La pollution par les micro-plastiques d'origine textile

DUMOULIN, Virginie ; SAINT-GERMAIN, Sabine

Auteur moral
France. Inspection générale de l'environnement et du développement durable (IGEDD)
Auteur secondaire
Résumé
<div style="text-align: justify;">Le sujet de la pollution par les micro-plastiques d'origine textile s'inscrit dans un contexte d'augmentation constante de la production mondiale de plastique (+50% depuis 2000) et des déchets qui en découlent (+50% depuis 2000 soit une augmentation de 156 millions de tonnes (Mt) à 353 Mt), et alors que le secteur du textile est le 3ème secteur à utiliser du plastique (14,2% après les emballages et les bâtiments) et à émettre des micro-plastiques. Le champ du rapport couvre la pollution causée par les microparticules solides d'une taille inférieure à 5 mm, non solubles et non biodégradables, composées de polymères bio-sourcés ou non, émises par les produits d'origine textile destinés à l'habillement et à l'équipement de la maison. Si le constat et l'ampleur - contamination de tous les écosystèmes même les plus isolés - d'une pollution par les microparticules plastiques issues du textile ne fait pas débat, le caractère relativement récent de la prise de conscience par la communauté scientifique comme par la société civile de cet enjeu et de ses sources a nuit, jusqu'à présent, à la consolidation des données collectées, et freine la réorientation des stratégies des autorités publiques comme de l'industrie. Aux termes de sa réflexion, la mission constate que seule une réponse globale, appuyée sur l'ensemble du cycle de vie du produit, est susceptible de donner des résultats dans une échelle de temps acceptable. Elle recommande donc une série de mesures, classées par ordre de priorité en fonction non seulement de leur efficacité mais aussi de leur délai de mise en oeuvre. Eu égard à la nature du marché des textiles et à l'appartenance de la France au marché unique de l'Union européenne, qui implique la libre circulation des produits entre États-membres, la mission recommande de privilégier toutes les mesures susceptibles d'être adoptées à l'échelle de l'Union européenne.</div>
Editeur
IGEDD
Descripteur Urbamet
matériau de construction ; déchet ; produit ; industrie de l'habillement
Descripteur écoplanete
plastique ; contamination ; écoconception
Thème
Environnement - Paysage
Texte intégral
Rapport n° 014908-01 septembre 2023 Virginie Dumoulin ? IGEDD (coordonnatrice) Sabine Saint-Germain - IGEDD La pollution par les micro-plastiques d?origine textile P U B L I É Les auteurs attestent qu'aucun des éléments de leurs activités passées ou présentes n'a affecté leur impartialité dans la rédaction de ce rapport Statut de communication ? Préparatoire à une décision administrative ? Non communicable ? Communicable (données confidentielles occultées) ? Communicable PUBLIÉ Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 3/72 Sommaire Sommaire........................................................................................................................ 3 Résumé ........................................................................................................................... 6 Liste des recommandations .......................................................................................... 8 Introduction .................................................................................................................... 9 1 La pollution par les micro-plastiques textiles est avérée mais les analyses scientifiques et techniques restent incomplètes, ce qui freine la prise de décision .................................................................................................................... 11 1.1 Une définition des micro-plastiques encore sujette à discussion ......................... 11 1.1.1 Une question de composition ..................................................................... 11 1.1.2 Une question de taille et de forme .............................................................. 13 1.1.3 Une question de source ............................................................................. 14 1.2 La pollution par les micro-plastiques est constatée dans l?ensemble des écosystèmes ....................................................................................................... 15 1.2.1 La pollution aux micro-plastiques de tous les écosystèmes est avérée ...... 15 1.2.2 La part respective de chaque source dans la pollution par micro-plastique reste incertaine ........................................................................................... 17 1.2.3 La pollution par les micro-plastiques est durable ........................................ 18 1.3 Des incertitudes qui ralentissent la prise de décision alors que la production de textile synthétique s?accroît ................................................................................. 19 1.3.1 Une quantification de la pollution par les micro-plastiques textiles incomplète .................................................................................................. 19 1.3.2 Des incertitudes sur les risques pour les écosystèmes et la santé humaine ................................................................................................................... 21 1.3.3 Une croissance incontrôlée de la production de textiles synthétiques ........ 23 2 La réponse actuelle à la pollution par les micro-plastiques issus du textile demeure très incomplète ........................................................................................ 28 2.1 Les émissions de micro-plastiques textiles sont peu prises en compte dans la règlementation européenne ................................................................................ 28 2.1.1 Une règlementation de l?économie circulaire qui s?oriente enfin vers la réduction de la pollution micro-plastique .................................................... 28 2.1.2 Une règlementation des produits chimiques qui n?intègre pas les micro- PUBLIÉ Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 4/72 plastiques ................................................................................................... 31 2.1.3 Une règlementation sur la pollution de l?eau et de l?air qui n?intégrait pas les micro-plastiques .................................................................................... 31 2.1.4 Une règlementation sur l?exportation des déchets ne permettant pas leur contrôle ...................................................................................................... 32 2.2 Les mesures adoptées en France sont insuffisantes .......................................... 32 2.2.1 Une règlementation française centrée sur la REP et le recyclage qui ne règle pas la pollution par les micro-plastiques textiles ................................ 32 2.2.2 La loi AGEC tente d?apporter une solution avec l?équipement obligatoire de filtres à micro-plastiques dans les lave-linges ............................................. 36 2.2.3 La captation des micro-plastiques textiles dans les boues des stations d?épuration ................................................................................................. 39 2.2.4 Les mesures qui prolongent la durée de vie des textiles ralentissent la pollution ...................................................................................................... 41 2.2.5 La lente émergence d?une information des consommateurs et de l?écoconception .......................................................................................... 42 2.3 Le secteur économique cherche peu à réduire la pollution à la source ............... 44 2.3.1 Un secteur en transition, peu mobilisé sur la question des micro-plastiques ................................................................................................................... 45 2.3.2 Aucun label environnemental ne semble afficher de critères sur les émissions de micro-plastiques ................................................................... 46 2.4 De nouveaux outils qui devraient permettre de dépasser ces freins ................... 47 2.4.1 Les recherches scientifiques en cours ....................................................... 47 2.4.2 De nouvelles normes devraient faciliter l?avancée des recherches sur les émissions de micro-plastiques ................................................................... 47 2.4.3 Les évolutions règlementaires à venir à l?échelle européenne ................... 49 3 Afin de mieux répondre à cette pollution, il est nécessaire de prendre en compte le cycle de vie du produit textile ............................................................... 51 3.1 Approfondir les efforts de recherche ................................................................... 51 3.2 Répondre aux émissions lors de la création des étoffes et des produits ............. 51 3.3 Faire du consommateur un acteur éclairé de la réduction de la pollution par les micro-plastiques .................................................................................................. 54 3.4 Répondre aux émissions lors de l?usage du produit ............................................ 55 3.4.1 Les émissions lors des lavages des produits ............................................. 55 3.4.2 Les émissions lors du port des produits ..................................................... 57 3.5 Répondre aux émissions lorsque le textile devient déchet .................................. 57 PUBLIÉ Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 5/72 3.5.1 La collecte, le tri et les usages nouveaux (réemploi, réutilisation) .............. 57 3.5.2 Les problèmes de pollution créés par l?exportation des déchets textiles européens et français ................................................................................. 58 Conclusion ................................................................................................................... 59 Annexes ........................................................................................................................ 60 Annexe 1. Lettre de mission........................................................................................ 61 Annexe 2. Liste des personnes rencontrées ............................................................. 63 Annexe 3. Glossaire des sigles et acronymes ........................................................... 67 Annexe 4. Quelques chiffres sur la pollution plastique en général ......................... 70 PUBLIÉ Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 6/72 Résumé Dans un contexte d?augmentation constante de la production mondiale de plastique (+50% depuis 2000)1 et des déchets qui en découlent (+50% depuis 2000 soit une augmentation de 156 millions de tonnes (Mt) à 353 Mt)2, et alors que le secteur du textile est le 3ème secteur à utiliser du plastique (14,2% après les emballages et les bâtiments)3 et à émettre des micro-plastiques, le ministre de la transition écologique et la secrétaire d?État à l?écologie ont demandé à l?Inspection générale de l?environnement et du développement durable (IGEDD) d?examiner le sujet de la pollution par les micro-plastiques d?origine textile. Le champ de ce rapport couvre la pollution causée par les microparticules solides d?une taille inférieure à 5 mm, non solubles et non biodégradables, composées de polymères bio-sourcés ou non, émises par les produits d?origine textile destinés à l?habillement et à l?équipement de la maison. Si le constat et l?ampleur - contamination de tous les écosystèmes même les plus isolés - d?une pollution par les microparticules plastiques issues du textile ne fait pas débat, le caractère relativement récent de la prise de conscience par la communauté scientifique comme par la société civile de cet enjeu et de ses sources a nuit, jusqu?à présent, à la consolidation des données collectées, et freine la réorientation des stratégies des autorités publiques comme de l?industrie. Néanmoins, certaines avancées en matière de normalisation, l?aboutissement de travaux de recherche et le renforcement du cadre règlementaire à l?échelle européenne devraient pouvoir permettre de dépasser ces blocages dans les prochaines années. De plus, l?ampleur de la pollution provoquée par ce secteur, qui ne pourra qu?augmenter eu égard à la consommation croissante de textiles synthétiques à bas coûts (« fast fashion »), impose d?agir sans tarder en application des principes de précaution et de prévention. Les émissions de micro-plastiques se produisent à toutes les étapes du cycle de vie du produit : lors de sa production (essentiellement dans des pays tiers), lors de son usage (air et eaux de lavage qui contaminent les eaux et les sols) et lors de sa fin de vie (décharge). Les mesures normatives déjà adoptées au niveau européen et national peinent à répondre à cette pollution. D?une part, ce cadre a été mis en place avec comme principal objectif la collecte, le réemploi et le recyclage des produits textiles, ce qui ne répond que partiellement à la problématique des micro-plastiques issus du textile, qui sont, a priori, tout autant produits par le plastique recyclé que par le plastique neuf. L?écoconception des produits est balbutiante sur le sujet des micro- plastiques. D?autre part, les mesures déjà en vigueur ou celles qui sont en cours d?adoption transfèrent indûment et, en tout état de cause, imparfaitement la charge de la pollution sur des secteurs et acteurs économiques qui n?en sont pas responsables. Il en va ainsi de la capture des microparticules par des filtres dans les machines à laver le linge ou par les stations d?épuration lors du traitement des eaux usées, qui ne permettra pas, de surcroît, l?élimination de l?intégralité des micro-plastiques. Et qu?il s?agisse de filtres dans les lave-linges ou dans les stations d?épuration, la question du traitement des résidus reste posée : d?un côté, l?élimination des micro-plastiques captés par les filtres dans les lave-linges provoque un nouveau déchet, de l?autre, 80% des micro- plastiques présents dans les boues d?épuration des eaux usées sont épandus dans les champs et de ce fait transférés dans les sols. 1 OCDE https://www.oecd.org/fr/environnement/plastiques/le-cycle-de-vie-des-plastiques-est-loin-d-etre- circulaire.htm#:~:text=La%20production%20mondiale%20annuelle%20de,156%20Mt%20%C3%A0%20353%20 Mt. 2 Voir [1] 3 Source : Atlas du plastique 2020 ? Fondation Heinrich Böll : utilisation des plastiques par le secteur industriel dans le monde en 2017 = 62 M/t par les textiles contre 158 M/t emballage et 71 M/t bâtiment et travaux publics. PUBLIÉ https://www.oecd.org/fr/environnement/plastiques/le-cycle-de-vie-des-plastiques-est-loin-d-etre-circulaire.htm%23:~:text=La%20production%20mondiale%20annuelle%20de,156%20Mt%20%C3%A0%20353%20Mt. https://www.oecd.org/fr/environnement/plastiques/le-cycle-de-vie-des-plastiques-est-loin-d-etre-circulaire.htm%23:~:text=La%20production%20mondiale%20annuelle%20de,156%20Mt%20%C3%A0%20353%20Mt. https://www.oecd.org/fr/environnement/plastiques/le-cycle-de-vie-des-plastiques-est-loin-d-etre-circulaire.htm%23:~:text=La%20production%20mondiale%20annuelle%20de,156%20Mt%20%C3%A0%20353%20Mt. Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 7/72 Outre les aspects techniques évoqués, la proportionnalité des mesures à mettre en oeuvre est le principal frein à la prise de décision. L?application du principe pollueur-payeur, qui sous-tend la politique européenne et française environnementale (et notamment le principe de responsabilité élargie du producteur (REP)), imposerait de ne pas transférer la charge de la pollution sur d?autres secteurs (électroménager, traitement des eaux usées). Le secteur économique du textile emploie dans l?Union européenne 1,5 million de personnes dans 160 000 entreprises pour un chiffre d?affaires de 162 milliards d?euros et les fibres synthétiques constituent aujourd?hui 60% des produits textiles neufs, dont les deux-tiers sont importés. La chaine logistique mise en place dans ce secteur pour garantir les prix les plus bas rend complexe l?adoption de toute décision en matière d?écoconception ou d?action préalable à la mise sur le marché des produits. Toute prise de décision impactant ces processus de production et de commercialisation comporte des risques de déstabilisation de certaines marques. Aux termes de sa réflexion, la mission constate que seule une réponse globale, appuyée sur l?ensemble du cycle de vie du produit, est susceptible de donner des résultats dans une échelle de temps acceptable. Elle recommande donc les mesures suivantes, classées par ordre de priorité en fonction non seulement de leur efficacité mais aussi de leur délai de mise en oeuvre : 1 ? Lutter contre la surconsommation textile en communiquant sur l?impact environnemental des produits textiles synthétiques et en impliquant les producteurs grâce à la REP ; 2 ? Assurer le réemploi et la réparabilité des produits textiles. 3 ? Investir dans la connaissance sur les micro-plastiques issus des textiles afin d?en déterminer la quantification en tant que pollution dans les différents milieux (notamment sol et air), la provenance (émission par) en fonction des types d?étoffes, les possibilités de captation (lors des lavages notamment mais aussi dans les eaux usées). 4 ? Promouvoir l?écoconception des étoffes et favoriser le déploiement des nouvelles fibres biosourcées et biodégradables. 5 ? Informer le consommateur par la mise en place d?un étiquetage des produits et le développement de labels pour les producteurs. 6 ? Examiner les options de captation des microparticules à l?issue des lavages des étoffes au stade de la production et de l?usage, à l?échelle industrielle et individuelle. 7 ? Analyser les perspectives de captation au niveau des stations d?épuration des microparticules plastiques (coût, planification), l?ampleur de leur présence dans les boues d?épuration et, si la présence des microparticules plastiques est confirmée, définir de nouvelles options pour assurer la destruction des boues d?épuration. 8 ? Gérer les textiles en fin de vie en interdisant les exportations de produits textiles synthétiques comme déchets dans les pays tiers qui ne peuvent les gérer. 9 - Orienter le recyclage des fibres textiles vers des usages non émetteurs de microparticules. Eu égard à la nature du marché des textiles et à l?appartenance de la France au marché unique de l?Union européenne, qui implique la libre circulation des produits entre États-membres, la mission recommande de privilégier toutes les mesures susceptibles d?être adoptées à l?échelle de l?Union européenne. PUBLIÉ Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 8/72 Liste des recommandations [ADEME et ANSES] Soutenir des projets de recherche sur les effets sur les écosystèmes et la santé humaine des micro-plastiques,sur la pollution aux micro- plastiques d?origine textile dans l?air et par l?épandage des boues d?épuration et sur la pollution issue des textiles recyclés et en fin de vie. .......................................................... 51 [MTECT/DGPR] Modifier l?article L. 541-10-12 du code de l?environnement pour prévoir que le plan d?écoconception doit avoir comme objectif d?augmenter la part des fibres peu ou pas émettrices de micro-plastiques ....................... 52 [MEFSIN/DGE] Soutenir le développement par la filière TLC de la production d?étoffes en fibres naturelles alternatives au coton ou en nouvelles étoffes synthétiques biosourcées et bio-compostables .................................................................. 53 [MEAE - MTECT] Aider les pays tiers dans lesquels sont produites les étoffes à développer des systèmes de gestion des eaux et de captation des microfibres, dans le cadre des politiques d?aide au développement et en partenariat avec les entreprises européennes productrices et distributrices de produits textiles. ......................................... 53 [MTECT ? MESFIN/DGE] Limiter les émissions de micro-plastiques en provenance des lavages en Europe en : a) défendant à l?échelle européenne dans le cadre de l?évolution du règlement écoconception la mise en place de filtre sur les lave-linges privés ; b) examinant à l?échelle européenne la possibilité d?un prélavage des produits textiles avant leur mise en rayon par les distributeurs ........................................................ 57 [MTECT] Renforcer les filtres équipant les stations d?épuration dans les zones sensibles et limiter l?épandage des boues d?épuration dont la contamination par les micro-plastiques est avérée. .......................................................................................... 57 [MTECT/DGEC] A l?échelle européenne, en fonction des résultats des études sur les émissions de micro-plastiques dans l?air, intégrer les microparticules de plastique dans les PM2,5 et PM10. ........................................................................................ 57 [MTECT/DGPR] Modifier le cahier des charges de l?éco-organisme de la filière TLC pour lui fixer des objectifs de collecte, de tri, de réemploi et de réparation des textiles synthétiques, plus ambitieux que pour les autres textiles .............................. 58 [MEFSIN/DGT ? MEAE] Dans le cadre de la négociation européenne sur la révision du règlement sur l?exportation des déchets, promouvoir la position tendant à interdire l?exportation de déchets textiles dans les pays tiers qui ne sont pas en capacité de gérer ces déchets ??????????????????????...??????58 PUBLIÉ Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 9/72 Introduction La production mondiale de plastique augmente (+50% depuis 2000 soit 460 Mt4 en 2019)5 et celle des déchets plastiques aussi (+50% depuis 2000 soit 156 Mt à 353 Mt)6. La stratégie européenne sur les plastiques de 2018 évalue à 49 Mt la demande de matières plastiques et à 25,8 Mt les déchets produits chaque année dans l?Union européenne, dont seulement 30% sont récupérés pour être recyclés. La France consomme 4,8 Mt par an de plastiques, soit 70 kg/hab. et en recycle 26%7. Le textile est le 3ème secteur à utiliser du plastique après les emballages et les bâtiments (14,2%)8. En 2020, l?Union Européenne a produit 6,9 Mt de produits textiles pour un montant de 77 milliards d?euros et en a importé 8,7 Mt pour un montant de 125 milliards d?euros, dont 45% de vêtements, principalement en provenance de Chine, du Bangladesh et de Turquie. La consommation en 2020 serait de 6,6 Mt9. En 2019, les Européens ont dépensé 600 euros par personne en vêtements et 70 euros sur les textiles de maison, ce qui représente 25 kg/pers (en incluant également les chaussures) dont 10 kg pour les vêtements. Chaque Français a dépensé en moyenne 430 euros en 2020 pour les vêtements. Cette consommation de produits textiles a une forte empreinte environnementale, en raison de ses conditions de production : on estime à 4 milliards de tonnes de CO2 les émissions de l?industrie textile à l?échelle mondiale10 , qui est également responsable de 20% de la pollution des eaux industrielles, et est enfin critiquée pour ses conditions de travail et de sécurité. De plus, l?impact environnemental se poursuit pendant la vie du produit : le secteur textile serait le 3ème secteur émetteur de micro-plastiques, pendant l?usage et en tant que déchets. En effet, les fibres textiles sont aujourd?hui composées à plus de 60% de matières plastiques (polymères synthétiques) issues de la pétrochimie. Même si on ne connait pas encore parfaitement les effets des micro-plastiques sur la santé humaine et sur l?environnement, on sait que tous les plastiques se décomposent en structures toujours plus petites (micro puis nano), qu?elles sont très rarement biodégradables, qu?il y en a partout sur terre et dans tous les organismes vivants, et que cette quantité ne va faire que croitre si la consommation actuelle se poursuit au même rythme. Les observations scientifiques nous indiquent que certains milieux et certaines espèces souffrent d?ores et déjà de cette pollution. Les principes de précaution et de prévention imposent de réduire cette pollution le plus rapidement possible. Les autorités européennes et françaises se sont donc engagées dans une lutte contre les déchets plastiques, y compris les microparticules de plastiques, en mettant en place un cadre législatif et règlementaire. À ce stade, la pollution par les micro-plastiques apparait néanmoins comme le parent pauvre de ces décisions politiques, en raison notamment de la multiplicité des sources d?émission des micro-plastiques. Les autorités publiques se sont orientées en priorité vers l?élimination des micro-plastiques ajoutés intentionnellement dans les produits et transformés immédiatement après l?usage en déchets 4 Mt : million de tonnes 5 Source OCDE voir [1] 6 Source OCDE voir [1] 7 Atlas du plastique 2020 https://fr.boell.org/sites/default/files/2020-03/Atlas%20du%20Plastique%20VF_0.pdf 8 Voir [6] 9 En raison de la crise COVID, la consommation de textile a été très basse en 2020. 10 « Soit un impact plus important que le trafic aérien et maritime réunis » source ADEME. Ce qui représenterait selon les sources et la définition du secteur entre 3,7% et 10% des émissions totales de GES. PUBLIÉ https://fr.boell.org/sites/default/files/2020-03/Atlas%20du%20Plastique%20VF_0.pdf Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 10/72 (microparticules de plastiques dans les cosmétiques, les produits ménagers et les usages industriels). L?ensemble du cadre juridique n?est pas encore stabilisé dans ce domaine pourtant. Ensuite les autorités tentent de lutter contre les micro-plastiques issus de la dégradation des macro-déchets plastiques, avec notamment l?interdiction de la plupart des plastiques à usage unique et le renforcement des mesures encadrant la gestion des déchets domestiques et industriels, qui sont collectés et traités. Le recyclage du plastique a occupé la première place des orientations politiques européennes et nationales, avec l?illusion qu?une fois collecté, le déchet plastique pourrait être réutilisé à l?infini ou transformé pour produire de nouveaux objets. Cette solution permettait d?accomplir « l?économie circulaire » et d?éviter la destruction du plastique produit. Mais, il s?agit d?un mythe : la plupart des plastiques ne sont pas recyclables dans leurs fonctions initiales, ou ne peuvent être réutilisés avec le même usage qu?une seule fois (par exemple les bouteilles PET recyclées ne peuvent l?être à nouveau pour des raisons sanitaires), et de plus, le plastique recyclé reste a priori émetteur de microparticules. Les autorités publiques orientent également leurs interventions sur les microparticules de plastique issues de l?usage quotidien d?objets en plastique fortement émetteurs, au premier rang desquels les pneus des véhicules et les produits textiles. Les secteurs économiques responsables de la pollution, notamment l?industrie textile, sont associés à la politique de lutte contre les émissions, à la fois à l?étape de la recherche, de la production et de l?usage et de la fin de vie du produit, notamment dans le cadre des dispositifs existants comme la responsabilité élargie des producteurs (REP). Néanmoins, l?ampleur de cette pollution liée aux micro-plastiques issus du textile n?a été constatée que récemment. Malgré de nombreuses recherches lancées à la fois par les secteurs privés et publics, leurs consolidations font encore défaut. On sait que les micro-plastiques sont très nombreux, qu?ils ont contaminé tous les milieux, ont un impact sur la santé des écosystèmes. Mais on ne sait pas encore quelle part occupent les émissions du secteur textile dans cette pollution, ni quelles étoffes sont les plus émettrices, ni relier les émissions à chaque moment du cycle de vie du produit. La mission a donc été chargée de faire un bilan de l?état des connaissances en matière de pollution par les micro-plastiques issus des textiles (partie 1), puis d?analyser les règles en vigueur pour lutter contre cette pollution aux échelles européenne et nationale ainsi que les mesures mises en place par le secteur économique lui-même (partie 2), pour enfin faire des propositions sur les axes d?action à privilégier (partie 3). PUBLIÉ Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 11/72 1 La pollution par les micro-plastiques textiles est avérée mais les analyses scientifiques et techniques restent incomplètes, ce qui freine la prise de décision 1.1 Une définition des micro-plastiques encore sujette à discussion Si l?ensemble des documents et études consultés par la mission s?accordent pour considérer que les micro-plastiques sont les particules de plastique dont les dimensions sont réduites, il n?existe pas pour autant de définition unique des micro-plastiques, ce qui rend la comparabilité des études difficile et fragilise la collecte de données. Le terme « micro-plastique » renvoie à différentes propriétés physiques et chimiques de la microparticule telles que sa composition (type de polymère, additifs), sa forme et sa taille, sa source ou son état de dégradation. 1.1.1 Une question de composition Concernant la matière composant les microparticules, le plastique peut être défini, en accord avec la norme ISO 472 /2013, comme « toute matière contenant comme ingrédient essentiel un haut polymère ». Un polymère est, lui, définit à l?échelle européenne dans le règlement REACH11 et les notes de l?ECHA12. La grande majorité des plastiques (environ 99 %) sont aujourd?hui produits à base d?hydrocarbures (polymères fossiles). Des plastiques à base de ressources renouvelables existent, de nombreux polymères étant présents dans la nature : polypeptides (collagène, gélatine), polysaccharides (sucres) et polynucléotides (ADN, ARN). Le latex (caoutchouc naturel) est également un polymère naturel produit par l?Hévéa. D?autres ont pour origine l?amidon du blé, de la pomme de terre ou du maïs, le bois, des huiles obtenues à partir du tournesol ou une origine animale comme les protéines de lait13 ou la kératine. Figure 1 : Chronologie sur la découverte des différents polymères (source : Atlas du plastique 2020) L?industrie textile fait principalement appelle aux plastiques synthétiques suivants : - le polyester qui représente aujourd?hui selon les publications entre 60% et 70% des fibres textiles produites à l?échelle mondiale, fabriqué à 90% en Asie (Chine, Inde, Bangladesh, Vietnam). Sa composition la plus courante est le PET (Polyéthylène Téréphtalate) ; - les fibres acryliques (PAN - Polyacrilonitrile) ; - l?élasthanne ou lycra® (PU - Polyuréthane) ; 11 Règlement européen portant sur l?enregistrement, l?évaluation et l?autorisation des substances chimiques dans l?Union européenne https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:02006R1907-20230528 12 L?ECHA est l?Agence européenne des produits chimiques, créée par le règlement REACH. https://echa.europa.eu/documents/10162/2324906/polymers_fr.pdf 13 Les premiers plastiques industriels très résistants ? la Bakélite ? ont été produits à partir de lait au début du 20ème siècle. PUBLIÉ https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:02006R1907-20230528 https://echa.europa.eu/documents/10162/2324906/polymers_fr.pdf Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 12/72 - Le nylon (PA - Polyamide), première fibre textile synthétique produite en 1938, qui sert principalement pour les collants ; - L'aramide (PPD-T - para phénylène-téréphtalamide), plus connue sous le nom de kevlar®, qui sert principalement pour les vêtements professionnels (armée, pompiers) ou spéciali- sés (moto, escrime) ; - Le vinyle (PVC - Chlorure de polyvinyle), qui permet de fabriquer des tissus enduits pour l?habillement et la maroquinerie, ou des rubans adhésifs. On ajoutera à cette liste le cas particulier de la viscose (acétate de cellulose), dont la texture est proche de la soie, qui est un polymère synthétique produit à base de bois contrairement aux autres plastiques mentionnés préalablement qui sont issus de l?industrie pétrochimique. La viscose La viscose est une matière plastique d?origine végétale issue de la transformation de la cellulose qui provient de la pulpe contenue dans le tronc des arbres ou d?autres végétaux (bambou, eucalyptus). Bien que d?origine naturelle, elle est obtenue par un procédé de fabrication peu naturel, et générant des quantités importantes de déchets de solvant. La première étape de transformation est l?obtention de la cellulose, selon un procédé de fabrication proche de celui utilisé dans la fabrication du papier. Mais comme la cellulose obtenue ne se présente pas sous forme de fibre, il est nécessaire de la transformer de nouveau en dépolymérisant (« cassant ») les chaines de cellulose en petites molécules, qui seront ensuite mises sous forme de fibres, puis repolymérisées. Au final la structure chimique de la fibre est identique à celle de la cellulose, mais avec une mise en forme différente. Afin de décomposer la cellulose, des bains d?acide sulfurique et de composés soufrés sont nécessaires et pour la recomposer, la cellulose sous forme liquide est injectée dans un bain de soude caustique. La fibre reste biodégradable et ne produit pas de microparticules plastiques. Pour améliorer l?empreinte écologique de ce procédé de fabrication, des processus de recyclage et d?utilisation de solvants moins toxiques ont été développés. Le procédé Lyocell, aussi connu sous le nom commercial de Tencel?®, utilise un solvant spécifique le NMMO (N-Methylmorpholine N-oxide) affiché comme non toxique, et recyclable à plus de 99% permettant la production des fibres de Tencel en circuit fermé. Ce rapport considère comme fibres naturelles celles issues de plantes (par exemple, coton, lin, chanvre) ou d?origine animale (soie, lainages - cachemire, laine, mohair, cuir, duvet) et ne faisant pas l?objet d?une transformation chimique. Figure 2 : Répartition de la production de fibres textiles dans le monde en 2021, par type (source : Statista) PUBLIÉ Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 13/72 De plus, un plastique est un polymère auquel peuvent être ajoutés des additifs14 c?est-à-dire des produits chimiques visant à améliorer ses propriétés ou à réduire son coût de production ou de stockage : plastifiants, colorants, antioxydants, etc. Ces additifs peuvent à la fois constituer le polymère lui-même ou lui être adjoint ultérieurement lors du processus de fabrication de l?étoffe. Les impacts en terme de pollution et de risque de ces additifs seront détaillés en 1.3.2. Enfin, les microparticules issues du textile sont souvent un mélange de microparticules plastiques et de microparticules de fibres naturelles. Lors de la constitution des étoffes, les fibres synthétiques et naturelles sont souvent utilisées ensemble, l?alliance la plus fréquente étant l?association coton- polyester. Les étoffes peuvent aussi être agrémentées de microparticules de plastique ajoutées dans des objectifs esthétiques (paillettes, thermocollage, broderies), ou d?usage notamment pour les vêtements professionnels (imperméabilisation, ignifugation par exemple). 1.1.2 Une question de taille et de forme Les micro-plastiques sont définis par leur taille. La grande majorité des publications et études affichent une taille de 5 mm pour la plus grande des dimensions des particules considérées. Certaines études choisissent néanmoins 1 mm comme dimension de référence. Une limite basse, permettant de distinguer micro et nanoparticules est également évoquée dans de nombreuses études, mais à nouveau les analyses divergent. Figure 3 : Les plages de taille associées aux macro, micro et nano-plastiques (source : Office parlementaire d?évaluation des choix scientifiques et technologiques) 14 Note ECHA précité [4] : « Un polymère, [?], peut également contenir des additifs nécessaires pour préserver la stabilité du polymère et des impuretés dérivées du procédé de fabrication. ». La norme ISO/FDIS 24187 considère de la même manière les additifs comme faisant partie du polymère. PUBLIÉ Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 14/72 Les nanoparticules correspondraient à des fragments dont la taille est inférieure à 1 ?m, mais là encore, les limites supérieures varient selon les études entre 1 et 20 ?m, le plus souvent, sans qu?une valeur pour la limite inférieure ne soit définie. Le flou sur la limite de classe entre micro et nano-plastiques s?explique à la fois par l?aspect plus récent des recherches concernant les nano- plastiques, mais également, par le haut niveau d?équipement nécessaire à leur observation. Par ailleurs, et particulièrement pour ce qui concerne les microparticules issues du textile, se pose la question de la forme de la microparticule. Les microparticules émises par la filière textile sont le plus souvent des fibres, de forme allongée. Elles peuvent donc dépasser les 5 mm en longueur, tout en ayant une largeur très inférieure aux 5 mm. 1.1.3 Une question de source Les microparticules plastiques issues des textiles relèvent, selon les informations collectées par la mission, principalement des émissions consécutives à la production (notamment les bains de lavage lors de fabrication des étoffes) et à l?usage (port, lavage) des textiles, mais elles peuvent également découler d?ajouts intentionnels sur les étoffes (paillettes, thermocollage) et de la dégradation des étoffes devenues déchets (décharges). Elles participent donc aux pollutions primaires et secondaires quelle qu?en soit la définition. Les micro-plastiques primaires et secondaires La plupart des contributions lues par la mission considèrent que les micro-plastiques sont de deux sortes : - Les micro-plastiques primaires ou micro-plastiques « intentionnels » sont des microparticules qui se présentent dès leur phase de production comme les microbilles intégrées aux cosmétiques pour leur usage exfoliant, ou les granulés de pré-production (« pellets ») utilisés pour la fabrication de produits en plastiques ; - Les micro-plastiques secondaires qui résultent de la désagrégation, dans l?environnement, d?objets en plastique de dimension plus importante en fragments de plus en plus réduits et qui sont issus soit : * de la dégradation des macro-déchets plastiques, notamment sous l?action de l?