concerne les questions foncières. Le code de l'environnement, dont relève le régime des installations classées qui en accepte l'usage, ne les encadre pas non plus. Il est tentant de penser qu'un tel encadrement pourrait être opportun, tant interroge la juxtaposition de la lourdeur de la procédure d'autorisation, au titre des installations classées, et de la fragilité des accords de droit priÎ qui en permettent l'application. Telle n'est pas pour autant la proposition de la mission. On peut en effet difficilement imaginer en 2008 que le législateur prenne une disposition d'ordre public 66 encadrant les contrats d'épandage, incluant par exemple une durée minimale de 5 ans. Le ferait-il que l'extension de cette disposition aux contrats existants serait fort problématique, pour des raisons juridiques comme pour des raisons pratiques (moyens de preuve...). La juxtaposition éventuelle de dispositions nouvelles, très encadrées, avec les dispositions actuelles, qui ne le sont pas du tout, ne serait pas non plus sans risque : le résultat 66 Une disposition législative d'ordre public impose des clauses contractuelles sans que les parties ne puissent y déroger. 68 le plus probable ne serait-il pas de tarir la possibilité, pour un éleveur excédentaire, d'épandre chez un voisin qui ne l'est pas ? L'insécurité juridique et pratique de la durée effective des contrats d'épandage doit plutôt être considérée comme une donnée de fait pour les pouvoirs publics, en particulier en ce qui concerne l'application de la législation relative aux installations classées : aux yeux de la mission, il faut tirer les conséquences de cette situation, plutôt qu'il ne faut songer à la modifier. Cette instabilité, dont on ne connaît pas pratiquement l'ampleur, pourrait conduire à demander chaque année aux deux partenaires (apporteur d'effluents et « prêteur de terres ») de souscrire une déclaration annuelle. Par souci de simplification, cette déclaration pourrait intervenir en même temps que la déclaration de surfaces au titre des aides compensatoires de la PAC. Cette déclaration serait effectuée globalement par exploitation, sans même recourir aux formes graphiques prévues pour la PAC. Les informations ainsi déclarées seraient accessibles à la DDAF comme à la DDSV. La mise en place d'une telle procédure permettrait de consolider dans le temps un point particulièrement délicat : y a-t-il ou non dépassement des capacités du sol (170 kg, etc.) chez le « prêteur de terres », qui dispose aussi assez souvent, en tant qu'éleveur laitier par exemple, de son propre cheptel ? Cette Îrification est certes faite (par les services de la DDSV) avant l'autorisation du plan d'épandage, mais est-elle maintenue dans le temps ? Des ajustements dans le plan d'épandage de l'apporteur d'effluents (procédure lourde, à suivre par la DDSV) sont-ils par exemple opérés lorsque la DDAF augmente les quotas laitiers, sur la base de la déclaration du seul « prêteur de terres », alors non confrontée à celle de l'apporteur d'effluents ? De même, on peut craindre que le renoncement d'un « prêteur de terres » à prendre les effluents de son voisin ne soit pas systématiquement porté à la connaissance l'administration. Ces cas ne risquent-ils pas de se multiplier à l'occasion de l'attribution de quotas laitiers supplémentaires proposés au niveau communautaire ? La contrepartie logique de la mise en place d'une procédure annuelle déclarative serait de simplifier les procédures de modification du plan d'épandage, dont on peut aussi craindre qu'elles ne soient sous-employées compte tenu de leur lourdeur. S'il n'est pas question de revenir sur une nécessaire enquête publique initiale, est-il vraiment indispensable de mobiliser une procédure aussi lourde si les terres à épandre ont déjà fait l'objet d'une procédure d'autorisation en bonne et due forme, et si les modalités d'épandage ne sont pas modifiées dans le sens de l'aggravation des risques (enfouissement remplacé par épandage simple, par exemple) ? Une deuxième mesure d'amélioration de la transparence pourrait également être utile : les abatteurs pourraient être tenus, chaque année, de déclarer à la DDSV le nombre total de porcs abattus en provenance de chaque élevage. Cette disposition ne devrait pas soulever de difficultés pratiques, compte de l'organisation efficace mise en place par UNIPORC. Ces deux mesures conjuguées permettraient à la DDSV de faire chaque année une première Îrification du respect du plafond des 170 kg d'azote organique à l'hectare pour chaque installation classée, sans devoir systématiquement solliciter les exploitants par un contrôle sur place ; le même type de logique est déjà d'ailleurs en application pour le secteur bovin, du fait de l'existence d'un système d'identification. Ces deux mesures permettraient aussi à la DDAF de disposer d'informations actualisées, à mobiliser à l'occasion des procédures pour lesquelles la Îrification de ce même plafond est indispensable (installation et attribution de quotas laitiers supplémentaires notamment). 69 Mutualiser les efforts de modernisation environnementale Le dispositif permettant une participation financière publique aux investissements réalisés dans des stations de traitement d'effluents d'élevage est venu à échéance ; aucun des acteurs rencontré par la mission n'a évoqué son éventuel renouvellement. Pour autant, les investissements nécessaires à la modernisation environnementale de la production porcine vont continuer d'être nécessaires, surtout si l'on se place dans le cadre d'une évolution de la stratégie de résorption (voir ci-dessous). Et si la reconduction des niveaux d'aide antérieurs ne peut être envisagée compte tenu de l'encadrement communautaire des aides, il conviendrait cependant de Îrifier si les lignes directrices établies à Bruxelles ne permettraient pas une intervention plus modérée. Certains groupements de producteurs ont commencé à imaginer des dispositions visant à soutenir, ne serait-ce qu'indirectement, de tels investissements, globalement favorables à la filière. Il pourrait être envisagé de systématiser une telle approche, comme l'ont fait d'autres filières interprofessionnelles : la filière laitière a par exemple soutenu la restructuration des élevages, en redistribuant annuellement des quotas supplémentaires correspondant à des cessations d'activité, le financement étant apporté par des pénalités de dépassement67 des quotas. Il pourrait être opportun de mettre à l'étude une telle mutualisation, qui pourrait par exemple prendre la forme d'une cotisation professionnelle, interprofessionnelle (voire d'une taxe), perçue au stade de l'abattage. Cette contribution, d'un montant à définir, serait répercutée sur l'amont, une exemption étant toutefois prévue pour les exploitations respectant totalement et immédiatement le critère des 170 kg d'azote organique à l'hectare. L'avantage d'une telle assiette serait évidemment de permettre de poursuivre la modernisation environnementale de la filière. Les transferts financiers générés à l'intérieur de la filière, qui pourraient rester globalement d'un niveau modeste (voir l'exemple chiffré esquissé ci dessous68), auraient l'avantage de s'effectuer en faveur des exploitations d'avenir, en sens inverse des « droits à produire » actuellement associés au régime de la restructuration externe, et conformément au principe « pollueur ­ payeur ». La mission suggère de mettre à l'étude un tel schéma de mutualisation, par exemple en demandant une expertise interministérielle adaptée, après débat avec les professionnels concernés. Etablir un calendrier pour faire évoluer la stratégie de résorption Si la question précédente peut apparaître délicate aux yeux des éleveurs, la question suivante ne le sera probablement pas moins au yeux des associations. Il convient cependant aussi de l'aborder, afin qu'elle contribue au débat, en veillant à ce que la complexité des questions posées ne nous conduise pas nous arrêter à des arguments trop réflexes. 67 68 Lorsque l'Etat-membre France ne dépasse pas son quota national. A titre d'exemple, une contribution de 1 centime d'euro du kilo de carcasse, payée par les seuls producteurs excédant les 170 kg d'azote à l'hectare (hypothèse : 15% des abattages des zones de production dense ?) représenterait en ce cas une recette annuelle de 1,95 M par an (15% * 1,3 Mt * 1/t). Si l'on suppose ce fonds abondé d'autant par l'Etat et/ou les collectivités, la ressource annuelle (3,9 M) permettrait de financer 52 stations (azote + phosphore, représentant un investissement de 300 000 pour chaque station) au taux de 25 %. Dans l'hypothèse où la suppression des mécanismes d'échange de « droits à produire » ne génèreraient plus de charges pour l'acquéreur de droits (économie : 425 /truie), l'équilibre financier de l'opération se rapprocherait du dispositif actuel. Dans la situation actuelle l'éleveur qui développe sa production par « restructuration externe » supporte en effet un coût de 425 +40%*1500 = 1025 par truie ; dans l'hypothèse ici présentée ce coût serait de 75%*1500 = 1125 par truie. 70 Le choix il y a dix ans d'une stratégie de résorption, associant un blocage des exploitations existantes ou nouvelles à la mise en place d'obligations de moyens (donc à caractère exceptionnel) doit il être maintenu inchangé, et si oui, pour combien de temps ? A l'extrême, peut-on envisager de donner à cette stratégie une durée indéfinie, face à des principes juridiques difficiles à concilier (liberté d'établissement) ? Ou bien cette stratégie, dont on voit bien les soubassements moraux, ne devrait-elle être que provisoire, et dans ce cas quelles pourraient être les conditions pour en sortir ? La mission ne peut avoir pour ambition de clarifier à elle seule un débat aussi complexe, qui n'est d'ailleurs pas ouvertement établi (tout au moins pas en ces termes) au moment où ce rapport est élaboré. Mais elle doit logiquement contribuer à l'analyse des arguments estimés pertinents. Si l'on ne remet pas en cause la légitimité de la stratégie de résorption suivie jusqu'ici (et la mission ne le fait pas), une éventuelle sortie de cette période devrait être associée à des résultats obtenus, et/ou à l'impossibilité de progresser encore avec les mêmes instruments. La difficulté potentielle du débat peut ainsi d'abord tenir à la définition des résultats pertinents ; s'agit-il d'avoir mis en service les stations de traitement visées (aux cas près où l'expérience en a montré la quasi-impossibilité économique), auquel cas la filière porcine pourrait se prévaloir des réalisations mises en place ? S'agit-il à l'inverse de Îrifier que l'objectif environnemental visé, à savoir une reconquête de la qualité des eaux, soit totalement atteint ? Chacun sait que ce n'est pas le cas. Posé en ces seuls termes, qui sous-entendent autant de conflits de légitimité, le débat n'a guère de chance de progresser ; d'autant plus qu'un débat sur les modèles de production, concernant la production porcine, comme d'ailleurs pour d'autres productions agricoles, peut facilement s'y ajouter. La mission n'a aucune légitimité à chercher à limiter un tel débat, qui est aussi un débat de société. Pour aller jusqu'au bout de la formulation de l'avis qui lui est demandé, elle doit cependant expliciter quel raisonnement elle suit au sein de ces problématiques complexes. A ce titre, le premier argument à prendre en compte nous semble bien être le facteur temps : la question principale est de savoir quelle pourrait être, maintenant, la meilleure stratégie, c'est à dire la plus efficace. Comme ce rapport l'a exposé, la mission est convaincue que c'est par une approche horizontale (concernant toutes les productions agricoles), liée au sol (au travers du critère principal des 170 kg) que des progrès sont possibles. Cette approche n'exclut pas des difficultés pour certaines exploitations, qu'il faudra traiter progressivement. Elle sera de ce fait relativement lente, mais cette caractéristique est à mettre en balance avec des résultats qui de toutes façons piétinent actuellement. Elle correspond à la valorisation systématique d'un critère communautaire déterminant. Le raisonnement de la mission sur le dernier point ­ le plus délicat, faut-il envisager de mettre fin à l'interdiction de toute croissance de cheptel en zone d'excédent structurel ­ est le suivant : La mise en oeuvre de la directive cadre sur l'eau va conduire à revoir l'ensemble des politiques publiques dans le domaine de l'eau. L'unité géographique pertinente devient le sous-bassin (la masse d'eau). Le canton ne pourra plus être une unité géographique de référence. La question n'est pas ici que de nature juridique : pour mesurer avec précision les résultats obtenus sur la qualité des eaux, et les relier à des actions mises en oeuvre (ou à engager) en amont, une approche par bassin est indispensable. 71 - Le choix historique d'imposer des obligations de moyens de la part de l'Etat a conduit à des résultats effectifs en termes de moyens (mise en service de plus de 400 stations de traitement des effluents) ; prolonger sans changement cette stratégie risquerait fort d'être décevant, en termes de résultat. Sauf modification immédiate du régime d'attribution des quotas laitiers, une différence de traitement va apparaître dès 2008, lorsque l'attribution des quotas supplémentaires en cours de négociation à Bruxelles va devenir effective : actuellement, même en ZES, cette attribution (et l'augmentation de cheptel qui en permet la production) n'est conditionnée que par l'examen de la situation individuelle de l'éleveur. Cette différence de traitement était logique lorsque l'on redistribuait des quotas correspondant à des arrêts de production antérieurs. Mais il va s'agir maintenant d'autoriser un accroissement global de la production laitière. Il doit être bien entendu exclu d'autoriser une extension d'élevage qui ne respecterait pas la totalité des critères environnementaux pertinents, c'est à dire incluant la maîtrise des deux éléments majeurs d'eutrophisation que sont l'azote et le phosphore ; c'est aussi pour cette raison que la mission propose de ne pas modifier le seuil actuel d'autorisation des installations classées en zone de production dense, afin que chacun puisse Îrifier, même pour des investissements assez limités, que c'est bien le cas. Il semble en revanche difficile de maintenir indéfiniment une interdiction de principe de toute croissance d'élevage, dont il ne faut pas oublier qu'elle a été édictée dans une période où le respect même de la légalité, c'est à dire des procédures d'autorisation préalable à cette croissance, n'étaient pas acquis. Si l'on suit ce raisonnement, la question du calendrier le plus pertinent doit être posée. Il convient en effet de préciser qu'on ne peut pas exclure l'hypothèse que la mise en service d'une double déclaration annuelle des épandages chez les tiers et d'une déclaration annuelle des abattages (voir plus haut) n'entraîne une remise à plat d'un certain nombre de situations limites, c'est d'ailleurs dans le sens d'une clarification que ces mesures pourraient être intéressantes en faveur de l'environnement. La coïncidence dans le temps avec l'attribution de quotas laitiers pourrait également y contribuer. Les éleveurs porcins dont les périmètres d'épandage pourraient être ainsi remis en cause auront besoin de se réorganiser. Il semblerait beaucoup plus sain à la mission d'indiquer nettement que de nouvelles transitions (ne pas baisser immédiatement son cheptel dans une hypothétique attente de nouvelles terres d'épandage, etc.) ne seront pas alors appliquées, tout en donnant aux éleveurs des règles fonctionnant clairement en faveur de l'environnement s'ils souhaitent recomposer un projet. - - - La mission a examiné une éventuelle transition accompagnant une telle évolution dans la stratégie de résorption, qui consisterait à définir annuellement un contingent départemental de projets nouveaux susceptibles d'être autorisés au titre des installations classées, si la totalité des critères environnementaux était bien sûr satisfaite. Une attribution selon la règle du « premier arriÎ ­ premier servi » pourrait éviter l'écueil de la valorisation monétaire des quotas individuels (voir plus haut). Cette mesure de transition permettrait de Îrifier qu'une certaine proportionnalité s'établirait entre les nouveaux élevages autorisés et les élevages restructurés. Ayant fait cet examen, la mission a finalement choisi de ne pas retenir cette idée parmi les propositions qu'elle formule, elle aurait à ses yeux plus d'inconÎnients que d'avantages. Si des réductions affectant des élevages respectant mal les critères environnementaux sont légitimes, est-il justifié de contingenter des nouveaux élevages qui respecteraient tous ces critères ? Et cette mesure n'aurait-elle pas des effets pervers 72 prévisibles, ne serait-ce que de fournir un argumentaire en vue de freiner la restructuration si les nouveaux développements tardent à venir, ou même d'accepter de nouveaux projets médiocres parce que la restructuration serait trop forte ? Il pourrait être en revanche estimé opportun de mettre en place un suivi rapproché de cette opération d'infléchissement de la stratégie de résorption, en diffusant (par exemple en CODERST) chaque année les effets obserÎs. En outre une mission d'audit de conformité des procédures employées, associant les inspections ou conseils généraux des ministères chargé de l'Agriculture et chargé de l'Environnement, pourrait être diligentée après un ou deux ans de mise en place de ce nouveau dispositif. 