Avis de l'IGEDD sur le bilan ex post de la modernisation du tunnel ferroviaire historique du Mont Cenis
JAXEL-TRUER, Luc-andré
Auteur moral
France. Inspection générale de l'environnement et du développement durable (IGEDD)
Auteur secondaire
Résumé
<div style="text-align: justify;">Le bilan ex-post des travaux de modernisation du tunnel ferroviaire du Mont-Cenis est établi à partir des conditions d'exploitation qui prévalaient avant l'éboulement de la falaise en août 2023 et la fermeture de la ligne pendant 1 an et demi. Les travaux s'inscrivaient alors dans une logique d'augmentation de la capacité et poursuivaient trois objectifs : la mise au gabarit GB1 du tunnel et des quatorze tunnels d'approche côté français pour le développement de l'autoroute ferroviaire alpine (AFA) ; l'amélioration de la signalisation et le renforcement de la sécurité d'exploitation pour répondre aux exigences nouvelles. Le bilan établit qu'aucun des grands objectifs en termes de trafic n'a été rempli et souligne que les prévisions de trafic de 2004 se sont avérées exagérées. D'une manière générale, le bilan établit la fuite du trafic vers d'autres points de traversées alpines, notamment par la Suisse et par l'Autriche. Le renforcement des contraintes d'exploitation liées à la sécurité a rendu inatteignable les objectifs initiaux. Enfin, le bilan souffre d'une absence de mise en perspective globale avec l'ensemble des évolutions et événements intervenus sur la ligne de la Maurienne. Le programme initial soulève des questions relatives au volontarisme qui a prévalu en matière de prévisions de trafic, à l'absence d'une réflexion approfondie sur la résilience de la ligne et la gestion de son exposition aux aléas notamment climatiques, à la non adéquation du programme avec les règles de sécurité actuelles des tunnels. A cet égard, le bilan passe sous silence une problématique actuelle importante du tunnel à savoir les recommandations de la CIG et du Comité de sécurité et leur traitement à court et moyen termes. Se pose la question de maintenir cet ouvrage en service après l'ouverture du tunnel de base du Lyon Turin. Le bilan reste également peu détaillé en termes d'évaluation socio-économique et de prise en compte des coûts environnementaux. Il aurait pu être opportun de rappeler et commenter a posteriori les travaux de surveillance et de renforcement de la paroi menés ou pas avant et après l'éboulement de 2023. Plus globalement, la mission recommande pour toutes les opérations à venir que les évaluations préalables, les dossiers d'enquête publique, et donc les bilans « ex post », s'attachent à étudier plus en profondeur les conditions d'exploitation sous chantier et leurs impacts sur la capacité du réseau, la vulnérabilité de la ligne aux aléas climatiques, ainsi que les mesures d'adaptation et d'accompagnement nécessaires pour répondre à ces défis. Elle recommande aussi que les délais de production des bilans « ex post » soient davantage surveillés. Au-delà de l'obligation réglementaire, un bilan trop tardif enlève beaucoup d'intérêt à l'exercice.</div>
Editeur
IGEDD
Descripteur Urbamet
patrimoine architectural
;train
;ligne de transport
;tunnel
Descripteur écoplanete
bilan environnemental
;impact sur l'environnement
Thème
Infrastructures - Ouvrages d'art
;Transports
Texte intégral
PU
BL
IÉ
https://www.igedd.developpement-durable.gouv.fr/
Rapport n° 015974-01
Août 2025
Opération achevée en 2015
Luc-André JAXEL-TRUER - IGEDD
Avis de l?IGEDD sur le bilan ex post de la
modernisation du tunnel ferroviaire historique
du Mont Cenis
L?auteur atteste qu'aucun des éléments de ses activités passées ou
présentes n'a affecté son impartialité dans la rédaction de ce
rapport
Statut de communication
? Préparatoire à une décision administrative
? Non communicable
? Communicable (données confidentielles occultées)
? Communicable
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Sommaire
Sommaire........................................................................................................................ 3
Résumé ........................................................................................................................... 5
Liste des recommandations .......................................................................................... 7
Introduction .................................................................................................................... 8
Rappel des dispositions législatives et réglementaires ................................................ 8
Méthodologie applicable et objectifs du bilan ............................................................... 8
Un document qui répond à une obligation légale, qui est utile, mais qui arrive tard et
dont la problématique aurait gagné à être élargie ........................................................ 9
1 Présentation de l?opération ...................................................................................... 10
1.1 L?opération capacitaire globale est conçue comme la somme de trois sous-
opérations poursuivant chacune ses objectifs propres .............................................. 10
1.2 Conséquences du découpage administratif de l?opération sur l?établissement de
son évaluation ........................................................................................................... 11
2 Un bilan à juste titre critique sur l?atteinte des objectifs de l?opération ............... 13
2.1 Non atteinte des objectifs en termes de délai ...................................................... 13
2.2 Non atteinte des objectifs en termes de coûts ..................................................... 13
2.3 Non atteinte des objectifs en termes de trafics, avec une nuance pour ce qui
concerne l?autoroute ferroviaire alpine (AFA) ............................................................. 13
2.4 Non atteinte des objectifs en termes de report modal .......................................... 14
3 La capacité théorique du tunnel a diminué avec le renforcement des exigences
de sécurité, tout en répondant encore à la demande en 2023 ............................. 16
3.1 L?analyse de la capacité théorique au coeur du sujet ........................................... 16
3.2 La capacité du tunnel est avant tout la conséquence des exigences en matière
de sécurité ................................................................................................................. 16
3.3 La réserve de capacité est dans tous les cas encore significative ....................... 17
4 D?autres travaux restent nécessaires alors qu?ils auraient pu être inclus dans
l?opération ................................................................................................................ 18
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5 Des explications à la non-atteinte des objectifs exclusivement tournées vers
des facteurs exogènes à l?opération ...................................................................... 19
5.1 Des explications rationnelles liées au contexte global des traversées transalpines
.................................................................................................................................. 19
5.2 Un défaut d?évaluation par rapport à la situation de référence sans projet........... 19
6 Un bilan silencieux sur les conséquences de certains choix stratégiques ......... 21
6.1 Absence de bilan en matière d?environnement .................................................... 21
6.2 La protection de la ligne en dehors du tunnel ...................................................... 21
7 Bilan socio-économique ........................................................................................... 22
7.1 Des résultats dégradés malgré des hypothèses favorables ................................. 22
7.2 Des problèmes méthodologiques qui proviennent pour certains de l?évaluation
initiale ........................................................................................................................ 22
8 Conclusion ................................................................................................................ 24
Annexes ........................................................................................................................ 25
Annexe 1. Lettre de commande .................................................................................. 26
Annexe 2. Lettre de mission........................................................................................ 28
Annexe 3. Liste des personnes rencontrées ............................................................. 29
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Résumé
Le bilan ex-post des travaux de modernisation du tunnel ferroviaire du Mont-Cenis, daté d?avril
2024, est établi à partir des conditions d?exploitation qui prévalaient en 2023, soit avant
l?éboulement de la falaise qui, en août 2023, a occasionné la fermeture de la ligne pendant 1 an et
demi.
Les travaux, approuvés en 2004 et réalisés jusqu?en 2015, s?inscrivaient dans une logique
d?augmentation de la capacité et poursuivaient trois objectifs :
- la mise au gabarit GB1 du tunnel proprement dit et des quatorze tunnels d?approche côté
français pour permettre le développement et la croissance de l?autoroute ferroviaire alpine
(AFA) ;
- l?amélioration de la signalisation pour permettre de diminuer l?écart entre deux trains ;
- un renforcement de la sécurité d?exploitation par la réalisation de travaux devenus
indispensables dans les « vieux » tunnels pour répondre aux exigences modernes de
sécurité. Il s?agissait notamment de faire suite aux enseignements issus de l?incendie sous
le tunnel du Mont-Blanc en 1999.
