Intempéries (les) survenues dans les Pyrénées-Atlantiques le 4 mai 2007.

BURDEAU, Michel ; MARTIN, Xavier ; JULLIEN, Bernard

Auteur moral
France. Inspection générale de l'administration ; France. Inspection générale de l'environnement
Auteur secondaire
Résumé
Le rapport est motivé par la gestion difficile de la crise survenue dans la nuit du 3 au 4 mai 2007 dans le bassin de la Nivelle en raison des fortes précipitations qui s'y sont concentrées. Il a pour objet d'établir un diagnostic et des propositions d'amélioration de l'organisation de la veille des pouvoirs publics face aux crises d'inondations. A cet effet, il comporte une description du contexte géographique, hydrologique et hydraulique de la Nivelle, une reconstitution de l'événement et des premières conséquences qui en ont été tirées. A titre de contribution aux expertises conjointes CGPC/IGE en cours sur le phénomène de ruissellement urbain et du réseau de prévision des crues, il présente également une analyse critique de la prévision, la vigilance et l'alerte des phénomènes hydrométéorologiques à cinétique rapide et différents scénarios envisageables pour améliorer la situation actuelle. Quelque soit le dispositif retenu, il réaffirme trois principes : la mise à disposition gratuite par l'Etat des observations hydrométéorologiques, le renforcement de son rôle dans le domaine de la prévention et la responsabilité des communes pour l'édiction et la mise en oeuvre des mesures de sauvegarde.
Editeur
IGE
Descripteur Urbamet
inondation ; climatologie ; prévention des risques ; risques naturels ; crise ; crue ; hydrologie ; hydraulique
Descripteur écoplanete
gestion de crise
Thème
Ressources - Nuisances
Texte intégral
MINISTERE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES Inspection générale de l'administration Affaire 07/033//01 MINISTERE DE L'ECOLOGIE, DU DEVELOPPEMENT ET DE L'AMENAGEMENT DURABLES Inspection générale de l'environnement Affaire 07/036 Paris, le 30 janvier 2008. LES INTEMPERIES SURVENUES DANS LES PYRENEES-ATLANTIQUES LE 4 MAI 2007 Michel BURDEAU ingénieur général des ponts et chaussées secrétaire général de l'inspection générale de l'environnement. Xavier MARTIN ingénieur général du génie rural, des eaux et des forêts membre de l'inspection générale de l'environnement Bernard JULLIEN administrateur civil hors classe chargé de mission à l'inspection générale de l'administration SOMMAIRE INTRODUCTION......................................................................................................................... 1 I LES INONDATIONS DE LA NIVELLE ANALYSEES DANS LE CADRE DU DISPOSITIF DE VIGILANCE CRUE EN VIGUEUR .......................................................... 3 I 1 RECONSTITUTION DES EVENEMENTS ................................................................................... 3 1 1 1 Le bassin de la Nivelle : un bassin de faible extension géographique, au chevelu dense, et soumis à une forte pluviométrie ................................................................................................. 3 I 1 2 Description de l'éÎnement survenu dans la nuit du 3 au 4 mai 2007 .............................. 4 I 1 3 Premières alertes, premières interventions...................................................................... 6 I 2 LES DYSFONCTIONNEMENTS DU DISPOSITIF DE PREVISION, DE VIGILANCE ET D'ALERTE .. 8 I I I I 2 2 2 2 1 2 3 4 Une attention initialement portée sur le secteur de la Nive .............................................. 8 Une détection précoce du CMIR/SO restée sans suite...................................................... 8 Un SPC disposant de moyens limités, et pratiquement absent........................................ 10 Conduisant finalement à une alerte tardive ................................................................... 11 I 3 DES AMELIORATIONS APPORTEES ( OU EN VOIE DE L' ÊTRE) POUVANT CONTRIBUER À UNE MEILLEURE GESTION DE LA CRISE .............................................................................................. 12 I I I I I 3 3 3 3 3 1 2 3 4 5 La sécurisation et le durcissement des transmissions..................................................... 12 Le renforcement de l'appareillage sur le bassin de la Nivelle........................................ 12 Les conséquences tirées des retours d'expérience ......................................................... 13 Le renforcement du SPC ............................................................................................... 14 Le raffermissement des mesures de prévention .............................................................. 15 I 4 AU DELA DU CAS D' ESPÈCE, UNE RÉFLEXION CRITIQUE PLUS LARGE EST NÉCESSAIRE .... 15 II LA PRÉVISION, LA VIGILANCE ET L'ALERTE DANS LE CAS DES PHÉNOMÈNES A CINÉTIQUE RAPIDE. ........................................................................... 17 II 1 CRUES A CINETIQUE RAPIDE ET CRUES A CINETIQUE LENTE : DES ECHELLES DIFFERENTES, DES CONSEQUENCES CONTRASTEES ........................................................................................... 17 II 2 DES PHENOMENES RECURRENTS DANS LE SUD DE LA FRANCE ; DES PROCEDURES D' ALERTE INSUFFISANTES .......................................................................................................... 19 II 2 1 Des phénomènes classiques ......................................................................................... 19 II 2 2 Difficiles à prévoir....................................................................................................... 19 II 2 3 Les procédures de vigilance en vigueur ne prennent en compte les phénomènes de crue à cinétique rapide que sur une fraction limitée du territoire........................................................ 20 II 3 LES TECHNIQUES PERMETTENT AUJOURD'HUI D'ANTICIPER CE TYPE D'EVENEMENT, MAIS DANS CERTAINES CONDITIONS ................................................................................................... 22 II 3 1 Le progrès en matière de suivi des phénomènes météorologiques................................. 22 II 3 2 L'utilisation des informations radar a néanmoins des limites ....................................... 24 II 4 L'EXERCICE EFFICACE DE LA VIGILANCE FACE AUX PHENOMENES A CINETIQUE RAPIDE SUPPOSE UN CHANGEMENT D' APPROCHE .................................................................................. 25 II 5 IL FAUT ETABLIR UNE LIGNE DE PARTAGE CLAIRE ENTRE LES RESPONSABILITES EXERCEES PAR L'ÉTAT, LES COLLECTIVITES TERRITORIALES ET LES AUTRES ACTEURS ........................... 27 III LES PROPOSITIONS POUR L'AVENIR ....................................................................... 29 III 1 LES LIMITES DU DISPOSITIF ACTUEL DE VIGILANCE ET DE GESTION DE CRISE ............... 29 III 1 1 Une chaîne faisant appel à des compétences variées................................................... 29 III 1 2 Des SPC parfois insuffisamment équipés pour suivre en temps réel l'évolution des éÏnements.............................................................................................................................. 30 III 1 3 Des circuits d'alerte encore trop longs ....................................................................... 30 III 1 4 Un préfet théoriquement responsable, mais en pratique démuni.................................. 31 III 2 DES PRINCIPES VALABLES QUEL QUE SOIT LE SCÉ NARIO D'ORGANISATION DES SERVICES .................................................................................................................................................... 33 III 2 1 La mise à disposition gratuite par l'État des observations hydrométéorologiques....... 33 III 2 2 L'État, compétent pour dire le risque et en tirer les conséquences. ............................. 35 III 2 3 Les communes, chargées de l'édiction des mesures de sauvegarde ............................. 37 III 3 TROIS SCENARIOS CONTRASTES ...................................................................................... 38 III 3 1 Scénario 1 : conforter les SPC dans leur évolution ..................................................... 39 III 3 2 Scénario 2 : créer des services départementaux chargés des risques........................... 41 III 3 3 Scénario 3 : externaliser la prévision des crues à cinétique rapide ............................. 43 IV CONCLUSION ..................................................................................................................... 46 1 INTRODUCTION Par lettre du 13 juillet 20071, le ministre d'État, ministre de l'Écologie, du Développement et de l'Aménagement Durables, et le ministre de l'Intérieur, de l'Outre-Mer et des Collectivités Territoriales ont souhaité que soit diligentée une mission d'inspection confiée conjointement au service de l'Inspection Générale de l'Environnement et au service de l'Inspection Générale de l'Administration relative aux intempéries des Pyrénées-Atlantiques du 4 mai 2007. En effet, conjuguées à des marées exceptionnelles, les fortes pluies ont provoqué une montée des eaux sur des bassins versants de la région côtière des Pyrénées-Atlantiques, et les communes de Saint-Pée-Sur-Nivelle, Ascain, Sare et Bidart ont été particulièrement touchées. Aussi, sur la base d'un diagnostic de l'organisation de la veille des pouvoirs publics face aux crises d'inondations et d'un état des difficultés rencontrées par les gestionnaires de crise aux niveaux départemental, zonal et national pour cet éÎnement, les ministres ont demandé que la mission établisse des propositions sur : « l'amélioration de la veille continue des pouvoirs publics face aux risques d'inondations soudaines. Sont attendues des propositions quant à l'articulation opérationnelle entre MétéoFrance et le réseau des services de prévision des crues (SPC) animé par le Service central d'hydrométéorologie et d'appui à la prévision des inondations (SCHAPI) dans le but de renforcer la veille permanente des pouvoirs publics ; l'amélioration de la perception du risque inondation par une articulation des dispositifs de vigilance météorologique et de vigilance crues. L'éÎnement du 4. mai exprime la difficulté pour la préfecture de réaliser la synthèse de deux dispositifs distincts de vigilance, notamment pour les crues de cinétique rapide. Les propositions s'appuieront sur les travaux engagés conjointement par la direction de la défense et de la sécurité civiles, la Direction de l'eau et Météo-France ; l'amélioration de l'aide à la décision des préfets de département et des préfets de zone de défense. Les préfets de département peinent à anticiper les conséquences potentielles de terrain de l'aléa expertisé, d'une part par Météo-France, d'autre part par le SPC. La mission doit établir des propositions destinées à simplifier l'approche synthétique de l'expertise au sein du centre opérationnel départemental. Elle doit faire des propositions visant une meilleure connaissance des vulnérabilités des territoires d'un département dans le conseil apporté au préfet afin de faciliter une meilleure anticipation des conséquences et donc des décisions de gestion au niveau départemental ; l'amélioration des procédures de préparation et de gestion de la crise. L'état des lieux des plans communaux de sauvegarde et leur intégration dans la chaîne de gestion de crise sont à examiner, ainsi que la question de l'évacuation des populations pour les phénomènes d'inondations de cinétique rapide; 1 Jointe en annexe. Les intempéries survenues dans les Pyrénées-Atlantiques le 4 mai 2007 2 le renforcement des mesures de prévention des risques destinées à réduire les effets des inondations. Après un bilan de l'application des dispositions relatives à la loi sur la prévention des risques naturels et technologiques et de réparation des dommages de juillet 2003, il est demandé à la mission de procéder à un examen approfondi de la mise en oeuvre des PPRI et des difficultés induites par leur exécution dans le département des PyrénéesAtlantiques ». Cette mission a été réalisée par : Michel BURDEAU, ingénieur général des ponts et chaussées, secrétaire général du service de l'inspection générale d'environnement, Xavier MARTIN, ingénieur général du génie rural, des eaux et des forêts, secrétaire général de l'instance de conseil et d'appui technique à la prévention des catastrophes naturelles et membre de l'inspection générale d'environnement, Bernard JULLIEN, administrateur civil HC, chargé de mission à l'inspection générale de l'administration. - Elle s'est déroulée à compter du 27 juillet 2007. Elle a permis de rencontrer un grand nombre d'acteurs2· Le rapport comporte : une description du contexte géographique, hydrologique et hydraulique de la Nivelle, la reconstitution de l'éÎnement du 4 mai, et les premières conséquences qui en ont été tirées. La mission aurait pu considérer que là s'arrêtait sa tâche, car l'éÎnement survenu le 4 mai dans le bassin de la Nivelle ne peut être considéré comme entièrement représentatif d'une situation beaucoup plus générale. Elle a cependant estimé utile, comme contribution aux missions d'expertise conjointe IGE-CGPC concernant le phénomène de ruissellement urbain et du réseau de prévision des crues qui viennent de démarrer, de présenter également : une analyse critique de la prévision, la vigilance et l'alerte des phénomènes hydrométéorologiques à cinétique rapide, différents scénarios envisageables pour améliorer la situation actuelle, scénarios qui devront être ultérieurement approfondis et évalués avant toute mise en application pratique. 2 Voir annexe 2 : missions et liste des personnes rencontrées. Les intempéries survenues dans les Pyrénées-Atlantiques le 4 mai 2007 3 I LES INONDATIONS DE LA NIVELLE ANALYSEES DANS LE CADRE DU DISPOSITIF DE VIGILANCE CRUE EN VIGUEUR I 1 RECONSTITUTION DES EVENEMENTS 1 1 1 Le bassin de la Nivelle : un bassin de faible extension géographique, au chevelu dense, et soumis à une forte pluviométrie Fleuve côtier du Pays Basque, la Nivelle prend sa source en Espagne à 520 m d'altitude et se jette dans l'Océan Atlantique au niveau de la baie de Saint-Jean-de-Luz après un parcours de 39 km, dont 27 en France. Son bassin de 233 km2 ­ dont 169 en France ­ au chevelu dense se décompose en 5 sous-bassins d'affluents principaux3. Le chevelu est si dense que les services en charge de l'hydrologie doivent utiliser le « stabilo » pour suivre le cours des multiples rivières et torrents, que les élus locaux euxmêmes ne sont pas toujours en mesure de désigner avec certitude. L'influence océanique, dont l'effet décroît d'ouest en est, se traduit par une forte humidité des vents dominants (secteur ouest à nord-ouest) pouvant, en raison de l'écran que constituent les Pyrénées, générer des précipitations abondantes. La pluviométrie moyenne annuelle est égale à 1633 mm à Saint-Pée-Sur-Nivelle, et supérieure à 2000 mm sur l'ensemble du bassin versant. Pouvant être sujet à des crues brèves et soudaines, particulièrement dangereuses En partie amont, la Nivelle est caractérisée par de fortes pentes et une couverture Îgétale épaisse. Certaines des personnes que la mission a pu rencontrer mettront en cause des défrichements opérés sur cette couverture pour expliquer l'aggravation des phénomènes de ruissellement. Les nombreux affluents qui alimentent la Nivelle, dont le plus important est celui de Sare, n'ont à l'étiage que de faibles débits. Ils peuvent en revanche, sous l'influence des précipitations, concentrer dans leurs lits des débits beaucoup plus séÏres venant de leurs versants, et donner à l'écoulement de la rivière un caractère torrentiel. Alors que le régime de la Nivelle est assez régulier avec des débits supérieurs au module4 de novembre à mai, et inférieurs en période estivale 5, elle peut être sujette à des crues en règle générale brèves et soudaines, et présentant un caractère particulièrement dangereux. La crue du 26 août 1983 a écoulé un débit de l'ordre de 180 m3/s à Cherchebruit6, soit environ 2 fois 3 4 Nivelle amont, ruisseaux de Sare, Saint-Pée-Sur-Nivelle, amont d'Ascain, Nivelle aval. Moyenne des débits moyens annuels. 5 Le débit moyen des trois mois de plus faible débit est de 1,4 m3/s et de 9,1m3/s pour les trois mois de plus fort débit (VCN90 et VQX90). Source : Banque HYDRO. 6 Source : banque Hydro. Le RIC du bassin Adour-Garonne mentionne 600 m3/s, débit qui n'est pas mentionné ailleurs. Les intempéries survenues dans les Pyrénées-Atlantiques le 4 mai 2007 4 la capacité du lit mineur. Elle a entraîné la mort de plusieurs personnes7 et provoqué des dégâts considérables. De même l'épisode du 1er juin 1977 d'un débit équivalent est, comme les dégâts occasionnés, localement complètement oublié. Ces éÎnements dramatiques ont montré combien la sécurité des personnes et des biens pouvait être menacée par les inondations. De Saint-Pée-Sur-Nivelle jusqu'à Saint-Jean-deLuz, la vallée, peu large, est fortement urbanisée, et la forte attractivité touristique du secteur ne fait qu'accentuer la tendance à la péri-urbanisation. Globalement, 6000 habitants peuvent être affectés par des crues dans le bassin de la Nivelle, soit environ 20% de la population totale permanente de ce bassin. Qui constitue cependant un cas limite pour la mise en oeuvre de la vigilance crue En raison de sa faible superficie, le bassin de la Nivelle constitue un cas limite pour l'exercice de la vigilance crue réglementaire. S'il a en définitive été retenu, c'est en raison des enjeux importants situés dans sa partie aval, et du risque de cumul des crues fluviales et de la marée. I 1 2 Description de l'éÎnement survenu dans la nuit du 3 au 4 mai 2007 Des précipitations qui intéressent d'abord le bassin de la Nive Dès la fin du mois d'avril, une situation dépressionnaire et instable s'était installée sur le Sudouest, provoquant régulièrement des précipitations d'intensité variable, qui n'ont cependant pas généré de débordement jusqu'au 3 mai. A cette date, la zone dépressionnaire toujours présente se traduit par des cellules orageuses qui se forment sur l'Atlantique et tendent à converger vers les Pyrénées. Dans l'après-midi du 3 mai, des orages importants se produisent sur la commune d'Ustaritz, avec des cumuls d'eau de pluie estimés à 150 mm8. En dépit des coulées de boue et des inondations par ruissellement qu'ils provoquent, la réaction de la Nive reste très limitée. En fin de soirée et au début de la nuit, des orages affectent les hauts bassins de l'Adour et du Gave de Pau (Bagnères-de-Bigorre, Argelès) avec des cumuls maxi (60 mm) correspondant aux valeurs prévues par Météo France9, sans crue significative. Auxquelles succède un phénomène climatique inhabituel se décalant du nord vers le sud Sur le bassin de la Nivelle, les premières pluies ne débutent que vers minuit, et restent modérées jusqu'à 2h du matin10. À partir de ce moment une nouvelle zone active apparaît vers 7 Le règlement de surveillance, de prévision et de transmission de l'information sur les crues (RIC) du SPC évoque le chiffre de 25 morts dont 5 côté français, chiffre qui a été vivement contesté par le maire d'Ascain, alors jeune sapeur-pompier à l'époque des faits, qui s'interroge sur les fondements de ces chiffres, alors qu'il n'a personnellement eu à connaître que d'une seule victime, emportée par le courant. 8 Information communiquée par le centre départemental de Météo-France de Pau le 3 mai à 17h. 9 Alerte précipitation du 3 mai à 18h20, qui ne précise pas la durée de l'épisode. 10 13 mm en 2 heures. Les intempéries survenues dans les Pyrénées-Atlantiques le 4 mai 2007 5 l'embouchure de l'Adour et s'étire en se renforçant vers la source de la Nivelle. La convection s'organise en structure stationnaire à partir de 3h30 localisée sur le secteur de Saint-Pée-Sur-Nivelle, avec des orages se régénérant quasiment sur place jusque vers 6h30, heure à partir de laquelle les précipitations faiblissent et se dirigent vers le sud. Ces pluies intenses11 élèvent rapidement le niveau de la Nivelle qui, à 4h, atteint 2m à l'échelle de Cherchebruit12. Presque simultanément, les précipitations se sont intensifiées dans le secteur de la commune de Sare, où elles semblent avoir eu les conséquences les plus directement perceptibles, même si l'on ne peut en conclure qu'elles ont eu le « bénéfice » de l'antériorité. En effet, dès 4 heures du matin, le gardien des grottes a été alerté, grâce au système anti-effraction alors en place, d'importantes arriÎes d'eau au fond de celles-ci, provenant d'apports considérables du karst qui regagne ses lits historiques. Ceux-ci font sauter les rocs situés à leur entrée « comme un bouchon de champagne » selon l'expression du maire de Sare. Les précipitations les plus fortes intéressent le bassin du barrage de Saint-Pée-Sur-Nivelle dont la retenue est quasiment pleine en raison des pluies des jours précédents. Les eaux s'écoulent d'abord par l'écrêteur de crue puis, celui-ci étant saturé, par les ouvertures laissées dans la rehausse de la crête de l'ouvrage. Bien que ce phénomène n'ait rien de brutal, il a été perçu comme responsable de la vague déferlante qui se concentre très rapidement sur le centre-bourg, alors que vraisemblablement cette « vague » a été due à la concomitance des crues des petits cours d'eau, dont l'Amezpetu, qui y convergent. À 4h, le bourg de Saint-PéeSur-Nivelle est largement inondé. L'écoulement de la Nivelle à l'aval est de plus bloqué par la marée montante, accentuant les phénomènes de débordement sur Saint-Pée-Sur-Nivelle et Ascain. Provoquant une montée d'eau de grande ampleur, aux effets dévastateurs13 Cette surcote à l'aval perturbe l'écoulement normal de la Nivelle, laquelle amorce alors une montée d'eau d'autant plus rapide qu'elle s'alimente des précipitations qui se sont déplacées vers son amont et des apports du ruisseau de Sare. Cette montée d'eau s'accélère entre 4h et 5h (+1,51m). La route n'est alors plus accessible entre Cherchebruit et le centre bourg. À 5h30, la cote à l'échelle est de 4m. Tout s'accélère ensuite, tandis que les précipitations remontent vers Ainhoa. À 6h, le cumul des précipitations atteint 165,2mm, et la cote de la Nivelle 4,20m à l'échelle, le pic de la crue étant de 5,12m à 7h15 à la même échelle. Le très fort débit de la rivière devait alimenter les inondations ultérieures sur la commune d'Ascain. Les trois ponts de la commune de Saint-Pée-Sur-Nivelle sont submergés, de même que, plus en amont le pont du Diable et celui de Dancharia. Le phénomène météorologique progressera ensuite vers l'Espagne où il engendrera également d'importants dégâts. Des quartiers et des infrastructures ont été submergés par de fortes précipitations avant même que la Nivelle n'ait Îritablement débordé. Il est permis d'en déduire qu'une meilleure connaissance de la situation en amont de la rivière n'aurait guère permis une meilleure anticipation de l'éÎnement, puisque le phénomène pluvieux ne s'est pas, au départ tout au moins, propagé de l'amont vers l'aval. 11 12 51,4 mm entre 2h et 4h à Cherchebruit. Dans tout ce qui suit les cotes indiquées sont celles lues à cette échelle. 13 Le chronogramme développé ci-dessous est issu du limnigramme de la station de la DIREN de Cherchebruit. Les intempéries survenues dans les Pyrénées-Atlantiques le 4 mai 2007 6 À supposer par ailleurs que le barrage de Lurberria ait déjà été en service, il n'aurait guère modifié la situation créée dans la commune de Sare. Tout au plus aurait-il atténué, ou retardé, le flot qui allait converger sur Cherchebruit, dans une mesure qu'il n'est pas possible d'estimer. Dans le même sens, la retenue de Saint-Pée-Sur-Nivelle, même vide au moment des éÏnements, aurait été sans incidence significative 14, d'autant que sa capacité de retenue est sans commune mesure avec le volume d'eau qui s'est déversé dans la zone. L'origine et le déroulement de cette crue semblent différents de ceux de la crue du 26 août 1983. Ces éléments manquent pour la crue du 1er juin 1977. Une étude hydrologique commandée par le SPC doit remettre à plat la totalité des données hydrologiques sur le bassin (observations, recherche documentaire et historique, etc.). Force est quand même de constater qu'en 30 ans de 1977 à 2007, il s'est produit à Saint-PéeSur-Nivelle, trois éÎnements tout à fait comparables sur le plan hydrologique. Sans parler d'éÎnements récurrents, on peut alors s'interroger sur le bien fondé de la qualification d'éÎnement centennal, ou rare que certains documents leur attribuent15 ! I 1 3 Premières alertes, premières interventions Une mobilisation précoce de l'agence technique départementale, un contrôle risqué de l'observateur de crue La prise de conscience précoce de la gravité de la situation a eu lieu en plusieurs endroits différents, et de la part de personnes ou services concernés à des titres très divers par ces éÏnements. Aux alentours de 4 heures du matin, et sur un appel du PC de gendarmerie de Pau, l'agence technique départementale (du Conseil général) est alertée de l'inondation de la RD 932 à 2 voies entre le giratoire du Golf et Planuya, et de la présence de boue sur le giratoire. Les interventions de l'équipe d'astreinte pour y remédier et mettre en place une signalisation appropriée dureront jusque vers 5h30. Mais il faut souligner que cela concerne le secteur de la Nive aval, à hauteur de Bassussarry. Comme on le verra plus loin, l'attention du SPC et plus largement des services de la préfecture était alors beaucoup plus portée sur ce secteur que sur celui de la Nivelle. Ce n'est qu'à 5h15 que l'ordre sera donné par l'agence technique départementale à l'observateur de crue de contrôler le niveau de la Nivelle. À 5h22, on ne constatait pas encore d'eau sur la chaussée. Mais à 5h30, il apparaissait que le niveau atteint par la Nivelle à Cherchebruit était de 4,30m 16, conduisant à mettre en place la signalisation temporaire de rigueur en pareille circonstance sur la RD 918 à Saint-Pée-Sur-Nivelle. À 5h40, l'eau arrivant de Sare se met à affluer. À 6h, une première voiture portée par une vague arrive et se bloque contre un muret en bordure de la RD 4. Il y en aura beaucoup d'autres. A peu près à la même 14 Cette retenue aurait tout au plus décalé dans le temps la pointe de la crue, mais aurait pu peut-être aussi accentuer le caractère brutal de l'entrée en service de l'évacuateur. 15 La crue de 1983 est estimée supérieure à la centennale dans le RIC des Pyrénées-Atlantiques. 16 Cote d'alerte à 2,90m. Les intempéries survenues dans les Pyrénées-Atlantiques le 4 mai 2007 7 heure, l'observateur de crues présent à la station de Cherchebruit est obligé de monter sur le parapet du pont pour échapper au flot qui continue à monter. À partir de 6h, le personnel de l'agence technique départementale déroule, pour ce qui la concerne, la procédure « crue Nivelle » : mise en place d'une signalisation temporaire, puis commande de matériel lourd, renforts humains, relations avec les pompiers. À 7h, la Nivelle atteint 5,72m, mais la décrue s'amorce rapidement à partir de 8h puisque, dès 9h17, la cote revient à 4,30m. À 9h, la RD 4 vers Sare pourra être rouverte. Tandis que se déployaient ces interventions axées sur la sécurité des usagers de la route et le rétablissement des communications, d'autres « parties prenantes » étaient alertées à des degrés divers et s'efforçaient de faire face de leur mieux à une situation en rapide évolution. De multiples interventions des sapeurs-pompiers Confrontés par leur métier à la nécessité d'intervenir dans l'urgence, et ne pouvant disposer d'une vue globale de la situation sur le terrain, les sapeurs pompiers n'ont sans doute que très progressivement pris la mesure des éÎnements. Sans plan d'intervention préétabli, ils ont, au moins dans un premier temps, déployé leurs moyens là où l'on les attendait, au risque de compromettre des interventions ultérieures en aval. Nous aurons à y revenir. Toujours est-il que c'est sans doute par leur canal que le SDIS et le COGIC ont pu être alertés, avant même que le SPC n'ait pu l'être. Des gestionnaires de campings inégalement réactifs Autre groupe fortement concerné par les éÏnements : les riverains et tout particulièrement les propriétaires ou gestionnaires des trois terrains de camping situés au bord de la Nivelle, ainsi que les campeurs eux-mêmes. L'un de ces campings, celui d'Ibarron situé dans la commune de Saint-Pée-Sur-Nivelle, bénéficiait d'un triple avantage : d'être sans doute moins exposé que les autres aux risques d'inondations, et surtout à leurs conséquences ; celui de disposer d'un dispositif d'alerte rustique (une « poire à mercure ») qui a fonctionné ; la caractéristique enfin d'être géré par une personne parfaitement consciente des dangers, pour avoir Îcu l'inondation de 198317. Il a pu être évacué à temps. Les deux autres campings ont été recouverts par une lame d'eau dépassant parfois deux mètres et les procédures d'alerte n'ont pas fonctionné. Des élus locaux alertés tardivement S'agissant des élus locaux, on a déjà dit que le maire de Sare avait été prévenu très tôt grâce au système d'alarme anti-effraction installé dans la grotte. Pourtant sapeur pompier de son métier, le maire d'Ascain n'a été alerté que tardivement, les trois sources par lesquelles il aurait pu l'être n'ayant pas fonctionné : aucun message en provenance de la préfecture ; dysfonctionnement du système d'alerte communal; aucune information de ses collègues présents sur le terrain. Ayant Îcu la crue de 1983, ce dernier considère que le dispositif qui avait été mis en place à sa suite est à reconsidérer entièrement. Le maire de Saint-Pée-SurNivelle n'a été alerté que fort tard 18. 17 Accessoirement, son épouse résidant à Cherchebruit au moment de la crue a pu alerter très tôt son mari, lequel était sur place, et a pu évacuer ses clients, d'autant plus facilement que ces derniers n'étaient pas propriétaires des mobile homes. 18 Ce dont il devait ultérieurement tenir rigueur aux services de l'État, tout en reconnaissant que cela n'aurait pas changé grand chose à la gestion de la crise. Les intempéries survenues dans les Pyrénées-Atlantiques le 4 mai 2007 8 I 2 LES DYSFONCTIONNEMENTS DU DISPOSITIF DE PREVISION, DE VIGILANCE ET D'ALERTE A priori, la gestion de la crise du 4 mai dernier aurait pu bénéficier de la conjonction de trois circonstances favorables : à partir de Saint-Pée-Sur-Nivelle, le bassin de la Nivelle appartient au réseau placé réglementairement sous la surveillance de l'État 19 ; les précipitations intenses se sont concentrées sur ce bassin ; le SPC est situé dans le département des PyrénéesAtlantiques. Or, toute une série de défaillances ou de dysfonctionnements se sont produits. Se cumulant, ils ont conduit à une gestion des éÏnements inefficace et mal ressentie, au moins en ce qui concerne l'alerte et l'information. Plusieurs réunions de retour d'expérience20 ont permis d'apporter aux dysfonctionnements constatés des réponses déjà opérationnelles pour partie, sans toutefois régler le problème beaucoup plus général du traitement des «averses intenses», objet de la dernière partie du présent rapport. I 2 1 Une attention initialement portée sur le secteur de la Nive Le 3 mai à 10h, tous les cours d'eau du département des Pyrénées-Atlantiques sont au vert. Au milieu de cette journée interviennent d'importants orages, précipitations et ruissellements, provoquant des inondations, notamment dans les caves. Dès 15h40, le CODIS fait savoir que les pompiers ont réalisé 29 interventions sur le Pays basque. À 17h18, le nombre de ces interventions est porté à 49, dont 20 à Cambo-les-Bains. À 16h, la carte de vigilance météo est de couleur jaune (vigilance accrue, mais pas d'alerte) et la carte de vigilance crues est au vert (aucune alerte). À 18h30, Météo-France émet une alerte précipitations (AP) annonçant des précipitations dans la nuit de l'ordre de 20 à 40 mm, voire 60 au maximum par endroits. Les précipitations annoncées n'étant ni exceptionnelles, ni de nature à entraîner des débordements, le SPC ne manifeste aucune inquiétude. Ce n'est qu'à partir de 2h le lendemain, que se produisent les plus fortes précipitations, sur la Nivelle cette fois, et non plus sur la Nive sur laquelle les services concernés concentraient jusqu'alors leur attention. Entre 2 et 7 heures, plus de 200 mm d'eau s'abattent sur le bassin de la Nivelle, soit trois fois plus que ce qui était annoncé, sans donner lieu à de nouvelles alertes précipitations21. I 2 2 Une détection précoce du CMIR/SO restée sans suite Le danger est identifié par le CMIR/SO de Météo-France aux alentours de 4h15 ­ 4h3022. Contact est pris avec le COZ/SO à 4h40, lequel est informé de ce « qu'on va avoir des cumuls de plus de 200 mm localement »23. L'entretien par téléphone qui s'ensuit ne donne pas la juste mesure des éÏnements, surtout pour un profane, et cette information reste sans suite, de sorte 19 La Nivelle est inscrite au schéma de prévision des crues du bassin Adour-Garonne approuÎ par arrêté du 8 août 2005. 20 Au SIDPC le 11 mai, à Météo-France le 12 juin, au COZ le 27 juin. 21 À noter toutefois le Météoflash émis à 4h52 à destination de la SNCF, des ASF et du CIGT de Bordeaux, vu plus loin. 22 En réalité ce service pouvait constater bien plus tôt, aux environs de minuit, l'imminence d'orages violents et stationnaires au-dessus de Bayonne, si l'interprétation des images radar ne lui permettait pas encore de les évaluer de manière plus précise. 23 Source : le verbatim qui nous a été remis par la DDSC. Les intempéries survenues dans les Pyrénées-Atlantiques le 4 mai 2007 9 que la Sécurité civile n'a été mise en alerte que tardivement. Le CNP24, qui aurait dû être alerté immédiatement après, ne l'est qu'à 6h15. À ce stade, la mission d'inspection ne peut que souscrire au constat établi par Météo-France lui-même à l'occasion de son retour d'expérience : absence d'identification du danger au CNP, absence de contact du CNP par le CMIR25, aussitôt après repérage du danger, absence de prise de conscience de la gravité du danger au niveau du COZ, non mise à jour de la production AP/BP26. Sur le premier point, sont en cause l'insuffisance du géo-référencement de l'information météorologique, et le manque de logiciel temps réel d'évaluation du risque de crue en fonction de la lame d'eau sur les bassins versants sensibles. Ce sont des questions techniques auxquelles des réponses ne pourront être apportées que dans un délai relativement long, à supposer qu'il soit possible de progresser de manière significative dans ce domaine. Sur le second point, il faut rappeler que le CMIR a pour consigne de ne saisir le CNP que s'il estime nécessaire un changement de couleur de la carte de vigilance météo. La documentation devrait donc prévoir de mettre en jeu la redondance CMIR/CNP dès que la situation présente un enjeu de sécurité significatif, quelque soit le niveau de vigilance du risque. La liaison entre le CMIR et le CNP eût-elle mieux fonctionné, il n'est cependant pas certain que cela aurait eu un impact significatif sur la suite des éÏnements. En effet, même alerté tardivement, et alors que les éÏnements avaient sur le terrain pris de l'ampleur, le chef prévisionniste du CNP, constatant pourtant des échos importants sur l'imagerie radar, a estimé que le risque d'impact sur la sécurité était limité. Si une erreur d'appréciation a pu être commise, il est tout aussi légitime d'incriminer l'insuffisance du géo-référencement de l'information sur les postes de travail des prévisionnistes. Sur le troisième point, Météo-France a bien résumé la situation en disant que si la compétence de prévisionniste était bien présente au sein du CMIR/SO, celle de « prévisionniste-conseil » faisait défaut. Le prévisionniste du CMIR a bien averti le COZ, en application de ses consignes, mais dans des termes qui n'avaient rien d'alarmant, ce qui explique en partie pourquoi aucun contact n'a été pris par ce service, ni avec le SPC ni avec la préfecture des Pyrénées Atlantiques. Là encore, est à incriminer le couplage qui est établi, dans les textes et dans les esprits, entre les niveaux de vigilance et les critères d'appel des SPC et préfectures. Il n'en demeure pas moins surprenant que ni le SCHAPI27, ni le SPC, ni la préfecture des Pyrénées-Atlantiques n'aient été destinataires du Météoflash émis à 4h52, lequel indiquait que « ces orages pourront s'accompagner ... de très fortes précipitations pouvant atteindre ponctuellement 30/40 mm (cumul très localement sur les dernières 24 heures de plus de 200 mm) ». Ce Météoflash ne s'est pas accompagné d'un bulletin d'alerte précipitation reprenant les mêmes informations, comme le prévoyait la procédure réglementaire. 