73 5 CONCLUSION Après un vaste panorama des incidences sur l'environnement de la production porcine, il convient de revenir aux points essentiels. La filière porcine suscite en France, de ce point de vue, des débats pour lesquels la passion n'exclut pas toujours les excès. L'objet même de ces débats peut être différent selon les régions : motiÎ bien souvent, à tort ou à raison, par des questions de nuisances en dehors de l'Ouest de la France, ce débat s'étend aussi dans les zones de production dense à la complexe question des pollutions diffuses, pour lesquelles les responsabilités sont partagées. Un point essentiel ne peut toutefois être oublié : même si la filière porcine s'adresse, sur ce point comme sur d'autres, d'abord aux pouvoirs publics, ce débat est avant tout un débat entre la filière et ses voisins, qui sont aussi ses clients. C'est pourquoi la question d'une stratégie environnementale de la filière porcine, qui a demandé cette mission, est particulièrement pertinente. ArriÎ au terme de ses travaux, la mission ne peut s'empêcher de faire part d'un constat important, qui concerne les deux questions principales ici traitées, les nuisances et les pollutions diffuses. Il est en effet frappant de constater à quel point se développent globalement, entre les deux parties au débat, ce que les économistes appellent des « logiques non coopératives » : faute d'un dialogue approfondi et d'une coopération suffisante, les solutions retenues ne sont finalement satisfaisantes pour personne. La restauration progressive d'une logique plus coopérative n'est pourtant peut-être pas impossible. A son niveau la mission a cherché à y contribuer en préparant les propositions et les suggestions de ce rapport, dont certaines sollicitent un effort prospectif de l'une et l'autre des parties à ce débat. C'est en particulier le cas pour les propositions visant à faire évoluer la stratégie de résorption, qui sont liées au renforcement de certaines exigences, ainsi que pour les propositions concernant les procédures d'autorisation. Le concept de développement durable repose bien sur la recherche d'un équilibre entre l'économie et l'environnement. Jean LESSIRARD Philippe QUEVREMONT 74 ANNEXES Anne xe 1 Lettre de commande Anne xe 2 Liste des personnes re ncontrées 17 septembre 2007 : MM. Jérôme-André GAUTHIER et Vincent GITZ, conseillers techniques au Cabinet du Ministre de l'Agriculture et de la pêche (MAP) ; M. Alain AUVE, conseiller technique au Cabinet du Ministre de l'Ecologie, du développement et de l'aménagement durables (MEDAD) ; M Stéphane LE DEN, chef du bureau du porc, de la volaille et des productions animales spéciales (MAP, DGPEI). 30 août 2007 : Mme Danièle MANFREDI, adjointe au chef de service de l'environnement industriel, direction de la prévention des pollutions et des risques (MEDAD), M. Joël FRANCART, chef de bureau. 26 septembre 2007 : M Dominique DUFUMIER, chef du bureau réglementation et sécurité au travail (MAP, DGFAR) et Mme Fabienne COLLET, chargée de mission. 27 septembre 2007 : M Jacques LEMAITRE, président de l'IFIP (Institut du porc) et M. Philippe LECOUVEY, directeur. 4 octobre 2007 : M. Jean DAUBIGNY, préfet de la région Bretagne, M. Bertrand GUIZARD, chargé de la mission interdépartementale et régionale de l'eau (MIRE, SGAR), M. Jacques AUBERT, chargé de mission (SGAR), M. Jean-Claude BRIENS, chef de service, DRAF (direction régionale de l'agriculture et de la forêt) et M. Guillaume HEMERY, mission d'appui agroalimentaire Bretagne, Conférence des Chambres économiques de Bretagne. 4 octobre 2007 : M. Bertrand GUIZARD, chargé de la mission interdépartementale et régionale de l'eau (MIRE), SGAR, préfecture de région Bretagne. 4 octobre 2007 : M Stéphane BURON, directeur délégué, DDAF d'Ille-et-Vilaine ; M BESSIN, chef de service, Christian LAINE, chef de service, Mme Florence FERNANDEZ, ingénieur. 5 octobre 2007 ; M. Marc MICHEL, directeur régional, DRAF Bretagne, M. JeanClaude BRIENS, chef de service, André LESPINASSE, chargé de mission, M JeanPaul SAUVE, statisticien. 5 octobre 2007 : M. Philippe HERCOUET, directeur départemental, DDSV d'Ille-etVilaine, M. Jean-Paul LE DANTEC, chef de service. - - - - - - - - - 5 octobre 2007 : Mme Anne-Marie ROPERT, chef de service (SEMARN), DIREN Bretagne. 8 octobre 2007 : entretien téléphonique avec M.Christian HUARD, Président de Conso-France, représentant des consommateurs au conseil supérieur d'orientation (CSO) 10 octobre 2007 : M. Jean-Claude BEVILLARD, secrétaire national, chargé des questions agricoles, France Nature Environnement, et M. Lionel VILAIN, conseiller technique. 10 octobre 2007 : M Guillaume ROUE, président d'INAPORC. 10 octobre 2007 : M. Jean-Claude VIAL, directeur-adjoint de l'eau (MEDAD), M. Philippe JEANNOT, chargé de mission. 18 octobre 2007 : M. Jean-Michel SERRES, président de la FNP (fédération nationale porcine), M. Jeff TREBAOL, vice-président, M. Paul AUFFRAY, M. Bernard ESNAULT. 24 octobre 2007 : M. Yvon SALAÜN, responsable Techniques d'élevage, IFIP institut du porc, Mme Nadine GUINGAND, ingénieur d'études, M. Pascal LEVASSEUR. 24 octobre 2007 : M. Michel RIEU, responsable du pôle économie de l'élevage et de la filière, IFIP institut du porc, Mme Christine ROGUET, ingénieur d'études. 6 novembre 2007 : M. Jacques JAOUEN, président de la Chambre Régionale d'Agriculture de Bretagne. 7 novembre 2007 : M. Christian SCHWARTZ, directeur départemental (DDAF des Cotes d'Armor), M. Charles QUINTARD, directeur départemental DDSV, M. PAPADOPOULOS et Mme Florence TOURNEL, chefs de service (DDAF), M Yannick CORNEL, chargé de mission DDAF. 7 novembre 2007 : M. Marcel CORMAN, président de l'Union des groupements de producteurs de viande de Bretagne (UGPVB), M. Patrice DRILLET, responsable environnement UGPVB, Mme Séverine GOYPERON, chargée de mission environnement. - - - - - - - - - - 13 novembre 2007 : Mme BLANC-DUBUISSON, M. Marcel CARTEAU, M. Armand MAHE, M. Jean-Yves BUAN, M. Christian LIETS, M. Jules GEORGEAINT, comité de liaison d'associations de consommateurs du Morbihan. 13 novembre 2007 : M. Philippe CHARETTON, directeur départemental (DDAF du Morbihan). 13 novembre 2007 : M. Laurent KERLIR, président, FRSEA de Bretagne. 14 novembre 2007 : M. Jean-François PIQUOT, porte-parole d'Eau et Rivières de Bretagne, M. Gilles HUET, délégué général. 14 novembre 2007 : M. Patrice MAUMONT, chef de service, DRAF de Bretagne. 4 décembre 2007 : M. François BONNET, directeur départemental de l'agriculture et de la forêt du Finistère, Mme Hélène BOUCHER, chef du service environnement. 4 décembre 2007 : Mme Laurence DEFLESSELLE, chef de service, direction départementale des services Îtérinaires du Finistère. 4 décembre 2007 : M. Louis COZ, président de la communauté de communes de Plabennec et des Abers, MM Yannick PACAULT et Pierre GUILCHER, cabinet Portances. 5 décembre 2007 : MM Philippe TOUZE et Jean-Guy HAMON, responsables du contrôle des exploitations, DDAF d'Ille-et-Vilaine. - - - - - - - 5 et 17 décembre 2007 : M. Louis BIANNIC, directeur régional de l'agriculture et de la forêt de Bretagne. Anne xe 3 Liste des principaux documents cons ultés - Paul BARON, François BARTHELEMY, Michel BOUVIER, Xavier MARTIN, JeanPierre VOGLER : Elevages et fonctionnement du conseil départemental d'hygiène en Ille et Vilaine (Inspection générale de l'environnement, Conseil général du génie rural, des eaux et des forêts, 20 mars 2001). Cour des Comptes : la préservation de la ressource en eau face aux pollutions d'origine agricole : le cas de la Bretagne (février 2002). Alain CARPENTIER, Karine LATOUCHE, Pierre RAINELLI : Les attributs de la viande de porc et la demande des consommateurs français (2003). IFIP (Claudie GOURMELEN et al) : Le coût des contraintes réglementaires pour la production porcine française (juin 2003). IFIP : Conditions d'installation et de fonctionnement des élevages de porcs face aux contraintes d'environnement dans quelques bassins de l'UE. Jacques GUIBE, André MANFREDI, Jean-Louis PORRY, Jean-Marie TRAVERS : Rapport sur la filière porcine française (Comité permanent de coordination des inspections du Ministère chargé de l'Agriculture, janvier 2004). André MANFREDI, Jean-Louis PORRY, Jean-Marie TRAVERS : L'avenir de la filière porcine française, conclusions des groupes de travail (Comité permanent de coordination des inspections du Ministère chargé de l'Agriculture, janvier 2004). Chantal LE MOUËL : Perspectives d'évolution du secteur porcin européen : Enjeux des négociations agricoles internationales et des réglementations en matière sanitaire, environnementale et de bien-être animal (INRA-ESR, 2004). Yves LEON, Etienne BLANCHET, Yves SURRY : Bilan de l'azote en Bretagne par bassin de production : l'importance des éléments porcins (INRA, 2005). - - - - - - - - - Isabelle PIOT-LEPERTIT, Monique LE MOING, Maud ULVE : la production porcine en France entre gains de productivité et réduction des rejets polluants (INRAEconomie). Guy DEBAILLEUL, Denis BOUTIN : La séÎrité de la réglementation environnementale québécoise dans le domaine des productions animales : mythe ou réalité (Développement durable, Environnement et Parcs, Gouvernement du Québec). Direction générale de l'environnement de Bretagne : Evaluation intermédiaire du programme Bretagne Eau Pure 2000-2006, première phase de l'évaluation (ISL Oréade-Brèche, juin 2005). Vincent BATTAULT, Sandrine ESPAGNOL : Méthode (parties A et B), Bilan de la mise en place d'une certification environnementale dans deux élevages porcins du Pays de Caux et extrapolation aux autres élevages porcins, Institut technique du porc (août 2005). Conseil scientifique de l'environnement de Bretagne : Evolution de la qualité des eaux en nitrate, recommandations pour une nouvelle politique de l'eau (décembre 2005). Conseil scientifique de l'environnement de Bretagne : Pour la compréhension des bassins versants et le suivi de la qualité de l'eau, fiches techniques et scientifiques (décembre 2005). Maurice FENETRE, Jean-Marie TRAVERS : Note de suivi du rapport sur l'avenir de la filière porcine française (Comité permanent de coordination des inspections du Ministère chargé de l'Agriculture, avril 2006). Office de l'Elevage : La consommation des produits carnés (septembre 2006). Préfecture de la région Bretagne (SGAR) : Evaluation du plan d'action pour un développement pérenne de l'agriculture, de l'agroalimentaire et pour la reconquête de la qualité » de l'eau en Bretagne (note pour le comité de pilotage du 1er décembre 2006). Conseil scientifique de l'environnement de Bretagne : Evolution de la qualité des eaux en Bretagne, avis et recommandations complémentaires (décembre 2006). Sillons d'Europe : La directive nitrates : application et conséquences (MINEFIDGTPE, mai 2007). - - - - - - - - - - IFIP (Institut du porc) : Filière porcine et environnement, note pour le Grenelle de l'Environnement (version 3, 20 juillet 2007). Fiches de synthèse du programme « Porcherie verte » (2007). IFIP : Les signes de qualité en production porcine (2007). Bertrand MONTEL, Guy DEBAILLEUL : Les élevages porcins face l'environnement : reconstruction du système de gestion et norme ISO 14001. à - - Martin BOSCHAMA, Alain JOARIS, Claude VIDAL : Agriculture et environnement, concentration de la production animale (Eurostat, 2007). - Christine ROGUET et al : Le parc des élevages de porcs en France, IFIP (septembre 2007). - Leif KNUDSEN : how do the pig production deal with the environnemental legislation in Denmark ? (june 2007). - Baromètre Porc, décembre 2007 : Danemark Les élevages de porc en mutation. INVALIDE) (ATTENTION: OPTION Une partie de l'azote inclus dans les références mesurées à l'émission à l'élevage contribue aux émissions ammoniacales, dont une autre partie retombe sur les sols autour de l'élevage. 49 Cette sous-estimation est indirectement confirmée par les écarts releÎs avec les références retenues dans les autres Etatsmembres. Ces écarts s'expliquaient tant que la génétique française était en retard par rapport à ses grands concurrents européens producteurs laitiers. La génétique laitière française figure désormais parmi les plus efficientes au niveau mondial. 43 Il est difficile d'imaginer accélérer brutalement un calendrier qui dépend, pour partie, d'un plan de charge des entreprises (bâtiment, etc.) sollicitées. Mais la facilité avec laquelle l'administration semble accorder des délais d'exécution encore allongés, pour la réalisation des investissements subventionnés50, appelle cependant une réaction appropriée. 3.2.2.5 Le calcul de la fertilisation Les modalités de calcul de la fertilisation ont été préparées en Bretagne de manière méthodique, l'administration y agrée les références utilisées dans les logiciels préparant les plans de fumure. Deux points mériteraient cependant d'être encore approfondis : certains éléments techniques laissent craindre une sous-estimation des effets de report de la fertilisation d'une année sur l'autre, en particulier pour des parcelles épandues chaque année. La mesure des reliquats d'azote dans les sols peut avoir deux fonctions : effectuée juste après (ou peu avant) la récolte, elle permet de Îrifier, a posteriori, que la culture précédente n'a pas été fertilisée à l'excès ; effectuée en sortie d'hiver ou au printemps, avant les semis de mais ou avant la première fertilisation sur blé, elle permet de quantifier l'azote minéral disponible dans les sols après l'hiver, azote qu'il ne sera pas nécessaire d'apporter en cours de campagne à venir. Mesurer les reliquats est donc un acte important en vue du pilotage de la fertilisation. - Cette mesure n'est toutefois pas généralisée, ni peut-être même généralisable, en zone d'élevage, où les parcelles agricoles sont souvent de taille limitée : le coût des prélèvements (qui doivent suivre un protocole précis) et des analyses se réÏlerait trop éleÎ par rapport aux marges dégagées, si ces mesures étaient généralisées. Chaque année en Bretagne les Chambres d'Agriculture mesurent les reliquats de fin d'hiver sur des parcelles témoin, ce qui permet une estimation des effets du climat (lessivage, minéralisation), variables selon les années. La difficulté de méthode tient ensuite à l'extension de ces estimations à chaque parcelle : l'historique de celle-ci (sur-fertilisation éventuelle, etc.) peut être à cette occasion oublié. Rien ne garantit, en tous cas, qu'une estimation correcte de ces reliquats soit employée par les prestataires chargés de préparer les plans de fumure pour le compte des agriculteurs, ni par les agriculteurs eux-mêmes ; l'usage assez répandu de reliquats standards est en tous cas un sujet de préoccupation. Il peut en résulter une sur-fertilisation non négligeable, par exemple pour des parcelles proches du siège d'exploitation, où des épandages fréquents ont pu avoir lieu les années précédentes, et qui peuvent ainsi faire l'objet d'une préconisation excessive. La mission estime que ces types de cas devraient être détectés et suivis. 3.2.2.6 Le contrôle de la fertilisation Les plans d'action ont prévu de rendre obligatoires, dans les zones vulnérables, deux outils permettant de prévoir une fertilisation équilibrée (au sens agronomique du terme), puis d'en tracer l'exécution : le plan prévisionnel de fumure, exigible au printemps, et le cahier de fertilisation. 50 Il doit être souligné qu'une telle décision accorde aussi de fait une dérogation aux plans d'action. 44 Depuis 2002, la généralisation de ces outils en zone de production dense a fait des progrès remarquables ; et depuis 2005 la mise en oeuvre de l'éco-conditionnalité au titre des soutiens directs de la PAC a montré que la Bretagne était sur ce point en avance par rapport au reste de la France. Ce succès n'est cependant pas sans nuances. Depuis 2002 des contrôles répétés à taux éleÎ (10% annuels) y ont sûrement contribué. Ce taux est même actuellement porté à 50% en bassin versant à contentieux. Mais ces contrôles se sont jusqu'ici surtout limités au respect des obligations de chaque agriculteur sur la forme (existence d'un plan prévisionnel de fumure et d'un cahier de fertilisation), sans en Îrifier de manière approfondie le contenu sur le fond : ces contrôles ne sont pas en mesure d'attester que la fertilisation a été correctement préconisée ni qu'elle a été effectuée, à la dose prévue et selon le calendrier adéquat, sauf à « mettre un gendarme derrière chaque agriculteur », ce qui est bien entendu difficilement envisageable. De nombreux prestataires proposent désormais aux agriculteurs un service, généralement facturé quelques centaines d'euros par an, visant à calculer les plans prévisionnels de fumure (ce qui est certainement une aide précieuse), et à présenter à l'administration la fertilisation effectuée sur un document automatisé (l'utilité réelle de l'automatisation est ici beaucoup plus discutable). A cette occasion, on peut craindre que la forme n'ait pris le pas sur le fond, et que le résultat de la fertilisation ne soit pas nécessairement équilibré par rapport aux besoins de la culture. Sans être en soi probantes, certaines anecdotes rapportées par les équipes de contrôle des DDAF et/ou DDSV illustrent ce risque de dérive collective : il s'est vu, par exemple, de rencontrer un cahier de fertilisation automatisé qui mentionnait par avance la date d'une récolte non encore effectuée ; ou de présenter au contrôle un plan de fumure portant automatiquement une date d'impression remontant à 48 heures, au moment où le contrôle a été annoncé à l'éleveur. L'ensemble de ce dispositif coûte cher, aux agriculteurs qui ont massivement recours à la sous-traitance, comme aux pouvoirs publics qui diligentent des contrôles devenus peu utiles. S'il apparaît nécessaire d'objectiver le processus de la mise en oeuvre d'une fertilisation équilibrée par l'utilisation d'outils tels que le plan de fumure prévisionnel et le cahier de fertilisation, il serait opportun de mieux définir les conditions de leur mise en oeuvre, ainsi que les processus permettant d'en mesurer l'efficacité par rapport au résultat attendu. 