Ces travaux ont connu d?importants surcoûts et retards que le bilan explique en grande partie par
des défauts de coordination avec la partie italienne.
Le programme était fondé sur les prévisions de trafics qui prévalaient alors. Le bilan ex-post établit
sans concession qu?aucun des grands objectifs en termes de trafic n?a été rempli tout en replaçant
fort justement la baisse du trafic de fret dans son contexte global. Il met parfaitement en valeur que
les prévisions de trafic de 2004 se sont avérées très exagérées : le trafic global dans le tunnel n?a
non seulement globalement pas cru depuis la fin des années 1990, et il a même chuté dans des
proportions très importantes que la crise économique de 2008 et celle du COVID ne suffisent pas
à expliquer.
Une nuance peut toutefois être apportée pour l?autoroute ferroviaire alpine (AFA). Le tonnage
transporté grâce au service a en effet augmenté, mais il faut préciser que c?est néanmoins là aussi
de manière inférieure aux prévisions et que le service est resté subventionné, ce qui n?était pas le
scénario initial.
D?une manière générale, le bilan établit la fuite du trafic vers d?autres points de traversées alpines,
notamment par la Suisse et par l?Autriche.
Il présente parfaitement que le renforcement ultérieur des contraintes d?exploitation liées à la
sécurité dans les tunnels a de toute façon rendu inatteignable l?atteinte des objectifs initiaux, ce qui
ne peut qu?interroger sur le manque de clairvoyance de l?époque vis-à-vis d?une évolution pourtant
prévisible.
Enfin, le bilan ex-post souffre d?une absence de mise en perspective globale avec l?ensemble des
évolutions et événements intervenus sur la ligne de la Maurienne.
In fine, s?il est vrai que l?obligation réglementaire n?impose au maître d?ouvrage que de s?en tenir à
l?évaluation de la réalisation du programme tel qu?il a été établi au lancement de l?opération, sa
publication ? sans mise en perspective globale ? soulève des questions relatives :
- Au volontarisme qui a prévalu en matière de prévisions de trafic, alors qu?en l?état actuel
du trafic il demeure une réserve de capacité non négligeable dans le tunnel ;
- À l?absence apparente à l?époque d?une réflexion approfondie sur la résilience de la ligne
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et la gestion de son exposition aux aléas notamment climatiques. 20 ans après, on ne peut
que constater que les désordres se multiplient, et que les débats sur la capacité peuvent
paraître décalés alors que la ligne est restée fermée un an et demi après l?éboulement
d?août 2023 et que, réouverte en mars, les coulées de boue récentes ont une nouvelle fois
montré son exposition aux aléas et sa fragilité ;
- A la non adéquation du programme initial de l?opération et de ses objectifs avec les règles
d?exploitation actuelles issues de l?exigence contemporaine de sécurité dans les tunnels.
Dans la continuité de ce constat, il est désormais patent que la question de maintenir cet
ouvrage en service après l?ouverture future du tunnel de base du Lyon-Turin se pose, et
que s?il est décidé de le maintenir, il faut déterminer pour quels types de services ;
- Aux travaux qui auraient pu être réalisés pour améliorer la sécurité, qui auraient pu être
programmés et qui ne le sont pas encore. À cet égard, la non mention dans le bilan des
recommandations de la CIG et du Comité de sécurité et de la manière dont elles vont être
traitées à court et moyen termes passe sous silence la partie vraisemblablement la plus
importante de la problématique actuelle du tunnel.
Dans une moindre mesure, le bilan reste peu détaillé en termes d?évaluation socio-économique et
de prise en compte dans celle-ci des coûts environnementaux, même s?il faut souligner que ceci
est au moins en partie la conséquence du fait que c?était déjà le cas dans les études préalables.
Enfin, le traitement des points noirs bruit mené à la même époque mais dans le contexte
administratif d?une autre opération a focalisé le débat lors de l?enquête publique. En présenter un
bilan dans le cadre du rapport objet du présent avis aurait été un plus pour mesurer et démontrer
les progrès réalisés.
De la même manière, puisque le rapport est de toute façon décalé par rapport aux travaux qu?il est
censé éclairer, il aurait pu être opportun de rappeler et commenter a posteriori les travaux de
surveillance et de renforcement de la paroi menés ou pas avant et après l?éboulement de 2023,
tant cette problématique est aujourd?hui prégnante dans la Haute Maurienne et pèse sur la capacité
réelle de la ligne et ses perspectives.
Plus globalement, la mission recommande pour toutes les opérations à venir, dès lors qu?il s?agira
de travaux sur une voie existante, que les évaluations préalables, les dossiers d?enquête publique,
et donc les bilans « ex post », s?attachent demain à étudier plus en profondeur que cela n?a été fait
en l?espèce :
- les conditions d?exploitation sous chantier et leurs impacts sur la capacité du réseau
pendant les travaux et après, dans la mesure où il ne peut pas être exclu que les conditions
de réalisation du chantier ont accéléré ici l?évasion du trafic ;
- la vulnérabilité de la ligne au changement climatique et plus généralement aux aléas
climatiques, ainsi que les mesures d?adaptation et d?accompagnement nécessaires pour
répondre à ces défis.
Elle recommande aussi que les délais de production des bilans « ex post » soient davantage
surveillés. Au-delà de l?obligation réglementaire, un bilan trop tardif enlève beaucoup d?intérêt à
l?exercice.
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Liste des recommandations
[DGITM] Renforcer la vigilance sur la fourniture dans les délais du bilan
dit « LOTI », afin qu?il participe dans un délai maîtrisé à la capitalisation des résultats et à
l?amélioration des pratiques de l?évaluation des projets, sur la base de méthodes et données
les moins obsolètes possibles. .............................................................................................. 9
[SNCF-R et DGITM] Tirer toutes les conséquences de court et de long
termes de l?audit de sécurité mené sous l?égide de la CIG et du comité de sécurité et décider
au plus vite du maintien en exploitation ou non du tunnel historique après l?ouverture du futur
tunnel de base, et, le cas échéant, des limites d?exploitation associées. ........................... 18
[SNCF-R] Lors de la publication du bilan ex-post, communiquer
également sur les travaux de protection phonique qui ont été effectués à la même époque
et qui ont focalisé l?attention lors de l?enquête publique. Contextualiser l?opération sur le
tunnel parmi tous les enjeux actuels de la ligne. ................................................................ 21
[SNCF-R] Les fragilités des lignes existantes, leur résilience, les
éventuels besoins de régénération et leur protection contre les risques naturels devraient
faire systématiquement l?objet d?une évaluation approfondie avant tous travaux d?envergure
sur une ligne existante, avec mention dans l?étude d?impact.............................................. 21
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Introduction
Par lettre du 4 novembre 2024, la direction des transports ferroviaires et fluviaux et des ports de la
direction générale des infrastructures, des transports et des mobilités (DGITM) a demandé à
l?inspection générale de l?environnement et du développement durable (IGEDD) de produire un
avis sur le bilan ex post de la modernisation du tunnel ferroviaire du Mont-Cenis, dont les travaux
se sont achevés courant 2015.
Rappel des dispositions législatives et réglementaires
Les articles L.1511-1 à L.1511-3 du code des transports prévoient que les grandes opérations
d'infrastructures fassent l'objet d'une évaluation préalable. Elles doivent être évaluées « sur la base
de critères homogènes intégrant les impacts des effets externes des transports sur, notamment,
l'environnement, la sécurité et la santé et permettant des comparaisons à l'intérieur d'un même
mode de transport ainsi qu'entre les modes ou les combinaisons de modes de transport ».