érosion marine ou de la photodégradation ; * de l?usage de produits en plastique de plus grande dimension. Ces micro-plastiques issus de la fragmentation progressive du plastique pendant son usage proviendraient principalement de cinq sources : = l?abrasion des pneus : il s?agit de caoutchouc naturel ou synthétique ; = l?usure des marquages routiers et autres peintures dont celles des bateaux ; = les outils de pêche, et notamment les filets de pêche, même si ces derniers émettent la plus grande partie de leurs micro-plastiques dans l?eau de mer lorsqu?ils deviennent des déchets ; = les microparticules issues des textiles pendant leur fabrication et leur usage ; = les micro-plastiques issus des géotextiles. Lors de leurs auditions, les rapporteuses ont noté les propos de Nathalie Gontard15 qui considère que d?autres objets en plastique peuvent, et en tout cas pourront, émettre des microparticules de plastique au fur et à mesure de leur dégradation d?usage sans être pour autant devenus des déchets : il s?agit notamment des plastiques utilisés dans la construction, les aménagements urbains, les véhicules, etc? À noter que l?Union Internationale de Conservation de la Nature (UICN) fait un autre choix qualifiant de primaire ce qui relève de la production et de l?usage, et de secondaire ce qui relève de la dégradation des déchets16. 15 Voir Annexe 2 16 Micro-plastiques primaires dans les océans - https://portals.iucn.org/library/efiles/documents/2017-002-Fr.pdf PUBLIÉ https://portals.iucn.org/library/efiles/documents/2017-002-Fr.pdf Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 15/72 Afin de mieux qualifier le champ de cette étude, la mission s?est référée à la définition des produits textiles qui figure dans le règlement européen 1007/2011. Est un produit textile « tout produit qui, à l'état brut, semi-ouvré, ouvré, semi-manufacturé, manufacturé, semi-confectionné ou confectionné, est exclusivement composé de fibres textiles, quel que soit le procédé de mélange ou d'assemblage mis en oeuvre ». Et est une fibre textile : « i) un élément caractérisé par sa flexibilité, sa finesse et sa grande longueur par rapport à la dimension transversale maximale, qui le rendent apte à des applications textiles ; Ou ii) une bande ou un tube souple ne dépassant pas 5 millimètres de largeur apparente, y compris les bandes coupées de bandes ou de feuilles plus larges fabriquées à partir des substances servant à la fabrication des fibres (?) et aptes à des applications textiles. » Pour préciser le champ de ce rapport, il convient d?ajouter à cette définition matérielle des textiles, leurs usages : la mission a décidé d?y intégrer les étoffes et produits textiles 17 servant à l?habillement, y compris professionnel, et à l?équipement de la maison (linge de maison). Elle a par contre choisi d?en exclure les chaussures et les géotextiles, ainsi que les lingettes, même si ces derniers sont également responsables d?une pollution aux microparticules de plastique. Les géotextiles Les géotextiles sont des matériaux utilisés dans l?ingénierie civile, l?agriculture et la construction ; ils sont composés d?une variété de matériaux plastiques (PET, PP) mais aussi de fibres naturelles. Ils sont utilisés dans de nombreuses applications, de la lutte contre l?érosion côtière au drainage en passant par la construction. L?UE représente 20% de ce marché mondial, en croissance (+24% attendus d?ici 2040). Les émissions de micro-plastiques en provenance des géotextiles en PET sont évaluées entre 58 et 158 kilotonnes. Comme il n?y a aucune barrière entre les géotextiles et l?environnement, les micro-plastiques sont relâchés directement dans l?environnement et ne peuvent être retirés. La fin de vie des géotextiles n?est pas prise en compte dans leur processus d?installation et de gestion. À l?échelle européenne, des réflexions sont en cours afin de : mieux définir les géotextiles18, modifier leur conception pour réduire leurs émissions, éviter le recours aux géotextiles pour certains usages, mettre en place un système de responsabilité élargie des producteurs. En conclusion de cette première partie, le champ de ce rapport couvre la pollution causée par les microparticules solides d?une taille inférieure à 5 mm, non solubles et non biodégradables, composées de polymères bio-sourcés ou non, émises par les produits d?origine textile au sens du règlement européen 1007/2011 destinés à l?habillement et à l?équipement de la maison. 1.2 La pollution par les micro-plastiques est constatée dans l?ensemble des écosystèmes Afin de mieux appréhender l?importance de la pollution par les micro-plastiques, l?annexe 4 du présent rapport donne quelques ordres de grandeur sur la pollution plastique en général, les deux étant intrinsèquement liées. 1.2.1 La pollution aux micro-plastiques de tous les écosystèmes est avérée Une pollution par les micro-plastiques a été constatée dans tous les milieux, sur toute la planète, y compris dans les milieux les plus reculés (Arctique et Antarctique, glaciers, coraux, fonds des océans, nappes d?eau souterraines). Le rapport de l?Office parlementaire d?évaluation des choix 17 Conformément à l?usage fait dans le cadre de la normalisation, les étoffes désignent toute forme de tissus, issus de fils tissés ou tricotés, et les produits textiles désigne un objet résultant de l?assemblage d?étoffes. 18 À noter cependant qu?il existe déjà une norme ISO 10318-1:2015 qui les définit. PUBLIÉ Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 16/72 scientifiques et technologiques (OPESCT) de 2020 sur la pollution plastique19 conclut qu?il n?existe « aucun modèle scientifique permettant de quantifier avec certitude le nombre de micro- plastiques », affirmation que la mission ne peut que confirmer, tant les évaluations chiffrées trouvées dans la littérature varient. L?étude précitée de l?UICN, qui apparait comme une des principales références, estime qu?entre 1,8 et 5 Mt de micro-plastiques « primaires » 20 (voir encadré p. 14) seraient relargués dans l?environnement chaque année. La pollution des milieux aquatiques, et plus spécifiquement marins, a été la première ayant fait l?objet de recherches et d?expertises. Le rapport précité de l?UICN estime entre 0,8 et 2,5 Mt/an les micro-plastiques atteignant les océans (soit 48% des pertes de micro-plastiques « primaires »). Le rapport de l?OPESCT indique que les micro-plastiques (compris entre 0,5 et 5 mm) représenteraient 6 400 tonnes (soit 2,5 kg par km²) dans la pollution plastique de l?océan et 1 700 milliards de déchets, soit une concentration de 678 000 déchets par km². Les écarts entre les pertes et les rejets peuvent probablement être attribués au stockage des micro-plastiques dans les sols, notamment les fonds marins, mais également aux différences de mesures des études. Par exemple, l?étude de l?UICN n?intègre pas les microparticules issues du caoutchouc naturel. 70% à 80% des micro-plastiques trouvés dans les océans viendraient des fleuves et des rivières : 6 000 à 7 000 tonnes de micro-plastiques seraient ainsi rejetés par an dans les océans avec une répartition équilibrée entre les océans21. Des études ont estimé les micro-plastiques transitant par la Seine (0,34 tonnes22 ), le Rhône (22 t/an acheminées en Méditerranée), le Rhin (890 000 particules/km², avec des maximales de 3 900 000 particules/km²)23. La pollution des sols et de l?air, pourtant avérée, n?a pas encore fait l?objet d?études permettant de la quantifier de façon précise. Les micro-plastiques peuvent être retrouvés dans les sols après y avoir été acheminés soit par l?air soit par l?eau. La pollution par le biais des eaux vient principalement, d?une part, des ruissellements et des inondations (majoritairement alimentée par les microparticules de pneus, de marquages routiers et les poussières urbaines24 ) et d?autre part, de l?épandage des boues des stations d?épuration, elles-mêmes contaminées par les micro-plastiques captés lors des processus de filtration des eaux usées, et enfin, de l?irrigation de terres agricoles par des eaux chargées en micro- plastiques. Elle est aussi la résultante de la décomposition des plastiques qui sont mis en décharge, principalement en dehors de l?Union européenne, notamment en provenance des textiles exportés par les pays de l?OCDE qui finissent comme déchets. Aucune donnée quantitative portant sur des concentrations observées dans les sols n?est disponible à ce stade, même si certains scientifiques 19 Rapport n° 217 (2020-2021) de Mme Angèle PRÉVILLE, sénatrice, et M. Philippe BOLO, député, au nom de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, déposé le 10 décembre 2020 « Pollution plastique : une bombe à retardement ? » https://www.senat.fr/notice-rapport/2020/r20-217-notice.html 20 Selon la définition UICN à savoir ceux qui ne sont pas issus des déchets plastiques. 21 Rapport de l?OPESCT [19] : 28 % vers le Pacifique Nord par le biais des fleuves d?Asie et d?Amérique du Nord, 24 % vers l?Atlantique Nord via les fleuves d?Europe et d?Amérique du Nord, 23 % vers l?Océan Indien, 12 % vers le Pacifique Sud et 13 % vers l?Atlantique Sud. 22 Dris et al. (2016) https://enpc.hal.science/hal-01251430/document 23 Mani et al. (2015) https://www.nature.com/articles/srep17988 24 Poussières urbaines : expositions aux intempéries, abrasion et déversement. Le terme désigne un groupe de neuf sources identifiées lors de récentes évaluations par pays et que l?on trouve principalement dans les environnements urbains : particules issues de l?usure d?objets (semelles de chaussures, ustensiles de cuisine synthétiques), de la dégradation d?infrastructures (habitations, aménagements, pelouses artificielles, ports, y compris de plaisance, peintures des bâtiments) ainsi que de l?utilisation d?abrasifs ou de détergents. Ces sources sont regroupées car leur contribution individuelle est faible. PUBLIÉ https://www.senat.fr/notice-rapport/2020/r20-217-notice.html https://enpc.hal.science/hal-01251430/document https://www.nature.com/articles/srep17988 Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 17/72 estiment la pollution des sols à plus de 50% de la pollution par les microparticules de plastique25. Une étude pilote menée par le « Centre commun de recherche » (JRC)26 de la Commission européenne estime que 60 microparticules de plastiques peuvent être présentes dans 1 g de sol cultivé (à partir de 50 échantillons collectés dans sept États membres)27. La pollution de l?air fait l?objet d?encore moins d?études et d?analyses que celle des sols. Pourtant, dans les zones urbaines, les micro-plastiques observés dans l?air sont très majoritairement des fibres, provenant vraisemblablement de l?usure de textiles synthétiques ou artificiels28 . Peu de données quantitatives sont disponibles : l?étude Dris et al. (voir la note [26]) a mesuré les retombées atmosphériques de fibres en deux sites de la région parisienne et estime que de 2 à 355 fibres se déposent par m²/jour ; les même chercheurs (Dris et al. 2017) ont mesuré des concentrations dans l?air extérieur comprises entre 0,3 et 1,5 fibre par m3, dont un tiers seraient d?origine pétrochimique ; des mesures ont également été faites en air intérieur, montrant des concentrations bien supérieures, de 1 à 60 fibres par m3. Une étude réalisée à Londres fait état de micro-plastiques trouvés dans tous les échantillons d?air extérieur examinés, avec des taux de dépôts allant de 575 à 1008 micro-plastiques aéroportés/m²/jour dont 92% de microfibres29. On pourrait ainsi comparer cette pollution à celle provoquée par d?autres types de microparticules qui font l?objet de règlementation comme les PM10 et les PM2,5 30 (voir en 2.1.3). 1.2.2 La part respective de chaque source dans la pollution par micro- plastique reste incertaine La plupart des publications considèrent que les sept sources d?émission des microparticules de plastique les plus importantes sont les pneus, les textiles synthétiques, la peinture marine, les marquages routiers, les articles cosmétiques et de nettoyage, les granulés de plastique et les poussières urbaines. Si les sources d?émission des microparticules sont clairement identifiées, leurs quantifications respectives font encore l?objet de nombreux débats. Les études ne s?accordent pas sur les proportions émises par chaque source. Ainsi l?étude de l?UICN accorde 35% des émissions de micro-plastiques aux textiles synthétiques contre 25% pour les pneus (à l?échelle mondiale), tandis que les études commandées par la Commission européenne réduisent la pollution issue des textiles à une part mineure des émissions européennes (allant de 0,2% à 3,4%) face aux émissions des pneus (plus de 25%) et des peintures (plus de 27%). Les écarts dans les chiffres ne permettent pas d?y voir très clair. 25 Dans le monde, le stock de micro-plastiques dans les sols agricoles pourrait être de 1,5 à 6,6 M de tonnes, soit plus qu?à la surface des océans. « Continents de plastiques : Une estimation du stock de micro-plastiques dans les sols agricoles » ? M. Kedzierski, D. Ciredef Boulant, M. Palazot, M. Yvin, S. Bruzeaud - Université Bretagne Sud, Lorient 26 Le JRC fournit des connaissances et des connaissances scientifiques indépendantes et fondées sur des preuves, soutenant les politiques de l'UE visant à avoir un impact positif sur la société.? 27 Document de travail de la Commission européenne d?évaluation de la Directive du Conseil 86/278/CE du 12 Juin 1986 sur la protection de l?environnement et en particulier le sol, quand les boues d?épuration sont utilisées en agriculture SWD (2023) 158 final 28 Dris et al. (2016) https://enpc.hal.science/hal-01251430/document Wright SL, Ulke J, Font A, Chan KLA, Kelly FJ. Atmospheric microplastic deposition in an urban environment and an evaluation of transport. Environ Int. 2020; 136: 105411. DOI: https://doi.org/10.1016/j.envint.2019.105411 29 Dépôt atmosphérique de micro-plastiques en milieu urbain et évaluation des transports ? SL Wiright et al. 2020 https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0160412019330351?via%3Dihub 30 Les particules en suspension (notées PM en anglais pour Particulate matter) incluent les matières microscopiques en suspension dans l'air ou dans l'eau. Les particules en suspension dans l'air se nomment aérosol. Les PM10 regroupent les particules de diamètre inférieur à 10 µm, les PM2,5 celles inférieures à 2,5 µm. PUBLIÉ https://enpc.hal.science/hal-01251430/document https://doi.org/10.1016/j.envint.2019.105411 https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0160412019330351?via%3Dihub Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 18/72 Concernant l?abrasion des textiles synthétiques, elle se produirait majoritairement au cours des lavages lors de la production des étoffes, puis dans les blanchisseries industrielles ou dans les foyers. La part produite lors de la fabrication des étoffes est évaluée par l?UICN à près de 16% de la production de micro-plastiques par l?Asie où la plupart des étoffes synthétiques sont produites. Ces émissions se font notamment lors des bains de lavage nécessaires à la teinture des fils et de l?étoffe. La part d?émission serait plus importante dans les lavages domestiques en Europe. L?UICN estime que les pertes de micro-plastiques s?élèvent à environ 900 mg/kg de textile synthétique à chaque cycle de lavage, ou encore à 2% la perte de masse d?un textile synthétique au long de son cycle de vie. La commission Minderoo indique que 30 000 à 465 000 microfibres sont rejetées dans le cadre des 5 premiers lavages par m² d?étoffe synthétique. Néanmoins, comme indiqué précédemment, la pollution de l?air ambiant par les microfibres de plastiques issues des textiles serait également une source importante de pollution. Cette source n?est pas quantifiée. De même, la pollution des sols et des eaux par les textiles mis en décharge, principalement dans les pays tiers, n?est pas évaluée. 1.2.3 La pollution par les micro-plastiques est durable Comme indiqué précédemment, les plastiques et les micro-plastiques sont très résistants, ce qui constitue une vertu pour leurs applications industrielles et explique l?accroissement de leur usage, mais en fait, a contrario, une source de pollution de long terme lorsqu?ils rejoignent l?environnement. Ils se disloquent, formant des fragments de plus petites tailles et libérant alors les additifs. La majeure partie des plastiques qui ont été produits dans l?histoire seraient encore présents dans l?environnement sous une forme ou une autre31. L?état de la recherche ne permet pas de dire si les microparticules de plastiques non- biodégradables seront un jour bio-assimilables par un milieu naturel ouvert, ou si leur apparente disparition résulte uniquement d?une dislocation plus importante. On constate donc leur persistance qu?ils soient ingérés par des organismes, notamment marins, qu?ils sédimentent ou encore qu?ils soient dégradés en particules plus petites encore (nano-plastiques), certains pouvant même être aérosolisés, notamment par les vagues, et se retrouvant ensuite dans le cycle de l?eau (neige, pluie). Les plastiques bio-sourcés ont les mêmes propriétés que leur équivalent d?origine fossile. Par conséquent, si le plastique fossile n?est pas biodégradable, son homologue bio-sourcé ne le sera pas non plus. Concernant la pollution par micro-plastiques, la question de la capacité du plastique à se dégrader de manière naturelle dans l?environnement est donc plus importante que son origine biosourcée ou fossile, quelle que soit la taille de la microparticule, même à l?échelle des nanoparticules. On entend généralement par biodégradable, la capacité d?un polymère en fin de vie à pouvoir être utilisé comme source de carbone par les micro-organismes32. Certains polymères sont biosourcés 31 A. Horton et al. 2017 https://www.rsc.org/images/AliceHorton_tcm18-249960.pdf 32 Directive (UE) 2019/904 du Parlement européen et du Conseil du 5 juin 2019 relative à la réduction de l?incidence de certains produits en plastique sur l?environnement - Article 3 ? Définitions ? 16 : « plastique qui est de nature à pouvoir subir une décomposition physique ou biologique, de telle sorte qu?il se décompose finalement en dioxyde de carbone (CO2), en biomasse et en eau, et est, conformément aux normes européennes applicables aux emballages, valorisable par compostage et par digestion anaérobie. » Plastics in a circular economy: Mitigating the ambiguity of widely-used terms from stakeholders consultation ? N. Gontard et al. 2021 - « Les plastiques biodégradables sont ceux qui sont convertis par les micro-organismes du sol dans un délai raisonnable (inférieur à un an), éventuellement en conjonction avec d'autres facteurs trouvés dans des conditions environnementales naturelles répandues, en biomasse, eau, dioxyde de carbone (CO2) et méthane (CH4). » https://doi.org/10.1016/j.envsci.2022.04.011 PUBLIÉ https://www.rsc.org/images/AliceHorton_tcm18-249960.pdf Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 19/72 et biodégradables par les micro-organismes : l?acide polylactique (PLA) 33 et le polyhydroxyalcanoate (PHA)34, ce dernier n?étant pas utilisé actuellement dans le domaine textile. Cette biodégradabilité des plastiques concerne également des polymères dérivés du pétrole : le PBAT (polybutylène adipate-co-téréphtalate), le PBS (polybutylène succinate) et le PCL (polyaprolactone), mais aucun d?entre eux n?a pour l?instant d?utilisation textile. Figure 4 : Système de classification des polymères en fonction de leur origine et de leur biodégradabilité (source : ADEME) Néanmoins, la biodégradation ultime de ces plastiques dans l?environnement n?est pas encore démontrée dans la pratique, des conditions spécifiques de température et d?oxygénation étant requises. 1.3 Des incertitudes qui ralentissent la prise de décision alors que la production de textile synthétique s?accroît 1.3.1 Une quantification de la pollution par les micro-plastiques textiles incomplète Comme indiqué précédemment, on constate une faiblesse du chiffrage de la part de la pollution par les micro-plastiques issus des textiles au sein de la pollution micro-plastique en général, de même que des données sur leur présence dans certains milieux comme le sol et l?air. L?existence de micro-plastiques et encore plus de nano-plastiques issus des textiles est méconnue par la population qui ignore, par voie de conséquence, le risque que ces derniers feraient courir à l?environnement ou à l?homme. 33 Polymère biodégradable en compostage industriel (à une température supérieure à 60°C donc dans des conditions non naturelles) qui peut être obtenu à partir d?amidon de maïs ou autre culture. Il représente une alternative au polyéthylène (PET). 34 Polyester biodégradable. PUBLIÉ Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 20/72 La pollution liée aux micro-plastiques issus des textiles est également noyée dans les travaux en cours visant la réduction de la pollution en général issue des textiles (impact carbone, pollution chimique, consommation excessive d?eau, mauvaise gestion des déchets), et la recherche d?une amélioration des conditions de travail dans certains pays producteurs. Mais la part des fibres synthétiques dans la fabrication des étoffes est, elle, clairement évaluée. Comme indiqué dans le rapport de l?OPESCT précité, moins chères à produire, « résistantes, élastiques, peu absorbantes, imperméables et séchant donc rapidement, les fibres synthétiques confèrent aux tissus des propriétés inégalées par les fibres naturelles ». Elles représentent désormais les deux tiers du marché des fibres textiles : 62,1 Mt de fibres synthétiques ont été produites (dont 54 Mt pour le polyester) en 201635 et 66 Mt en 201936. Suite aux études réalisées par le secteur comme par d?autres acteurs, on sait également que le lavage des vêtements libère des fibres : leur relargage dans l?environnement est évalué au niveau européen entre 18 000 et 46 000 tonnes par an. Des études démontrent que des fibres se retrouvent en très grand nombre dans les effluents des machines à laver (9 000 à 35 000 fibres par litre), proportion qui se réduit dans les eaux usées (70 à 473 fibres par litre) en raison de la dilution des eaux issues des machines à laver dans les autres eaux grises. Le rapport de l?OPESCT précité indique ainsi que 4,3 milliards de microfibres sont rejetées en mer à la sortie de la station d?épuration de Nice par an alors qu?elle intercepte 92% des fibres. La présence de fibres synthétiques non-biodégradables dans tous les milieux n?est donc plus à démontrer, même si une étude récente a considère que 8,2% des fibres présentes dans l?océan seraient d?origine synthétique, contre 79,5% d?origine cellulosique et 12,3% d?origine animale37. Rappelons néanmoins que les fibres cellulosiques et d?origine animale sont biodégradables dans des conditions naturelles selon des délais variables38 . Le présent rapport ne traite pas de la pollution des écosystèmes par des excès de fibres cellulosiques. Jusqu?à présent, il n?existe pas de méthodologie « agréée » à l?échelle mondiale, et même européenne, permettant la quantification des émissions de microparticules de plastique par les étoffes ou les produits textiles (définition, échantillonnage, quantification), ainsi que l?impact exact des lavages (la température de lavage et l?agressivité des lessives influenceraient la libération des microfibres), qu?elles sont les périodes d?émission dans la vie du produit même si le nombre de fibres libérées diminuerait avec la répétition des cycles de lavage (on parle de 60 à 80 % des fibres qui seraient libérées au premier lavage). L?intensité du relargage des fibres textiles dépend en effet de nombreux facteurs, de la nature de la fibre à la méthode de découpe. L?apprêt mécanique39 subi par le textile peut également jouer un rôle. Ainsi, le lavage d?un tissu polaire de 400 g libèrerait 14 millions de fibres, soit dix fois plus que d?autres textiles. Les rapporteuses ont questionné des marques qui ont réalisé des tests et obtiennent d?autres résultats : les étoffes les plus émettrices seraient les serviettes en microfibres. Les émissions par les lave-linges et la capacité à capter les fibres relarguées font également l?objet d?essais méthodologiques. Cette absence de méthodologie et de quantification freine la prise de décision. 35 Rapport de l?office parlementaire précité [16] 36 The Minderoo-Monaco Commission on plastic and human health - 21 mars 2023 37 G. Suaria et al. 2020 « Microfibres dans les eaux de surface océaniques : une caractérisation globale » https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7274779/ 38 Le coton serait biodégradable (et compostable) en quelques semaines à quelques mois ; le lin un peu plus rapidement. 39 Les apprêts textiles sont une série d?opérations que subissent les textiles ou articles confectionnés dans le but de modifier leur apparence, leur surface, leur toucher ou leurs propriétés. Les apprêts mécaniques sont réalisés dans des cylindres chauffants ou non, gravés et recouverts de brosses métalliques (émerisage, calandrage, gaufrage, cloquage, moirage, grattage, foulage, tondage, sanforisage, frappage, froissage, encollage). PUBLIÉ Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 21/72 1.3.2 Des incertitudes sur les risques pour les écosystèmes et la santé humaine Bien que nous disposions d?informations sur la contamination des organismes vivants, y compris humains, par les micro-plastiques, il existe encore peu d?études documentant les impacts sur la santé des écosystèmes, de la faune et encore moins des humains de cette pollution par les micro- plastiques ou les nano-plastiques. La plupart des études sur les risques se sont focalisées sur la biodiversité marine, parvenant à qualifier la présence de micro-plastiques, voire à la quantifier, et même parfois à analyser un impact. Des effets toxicologiques variables (sur la physiologie, le métabolisme, le comportement et la reproduction) sont constatés en laboratoire sur différents organismes vivants tels que les coraux, les huîtres ou certains types de poissons. Les effets des micro-plastiques sur le phytoplancton ont été étudiés rapportant une altération de leur capacité à réaliser la photosynthèse. Des risques ont également été identifiés par des études sur la biodiversité du sol et ses invertébrés dont la survie et la bonne santé sont impactées. S?agissant des impacts sur les micro-organismes, la présence de micro-plastiques dans les sols serait de nature à perturber la diversité et l?abondance des communautés microbiennes avec des effets indirects, par exemple, sur le cycle de l?azote. Les bactéries fixatrices de l?azote sont susceptibles d?être sensibles aux micro- plastiques en fonction de leur durée d?exposition. Il n?existe pas d?études équivalentes sur la santé humaine. Néanmoins, des études ont été réalisées sur les effets des nanoparticules sur des cellules en culture et in vivo : il a été constaté une possible altération de la fonction cellulaire sous l?effet de stress oxydatif et une inflammation avec des conséquences sur certains organes tels que le foie et l?amplification de maladies telles que l?obésité. Nous rappellerons que la biodégradabilité de la plupart des polymères, même à l?échelle nano, n?est pas encore démontrée, faisant craindre des effets liés à leur accumulation dans les organes. Les principaux risques identifiés sont, au-delà de l?ingestion de polymères, liés à leurs additifs d?une part, et à la capacité de captation ou d?absorptions par les polymères de produits chimiques (perturbateurs endocriniens, polluants organiques persistants) ou de métaux d?autre part, ces derniers pouvant avoir des impacts plus directs sur la biodiversité. Les additifs ont pour la plupart le potentiel de s?échapper des produits en plastique, car ils ne sont généralement pas reliés par covalence 40 aux polymères. Ils ont ainsi la possibilité de polluer l?environnement de façon autonome du polymère qui les abritait préalablement. De nombreux additifs ont été bannis par la règlementation européenne et nationale de la composition de certains plastiques. On citera à titre d?exemple les phtalates (plastifiants), dont six d?entre eux, qui ont des effets cancérigènes, toxiques pour le développement neuronal et jouent un rôle de perturbateurs endocriniens, sont interdits en Europe, au Japon et aux États-Unis d?Amérique dans les cosmétiques, les équipements médicaux et les jouets et vêtements pour enfants. Ils restent possiblement utilisés pour les impressions en relief sur les vêtements. Parmi les autres additifs considérés comme pouvant potentiellement avoir un impact sur la santé, on citera les alkyphénols, utilisés pour le nettoyage et la teinture41, les composés perfluorés (PFAS ? cf. le rapport IGEDD 014323-01 de MM. Hugues AYPHASSORO et Alby SCHMITT42) qui visent à rendre une étoffe anti-taches ou résistante à l?eau et le formaldéhyde (rend le tissu infroissable). On trouve également dans les étoffes des métaux (chrome, cuivre, et aluminium dans le polyester ; nickel et fer dans le nylon). Des nanoparticules de métal sont 40 Une liaison covalente est une liaison chimique dans laquelle deux atomes se partagent deux électrons d?une de leurs couches externes, liant ainsi les atomes. (Wikipédia) 41 Les nonylphénols et nonylphénols éthoxylés sont inscrits à l?Annexe XVII de REACH qui impose qu?ils ne soient pas mis sur le marché, ni utilisés, en tant que substances ou dans des mélanges, à des concentrations égales ou supérieures à 0,1% en poids dans le traitement des textiles et du cuir (depuis le 2 février 2021 0,01% pour les éthoxylates de nonylphénol). 42 https://www.igedd.developpement-durable.gouv.fr/analyse-des-risques-de-presence-de-per-et-a3658.html PUBLIÉ https://www.igedd.developpement-durable.gouv.fr/analyse-des-risques-de-presence-de-per-et-a3658.html Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 22/72 également utilisées pour traiter des étoffes pour leur action antimicrobienne (argent) ou leur capacité d?absorption des ultra-violets (titane). Le rapport de l?OPESCT de 2020 fait état de la détection de 24 polluants adsorbés aux micro- plastiques dans le bassin versant de la rade de Brest, 12 d?entre eux faisant partie de la liste des molécules prioritaires de la directive cadre sur l?eau (atrazine, six hydrocarbures polyaromatiques, PCB 105, cyperméthrine, PPDDT, aldrine et dieldrine). Des études constatent des effets de bioamplification, la bioconcentration des phtalates dans le plancton étant 5 000 fois plus importante que la concentration des phtalates dans l?eau. Enfin, des tests ont révélé la présence d?additifs dans des vêtements ? par exemple des formaldéhydes ? à des niveaux de concentration 40 fois supérieurs à ce qui est autorisé par les règlementations internationales sur les textiles et par les règlementations européennes (Bisphénols BPA et BPS). Un autre type de risque lié aux micro-plastiques est leur capacité à transporter, y compris sur de longues distances, des pathogènes (transport de la bactérie E. coli par exemple). Concernant la santé humaine, force est de constater que les quantités de micro-plastiques ingérées par l?homme sont actuellement inconnues, comme la manière dont ces particules interagissent dans le corps et l?impact physique comme chimique du transit des micro-plastiques à travers le tractus gastro-intestinal. De même, les particules de plastique de 10 ?m peuvent entrer dans les voies respiratoires, atteindre les poumons et provoquer des irritations comme le font les autres PM10 et PM2,5 liées à la pollution de l?air actuellement règlementée. Des nanoparticules pourraient même atteindre le cerveau. On mentionnera enfin qu?une étude a été réalisée sur les conséquences de l?inhalation des microparticules plastiques par les ouvriers du secteur du nylon et a constaté des effets sur leurs capacités respiratoires43. Les nanoparticules de plastique En raison de leur taille, les nanoparticules de plastiques sont très difficiles à isoler du reste de leur environnement par des méthodes simples, notamment la filtration classiquement utilisée pour les micro-plastiques. Leur nombre dans l?environnement ne fait donc pas l?objet d?une évaluation. Les examiner nécessite des études réalisées en laboratoire. Mais les analyser dans des échantillons d?environnement est très difficile. À ce stade, la spéculation sur la base de ce qui est connu de la fragmentation du plastique est donc la seule solution. Il est notamment impossible à ce stade de déterminer si des nano-plastiques de taille et de composition différente s?agrègent ou sédimentent ni comment ils évoluent dans l?environnement. Le risque lié à ces particules est qu?en raison de leur si petite taille, ils puissent pénétrer dans les tissus des organismes vivants. Source : Nature nanotechnology https://www.nature.com/articles/s41565-019-0437-7 Si l?hypothèse de la fragmentation des déchets de plastiques en nano-plastiques était avérée, elle serait particulièrement préoccupante pour deux raisons. D?une part, le nombre de nano-plastiques dans l?environnement pourrait être considérable, et bien supérieur à celui des macro-plastiques et des micro-plastiques. D?autre part, par analogie avec les propriétés de translocation connues pour d?autres nanoparticules, les nano-plastiques seraient susceptibles de pénétrer dans l?ensemble des organes en traversant la barrière intestinale lorsqu?elles sont ingérées ou la barrière pulmonaire lorsqu?elles sont inhalées. Comme suggéré par le rapport de l?OPECST, des collaborations entre les équipes de recherche, en faisant appel aux spécialistes des nano- plastiques, sont indispensables et urgentes. 43 Organisation internationale du travail 2022 « Sécurité et santé dans les industries du textile, du vêtement, du cuir et de la chaussure » https://www.ilo.org/wcmsp5/groups/public/---ed_dialogue/--- sector/documents/normativeinstrument/wcms_828430.pdf PUBLIÉ https://www.nature.com/articles/s41565-019-0437-7 Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 23/72 1.3.3 Une croissance incontrôlée de la production de textiles synthétiques En 2020, l?Union Européenne a produit 6,9 Mt de produits textiles pour 77 milliards d?euros et a importé 8,7 Mt de produits textiles pour 125 milliards d?euros dont 45% de vêtements, principalement de Chine, du Bangladesh et de Turquie. La consommation en 2020 serait de 6,6 Mt44. En 2019, les européens ont dépensé 600 euros par personne en vêtements, et 70 euros sur les textiles de maison ce qui représente 25 kg/pers (en incluant également les chaussures) dont 10 kg pour les vêtements. Figure 5 : Consommation de vêtements, chaussures et textiles ménagers ? 2010-2020 en Mt et kg/pers (Source : ETC/CE 2022/2 ? Textiles et l?environnement, le rôle de l?écoconception dans l?économie circulaire européenne ? Agence européenne de l?environnement) 1.3.3.1 La fabrication des étoffes est majoritairement délocalisée À l?échelle de l?Union européenne, le secteur textile emploie 1,5 million de personnes dans 160 000 entreprises pour un chiffre d?affaires de 162 milliards d?euros. Néanmoins, en vingt ans, l?industrie textile a perdu les deux tiers de ses effectifs et plus de la moitié de sa production. De même, la France importe massivement les produits textiles, dont la moitié provient d?Asie et un tiers d?Europe45. Selon l?Union française des industries mode et habillement46, le secteur de la mode et de l?habillement représente à l?échelle nationale 2 500 entreprises, 32 000 salariés en France et 300 000 à l?étranger. 450 entreprises fabriquent sur le territoire national des vêtements. Cette délocalisation massive de l?industrie s?explique essentiellement par l?écart des coûts de confection (surtout en raison du coût de la main d?oeuvre). La délocalisation est parfois presque totale, seule une partie de la conception restant en France. Les entreprises n?ont parfois plus de relations commerciales directes avec les différents acteurs intervenant sur le produit, notamment avec les teinturiers. 44 Même si en raison de la crise COVID, la consommation de textile a été très basse en 2020. 45 L?industrie textile en France : une production mondialisée sauf pour les produits de luxe et les textiles techniques (INSEE Première n° 1714, octobre 2018) 46 Union française des industrie Mode et Habillement (UFIMH) https://www.lamodefrancaise.org/organisation/ PUBLIÉ https://www.lamodefrancaise.org/organisation/ Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 24/72 Figure 6 : Exportation et importation de textile en France ? par produits 2021 (source : UIT47) En 2018, les Français ont dépensé 35,7 milliards d?euros pour l?habillement et les chaussures, ce qui les place au quatrième rang des plus gros dépensiers en Europe, derrière le Royaume-Uni, l?Allemagne et l?Italie48. En 2022, en moyenne chaque Français a acheté 40 pièces d?habillement et 5 pièces de linge de maison. Au total, 3,3 milliards de pièces (vêtements, linges de maison et chaussures) représentant 827 000 tonnes, ont été mises sur le marché cette même année, en croissance de 2% par rapport à l?année 202149. Figure 7 : Exportation et importation de textile en France ? par pays 2021 (source : UIT) 1.3.3.1 Les fibres synthétiques envahissent de plus en plus les étoffes et stimulent la baisse des prix et la surconsommation Un autre phénomène marquant de ces dernières années est l?augmentation considérable de la part des fibres synthétiques dans les produits mis sur le marché. Les deux courbes et schéma ci- dessous en rendent compte. 