3.2.2.7 Le principe d'un plafonnement des épandages à 170 kg d'azote organique par hectare En application directe de la directive nitrates, l'azote apporté aux sols par les effluents d'origine animale (lisiers, fumiers, composts,..) doit être limité à 170 kg par hectare épandable et par an, à l'échelle de l'exploitation. Cette limite correspond sensiblement à l'équilibre agronomique de la fertilisation (c'est à dire aux besoins des plantes) pour un assolement courant dans des terres de bon potentiel agronomique. Mais l'équilibre de la fertilisation peut aussi se rencontrer à des niveaux supérieurs (si le rendement Îgétal accepte des apports d'azote importants en bonnes terres), comme à des niveaux inférieurs (en petites terres, ou avec des cultures ayant de faibles besoins en azote). 45 Ce constat renvoie à deux questions complémentaires: Le respect de ce niveau réglementaire est-il garant d'un équilibre (agronomique) de la fertilisation, parcelle par parcelle ? A quelles occasions le respect de ce plafond est-il Îrifié, et quelles conséquences en tire-t-on ? La répartition géographique des épandages Même dans les cas où la limite des 170 kg d'azote organique à l'hectare en moyenne sur l'exploitation est fondée au plan agronomique, son respect ne garantit pas une limitation adéquate des fuites de nitrates vers les nappes pour chaque parcelle, si le calendrier et la répartition spatiale des effluents sur l'exploitation sont incorrects. Les habitudes d'un apport excessif d'effluents sur maïs51 sont certainement en régression en Bretagne, les épandages sur blé, par exemple, se développent. Est-on cependant certain que certaines parcelles, en maïs et proches des bâtiments d'élevage, ne soient pas sur-fertilisées par rapport à des parcelles plus lointaines ? Les procédures de contrôle actuelles ne peuvent en tous cas pas le garantir. Ce point quelque peu préoccupant est à relier à un autre phénomène : la procédure d'instruction d'une autorisation au titre des installations classées est lourde, et comme à chaque fois qu'une telle particularité se présente, l'attention du maître d'ouvrage comme celle des services de contrôle est certainement moins vigilante pour la mise à jour ultérieure du plan d'épandage, probablement imparfaite. Mais à quoi sert un plan d'épandage initial parfait si la réalité, ajustée d'une année à l'autre, peut être différente ? Deux éléments permettent d'illustrer ce propos : la relation contractuelle entre un agriculteur « prêteur de terres » (qui accepte sur son exploitation l'épandage d'effluents provenant d'un autre élevage) et l'installation classée qui produit ces effluents n'est pas encadrée par le code rural, pourtant prolixe en procédures foncières dirigistes 52. Cette particularité aboutit à une certaine absurdité administrative, le demandeur prépare pendant plusieurs mois, souvent à grands frais, un dossier de demande d'autorisation, que les pouvoirs publics mettent une année à valider, voire plus, alors que le tiers qui autorise effectivement ces épandages peut éventuellement revenir sur son accord sans délai. Ce ne serait pas pour autant une bonne idée, aux yeux de la mission que de chercher à rigidifier ce type de contrat (voir plus loin), ces dispositions nouvelles seraient probablement contournées. En principe l'administration dispose déjà de la possibilité d'effectuer certaines Îrifications annuelles, ne serait-ce qu'en détectant, à l'aide des fichiers des déclarations annuelles de surface au titre de la PAC (détenus par les DDAF), que le « prêteur de terres » autorisé (par la DDSV) n'a pas cessé d'exploiter. Est-ce un effet de la bi-polarité des administrations de terrain (DDAF et DDSV) dépendant du Ministère de l'Agriculture ? Ce suivi, automatisable, n'est en tous cas pas effectué. - 51 52 Le maïs est une culture tolérante vis à vis des excès d'azote. Il faut par exemple rappeler que la totalité du statut du fermage est d'ordre public, c'est à dire qu'il ne laisse pratiquement pas de liberté aux parties pour déterminer les détails du contrat de bail. 46 En outre, le lien direct, imposé par la réglementation, entre l'exploitation produisant les effluents et les terres de son voisin « prêtées » pour l'épandage atteint des limites évidentes s'il conduit à reprendre la totalité d'un dossier simplement pour remplacer un fournisseur d'effluents par un autre. Ce double constat milite pour une certaine souplesse dans l'adaptation des plans d'épandage, dès lors que le droit des tiers serait garanti : il ne doit pas s'agir d'inclure de nouvelles parcelles ni d'augmenter les nuisances (remplacer un enfouissement de lisier par un épandage simple, par exemple). Cette plus grande souplesse serait associée à un suivi annuel renforcé des épandages effectués (voir plus loin). La Îrification de la limite des 170 kg d'azote organique à l'hectare Le respect du plafond des 170 kg d'azote organique par hectare épandable et par an est Îrifié à l'occasion des procédures concernant spécifiquement l'environnement, par exemple l'instruction d'une demande d'autorisation au titre des installations classées, ou l'octroi d'une subvention au titre du PMPOA. Cette Îrification est toutefois moins systématique lors de l'instruction de procédures spécifiquement agricoles, comme par exemple lors de l'octroi de quotas laitiers supplémentaires, qui doit être conditionné au non dépassement de ce seuil, compte tenu de l'incidence des quotas à distribuer. L'octroi des aides à l'installation devrait également être conditionné au respect de ce seuil, l'exploitation qui ne respecte pas ce point important pouvant difficilement être considérée comme viable au plan économique. L'application de ces principes est cependant inégale selon les départements. Il s'agit certes de procédures agricoles. Mais si l'on peut dans certains cas être convaincu de la difficulté économique à réduire sans délai un chargement animal excédant la limite des 170 kg d'azote organique à l'hectare épandable, compte tenu par exemple d'investissements antérieurement effectués, on ne peut pas dans le même temps accepter que des exploitations s'engagent économiquement pour des durées longues (installation, augmentation de production) sans Îrifier ce critère essentiel. Comme il a déjà été évoqué plus haut, le respect des 170 kg d'azote organique épandu par hectare et par an n'est pas, en soi, une garantie totale de l'équilibre agronomique de la fertilisation : celui-ci dépend des cultures, de la qualité des terres, du calendrier d'apport, etc. C'est d'ailleurs pourquoi on peut s'inquiéter de la tendance, rapportée par les interlocuteurs de la mission, à présenter à l'autorisation préfectorale au titre des installations classées des plans d'épandage calés à 169 kg d'azote : la réalité des cultures et des rendements justifie-telle vraiment cette ambition ? La mission considère toutefois que ce serait une erreur, sur la base de ces arguments, que de trop relativiser le critère des 170 kg d'azote organique, que sa simplicité rend facilement utilisable : il convient, au contraire, de l'utiliser plus largement qu'aujourd'hui (voir plus loin). 3.2.2.8 Le régime des sanctions En principe les défaillances releÎes dans la préparation d'un plan de fumure ou la traçabilité de la fertilisation relèvent de sanctions pénales. Ceci a pu conduire, en zone de production dense, les DDAF à multiplier les avertissements en cas de défaillance aÎrée, avec l'accord du procureur de la République. 47 L'emploi de sanctions effectives se réÏle de fait disproportionné, les sanctions pénales (amendes, etc.) étant très rarement prononcées sur la base de ce seul constat, qui doit être en outre établi par du personnel assermenté. Une autre disproportion peut également s'observer au titre de la conditionnalité des soutiens directs de la PAC : l'absence de plusieurs données dans un plan de fumure ou un cahier de fertilisation peut aboutir à des sanctions effectives (1% d'aides en moins), alors que dans ce cas la sur-fertilisation est possible sans être certaine. A l'inverse le dépassement de la limite des 170 kg d'azote organique à l'hectare, qui établit une sur-fertilisation très probable, n'est sanctionné que s'il atteint le seuil éleÎ de 225 kg. Ce double constat accentue la nature trop formelle des contrôles releÎe plus haut. 3.2.2.9 Une baisse de la fertilisation minérale moins marquée qu'attendu Selon les chiffres de l'Union des industries de la fertilisation53, la vente d'azote minéral a décru plus vite en Bretagne (-19,5%) qu'en France entière (-11,6%) sur les 7 années qui ont précédé la campagne 2005-2006. Cet écart est appréciable ; mais la réduction obserÎe pendant la période du plan d'action breton est cependant plus faible (16.000t) qu'attendu (30.000t). Une des explications avancées sur le terrain est que la substitution d'un plan d'épandage par un autre, lorsque le premier éleveur est soumis en ZES à l'obligation de traiter ses effluents, serait très imparfaite : l'azote organique serait ainsi parfois remplacé par de l'azote minéral. Personne ne se risque à chiffrer ce phénomène, qui, s'il était largement confirmé, saperait l'un des principes sur lesquels la politique de résorption a été bâtie. Les résultats moindres qu'attendus tiennent peut-être aussi, en partie, aux conditions dans lesquels sont formulés les conseils de fertilisation. Ceux-ci mobilisent, dans les zones de production dense, de très nombreux intervenants. La certification des organismes de conseil, engagée en Bretagne, n'a pas été jusqu'à prévoir pour la fertilisation une séparation totale, au niveau des agents comme au niveau des organisations, entre les fonctions de prescription et les fonctions de commercialisation. D'autres zones excédentaires ont toutefois fait un choix différent ; il faut ainsi signaler qu'au Canada (Québec), dont la proximité de la culture anglo-saxonne garantit un bon pragmatisme, cette séparation est en application, malgré des difficultés pratiques évidentes pour sa mise en application. Sans proposer une réforme d'ensemble en France, qui dépasserait visiblement le cadre de cette mission, ce rapport propose cependant de faire un pas dans le sens d'une clarification des responsabilités de chaque intervenant (voir plus loin). 3.2.2.10 Avis global sur la fertilisation azotée Au total, les outils de suivi de la fertilisation (plans de fumure et cahiers de fertilisation), apparemment bien diffusés, ne permettent pas de confirmer tous les espoirs qu'ils avaient suscités. Des contrôles récents réalisés dans le Morbihan parmi des catégories d'éleveurs jusqu'ici peu suivies illustrent cette déception. Deux raisons fondamentales se conjuguent qui conduisent à ce constat : d'une part ces outils ne sont probablement pas encore mis en oeuvre avec toute la rigueur nécessaire, et à ce titre la mission doit présenter des propositions d'adaptation. 53 Chiffres cités par l' «Evaluation du plan d'action pour un développement pérenne de l'agriculture, de l'agroalimentaire et pour la reconquête de la qualité de l'eau en Bretagne, note pour le comité de pilotage du 1/12/06, préfecture de région Bretagne (page 9). 48 D'autre part, dans un univers où l'excès d'azote est très fréquent, l'argument d'économies attendues sur les intrants, du fait d'une fertilisation raisonnée, est probablement moins puissant que dans les zones où l'azote n'est pas structurellement excédentaire. A l'extrême, l'azote n'a pas de coût, ce qui compte c'est de s'en débarrasser. A l'inverse, on peut noter qu'à cause d'un effet de seuil, le risque d'une sous-fertilisation est peut-être plus pénalisant pour un élevage, qui peut craindre une rupture dans ses stocks d'alimentation hivernale, que pour les cultures de vente. La fertilisation équilibrée ne va pas alors nécessairement de soi, ce qui a conduit la mission à proposer de procédures d'adaptation des contrôles. 3.2.2.11 Les limites liées aux politiques publiques elles-mêmes : la quantification économique des actions La reconquête de la qualité de l'eau a justifié de nombreuses actions publiques ; mais même dans les documents les plus synthétiques, aucune estimation physique des résultats à attendre de chaque action n'est associée aux actions proposées ou réalisées : on sait ce que coûte (ou coûtera) la mesure, on ne quantifie pas pour autant son impact technique en unités comparables, par exemple en tonnes d'azote organique ou minéral non apportées au niveau des sols chaque année. L'absence d'un tel indicateur commun rend très difficile l'analyse comparative de l'efficacité potentielle ou obserÎe des différentes mesures. Cette remarque est à rapprocher de nombreuses observations faites sur l'application insuffisante du principe pollueur-payeur en ce domaine54. 3.3 Le jeu des acteurs Stratégie environnementale de la filière porcine. 3.3.1 En mars 2003, le premier document émis au titre du « rapport PORRY55 » résumait le positionnement historique de la filière porcine, au regard des questions d'environnement, en indiquant que son « succès notable... a trop longtemps négligé les contraintes environnementales ». Deux éléments-clé apparaissent dans cette formulation ramassée, la notion de délai, et la mention d'une démarche contrainte. La recherche de délais supplémentaires a été dominante au moins jusque vers la fin des années 1990. A cette époque, l'Etat a affiché dans les zones de production dense une stratégie d'ensemble, dénommée résorption (instruction aux préfets du 21 janvier 1998, dite « circulaire VOYNET ­ LE PENSEC ») ; la volonté de l'Etat de mettre en oeuvre une politique plus restrictive s'est affirmée à partir de l'année 2000. Un abattage de truies excédentaires décidé par l'Etat, symbolique, est par exemple intervenu dans le Finistère en juillet 200156. 54 Voir en particulier le rapport de la Cour des Comptes : la préservation de la ressource en eau face aux pollutions d'origine agricole : le cas de la Bretagne (février 2002). 55 Jacques GUIBE, André MANFREDI, Jean-Louis PORRY, Jean-Marie TRAVERS : L'avenir de la filière porcine française, Analyse générale (Comité permanent de coordination des inspections du Ministère chargé de l'Agriculture, 17 mars 2003), page 3. 56 Le 24 juillet 2001, le préfet du Finistère a fait abattre d'office, aux frais de l'exploitant et avec le concours de la force publique, plus de 400 truies excédent l'autorisation d'un établissement classé. 49 La filière porcine, dont l'importance économique en Bretagne était en jeu, a alors développé une stratégie visant à s'adapter à des règles environnementales ressenties comme nouvelles. Cette stratégie d'adaptation comprend trois caractéristiques remarquables : La production porcine a engagé un effort sans précédent d'investissement à des fins environnementales, constitué pour l'essentiel de stations d'épuration nouvellement construites ; l'énergie dont a été historiquement capable la filière bretonne s'est ici à nouveau manifestée. Cet effort a eu des effets très positifs en termes de savoir faire technique, l'engagement de certains groupes économiques ayant permis le développement de Îritables filières industrielles de traitement des effluents porcins, et même dans certains cas de distribution des co-produits. Cet acquis, à consolider, est désormais essentiel pour la filière française. La filière porcine a participé à des structures de dialogue avec le reste de la société, y compris avec des sensibilités environnementales marquées, comme par exemple au sein du comité de pilotage du plan d'action breton57. Cette participation répondait toutefois plus aux initiatives des pouvoirs publics qu'à une dynamique propre à la filière. La qualité de ce dialogue est inégale, dans cet exemple elle a été altérée à l'occasion de la mise en place des règles dites de « restructuration externe des élevages », les principaux acteurs n'ayant pas réussi à définir un compromis durable sur un élément-clé pilotant l'équilibre entre objectifs économiques et objectifs environnementaux associés à ces règles. En même temps, la filière porcine n'a pas complètement cessé d'intervenir, auprès des pouvoirs publics, pour chercher à retarder, autant que faire se pouvait, l'application de règles environnementales. Il convient ici de bien préciser le point de vue de la mission : celle-ci ne considère pas que le principe de telles interventions soit choquant, pour autant qu'elles soient argumentées, et, si possible, accompagnées de propositions alternatives: les pouvoirs publics ne peuvent pas connaître a priori tous les problèmes de tous les agents économiques, et il leur appartient bien, in fine, de prendre les décisions nécessaires. - - Si le principe de ces interventions ne peut être mis en cause, leurs résultats peuvent se réÎler moins fructueux. La filière se plaint ainsi souvent que les règles environnementales ne changent trop rapidement. Face à une demande sociale très forte en ce domaine, ce n'est à l'inverse qu'en admettant des exigences de bon niveau qu'une réglementation peut se réÎler durable. L'instabilité est en revanche particulièrement marquée quand les pouvoirs publics finissent par accepter une application « réglementaire » si atténuée qu'elle ne peut conduire qu'à être suivie d'un mouvement inverse initié par voie jurisprudentielle : l'instabilité réglementaire n'est plus alors contrôlée par aucun acteur. Globalement, la stratégie de la filière porcine au regard des questions d'environnement présente ainsi un caractère plutôt défensif : elle a du mal à anticiper, pour protéger son image ou pour élaborer des propositions en matière d'environnement58, comme le font certaines grandes branches industrielles pourtant réputées polluantes. Un dialogue inabouti avec le reste de la société, en particulier avec ses sensibilités environnementales, ne permet guère à cette filière de valoriser des efforts économiquement lourds en faveur de l'environnement, pourtant 57 Plan d'action pour un développement pérenne de l'agriculture, de l'agroalimentaire et pour la reconquête de la qualité de l'eau en Bretagne. 