L?article L.1511-6 du même code prévoit que lorsque ces opérations sont réalisées avec le
concours de financements publics, un bilan est établi par le maître d'ouvrage au plus tard cinq ans
après l'achèvement du projet. Ce bilan doit être rendu public. Les travaux préparatoires à la loi
précisent qu?il s?agit de « confronter les prévisions à partir desquelles les choix antérieurs ont été
opérés et les réalités concrètes dans lesquelles ils se sont inscrits ».
L?articles R.1511-8 du code des transports prévoit que le bilan est établi par le maître d'ouvrage au
moins trois ans et au plus cinq ans après la mise en service des infrastructures concernées et
précise qu?il concerne les « résultats économiques et sociaux des infrastructures dont le projet
avait été soumis à l'évaluation ». En application de l?article R.1511-9, ce bilan est soumis à l?avis
de l?inspection générale de l'environnement et du développement durable (IGEDD).
Méthodologie applicable et objectifs du bilan
Le bilan d?un projet d?infrastructure consiste à évaluer les effets de la réalisation de l?infrastructure
en comparant une situation de projet, dans laquelle l?infrastructure est décidée et mise en service,
à une situation de référence, dans laquelle l?infrastructure n?est pas créée.
Dans les études ex ante, présentées lors de l?enquête préalable à la déclaration d?utilité publique,
l?évaluation des effets s?appuie sur des hypothèses au moment de la conception de l?infrastructure,
qui portent à la fois sur les éléments de la situation de projet (ce qui se passe si le projet est réalisé)
et les éléments de la situation de référence (comment évoluent « naturellement » les trafics,
l?environnement, les modes concurrents, les caractéristiques socio-économiques environnantes si
le projet n?est pas réalisé).
Dans le bilan ex post, l?évaluation est réalisée sur la base de données réelles et observées pour
ce qui concerne la situation de projet (puisque celui-ci est effectivement réalisé), mais aussi des
hypothèses faites ex ante dans l?appréciation de la situation de référence. Ainsi, il est indispensable
de corriger la situation de référence si des évolutions majeures, non prévues, ont modifié de façon
importante le contexte du projet (évolution imprévue du produit intérieur brut (PIB), modification
notable des comportements, etc.). L?objet du bilan ex post est de pouvoir apprécier la réalité des
effets envisagés ex ante.
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Un document qui répond à une obligation légale, qui est utile, mais
qui arrive tard et dont la problématique aurait gagné à être élargie
Les travaux se sont achevés en 2015. La transmission à la DGITM du bilan ex post est intervenue
quatre ans après le délai maximal fixé par la loi (au plus tard cinq ans après la mise en service des
infrastructures). Dans ce contexte la mission considère que la recommandation déjà formulée par
l?IGEDD par le passé1 de veiller au respect des délais réglementaires reste d?actualité.
Le dossier est établi pour la seule partie française de l?opération et le seul programme de l?opération
telle que découpée administrativement et présentée à l?enquête publique.
Cela est conforme avec les décisions antérieures et permet la comparaison avec les évaluations
ex ante présentées dans le dossier de DUP. Cela est conforme également à la règle de l?art.
Le bilan ex post s?attache avec rigueur et sans complaisance à analyser l?atteinte ou la non-atteinte
de chacun des objectifs déclarés de l?opération.
Néanmoins, évaluer la pertinence des choix d?investissement sur la ligne nécessite d?aller au-delà
du seul bilan ex-post de cette opération. Le dossier traite bien le lien entre les contraintes
capacitaires et la sécurité, mais un élargissement au moins à la question des protections
environnementales (réalisées à la même époque) et à la surveillance des falaises est nécessaire
pour avoir une vision d?ensemble.
D?une manière générale, ce bilan pose également la question de la pertinence des études et des
évaluations sur la simple partie nationale d?une opération en réalité transfrontalière dans la mesure
où le rallongement des délais d?exécution et le renchérissement des coûts sont présentés comme
la simple conséquence de décisions ou contraintes imposées par la partie italienne.
[DGITM] Renforcer la vigilance sur la fourniture dans les délais du bilan
dit « LOTI », afin qu?il participe dans un délai maîtrisé à la capitalisation des résultats et à
l?amélioration des pratiques de l?évaluation des projets, sur la base de méthodes et données
les moins obsolètes possibles.
1 Recommandation 1 à l?attention de la DGITM de l?avis de l?IGEDD n° 015447-01 sur le bilan socioéconomique du
prolongement du T2 entre La Défense et Pont de Bezons
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1 Présentation de l?opération
Le bilan ex-post s?attache à respecter le découpage administratif de l?opération décidé en 2004. Il
s?agit d?un choix conforme aux règles de l?art.
Compte tenu de l?ensemble des interventions, événements et décisions prises sur la ligne à la
même époque, un élargissement du propos aurait toutefois été éclairant.
1.1 L?opération capacitaire globale est conçue comme la somme de
trois sous-opérations poursuivant chacune ses objectifs
propres
L?opération étudiée est une opération visant à augmenter la capacité du tronçon ferroviaire allant
de Saint-Jean de Maurienne à la frontière italienne. Elle n?est qu?une partie d?une opération
transfrontalière plus large sans laquelle elle n?a jamais été envisagée et sans laquelle elle ne se
serait pas justifiée. Cette opération globale va, côté italien, jusqu?à Bardonnèche.
Par ailleurs, les documents préalables la présentent comme un accompagnement indispensable
au futur Lyon-Turin, déjà dans les tuyaux. C?est notamment le cas du dossier d?enquête publique.
Plus dans le détail, l?opération est en réalité la somme de trois sous-opérations qui auraient pu être
conçues indépendamment, si ce n?est ? peut-être, mais cela reste à démontrer ? qu?ensemble elles
permettaient de minimiser les gênes d?exploitation sous chantier. Elle était chiffrée au total au
moment de l?enquête publique à 83,51 M¤ CE 2003 (valeur 2003).
Les trois sous-opérations sont les suivantes :
- Passage au gabarit GB1 du tunnel principal et des 14 tunnels d?accès. L?objectif était de
permettre le développement du service de ferroutage (autoroute ferroviaire alpine ? AFA).
En effet, sans les travaux, celui-ci restait limité aux camions-citernes. L?idée était de per-
mettre, grâce aux travaux, de pouvoir mettre 80% des camions sur le train. Cette sous-
opération portait à elle toute seule plus des deux tiers des coûts globaux. Il s?agissait de
démontrer par la preuve tout le potentiel attendu du ferroutage pour le transfert modal de
la route vers le train, et, par suite, la limitation des nuisances globales générées par le
transport de marchandises.
- Amélioration de la signalisation par multiplication des segments ferroviaires sur la section
Modane-frontière. La nouvelle signalisation était conçue dans l?optique de pouvoir augmen-
ter sensiblement le nombre de trains qui peuvent passer par heure dans le tunnel. L?aug-
mentation de la capacité paraissait nécessaire aux vues des projections de l?époque rela-
tives à la demande de trafic.
- Amélioration de la sécurité dans le tunnel principal. Il s?agit concrètement d?un certain
nombre de dispositifs techniques à même de mieux prévenir et de mieux gérer un éventuel
accident dans le tunnel et ses conséquences potentiellement dramatiques. Cette sous-
opération s?inscrivait dans le mouvement de rénovation de tous les tunnels historiques
après l?incendie dans le tunnel routier du Mont-Blanc en 1999. Le dossier ne le précise pas,
mais figurait notamment dans le programme la réalisation d?une conduite d?eau incendie
qui jusque-là n?existait pas.