47 L?Union des industries textiles (UIT) représente 2 200 entreprises exerçant une activité textile sur le territoire national (filature, moulinage, tissage, tricotage, ennoblissement). https://www.textile.fr/ 48 Le Royaume-Uni a dépensé 65,4 milliards d?euros, l?Allemagne 62,7 milliards d?euros et l?Italie 52,4 milliards d?euros. Source: Dépenses de consommation des ménages en habillement dans l'Union européenne en 2018, par pays, Statista 2022 49 Refashion Rapport d?activité 2022 PUBLIÉ https://www.textile.fr/ Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 25/72 Figure 8 : Évolution de la production mondiale de laine, coton, lin et fibres synthétiques (source : UIT) Cette évolution explique aussi, en partie, la baisse des prix des produits et l?augmentation de la consommation de produits textiles. En 1950, la part des vêtements dans le budget d?un ménage représentait 30% alors qu?elle n?atteignait plus que 5% en 2000 malgré l?augmentation du nombre de pièces achetées. En France, les dépenses des ménages en vêtements et chaussures en 2020 étaient de 3,1% du total des dépenses50 soit environ 430 euros en vêtements, montant qui est inférieur à la moyenne au sein de l?UE-27 (490 euros)51 et en baisse par rapport à 2018 (530 euros par an en vêtements). Une étude Kantar commandée par Refashion confirme que le prix est le premier critère de choix des consommateurs en 202252. Dernière tendance à souligner, la baisse de la valeur monétaire des vêtements entraine leur durée de vie de plus en plus courte. La « mode éphémère » (« fast fashion »), qui devient de plus en plus éphémère (« l?extra fast fashion »), cherche à réduire encore plus les prix des produits (au détriment des critères sociaux, environnementaux ou de qualité) pour accélérer la rotation des collections et faire pression sur l?acte d?achat. Certaines enseignes proposent de nouveaux produits tous les quinze jours, parfois même moins. Cette frénésie d?achat est décuplée par les réseaux sociaux. 130 milliards de vêtements sont produits par an dans le monde soit 80% de plus qu?il y a 15 ans53. 50 Source: Agrandissement du ménage, France, 2020, Vêtements et Chaussures (total des dépenses en %), Eurostat 51 Extrait des Faits et Chiffres Clés 2022 du rapport European Textile and Clothing Industry d'Euratex, Juin 2022. Source: Eurostat 52 Selon cette étude, parmi les 10 enseignes plébiscitées pour les achats neufs (Actions, Kiabi, Lidl, Shein?) 70% proposent un prix moyen d?achat par article inférieur de 205 à 85% du prix moyen du marché. 53 Fast Fashion : Impacts, alternatives et moyens d?agir, Oxfam France https://www.oxfamfrance.org/wp- content/uploads/2022/03/Fast-Fashion-Impacts-alternatives-et-moyens-dagir.pdf PUBLIÉ https://www.oxfamfrance.org/wp-content/uploads/2022/03/Fast-Fashion-Impacts-alternatives-et-moyens-dagir.pdf https://www.oxfamfrance.org/wp-content/uploads/2022/03/Fast-Fashion-Impacts-alternatives-et-moyens-dagir.pdf Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 26/72 Figure 9 : Hausse du marché textile vs population mondiale de 1970 à aujourd?hui (source : « The environmental price of Fast fashion » 2020) La durée de vie des vêtements aurait diminué de 36% entre 2000 et 2015. D?après différentes études menées à des dates différentes et dans plusieurs pays, l?usure des produits textiles, linges de maison et chaussures (TLC) ne serait responsable que d?un tiers de leur fin de vie, les deux autres tiers provenant soit de leur inadaptation aux utilisateurs (changement de taille par exemple), soit du sentiment de lassitude qu?ils génèrent chez ces derniers. Figure 10 : Causes de fin de vie d?un vêtement (Source : Travaux Ecobalyse)54 ***** En conclusion de cette première partie, compte tenu des prévisions de croissance de la production de fibres plastiques textiles dans les prochaines décennies, du faisceau d?indices démontrant les dangers d?une pollution incontrôlée par les micro-plastiques et de leur persistance dans l?environnement, la plupart des études consultées par la mission appellent à faire jouer les principes de précaution et de prévention, et à prendre dès maintenant des mesures adaptées pour lutter contre les micro-plastiques issus des textiles, quand bien même l?état 54 Projet porté par le Ministère de la Transition écologique PUBLIÉ Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 27/72 de la recherche manque encore de données sur les quantités de micro-plastiques re- larguées dans l?environnement, leur biodégradabilité, et leur nocivité. On citera en particulier l?avis des conseillers scientifiques en chef de la Commission européenne55 formulé le 30 avril 2019 : « Bien qu?une incertitude considérable entoure les risques écologiques et sanitaires de la pollution micro-plastique, des risques augmenteront à l?avenir si la pollution micro-plastique se poursuit à son rythme actuel. » Il recommande donc d?« élargir la politique existante pour prévenir et réduire la pollution par les micro-plastiques dans les environnements marins et d?eau douce, ainsi que dans l?air et le sol, et donner la priorité aux mesures spécifiques, aux substances et au contexte pour les sources à volume élevé et à fortes émissions. » De même, l?Organisation mondiale de la santé, appelle à mener une « évaluation approfondie des micro- plastiques présents dans l?environnement et de leurs conséquences potentielles sur la santé humaine, suite à la publication d?une analyse de l?état de la recherche sur les micro-plastiques dans l?eau de boisson »56. 55 Le groupe des conseillers scientifiques en chef, créé en octobre 2015, soutient la commission européenne avec des avis scientifiques indépendants dans le cadre de ses activités d?élaboration des politiques de l?Union européenne. Le groupe contient jusqu?à 7 scientifiques indépendants, nommés à titre personnel. 56 https://www.who.int/fr/news/item/22-08-2019-who-calls-for-more-research-into-microplastics-and-a- crackdown-on-plastic-pollution PUBLIÉ https://www.who.int/fr/news/item/22-08-2019-who-calls-for-more-research-into-microplastics-and-a-crackdown-on-plastic-pollution https://www.who.int/fr/news/item/22-08-2019-who-calls-for-more-research-into-microplastics-and-a-crackdown-on-plastic-pollution Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 28/72 2 La réponse actuelle à la pollution par les micro- plastiques issus du textile demeure très incomplète 2.1 Les émissions de micro-plastiques textiles sont peu prises en compte dans la règlementation européenne L?Union européenne a mis en place une règlementation conséquente pour lutter contre la pollution par le plastique et limiter les risques pour l?environnement et la santé qu?elle est susceptible d?entrainer, principalement à travers le paquet57 économie circulaire58, qui contient une stratégie sur les matières plastiques59 et une stratégie textile60 , et le règlement REACH, qui règlemente l?usage des produits chimiques. Elle défend également à l?échelle internationale l?adoption d?un traité sur le plastique et limite les exportations de déchets, notamment plastiques, vers les pays tiers. Néanmoins, les micro-plastiques apparaissaient jusqu?à présent comme le parent pauvre de ce très riche cadre règlementaire européen, le pacte vert pour l?Europe annonçant des objectifs de réduction des émissions de micro-plastiques et non des mesures concrètes : le nouveau plan d?action pour une économie circulaire et la stratégie de l?UE sur les matières plastiques prévoient la prise de mesures visant à lutter contre la pollution due aux micro-plastiques qui sont ajoutés intentionnellement à des produits (aux cosmétiques, détergents, peintures, par exemple) et à ceux qui sont rejetés de manière non intentionnelle dans l?environnement (par les pneumatiques et les textiles synthétiques, par exemple), mais n?ont pas encore été traduites dans les faits ; le plan d?action de l?UE intitulé « Vers une pollution zéro dans l?air, l?eau et les sols »61 fixe l?objectif de réduction d?ici 2030 dans l?UE des déchets plastiques en mer de 50% et des micro-plastiques de 30%. 2.1.1 Une règlementation de l?économie circulaire qui s?oriente enfin vers la réduction de la pollution micro-plastique 2.1.1.1 Un paquet économie circulaire focalisé sur la recyclabilité du plastique Le paquet économie circulaire s?est initialement focalisé sur la gestion des déchets, puis sur le réemploi et le recyclage, et enfin sur la sobriété mais seulement du plastique à usage unique. La stratégie de l?Union européenne pour des textiles durables et circulaires énonce le problème posé par les micro-plastiques d?origine textile, mais renvoie à des décisions ultérieures. Sur demande de la Commission européenne, l?ECHA a préparé un dossier justifiant la restriction 57 Paquet : train de mesures 58 « Communication ? Un nouveau plan d?action pour une économie circulaire, pour une Europe plus propre et plus compétitive » 11/03/2020 https://eur-lex.europa.eu/resource.html?uri=cellar:9903b325-6388-11ea-b735- 01aa75ed71a1.0017.02/DOC_1&format=PDF et son annexe https://eur-lex.europa.eu/resource.html?uri=cellar:9903b325-6388-11ea-b735- 01aa75ed71a1.0017.02/DOC_2&format=PDF 59 « Communication ? Une stratégie européenne sur les matières plastiques dans une économie circulaire » 16/01/2018 https://eur-lex.europa.eu/legal- content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:52018DC0028&from=SK#:~:text=En%202030%2C%20tous%20les%20emba llages,pour%20toutes%20les%20grandes%20applications. 60 Stratégie de l?Union européenne pour des textiles durables et circulaires du 30/03/2022 https://eur- lex.europa.eu/resource.html?uri=cellar:9d2e47d1-b0f3-11ec-83e1-01aa75ed71a1.0001.02/DOC_1&format=PDF 61 Plan d?action « Vers une pollution zéro dans l?air, l?eau et le sol » PUBLIÉ https://eur-lex.europa.eu/resource.html?uri=cellar:9903b325-6388-11ea-b735-01aa75ed71a1.0017.02/DOC_1&format=PDF https://eur-lex.europa.eu/resource.html?uri=cellar:9903b325-6388-11ea-b735-01aa75ed71a1.0017.02/DOC_1&format=PDF https://eur-lex.europa.eu/resource.html?uri=cellar:9903b325-6388-11ea-b735-01aa75ed71a1.0017.02/DOC_2&format=PDF https://eur-lex.europa.eu/resource.html?uri=cellar:9903b325-6388-11ea-b735-01aa75ed71a1.0017.02/DOC_2&format=PDF https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:52018DC0028&from=SK%23:~:text=En%202030%2C%20tous%20les%20emballages,pour%20toutes%20les%20grandes%20applications. https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:52018DC0028&from=SK%23:~:text=En%202030%2C%20tous%20les%20emballages,pour%20toutes%20les%20grandes%20applications. https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:52018DC0028&from=SK%23:~:text=En%202030%2C%20tous%20les%20emballages,pour%20toutes%20les%20grandes%20applications. https://eur-lex.europa.eu/resource.html?uri=cellar:9d2e47d1-b0f3-11ec-83e1-01aa75ed71a1.0001.02/DOC_1&format=PDF https://eur-lex.europa.eu/resource.html?uri=cellar:9d2e47d1-b0f3-11ec-83e1-01aa75ed71a1.0001.02/DOC_1&format=PDF Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 29/72 d?usage des micro-plastiques ajoutés intentionnellement à certains produits. Ce dossier ne traite pas des micro-plastiques issus des textiles. L?ECHA a néanmoins, dans ce cadre, produit une définition des micro-plastiques - de petites particules solides composées de polymères synthétiques d?une taille inférieure à 5 mm - définition qui recoupe celles évoquées précédemment au point 1.1. Le paquet économie circulaire prévoyant l?examen des différentes options politiques pour la réduction des micro-plastiques, une « initiative » a été lancée en novembre 2021 visant à améliorer la connaissance sur les risques et la présence de micro-plastiques dans l?environnement et à permettre la définition de « mesures visant à réduire la présence dans l?environnement de micro- plastiques libérés non intentionnellement à partir des pneumatiques, des textiles et des granulés plastiques ». Pour les décisions concernant les micro-plastiques ajoutés intentionnellement et les granulés industriels, la prise de décision se fera sur la base de l?avis de l?ECHA. L?initiative cherche également à « élaborer des mesures en matière d?étiquetage, de normalisation, de certification et de réglementation relatives à la libération non intentionnelle de micro-plastiques, en particulier pour accroître la capture des micro-plastiques à tous les stades du cycle de vie des produits ». Enfin, elle veut développer et harmoniser davantage les méthodes de mesure des micro-plastiques libérés non intentionnellement, en particulier par les pneumatiques et les textiles, pour pouvoir fournir des données harmonisées sur les concentrations de micro- plastiques. La Commission constate que les approches volontaires ont atteint leurs limites : en raison de la complexité des rejets et des chaines de valeur, elles ne parviennent pas à fixer d?objectifs de réduction. Pour les textiles synthétiques, différentes options sont examinées dans le cadre de cette initiative : ? mettre en oeuvre des exigences en matière d?écoconception, notamment promouvoir l?uti- lisation de nouveaux matériaux tels que les fils biodégradables ; ? améliorer les procédés de fabrication, dont la possibilité de prélaver les vêtements avant leur mise sur le marché ; ? établir des règles pour éviter que les produits ne deviennent des déchets, en instaurant notamment des systèmes de reprise ; ? favoriser le contenu recyclé ou le remanufacturage ; ? appliquer des filtres ou d?autres solutions techniques aux lave-linges, lave-linges séchants et sèche-linges ; ? séparer les micro-plastiques des boues dans les stations d?épuration ; ? fixer des exigences minimales en matière de durabilité et/ou d?information, et étiqueter les produits en fonction de leur niveau d?émission de micro-plastiques ; ? stimuler les démarches volontaires des entreprises. Une communication était attendue à l?issue de cette initiative, initialement avant la négociation internationale de mai 2023 sur le traité sur les plastiques. Elle a été reportée à juillet 2023 et n?est pas encore parue à l?heure de l?écriture de ce rapport. 2.1.1.2 L?écoconception pour répondre aux enjeux climatiques plus qu?à la pollution Autre champ du paquet économie circulaire, les règles européennes en matière d?écoconception des produits étaient jusqu?à présent orientées sur les produits consommateurs d?énergie62 dans une démarche de réduction de l?empreinte carbone de l?Union européenne. La directive écoconception s?accompagne néanmoins d?un règlement d?application sur l?écoconception des machines à laver le linge63, qui ne traite pas de la question des micro-plastiques, mais encourage 62 Directive 2009/125/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 établissant un cadre pour la fixation d?exigences en matière d?écoconception applicables aux produits liés à l?énergie 63 Règlement UE 2919/2023 du 1er octobre 2019 établissant des exigences en matière d?écoconception applicables aux lave-linges ménagers et aux lave-linges séchant ménagers conformément à la directive 2009/125/CE modifiant le règlement CE 1275/2008 PUBLIÉ Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 30/72 à le faire lors de la révision du règlement en 2025, dans son article 8 point f « Réexamen » : « La Commission réexamine le présent règlement à la lumière du progrès technologique et présente au forum consultatif les résultats de ce réexamen, accompagnés le cas échéant d?un projet de proposition de révision, le 25 décembre 2025. Le réexamen porte notamment sur les éléments suivants : la faisabilité et l?opportunité de nouvelles exigences en vue de réduire les micro- plastiques présents dans les eaux évacuées, telles que des filtres ». Un processus de révision de la règlementation relative à l?écoconception est en cours d?adoption (voir 2.4.3). Par ailleurs, la Commission européenne a rendu publique une recommandation 2021/2279 du 15 décembre 2021 relative à l?utilisation de méthodes d?empreinte environnementale pour mesurer et indiquer la performance environnementale des produits (PEFCR64) et des organisations (OEFSR) sur l?ensemble du cycle de vie puis par le projet de directive de mars 2023 modifiant les directives 2005/29/CE et 2011/83/UE pour donner aux consommateurs les moyens d?agir en faveur de la transition écologique grâce à une meilleure protection contre les pratiques déloyales et de meilleures informations. On mentionnera également l?encouragement de la Commission européenne à prendre en compte, dans l?affichage environnemental, la question sur les émissions de micro-plastiques. Ainsi le projet de directive sur la justification et la communication des allégations environnementales, en cours d?examen par le Parlement européen et le Conseil, mentionnent le secteur textile comme pouvant faire partie des secteurs disposant de règles de catégorisation de leur empreinte environnementale et les émissions de micro-plastiques comme pouvant être un des facteurs pris en compte. 2.1.1.3 Une définition de la biodégradabilité qui tient imparfaitement compte de la capacité du plastique à se diviser en microparticules La règlementation européenne définit la biodégradabilité des plastiques (European standard EN 17033:2018). Néanmoins cette définition a été fortement critiquée comme n?ayant pas pris en compte les dernières étapes de dégradation des polymères et comme conduisant notamment à considérer comme compostables65 des plastiques dont l?échelle de dégradation ne respectait pas les critères de la biodégradabilité telle que définie précédemment dans le présent rapport (voir 1.2.3). Dans une communication du 30 novembre 202266 , la Commission manifeste qu?elle a pris en compte ces critiques puisqu?elle indique que les plastiques biodégradables selon cette norme doivent être utilisés seulement lorsqu?il n?existe pas de solution alternative et qu?ils doivent faire l?objet de nouvelles séries de tests et de certifications. En outre, elle ajoute que des risques sont également associés aux additifs utilisés dans de tels produits si ces additifs ne sont pas eux- mêmes biodégradables. Elle souhaite également que la mention de biodégradabilité de ces produits plastiques soit accompagnée d?informations sur les conditions et la temporalité de la biodégradation des produits. 64 Product Environnemental Footprint Category Rule. Méthode européenne qui repose sur une approche multicritères et basée sur l?ensemble du cycle de vie des produits rt qui permet d?harmoniser le calcul de leur empreinte environnementale. 65 Est considéré comme compostable un produit biodégradable en conformité avec les normes NF EN 13432 :2000 (compostage industriel) et NF T 51-800 :2015 (compostage domestique). Selon l?ANSES : Les matières plastiques « compostables » sont des matières plastiques biodégradables qui se dégradent dans des conditions spécifiques (température, hygrométrie) de compostage, qu?il soit industriel ou domestique. Selon les normes actuelles, ces matières doivent se dégrader à plus de 90 %, dans un délai maximum de 6 ou 12 mois selon qu?il s?agit de compostage en conditions industrielles ou domestiques. https://www.anses.fr/fr/proscrire-matieres- plastiques-biodegradables-compost 66 https://environment.ec.europa.eu/system/files/2022-12/COM_2022_682_1_EN_ACT_part1_v4.pdf PUBLIÉ https://www.anses.fr/fr/proscrire-matieres-plastiques-biodegradables-compost https://www.anses.fr/fr/proscrire-matieres-plastiques-biodegradables-compost https://environment.ec.europa.eu/system/files/2022-12/COM_2022_682_1_EN_ACT_part1_v4.pdf Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 31/72 2.1.2 Une règlementation des produits chimiques qui n?intègre pas les micro-plastiques Les micro-plastiques en général ne rentrent pas dans les classifications en lien avec REACH : ils ne sont pas, en particulier, classés SVHC67 en tant que tels et les polymères sont exemptés des démarches d?enregistrement et d?évaluation propres au règlement REACH. On mettra néanmoins en avant les évolutions récentes dans différents textes européens sur l?interdiction et la limitation de certains produits chimiques susceptibles d?être intégrés comme additifs dans des polymères utilisés dans la fabrication de fibres textiles. Ainsi, le règlement POP (polluants organiques persistants)68 a été modifié le 28 octobre 2021 pour notamment interdire deux produits pouvant figurer dans les textiles : l?acide perfluorooctanoic (PFOA) (textiles imperméables) et le pentachlorophénol. 2.1.3 Une règlementation sur la pollution de l?eau et de l?air qui n?intégrait pas les micro-plastiques Les règlementations européennes relatives à la qualité de l?eau et de l?air ne traitaient pas la question des micro-plastiques. La DCSMM 69 définit certes les micro-plastiques comme des déchets contre lesquels il faut lutter. Mais la DCE70 n?évoque pas les micro-plastiques dans la qualité de l?eau. La règlementation européenne relative à l?assainissement des eaux usées (Directive ERU71 et règlement sur la nature des boues d?épuration72) n?évoque pas non plus le problème posé par les micro-plastiques présents dans le processus d?assainissement et dans les boues. Néanmoins, la nouvelle directive relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine adoptée le 16 décembre 202073 prévoit la création d?une « liste de vigilance » recensant les pollutions émergentes parmi lesquelles figurent les micro-plastiques. Elle charge la Commission européenne d?adopter « au plus tard le 12 janvier 2024, [?] des actes délégués [?] afin de compléter la présente directive en adoptant une méthode de mesure des micro-plastiques afin de les faire figurer sur la liste de vigilance ». La Commission devra par ailleurs présenter d?ici le 12 janvier 2029, un rapport sur le danger potentiel que représentent, pour les sources d?eau potable, les micro-plastiques. Une évaluation du règlement sur les boues d?épuration a été lancée en parallèle, avec consultation du public en 2020 et publication en mai 202374. Même si elle constate qu?environ 1% du poids des 67 Substance extrêmement préoccupantes qui doivent être contrôlées et substituées par d?autres substances dont les propriétés ne sont pas préoccupantes et sont soumises à autorisation 68 Règlement UE 2019/1021 69 Directive 2008/56/EC du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de la politique pour le milieu marin (directive-cadre « stratégie pour le milieu marin ») 70 Directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau 71 Directive eaux résiduaires urbaines 91/271/EEC du 21 mai 1991 https://aida.ineris.fr/node/25697/printable/pdf 72 Règlement du 21 juin 1986 sur la protection de l?environnement, et en particulier du sol, quand les boues d?épuration sont utilisées en agriculture, modifiée en 1991, 2003, 2009, et 2019. 73 https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32020L2184 74 https://ec.europa.eu/info/law/better-regulation/have-your-say/initiatives/12328-Utilisation-des-boues- depuration-dans-lagriculture-Evaluation_fr PUBLIÉ https://aida.ineris.fr/node/25697/printable/pdf https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32020L2184 https://ec.europa.eu/info/law/better-regulation/have-your-say/initiatives/12328-Utilisation-des-boues-depuration-dans-lagriculture-Evaluation_fr https://ec.europa.eu/info/law/better-regulation/have-your-say/initiatives/12328-Utilisation-des-boues-depuration-dans-lagriculture-Evaluation_fr Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 32/72 boues d?épuration est constituée de micro-plastiques 75 , cette évaluation conclut que cette contamination ne peut être quantifiée à ce stade et renvoie la prise de décision à une meilleure articulation avec la révision de la directive DERU qui est en cours76. Concernant la pollution de l?air, les micro-plastiques sont totalement absents des normes européennes77, même des actes en cours de révision. La règlementation des particules fines (PM10 et PM2,5) ne définit pas leur composition chimique et fait seulement référence à leur taille (particules allant jusqu?à 10 microns ou 2,5 microns dans leur plus grande dimension). Les nano-plastiques pourraient donc être intégrés dans cette catégorie. Néanmoins les microfibres semblent échapper à ce cadre, d?une part, en raison de leurs dimensions, et d?autre part, parce qu?elles seraient surtout présentes dans l?air ambiant intérieur, qui ne fait pas l?objet de textes européens actuellement. 2.1.4 Une règlementation sur l?exportation des déchets ne permettant pas leur contrôle Enfin, les déchets textiles ne font pas partie des produits exclus d?exportation78 et le contrôle insuffisant des conditions dans lesquelles ils sont gérés dans les pays de destination, en particulier dans les pays en développement, représente une lacune majeure de la règlementation actuelle. En conséquence, l'exportation de certains déchets depuis l'UE a créé des problèmes environnementaux et de santé publique dans les pays de destination. Le texte est lui aussi en cours de révision afin de renforcer notamment l?autorisation d?accès aux pays tiers des exportations susceptibles de causer des dommages environnementaux dans le pays importateur. 2.2 Les mesures adoptées en France sont insuffisantes 2.2.1 Une règlementation française centrée sur la REP et le recyclage qui ne règle pas la pollution par les micro-plastiques textiles Pour améliorer l?empreinte environnementale des textiles, les pouvoirs publics français ont adopté des dispositions qui encouragent le recyclage79 et l?incorporation de matières recyclées dans les étoffes mises sur le marché. Avant de les présenter, il convient de restituer le contexte de la responsabilité élargie des producteurs, qui concerne également le secteur des textiles, linges de maison et chaussures (TLC). 2.2.1.1 Le principe de la responsabilité élargie des producteurs et son application au secteur du textile La responsabilité élargie du producteur (REP) est une déclinaison à la fois du principe « pollueur- payeur » posé par l?article 4 de la Charte de l?environnement mais aussi, depuis la loi AGEC, du 75 ?Microplastics removal from a primary settler tank in a wastewater treatment plant and estimations of contamination onto European agricultural land via sewage sludge recycling, Environmental Pollution, Volume 304, 2022 https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0269749122004122 76 Au moment de l?écriture de ce rapport, la révision de la DERU est en cours d?examen par le conseil et le Parlement européen. La poursuite de l?examen des textes est inscrite à l?agenda du 2nd semestre 2023. 77 https://eur-lex.europa.eu/resource.html?uri=cellar:2ae4a0cc-55f8-11ed-92ed- 01aa75ed71a1.0001.02/DOC_3&format=PDF 78 Règlement sur l?exportation de déchets amendant les règlement 1257/2013 et 2020/1056 du 17/11/2021. Les produits textiles sont listés B3030 et ne sont pas couvert par l?interdiction d?exportation, n?étant pas couverts par la convention de Bâle. 79 L?article L. 541-1-1 du code de l?environnement définit ainsi le recyclage : « toute opération de valorisation par laquelle les déchets, y compris les déchets organiques, sont retraités en substances, matières ou produits aux fins de leur fonction initiale ou à d'autres fins. » PUBLIÉ https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0269749122004122 https://eur-lex.europa.eu/resource.html?uri=cellar:2ae4a0cc-55f8-11ed-92ed-01aa75ed71a1.0001.02/DOC_3&format=PDF https://eur-lex.europa.eu/resource.html?uri=cellar:2ae4a0cc-55f8-11ed-92ed-01aa75ed71a1.0001.02/DOC_3&format=PDF Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 33/72 principe de prévention qui résulte de l?article 3 de la même Charte. Ce dispositif, initié en France en 1992 pour les déchets ménagers et conforté au niveau de l?Union européenne par la directive cadre sur les déchets de 2008 80 , prévoit en effet désormais que les acteurs économiques (fabricants, distributeurs, importateurs, exportateurs) sont responsables de l?ensemble du cycle de vie des produits qu?ils mettent sur le marché, de leur écoconception jusqu?à la fin de leur vie. En pratique, dans chaque filière pour laquelle un mécanisme de REP a été instauré, ces acteurs doivent assumer la charge financière de la collecte sélective puis du recyclage ou du traitement des déchets issus de leur production. Ils peuvent le faire de façon individuelle ou collective dans le cadre d'un éco-organisme. Dans ce dernier cas, ils adhèrent à une société agréée par les pouvoirs publics à laquelle ils versent une contribution financière. La loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et l?économie circulaire dite « loi AGEC » a ajouté aux obligations préexistantes, celles d?adopter une démarche d'écoconception des produits, de favoriser l'allongement de la durée de vie des produits, de soutenir les réseaux de réemploi, de réutilisation et de réparation, de contribuer à des projets d'aide au développement en matière de collecte et de traitement de leurs déchets et de développer le recyclage des déchets issus des produits. S?agissant du champ d?application du dispositif, la loi AGEC a étendu la REP en vigueur depuis 2008 pour les textiles d?habillement, des chaussures et le linge de maison (TLC), aux produits textiles neufs pour la maison81. La mission s?est demandée pourquoi les vêtements professionnels ou du moins certains d?entre eux n?étaient pas soumis à la filière REP d?autant qu?ils incorporaient bien souvent des plastiques. À la suite de réflexions engagées en 2014, le choix a été fait de susciter des projets volontaires de la part des entreprises ou des administrations. La structuration d?une filière de réemploi / recyclage industrielle des vêtements professionnels (projet "FRIVEP") a été l?un des quatre premiers engagements pour la croissance verte, signé le 27 avril 2016. Cette démarche a notamment débouché sur la rédaction d?un livret d?écoconception des vêtements professionnels en 202082. L?éco-organisme qui assure les obligations des producteurs de déchets textiles s?ils le souhaitent est Refashion (ex Eco TLC), agréé depuis 2019 et dont l?agrément a été renouvelé par arrêté du 23 décembre 2022. Un nouveau cahier des charges lui a été fixé par arrêté du 23 novembre 202383 quant à ses objectifs en matière de collecte et de valorisation des textiles usagés. 2.2.1.2 Une politique de recyclage qui ne répond pas à la pollution par les micro- plastiques Au sens de la loi française, le recyclage ne se traduit pas nécessairement par la fabrication du produit pour le même usage. On distingue à cet égard, le recyclage en boucle fermée (même usage) 80 2008/98/CE du 19 novembre 2008 81 Art. L. 541-10-1 du code de l?environnement 82 « Livret d?écoconception des vêtements professionnels ; retours d?expériences du projet FRIVEP » réalisé par OREE en juin 2020 83 Nouveaux objectifs : ? Taux de collecte des TLC usagés : 60% en 2028, ? TLC usagés triés devant être réemployés ou réutilisés : 120 000 tonnes en 2024, ? Taux de réutilisation / réemploi à moins de 1 500 km du lieu de collecte : 15% en 2027, ? Taux de recyclage des TLC usagés non réutilisées : 70% en 2024, 80% en 2027, ? Taux de recyclage des TLC usagés intégrant au moins 90% de matières synthétiques plastiques non réutilisées : 50% en 2025, 90% en 2027, ? Au plus 0,5 % des TLC collectés ou soutenus sont éliminés (stockage, incinération sans valorisation éner- gétique). Source : site du ministère de la transition écologique PUBLIÉ Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 34/72 du recyclage en boucle ouverte (destination différente à la suite d?altération des propriétés du plastique). D?ailleurs l?article R. 541-221 du code de l?environnement définit la recyclabilité comme la capacité de recyclage effective des déchets issus de produits identiques ou similaires. Si la matière recyclée issue du recyclage représente plus de 95% du déchet collecté, le produit peut porter la mention « produit entièrement recyclable ». En tout cas, cette part doit être supérieure ou égale à 50% de la masse du déchet collecté. Si l?usage et la destination du produit recyclé sont identiques et sans perte fonctionnelle, l?information peut indiquer « produit recyclable en un produit de même nature ». Des sommes considérables sont investies dans la politique de recyclage du textile, notamment dans la recherche appliquée. Cette politique est à vrai dire en ligne avec les objectifs de l?UE en matière de recyclage des plastiques. Techniques de recyclage des plastiques On distingue le recyclage mécanique et le recyclage chimique. Le recyclage mécanique conduit à broyer, laver, retrier, extruder puis transformer en granulés des polymères homogènes sans que soit modifiée leur structure. Le recyclage chimique englobe toute technologie de retraitement utilisant des agents ou des procédés chimiques qui affectent directement le plastique ou le polymère lui-même. Trois grandes familles de technologie existent : la purification à l?aide de solvants, la dépolymérisation, la dépolymérisation thermique L?OPESCT considère que « la filière mondiale du recyclage chimique est toujours en phase de test ». La France compterait 13 projets de recyclage chimique. Source : note n°39 de l?Office parlementaire d?évaluation des choix scientifiques et techniques (OPECST) « Le recyclage des plastiques » juin 2023 Les autorités françaises ont mis en place des mesures incitatives pour encourager le recyclage. a) des objectifs particulièrement ambitieux sont assignés à Refashion qui peut les traduire via des éco-modulations. Ces objectifs de recyclage de plus de 50% des TLC usagés sont à comparer aux 32% du taux de recyclage constaté en 2021. En trois ans, ce taux doit plus que doubler, surtout lorsque les produits d?origine intègrent beaucoup de plastiques. Pour l?atteindre, l?éco-organisme Refashion va devoir inciter les producteurs, importateurs et distributeurs par tous les outils mis à sa disposition et notamment les éco-modulations. Les éco-modulations L?article L. 541-10-3 du code de l?environnement permet des modulations des contributions financières des producteurs, sous forme de primes ou de pénalités, au regard des meilleures techniques disponibles en fonction de critères de performance environnementale (notamment la quantité de matière utilisée, l?incorporation de matière recyclée, l?emploi de ressources renouvelables gérées durablement, la durabilité, la réparabilité, les possibilités de réemploi ou de réutilisation, la recyclabilité, l?absence d?écotoxicité). Les éco-modulations sont soumises pour avis au comité des parties prenantes84, prévu par l?article L. 541-10 du code de l?environnement, puis sont arrêtées par le ministre chargé de l?environnement après avis de la commission interfilière. L?éco-modulation ne doit pas dépasser 20% du montant du prix de vente du produit. Le cahier des charges prévoit des éco-modulations positives ou négatives en fonction du respect de l?affichage environnemental quand il sera en vigueur et de la recyclabilité des TLC après production d?une étude. 84 Selon l?article L. 541-10, chaque éco-organisme crée un comité des parties prenantes, composé notamment de producteurs, de représentants de collectivités territoriales, d?associations de protection de l?environnement agréées, d?association de protection des consommateurs ainsi que d?opérateurs de la prévention et de la gestion des déchets, dont ceux de l?économie sociale et solidaire PUBLIÉ Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 35/72 Mais, actuellement, seules des éco-modulations positives sont versées sous forme de primes aux producteurs de déchets en fonction de la durabilité des TLC, des certifications par des labels environnementaux (huit sont sélectionnées par l?arrêté85 mais l?éco-organisme peut en proposer d?autres après avis du comité des parties prenantes) et de la quantité de matières recyclées dans les produits. b) des obligations d?étiquetage : L?article L. 541-9-1 du code de l?environnement et son décret d?application86 prévoient, selon un calendrier échelonné en fonction de la taille des entreprises et de leurs ventes87, que les textiles d?habillement et linge de maison neufs comportant des matières recyclées devront mentionner cette composition (R. 541-221- III) et qu?ils devront également indiquer leur recyclabilité (R. 541- 221-VI) en signalant s?ils sont majoritairement ou entièrement recyclables (recyclables à plus de 95%) ou encore « recyclable en un produit de même nature » ; cette obligation ne pèse que si cinq critères88 qui définissent la recyclabilité sont tous remplis. Sur ce dernier point, Refashion a fait savoir à ses adhérents qu?il considérait qu?aucun d?entre eux n?était à ce jour soumis à l?obligation d?informer les consommateurs car les cinq critères précédemment évoqués n?étaient pas tous réunis. En effet, cet éco-organisme considère que la filière REP TLC est tournée depuis son origine vers la réutilisation des produits, en application de la hiérarchie des modes de traitement des déchets inscrite à l?article L. 541-1 du code de l?environnement et qu?ainsi elle ne dispose pas des capacités de recyclage suffisantes pour répondre au 5ème critère. En 2021, le taux de réutilisation des déchets TLC atteignait 58% et le recyclage 32%. Refashion s?engage en revanche à réévaluer régulièrement la recyclabilité des produits TLC en fonction de l?évolution de la filière à plus et mieux recycler. c) Les plans de prévention et d?écoconception : L?article L. 541-10-12 du code de l?environnement, auquel sont soumis tous les producteurs de déchets, leur impose d?établir tous les cinq ans un plan de prévention et d?écoconception. Qu?ils soient individuels ou communs à plusieurs entreprises, ils doivent nécessairement comporter des chapitres expliquant comment ils comptent réduire l?usage des ressources non renouvelables, accroitre l?utilisation de matières recyclées et la recyclabilité des produits. Dans le secteur des TLC, ils devaient être transmis à Refashion (même si l?entreprise n?est pas adhérente) avant le 31 juillet 2023 qui doit en faire une synthèse à la fin de l?année. L?éco-organisme met en ligne des outils pour aider les entreprises à remplir cette nouvelle obligation (guide de rédaction, trame vierge et pré-remplie avec des exemples d?indicateurs et d?objectifs). En premier lieu, la mission souligne là encore la priorité accordée au recyclage. Par ailleurs, l?objectif de réduction des ressources non renouvelables n?est pas détaillé. 