24 25 Centre national de prévision de Météo-France. Centre météorologique interrégional. 26 Alerte précipitation/bulletin de précipitation. 27 Service central d'hydrométéorologie et d'appui à la prévision des inondations. Les intempéries survenues dans les Pyrénées-Atlantiques le 4 mai 2007 10 Il est encore plus difficile de comprendre pourquoi aucune mise à jour de la production AP/BP n'a été faite pendant la nuit pour signaler que les cumuls en pointe étaient très supérieurs à ce qui était prévu et que le BP du 4 mai à 7h49 ne donne aucune explication sur les cumuls de la nuit précédente sur le bassin de la Nivelle. On a vu que la chaîne d'alerte est actuellement tributaire des couleurs figurant dans les cartes de vigilance météo et crue. Or, face à des éÏnements très rapides et locaux, la production de ces cartes et la nécessité de s'y référer n'ont plus grand sens. On peut douter que l'application de la circulaire DRAST / DDSC relative à la procédure de vigilance et d'alerte météorologiques conduise au nécessaire raccourcissement de cette chaîne d'alerte 28. Au-delà de la mise à jour qui s'impose de la circulaire AP/BP de Météo-France, il y a incontestablement eu des dysfonctionnements témoignant de ce que les acteurs concernés n'ont pas l'habitude, sinon de travailler en bonne harmonie, du moins de s'affranchir des consignes formelles lorsque la situation l'exige. S'y ajoute le fait qu'il n'y a pas de mécanisme de relais au sein de Météo-France pour contacter les préfectures en cas d'urgence29. I 2 3 Un SPC disposant de moyens limités, et pratiquement absent Une accumulation de défaillances « mineures » a conduit à mettre largement hors circuit le SPC. La première d'entre elles est de toute évidence le fait que le CMIR n'ait pas cru devoir alerter le SPC dès que son interprétation des images lui permettait d'évaluer l'orage en formation. Les consignes qui ont ultérieurement été données par Météo-France montrent que ce service a su en tirer les conséquences. La pertinence des informations connues et la rapidité de leur transmission conditionnent le bon fonctionnement de l'ensemble de la chaîne d'alerte. En cas de défaillance, le SPC n'est pas en mesure de remplir sa mission. Or, rien n'était de nature à inquiéter le prévisionniste d'astreinte qui, pendant la journée et le début de la nuit du 3 mai était au demeurant surtout préoccupé par l'évolution de la situation dans le bassin de la Nive, sur le Haut-Adour et la partie supérieure du Gave de Pau. À 0h30, lorsqu'il fait un tour d'horizon général avec les informations dont il dispose, aucun phénomène ne paraît justifier la prolongation de sa surveillance. En particulier, la Nivelle paraît paisible. De fait, à 4h20, le premier seuil d'alerte hydrologique (2,50m) n'était pas encore atteint à la station de Cherchebruit (2,42m). À 1h, le prévisionniste d'astreinte cesse sa veille, car rien ne lui suggère de rester en poste pour une surveillance permanente durant toute la nuit. Au fait déjà signalé que le CMIR/SO n'ait pas cru nécessaire d'alerter le prévisionniste du SPC se sont ajoutées des défaillances techniques au niveau de la transmission des données. Celles-ci sont de trois ordres: une panne ADSL sur le réseau du SPC depuis l'après-midi du 3 mai, une panne intermittente de traitement sur le concentrateur, le dysfonctionnement de la station automatique de Cherchebruit. La mission s'est penchée de manière approfondie sur la première de ces défaillances. Elle trouve son origine dans le contrat qui lie ce SPC à France Télécom, fournisseur d'accés, cette 28 29 Il en sera question de manière plus développée ci-dessous. Ni d'ailleurs d'accusé de réception des AP/BP envoyés. Les intempéries survenues dans les Pyrénées-Atlantiques le 4 mai 2007 11 dernière n'étant pas tenue, sauf pour un coût jugé allant au-delà des moyens du service, d'intervenir en temps réel. Sur le pont de Cherchebruit, il existait au moment des éÏnements deux stations limnimétriques, l'une relevant du SPC, l'autre de l'hydrologie générale de la DIREN. La première était en cours de rénovation, et la seconde devait être supprimée. La partie mécanique de la station de la DIREN a fonctionné durant tout l'épisode comme en témoigne le limnigramme qui a été retrouÎ. En revanche, sa partie électronique est tombée en panne en raison vraisemblablement d'une humidité excessive. Quant à la station du SPC Adour, en rénovation au moment des éÏnements, sa partie électronique est également tombée en panne pour la même raison, et peut-être aussi pour incompatibilité de logiciels, le concentrateur n'ayant pu interpréter les données qui lui étaient transmises. Ce n'est qu'à 6h10 que le concentrateur a enfin alerté selon la procédure habituelle ­ message par synthèse vocale transmis par le réseau GSM ­ le prévisionniste, lequel l'a acquitté aussitôt après à 6h12. À peu près au même moment, le poteau téléphonique a été emporté, brisant toute possibilité de communication avec l'extérieur, ce qui était à vrai dire sans grande importance, les stations n'étant plus en mesure d'émettre des informations. Comme c'est trop souvent le cas ­ et chose que même une Îritable culture du risque ne pourra jamais éviter tout à fait ­ l'épisode s'est produit alors que le réseau de mesures était en pleine transformation, afin de le moderniser tant en ce qui concerne les stations que les systèmes de transmission, ce qui en a multiplié les points de faiblesse. La présence au même emplacement de deux stations relevant, l'une du SPC et l'autre de la DIREN, n'a pas non plus permis de réduire la vulnérabilité du dispositif, les liaisons avec l'extérieur étant en partie communes30. I 2 4 Conduisant finalement à une alerte tardive L'alerte se doit d'être d'autant plus rapide que les délais de prévision sont réduits. D'une manière générale, elle est susceptible de mobiliser31 trois filières : « Sécurité civile » (COGIC ­ COZ ­ SIDPC), « Hydrologie » (SCHAPI ­ SPC) et « Météorologie » ( CNP ­ CMIR ­ CDM). Dans le cas qui nous intéresse, chacune des trois filières mentionnées plus haut a connu des ratés, ce qui a eu des répercussions sur les trois niveaux d'interaction ­ Météo-France / Sécurité civile, SPC/Sécurité civile, Météo-France / SPC ­ existant entre elles. Fort heureusement, les inondations des 3 et 4 mai n'ont pas fait de victimes mais les acteurs de la crise ont bien conscience qu'on a frôlé la catastrophe. L'heure à laquelle la crise a atteint son paroxysme (fin de la nuit) a joué un rôle favorable : il était encore trop tôt pour que la population ait commencé à se déplacer, mais suffisamment tard pour que la leÎe du jour rende possibles les opérations d'hélitreuillage. Par ailleurs, la mission n'a pu que constater l'indigence des plans de sauvegarde des communes concernées, ce qui la porte à penser que si l'alerte avait été donnée à temps, elle aurait pu s'aÎrer pire que le mal : qui peut affirmer que cela n'aurait pas provoqué des mouvements de panique ou inciter la population à entreprendre des déplacements en voiture 30 31 Sur le poteau téléphonique. Ou en tout cas de concerner. Les intempéries survenues dans les Pyrénées-Atlantiques le 4 mai 2007 12 particulièrement périlleux en la circonstance ? Comme cela a déjà été écrit dans de nombreux retours d'expérience, il est possible d'affirmer qu'une absence d'alerte peut valoir mieux qu'une alerte donnée sans des consignes adaptées à la situation et connues des habitants. I 3 DES AMELIORATIONS APPORTEES (OU EN VOIE DE L'ÊTRE) POUVANT CONTRIBUER À UNE MEILLEURE GESTION DE LA CRISE I 3 1 La sécurisation et le durcissement des transmissions L'éÎnement météorologique du 4 mai dernier a fait ressortir la nécessité absolue de sécuriser les communications 24h sur 24, quelles que soient les conditions météorologiques. Le maire d'Ascain se prépare d'ailleurs à déplacer le central téléphonique de la commune, actuellement très vulnérable. Cet éÎnement a également mis en évidence la fragilité du réseau de collecte des données dans une situation de fortes précipitations. Les améliorations doivent être recherchées autant en ce qui concerne les relations entre les stations de mesure et le concentrateur de données que les liaisons par radio ou par voie filaire. Depuis les éÏnements du 4 mai dernier, et en réponse à une demande d'appui technique adressée par le préfet des Pyrénées-Atlantiques au directeur du SCHAPI afin de renforcer et de fiabiliser les équipements du SPC, un système de collecte par radio numérique dédié est en cours d'installation, avec un répéteur au sommet du Pic du Midi. L'ADSL à haut débit par fibre optique est installé entre le SPC, le SCHAPI et le domicile des prévisionnistes. Il est également prévu d'améliorer la redondance des liaisons radio et la rationalisation des stations, leur protection à l'égard de la foudre et leur autonomie en alimentation. Comme la complexité du système accroît les risques de vulnérabilité, sont enfin prévus des modes dégradés de transmission pour répondre à d'éventuelles pertes de relais ou à des pannes informatiques. I 3 2 Le renforcement de l'appareillage sur le bassin de la Nivelle Pour la surveillance des crues, le SPC Adour gère un réseau radio de télémesures qui comprend actuellement 57 stations, dont 31 d'annonce réglementaire de type NOE32. Ce réseau est actuellement en pleine mutation en raison notamment de l'obsolescence des stations. Le SPC a engagé la refonte des équipements de transport des données radio. En outre, il réalise actuellement la modernisation du superviseur de collecte et de traitement des données. D'une manière générale, la crise du 4 mai a conduit les responsables locaux à s'inquiéter de la fragilité et de l'insuffisance de l'appareillage de mesure en place, ce point pouvant concerner aussi bien l'hydrométrie que la météorologie. De fait, la station de Cherchebruit, qui se compose à la fois d'un capteur limnimétrique de type radar, d'un pluviomètre et d'un dispositif d'acquisition transmettant au SPC les données mesurées toutes les heures, a connu des défaillances affectant le logiciel de transmission des données vers le concentrateur avant que le poteau téléphonique ne soit finalement emporté par les eaux. Dès le 10 mai, cette station a été restaurée sur le même site avec des liaisons beaucoup mieux sécurisées. Ses relations avec le concentrateur de données ont été améliorées, avec réduction 32 Marque déposée de la Ste Centralp. Les intempéries survenues dans les Pyrénées-Atlantiques le 4 mai 2007 13 du pas d'interrogation de deux à une heure33. Une connexion Internet en très haut débit par liaison fibre optique a été souscrite et les actions de fiabilisation de l'ensemble se poursuivent, notamment pour sécuriser l'alarme en cas de dépassement des seuils. Comme l'indique le DDE, ces mesures auraient fait la preuve de leur efficacité, la Nivelle étant passée du vert au jaune lors de la production de la carte de vigilance crue du 4 juin, puis des 9 et 10 juin 2007. I 3 3 Les conséquences tirées des retours d'expérience La deuxième partie du présent rapport traitera des difficultés particulières de prévoir suffisamment à l'avance des phénomènes aussi rapides que celui qui s'est produit dans les Pyrénées-Atlantiques dans la nuit du 4 mai 2007, et des moyens d'y faire face. Sans attendre cependant que l'organisation et les moyens des services soient reconfigurés en conséquence, un certain nombre de dispositions ont d'ores et déjà été prises, ou sont sur le point de l'être, afin que, dans le cadre actuel, la prévision ne soit pas prise en défaut. Pour les phénomènes à cinétique rapide, l'observation météorologique joue un rôle primordial. Les participants à une réunion de retour d'expérience organisée 34 à la préfecture de la zone de défense sud-ouest, ont considéré que la seule réactivité possible réside dans le très court terme et le suivi de l'éÎnement lorsqu'il se déroule. S'il est vrai que la marge d'anticipation est réduite, elle peut cependant être utilement mise à profit, dès lors que les procédures internes à chacun des organismes sont précisées et leur collaboration renforcée. Dans le cas qui nous concerne, le chef de la prévision du CNP, tout comme le CMIR / SO ont bien repéré des échos importants sur l'imagerie radar, mais n'ont pas pu, ou su, les traduire en termes de risques pour la sécurité. Il est probable que, s'ils étaient entrés en relation, ils auraient pu formuler un diagnostic plus averti et partagé. La première mesure qui s'impose est donc, ainsi qu'il ressort du retour d'expérience établi par Météo-France, de faire jouer à plein la redondance CMIR / CNP, même lorsque le risque est d'un niveau inférieur à la vigilance orange35. Il est prévu que soit prise une directive explicite en ce sens. Des directives devront également décrire de façon suffisamment explicite, claire et précise, les facteurs déclenchant les diverses actions, notamment les règles de mise à jour des AP/BP36 et les critères d'appel des SPC et des préfectures. C'est également la tâche à laquelle s'est attelée la circulaire DRAST/DDSC relative à la procédure de vigilance et d'alerte météorologiques. Le nouveau schéma de liaison qu'elle établit doit fonctionner en cas d'alerte orange et rouge, mais aussi parfois dès le seuil de vigilance jaune. En effet, en raison de leur caractère très localisé, des précipitations telles que celles qui sont intervenues dans la nuit du 4 mai, aux conséquences pouvant s'aÎrer très graves (montée rapide des eaux, coulées de boue) n'impliquent cependant pas toujours le passage en vigilance orange. 33 Source : rapport du DDE au préfet des Pyrénées-Atlantiques en date du 8 juin 2007. Mais, compte tenu du coût de cette disposition, il pourrait être prévu de ne diminuer ce pas d'interrogation qu'en cas de vigilance, et qu'il pourrait alors être inférieur à une heure (le réseau « Radome » de Météo-France prévoit cette possibilité). 34 Le 27 juin 2007. 35 Cette mesure est d'ores et déjà rentrée en application. 36 Ce point paraît désormais réglé, une circulaire spécifique AP/BP ayant récemment été mise à jour pour tenir compte de la mise en oeuvre de la vigilance pluie-inondation. Les intempéries survenues dans les Pyrénées-Atlantiques le 4 mai 2007 14 I 3 4 Le renforcement du SPC Il était naturel, devant le constat d'inexistence d'un Îritable règlement de service du SPC Adour, et des difficultés qu'il a rencontrées pour produire la vigilance crue et intervenir utilement en périodes de crue, de s'interroger sur le dimensionnement, tant quantitatif que qualitatif, de ce service. Son organisation cible 37 prévoyait un effectif de 10 ETP, dont 8 pour la prévision des crues et 238 pour l'hydrométrie. Lors du bilan effectué sur l'ensemble du bassin fin 2006, il a été considéré que, bien que faibles, les effectifs permanents se rapprochaient de l'organisation cible. Mais ce constat ne permet pas de faire l'économie d'une analyse plus approfondie de la situation. En effet, on constate d'une part que le profil des personnels affectés au SPC n'est pas en complète adéquation avec leurs missions, d'autre part que l'essentiel des moyens du service est concentré sur les activités support de gestion du réseau et d'informatique, ce qui ne doit pas surprendre compte tenu de la modernisation entreprise à partir de 2005, mais conduit au sous-dimensionnement de la mission essentielle de surveillance, de prévision et d'expertise39. S'agissant des prévisionnistes, la situation peut être considérée comme préoccupante. Sur les 6 agents dont est censé disposer le SPC, 3 seulement appartiennent à ce service. Cette fragilité est accentuée par l'appartenance de ces personnes à des catégories d'exécution les rendant peu aptes à l'exercice de la mission de prévisionniste. Or, en cas de crue importante, une intervention efficace du SPC suppose la mobilisation d'une équipe d'au minimum 2 agents, chargés d'informer qui de droit par téléphone ou tout autre moyen, de faire des prévisions à intervalles réguliers et de mettre à jour le dispositif de vigilance. Si la crise se prolonge, il faut pouvoir mobiliser jusqu'à 3 équipes, soit 6 agents. Compte tenu de la récupération des astreintes, des inévitables absences ou indisponibilités diverses (congés, maladies, stages,...), un effectif cible de 10 agents paraît donc justifié. Au SPC Adour, on est loin du compte. Il serait certes envisageable de remédier quantitativement à cette situation par redéploiement interne mais, quelle que soit la formation dispensée, il paraît difficile de devenir hydrologue et prévisionniste quand on est à la base informaticien, routier ou comptable. En dépit des moyens limités dont il disposait, le SPC Adour aurait dû, pour exercer sa mission, surveiller l'évolution des phénomènes météorologiques dans l'ensemble du bassin de la Nivelle. Mais il ne pouvait en aucun cas constituer un appui aux autorités pour la gestion de la crise ellemême. Par ailleurs, la mission doit signaler que le SPC : ne dispose40 pas du matériel nécessaire à la prévision des éÎnements météorologies rapides (imagerie radar, etc.) ; est situé avec le service hydrométrie, hors de la DDE, dans des locaux appartenant au conseil général situés en zone inondable et dont les accès ont déjà été inondés41. 37 38 Fixé dans le rapport sur la création des SPC du bassin Adour-Garonne du 3 décembre 2003. Fixé dans le plan de réorganisation des réseaux d'hydrométrie. 39 Phénomène accentué par le renforcement de la mission d'hydrométrie. 40 Et n'en disposait pas en mai 2007, de fait le SPC était totalement aveugle. 41 Par une crue dont la fréquence annoncée au RIC mérite confirmation. Les intempéries survenues dans les Pyrénées-Atlantiques le 4 mai 2007 15 La question peut se poser du rattachement du SPC Adour à un SPC expérimenté comme celui de la DIREN Midi-Pyrénées à Toulouse. I 3 5 Le raffermissement des mesures de prévention La décision la plus spectaculaire, et sans doute aussi la plus difficile à prendre, a été la fermeture de deux terrains de camping, et la restriction de capacité d'un troisième. D'autres mesures telles que le strict contrôle des autorisations de construire ou la mise en révision du PPRi seraient engagées. Par ailleurs, la révision des paramètres de stabilité du barrage de Sare a été engagée; elle comprend l'étude du dimensionnement de son évacuateur de crue et une étude hydrologique des apports à l'ouvrage. Cette étude hydrologique est étendue à l'ensemble du bassin de la Nivelle (voir plus haut). I 4 AU DELA DU CAS D'ESPÈCE, UNE RÉFLEXION CRITIQUE PLUS LARGE EST NÉCESSAIRE En raison du caractère très particulier des dysfonctionnements qui se sont produits dans la prévision, l'observation des phénomènes intervenus dans le bassin de la Nivelle dans la nuit du 3 au 4 mai, ainsi que dans la gestion de la crise qui s'en est suivie, il faut se garder d'en tirer des conclusions générales. À la limite, et parce que ce bassin est situé dans le champ de compétence du SPC, et que de surcroît ce service est localisé dans le département même où se sont produits les éÏnements, tout aurait pu se dérouler « normalement », au moins en ce qui concerne l'observation, le suivi des phénomènes et l'alerte 42. Des améliorations ont d'ores et déjà été apportées, ou sont sur le point de l'être, pour qu'il en soit ainsi à l'avenir, toutes choses égales d'ailleurs. La mission aurait donc pu considérer que là devaient s'arrêter ses investigations. Elle a cependant estimé de son devoir de les prolonger dans un cadre plus large. Ce qui est en cause en effet n'est pas l'aptitude intrinsèque des services de prévision des crues à suivre les crues à cinétique rapide : le réseau SPC SHAPI a été conçu principalement dans cette perspective et, ainsi qu'en témoignent les cas les plus exemplaires, serait en mesure de remplir cette mission pour peu qu'il en ait les moyens. Mais les circonstances « favorables » qui ont été rappelées plus haut sont loin d'être réunies partout, et il faut bien constater que le dispositif de prévision et d'alerte appliqué aux phénomènes météorologiques à cinétique rapide présente de substantielles limites : tout d'abord, il ne s'exerce que dans le cadre de la vigilance réglementaire de l'État, forcément limitée aux moyens disponibles, en second lieu, la chaîne d'alerte paraît mal adaptée à ce type de phénomènes, Car il n'en va pas de même de l'évaluation des risques au regard des enjeux, du contenu et de la mise en oeuvre des PCS et de la préparation à la gestion des la crise. 42 Les intempéries survenues dans les Pyrénées-Atlantiques le 4 mai 2007 16 enfin, s'il est vrai que, dans le cas de la Nivelle, le phénomène aurait pu être « vu » et signalé plus précocement qu'il ne l'a été 43, le préfet n'en aurait guère été plus avancé pour estimer la réalité des risques, aux personnes notamment, et assurer de manière efficace le rôle de direction des opérations que les textes lui confient. Cela a donc conduit la mission à élargir son champ d'analyse à l'ensemble des phénomènes à cinétique rapide, au-delà du cadre réglementaire actuel, ce qui est l'objet des deux derniers chapitres de ce rapport qui traitent successivement de leurs particularités, et des propositions qui peuvent être formulées pour mieux les prendre en compte. 43 L'éÎnement aurait été prédit, prévu et suivi à la préfecture de l'Hérault par l'universitaire dont il sera question plus loin. Elle a été surprise a posteriori d'apprendre que l'alerte n'avait pas été déclenchée. Les intempéries survenues dans les Pyrénées-Atlantiques le 4 mai 2007 17 II LA PRÉVISION, LA VIGILANCE ET L'ALERTE DANS LE CAS DES PHÉNOMÈNES A CINÉTIQUE RAPIDE. II 1 CRUES A CINETIQUE RAPIDE ET CRUES A CINETIQUE LENTE : DES ECHELLES DIFFERENTES, DES CONSEQUENCES CONTRASTEES Les crues qui conduisent à une élévation du niveau de l'eau dans le lit mineur (lieu des écoulements ordinaires), puis à un débordement dans le lit majeur (espace d'inondation) résultent du ruissellement des précipitations sur la surface du sol.44 Le "rendement global", c'est-à-dire le rapport du volume de crue au volume de pluie, est commandé essentiellement par la capacité d'infiltration des pluies dans le sol, généralement liée à l'état de saturation de celui-ci, mais dépendant aussi de l'intensité de l'averse, de la pente et du degré d'imperméabilisation du terrain (en ville et à la campagne). Ainsi, même sur un sol sec, il peut y avoir un ruissellement important dans le cas d'averses de forte intensité. Les crues à cinétique rapide peuvent se décomposer grossièrement en 3 catégories où les principaux ingrédients sont dans l'ordre : intensité des pluies - surface réceptrice - pente forme du bassin versant - structure du réseau hydrographique - pédologie - Îgétation. Elles peuvent durer d'une heure à plusieurs dizaines d'heures, avec une réaction rapide aux pluies, un gradient éleÎ de montée du débit, des débits de pointes très importants mais un volume total modeste. Elles conduisent à distinguer : les crues instantanées brèves dues à des pluies d'orage de quelques dizaines à plus de cent mm/heure pendant une à deux heures sur une surface allant de quelques hectares à quelques km² ; on admet qu'elles ont une possibilité d'occurrence uniforme sur une surface importante avec la même loi de probabilité d'intensité. Il est possible de les localiser précisément et de les prévoir mais avec une anticipation de quelques minutes à quelques dizaines de minutes seulement ; les crues subites dites "éclair" (flash flood) se produisant sur des surfaces de quelques km² à une centaine de km², dues à des pluies orageuses intenses plus structurées dans l'espace et le temps de 100 à 300 mm dans certaines régions ; les crues rapides se produisant sur des surfaces de 500 km² à 5000 km² pendant 6 à 36 heures avec un temps de concentration de moins de 12 heures pour des bassins de 1 000 km². Les pluies qui en sont à l'origine (circulation météorologique du sud ou sud-est en métropole,...) ont des intensités horaires de plusieurs dizaines de mm et des cumuls de plusieurs centaines de mm voire dans les départements d'outre mer, des intensités horaires de plusieurs centaines de mm, avec des temps de concentration encore plus brefs. - - 44 Sachant que les écoulements souterrains, nappes comme karsts, ont aussi des crues. Les intempéries survenues dans les Pyrénées-Atlantiques le 4 mai 2007 18 Les volumes d'eau impliqués dans les crues centennales relevant de ces deux derniers types de crues sont de l'ordre de quelques dizaines à plusieurs centaines de millions de m3 pour des surfaces de 100 à 10 000 km² En revanche, les crues à cinétique lente sont généralement dues à des pluies d'averses successives, de longue durée (plusieurs jours à plusieurs semaines voire mois) d'origine océanique, mais d'intensité modeste, de quelques mm à quelques dizaines de mm par jour. Leur montée ainsi que la décrue sont lentes et progressives, et parfaitement prévisibles avec des moyens adaptés au cas considéré. Elles durent de plusieurs jours à quelques semaines avec des débits de pointe en crue centennale pouvant se situer entre 2 500 et 12 000 m3/s selon la surface des bassins de fleuves et rivières, compris entre 15 000 et 100 000 km². Ces crues se distinguent par l'importance de leurs volumes ; ils peuvent être de l'ordre de quelques centaines de millions de m3 voire de plusieurs milliards de m3. À noter qu'une même commune peut être sujette à plusieurs des formes d'inondation mentionnées ci-dessus selon la portion de territoire considérée. Tel est le cas de Vauvert, dans le Gard, qui peut connaître des crues lentes (le Rhône), rapides (le Vistre) ou flash (ruissellement généralisé). Les crues rapides violentes peuvent causer des pertes en vies humaines et des dégâts matériels importants mais localisés ; les crues lentes sont rarement la cause de décès directs mais ont des conséquences lourdes sur les infrastructures, les biens, les activités économiques et sur l'environnement. La crue qui s'est produite dans le bassin de la Nivelle dans la nuit du 3 au 4 mai dernier s'apparente à une crue subite avec ruissellement généralisé. Elle aurait pu avoir des conséquences lourdes en matière de vies humaines. Les intempéries survenues dans les Pyrénées-Atlantiques le 4 mai 2007 19 II 2 DES PHENOMENES RECURRENTS DANS LE SUD DE LA FRANCE ; DES PROCEDURES D'ALERTE INSUFFISANTES II 2 1 Des phénomènes classiques Les crues à cinétique rapide sont des phénomènes récurrents sur le pourtour méditerranéen : en Espagne, en Italie, comme en France. Leur origine est à peu près bien connue : épisodes cévenols au sens météorologique sur les contreforts du Massif central, Aigouat comme en 1940 dans les Pyrénées-Orientales, "système convectif de méso-échelle (SCME)" comme en 1999 dans l'Aude ( 531 mm/24 h à Lézignan à 30 m d'altitude ) et en septembre 2002 dans le Gard (687 mm en moins de 24 h à Anduze). Contrairement aux épisodes cévenols dont la zone géographique d'occurrence est relativement bien ciblée, les SCME semblent pouvoir se produire de façon aléatoire dans la zone méditerranéenne. Il existe aussi d'autres types d'averses intenses sur les contreforts Nord des Pyrénées, sur la côte aquitaine et sur tout le massif alpin. On peut rappeler les éÎnements paroxystiques dans la région Languedoc-Roussillon : 950 mm en 24h à Valleraugue dans le Gard le 29 septembre 190045 et 792 mm en 24 h à Joyeuse dans l'Ardèche le 9 octobre 1827. Ils sont localement complètement oubliés. Ces phénomènes diffèrent des orages accompagnés d'averses intenses qui eux, sont répartis sur le territoire métropolitain. Il est rare que ces derniers soient de caractère catastrophique. Les bassins couverts par des averses très intenses connaissent des submersions par ruissellement généralisé et des crues très violentes. Le CEREVE cite en 2002 pour le bassin versant de l'Alzon des débits spécifiques de 30 l/s/m2. Pardé, lors de l'Aigouat de 1940 dans les PO, cite des chiffres allant jusqu'à 40 l/s/m2. Lors de ces éÎnements, la plupart des lits qui ne connaissent souvent, de mémoire d'homme, que des écoulements intermittents et plus ou moins rares, débordent largement ; de plus certains écoulements n'ont même pas de lit marqué. Ces crues d' « inflexions » du terrain, de petits ruisseaux, surprennent toujours les riverains, ce qu'ils expriment par "on surveillait la rivière et la crue est arriÎe d'ailleurs" ou « cela coulait de partout ». De même les écoulements karstiques peuvent avoir des débits tout à fait dommageables : ils se mettent en charge débordant dans des « lits historiques ». Des résurgences oubliées réapparaissent, forçant tout ce qui nuit à leur écoulement46. II 2 2 Difficiles à prévoir Une précision de langage s'impose ici. Bien qu'il soit difficile de parler de prévision lorsqu'il s'agit seulement de « voir venir » l'éÎnement quelques dizaines de minutes avant qu'il ne se produise, la mission a tout de même retenu cette acception. Ce qui compte en effet, c'est l'anticipation « utile » qui permet de prendre des dispositions d'urgence, fût-ce selon des 45 46 Le directeur général de l'époque avait de sa plume remplacé cette valeur par 200mm qui a longtemps prévalu. Comme à Sare lors des éÎnements de crue de la Nivelle. Les intempéries survenues dans les Pyrénées-Atlantiques le 4 mai 2007 20 procédures très dégradées. Nous verrons plus loin l'état de l'art sur la prévision des phénomènes météorologiques à cinétique rapide. Par définition, ces phénomènes sont « rapides » et intéressent une surface géographique qui peut être limitée. Le trait commun à tous ces phénomènes réside dans leur « caractère chaotique » qui rend difficile une prévision précoce47. Ainsi, une fois le phénomène prévu, il existe encore une incertitude sur son intensité et le déclenchement de l'averse (l'activation des nuages) c'est-à-dire sur sa localisation ; Cette incertitude diminue avec le temps. Ainsi l'éÎnement (ou le non-éÎnement) ne devient certain souvent que quelques dizaines de minutes avant qu'il ne se réalise. Une meilleure anticipation du phénomène fait partie des voies de recherche. Il en est de même du délai s'écoulant entre le moment où le phénomène devient certain et celui où l'alerte est donnée aux populations. Des pertes de temps à ce niveau, souvent évitables, sont à l'origine des grandes catastrophes. Le raccourcissement de ce délai est un objectif constant des missions de retour d'expérience. II 2 3 Les procédures de vigilance en vigueur ne prennent en compte les phénomènes de crue à cinétique rapide que sur une fraction limitée du territoire Il faut rappeler qu'il existe deux types de vigilance : La vigilance météorologique Exercée par Météo-France, la vigilance météo se traduit pour le grand public par l'élaboration 2 fois par jour (6h et 16 h) d'une carte qui exprime au moyen d'un jeu de couleurs (vert, jaune, orange et rouge), l'occurrence possible d'éÏnements météorologiques (dont les précipitations) sur le territoire de chaque département pour les prochaines 24 heures. Cette carte est médiatisée, ce qui est d'ailleurs son objectif. Elle est complétée, pour un public sélectionné, par des bulletins d'information qui précisent la nature et la portée du phénomène48. S'agissant des bulletins AP/BP, produits pour les SPC pour leur travail de prévision des crues, ils font l'objet d'une diffusion limitée et ne sont pas mis à la disposition du grand public 49. L'élaboration de ces cartes et bulletins fait l'objet de conférences de consensus entre la direction de la prévision (Toulouse) et les services interrégionaux de Météo-France. La vigilance crues La vigilance crues prend pour le grand public la forme de cartes bi-quotidiennes ­ et plus fréquemment autant que de besoin en cas de crise ­ qui expriment par des couleurs le niveau du danger potentiel associé à l'éventualité d'une crue le long de cours d'eau ou de sections de cours d'eau limitativement définis. La carte est accompagnée de bulletins de suivi national et 47 De nombreux exemples pourraient être cités. On se reportera à ceux décrits par des missions de retour d'expérience (Tarn, Aude, Sud-Est, etc.). 48 La prestation commerciale Météoflah n'est pas incluse dans la procédure de vigilance. 49 La société Prédict, comme d'autres, les achète. Les intempéries survenues dans les Pyrénées-Atlantiques le 4 mai 2007 21 locaux à partir de la vigilance jaune. Un troisième niveau de consultation donne accès aux données enregistrées de débits et hauteurs d'eau aux stations installées sur les tronçons surveillés. La vigilance crue est produite par le service central d'hydrologie et d'appui à la prévision des inondations (SCHAPI), service central à compétence nationale du MEDAD, avec le concours des services de prévision des crues (SPC). L'organisation des services en charge de la prévision de crues a fait l'objet d'une profonde réforme, initiée en 2005 et dont la mise en place s'achève. Les moyens des 55 services d'annonce de crues (SAC) ont été renforcés et regroupés dans 22 SPC, à vocation interdépartementale, constitués à l'échelle de bassins ou de sous-bassins versants. Comme les anciens SAC, ils n'ont pas d'autonomie administrative et se définissent comme une mission, tantôt confiée à des DDE (12 cas), des DIREN (7 cas), des services de navigation (2 cas), et un service de Météo-France. Les deux procédures présentent des faiblesses pour le suivi des crues à cinétique rapide : La carte de vigilance météo est établie à l'échelle départementale, trop large pour rendre compte de phénomènes orageux, par nature localisés. De même les bulletins de précipitations se contentent de donner par grandes zones une appréciation sur le risque encouru. Il n'existe pas de bulletin météo public visant des éÎnements très localisés et potentiellement très violents, à échéance de quelques heures ou moins50. La sélection des tronçons soumis réglementairement à la vigilance crues est le résultat d'un croisement entre faisabilité technique et importance des enjeux. C'est d'ailleurs pour cela qu'en dépit de la petite taille du bassin (229 km2), la Nivelle en aval de Saint-Pée-Sur-Nivelle a été retenue par le préfet coordinateur de bassin parmi les cours d'eau surveillés. Mais, de fait, ce choix répond à une autre condition, à savoir l'existence d'un délai d'anticipation de deux ou trois heures entre la certitude de l'éÎnement et le déclenchement de l'alerte. Sont donc exclus par principe les phénomènes à cinétique « très » rapide. En tout état de cause, du fait que l'État n'intervient que sur des cours d'eau ou des portions de cours d'eau, limitativement énumérés, se trouve exclue une importante partie vulnérable du territoire où les aléas météorologiques sont à cinétique rapide. En résumé, un éÎnement pluvio-orageux intense a les plus grandes chances d'échapper aussi bien à la vigilance météorologique qui fonctionne avec une maille territoriale trop large qu'à la vigilance hydrologique qui traite des linéaires : « l'ensemble des phénomènes de crues torrentielles localisées et de ruissellement urbain n'entrent pas dans le périmètre de l'Etat » peut-on lire sur le site Internet du ministère. 