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Le coût prévisionnel global était décomposé comme suit :
1.2 Conséquences du découpage administratif de l?opération sur
l?établissement de son évaluation
On peut considérer que la troisième sous-opération (aménagements de sécurité) était
incontournable quelles que soient les considérations sur l?augmentation du trafic et celle de la
capacité du tunnel.
La seconde (évolution de la signalisation pour permettre de réduire l?écart entre les trains) n?était
pas forcément liée à la mise au gabarit GB1 en ce que l?augmentation de trafic prévue n?était pas
uniquement portée par la volonté d?accroître le ferroutage.
Ce n?est donc que par le fait d?un découpage administratif un peu artificiel ? regrouper ensemble
les trois opérations en une seule et même opération poursuivant un objectif global d?augmentation
de la capacité ? que le projet global dépassait très légèrement le seuil réglementaire de 83,08M¤
imposant une évaluation.
Dans ce contexte et dans l?esprit de la loi et des évaluations, il est dommage :
1) Que le dossier passe complètement sous silence l?opération jumelle menée en parallèle
côté italien. Une extension du champ d?étude au moins partiel à la partie italienne aurait
été d?autant plus éclairant que le dossier explique en plusieurs endroits que certains chan-
gements de programme, certains dérapages de délai et certains dérapages de coûts résul-
tent de décisions prises de l?autre côté des Alpes, sans plus d?explications. Des enseigne-
ments auraient pu en être tirés sur la manière de concevoir les opérations transfrontalières
ou la nécessité de mieux anticiper tous les sujets liés à l?interopérabilité ;
2) Que le dossier ne cherche pas à répondre à la question de savoir si oui ou non, fort des
observations ex-post, l?opération était bien un préalable et un complément indispensables
au Lyon-Turin ;
55.55 M¤
20.20 M¤
7.76 M¤
Décomposition du coût du projet tel que présentée dans le dossier d'enquête
publique en 2004 (M¤ valeur 2003)
Dégagement du gabarit GB1 Modernisation de la signalisation Renforcement de la sécurité
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3) Que le bilan ne cherche pas à élargir son propos et à apporter des éclairages sur les bilans
d?autres travaux menés à la même époque au même endroit dans un tout cohérent (ré-
sorption des points noirs bruit, surveillance de la falaise).
Enfin, les niveaux de trafics réellement observés ex post sont très largement inférieurs aux niveaux
prévisionnels. Il aurait été intéressant de sortir du cadre strict du ferroviaire pour identifier et
quantifier les interférences avec le routier, son développement et sa tarification.
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2 Un bilan à juste titre critique sur l?atteinte des objectifs de
l?opération
Le bilan ex-post s?attache à reprendre tous les objectifs initiaux et à mesurer s?ils ont été atteints,
ce qui correspond parfaitement à la règle de l?art pour ce type de bilan. Il montre sans concession
qu?aucun des objectifs de départ n?a été atteint.
En revanche, en s?inscrivant strictement dans le cadre réglementaire, il reproduit certains manques
de l?évaluation ex-ante, notamment en matière d?exploitation sous chantier, d?environnement, et
d?amélioration de la résilience de la ligne.
La partie relative à l?analyse des trafics est particulièrement bien faite et instructive. Elle s?attache
clairement à comparer les trafics réels avec les prévisions, même si on peine parfois devant
l?exercice de comparaison entre le réel ex-post et la situation qui aurait été celle de la non
réalisation des travaux.
2.1 Non atteinte des objectifs en termes de délai
Les travaux côté italien devaient durer deux ans (2003 et 2004). Ils se sont en réalité étalés
jusqu?en 2011.
Les travaux côté français devaient durer deux ans également (2005 et 2006). Commencés en
réalité en mars 2007, les travaux de gabarit n?ont été achevés que fin 2011, pour une attestation
du gabarit GB1 que fin 2012. Les travaux de sécurisation n?ont été achevés qu?en 2015.
2.2 Non atteinte des objectifs en termes de coûts
Le coût des travaux en euros constants est passé de 83,51 M¤ dans les évaluations de 2004 à un
réel de 122,2M¤, soit une augmentation de 46% (calculée en euros constants valeur de 2003)2. Le
bilan ne permet pas de déterminer les parts respectives des travaux de mise au gabarit, des travaux
de signalisation, et des travaux de mise en sécurité dans le total global. On peut noter néanmoins
que dès 2006 et l?approbation ministérielle, une augmentation de 27% était d?ores et déjà actée
sur la partie tunnel de l?opération, hors traitement des quatorze tunnels d?approche3, limitant de fait
l?augmentation à un peu moins de 20% pour l?opération globale et la seule période du chantier. Le
surcoût est expliqué par des contraintes d?exploitation sous chantier non identifiées d?une part,
mais aussi certaines mauvaises surprises techniques et des problèmes récurrents de coordination
avec la partie italienne.
Si le coût d?exploitation a été sensiblement réduit au moment de l?achèvement du chantier (baisse
d?environ 75% du coût d?entretien de la portion de ligne entre Modane et la frontière entre 2004 et
2010 en euros constants), il est rapidement remonté à partir de 2010 pour atteindre en 2022 un
niveau à peine inférieur à celui de 2000 en euros constants (-10%) et une évolution très rapide à
la hausse. À noter que le dossier de DUP ne comportait pas d?objectif en la matière.
2.3 Non atteinte des objectifs en termes de trafics, avec une nuance
pour ce qui concerne l?autoroute ferroviaire alpine (AFA)
Pour ce qui concerne le nombre total de trains journaliers dans le tunnel, le dossier de DUP
visait un trafic de 180 trains par jour deux sens confondus dans le tunnel en 2020, représentant
une augmentation théorique de 50% par rapport à la situation antérieure au projet. En 2022, une
2 Le coût réel s?élève à 160.71M¤ en euros courants, soit une augmentation de 71.11%
3 Faisant passer en valeur 2023 le coût des travaux sur le seul tunnel de 72.32M¤ à 91.94M¤.
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moyenne de 31 trains a été observée (dont 2/3 environ pour le transport de marchandises) en
semaine. Le trafic est plus faible le week-end car il y a moins de fret. On ne constate pas de hausse
globale depuis la fin des travaux ; au contraire, le trafic global a encore chuté depuis la période du
chantier et ses restrictions ponctuelles de capacité.
Pour ce qui concerne le tonnage de fret transporté, toutes les prévisions étaient très
surestimées. La prévision au fil de l?eau sans projet était une croissance de 30% entre 2000 et
2020 ; la réalisation de l?opération devait permettre d?atteindre 50%. En réalité, le tonnage
transporté a été plus que divisé par deux sur la période, passant d?un peu moins de 9Mt en 2000
à peine plus de 2Mt en 2009 pendant le chantier, et un niveau annuel un peu inférieur à 3Mt au
moment de l?éboulement de 2023 qui a occasionné la fermeture provisoire de la ligne. En
comparaison, le dossier de DUP prévoyait 19,1Mt en 2020 (dont 5,5 Mt par l?autoroute ferroviaire).