85 Ecocert textile, Oeko-tex, Made in Green, Bluesign, Fairtrade, Ecolabel Européen, Demeter, GOTS et Bioré 86 Décret n° 2022-748 du 29 avril 2022 qui a créé les articles R. 541-220 à 223 du code de l?environnement 87 À compter du 1er janvier 2023 pour les entreprises dont le chiffre d?affaires dépasse 50 M ¤ et qui mettent chaque année plus de 25 000 unités, du 1er janvier 2024 pour celles pour lesquelles ces données sont supérieures respectivement à 20M¤ et 10 000 unités, et du 1er janvier 2025 pour celles pour lesquelles elles sont supérieures à 10M¤ et 10 000 unités, 88 Les 5 critères sont les suivants : « 1° La capacité à être efficacement collecté à l?échelle du territoire, via l?accès de la population à des points de collecte de proximité ; 2° La capacité à être trié, c?est-à-dire orienté vers les filières de recyclage afin d?être recyclé ; 3° L?absence d?éléments ou substances perturbant le tri, le recyclage ou limitant l?utilisation de la matière recyclée ; 4° La capacité à ce que la matière recyclée produite par les processus de recyclage mis en oeuvre représente plus de 50 % en masse du déchet collecté ; 5° La capacité à être recyclé à l?échelle industrielle et en pratique, notamment via une garantie que la qualité de la matière recyclée obtenue est suffisante pour garantir la pérennité des débouchés, et à ce que la filière de recyclage puisse justifier d?une bonne capacité de prise en charge des produits pouvant s?y intégrer ». PUBLIÉ Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 36/72 En second lieu, elle considère, qu?en l?état des connaissances, le recyclage n?est pas une solution au problème de la pollution micro-plastique puisque, a priori, rien ne permet de penser que les textiles issus du recyclage sont moins émetteurs de micro-plastiques que le textile d?origine. Tout d?abord, la pollution par les micro-plastiques en provenance des plastiques recyclés et des opérations de recyclage n?est pas connue. La mission n?a pas connaissance de recherches sur ces sujets pourtant essentiels compte tenu des objectifs de recyclage que notre pays poursuit. L?OPESCT relève seulement que le laboratoire national de métrologie propose de mettre en place un observatoire national sur les matériaux recyclés afin d?évaluer les risques émergents liés au développement du recyclage89. En absence de données sur cette question, la mission postule que le relargage de micro-plastiques par des étoffes produites à partir de plastiques recyclés, qu?ils proviennent de bouteilles ou de jeans, est identique à celui des produits composés de plastiques qui ont subi des opérations de recyclage. Autrement dit, au mieux, le problème ne fait que perdurer. Il peut aussi être amplifié tout au long du cycle de vie de la nouvelle étoffe. Ensuite, des limites techniques demeurent : seuls quelques textiles peuvent être recyclés à l?identique et pendant un temps limité. Le reste subit des déclassements progressifs. Dans ces conditions, l?OPECST estime que le recyclage n?est qu?un « amortisseur temporel de la formation des déchets, sans les éviter ». Nathalie Gontard fait la même analyse90. En outre, elle souligne que « les industries de la mode (?) proposent de nouvelles fibres textiles en plastique recyclé pour remplacer les fibres vierges ou naturelles ». Enfin et ce n?est pas la moindre des observations, l?accent trop important mis sur le recyclage ne respecte pas la hiérarchie des modes de traitement des déchets, qui devrait pourtant être la boussole des politiques publiques en application de l?article 4 de la directive cadre déchets 2008/98 transposé à l?article L. 541-1 du code de l?environnement en France. Cet article donne la priorité à la prévention et à la réduction des déchets notamment via la conception et les actions en faveur du réemploi des produits. Ensuite, lorsque les déchets sont inévitables, il privilégie dans l?ordre : la préparation à leur réutilisation, leur recyclage, toute autre valorisation, enfin seulement leur élimination. 2.2.2 La loi AGEC tente d?apporter une solution avec l?équipement obligatoire de filtres à micro-plastiques dans les lave-linges La loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et l?économie circulaire, dite « loi AGEC », comporte de nombreuses dispositions relatives à la lutte contre la pollution plastique, notamment les micro-plastiques. Son article 79, modifié depuis par l?article 47 de la loi n° 2021-1104 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite « loi Climat et Résilience », prévoit qu?à compter du 1er janvier 2025 les lave-linges neufs domestiques ou professionnels vendus en France seront dotés d?un filtre à microfibres de plastique ou de toute autre solution interne ou externe permettant leur captation. L?entrée en vigueur de cette disposition est conditionnée à la publication des textes réglementaires qui en fixeront les modalités d?application. Ces projets sont en cours de rédaction à la date de rédaction du présent rapport. Cette mesure nécessite le développement par le secteur industriel de l?électroménager, qui n?est pourtant pas le pollueur au sens de l?application du principe pollueur-payeur ou du dispositif de REP, de tels produits. 89 « Le recyclage des plastiques », Note scientifique de l?OPESCT de juin 2023 90 « Plastique : le grand emballement » page 155, Nathalie Gontard avec Hélène Seinglier : édition Stock, 2020 PUBLIÉ Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 37/72 À ce stade, le marché ne compte que deux machines à laver le linge domestiques ainsi équipées. Le groupe Arcelik met sur le marché deux produits ? l?un sous la marque Beko® qui a créé le produit et l?autre sous la marque Grundig® - équipés d?un « Fibercatcher », un filtre intégré dans une cartouche située à l?arrière du bac à lessive. La technologie ne s?active que sur le programme synthétique, car sinon les microfibres naturelles de coton également relarguées lors des lavages la rendraient inopérante. Le circuit d?évacuation de l?eau a été repensé pour que l?eau repasse par le bac à lessive et donc le filtre avant d?être rejetée. La technologie « Fibercatcher » capturerait « jusqu?à 90 % des microfibres plastiques émises lors du cycle de lavage ». La cartouche se change tous les 6 mois environ (en fonction du nombre de cycles dédiés au lavage synthétique) : elle coûte 19,99 euros, est fabriquée à partir de 98 % de plastique recyclé. Ces lave-linges sont vendus entre 599 et 699 euros91. La marque Electrolux® a fait un autre choix et propose un filtre externe qui s?adapte à toutes ses machines à laver le linge et s?installe sur le mur au niveau de la sortie d?eau de la machine. Le prix est similaire, machine et filtre, la promesse de captation est également de 90% de microparticules de plus de 45 microns. Le filtre seul coûte 79,90 euros et doit être nettoyé en rejetant les résidus dans la poubelle classique lorsque le voyant s?allume ; sa cartouche doit toutefois être changée tous les 6 mois environ, en fonction de la fréquence des cycles dédiés au lavage des vêtements synthétiques. Le kit Electrolux Filtre Micro-plastiques E9WHMIC1 est livré avec deux cartouches filtrantes, soit environ un an de lavages (en fonction des habitudes) avant le rachat d?une recharge de cartouches filtrantes, vendues par deux. D?autres produits sont également disponibles sur le marché mais ne sont pas proposés par les fabricants de lave-linges : autres types de filtres externes et sacs de lavage. On notera que tous ces produits nécessitent, au-delà de l?acte d?achat, un comportement volontaire de la part du ménage utilisateur, du lancement du bon programme, avec le regroupement du textile synthétique, au vidage/nettoyage/échange du filtre. L?industrie du secteur des lave-linges est mobilisée sur cet enjeu depuis l?adoption de la loi AGEC et du règlement européen prévoyant une modification en 2025 des règles d?écoconception des machines à laver le linge. Regroupée au sein d?APPLIA92, elle a réalisé une étude en 2020 confiée à RISE (Research Institute of Sweden)93 qui évalue le nombre de fibres micro-plastiques issues du lavage en machine dans l?Union européenne de 20 à 500 mg de microfibres de polyester issus des textiles, relâchées entre le 2ème et le 5ème lavage. En prenant comme hypothèses un nombre d?habitants de l?UE + UK de 513 M d?habitants, lavant 265 kg de linge par personne et par an dont 55% de textiles synthétiques, l?étude arrive à une émission de 15 000 tonnes de fibres émises par an après filtrage par les stations d?épuration qui sont supposées capter 90% des fibres mais ne traitent pas 10% des flux. 91 Sachant qu?un lave-linge premier prix (capacité de 5kg) a un prix aux alentours de 200 euros mais qu?un lave- linge de 9kg de classe énergétique A sans filtre atteint 600 euros. 92 APPLIA (Home Appliance for Europe) ? Représente les fabricants d?électroménager européen (Arcelik, Ariston, BSH, Candy, Daikin, De Longhi, Dyson, Electrolux, Groupe Atlantic, Gorenje, LG, Liebherr, Miele, Philips, Panasonic, Samsung, Seb, Smeg, Vestel, Vorwerk, Whirlpool). 93 RISE est un institut de recherche suédois impliqué dans les projets de recherche sur les micro-plastiques lancés par le gouvernement de la Suède. PUBLIÉ Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 38/72 Figure 11 : Nombre de fibres émises avec inclusion du 1er lavage (source : APLLIA)94 Néanmoins, en raison de l?absence à ce stade de méthodologie unifiée validée, l?industrie considère que des études supplémentaires sont nécessaires pour évaluer la capacité de captation des filtres, et même le niveau d?émission des fibres synthétiques. De nombreux facteurs entrent en ligne de compte : type de machine (domestique, laboratoire, commerciale), nombre de lavages, nature du filtre qui collecte les microparticules, lavage de la machine entre les tests, type d?étoffe (polymère mais aussi méthode de tissage/tricotage, type de fil, existence d?un prétraitement), température de lavage et type de détergent utilisé, quantité d?eau, etc. Elle reconnait néanmoins des tendances : ? la majorité des microparticules sont émises lors des premiers lavages jusqu?aux cycles 5 à 10 ; ? la température accroit le nombre de particules émises, ainsi que l?utilisation de détergent ; ? la finesse des mailles de captation des filtres est déterminante ; dans une étude menée en 2016 par des chercheurs de la Plymouth University, la taille moyenne des fibres récoltées était comprise entre 11,9 et 17,7 microns de diamètre ; autrement dit, une grande part de ces microplastiques seraient passés à travers les mailles du filtre Electrolux® ; ? les tests en laboratoire et ceux dans des machines commerciales sont tout autant valables, mais des conclusions sont difficiles à retirer des tests en laboratoire par rapport aux impacts sur les vêtements dans la vie réelle des produits. Il apparait donc que l?équipement obligatoire des lave-linges en filtres ne peut régler à lui seul la question de la pollution aux micro-plastiques pour les raisons suivantes : elle ne permet pas la captation de l?ensemble des fibres émises ; elle arrive à un stade avancé du cycle de vie du textile alors que les émissions les plus importantes interviennent lors de la fabrication et de la teinture des produits ; elle doit s?accompagner de la mise en place de procédés de traitements des résidus filtrés par les lave-linges et d?acteurs économiques en capacité de les prendre en charge ; son efficacité repose sur le respect par les particuliers d?un certain nombre de consignes, tout à fait nouvelles pour eux (récupérer les résidus et les déposer à certains endroits ou envoyer le filtre régulièrement à des entreprises qui le laveront et le retourneront aux usagers, voire, au regard des produits actuellement sur le marché, nettoyage du filtre externe), étant souligné que seuls les acquéreurs de nouvelles machines à laver le linge seront concernés. 94 Littérature review ? Microplastic emissions from textile laundry including emission scenarios for EU ? 08/10/2020 ? R. Landin, K. Jedvert, AC Hanning, A. Hakonen PUBLIÉ Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 39/72 Enfin, cette disposition soulève des questions vis-à-vis du droit de l?Union européenne. En premier lieu, on peut s?interroger sur sa conformité à l?article 34 du Traité sur le fonctionnement de l?UE (TFUE) qui prohibe les mesures équivalentes à une restriction de la libre circulation des marchandises au sein de l?Union. Cette interdiction est néanmoins levée si la mesure peut être regardée comme une exigence impérative d?intérêt général, nécessaire et proportionnée (art 36 du TFUE95). Toutefois, les observations précédentes conduisent à se demander si la Cour de justice considérerait qu?une telle exigence peut être en l?espèce reconnue. L?appréciation portée sur cette proportionnalité devra tenir compte des éléments qui figureront dans la communication de la Commission européenne attendue sur les micro-plastiques et notamment le maintien d?un objectif de révision du règlement écoconception des machines à laver le linge dès 2025. Et encore faudrait- il que cette révision soit acceptée par une majorité d?États membres. En tout état de cause, elle ne pourrait sans doute pas intervenir avant la fin de l?année 2027. Malgré toutes les difficultés et sous les réserves exposées précédemment, le filtre à particules micro-plastiques, interne ou externe aux lave-linges, peut constituer une des mesures permettant de réduire la pollution résultant des micro-plastiques d?origine textile. Elle pourrait devenir effective progressivement, au fur et à mesure du renouvellement du parc de lave-linges des particuliers. Néanmoins, il conviendrait, pour éviter tout contentieux, que l?échéance prévue par l?article 79 de la loi AGEC soit repoussée, voire que la disposition soit réécrite, en adaptant le dispositif français aux futures dispositions européennes. 2.2.3 La captation des micro-plastiques textiles dans les boues des stations d?épuration L?article L. 541-38 du code de l?environnement, modifié par la loi AGEC, prévoit que les référentiels des boues d?épurations doivent au plus tard le 1er juillet 2021 prendre en compte les « particules de plastiques » en fonction de l?évolution des connaissances. Les textes d?application96 permettant la mise en oeuvre de ces dispositions sont en cours d?écriture par les services de l?État (ministère de l?agriculture, avec le ministère de la transition écologique). Les projets de décret et d?arrêté ? qui vont entrer en consultation dans le courant du second semestre 2023 - prévoient effectivement une « teneur maximale en inertes et impuretés » dans lesquelles figurent les micro-plastiques d?une taille supérieure à 2 mm97. Comme indiqué précédemment, la révision en cours de la directive DERU va imposer la réalisation de telles évaluations. Les questions posées ici sont de deux ordres : ? Quels pourcentages de microparticules sont effectivement captées lors du traitement des eaux usées ? ? Quelles quantités de micro-plastiques sont ensuite transférés dans les sols via l?épandage des boues d?épuration des stations ? 95 Voir l?interprétation par la CJUE de l?article 36 du TFUE : CJUE, 11 septembre 2014, Essent Belgium, C-204/12 à C-208/12, pt. 90 ; CJCE, 20 septembre 1988, Commission c. Royaume de Danemark, C-302/86, pt. 9 ainsi que CJUE, 23 décembre 2015, Scotch Whisky Association, C-333/14, pt. 53. 96 L?article 86 de la loi AGEC prévoyait la révision des textes réglementaires applicables à l?épandage des boues d?épuration urbaines et industrielles, au plus tard le 1er juillet 2021, afin de mettre sur un pied d?égalité toutes les matières fertilisantes et supports de culture (MFSC), en fixant des critères de qualité agronomique et d?innocuité, « afin de s?assurer que leur mise sur le marché et leur utilisation ne portent pas atteinte à la santé et à l?environnement ». À partir de cette date, les MFSC ne respectant pas les nouveaux textes, n?auraient pu être valorisées en agriculture. 97 Projet : teneur maximale en plastique de +2 mm = 3 g/kg de matière sèche PUBLIÉ Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 40/72 Concernant la captation des microparticules de plastique par les stations d?épuration, la littérature scientifique estime que les stations d?épuration actuelles (à l?échelle mondiale) en retirent, lors du traitement des eaux usées, entre 58,8 et 99,9%98, et que 79% des micro-plastiques entrant dans la station d?épuration finissent dans les boues ou encore que l?on compte entre 1 000 et 300 000 microparticules de plastique dans 1kg de boues d?épuration. La littérature scientifique met également en avant le fait qu?en sus d?être une pollution en soi, les micro-plastiques sont également le véhicule potentiel d?autres contaminants (métaux lourds, bactéries, produits pharmaceutiques) qui sont transférés dans les sols et impactent leur qualité en tant qu?écosystème. De nouvelles technologies existent permettant de retirer jusqu?à plus de 98% des micro-plastiques présents dans les eaux usées en combinant des techniques conventionnelles de boues activées et un traitement par bioréacteur à membrane. Elles sont proposées par l?ensemble des industriels de la filière de traitement des eaux usées. Bioréacteur à membrane Un bioréacteur à membrane (BRM) est une technologie utilisée dans une station d?épuration pour améliorer la qualité de l?eau rejetée : elle fait usage de membranes de microfiltration ou d?ultrafiltration pour séparer l?eau traitée des flocs bactériens. Ces membranes ont une porosité inférieure à 0,1 µm et séparent toutes les bactéries et matières en suspension de l?eau épurée. Le module membranaire peut être immergé dans le bassin biologique ou placé à l?extérieur du bassin biologique. Les installations BRM sont généralement plus chères et consomment plus d?énergie que les stations d?épuration classiques. Leur gros avantage réside dans la très bonne qualité de leurs effluents. Différents types de membranes sont disponibles en fonction de la taille de l?installation et du type d?eau usée. En remplaçant l'étape traditionnelle de clarification gravitaire, la séparation membranaire supprime les contraintes liées à la décantation des boues : la qualité de rejet est donc parfaitement maîtrisée. Les problèmes posés par cette évolution technologique, qui permettrait la captation de la plupart des micro-plastiques, sont en premier lieu son prix et son calendrier de mise en oeuvre : elle implique en effet un équipement du parc national de stations d?épuration qui prendra du temps et aura un coût important, alors que la France est aujourd?hui déjà confrontée à un non-respect des obligations relatives à la directive eaux résiduaires urbaines (cf. rapport IGEDD 014474-0199 ). Actuellement, un nombre réduit de stations d?épuration (il s?agit en général de celles qui rejettent leurs effluents en zone sensible), ont été équipées de ce type d?installation. Cette technologie entraine par ailleurs un surcoût énergétique de fonctionnement. Les stations d?épuration en France En 2020, la France compte 22 331 usines de traitement des eaux usées représentant une capacité totale de 105 000 000 équivalent-habitants (EH). Les STEU délivrant au moins un traitement secondaire représentent 96 % de la capacité totale des installations en activité en France et celles assurant un traitement encore plus rigoureux couvrent 80 % de cette capacité totale. Le besoin de renouvellement annuel nécessaire pour maintenir la valeur du patrimoine d?assainissement est estimé entre 3,9 et 5,7 millions d?euros. Ce patrimoine ferait l?objet d?un sous-investissement, principalement dans le réseau, les postes de refoulement et les branchements, de l?ordre de 1,4 Mds/an. Cette évaluation ne prend pas en compte les nouveaux besoins (investissements eaux pluviales, lutte contre les micropolluants et les micro- plastiques). 98 ?Microplastic contamination in sewage sludge: Abundance, characteristics, and impacts on the environment and human health? - Environmental Technology & Innovation 31 (2023) 103176 ? 23 avril 2023 99 https://www.igedd.developpement-durable.gouv.fr/comment-ameliorer-durablement-la-collecte-et-le- a3734.html PUBLIÉ Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 41/72 Source : UIE - Étude patrimoniale eau Rapport 2022 Service des données et études statistiques du ministère de la transition écologique, 2020 Mais surtout, la mise en oeuvre du concept d?économie circulaire implique que les boues d?épuration soient utilisées au maximum de leurs capacités pour produire de l?énergie ou des produits annexes (matériaux de construction, engrais, source d?énergie pour la production de biogaz ou d?énergie à travers l?incinération). En France, 80% des boues d?épuration produites sont épandues dans les champs. Or l?usage des boues d?épuration comme engrais agricole conduit à répandre dans les sols des micro-plastiques, cette méthode devenant ainsi sans doute l?une des principales sources de contamination des sols par les micro-plastiques. Il en découle donc que, quand bien même l?ensemble des stations d?épuration seraient équipées de bioréacteurs membranaires d?ici 15 ans, les micro-plastiques captés dans les boues poseraient toujours le problème de leur gestion finale. Si l?épandage venait à être remis en cause pour être remplacé par une élimination des boues par incinération, les volumes de boues à traiter nécessiterait l?équipement des collectivités en incinérateurs, et donc de nouvelles dépenses publiques. Par ailleurs, des études indiquent que l?incinération des boues peut également être source de diffusion de micro/nano-plastiques dans l?air. Il convient enfin de rappeler qu?une partie des micro-plastiques restent véhiculés par les eaux pluviales (pneus et peintures routières) qui ne font pas l?objet de traitement dans les collectivités équipées de réseaux séparatifs. En conclusion sur ce point, la mission considère que l?utilisation des boues d?épuration comme fertilisant dans les champs agricoles devrait faire l?objet d?un examen plus poussé afin de minimiser les risques pour la santé humaine et les écosystèmes. Il convient de rappeler ici que l?épandage des boues d?épuration urbaines et industrielles ne représente que 12 à 13% des épandages en général100. L?arrêt ou la réduction de l?épandage des boues d?épuration sera donc principalement un problème de gestion desdites boues dont le principal usage final serait modifié101. 2.2.4 Les mesures qui prolongent la durée de vie des textiles ralentissent la pollution Face à des étoffes composées en tout ou partie de polymères dont les émissions sont principalement réalisées en début de cycle de vie, retarder leur fin de vie, et la gérer car elle est susceptible à nouveau de générer de nombreux micro-plastiques dans l?eau, dans l?air, dans le sol, peut apparaitre comme une solution, qui en plus s?inscrit dans la politique nationale et européenne de développement de réduction de l?impact environnemental de la filière textile. À cet égard la prohibition de l?élimination des invendus est une mesure contraignante intéressante aux yeux de la mission. De même, les dispositifs encourageant la réparation, le réemploi et la réutilisation. 2.2.4.1 L?interdiction de l?élimination des invendus, une mesure forte La part des invendus parmi les textiles mis en vente est estimée entre 10% et 20%102. Pour une entreprise donnée, elle varie notamment en fonction de la gestion des volumes produits ou la fréquence des collections. Depuis le 1er janvier 2022, en application de l?article L. 541-15-8 du code de l?environnement, les 100 Les épandages sur terres agricoles des matières fertilisantes d'origine résiduaire ? CGEDD-CGAER 2015 https://agriculture.gouv.fr/sites/default/files/cgaaer_14074_2015_rapport.pdf 101 Entre 43% et 76% si on additionne épandage et compostage. 102 Rapport d?Eunomia « Scoping study to assess the feasibility of further EU measures on waste prevention » publié en 2022 PUBLIÉ Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 42/72 producteurs, importateurs et distributeurs notamment de produits textiles 103 sont tenus de réemployer, y compris par le don104 à des associations caritatives ou à des structures de l?économie sociale et solidaire dans le cadre de convention de dons, de réutiliser ou de recycler les invendus. Refashion engage ses adhérents à repenser la structuration de leurs collections, par exemple en augmentant la part des intemporels, à créer des produits au plus près des attentes des consommateurs, à tester de nouvelles lignes, à minimiser les stocks, à faire des soldes attractives. Il leur suggère également de créer des espaces de ventes de « seconde main » qui pourront intégrer les invendus. Tout en évitant la destruction des produits non vendus, cette mesure devrait inciter les producteurs, importateurs et distributeurs à mieux calibrer leurs productions et leurs stocks. Elle sera, de plus, désormais appuyée par la règlementation européenne qui va imposer la même obligation à l?échelle de l?Union européenne (voir 2.1). 2.2.4.2 Le cahier des charges de Refashion lui impose de promouvoir la réparation, le réemploi et la réutilisation Comme indiqué en 2.2.1.2, le cahier des charges de l?éco-organisme prévoit des éco-modulations en fonction de la durabilité des produits TLC105. La durabilité est notamment appréciée, par type de textile, au regard de la résistance aux lavages, de la résistance aux abrasions, des glissements de fils aux coutures, du boulochage. La durabilité est par ailleurs encouragée via un fond dédié au financement de la réparation. L?objectif est d?augmenter le nombre de réparations hors garantie de 35% en 2028 par rapport à 2019. Le fond doté de 44M¤ financera notamment les dépenses liées aux réparations réalisées par des acteurs labélisés par l?éco-organisme. Le 11 juillet 2023, la secrétaire d?État à l?écologie, a ainsi annoncé qu?à partir du mois d?octobre 2023, les consommateurs pourront percevoir un bonus allant de 6 à 25 euros par réparation. Autres leviers indirects pour limiter la production de textiles synthétiques, des objectifs de réutilisation et de réemploi106 des TLC ont été fixés à Refashion : 120 000 tonnes de TLC usagés doivent être réutilisés ou réemployé chaque année à compter de 2024. Un fond soutient de telles opérations dès lors qu?elles interviennent à une distance inférieure à 1 500 km du lieu de collecte des TLC. 2.2.5 La lente émergence d?une information des consommateurs et de l?écoconception 2.2.5.1 De l?encadrement des allégations environnementales vers l?étiquetage obligatoire Avant la loi AGEC, les allégations environnementales étaient seulement soumises à la réglementation sur la publicité trompeuse et les pratiques commerciales déloyales (Directive 2005/29/CE et articles L. 121-1 et suivants du code de la consommation). Mais des mesures 103 Cette obligation n?entre en oeuvre qu?à compter du 1er janvier 2024 pour les textiles neufs pour la maison. 104 Ce don permet de bénéficier d?une réduction fiscale 105 Voir l?annexe III du cahier des charges 106 L?article L 541-1-1 du code de l?environnement définit ainsi le réemploi et la réutilisation : « Réemploi : toute opération par laquelle des substances, matières ou produits qui ne sont pas des déchets sont utilisés de nouveau pour un usage identique à celui pour lequel ils avaient été conçus ; » « Réutilisation : toute opération par laquelle des substances, matières ou produits qui sont devenus des déchets sont utilisés de nouveau ; » PUBLIÉ Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 43/72 volontaires les concernant avaient été prises par le monde de la publicité : le guide du Conseil national de la consommation sur les allégations environnementales (guide de 2010 réactualisé en 2023) et la « Recommandation développement durable » de l?autorité de régulation professionnelle de la publicité (la version en ligne date d?août 2020). Ces deux types d?auto encadrement visaient toutes les activités économiques. Outre des mentions obligatoires sur l?intégration de matières recyclées et sur la recyclabilité des fibres mentionnées au 2.2.2.1, le décret n° 2022-748 a prévu que les textiles d?habillement et linge de maison neufs devront indiquer le pays où s?effectuent le tissage, la teinture et l?impression ainsi que la confection et que ceux qui sont composés de plus de 50% de fibres synthétiques comportent la mention « rejette des microfibres plastiques dans l?environnement lors du lavage ». Néanmoins, l?enquête faite par les rapporteuses auprès du secteur a démontré que seules quelques marques appliquent cette règle dans les délais impartis. La mission s?est demandée si la très forte délocalisation de la fabrication des textiles évoquée au 1.3.3.1 ne pouvait pas expliquer la difficulté de déploiement des nouvelles règlementations sur l?étiquetage. En effet, des entreprises interrogées ont expliqué à la mission que leurs produits arrivaient en France cintrés et étiquetés, prêts à être exposés en magasins. Il conviendra donc de s?assurer que cette disposition est bien mise en oeuvre. 2.2.5.2 L?affichage environnemental devrait « valoriser » le risque de pollution par les microparticules de plastique D?abord prévu par l?article 15 de la loi AGEC107, l?affichage environnemental est désormais régi par l?article 2 de la loi Climat et Résilience. Il ne s?agit pas comme pour l?étiquetage environnemental de préciser certaines caractéristiques environnementales des produits. L?affichage environnemental vise d?une part, à « communiquer une information précise et transparente au consommateur pour qu?il puisse faire des choix en connaissance de cause », d?autre part, à « encourager les producteurs à concevoir de manière plus responsable leurs produits », enfin à « réduire l?impact environnemental de l?industrie de la mode » (Communiqué de presse de la secrétaire d?État à l?écologie le 21 mars 2023). Le secteur du textile connait des démarches d?affichage environnemental depuis 2010 et de nombreux travaux ont été menés permettant de constituer un socle technique (référentiel BPX 30- 323). Quatre entreprises ont été volontaires pour tester des projets de pré-déploiement de cet affichage de 2017 à 2020. La loi AGEC a poursuivi et officialisé cette démarche expérimentale en prévoyant des expérimentations pendant 18 mois, le dispositif devant être rendu obligatoire après l?entrée en vigueur de dispositions européennes ayant le même objectif. Ces expérimentations ont été prolongées, pour une durée maximale de cinq ans, par les dispositions du II de l?article 2 de la loi Climat et Résilience. Elles devaient débuter notamment par le secteur du textile d?habillement. À la différence de la loi AGEC, la loi Climat et Résilience prévoit qu?à l?issue de ces expérimentations et après évaluation de celles-ci, l?affichage environnemental sera rendu obligatoire par décret, prioritairement dans le secteur du textile d?habillement. Un premier bilan de l?expérimentation de l?affichage environnemental pour les textiles d?habillement et les chaussures a été dressé par un rapport au Parlement108, déposé en mars 2022 en application 107 Abrogé par le V de l?article 2 de la loi Climat et Résilience 108 Rapport au Parlement sur le bilan de l?expérimentation affichage environnemental textiles d?habillement et chaussures de la loi Anti-Gaspillage pour une Economie Circulaire, article 15, Mars 2022 PUBLIÉ Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 44/72 de l?article 15 de la loi AGEC. Il précise qu?environ 160 organisations s?étaient manifestées en 2020 auprès de l?ADEME pour participer à l?expérimentation mais que le nombre d?entreprises ayant réellement mis en place des expérimentations, précisément inconnu, peut être estimé à une dizaine. Le rapport explique cette désaffection in itinere par les difficultés liées à la crise COVID, un certain nombre d?incompréhensions des objectifs de cette expérimentation, notamment le positionnement par rapport aux travaux européens, l?absence de « certaines données cruciales » dans la base Impact de l?ADEME, l?absence d?échelles de notation commune. Il souligne que, pour la plupart des acteurs, le référentiel doit être complété mais qu?il n?y a pas de consensus entre eux sur les choix à faire. Il signale que sur la base de ces premiers enseignements et compte tenu du nouveau cadre posé par la loi Climat et Résilience, une nouvelle phase d?expérimentation a été lancée en juillet 2021 avec une gouvernance et des méthodes renouvelées. C?est ainsi que 11 méthodes de calcul et d?affichage d?une empreinte environnementale ont été expérimentées en 2022 avec environ 470 études de cas réalisés sur des produits réels. L?ADEME en a dressé un bilan dans un rapport109 de mars 2023 partagé avec le comité des partenaires. Six méthodes étaient basées sur le socle ADEME, quatre sur le projet de PEFCR (voir 2.1.1.2 p. 32) et une autre approche. Bien que, ni le projet de PEFCR, ni le socle de l?ADEME ne prennent en compte les micro-plastiques à proprement parler, certaines méthodes ont proposé d?intégrer cet enjeu, le considérant important : trois méthodes l?ont appréhendé en tant que sous-score de la biodiversité et deux ont développé un nouveau critère relatif aux micro-plastiques en lien avec la teneur en microfibres contenues dans le produit considéré. Compte tenu des résultats de ces expérimentations, la secrétaire d?État à l?écologie a annoncé le 17 mars 2023, devant les entreprises impliquées dans les expérimentations, les représentants du secteur et les ONG que huit critères d?impact avaient été retenus pour construire la méthode de calcul pour le futur affichage environnemental. Les rejets de micro-plastiques seront pris en compte par le 5ème de ces critères. La mission ne peut qu?approuver cette orientation dès lors qu?elle permettra aux consommateurs de prendre la mesure de l?éventuelle pollution micro-plastique engendrée par leur achat, en la comparant à d?autres impacts environnementaux et aura par répercussion des effets sur la conception des produits. Une première version de la méthode de calcul devrait être mise au point au second semestre 2023. Cette initiative française avance parallèlement aux travaux menés à l?échelle européenne sur l?affichage environnemental (notamment sur le PEFCR). Dans ce cadre, la France tente de faire valoir ses propres réflexions, qui convergent souvent avec celles de la Commission, par exemple sur la durabilité des vêtements (projet Durhabi porté par l?IFTH, repris au niveau européen), sur la réparabilité mais aussi sur les micro-plastiques. Mais à ce jour aucune méthode n?étant fiable, plusieurs projets de recherche sont en cours afin d?intégrer l?impact des micro-plastiques dans les analyses de cycle de vie. 2.3 Le secteur économique cherche peu à réduire la pollution à la source Le secteur, très dépendant des importations, déploie peu de moyens pour réduire la pollution par les micro-plastiques à la source. Peu incité par les pouvoirs publics comme indiqué précédemment, il ne l?est pas plus par les différents labels existants. 109 Rapport de l?ADEME : Évaluation transversale des méthodes d?affichage environnemental des textiles d?habillement et chaussures, Mars 2023 PUBLIÉ Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 45/72 2.3.1 Un secteur en transition, peu mobilisé sur la question des micro- plastiques 2.3.1.1 Les transformations du secteur La profession, bousculée voire fragilisée par la « fast fashion » mais aussi par la crise sanitaire de la Covid 19, cherche avant tout à réduire son impact sur le climat, souhaite amorcer une relocalisation de sa production comme en atteste le rapport du Comité stratégique de filière « mode et luxe » demandé par la ministre de la transition énergétique : « Relocalisation et mode durable » 2021. Le secteur se prépare aussi à mettre en oeuvre la loi AGEC, et notamment la réduction des emballages en plastique, l?affichage environnemental et les mesures précédemment rappelées en terme de recyclage et d?intégration de matières recyclées dans les étoffes. La mission a ainsi constaté que les efforts des grosses entreprises portent surtout sur le recyclage et la durabilité des produits, parfois sur le « coton bio » en terme d?efforts d?écoconception. La recherche appliquée, qu?elle soit publique ou privée (comme celle portée par GEMTEX110), est très déterminée par les demandes des entreprises, qui elles-mêmes, outre leurs stratégies propres de recherche et développement, suivent les orientations des pouvoirs publics. Ainsi, il a été indiqué à la mission que l?absence de dispositions contraignantes sur la teneur en polymère des textiles ou sur leur rejet de micro-plastiques, expliquait en partie la rareté des recherches sur ces sujets. Le centre européen des textiles innovants (CETI), centre de recherche privé, dispose d?une installation de recyclage thermodynamique étant souligné que c?est le recyclage mécanique qui est majoritairement utilisé. Pour développer ces procédés, il a mis en place une plateforme dénommée CETIA dédiée au tri et au recyclage. Il considère ainsi qu?il est tout à fait possible, techniquement et économiquement, de recycler à l?identique des mélanges de fibres (polyester/polyamide et polyester/coton) ou de les recycler en les séparant, cette dernière solution étant plus coûteuse. 2.3.1.2 Quelques initiatives vers des textiles naturels ou moins émetteurs de micro- plastiques ? L?exemple de la filière française du lin parait emblématique de la désindustrialisation du secteur textile en France. Cette filière, qui bénéficiait d?une longue tradition depuis le Moyen Âge, du Sud de la Normandie au Nord de la France, comme dans une partie de l?Europe du Nord, a presque totalement disparu. Ne demeurent que deux filateurs et une poignée de tisseurs et de tisserands 111 . Pourtant, « l?Europe, en particulier la France, la Belgique et les Pays-Bas, concentre 80% de la production mondiale de lin fibre, expédiée à 85% vers les filatures chinoises et en partie en Inde ». Elle se mobilise aujourd?hui pour relancer ses filatures et ateliers de tissage en cherchant à se relocaliser en France. À cet égard, il convient de signaler l?initiative de l?Union des industries textiles (UIT) et d?Interchanvre, lancée en juin 2023, « Bleu Blanc Lin » et « Bleu Blanc Chanvre » qui vise à « faire renaitre une filière lin et chanvre pour un textile 100% made in France »112. 