50 Les organisateurs de grandes compétitions en particulier sportives demandent de telles prestations et les payent. Elles ne sont pas incluses dans la procédure de vigilance. Les intempéries survenues dans les Pyrénées-Atlantiques le 4 mai 2007 22 II 3 LES TECHNIQUES PERMETTENT AUJOURD'HUI D'ANTICIPER CE TYPE D'EVENEMENT, MAIS DANS CERTAINES CONDITIONS II 3 1 Le progrès en matière de suivi des phénomènes météorologiques Le radar51 est un outil de détection indirect par la mesure du rayonnement électromagnétique réfléchi sur les gouttelettes. L'imagerie radar permet depuis les années 90 de suivre le déplacement des phénomènes orageux et de faire des prévisions qualitatives. Le réseau de radars météorologiques (ARAMIS) co-financé par le MEDAD et exploité par Météo - France couvre en 2007 tout le territoire national, 52l'un des derniers installés en 2006 étant précisément le radar de Momuy dans le département des Landes qui couvre le bassin de l'Adour/Nivelle. Les images radar brutes rafraîchies toutes les minutes doivent être « calibrées » pour devenir exploitables. Le calibrage est l'opération qui permet de traduire l'écho radar en intensités de précipitations, en s'affranchissant de la dérive des ondes radio, des déformations dues aux obstacles physiques, à la taille des gouttelettes. Il existe deux méthodes de calibrage : La méthode CALAMAR développée53 par la société Rhéa consiste à associer en temps réel54 l'image radar brute avec des observations de pluviographes de la zone de l'image. Elle n'est donc disponible que là où ont été installés des pluviographes raccordés à la centrale de calcul. La méthode PANTHERE55, en service depuis peu, s'appuie sur le réseau de pluviographes de Météo-France (RADOME, 1500 pluviographes...) pour calibrer périodiquement l'image radar. Cette imagerie est disponible en France métropolitaine. - Les images radar sont rafraîchies et calibrées avec des pas de temps variables selon les méthodes ; elles ont la précision géographique de la taille des pixels des images brutes (actuellement de l'ordre du km2). L'imagerie permet d'anticiper les éÎnements, les observations au sol restant cependant incontournables : L'implantation et l'utilisation des pluviographes répondent en particulier au souci de permettre un calage (et recalage permanent) des radars météo, afin de tirer le plus grand avantage des progrès de l'imagerie radar calibrée, qu'autorise une bonne complémentarité entre les SPC et les services de Météo-France. Certains systèmes locaux les utilisent dans les dispositifs d'alerte56. dont ils se sont dotés. La politique nationale conduite conjointement par la Direction de l'eau et Météo-France en matière 51 52 Pour "radio detection and ranging". Radar, acronyme, devrait être écrit en caractère majuscule. Il faut pointer certains radars (comme celui de la Martinique) encore aujourd'hui a moitié aveugle. 53 Elle a été développée au SAC du Gard pour les averses méditerranéennes avec des marchés d'étude du MEDD / DPPR. Elle était opérationnelle pour l'éÎnement de 1999. Elle est opérationnelle depuis 1992 en Seine-SaintDenis au service de l'assainissement pluvial. 54 Toutes les 5 minutes. 55 Le système PANTHERE ajuste en temps réel la lame d'eau radar sur les cumuls de précipitations mesurés par les pluviomètres dans un rayon de 100 km autour du radar. L'information est compétée par un indice de qualité. 56 Ce point sera rediscuté en dernière partie, lorsqu'il sera question de l'efficacité et du développement de tes systèmes. Les intempéries survenues dans les Pyrénées-Atlantiques le 4 mai 2007 23 d'implantation de pluviomètres consiste non pas à accroître indéfiniment la densité du réseau qu'ils constituent, mais à l'optimiser afin de satisfaire les besoins des différents usagers. Les limnigraphes permettent de reconstituer la totalité de l'éÎnement hydrométéorologique (débits, volumes), de tracer les lignes d'eau, de suivre les ondes de crue et surtout de caractériser l'éÎnement dans sa globalité. (voir plus loin). Ils sont incontournables pour la prévision des crues lentes. Deux exemples étudiés par la mission, mais il y en a bien d'autres, illustrent l'évolution des savoir-faire : La société PREDICT Services (appelée dans ce qui suit PREDICT) , filiale de BRL, MétéoFrance et INFOTERRA57 se met à la disposition des collectivités locales pour les aider à anticiper le risque inondation. Exploitant les informations produites et transmises par l'État (imagerie radar, prévisions de Météo-France, et réseaux d'observations SPC-SCHAPI), elle propose à ses clients deux services qu'elle ne dissocie pas : la préparation à la crise et l'assistance à l'élaboration des plans communaux de sauvegarde, l'assistance à la gestion de crise et au suivi en temps réel des précipitations. Le syndicat mixte de rivière du bassin du Thoré (81), syndicat à vocation multiple « classique » exerçant entre autres la maîtrise d'ouvrage du PAPI et l'animation du SAGE , a mis en place, en coopération étroite avec le SPC Garonne, un système d'annonce de crues de la rivière Thoré. Ce service couvre une dizaine de communes (cf annexe III) et utilise les moyens classiques de l'annonce des crues tels que les observations pluviométriques et limnimétriques en temps réel. Ces informations sont transmises aux maires, ce que les anciens services d'annonce de crues de l'Etat n'avaient pas « le droit » de faire en temps de crise 58. D'autres collectivités, Nîmes, Marseille, Bordeaux, ... ont des services répondant aux mêmes objectifs. Pour différents qu'ils soient, tous ces systèmes relèvent d'une même philosophie. Ils ont la particularité : d'être très réactifs car construits autour de circuits d'alerte courts, d'être en prise sur le local, le maire apparaissant comme le décideur et le destinataire des informations, d'articuler l'alerte avec des conduites prédéfinies, consignées dans le plan communal de sauvegarde. 57 58 Filiale EADS. On a vu les limites de ce droit en particulier à Collias (30) en 2002 où ces informations « off » ont sauÎ bien des vies. Les intempéries survenues dans les Pyrénées-Atlantiques le 4 mai 2007 24 II 3 2 L'utilisation des informations radar a néanmoins des limites Les développements qui précèdent ne doivent pas laisser croire que tout soit désormais possible pour les éÎnements à cinétique rapide. Il existe au moins trois limitations : la fiabilité n'est pas totale. D'une manière générale, il existe des zones d'ombre en particulier crées par le relief, ou des défauts de lisibilité liés à une insuffisance du calibrage 59. Par ailleurs, comme au tout début des radars60 « on peut avoir un écho très fort sans qu'il ne se passe rien ». la technique radar n'autorise qu'une faible anticipation61. La technique radar permet de suivre l'éÎnement en train de se produire et de comprendre avec une légère avance où la pluie va tomber et avec quelle intensité. L'anticipation dépasse rarement une heure, et se limite plus souvent à quelques dizaines de minutes. Mais ces quelques minutes peuvent être cruciales pour la mise en sécurité des personnes. De façon symptomatique, la société PREDICT ne fait pas de la prévision, mais de l'assistance personnalisée à l'alerte. Plus l'anticipation est brève, plus la gestion de l'éÎnement doit être opérationnelle. L'alerte n'a d'intérêt que si elle débouche sur un ensemble de conduites à tenir, préalablement défini et planifié. Une alerte mal préparée pourrait avoir de lourdes conséquences. elle suppose une mobilisation de moyens spécifiques. Par exemple, l'organisation de PREDICT donne une idée des moyens à mobiliser en temps de crise. Il a été rapporté à la mission que les maires sous contrat appellent fréquemment la société au téléphone en lui demandant des informations complémentaires dès que le niveau de vigilance météo augmente. Ils reçoivent un accueil personnalisé. La direction de PREDICT estime que l'équipe actuelle de 7 agents, tous mobilisés en cas de crise, a la capacité de gérer les relations avec une centaine de collectivités sur les 800 communes inondables que compte la région Languedoc-Roussillon62. Lors de la crise des 4 et 5 octobre 2007, limitée géographiquement, PREDICT a dû traiter 600 appels téléphoniques, dont une majorité d'appels entrants. L'ordre de grandeur du personnel souvent qualifié, voire très qualifié, en fonction des responsabilités exercées, pour couvrir les seules communes vulnérables de la région Languedoc-Roussillon serait vraisemblablement de l'ordre de 60 personnes, qu'il faudrait aussi occuper hors temps de crise. 59 60 Le calibrage était mensuel dans le système HYDRAM jusqu'a la catastrophe de 2002. Voir les travaux de l'ingénieur général de l'air COLIN dans les années 60 sur l'élimination des ces artefacts dans la reconnaissance aérienne. 61 Des développements sont en cours pour anticiper l'évolution de la lame d'eau (AROME, mais aussi études dans le cadre de projets européens). 62 Parce que toutes communes abonnées sont réparties et ne sont pas toutes concernées par le même éÎnement. On peut se poser la question de savoir si la société pourra être aussi réactive dans le cas d'un éÎnement qui se généralise. Le retour d'expérience des crues du Gard rapporte que, parce que des n° de téléphone confidentiels avaient été communiqués à la presse, les standards de la préfecture et du COD avaient sauté et que les communications ne restaient possibles qu'à partir des liaisons radio du CODIS. Les intempéries survenues dans les Pyrénées-Atlantiques le 4 mai 2007 25 II 4 L'EXERCICE EFFICACE DE LA VIGILANCE FACE AUX PHENOMENES A CINETIQUE RAPIDE SUPPOSE UN CHANGEMENT D'APPROCHE Il ne serait pas exact de dire que les phénomènes à cinétique rapide sont actuellement complètement exclus, au-delà d'un certain « seuil », de la procédure de vigilance inondation. Mais ce seuil porte la marque d'une époque où la limitation des moyens techniques disponibles conduisait à freiner les ambitions en termes d'anticipation des éÏnements et de l'alerte aux populations. Les circuits d'information et d'alerte apparaissent bien compliqués. Les textes actuels63 encadrent et limitent les compétences réglementaires de l'État et les schémas directeurs de prévision des crues excluent de leurs sphères les phénomènes « trop » brusques ou « trop » localisés, cette restriction, rappelons-le, étant étroitement liée à la conception actuelle de la chaîne d'alerte qui fait intervenir de multiples services. En cas de catastrophe cependant, ce rempart pourrait se réÎler juridiquement et politiquement fragile. A partir du moment où des techniques et des savoirs-faire se développent, autorisant une plus grande anticipation de l'alerte aux populations, il est certain que les pouvoirs publics ne peuvent plus faire l'impasse sur cette question. Les autorités de police, maire et préfet, ayant toutes deux le devoir de veiller à la sécurité des populations, on n'évitera pas les actions en recherche de responsabilité, en cas de catastrophes impliquant des pertes de vies humaines64. On notera au passage que la récente circulaire DRAST-DDSC relative à la vigilance et à l'alerte météorologiques qui n'est pas d'ordre réglementaire, dans la mesure où elle attribue au préfet la responsabilité du suivi des phénomènes orageux intenses, remet en cause, de façon implicite, le principe réglementaire selon lequel la prévision des crues rapides échappe à la compétence de l'État65. Politiquement, la distinction entre linéaires surveillés et non surveillés (en gros entre l'aval et l'amont des bassins) est mal perçue; les communes n'appartenant pas au système de vigilance de l'État, qui sont, en général, parmi les plus vulnérables aux phénomènes rapides, les moins riches et les moins peuplées, ne comprennent pas toujours pourquoi elles en sont exclues. L'intégration dans les procédures de vigilance des phénomènes orageux intenses implique un double changement d'échelle : le passage du linéaire au « surfacique » : la vigilance ne se limitant plus à des portions de rivière, mais intégrant tout le bassin. Ainsi dans le cas de Saint-Pée-Sur-Nivelle, elle intéresserait le ruisseau de Sare ou l'Ametzpetou, etc. la suppression de toute référence technique à la notion de durée et de possibilité d'anticipation de l'éÎnement pour permettre l'alerte en particulier sur les petits bassins66. La commune de Saint-Geniès-de-Malgoirès dans le Gard connaît des - 63 Articles L 564 du code de l'environnement et décret n° 2005-28 du 12 janvier 2005 pris pour l'application des articles L. 564-1, L. 564-2 et L. 564-3 du code de l'environnement et relatif à la surveillance et à la prévision des crues ainsi qu'à la transmission de l'information sur les crues. 64 La jurisprudence constante en la matière exonère l'État de toute responsabilité en cas de défaut d'alerte. 65 Il a été objecté à la mission que cette circulaire ne différait de l'ancienne qu'en ce qu'elle mentionnait la nouvelle vigilance pluie-inondation, et ne modifiait en rien la responsabilité du représentant de l'État. Mais alors, fallait-il 12 pages (47 avec les annexes) pour cela ? Et ne lit-on pas dans cette même circulaire qu'en cas de situation orange ou rouge, le préfet doit rentrer en contact avec le CDM et/ou le CMIR, et mettre en place une organisation de veille ? 66 Pour les plus petits bassins cependant, on touche aux limites de l'art de l'ingénieur. Les intempéries survenues dans les Pyrénées-Atlantiques le 4 mai 2007 26 phénomènes paroxystiques (2002, 2005) sans doute depuis toujours. Or, le bassin versant qui l'intéresse a une surface de 14 km2. La circulaire DRAST / DDSC, déjà évoquée, relative à la procédure d'alerte et de vigilance météorologiques, qui se fonde sur les retours d'expérience des éÎnements de l'Aude de 1999, du Gard67 de 2002 et de la Nivelle 68 semble vouloir faire « entrer de force » la problématique nouvelle dans l'ancienne procédure, sans se résoudre à la reconsidérer plus fondamentalement. Certes, elle marque un progrès en ce qu'elle intègre les situations de fortes précipitations dans les schémas de vigilance et qu'elle perfectionne les liaisons entre les trois « filières » : météorologie, hydrologie et sécurité civile. Le nouveau schéma de liaison explicite le niveau des interlocuteurs et précise, sous la forme d'une « matrice », les circonstances dans lesquelles ils doivent entrer en relation les uns avec les autres. Mais, pour d'autres aspects, ce texte reste en chemin. La création d'un concept fédérateur de « pluie-inondation », commun aux deux systèmes de vigilance, en remplacement de la notion de « fortes précipitations », paraît quelque peu artificielle dans la mesure où il est immédiatement précisé que cette situation peut correspondre, selon les cas, soit à des situations de fortes précipitations sans crue associée, soit à de fortes précipitations associées à des crues, soit à des situations de crues exclusives. Et, de fait, la réforme continue de faire coexister deux régimes entièrement séparés, l'un pour la vigilance crue et l'autre pour la vigilance météo. Mais surtout, elle confie aux préfets une responsabilité dont on peut douter qu'ils soient en mesure de l'exercer : il leur est en effet demandé, en cas de mise en vigilance orange, de se mettre systématiquement en contact avec Météo-France pour « affiner la chronologie et la localisation des phénomènes météorologiques attendus ». Nous avons vu que ces phénomènes sont extrêmement évolutifs, que leur compréhension demande des compétences techniques et surtout qu'il faut des moyens humains considérables pour ensuite relayer l'alerte jusqu'au niveau des communes, qui sont les principales concernées par ce genre d'éÎnement. En effet, l'alerte n'est pas un acte simple et la situation peut évoluer très vite. Les SPC sont laissés en marge du dispositif. Quant aux préfectures, elles ne disposent plus, ou de moins en moins, de l'expertise locale pour faire face à ce genre d'éÎnement. Ce texte, s'il a le mérite de poser le problème, n'apporte pas de solution à la hauteur des enjeux et présente le défaut majeur de faire l'impasse sur les moyens à mettre en oeuvre et de continuer de faire reposer sur le seul préfet le déclenchement de l'alerte. Sans, encore une fois, exciper du seul cas particulier du SPC Adour, la mission est d'avis qu'il faut s'orienter, en mettant à profit l'actuelle révision générale des politiques publiques, vers une ré-ingénierie complète du système de prévision des crues en lui fixant de nouveaux objectifs et en traçant une ligne de partage claire entre l'État et les collectivités territoriales, ce que les SPC, dont ce serait pourtant la vocation, peinent à faire. 67 68 L'un des missionnés, coauteur de ces rapports n'y retrouve pas les fondements de ce texte. Nous avons vu que la chaîne d'alerte a été coupée. Il est difficile de tirer des éléments de politique générale d'un artefact . Les intempéries survenues dans les Pyrénées-Atlantiques le 4 mai 2007 27 II 5 IL FAUT ETABLIR UNE LIGNE DE PARTAGE CLAIRE ENTRE LES RESPONSABILITES EXERCEES PAR L'ÉTAT, LES COLLECTIVITES TERRITORIALES ET LES AUTRES ACTEURS Une éventuelle prise en compte des phénomènes de fortes précipitations par le dispositif public de prévision de crues pose inévitablement la question de la répartition des tâches entre l'État, les collectivités territoriales et les autres acteurs publics et priÎs. Deux principes paraissent ici s'opposer. D'un côté, on peut être tenté de mettre en avant la responsabilité des communes, puisqu'il s'agit de phénomènes essentiellement locaux. Les maires sont les seuls à avoir une connaissance fine des aléas et des enjeux. Ils sont les mieux placés pour agir dans l'urgence. Les circuits d'alerte doivent être les plus courts possibles de façon à éviter toute perte de temps. Le schéma directeur de prévision des crues du bassin Adour l'admet volontiers: « sur les bassins rapides, l'alerte et la prévision sont délicates et difficiles. L'intensité et la rapidité de l'éÎnement ne sont pas compatibles avec le fonctionnement de la chaîne d'alerte de l'État. Des systèmes locaux auraient une plus grande efficacité ». Les éÏnements pluviaux du 6 au 9 septembre 200569 comme ceux de septembre 2007 dans le Gard et dans l'Hérault illustrent parfaitement ce point. Il est développé plus loin. D'un autre côté, il est vrai que l'État a eu tendance à se réserver, dans le cadre de la décentralisation, la compétence en matière de prévention et de gestion des risques naturels. C'est l'une des lignes de force qui se dégage du processus de redistribution des compétences à l'oeuvre actuellement. En matière de prévention, la compétence pour l'élaboration des PPR est clairement attribuée à l'Etat par le décret du 5 octobre 199570. Pour ce qui est de la gestion de crise, la loi de modernisation de la sécurité civile du 13 août 2004 est venue rappeler un principe déjà connu, selon lequel : « en cas de sinistre ou catastrophe dont les conséquences peuvent dépasser les limites ou les capacités d'une commune..., le représentant de l'État dans le département assure la direction des opérations de secours... ». Il est tout aussi clair que le déclenchement de l'alerte fait partie des dispositions prises et arrêtées par le préfet lui-même. À ces deux principes, il faut ajouter le principe de réalisme : il a été dit plus haut que l'intégration des phénomènes de fortes précipitations dans les schémas de prévision nécessiterait des moyens considérables. Ces moyens, l'État ne les possède pas et il aurait même du mal à les trouver par voie de redéploiement : il est patent qu'on assiste depuis des années à une lente dégradation des capacités d'expertise technique de l'Etat. La connaissance du terrain s'érode avec la décentralisation et le déclin de l'ingénierie publique. Or, à partir du moment où l'État se donne une mission, il doit se donner les moyens de l'accomplir jusqu'au bout. Il ne peut pas tout faire, mais ce qu'il fait, il doit le faire irréprochablement. 69 Voir le rapport IGE du 26 septembre 2005 sur le retour d'expérience sur la vigilance crue et son intégration dans le dispositif de crise lors de ces éÏnements, dont l'un des missionnés est le coauteur. 70 Les parlementaires ont aussi refusé par la suite et à plusieurs reprises que les communes disent le risque. Les intempéries survenues dans les Pyrénées-Atlantiques le 4 mai 2007 28 Il faut donc trouver de nouveaux équilibres entre ces principes contradictoires et la mission s'efforce de contribuer à la réflexion par les pistes qu'elle propose dans la 3ème partie de ce rapport. Elle insiste sur un point à ses yeux fondamental : quelle que soit la ligne de partage adoptée, celle-ci doit être claire et sans équivoque. On doit savoir exactement qui fait quoi. Dans le système actuel de prévision de crues, la responsabilité de l'Etat est définie de façon arbitraire, mais la règle a le mérite d'être claire. Le nouveau régime qui viendrait à lui succéder ne doit pas l'être moins. L'État doit doter ses services de moyens adaptés, en quantité comme en qualité, aux missions qu'il leur confie. Les intempéries survenues dans les Pyrénées-Atlantiques le 4 mai 2007 29 III LES PROPOSITIONS POUR L'AVENIR III 1 LES LIMITES DU DISPOSITIF ACTUEL DE VIGILANCE ET DE GESTION DE CRISE III 1 1 Une chaîne faisant appel à des compétences variées La réduction de la vulnérabilité des populations et des biens est une chaîne dont chaque maillon fait intervenir des compétences issues très généralement de sciences et techniques « dures ». La prévention regroupe en effet des métiers voisins voire identiques : La prévision est le fait d'hydrologues71, et de prévisionnistes (météorologie 72), La mitigation73 o pour la partie prévention, est essentiellement le fait d'hydrauliciens74 et d'urbanistes, o pour la partie aménagement, d'ingénieurs hydrologues, hydrauliciens, génie civilistes, etc. La gestion de la crise n'a très généralement d'incidence ni sur la réduction de la vulnérabilité ni sur les aléas. Elle est le fait de métiers d'organisation issus de « sciences molles » où sont recherchés des qualités managériales spécifiques, rencontrées dans des services opérationnels comme la police, la gendarmerie, l'armée, voire les associations comme la Croix Rouge ou la protection civile. Ainsi un colloque international qui s'est tenu fin 2007, a-t-il eu pour thème « la prévention et la gestion des crises. Deux métiers différents. ». La liaison entre le maillon « prévention » et le maillon « gestion de la crise » c'est-à-dire l'alerte aux populations reÐt une importance stratégique particulière dans le cas des crues à cinétique rapide (averses intenses). Faute d'une bonne synergie entre ces deux maillons de la chaîne, le risque est grand : de mettre le préfet en difficulté pour anticiper et suivre les éÏnements afin d'intervenir à bon escient, de nuire à l'efficacité des services en charge de la prévision et de la vigilance, de pouvoir laisser les communes désarmées en face d'éÏnements évoluant avec une grande rapidité. 71 Spécialistes du cycle de l'eau sur terre ; la transformation des pluies en débit est une branche de l'hydrologie (hydrométrie, hydrogéologie, etc.). 72 Spécialistes du cycle de l'eau dans l'atmosphère incluse implicitement dans la météorologie. 73 Ou adoucissement des conséquences potentielles. 74 Spécialistes des liquides en mouvement. Les intempéries survenues dans les Pyrénées-Atlantiques le 4 mai 2007 30 III 1 2 Des SPC parfois insuffisamment équipés pour suivre en temps réel l'évolution des éÏnements La réforme des services d'annonce de crues (SAC) a eu notamment pour objectif de concentrer dans un nombre limité de services les compétences requises pour l'exercice de leurs responsabilités. Elle suivait en cela les constatations faites lors des retours d'expérience des dernières catastrophes causées par des éÎnements météorologiques paroxystiques, et en particulier le rapport dit « Lefrou75 ». Ce rapport formulait trois propositions essentielles : - pour les rivières faisant l'objet d'une surveillance par l'État, créer un service hydrométéorologique de prévision et d'annonce de crue à l'échelle régionale ou interrégionale, avec un correspondant départemental, - modifier la chaîne de diffusion de l'information aux maires, en mettant à leur disposition une information facilement accessible et compréhensible, - inciter les communes soumises à des crues rapides de petits bassins versants à se doter de moyens propres de prévision, avec l'aide de bureaux d'études spécialisés, et, le cas échéant, à se regrouper dans des organismes intercommunaux ». Or, des services de prévision de crue ont bien été créés par unités hydrographiques dans toute la France, de même qu'un service central d'hydrométéorologie. Mais on note qu'aucun préfet ne dispose d'un représentant départemental du SPC76. Par ailleurs, plusieurs de ces services présentent une insuffisance de moyens, tant quantitative que qualitative, particulièrement criante dans le cas du SPC Adour. III 1 3 Des circuits d'alerte encore trop longs Les retours d'expérience effectués jusqu'ici ont tous recommandé que soit raccourcie la chaîne d'alerte. Comme on l'a vu dans le cas des éÏnements du Gard, ce sont bien les maires qui sont en première ligne pour donner l'alerte aux populations, prendre les premières mesures de sauvegarde et gérer la crise. Ils sont souvent seuls pour le faire. La vigilance, telle qu'elle est organisée actuellement à l'échelle interdépartementale, ne favorise pas le raccourcissement de la chaîne d'alerte. Certes, les maires ont bien accès en temps réel à la carte de vigilance crues et aux informations qui lui sont associées. Mais d'une part, on a vu qu'en cas d'éÏnements très rapides, la référence à cette carte n'était guère pertinente, d'autre part, on imagine mal des élus locaux en veille permanente sur leur terminal et en mesure d'interpréter correctement les informations transmises. Dans la réalité, les SPC, 75 Les crues des 12, 13 et 14 novembre 1999 dans les départements de l'Aude, de l'Hérault, des PyrénéesOrientales et du Tarn ­ CGPC, CGGREF, IGE, DDSC. 16 octobre 2000. L'un des missionnés est coauteur de ce rapport. 76 Noter cependant le lien fort qui s'est établi entre la préfecture de l'Héraut et l'université de Montpellier, qui a mis à sa disposition une personne compétente pour suivre les phénomènes hydrométéorologiques. Il en a déjà été fait mention dans le cadre des éÎnements de la Nivelle. Les intempéries survenues dans les Pyrénées-Atlantiques le 4 mai 2007 31 qui ne peuvent actuellement pas rentrer directement en contact avec les maires, doivent passer par le relais du préfet de département. Comme il est dit plus haut, une société de services spécialisée de la région LanguedocRoussillon77, propose depuis 2005 dans l'esprit du rapport Lefrou, ses services aux communes vulnérables de la région en utilisant exclusivement les informations de Météo-France disponibles en temps réel. Il les communique d'une manière « simple, graduée et finement localisée » avant la crise ; pendant et, après l'éÏnement, il assiste la commune pour gérer la crise. Ce bureau d'études intervient contractuellement dans des communes situées dans comme au-dehors des bassins où l'Etat fait de la prévision des crues78. Lors des éÎnements du Sud-Est de 2007 ce sont bien les maires, touchés par le même éÎnement météorologique et conseillés par un bureau extérieur, qui se sont organisés pour donner l'alerte aux populations, prendre les premières mesures de sauvegarde et gérer la crise. Ils le font ensemble en temps réel. Lors de l'averse paroxystique de septembre 2007 dans le Gard, « la vigilance » réglementaire est arriÎe à Sommières, Villevielle, ... alors que la crise s'achevait. Le message de vigilance du préfet était alors inutile voire inopportun79. Quant aux systèmes d'alerte locaux, on note avec intérêt qu'il s'agit d'une solution qui tend à se développer, les communes ayant de plus en plus conscience de ce qu'elles ne peuvent tout attendre de l'État. Une mission a été confiée au maire de Nîmes par le Président de la République pour les évaluer et faire des propositions à leur sujet80. III 1 4 Un préfet théoriquement responsable, mais en pratique démuni Trois faiblesses majeures sont à souligner : l'incertitude sur l'étendue des responsabilités du préfet au-delà des cas réglementairement prévus, un usage insuffisant des cartes de vigilance et des bulletins de suivi, des relations trop distendues entre les services de la préfecture et le SPC, l'incapacité dans laquelle est placé le préfet d'apprécier les risques encourus pour les personnes et les biens, et de se préparer à gérer la crise au mieux. L'étendue du champ de compétence de l'État : Ce que disent les textes : Le préfet de département a la charge de l'ordre public, de la sécurité et de la protection des populations81. 77 Voir le rapport IGE du 26 septembre 2005 sur le retour d'expérience sur la vigilance crue et son intégration dans le dispositif de crise lors des éÏnements pluviaux du 6 au 9 septembre 2005 dans le Gard et l'Hérault. 78 Il est impossible de ne pas citer les communes de Sommières (bassin du Vidourle) et surtout de Collias (Basin du Gardon) où en 2002 la maire a été en liaison constante avec le SPC du Gard qui lui a fourni « off » les prévisions qui l'ont inciter à faire d'évacuer et ont permis, sans équivoque, de sauver une dizaine de famille. 79 Tel a été le cas dans la quasi-totalité des éÎnements météorologiques rapides depuis 1999. 80 Une mission sur le même thème a été confiée aux inspections IGE et CGPC pour étudier les moyens existants pour gérer les phénomènes de ruissellement urbain et faire des propositions en termes de moyens. 81 Article 11 du décret n°2004-374 du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'Etat dans les régions et départements. Les intempéries survenues dans les Pyrénées-Atlantiques le 4 mai 2007 32 L'alerte est déclenchée sous l'autorité du préfet du département82 et ceci fait partie de dispositions prises et arrêtées par le préfet lui-même dans les SDPC83. Or, l'État a sélectionné les cours d'eau sur les quels il s'engageait à faire la prévision des crues en fonction de critères parmi lesquels figure la possibilité pour le préfet de déclencher l'alerte auprès des maires en temps utile. Pour le reste, la responsabilité de l'État et de son représentant local est claire mais peut être matière à contestation. Ainsi, là où il ne s'est pas engagé, et particulièrement dans le cas des éÎnements à cinétique rapide, la dernière disposition rappelée plus haut est inadéquate voire dangereuse et dans les faits ­ quoi qu'en dise la loi ­ ce sont les maires, quand ils s'y sont préparés, qui déclenchent l'alerte et qui souvent, n'en informent que « plus tard » le préfet. S'agissant des averses du Gard de septembre 2007, la question de la responsabilité éventuelle du préfet aurait pu être posée, dans le cas où une commune bénéficiaire des seuls services du SPC aurait connu des victimes, faute d'alerte précise, tandis qu'une commune limitrophe bénéficiant aussi d'un service d'accompagnement n'en aurait pas eu (voir plus haut). Les difficultés d'accès aux informations en temps réel, l'absence d'un diagnostic intégré : Face à un éÎnement à cinétique rapide, le préfet dispose de la carte de vigilance crues et des bulletins associés auxquels s'ajoute désormais le diagnostic intégré pluie-inondation, ainsi que des contacts qu'il peut avoir avec le SPC. Son niveau d'information est donc totalement dépendant de cette chaîne amont, dont on a vu qu'elle avait du mal à fonctionner en cas d'éÏnements très rapides. Cette situation est d'autant plus préoccupante que c'est sous l'autorité du préfet que devrait être décidé le déclenchement de l'alerte. De plus, il n'a pas les moyens d'évaluer les risques potentiels parce qu'il peut ne pas avoir une vision globale des dispositions de sauvegarde arrêtées par les maires. Or, si toutes ces informations existent, il n'en dispose généralement pas en temps réel ; de plus même s'il en disposait, il n'aurait pas auprès de lui les compétences nécessaires à une prise de décision. En fait, dans le cas des éÎnements rapides, les retours d'expérience montrent que les préfets sont intervenus pendant ou après la crise, informés par des circuits dégradés. Dans le cas de la Nivelle en particulier, le préfet a été informé de la gravité de la situation par la DDSC (Paris)84. L'incapacité dans laquelle se trouve le préfet de gérer la crise de manière efficace : La direction des opérations de secours repose sur le maire au titre de ses pouvoirs de police 85. Dans ce cadre, le maire a la responsabilité de prendre les mesures nécessaires pour alerter les habitants et de "faire cesser les accidents et fléaux, tels que les incendies, les inondations, les 82 La circulaire interministérielle du 27 février 1984 portant réorganisation de l'annonce des crues et de la transmission des avis de crues en fait un principe. 83 Dans les schémas directeurs de prévision des crues. Par exemple celui du bassin de l `Adour arrêté par le préfet coordonnateur de bassin le 8 août 2005, page 37 au 2.4. 84 En lui demandant le nombre d'hélicoptères dont il avait besoin. 