58 L'exception est bien entendu la proposition de « restructuration externe » des élevages, formulée en 2002 en Bretagne. Mais il s'agit tout autant, voire plus, d'une proposition dans le domaine économique que dans le domaine environnemental. 50 indéniables. Cette situation est d'autant plus dommageable que pendant le même temps la filière réussit mal à faire comprendre les enjeux économiques réels auxquels elle est ellemême confrontée. 3.3.2 3.3.2.1 Les associations En zone de production peu dense Il serait délicat pour la mission d'asséner des affirmations définitives sans avoir pu enquêter de manière détaillée dans un grand nombre de départements français. Globalement, la plupart des observateurs s'accordent cependant à considérer que l'approche des associations locales vis à vis de l'élevage porcin est assez facilement négative par réflexe, portée par une image défavorable de la production porcine : le projet de développement d'un seul élevage porcin peut ainsi susciter des oppositions farouches, assez souvent soutenues par des élus, argumentées par la volonté de ne pas recommencer ailleurs les « erreurs environnementales commises en Bretagne ». De fait, on peut plutôt imaginer que cette logique très locale soit d'abord motiÎe par la volonté d'échapper à des nuisances (odeurs,...), considérées comme inévitables pour ce type d'élevage. L'approche réaliste et mesurée d' organisations nationales représentatives, telles France Nature Environnement qui accepte sans objection de principe l'autorisation d'implanter des unités d'élevages dès lors qu'elles sont conformes aux règles, correspond à une défense de l'environnement en tant que tel ; mais elle ne peut suffire à freiner le puissant développement dans la société française de ces logiques locales très défensives 59. La rationalité de ce type d'oppositions est considérée comme discutable par la filière porcine. Mais ce n'est pas pour autant, aux yeux de la mission, qu'il faille simplifier sans précaution les procédures publiques d'encadrement du développement de l'élevage porcin (installations classées,...), sauf à prendre le risque de blocages encore plus nets, sans capacité locale des pouvoirs publics à arbitrer (voir plus loin). 3.3.2.2 En zone de production dense De très sérieux problèmes environnementaux, en particulier quant à la qualité des eaux superficielles, ont été induits par le développement, dans un univers d'élevages déjà denses, d'un élevage porcin et avicole « hors sol », c'est à dire sans les superficies agricoles nécessaires à la production des aliments pour les porcs (céréales...) comme à l'épandage de leurs effluents. La vigilance des pouvoirs publics, pour équilibrer le débat entre les valeurs du développement durable (développement économique d'une part, environnement d'autre part), s'est en effet affirmée tardivement. Ce constat indéniable, ainsi que la lenteur de la reconquête annoncée de la qualité des eaux en Bretagne, justifient aux yeux des associations le maintien d'une vigilance particulière à l'égard de l'élevage porcin. La délicate question des nuisances (odeurs des élevages et des épandages,...) ne constitue-telle pas cependant, aux yeux d'une partie des adhérents de base, une raison supplémentaire de mobilisation ? En tous cas, l'expression spontanée de griefs vis à vis de la production porcine associe souvent ces questions de nuisances à celle de la qualité des eaux, et parfois même à un rejet général du système de production le plus représenté en production porcine. Le discours 59 Les sociologues américains ont baptisé « NIMBY » ce syndrome désormais bien identifié dans toutes nos sociétés contemporaines (Not In My Back Yard : pas dans la cour derrière chez moi), en référence à des projets d'investissement dont l'utilité collective n'est pas nécessairement contestée, à condition qu'ils s'implantent ailleurs que près de chez vous. 51 se développe alors dans trois dimensions : deux concernent directement l'environnement, au titre des milieux naturels ou des nuisances60 ; la troisième relève plus d'un débat général concernant notre modèle de société, et son rapport avec les activités productives. 3.3.3 Les pouvoirs publics Le « rapport BARON » soulignait en 2001 la dimension formelle 61 de la réglementation environnementale appliquée aux élevages en zone de production dense, relevant une volonté insuffisante des pouvoirs publics d'en obtenir une application réelle. Il est vrai que l'on dénombrait alors plusieurs milliers d'élevages en Bretagne en marge de la légalité, les procédures prévues depuis 1975 (date à laquelle les élevages de porc ont été soumis en France à la législation relative aux installations classées), 1994 (date de référence retenue par les pouvoirs publics pour régulariser les élevages existants) et 1998 (date à laquelle les pouvoirs publics ont arrêté les bases de la politique de résorption toujours en application) commençaient seulement à être systématiquement appliquées. Cette situation de retard généralisé ne semble plus d'actualité, et le stock d'élevages « à régulariser » n'existe d'ailleurs plus. La volonté des pouvoirs publics d'équilibrer développement économique et protection de l'environnement a été soulignée à de très nombreuses reprises, y compris par les Ministres chargés de l'Environnement et/ou de l'Agriculture eux-mêmes. De nombreuses initiatives ont été prises pour développer un dialogue constructif, en particulier entre représentants des agriculteurs et associations de protection de l'environnement. De nombreuses procédures de contrôle, sans précédent, ont été mises en place. Des raisons de préoccupation perdurent néanmoins. Le caractère constructif de ce dialogue peine à se maintenir dans la durée, au point que de très vives tensions se sont par exemple à nouveau réÎlées au cours de l'année 2007, à l'occasion d'un large débat sur le contentieux communautaire. Plusieurs des politiques publiques appliquées jusqu'alors viennent à échéance fin 2007 (voire fin 2006), sans que l'on puisse encore localiser avec précision quelles sont les hypothèses à l'étude pour leurs suites, ni les lieux où elles seront débattues. Des signes de vieillissement des choix opérés précédemment apparaissent, le plus inquiétant étant la montée d'un nouveau formalisme de contrôle administratif (voir plus haut), qui n'est satisfaisant ni pour les éleveurs, soumis à des procédures dont certaines suscitent le doute quant à leur efficacité, ni pour l'environnement, ni au regard d'une saine gestion des fonds publics. 3.3.4 Evaluation générale sur le jeu des acteurs Mesurée à l'aune de l'année 2007, la dynamique des acteurs se caractérise par une grande difficulté à développer des collaborations constructives, et parfois même simplement à maintenir un dialogue réel entre les parties prenantes. On ne peut s `étonner, dans ce contexte, de constater un nouveau développement du recours au contentieux (administratif surtout), chaque partie cherchant à obtenir du juge ce qu'elle ne peut obtenir d'un dialogue inacheÎ. Le respect d'un état de droit est l'une des valeurs fondamentales de la République ; mais la mission se doit aussi de souligner que cette 60 61 La prévention des nuisances fait partie du code de l'environnement, au titre des installations classées par exemple. « La priorité a été donnée au respect formel de la procédure et non au aux conséquences réelles sur l'environnement de chaque projet d'élevage ». Paul BARON, François BARTHELEMY, Michel BOUVIER, Xavier MARTIN, Jean-Pierre VOGLER : Elevages et fonctionnement du conseil départemental d'hygiène en Ille-et-Vilaine, 20 mars 2001 (page 4). 52 orientation, à supposer qu'elle perdure indéfiniment, n'apporterait aux parties aucune garantie que ses attentes les plus fondamentales soient satisfaites : les tribunaux Îrifient le respect du droit, non une équité abstraite ou l'adaptation à une situation particulière d'une procédure réglementaire. La qualité juridique irrégulière de procédures parfois mal conçues ou mal mises en oeuvre facilite malheureusement une telle fuite en avant. 3.4 Le régime des installations classées pour la protection de l'environnement. Comme exposé ci-dessus, la prévention des nuisances relève du dispositif des installations classées pour la protection de l'environnement, lui-même encadré par le dispositif communautaire dit « IPPC ». L'application de cette réglementation est pilotée pour les élevages par les services de l'Etat (directions départementales des services Îtérinaires) ; selon sa taille l'élevage relève d'une autorisation préalable de l'autorité administrative (préfet) donnée après enquête publique, ou d'une déclaration dont il est simplement donné récépissé. Les élevages soumis à déclaration doivent cependant respecter un arrêté définissant leurs obligations ; comme les élevages soumis à autorisation, ils peuvent être contrôlés par un inspecteur des installations classées disposant de larges pouvoirs. Cette procédure est appliquée à de nombreux secteurs industriels, y compris pour l'agroalimentaire. Son très large champ d'application, son antériorité, ses très nombreux instruments possibles d'intervention (incluant par exemple jusqu'à des mesures de consignation financière ou des travaux exécutés d'office), la place qu'elle accorde au public, aux élus et aux associations au travers de procédures de consultation minutieuses, le sérieux avec lequel elle est désormais généralement appliquée y compris pour les élevages en fait une procédure reconnue. La limite entre les deux procédures (autorisation ou déclaration) se situe depuis 1975 à hauteur de 450 porcs, elle est nettement inférieure au plafond communautaire défini pour cette activité par la directive IPPC ; cette limite n'a pas été réévaluée à l'occasion d'un récent exercice de simplification administrative, contrairement aux choix effectués pour les secteurs de la volaille et de l'élevage bovin. Là se situe de fait le vrai point de débat entre la filière porcine, qui estime économiquement anormale cette distorsion se concurrence intraeuropéenne, et les associations, qui souhaitent continuer à être informées, et même de pouvoir peser dans le débat public ainsi organisé, préalablement à toute extension significative d'élevage. Il convient toutefois de préciser que, selon la directive, la fixation de la limite entre les procédures ne relève pas d'une décision de principe : le seuil retenu doit tenir compte de la situation environnementale que l'équipement projeté peut impacter, et du niveau de risque correspondant. Avant de revenir sur ce point (voir plus loin), il est apparu intéressant à la mission de rechercher, dans la littérature scientifique et/ou technique, s'il existait des études internationales, qui ne soient pas établies par l'une ou l'autre des parties présentes au débat, comparant les éventuelles distorsions induites par des dispositions réglementaires nationales. 53 Le seul document identifié sur un tel cahier des charges est canadien62 ; on peut penser que l'éloignement de ses auteurs, préoccupés par la situation en Amérique du Nord beaucoup plus qu'en Europe, contribue à son objectivité. Un extrait de ce document est ici dupliqué. Principaux éléments de comparaison des réglementations environnementales « Une comparaison de réglementations environnementales peut mobiliser de nombreux éléments. Nous avons choisi de retenir huit critères qui nous paraissent bien représenter les principales exigences des mesures environnementales en matière de production animale. Ces critères concernent à la fois les procédures d'évaluation des dossiers d'établissement ou d'agrandissement d'élevages (seuils d'autorisation, d'évaluation d'impact, mécanismes de consultation publique) et des exigences en matière de gestion des effluents d'élevage (exigences du plan de gestion des fumiers et lisiers, normes de localisation et normes d'épandage). Le tableau 2 présente, selon les pays et les régions, une appréciation qualitative de ces huit principales dispositions. Un examen de ce tableau permet d'établir un certain nombre de constats. La séÎrité de la réglementation environnementale québécoise dans le domaine des productions animales : mythe ou réalité? Guy Debaillleul, professeur titulaire de la Faculté des sciences de l'agriculture et 62 de l'alimentation, Université Laval, et Denis Boutin, agronome et économiste rural, M.Sc. Ministère du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs. 54 Tableau 2 - Comparaison de dispositions de la réglementation environnementale dans le domaine des productions animales selon les pays et les régions (2003) Distances séparatrices des Seuils des installations Seuils des mécanismes Plan Seuils des de procédures des zones à d'enquête gestion des ou procédures d'évaluation protéger de demande publique et matières (étude (cours de d'autorisation fertilisantes d'eau, puits, d'impacts) consultation zone de captage, etc.) Pays région Distances d'épandage des cours Période d'eau ou d'épandage des zones de captage Distances relatives à la gestion des odeurs (sites d'élevage et épandages) Europe Allemagne Danemark Espagne (Catalogne) France (Bretagne) Pays-Bas États-Unis Caroline Nord Iowa Minnesota Nebraska Wisconsin Canada Alberta nd nd nd nd nd nd nd nd nd nd nd nd nd nd nd du nd nd nd nd nd nd nd nd nd nd nd nd nd Saskatchewan Manitoba Ontario Québec NouveauBrunswick Légende : exigences réglementaires parmi les plus contraignantes exigences réglementaires moyennement contraignantes exigences réglementaires parmi les moins contraignantes non disponibles Source : adapté de Debailleul, 2004 » Ce document confirme de manière synthétique le niveau éleÎ des exigences environnementales appliquées en France, au regard des autres grandes zones de production 55 porcine européennes, à l'exception des dispositions visant à réduire ou contrôler les nuisances relatives à la gestion des odeurs. Cette particularité a contribué à l'orientation de certaines des propositions formulées par la mission (voir plus loin). 56 4 RECOMMANDATIONS ET SUGGESTIONS 4.1 Suggestions à la filière : intégrer les valeurs de l'environnement au sein d'une politique globale d'image de la filière La lettre de commande ministérielle indique qu' « il apparaît important que la filière porcine puisse disposer...de propositions d'actions à mener pour l'avenir ». Répondre à cette demande suppose, pour la mission, d'analyser la situation de la filière porcine au regard des valeurs de l'environnement dans une perspective de moyen terme, et d'examiner les stratégies possibles du point de vue de la filière elle-même. Avant de développer ce point, il convient de préciser qu'une stratégie infléchie n'aura de sens pour la filière que si elle est pleinement décidée par ses acteurs. Il ne peut donc être question, pour les auteurs de ce rapport, que de formuler des suggestions, la légitimité de cette démarche tenant à sa mention explicite dans la lettre de commande ministérielle 63. 