110 Laboratoire de recherche textile ? Roubaix https://www.gemtex.fr/ 111 La tapisserie de Bayeux est une preuve de la présence du lin au XIe siècle « Les savoir-faire du lin textile » Fiche d?inventaire du patrimoine culturel immatériel (page 19). 112 https://www.textile.fr/actualite/soutienfilierestextilesfrancaiseslinetchanvre PUBLIÉ https://www.textile.fr/actualite/soutienfilierestextilesfrancaiseslinetchanvre Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 46/72 Ce mouvement de renaissance est porté au niveau européen, par la Confédération européenne du lin et du chanvre qui rassemble tous les acteurs de l?industrie européenne du lin dans 14 pays de l?Union européenne. La mission ne peut que se réjouir de ces évolutions qui, entre autres bénéfices, permettront de mettre sur le marché français et européen, des textiles moins ou pas émetteurs de micro-plastiques. ? Le CETI participe à des projets qui cherchent à développer des fibres plus « naturelles » : ? des PLA (Acide polylactique) (TOTAL Corbion en Normandie sur le site de la raffi- nerie de Grandpuits en Seine-et-Marne) bio plastique produit à partir de sucres de cannes ou d?amidon (aussi d?écorces de betterave) ; il est recyclable et « compos- table » selon Total énergie ; ? des celluloses issues de lin oléagineux (CETI) ; ? des fibres réalisées à partir de lait impropre à la consommation humaine qui sont recyclables ou compostables ; ces fibres, en apparence proches de la laine et de la soie, intéressent certaines entreprises du luxe mais compte tenu de leur origine et pour des raisons éthiques (ne pas détourner la production agricole), elles ne pourront donner lieu à une production de masse. ? Enfin, quelques rares entreprises se focalisent sur le sujet des micro-plastiques. Elles sont principalement regroupées au sein du Consortium Microfibres (TMC)113 association qui re- groupe différentes marques autour d?un « Engagement microfibres 2030 » : elles s?enga- gent à rechercher un « impact nul de la fragmentation des fibres des textiles sur l?environ- nement naturel d?ici 2030 » en choisissant de mettre la fragmentation des fibres en tête de leur agenda environnemental. Elles réalisent des tests sur leurs matériaux qu?elles com- muniquent au consortium et mettent à disposition des équipes de travail spécifiques sur le sujet. Ainsi, Décathlon® a engagé une démarche de tests de l?ensemble des étoffes de sa collection afin d?évaluer de façon précise leur caractère émissif et de pouvoir adapter sa production en fonction des résultats. Cette entreprise est l?une des deux marques ayant respecté les délais en matière d?étiquetage de ses produits. On notera également que le TMC a très largement contribué à l?élaboration des normes en cours d?adoption (voir 2.4.2). 2.3.2 Aucun label environnemental ne semble afficher de critères sur les émissions de micro-plastiques Les labels environnementaux sont des outils mis à la disposition des consommateurs pour leur permettre de choisir les produits qui paraissent offrir les meilleures garanties de préservation de l?environnement et de la santé humaine. Ils peuvent donc conduire à des changements de consommation non négligeables. Certains labels sont apposés sur les produits sous la seule responsabilité des fabricants ou distributeurs. D?autres sont certifiés ou contrôlés par un organisme tiers indépendants sur la base d?un cahier des charges conformément à l?article L. 433-1 du code de la consommation. Parmi ceux-ci figurent les labels conformes à la norme ISO 14024 et peuvent être appelés « Écolabel » comme l?éco label européen. 113 Outdoor Microfibre Consortium Limited dont sont membres Adidas, CetA, Decathlon, Bureau Veritas, Eurifins, Fashion for Good, Gap Inc, HetM Group, Helly Hansen, Kering, Next, Nike, The North Face, Patagonia, Puma, RISE, Tesco, Textile exchange, etc? https://www.microfibreconsortium.com/signatories PUBLIÉ https://www.microfibreconsortium.com/signatories Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 47/72 L?ADEME a réalisé une étude sur huit labels environnementaux apposés sur les textiles en 2020114. Cette étude est en ligne sur son site115. Depuis le 1er janvier 2023, la certification par un ou plusieurs de ces huit labels116 donne droit à des primes réduisant les éco-contributions versées à Refashion (voir 2.2.1.2). Toutefois l?étude de l?ADEME ne s?intéressait pas aux micro-plastiques, en tant que tels, mais d?une manière générale, à l?impact des produits sur le changement climatique, la perte de biodiversité, la pollution de l?air, l?écotoxicité et l?épuisement des ressources. La question de la pollution de l?air y était abordée mais sous l?angle des composés organiques volatiles. Par ailleurs, le critère de la durabilité, peu utilisé, était peu précisé par cette étude. La mission n?a pas trouvé de label mettant en avant le caractère faiblement émissif des étoffes. 2.4 De nouveaux outils qui devraient permettre de dépasser ces freins 2.4.1 Les recherches scientifiques en cours Afin de faire face aux incertitudes évoquées en partie 1.3, différents projets de recherche sont en cours, pour permettre la définition des micro-plastiques, leur caractérisation, leurs impacts toxicologiques à l?échelle internationale comme nationale, par les autorités publiques comme par le secteur privé. Ces projets en France117 sont notamment portés par l?ADEME, l?Institut national de l?environnement industriel et des risques (INERIS) et l?Office français de la biodiversité (OFB). Certains visent à évaluer la contamination des sols par les micro-plastiques (Microsof), d?autres leurs impacts écotoxicologiques (MusselPlast), les boues d?épuration (PRO), la dégradabilité des plastiques. Ces projets sont en phase d?achèvement et rendront des résultats d?ici fin 2024. Par ailleurs, l?ADEME, l?OFB, l?INERIS participent au réseau européen SOILVER dans lequel un état de l?art de la contamination dans les sols et les eaux souterraines a été réalisé par l?INERIS et des collaborateurs belges et néerlandais (projet MISSOURI). En mars 2022, un appel à projets de recherche (APR) a été lancé conjointement par l?ADEME et l?OFB pour évaluer le transfert des micro-plastiques dans les écosystèmes continentaux, afin d?anticiper les besoins réglementaires de surveillance et de gestion de ces pollutions. Les résultats de ces projets de recherche permettront d?asseoir les décisions publiques sur des données chiffrées. À ce stade, ils confirment la présence de micro-plastiques dans les écosystèmes investigués. 2.4.2 De nouvelles normes devraient faciliter l?avancée des recherches sur les émissions de micro-plastiques Grâce à la mobilisation des acteurs du secteur dans le monde entier, des normes ISO ont récemment été publiées ou sont en cours d?adoption. Pour la première fois, vont exister des définitions communes des micro-plastiques et des nano-plastiques, des méthodes communes pour déterminer les pertes de matière lors des lavages industriels et domestiques et pour les analyser. Ces harmonisations devraient permettre un essor des travaux de recherche et de leur comparaison 114 Vêtements, chaussures et textiles : impacts environnementaux et labels, Expertises, édition 2020 115 https://agirpourlatransition.ademe.fr/particuliers/labels-environnementaux#labelsrow-3 116 Pour les noms des labels voir note 86 117 Microsof, Biomaleg, Plasticène, Cinape, Pro PUBLIÉ https://agirpourlatransition.ademe.fr/particuliers/labels-environnementaux%23labelsrow-3 Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 48/72 et des conclusions beaucoup plus pertinentes devraient pouvoir en être tirées que ce soit par exemple en ce qui concerne l?ampleur des émissions de micro-plastiques sur le cycle de vie des étoffes, la réalité des pollutions dans l?environnement, les atteintes à la santé humaine, l?affichage environnemental ou les labels. 2.4.2.1 Des définitions communes des particules fines de plastiques Une norme (ISO/FDIS 24187118) est en cours d?élaboration et pourrait être adoptée d?ici la fin de l?année 2023 permettant une classification unique des micro-plastiques et un faisceau de règles permettant leur échantillonnage. À ce stade de son élaboration, la norme définirait les micro-plastiques comme des particules solides, non solubles dans l?eau, d?une taille allant de 1 µm à 1000 µm (soit 1 mm), les particules allant de 1 à 5 mm étant elles qualifiées de « grands micro-plastiques » mais étant couvertes par la même norme. De plus, cette norme indiquerait que la forme peut être régulière ou irrégulière, et que la dimension est celle de la partie la plus longue de la particule, ce qui permettrait d?y inclure les microfibres de moins de 5 mm de longueur. Elle devrait être validée à l?échelle internationale, mais également européenne (CEN) et française (AFNOR). Enfin, les nano-plastiques seraient également en cours de définition - ce qui est plus petit que 1 µm ? ces éléments étant contenus dans un document normatif écrit il y quatre ans. Une autre définition est proposée par l?OCDE jusqu?à 100 nanomètres. 2.4.2.2 Une harmonisation des méthodes pour mesurer et analyser les pertes de matières lors des lavages des textiles Une norme ISO, CEN et NF 4484 porte sur cette harmonisation. Elle comporte trois parties. La première partie concerne la détermination de la perte de matières des étoffes lors des lavages (ISO 4484-1 : 2023)119. Elle a été publiée et est en vigueur depuis février 2023. La troisième partie se concentre sur les méthodes pour mesurer la masse de matériaux collectés libérés par les produits finis textiles au cours des lavages domestiques. Cette partie de la norme a été publiée en mai 2023 au niveau international mais ne l?était pas encore en France à la date de rédaction du présent rapport120. La deuxième partie, qui porte sur les méthodes pour mesurer, quantifier et analyser les résultats des matières ainsi collectées, fait encore débat. En effet, il existe déjà des travaux de normalisation sur l?analyse des micro-plastiques dans l?eau. La plupart des pays de l?Union européenne et la Commission souhaiteraient qu?il n?y ait qu?une seule norme (norme ISO/16084 en trois parties en cours d?élaboration) et que la gouvernance sur ces questions soit harmonisée et confiée au « groupe joint » entre le comité technique dans le domaine des plastiques et le comité technique dans le domaine de l?eau, et ne fasse donc pas l?objet d?une norme séparée. L?Union européenne a donc voté « contre » la proposition de norme ISO 4484-2. L?adoption de cette norme poursuit néanmoins sa route et elle devrait être publiée avant la fin de l?année 2023, mais ne sera pas applicable dans l?UE. 118 Projet de norme ISO/FDIS 24187:2023 « Principes d?analyse des micro-plastiques présents dans l?environnement ». 119 https://standards.cencenelec.eu/dyn/www/f?p=205:110:0::::FSP_PROJECT:71617&cs=110565CE941B989550 C25BDB465B4B18A 120 https://www.iso.org/fr/standard/81035.html PUBLIÉ https://www.iso.org/fr/standard/81035.html Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 49/72 2.4.3 Les évolutions règlementaires à venir à l?échelle européenne Comme évoqué en 2.1, la Commission européenne et les agences européennes travaillent activement sur le sujet des micro-plastiques avec l?objectif de faire évoluer la règlementation européenne sur le sujet. Des travaux européens ont été conduits et seraient sur le point d?aboutir à la publication d?une communication faisant état de la collecte de données sur l?émission des micro-plastiques non intentionnels réalisée depuis 2018 et des priorités politiques que va se donner l?Union européenne dans ce domaine. Au stade de la finalisation de ce rapport, cette communication n?a pas été adoptée par la Commission européenne. Selon des informations recueillies par la mission, la Commission européenne se préparerait à annoncer que la priorité sera donnée à la lutte contre les pertes de granulés industriels. La définition de mesures visant la réduction des micro-plastiques issus des textiles pâtirait du manque de données consolidées permettant l?évaluation quantitative de cette pollution, et des conséquences économiques pour les secteurs concernés (industrie textile, fabricants de lave-linges). En parallèle, la Commission a soumis le 30 mars 2022 à l?adoption législative une règlementation élargissant les obligations en matière d?écoconception à de nouveaux types de produits dont les textiles (tous les produits en fait à l?exception de quelques-uns). Cette règlementation cadre est en cours d?adoption par le Conseil et le Parlement qui a adopté sa position le 12 juillet dernier. Elle sera suivie de la définition de règlements d?application propres à chaque secteur, comportant ses propres règles en matière d?écoconception des produits. Cette règlementation européenne prévoit notamment la « labellisation » des produits sur leur impact environnemental : le « passeport produit » doit contenir les informations exactes et à jour sur les possibilités de réparation et de recyclage, sur la durabilité du produit. Cela aidera le consommateur à faire des choix éclairés et les autorités de contrôle des États membres à effectuer les vérifications. D?autres règles seront également définies pour améliorer la durabilité, la sûreté, la réutilisation, l?amélioration, la réparation, le maintien en bon état et la remise à neuf, la présence de produits à risque, l?usage de l?énergie et l?efficacité énergétique, le contenu recyclé, la possibilité de reproduire et de recycler, la possibilité de récupération des matériaux, les impacts environnementaux et la génération prévue de déchets. À ce stade de la négociation, l?orientation générale du Conseil propose une interdiction directe de destruction des produits non écoulés dans le secteur de l?industrie textile, avec une exemption de quatre ans pour les entreprises de taille moyenne et une exemption générale pour les petites et microentreprises121. Cette position est soutenue par le Parlement européen dans son vote du 12 juillet 2023. Il est important de préciser que la « destruction » au sens de ce texte européen n?intègre pas l?action de réemploi ou de re-fabrication, afin de pousser les producteurs à envisager différentes options pour ces textiles invendus. Une révision de la directive sur la biodégradabilité des plastiques est prévue en 2027 afin de tenir compte des progrès dans la compréhension du phénomène de pollution. La règlementation européenne relative à l?exportation des déchets est également en cours d?évolution. Début juillet 2023, la Commission a abordé cette question dans le cadre de la révision, ciblée sur les textiles, de la directive cadre sur les déchets. Elle a annoncé dans un communiqué de presse que les mesures prévues viendront compléter celles de la proposition de nouveau règlement concernant les transferts de déchets qui ont pour « objectif d?assurer que les transferts de déchets textiles n?ont lieu que lorsqu?il est garanti qu?ils sont gérés d?une manière 121 « Nouvel article 20b : Interdiction de destruction des produits de consommation invendus qui sont des vêtements ou des accessoires vestimentaires : À compter de 36 mois après l?entrée en vigueur du présent règlement, la destruction des produits de consommation invendus qui sont des vêtements ou des accessoires du vêtements, énumérés aux chapitres 61 et 62 du TARIC [Tarif douanier de l?Union européenne] établi par le règlement CEE n°2658/8777 du Conseil est interdite. » PUBLIÉ Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 50/72 écologiquement durable »122. Dans le domaine de la pollution de l?eau, la proposition de directive révisant la DERU identifie les micro-plastiques comme de « nouveaux polluants » ayant fait leur apparition et fixe un objectif de réduction des émissions de micro-plastiques de 9% d?ici 2040, « principalement grâce à des actions sur la gestion améliorée des eaux de pluie ». Par ailleurs, elle prévoit que les États membres devraient désormais « surveiller la pollution provenant des eaux de ruissellement urbain et des surcharges dues aux pluies d?orage, les concentrations et les charges des polluants réglementés dans la présente directive à la sortie des stations d?épuration des eaux urbaines résiduaires et la présence de micro-plastiques (y compris dans les boues) » pour toutes les agglomérations ayant un taux d?équivalent habitants (EH) supérieur à 10 000. Une méthodologie de mesure des micro- plastiques dans les eaux résiduaires urbaines et les boues sera établie par la Commission européenne dans le cadre d?actes d?exécution de la directive. Enfin, notamment parce que les micro-plastiques peuvent être des vecteurs de substances chimiques concernées par la DCE, notamment des additifs susceptibles d?être relargués (plastifiants tels que le DEHP, le C10-13-chloroalcane, hexachlorobenzène, composés ignifuges tels que l?HBCDD, ou encore des métaux (utilisés comme pigments tels que le cadmium) qui sont des « substances prioritaires dangereuses » susceptibles d?être présentes dans les plastiques, la Commission a proposé le 26 octobre 2022 une directive révisant la DCE, la directive sur les eaux souterraines et celle sur les standards de qualité environnementale dans le domaine de la politique de l?eau . Cette révision propose notamment l?introduction de nouvelles substances à mesurer dans le cadre de l?évaluation de la qualité de l?eau et demande l?élaboration d?une méthodologie pour évaluer les micro-plastiques présents dans l?eau. Ce texte est en cours d?examen par les instances européennes. L?ensemble des évolutions de ce cadre européen auront un impact sur la mise en oeuvre de la loi AGEC et des autres mesures règlementaires en cours d?adoption en France. 122 Communiqué de presse de la Commission européenne du 5 juillet 2023 : Économie circulaire et secteur du textile : responsabilité à l?égard de la réduction, du réemploi et du recyclage des déchets textiles et stimulation des marchés des textiles usagés. PUBLIÉ Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 51/72 3 Afin de mieux répondre à cette pollution, il est nécessaire de prendre en compte le cycle de vie du produit textile D?une manière générale, il semble à la mission indispensable que les politiques publiques s?inspirent de la hiérarchie des modes de traitement des déchets. Par ordre de priorité décroissante, il convient donc d?abord d?encourager à l?écoconception, d?augmenter la durabilité, d?inciter à la réparation, au réemploi, enfin à la réutilisation. Le recyclage doit donc retrouver sa place, après ces premières mesures. Mais pour mettre en oeuvre une écoconception efficace et pertinente, la filière a besoin que la recherche sur toutes les étapes de la vie du produit soit intensifiée. 3.1 Approfondir les efforts de recherche Il a été souligné précédemment123 à quel point le manque de connaissances freinait tant les décisions publiques que les choix des industriels. Les avancées en terme de normalisation124 devraient faciliter nombre de recherches publiques ou privées sur l?ensemble des enjeux évoqués dans ce rapport. La mission estime que des recherches complémentaires devraient porter en priorité sur : - les risques des micro- et les nano-plastiques sur les écosystèmes et la santé humaine ; - la quantification des micro-plastiques émis dans l?air lors du port des vêtements ; - l?analyse des émissions de micro-plastiques issus des étoffes produites en polymères recyclés et des étoffes en fin de vie ; - le devenir des micro-plastiques présents dans les boues d?épuration épandues sur les sols. [ADEME et ANSES] Soutenir des projets de recherche sur les effets sur les écosystèmes et la santé humaine des micro-plastiques, sur la pollution aux micro- plastiques d?origine textile dans l?air et par l?épandage des boues d?épuration et sur la pollution issue des textiles recyclés et en fin de vie. 3.2 Répondre aux émissions lors de la création des étoffes et des produits Dans le cadre de la mise en oeuvre du principe de précaution et de prévention, l?écoconception des étoffes apparait comme une des mesures à privilégier afin de limiter leur caractère émissif en micro-plastiques. Deux orientations politiques sont possibles : ? Réduire la part des étoffes synthétiques dans le textile consommé en France en leur substituant des matériaux alternatifs : ? fibres naturelles (lin, chanvre) ; ? fibres biosourcées transformées (viscose, lyocell) tout en limitant leurs autres im- pacts environnementaux ; ? Réduire les émissions de micro-plastiques par les étoffes : 123 Voir partie 1 124 Voir en 2.4.2 PUBLIÉ Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 52/72 ? en améliorant leur conception : sur la base des tests qui seront réalisés, la profes- sion va pouvoir déterminer plus précisément quels sont les types d?étoffes les plus émetteurs ; ? en captant les émissions réalisées lors de la fabrication des étoffes, ce qui néces- site un plan d?investissements dans les pays producteurs pour que les émissions des usines de fabrication soient collectées, traitées, filtrées et que les déchets soient ensuite détruits. Parce que la substitution de matières pas ou peu émettrices de micro-plastiques nécessite de revoir des lignes de production et des gammes de produits, et donc du temps, les plans de prévention et d?écoconception devraient être utilisés comme aides en vue de telles transformations. Le plan de prévention et d?écoconception prévu par l?article L. 541-10-12 du code de l?environnement pourrait être l?occasion d?imposer aux entreprises du secteur de remettre en question leur recours aux textiles synthétiques, qu?ils soient vierges ou recyclés, en fonction de la gamme de chacune d?entre elle. Il pourrait même leur être demandé de se fixer à elles-mêmes un objectif de réduction des micro-plastiques. [MTECT/DGPR] Modifier l?article L. 541-10-12 du code de l?environnement pour prévoir que le plan d?écoconception doit avoir comme objectif d?augmenter la part des fibres peu ou pas émettrices de micro-plastiques Les innovations déjà amorcées sur de nouvelles fibres naturelles ou synthétiques devraient être accentuées. Pour accompagner cette réorientation, la reconstitution ou la constitution de filières de fibres naturelles, telles que le lin et le chanvre, pour celles qui peuvent être produites en France ou en Europe, devraient être encouragées et soutenues à l?échelle nationale comme européenne. La conception d?étoffes et de produits non ou moins émetteurs de micro-plastiques devrait faire partie des priorités des programmes de recherche entrepris par les secteurs privé et public. Des recherches récentes, il apparait que la longueur des fibres synthétiques a une grande importance sur leur caractère émetteur de microparticules. Si ces informations venaient à être confirmées par les tests en cours, cette exigence relative au type de fibre pourrait figurer dans les cahiers de charge. Même si à ce stade la biodégradabilité des plastiques synthétiques n?a pu être prouvée, la recherche de fibres biodégradables (même si émettrices de microfibres ou particules) est également un champ à explorer125. Un autre sujet d?écoconception des étoffes relève des modalités de tissage ou tricotage. Sans remettre en cause la suprématie industrielle actuelle du tricotage, qui déstabiliserait fortement la filière, les tests sur les étoffes devraient également permettre d?analyser l?impact de la conception des étoffes sur les émissions de microfibres. De même, les modalités de découpe des étoffes au moment de la fabrication des produits textiles ou d?assemblage des pièces peuvent avoir un impact sur leur caractère émissif. En résumé, sur la base des tests qui vont pouvoir être conduits dans les 2 ou 3 prochaines années conformément aux normes récemment adoptées ou en cours d?adoption, les cahiers de charge des entreprises de fabrication et de diffusion des produits textiles auprès de leurs fournisseurs pourront intégrer des critères permettant de limiter les émissions de micro-plastiques par les étoffes et les produits achetés, qu?ils soient importés ou produits au sein de l?Union européenne. 125 L?entreprise Primaloft Bio indique avoir fabriqué le premier tissu issu de fibres synthétiques 100% recyclées et biodégradables à 55% (Prima loft Bio Performance Fabric). PUBLIÉ Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 53/72 [MEFSIN/DGE] Soutenir le développement par la filière TLC de la production d?étoffes en fibres naturelles alternatives au coton ou en nouvelles étoffes synthétiques biosourcées et compostables Pour accélérer la réduction de l?utilisation des micro-plastiques lorsque leur utilité n?est pas avérée, il pourrait être envisagé d?interdire l?incorporation de micro-plastique dans les textiles. De telles pratiques existent par exemple pour ennoblir les textiles ou rendre plus agréable leur portabilité (nanoparticules pour éviter les mauvaises odeurs dégagées par les chaussettes de sport). Il s?agit ici d?éviter l?ajout de micro-plastiques intentionnels et donc de s?aligner avec la politique européenne visant à réglementer en priorité les micro-plastiques primaires. On pourrait à l?échelle française étendre le champ d?application de l?article L. 541-15-12 du code de l?environnement (inséré par l?article 82 de la loi AGEC) qui interdit l?incorporation de micro-plastique en concentration supérieure à 0,01% dans certains produits. S?agissant de l?industrie textile, cette interdiction devrait viser tous les micro- et nano-plastiques sauf, encore une fois, en cas de nécessité démontrée. Cette décision doit préalablement être prise à l?échelle européenne. Enfin, afin de limiter l?impact des micro-plastiques émis, l?écoconception devrait également se concentrer sur les additifs. La limitation, voire l?interdiction, de certaines substances chimiques utilisées comme additifs dans la confection des polymères peut faire l?objet d?un renforcement de la règlementation européenne sur le sujet. [MEFSIN/DGE ? MTECT/DGPR] Demander à l?échelle européenne l?inter- diction de : a) l?insertion de micro et nano-plastiques additionnels pour l?embellissement et l?ennoblissement ; b) l?ajout des additifs insérés dans les polymères textiles causant des risques pour la santé humaine et les écosystèmes. Enfin, la France et l?Union européenne sont mobilisées dans le cadre de leur aide au développement sur le sujet de la gestion de l?eau dans les pays tiers. Néanmoins, la majorité des aides est dirigée vers l?accès à l?eau potable des populations, plutôt que vers le traitement des eaux usées ; et quand bien même des projets relatifs au traitement des eaux usées existent, les usages des boues d?épuration sont similaires aux usages réalisés en France, à savoir l?épandage d?une grande partie d?entre elles, et donc des micro-plastiques qui ont été captés lors du traitement. D?échanges avec le secteur du textile, la mission retient également que l?insertion dans les cahiers des charges de contraintes pour les producteurs de textiles des pays tiers en matière de collecte de leurs eaux usées à la sortie de leurs usines de fabrication, n?a pas eu de résultats, les moyens de contrôle étant inexistants et le saut technique demandé n?étant pas possible à mettre en oeuvre, avec souvent des réseaux publics de traitement des eaux inexistant ou insuffisants pour prendre le relais des industries. Pourtant, la traçabilité récemment mise en place devrait permettre d?améliorer la capacité de contrôle sur les producteurs de produits textiles par les donneurs d?ordre. L?encouragement à l?amélioration de la gestion des eaux usées dans les pays tiers producteurs de textiles doit être poursuivi, même si des résultats ne peuvent être attendus à court terme. [MEAE - MTECT] Aider les pays tiers dans lesquels sont produites les étoffes à développer des systèmes de gestion des eaux et de captation des microfibres, dans le cadre des politiques d?aide au développement et en partenariat avec les entreprises européennes productrices et distributrices de produits textiles. PUBLIÉ Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 54/72 La commande publique, devant être « mise au service de la transition vers l?économie circulaire » en application de l?article. L. 541-1 (dernier alinéa) du code de l?environnement, le levier des marchés publics pourrait être aussi actionné pour les vêtements professionnels lorsque la technicité de leur usage le permet. Un pourcentage maximum de fibres synthétiques pourrait être inclus dans les clauses techniques des marchés correspondant et un bonus pourrait être accordé aux tissus comportant le plus de fibres naturelles et/ou biodégradables. 3.3 Faire du consommateur un acteur éclairé de la réduction de la pollution par les micro-plastiques La lutte contre les micro-plastiques des textiles rejoint celle de la lutte contre les coûts environnementaux de la surconsommation textile. D?après un sondage réalisé par OpinonWay126 auprès de 2 002 personnes, 55% des Français déclarent limiter leurs achats textiles aux besoins réels, 46% trier leurs placards et 55% valoriser leurs textiles en leur offrant une seconde vie, 80% ayant recours aux dons. Figure 12 : Cycle de vie des textiles et chaussures (Source : rapport d'activité 2022 Refashion) Une des clés de l?action politique apparait donc comme étant celle de la sensibilisation du consommateur comme du distributeur. L?affichage environnemental, dès lors qu?il comportera un critère sur le rejet dans l?environnement 126 https://fr.fashionnetwork.com/news/Dechets-textiles-les-francais-mobilises-mais-trop-peu- informes,1340053.html PUBLIÉ Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 55/72 de micro-plastiques et que ce critère sera correctement valorisé, ne pourra qu?avoir des effets positifs sur la conception des étoffes. Pour éviter de faire l?objet d?un mauvais score, les entreprises devraient s?orienter vers des tissus comportant moins de polymères ou vers des polymères moins émetteurs de micro-plastiques. Eu égard à l?importance de la pollution par les micro-plastiques d?origine textile, la mission considère qu?il est nécessaire de renforcer les contraintes d?étiquetage actuellement prévues par le XI de l?article R. 541-221 du code de l?environnement : - d?une part, le pourcentage de 50% de composition d?étoffe synthétique au-delà duquel les émissions de micro-plastiques doivent être signalées apparait trop élevé puisque l?on sait que toutes ces fibres rejettent des micro-plastiques quel que soit leur pourcentage. La mission propose donc de faire passer le pourcentage à 5 % ; - d?autre part, sachant que le relargage des microparticules peut aussi intervenir lors du port, de tout autre utilisation et de la fin des étoffes, la mission propose soit de supprimer dans la mention obligatoire les mots « lors du lavage », soit de compléter cette mention par « de l?utilisation et de la fin de vie de l?étoffe ». Cette recommandation rejoint celle du rapport de l?OPECST de 2020 sur la pollution plastique. La mission rappelle qu?un pictogramme signalant de manière très claire la présence de plastiques n?est prévu que pour certains produits à usage unique par le décret n°2021-1279 qui transpose l?article 7 de la directive du 5/06/2019 et son règlement d?exécution UE 2020/2151. Un pictogramme analogue pourrait accompagner la mention « rejette des microfibres plastiques dans l?environnement ». Les labels constituant des outils souples et rapidement mobilisables, la mission considère qu?ils devraient mieux prendre en compte la pollution par les micro-plastiques d?origine textile. Pour les y inciter, elle estime que l?ADEME devrait renouveler et approfondir son étude sur les labels environnementaux. [MTECT/CGDD - ADEME] Mieux informer le consommateur sur les mi- cro-plastiques textile en : a) lançant des campagnes de communication sur l?émission de micro-plastiques par les produits textiles ; b) modifiant le XI de l?article R. 541-221 du code de l?environnement pour faire passer le seuil de présence de fibre synthétique de 50% à 5% déclenchant une information du consommateur ; c) renouveler l?étude sur les labels envi- ronnementaux pour les textiles en mettant en lumière les critères retenus par chacun d?eux sur les émissions de micro-plastiques, sur le taux de présence de fibres synthétiques et artificielles, sur la réparabilité du vêtement, sur sa durabilité. 3.4 Répondre aux émissions lors de l?usage du produit 3.4.1 Les émissions lors des lavages des produits La partie 2 de ce rapport a souligné la difficile mise en place d?une politique de captation des micro- plastiques issus des lavages de vêtements, qui sont supposés être l?une des principales causes d?émission de micro-plastiques textiles en Europe. Concernant les machines individuelles à laver le linge, la loi AGEC a fixé un objectif, auquel les fabricants de machine ont partiellement répondu, et sa mise en oeuvre dépend principalement de l?adoption de règles équivalentes à l?échelle européenne. La mission souhaite néanmoins attirer l?attention sur la nécessaire proportionnalité de cette mesure d?une part, eu égard aux technologies PUBLIÉ Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 56/72 actuellement existantes qui nécessitent une forte implication de l?utilisateur de la machine (choix des programmes, nettoyage des filtres), un risque de contradiction avec le droit européen de libre circulation des biens et marchandises, et d?autre part sur sa temporalité de mise en oeuvre. D?après UFC-Que-Choisir et l?INSEE, 94% des ménages sont équipés d?un lave-linge en France et la durée de vie d?un lave-linge est estimée à 7 à 10 ans. De plus, les règles européennes et nationales récentes visent la promotion de la fin de l?obsolescence programmée et du réemploi de l?électroménager. Quand bien même la mesure d?installation obligatoire d?un système de filtrage serait mise en place en France dès 2025, le temps nécessaire pour qu?une fraction suffisante des ménages français investissent dans une machine équipée d?un tel système de filtrage ne permettra pas d?obtenir des résultats avant 2030. La mission s?est donc penchée sur la possibilité d?imposer l?équipement des machines à laver industrielles d?un tel système de filtrage, solution qui apporterait a minima la garantie du bon traitement des résidus de lavage issus du système de filtration et de la bonne application du principe de filtration en fonction de la nature des étoffes. La loi française impose également l?équipement des machines industrielles d?un même système de filtration. L?idée, expertisée également par la Commission européenne, serait donc d?imposer un premier lavage ? ou plusieurs lavages initiaux - des produits textiles distribués sur le marché européen, qu?ils soient importés ou fabriqués dans l?Union européenne. Ce(s) premier(s) lavage(s) permettrai(en)t non seulement la collecte des microparticules émises lors des premiers lavages, et leur récupération puis leur élimination, mais également celles de produits/additifs chimiques nocifs qui peuvent être utilisés dans la fabrication des étoffes. Cette solution ne peut être expérimentée par la France seule et doit s?imposer à l?échelle de l?Union européenne. Les solutions logistiques pour la mettre en oeuvre devraient être laissées aux distributeurs afin de pouvoir s?intégrer dans leur chaine logistique. Néanmoins, il convient de ne pas oublier que cette mesure entrainerait une forte déstabilisation des chaines logistiques actuellement existantes de la plupart des marques, dont la très large majorité de la production est fabriquée à l?extérieur de l?Union européenne, non seulement pour la production des étoffes, mais également pour leur conception, leur étiquetage, leur emballage et même leur cintrage ce qui rend un relavage dans l?Union européenne très complexe. Et l?imposition d?un lavage dans le pays de production du produit ? qui n?est pas forcément celui de la production de l?étoffe elle-même ? pose les problèmes liés au traitement des eaux usées dans les pays tiers déjà évoqué (3.1.1). Cette solution dont l?efficacité immédiate est très séduisante, aura donc un impact majeur sur la chaine de production et nécessiterait une mise en oeuvre progressive. L?examen devra notamment intégrer les types de financement pouvant être apportés par la REP. La dernière étape d?émission des micro-plastiques lors des lavages est celle des stations d?épuration, sujet également largement abordé en partie 2.2.3. Les réglementations en cours de mise en place à l?échelle nationale et européenne devraient permettre d?avoir rapidement une visibilité sur l?ampleur de cette pollution par les micro-plastiques. Dans le contexte actuel d?un renforcement de l?équipement des collectivités françaises en systèmes d?épuration des eaux usées plus efficaces afin de respecter les obligations communautaires actuelles et à venir, la mission pense utile que l?équipement des stations en filtres permettant une meilleure capture des microparticules de plastique soit examinée de façon plus systématique dans le cadre des projets, notamment pour les stations situées dans des zones sensibles. La question de l?usage des boues d?épuration nécessite également une expertise plus poussée. En effet, la mise en oeuvre du principe de précaution conduirait à ne pas poursuivre l?épandage des boues d?épuration dont la teneur en microparticules de plastique est avérée. Le développement d?autres usages des boues d?épuration doit donc être recherché. PUBLIÉ Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 57/72 [MTECT ? MESFIN/DGE] Limiter les émissions de micro-plastiques en provenance des lavages en Europe en : a) défendant à l?échelle européenne dans le cadre de l?