85 Articles L. 2211-1 et L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales. Les intempéries survenues dans les Pyrénées-Atlantiques le 4 mai 2007 33 éboulements de terre, les pollutions diverses...". Il lui appartient alors de diriger les secours et de rendre compte de son action au préfet. Le préfet, de son côté, peut être amené à prendre la direction des opérations dans des cas bien précis : « si le maire ne maîtrise plus la crise, ou fait appel à lui, - si le maire s'est abstenu de prendre les mesures nécessaires et après mise en demeure, - lorsque le problème concerne plusieurs communes, - lorsque l'éÎnement entraîne le déclenchement d'un plan départemental de secours. » Dans les faits, la responsabilité de la majorité des « services opérationnels » en matière de voirie, pompiers, énergie, réseaux, télétransmission, etc. est passée hors du champ des services de l'Etat et de son représentant dans le département. On doit donc se demander si ces dispositions, qui étaient réalistes au temps, pas si lointain, où les services de l'État concentraient toute l'information nécessaire et suffisante pour le faire et où ces mêmes services étaient impliqués dans un certain nombre de documents aujourd'hui devenus les PCS, sont encore opportunes aujourd'hui en particulier en cas d'éÏnements très rapides. III 2 DES PRINCIPES VALABLES QUEL QUE SOIT LE SCÉNARIO D'ORGANISATION DES SERVICES La mission est tombée d'accord pour estimer qu'un certain nombre de principes ou de lignes directrices devaient être très fortement réaffirmés ­ et leurs conséquences intégralement tirées ­ car ils constituent à ses yeux le socle de toute réforme, et le préalable indispensable à la clarification des responsabilités entre l'État, les collectivités territoriales et les autres acteurs. Ils concernent le recueil et la diffusion des informations hydro-météorologiques, la prévention par la maîtrise de l'urbanisation, l'élaboration des mesures de sauvegarde. III 2 1 La mise à disposition gratuite par l'État des observations hydrométéorologiques Ce principe n'est pas vraiment nouveau puisqu'il est déjà largement inscrit dans les textes mais sa mise en oeuvre connaît de multiples restrictions et laisse globalement à désirer. En effet, l'article L 564-2 du code de l'environnement énonce que « les collectivités territoriales ou leurs groupements peuvent accéder gratuitement, pour les besoins du fonctionnement de leurs systèmes de surveillance, aux données recueillies et aux prévisions élaborées grâce aux dispositifs de surveillance mis en place par l'État, ses établissements publics et les exploitants d'ouvrages hydrauliques. » Le décret d'application de cette disposition vient d'être publié au JO. Par ailleurs, l'article 6 du décret 2005-28 du 12 juillet 2005, précise qu'un règlement relatif à la surveillance et à la prévision des crues et à la transmission de l'information sur les crues, Les intempéries survenues dans les Pyrénées-Atlantiques le 4 mai 2007 34 élaboré pour chaque bassin « détermine les informations recueillies et les prévisions élaborées grâce aux dispositifs de surveillance mis en place par l'État, ses établissements publics et les exploitants d'ouvrages hydrauliques auxquelles les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent accéder gratuitement pour les besoins du fonctionnement de leurs systèmes de surveillance, ainsi que les modalités techniques de mise à disposition et la fréquence d'actualisation de ces informations ... ». Or la mission a pu constater que si la fourniture des images radar calibrées de Météo-France aux services de l'Etat était réglée par convention, la mise de ces mêmes images à la disposition des collectivités était payante86 à l'exception de celles qui sont inscrites dans les règlements de surveillance, de prévision et de transmission de l'information sur les crues (RIC), qui bénéficient gratuitement des données utiles à leur activité de suivi des crues, dont les données radar. Les opérateurs priÎs n'échappent pas à la règle (même quand ils sont, comme PREDICT, filiale de Météo-France). Les RIC comme celui du SPC du bassin de l'Adour 87 spécifient bien que l'imagerie radar fait partie des « informations nécessaires au fonctionnement des dispositifs de surveillance, de prévision et de transmission de l'information sur les crues ». Cette disposition résulte directement de la convention cadre DE-MF. Mais d'une part, elle ne vise que les collectivités territoriales ou leurs groupements, listés dans un SDPC ou un RIC, et ne paraît pas inclure l'ensemble des produits appropriés (telle l'imagerie satellitaire) ; d'autre part, elle paraît appliquée de manière assez restrictive 88, sans que la mission ait pu trancher sur ce point de manière définitive. Ce principe de gratuité doit s'appliquer non seulement aux images radar (images immédiatement exploitables, donc calibrées selon les dernières techniques disponibles), mais aussi : à toutes les données hydrométriques recueillies par le réseau de mesure dépendant de l'ONEMA (actuellement seules les observations pluviométriques et limnimétriques recueillies par les stations d'alerte dites « réglementaires » sont disponibles en temps réel ; la mise à disposition de celles recueillies sur les stations dites « d'observation » est encore inégale et devrait l'être prochainement), aux observations de nature historique, effectuées par les services quel que soit leur lieu et leur mode de conservation. - Il est à noter que les images radars calibrées de pays limitrophes (Espagne, Italie, Suisse, Royaume Uni, ...) sont accessibles sur Internet gratuitement et en temps réel. Ces images sont d'ailleurs fréquemment exploitées par des bureaux d'étude français qui en ont l'usage. La mission est consciente que ce principe de gratuité est de nature à modifier le régime de financement d'un établissement public, doté de l'autonomie budgétaire, comme Météo86 La question ne se pose en revanche pas pour les images calibrées par le système CALAMAR, d'une part, parce que le logiciel développé parla société RHEA pour la DPPR est gratuit, et d'autre part parce que le logiciel doit être adapté à une zone géographique où les pluviomètres permettent de calibrer l'image radar. CALAMAR est aussi utilisé par des collectivités locales importantes. 87 A l'article 3 4-4-1. 88 Certes, la réglementation (loi CADA, transposition de la directive sur les données publiques,...) prévoit un accès gratuit aux données produites par les services de l'État pour des missions relevant du service public. Ce qui peut être facturé aux utilisateurs n'est pas la donnée, mais le service de mise à disposition, sauf cas conventionnel précis. Tel est le cas si un bassin non réglementaire est introduit dans le SDPC. Les intempéries survenues dans les Pyrénées-Atlantiques le 4 mai 2007 35 France. Mais elle estime cette réforme tout à fait fondamentale pour un nouveau partage des rôles entre l'État et les autres acteurs responsables de la gestion du risque inondation. Elle n'exclut pas, comme on le verra plus loin, que cet engagement accru de l'État au stade de l'observation des phénomènes hydrométéorologique soit compensé par engagement moindre au stade de la prévision des éÎnements météorologiques intenses, prévision pour laquelle les collectivités territoriales paraissent tout aussi bien, sinon mieux, qualifiées encore que les services de l'aviation civile en particulier en ont un besoin absolu. La mission suggère que les termes de l'article L.564-2 du code de l'environnement soient strictement respectés et que l'accès aux données recueillies et aux prévisions élaborées grâce aux dispositifs de surveillance mis en place par l'État, ses établissements publics et les exploitants d'ouvrages hydrauliques soit effectivement gratuit. Les dispositions du 4 de l'article 6 du décret sus-visées n'intéresseraient plus que les modalités techniques de mise à disposition de ces informations. Plus généralement dans le domaine des risques directement liés à l'eau, la mission suggère que l'Etat se recentre à terme principalement sur les observations « interprétées » et leur mise à disposition. La mission n'était pas mandatée pour explorer l'organisation même des services chargés de produire ces observations. Elle se borne à constater que l'existence d'une double filière ­ météorologique d'une part et hydrologique d'autre part ­ est une source supplémentaire de complexité. Il est plus que vraisemblable que cette dualité est à l'origine de surcoûts, et qu'elle constitue un frein au développement des recherches tendant à représenter le cycle de l'eau dans son intégralité. La question mérite d'être étudiée et approfondie en tant que telle, dans une logique d'optimisation de la dépense publique. III 2 2 L'État, compétent pour dire le risque et en tirer les conséquences89. Comme il a été rappelé plus haut, l'élaboration des plans de prévention des risques naturels relève de l'État. C'est le préfet de département qui est chargé de déterminer les zones exposées au risque inondation et devant par conséquent faire l'objet de mesures restrictives, voire d'interdictions en matière d'urbanisation (décret du 5 octobre 1995). Ce rôle essentiel de l'État doit non seulement continuer à s'exercer, mais être renforcé. Nombre de rapports antérieurs à celui-ci ont regretté la lenteur d'élaboration des PPRi, la faiblesse parfois de leurs dispositions, le manque de rigueur dans le suivi de leur application ainsi que l'absence de contrôle du respect des dispositions dont ils s'accompagnent souvent. L'exercice de cette mission de prévention se heurte, dans le cas des éÏnements rapides, à une difficulté particulière tenant à la détermination de « l'aléa de référence », c'est-à-dire de l'éÎnement naturel dont l'ampleur sert de référence pour définir les zones susceptibles d'être touchées et les risques courus par les personnes et les biens. Avant la création de Météo-France, l'Observatoire de Paris était chargé de rassembler, d'exploiter et de conserver toutes les observations climatologiques. Pour de multiples raisons90, les archives de l'Observatoire de Paris sont loin d'avoir été toutes numérisées91 et 89 On se reportera au rapport IGA, CGPC, CGGREF, IGE août 2006 sur « les inondations et submersions de la Bièvre » disponible à l'adresse suivante : http://publications.ecologie.gouv.fr/publications/spip.php?article158. 90 Certaines ont été stockées dans des forts dont l'accès est encore interdit (amiante). Les intempéries survenues dans les Pyrénées-Atlantiques le 4 mai 2007 36 exploitées. Or, le fond de l'Observatoire de Paris est riche92, et il existe beaucoup de séries d'observations, souvent longues (150 ans et plus)93. Pour les orages et les ruissellements qui nous intéressent, il faut dépasser l'estimation ponctuelle. Or ce n'est que depuis quelques années que les images radar calibrées permettent de disposer d'informations sur l'extension spatiale et l'hétérogénéité des éÎnements. Dans ces conditions, il importe de connaître le plus précisément possible les isohyètes des éÎnements orageux antérieurs, c'est à dire d'apprécier les superficies intéressées par des éÎnements pluvieux de X mm ayant concerné Y km² dans une région donnée. Cela nécessite une recherche documentaire et historique. Ces recherches sont en cours dans certains départements. D'autres les ont entreprises et acheÎes comme celui de l'Ardèche. Des règles ont été fixées au niveau national pour déterminer les différents types d'aléas de référence à prendre en compte ; pour les PPRi, par exemple, la crue de référence est la plus forte crue connue et, dans le cas où celle-ci serait plus faible qu'une crue de fréquence centennale, cette dernière94. Le concept d'aléa de référence est mal adapté, non stabilisé et donc non appliqué à certains types d'aléas météorologiques, en particulier le ruissellement et les « submersions ». En effet, évaluer, classer un éÎnement météorologique orageux est une gageure : De quoi peut-on parler ? A la fois de son intensité, de sa durée (lame d'eau totale précipitée), de la surface des isohyètes d'une certaine valeur et/ou d'une combinaison de ces paramètres ? Et alors, laquelle ? Cette question constitue actuellement un sujet de recherche95. Il importe cependant que les PPR « ruissellement » puissent être élaborés avec un aléa qui soit significatif. Il faut alors le rapporter à une cote de submersion, c'est à dire le fixer à « la crue » qu'il a engendré en fonction d'aménagements réalistes dont l'objectif est de maîtriser l'alea jusqu'à un certain « débit » sans dommage sur les biens. Cette incertitude doit être croisée avec le principe de précaution d'autant qu'il n'est malheureusement pas rare que l'aléa fasse des victimes. Dans ces conditions, l'incertitude de l'aléa ruissellement impose une extrême vigilance dans la qualité du zonage des PPRi, des dispositions relatives à la diminution de la vulnérabilité des constructions existantes et une extrême rigueur dans l'application de ces plans. 91 Certaines de ces données sont cependant disponibles sur des sites en particulier des instituts russes et allemands. 92 Des releÎs de précipitation journalière existent depuis les années 1850 ; chaque école a eu un pluviomètre. 93 La mise à disposition des observations sur les précipitations et comme les averses de durée variable et à origine glissante comme l'information gérée par Météo-France dans la banque nationale PLUVIO est toujours payante. 94 On lit dans de nombreux rapports d'inspection générale "La fixation de l'aléa de référence en matière d'inondation nécessite des recherches historiques auxquelles les ingénieurs ne sont pas formés et qu'ils rechignent à faire quand ils ne les dénigrent pas. Pourtant la méthodologie de ces recherches est de mieux en mieux fixée". De ce fait, on observe souvent que c'est le débit centennal calculé qui est pris comme aléa de référence même si l'écart type du débit n'est généralement pas mentionné. 95 Voir les travaux devenus classiques de Desbordes et Neppel à l'université de Montpellier. Les intempéries survenues dans les Pyrénées-Atlantiques le 4 mai 2007 37 III 2 3 Les communes, chargées de l'édiction des mesures de sauvegarde Quand « l'alerte » est reçue par les élus et transmise aux particuliers, chacun doit connaître son rôle et l'attitude qu'il doit adopter face au risque annoncé. Les plans communaux de sauvegarde répondent à cette nécessité dès lors qu'ils existent, qu'ils ont été élaborés avec soin, qu'ils sont bien assimilés et que leur connaissance est entretenue auprès de la population par une information et des exercices réguliers. Les plans communaux de sauvegarde sont institués par l'article 13 de la loi n°2004-811 du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile : « Le plan communal de sauvegarde regroupe l'ensemble des documents de compétence communale contribuant à l'information préventive et à la protection de la population. Il détermine, en fonction des risques connus, les mesures immédiates de sauvegarde et de protection des personnes, fixe l'organisation nécessaire à la diffusion de l'alerte et des consignes de sécurité, recense les moyens disponibles et définit la mise en oeuvre des mesures d'accompagnement et de soutien de la population.... Il est obligatoire dans les communes dotées d'un plan de prévention des risques naturels prévisibles approuÎ ou comprises dans le champ d'application d'un plan particulier d'intervention ». Le décret n°2005-1156 du 13 septembre 2005 relatif au plan communal de sauvegarde et pris pour application de l'article 13 visé ci-dessus précise: « Article 1 : Le plan communal de sauvegarde définit, sous l'autorité du maire, l'organisation prévue par la commune pour assurer l'alerte, l'information, la protection et le soutien de la population au regard des risques connus. Il établit un recensement et une analyse des risques à l'échelle de la commune. ... Article 4 : Le plan communal de sauvegarde est élaboré à l'initiative du maire de la commune. Il informe le conseil municipal du début des travaux d'élaboration du plan. A l'issue de son élaboration ou d'une révision, le plan communal de sauvegarde fait l'objet d'un arrêté pris par le maire de la commune ... Il est transmis par le maire au préfet du département ». Article 6 : L'existence ou la révision du plan communal ou intercommunal de sauvegarde est portée à la connaissance du public par le ou les maires intéressés ... Le document est consultable à la mairie ». Le législateur a donc confié au maire une responsabilité nouvelle et indiscutable, en particulier dans les communes qui font l'objet d'un PPR, c'est à dire les plus vulnérables. Le préfet est seulement informé. Le plan communal de sauvegarde est un dispositif novateur, dont le rôle est capital dans la gestion de crise, particulièrement dans le cas des crues à cinétique rapide. En effet c'est lui qui permet d'articuler l'alerte avec un ensemble de conduites adaptées, d'utiliser au mieux le laps de temps nécessairement très court qui sépare l'annonce de la survenance de l'éÎnement pour la mise en sécurité des biens et des personnes. Sans plan de sauvegarde, autrement dit, sans préparation à la crise à l'échelon local, l'alerte a toutes les chances d'être contre-productive S'il n'est pas question de prévoir dans le détail tout ce qui peut se passer, un plan de sauvegarde doit savoir décrire à l'avance les scénarios Les intempéries survenues dans les Pyrénées-Atlantiques le 4 mai 2007 38 de crise. Force est de constater cependant que la mise en oeuvre de cette politique ne donne pas les résultats escomptés. Le 15 septembre 2007, à l'expiration du délai de deux ans prévu par la loi pour l'élaboration des PCS obligatoires, le taux de réalisation ne dépassait pas 10% pour la France entière. (Il était un peu meilleur pour le département des Pyrénées-Atlantiques où il atteignait 17,5%). Plus grave encore, la mission a pu constater que, même lorsqu'ils existent, les PCS sont souvent très faibles pour ce qui est de leur contenu et se résument à une liste de personnes à prévenir. On est encore très loin, quantitativement et qualitativement, de l'objectif fixé par le législateur. Les départements qui enregistrent les meilleurs résultats sont ceux dans lesquels le Conseil général s'est engagé dans une démarche concertée en offrant en particulier son appui financier (Hérault, Gard, Tarn...). Il est vraisemblable qu'en cas de contentieux, la responsabilité civile et pénale du maire sera recherchée et pointée dès lors que le PCS est notoirement insuffisant. Il est tout aussi vraisemblable que celle du préfet le sera également dès lors qu'un PPR a été arrêté par le préfet et qu'il n'existe pas de PCS, que le PCS est notoirement insuffisant, ou que l'existence ou la révision du PCS n'a pas été portée, ou qu'elle a été insuffisamment portée, à la connaissance du public. Dans ces conditions, la mission recommande vivement aux préfets de rappeler périodiquement et fermement aux maires leurs responsabilités et leurs obligations réglementaires. III 3 TROIS SCENARIOS CONTRASTES Les scénarios présentés ci-dessous ne résultent pas de l'analyse critique de l'éÎnement intervenu dans le bassin de la Nivelle le 4 mai dernier. Comme il a été dit, cette crise aurait pu être convenablement gérée si ne s'était produite une accumulation de séries de dysfonctionnements mineurs qui n'ont pas pu être maîtrisés. Mais dès lors que la vigilance doit s'appliquer à l'ensemble des éÏnements à cinétique rapide, on doit s'interroger sur le mode de partage des responsabilités et d'organisation des services le plus approprié pour anticiper et gérer au mieux la crise. Les dispositions de la procédure de vigilance intégrée pluie-inondation permettront peut-être de combler certaines de ces failles, notamment en formalisant davantage les contacts entre Météo-France, le SCHAPI, les SPC et les COZ96. Mais elles ne traitent qu'une partie du problème. Car, progrès dans la vigilance (entendue au sens d'une anticipation de 12 à 24 h), même sous une forme « intégrée », n'implique pas forcément progrès dans la prévision, encore moins dans la prévision rapprochée, seule utile en cas de phénomènes rapides (avec une anticipation de quelques dizaines de minutes à 1 h). Il ne garantit pas non plus une bonne prise en compte 96 Il est prévu que l'application de cette procédure fasse l'objet d'un suivi interne régulier. Les intempéries survenues dans les Pyrénées-Atlantiques le 4 mai 2007 39 de l'éÎnement par la chaîne des services opérationnels. C'est toute l'organisation de la chaîne qui est à évaluer. Les deux premiers scénarios ci-dessous visent par des voies différentes, tout en réaffirmant la compétence de l'État dans la prévision des crues rapides, à lui permettre de mieux l'exercer. Le 3ème scénario opte au contraire pour son externalisation. Ces scénarios, qui ne s'excluent d'ailleurs pas nécessairement en raison de la diversité d'exposition au risque des diverses parties du territoire, ne sont ici qu'esquissés97, et devront naturellement être approfondis et soumis au débat avant toute mise en application concrète. Les discussions qui ont eu lieu au sein de la mission, et avec les personnes auprès desquelles ils ont été testés, témoignent de ce que l'on n'a pas été au bout du chemin. Il ne pouvait guère en être autrement, alors que la réorganisation de la prévision des crues engagée depuis cinq ans n'est qu'à peine acheÎe. III 3 1 Scénario 1 : conforter les SPC dans leur évolution Les SPC, même dans le cadre des procédures actuelles, doivent, pour exercer convenablement leur mission, être en mesure d'interpréter les images météorologiques des hauts bassins. C'est dans cet esprit qu'ils ont été conçus, afin de réunir les compétences nécessaires à la fois en hydrologie et en météorologie. Dans les faits, les compétences hydrologiques et météorologiques n'y sont croisées que dans quelques endroits (Grand Delta, Garonne, ...). Mais ce n'est pas le cas général. Et, plusieurs rapports récents ont souligné l'affaiblissement des compétences des services dans ces deux domaines. La formation d'hydrologue nécessite des bases mathématiques et techniques sérieuses et dure au minimum un semestre98. Il a pu être estimé récemment qu'une vingtaine d'hydrologues devraient être affectés d'urgence pour pallier les situations les plus critiques. Le rapport de retour d'expérience sus-visé sur les crues de septembre 2005 dans le Sud-Est contient des propositions sur la formation des personnels chargés de suivre l'évolution des systèmes nuageux sur écran radar qui sont toujours d'actualité. Il s'agit de mettre à niveau les SPC en y affectant des hydrologues formés et en formant des météorologistes voire des prévisionnistes. Cela étant, les SPC ne sont pas des services juridiquement identifiés : ils sont sous la responsabilité hiérarchique du directeur du service d'accueil, DIREN, DDE ou DIR de MétéoFrance, c'est-à-dire que leurs moyens financiers comme humains dépendent de la politique du directeur. Pourtant, après chaque crise grave, et ainsi qu'il est inévitable, c'est systématiquement le « chef » du SPC qui doit en répondre, et voir son matériel ­ disques durs, main courante, etc ­ saisi. Il importerait donc de donner une existence juridique aux SPC et d'affirmer leur compétence interdépartementale. 97 N'étant pas liés à l'éÎnement de la Nivelle, on peut considérer qu'en les présentant, la mission a été au-delà de ce qui lui était strictement demandé. 98 Voir le rapport déjà cité sur les compétences hydrauliques. Les intempéries survenues dans les Pyrénées-Atlantiques le 4 mai 2007 40 Ces améliorations apportées, et au-delà des cartes de vigilance « crues » comme des cartes de vigilance inondation qui ont montré leur inadaptation et leurs limites face aux phénomènes rapides et de faible extension géographique, on peut penser que les SPC auraient la capacité de prévoir non seulement les crues rapides, mais aussi les averses qui les génèrent 99. La prévision des crues à cinétique rapide repose en effet sur la prévision des précipitations, la pluie entraînant immédiatement le débit, ce qui ressort réellement à l'hydrométéorologie. La Îritable réforme ne devrait cependant pas se limiter aux seuls SPC, mais prendre en compte l'ensemble SPC-SCHAPI-Météo-France ce qui permettrait d'aboutir, de l'avis de la mission, à de Îritables entités de prévision hydrométéorologique, adaptées selon les besoins des régions. À périmètre géographique inchangé, et dans les zones où les phénomènes rapides sont récurrents, les SPC devraient : se consacrer exclusivement à la prévision des phénomènes hydrométéorologiques rapides, avoir un correspondant auprès des préfets de départements, - être habilités à alerter directement les maires ou les autorités compétentes, au cas où des circuits d'alerte longs seraient confortés, - abandonner à un échelon géographique ou hydrographique « plus éleÎ » - DIREN de bassin, SCHAPI ­ la prévision des crues lentes qui ne posent pas de difficulté particulière quant à la rapidité de l'alerte, ainsi quel'élaboration et le rafraîchissement des cartes de vigilance « crues ». Un tel scénario, qui répondrait probablement aux attentes des services concernés, se heurte cependant à deux obstacles: Voudra-t-on ériger les SPC en services de plein exercice ? Seront-ils habilités à intervenir en temps réel sur des éÏnements se déroulant dans une zone de leur ressort, mais en dehors du département dans lequel ils sont implantés ? Sur le premier point, le statut des SPC est juridiquement défini par l'article 1 de l'arrêté du 27 juillet 2006 : « les services interdépartementaux de prévision des crues sont chargés de mission d'étude, d'expertise, d'appui technique à la maîtrise d'ouvrage... dans les domaines de la surveillance, de la prévision et de la transmission de l'information sur les crues... ». Ce ne sont pas des services déconcentrés au sens propre du terme, et la tendance actuelle n'est certes pas d'en créer de nouveaux. Mais une telle objection n'est pas nécessairement dirimante, des instructions pouvant en pratique être données pour parvenir à un résultat équivalent. En ce qui concerne les relations avec les collectivités territoriales, certains objecteront qu'elles ne peuvent, dans l'organisation actuelle de l'État et s'agissant d'un domaine mettant en cause la sécurité publique, que s'exercer par l'intermédiaire du préfet de département. Selon cette conception, l'alerte des maires en cas de crise est un acte d'autorité qui excède la compétence des SPC, telle qu'elle est définie par le texte cité ci-dessus (« mission d'étude, d'expertise, d'appui technique à la maîtrise d'ouvrage »). Certes, on pourrait envisager que le préfet délègue sa compétence au SPC, mais encore faut-il pour cela que la mission de SPC soit confiée à un service départemental, et que ce dernier ait son siège dans le département considéré100. 99 100 Ils sont mis en vigilance par les AP/BP qui intéressent une large portion du territoire. En pratique, cette condition n'est Îrifiée que dans 12 départements. Les intempéries survenues dans les Pyrénées-Atlantiques le 4 mai 2007 41 Si l'on voulait surmonter ces deux difficultés, il faudrait sortir les SPC du cadre administratif actuel, afin qu'ils se positionnent comme des prestataires pour compte de tiers, ce que permettrait par exemple leur rattachement à Météo-France. On se rapprocherait alors du dernier des scénarios envisagés ici, celui de l'externalisation. Cette perspective pourrait aller jusqu'à un scénario « 1 bis », consistant en une intégration des expertises météo et hydro. Une telle hypothèse permettrait de sortir les SPC de leur isolement relatif, et de limiter les incompréhensions mutuelles qui ont parfois pu se faire jour. L'appartenance des SPC et du SCHAPI à un ensemble plus fortement structuré devrait rendre ces organismes moins dépendants des contextes locaux, renforcer leur professionnalisme, et permettre d'intégrer leurs procédures dans un dispositif davantage normé qu'il ne l'est actuellement. III 3 2 Scénario 2 : créer des services départementaux chargés des risques Ce scénario, présenté dans un souci d'exhaustivité, ne fait pas l'unanimité au sein de la mission. Les missionnaires membres de l'IGE se refusent en effet à y souscrire, en considérant qu'il marquerait un retour en arrière en matière d'organisation des services régionaux et départementaux, de décentralisation vers les communes, d'organisation et de gestion des eaux par bassin. Ce scénario entend concentrer au niveau départemental l'ensemble des missions liées à la prévision et à la gestion des risques. À la différence du précédent, il donne le primat à l'organisation administrative classique sur la logique de bassin. À cet effet, serait créée au sein d'un service déconcentré de l'État au niveau départemental une unité regroupant la totalité des compétences requises pour réduire l'exposition des populations au risque d'inondation. Ainsi serait-il mis un terme à la situation actuelle qui veut que l'État soit compétent en amont (pour les mesures de prévention) et en aval (pour l'organisation des secours), mais démuni dans la phase intermédiaire. L'unité responsable des risques naturels aurait la responsabilité de la totalité de la chaîne allant de la veille et de la vigilance à la gestion de crise jusqu'au retour à la normale. Plus précisément, elle aurait en charge : - la prévention : « dire le risque », porter à connaissance dans le cadre des PPR et d'autres réglementations (sécurité campings,...), tutelle de l'État sur les PCS, - le suivi des éÏnements (leur prévision lorsqu'elle est possible): qualification et localisation du phénomène détecté (par Météo-France ou par le réseau hydro), - l'alerte « fine et graduée » aux divers responsables voire, en cas d'urgence à la population, - la gestion de crise : rôle d'expert inondation auprès du préfet, assistance au SIDPC pour la mise au point et la tenue à jour des plans d'intervention101, - l'après-crise (indemnisations, réparations...). La mission d'inspection n'a pas pris parti en ce qui concerne le service qui aurait vocation à accueillir cette unité, d'autant plus que l'organisation des services de l'État au niveau 101 En allant au bout de la logique de ce scénario, l'unité en question pourrait même absorber le SIDPC. Les intempéries survenues dans les Pyrénées-Atlantiques le 4 mai 2007 42 départemental est appelée à évoluer. Dans l'organisation actuelle, on pencherait assez logiquement pour les DDE, lesquelles, en dépit de la décentralisation qui a conduit au transfert aux conseils généraux de nombre de leurs agents102, disposent d'une bonne connaissance des enjeux et sont par ailleurs en relation étroite avec les élus locaux. Le rapprochement des CMD avec les DDE constituerait l'aboutissement logique de ce scénario. On aperçoit sans peine les avantages qui pourraient résulter de ce scénario : d'abord en termes de proximité et de connaissance des particularités tant du climat que du terrain ; c'est aussi à ce niveau que l'historique des éÏnements pourrait103 être établi, et leur mémoire entretenue ; le niveau départemental est aussi favorable au déploiement des actions de sensibilisation des élus aux nécessaires mesures de prévention, et à l'élaboration de PCS consistants ; la concentration au sein d'un même service départemental de compétences diverses permet une bonne cohérence, voire intégration, des politiques suivies en matière de prévention des risques et de mitigation de leurs conséquences (stratégie d'aménagement appropriée, ouvrages hydrauliques) ; ce scénario : permet de lever l'obstacle tenant, conformément à ce qui a été vu plus haut, à ce qu'un SPC ne peut actuellement intervenir dans le dispositif d'alerte aux maires d'un autre département que celui dans lequel il est implanté ; en effet, il s'inscrit dans les dispositions du décret n°2004-374 du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'Etat dans les régions et départements et en particulier son article 11 (déjà cité), lequel prévoit notamment que le préfet de département a la charge de l'ordre public, de la sécurité et de la protection des populations. Il correspond également à la volonté maintes fois exprimée de voir renforcé le rôle des DDE104 en matière de prévention et de gestion des risques naturels. - - - - Pour autant, il offre le flanc à plusieurs objections, dont la principale est qu'il constituerait un retour en arrière par rapport à l'orientation qui prévaut encore aujourd'hui, à savoir la nécessité d'inscrire la politique de prévention et de prévision des risques d'inondation à l'échelle du bassin, qui ignore souvent les limites départementales. Cette objection mérite d'être prise en considération, mais on observera que les phénomènes à cinétique très rapide intéressent souvent de très petits bassins, et que l'approche par grands bassins versants vaut surtout pour les crues lentes justiciables d'une organisation spécifique105106. Rien n'interdit au demeurant à un département de travailler en réseau avec les autres départements d'un même bassin. Une autre objection à ce scénario est que l'acquisition d'une large compétence horizontale pourrait se faire au prix d'une certaine perte de compétence technique. C'est d'ailleurs cette volonté de ne pas disperser les compétences déjà limitées en matière hydrométéorologique 102 Pour l'observation des crues cependant, des conventions établies localement permettent cependant d'éviter qu'il se traduise par une perte de moyens d'intervention. 103 Au moins en théorie, de nombreux intérêts convergent souvent pour qu'il n'en soit pas ainsi. 104 Ou des futurs services techniques départementaux qui s'y substitueront. 105 Dans les 4 départements côtiers du Languedoc-Roussillon, tous les cours d'eau se situent en totalité sur le territoire d'un seul département, à l'exception du Vidourle (qui fait la limite ente l'Hérault et le Gard) et naturellement du Rhône. 