4.1.1 Développer une image positive de la filière Une observation attentive de la communication des entreprises mettant en oeuvre des procédés de fabrication potentiellement polluants montre qu'elles ont désormais généralement quitté, en termes de communication, le terrain de la dénégation, pour tenter d'occuper celui de l'affirmation positive. En d'autres termes il ne s'agit plus, pour ces entreprises, principalement d'expliquer pourquoi elles ont besoin de délais (ou de soutiens financiers, etc.) pour aménager des procédés de fabrication ; il s'agit de chercher à convaincre qu'elles ont elles-mêmes des réalisations à mettre à leur actif, et qu'elles sont à la recherche d'améliorations permanentes de leurs procédés. Une telle politique de communication n'a bien sûr de sens que si la réalité des politiques suivies par l'entreprise inclut des efforts significatifs en faveur de l'environnement ; à défaut son échec apparaîtrait rapidement. Par ailleurs les entreprises sont en général d'autant plus soucieuses de leur image auprès du grand public qu'elles commercialisent des produits s'adressant directement au consommateur final. La dépendance des filières alimentaires vis à vis des représentations que s'en fait le grand public est ainsi considérable, ne serait-ce qu'en matière sanitaire par exemple. Le soin que de nombreuses filières, y compris non alimentaires, déploient pour convaincre les consommateurs qu'elles adhèrent aux valeurs environnementales indique bien qu'une autre vulnérabilité (ou, à l'inverse, une capacité supplémentaire d'influence positive) a été ici identifiée. 63 Voir la lettre de mission en annexe 1. 57 La filière porcine présente ces deux caractéristiques : elle met en oeuvre des procédés de production nécessitant des précautions environnementales, ses produits sont vendus dans le grand public. L'image de ses produits est multiple, souvent favorable pour beaucoup de produits transformés qui s'appuient sur des traditions locales ou sont très faciles d'usage ; cette image est plus brouillée en ce qui concerne la viande fraîche, qui peine à sortir d'un statut plus banal. Globalement, l'image des produits de la filière semble cependant plutôt positive, et le niveau de leur consommation se maintient au sein d'un poste « viandes » en effritement progressif. Qu'elle soit positive ou plus brouillée, l'image des produits de la filière porcine ne semble pas souffrir des débats qui affectent l'amont de cette filière en matière d'environnement. Cet état de fait est heureux pour la filière. Peut-elle cependant le considérer comme un acquis durable ? Deux attitudes semblent ici possibles. On peut tout d'abord estimer que tout mouvement dans ce champ complexe que constitue l'environnement, pour une activité productive, induit en luimême des risques, ce qui inciterait à la prudence. Mais le débat étant déjà bien présent en ce qui concerne l'environnement et l'amont de la filière, on peut aussi craindre qu'une absence d'action n'induise elle-même des risques grandissants d'une superposition d'image avec les produits commercialisés, face à des consommateurs de plus en plus sensibles à l'impact environnemental du contenu de leur assiette. Faire part ici d'une suggestion de dosage entre ces deux attitudes, formulée à partir de leur propre sensibilité personnelle, n'est pas de la responsabilité des missionnaires. Aussi ce rapport se poursuit-il indépendamment de cette question d'opportunité en tentant de répondre à la seule question suivante, de faisabilité : est-il possible d'esquisser une stratégie pour la filière porcine, qui limiterait ce risque d'une superposition d'image ? Il appartient à la filière elle-même de se prononcer sur de telles suggestions. 4.1.2 Proposer une évolution positive des pratiques environnementales Comme pour toute activité économique, la filière porcine a besoin de perspectives. Celles-ci sont d'autant plus nécessaires en France qu'une partie des solutions environnementales passe par des investissements lourds. Plusieurs conditions souhaitables doivent ici s'enchaîner. Les réglementations devraient être connues assez longtemps à l'avance, et elles devraient pouvoir s'appliquer sur une plage de temps assez stable. Sauf à renoncer à toute ambition environnementale, ce que ce rapport ne pourrait évidemment approuver, cette condition suppose que l'on accepte de discuter de règles suffisamment ambitieuses pour pouvoir durer. C'est bien ainsi que sont régulées, au niveau européen, les activités potentiellement polluantes (1) nécessitant des investissements lourds (2) et la mobilisation de technologies avancées (3), par exemple les émissions de gaz et de particules par les Îhicules automobiles. Au delà des apparences, ces trois caractéristiques s'appliquent également à la production porcine. Une participation active à un tel processus pourrait permettre à la filière d'influencer dans le sens du réalisme des évolutions projetées. Elle lui permettrait aussi, une fois que les échéances sont décidées, de développer une communication moins défensive : au lieu d'expliquer pourquoi elle ne peut pas évoluer, face à une demande sociale exigeante mais aussi parfois brouillonne, la filière pourrait expliquer, sur un mode plus positif, quelles sont ses propres échéances, et quels progrès collectifs peuvent en être attendus. Dans un schéma général de ce type, en ce qui concerne les produits industriels destinés au grand public, on peut même constater que certaines entreprises se positionnent en avance par rapport au calendrier réglementaire, au profit de leur image propre, en associant même parfois des hausses de prix sur les produits correspondants. Une nouvelle combinaison d'intérêts apparaît 58 alors, plus conforme à la logique du développement durable : les intérêts économiques ne sont pas niés, mais ils s'expriment dans un cadre général plus favorable à l'environnement. 4.1.3 Un constat, les efforts de traitement des effluents en Bretagne L'adhésion à une telle stratégie générale peut ne pas aller de soi, d'autant plus qu'il se trouve que sa suggestion est formulée dans un contexte de crise marquée pour la production porcine. Une telle stratégie n'est pourtant pas nécessairement si inaccessible qu'elle peut le paraître, si l'on accepte de situer les progrès récents de la production porcine dans ce contexte. Pour crédibiliser cette stratégie, ce rapport évoque aussi des suggestions complémentaires, qui pourraient permettre à la filière de développer dès maintenant, sur une base moins défensive, le dialogue avec les sensibilités environnementales. Dans les zones de production dense, les progrès réalisés ces dernières années par la production porcine en matière environnementale sont en effet réels. Ils sont décrits dans la première partie de ce rapport. Pour en situer l'importance d'un seul chiffre, on rappellera seulement que l'ensemble des stations de traitement d'effluents porcins mis en service en Bretagne représente 402 unités en service au 31 mai 2007. 4.1.4 Infléchir la demande traditionnelle concernant le seuil d'autorisation au titre des installations classées Quelques suggestions, formulées à la filière, permettraient ainsi de ne pas s'en tenir au seul passé, fût-il très récent. La première concerne plus particulièrement les zones de production non dense. La filière porcine souligne que la réglementation ne devrait pas introduire de distorsions de concurrence, à l'intérieur du même espace économique européen. Ce souhait non contestable dans le champ de l'économie la conduit à renouveler régulièrement une demande d'alignement du seuil d'autorisation au titre des installations classées sur les seules obligations communautaires relevant de la directive IPPC (..........). Si cette demande n'a pu jusqu'ici aboutir, c'est qu'elle doit être examinée avec prudence. La filière porcine française cite l'exemple britannique, où une réglementation sur le bien-être animal sensiblement renforcée par rapport aux obligations communautaires a abouti à une baisse de la production locale. Mais à l'inverse on doit s'attendre à ce qu'une population française, au niveau de vie supérieur à la moyenne européenne et devenue très urbaine dans son comportement, soit exigeante, en particulier en matière de nuisances de voisinage : c'est bien de cette question très controversée qu'il est principalement question en ce cas, à tort ou à raison. La suggestion de la mission à la filière serait d'infléchir cette demande traditionnelle, dans le sens d'un meilleur compromis entre l'économie (la réduction des distorsions de concurrence) et l'environnement (ici la réduction des nuisances), proposant une disposition similaire à celle qui est appliquée au Danemark. On pourrait ainsi imaginer hors des zones de production dense que tout établissement classé d'une capacité supérieure à la limite actuelle (450 porcs) mais inférieur à la limite européenne soit soumis à une procédure simplifiée, s'il met en service dès l'origine les équipements les plus modernes pour réduire les nuisances olfactives, lavage d'air pour les bâtiments, couverture des fosses et injection directe des lisiers à l'épandage. La mission expose plus loin quelles seraient alors ses recommandations aux pouvoirs publics pour le traitement d'une telle demande. 59 4.1.5 Traiter dès maintenant le phosphore en conformité avec la directive cadre sur l'eau Les débats en cours au moment où était élaboré le projet de SDAGE pour le bassin LoireBretagne ont longuement évoqué la question du phosphore, dont il était contesté que l'on puisse exiger l'équilibre de fertilisation, comme c'est déjà exigé pour les nitrates. La question de principe est simple: le phosphore est indiscutablement un facteur clé de l'eutrophisation des milieux aquatiques, et la directive cadre fait désormais obligation de l'inclure dans la recherche du bon état des eaux. Les questions techniques sont plus complexes : si le stockage du phosphore dans les parcelles agricoles est une réalité, son érosion possible l'est aussi, et l'on ne peut imaginer y accumuler en permanence des stocks croissants. Dans le cas où les lisiers sont épandus sans traitement, le respect de l'équilibre de la fertilisation phosphorée conduit à réduire le volume d'effluents porcins épandus, ce qui est perçu comme une menace sur le volume de la production. A moyen terme, la stratégie qui consisterait pour la filière porcine à ne chercher qu'à freiner cette évolution est-elle pour autant optimale? Lorsque le lisier est traité, l'expérience de ces dernières années montre que la séparation du phosphore en amont de la station est une technique bien maîtrisée. Le phosphore devient alors un co-produit, à destination des zones agricoles qui en ont besoin en tant qu'amendement. Ne pourrait-on alors imaginer pour la filière une autre stratégie, « proposant une évolution positive des pratiques environnementales » (voir plus haut), en mettant en avant en cas de traitement les capacités de maîtrise du phosphore, et en soumettant à débat le calendrier de cette évolution et son accompagnement ? La question très débattue de l'équilibre de la fertilisation phosphorée serait alors déjà partiellement résolue. 4.1.6 Etre actif en vue de la certification des exploitations Les filières de production confrontées à des problèmes d'environnement cherchent souvent à garantir, par le respect d'un cahier des charges et sa certification externe, les bonnes pratiques qu'elles ont choisi d'appliquer : la norme ISO 14.001 est souvent citée à cet effet. Le problème est ardu s'agissant de la production porcine : celle-ci est réalisée au sein de petites et moyennes entreprises familiales, dont peu atteignent la taille critique nécessaire pour envisager seules un tel projet ; à de rares exceptions près, ces entreprises ne commercialisent pas directement leurs produits auprès des consommateurs finaux, et leur bénéfice en terme d'image dans le circuit commercial serait donc très dilué. Cet état de fait explique le très faible nombre de certifications réalisées en France à ce titre (une dizaine). Une autre difficulté potentielle tient au niveau d'exigence du cahier des charges : s'il est trop proche de la simple réglementation, certifier son respect n'apporte qu'une plus value limitée. La mise en place d'une certification très largement diffusée, concernant les exploitations agricoles d'une manière générale, est visée par les conclusions du « Grenelle de l'environnement ». Cette question ne sera donc pas développée ici. Une autre approche semblerait cependant intéressante à explorer, celle d'une certification des pratiques environnementales qui viserait à rassurer, non plus les clients de la filière, mais le voisinage d'un élevage. L'engagement des groupements de producteurs dans une telle démarche pourrait contribuer à limiter les blocages de la part des futurs voisins d'un élevage à agrandir ou à installer. En complément d'un solide volet consacré à la prévention des nuisances (voir plus haut), cette démarche pourrait également permettre de valoriser un volet paysager, qui ne doit pas être ici oublié. 60 4.1.7 Gérer les sites de production comme un patrimoine Implanter une nouvelle porcherie suppose un difficile travail de conviction, indépendamment même des démarches réglementaires. La plupart des activités productives en France sont également confrontées à cette réalité, y compris d'ailleurs des activités industrielles peu polluantes. De ce fait, avant même d'envisager de choisir de nouveaux sites, elles recherchent souvent à transformer un site déjà consacré à une activité industrielle, s'il est approprié à son nouvel usage. Une telle vision de long terme suppose, pour des exploitations individuelles, que la transmission soit organisée (et assez souvent la remise à niveau correspondante) entre un cédant et un repreneur ; dans la pratique cette opération n'aura lieu que si le site productif est en bon état et géré avec responsabilité, comme un patrimoine durable. Les groupements de producteurs, qui ont intérêt à ce que la production soit pérennisée, ne pourraient-ils pas y contribuer, tout particulièrement en zone peu dense ? On constate par ailleurs que des exploitations porcines participent régulièrement, dans les différents départements, à des opérations « portes ouvertes » réalisées par la profession agricole, ce qui est heureux. Mais la production porcine ne pourrait-elle aller plus loin, en se donnant par exemple comme objectif pour le maximum d'exploitations de recevoir, une fois par an, la visite des voisins et élus proches ? L'expérience semble prouver qu'un tel effort amène en général plus de positif (échanges, explications) que de réelles difficultés. 4.1.8 Soutenir par une initiative interprofessionnelle la recherche environnementale Certaines interprofessions, en complément d'interventions fortes dans le domaine de la communication, ont souhaité développer des interventions plus ponctuelles dans le domaine de la recherche. Si l'interprofession porcine était ouverte à ce type d'intervention, il pourrait être opportun de prendre des initiatives pour que soient engagées ou poursuivies des recherches sur des points-clé à la fois pour l'environnement et la filière porcine. Cette initiative viendrait compléter le programme de recherche « Porcherie verte » (2001-2007) initié directement par la recherche, et qui se poursuit actuellement (à un rythme moindre) sous la forme d'un réseau mixte technologique. Un tel programme pourrait bénéficier d'un certain effet de levier au plan financier ; il pourrait aussi ouvrir, en amont de questions concrètes parfois difficiles, un espace de dialogue avec les associations. 4.1.9 Organiser la concurrence sur les filières de traitement, suivre les coûts de traitement La construction de plusieurs centaines de stations de traitement de lisier en Bretagne est un acquis remarquable de ces dernières années. Les fournisseurs ont affiné leurs offres. Certains sont indépendants, d'autres sont liés à des groupements de producteurs, qui ont choisi de faciliter ainsi une évolution qu'il aurait été difficile d'engager seuls par certains de leurs adhérents. Certains groupements accompagnent cette prestation d'une participation à l'exploitation (télésurveillance) ou d'une commercialisation des co-produits du traitement, ce qui en accélère le recyclage. Ces initiatives prennent efficacement le relais de l'intérêt général. Sans remettre en cause ces démarches, il pourrait être judicieux de veiller, à terme, à ce qu'une concurrence entre fournisseurs puisse continuer à s'exercer, gage de dynamisme de cette activité et de maîtrise des coûts. La diffusion régulière d'informations techniques (performances, coûts initiaux,...), tâche qu'a engagée l'IFIP, et d'informations sur les coûts 61 d'exploitation de ces stations (qui peuvent être obtenus en association avec les centres de gestion) pourrait y contribuer. Ce dernier type d'information (suivi des coûts de traitement) est également un élément-clé pour l'analyse des conditions de la concurrence intra-européenne. 4.2 Recommandations aux pouvoirs publics Les principes de base 4.2.1 Les recommandations aux pouvoirs publics sont ici formulées en référence à trois principes, qu'il convient d'énoncer, avant que la mission ne précise ensuite le contenu de ces recommandations. 4.2.1.1 Se situer résolument dans le cadre communautaire Faut-il encore le rappeler : les politiques nationales doivent résolument se situer dans le cadre communautaire (ou dans leur prolongement direct) ; sinon le risque de contentieux s'accroît très vite, comme il est malheureusement régulièrement démontré. Un autre effet induit de la création de réglementations nationales peu conformes à la législation européenne (ou non prévues par elle) est moins connu : en ce cas, la réglementation nationale appliquée en France se complexifie progressivement, sous la pression des injonctions communautaires ou des négociations nationales, et l'administré finit par appliquer de fait deux réglementations. Cet écueil n'a pas été totalement évité par la France pour les pollutions diffuses en zone de production dense. Dans ce cadre, une attention particulière doit être apportée à la mise en application de la directive cadre sur l'eau, complexe et encore généralement mal connue. 