Pour ce qui concerne le cas particulier de l?autoroute ferroviaire alpine (AFA), l?AFA capte
environ 4% du nombre de camions total passant en Italie par la Maurienne. Le tonnage et le nombre
de camions transportés ont sensiblement décollé à partir de 2005 à la suite d?un accident dans le
tunnel routier ayant entraîné sa fermeture pendant plusieurs mois. Ils ont continué à augmenter
plus faiblement par la suite, et on constate un deuxième palier après 2015. Ce bilan qui peut
apparaître positif reste cependant très en deçà des objectifs de 2004. Le dossier de DUP tablait en
effet sur 20 AR par jour en 2020, alors que le trafic n?a jamais dépassé 5 AR/jour, et seulement 4
si on ne considère que le service Aiton ? Orbassano4. Il est aujourd?hui retombé à 4 AR par jour,
chiffre qui était déjà celui de 2003 au moment de la mise en place du service, ceci alors même que
le service est resté subventionné après la fin de la période d?expérimentation, ce qui n?était pas
prévu initialement. La Cour des comptes en a par deux fois critiqué la rentabilité, et signale par
ailleurs que les wagons de dernière génération ne nécessitent plus les mêmes travaux de gabarit
sur le réseau5 que les wagons de première génération. Le bilan reste silencieux sur ce dernier
point et ne répond pas à la question de savoir si le programme de travaux aurait été différent et à
moindre coût en agissant plus vite sur le matériel que sur l?infrastructure, aspect sur lequel la
mission est incapable d?apporter une réponse à ce jour.
Pour ce qui concerne le trafic voyageurs grande ligne, l?augmentation de la capacité voyageurs
n?était pas l?argument majeur pour pousser le projet, davantage tourné vers l?augmentation de la
capacité en fret. Pour autant, le projet évoquait un passage de 16 à 22 trains par jour deux sens
confondus entre 2004 et 2020. Le trafic a légèrement augmenté depuis 2011, mais il demeurait en
2023 autour de 10 trains par jour sans jamais dépasser 12.
Pour ce qui concerne le trafic voyageurs sur les lignes régionales de type TER, la situation
de départ, en 2011, était un trafic de 14 trains par jour sur la section, deux sens confondus. Ils
passaient tous sous le tunnel et allaient jusqu?à Bardonecchia. Dans le contexte du transfert de
compétence aux régions, le projet a été conçu en tenant compte d?une croissance supposée
jusqu?à 22 trains sans travaux, et jusqu?à 24 trains grâce à l?augmentation attendue de la capacité.
Dans les faits, plus aucun train français de desserte régionale n?a traversé le tunnel depuis l?arrêt
de la ligne au début des travaux en 2003, et un petit service de 2 trains italiens par jour n?a existé
que pendant deux ans à sa réouverture, sans survivre au COVID. Tout le trafic régional s?est
déplacé vers le car et la route. On peut même supposer sans risque que l?arrêt du service généré
par le chantier a accéléré ce transfert, et que sauf action très volontariste incluant une pénalisation
très importante du car, il ne reprendra jamais.
2.4 Non atteinte des objectifs en termes de report modal
Favoriser le report modal était la justification principale de la sous-opération la plus onéreuse du
projet : le passage des tunnels au gabarit GB1.
4 Une navette a circulé pendant une courte période depuis Calais
5 Rapport annuel 2017 de la Cour des Comptes
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En termes techniques, cette évolution avait pour but de rendre possible de charger sur le train 80%
des camions européens via le service de ferroutage, qui sinon était limité aux seuls camions
citernes. Le bilan ne précise pas si ce chiffre de 80% est atteint compte tenu des normes routières
d?aujourd?hui, mais il semblerait, même si la mission ne dispose pas d?éléments pour l?étayer, que
presque la totalité des camions qui passent aujourd?hui dans le tunnel routier pourraient
techniquement prendre l?AFA.
En termes chiffrés, d?après le dossier de DUP, le trafic fret global par la route et par le rail était de
26Mt sur les trois tunnels France-Italie6 en 2004, dont un peu moins de 10Mt pour le train via le
tunnel ferroviaire. Le bilan montre que si globalement le trafic fret a baissé sur la période sur les
trois points de passages des Alpes du Nord (Tunnel du Mont-Blanc, tunnel du Fréjus et tunnel
ferroviaire du Mont-Cenis), le trafic ferroviaire a tendanciellement baissé plus fortement que le trafic
routier. Ce constat en forme d?échec ne peut évidemment pas s?analyser sans s?intéresser aussi
aux évolutions comparées globales des trafics route et rail sur tout le territoire. Le dossier indique
néanmoins qu?un important transfert modal vers le fer a été constaté en Suisse. La mission
souligne par ailleurs qu?elle reste convaincue que si agir en faveur du transfert modal peut passer
par des investissements sur le rail, sans action concrète et concertée sur la route, le panel d?outils
reste incomplet.
En ce sens, le bilan ne fait que confirmer qu?on ne peut pas évaluer une politique de transfert modal
en ne s?intéressant qu?aux efforts en faveur du train, et pas non plus en ne s?intéressant qu?à une
toute petite portion du réseau.
6 Tunnels routiers du Mont-Blanc et du Fréjus, et tunnel ferroviaire du Mont-Cenis
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3 La capacité théorique du tunnel a diminué avec le
renforcement des exigences de sécurité, tout en
répondant encore à la demande en 2023
L?évaluation de l?atteinte des objectifs en termes de trafic ne suffit pas dans la mesure où elle
démontre surtout que les estimations de croissance initiales étaient trop volontaristes et qu?elle
renvoie à la réalité globale de l?évolution du fret ferroviaire. Le bilan s?attache donc à étudier aussi
la capacité théorique maximale indépendamment de la demande, et à vérifier si le chantier a permis
de l?augmenter.
Il démontre à propos que la capacité théorique découle directement des exigences de sécurité qui
elles-mêmes contraignent les règles d?exploitation. In fine, le projet a certes été bâti sur des
hypothèses de demande de trafic qui se sont révélées inexactes ; il révèle aussi l?incapacité de
l?époque à anticiper le renforcement considérable en 20 ans des exigences en matière de sécurité,
sans que celles-ci n?aient obéré jusqu?à aujourd?hui la capacité du tunnel à répondre à la demande
constatée.
3.1 L?analyse de la capacité théorique au coeur du sujet
Le tunnel voyait passer environ 130 trains par jour deux sens confondus au début des années 2000.
Le dossier de DUP se fixait comme objectif d?accompagner la hausse de trafic évaluée en tonnage
transporté et en nombre de trains en circulation. Il était visé de monter à 180 trains par jour deux
sens confondus. Les travaux sur la signalisation devaient permettre d?atteindre ces objectifs par
réduction des écarts entre les trains. Les travaux de sécurisation prévus dans le cadre de
l?opération étaient jugés à l?époque comme cohérents avec cet objectif.
Il n?est passé en réalité en moyenne journalière que 31 trains en 2022. Indépendamment de la
baisse de la demande, si on veut mesurer le succès des travaux réalisés, il convient de s?interroger
sur le trafic maximal théorique que pourrait supporter le tunnel aujourd?hui.
3.2 La capacité du tunnel est avant tout la conséquence des
exigences en matière de sécurité
La capacité du tunnel est très dépendante des contraintes d?exploitation imposées par les règles
de sécurité. Ces contraintes ont été considérablement renforcées sur la période.
Actuellement, les consignes du plan d?intervention et de surveillance (PIS) approuvé par la CIG
augmentées de celles du gestionnaire RFI font qu?il n?y a qu?un seul train en tunnel lorsque ce train
est un train de voyageurs : il ne croise, précède ou suit aucun autre train. Cette contrainte permet
d?écouler toute la demande exprimée.
Dans ces conditions, la capacité théorique du tunnel est très dépendante du nombre de trains
voyageurs programmés. Le bilan ex-post retient une fourchette de 42 à 70 trains en fonction de
différentes hypothèses de restrictions pour les trains de fret, bien loin des 180 visés dans le dossier
de DUP, mais parfaitement compatible avec la demande exprimée aujourd?hui, qu?elle ne restreint
pas.