106 Pour les crues lentes, les collectivités locales concernées se sont souvent organisées pour mettre en place, sous forme de syndicat intercommunal, d'association ou d'établissement public un organisme ad hoc. Les intempéries survenues dans les Pyrénées-Atlantiques le 4 mai 2007 43 qui a été en partie à la base de la transformation en SPC des anciens SAC. Il semble à la mission que cette observation tend à perdre de sa pertinence à mesure que progressent les moyens d'observation des phénomènes et leur interprétation. La mise à disposition gratuite des données hydrométéorologiques, posée en principe dans le présent rapport, devrait permettre aux services d'acquérir progressivement les compétences nécessaires. Un tel scénario intéresserait environ 40 départements ; les moyens humains à y consacrer pouvant être estimés à au moins 150 personnes compte tenu des astreintes. Or l'État a du mal à maintenir dans ses services un bon niveau de compétence technique, en particulier en hydrométéorologie, et à former et recruter les agents qui seraient nécessaires pour combler les déficiences actuellement constatées dans les SPC. Le défi n'est pas mince, si l'on considère que la responsabilité de la majorité des « services opérationnels » en matière de voirie, pompiers, énergie, télétransmission, etc. sont passés hors du champ des services de l'Etat et de son représentant dans le département. Il n'est pas possible enfin de sous-estimer l'impact psychologique que pourrait avoir une telle évolution, même si, de l'avis de la mission, pour nombre de SPC, et notamment ceux qui sont « hébergés » par les DDE, il s'agirait plutôt d'une extension de leurs missions que d'une régression. Mais si l'on s'orientait dans une telle voie, cela devrait être très clairement expliqué. III 3 3 Scénario 3 : externaliser la prévision des crues à cinétique rapide Ce scénario consiste à faire prendre en charge par les communes leur protection face aux phénomènes de crues à cinétique rapide. Il s'inscrit dans un mouvement de fond. Depuis quelques années, on voit se multiplier les systèmes locaux de prévision et d'alerte, destinés à combler les lacunes du système de surveillance de l'État. Le récent colloque qui s'est tenu les 14 et 15 novembre 2007 à Toulouse à l'initiative de l'AFPCN107 et de Météo-France, et sous le co-pilotage de la direction de l'eau, a montré la vigueur et la diversité de ces initiatives. Cette solution présente de nombreux avantages : elle a le mérite de la justice financière : la différence entre les communes, selon qu'elles bénéficient ou non d'une surveillance exercée par l'État, est abolie et toutes les communes sont placées sur un pied d'égalité ; elle favorise une approche concertée à l'échelle intercommunale, qui se confond souvent avec celle du bassin versant. En effet ces systèmes sont souvent développés dans le cadre des PAPI, ce qui permet un traitement coordonné et cohérent de tous les éléments qui entrent dans la gestion du risque (prévision, mais aussi aménagements hydrauliques, entretien des rivières...) ; elle garantit une meilleure réactivité grâce au raccourcissement de la chaîne d'alerte. Dans les éÎnements à cinétique rapide, il est primordial que l'alerte aille directement de l'observateur au décideur, ce qui permet de gagner du temps, mais aussi d'adapter en permanence les mesures à prendre à la réalité de l'éÎnement ; enfin, on constate que les structures locales de prévision de crues sont aussi souvent chargées de préparer pour le compte des communes les plans de sauvegarde. Or il - - - 107 Association française pour la prévention des catastrophes naturelles. Les intempéries survenues dans les Pyrénées-Atlantiques le 4 mai 2007 44 n'est pas sans intérêt que ce soit la même structure qui pilote la préparation des PCS et qui conseille ensuite les maires dans leur mise en oeuvre. La préparation à la crise et la gestion de crise sont ainsi rassemblées sous une même autorité, pour former un bloc de compétences. Pour autant, ce scénario suppose que l'État ne soit pas complètement absent ; il continuerait d'intervenir, avec des attributions qui sont à préciser. Tout d'abord, l'État verrait sa responsabilité réaffirmée pour tout ce qui concerne l'observation et le recueil des données hydrométéorologiques. C'est là une contribution essentielle, d'un point de vue technique et financier, au bon fonctionnement des systèmes locaux108. La question essentielle est de savoir comment les attributions du maire, en tant que directeur des opérations de secours, s'articuleraient avec celles du préfet. En effet, le maire est responsable de la sécurité des populations dans sa commune mais les textes prévoient que le préfet assure la direction des opérations de secours dès lors que la crise dépasse, par son ampleur ou ses conséquences, les limites ou les capacités d'une commune. Il faudrait donc poser en principe que le maire, étant le premier informé, est seul responsable des mesures immédiates à prendre (même en cas de catastrophe de grande ampleur affectant plusieurs communes). La responsabilité du préfet (qui ne dégage jamais le maire de ses responsabilités propres109) n'entrerait en jeu qu'à partir du moment où les conditions matérielles seraient réunies pour qu'elle puisse s'exercer. Elle s'affirmerait à mesure que le représentant de l'Etat dans le département acquerrait une vue claire de la situation sur le terrain 110. La question de l'information du préfet, dans les inondations à cinétique rapide, est en effet au coeur du problème. A partir du moment où l'on privilégie les réseaux locaux, avec des circuits d'alerte courts, le préfet n'est plus nécessairement le premier informé, car s'il reçoit bien toutes les données hydrométéorologiques, qui sont publiques, il n'a pas les moyens de les interpréter. Pour permettre au préfet d'être informé et de prendre rapidement sa place dans le dispositif de gestion de crise, la mission suggère que le PC préfectoral111 soit relié à tous les dispositifs de surveillance locaux et qu'il reçoive en temps réel tous les messages d'alerte délivrés par ces derniers. On peut même imaginer que le préfet soit partie prenante de ces systèmes locaux lorsqu'ils sont organisés en réseau radio partagé ou en « web conférences ». Des textes doivent être adaptés pour tenir compte du fait que la responsabilité du préfet en matière de gestion de crise ne peut s'exercer qu'à partir du moment où l'information qui remonte du terrain lui permet d'avoir une vue complète de la situation. Pour faciliter cette information, les COD sont destinataires de tous les messages d'alerte diffusés par les services locaux de prévision des crues, quelle que soit leur nature, et associés aux conférences organisées entre ces derniers et les maires, par radio, par téléphone ou sur le web. 108 À titre d'exemple, la société PREDICT affecte 40% de son budget à l'achat des images radar et des logiciels d'exploitation. 109 Voir la jurisprudence constante. 110 Ceci semble être bien le cas actuellement. 111 Le COD. Les intempéries survenues dans les Pyrénées-Atlantiques le 4 mai 2007 45 Concernant le rôle joué par l'État, un dernier point fait débat : savoir si l'État doit se désengager de la prévision des crues lentes, comme il le ferait de la prévision des crues rapides. On observe que dans le cas de la Loire, qui est sans doute le plus emblématique, la prévision des crues est déjà confiée à un établissement public territorial, et cette solution pourrait être généralisée. La mission n'a pas tranché sur ce point. Elle estime toutefois que si l'on décidait de garder la surveillance des crues lentes dans le giron de l'État, il faudrait la transférer à un échelon territorial plus large que celui des 22 SPC, probablement à l'échelle des 6 bassins, voire à l'échelle nationale. L'externalisation suppose donc le développement d'une assistance complète aux maires, allant de l'analyse des risques, de l'information préventive, de l'aide à l'élaboration des PCS, à la gestion de crise proprement dite, en passant par la mise en vigilance, la pré-alerte, l'alerte, jusqu'au bilan et au retour d'expérience. Les communes sont libres de s'organiser comme elles l'entendent et selon la nature des risques auxquels elles sont exposées, l'importance des enjeux et la faisabilité des prévisions, elles choisiront entre les partis actuels : la gestion en régie par les communes elles-mêmes ou leurs groupements . C'est déjà le cas de villes comme Nîmes, Marseille, Bordeaux..., la délégation de compétences à des structures intercommunales spécialisées déjà actives dans le domaine de l'eau (syndicat mixte de rivière, établissement public territorial de bassin). C'est le cas du Thoré, du syndicat de la Sagne..., le recours à l'ingénierie publique, qu'il s'agisse de services déconcentrés de l'État ou d'établissements publics, notamment Météo-France qui offre déjà ce service à des opérateurs priÎs (organisateurs d'éÎnements sportifs, courses automobiles, régates, matchs de tennis...), le recours à des prestataires de service, sur le modèle de la société PREDICT. Ce « créneau » devrait intéresser de grandes sociétés de services aux collectivités et on devrait assister à la constitution d'un Îritable marché, générant des économies d'échelle et favorisant l'émergence d'une offre compétitive. - - Se pose évidemment la question du financement, car certains pourraient être tentés d'analyser la réforme proposée comme un transfert de charges de l'État vers les collectivités. Il y a lieu d'observer d'abord que l'intercommunalité, tout comme le recours à des sociétés de service, constitue une forme de mutualisation. Le coût de la protection offerte par les systèmes locaux peut apparaître modeste lorsqu'on le rapporte à la population couverte, et devrait baisser substantiellement avec le développement du marché et l'élargissement de la concurrence. De leur côté, si les départements et les régions s'investissent déjà dans la gestion du risque inondation (en finançant des études, des travaux d'entretien ou d'aménagement...), la mission a pu constater, comme dans le cas du département des Pyrénées-Atlantiques, qu'ils sont souvent désireux d'aller plus loin. Nul doute que les communes qui s'engageraient dans une démarche de prévision des crues rapides trouveraient un appui, technique et financier, auprès des autres niveaux de collectivités. Les intempéries survenues dans les Pyrénées-Atlantiques le 4 mai 2007 46 IV CONCLUSION La gestion difficile de la crise intervenue dans la nuit du 3 au 4 mai 2007 dans le bassin de la Nivelle en raison des fortes précipitations qui s'y sont concentrées résulte dans une large mesure de la conjonction de toute une série de dysfonctionnements, alors même que le réseau de mesure était en cours de modernisation. Il serait hâtif de tirer de ce seul artefact des conclusions de portée générale. Au demeurant, des mesures ont d'ores et déjà été prises, ou sont en cours, pour y porter remède. Cet épisode a toutefois fait ressortir les limites des procédures de vigilance en vigueur au regard de tels phénomènes qui n'ont pourtant rien d'exceptionnel dans tout le pourtour méditerranéen. Ce n'est pas sans raison que le schéma directeur de prévision des crues avait circonscrit dans des limites très strictes, dictées par l'état de l'art et des moyens disponibles, la responsabilité réglementaire de surveillance exercée par l'État. Or les techniques permettent aujourd'hui, sous certaines conditions, d'anticiper ce type d'éÎnement, et nul ne comprendrait, au regard des enjeux en cause, que tout ne soit pas entrepris pour en tirer profit, quel que soit le partage des responsabilités dans la mise en oeuvre des dispositions adéquates. À cet égard, la position de l'État a toujours été marquée par la prudence, en limitant son champ d'intervention à un linéaire de cours d'eau bien déterminé, proportionné aux moyens tant humains que techniques mobilisables. Il s'est ainsi créé une situation paradoxale dans laquelle ces moyens ont été concentrés pour l'essentiel sur les crues à cinétique lente par nature beaucoup plus prévisibles que les autres, et dont les conséquences en termes de vies humaines sont souvent moins dommageables que les phénomènes paroxystiques tels que celui qui s'est produit sur le bassin de la Nivelle. La coexistence de deux dispositifs de vigilance, l'un axé sur la météorologie, l'autre sur l'hydrologie, est une cause supplémentaire de perte d'efficacité globale. Quel que soit le scénario de partage des responsabilités et d'organisation des services retenu pour l'avenir, la mission a tenu à réaffirmer trois principes fondamentaux : la mise à disposition gratuite par l'État des observations hydrométéorologiques ; le maintien voire le renforcement de son rôle prééminent dans le domaine de la prévention, pour dire le risque et en tirer les conséquences ; la responsabilité première des communes pour l'édiction et la mise en oeuvre des mesures de sauvegarde. Des scénarios contrastés, qui ne s'excluent au demeurant pas nécessairement en raison de la diversité d'exposition aux risques de crues rapides des différentes parties du territoire, ont été esquissés. Il reste à les approfondir et à débattre de leurs avantages et inconÎnients respectifs. Bernard JULLIEN Michel BURDEAU Xavier MARTIN Les intempéries survenues dans les Pyrénées-Atlantiques le 4 mai 2007 47 Annexe I : lettre de mission Les intempéries survenues dans les Pyrénées-Atlantiques le 4 mai 2007 48 Les intempéries survenues dans les Pyrénées-Atlantiques le 4 mai 2007 49 Annexe II : liste des personnes rencontrées Administrations centrales Direction de l'eau M. Pascal Berteaud, directeur Mlle Frédérique Martini, chef de bureau Direction de la défense et de la sécurité civile M. Henri Masse, directeur M. Bernard Deleplancque, sous directeur de la gestion des risques Mme Catherine Guenon, chef du bureau des risques majeurs M. Koumaran Pajaniradja, ingénieur météorologue M. le colonel Philippe Sarron, chef du COGIC M. Denis Gaudin, chef du bureau de la coordination interministérielle Direction de la modernisation et de l'administration territoriale, secrétariat général, ministère de l'intérieur Mme Nathalie Colin, chef du bureau de l'organisation et de l'administration territoriale de l'Etat Mission à Pau, le 27 juillet 2007, préfecture des Pyrénées-Atlantiques. Entretiens avec : M. Marc Cabane, préfet des Pyrénées-Atlantiques M Nicolas Honoré, directeur de cabinet M Alain Guilhaudis, SIDPC M. Frédéric Dupin, directeur départemental de l'équipement M. Michel Ransou, chef du service maritime, environnement, sécurité, DDE Mme Bordagaray, chef de l'unité hydraulique, environnement, DDE M. Marc Rivière, chef de l'unité prévision des crues, DDE Mme Ducasse, déléguée départementale de Météo-France M. le commandant Gros, représentant le SDIS 64 Mission à Toulouse le 5 septembre 2007, DIREN, SCHAPI, SPC M-P et Météo-France. Entretiens avec : M. André Bachoc, directeur régional de l'environnement Midi-Pyrénées Mme Marion Grua, de la DIREN Aquitaine Mme Pascale Cornuau, chef du pôle prévention des risques et prévision des crues M. Jean-Marc Dolmière, adjoint au chef du SCHAPI M. Pascal Sauvagnac, du pôle acquisition de données et hydrométrie M. Jean-Jacques Vidal, chef du SPC de Toulouse M. Marc Payen, directeur de la DIR/SO de Météo-France M. Jean-Pierre Pellen, DIR/SO-Prévi Les intempéries survenues dans les Pyrénées-Atlantiques le 4 mai 2007 50 Mission au Pays Basque, les 12 et 13 septembre 2007, délégation territoriale DDE, services du conseil général et élus locaux (en l'absence de Xavier MARTIN). Entretien (en sus des agents déjà rencontrés précédemment) avec : M. Nicolas Périno, délégué territorial Pays Basque M. Serge Castagné, pôle urbanisme Côte Basque M. Bernard Gourgand, directeur du développement et des affaires hydrauliques au conseil général Mme Sandra Vettard, chef de l'agence technique de Bayonne Mme le maire de Saint-Pée-Sur-Nivelle M le maire d'Ascain M le maire de Sare M. Maquirriain propriétaire du camping d'Ibarron Mission à Pau, le 28 septembre 2007, DDE, SPC et DDAF Entretien avec notamment : Frédéric Dupin, DDE le chef du service de la police de l'eau à la DDAF le chef de la délégation de Bayonne de la DDAF Mme Muriel Loziowski, police de l'eau de la Nivelle Visite du SPC, sous la conduite de Marc Rivière Entretien avec la société PREDICT Service à Paris (en l'absence de Xavier MARTIN) et à Montpellier (en l'absence de Bernard Jullien) M Alix Roumagnac, président Visite au syndicat mixte de rivière Agout/Thoré (par Bernard Jullien seul) Xavier Beaussart, animateur du SAGE Marie Bonnard, chargée de mission PAPI Les intempéries survenues dans les Pyrénées-Atlantiques le 4 mai 2007 51 Annexe III : Le système local d'annonce de crue de la vallée du Thoré A la suite des inondations catastrophiques de novembre 1999, qui ont fait plusieurs victimes et d'importants dégâts, il a été décidé de mettre en place un système local d'annonce de crue sur la portion du Thoré non surveillée par l'Etat, en amont de Mazamet. C'est le Syndicat mixte de rivière Thoré Agout (communes riveraines, Conseil régional, Conseil général) qui a été chargé, dans le cadre du PAPI, de la conception et de la mise en oeuvre du projet. Ce système se caractérise principalement par la collecte de données physiques, l'analyse de ces données en temps réel et la transmission de l'information aux maires par un réseau radio hautement sécurisé. Présentation générale Le système se compose : d'un réseau de stations de mesure automatiques (3 stations de pluviomètres-limnimètres propres au Syndicat, auxquels il faut ajouter les données fournies par une dizaine de pluviomètres qui ne dépendent pas du Syndicat et dont certains sont situés en dehors du bassin ; d'un réseau de transmission radio dédié servant aussi bien à la collecte des données qu'à la transmission des messages aux maires ainsi qu'aux échanges entre ces derniers. Ce réseau dispose d'un relais principal et d'un relais de secours ; d'une centrale d'acquisition qui reçoit les données collectées sur le terrain de quart d'heure en quart d'heure et les analyse au moyen d'un logiciel pour déterminer le niveau et la nature du risque au niveau de chaque commune ; de 4 sous-centres répartis dans le bassin (1 pour 2 communes), recevant toute l'information disponible permettant aux maires de suivre en temps réel l'évolution de la crise d'un système d'astreinte faisant intervenir une commune à tour de rôle ; en cas de mise en vigilance et d'alerte, l'ordinateur appelle les personnes d'astreinte en boucle jusqu'à ce que l'une d'elles valide au moyen d'un code défini. - - - - En cas de crise, le maire alerté se rend au sous-centre et prévient ses collègues des autres communes en fonction de la nature de l'éÎnement. Les maires ont la possibilité de communiquer entre eux par radio sur un canal commun en cas de rupture de ligne ou d'alimentation en électricité. En plus de ce système de prévision intégré, il a été maintenu, dans un souci de sécurité renforcée, un dispositif d'alarmes sonores aux points les plus sensibles par contacteurs de niveau. Commentaires et perspectives - Ce système est opérationnel depuis fin 2006. Il n'a pas eu encore vraiment l'occasion de faire ses preuves en situation de crise. Il devrait en principe assurer une anticipation d'une heure à 2 heures (1 heure en tête de bassin). Mais il est trop tôt pour apprécier sa réactivité dans des conditions difficiles, car s'il est largement automatisé, il fait néanmoins une grande place au facteur humain (la personne d'astreinte sera-t-elle joignable, est-elle bien formée, aura-t-elle les bons réflexes ?). Les intempéries survenues dans les Pyrénées-Atlantiques le 4 mai 2007 52 - L'expérience du Syndicat mixte du Thoré confirme, s'il en était besoin, toute l'importance de plans communaux de sauvegarde bien faits. Un dispositif d'alerte local, dans un bassin aussi rapide, n'aurait pas de sens sans un réel effort de préparation à la crise. Les PCS étaient relativement simples à faire en raison de la topographie ; ils ont bénéficié d'une maîtrise d'oeuvre unique et de financements extérieurs, et pourtant leur élaboration fut un peu laborieuse. Il semble que les communes y voient une contrainte et n'en ressentent pas spontanément l'intérêt. Qu'en aurait-il été si le souvenir de la catastrophe de 1999 n'était pas encore présent dans toutes les mémoires ? - La solution retenue est très sécurisée sur le plan technique mais elle est lourde financièrement. L'investissement s'est éleÎ à près de 200 000 (dont 30 000 pour l'élaboration des PCS), financés à 40% par l'Etat dans le cadre du PAPI et à 20% sur le FEDER, le reste étant réparti entre la région, le département et les communes. Au titre du fonctionnement, le budget annuel est de l'ordre de 15 000, pour une population couverte de l'ordre de 15 000 habitants et le Syndicat ne bénéficie d'aucune aide extérieure. Les élus ont un sentiment d'injustice et ne manquent pas de souligner l'inégalité qui existe entre les communes à rivières surveillées par l'Etat (en aval de Mazamet par exemple) et celles qui doivent financer entièrement leur protection, qui sont généralement plus pauvres et moins peuplées. - Enfin, le dispositif d'alerte mis en place sur le Thoré, s'il est très complet et très cohérent sur le plan technique, n'est pas pour autant figé. Il pourrait évoluer de deux façons : - d'abord par une meilleure intégration des données recueillies en dehors du périmètre surveillé. La question se pose de savoir comment récupérer les données du réseau pluviométrique de Météo-France (réseau RADOME). Actuellement ces données sont accessibles sur internet mais cela ne permet pas de les intégrer directement au système. Or une meilleure exploitation de ces données permettrait d'élargir la vision et notamment de savoir ce qui se passe sur le flanc sud, de l'autre côté de la Montagne noire, par où arrivent l'essentiel des orages ; - se pose ensuite la question de l'exploitation des données météo. Le Syndicat reçoit les images radar, avec un pas de temps de 4 mn, en application de la convention nationale passée entre le ministère de l'écologie et Météo-France. Ces images sont calibrées, donc exploitables. Il manque toutefois un logiciel d'analyse qui faciliterait le suivi de la progression de la concentration orageuse. C'est un développement auquel songent les responsables du Syndicat et qui constituerait sûrement un complément utile à l'analyse hydrologique. Les intempéries survenues dans les Pyrénées-Atlantiques le 4 mai 2007 (ATTENTION: OPTION Tel a été le cas dans la quasi-totalité des éÎnements météorologiques rapides depuis 1999. 80 Une mission sur le même thème a été confiée aux inspections IGE et CGPC pour étudier les moyens existants pour gérer les phénomènes de ruissellement urbain et faire des propositions en termes de moyens. 81 Article 11 du décret n°2004-374 du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'Etat dans les régions et départements. Les intempéries survenues dans les Pyrénées-Atlantiques le 4 mai 2007 32 L'alerte est déclenchée sous l'autorité du préfet du département82 et ceci fait partie de dispositions prises et arrêtées par le préfet lui-même dans les SDPC83. Or, l'État a sélectionné les cours d'eau sur les quels il s'engageait à faire la prévision des crues en fonction de critères parmi lesquels figure la possibilité pour le préfet de déclencher l'alerte auprès des maires en temps utile. Pour le reste, la responsabilité de l'État et de son représentant local est claire mais peut être matière à contestation. Ainsi, là où il ne s'est pas engagé, et particulièrement dans le cas des éÎnements à cinétique rapide, la dernière disposition rappelée plus haut est inadéquate voire dangereuse et dans les faits ­ quoi qu'en dise la loi ­ ce sont les maires, quand ils s'y sont préparés, qui déclenchent l'alerte et qui souvent, n'en informent que « plus tard » le préfet. S'agissant des averses du Gard de septembre 2007, la question de la responsabilité éventuelle du préfet aurait pu être posée, dans le cas où une commune bénéficiaire des seuls services du SPC aurait connu des victimes, faute d'alerte précise, tandis qu'une commune limitrophe bénéficiant aussi d'un service d'accompagnement n'en aurait pas eu (voir plus haut). Les difficultés d'accès aux informations en temps réel, l'absence d'un diagnostic intégré : Face à un éÎnement à cinétique rapide, le préfet dispose de la carte de vigilance crues et des bulletins associés auxquels s'ajoute désormais le diagnostic intégré pluie-inondation, ainsi que des contacts qu'il peut avoir avec le SPC. Son niveau d'information est donc totalement dépendant de cette chaîne amont, dont on a vu qu'elle avait du mal à fonctionner en cas d'éÏnements très rapides. Cette situation est d'autant plus préoccupante que c'est sous l'autorité du préfet que devrait être décidé le déclenchement de l'alerte. De plus, il n'a pas les moyens d'évaluer les risques potentiels parce qu'il peut ne pas avoir une vision globale des dispositions de sauvegarde arrêtées par les maires. Or, si toutes ces informations existent, il n'en dispose généralement pas en temps réel ; de plus même s'il en disposait, il n'aurait pas auprès de lui les compétences nécessaires à une prise de décision. En fait, dans le cas des éÎnements rapides, les retours d'expérience montrent que les préfets sont intervenus pendant ou après la crise, informés par des circuits dégradés. Dans le cas de la Nivelle en particulier, le préfet a été informé de la gravité de la situation par la DDSC (Paris)84. L'incapacité dans laquelle se trouve le préfet de gérer la crise de manière efficace : La direction des opérations de secours repose sur le maire au titre de ses pouvoirs de police 85. Dans ce cadre, le maire a la responsabilité de prendre les mesures nécessaires pour alerter les habitants et de "faire cesser les accidents et fléaux, tels que les incendies, les inondations, les 82 La circulaire interministérielle du 27 février 1984 portant réorganisation de l'annonce des crues et de la transmission des avis de crues en fait un principe. 83 Dans les schémas directeurs de prévision des crues. Par exemple celui du bassin de l `Adour arrêté par le préfet coordonnateur de bassin le 8 août 2005, page 37 au 2.4. 84 En lui demandant le nombre d'hélicoptères dont il avait besoin. 85 Articles L. 2211-1 et L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales. Les intempéries survenues dans les Pyrénées-Atlantiques le 4 mai 2007 33 éboulements de terre, les pollutions diverses...". Il lui appartient alors de diriger les secours et de rendre compte de son action au préfet. Le préfet, de son côté, peut être amené à prendre la direction des opérations dans des cas bien précis : « si le maire ne maîtrise plus la crise, ou fait appel à lui, - si le maire s'est abstenu de prendre les mesures nécessaires et après mise en demeure, - lorsque le problème concerne plusieurs communes, - lorsque l'éÎnement entraîne le déclenchement d'un plan départemental de secours. » Dans les faits, la responsabilité de la majorité des « services opérationnels » en matière de voirie, pompiers, énergie, réseaux, télétransmission, etc. est passée hors du champ des services de l'Etat et de son représentant dans le département. On doit donc se demander si ces dispositions, qui étaient réalistes au temps, pas si lointain, où les services de l'État concentraient toute l'information nécessaire et suffisante pour le faire et où ces mêmes services étaient impliqués dans un certain nombre de documents aujourd'hui devenus les PCS, sont encore opportunes aujourd'hui en particulier en cas d'éÏnements très rapides. III 2 DES PRINCIPES VALABLES QUEL QUE SOIT LE SCÉNARIO D'ORGANISATION DES SERVICES La mission est tombée d'accord pour estimer qu'un certain nombre de principes ou de lignes directrices devaient être très fortement réaffirmés ­ et leurs conséquences intégralement tirées ­ car ils constituent à ses yeux le socle de toute réforme, et le préalable indispensable à la clarification des responsabilités entre l'État, les collectivités territoriales et les autres acteurs. Ils concernent le recueil et la diffusion des informations hydro-météorologiques, la prévention par la maîtrise de l'urbanisation, l'élaboration des mesures de sauvegarde. III 2 1 La mise à disposition gratuite par l'État des observations hydrométéorologiques Ce principe n'est pas vraiment nouveau puisqu'il est déjà largement inscrit dans les textes mais sa mise en oeuvre connaît de multiples restrictions et laisse globalement à désirer. En effet, l'article L 564-2 du code de l'environnement énonce que « les collectivités territoriales ou leurs groupements peuvent accéder gratuitement, pour les besoins du fonctionnement de leurs systèmes de surveillance, aux données recueillies et aux prévisions élaborées grâce aux dispositifs de surveillance mis en place par l'État, ses établissements publics et les exploitants d'ouvrages hydrauliques. » Le décret d'application de cette disposition vient d'être publié au JO. Par ailleurs, l'article 6 du décret 2005-28 du 12 juillet 2005, précise qu'un règlement relatif à la surveillance et à la prévision des crues et à la transmission de l'information sur les crues, Les intempéries survenues dans les Pyrénées-Atlantiques le 4 mai 2007 34 élaboré pour chaque bassin « détermine les informations recueillies et les prévisions élaborées grâce aux dispositifs de surveillance mis en place par l'État, ses établissements publics et les exploitants d'ouvrages hydrauliques auxquelles les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent accéder gratuitement pour les besoins du fonctionnement de leurs systèmes de surveillance, ainsi que les modalités techniques de mise à disposition et la fréquence d'actualisation de ces informations ... ». Or la mission a pu constater que si la fourniture des images radar calibrées de Météo-France aux services de l'Etat était réglée par convention, la mise de ces mêmes images à la disposition des collectivités était payante86 à l'exception de celles qui sont inscrites dans les règlements de surveillance, de prévision et de transmission de l'information sur les crues (RIC), qui bénéficient gratuitement des données utiles à leur activité de suivi des crues, dont les données radar. Les opérateurs priÎs n'échappent pas à la règle (même quand ils sont, comme PREDICT, filiale de Météo-France). Les RIC comme celui du SPC du bassin de l'Adour 87 spécifient bien que l'imagerie radar fait partie des « informations nécessaires au fonctionnement des dispositifs de surveillance, de prévision et de transmission de l'information sur les crues ». Cette disposition résulte directement de la convention cadre DE-MF. Mais d'une part, elle ne vise que les collectivités territoriales ou leurs groupements, listés dans un SDPC ou un RIC, et ne paraît pas inclure l'ensemble des produits appropriés (telle l'imagerie satellitaire) ; d'autre part, elle paraît appliquée de manière assez restrictive 88, sans que la mission ait pu trancher sur ce point de manière définitive. Ce principe de gratuité doit s'appliquer non seulement aux images radar (images immédiatement exploitables, donc calibrées selon les dernières techniques disponibles), mais aussi : à toutes les données hydrométriques recueillies par le réseau de mesure dépendant de l'ONEMA (actuellement seules les observations pluviométriques et limnimétriques recueillies par les stations d'alerte dites « réglementaires » sont disponibles en temps réel ; la mise à disposition de celles recueillies sur les stations dites « d'observation » est encore inégale et devrait l'être prochainement), aux observations de nature historique, effectuées par les services quel que soit leur lieu et leur mode de conservation. - Il est à noter que les images radars calibrées de pays limitrophes (Espagne, Italie, Suisse, Royaume Uni, ...) sont accessibles sur Internet gratuitement et en temps réel. Ces images sont d'ailleurs fréquemment exploitées par des bureaux d'étude français qui en ont l'usage. La mission est consciente que ce principe de gratuité est de nature à modifier le régime de financement d'un établissement public, doté de l'autonomie budgétaire, comme Météo86 La question ne se pose en revanche pas pour les images calibrées par le système CALAMAR, d'une part, parce que le logiciel développé parla société RHEA pour la DPPR est gratuit, et d'autre part parce que le logiciel doit être adapté à une zone géographique où les pluviomètres permettent de calibrer l'image radar. CALAMAR est aussi utilisé par des collectivités locales importantes. 87 A l'article 3 4-4-1. 88 Certes, la réglementation (loi CADA, transposition de la directive sur les données publiques,...) prévoit un accès gratuit aux données produites par les services de l'État pour des missions relevant du service public. Ce qui peut être facturé aux utilisateurs n'est pas la donnée, mais le service de mise à disposition, sauf cas conventionnel précis. Tel est le cas si un bassin non réglementaire est introduit dans le SDPC. Les intempéries survenues dans les Pyrénées-Atlantiques le 4 mai 2007 35 France. Mais elle estime cette réforme tout à fait fondamentale pour un nouveau partage des rôles entre l'État et les autres acteurs responsables de la gestion du risque inondation. Elle n'exclut pas, comme on le verra plus loin, que cet engagement accru de l'État au stade de l'observation des phénomènes hydrométéorologique soit compensé par engagement moindre au stade de la prévision des éÎnements météorologiques intenses, prévision pour laquelle les collectivités territoriales paraissent tout aussi bien, sinon mieux, qualifiées encore que les services de l'aviation civile en particulier en ont un besoin absolu. La mission suggère que les termes de l'article L.564-2 du code de l'environnement soient strictement respectés et que l'accès aux données recueillies et aux prévisions élaborées grâce aux dispositifs de surveillance mis en place par l'État, ses établissements publics et les exploitants d'ouvrages hydrauliques soit effectivement gratuit. Les dispositions du 4 de l'article 6 du décret sus-visées n'intéresseraient plus que les modalités techniques de mise à disposition de ces informations. Plus généralement dans le domaine des risques directement liés à l'eau, la mission suggère que l'Etat se recentre à terme principalement sur les observations « interprétées » et leur mise à disposition. La mission n'était pas mandatée pour explorer l'organisation même des services chargés de produire ces observations. Elle se borne à constater que l'existence d'une double filière ­ météorologique d'une part et hydrologique d'autre part ­ est une source supplémentaire de complexité. Il est plus que vraisemblable que cette dualité est à l'origine de surcoûts, et qu'elle constitue un frein au développement des recherches tendant à représenter le cycle de l'eau dans son intégralité. La question mérite d'être étudiée et approfondie en tant que telle, dans une logique d'optimisation de la dépense publique. III 2 2 L'État, compétent pour dire le risque et en tirer les conséquences89. Comme il a été rappelé plus haut, l'élaboration des plans de prévention des risques naturels relève de l'État. C'est le préfet de département qui est chargé de déterminer les zones exposées au risque inondation et devant par conséquent faire l'objet de mesures restrictives, voire d'interdictions en matière d'urbanisation (décret du 5 octobre 1995). Ce rôle essentiel de l'État doit non seulement continuer à s'exercer, mais être renforcé. Nombre de rapports antérieurs à celui-ci ont regretté la lenteur d'élaboration des PPRi, la faiblesse parfois de leurs dispositions, le manque de rigueur dans le suivi de leur application ainsi que l'absence de contrôle du respect des dispositions dont ils s'accompagnent souvent. L'exercice de cette mission de prévention se heurte, dans le cas des éÏnements rapides, à une difficulté particulière tenant à la détermination de « l'aléa de référence », c'est-à-dire de l'éÎnement naturel dont l'ampleur sert de référence pour définir les zones susceptibles d'être touchées et les risques courus par les personnes et les biens. Avant la création de Météo-France, l'Observatoire de Paris était chargé de rassembler, d'exploiter et de conserver toutes les observations climatologiques. Pour de multiples raisons90, les archives de l'Observatoire de Paris sont loin d'avoir été toutes numérisées91 et 89 On se reportera au rapport IGA, CGPC, CGGREF, IGE août 2006 sur « les inondations et submersions de la Bièvre » disponible à l'adresse suivante : http://publications.ecologie.gouv.fr/publications/spip.php?article158. 