4.2.1.2 Chercher à redéployer la production, maintenir la couverture des besoins Compte tenu des problèmes environnementaux générés par la superposition de plusieurs productions animales dans les zones de production dense, ainsi que des demandes d'approvisionnement plus local formulés par certaines filières de transformation hors Bretagne, il est logique de chercher à redéployer la production porcine dans les zones où elle est peu présente ; une mission spécifique du CGAAER est d'ailleurs en cours sur ce point. La limite de ce souhait quasi général tient en deux constats : un tel déplacement, même très progressif, est souhaité par les pouvoirs publics depuis longtemps, mais il n'a jamais été très opérant. Les économies d'échelle obtenues en amont (aliment) et en aval (abattage) de la production, l'émulation à obtenir les meilleurs résultats techniques (plus forte entre voisins), la densité du réseau d'appui expliquent probablement l'impact très modeste de telles politiques. Personne ne souhaite ouvertement par ailleurs que la filière française, autosuffisante depuis une quinzaine d'années, renoue avec les déficits importants connus antérieurement. 4.2.1.3 Organiser le dialogue Comme souvent pour les choses qui semblent aller de soi, le dernier principe sur la base desquels les propositions de la mission sont établies mérite d'être rappelé. Le rapport de la production porcine à l'environnement est très discuté en France, y compris parfois de manière mal fondée. Mais l'expérience prouve que les modifications réglementaires non précédées d'une phase appropriée de dialogue atteignent souvent mal leurs objectifs. Il convient aussi de 62 rappeler que l'information du public sur les questions environnementales doit être désormais considéré comme un principe, compte tenu des engagements souscrits par la France (par la convention de Aarhus notamment). Les propositions élaborées en application de ces trois principes sont présentés ci-dessous. 4.2.2 4.2.2.1 Les recommandations La modification du seuil d'autorisation au titre des installations classées L'argumentation de la filière porcine, qui demande à ce que le seuil d'autorisation au titre des installations classées soit releÎ, est fondée dans le domaine économique. Pour autant, on peut craindre qu'une hausse des seuils n'améliore pas réellement la situation rencontrée dans des zones où va jusqu'à s'exprimer une hostilité de principe envers la production porcine. La suppression du lieu de dialogue que constitue normalement la CODERST, le retrait du préfet en tant que médiateur et décideur final, l'absence d'information préalable systématique des associations et des voisins pourraient même conduire à un débat violent, voire dans certains cas extrêmes à des affrontements sur le terrain. Selon la mission, aucune solution satisfaisante ne peut apparaître sans rassurer les futurs voisins de l'élevage et les élus locaux. C'est la raison pour laquelle elle s'est permis de suggérer à la filière de proposer en ce cas la mobilisation maximale des techniques susceptibles de maîtriser les odeurs, à l'instar du Danemark (lavage d'air des bâtiments, couverture des fosses, enfouissement du lisier à l'épandage). Dans l'hypothèse où cette suggestion serait reprise, deux conditions supplémentaires pourraient être apportées par les pouvoirs publics : une procédure locale de concertation, obligatoire (et donc conclue par une décision effective), doit être maintenue, la directive de 1985 relative aux études d'impact64 prévoit un abaissement des seuils pour lesquels une étude d'impact est nécessaire, du fait par exemple de la juxtaposition de nombreuses installations de taille intermédiaire, dans les zones confrontées à des problèmes environnementaux importants65. En France les actuelles zones de production porcine dense correspondent à ce critère. Il ne semble donc pas envisageable d'y relever le seuil actuellement appliqué, tant que ces problèmes perdurent. 4.2.2.2 Renouveler par de nouveaux outils l'ambition de la reconquête de la qualité de l'eau en zone dense Actuellement, la reconquête de la qualité de l'eau ne progresse plus de façon significative dans les zones de production dense (voir plus haut), et l'on peut craindre que cette situation ne s'inscrive dans la durée si les outils de la résorption ne sont pas réexaminés. Complexes, porteurs de certaines inefficacités (voir plus haut), ils ne pourraient guère apporter, s'ils étaient employés sans changement pour une période supplémentaire, une résorption suffisante, ne serait-ce qu'équivalente à celle obtenue depuis dix ans : les gros élevages susceptibles de mettre en place des stations de traitement (ou d' « exporter » leurs fientes) l'ont fait (ou devraient le faire de manière imminente). Aucune solution efficace de 64 Directive 85/337/CEE du Conseil du 27 juin 1985 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et priÎs sur l'environnement. 65 Un pré-contentieux est en cours à ce sujet avec la Commission européenne. 63 traitement de type collectif ne semble s'être vraiment dégagée concernant les exploitations de taille moyenne. La mission a envisagé deux pistes alternatives pour établir l'ossature d'un éventuel nouveau dispositif, qui serait à soumettre à débat avant d'être proposé aux pouvoirs publics eux-mêmes : la mise en place de droits d'émission d'azote, échangeables entre producteurs, et soumis à des obligations de baisse progressive. Les économistes nous apprennent que cette méthode est particulièrement efficace, puisque les éleveurs capables de réduire leurs émissions au meilleur coût le feraient en premier, y compris en se faisant financer par d'autres éleveurs qui maintiendraient les leurs. Les difficultés pratiques seraient cependant ici importantes, la plus considérable pour les pouvoirs publics serait l'attribution initiale des droits et la fixation du rythme de leur décroissance. Mais il ne faut pas oublier que la mise en oeuvre de la directive cadre sur l'eau obligerait à compartimenter le marché des droits par sousbassins (sinon toutes les réductions d'émissions pourraient être localisées dans le même secteur), chacun générant son propre prix de marché. Et constater que de petits éleveurs bovins pourraient être amenés à financer la résorption chez des éleveurs porcins, euxmêmes peut-être voisins d'éleveurs un peu plus gros ayant récemment résorbé « gratuitement » : difficile à expliquer sur le terrain. De tels droits organiseraient aussi des transferts financiers vers tous ceux qui cessent leur activité, à la charge de ceux qui la continuent. Enfin la résolution des problèmes d'azote ne résoudrait pas l'ensemble des problèmes posés (phosphore, etc.). Compte tenu de ces inconÎnients, la mission ne propose pas de retenir une telle solution. Bâtir une autre solution est un travail délicat : nous ne sommes plus du tout dans la même situation qu'à la fin des années 1990, où il semblait possible d'améliorer significativement la situation par des obligations de traitement (ou de transfert) portant sur un nombre assez limité d'éleveurs. Cette solution serait donc composée de quatre éléments complémentaires, dont la présentation est détaillée dans la suite de ce rapport : le renforcement du respect du plafond des 170 kg d'azote organique à l'hectare s'appliquant à tous les éleveurs ; le maintien des obligations de traitement (ou de transfert) devenues effectives; l'infléchissement des modalités de contrôle sur place des exploitations agricoles ; la mise en place d'une Îritable politique de résorption pour l'azote minéral ; le traitement progressif des situations individuelles qui auraient la double caractéristique d'être anormales au regard du respect de l'environnement, et où la pérennité de l'exploitation serait potentiellement en jeu ; la mise en place, à débattre avant de la rendre effective, d'une double mesure de transparence et de restructuration. - - Aux yeux de la mission, ces quatre ensembles de mesures sont de nature différente : le premier est un principe directeur, qu'il est proposé d'affirmer très clairement ; le second ensemble est composé de mesures qui seraient à mettre en oeuvre (ou à maintenir) sans délai, accompagnant le choix de ce principe directeur. Le troisième ensemble est particulièrement délicat, puisqu'il s'agirait là de conjuguer non pas tant l'environnement avec l'économie, mais avec le social. Le dernier associe deux propositions plus novatrices, leur impact potentiel mérite, pour les auteurs de ce rapport, un débat construit entre les différentes sensibilités s'exprimant sur le terrain, avant d'être adoptées. 64 4.2.2.3 Le respect des 170 kg d'azote, un principe directeur... Ce principe figure explicitement dans la directive « nitrates », et comme il a été exposé plus haut son respect constitue déjà une ligne directrice simple pour l'Etat-membre. Il s'agit d'ailleurs de la seule mesure quantitative arrêtée au niveau communautaire. Elle correspond (en général) à une réalité agronomique explicable. Elle vise les épandages effectifs indépendamment de décomptes portant sur des droits (explicites ou implicites) à produire, qui pourraient être confondus avec des droits à polluer. Elle s'exprime en référence à une superficie exploitée, bien identifiée par chaque agriculteur, et sa (relative) stabilité dans le temps en fait un indicateur quasiment structurel pour l'exploitation. Elle est enfin facilement contrôlable par l'administration, qui dispose dans les DDAF et les DDSV de la quasi-totalité des données permettant de savoir si ce plafond est respecté ou non : les seuls écarts notables par rapport à un calcul simple (du type cheptel divisé par surface) proviennent de l'épandage chez autrui (« prêt de terres ») et du traitement (ou de l' « exportation »). En cela cette mesure réaffirme un lien au sol qui ne doit pas être oublié. Pour être efficace, le respect de cette obligation doit être Îrifié de manière plus méthodique qu'aujourd'hui (nous avons vu qu'il pouvait encore être défaillant), ce qui amène à distinguer trois types de situation : Les exploitations qui projettent de se développer dans le cadre de procédures environnementales ou agricoles nécessitant un accord public de quelque nature que ce soit : attribution de quotas laitiers supplémentaires, par exemple, ou bien aides à l'installation, etc. Il est logique en ce cas de conditionner effectivement cet accord au strict respect du plafond des 170 kg (compte tenu du projet), à défaut la viabilité de l'exploitation ne peut s'inscrire dans la durée. Il serait par ailleurs très discutable d'argumenter sur la difficulté de revenir sur des situations acquises antérieurement (voir plus loin) sans en tirer toutes les conséquences pour les exploitations d'avenir ; Les exploitations sans projet de développement qui se sont construites sur un système d'exploitation aboutissant de fait à un épandage excédant la limite des 170 kg d'azote organique à l'hectare, faute d'une autre destination aÎrée pour leurs déjections animales. Il est inévitable que dans ces exploitations existent un certain nombre de situations potentiellement difficiles, où des solutions immédiates auront du mal à être mises en oeuvre : ces cas particuliers seront traités plus loin. Mais est-ce pour autant une raison d'attendre que l'arrêt « naturel » de l'exploitation, par retraite par exemple, résolve à lui seul le problème ? Il serait légitime en tous cas que pour les exploitations qui relèvent des installations classées (régime de déclaration inclus) un calendrier progressif d'intervention des services de l'Etat (DDSV) soit défini, pour interroger officiellement les exploitants sur leurs intentions. La mise en oeuvre de techniques assez simples, telles par exemple que le compostage, pourrait en être accélérée. Il pourrait être également judicieux, avant d'envisager des moyens plus contraignants (mise en demeure, etc.), d'inviter les exploitants concernés à être entendus par le CODERST, conseil officiel du préfet et des services de l'Etat en la matière, ou plutôt par une section spécialisée à définir, compte tenu du nombre de cas potentiels ; Les exploitations qui pour des raisons techniques et/ou économiques objectives et aÎrées ne pourraient pas se mettre en conformité dans les délais prescrits, malgré les procédures de soutien qui auraient pu être mises en oeuvre. Ces cas devraient être traités à part, avec les situations difficiles présentées plus loin. - - 65 4.2.2.4 ...s'accompagnant de mesures à mettre en oeuvre (ou à maintenir) sans délai Le processus décrit ci-dessus est relativement lent. S'il veut être plus méthodique dans son application, il n'est pas Îritablement nouveau dans son principe. Il ne saurait donc être question de relâcher systématiquement des disciplines engagées antérieurement : pour toutes les exploitations dépassant les seuils les obligeant à traiter (ou transférer), et qui ont été individuellement mis en demeure par le préfet de s'y conformer (produisant en général plus de 12.500 kg d'azote annuels), la procédure doit se poursuivre sans changement par rapport à la période précédente. Pour les exploitations couvertes par une obligation n'ayant pas fait l'objet d'une mise en demeure individuelle, le maintien juridique de l'obligation pourrait s'accompagner de conditions non définies par l'Etat pour sa mise en oeuvre, dès lors qu'elle respecterait strictement le plafond des 170 kg d'azote (ce que certains départements semblent déjà avoir commencé à accepter). En outre ces obligations de traitement ne seraient pas élargies à de nouvelles catégories d'éleveurs, compte tenu des limites associées à toute obligation de moyens définie par l'Etat (voir plus haut) ; mais une obligation de résultat (170 kg d'azote) serait maintenue. Ces exploitations seraient traitées en priorité au titre de la procédure de Îrification du plafond présentée plus haut. Dans le même calendrier, trois actions de contrôle des services de l'Etat seraient à engager ou à réorienter partiellement : Professionnaliser le suivi des stations de traitement des effluents La mission n'a pas elle-même réalisé d'enquête sur les conditions d'exploitation des stations de traitement d'effluents nouvellement construites. Des échos indirects qui lui sont parvenus, il semble cependant que les situations de terrain puissent être diverses, depuis la station très bien suivie par le chef d'exploitation lui-même et parfaitement intégrée à l'exploitation porcine (ou faisant l'objet d'une télésurveillance efficace), jusqu'à des situations plus aléatoires. Dans des situations sensiblement équivalentes les collectivités ont généralement développé des outils d'assistance (SATESE,...). Les stations d'élevage méritent la même attention. Ceci ne veut pas dire qu'un modèle unique de suivi, celui d'une assistance externe, soit nécessaire si le chef d'exploitation (ou l'organisme qu'il aura délégué) s'astreint correctement au protocole d'auto-surveillance, qui doit être défini dans l'arrêté préfectoral d'autorisation. Au besoin un arrêté complémentaire sera pris. L'administration doit en contrôler régulièrement l'exécution ; à défaut d'auto-surveillance correcte ou en cas de résultats non conformes aux performances prévues, le préfet doit prescrire un suivi externe complémentaire (télésurveillance, tierce assistance,...). Adapter les modalités de contrôle de la fertilisation L'absence de contrôles effectifs des services de l'Etat sur la localisation des épandages dans l'exploitation, comme l'absence de Îrification des reliquats azotés pour les parcelles ayant fait l'objet de sur-épandages antérieurs devraient être corrigées dès maintenant. Il semblerait en effet possible, en combinant différents éléments objectifs connus de l'administration (localisation respective des bâtiments d'élevage et de parcelles habituellement en maïs, par exemple), d'identifier un certain nombre de situations où des contrôles plus techniques, incluant prélèvements et reliquats, pourraient être engagés. L'objectif premier ne serait pas ici répressif (la réalité des manquements ne serait probablement pas établie), mais d'alerter clairement et de faire corriger. Dans le cas où des situations anormales seraient identifiées, il pourrait être en outre justifié d'inviter l'éleveur à 66 bénéficier d'un suivi plus proche de sa fertilisation (incluant systématiquement les reliquats), de la part d'un organisme ne se livrant pas à des activités commerciales pour des fertilisants (Chambre d'agriculture...), par exemple au titre d'une tierce assistance pour les installations classées. Les coûts pour l'administration de ces contrôles ciblés pourraient être supportables si l'on réduisait en même temps la fréquence des actuels contrôles des cahiers de fertilisation et de plans de fumure, devenus trop formels (voir plus haut). Les modèles employés pour les cahiers de fertilisation gagneraient en outre à être radicalement simplifiés, le résultat principal d'un document trop complexe étant sa fourniture sous forme automatisée par un prestataire de l'agriculteur. Cette solution n'est satisfaisante ni pour l'agriculteur, qui en supporte les coûts, ni pour l'administration. L'objectif devrait se limiter à pouvoir identifier, sur un carnet rempli de préférence à la main par l'exploitant, la réalité des pratiques de fertilisation mises en oeuvre. Le coût global des contrôles pour les éleveurs pourrait probablement ne pas augmenter en moyenne, si toutes ces modifications étaient appliquées simultanément. Mettre en place une politique de résorption de l'azote minéral dotée d'instruments opérationnels La réduction des quantités d'azote minéral épandues en Bretagne n'a atteint que 53% de ses objectifs. Et si l'on n'oublie pas que recours à la fertilisation minérale azotée en France a aussi baissé pendant la période de référence (voir plus haut), on ne peut que conclure à la modicité des résultats spécifiques du plan breton dans ce domaine (8% de baisse en 7 ans). De fortes quantités d'azote continuent d'être recommandées dans certaines situations, par exemple sur certaines cultures légumières. Ce constat interroge sur les priorités retenues par les pouvoirs publics en vue d'une résorption globale de l'azote apporté au niveau des sols : une politique portant plus fortement qu'aujourd'hui sur les engrais minéraux ne serait-elle pas a priori moins coûteuse qu'une politique basée sur les déjections animales, qui a supposé de gros investissements (PMPOA, stations) ? En tout état de cause, sans changement de méthode de la part des pouvoirs publics, on voit mal comment une évolution plus favorable pour la fertilisation minérale pourrait être initiée. Des dispositions juridiques visant à plafonner l'azote total existent dans les ZAC (voir plus haut). Les contrôles portant sur l'utilisation de l'azote minéral semblent cependant tellement difficiles à organiser qu'ils restent très limités. Des dispositions simples pourraient être définies, afin de permettre ces contrôles : mention obligatoire par les fournisseurs, sur chaque facture, des quantités globales de chaque fertilisant (N, P) ; attestation annuelle à établir par le comptable agréé. Ces dispositions seraient de nature réglementaire. 