Une capacité de 42 trains correspondrait à une restriction maximale imposant un seul train à la fois
dans le tunnel, qu?il soit de voyageurs ou de marchandises. Il est arrivé par trois fois que cette
jauge soit ponctuellement imposée par des arrêtés préfectoraux lorsque la conduite d?eau incendie
était en panne. Cette conduite d?eau faisait partie du programme de l?opération de 2004. Le bilan
considère donc à raison que si les travaux n?avaient pas été réalisés, une limite à 42 trains par jour
s?imposerait aujourd?hui. Mais, puisque, justement, ces travaux ont été réalisés, on doit considérer
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que cette borne basse ne va résulter que de circonstances exceptionnelles.
3.3 La réserve de capacité est dans tous les cas encore significative
Il ne passait avant la fermeture de 2023 qu?une grosse trentaine de trains par jour, très loin des
180 escomptés dans le dossier de DUP.
Une évaluation de l?IGEDD datant de 2022 indiquait que toutes choses égales par ailleurs, si l?on
reste à moins de 12 trains de passagers par jour, le trafic de fret pourrait être de 58 trains par jour
au lieu de 20, triplant presque ainsi le trafic actuel de marchandises. Si on montait à 24 trains
passagers par jour, le trafic fret pourrait encore être plus que doublé par rapport au constaté7.
In fine, les contraintes de sécurité élaborées par le Comité de sécurité et validées par la CIG
laissent la place à au moins un doublement du fret actuel dans le tunnel existant.
7 Lors d?un séminaire qui s?est tenu le 28/09/2022, il a été documenté que la réserve de capacité était importante
également à l?échelle de toutes les traversées alpines ferroviaires. La capacité utilisée des tunnels est de 68% pour
l?axe Lötschberg /Simplon et de 54% pour l?axe Gothard /Simplon. La fluidité sera améliorée par la mise en place
de l?ERTMS avec 6 sillons fret par heure dans le Gothard.
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4 D?autres travaux restent nécessaires alors qu?ils auraient
pu être inclus dans l?opération
Le bilan ne cite pas les travaux et réflexions récents en matière de niveau de sécurité acceptable.
Du point de vue de la CIG et du Comité de sécurité, RFI et SNCF Réseau doivent en effet encore
investir dans l?amélioration de la sécurité et de l?exploitation du tunnel du Fréjus pour renforcer
encore la sécurité et permettre une exploitation plus fluide.
Ces améliorations sont définies dans le cadre des recommandations de l?audit de sécurité de 2020
effectué à la demande du comité de sécurité dont par exemple :
- Réparer et maintenir la conduite hydraulique anti-incendie puis transférer son exploitation à RFI,
- Permettre aux trains de voyageurs suivant un train de fret de faire un refoulement dans des délais
compatibles avec l?évolution des fumées,
- Avoir une information précise sur la localisation de l?incendie et du sens du courant d?air dans le
tunnel pour assurer aux passagers une information sur la direction à prendre lors d?une auto
évacuation. En cas d?installation d?un système de désenfumage, assurer son utilisation de façon
appropriée.
- Mettre à disposition aux sorties du tunnel, un moyen d'évacuation composé d'un engin de traction
indépendant avec conducteur et de moyens de transport pour personnes en nombre suffisant.
In fine, même s?il est toujours risqué de se placer dans un contexte désormais vieux de plus de 20
ans, il est dommage que le bilan ne soit pas davantage critique sur le décalage entre les travaux
décidés au nom de la sécurité en 2004 et les recommandations d?aujourd?hui.
Enfin, si les recommandations devaient demeurer sans suite, l?ambition aujourd?hui encore affichée
de maintenir le tunnel historique en exploitation après l?ouverture du tunnel de base du Lyon-Turin
mériterait une évaluation approfondie pour en déterminer les limites et les conditions.
[SNCF-R et DGITM] Tirer toutes les conséquences de court et de long
termes de l?audit de sécurité mené sous l?égide de la CIG et du comité de sécurité et décider
au plus vite du maintien en exploitation ou non du tunnel historique après l?ouverture du
futur tunnel de base, et, le cas échéant, des limites d?exploitation associées.
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5 Des explications à la non-atteinte des objectifs
exclusivement tournées vers des facteurs exogènes à
l?opération
Les parties précédentes ont établi que le projet, élaboré dans l?objectif de répondre à une demande
de trafic globale croissante, a été conçu à partir d?hypothèses très optimistes qui se sont révélées
complètement infondées.
Aucune des explications identifiées dans le bilan ne dépend directement de la maîtrise d?ouvrage.
Ce faisant, il n?évalue pas si et dans quelle mesure les modalités de la réalisation de l?opération et
un chantier qui s?est éternisé ont pu accélérer ou pas la décroissance du trafic.
5.1 Des explications rationnelles liées au contexte global des
traversées transalpines
Pour ce qui concerne les délais et les coûts, les causes évoquées tiendraient exclusivement de
facteurs extérieurs au projet proprement dit, notamment la non-tenue des délais par les italiens, et
le fait qu?ils ont imposé des changements de programme en cours de route. D?après certains
éléments portés oralement à la connaissance de la mission, les problèmes ont été réels et graves.
La mission estime que le bilan aurait gagné à les évoquer.
Pour ce qui concerne les objectifs de trafic, l?explication principale provient de la chute globale et
imprévisible du trafic sur la section, et en particulier celle du fret :
- Le trafic qui était largement en provenance ou à destination de la mer du Nord s?est déplacé vers
la Suisse, et, dans une moindre mesure, vers l?Autriche. Il est devenu sur la période un trafic quasi
exclusivement binational entre la France et l?Italie 8.. Par ailleurs, les situations économiques
respectives de la France et de l?Italie et le contexte de la crise de 2008 n?étaient pas favorables à
l?accroissement du trafic entre les deux pays. La désindustrialisation et ses effets sur le fret entre
les deux pays auraient néanmoins probablement pu être anticipés.
- La non compétitivité globale du fret ferroviaire par rapport à la route ne pouvait pas être enrayée
par la seule amélioration du tunnel.
5.2 Un défaut d?évaluation par rapport à la situation de référence
sans projet
La mission ne conteste pas les constats et ne prétend pas apporter d?éclairages supplémentaires.
Elle aurait toutefois apprécié de trouver dans le dossier plus de détails sur les raisons du retard
italien. Même si cela sort du cadre strict du projet, des enseignements auraient peut-être pu en
être tirés sur la manière de mener une opération binationale et d?en évaluer les risques. Elle
s?interroge également sur les raisons qui ont fait qu?il était impossible d?anticiper les changements
de programmes demandés par les italiens, notamment en matière de signalisation.
8. De manière générale, modes routier et ferroviaire additionnés, le dossier retient, sur la base des données
ALPIFRET, une hausse de 3,1% du trafic fret transalpin par l?Autriche en moyenne annuelle entre 1994 et 2021,
une hausse de 1,7% par la Suisse, et une baisse de -1,2% pour les trois tunnels français (-0,7% pour la route, et
-3,6% pour le fer). Le dossier précise que « La France ne pèse plus [en 2021] que 27% des flux routiers transalpins
(44% en 1994) et 5% des flux ferroviaires (16% en 1994). Cette décroissance s?est accompagnée d?une chute
importante de la part de marché du mode ferroviaire, qui était de 7% en 2021 aux points de passage franco-italiens
[Vintimille compris], contre 18% en 1994 et 39% en 1983 ».