évolution du règlement écoconception la mise en place de filtre sur les lave-linges privés ; b) examinant à l?échelle européenne la possibilité d?un prélavage des produits textiles avant leur mise en rayon par les distributeurs [MTECT] Renforcer les filtres équipant les stations d?épuration dans les zones sensibles et limiter l?épandage des boues d?épuration dont la contamination par les micro-plastiques est avérée. 3.4.2 Les émissions lors du port des produits À ce stade de l?analyse, il apparait à cette mission très difficile d?imposer des règles obligatoires. La priorité doit être donnée à la recherche pour analyser à la fois la présence des microfibres dans l?air, la capacité d?ingestion/adsorption de ces microfibres dans le corps humain et leur impact sur la santé. Dans un deuxième temps, une fois ces études complémentaires réalisées, il suffira d?étendre les règles européennes sur la pollution de l?air aux microfibres en les rattachant aux PM2,5 et PM10. [MTECT/DGEC] A l?échelle européenne, en fonction des résultats des études sur les émissions de micro-plastiques dans l?air, intégrer les microparticules de plastique dans les PM2,5 et PM10. 3.5 Répondre aux émissions lorsque le textile devient déchet 3.5.1 La collecte, le tri et les usages nouveaux (réemploi, réutilisation) La lutte contre les micro-plastiques ne pourra que bénéficier de l?accroissement de la durabilité des produits puisque la majorité des émissions se produisent en début de vie du produit, même si cette assertion se heurte à l?absence de tests réalisés sur des étoffes en fin de vie ou sur des étoffes en synthétiques recyclés. Il convient à cette occasion de signaler que Refashion doit contribuer à la prise en charge des opérations de collecte séparée des déchets textiles. Cette collecte séparée devient en effet obligatoire à compter du 1er janvier 2025, en application du décret n °2021-950 du 16 juillet 2021, comme dans le reste de l?Union européenne. Elle va augmenter la masse de déchets collectés mais leur traitement en sera facilité et de meilleure qualité. Quelques chiffres sur le tri et le réemploi 67 centres de tri conventionnés donc 15 en Europe hors de France 260 000 tonnes ont été récoltées dont 188 000 ont été triées (soit 23% de la mise sur le marché) 59% des volumes collectés et triés est considéré comme apte à la réutilisation. On estime le volume des TLC réemployés à 10 000 à 30 000 tonnes par an, essentiellement vers les boutiques des entreprises relevant de l?économie sociale et solidaire. PUBLIÉ Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 58/72 [MTECT/DGPR] Modifier le cahier des charges de l?éco-organisme de la filière TLC pour lui fixer des objectifs de collecte, de tri, de réemploi et de réparation des textiles synthétiques, plus ambitieux que pour les autres textiles 3.5.2 Les problèmes de pollution créés par l?exportation des déchets textiles européens et français Selon Refashion, 95% des TLC collectés et triés sont exportés essentiellement en Afrique (35%), en Europe (31%) et en Asie (24%), les trois principaux pays destinataires étant le Pakistan (33 000 tonnes), la Tunisie (près de 31 000 tonnes) et la Belgique (28 000 tonnes). Rares sont les textiles qui sont réutilisés dans ces pays en raison de leur mauvais état ou parce qu?ils ne correspondent pas aux besoins locaux. La plupart est donc éliminée alors que les pays importateurs de déchets n?ont bien souvent pas les capacités de les traiter correctement. Ces exportations sont ainsi vraisemblablement génératrices d?une très forte pollution notamment en terme de micro-plastiques. De nombreuses voix se sont élevées contre ces pratiques qui demeurent néanmoins à l?échelle européenne. Le cahier des charges de Refashion n?est pas à la hauteur du problème puisqu?il prévoit seulement qu?en 2024, 8% des TLC usagés devront être réemployés ou réutilisés à moins de 1 500 km du lieu de collecte, cet objectif passant à 15% en 2027. Pour la mission, il n?est pas admissible que notre pays exporte ainsi ses déchets textiles sans s?assurer que les installations qui les accueillent seront en mesure de les traiter correctement, en particulier en ce qui concerne les micro-plastiques. Elle a constaté que cette position était conforme à celle préconisée tant par le Parlement européen que par la Commission (voir 2.1.4). [MEFSIN/DGT ? MEAE] Dans le cadre de la négociation européenne sur la révision du règlement sur l?exportation des déchets, promouvoir la position tendant à interdire l?exportation de déchets textiles dans les pays tiers qui ne sont pas en capacité de gérer ces déchets PUBLIÉ Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 59/72 Conclusion L?émission de microparticules de plastiques par le textile est avérée, a contaminé tous les milieux, et ne va faire que s?accroitre au regard de l?augmentation de la part des étoffes synthétiques dans la production textile mondiale. Il y a donc urgence à agir pour réduire cette pollution à l?échelle de l?ensemble du cycle de vie des produits, les émissions se déroulant à chaque étape. La concentration des efforts actuellement menés sur la phase lavage des produits textiles ne permet pas de répondre à l?ensemble de la problématique et a des coûts disproportionnés par rapport à d?autres actions qui peuvent être mises en oeuvre en amont et sont plus en phase avec les principes pollueur-payeur et de respect du cycle de vie du produit. La mission recommande donc d?axer prioritairement les efforts sur l?écoconception des étoffes et des produits textiles en s?appuyant sur les nouveaux outils de normalisation récemment adoptés ou en cours d?adoption. Dans ce secteur, il semble également indispensable que toute décision soit prise à l?échelle européenne. Il convient enfin d?ancrer l?action de lutte contre les micro- plastiques textiles dans le contexte et le cadre de la lutte contre la surconsommation de textiles à bas coûts qui est au coeur de cette problématique. Virginie DUMOULIN Sabine SAINT GERMAIN Inspectrice générale de l'administration du développement durable Inspectrice générale de l'administration du développement durable PUBLIÉ Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 60/72 Annexes PUBLIÉ Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 61/72 Annexe 1. Lettre de mission PUBLIÉ Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 62/72 PUBLIÉ Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 63/72 Annexe 2. Liste des personnes rencontrées Organisme Date Nom Fonction Cabinet de la SE à l?écologie 12/04/23 Léonard BRUDIEU Conseiller DEB 19/04/23 Marie-Laure Metayer Adjointe au DEB id Isabelle Kamil Sous-directrice, de la protection et de la gestion de l?eau, des ressources minérales et des écosystèmes aquatiques, EARM id Véronique NICOLAS Cheffe du bureau EARM 4 id Vincent SZLEPER Adjoint à la sous-directrice de la protection et de la restauration des écosystèmes littoraux et marins. DGPR/SRSEDPD/SD id Sami DRISSI-AMRAOUI Chargée de mission REACH santé environnement, produits chimiques, agriculture/ bureau des produits chimiques MEFSIN/DGE/Service de l?industrie/sous-direction des industries de santé, des biens de consommation et de l?agroalimentaire 21/04/23 Astrid EVEN Chef de projet Mode, Luxe et biens de consommation France LACOEUILHE Chargée du textile au sein de l?équipe de Mme EVEN Comité France Océan 2/05/2023 Gauthier CARLE Coordonnateur des ONG du Comité France Océan Laboratoire GEMTEX/ENSAIT 2/05/2023 Xyanzi ZENG Directeur Fabien SALAUN Responsable « matériau avancé » Xavier LEGRAND Responsable « matériau composite » PUBLIÉ Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 64/72 MTECT/CGDD/SEVS 5/05/2023 Audrey COREAU Cheffe du service de l?économie verte et solidaire Pascal DAGRAS Chef de projet affichage environnemental Alliance du commerce 5/05/2023 Yohann PETIOT Directeur Pascale Barthomeuf- Lassire Directrice des affaires économiques et juridiques Pierre Alexandre Naud Responsable des affaires économiques et juridiques ADEME 9/05/2023 Jean Charles CAUDRON Responsable de la direction de la supervision des REP Manon LEGER Chargée de mission au sein de cette direction GIFAM (Groupement des marques d?appareils pour la maison) 10/05/2023 Camille BEURDELEY Alexandrine FADIN SOS MAL DE SEINE 12/05/23 Laurent Colasse Président CETI, centre européen des textiles européens 16/05/23 Pascal DENIZART Directeur Expedition MED 16/05/23 Bruno DUMONTET Fondateur et directeur ETAM 16/05/23 Kache HONG ZWART Directrice RSE Les Amis de la Terre 23/05/23 Pierre Condamine Chargé de campagne surproduction ADEME/Service de Coordination, d?Evaluation et de 24/05/23 Isabelle DEPORTES Ingénieure impacts sanitaires et écotoxicologiques de l?économie circulaire PUBLIÉ Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 65/72 Valorisation (SCEV) Coordination R&D DECi INERIS / Direction stratégie, politique scientifique et communication 24/05/23 Pierre BOUCARD Responsable études et recherches de l?unité économie et décision pour l?environnement ECOBALYSE/ADEME 24/05/23 Alban FOURNIER Responsable DECATHLON 26/05/23 Julie Arnould Responsable de l?équipe de recherche Marie Stephan Antoine Cosne Doctorant Institut Français du textile et de l?habillement 26/05/23 Clarisse REILLE Directrice Eva Debruyne Référente développement durable Carole Garbowski Chargé du suivi réglementaire notamment de l?affichage environnemental Bureau de la normalisation de l?industrie textile et de l?habillement BNITH 2/06/23 Laurent Houillon Directeur Chercheuse publique 2/06/23 Nathalie Gontard Directrice de recherche à l?INRA et professeure à l?Université de Montpellier Refashion 6/06/23 Hélène Daret Directrice du pôle relation avec les adhérents et responsable du développement de l?éco conception Bureau de la normalisation des plastiques et de la plasturgie 20/06/23 Yan Archambeau Directeur PUBLIÉ Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 66/72 Commission de l?UE/ Direction générale de l?environnement 23/06/23 Flora Wallace Unité B1 PUBLIÉ Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 67/72 Annexe 3. Glossaire des sigles et acronymes Acronyme Signification en français ADEME Agence de la transition écologique AFNOR Association française de normalisation AGEC (Loi) Anti-gaspillage et pour une économie circulaire ANSES Agence nationale de sécurité sanitaire de l?alimentation, de l?environnement et du travail APPLIA Homa Appliance for Europe BPA Bisphénol A BPS Bisphénol S BRM Bioréacteur à membrane CGDD Commissariat Général au Développement Durable CETI Centre européen des textiles innovants COVID Maladie à Coronavirus CTI Centre Technique Industriel (du textile et de l'habillement) DCE Directive cadre sur l?eau DCSMM Directive cadre Stratégie et milieux marins DEHP Phtalate de bois DGE Direction générale des entreprises DGEC Direction Générale de l?Energie et du Climat DGPR Direction Générale de la Prévention des Risques DGT Direction Générale du Trésor ECHA Agence européenne des produits chimiques EH Equivalent habitant EN Standard européen en matière de normalisation ERU Eaux résiduaires urbaines ETC Commission européenne du voyage FRIVEP Projet de structuration d'une filière de réemploi / recyclage industrielle des vêtements professionnels GEMTEX Laboratoire de recherche textile IFTH Institut français du textile et de l'habillement IGEDD Inspection Générale de l?Environnement et du Développement Durable INERIS Institut national de l'environnement industriel et des risques ISO Organisation internationale de normalisation HBCDD Hexabromocyclododécane (composé aliphatique bromé) HDPE Polyéthylène de haute densité LDPE Polyéthylène à basse densité PUBLIÉ Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 68/72 Acronyme Signification en français MEAE Ministère de l?Europe et des Affaires Etrangères MEFSIN Ministère de l?Economie, des Finances et de la Souveraineté Industrielle et Numérique MTECT Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires Mt Million de tonnes NMMO N-Methylmorpholine N-oxide OCDE Organisation de Coopération et de développement économique OEFSR Performance environnementale des organisations OFB Office Français de la Biodiversité ONG Organisation non gouvernementale OPESCT Office parlementaire d?évaluation des choix scientifiques et technologiques PA Polyamide PAN Polyacrilonitrile PBAT Polybutylène adipate-co-téréphtalate PBS Polybutylène succinate PCB Polychlorobiphényles PCL Polyaprolactone PE Parlement européen PET Polyéthylène Téréphtalate PEF Polyéthylène furanoate PFAS Composés perfluorés PEFCR Performance environnementale des produits (projet européen) PFOA Acide perfluorooctanoic PHA Polyhydroxyalcanoate PLA Acide polylactique PM2,5 Particules fines de diamètre 2,5 microns PM10 Particules fines de diamètre 10 microns POP Polluants organiques persistants PP Polypropylène PPDDT Dichlorodiphényltrichloroéthane PPD-T Para phénylène-téréphtalamide PS Polystyrène expansé PU Polyuréthane PVC Chlorure de polyvinyle PVOH Alcool polyvinylique REACH Règlement européen portant sur l?enregistrement, l?évaluation et l?autorisation des substances chimiques dans l?Union européenne PUBLIÉ Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 69/72 Acronyme Signification en français Refashion Eco-organisme de la Filière Textile d'habillement, Linge de maison et Chaussure REP Responsabilité élargie du producteur RISE Institut de recherche de Suède STEU Stations de traitement des eaux usées SVHC Substance extrêmement préoccupantes TARIC Tarif douanier européen TFUE Traité sur le fonctionnement de l?Union européenne TLC Produits textiles, linges de maison et chaussures TMC Consortium Microfibres UE Union européenne UICN Union internationale de la Conservation de la nature UIE Union Nationale des Industries et Entreprises de l'Eau UIT Union des industries textiles PUBLIÉ Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 70/72 Annexe 4. Quelques chiffres sur la pollution plastique en général Sources : ? Stratégie européenne sur les plastiques (2018) ? The Minderoo-Monaco Commission on Plastics and Human Health https://storage.googleapis.com/jnl-up-j-agh- files/journals/1/articles/4056/submission/proof/4056-1-17364-2-10-20230321.pdf ? Global Plastic Outlook ? OCDE https://www.oecd-ilibrary.org/sites/de747aef- en/1/3/2/index.html?itemId=/content/publication/de747aef- en&_csp_=e9020c542dd024467e760066b0abe328&itemIGO=oecd&itemContentType=book# section-d1e2597 8 300 Mt de plastiques fabriqués depuis 1945, dont plus de 50% depuis 2002, et seulement 30% encore utilisés 460 Mt de plastiques produits en 2019 et 1231 Mt en 2060 selon les prévisions de l?OCDE 49 Mt de matières plastiques consommées dans l?Union européenne (2018) 25,8 Mt de déchets produits chaque année dans l?Union européenne, dont seulement 30% sont récupérés pour être recyclés Répartition de la consommation mondiale : 20% Chine, 18% USA, 18% Europe OCDE, 9% reste OCDE Production : 52% en Asie dont 32% en Chine, 19% Amérique du nord, 17% Europe. Entreprises productrices : Sinopec, Exxon mobil, PetroChina, Sibur Répartition de la production par type de plastiques : 16% PP (polypropylène ? PET), 13% fibres, 12% HDPE, 12% LDPE Plastiques recyclés : 9% dans le monde soit 29,1 Mt en 2019 du plastique produit et 14% dans l?UE Plastiques à usage unique : 35% des plastiques produits soit 133 Mt en 2019 PUBLIÉ https://storage.googleapis.com/jnl-up-j-agh-files/journals/1/articles/4056/submission/proof/4056-1-17364-2-10-20230321.pdf https://storage.googleapis.com/jnl-up-j-agh-files/journals/1/articles/4056/submission/proof/4056-1-17364-2-10-20230321.pdf https://www.oecd-ilibrary.org/sites/de747aef-en/1/3/2/index.html?itemId=/content/publication/de747aef-en&_csp_=e9020c542dd024467e760066b0abe328&itemIGO=oecd&itemContentType=book%23section-d1e2597 https://www.oecd-ilibrary.org/sites/de747aef-en/1/3/2/index.html?itemId=/content/publication/de747aef-en&_csp_=e9020c542dd024467e760066b0abe328&itemIGO=oecd&itemContentType=book%23section-d1e2597 https://www.oecd-ilibrary.org/sites/de747aef-en/1/3/2/index.html?itemId=/content/publication/de747aef-en&_csp_=e9020c542dd024467e760066b0abe328&itemIGO=oecd&itemContentType=book%23section-d1e2597 https://www.oecd-ilibrary.org/sites/de747aef-en/1/3/2/index.html?itemId=/content/publication/de747aef-en&_csp_=e9020c542dd024467e760066b0abe328&itemIGO=oecd&itemContentType=book%23section-d1e2597 PUBLIÉ Site internet de l?IGEDD : « Les rapports de l?inspection » PUBLIÉ https://www.igedd.developpement-durable.gouv.fr/spip.php?page=liste-actualites&lang=fr&id_mot=1187&debut_rub_actus=0 https://www.igedd.developpement-durable.gouv.fr/spip.php?page=liste-actualites&lang=fr&id_mot=1187&debut_rub_actus=0  Sommaire  Résumé  Liste des recommandations  Introduction  1 La pollution par les micro-plastiques textiles est avérée mais les analyses scientifiques et techniques restent incomplètes, ce qui freine la prise de décision  1.1 Une définition des micro-plastiques encore sujette à discussion  1.1.1 Une question de composition  1.1.2 Une question de taille et de forme  1.1.3 Une question de source  1.2 La pollution par les micro-plastiques est constatée dans l?ensemble des écosystèmes  1.2.1 La pollution aux micro-plastiques de tous les écosystèmes est avérée  1.2.2 La part respective de chaque source dans la pollution par micro-plastique reste incertaine  1.2.3 La pollution par les micro-plastiques est durable  1.3 Des incertitudes qui ralentissent la prise de décision alors que la production de textile synthétique s?accroît  1.3.1 Une quantification de la pollution par les micro-plastiques textiles incomplète  1.3.2 Des incertitudes sur les risques pour les écosystèmes et la santé humaine  1.3.3 Une croissance incontrôlée de la production de textiles synthétiques  1.3.3.1 La fabrication des étoffes est majoritairement délocalisée  1.3.3.1 Les fibres synthétiques envahissent de plus en plus les étoffes et stimulent la baisse des prix et la surconsommation  2 La réponse actuelle à la pollution par les micro-plastiques issus du textile demeure très incomplète  2.1 Les émissions de micro-plastiques textiles sont peu prises en compte dans la règlementation européenne  2.1.1 Une règlementation de l?économie circulaire qui s?oriente enfin vers la réduction de la pollution micro-plastique  2.1.1.1 Un paquet économie circulaire focalisé sur la recyclabilité du plastique  2.1.1.2 L?écoconception pour répondre aux enjeux climatiques plus qu?à la pollution  2.1.1.3 Une définition de la biodégradabilité qui tient imparfaitement compte de la capacité du plastique à se diviser en microparticules  2.1.2 Une règlementation des produits chimiques qui n?intègre pas les micro-plastiques  2.1.3 Une règlementation sur la pollution de l?eau et de l?air qui n?intégrait pas les micro-plastiques  2.1.4 Une règlementation sur l?exportation des déchets ne permettant pas leur contrôle  2.2 Les mesures adoptées en France sont insuffisantes  2.2.1 Une règlementation française centrée sur la REP et le recyclage qui ne règle pas la pollution par les micro-plastiques textiles  2.2.1.1 Le principe de la responsabilité élargie des producteurs et son application au secteur du textile  2.2.1.2 Une politique de recyclage qui ne répond pas à la pollution par les micro-plastiques  2.2.2 La loi AGEC tente d?apporter une solution avec l?équipement obligatoire de filtres à micro-plastiques dans les lave-linges  2.2.3 La captation des micro-plastiques textiles dans les boues des stations d?épuration  2.2.4 Les mesures qui prolongent la durée de vie des textiles ralentissent la pollution  2.2.4.1 L?interdiction de l?élimination des invendus, une mesure forte  2.2.4.2 Le cahier des charges de Refashion lui impose de promouvoir la réparation, le réemploi et la réutilisation  2.2.5 La lente émergence d?une information des consommateurs et de l?écoconception  2.2.5.1 De l?encadrement des allégations environnementales vers l?étiquetage obligatoire  2.2.5.2 L?affichage environnemental devrait « valoriser » le risque de pollution par les microparticules de plastique  2.3 Le secteur économique cherche peu à réduire la pollution à la source  2.3.1 Un secteur en transition, peu mobilisé sur la question des micro-plastiques  2.3.1.1 Les transformations du secteur  2.3.1.2 Quelques initiatives vers des textiles naturels ou moins émetteurs de micro-plastiques  2.3.2 Aucun label environnemental ne semble afficher de critères sur les émissions de micro-plastiques  2.4 De nouveaux outils qui devraient permettre de dépasser ces freins  2.4.1 Les recherches scientifiques en cours  2.4.2 De nouvelles normes devraient faciliter l?avancée des recherches sur les émissions de micro-plastiques  2.4.2.1 Des définitions communes des particules fines de plastiques  2.4.2.2 Une harmonisation des méthodes pour mesurer et analyser les pertes de matières lors des lavages des textiles  2.4.3 Les évolutions règlementaires à venir à l?échelle européenne  3 Afin de mieux répondre à cette pollution, il est nécessaire de prendre en compte le cycle de vie du produit textile  3.1 Approfondir les efforts de recherche  3.2 Répondre aux émissions lors de la création des étoffes et des produits  3.3 Faire du consommateur un acteur éclairé de la réduction de la pollution par les micro-plastiques  3.4 Répondre aux émissions lors de l?usage du produit  3.4.1 Les émissions lors des lavages des produits  3.4.2 Les émissions lors du port des produits  3.5 Répondre aux émissions lorsque le textile devient déchet  3.5.1 La collecte, le tri et les usages nouveaux (réemploi, réutilisation)  3.5.2 Les problèmes de pollution créés par l?exportation des déchets textiles européens et français  Conclusion  Annexes  Annexe 1. Lettre de mission  Annexe 2. Liste des personnes rencontrées  Annexe 3. Glossaire des sigles et acronymes  Annexe 4. Quelques chiffres sur la pollution plastique en général (ATTENTION: OPTION ion-des-boues- depuration-dans-lagriculture-Evaluation_fr PUBLIÉ https://aida.ineris.fr/node/25697/printable/pdf https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32020L2184 https://ec.europa.eu/info/law/better-regulation/have-your-say/initiatives/12328-Utilisation-des-boues-depuration-dans-lagriculture-Evaluation_fr https://ec.europa.eu/info/law/better-regulation/have-your-say/initiatives/12328-Utilisation-des-boues-depuration-dans-lagriculture-Evaluation_fr Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 32/72 boues d?épuration est constituée de micro-plastiques 75 , cette évaluation conclut que cette contamination ne peut être quantifiée à ce stade et renvoie la prise de décision à une meilleure articulation avec la révision de la directive DERU qui est en cours76. Concernant la pollution de l?air, les micro-plastiques sont totalement absents des normes européennes77, même des actes en cours de révision. La règlementation des particules fines (PM10 et PM2,5) ne définit pas leur composition chimique et fait seulement référence à leur taille (particules allant jusqu?à 10 microns ou 2,5 microns dans leur plus grande dimension). Les nano-plastiques pourraient donc être intégrés dans cette catégorie. Néanmoins les microfibres semblent échapper à ce cadre, d?une part, en raison de leurs dimensions, et d?autre part, parce qu?elles seraient surtout présentes dans l?air ambiant intérieur, qui ne fait pas l?objet de textes européens actuellement. 2.1.4 Une règlementation sur l?exportation des déchets ne permettant pas leur contrôle Enfin, les déchets textiles ne font pas partie des produits exclus d?exportation78 et le contrôle insuffisant des conditions dans lesquelles ils sont gérés dans les pays de destination, en particulier dans les pays en développement, représente une lacune majeure de la règlementation actuelle. En conséquence, l'exportation de certains déchets depuis l'UE a créé des problèmes environnementaux et de santé publique dans les pays de destination. Le texte est lui aussi en cours de révision afin de renforcer notamment l?autorisation d?accès aux pays tiers des exportations susceptibles de causer des dommages environnementaux dans le pays importateur. 2.2 Les mesures adoptées en France sont insuffisantes 2.2.1 Une règlementation française centrée sur la REP et le recyclage qui ne règle pas la pollution par les micro-plastiques textiles Pour améliorer l?empreinte environnementale des textiles, les pouvoirs publics français ont adopté des dispositions qui encouragent le recyclage79 et l?incorporation de matières recyclées dans les étoffes mises sur le marché. Avant de les présenter, il convient de restituer le contexte de la responsabilité élargie des producteurs, qui concerne également le secteur des textiles, linges de maison et chaussures (TLC). 2.2.1.1 Le principe de la responsabilité élargie des producteurs et son application au secteur du textile La responsabilité élargie du producteur (REP) est une déclinaison à la fois du principe « pollueur- payeur » posé par l?article 4 de la Charte de l?environnement mais aussi, depuis la loi AGEC, du 75 ?Microplastics removal from a primary settler tank in a wastewater treatment plant and estimations of contamination onto European agricultural land via sewage sludge recycling, Environmental Pollution, Volume 304, 2022 https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0269749122004122 76 Au moment de l?écriture de ce rapport, la révision de la DERU est en cours d?examen par le conseil et le Parlement européen. La poursuite de l?examen des textes est inscrite à l?agenda du 2nd semestre 2023. 77 https://eur-lex.europa.eu/resource.html?uri=cellar:2ae4a0cc-55f8-11ed-92ed- 01aa75ed71a1.0001.02/DOC_3&format=PDF 78 Règlement sur l?exportation de déchets amendant les règlement 1257/2013 et 2020/1056 du 17/11/2021. Les produits textiles sont listés B3030 et ne sont pas couvert par l?interdiction d?exportation, n?étant pas couverts par la convention de Bâle. 79 L?article L. 541-1-1 du code de l?environnement définit ainsi le recyclage : « toute opération de valorisation par laquelle les déchets, y compris les déchets organiques, sont retraités en substances, matières ou produits aux fins de leur fonction initiale ou à d'autres fins. » PUBLIÉ https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0269749122004122 https://eur-lex.europa.eu/resource.html?uri=cellar:2ae4a0cc-55f8-11ed-92ed-01aa75ed71a1.0001.02/DOC_3&format=PDF https://eur-lex.europa.eu/resource.html?uri=cellar:2ae4a0cc-55f8-11ed-92ed-01aa75ed71a1.0001.02/DOC_3&format=PDF Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 33/72 principe de prévention qui résulte de l?article 3 de la même Charte. Ce dispositif, initié en France en 1992 pour les déchets ménagers et conforté au niveau de l?Union européenne par la directive cadre sur les déchets de 2008 80 , prévoit en effet désormais que les acteurs économiques (fabricants, distributeurs, importateurs, exportateurs) sont responsables de l?ensemble du cycle de vie des produits qu?ils mettent sur le marché, de leur écoconception jusqu?à la fin de leur vie. En pratique, dans chaque filière pour laquelle un mécanisme de REP a été instauré, ces acteurs doivent assumer la charge financière de la collecte sélective puis du recyclage ou du traitement des déchets issus de leur production. Ils peuvent le faire de façon individuelle ou collective dans le cadre d'un éco-organisme. Dans ce dernier cas, ils adhèrent à une société agréée par les pouvoirs publics à laquelle ils versent une contribution financière. La loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et l?économie circulaire dite « loi AGEC » a ajouté aux obligations préexistantes, celles d?adopter une démarche d'écoconception des produits, de favoriser l'allongement de la durée de vie des produits, de soutenir les réseaux de réemploi, de réutilisation et de réparation, de contribuer à des projets d'aide au développement en matière de collecte et de traitement de leurs déchets et de développer le recyclage des déchets issus des produits. S?agissant du champ d?application du dispositif, la loi AGEC a étendu la REP en vigueur depuis 2008 pour les textiles d?habillement, des chaussures et le linge de maison (TLC), aux produits textiles neufs pour la maison81. La mission s?est demandée pourquoi les vêtements professionnels ou du moins certains d?entre eux n?étaient pas soumis à la filière REP d?autant qu?ils incorporaient bien souvent des plastiques. À la suite de réflexions engagées en 2014, le choix a été fait de susciter des projets volontaires de la part des entreprises ou des administrations. La structuration d?une filière de réemploi / recyclage industrielle des vêtements professionnels (projet "FRIVEP") a été l?un des quatre premiers engagements pour la croissance verte, signé le 27 avril 2016. Cette démarche a notamment débouché sur la rédaction d?un livret d?écoconception des vêtements professionnels en 202082. L?éco-organisme qui assure les obligations des producteurs de déchets textiles s?ils le souhaitent est Refashion (ex Eco TLC), agréé depuis 2019 et dont l?agrément a été renouvelé par arrêté du 23 décembre 2022. Un nouveau cahier des charges lui a été fixé par arrêté du 23 novembre 202383 quant à ses objectifs en matière de collecte et de valorisation des textiles usagés. 2.2.1.2 Une politique de recyclage qui ne répond pas à la pollution par les micro- plastiques Au sens de la loi française, le recyclage ne se traduit pas nécessairement par la fabrication du produit pour le même usage. On distingue à cet égard, le recyclage en boucle fermée (même usage) 80 2008/98/CE du 19 novembre 2008 81 Art. L. 541-10-1 du code de l?environnement 82 « Livret d?écoconception des vêtements professionnels ; retours d?expériences du projet FRIVEP » réalisé par OREE en juin 2020 83 Nouveaux objectifs : ? Taux de collecte des TLC usagés : 60% en 2028, ? TLC usagés triés devant être réemployés ou réutilisés : 120 000 tonnes en 2024, ? Taux de réutilisation / réemploi à moins de 1 500 km du lieu de collecte : 15% en 2027, ? Taux de recyclage des TLC usagés non réutilisées : 70% en 2024, 80% en 2027, ? Taux de recyclage des TLC usagés intégrant au moins 90% de matières synthétiques plastiques non réutilisées : 50% en 2025, 90% en 2027, ? Au plus 0,5 % des TLC collectés ou soutenus sont éliminés (stockage, incinération sans valorisation éner- gétique). Source : site du ministère de la transition écologique PUBLIÉ Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 34/72 du recyclage en boucle ouverte (destination différente à la suite d?altération des propriétés du plastique). D?ailleurs l?article R. 541-221 du code de l?environnement définit la recyclabilité comme la capacité de recyclage effective des déchets issus de produits identiques ou similaires. Si la matière recyclée issue du recyclage représente plus de 95% du déchet collecté, le produit peut porter la mention « produit entièrement recyclable ». En tout cas, cette part doit être supérieure ou égale à 50% de la masse du déchet collecté. Si l?usage et la destination du produit recyclé sont identiques et sans perte fonctionnelle, l?information peut indiquer « produit recyclable en un produit de même nature ». Des sommes considérables sont investies dans la politique de recyclage du textile, notamment dans la recherche appliquée. Cette politique est à vrai dire en ligne avec les objectifs de l?UE en matière de recyclage des plastiques. Techniques de recyclage des plastiques On distingue le recyclage mécanique et le recyclage chimique. Le recyclage mécanique conduit à broyer, laver, retrier, extruder puis transformer en granulés des polymères homogènes sans que soit modifiée leur structure. Le recyclage chimique englobe toute technologie de retraitement utilisant des agents ou des procédés chimiques qui affectent directement le plastique ou le polymère lui-même. Trois grandes familles de technologie existent : la purification à l?aide de solvants, la dépolymérisation, la dépolymérisation thermique L?OPESCT considère que « la filière mondiale du recyclage chimique est toujours en phase de test ». La France compterait 13 projets de recyclage chimique. Source : note n°39 de l?Office parlementaire d?évaluation des choix scientifiques et techniques (OPECST) « Le recyclage des plastiques » juin 2023 Les autorités françaises ont mis en place des mesures incitatives pour encourager le recyclage. a) des objectifs particulièrement ambitieux sont assignés à Refashion qui peut les traduire via des éco-modulations. Ces objectifs de recyclage de plus de 50% des TLC usagés sont à comparer aux 32% du taux de recyclage constaté en 2021. En trois ans, ce taux doit plus que doubler, surtout lorsque les produits d?origine intègrent beaucoup de plastiques. Pour l?atteindre, l?éco-organisme Refashion va devoir inciter les producteurs, importateurs et distributeurs par tous les outils mis à sa disposition et notamment les éco-modulations. Les éco-modulations L?article L. 541-10-3 du code de l?environnement permet des modulations des contributions financières des producteurs, sous forme de primes ou de pénalités, au regard des meilleures techniques disponibles en fonction de critères de performance environnementale (notamment la quantité de matière utilisée, l?incorporation de matière recyclée, l?emploi de ressources renouvelables gérées durablement, la durabilité, la réparabilité, les possibilités de réemploi ou de réutilisation, la recyclabilité, l?absence d?écotoxicité). Les éco-modulations sont soumises pour avis au comité des parties prenantes84, prévu par l?article L. 541-10 du code de l?environnement, puis sont arrêtées par le ministre chargé de l?environnement après avis de la commission interfilière. L?éco-modulation ne doit pas dépasser 20% du montant du prix de vente du produit. Le cahier des charges prévoit des éco-modulations positives ou négatives en fonction du respect de l?affichage environnemental quand il sera en vigueur et de la recyclabilité des TLC après production d?une étude. 84 Selon l?article L. 541-10, chaque éco-organisme crée un comité des parties prenantes, composé notamment de producteurs, de représentants de collectivités territoriales, d?associations de protection de l?environnement agréées, d?association de protection des consommateurs ainsi que d?opérateurs de la prévention et de la gestion des déchets, dont ceux de l?économie sociale et solidaire PUBLIÉ Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 35/72 Mais, actuellement, seules des éco-modulations positives sont versées sous forme de primes aux producteurs de déchets en fonction de la durabilité des TLC, des certifications par des labels environnementaux (huit sont sélectionnées par l?arrêté85 mais l?éco-organisme peut en proposer d?autres après avis du comité des parties prenantes) et de la quantité de matières recyclées dans les produits. b) des obligations d?étiquetage : L?article L. 541-9-1 du code de l?environnement et son décret d?application86 prévoient, selon un calendrier échelonné en fonction de la taille des entreprises et de leurs ventes87, que les textiles d?habillement et linge de maison neufs comportant des matières recyclées devront mentionner cette composition (R. 541-221- III) et qu?ils devront également indiquer leur recyclabilité (R. 541- 221-VI) en signalant s?ils sont majoritairement ou entièrement recyclables (recyclables à plus de 95%) ou encore « recyclable en un produit de même nature » ; cette obligation ne pèse que si cinq critères88 qui définissent la recyclabilité sont tous remplis. Sur ce dernier point, Refashion a fait savoir à ses adhérents qu?il considérait qu?aucun d?entre eux n?était à ce jour soumis à l?obligation d?informer les consommateurs car les cinq critères précédemment évoqués n?étaient pas tous réunis. En effet, cet éco-organisme considère que la filière REP TLC est tournée depuis son origine vers la réutilisation des produits, en application de la hiérarchie des modes de traitement des déchets inscrite à l?article L. 541-1 du code de l?environnement et qu?ainsi elle ne dispose pas des capacités de recyclage suffisantes pour répondre au 5ème critère. En 2021, le taux de réutilisation des déchets TLC atteignait 58% et le recyclage 32%. Refashion s?engage en revanche à réévaluer régulièrement la recyclabilité des produits TLC en fonction de l?évolution de la filière à plus et mieux recycler. c) Les plans de prévention et d?écoconception : L?article L. 541-10-12 du code de l?environnement, auquel sont soumis tous les producteurs de déchets, leur impose d?établir tous les cinq ans un plan de prévention et d?écoconception. Qu?ils soient individuels ou communs à plusieurs entreprises, ils doivent nécessairement comporter des chapitres expliquant comment ils comptent réduire l?usage des ressources non renouvelables, accroitre l?utilisation de matières recyclées et la recyclabilité des produits. Dans le secteur des TLC, ils devaient être transmis à Refashion (même si l?entreprise n?est pas adhérente) avant le 31 juillet 2023 qui doit en faire une synthèse à la fin de l?année. L?éco-organisme met en ligne des outils pour aider les entreprises à remplir cette nouvelle obligation (guide de rédaction, trame vierge et pré-remplie avec des exemples d?indicateurs et d?objectifs). En premier lieu, la mission souligne là encore la priorité accordée au recyclage. Par ailleurs, l?objectif de réduction des ressources non renouvelables n?est pas détaillé. 85 Ecocert textile, Oeko-tex, Made in Green, Bluesign, Fairtrade, Ecolabel Européen, Demeter, GOTS et Bioré 86 Décret n° 2022-748 du 29 avril 2022 qui a créé les articles R. 541-220 à 223 du code de l?environnement 87 À compter du 1er janvier 2023 pour les entreprises dont le chiffre d?affaires dépasse 50 M ¤ et qui mettent chaque année plus de 25 000 unités, du 1er janvier 2024 pour celles pour lesquelles ces données sont supérieures respectivement à 20M¤ et 10 000 unités, et du 1er janvier 2025 pour celles pour lesquelles elles sont supérieures à 10M¤ et 10 000 unités, 88 Les 5 critères sont les suivants : « 1° La capacité à être efficacement collecté à l?