4.2.2.5 Que faire en cas de situation difficile aÎrée? Nous avons déjà identifié des cas où les difficultés de l'exploitation pourraient être aÎrées (en ce qui concerne le respect du plafond des 170 kg d'azote organique à l'hectare). D'autres cas existent où une situation non réglementaire pourrait s'accompagner de difficultés réelles à revenir en situation conforme : les assez rares éleveurs à ne pas s'être engagés dans la « mise aux normes » de leur exploitation (PMPOA) peuvent en faire partie, comme ceux qui ont déposé un dossier sans avoir pour l'instant engagé les travaux correspondants. Ces situations ne semblent pas avoir été répertoriées systématiquement ; si l'on peut dire qu'elles ne sont pas méconnues de la part de l'administration (DDAF et DDSV réunies), qui 67 dispose de beaucoup d'éléments qui permettraient d'en établir la liste, ces éléments ne sont pas rapprochés, et aucune liste positive ne semble exister. Ces situations ne pourraient se lire qu' « en creux » dans différentes procédures. Il est possible que de nombreux cas particuliers (voire des cas qui nécessiteraient un intervention de nature sociale) soient inclus dans cette population. Ne pas en établir la liste est peut-être d'ailleurs le reflet d'une crainte, que pourrait-on faire en ce cas ? Cette situation évite de désigner du doigt des cas potentiellement difficiles, mais elle n'est pas non plus sans inconÎnient. Elle peut conduire à sous estimer les efforts encore possibles dans certains de ces cas, comme par exemple de mettre fin sans attendre à des écoulements directs dans les milieux naturels dans des cas où, par ailleurs, la capacité de stockage des effluents est trop faible faute de travaux au PMPOA. Elle pourrait dans certains cas conduire à des choix discutables, comme une installation sans aides sur une telle exploitation. La conformité de l'action de l'administration aux règles de procédure pénale ne pose-t-elle pas aussi question dans certains cas ? Aucun arbitrage systématique entre deux des valeurs du développement durable, l'environnement et le social, ne peut être aujourd'hui proposé pour cet ensemble d'exploitations ; aucune estimation chiffrée, même approchée, de leur nombre ne semble avoir été avancée. Leur traitement ne pourrait résulter que d'une approche pragmatique de terrain. Mais il conviendrait au moins d'inviter l'administration locale à identifier progressivement ces exploitations et à établir une typologie des trajectoires qui permettraient d'en réduire progressivement l'importance. 4.2.2.6 Un débat à engager méthodiquement : comment mieux concilier transparence et restructuration ? En complément des propositions antérieurement formulées, la mission suggère d'examiner trois questions liées entre elles, délicates, qu'elle propose de soumettre à débat : tirer les conséquences de l'absence d'encadrement du « prêt de terres » pour l'épandage et améliorer la transparence sur les effectifs ; mutualiser les efforts de modernisation environnementale ; établir un calendrier pour faire évoluer la stratégie de résorption. Tirer les conséquences de l'instabilité juridique des contrats de « prêt de terres » pour l'épandage Il est étonnant de constater que les actuels contrats de « prêt de terres » pour l'épandage ne sont pas encadrés par le code rural, pourtant assez systématiquement dirigiste en France en ce qui concerne les questions foncières. Le code de l'environnement, dont relève le régime des installations classées qui en accepte l'usage, ne les encadre pas non plus. Il est tentant de penser qu'un tel encadrement pourrait être opportun, tant interroge la juxtaposition de la lourdeur de la procédure d'autorisation, au titre des installations classées, et de la fragilité des accords de droit priÎ qui en permettent l'application. Telle n'est pas pour autant la proposition de la mission. On peut en effet difficilement imaginer en 2008 que le législateur prenne une disposition d'ordre public 66 encadrant les contrats d'épandage, incluant par exemple une durée minimale de 5 ans. Le ferait-il que l'extension de cette disposition aux contrats existants serait fort problématique, pour des raisons juridiques comme pour des raisons pratiques (moyens de preuve...). La juxtaposition éventuelle de dispositions nouvelles, très encadrées, avec les dispositions actuelles, qui ne le sont pas du tout, ne serait pas non plus sans risque : le résultat 66 Une disposition législative d'ordre public impose des clauses contractuelles sans que les parties ne puissent y déroger. 68 le plus probable ne serait-il pas de tarir la possibilité, pour un éleveur excédentaire, d'épandre chez un voisin qui ne l'est pas ? L'insécurité juridique et pratique de la durée effective des contrats d'épandage doit plutôt être considérée comme une donnée de fait pour les pouvoirs publics, en particulier en ce qui concerne l'application de la législation relative aux installations classées : aux yeux de la mission, il faut tirer les conséquences de cette situation, plutôt qu'il ne faut songer à la modifier. Cette instabilité, dont on ne connaît pas pratiquement l'ampleur, pourrait conduire à demander chaque année aux deux partenaires (apporteur d'effluents et « prêteur de terres ») de souscrire une déclaration annuelle. Par souci de simplification, cette déclaration pourrait intervenir en même temps que la déclaration de surfaces au titre des aides compensatoires de la PAC. Cette déclaration serait effectuée globalement par exploitation, sans même recourir aux formes graphiques prévues pour la PAC. Les informations ainsi déclarées seraient accessibles à la DDAF comme à la DDSV. La mise en place d'une telle procédure permettrait de consolider dans le temps un point particulièrement délicat : y a-t-il ou non dépassement des capacités du sol (170 kg, etc.) chez le « prêteur de terres », qui dispose aussi assez souvent, en tant qu'éleveur laitier par exemple, de son propre cheptel ? Cette Îrification est certes faite (par les services de la DDSV) avant l'autorisation du plan d'épandage, mais est-elle maintenue dans le temps ? Des ajustements dans le plan d'épandage de l'apporteur d'effluents (procédure lourde, à suivre par la DDSV) sont-ils par exemple opérés lorsque la DDAF augmente les quotas laitiers, sur la base de la déclaration du seul « prêteur de terres », alors non confrontée à celle de l'apporteur d'effluents ? De même, on peut craindre que le renoncement d'un « prêteur de terres » à prendre les effluents de son voisin ne soit pas systématiquement porté à la connaissance l'administration. Ces cas ne risquent-ils pas de se multiplier à l'occasion de l'attribution de quotas laitiers supplémentaires proposés au niveau communautaire ? La contrepartie logique de la mise en place d'une procédure annuelle déclarative serait de simplifier les procédures de modification du plan d'épandage, dont on peut aussi craindre qu'elles ne soient sous-employées compte tenu de leur lourdeur. S'il n'est pas question de revenir sur une nécessaire enquête publique initiale, est-il vraiment indispensable de mobiliser une procédure aussi lourde si les terres à épandre ont déjà fait l'objet d'une procédure d'autorisation en bonne et due forme, et si les modalités d'épandage ne sont pas modifiées dans le sens de l'aggravation des risques (enfouissement remplacé par épandage simple, par exemple) ? Une deuxième mesure d'amélioration de la transparence pourrait également être utile : les abatteurs pourraient être tenus, chaque année, de déclarer à la DDSV le nombre total de porcs abattus en provenance de chaque élevage. Cette disposition ne devrait pas soulever de difficultés pratiques, compte de l'organisation efficace mise en place par UNIPORC. Ces deux mesures conjuguées permettraient à la DDSV de faire chaque année une première Îrification du respect du plafond des 170 kg d'azote organique à l'hectare pour chaque installation classée, sans devoir systématiquement solliciter les exploitants par un contrôle sur place ; le même type de logique est déjà d'ailleurs en application pour le secteur bovin, du fait de l'existence d'un système d'identification. Ces deux mesures permettraient aussi à la DDAF de disposer d'informations actualisées, à mobiliser à l'occasion des procédures pour lesquelles la Îrification de ce même plafond est indispensable (installation et attribution de quotas laitiers supplémentaires notamment). 69 Mutualiser les efforts de modernisation environnementale Le dispositif permettant une participation financière publique aux investissements réalisés dans des stations de traitement d'effluents d'élevage est venu à échéance ; aucun des acteurs rencontré par la mission n'a évoqué son éventuel renouvellement. Pour autant, les investissements nécessaires à la modernisation environnementale de la production porcine vont continuer d'être nécessaires, surtout si l'on se place dans le cadre d'une évolution de la stratégie de résorption (voir ci-dessous). Et si la reconduction des niveaux d'aide antérieurs ne peut être envisagée compte tenu de l'encadrement communautaire des aides, il conviendrait cependant de Îrifier si les lignes directrices établies à Bruxelles ne permettraient pas une intervention plus modérée. Certains groupements de producteurs ont commencé à imaginer des dispositions visant à soutenir, ne serait-ce qu'indirectement, de tels investissements, globalement favorables à la filière. Il pourrait être envisagé de systématiser une telle approche, comme l'ont fait d'autres filières interprofessionnelles : la filière laitière a par exemple soutenu la restructuration des élevages, en redistribuant annuellement des quotas supplémentaires correspondant à des cessations d'activité, le financement étant apporté par des pénalités de dépassement67 des quotas. Il pourrait être opportun de mettre à l'étude une telle mutualisation, qui pourrait par exemple prendre la forme d'une cotisation professionnelle, interprofessionnelle (voire d'une taxe), perçue au stade de l'abattage. Cette contribution, d'un montant à définir, serait répercutée sur l'amont, une exemption étant toutefois prévue pour les exploitations respectant totalement et immédiatement le critère des 170 kg d'azote organique à l'hectare. L'avantage d'une telle assiette serait évidemment de permettre de poursuivre la modernisation environnementale de la filière. Les transferts financiers générés à l'intérieur de la filière, qui pourraient rester globalement d'un niveau modeste (voir l'exemple chiffré esquissé ci dessous68), auraient l'avantage de s'effectuer en faveur des exploitations d'avenir, en sens inverse des « droits à produire » actuellement associés au régime de la restructuration externe, et conformément au principe « pollueur ­ payeur ». La mission suggère de mettre à l'étude un tel schéma de mutualisation, par exemple en demandant une expertise interministérielle adaptée, après débat avec les professionnels concernés. Etablir un calendrier pour faire évoluer la stratégie de résorption Si la question précédente peut apparaître délicate aux yeux des éleveurs, la question suivante ne le sera probablement pas moins au yeux des associations. Il convient cependant aussi de l'aborder, afin qu'elle contribue au débat, en veillant à ce que la complexité des questions posées ne nous conduise pas nous arrêter à des arguments trop réflexes. 67 68 Lorsque l'Etat-membre France ne dépasse pas son quota national. A titre d'exemple, une contribution de 1 centime d'euro du kilo de carcasse, payée par les seuls producteurs excédant les 170 kg d'azote à l'hectare (hypothèse : 15% des abattages des zones de production dense ?) représenterait en ce cas une recette annuelle de 1,95 M par an (15% * 1,3 Mt * 1/t). Si l'on suppose ce fonds abondé d'autant par l'Etat et/ou les collectivités, la ressource annuelle (3,9 M) permettrait de financer 52 stations (azote + phosphore, représentant un investissement de 300 000 pour chaque station) au taux de 25 %. Dans l'hypothèse où la suppression des mécanismes d'échange de « droits à produire » ne génèreraient plus de charges pour l'acquéreur de droits (économie : 425 /truie), l'équilibre financier de l'opération se rapprocherait du dispositif actuel. Dans la situation actuelle l'éleveur qui développe sa production par « restructuration externe » supporte en effet un coût de 425 +40%*1500 = 1025 par truie ; dans l'hypothèse ici présentée ce coût serait de 75%*1500 = 1125 par truie. 70 Le choix il y a dix ans d'une stratégie de résorption, associant un blocage des exploitations existantes ou nouvelles à la mise en place d'obligations de moyens (donc à caractère exceptionnel) doit il être maintenu inchangé, et si oui, pour combien de temps ? A l'extrême, peut-on envisager de donner à cette stratégie une durée indéfinie, face à des principes juridiques difficiles à concilier (liberté d'établissement) ? Ou bien cette stratégie, dont on voit bien les soubassements moraux, ne devrait-elle être que provisoire, et dans ce cas quelles pourraient être les conditions pour en sortir ? La mission ne peut avoir pour ambition de clarifier à elle seule un débat aussi complexe, qui n'est d'ailleurs pas ouvertement établi (tout au moins pas en ces termes) au moment où ce rapport est élaboré. Mais elle doit logiquement contribuer à l'analyse des arguments estimés pertinents. Si l'on ne remet pas en cause la légitimité de la stratégie de résorption suivie jusqu'ici (et la mission ne le fait pas), une éventuelle sortie de cette période devrait être associée à des résultats obtenus, et/ou à l'impossibilité de progresser encore avec les mêmes instruments. La difficulté potentielle du débat peut ainsi d'abord tenir à la définition des résultats pertinents ; s'agit-il d'avoir mis en service les stations de traitement visées (aux cas près où l'expérience en a montré la quasi-impossibilité économique), auquel cas la filière porcine pourrait se prévaloir des réalisations mises en place ? S'agit-il à l'inverse de Îrifier que l'objectif environnemental visé, à savoir une reconquête de la qualité des eaux, soit totalement atteint ? Chacun sait que ce n'est pas le cas. Posé en ces seuls termes, qui sous-entendent autant de conflits de légitimité, le débat n'a guère de chance de progresser ; d'autant plus qu'un débat sur les modèles de production, concernant la production porcine, comme d'ailleurs pour d'autres productions agricoles, peut facilement s'y ajouter. La mission n'a aucune légitimité à chercher à limiter un tel débat, qui est aussi un débat de société. Pour aller jusqu'au bout de la formulation de l'avis qui lui est demandé, elle doit cependant expliciter quel raisonnement elle suit au sein de ces problématiques complexes. A ce titre, le premier argument à prendre en compte nous semble bien être le facteur temps : la question principale est de savoir quelle pourrait être, maintenant, la meilleure stratégie, c'est à dire la plus efficace. Comme ce rapport l'a exposé, la mission est convaincue que c'est par une approche horizontale (concernant toutes les productions agricoles), liée au sol (au travers du critère principal des 170 kg) que des progrès sont possibles. Cette approche n'exclut pas des difficultés pour certaines exploitations, qu'il faudra traiter progressivement. Elle sera de ce fait relativement lente, mais cette caractéristique est à mettre en balance avec des résultats qui de toutes façons piétinent actuellement. Elle correspond à la valorisation systématique d'un critère communautaire déterminant. Le raisonnement de la mission sur le dernier point ­ le plus délicat, faut-il envisager de mettre fin à l'interdiction de toute croissance de cheptel en zone d'excédent structurel ­ est le suivant : La mise en oeuvre de la directive cadre sur l'eau va conduire à revoir l'ensemble des politiques publiques dans le domaine de l'eau. L'unité géographique pertinente devient le sous-bassin (la masse d'eau). Le canton ne pourra plus être une unité géographique de référence. La question n'est pas ici que de nature juridique : pour mesurer avec précision les résultats obtenus sur la qualité des eaux, et les relier à des actions mises en oeuvre (ou à engager) en amont, une approche par bassin est indispensable. 