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Pour ce qui concerne les niveaux de trafic, tels que présentés, la non-atteinte des objectifs découle
directement de la fixation d?objectifs initiaux très surévalués et d?un contexte global particulièrement
morose pour le trafic transalpin entre la France et l?Italie, et en aucun cas des limites intrinsèques
du service par le tunnel du Mont-Cenis. Dans ce contexte, répondre à la question de savoir si
l?opération a rempli ses objectifs n?a guère de sens, si ce n?est constater que le projet
d?augmentation de la capacité a été conçu pour répondre à un besoin qui n?a jamais été avéré
jusqu?à aujourd?hui. Par ailleurs, rien dans le bilan présenté ne permet de dire si l?opération a
accéléré ou freiné le déclin du trafic dans le tunnel. Le dossier précise en toute transparence que
l?augmentation de la qualité de service des tunnels suisses à la même époque a probablement été
? par comparaison - déterminante dans le décalage des courbes entre les deux traversées ; en
revanche, il ne cherche pas à déterminer si la situation aurait été différente avec ou sans les
investissements réalisés dans le tunnel franco-italien du Mont-Cenis. Les conditions de
l?exploitation sous chantier ont toujours maintenu une voie de circulation, mais le bilan aurait pu
chercher à vérifier si elles n?ont pas malgré tout accéléré l?évasion du trafic.
Dans ces conditions, la mission estime que :
- L?augmentation de la capacité par la signalisation s?est révélée inutile. Justifiée à l?époque par
des prévisions qui se sont révélées surévaluées, elle était censée répondre à un besoin qui s?est
avéré ne pas exister. En outre, les règles d?exploitation imposées progressivement depuis le début
des années 2000 pour des raisons de sécurité ont de toute façon rendu les objectifs fixés
inatteignables.
- L?augmentation du gabarit au niveau GB1 n?a pas permis le développement escompté de
l?autoroute ferroviaire autant que souhaité. L?exemple suisse est éclairant : pour y arriver il aurait
fallu en même temps des dispositions très volontaires pour limiter voire proscrire dans la vallée le
transport fret longue distance par la route. En outre, à la date de production de cet avis, la mission
reste incapable de confirmer que les travaux de mise au gabarit qui ont été réalisés seraient encore
tous nécessaires avec la nouvelle génération de wagons, disponible pourtant avant l?achèvement
des travaux.
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6 Un bilan silencieux sur les conséquences de certains
choix stratégiques
6.1 Absence de bilan en matière d?environnement
Les débats au cours de l?enquête publique se sont surtout focalisés sur le bruit et la résorption des
points noirs bruit, qui étaient traités dans le cadre d?une autre opération, détachée de l?opération
faisant l?objet du bilan étudié. Il aurait donc été intéressant de présenter dans le bilan les travaux
effectivement réalisés et leurs effets pour les habitants, même s?il ne s?agissait pas d?une obligation
réglementaire.
D?une manière générale, alors que l?opération au sens strict n?offre qu?un aperçu réduit des
problématiques ferroviaires actuelles dans la vallée, il aurait pu être intéressant, surtout si
longtemps après, de la contextualiser parmi l?ensemble des opérations menées récemment sur la
ligne.
[SNCF-R] Lors de la publication du bilan ex-post, communiquer
également sur les travaux de protection phonique qui ont été effectués à la même époque
et qui ont focalisé l?attention lors de l?enquête publique. Contextualiser l?opération sur le
tunnel parmi tous les enjeux actuels de la ligne.
6.2 La protection de la ligne en dehors du tunnel
Le risque géologique de chute de blocs et de glissement de terrain dans le secteur de la Praz
(commune d?Orelle et du Freney) est identifié dans le dossier d?enquête publique. Le risque est
considéré comme « moyen à fort » sur certains des tunnels d?approche de Modane. Pour autant,
le dossier d?enquête précise que « cette problématique ne fait cependant pas partie des objectifs
poursuivis dans le cadre de la modernisation du tunnel du Fréjus ».
L?éboulement de 2023, dans la zone de fragilité identifiée, a montré combien la ligne historique est
exposée aux aléas et son exploitation fragile. Focalisée sur la volonté de répondre à une demande
qui s?est avérée ne pas exister, la maîtrise d?ouvrage n?a pas souhaité traiter dans ce dossier la
nécessité de davantage protéger la pérennité de la ligne pour se concentrer directement sur le
gabarit du tunnel. Pourtant, même si la demande avait crû en flèche au rythme des prévisions de
trafic, la ligne aurait dû être coupée pendant un an et demi pour remédier aux désordres de 2023.
Le bilan ex post s?attache à mesurer si les objectifs que l?opération se fixait ont été remplis. Ce
faisant, il est complètement silencieux sur le fait que certains autres objectifs auraient pu utilement
compléter la liste des objectifs fixés. La mission ne prétend pas que tout était prévisible et qu?il
aurait été possible d?anticiper la chute de la falaise ; elle souligne cependant que, face à une
situation connue, les réponses proposées ou à proposer n?ont pas été mises en débat dans le
contexte de cette opération.
[SNCF-R] Les fragilités des lignes existantes, leur résilience, les
éventuels besoins de régénération et leur protection contre les risques naturels devraient
faire systématiquement l?objet d?une évaluation approfondie avant tous travaux d?envergure
sur une ligne existante, avec mention dans l?étude d?impact.
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7 Bilan socio-économique
L?évaluation socio-économique ex-ante jointe au dossier de DUP était sommaire, établie sur un
projet depuis Dijon (et non pas seulement sur le tronçon de Maurienne considéré). Elle présentait
une situation dans laquelle la rentabilité économique du projet était tout juste atteinte, en intégrant
les hypothèses de trafic dont il a été montré plus haut qu?elles étaient irréalistes.
Dans ce contexte, l?évaluation socio-économique jointe au bilan ex-post ne pouvait qu?être encore
plus dégradée. Le bilan a le mérite de s?essayer à l?exercice et la volonté de l?équipe de SNCF
Réseau d?essayer d?y procéder rigoureusement mérite d?être soulignée. La mission ne peut
cependant que constater que le contexte général sur la fixation des hypothèses initiales en 2004
enlève en réalité beaucoup d?intérêt à l?exercice.
7.1 Des résultats dégradés malgré des hypothèses favorables
L?évaluation socio-économique du bilan ex-post est établie à partir de deux scénarios relatifs à la
capacité théorique dans le tunnel :
- Un scénario dans lequel la capacité est capée à 54 trains par jour dans le tunnel. Ce scé-
nario correspond à un mode d?exploitation dans lequel deux trains ne peuvent pas se
croiser, un train de voyageurs doit être seul dans le tunnel, et il ne peut y avoir simultané-
ment deux trains de marchandises que dans le même sens (pas de croisement), sans
matières dangereuses, et avec respect d?un certain écart.
- Un scénario dans lequel la capacité est capée à 70 trains par jour dans le tunnel qui cor-
respond au maximum théorique calculé à partir du seul PIS en vigueur.
Elle part d?une croissance de trafic de 25% à partir de l?observé jusqu?à atteinte des trafics
maximaux théoriques de ces deux hypothèses. La fixation de ces taux de croissance mériterait
d?être davantage étayée.
Toutes ces hypothèses sont favorables par rapport à l?observé. Par ailleurs, il n?est pas tenu compte
de la réalisation du tunnel de base du Lyon-Turin qui viendra bien entendu impacter les trafics.
Malgré ces hypothèses, le bénéfice actualisé tombe à près de -100M¤2000 actualisés à l?année 2011
contre -1,7M¤2000 actualisés à l?année 2003 présenté lors de l?enquête public, et le taux de
rendement interne (TRI) à environ 4,5%.
Dans la mesure où les résultats bénéfiques attendus étaient surtout portés par les avantages
perçus par les usagers, qui étaient envisagés en très forte hausse, ces résultats sont logiques avec
le fait qu?aucun des trafics attendus n?ont été vérifiés.