90 Certaines ont été stockées dans des forts dont l'accès est encore interdit (amiante). Les intempéries survenues dans les Pyrénées-Atlantiques le 4 mai 2007 36 exploitées. Or, le fond de l'Observatoire de Paris est riche92, et il existe beaucoup de séries d'observations, souvent longues (150 ans et plus)93. Pour les orages et les ruissellements qui nous intéressent, il faut dépasser l'estimation ponctuelle. Or ce n'est que depuis quelques années que les images radar calibrées permettent de disposer d'informations sur l'extension spatiale et l'hétérogénéité des éÎnements. Dans ces conditions, il importe de connaître le plus précisément possible les isohyètes des éÎnements orageux antérieurs, c'est à dire d'apprécier les superficies intéressées par des éÎnements pluvieux de X mm ayant concerné Y km² dans une région donnée. Cela nécessite une recherche documentaire et historique. Ces recherches sont en cours dans certains départements. D'autres les ont entreprises et acheÎes comme celui de l'Ardèche. Des règles ont été fixées au niveau national pour déterminer les différents types d'aléas de référence à prendre en compte ; pour les PPRi, par exemple, la crue de référence est la plus forte crue connue et, dans le cas où celle-ci serait plus faible qu'une crue de fréquence centennale, cette dernière94. Le concept d'aléa de référence est mal adapté, non stabilisé et donc non appliqué à certains types d'aléas météorologiques, en particulier le ruissellement et les « submersions ». En effet, évaluer, classer un éÎnement météorologique orageux est une gageure : De quoi peut-on parler ? A la fois de son intensité, de sa durée (lame d'eau totale précipitée), de la surface des isohyètes d'une certaine valeur et/ou d'une combinaison de ces paramètres ? Et alors, laquelle ? Cette question constitue actuellement un sujet de recherche95. Il importe cependant que les PPR « ruissellement » puissent être élaborés avec un aléa qui soit significatif. Il faut alors le rapporter à une cote de submersion, c'est à dire le fixer à « la crue » qu'il a engendré en fonction d'aménagements réalistes dont l'objectif est de maîtriser l'alea jusqu'à un certain « débit » sans dommage sur les biens. Cette incertitude doit être croisée avec le principe de précaution d'autant qu'il n'est malheureusement pas rare que l'aléa fasse des victimes. Dans ces conditions, l'incertitude de l'aléa ruissellement impose une extrême vigilance dans la qualité du zonage des PPRi, des dispositions relatives à la diminution de la vulnérabilité des constructions existantes et une extrême rigueur dans l'application de ces plans. 91 Certaines de ces données sont cependant disponibles sur des sites en particulier des instituts russes et allemands. 92 Des releÎs de précipitation journalière existent depuis les années 1850 ; chaque école a eu un pluviomètre. 93 La mise à disposition des observations sur les précipitations et comme les averses de durée variable et à origine glissante comme l'information gérée par Météo-France dans la banque nationale PLUVIO est toujours payante. 94 On lit dans de nombreux rapports d'inspection générale "La fixation de l'aléa de référence en matière d'inondation nécessite des recherches historiques auxquelles les ingénieurs ne sont pas formés et qu'ils rechignent à faire quand ils ne les dénigrent pas. Pourtant la méthodologie de ces recherches est de mieux en mieux fixée". De ce fait, on observe souvent que c'est le débit centennal calculé qui est pris comme aléa de référence même si l'écart type du débit n'est généralement pas mentionné. 95 Voir les travaux devenus classiques de Desbordes et Neppel à l'université de Montpellier. Les intempéries survenues dans les Pyrénées-Atlantiques le 4 mai 2007 37 III 2 3 Les communes, chargées de l'édiction des mesures de sauvegarde Quand « l'alerte » est reçue par les élus et transmise aux particuliers, chacun doit connaître son rôle et l'attitude qu'il doit adopter face au risque annoncé. Les plans communaux de sauvegarde répondent à cette nécessité dès lors qu'ils existent, qu'ils ont été élaborés avec soin, qu'ils sont bien assimilés et que leur connaissance est entretenue auprès de la population par une information et des exercices réguliers. Les plans communaux de sauvegarde sont institués par l'article 13 de la loi n°2004-811 du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile : « Le plan communal de sauvegarde regroupe l'ensemble des documents de compétence communale contribuant à l'information préventive et à la protection de la population. Il détermine, en fonction des risques connus, les mesures immédiates de sauvegarde et de protection des personnes, fixe l'organisation nécessaire à la diffusion de l'alerte et des consignes de sécurité, recense les moyens disponibles et définit la mise en oeuvre des mesures d'accompagnement et de soutien de la population.... Il est obligatoire dans les communes dotées d'un plan de prévention des risques naturels prévisibles approuÎ ou comprises dans le champ d'application d'un plan particulier d'intervention ». Le décret n°2005-1156 du 13 septembre 2005 relatif au plan communal de sauvegarde et pris pour application de l'article 13 visé ci-dessus précise: « Article 1 : Le plan communal de sauvegarde définit, sous l'autorité du maire, l'organisation prévue par la commune pour assurer l'alerte, l'information, la protection et le soutien de la population au regard des risques connus. Il établit un recensement et une analyse des risques à l'échelle de la commune. ... Article 4 : Le plan communal de sauvegarde est élaboré à l'initiative du maire de la commune. Il informe le conseil municipal du début des travaux d'élaboration du plan. A l'issue de son élaboration ou d'une révision, le plan communal de sauvegarde fait l'objet d'un arrêté pris par le maire de la commune ... Il est transmis par le maire au préfet du département ». Article 6 : L'existence ou la révision du plan communal ou intercommunal de sauvegarde est portée à la connaissance du public par le ou les maires intéressés ... Le document est consultable à la mairie ». Le législateur a donc confié au maire une responsabilité nouvelle et indiscutable, en particulier dans les communes qui font l'objet d'un PPR, c'est à dire les plus vulnérables. Le préfet est seulement informé. Le plan communal de sauvegarde est un dispositif novateur, dont le rôle est capital dans la gestion de crise, particulièrement dans le cas des crues à cinétique rapide. En effet c'est lui qui permet d'articuler l'alerte avec un ensemble de conduites adaptées, d'utiliser au mieux le laps de temps nécessairement très court qui sépare l'annonce de la survenance de l'éÎnement pour la mise en sécurité des biens et des personnes. Sans plan de sauvegarde, autrement dit, sans préparation à la crise à l'échelon local, l'alerte a toutes les chances d'être contre-productive S'il n'est pas question de prévoir dans le détail tout ce qui peut se passer, un plan de sauvegarde doit savoir décrire à l'avance les scénarios Les intempéries survenues dans les Pyrénées-Atlantiques le 4 mai 2007 38 de crise. Force est de constater cependant que la mise en oeuvre de cette politique ne donne pas les résultats escomptés. Le 15 septembre 2007, à l'expiration du délai de deux ans prévu par la loi pour l'élaboration des PCS obligatoires, le taux de réalisation ne dépassait pas 10% pour la France entière. (Il était un peu meilleur pour le département des Pyrénées-Atlantiques où il atteignait 17,5%). Plus grave encore, la mission a pu constater que, même lorsqu'ils existent, les PCS sont souvent très faibles pour ce qui est de leur contenu et se résument à une liste de personnes à prévenir. On est encore très loin, quantitativement et qualitativement, de l'objectif fixé par le législateur. Les départements qui enregistrent les meilleurs résultats sont ceux dans lesquels le Conseil général s'est engagé dans une démarche concertée en offrant en particulier son appui financier (Hérault, Gard, Tarn...). Il est vraisemblable qu'en cas de contentieux, la responsabilité civile et pénale du maire sera recherchée et pointée dès lors que le PCS est notoirement insuffisant. Il est tout aussi vraisemblable que celle du préfet le sera également dès lors qu'un PPR a été arrêté par le préfet et qu'il n'existe pas de PCS, que le PCS est notoirement insuffisant, ou que l'existence ou la révision du PCS n'a pas été portée, ou qu'elle a été insuffisamment portée, à la connaissance du public. Dans ces conditions, la mission recommande vivement aux préfets de rappeler périodiquement et fermement aux maires leurs responsabilités et leurs obligations réglementaires. III 3 TROIS SCENARIOS CONTRASTES Les scénarios présentés ci-dessous ne résultent pas de l'analyse critique de l'éÎnement intervenu dans le bassin de la Nivelle le 4 mai dernier. Comme il a été dit, cette crise aurait pu être convenablement gérée si ne s'était produite une accumulation de séries de dysfonctionnements mineurs qui n'ont pas pu être maîtrisés. Mais dès lors que la vigilance doit s'appliquer à l'ensemble des éÏnements à cinétique rapide, on doit s'interroger sur le mode de partage des responsabilités et d'organisation des services le plus approprié pour anticiper et gérer au mieux la crise. Les dispositions de la procédure de vigilance intégrée pluie-inondation permettront peut-être de combler certaines de ces failles, notamment en formalisant davantage les contacts entre Météo-France, le SCHAPI, les SPC et les COZ96. Mais elles ne traitent qu'une partie du problème. Car, progrès dans la vigilance (entendue au sens d'une anticipation de 12 à 24 h), même sous une forme « intégrée », n'implique pas forcément progrès dans la prévision, encore moins dans la prévision rapprochée, seule utile en cas de phénomènes rapides (avec une anticipation de quelques dizaines de minutes à 1 h). Il ne garantit pas non plus une bonne prise en compte 96 Il est prévu que l'application de cette procédure fasse l'objet d'un suivi interne régulier. Les intempéries survenues dans les Pyrénées-Atlantiques le 4 mai 2007 39 de l'éÎnement par la chaîne des services opérationnels. C'est toute l'organisation de la chaîne qui est à évaluer. Les deux premiers scénarios ci-dessous visent par des voies différentes, tout en réaffirmant la compétence de l'État dans la prévision des crues rapides, à lui permettre de mieux l'exercer. Le 3ème scénario opte au contraire pour son externalisation. Ces scénarios, qui ne s'excluent d'ailleurs pas nécessairement en raison de la diversité d'exposition au risque des diverses parties du territoire, ne sont ici qu'esquissés97, et devront naturellement être approfondis et soumis au débat avant toute mise en application concrète. Les discussions qui ont eu lieu au sein de la mission, et avec les personnes auprès desquelles ils ont été testés, témoignent de ce que l'on n'a pas été au bout du chemin. Il ne pouvait guère en être autrement, alors que la réorganisation de la prévision des crues engagée depuis cinq ans n'est qu'à peine acheÎe. III 3 1 Scénario 1 : conforter les SPC dans leur évolution Les SPC, même dans le cadre des procédures actuelles, doivent, pour exercer convenablement leur mission, être en mesure d'interpréter les images météorologiques des hauts bassins. C'est dans cet esprit qu'ils ont été conçus, afin de réunir les compétences nécessaires à la fois en hydrologie et en météorologie. Dans les faits, les compétences hydrologiques et météorologiques n'y sont croisées que dans quelques endroits (Grand Delta, Garonne, ...). Mais ce n'est pas le cas général. Et, plusieurs rapports récents ont souligné l'affaiblissement des compétences des services dans ces deux domaines. La formation d'hydrologue nécessite des bases mathématiques et techniques sérieuses et dure au minimum un semestre98. Il a pu être estimé récemment qu'une vingtaine d'hydrologues devraient être affectés d'urgence pour pallier les situations les plus critiques. Le rapport de retour d'expérience sus-visé sur les crues de septembre 2005 dans le Sud-Est contient des propositions sur la formation des personnels chargés de suivre l'évolution des systèmes nuageux sur écran radar qui sont toujours d'actualité. Il s'agit de mettre à niveau les SPC en y affectant des hydrologues formés et en formant des météorologistes voire des prévisionnistes. Cela étant, les SPC ne sont pas des services juridiquement identifiés : ils sont sous la responsabilité hiérarchique du directeur du service d'accueil, DIREN, DDE ou DIR de MétéoFrance, c'est-à-dire que leurs moyens financiers comme humains dépendent de la politique du directeur. Pourtant, après chaque crise grave, et ainsi qu'il est inévitable, c'est systématiquement le « chef » du SPC qui doit en répondre, et voir son matériel ­ disques durs, main courante, etc ­ saisi. Il importerait donc de donner une existence juridique aux SPC et d'affirmer leur compétence interdépartementale. 97 N'étant pas liés à l'éÎnement de la Nivelle, on peut considérer qu'en les présentant, la mission a été au-delà de ce qui lui était strictement demandé. 98 Voir le rapport déjà cité sur les compétences hydrauliques. Les intempéries survenues dans les Pyrénées-Atlantiques le 4 mai 2007 40 Ces améliorations apportées, et au-delà des cartes de vigilance « crues » comme des cartes de vigilance inondation qui ont montré leur inadaptation et leurs limites face aux phénomènes rapides et de faible extension géographique, on peut penser que les SPC auraient la capacité de prévoir non seulement les crues rapides, mais aussi les averses qui les génèrent 99. La prévision des crues à cinétique rapide repose en effet sur la prévision des précipitations, la pluie entraînant immédiatement le débit, ce qui ressort réellement à l'hydrométéorologie. La Îritable réforme ne devrait cependant pas se limiter aux seuls SPC, mais prendre en compte l'ensemble SPC-SCHAPI-Météo-France ce qui permettrait d'aboutir, de l'avis de la mission, à de Îritables entités de prévision hydrométéorologique, adaptées selon les besoins des régions. À périmètre géographique inchangé, et dans les zones où les phénomènes rapides sont récurrents, les SPC devraient : se consacrer exclusivement à la prévision des phénomènes hydrométéorologiques rapides, avoir un correspondant auprès des préfets de départements, - être habilités à alerter directement les maires ou les autorités compétentes, au cas où des circuits d'alerte longs seraient confortés, - abandonner à un échelon géographique ou hydrographique « plus éleÎ » - DIREN de bassin, SCHAPI ­ la prévision des crues lentes qui ne posent pas de difficulté particulière quant à la rapidité de l'alerte, ainsi quel'élaboration et le rafraîchissement des cartes de vigilance « crues ». Un tel scénario, qui répondrait probablement aux attentes des services concernés, se heurte cependant à deux obstacles: Voudra-t-on ériger les SPC en services de plein exercice ? Seront-ils habilités à intervenir en temps réel sur des éÏnements se déroulant dans une zone de leur ressort, mais en dehors du département dans lequel ils sont implantés ? Sur le premier point, le statut des SPC est juridiquement défini par l'article 1 de l'arrêté du 27 juillet 2006 : « les services interdépartementaux de prévision des crues sont chargés de mission d'étude, d'expertise, d'appui technique à la maîtrise d'ouvrage... dans les domaines de la surveillance, de la prévision et de la transmission de l'information sur les crues... ». Ce ne sont pas des services déconcentrés au sens propre du terme, et la tendance actuelle n'est certes pas d'en créer de nouveaux. Mais une telle objection n'est pas nécessairement dirimante, des instructions pouvant en pratique être données pour parvenir à un résultat équivalent. En ce qui concerne les relations avec les collectivités territoriales, certains objecteront qu'elles ne peuvent, dans l'organisation actuelle de l'État et s'agissant d'un domaine mettant en cause la sécurité publique, que s'exercer par l'intermédiaire du préfet de département. Selon cette conception, l'alerte des maires en cas de crise est un acte d'autorité qui excède la compétence des SPC, telle qu'elle est définie par le texte cité ci-dessus (« mission d'étude, d'expertise, d'appui technique à la maîtrise d'ouvrage »). Certes, on pourrait envisager que le préfet délègue sa compétence au SPC, mais encore faut-il pour cela que la mission de SPC soit confiée à un service départemental, et que ce dernier ait son siège dans le département considéré100. 99 100 Ils sont mis en vigilance par les AP/BP qui intéressent une large portion du territoire. En pratique, cette condition n'est Îrifiée que dans 12 départements. Les intempéries survenues dans les Pyrénées-Atlantiques le 4 mai 2007 41 Si l'on voulait surmonter ces deux difficultés, il faudrait sortir les SPC du cadre administratif actuel, afin qu'ils se positionnent comme des prestataires pour compte de tiers, ce que permettrait par exemple leur rattachement à Météo-France. On se rapprocherait alors du dernier des scénarios envisagés ici, celui de l'externalisation. Cette perspective pourrait aller jusqu'à un scénario « 1 bis », consistant en une intégration des expertises météo et hydro. Une telle hypothèse permettrait de sortir les SPC de leur isolement relatif, et de limiter les incompréhensions mutuelles qui ont parfois pu se faire jour. L'appartenance des SPC et du SCHAPI à un ensemble plus fortement structuré devrait rendre ces organismes moins dépendants des contextes locaux, renforcer leur professionnalisme, et permettre d'intégrer leurs procédures dans un dispositif davantage normé qu'il ne l'est actuellement. III 3 2 Scénario 2 : créer des services départementaux chargés des risques Ce scénario, présenté dans un souci d'exhaustivité, ne fait pas l'unanimité au sein de la mission. Les missionnaires membres de l'IGE se refusent en effet à y souscrire, en considérant qu'il marquerait un retour en arrière en matière d'organisation des services régionaux et départementaux, de décentralisation vers les communes, d'organisation et de gestion des eaux par bassin. Ce scénario entend concentrer au niveau départemental l'ensemble des missions liées à la prévision et à la gestion des risques. À la différence du précédent, il donne le primat à l'organisation administrative classique sur la logique de bassin. À cet effet, serait créée au sein d'un service déconcentré de l'État au niveau départemental une unité regroupant la totalité des compétences requises pour réduire l'exposition des populations au risque d'inondation. Ainsi serait-il mis un terme à la situation actuelle qui veut que l'État soit compétent en amont (pour les mesures de prévention) et en aval (pour l'organisation des secours), mais démuni dans la phase intermédiaire. L'unité responsable des risques naturels aurait la responsabilité de la totalité de la chaîne allant de la veille et de la vigilance à la gestion de crise jusqu'au retour à la normale. Plus précisément, elle aurait en charge : - la prévention : « dire le risque », porter à connaissance dans le cadre des PPR et d'autres réglementations (sécurité campings,...), tutelle de l'État sur les PCS, - le suivi des éÏnements (leur prévision lorsqu'elle est possible): qualification et localisation du phénomène détecté (par Météo-France ou par le réseau hydro), - l'alerte « fine et graduée » aux divers responsables voire, en cas d'urgence à la population, - la gestion de crise : rôle d'expert inondation auprès du préfet, assistance au SIDPC pour la mise au point et la tenue à jour des plans d'intervention101, - l'après-crise (indemnisations, réparations...). La mission d'inspection n'a pas pris parti en ce qui concerne le service qui aurait vocation à accueillir cette unité, d'autant plus que l'organisation des services de l'État au niveau 101 En allant au bout de la logique de ce scénario, l'unité en question pourrait même absorber le SIDPC. Les intempéries survenues dans les Pyrénées-Atlantiques le 4 mai 2007 42 départemental est appelée à évoluer. Dans l'organisation actuelle, on pencherait assez logiquement pour les DDE, lesquelles, en dépit de la décentralisation qui a conduit au transfert aux conseils généraux de nombre de leurs agents102, disposent d'une bonne connaissance des enjeux et sont par ailleurs en relation étroite avec les élus locaux. Le rapprochement des CMD avec les DDE constituerait l'aboutissement logique de ce scénario. On aperçoit sans peine les avantages qui pourraient résulter de ce scénario : d'abord en termes de proximité et de connaissance des particularités tant du climat que du terrain ; c'est aussi à ce niveau que l'historique des éÏnements pourrait103 être établi, et leur mémoire entretenue ; le niveau départemental est aussi favorable au déploiement des actions de sensibilisation des élus aux nécessaires mesures de prévention, et à l'élaboration de PCS consistants ; la concentration au sein d'un même service départemental de compétences diverses permet une bonne cohérence, voire intégration, des politiques suivies en matière de prévention des risques et de mitigation de leurs conséquences (stratégie d'aménagement appropriée, ouvrages hydrauliques) ; ce scénario : permet de lever l'obstacle tenant, conformément à ce qui a été vu plus haut, à ce qu'un SPC ne peut actuellement intervenir dans le dispositif d'alerte aux maires d'un autre département que celui dans lequel il est implanté ; en effet, il s'inscrit dans les dispositions du décret n°2004-374 du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'Etat dans les régions et départements et en particulier son article 11 (déjà cité), lequel prévoit notamment que le préfet de département a la charge de l'ordre public, de la sécurité et de la protection des populations. Il correspond également à la volonté maintes fois exprimée de voir renforcé le rôle des DDE104 en matière de prévention et de gestion des risques naturels. - - - - Pour autant, il offre le flanc à plusieurs objections, dont la principale est qu'il constituerait un retour en arrière par rapport à l'orientation qui prévaut encore aujourd'hui, à savoir la nécessité d'inscrire la politique de prévention et de prévision des risques d'inondation à l'échelle du bassin, qui ignore souvent les limites départementales. Cette objection mérite d'être prise en considération, mais on observera que les phénomènes à cinétique très rapide intéressent souvent de très petits bassins, et que l'approche par grands bassins versants vaut surtout pour les crues lentes justiciables d'une organisation spécifique105106. Rien n'interdit au demeurant à un département de travailler en réseau avec les autres départements d'un même bassin. Une autre objection à ce scénario est que l'acquisition d'une large compétence horizontale pourrait se faire au prix d'une certaine perte de compétence technique. C'est d'ailleurs cette volonté de ne pas disperser les compétences déjà limitées en matière hydrométéorologique 102 Pour l'observation des crues cependant, des conventions établies localement permettent cependant d'éviter qu'il se traduise par une perte de moyens d'intervention. 103 Au moins en théorie, de nombreux intérêts convergent souvent pour qu'il n'en soit pas ainsi. 104 Ou des futurs services techniques départementaux qui s'y substitueront. 105 Dans les 4 départements côtiers du Languedoc-Roussillon, tous les cours d'eau se situent en totalité sur le territoire d'un seul département, à l'exception du Vidourle (qui fait la limite ente l'Hérault et le Gard) et naturellement du Rhône. 106 Pour les crues lentes, les collectivités locales concernées se sont souvent organisées pour mettre en place, sous forme de syndicat intercommunal, d'association ou d'établissement public un organisme ad hoc. Les intempéries survenues dans les Pyrénées-Atlantiques le 4 mai 2007 43 qui a été en partie à la base de la transformation en SPC des anciens SAC. Il semble à la mission que cette observation tend à perdre de sa pertinence à mesure que progressent les moyens d'observation des phénomènes et leur interprétation. La mise à disposition gratuite des données hydrométéorologiques, posée en principe dans le présent rapport, devrait permettre aux services d'acquérir progressivement les compétences nécessaires. Un tel scénario intéresserait environ 40 départements ; les moyens humains à y consacrer pouvant être estimés à au moins 150 personnes compte tenu des astreintes. Or l'État a du mal à maintenir dans ses services un bon niveau de compétence technique, en particulier en hydrométéorologie, et à former et recruter les agents qui seraient nécessaires pour combler les déficiences actuellement constatées dans les SPC. Le défi n'est pas mince, si l'on considère que la responsabilité de la majorité des « services opérationnels » en matière de voirie, pompiers, énergie, télétransmission, etc. sont passés hors du champ des services de l'Etat et de son représentant dans le département. Il n'est pas possible enfin de sous-estimer l'impact psychologique que pourrait avoir une telle évolution, même si, de l'avis de la mission, pour nombre de SPC, et notamment ceux qui sont « hébergés » par les DDE, il s'agirait plutôt d'une extension de leurs missions que d'une régression. Mais si l'on s'orientait dans une telle voie, cela devrait être très clairement expliqué. III 3 3 Scénario 3 : externaliser la prévision des crues à cinétique rapide Ce scénario consiste à faire prendre en charge par les communes leur protection face aux phénomènes de crues à cinétique rapide. Il s'inscrit dans un mouvement de fond. Depuis quelques années, on voit se multiplier les systèmes locaux de prévision et d'alerte, destinés à combler les lacunes du système de surveillance de l'État. Le récent colloque qui s'est tenu les 14 et 15 novembre 2007 à Toulouse à l'initiative de l'AFPCN107 et de Météo-France, et sous le co-pilotage de la direction de l'eau, a montré la vigueur et la diversité de ces initiatives. Cette solution présente de nombreux avantages : elle a le mérite de la justice financière : la différence entre les communes, selon qu'elles bénéficient ou non d'une surveillance exercée par l'État, est abolie et toutes les communes sont placées sur un pied d'égalité ; elle favorise une approche concertée à l'échelle intercommunale, qui se confond souvent avec celle du bassin versant. En effet ces systèmes sont souvent développés dans le cadre des PAPI, ce qui permet un traitement coordonné et cohérent de tous les éléments qui entrent dans la gestion du risque (prévision, mais aussi aménagements hydrauliques, entretien des rivières...) ; elle garantit une meilleure réactivité grâce au raccourcissement de la chaîne d'alerte. Dans les éÎnements à cinétique rapide, il est primordial que l'alerte aille directement de l'observateur au décideur, ce qui permet de gagner du temps, mais aussi d'adapter en permanence les mesures à prendre à la réalité de l'éÎnement ; enfin, on constate que les structures locales de prévision de crues sont aussi souvent chargées de préparer pour le compte des communes les plans de sauvegarde. Or il - - - 107 Association française pour la prévention des catastrophes naturelles. Les intempéries survenues dans les Pyrénées-Atlantiques le 4 mai 2007 44 n'est pas sans intérêt que ce soit la même structure qui pilote la préparation des PCS et qui conseille ensuite les maires dans leur mise en oeuvre. La préparation à la crise et la gestion de crise sont ainsi rassemblées sous une même autorité, pour former un bloc de compétences. Pour autant, ce scénario suppose que l'État ne soit pas complètement absent ; il continuerait d'intervenir, avec des attributions qui sont à préciser. Tout d'abord, l'État verrait sa responsabilité réaffirmée pour tout ce qui concerne l'observation et le recueil des données hydrométéorologiques. C'est là une contribution essentielle, d'un point de vue technique et financier, au bon fonctionnement des systèmes locaux108. La question essentielle est de savoir comment les attributions du maire, en tant que directeur des opérations de secours, s'articuleraient avec celles du préfet. En effet, le maire est responsable de la sécurité des populations dans sa commune mais les textes prévoient que le préfet assure la direction des opérations de secours dès lors que la crise dépasse, par son ampleur ou ses conséquences, les limites ou les capacités d'une commune. Il faudrait donc poser en principe que le maire, étant le premier informé, est seul responsable des mesures immédiates à prendre (même en cas de catastrophe de grande ampleur affectant plusieurs communes). La responsabilité du préfet (qui ne dégage jamais le maire de ses responsabilités propres109) n'entrerait en jeu qu'à partir du moment où les conditions matérielles seraient réunies pour qu'elle puisse s'exercer. Elle s'affirmerait à mesure que le représentant de l'Etat dans le département acquerrait une vue claire de la situation sur le terrain 110. La question de l'information du préfet, dans les inondations à cinétique rapide, est en effet au coeur du problème. A partir du moment où l'on privilégie les réseaux locaux, avec des circuits d'alerte courts, le préfet n'est plus nécessairement le premier informé, car s'il reçoit bien toutes les données hydrométéorologiques, qui sont publiques, il n'a pas les moyens de les interpréter. Pour permettre au préfet d'être informé et de prendre rapidement sa place dans le dispositif de gestion de crise, la mission suggère que le PC préfectoral111 soit relié à tous les dispositifs de surveillance locaux et qu'il reçoive en temps réel tous les messages d'alerte délivrés par ces derniers. On peut même imaginer que le préfet soit partie prenante de ces systèmes locaux lorsqu'ils sont organisés en réseau radio partagé ou en « web conférences ». Des textes doivent être adaptés pour tenir compte du fait que la responsabilité du préfet en matière de gestion de crise ne peut s'exercer qu'à partir du moment où l'information qui remonte du terrain lui permet d'avoir une vue complète de la situation. Pour faciliter cette information, les COD sont destinataires de tous les messages d'alerte diffusés par les services locaux de prévision des crues, quelle que soit leur nature, et associés aux conférences organisées entre ces derniers et les maires, par radio, par téléphone ou sur le web. 108 À titre d'exemple, la société PREDICT affecte 40% de son budget à l'achat des images radar et des logiciels d'exploitation. 109 Voir la jurisprudence constante. 110 Ceci semble être bien le cas actuellement. 