71 - Le choix historique d'imposer des obligations de moyens de la part de l'Etat a conduit à des résultats effectifs en termes de moyens (mise en service de plus de 400 stations de traitement des effluents) ; prolonger sans changement cette stratégie risquerait fort d'être décevant, en termes de résultat. Sauf modification immédiate du régime d'attribution des quotas laitiers, une différence de traitement va apparaître dès 2008, lorsque l'attribution des quotas supplémentaires en cours de négociation à Bruxelles va devenir effective : actuellement, même en ZES, cette attribution (et l'augmentation de cheptel qui en permet la production) n'est conditionnée que par l'examen de la situation individuelle de l'éleveur. Cette différence de traitement était logique lorsque l'on redistribuait des quotas correspondant à des arrêts de production antérieurs. Mais il va s'agir maintenant d'autoriser un accroissement global de la production laitière. Il doit être bien entendu exclu d'autoriser une extension d'élevage qui ne respecterait pas la totalité des critères environnementaux pertinents, c'est à dire incluant la maîtrise des deux éléments majeurs d'eutrophisation que sont l'azote et le phosphore ; c'est aussi pour cette raison que la mission propose de ne pas modifier le seuil actuel d'autorisation des installations classées en zone de production dense, afin que chacun puisse Îrifier, même pour des investissements assez limités, que c'est bien le cas. Il semble en revanche difficile de maintenir indéfiniment une interdiction de principe de toute croissance d'élevage, dont il ne faut pas oublier qu'elle a été édictée dans une période où le respect même de la légalité, c'est à dire des procédures d'autorisation préalable à cette croissance, n'étaient pas acquis. Si l'on suit ce raisonnement, la question du calendrier le plus pertinent doit être posée. Il convient en effet de préciser qu'on ne peut pas exclure l'hypothèse que la mise en service d'une double déclaration annuelle des épandages chez les tiers et d'une déclaration annuelle des abattages (voir plus haut) n'entraîne une remise à plat d'un certain nombre de situations limites, c'est d'ailleurs dans le sens d'une clarification que ces mesures pourraient être intéressantes en faveur de l'environnement. La coïncidence dans le temps avec l'attribution de quotas laitiers pourrait également y contribuer. Les éleveurs porcins dont les périmètres d'épandage pourraient être ainsi remis en cause auront besoin de se réorganiser. Il semblerait beaucoup plus sain à la mission d'indiquer nettement que de nouvelles transitions (ne pas baisser immédiatement son cheptel dans une hypothétique attente de nouvelles terres d'épandage, etc.) ne seront pas alors appliquées, tout en donnant aux éleveurs des règles fonctionnant clairement en faveur de l'environnement s'ils souhaitent recomposer un projet. - - - La mission a examiné une éventuelle transition accompagnant une telle évolution dans la stratégie de résorption, qui consisterait à définir annuellement un contingent départemental de projets nouveaux susceptibles d'être autorisés au titre des installations classées, si la totalité des critères environnementaux était bien sûr satisfaite. Une attribution selon la règle du « premier arriÎ ­ premier servi » pourrait éviter l'écueil de la valorisation monétaire des quotas individuels (voir plus haut). Cette mesure de transition permettrait de Îrifier qu'une certaine proportionnalité s'établirait entre les nouveaux élevages autorisés et les élevages restructurés. Ayant fait cet examen, la mission a finalement choisi de ne pas retenir cette idée parmi les propositions qu'elle formule, elle aurait à ses yeux plus d'inconÎnients que d'avantages. Si des réductions affectant des élevages respectant mal les critères environnementaux sont légitimes, est-il justifié de contingenter des nouveaux élevages qui respecteraient tous ces critères ? Et cette mesure n'aurait-elle pas des effets pervers 72 prévisibles, ne serait-ce que de fournir un argumentaire en vue de freiner la restructuration si les nouveaux développements tardent à venir, ou même d'accepter de nouveaux projets médiocres parce que la restructuration serait trop forte ? Il pourrait être en revanche estimé opportun de mettre en place un suivi rapproché de cette opération d'infléchissement de la stratégie de résorption, en diffusant (par exemple en CODERST) chaque année les effets obserÎs. En outre une mission d'audit de conformité des procédures employées, associant les inspections ou conseils généraux des ministères chargé de l'Agriculture et chargé de l'Environnement, pourrait être diligentée après un ou deux ans de mise en place de ce nouveau dispositif. 73 5 CONCLUSION Après un vaste panorama des incidences sur l'environnement de la production porcine, il convient de revenir aux points essentiels. La filière porcine suscite en France, de ce point de vue, des débats pour lesquels la passion n'exclut pas toujours les excès. L'objet même de ces débats peut être différent selon les régions : motiÎ bien souvent, à tort ou à raison, par des questions de nuisances en dehors de l'Ouest de la France, ce débat s'étend aussi dans les zones de production dense à la complexe question des pollutions diffuses, pour lesquelles les responsabilités sont partagées. Un point essentiel ne peut toutefois être oublié : même si la filière porcine s'adresse, sur ce point comme sur d'autres, d'abord aux pouvoirs publics, ce débat est avant tout un débat entre la filière et ses voisins, qui sont aussi ses clients. C'est pourquoi la question d'une stratégie environnementale de la filière porcine, qui a demandé cette mission, est particulièrement pertinente. ArriÎ au terme de ses travaux, la mission ne peut s'empêcher de faire part d'un constat important, qui concerne les deux questions principales ici traitées, les nuisances et les pollutions diffuses. Il est en effet frappant de constater à quel point se développent globalement, entre les deux parties au débat, ce que les économistes appellent des « logiques non coopératives » : faute d'un dialogue approfondi et d'une coopération suffisante, les solutions retenues ne sont finalement satisfaisantes pour personne. La restauration progressive d'une logique plus coopérative n'est pourtant peut-être pas impossible. A son niveau la mission a cherché à y contribuer en préparant les propositions et les suggestions de ce rapport, dont certaines sollicitent un effort prospectif de l'une et l'autre des parties à ce débat. C'est en particulier le cas pour les propositions visant à faire évoluer la stratégie de résorption, qui sont liées au renforcement de certaines exigences, ainsi que pour les propositions concernant les procédures d'autorisation. Le concept de développement durable repose bien sur la recherche d'un équilibre entre l'économie et l'environnement. Jean LESSIRARD Philippe QUEVREMONT 74 ANNEXES Anne xe 1 Lettre de commande Anne xe 2 Liste des personnes re ncontrées 17 septembre 2007 : MM. Jérôme-André GAUTHIER et Vincent GITZ, conseillers techniques au Cabinet du Ministre de l'Agriculture et de la pêche (MAP) ; M. Alain AUVE, conseiller technique au Cabinet du Ministre de l'Ecologie, du développement et de l'aménagement durables (MEDAD) ; M Stéphane LE DEN, chef du bureau du porc, de la volaille et des productions animales spéciales (MAP, DGPEI). 30 août 2007 : Mme Danièle MANFREDI, adjointe au chef de service de l'environnement industriel, direction de la prévention des pollutions et des risques (MEDAD), M. Joël FRANCART, chef de bureau. 26 septembre 2007 : M Dominique DUFUMIER, chef du bureau réglementation et sécurité au travail (MAP, DGFAR) et Mme Fabienne COLLET, chargée de mission. 27 septembre 2007 : M Jacques LEMAITRE, président de l'IFIP (Institut du porc) et M. Philippe LECOUVEY, directeur. 4 octobre 2007 : M. Jean DAUBIGNY, préfet de la région Bretagne, M. Bertrand GUIZARD, chargé de la mission interdépartementale et régionale de l'eau (MIRE, SGAR), M. Jacques AUBERT, chargé de mission (SGAR), M. Jean-Claude BRIENS, chef de service, DRAF (direction régionale de l'agriculture et de la forêt) et M. Guillaume HEMERY, mission d'appui agroalimentaire Bretagne, Conférence des Chambres économiques de Bretagne. 4 octobre 2007 : M. Bertrand GUIZARD, chargé de la mission interdépartementale et régionale de l'eau (MIRE), SGAR, préfecture de région Bretagne. 4 octobre 2007 : M Stéphane BURON, directeur délégué, DDAF d'Ille-et-Vilaine ; M BESSIN, chef de service, Christian LAINE, chef de service, Mme Florence FERNANDEZ, ingénieur. 5 octobre 2007 ; M. Marc MICHEL, directeur régional, DRAF Bretagne, M. JeanClaude BRIENS, chef de service, André LESPINASSE, chargé de mission, M JeanPaul SAUVE, statisticien. 5 octobre 2007 : M. Philippe HERCOUET, directeur départemental, DDSV d'Ille-etVilaine, M. Jean-Paul LE DANTEC, chef de service. - - - - - - - - - 5 octobre 2007 : Mme Anne-Marie ROPERT, chef de service (SEMARN), DIREN Bretagne. 8 octobre 2007 : entretien téléphonique avec M.Christian HUARD, Président de Conso-France, représentant des consommateurs au conseil supérieur d'orientation (CSO) 10 octobre 2007 : M. Jean-Claude BEVILLARD, secrétaire national, chargé des questions agricoles, France Nature Environnement, et M. Lionel VILAIN, conseiller technique. 10 octobre 2007 : M Guillaume ROUE, président d'INAPORC. 10 octobre 2007 : M. Jean-Claude VIAL, directeur-adjoint de l'eau (MEDAD), M. Philippe JEANNOT, chargé de mission. 18 octobre 2007 : M. Jean-Michel SERRES, président de la FNP (fédération nationale porcine), M. Jeff TREBAOL, vice-président, M. Paul AUFFRAY, M. Bernard ESNAULT. 24 octobre 2007 : M. Yvon SALAÜN, responsable Techniques d'élevage, IFIP institut du porc, Mme Nadine GUINGAND, ingénieur d'études, M. Pascal LEVASSEUR. 24 octobre 2007 : M. Michel RIEU, responsable du pôle économie de l'élevage et de la filière, IFIP institut du porc, Mme Christine ROGUET, ingénieur d'études. 6 novembre 2007 : M. Jacques JAOUEN, président de la Chambre Régionale d'Agriculture de Bretagne. 7 novembre 2007 : M. Christian SCHWARTZ, directeur départemental (DDAF des Cotes d'Armor), M. Charles QUINTARD, directeur départemental DDSV, M. PAPADOPOULOS et Mme Florence TOURNEL, chefs de service (DDAF), M Yannick CORNEL, chargé de mission DDAF. 7 novembre 2007 : M. Marcel CORMAN, président de l'Union des groupements de producteurs de viande de Bretagne (UGPVB), M. Patrice DRILLET, responsable environnement UGPVB, Mme Séverine GOYPERON, chargée de mission environnement. - - - - - - - - - - 13 novembre 2007 : Mme BLANC-DUBUISSON, M. Marcel CARTEAU, M. Armand MAHE, M. Jean-Yves BUAN, M. Christian LIETS, M. Jules GEORGEAINT, comité de liaison d'associations de consommateurs du Morbihan. 13 novembre 2007 : M. Philippe CHARETTON, directeur départemental (DDAF du Morbihan). 13 novembre 2007 : M. Laurent KERLIR, président, FRSEA de Bretagne. 14 novembre 2007 : M. Jean-François PIQUOT, porte-parole d'Eau et Rivières de Bretagne, M. Gilles HUET, délégué général. 14 novembre 2007 : M. Patrice MAUMONT, chef de service, DRAF de Bretagne. 4 décembre 2007 : M. François BONNET, directeur départemental de l'agriculture et de la forêt du Finistère, Mme Hélène BOUCHER, chef du service environnement. 4 décembre 2007 : Mme Laurence DEFLESSELLE, chef de service, direction départementale des services Îtérinaires du Finistère. 4 décembre 2007 : M. Louis COZ, président de la communauté de communes de Plabennec et des Abers, MM Yannick PACAULT et Pierre GUILCHER, cabinet Portances. 5 décembre 2007 : MM Philippe TOUZE et Jean-Guy HAMON, responsables du contrôle des exploitations, DDAF d'Ille-et-Vilaine. - - - - - - - 5 et 17 décembre 2007 : M. Louis BIANNIC, directeur régional de l'agriculture et de la forêt de Bretagne. Anne xe 3 Liste des principaux documents cons ultés - Paul BARON, François BARTHELEMY, Michel BOUVIER, Xavier MARTIN, JeanPierre VOGLER : Elevages et fonctionnement du conseil départemental d'hygiène en Ille et Vilaine (Inspection générale de l'environnement, Conseil général du génie rural, des eaux et des forêts, 20 mars 2001). Cour des Comptes : la préservation de la ressource en eau face aux pollutions d'origine agricole : le cas de la Bretagne (février 2002). Alain CARPENTIER, Karine LATOUCHE, Pierre RAINELLI : Les attributs de la viande de porc et la demande des consommateurs français (2003). IFIP (Claudie GOURMELEN et al) : Le coût des contraintes réglementaires pour la production porcine française (juin 2003). IFIP : Conditions d'installation et de fonctionnement des élevages de porcs face aux contraintes d'environnement dans quelques bassins de l'UE. Jacques GUIBE, André MANFREDI, Jean-Louis PORRY, Jean-Marie TRAVERS : Rapport sur la filière porcine française (Comité permanent de coordination des inspections du Ministère chargé de l'Agriculture, janvier 2004). André MANFREDI, Jean-Louis PORRY, Jean-Marie TRAVERS : L'avenir de la filière porcine française, conclusions des groupes de travail (Comité permanent de coordination des inspections du Ministère chargé de l'Agriculture, janvier 2004). Chantal LE MOUËL : Perspectives d'évolution du secteur porcin européen : Enjeux des négociations agricoles internationales et des réglementations en matière sanitaire, environnementale et de bien-être animal (INRA-ESR, 2004). Yves LEON, Etienne BLANCHET, Yves SURRY : Bilan de l'azote en Bretagne par bassin de production : l'importance des éléments porcins (INRA, 2005). - - - - - - - - - Isabelle PIOT-LEPERTIT, Monique LE MOING, Maud ULVE : la production porcine en France entre gains de productivité et réduction des rejets polluants (INRAEconomie). Guy DEBAILLEUL, Denis BOUTIN : La séÎrité de la réglementation environnementale québécoise dans le domaine des productions animales : mythe ou réalité (Développement durable, Environnement et Parcs, Gouvernement du Québec). Direction générale de l'environnement de Bretagne : Evaluation intermédiaire du programme Bretagne Eau Pure 2000-2006, première phase de l'évaluation (ISL Oréade-Brèche, juin 2005). Vincent BATTAULT, Sandrine ESPAGNOL : Méthode (parties A et B), Bilan de la mise en place d'une certification environnementale dans deux élevages porcins du Pays de Caux et extrapolation aux autres élevages porcins, Institut technique du porc (août 2005). Conseil scientifique de l'environnement de Bretagne : Evolution de la qualité des eaux en nitrate, recommandations pour une nouvelle politique de l'eau (décembre 2005). Conseil scientifique de l'environnement de Bretagne : Pour la compréhension des bassins versants et le suivi de la qualité de l'eau, fiches techniques et scientifiques (décembre 2005). Maurice FENETRE, Jean-Marie TRAVERS : Note de suivi du rapport sur l'avenir de la filière porcine française (Comité permanent de coordination des inspections du Ministère chargé de l'Agriculture, avril 2006). Office de l'Elevage : La consommation des produits carnés (septembre 2006). Préfecture de la région Bretagne (SGAR) : Evaluation du plan d'action pour un développement pérenne de l'agriculture, de l'agroalimentaire et pour la reconquête de la qualité » de l'eau en Bretagne (note pour le comité de pilotage du 1er décembre 2006). Conseil scientifique de l'environnement de Bretagne : Evolution de la qualité des eaux en Bretagne, avis et recommandations complémentaires (décembre 2006). Sillons d'Europe : La directive nitrates : application et conséquences (MINEFIDGTPE, mai 2007). - - - - - - - - - - IFIP (Institut du porc) : Filière porcine et environnement, note pour le Grenelle de l'Environnement (version 3, 20 juillet 2007). Fiches de synthèse du programme « Porcherie verte » (2007). IFIP : Les signes de qualité en production porcine (2007). Bertrand MONTEL, Guy DEBAILLEUL : Les élevages porcins face l'environnement : reconstruction du système de gestion et norme ISO 14001. à - - Martin BOSCHAMA, Alain JOARIS, Claude VIDAL : Agriculture et environnement, concentration de la production animale (Eurostat, 2007). - Christine ROGUET et al : Le parc des élevages de porcs en France, IFIP (septembre 2007). - Leif KNUDSEN : how do the pig production deal with the environnemental legislation in Denmark ? (june 2007). - Baromètre Porc, décembre 2007 : Danemark Les élevages de porc en mutation. INVALIDE)

puce  Accés à la notice sur le site du portail documentaire du Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires

  Liste complète des notices publiques