échelle du territoire, via l?accès de la population à des points de collecte de proximité ; 2° La capacité à être trié, c?est-à-dire orienté vers les filières de recyclage afin d?être recyclé ; 3° L?absence d?éléments ou substances perturbant le tri, le recyclage ou limitant l?utilisation de la matière recyclée ; 4° La capacité à ce que la matière recyclée produite par les processus de recyclage mis en oeuvre représente plus de 50 % en masse du déchet collecté ; 5° La capacité à être recyclé à l?échelle industrielle et en pratique, notamment via une garantie que la qualité de la matière recyclée obtenue est suffisante pour garantir la pérennité des débouchés, et à ce que la filière de recyclage puisse justifier d?une bonne capacité de prise en charge des produits pouvant s?y intégrer ». PUBLIÉ Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 36/72 En second lieu, elle considère, qu?en l?état des connaissances, le recyclage n?est pas une solution au problème de la pollution micro-plastique puisque, a priori, rien ne permet de penser que les textiles issus du recyclage sont moins émetteurs de micro-plastiques que le textile d?origine. Tout d?abord, la pollution par les micro-plastiques en provenance des plastiques recyclés et des opérations de recyclage n?est pas connue. La mission n?a pas connaissance de recherches sur ces sujets pourtant essentiels compte tenu des objectifs de recyclage que notre pays poursuit. L?OPESCT relève seulement que le laboratoire national de métrologie propose de mettre en place un observatoire national sur les matériaux recyclés afin d?évaluer les risques émergents liés au développement du recyclage89. En absence de données sur cette question, la mission postule que le relargage de micro-plastiques par des étoffes produites à partir de plastiques recyclés, qu?ils proviennent de bouteilles ou de jeans, est identique à celui des produits composés de plastiques qui ont subi des opérations de recyclage. Autrement dit, au mieux, le problème ne fait que perdurer. Il peut aussi être amplifié tout au long du cycle de vie de la nouvelle étoffe. Ensuite, des limites techniques demeurent : seuls quelques textiles peuvent être recyclés à l?identique et pendant un temps limité. Le reste subit des déclassements progressifs. Dans ces conditions, l?OPECST estime que le recyclage n?est qu?un « amortisseur temporel de la formation des déchets, sans les éviter ». Nathalie Gontard fait la même analyse90. En outre, elle souligne que « les industries de la mode (?) proposent de nouvelles fibres textiles en plastique recyclé pour remplacer les fibres vierges ou naturelles ». Enfin et ce n?est pas la moindre des observations, l?accent trop important mis sur le recyclage ne respecte pas la hiérarchie des modes de traitement des déchets, qui devrait pourtant être la boussole des politiques publiques en application de l?article 4 de la directive cadre déchets 2008/98 transposé à l?article L. 541-1 du code de l?environnement en France. Cet article donne la priorité à la prévention et à la réduction des déchets notamment via la conception et les actions en faveur du réemploi des produits. Ensuite, lorsque les déchets sont inévitables, il privilégie dans l?ordre : la préparation à leur réutilisation, leur recyclage, toute autre valorisation, enfin seulement leur élimination. 2.2.2 La loi AGEC tente d?apporter une solution avec l?équipement obligatoire de filtres à micro-plastiques dans les lave-linges La loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et l?économie circulaire, dite « loi AGEC », comporte de nombreuses dispositions relatives à la lutte contre la pollution plastique, notamment les micro-plastiques. Son article 79, modifié depuis par l?article 47 de la loi n° 2021-1104 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite « loi Climat et Résilience », prévoit qu?à compter du 1er janvier 2025 les lave-linges neufs domestiques ou professionnels vendus en France seront dotés d?un filtre à microfibres de plastique ou de toute autre solution interne ou externe permettant leur captation. L?entrée en vigueur de cette disposition est conditionnée à la publication des textes réglementaires qui en fixeront les modalités d?application. Ces projets sont en cours de rédaction à la date de rédaction du présent rapport. Cette mesure nécessite le développement par le secteur industriel de l?électroménager, qui n?est pourtant pas le pollueur au sens de l?application du principe pollueur-payeur ou du dispositif de REP, de tels produits. 89 « Le recyclage des plastiques », Note scientifique de l?OPESCT de juin 2023 90 « Plastique : le grand emballement » page 155, Nathalie Gontard avec Hélène Seinglier : édition Stock, 2020 PUBLIÉ Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 37/72 À ce stade, le marché ne compte que deux machines à laver le linge domestiques ainsi équipées. Le groupe Arcelik met sur le marché deux produits ? l?un sous la marque Beko® qui a créé le produit et l?autre sous la marque Grundig® - équipés d?un « Fibercatcher », un filtre intégré dans une cartouche située à l?arrière du bac à lessive. La technologie ne s?active que sur le programme synthétique, car sinon les microfibres naturelles de coton également relarguées lors des lavages la rendraient inopérante. Le circuit d?évacuation de l?eau a été repensé pour que l?eau repasse par le bac à lessive et donc le filtre avant d?être rejetée. La technologie « Fibercatcher » capturerait « jusqu?à 90 % des microfibres plastiques émises lors du cycle de lavage ». La cartouche se change tous les 6 mois environ (en fonction du nombre de cycles dédiés au lavage synthétique) : elle coûte 19,99 euros, est fabriquée à partir de 98 % de plastique recyclé. Ces lave-linges sont vendus entre 599 et 699 euros91. La marque Electrolux® a fait un autre choix et propose un filtre externe qui s?adapte à toutes ses machines à laver le linge et s?installe sur le mur au niveau de la sortie d?eau de la machine. Le prix est similaire, machine et filtre, la promesse de captation est également de 90% de microparticules de plus de 45 microns. Le filtre seul coûte 79,90 euros et doit être nettoyé en rejetant les résidus dans la poubelle classique lorsque le voyant s?allume ; sa cartouche doit toutefois être changée tous les 6 mois environ, en fonction de la fréquence des cycles dédiés au lavage des vêtements synthétiques. Le kit Electrolux Filtre Micro-plastiques E9WHMIC1 est livré avec deux cartouches filtrantes, soit environ un an de lavages (en fonction des habitudes) avant le rachat d?une recharge de cartouches filtrantes, vendues par deux. D?autres produits sont également disponibles sur le marché mais ne sont pas proposés par les fabricants de lave-linges : autres types de filtres externes et sacs de lavage. On notera que tous ces produits nécessitent, au-delà de l?acte d?achat, un comportement volontaire de la part du ménage utilisateur, du lancement du bon programme, avec le regroupement du textile synthétique, au vidage/nettoyage/échange du filtre. L?industrie du secteur des lave-linges est mobilisée sur cet enjeu depuis l?adoption de la loi AGEC et du règlement européen prévoyant une modification en 2025 des règles d?écoconception des machines à laver le linge. Regroupée au sein d?APPLIA92, elle a réalisé une étude en 2020 confiée à RISE (Research Institute of Sweden)93 qui évalue le nombre de fibres micro-plastiques issues du lavage en machine dans l?Union européenne de 20 à 500 mg de microfibres de polyester issus des textiles, relâchées entre le 2ème et le 5ème lavage. En prenant comme hypothèses un nombre d?habitants de l?UE + UK de 513 M d?habitants, lavant 265 kg de linge par personne et par an dont 55% de textiles synthétiques, l?étude arrive à une émission de 15 000 tonnes de fibres émises par an après filtrage par les stations d?épuration qui sont supposées capter 90% des fibres mais ne traitent pas 10% des flux. 91 Sachant qu?un lave-linge premier prix (capacité de 5kg) a un prix aux alentours de 200 euros mais qu?un lave- linge de 9kg de classe énergétique A sans filtre atteint 600 euros. 92 APPLIA (Home Appliance for Europe) ? Représente les fabricants d?électroménager européen (Arcelik, Ariston, BSH, Candy, Daikin, De Longhi, Dyson, Electrolux, Groupe Atlantic, Gorenje, LG, Liebherr, Miele, Philips, Panasonic, Samsung, Seb, Smeg, Vestel, Vorwerk, Whirlpool). 93 RISE est un institut de recherche suédois impliqué dans les projets de recherche sur les micro-plastiques lancés par le gouvernement de la Suède. PUBLIÉ Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 38/72 Figure 11 : Nombre de fibres émises avec inclusion du 1er lavage (source : APLLIA)94 Néanmoins, en raison de l?absence à ce stade de méthodologie unifiée validée, l?industrie considère que des études supplémentaires sont nécessaires pour évaluer la capacité de captation des filtres, et même le niveau d?émission des fibres synthétiques. De nombreux facteurs entrent en ligne de compte : type de machine (domestique, laboratoire, commerciale), nombre de lavages, nature du filtre qui collecte les microparticules, lavage de la machine entre les tests, type d?étoffe (polymère mais aussi méthode de tissage/tricotage, type de fil, existence d?un prétraitement), température de lavage et type de détergent utilisé, quantité d?eau, etc. Elle reconnait néanmoins des tendances : ? la majorité des microparticules sont émises lors des premiers lavages jusqu?aux cycles 5 à 10 ; ? la température accroit le nombre de particules émises, ainsi que l?utilisation de détergent ; ? la finesse des mailles de captation des filtres est déterminante ; dans une étude menée en 2016 par des chercheurs de la Plymouth University, la taille moyenne des fibres récoltées était comprise entre 11,9 et 17,7 microns de diamètre ; autrement dit, une grande part de ces microplastiques seraient passés à travers les mailles du filtre Electrolux® ; ? les tests en laboratoire et ceux dans des machines commerciales sont tout autant valables, mais des conclusions sont difficiles à retirer des tests en laboratoire par rapport aux impacts sur les vêtements dans la vie réelle des produits. Il apparait donc que l?équipement obligatoire des lave-linges en filtres ne peut régler à lui seul la question de la pollution aux micro-plastiques pour les raisons suivantes : elle ne permet pas la captation de l?ensemble des fibres émises ; elle arrive à un stade avancé du cycle de vie du textile alors que les émissions les plus importantes interviennent lors de la fabrication et de la teinture des produits ; elle doit s?accompagner de la mise en place de procédés de traitements des résidus filtrés par les lave-linges et d?acteurs économiques en capacité de les prendre en charge ; son efficacité repose sur le respect par les particuliers d?un certain nombre de consignes, tout à fait nouvelles pour eux (récupérer les résidus et les déposer à certains endroits ou envoyer le filtre régulièrement à des entreprises qui le laveront et le retourneront aux usagers, voire, au regard des produits actuellement sur le marché, nettoyage du filtre externe), étant souligné que seuls les acquéreurs de nouvelles machines à laver le linge seront concernés. 94 Littérature review ? Microplastic emissions from textile laundry including emission scenarios for EU ? 08/10/2020 ? R. Landin, K. Jedvert, AC Hanning, A. Hakonen PUBLIÉ Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 39/72 Enfin, cette disposition soulève des questions vis-à-vis du droit de l?Union européenne. En premier lieu, on peut s?interroger sur sa conformité à l?article 34 du Traité sur le fonctionnement de l?UE (TFUE) qui prohibe les mesures équivalentes à une restriction de la libre circulation des marchandises au sein de l?Union. Cette interdiction est néanmoins levée si la mesure peut être regardée comme une exigence impérative d?intérêt général, nécessaire et proportionnée (art 36 du TFUE95). Toutefois, les observations précédentes conduisent à se demander si la Cour de justice considérerait qu?une telle exigence peut être en l?espèce reconnue. L?appréciation portée sur cette proportionnalité devra tenir compte des éléments qui figureront dans la communication de la Commission européenne attendue sur les micro-plastiques et notamment le maintien d?un objectif de révision du règlement écoconception des machines à laver le linge dès 2025. Et encore faudrait- il que cette révision soit acceptée par une majorité d?États membres. En tout état de cause, elle ne pourrait sans doute pas intervenir avant la fin de l?année 2027. Malgré toutes les difficultés et sous les réserves exposées précédemment, le filtre à particules micro-plastiques, interne ou externe aux lave-linges, peut constituer une des mesures permettant de réduire la pollution résultant des micro-plastiques d?origine textile. Elle pourrait devenir effective progressivement, au fur et à mesure du renouvellement du parc de lave-linges des particuliers. Néanmoins, il conviendrait, pour éviter tout contentieux, que l?échéance prévue par l?article 79 de la loi AGEC soit repoussée, voire que la disposition soit réécrite, en adaptant le dispositif français aux futures dispositions européennes. 2.2.3 La captation des micro-plastiques textiles dans les boues des stations d?épuration L?article L. 541-38 du code de l?environnement, modifié par la loi AGEC, prévoit que les référentiels des boues d?épurations doivent au plus tard le 1er juillet 2021 prendre en compte les « particules de plastiques » en fonction de l?évolution des connaissances. Les textes d?application96 permettant la mise en oeuvre de ces dispositions sont en cours d?écriture par les services de l?État (ministère de l?agriculture, avec le ministère de la transition écologique). Les projets de décret et d?arrêté ? qui vont entrer en consultation dans le courant du second semestre 2023 - prévoient effectivement une « teneur maximale en inertes et impuretés » dans lesquelles figurent les micro-plastiques d?une taille supérieure à 2 mm97. Comme indiqué précédemment, la révision en cours de la directive DERU va imposer la réalisation de telles évaluations. Les questions posées ici sont de deux ordres : ? Quels pourcentages de microparticules sont effectivement captées lors du traitement des eaux usées ? ? Quelles quantités de micro-plastiques sont ensuite transférés dans les sols via l?épandage des boues d?épuration des stations ? 95 Voir l?interprétation par la CJUE de l?article 36 du TFUE : CJUE, 11 septembre 2014, Essent Belgium, C-204/12 à C-208/12, pt. 90 ; CJCE, 20 septembre 1988, Commission c. Royaume de Danemark, C-302/86, pt. 9 ainsi que CJUE, 23 décembre 2015, Scotch Whisky Association, C-333/14, pt. 53. 96 L?article 86 de la loi AGEC prévoyait la révision des textes réglementaires applicables à l?épandage des boues d?épuration urbaines et industrielles, au plus tard le 1er juillet 2021, afin de mettre sur un pied d?égalité toutes les matières fertilisantes et supports de culture (MFSC), en fixant des critères de qualité agronomique et d?innocuité, « afin de s?assurer que leur mise sur le marché et leur utilisation ne portent pas atteinte à la santé et à l?environnement ». À partir de cette date, les MFSC ne respectant pas les nouveaux textes, n?auraient pu être valorisées en agriculture. 97 Projet : teneur maximale en plastique de +2 mm = 3 g/kg de matière sèche PUBLIÉ Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 40/72 Concernant la captation des microparticules de plastique par les stations d?épuration, la littérature scientifique estime que les stations d?épuration actuelles (à l?échelle mondiale) en retirent, lors du traitement des eaux usées, entre 58,8 et 99,9%98, et que 79% des micro-plastiques entrant dans la station d?épuration finissent dans les boues ou encore que l?on compte entre 1 000 et 300 000 microparticules de plastique dans 1kg de boues d?épuration. La littérature scientifique met également en avant le fait qu?en sus d?être une pollution en soi, les micro-plastiques sont également le véhicule potentiel d?autres contaminants (métaux lourds, bactéries, produits pharmaceutiques) qui sont transférés dans les sols et impactent leur qualité en tant qu?écosystème. De nouvelles technologies existent permettant de retirer jusqu?à plus de 98% des micro-plastiques présents dans les eaux usées en combinant des techniques conventionnelles de boues activées et un traitement par bioréacteur à membrane. Elles sont proposées par l?ensemble des industriels de la filière de traitement des eaux usées. Bioréacteur à membrane Un bioréacteur à membrane (BRM) est une technologie utilisée dans une station d?épuration pour améliorer la qualité de l?eau rejetée : elle fait usage de membranes de microfiltration ou d?ultrafiltration pour séparer l?eau traitée des flocs bactériens. Ces membranes ont une porosité inférieure à 0,1 µm et séparent toutes les bactéries et matières en suspension de l?eau épurée. Le module membranaire peut être immergé dans le bassin biologique ou placé à l?extérieur du bassin biologique. Les installations BRM sont généralement plus chères et consomment plus d?énergie que les stations d?épuration classiques. Leur gros avantage réside dans la très bonne qualité de leurs effluents. Différents types de membranes sont disponibles en fonction de la taille de l?installation et du type d?eau usée. En remplaçant l'étape traditionnelle de clarification gravitaire, la séparation membranaire supprime les contraintes liées à la décantation des boues : la qualité de rejet est donc parfaitement maîtrisée. Les problèmes posés par cette évolution technologique, qui permettrait la captation de la plupart des micro-plastiques, sont en premier lieu son prix et son calendrier de mise en oeuvre : elle implique en effet un équipement du parc national de stations d?épuration qui prendra du temps et aura un coût important, alors que la France est aujourd?hui déjà confrontée à un non-respect des obligations relatives à la directive eaux résiduaires urbaines (cf. rapport IGEDD 014474-0199 ). Actuellement, un nombre réduit de stations d?épuration (il s?agit en général de celles qui rejettent leurs effluents en zone sensible), ont été équipées de ce type d?installation. Cette technologie entraine par ailleurs un surcoût énergétique de fonctionnement. Les stations d?épuration en France En 2020, la France compte 22 331 usines de traitement des eaux usées représentant une capacité totale de 105 000 000 équivalent-habitants (EH). Les STEU délivrant au moins un traitement secondaire représentent 96 % de la capacité totale des installations en activité en France et celles assurant un traitement encore plus rigoureux couvrent 80 % de cette capacité totale. Le besoin de renouvellement annuel nécessaire pour maintenir la valeur du patrimoine d?assainissement est estimé entre 3,9 et 5,7 millions d?euros. Ce patrimoine ferait l?objet d?un sous-investissement, principalement dans le réseau, les postes de refoulement et les branchements, de l?ordre de 1,4 Mds/an. Cette évaluation ne prend pas en compte les nouveaux besoins (investissements eaux pluviales, lutte contre les micropolluants et les micro- plastiques). 98 ?Microplastic contamination in sewage sludge: Abundance, characteristics, and impacts on the environment and human health? - Environmental Technology & Innovation 31 (2023) 103176 ? 23 avril 2023 99 https://www.igedd.developpement-durable.gouv.fr/comment-ameliorer-durablement-la-collecte-et-le- a3734.html PUBLIÉ Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 41/72 Source : UIE - Étude patrimoniale eau Rapport 2022 Service des données et études statistiques du ministère de la transition écologique, 2020 Mais surtout, la mise en oeuvre du concept d?économie circulaire implique que les boues d?épuration soient utilisées au maximum de leurs capacités pour produire de l?énergie ou des produits annexes (matériaux de construction, engrais, source d?énergie pour la production de biogaz ou d?énergie à travers l?incinération). En France, 80% des boues d?épuration produites sont épandues dans les champs. Or l?usage des boues d?épuration comme engrais agricole conduit à répandre dans les sols des micro-plastiques, cette méthode devenant ainsi sans doute l?une des principales sources de contamination des sols par les micro-plastiques. Il en découle donc que, quand bien même l?ensemble des stations d?épuration seraient équipées de bioréacteurs membranaires d?ici 15 ans, les micro-plastiques captés dans les boues poseraient toujours le problème de leur gestion finale. Si l?épandage venait à être remis en cause pour être remplacé par une élimination des boues par incinération, les volumes de boues à traiter nécessiterait l?équipement des collectivités en incinérateurs, et donc de nouvelles dépenses publiques. Par ailleurs, des études indiquent que l?incinération des boues peut également être source de diffusion de micro/nano-plastiques dans l?air. Il convient enfin de rappeler qu?une partie des micro-plastiques restent véhiculés par les eaux pluviales (pneus et peintures routières) qui ne font pas l?objet de traitement dans les collectivités équipées de réseaux séparatifs. En conclusion sur ce point, la mission considère que l?utilisation des boues d?épuration comme fertilisant dans les champs agricoles devrait faire l?objet d?un examen plus poussé afin de minimiser les risques pour la santé humaine et les écosystèmes. Il convient de rappeler ici que l?épandage des boues d?épuration urbaines et industrielles ne représente que 12 à 13% des épandages en général100. L?arrêt ou la réduction de l?épandage des boues d?épuration sera donc principalement un problème de gestion desdites boues dont le principal usage final serait modifié101. 2.2.4 Les mesures qui prolongent la durée de vie des textiles ralentissent la pollution Face à des étoffes composées en tout ou partie de polymères dont les émissions sont principalement réalisées en début de cycle de vie, retarder leur fin de vie, et la gérer car elle est susceptible à nouveau de générer de nombreux micro-plastiques dans l?eau, dans l?air, dans le sol, peut apparaitre comme une solution, qui en plus s?inscrit dans la politique nationale et européenne de développement de réduction de l?impact environnemental de la filière textile. À cet égard la prohibition de l?élimination des invendus est une mesure contraignante intéressante aux yeux de la mission. De même, les dispositifs encourageant la réparation, le réemploi et la réutilisation. 2.2.4.1 L?interdiction de l?élimination des invendus, une mesure forte La part des invendus parmi les textiles mis en vente est estimée entre 10% et 20%102. Pour une entreprise donnée, elle varie notamment en fonction de la gestion des volumes produits ou la fréquence des collections. Depuis le 1er janvier 2022, en application de l?article L. 541-15-8 du code de l?environnement, les 100 Les épandages sur terres agricoles des matières fertilisantes d'origine résiduaire ? CGEDD-CGAER 2015 https://agriculture.gouv.fr/sites/default/files/cgaaer_14074_2015_rapport.pdf 101 Entre 43% et 76% si on additionne épandage et compostage. 102 Rapport d?Eunomia « Scoping study to assess the feasibility of further EU measures on waste prevention » publié en 2022 PUBLIÉ Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 42/72 producteurs, importateurs et distributeurs notamment de produits textiles 103 sont tenus de réemployer, y compris par le don104 à des associations caritatives ou à des structures de l?économie sociale et solidaire dans le cadre de convention de dons, de réutiliser ou de recycler les invendus. Refashion engage ses adhérents à repenser la structuration de leurs collections, par exemple en augmentant la part des intemporels, à créer des produits au plus près des attentes des consommateurs, à tester de nouvelles lignes, à minimiser les stocks, à faire des soldes attractives. Il leur suggère également de créer des espaces de ventes de « seconde main » qui pourront intégrer les invendus. Tout en évitant la destruction des produits non vendus, cette mesure devrait inciter les producteurs, importateurs et distributeurs à mieux calibrer leurs productions et leurs stocks. Elle sera, de plus, désormais appuyée par la règlementation européenne qui va imposer la même obligation à l?échelle de l?Union européenne (voir 2.1). 2.2.4.2 Le cahier des charges de Refashion lui impose de promouvoir la réparation, le réemploi et la réutilisation Comme indiqué en 2.2.1.2, le cahier des charges de l?éco-organisme prévoit des éco-modulations en fonction de la durabilité des produits TLC105. La durabilité est notamment appréciée, par type de textile, au regard de la résistance aux lavages, de la résistance aux abrasions, des glissements de fils aux coutures, du boulochage. La durabilité est par ailleurs encouragée via un fond dédié au financement de la réparation. L?objectif est d?augmenter le nombre de réparations hors garantie de 35% en 2028 par rapport à 2019. Le fond doté de 44M¤ financera notamment les dépenses liées aux réparations réalisées par des acteurs labélisés par l?éco-organisme. Le 11 juillet 2023, la secrétaire d?État à l?écologie, a ainsi annoncé qu?à partir du mois d?octobre 2023, les consommateurs pourront percevoir un bonus allant de 6 à 25 euros par réparation. Autres leviers indirects pour limiter la production de textiles synthétiques, des objectifs de réutilisation et de réemploi106 des TLC ont été fixés à Refashion : 120 000 tonnes de TLC usagés doivent être réutilisés ou réemployé chaque année à compter de 2024. Un fond soutient de telles opérations dès lors qu?elles interviennent à une distance inférieure à 1 500 km du lieu de collecte des TLC. 2.2.5 La lente émergence d?une information des consommateurs et de l?écoconception 2.2.5.1 De l?encadrement des allégations environnementales vers l?étiquetage obligatoire Avant la loi AGEC, les allégations environnementales étaient seulement soumises à la réglementation sur la publicité trompeuse et les pratiques commerciales déloyales (Directive 2005/29/CE et articles L. 121-1 et suivants du code de la consommation). Mais des mesures 103 Cette obligation n?entre en oeuvre qu?à compter du 1er janvier 2024 pour les textiles neufs pour la maison. 104 Ce don permet de bénéficier d?une réduction fiscale 105 Voir l?annexe III du cahier des charges 106 L?article L 541-1-1 du code de l?environnement définit ainsi le réemploi et la réutilisation : « Réemploi : toute opération par laquelle des substances, matières ou produits qui ne sont pas des déchets sont utilisés de nouveau pour un usage identique à celui pour lequel ils avaient été conçus ; » « Réutilisation : toute opération par laquelle des substances, matières ou produits qui sont devenus des déchets sont utilisés de nouveau ; » PUBLIÉ Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 43/72 volontaires les concernant avaient été prises par le monde de la publicité : le guide du Conseil national de la consommation sur les allégations environnementales (guide de 2010 réactualisé en 2023) et la « Recommandation développement durable » de l?autorité de régulation professionnelle de la publicité (la version en ligne date d?août 2020). Ces deux types d?auto encadrement visaient toutes les activités économiques. Outre des mentions obligatoires sur l?intégration de matières recyclées et sur la recyclabilité des fibres mentionnées au 2.2.2.1, le décret n° 2022-748 a prévu que les textiles d?habillement et linge de maison neufs devront indiquer le pays où s?effectuent le tissage, la teinture et l?impression ainsi que la confection et que ceux qui sont composés de plus de 50% de fibres synthétiques comportent la mention « rejette des microfibres plastiques dans l?environnement lors du lavage ». Néanmoins, l?enquête faite par les rapporteuses auprès du secteur a démontré que seules quelques marques appliquent cette règle dans les délais impartis. La mission s?est demandée si la très forte délocalisation de la fabrication des textiles évoquée au 1.3.3.1 ne pouvait pas expliquer la difficulté de déploiement des nouvelles règlementations sur l?étiquetage. En effet, des entreprises interrogées ont expliqué à la mission que leurs produits arrivaient en France cintrés et étiquetés, prêts à être exposés en magasins. Il conviendra donc de s?assurer que cette disposition est bien mise en oeuvre. 2.2.5.2 L?affichage environnemental devrait « valoriser » le risque de pollution par les microparticules de plastique D?abord prévu par l?article 15 de la loi AGEC107, l?affichage environnemental est désormais régi par l?article 2 de la loi Climat et Résilience. Il ne s?agit pas comme pour l?étiquetage environnemental de préciser certaines caractéristiques environnementales des produits. L?affichage environnemental vise d?une part, à « communiquer une information précise et transparente au consommateur pour qu?il puisse faire des choix en connaissance de cause », d?autre part, à « encourager les producteurs à concevoir de manière plus responsable leurs produits », enfin à « réduire l?impact environnemental de l?industrie de la mode » (Communiqué de presse de la secrétaire d?État à l?écologie le 21 mars 2023). Le secteur du textile connait des démarches d?affichage environnemental depuis 2010 et de nombreux travaux ont été menés permettant de constituer un socle technique (référentiel BPX 30- 323). Quatre entreprises ont été volontaires pour tester des projets de pré-déploiement de cet affichage de 2017 à 2020. La loi AGEC a poursuivi et officialisé cette démarche expérimentale en prévoyant des expérimentations pendant 18 mois, le dispositif devant être rendu obligatoire après l?entrée en vigueur de dispositions européennes ayant le même objectif. Ces expérimentations ont été prolongées, pour une durée maximale de cinq ans, par les dispositions du II de l?article 2 de la loi Climat et Résilience. Elles devaient débuter notamment par le secteur du textile d?habillement. À la différence de la loi AGEC, la loi Climat et Résilience prévoit qu?à l?issue de ces expérimentations et après évaluation de celles-ci, l?affichage environnemental sera rendu obligatoire par décret, prioritairement dans le secteur du textile d?habillement. Un premier bilan de l?expérimentation de l?affichage environnemental pour les textiles d?habillement et les chaussures a été dressé par un rapport au Parlement108, déposé en mars 2022 en application 107 Abrogé par le V de l?article 2 de la loi Climat et Résilience 108 Rapport au Parlement sur le bilan de l?expérimentation affichage environnemental textiles d?habillement et chaussures de la loi Anti-Gaspillage pour une Economie Circulaire, article 15, Mars 2022 PUBLIÉ Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 44/72 de l?article 15 de la loi AGEC. Il précise qu?environ 160 organisations s?étaient manifestées en 2020 auprès de l?ADEME pour participer à l?expérimentation mais que le nombre d?entreprises ayant réellement mis en place des expérimentations, précisément inconnu, peut être estimé à une dizaine. Le rapport explique cette désaffection in itinere par les difficultés liées à la crise COVID, un certain nombre d?incompréhensions des objectifs de cette expérimentation, notamment le positionnement par rapport aux travaux européens, l?absence de « certaines données cruciales » dans la base Impact de l?ADEME, l?absence d?échelles de notation commune. Il souligne que, pour la plupart des acteurs, le référentiel doit être complété mais qu?il n?y a pas de consensus entre eux sur les choix à faire. Il signale que sur la base de ces premiers enseignements et compte tenu du nouveau cadre posé par la loi Climat et Résilience, une nouvelle phase d?expérimentation a été lancée en juillet 2021 avec une gouvernance et des méthodes renouvelées. C?est ainsi que 11 méthodes de calcul et d?affichage d?une empreinte environnementale ont été expérimentées en 2022 avec environ 470 études de cas réalisés sur des produits réels. L?ADEME en a dressé un bilan dans un rapport109 de mars 2023 partagé avec le comité des partenaires. Six méthodes étaient basées sur le socle ADEME, quatre sur le projet de PEFCR (voir 2.1.1.2 p. 32) et une autre approche. Bien que, ni le projet de PEFCR, ni le socle de l?ADEME ne prennent en compte les micro-plastiques à proprement parler, certaines méthodes ont proposé d?intégrer cet enjeu, le considérant important : trois méthodes l?ont appréhendé en tant que sous-score de la biodiversité et deux ont développé un nouveau critère relatif aux micro-plastiques en lien avec la teneur en microfibres contenues dans le produit considéré. Compte tenu des résultats de ces expérimentations, la secrétaire d?État à l?écologie a annoncé le 17 mars 2023, devant les entreprises impliquées dans les expérimentations, les représentants du secteur et les ONG que huit critères d?impact avaient été retenus pour construire la méthode de calcul pour le futur affichage environnemental. Les rejets de micro-plastiques seront pris en compte par le 5ème de ces critères. La mission ne peut qu?approuver cette orientation dès lors qu?elle permettra aux consommateurs de prendre la mesure de l?éventuelle pollution micro-plastique engendrée par leur achat, en la comparant à d?autres impacts environnementaux et aura par répercussion des effets sur la conception des produits. Une première version de la méthode de calcul devrait être mise au point au second semestre 2023. Cette initiative française avance parallèlement aux travaux menés à l?échelle européenne sur l?affichage environnemental (notamment sur le PEFCR). Dans ce cadre, la France tente de faire valoir ses propres réflexions, qui convergent souvent avec celles de la Commission, par exemple sur la durabilité des vêtements (projet Durhabi porté par l?IFTH, repris au niveau européen), sur la réparabilité mais aussi sur les micro-plastiques. Mais à ce jour aucune méthode n?étant fiable, plusieurs projets de recherche sont en cours afin d?intégrer l?impact des micro-plastiques dans les analyses de cycle de vie. 2.3 Le secteur économique cherche peu à réduire la pollution à la source Le secteur, très dépendant des importations, déploie peu de moyens pour réduire la pollution par les micro-plastiques à la source. Peu incité par les pouvoirs publics comme indiqué précédemment, il ne l?est pas plus par les différents labels existants. 109 Rapport de l?ADEME : Évaluation transversale des méthodes d?affichage environnemental des textiles d?habillement et chaussures, Mars 2023 PUBLIÉ Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 45/72 2.3.1 Un secteur en transition, peu mobilisé sur la question des micro- plastiques 2.3.1.1 Les transformations du secteur La profession, bousculée voire fragilisée par la « fast fashion » mais aussi par la crise sanitaire de la Covid 19, cherche avant tout à réduire son impact sur le climat, souhaite amorcer une relocalisation de sa production comme en atteste le rapport du Comité stratégique de filière « mode et luxe » demandé par la ministre de la transition énergétique : « Relocalisation et mode durable » 2021. Le secteur se prépare aussi à mettre en oeuvre la loi AGEC, et notamment la réduction des emballages en plastique, l?affichage environnemental et les mesures précédemment rappelées en terme de recyclage et d?intégration de matières recyclées dans les étoffes. La mission a ainsi constaté que les efforts des grosses entreprises portent surtout sur le recyclage et la durabilité des produits, parfois sur le « coton bio » en terme d?efforts d?écoconception. La recherche appliquée, qu?elle soit publique ou privée (comme celle portée par GEMTEX110), est très déterminée par les demandes des entreprises, qui elles-mêmes, outre leurs stratégies propres de recherche et développement, suivent les orientations des pouvoirs publics. Ainsi, il a été indiqué à la mission que l?absence de dispositions contraignantes sur la teneur en polymère des textiles ou sur leur rejet de micro-plastiques, expliquait en partie la rareté des recherches sur ces sujets. Le centre européen des textiles innovants (CETI), centre de recherche privé, dispose d?une installation de recyclage thermodynamique étant souligné que c?est le recyclage mécanique qui est majoritairement utilisé. Pour développer ces procédés, il a mis en place une plateforme dénommée CETIA dédiée au tri et au recyclage. Il considère ainsi qu?il est tout à fait possible, techniquement et économiquement, de recycler à l?identique des mélanges de fibres (polyester/polyamide et polyester/coton) ou de les recycler en les séparant, cette dernière solution étant plus coûteuse. 2.3.1.2 Quelques initiatives vers des textiles naturels ou moins émetteurs de micro- plastiques ? L?exemple de la filière française du lin parait emblématique de la désindustrialisation du secteur textile en France. Cette filière, qui bénéficiait d?une longue tradition depuis le Moyen Âge, du Sud de la Normandie au Nord de la France, comme dans une partie de l?Europe du Nord, a presque totalement disparu. Ne demeurent que deux filateurs et une poignée de tisseurs et de tisserands 111 . Pourtant, « l?Europe, en particulier la France, la Belgique et les Pays-Bas, concentre 80% de la production mondiale de lin fibre, expédiée à 85% vers les filatures chinoises et en partie en Inde ». Elle se mobilise aujourd?hui pour relancer ses filatures et ateliers de tissage en cherchant à se relocaliser en France. À cet égard, il convient de signaler l?initiative de l?Union des industries textiles (UIT) et d?Interchanvre, lancée en juin 2023, « Bleu Blanc Lin » et « Bleu Blanc Chanvre » qui vise à « faire renaitre une filière lin et chanvre pour un textile 100% made in France »112. 110 Laboratoire de recherche textile ? Roubaix https://www.gemtex.fr/ 111 La tapisserie de Bayeux est une preuve de la présence du lin au XIe siècle « Les savoir-faire du lin textile » Fiche d?inventaire du patrimoine culturel immatériel (page 19). 