111 Le COD. Les intempéries survenues dans les Pyrénées-Atlantiques le 4 mai 2007 45 Concernant le rôle joué par l'État, un dernier point fait débat : savoir si l'État doit se désengager de la prévision des crues lentes, comme il le ferait de la prévision des crues rapides. On observe que dans le cas de la Loire, qui est sans doute le plus emblématique, la prévision des crues est déjà confiée à un établissement public territorial, et cette solution pourrait être généralisée. La mission n'a pas tranché sur ce point. Elle estime toutefois que si l'on décidait de garder la surveillance des crues lentes dans le giron de l'État, il faudrait la transférer à un échelon territorial plus large que celui des 22 SPC, probablement à l'échelle des 6 bassins, voire à l'échelle nationale. L'externalisation suppose donc le développement d'une assistance complète aux maires, allant de l'analyse des risques, de l'information préventive, de l'aide à l'élaboration des PCS, à la gestion de crise proprement dite, en passant par la mise en vigilance, la pré-alerte, l'alerte, jusqu'au bilan et au retour d'expérience. Les communes sont libres de s'organiser comme elles l'entendent et selon la nature des risques auxquels elles sont exposées, l'importance des enjeux et la faisabilité des prévisions, elles choisiront entre les partis actuels : la gestion en régie par les communes elles-mêmes ou leurs groupements . C'est déjà le cas de villes comme Nîmes, Marseille, Bordeaux..., la délégation de compétences à des structures intercommunales spécialisées déjà actives dans le domaine de l'eau (syndicat mixte de rivière, établissement public territorial de bassin). C'est le cas du Thoré, du syndicat de la Sagne..., le recours à l'ingénierie publique, qu'il s'agisse de services déconcentrés de l'État ou d'établissements publics, notamment Météo-France qui offre déjà ce service à des opérateurs priÎs (organisateurs d'éÎnements sportifs, courses automobiles, régates, matchs de tennis...), le recours à des prestataires de service, sur le modèle de la société PREDICT. Ce « créneau » devrait intéresser de grandes sociétés de services aux collectivités et on devrait assister à la constitution d'un Îritable marché, générant des économies d'échelle et favorisant l'émergence d'une offre compétitive. - - Se pose évidemment la question du financement, car certains pourraient être tentés d'analyser la réforme proposée comme un transfert de charges de l'État vers les collectivités. Il y a lieu d'observer d'abord que l'intercommunalité, tout comme le recours à des sociétés de service, constitue une forme de mutualisation. Le coût de la protection offerte par les systèmes locaux peut apparaître modeste lorsqu'on le rapporte à la population couverte, et devrait baisser substantiellement avec le développement du marché et l'élargissement de la concurrence. De leur côté, si les départements et les régions s'investissent déjà dans la gestion du risque inondation (en finançant des études, des travaux d'entretien ou d'aménagement...), la mission a pu constater, comme dans le cas du département des Pyrénées-Atlantiques, qu'ils sont souvent désireux d'aller plus loin. Nul doute que les communes qui s'engageraient dans une démarche de prévision des crues rapides trouveraient un appui, technique et financier, auprès des autres niveaux de collectivités. Les intempéries survenues dans les Pyrénées-Atlantiques le 4 mai 2007 46 IV CONCLUSION La gestion difficile de la crise intervenue dans la nuit du 3 au 4 mai 2007 dans le bassin de la Nivelle en raison des fortes précipitations qui s'y sont concentrées résulte dans une large mesure de la conjonction de toute une série de dysfonctionnements, alors même que le réseau de mesure était en cours de modernisation. Il serait hâtif de tirer de ce seul artefact des conclusions de portée générale. Au demeurant, des mesures ont d'ores et déjà été prises, ou sont en cours, pour y porter remède. Cet épisode a toutefois fait ressortir les limites des procédures de vigilance en vigueur au regard de tels phénomènes qui n'ont pourtant rien d'exceptionnel dans tout le pourtour méditerranéen. Ce n'est pas sans raison que le schéma directeur de prévision des crues avait circonscrit dans des limites très strictes, dictées par l'état de l'art et des moyens disponibles, la responsabilité réglementaire de surveillance exercée par l'État. Or les techniques permettent aujourd'hui, sous certaines conditions, d'anticiper ce type d'éÎnement, et nul ne comprendrait, au regard des enjeux en cause, que tout ne soit pas entrepris pour en tirer profit, quel que soit le partage des responsabilités dans la mise en oeuvre des dispositions adéquates. À cet égard, la position de l'État a toujours été marquée par la prudence, en limitant son champ d'intervention à un linéaire de cours d'eau bien déterminé, proportionné aux moyens tant humains que techniques mobilisables. Il s'est ainsi créé une situation paradoxale dans laquelle ces moyens ont été concentrés pour l'essentiel sur les crues à cinétique lente par nature beaucoup plus prévisibles que les autres, et dont les conséquences en termes de vies humaines sont souvent moins dommageables que les phénomènes paroxystiques tels que celui qui s'est produit sur le bassin de la Nivelle. La coexistence de deux dispositifs de vigilance, l'un axé sur la météorologie, l'autre sur l'hydrologie, est une cause supplémentaire de perte d'efficacité globale. Quel que soit le scénario de partage des responsabilités et d'organisation des services retenu pour l'avenir, la mission a tenu à réaffirmer trois principes fondamentaux : la mise à disposition gratuite par l'État des observations hydrométéorologiques ; le maintien voire le renforcement de son rôle prééminent dans le domaine de la prévention, pour dire le risque et en tirer les conséquences ; la responsabilité première des communes pour l'édiction et la mise en oeuvre des mesures de sauvegarde. Des scénarios contrastés, qui ne s'excluent au demeurant pas nécessairement en raison de la diversité d'exposition aux risques de crues rapides des différentes parties du territoire, ont été esquissés. Il reste à les approfondir et à débattre de leurs avantages et inconÎnients respectifs. Bernard JULLIEN Michel BURDEAU Xavier MARTIN Les intempéries survenues dans les Pyrénées-Atlantiques le 4 mai 2007 47 Annexe I : lettre de mission Les intempéries survenues dans les Pyrénées-Atlantiques le 4 mai 2007 48 Les intempéries survenues dans les Pyrénées-Atlantiques le 4 mai 2007 49 Annexe II : liste des personnes rencontrées Administrations centrales Direction de l'eau M. Pascal Berteaud, directeur Mlle Frédérique Martini, chef de bureau Direction de la défense et de la sécurité civile M. Henri Masse, directeur M. Bernard Deleplancque, sous directeur de la gestion des risques Mme Catherine Guenon, chef du bureau des risques majeurs M. Koumaran Pajaniradja, ingénieur météorologue M. le colonel Philippe Sarron, chef du COGIC M. Denis Gaudin, chef du bureau de la coordination interministérielle Direction de la modernisation et de l'administration territoriale, secrétariat général, ministère de l'intérieur Mme Nathalie Colin, chef du bureau de l'organisation et de l'administration territoriale de l'Etat Mission à Pau, le 27 juillet 2007, préfecture des Pyrénées-Atlantiques. Entretiens avec : M. Marc Cabane, préfet des Pyrénées-Atlantiques M Nicolas Honoré, directeur de cabinet M Alain Guilhaudis, SIDPC M. Frédéric Dupin, directeur départemental de l'équipement M. Michel Ransou, chef du service maritime, environnement, sécurité, DDE Mme Bordagaray, chef de l'unité hydraulique, environnement, DDE M. Marc Rivière, chef de l'unité prévision des crues, DDE Mme Ducasse, déléguée départementale de Météo-France M. le commandant Gros, représentant le SDIS 64 Mission à Toulouse le 5 septembre 2007, DIREN, SCHAPI, SPC M-P et Météo-France. Entretiens avec : M. André Bachoc, directeur régional de l'environnement Midi-Pyrénées Mme Marion Grua, de la DIREN Aquitaine Mme Pascale Cornuau, chef du pôle prévention des risques et prévision des crues M. Jean-Marc Dolmière, adjoint au chef du SCHAPI M. Pascal Sauvagnac, du pôle acquisition de données et hydrométrie M. Jean-Jacques Vidal, chef du SPC de Toulouse M. Marc Payen, directeur de la DIR/SO de Météo-France M. Jean-Pierre Pellen, DIR/SO-Prévi Les intempéries survenues dans les Pyrénées-Atlantiques le 4 mai 2007 50 Mission au Pays Basque, les 12 et 13 septembre 2007, délégation territoriale DDE, services du conseil général et élus locaux (en l'absence de Xavier MARTIN). Entretien (en sus des agents déjà rencontrés précédemment) avec : M. Nicolas Périno, délégué territorial Pays Basque M. Serge Castagné, pôle urbanisme Côte Basque M. Bernard Gourgand, directeur du développement et des affaires hydrauliques au conseil général Mme Sandra Vettard, chef de l'agence technique de Bayonne Mme le maire de Saint-Pée-Sur-Nivelle M le maire d'Ascain M le maire de Sare M. Maquirriain propriétaire du camping d'Ibarron Mission à Pau, le 28 septembre 2007, DDE, SPC et DDAF Entretien avec notamment : Frédéric Dupin, DDE le chef du service de la police de l'eau à la DDAF le chef de la délégation de Bayonne de la DDAF Mme Muriel Loziowski, police de l'eau de la Nivelle Visite du SPC, sous la conduite de Marc Rivière Entretien avec la société PREDICT Service à Paris (en l'absence de Xavier MARTIN) et à Montpellier (en l'absence de Bernard Jullien) M Alix Roumagnac, président Visite au syndicat mixte de rivière Agout/Thoré (par Bernard Jullien seul) Xavier Beaussart, animateur du SAGE Marie Bonnard, chargée de mission PAPI Les intempéries survenues dans les Pyrénées-Atlantiques le 4 mai 2007 51 Annexe III : Le système local d'annonce de crue de la vallée du Thoré A la suite des inondations catastrophiques de novembre 1999, qui ont fait plusieurs victimes et d'importants dégâts, il a été décidé de mettre en place un système local d'annonce de crue sur la portion du Thoré non surveillée par l'Etat, en amont de Mazamet. C'est le Syndicat mixte de rivière Thoré Agout (communes riveraines, Conseil régional, Conseil général) qui a été chargé, dans le cadre du PAPI, de la conception et de la mise en oeuvre du projet. Ce système se caractérise principalement par la collecte de données physiques, l'analyse de ces données en temps réel et la transmission de l'information aux maires par un réseau radio hautement sécurisé. Présentation générale Le système se compose : d'un réseau de stations de mesure automatiques (3 stations de pluviomètres-limnimètres propres au Syndicat, auxquels il faut ajouter les données fournies par une dizaine de pluviomètres qui ne dépendent pas du Syndicat et dont certains sont situés en dehors du bassin ; d'un réseau de transmission radio dédié servant aussi bien à la collecte des données qu'à la transmission des messages aux maires ainsi qu'aux échanges entre ces derniers. Ce réseau dispose d'un relais principal et d'un relais de secours ; d'une centrale d'acquisition qui reçoit les données collectées sur le terrain de quart d'heure en quart d'heure et les analyse au moyen d'un logiciel pour déterminer le niveau et la nature du risque au niveau de chaque commune ; de 4 sous-centres répartis dans le bassin (1 pour 2 communes), recevant toute l'information disponible permettant aux maires de suivre en temps réel l'évolution de la crise d'un système d'astreinte faisant intervenir une commune à tour de rôle ; en cas de mise en vigilance et d'alerte, l'ordinateur appelle les personnes d'astreinte en boucle jusqu'à ce que l'une d'elles valide au moyen d'un code défini. - - - - En cas de crise, le maire alerté se rend au sous-centre et prévient ses collègues des autres communes en fonction de la nature de l'éÎnement. Les maires ont la possibilité de communiquer entre eux par radio sur un canal commun en cas de rupture de ligne ou d'alimentation en électricité. En plus de ce système de prévision intégré, il a été maintenu, dans un souci de sécurité renforcée, un dispositif d'alarmes sonores aux points les plus sensibles par contacteurs de niveau. Commentaires et perspectives - Ce système est opérationnel depuis fin 2006. Il n'a pas eu encore vraiment l'occasion de faire ses preuves en situation de crise. Il devrait en principe assurer une anticipation d'une heure à 2 heures (1 heure en tête de bassin). Mais il est trop tôt pour apprécier sa réactivité dans des conditions difficiles, car s'il est largement automatisé, il fait néanmoins une grande place au facteur humain (la personne d'astreinte sera-t-elle joignable, est-elle bien formée, aura-t-elle les bons réflexes ?). Les intempéries survenues dans les Pyrénées-Atlantiques le 4 mai 2007 52 - L'expérience du Syndicat mixte du Thoré confirme, s'il en était besoin, toute l'importance de plans communaux de sauvegarde bien faits. Un dispositif d'alerte local, dans un bassin aussi rapide, n'aurait pas de sens sans un réel effort de préparation à la crise. Les PCS étaient relativement simples à faire en raison de la topographie ; ils ont bénéficié d'une maîtrise d'oeuvre unique et de financements extérieurs, et pourtant leur élaboration fut un peu laborieuse. Il semble que les communes y voient une contrainte et n'en ressentent pas spontanément l'intérêt. Qu'en aurait-il été si le souvenir de la catastrophe de 1999 n'était pas encore présent dans toutes les mémoires ? - La solution retenue est très sécurisée sur le plan technique mais elle est lourde financièrement. L'investissement s'est éleÎ à près de 200 000 (dont 30 000 pour l'élaboration des PCS), financés à 40% par l'Etat dans le cadre du PAPI et à 20% sur le FEDER, le reste étant réparti entre la région, le département et les communes. Au titre du fonctionnement, le budget annuel est de l'ordre de 15 000, pour une population couverte de l'ordre de 15 000 habitants et le Syndicat ne bénéficie d'aucune aide extérieure. Les élus ont un sentiment d'injustice et ne manquent pas de souligner l'inégalité qui existe entre les communes à rivières surveillées par l'Etat (en aval de Mazamet par exemple) et celles qui doivent financer entièrement leur protection, qui sont généralement plus pauvres et moins peuplées. - Enfin, le dispositif d'alerte mis en place sur le Thoré, s'il est très complet et très cohérent sur le plan technique, n'est pas pour autant figé. Il pourrait évoluer de deux façons : - d'abord par une meilleure intégration des données recueillies en dehors du périmètre surveillé. La question se pose de savoir comment récupérer les données du réseau pluviométrique de Météo-France (réseau RADOME). Actuellement ces données sont accessibles sur internet mais cela ne permet pas de les intégrer directement au système. Or une meilleure exploitation de ces données permettrait d'élargir la vision et notamment de savoir ce qui se passe sur le flanc sud, de l'autre côté de la Montagne noire, par où arrivent l'essentiel des orages ; - se pose ensuite la question de l'exploitation des données météo. Le Syndicat reçoit les images radar, avec un pas de temps de 4 mn, en application de la convention nationale passée entre le ministère de l'écologie et Météo-France. Ces images sont calibrées, donc exploitables. Il manque toutefois un logiciel d'analyse qui faciliterait le suivi de la progression de la concentration orageuse. C'est un développement auquel songent les responsables du Syndicat et qui constituerait sûrement un complément utile à l'analyse hydrologique. Les intempéries survenues dans les Pyrénées-Atlantiques le 4 mai 2007 INVALIDE) (ATTENTION: OPTION ns existants pour gérer les phénomènes de ruissellement urbain et faire des propositions en termes de moyens. 81 Article 11 du décret n°2004-374 du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'Etat dans les régions et départements. Les intempéries survenues dans les Pyrénées-Atlantiques le 4 mai 2007 32 L'alerte est déclenchée sous l'autorité du préfet du département82 et ceci fait partie de dispositions prises et arrêtées par le préfet lui-même dans les SDPC83. Or, l'État a sélectionné les cours d'eau sur les quels il s'engageait à faire la prévision des crues en fonction de critères parmi lesquels figure la possibilité pour le préfet de déclencher l'alerte auprès des maires en temps utile. Pour le reste, la responsabilité de l'État et de son représentant local est claire mais peut être matière à contestation. Ainsi, là où il ne s'est pas engagé, et particulièrement dans le cas des éÎnements à cinétique rapide, la dernière disposition rappelée plus haut est inadéquate voire dangereuse et dans les faits ­ quoi qu'en dise la loi ­ ce sont les maires, quand ils s'y sont préparés, qui déclenchent l'alerte et qui souvent, n'en informent que « plus tard » le préfet. S'agissant des averses du Gard de septembre 2007, la question de la responsabilité éventuelle du préfet aurait pu être posée, dans le cas où une commune bénéficiaire des seuls services du SPC aurait connu des victimes, faute d'alerte précise, tandis qu'une commune limitrophe bénéficiant aussi d'un service d'accompagnement n'en aurait pas eu (voir plus haut). Les difficultés d'accès aux informations en temps réel, l'absence d'un diagnostic intégré : Face à un éÎnement à cinétique rapide, le préfet dispose de la carte de vigilance crues et des bulletins associés auxquels s'ajoute désormais le diagnostic intégré pluie-inondation, ainsi que des contacts qu'il peut avoir avec le SPC. Son niveau d'information est donc totalement dépendant de cette chaîne amont, dont on a vu qu'elle avait du mal à fonctionner en cas d'éÏnements très rapides. Cette situation est d'autant plus préoccupante que c'est sous l'autorité du préfet que devrait être décidé le déclenchement de l'alerte. De plus, il n'a pas les moyens d'évaluer les risques potentiels parce qu'il peut ne pas avoir une vision globale des dispositions de sauvegarde arrêtées par les maires. Or, si toutes ces informations existent, il n'en dispose généralement pas en temps réel ; de plus même s'il en disposait, il n'aurait pas auprès de lui les compétences nécessaires à une prise de décision. En fait, dans le cas des éÎnements rapides, les retours d'expérience montrent que les préfets sont intervenus pendant ou après la crise, informés par des circuits dégradés. Dans le cas de la Nivelle en particulier, le préfet a été informé de la gravité de la situation par la DDSC (Paris)84. L'incapacité dans laquelle se trouve le préfet de gérer la crise de manière efficace : La direction des opérations de secours repose sur le maire au titre de ses pouvoirs de police 85. Dans ce cadre, le maire a la responsabilité de prendre les mesures nécessaires pour alerter les habitants et de "faire cesser les accidents et fléaux, tels que les incendies, les inondations, les 82 La circulaire interministérielle du 27 février 1984 portant réorganisation de l'annonce des crues et de la transmission des avis de crues en fait un principe. 83 Dans les schémas directeurs de prévision des crues. Par exemple celui du bassin de l `Adour arrêté par le préfet coordonnateur de bassin le 8 août 2005, page 37 au 2.4. 84 En lui demandant le nombre d'hélicoptères dont il avait besoin. 85 Articles L. 2211-1 et L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales. Les intempéries survenues dans les Pyrénées-Atlantiques le 4 mai 2007 33 éboulements de terre, les pollutions diverses...". Il lui appartient alors de diriger les secours et de rendre compte de son action au préfet. Le préfet, de son côté, peut être amené à prendre la direction des opérations dans des cas bien précis : « si le maire ne maîtrise plus la crise, ou fait appel à lui, - si le maire s'est abstenu de prendre les mesures nécessaires et après mise en demeure, - lorsque le problème concerne plusieurs communes, - lorsque l'éÎnement entraîne le déclenchement d'un plan départemental de secours. » Dans les faits, la responsabilité de la majorité des « services opérationnels » en matière de voirie, pompiers, énergie, réseaux, télétransmission, etc. est passée hors du champ des services de l'Etat et de son représentant dans le département. On doit donc se demander si ces dispositions, qui étaient réalistes au temps, pas si lointain, où les services de l'État concentraient toute l'information nécessaire et suffisante pour le faire et où ces mêmes services étaient impliqués dans un certain nombre de documents aujourd'hui devenus les PCS, sont encore opportunes aujourd'hui en particulier en cas d'éÏnements très rapides. III 2 DES PRINCIPES VALABLES QUEL QUE SOIT LE SCÉNARIO D'ORGANISATION DES SERVICES La mission est tombée d'accord pour estimer qu'un certain nombre de principes ou de lignes directrices devaient être très fortement réaffirmés ­ et leurs conséquences intégralement tirées ­ car ils constituent à ses yeux le socle de toute réforme, et le préalable indispensable à la clarification des responsabilités entre l'État, les collectivités territoriales et les autres acteurs. Ils concernent le recueil et la diffusion des informations hydro-météorologiques, la prévention par la maîtrise de l'urbanisation, l'élaboration des mesures de sauvegarde. III 2 1 La mise à disposition gratuite par l'État des observations hydrométéorologiques Ce principe n'est pas vraiment nouveau puisqu'il est déjà largement inscrit dans les textes mais sa mise en oeuvre connaît de multiples restrictions et laisse globalement à désirer. En effet, l'article L 564-2 du code de l'environnement énonce que « les collectivités territoriales ou leurs groupements peuvent accéder gratuitement, pour les besoins du fonctionnement de leurs systèmes de surveillance, aux données recueillies et aux prévisions élaborées grâce aux dispositifs de surveillance mis en place par l'État, ses établissements publics et les exploitants d'ouvrages hydrauliques. » Le décret d'application de cette disposition vient d'être publié au JO. Par ailleurs, l'article 6 du décret 2005-28 du 12 juillet 2005, précise qu'un règlement relatif à la surveillance et à la prévision des crues et à la transmission de l'information sur les crues, Les intempéries survenues dans les Pyrénées-Atlantiques le 4 mai 2007 34 élaboré pour chaque bassin « détermine les informations recueillies et les prévisions élaborées grâce aux dispositifs de surveillance mis en place par l'État, ses établissements publics et les exploitants d'ouvrages hydrauliques auxquelles les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent accéder gratuitement pour les besoins du fonctionnement de leurs systèmes de surveillance, ainsi que les modalités techniques de mise à disposition et la fréquence d'actualisation de ces informations ... ». Or la mission a pu constater que si la fourniture des images radar calibrées de Météo-France aux services de l'Etat était réglée par convention, la mise de ces mêmes images à la disposition des collectivités était payante86 à l'exception de celles qui sont inscrites dans les règlements de surveillance, de prévision et de transmission de l'information sur les crues (RIC), qui bénéficient gratuitement des données utiles à leur activité de suivi des crues, dont les données radar. Les opérateurs priÎs n'échappent pas à la règle (même quand ils sont, comme PREDICT, filiale de Météo-France). Les RIC comme celui du SPC du bassin de l'Adour 87 spécifient bien que l'imagerie radar fait partie des « informations nécessaires au fonctionnement des dispositifs de surveillance, de prévision et de transmission de l'information sur les crues ». Cette disposition résulte directement de la convention cadre DE-MF. Mais d'une part, elle ne vise que les collectivités territoriales ou leurs groupements, listés dans un SDPC ou un RIC, et ne paraît pas inclure l'ensemble des produits appropriés (telle l'imagerie satellitaire) ; d'autre part, elle paraît appliquée de manière assez restrictive 88, sans que la mission ait pu trancher sur ce point de manière définitive. Ce principe de gratuité doit s'appliquer non seulement aux images radar (images immédiatement exploitables, donc calibrées selon les dernières techniques disponibles), mais aussi : à toutes les données hydrométriques recueillies par le réseau de mesure dépendant de l'ONEMA (actuellement seules les observations pluviométriques et limnimétriques recueillies par les stations d'alerte dites « réglementaires » sont disponibles en temps réel ; la mise à disposition de celles recueillies sur les stations dites « d'observation » est encore inégale et devrait l'être prochainement), aux observations de nature historique, effectuées par les services quel que soit leur lieu et leur mode de conservation. - Il est à noter que les images radars calibrées de pays limitrophes (Espagne, Italie, Suisse, Royaume Uni, ...) sont accessibles sur Internet gratuitement et en temps réel. Ces images sont d'ailleurs fréquemment exploitées par des bureaux d'étude français qui en ont l'usage. La mission est consciente que ce principe de gratuité est de nature à modifier le régime de financement d'un établissement public, doté de l'autonomie budgétaire, comme Météo86 La question ne se pose en revanche pas pour les images calibrées par le système CALAMAR, d'une part, parce que le logiciel développé parla société RHEA pour la DPPR est gratuit, et d'autre part parce que le logiciel doit être adapté à une zone géographique où les pluviomètres permettent de calibrer l'image radar. CALAMAR est aussi utilisé par des collectivités locales importantes. 87 A l'article 3 4-4-1. 88 Certes, la réglementation (loi CADA, transposition de la directive sur les données publiques,...) prévoit un accès gratuit aux données produites par les services de l'État pour des missions relevant du service public. Ce qui peut être facturé aux utilisateurs n'est pas la donnée, mais le service de mise à disposition, sauf cas conventionnel précis. Tel est le cas si un bassin non réglementaire est introduit dans le SDPC. Les intempéries survenues dans les Pyrénées-Atlantiques le 4 mai 2007 35 France. Mais elle estime cette réforme tout à fait fondamentale pour un nouveau partage des rôles entre l'État et les autres acteurs responsables de la gestion du risque inondation. Elle n'exclut pas, comme on le verra plus loin, que cet engagement accru de l'État au stade de l'observation des phénomènes hydrométéorologique soit compensé par engagement moindre au stade de la prévision des éÎnements météorologiques intenses, prévision pour laquelle les collectivités territoriales paraissent tout aussi bien, sinon mieux, qualifiées encore que les services de l'aviation civile en particulier en ont un besoin absolu. La mission suggère que les termes de l'article L.564-2 du code de l'environnement soient strictement respectés et que l'accès aux données recueillies et aux prévisions élaborées grâce aux dispositifs de surveillance mis en place par l'État, ses établissements publics et les exploitants d'ouvrages hydrauliques soit effectivement gratuit. Les dispositions du 4 de l'article 6 du décret sus-visées n'intéresseraient plus que les modalités techniques de mise à disposition de ces informations. Plus généralement dans le domaine des risques directement liés à l'eau, la mission suggère que l'Etat se recentre à terme principalement sur les observations « interprétées » et leur mise à disposition. La mission n'était pas mandatée pour explorer l'organisation même des services chargés de produire ces observations. Elle se borne à constater que l'existence d'une double filière ­ météorologique d'une part et hydrologique d'autre part ­ est une source supplémentaire de complexité. Il est plus que vraisemblable que cette dualité est à l'origine de surcoûts, et qu'elle constitue un frein au développement des recherches tendant à représenter le cycle de l'eau dans son intégralité. La question mérite d'être étudiée et approfondie en tant que telle, dans une logique d'optimisation de la dépense publique. III 2 2 L'État, compétent pour dire le risque et en tirer les conséquences89. Comme il a été rappelé plus haut, l'élaboration des plans de prévention des risques naturels relève de l'État. C'est le préfet de département qui est chargé de déterminer les zones exposées au risque inondation et devant par conséquent faire l'objet de mesures restrictives, voire d'interdictions en matière d'urbanisation (décret du 5 octobre 1995). Ce rôle essentiel de l'État doit non seulement continuer à s'exercer, mais être renforcé. Nombre de rapports antérieurs à celui-ci ont regretté la lenteur d'élaboration des PPRi, la faiblesse parfois de leurs dispositions, le manque de rigueur dans le suivi de leur application ainsi que l'absence de contrôle du respect des dispositions dont ils s'accompagnent souvent. L'exercice de cette mission de prévention se heurte, dans le cas des éÏnements rapides, à une difficulté particulière tenant à la détermination de « l'aléa de référence », c'est-à-dire de l'éÎnement naturel dont l'ampleur sert de référence pour définir les zones susceptibles d'être touchées et les risques courus par les personnes et les biens. Avant la création de Météo-France, l'Observatoire de Paris était chargé de rassembler, d'exploiter et de conserver toutes les observations climatologiques. Pour de multiples raisons90, les archives de l'Observatoire de Paris sont loin d'avoir été toutes numérisées91 et 89 On se reportera au rapport IGA, CGPC, CGGREF, IGE août 2006 sur « les inondations et submersions de la Bièvre » disponible à l'adresse suivante : http://publications.ecologie.gouv.fr/publications/spip.php?article158. 90 Certaines ont été stockées dans des forts dont l'accès est encore interdit (amiante). Les intempéries survenues dans les Pyrénées-Atlantiques le 4 mai 2007 36 exploitées. Or, le fond de l'Observatoire de Paris est riche92, et il existe beaucoup de séries d'observations, souvent longues (150 ans et plus)93. Pour les orages et les ruissellements qui nous intéressent, il faut dépasser l'estimation ponctuelle. Or ce n'est que depuis quelques années que les images radar calibrées permettent de disposer d'informations sur l'extension spatiale et l'hétérogénéité des éÎnements. Dans ces conditions, il importe de connaître le plus précisément possible les isohyètes des éÎnements orageux antérieurs, c'est à dire d'apprécier les superficies intéressées par des éÎnements pluvieux de X mm ayant concerné Y km² dans une région donnée. Cela nécessite une recherche documentaire et historique. Ces recherches sont en cours dans certains départements. D'autres les ont entreprises et acheÎes comme celui de l'Ardèche. Des règles ont été fixées au niveau national pour déterminer les différents types d'aléas de référence à prendre en compte ; pour les PPRi, par exemple, la crue de référence est la plus forte crue connue et, dans le cas où celle-ci serait plus faible qu'une crue de fréquence centennale, cette dernière94. Le concept d'aléa de référence est mal adapté, non stabilisé et donc non appliqué à certains types d'aléas météorologiques, en particulier le ruissellement et les « submersions ». En effet, évaluer, classer un éÎnement météorologique orageux est une gageure : De quoi peut-on parler ? A la fois de son intensité, de sa durée (lame d'eau totale précipitée), de la surface des isohyètes d'une certaine valeur et/ou d'une combinaison de ces paramètres ? Et alors, laquelle ? Cette question constitue actuellement un sujet de recherche95. Il importe cependant que les PPR « ruissellement » puissent être élaborés avec un aléa qui soit significatif. Il faut alors le rapporter à une cote de submersion, c'est à dire le fixer à « la crue » qu'il a engendré en fonction d'aménagements réalistes dont l'objectif est de maîtriser l'alea jusqu'à un certain « débit » sans dommage sur les biens. Cette incertitude doit être croisée avec le principe de précaution d'autant qu'il n'est malheureusement pas rare que l'aléa fasse des victimes. Dans ces conditions, l'incertitude de l'aléa ruissellement impose une extrême vigilance dans la qualité du zonage des PPRi, des dispositions relatives à la diminution de la vulnérabilité des constructions existantes et une extrême rigueur dans l'application de ces plans. 91 Certaines de ces données sont cependant disponibles sur des sites en particulier des instituts russes et allemands. 92 Des releÎs de précipitation journalière existent depuis les années 1850 ; chaque école a eu un pluviomètre. 93 La mise à disposition des observations sur les précipitations et comme les averses de durée variable et à origine glissante comme l'information gérée par Météo-France dans la banque nationale PLUVIO est toujours payante. 94 On lit dans de nombreux rapports d'inspection générale "La fixation de l'aléa de référence en matière d'inondation nécessite des recherches historiques auxquelles les ingénieurs ne sont pas formés et qu'ils rechignent à faire quand ils ne les dénigrent pas. Pourtant la méthodologie de ces recherches est de mieux en mieux fixée". De ce fait, on observe souvent que c'est le débit centennal calculé qui est pris comme aléa de référence même si l'écart type du débit n'est généralement pas mentionné. 95 Voir les travaux devenus classiques de Desbordes et Neppel à l'université de Montpellier. Les intempéries survenues dans les Pyrénées-Atlantiques le 4 mai 2007 37 III 2 3 Les communes, chargées de l'édiction des mesures de sauvegarde Quand « l'alerte » est reçue par les élus et transmise aux particuliers, chacun doit connaître son rôle et l'attitude qu'il doit adopter face au risque annoncé. Les plans communaux de sauvegarde répondent à cette nécessité dès lors qu'ils existent, qu'ils ont été élaborés avec soin, qu'ils sont bien assimilés et que leur connaissance est entretenue auprès de la population par une information et des exercices réguliers. Les plans communaux de sauvegarde sont institués par l'article 13 de la loi n°2004-811 du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile : « Le plan communal de sauvegarde regroupe l'ensemble des documents de compétence communale contribuant à l'information préventive et à la protection de la population. Il détermine, en fonction des risques connus, les mesures immédiates de sauvegarde et de protection des personnes, fixe l'organisation nécessaire à la diffusion de l'alerte et des consignes de sécurité, recense les moyens disponibles et définit la mise en oeuvre des mesures d'accompagnement et de soutien de la population.... Il est obligatoire dans les communes dotées d'un plan de prévention des risques naturels prévisibles approuÎ ou comprises dans le champ d'application d'un plan particulier d'intervention ». Le décret n°2005-1156 du 13 septembre 2005 relatif au plan communal de sauvegarde et pris pour application de l'article 13 visé ci-dessus précise: « Article 1 : Le plan communal de sauvegarde définit, sous l'autorité du maire, l'organisation prévue par la commune pour assurer l'alerte, l'information, la protection et le soutien de la population au regard des risques connus. Il établit un recensement et une analyse des risques à l'échelle de la commune. ... Article 4 : Le plan communal de sauvegarde est élaboré à l'initiative du maire de la commune. Il informe le conseil municipal du début des travaux d'élaboration du plan. A l'issue de son élaboration ou d'une révision, le plan communal de sauvegarde fait l'objet d'un arrêté pris par le maire de la commune ... Il est transmis par le maire au préfet du département ». Article 6 : L'existence ou la révision du plan communal ou intercommunal de sauvegarde est portée à la connaissance du public par le ou les maires intéressés ... Le document est consultable à la mairie ». Le législateur a donc confié au maire une responsabilité nouvelle et indiscutable, en particulier dans les communes qui font l'objet d'un PPR, c'est à dire les plus vulnérables. Le préfet est seulement informé. Le plan communal de sauvegarde est un dispositif novateur, dont le rôle est capital dans la gestion de crise, particulièrement dans le cas des crues à cinétique rapide. En effet c'est lui qui permet d'articuler l'alerte avec un ensemble de conduites adaptées, d'utiliser au mieux le laps de temps nécessairement très court qui sépare l'annonce de la survenance de l'éÎnement pour la mise en sécurité des biens et des personnes. Sans plan de sauvegarde, autrement dit, sans préparation à la crise à l'échelon local, l'alerte a toutes les chances d'être contre-productive S'il n'est pas question de prévoir dans le détail tout ce qui peut se passer, un plan de sauvegarde doit savoir décrire à l'avance les scénarios Les intempéries survenues dans les Pyrénées-Atlantiques le 4 mai 2007 38 de crise. Force est de constater cependant que la mise en oeuvre de cette politique ne donne pas les résultats escomptés. Le 15 septembre 2007, à l'expiration du délai de deux ans prévu par la loi pour l'élaboration des PCS obligatoires, le taux de réalisation ne dépassait pas 10% pour la France entière. (Il était un peu meilleur pour le département des Pyrénées-Atlantiques où il atteignait 17,5%). Plus grave encore, la mission a pu constater que, même lorsqu'ils existent, les PCS sont souvent très faibles pour ce qui est de leur contenu et se résument à une liste de personnes à prévenir. On est encore très loin, quantitativement et qualitativement, de l'objectif fixé par le législateur. Les départements qui enregistrent les meilleurs résultats sont ceux dans lesquels le Conseil général s'est engagé dans une démarche concertée en offrant en particulier son appui financier (Hérault, Gard, Tarn...). Il est vraisemblable qu'en cas de contentieux, la responsabilité civile et pénale du maire sera recherchée et pointée dès lors que le PCS est notoirement insuffisant. Il est tout aussi vraisemblable que celle du préfet le sera également dès lors qu'un PPR a été arrêté par le préfet et qu'il n'existe pas de PCS, que le PCS est notoirement insuffisant, ou que l'existence ou la révision du PCS n'a pas été portée, ou qu'elle a été insuffisamment portée, à la connaissance du public. Dans ces conditions, la mission recommande vivement aux préfets de rappeler périodiquement et fermement aux maires leurs responsabilités et leurs obligations réglementaires. III 3 TROIS SCENARIOS CONTRASTES Les scénarios présentés ci-dessous ne résultent pas de l'analyse critique de l'éÎnement intervenu dans le bassin de la Nivelle le 4 mai dernier. Comme il a été dit, cette crise aurait pu être convenablement gérée si ne s'était produite une accumulation de séries de dysfonctionnements mineurs qui n'ont pas pu être maîtrisés. Mais dès lors que la vigilance doit s'appliquer à l'ensemble des éÏnements à cinétique rapide, on doit s'interroger sur le mode de partage des responsabilités et d'organisation des services le plus approprié pour anticiper et gérer au mieux la crise. Les dispositions de la procédure de vigilance intégrée pluie-inondation permettront peut-être de combler certaines de ces failles, notamment en formalisant davantage les contacts entre Météo-France, le SCHAPI, les SPC et les COZ96. Mais elles ne traitent qu'une partie du problème. Car, progrès dans la vigilance (entendue au sens d'une anticipation de 12 à 24 h), même sous une forme « intégrée », n'implique pas forcément progrès dans la prévision, encore moins dans la prévision rapprochée, seule utile en cas de phénomènes rapides (avec une anticipation de quelques dizaines de minutes à 1 h). Il ne garantit pas non plus une bonne prise en compte 96 Il est prévu que l'application de cette procédure fasse l'objet d'un suivi interne régulier. Les intempéries survenues dans les Pyrénées-Atlantiques le 4 mai 2007 39 de l'éÎnement par la chaîne des services opérationnels. C'est toute l'organisation de la chaîne qui est à évaluer. Les deux premiers scénarios ci-dessous visent par des voies différentes, tout en réaffirmant la compétence de l'État dans la prévision des crues rapides, à lui permettre de mieux l'exercer. Le 3ème scénario opte au contraire pour son externalisation. Ces scénarios, qui ne s'excluent d'ailleurs pas nécessairement en raison de la diversité d'exposition au risque des diverses parties du territoire, ne sont ici qu'esquissés97, et devront naturellement être approfondis et soumis au débat avant toute mise en application concrète. Les discussions qui ont eu lieu au sein de la mission, et avec les personnes auprès desquelles ils ont été testés, témoignent de ce que l'on n'a pas été au bout du chemin. Il ne pouvait guère en être autrement, alors que la réorganisation de la prévision des crues engagée depuis cinq ans n'est qu'à peine acheÎe. III 3 1 Scénario 1 : conforter les SPC dans leur évolution Les SPC, même dans le cadre des procédures actuelles, doivent, pour exercer convenablement leur mission, être en mesure d'interpréter les images météorologiques des hauts bassins. C'est dans cet esprit qu'ils ont été conçus, afin de réunir les compétences nécessaires à la fois en hydrologie et en météorologie. Dans les faits, les compétences hydrologiques et météorologiques n'y sont croisées que dans quelques endroits (Grand Delta, Garonne, ...). Mais ce n'est pas le cas général. Et, plusieurs rapports récents ont souligné l'affaiblissement des compétences des services dans ces deux domaines. La formation d'hydrologue nécessite des bases mathématiques et techniques sérieuses et dure au minimum un semestre98. Il a pu être estimé récemment qu'une vingtaine d'hydrologues devraient être affectés d'urgence pour pallier les situations les plus critiques. Le rapport de retour d'expérience sus-visé sur les crues de septembre 2005 dans le Sud-Est contient des propositions sur la formation des personnels chargés de suivre l'évolution des systèmes nuageux sur écran radar qui sont toujours d'actualité. Il s'agit de mettre à niveau les SPC en y affectant des hydrologues formés et en formant des météorologistes voire des prévisionnistes. Cela étant, les SPC ne sont pas des services juridiquement identifiés : ils sont sous la responsabilité hiérarchique du directeur du service d'accueil, DIREN, DDE ou DIR de MétéoFrance, c'est-à-dire que leurs moyens financiers comme humains dépendent de la politique du directeur. Pourtant, après chaque crise grave, et ainsi qu'il est inévitable, c'est systématiquement le « chef » du SPC qui doit en répondre, et voir son matériel ­ disques durs, main courante, etc ­ saisi. Il importerait donc de donner une existence juridique aux SPC et d'affirmer leur compétence interdépartementale. 