7.2 Des problèmes méthodologiques qui proviennent pour certains
de l?évaluation initiale
Tous les gains socio-économiques attendus étaient liés d?une part à la hausse annoncée du trafic
permise par un renforcement de la capacité, et d?autre part par un transfert modal de la route vers
le fer.
Or, les parties précédentes ont établi que ? en raison notamment d?une chute de la demande
importante - le trafic fret a sensiblement baissé, le trafic TER n?existe plus, et le trafic voyageurs
grandes lignes a stagné. Par ailleurs les capacités théoriques et opérationnelles ont baissé du fait
du renforcement des contraintes d?exploitation lié à de plus grandes exigences en termes de
sécurité dans le tunnel, et une politique de report modal exige d?agir aussi sur le routier.
Dans ce contexte, étudier une option de référence avec une capacité théorique de 42 trains par
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jour dans le tunnel est cohérent. Mais continuer à prendre des hypothèses de trafic supérieures au
constaté interroge sur la pertinence des chiffres.
Par ailleurs, la fermeture de la ligne pendant un an et demi vient évidemment peser sur le bilan, et
ses conséquences ne sont pas évaluées, et l?étude socioéconomique, en portant sur une portion
de ligne plus importante que celle objet de l?opération, porte en elle des défauts originels que le
bilan ex-post ne pouvait malheureusement pas corriger.
In fine, force est de constater que le bilan socioéconomique, même s?il faut manier les chiffres avec
prudence, vient surtout sanctionner en évolution le coût de la mauvaise appréhension de la
demande de fret, bien plus que le programme de travaux et les modalités et conditions de leur
exécution.
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8 Conclusion
La loi prévoit que le bilan ex post doit être réalisé dans un délai de 5 ans après la réalisation des
travaux et soit rendu public. Les travaux ayant été terminés en 2015, le bilan et le présent avis
interviennent trop tard.
Il n?est néanmoins pas inutile de réexaminer quelques années après les conditions de décision, les
justifications et les conditions de réalisation des travaux intervenus sur le tunnel du Mont Cenis et
sur la ligne de la Maurienne entre 2005 et 2015. L?exercice est riche en enseignements sur la
mécanique des prises de décision et les évolutions économiques et sociétales des deux dernières
décennies. Il illustre aussi certaines difficultés inhérentes aux liaisons internationales.
La ligne ferroviaire de la Maurienne reste au coeur de l?actualité. Elle véhicule beaucoup d?images
positives sur l?Europe et les échanges, elle est chargée d?histoire, et elle illustre les rapports qu?on
entretient grâce au train avec des territoires pas comme les autres. Les multiples désordres et
événements récents liés à sa fragilité en zone de montagne montrent combien les réflexions sur la
régénération des lignes, leur résilience et leur adaptation aux changements climatiques sont
indispensables. Ils donnent un regard nouveau sur la justification des lignes et travaux en cours et
futurs.
Le temps des investissements en infrastructures est un temps long. L?examen de l?opération qui a
été soumise à bilan et les erreurs de prévisions qui ont été faites à son origine montrent une
nouvelle fois combien la prise en compte d?événements à venir est difficile. Il et elles montrent
aussi que la définition des enjeux futurs tout comme la reconstruction d?une situation qui aurait pu
être autre avec d?autres décisions reste un art délicat et les coûts que peuvent parfois engendrer
un volontarisme ou une confiance excessifs.
Le tunnel ferroviaire historique du Mont-Cenis a été décidé avant que la Savoie ne soit française
et rend des services majeurs depuis 130 ans. Alors que le chantier du futur tunnel de base du Lyon-
Turin bat son plein, nous ne pouvons que rester émerveillés devant l?intuition, l?ambition, le courage
et la capacité d?anticipation de nos aînés.
Nous devons aussi comprendre que le monde des deux siècles à venir ne sera pas celui du
XIXème siècle, qu?on ne peut plus penser développement du train sans penser aux conséquences
du développement de la route, et que la qualité de la mise en réseau de demain tout comme la
préservation de l?environnement immédiat de la vallée sont des enjeux majeurs qui doivent être
préparés avec énergie et clairvoyance, sans se tromper d?objectifs.
Luc-André JAXEL-TRUER
Inspecteur
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Rapport n° 015974-01
Août 2025
Avis de l?IGEDD sur le bilan ex post de la modernisation du
tunnel ferroviaire historique du Mont Cenis
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Annexes
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Annexe 1. Lettre de commande
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tunnel ferroviaire historique du Mont Cenis
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Annexe 2. Lettre de mission
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Annexe 3. Liste des personnes rencontrées
Nom Prénom Organisme Fonction Date de rencontre
COLLOMBIER Lionel SNCF-R
Responsable des études
socio-économiques
Direction Générale Clients
et Territoires
Direction Territoriale
Auvergne-Rhône-Alpes
16/01/2025
BRUNEL Julien SNCF-R Chef économiste 16/01/2025
CHAUSSE Alain SNCF-R
Études socioéconomiques
et scénarios de mobilité
Direction de la Stratégie
et de la Performance
16/01/2025
RICARD Frédéric IGEDD Inspecteur général 06/12/2025
LAGAIGNOUX Jacques IGEDD Inspecteur général 22/01/2025
Publié
Site internet de l?IGEDD :
« Les rapports de l?inspection »
Publié
https://www.igedd.developpement-durable.gouv.fr/spip.php?page=liste-actualites&lang=fr&id_mot=1187&debut_rub_actus=0
https://www.igedd.developpement-durable.gouv.fr/spip.php?page=liste-actualites&lang=fr&id_mot=1187&debut_rub_actus=0
Sommaire
Résumé
Liste des recommandations
Introduction
Rappel des dispositions législatives et réglementaires
Méthodologie applicable et objectifs du bilan
Un document qui répond à une obligation légale, qui est utile, mais qui arrive tard et dont la problématique aurait gagné à être élargie
1 Présentation de l?opération
1.1 L?opération capacitaire globale est conçue comme la somme de trois sous-opérations poursuivant chacune ses objectifs propres
1.2 Conséquences du découpage administratif de l?opération sur l?établissement de son évaluation
2 Un bilan à juste titre critique sur l?atteinte des objectifs de l?opération
2.1 Non atteinte des objectifs en termes de délai
2.2 Non atteinte des objectifs en termes de coûts
2.3 Non atteinte des objectifs en termes de trafics, avec une nuance pour ce qui concerne l?autoroute ferroviaire alpine (AFA)
2.4 Non atteinte des objectifs en termes de report modal
3 La capacité théorique du tunnel a diminué avec le renforcement des exigences de sécurité, tout en répondant encore à la demande en 2023
3.1 L?analyse de la capacité théorique au coeur du sujet
3.2 La capacité du tunnel est avant tout la conséquence des exigences en matière de sécurité
3.3 La réserve de capacité est dans tous les cas encore significative
4 D?autres travaux restent nécessaires alors qu?ils auraient pu être inclus dans l?opération
5 Des explications à la non-atteinte des objectifs exclusivement tournées vers des facteurs exogènes à l?opération
5.1 Des explications rationnelles liées au contexte global des traversées transalpines
5.2 Un défaut d?évaluation par rapport à la situation de référence sans projet
6 Un bilan silencieux sur les conséquences de certains choix stratégiques
6.1 Absence de bilan en matière d?environnement
6.2 La protection de la ligne en dehors du tunnel
7 Bilan socio-économique
7.1 Des résultats dégradés malgré des hypothèses favorables
7.2 Des problèmes méthodologiques qui proviennent pour certains de l?évaluation initiale
8 Conclusion
Annexes
Annexe 1. Lettre de commande
Annexe 2. Lettre de mission
Annexe 3. Liste des personnes rencontrées