97 N'étant pas liés à l'éÎnement de la Nivelle, on peut considérer qu'en les présentant, la mission a été au-delà de ce qui lui était strictement demandé. 98 Voir le rapport déjà cité sur les compétences hydrauliques. Les intempéries survenues dans les Pyrénées-Atlantiques le 4 mai 2007 40 Ces améliorations apportées, et au-delà des cartes de vigilance « crues » comme des cartes de vigilance inondation qui ont montré leur inadaptation et leurs limites face aux phénomènes rapides et de faible extension géographique, on peut penser que les SPC auraient la capacité de prévoir non seulement les crues rapides, mais aussi les averses qui les génèrent 99. La prévision des crues à cinétique rapide repose en effet sur la prévision des précipitations, la pluie entraînant immédiatement le débit, ce qui ressort réellement à l'hydrométéorologie. La Îritable réforme ne devrait cependant pas se limiter aux seuls SPC, mais prendre en compte l'ensemble SPC-SCHAPI-Météo-France ce qui permettrait d'aboutir, de l'avis de la mission, à de Îritables entités de prévision hydrométéorologique, adaptées selon les besoins des régions. À périmètre géographique inchangé, et dans les zones où les phénomènes rapides sont récurrents, les SPC devraient : se consacrer exclusivement à la prévision des phénomènes hydrométéorologiques rapides, avoir un correspondant auprès des préfets de départements, - être habilités à alerter directement les maires ou les autorités compétentes, au cas où des circuits d'alerte longs seraient confortés, - abandonner à un échelon géographique ou hydrographique « plus éleÎ » - DIREN de bassin, SCHAPI ­ la prévision des crues lentes qui ne posent pas de difficulté particulière quant à la rapidité de l'alerte, ainsi quel'élaboration et le rafraîchissement des cartes de vigilance « crues ». Un tel scénario, qui répondrait probablement aux attentes des services concernés, se heurte cependant à deux obstacles: Voudra-t-on ériger les SPC en services de plein exercice ? Seront-ils habilités à intervenir en temps réel sur des éÏnements se déroulant dans une zone de leur ressort, mais en dehors du département dans lequel ils sont implantés ? Sur le premier point, le statut des SPC est juridiquement défini par l'article 1 de l'arrêté du 27 juillet 2006 : « les services interdépartementaux de prévision des crues sont chargés de mission d'étude, d'expertise, d'appui technique à la maîtrise d'ouvrage... dans les domaines de la surveillance, de la prévision et de la transmission de l'information sur les crues... ». Ce ne sont pas des services déconcentrés au sens propre du terme, et la tendance actuelle n'est certes pas d'en créer de nouveaux. Mais une telle objection n'est pas nécessairement dirimante, des instructions pouvant en pratique être données pour parvenir à un résultat équivalent. En ce qui concerne les relations avec les collectivités territoriales, certains objecteront qu'elles ne peuvent, dans l'organisation actuelle de l'État et s'agissant d'un domaine mettant en cause la sécurité publique, que s'exercer par l'intermédiaire du préfet de département. Selon cette conception, l'alerte des maires en cas de crise est un acte d'autorité qui excède la compétence des SPC, telle qu'elle est définie par le texte cité ci-dessus (« mission d'étude, d'expertise, d'appui technique à la maîtrise d'ouvrage »). Certes, on pourrait envisager que le préfet délègue sa compétence au SPC, mais encore faut-il pour cela que la mission de SPC soit confiée à un service départemental, et que ce dernier ait son siège dans le département considéré100. 99 100 Ils sont mis en vigilance par les AP/BP qui intéressent une large portion du territoire. En pratique, cette condition n'est Îrifiée que dans 12 départements. Les intempéries survenues dans les Pyrénées-Atlantiques le 4 mai 2007 41 Si l'on voulait surmonter ces deux difficultés, il faudrait sortir les SPC du cadre administratif actuel, afin qu'ils se positionnent comme des prestataires pour compte de tiers, ce que permettrait par exemple leur rattachement à Météo-France. On se rapprocherait alors du dernier des scénarios envisagés ici, celui de l'externalisation. Cette perspective pourrait aller jusqu'à un scénario « 1 bis », consistant en une intégration des expertises météo et hydro. Une telle hypothèse permettrait de sortir les SPC de leur isolement relatif, et de limiter les incompréhensions mutuelles qui ont parfois pu se faire jour. L'appartenance des SPC et du SCHAPI à un ensemble plus fortement structuré devrait rendre ces organismes moins dépendants des contextes locaux, renforcer leur professionnalisme, et permettre d'intégrer leurs procédures dans un dispositif davantage normé qu'il ne l'est actuellement. III 3 2 Scénario 2 : créer des services départementaux chargés des risques Ce scénario, présenté dans un souci d'exhaustivité, ne fait pas l'unanimité au sein de la mission. Les missionnaires membres de l'IGE se refusent en effet à y souscrire, en considérant qu'il marquerait un retour en arrière en matière d'organisation des services régionaux et départementaux, de décentralisation vers les communes, d'organisation et de gestion des eaux par bassin. Ce scénario entend concentrer au niveau départemental l'ensemble des missions liées à la prévision et à la gestion des risques. À la différence du précédent, il donne le primat à l'organisation administrative classique sur la logique de bassin. À cet effet, serait créée au sein d'un service déconcentré de l'État au niveau départemental une unité regroupant la totalité des compétences requises pour réduire l'exposition des populations au risque d'inondation. Ainsi serait-il mis un terme à la situation actuelle qui veut que l'État soit compétent en amont (pour les mesures de prévention) et en aval (pour l'organisation des secours), mais démuni dans la phase intermédiaire. L'unité responsable des risques naturels aurait la responsabilité de la totalité de la chaîne allant de la veille et de la vigilance à la gestion de crise jusqu'au retour à la normale. Plus précisément, elle aurait en charge : - la prévention : « dire le risque », porter à connaissance dans le cadre des PPR et d'autres réglementations (sécurité campings,...), tutelle de l'État sur les PCS, - le suivi des éÏnements (leur prévision lorsqu'elle est possible): qualification et localisation du phénomène détecté (par Météo-France ou par le réseau hydro), - l'alerte « fine et graduée » aux divers responsables voire, en cas d'urgence à la population, - la gestion de crise : rôle d'expert inondation auprès du préfet, assistance au SIDPC pour la mise au point et la tenue à jour des plans d'intervention101, - l'après-crise (indemnisations, réparations...). La mission d'inspection n'a pas pris parti en ce qui concerne le service qui aurait vocation à accueillir cette unité, d'autant plus que l'organisation des services de l'État au niveau 101 En allant au bout de la logique de ce scénario, l'unité en question pourrait même absorber le SIDPC. Les intempéries survenues dans les Pyrénées-Atlantiques le 4 mai 2007 42 départemental est appelée à évoluer. Dans l'organisation actuelle, on pencherait assez logiquement pour les DDE, lesquelles, en dépit de la décentralisation qui a conduit au transfert aux conseils généraux de nombre de leurs agents102, disposent d'une bonne connaissance des enjeux et sont par ailleurs en relation étroite avec les élus locaux. Le rapprochement des CMD avec les DDE constituerait l'aboutissement logique de ce scénario. On aperçoit sans peine les avantages qui pourraient résulter de ce scénario : d'abord en termes de proximité et de connaissance des particularités tant du climat que du terrain ; c'est aussi à ce niveau que l'historique des éÏnements pourrait103 être établi, et leur mémoire entretenue ; le niveau départemental est aussi favorable au déploiement des actions de sensibilisation des élus aux nécessaires mesures de prévention, et à l'élaboration de PCS consistants ; la concentration au sein d'un même service départemental de compétences diverses permet une bonne cohérence, voire intégration, des politiques suivies en matière de prévention des risques et de mitigation de leurs conséquences (stratégie d'aménagement appropriée, ouvrages hydrauliques) ; ce scénario : permet de lever l'obstacle tenant, conformément à ce qui a été vu plus haut, à ce qu'un SPC ne peut actuellement intervenir dans le dispositif d'alerte aux maires d'un autre département que celui dans lequel il est implanté ; en effet, il s'inscrit dans les dispositions du décret n°2004-374 du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'Etat dans les régions et départements et en particulier son article 11 (déjà cité), lequel prévoit notamment que le préfet de département a la charge de l'ordre public, de la sécurité et de la protection des populations. Il correspond également à la volonté maintes fois exprimée de voir renforcé le rôle des DDE104 en matière de prévention et de gestion des risques naturels. - - - - Pour autant, il offre le flanc à plusieurs objections, dont la principale est qu'il constituerait un retour en arrière par rapport à l'orientation qui prévaut encore aujourd'hui, à savoir la nécessité d'inscrire la politique de prévention et de prévision des risques d'inondation à l'échelle du bassin, qui ignore souvent les limites départementales. Cette objection mérite d'être prise en considération, mais on observera que les phénomènes à cinétique très rapide intéressent souvent de très petits bassins, et que l'approche par grands bassins versants vaut surtout pour les crues lentes justiciables d'une organisation spécifique105106. Rien n'interdit au demeurant à un département de travailler en réseau avec les autres départements d'un même bassin. Une autre objection à ce scénario est que l'acquisition d'une large compétence horizontale pourrait se faire au prix d'une certaine perte de compétence technique. C'est d'ailleurs cette volonté de ne pas disperser les compétences déjà limitées en matière hydrométéorologique 102 Pour l'observation des crues cependant, des conventions établies localement permettent cependant d'éviter qu'il se traduise par une perte de moyens d'intervention. 103 Au moins en théorie, de nombreux intérêts convergent souvent pour qu'il n'en soit pas ainsi. 104 Ou des futurs services techniques départementaux qui s'y substitueront. 105 Dans les 4 départements côtiers du Languedoc-Roussillon, tous les cours d'eau se situent en totalité sur le territoire d'un seul département, à l'exception du Vidourle (qui fait la limite ente l'Hérault et le Gard) et naturellement du Rhône. 106 Pour les crues lentes, les collectivités locales concernées se sont souvent organisées pour mettre en place, sous forme de syndicat intercommunal, d'association ou d'établissement public un organisme ad hoc. Les intempéries survenues dans les Pyrénées-Atlantiques le 4 mai 2007 43 qui a été en partie à la base de la transformation en SPC des anciens SAC. Il semble à la mission que cette observation tend à perdre de sa pertinence à mesure que progressent les moyens d'observation des phénomènes et leur interprétation. La mise à disposition gratuite des données hydrométéorologiques, posée en principe dans le présent rapport, devrait permettre aux services d'acquérir progressivement les compétences nécessaires. Un tel scénario intéresserait environ 40 départements ; les moyens humains à y consacrer pouvant être estimés à au moins 150 personnes compte tenu des astreintes. Or l'État a du mal à maintenir dans ses services un bon niveau de compétence technique, en particulier en hydrométéorologie, et à former et recruter les agents qui seraient nécessaires pour combler les déficiences actuellement constatées dans les SPC. Le défi n'est pas mince, si l'on considère que la responsabilité de la majorité des « services opérationnels » en matière de voirie, pompiers, énergie, télétransmission, etc. sont passés hors du champ des services de l'Etat et de son représentant dans le département. Il n'est pas possible enfin de sous-estimer l'impact psychologique que pourrait avoir une telle évolution, même si, de l'avis de la mission, pour nombre de SPC, et notamment ceux qui sont « hébergés » par les DDE, il s'agirait plutôt d'une extension de leurs missions que d'une régression. Mais si l'on s'orientait dans une telle voie, cela devrait être très clairement expliqué. III 3 3 Scénario 3 : externaliser la prévision des crues à cinétique rapide Ce scénario consiste à faire prendre en charge par les communes leur protection face aux phénomènes de crues à cinétique rapide. Il s'inscrit dans un mouvement de fond. Depuis quelques années, on voit se multiplier les systèmes locaux de prévision et d'alerte, destinés à combler les lacunes du système de surveillance de l'État. Le récent colloque qui s'est tenu les 14 et 15 novembre 2007 à Toulouse à l'initiative de l'AFPCN107 et de Météo-France, et sous le co-pilotage de la direction de l'eau, a montré la vigueur et la diversité de ces initiatives. Cette solution présente de nombreux avantages : elle a le mérite de la justice financière : la différence entre les communes, selon qu'elles bénéficient ou non d'une surveillance exercée par l'État, est abolie et toutes les communes sont placées sur un pied d'égalité ; elle favorise une approche concertée à l'échelle intercommunale, qui se confond souvent avec celle du bassin versant. En effet ces systèmes sont souvent développés dans le cadre des PAPI, ce qui permet un traitement coordonné et cohérent de tous les éléments qui entrent dans la gestion du risque (prévision, mais aussi aménagements hydrauliques, entretien des rivières...) ; elle garantit une meilleure réactivité grâce au raccourcissement de la chaîne d'alerte. Dans les éÎnements à cinétique rapide, il est primordial que l'alerte aille directement de l'observateur au décideur, ce qui permet de gagner du temps, mais aussi d'adapter en permanence les mesures à prendre à la réalité de l'éÎnement ; enfin, on constate que les structures locales de prévision de crues sont aussi souvent chargées de préparer pour le compte des communes les plans de sauvegarde. Or il - - - 107 Association française pour la prévention des catastrophes naturelles. Les intempéries survenues dans les Pyrénées-Atlantiques le 4 mai 2007 44 n'est pas sans intérêt que ce soit la même structure qui pilote la préparation des PCS et qui conseille ensuite les maires dans leur mise en oeuvre. La préparation à la crise et la gestion de crise sont ainsi rassemblées sous une même autorité, pour former un bloc de compétences. Pour autant, ce scénario suppose que l'État ne soit pas complètement absent ; il continuerait d'intervenir, avec des attributions qui sont à préciser. Tout d'abord, l'État verrait sa responsabilité réaffirmée pour tout ce qui concerne l'observation et le recueil des données hydrométéorologiques. C'est là une contribution essentielle, d'un point de vue technique et financier, au bon fonctionnement des systèmes locaux108. La question essentielle est de savoir comment les attributions du maire, en tant que directeur des opérations de secours, s'articuleraient avec celles du préfet. En effet, le maire est responsable de la sécurité des populations dans sa commune mais les textes prévoient que le préfet assure la direction des opérations de secours dès lors que la crise dépasse, par son ampleur ou ses conséquences, les limites ou les capacités d'une commune. Il faudrait donc poser en principe que le maire, étant le premier informé, est seul responsable des mesures immédiates à prendre (même en cas de catastrophe de grande ampleur affectant plusieurs communes). La responsabilité du préfet (qui ne dégage jamais le maire de ses responsabilités propres109) n'entrerait en jeu qu'à partir du moment où les conditions matérielles seraient réunies pour qu'elle puisse s'exercer. Elle s'affirmerait à mesure que le représentant de l'Etat dans le département acquerrait une vue claire de la situation sur le terrain 110. La question de l'information du préfet, dans les inondations à cinétique rapide, est en effet au coeur du problème. A partir du moment où l'on privilégie les réseaux locaux, avec des circuits d'alerte courts, le préfet n'est plus nécessairement le premier informé, car s'il reçoit bien toutes les données hydrométéorologiques, qui sont publiques, il n'a pas les moyens de les interpréter. Pour permettre au préfet d'être informé et de prendre rapidement sa place dans le dispositif de gestion de crise, la mission suggère que le PC préfectoral111 soit relié à tous les dispositifs de surveillance locaux et qu'il reçoive en temps réel tous les messages d'alerte délivrés par ces derniers. On peut même imaginer que le préfet soit partie prenante de ces systèmes locaux lorsqu'ils sont organisés en réseau radio partagé ou en « web conférences ». Des textes doivent être adaptés pour tenir compte du fait que la responsabilité du préfet en matière de gestion de crise ne peut s'exercer qu'à partir du moment où l'information qui remonte du terrain lui permet d'avoir une vue complète de la situation. Pour faciliter cette information, les COD sont destinataires de tous les messages d'alerte diffusés par les services locaux de prévision des crues, quelle que soit leur nature, et associés aux conférences organisées entre ces derniers et les maires, par radio, par téléphone ou sur le web. 108 À titre d'exemple, la société PREDICT affecte 40% de son budget à l'achat des images radar et des logiciels d'exploitation. 109 Voir la jurisprudence constante. 110 Ceci semble être bien le cas actuellement. 111 Le COD. Les intempéries survenues dans les Pyrénées-Atlantiques le 4 mai 2007 45 Concernant le rôle joué par l'État, un dernier point fait débat : savoir si l'État doit se désengager de la prévision des crues lentes, comme il le ferait de la prévision des crues rapides. On observe que dans le cas de la Loire, qui est sans doute le plus emblématique, la prévision des crues est déjà confiée à un établissement public territorial, et cette solution pourrait être généralisée. La mission n'a pas tranché sur ce point. Elle estime toutefois que si l'on décidait de garder la surveillance des crues lentes dans le giron de l'État, il faudrait la transférer à un échelon territorial plus large que celui des 22 SPC, probablement à l'échelle des 6 bassins, voire à l'échelle nationale. L'externalisation suppose donc le développement d'une assistance complète aux maires, allant de l'analyse des risques, de l'information préventive, de l'aide à l'élaboration des PCS, à la gestion de crise proprement dite, en passant par la mise en vigilance, la pré-alerte, l'alerte, jusqu'au bilan et au retour d'expérience. Les communes sont libres de s'organiser comme elles l'entendent et selon la nature des risques auxquels elles sont exposées, l'importance des enjeux et la faisabilité des prévisions, elles choisiront entre les partis actuels : la gestion en régie par les communes elles-mêmes ou leurs groupements . C'est déjà le cas de villes comme Nîmes, Marseille, Bordeaux..., la délégation de compétences à des structures intercommunales spécialisées déjà actives dans le domaine de l'eau (syndicat mixte de rivière, établissement public territorial de bassin). C'est le cas du Thoré, du syndicat de la Sagne..., le recours à l'ingénierie publique, qu'il s'agisse de services déconcentrés de l'État ou d'établissements publics, notamment Météo-France qui offre déjà ce service à des opérateurs priÎs (organisateurs d'éÎnements sportifs, courses automobiles, régates, matchs de tennis...), le recours à des prestataires de service, sur le modèle de la société PREDICT. Ce « créneau » devrait intéresser de grandes sociétés de services aux collectivités et on devrait assister à la constitution d'un Îritable marché, générant des économies d'échelle et favorisant l'émergence d'une offre compétitive. - - Se pose évidemment la question du financement, car certains pourraient être tentés d'analyser la réforme proposée comme un transfert de charges de l'État vers les collectivités. Il y a lieu d'observer d'abord que l'intercommunalité, tout comme le recours à des sociétés de service, constitue une forme de mutualisation. Le coût de la protection offerte par les systèmes locaux peut apparaître modeste lorsqu'on le rapporte à la population couverte, et devrait baisser substantiellement avec le développement du marché et l'élargissement de la concurrence. De leur côté, si les départements et les régions s'investissent déjà dans la gestion du risque inondation (en finançant des études, des travaux d'entretien ou d'aménagement...), la mission a pu constater, comme dans le cas du département des Pyrénées-Atlantiques, qu'ils sont souvent désireux d'aller plus loin. Nul doute que les communes qui s'engageraient dans une démarche de prévision des crues rapides trouveraient un appui, technique et financier, auprès des autres niveaux de collectivités. Les intempéries survenues dans les Pyrénées-Atlantiques le 4 mai 2007 46 IV CONCLUSION La gestion difficile de la crise intervenue dans la nuit du 3 au 4 mai 2007 dans le bassin de la Nivelle en raison des fortes précipitations qui s'y sont concentrées résulte dans une large mesure de la conjonction de toute une série de dysfonctionnements, alors même que le réseau de mesure était en cours de modernisation. Il serait hâtif de tirer de ce seul artefact des conclusions de portée générale. Au demeurant, des mesures ont d'ores et déjà été prises, ou sont en cours, pour y porter remède. Cet épisode a toutefois fait ressortir les limites des procédures de vigilance en vigueur au regard de tels phénomènes qui n'ont pourtant rien d'exceptionnel dans tout le pourtour méditerranéen. Ce n'est pas sans raison que le schéma directeur de prévision des crues avait circonscrit dans des limites très strictes, dictées par l'état de l'art et des moyens disponibles, la responsabilité réglementaire de surveillance exercée par l'État. Or les techniques permettent aujourd'hui, sous certaines conditions, d'anticiper ce type d'éÎnement, et nul ne comprendrait, au regard des enjeux en cause, que tout ne soit pas entrepris pour en tirer profit, quel que soit le partage des responsabilités dans la mise en oeuvre des dispositions adéquates. À cet égard, la position de l'État a toujours été marquée par la prudence, en limitant son champ d'intervention à un linéaire de cours d'eau bien déterminé, proportionné aux moyens tant humains que techniques mobilisables. Il s'est ainsi créé une situation paradoxale dans laquelle ces moyens ont été concentrés pour l'essentiel sur les crues à cinétique lente par nature beaucoup plus prévisibles que les autres, et dont les conséquences en termes de vies humaines sont souvent moins dommageables que les phénomènes paroxystiques tels que celui qui s'est produit sur le bassin de la Nivelle. La coexistence de deux dispositifs de vigilance, l'un axé sur la météorologie, l'autre sur l'hydrologie, est une cause supplémentaire de perte d'efficacité globale. Quel que soit le scénario de partage des responsabilités et d'organisation des services retenu pour l'avenir, la mission a tenu à réaffirmer trois principes fondamentaux : la mise à disposition gratuite par l'État des observations hydrométéorologiques ; le maintien voire le renforcement de son rôle prééminent dans le domaine de la prévention, pour dire le risque et en tirer les conséquences ; la responsabilité première des communes pour l'édiction et la mise en oeuvre des mesures de sauvegarde. Des scénarios contrastés, qui ne s'excluent au demeurant pas nécessairement en raison de la diversité d'exposition aux risques de crues rapides des différentes parties du territoire, ont été esquissés. Il reste à les approfondir et à débattre de leurs avantages et inconÎnients respectifs. Bernard JULLIEN Michel BURDEAU Xavier MARTIN Les intempéries survenues dans les Pyrénées-Atlantiques le 4 mai 2007 47 Annexe I : lettre de mission Les intempéries survenues dans les Pyrénées-Atlantiques le 4 mai 2007 48 Les intempéries survenues dans les Pyrénées-Atlantiques le 4 mai 2007 49 Annexe II : liste des personnes rencontrées Administrations centrales Direction de l'eau M. Pascal Berteaud, directeur Mlle Frédérique Martini, chef de bureau Direction de la défense et de la sécurité civile M. Henri Masse, directeur M. Bernard Deleplancque, sous directeur de la gestion des risques Mme Catherine Guenon, chef du bureau des risques majeurs M. Koumaran Pajaniradja, ingénieur météorologue M. le colonel Philippe Sarron, chef du COGIC M. Denis Gaudin, chef du bureau de la coordination interministérielle Direction de la modernisation et de l'administration territoriale, secrétariat général, ministère de l'intérieur Mme Nathalie Colin, chef du bureau de l'organisation et de l'administration territoriale de l'Etat Mission à Pau, le 27 juillet 2007, préfecture des Pyrénées-Atlantiques. Entretiens avec : M. Marc Cabane, préfet des Pyrénées-Atlantiques M Nicolas Honoré, directeur de cabinet M Alain Guilhaudis, SIDPC M. Frédéric Dupin, directeur départemental de l'équipement M. Michel Ransou, chef du service maritime, environnement, sécurité, DDE Mme Bordagaray, chef de l'unité hydraulique, environnement, DDE M. Marc Rivière, chef de l'unité prévision des crues, DDE Mme Ducasse, déléguée départementale de Météo-France M. le commandant Gros, représentant le SDIS 64 Mission à Toulouse le 5 septembre 2007, DIREN, SCHAPI, SPC M-P et Météo-France. Entretiens avec : M. André Bachoc, directeur régional de l'environnement Midi-Pyrénées Mme Marion Grua, de la DIREN Aquitaine Mme Pascale Cornuau, chef du pôle prévention des risques et prévision des crues M. Jean-Marc Dolmière, adjoint au chef du SCHAPI M. Pascal Sauvagnac, du pôle acquisition de données et hydrométrie M. Jean-Jacques Vidal, chef du SPC de Toulouse M. Marc Payen, directeur de la DIR/SO de Météo-France M. Jean-Pierre Pellen, DIR/SO-Prévi Les intempéries survenues dans les Pyrénées-Atlantiques le 4 mai 2007 50 Mission au Pays Basque, les 12 et 13 septembre 2007, délégation territoriale DDE, services du conseil général et élus locaux (en l'absence de Xavier MARTIN). Entretien (en sus des agents déjà rencontrés précédemment) avec : M. Nicolas Périno, délégué territorial Pays Basque M. Serge Castagné, pôle urbanisme Côte Basque M. Bernard Gourgand, directeur du développement et des affaires hydrauliques au conseil général Mme Sandra Vettard, chef de l'agence technique de Bayonne Mme le maire de Saint-Pée-Sur-Nivelle M le maire d'Ascain M le maire de Sare M. Maquirriain propriétaire du camping d'Ibarron Mission à Pau, le 28 septembre 2007, DDE, SPC et DDAF Entretien avec notamment : Frédéric Dupin, DDE le chef du service de la police de l'eau à la DDAF le chef de la délégation de Bayonne de la DDAF Mme Muriel Loziowski, police de l'eau de la Nivelle Visite du SPC, sous la conduite de Marc Rivière Entretien avec la société PREDICT Service à Paris (en l'absence de Xavier MARTIN) et à Montpellier (en l'absence de Bernard Jullien) M Alix Roumagnac, président Visite au syndicat mixte de rivière Agout/Thoré (par Bernard Jullien seul) Xavier Beaussart, animateur du SAGE Marie Bonnard, chargée de mission PAPI Les intempéries survenues dans les Pyrénées-Atlantiques le 4 mai 2007 51 Annexe III : Le système local d'annonce de crue de la vallée du Thoré A la suite des inondations catastrophiques de novembre 1999, qui ont fait plusieurs victimes et d'importants dégâts, il a été décidé de mettre en place un système local d'annonce de crue sur la portion du Thoré non surveillée par l'Etat, en amont de Mazamet. C'est le Syndicat mixte de rivière Thoré Agout (communes riveraines, Conseil régional, Conseil général) qui a été chargé, dans le cadre du PAPI, de la conception et de la mise en oeuvre du projet. Ce système se caractérise principalement par la collecte de données physiques, l'analyse de ces données en temps réel et la transmission de l'information aux maires par un réseau radio hautement sécurisé. Présentation générale Le système se compose : d'un réseau de stations de mesure automatiques (3 stations de pluviomètres-limnimètres propres au Syndicat, auxquels il faut ajouter les données fournies par une dizaine de pluviomètres qui ne dépendent pas du Syndicat et dont certains sont situés en dehors du bassin ; d'un réseau de transmission radio dédié servant aussi bien à la collecte des données qu'à la transmission des messages aux maires ainsi qu'aux échanges entre ces derniers. Ce réseau dispose d'un relais principal et d'un relais de secours ; d'une centrale d'acquisition qui reçoit les données collectées sur le terrain de quart d'heure en quart d'heure et les analyse au moyen d'un logiciel pour déterminer le niveau et la nature du risque au niveau de chaque commune ; de 4 sous-centres répartis dans le bassin (1 pour 2 communes), recevant toute l'information disponible permettant aux maires de suivre en temps réel l'évolution de la crise d'un système d'astreinte faisant intervenir une commune à tour de rôle ; en cas de mise en vigilance et d'alerte, l'ordinateur appelle les personnes d'astreinte en boucle jusqu'à ce que l'une d'elles valide au moyen d'un code défini. - - - - En cas de crise, le maire alerté se rend au sous-centre et prévient ses collègues des autres communes en fonction de la nature de l'éÎnement. Les maires ont la possibilité de communiquer entre eux par radio sur un canal commun en cas de rupture de ligne ou d'alimentation en électricité. En plus de ce système de prévision intégré, il a été maintenu, dans un souci de sécurité renforcée, un dispositif d'alarmes sonores aux points les plus sensibles par contacteurs de niveau. Commentaires et perspectives - Ce système est opérationnel depuis fin 2006. Il n'a pas eu encore vraiment l'occasion de faire ses preuves en situation de crise. Il devrait en principe assurer une anticipation d'une heure à 2 heures (1 heure en tête de bassin). Mais il est trop tôt pour apprécier sa réactivité dans des conditions difficiles, car s'il est largement automatisé, il fait néanmoins une grande place au facteur humain (la personne d'astreinte sera-t-elle joignable, est-elle bien formée, aura-t-elle les bons réflexes ?). Les intempéries survenues dans les Pyrénées-Atlantiques le 4 mai 2007 52 - L'expérience du Syndicat mixte du Thoré confirme, s'il en était besoin, toute l'importance de plans communaux de sauvegarde bien faits. Un dispositif d'alerte local, dans un bassin aussi rapide, n'aurait pas de sens sans un réel effort de préparation à la crise. Les PCS étaient relativement simples à faire en raison de la topographie ; ils ont bénéficié d'une maîtrise d'oeuvre unique et de financements extérieurs, et pourtant leur élaboration fut un peu laborieuse. Il semble que les communes y voient une contrainte et n'en ressentent pas spontanément l'intérêt. Qu'en aurait-il été si le souvenir de la catastrophe de 1999 n'était pas encore présent dans toutes les mémoires ? - La solution retenue est très sécurisée sur le plan technique mais elle est lourde financièrement. L'investissement s'est éleÎ à près de 200 000 (dont 30 000 pour l'élaboration des PCS), financés à 40% par l'Etat dans le cadre du PAPI et à 20% sur le FEDER, le reste étant réparti entre la région, le département et les communes. Au titre du fonctionnement, le budget annuel est de l'ordre de 15 000, pour une population couverte de l'ordre de 15 000 habitants et le Syndicat ne bénéficie d'aucune aide extérieure. Les élus ont un sentiment d'injustice et ne manquent pas de souligner l'inégalité qui existe entre les communes à rivières surveillées par l'Etat (en aval de Mazamet par exemple) et celles qui doivent financer entièrement leur protection, qui sont généralement plus pauvres et moins peuplées. - Enfin, le dispositif d'alerte mis en place sur le Thoré, s'il est très complet et très cohérent sur le plan technique, n'est pas pour autant figé. Il pourrait évoluer de deux façons : - d'abord par une meilleure intégration des données recueillies en dehors du périmètre surveillé. La question se pose de savoir comment récupérer les données du réseau pluviométrique de Météo-France (réseau RADOME). Actuellement ces données sont accessibles sur internet mais cela ne permet pas de les intégrer directement au système. Or une meilleure exploitation de ces données permettrait d'élargir la vision et notamment de savoir ce qui se passe sur le flanc sud, de l'autre côté de la Montagne noire, par où arrivent l'essentiel des orages ; - se pose ensuite la question de l'exploitation des données météo. Le Syndicat reçoit les images radar, avec un pas de temps de 4 mn, en application de la convention nationale passée entre le ministère de l'écologie et Météo-France. Ces images sont calibrées, donc exploitables. Il manque toutefois un logiciel d'analyse qui faciliterait le suivi de la progression de la concentration orageuse. C'est un développement auquel songent les responsables du Syndicat et qui constituerait sûrement un complément utile à l'analyse hydrologique. Les intempéries survenues dans les Pyrénées-Atlantiques le 4 mai 2007 INVALIDE)

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