112 https://www.textile.fr/actualite/soutienfilierestextilesfrancaiseslinetchanvre PUBLIÉ https://www.textile.fr/actualite/soutienfilierestextilesfrancaiseslinetchanvre Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 46/72 Ce mouvement de renaissance est porté au niveau européen, par la Confédération européenne du lin et du chanvre qui rassemble tous les acteurs de l?industrie européenne du lin dans 14 pays de l?Union européenne. La mission ne peut que se réjouir de ces évolutions qui, entre autres bénéfices, permettront de mettre sur le marché français et européen, des textiles moins ou pas émetteurs de micro-plastiques. ? Le CETI participe à des projets qui cherchent à développer des fibres plus « naturelles » : ? des PLA (Acide polylactique) (TOTAL Corbion en Normandie sur le site de la raffi- nerie de Grandpuits en Seine-et-Marne) bio plastique produit à partir de sucres de cannes ou d?amidon (aussi d?écorces de betterave) ; il est recyclable et « compos- table » selon Total énergie ; ? des celluloses issues de lin oléagineux (CETI) ; ? des fibres réalisées à partir de lait impropre à la consommation humaine qui sont recyclables ou compostables ; ces fibres, en apparence proches de la laine et de la soie, intéressent certaines entreprises du luxe mais compte tenu de leur origine et pour des raisons éthiques (ne pas détourner la production agricole), elles ne pourront donner lieu à une production de masse. ? Enfin, quelques rares entreprises se focalisent sur le sujet des micro-plastiques. Elles sont principalement regroupées au sein du Consortium Microfibres (TMC)113 association qui re- groupe différentes marques autour d?un « Engagement microfibres 2030 » : elles s?enga- gent à rechercher un « impact nul de la fragmentation des fibres des textiles sur l?environ- nement naturel d?ici 2030 » en choisissant de mettre la fragmentation des fibres en tête de leur agenda environnemental. Elles réalisent des tests sur leurs matériaux qu?elles com- muniquent au consortium et mettent à disposition des équipes de travail spécifiques sur le sujet. Ainsi, Décathlon® a engagé une démarche de tests de l?ensemble des étoffes de sa collection afin d?évaluer de façon précise leur caractère émissif et de pouvoir adapter sa production en fonction des résultats. Cette entreprise est l?une des deux marques ayant respecté les délais en matière d?étiquetage de ses produits. On notera également que le TMC a très largement contribué à l?élaboration des normes en cours d?adoption (voir 2.4.2). 2.3.2 Aucun label environnemental ne semble afficher de critères sur les émissions de micro-plastiques Les labels environnementaux sont des outils mis à la disposition des consommateurs pour leur permettre de choisir les produits qui paraissent offrir les meilleures garanties de préservation de l?environnement et de la santé humaine. Ils peuvent donc conduire à des changements de consommation non négligeables. Certains labels sont apposés sur les produits sous la seule responsabilité des fabricants ou distributeurs. D?autres sont certifiés ou contrôlés par un organisme tiers indépendants sur la base d?un cahier des charges conformément à l?article L. 433-1 du code de la consommation. Parmi ceux-ci figurent les labels conformes à la norme ISO 14024 et peuvent être appelés « Écolabel » comme l?éco label européen. 113 Outdoor Microfibre Consortium Limited dont sont membres Adidas, CetA, Decathlon, Bureau Veritas, Eurifins, Fashion for Good, Gap Inc, HetM Group, Helly Hansen, Kering, Next, Nike, The North Face, Patagonia, Puma, RISE, Tesco, Textile exchange, etc? https://www.microfibreconsortium.com/signatories PUBLIÉ https://www.microfibreconsortium.com/signatories Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 47/72 L?ADEME a réalisé une étude sur huit labels environnementaux apposés sur les textiles en 2020114. Cette étude est en ligne sur son site115. Depuis le 1er janvier 2023, la certification par un ou plusieurs de ces huit labels116 donne droit à des primes réduisant les éco-contributions versées à Refashion (voir 2.2.1.2). Toutefois l?étude de l?ADEME ne s?intéressait pas aux micro-plastiques, en tant que tels, mais d?une manière générale, à l?impact des produits sur le changement climatique, la perte de biodiversité, la pollution de l?air, l?écotoxicité et l?épuisement des ressources. La question de la pollution de l?air y était abordée mais sous l?angle des composés organiques volatiles. Par ailleurs, le critère de la durabilité, peu utilisé, était peu précisé par cette étude. La mission n?a pas trouvé de label mettant en avant le caractère faiblement émissif des étoffes. 2.4 De nouveaux outils qui devraient permettre de dépasser ces freins 2.4.1 Les recherches scientifiques en cours Afin de faire face aux incertitudes évoquées en partie 1.3, différents projets de recherche sont en cours, pour permettre la définition des micro-plastiques, leur caractérisation, leurs impacts toxicologiques à l?échelle internationale comme nationale, par les autorités publiques comme par le secteur privé. Ces projets en France117 sont notamment portés par l?ADEME, l?Institut national de l?environnement industriel et des risques (INERIS) et l?Office français de la biodiversité (OFB). Certains visent à évaluer la contamination des sols par les micro-plastiques (Microsof), d?autres leurs impacts écotoxicologiques (MusselPlast), les boues d?épuration (PRO), la dégradabilité des plastiques. Ces projets sont en phase d?achèvement et rendront des résultats d?ici fin 2024. Par ailleurs, l?ADEME, l?OFB, l?INERIS participent au réseau européen SOILVER dans lequel un état de l?art de la contamination dans les sols et les eaux souterraines a été réalisé par l?INERIS et des collaborateurs belges et néerlandais (projet MISSOURI). En mars 2022, un appel à projets de recherche (APR) a été lancé conjointement par l?ADEME et l?OFB pour évaluer le transfert des micro-plastiques dans les écosystèmes continentaux, afin d?anticiper les besoins réglementaires de surveillance et de gestion de ces pollutions. Les résultats de ces projets de recherche permettront d?asseoir les décisions publiques sur des données chiffrées. À ce stade, ils confirment la présence de micro-plastiques dans les écosystèmes investigués. 2.4.2 De nouvelles normes devraient faciliter l?avancée des recherches sur les émissions de micro-plastiques Grâce à la mobilisation des acteurs du secteur dans le monde entier, des normes ISO ont récemment été publiées ou sont en cours d?adoption. Pour la première fois, vont exister des définitions communes des micro-plastiques et des nano-plastiques, des méthodes communes pour déterminer les pertes de matière lors des lavages industriels et domestiques et pour les analyser. Ces harmonisations devraient permettre un essor des travaux de recherche et de leur comparaison 114 Vêtements, chaussures et textiles : impacts environnementaux et labels, Expertises, édition 2020 115 https://agirpourlatransition.ademe.fr/particuliers/labels-environnementaux#labelsrow-3 116 Pour les noms des labels voir note 86 117 Microsof, Biomaleg, Plasticène, Cinape, Pro PUBLIÉ https://agirpourlatransition.ademe.fr/particuliers/labels-environnementaux%23labelsrow-3 Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 48/72 et des conclusions beaucoup plus pertinentes devraient pouvoir en être tirées que ce soit par exemple en ce qui concerne l?ampleur des émissions de micro-plastiques sur le cycle de vie des étoffes, la réalité des pollutions dans l?environnement, les atteintes à la santé humaine, l?affichage environnemental ou les labels. 2.4.2.1 Des définitions communes des particules fines de plastiques Une norme (ISO/FDIS 24187118) est en cours d?élaboration et pourrait être adoptée d?ici la fin de l?année 2023 permettant une classification unique des micro-plastiques et un faisceau de règles permettant leur échantillonnage. À ce stade de son élaboration, la norme définirait les micro-plastiques comme des particules solides, non solubles dans l?eau, d?une taille allant de 1 µm à 1000 µm (soit 1 mm), les particules allant de 1 à 5 mm étant elles qualifiées de « grands micro-plastiques » mais étant couvertes par la même norme. De plus, cette norme indiquerait que la forme peut être régulière ou irrégulière, et que la dimension est celle de la partie la plus longue de la particule, ce qui permettrait d?y inclure les microfibres de moins de 5 mm de longueur. Elle devrait être validée à l?échelle internationale, mais également européenne (CEN) et française (AFNOR). Enfin, les nano-plastiques seraient également en cours de définition - ce qui est plus petit que 1 µm ? ces éléments étant contenus dans un document normatif écrit il y quatre ans. Une autre définition est proposée par l?OCDE jusqu?à 100 nanomètres. 2.4.2.2 Une harmonisation des méthodes pour mesurer et analyser les pertes de matières lors des lavages des textiles Une norme ISO, CEN et NF 4484 porte sur cette harmonisation. Elle comporte trois parties. La première partie concerne la détermination de la perte de matières des étoffes lors des lavages (ISO 4484-1 : 2023)119. Elle a été publiée et est en vigueur depuis février 2023. La troisième partie se concentre sur les méthodes pour mesurer la masse de matériaux collectés libérés par les produits finis textiles au cours des lavages domestiques. Cette partie de la norme a été publiée en mai 2023 au niveau international mais ne l?était pas encore en France à la date de rédaction du présent rapport120. La deuxième partie, qui porte sur les méthodes pour mesurer, quantifier et analyser les résultats des matières ainsi collectées, fait encore débat. En effet, il existe déjà des travaux de normalisation sur l?analyse des micro-plastiques dans l?eau. La plupart des pays de l?Union européenne et la Commission souhaiteraient qu?il n?y ait qu?une seule norme (norme ISO/16084 en trois parties en cours d?élaboration) et que la gouvernance sur ces questions soit harmonisée et confiée au « groupe joint » entre le comité technique dans le domaine des plastiques et le comité technique dans le domaine de l?eau, et ne fasse donc pas l?objet d?une norme séparée. L?Union européenne a donc voté « contre » la proposition de norme ISO 4484-2. L?adoption de cette norme poursuit néanmoins sa route et elle devrait être publiée avant la fin de l?année 2023, mais ne sera pas applicable dans l?UE. 118 Projet de norme ISO/FDIS 24187:2023 « Principes d?analyse des micro-plastiques présents dans l?environnement ». 119 https://standards.cencenelec.eu/dyn/www/f?p=205:110:0::::FSP_PROJECT:71617&cs=110565CE941B989550 C25BDB465B4B18A 120 https://www.iso.org/fr/standard/81035.html PUBLIÉ https://www.iso.org/fr/standard/81035.html Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 49/72 2.4.3 Les évolutions règlementaires à venir à l?échelle européenne Comme évoqué en 2.1, la Commission européenne et les agences européennes travaillent activement sur le sujet des micro-plastiques avec l?objectif de faire évoluer la règlementation européenne sur le sujet. Des travaux européens ont été conduits et seraient sur le point d?aboutir à la publication d?une communication faisant état de la collecte de données sur l?émission des micro-plastiques non intentionnels réalisée depuis 2018 et des priorités politiques que va se donner l?Union européenne dans ce domaine. Au stade de la finalisation de ce rapport, cette communication n?a pas été adoptée par la Commission européenne. Selon des informations recueillies par la mission, la Commission européenne se préparerait à annoncer que la priorité sera donnée à la lutte contre les pertes de granulés industriels. La définition de mesures visant la réduction des micro-plastiques issus des textiles pâtirait du manque de données consolidées permettant l?évaluation quantitative de cette pollution, et des conséquences économiques pour les secteurs concernés (industrie textile, fabricants de lave-linges). En parallèle, la Commission a soumis le 30 mars 2022 à l?adoption législative une règlementation élargissant les obligations en matière d?écoconception à de nouveaux types de produits dont les textiles (tous les produits en fait à l?exception de quelques-uns). Cette règlementation cadre est en cours d?adoption par le Conseil et le Parlement qui a adopté sa position le 12 juillet dernier. Elle sera suivie de la définition de règlements d?application propres à chaque secteur, comportant ses propres règles en matière d?écoconception des produits. Cette règlementation européenne prévoit notamment la « labellisation » des produits sur leur impact environnemental : le « passeport produit » doit contenir les informations exactes et à jour sur les possibilités de réparation et de recyclage, sur la durabilité du produit. Cela aidera le consommateur à faire des choix éclairés et les autorités de contrôle des États membres à effectuer les vérifications. D?autres règles seront également définies pour améliorer la durabilité, la sûreté, la réutilisation, l?amélioration, la réparation, le maintien en bon état et la remise à neuf, la présence de produits à risque, l?usage de l?énergie et l?efficacité énergétique, le contenu recyclé, la possibilité de reproduire et de recycler, la possibilité de récupération des matériaux, les impacts environnementaux et la génération prévue de déchets. À ce stade de la négociation, l?orientation générale du Conseil propose une interdiction directe de destruction des produits non écoulés dans le secteur de l?industrie textile, avec une exemption de quatre ans pour les entreprises de taille moyenne et une exemption générale pour les petites et microentreprises121. Cette position est soutenue par le Parlement européen dans son vote du 12 juillet 2023. Il est important de préciser que la « destruction » au sens de ce texte européen n?intègre pas l?action de réemploi ou de re-fabrication, afin de pousser les producteurs à envisager différentes options pour ces textiles invendus. Une révision de la directive sur la biodégradabilité des plastiques est prévue en 2027 afin de tenir compte des progrès dans la compréhension du phénomène de pollution. La règlementation européenne relative à l?exportation des déchets est également en cours d?évolution. Début juillet 2023, la Commission a abordé cette question dans le cadre de la révision, ciblée sur les textiles, de la directive cadre sur les déchets. Elle a annoncé dans un communiqué de presse que les mesures prévues viendront compléter celles de la proposition de nouveau règlement concernant les transferts de déchets qui ont pour « objectif d?assurer que les transferts de déchets textiles n?ont lieu que lorsqu?il est garanti qu?ils sont gérés d?une manière 121 « Nouvel article 20b : Interdiction de destruction des produits de consommation invendus qui sont des vêtements ou des accessoires vestimentaires : À compter de 36 mois après l?entrée en vigueur du présent règlement, la destruction des produits de consommation invendus qui sont des vêtements ou des accessoires du vêtements, énumérés aux chapitres 61 et 62 du TARIC [Tarif douanier de l?Union européenne] établi par le règlement CEE n°2658/8777 du Conseil est interdite. » PUBLIÉ Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 50/72 écologiquement durable »122. Dans le domaine de la pollution de l?eau, la proposition de directive révisant la DERU identifie les micro-plastiques comme de « nouveaux polluants » ayant fait leur apparition et fixe un objectif de réduction des émissions de micro-plastiques de 9% d?ici 2040, « principalement grâce à des actions sur la gestion améliorée des eaux de pluie ». Par ailleurs, elle prévoit que les États membres devraient désormais « surveiller la pollution provenant des eaux de ruissellement urbain et des surcharges dues aux pluies d?orage, les concentrations et les charges des polluants réglementés dans la présente directive à la sortie des stations d?épuration des eaux urbaines résiduaires et la présence de micro-plastiques (y compris dans les boues) » pour toutes les agglomérations ayant un taux d?équivalent habitants (EH) supérieur à 10 000. Une méthodologie de mesure des micro- plastiques dans les eaux résiduaires urbaines et les boues sera établie par la Commission européenne dans le cadre d?actes d?exécution de la directive. Enfin, notamment parce que les micro-plastiques peuvent être des vecteurs de substances chimiques concernées par la DCE, notamment des additifs susceptibles d?être relargués (plastifiants tels que le DEHP, le C10-13-chloroalcane, hexachlorobenzène, composés ignifuges tels que l?HBCDD, ou encore des métaux (utilisés comme pigments tels que le cadmium) qui sont des « substances prioritaires dangereuses » susceptibles d?être présentes dans les plastiques, la Commission a proposé le 26 octobre 2022 une directive révisant la DCE, la directive sur les eaux souterraines et celle sur les standards de qualité environnementale dans le domaine de la politique de l?eau . Cette révision propose notamment l?introduction de nouvelles substances à mesurer dans le cadre de l?évaluation de la qualité de l?eau et demande l?élaboration d?une méthodologie pour évaluer les micro-plastiques présents dans l?eau. Ce texte est en cours d?examen par les instances européennes. L?ensemble des évolutions de ce cadre européen auront un impact sur la mise en oeuvre de la loi AGEC et des autres mesures règlementaires en cours d?adoption en France. 122 Communiqué de presse de la Commission européenne du 5 juillet 2023 : Économie circulaire et secteur du textile : responsabilité à l?égard de la réduction, du réemploi et du recyclage des déchets textiles et stimulation des marchés des textiles usagés. PUBLIÉ Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 51/72 3 Afin de mieux répondre à cette pollution, il est nécessaire de prendre en compte le cycle de vie du produit textile D?une manière générale, il semble à la mission indispensable que les politiques publiques s?inspirent de la hiérarchie des modes de traitement des déchets. Par ordre de priorité décroissante, il convient donc d?abord d?encourager à l?écoconception, d?augmenter la durabilité, d?inciter à la réparation, au réemploi, enfin à la réutilisation. Le recyclage doit donc retrouver sa place, après ces premières mesures. Mais pour mettre en oeuvre une écoconception efficace et pertinente, la filière a besoin que la recherche sur toutes les étapes de la vie du produit soit intensifiée. 3.1 Approfondir les efforts de recherche Il a été souligné précédemment123 à quel point le manque de connaissances freinait tant les décisions publiques que les choix des industriels. Les avancées en terme de normalisation124 devraient faciliter nombre de recherches publiques ou privées sur l?ensemble des enjeux évoqués dans ce rapport. La mission estime que des recherches complémentaires devraient porter en priorité sur : - les risques des micro- et les nano-plastiques sur les écosystèmes et la santé humaine ; - la quantification des micro-plastiques émis dans l?air lors du port des vêtements ; - l?analyse des émissions de micro-plastiques issus des étoffes produites en polymères recyclés et des étoffes en fin de vie ; - le devenir des micro-plastiques présents dans les boues d?épuration épandues sur les sols. [ADEME et ANSES] Soutenir des projets de recherche sur les effets sur les écosystèmes et la santé humaine des micro-plastiques, sur la pollution aux micro- plastiques d?origine textile dans l?air et par l?épandage des boues d?épuration et sur la pollution issue des textiles recyclés et en fin de vie. 3.2 Répondre aux émissions lors de la création des étoffes et des produits Dans le cadre de la mise en oeuvre du principe de précaution et de prévention, l?écoconception des étoffes apparait comme une des mesures à privilégier afin de limiter leur caractère émissif en micro-plastiques. Deux orientations politiques sont possibles : ? Réduire la part des étoffes synthétiques dans le textile consommé en France en leur substituant des matériaux alternatifs : ? fibres naturelles (lin, chanvre) ; ? fibres biosourcées transformées (viscose, lyocell) tout en limitant leurs autres im- pacts environnementaux ; ? Réduire les émissions de micro-plastiques par les étoffes : 123 Voir partie 1 124 Voir en 2.4.2 PUBLIÉ Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 52/72 ? en améliorant leur conception : sur la base des tests qui seront réalisés, la profes- sion va pouvoir déterminer plus précisément quels sont les types d?étoffes les plus émetteurs ; ? en captant les émissions réalisées lors de la fabrication des étoffes, ce qui néces- site un plan d?investissements dans les pays producteurs pour que les émissions des usines de fabrication soient collectées, traitées, filtrées et que les déchets soient ensuite détruits. Parce que la substitution de matières pas ou peu émettrices de micro-plastiques nécessite de revoir des lignes de production et des gammes de produits, et donc du temps, les plans de prévention et d?écoconception devraient être utilisés comme aides en vue de telles transformations. Le plan de prévention et d?écoconception prévu par l?article L. 541-10-12 du code de l?environnement pourrait être l?occasion d?imposer aux entreprises du secteur de remettre en question leur recours aux textiles synthétiques, qu?ils soient vierges ou recyclés, en fonction de la gamme de chacune d?entre elle. Il pourrait même leur être demandé de se fixer à elles-mêmes un objectif de réduction des micro-plastiques. [MTECT/DGPR] Modifier l?article L. 541-10-12 du code de l?environnement pour prévoir que le plan d?écoconception doit avoir comme objectif d?augmenter la part des fibres peu ou pas émettrices de micro-plastiques Les innovations déjà amorcées sur de nouvelles fibres naturelles ou synthétiques devraient être accentuées. Pour accompagner cette réorientation, la reconstitution ou la constitution de filières de fibres naturelles, telles que le lin et le chanvre, pour celles qui peuvent être produites en France ou en Europe, devraient être encouragées et soutenues à l?échelle nationale comme européenne. La conception d?étoffes et de produits non ou moins émetteurs de micro-plastiques devrait faire partie des priorités des programmes de recherche entrepris par les secteurs privé et public. Des recherches récentes, il apparait que la longueur des fibres synthétiques a une grande importance sur leur caractère émetteur de microparticules. Si ces informations venaient à être confirmées par les tests en cours, cette exigence relative au type de fibre pourrait figurer dans les cahiers de charge. Même si à ce stade la biodégradabilité des plastiques synthétiques n?a pu être prouvée, la recherche de fibres biodégradables (même si émettrices de microfibres ou particules) est également un champ à explorer125. Un autre sujet d?écoconception des étoffes relève des modalités de tissage ou tricotage. Sans remettre en cause la suprématie industrielle actuelle du tricotage, qui déstabiliserait fortement la filière, les tests sur les étoffes devraient également permettre d?analyser l?impact de la conception des étoffes sur les émissions de microfibres. De même, les modalités de découpe des étoffes au moment de la fabrication des produits textiles ou d?assemblage des pièces peuvent avoir un impact sur leur caractère émissif. En résumé, sur la base des tests qui vont pouvoir être conduits dans les 2 ou 3 prochaines années conformément aux normes récemment adoptées ou en cours d?adoption, les cahiers de charge des entreprises de fabrication et de diffusion des produits textiles auprès de leurs fournisseurs pourront intégrer des critères permettant de limiter les émissions de micro-plastiques par les étoffes et les produits achetés, qu?ils soient importés ou produits au sein de l?Union européenne. 125 L?entreprise Primaloft Bio indique avoir fabriqué le premier tissu issu de fibres synthétiques 100% recyclées et biodégradables à 55% (Prima loft Bio Performance Fabric). PUBLIÉ Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 53/72 [MEFSIN/DGE] Soutenir le développement par la filière TLC de la production d?étoffes en fibres naturelles alternatives au coton ou en nouvelles étoffes synthétiques biosourcées et compostables Pour accélérer la réduction de l?utilisation des micro-plastiques lorsque leur utilité n?est pas avérée, il pourrait être envisagé d?interdire l?incorporation de micro-plastique dans les textiles. De telles pratiques existent par exemple pour ennoblir les textiles ou rendre plus agréable leur portabilité (nanoparticules pour éviter les mauvaises odeurs dégagées par les chaussettes de sport). Il s?agit ici d?éviter l?ajout de micro-plastiques intentionnels et donc de s?aligner avec la politique européenne visant à réglementer en priorité les micro-plastiques primaires. On pourrait à l?échelle française étendre le champ d?application de l?article L. 541-15-12 du code de l?environnement (inséré par l?article 82 de la loi AGEC) qui interdit l?incorporation de micro-plastique en concentration supérieure à 0,01% dans certains produits. S?agissant de l?industrie textile, cette interdiction devrait viser tous les micro- et nano-plastiques sauf, encore une fois, en cas de nécessité démontrée. Cette décision doit préalablement être prise à l?échelle européenne. Enfin, afin de limiter l?impact des micro-plastiques émis, l?écoconception devrait également se concentrer sur les additifs. La limitation, voire l?interdiction, de certaines substances chimiques utilisées comme additifs dans la confection des polymères peut faire l?objet d?un renforcement de la règlementation européenne sur le sujet. [MEFSIN/DGE ? MTECT/DGPR] Demander à l?échelle européenne l?inter- diction de : a) l?insertion de micro et nano-plastiques additionnels pour l?embellissement et l?ennoblissement ; b) l?ajout des additifs insérés dans les polymères textiles causant des risques pour la santé humaine et les écosystèmes. Enfin, la France et l?Union européenne sont mobilisées dans le cadre de leur aide au développement sur le sujet de la gestion de l?eau dans les pays tiers. Néanmoins, la majorité des aides est dirigée vers l?accès à l?eau potable des populations, plutôt que vers le traitement des eaux usées ; et quand bien même des projets relatifs au traitement des eaux usées existent, les usages des boues d?épuration sont similaires aux usages réalisés en France, à savoir l?épandage d?une grande partie d?entre elles, et donc des micro-plastiques qui ont été captés lors du traitement. D?échanges avec le secteur du textile, la mission retient également que l?insertion dans les cahiers des charges de contraintes pour les producteurs de textiles des pays tiers en matière de collecte de leurs eaux usées à la sortie de leurs usines de fabrication, n?a pas eu de résultats, les moyens de contrôle étant inexistants et le saut technique demandé n?étant pas possible à mettre en oeuvre, avec souvent des réseaux publics de traitement des eaux inexistant ou insuffisants pour prendre le relais des industries. Pourtant, la traçabilité récemment mise en place devrait permettre d?améliorer la capacité de contrôle sur les producteurs de produits textiles par les donneurs d?ordre. L?encouragement à l?amélioration de la gestion des eaux usées dans les pays tiers producteurs de textiles doit être poursuivi, même si des résultats ne peuvent être attendus à court terme. [MEAE - MTECT] Aider les pays tiers dans lesquels sont produites les étoffes à développer des systèmes de gestion des eaux et de captation des microfibres, dans le cadre des politiques d?aide au développement et en partenariat avec les entreprises européennes productrices et distributrices de produits textiles. PUBLIÉ Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 54/72 La commande publique, devant être « mise au service de la transition vers l?économie circulaire » en application de l?article. L. 541-1 (dernier alinéa) du code de l?environnement, le levier des marchés publics pourrait être aussi actionné pour les vêtements professionnels lorsque la technicité de leur usage le permet. Un pourcentage maximum de fibres synthétiques pourrait être inclus dans les clauses techniques des marchés correspondant et un bonus pourrait être accordé aux tissus comportant le plus de fibres naturelles et/ou biodégradables. 3.3 Faire du consommateur un acteur éclairé de la réduction de la pollution par les micro-plastiques La lutte contre les micro-plastiques des textiles rejoint celle de la lutte contre les coûts environnementaux de la surconsommation textile. D?après un sondage réalisé par OpinonWay126 auprès de 2 002 personnes, 55% des Français déclarent limiter leurs achats textiles aux besoins réels, 46% trier leurs placards et 55% valoriser leurs textiles en leur offrant une seconde vie, 80% ayant recours aux dons. Figure 12 : Cycle de vie des textiles et chaussures (Source : rapport d'activité 2022 Refashion) Une des clés de l?action politique apparait donc comme étant celle de la sensibilisation du consommateur comme du distributeur. L?affichage environnemental, dès lors qu?il comportera un critère sur le rejet dans l?environnement 126 https://fr.fashionnetwork.com/news/Dechets-textiles-les-francais-mobilises-mais-trop-peu- informes,1340053.html PUBLIÉ Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 55/72 de micro-plastiques et que ce critère sera correctement valorisé, ne pourra qu?avoir des effets positifs sur la conception des étoffes. Pour éviter de faire l?objet d?un mauvais score, les entreprises devraient s?orienter vers des tissus comportant moins de polymères ou vers des polymères moins émetteurs de micro-plastiques. Eu égard à l?importance de la pollution par les micro-plastiques d?origine textile, la mission considère qu?il est nécessaire de renforcer les contraintes d?étiquetage actuellement prévues par le XI de l?article R. 541-221 du code de l?environnement : - d?une part, le pourcentage de 50% de composition d?étoffe synthétique au-delà duquel les émissions de micro-plastiques doivent être signalées apparait trop élevé puisque l?on sait que toutes ces fibres rejettent des micro-plastiques quel que soit leur pourcentage. La mission propose donc de faire passer le pourcentage à 5 % ; - d?autre part, sachant que le relargage des microparticules peut aussi intervenir lors du port, de tout autre utilisation et de la fin des étoffes, la mission propose soit de supprimer dans la mention obligatoire les mots « lors du lavage », soit de compléter cette mention par « de l?utilisation et de la fin de vie de l?étoffe ». Cette recommandation rejoint celle du rapport de l?OPECST de 2020 sur la pollution plastique. La mission rappelle qu?un pictogramme signalant de manière très claire la présence de plastiques n?est prévu que pour certains produits à usage unique par le décret n°2021-1279 qui transpose l?article 7 de la directive du 5/06/2019 et son règlement d?exécution UE 2020/2151. Un pictogramme analogue pourrait accompagner la mention « rejette des microfibres plastiques dans l?environnement ». Les labels constituant des outils souples et rapidement mobilisables, la mission considère qu?ils devraient mieux prendre en compte la pollution par les micro-plastiques d?origine textile. Pour les y inciter, elle estime que l?ADEME devrait renouveler et approfondir son étude sur les labels environnementaux. [MTECT/CGDD - ADEME] Mieux informer le consommateur sur les mi- cro-plastiques textile en : a) lançant des campagnes de communication sur l?émission de micro-plastiques par les produits textiles ; b) modifiant le XI de l?article R. 541-221 du code de l?environnement pour faire passer le seuil de présence de fibre synthétique de 50% à 5% déclenchant une information du consommateur ; c) renouveler l?étude sur les labels envi- ronnementaux pour les textiles en mettant en lumière les critères retenus par chacun d?eux sur les émissions de micro-plastiques, sur le taux de présence de fibres synthétiques et artificielles, sur la réparabilité du vêtement, sur sa durabilité. 3.4 Répondre aux émissions lors de l?usage du produit 3.4.1 Les émissions lors des lavages des produits La partie 2 de ce rapport a souligné la difficile mise en place d?une politique de captation des micro- plastiques issus des lavages de vêtements, qui sont supposés être l?une des principales causes d?émission de micro-plastiques textiles en Europe. Concernant les machines individuelles à laver le linge, la loi AGEC a fixé un objectif, auquel les fabricants de machine ont partiellement répondu, et sa mise en oeuvre dépend principalement de l?adoption de règles équivalentes à l?échelle européenne. La mission souhaite néanmoins attirer l?attention sur la nécessaire proportionnalité de cette mesure d?une part, eu égard aux technologies PUBLIÉ Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 56/72 actuellement existantes qui nécessitent une forte implication de l?utilisateur de la machine (choix des programmes, nettoyage des filtres), un risque de contradiction avec le droit européen de libre circulation des biens et marchandises, et d?autre part sur sa temporalité de mise en oeuvre. D?après UFC-Que-Choisir et l?INSEE, 94% des ménages sont équipés d?un lave-linge en France et la durée de vie d?un lave-linge est estimée à 7 à 10 ans. De plus, les règles européennes et nationales récentes visent la promotion de la fin de l?obsolescence programmée et du réemploi de l?électroménager. Quand bien même la mesure d?installation obligatoire d?un système de filtrage serait mise en place en France dès 2025, le temps nécessaire pour qu?une fraction suffisante des ménages français investissent dans une machine équipée d?un tel système de filtrage ne permettra pas d?obtenir des résultats avant 2030. La mission s?est donc penchée sur la possibilité d?imposer l?équipement des machines à laver industrielles d?un tel système de filtrage, solution qui apporterait a minima la garantie du bon traitement des résidus de lavage issus du système de filtration et de la bonne application du principe de filtration en fonction de la nature des étoffes. La loi française impose également l?équipement des machines industrielles d?un même système de filtration. L?idée, expertisée également par la Commission européenne, serait donc d?imposer un premier lavage ? ou plusieurs lavages initiaux - des produits textiles distribués sur le marché européen, qu?ils soient importés ou fabriqués dans l?Union européenne. Ce(s) premier(s) lavage(s) permettrai(en)t non seulement la collecte des microparticules émises lors des premiers lavages, et leur récupération puis leur élimination, mais également celles de produits/additifs chimiques nocifs qui peuvent être utilisés dans la fabrication des étoffes. Cette solution ne peut être expérimentée par la France seule et doit s?imposer à l?échelle de l?Union européenne. Les solutions logistiques pour la mettre en oeuvre devraient être laissées aux distributeurs afin de pouvoir s?intégrer dans leur chaine logistique. Néanmoins, il convient de ne pas oublier que cette mesure entrainerait une forte déstabilisation des chaines logistiques actuellement existantes de la plupart des marques, dont la très large majorité de la production est fabriquée à l?extérieur de l?Union européenne, non seulement pour la production des étoffes, mais également pour leur conception, leur étiquetage, leur emballage et même leur cintrage ce qui rend un relavage dans l?Union européenne très complexe. Et l?imposition d?un lavage dans le pays de production du produit ? qui n?est pas forcément celui de la production de l?étoffe elle-même ? pose les problèmes liés au traitement des eaux usées dans les pays tiers déjà évoqué (3.1.1). Cette solution dont l?efficacité immédiate est très séduisante, aura donc un impact majeur sur la chaine de production et nécessiterait une mise en oeuvre progressive. L?examen devra notamment intégrer les types de financement pouvant être apportés par la REP. La dernière étape d?émission des micro-plastiques lors des lavages est celle des stations d?épuration, sujet également largement abordé en partie 2.2.3. Les réglementations en cours de mise en place à l?échelle nationale et européenne devraient permettre d?avoir rapidement une visibilité sur l?ampleur de cette pollution par les micro-plastiques. Dans le contexte actuel d?un renforcement de l?équipement des collectivités françaises en systèmes d?épuration des eaux usées plus efficaces afin de respecter les obligations communautaires actuelles et à venir, la mission pense utile que l?équipement des stations en filtres permettant une meilleure capture des microparticules de plastique soit examinée de façon plus systématique dans le cadre des projets, notamment pour les stations situées dans des zones sensibles. La question de l?usage des boues d?épuration nécessite également une expertise plus poussée. En effet, la mise en oeuvre du principe de précaution conduirait à ne pas poursuivre l?épandage des boues d?épuration dont la teneur en microparticules de plastique est avérée. Le développement d?autres usages des boues d?épuration doit donc être recherché. PUBLIÉ Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 57/72 [MTECT ? MESFIN/DGE] Limiter les émissions de micro-plastiques en provenance des lavages en Europe en : a) défendant à l?échelle européenne dans le cadre de l?évolution du règlement écoconception la mise en place de filtre sur les lave-linges privés ; b) examinant à l?échelle européenne la possibilité d?un prélavage des produits textiles avant leur mise en rayon par les distributeurs [MTECT] Renforcer les filtres équipant les stations d?épuration dans les zones sensibles et limiter l?épandage des boues d?épuration dont la contamination par les micro-plastiques est avérée. 3.4.2 Les émissions lors du port des produits À ce stade de l?analyse, il apparait à cette mission très difficile d?imposer des règles obligatoires. La priorité doit être donnée à la recherche pour analyser à la fois la présence des microfibres dans l?air, la capacité d?ingestion/adsorption de ces microfibres dans le corps humain et leur impact sur la santé. Dans un deuxième temps, une fois ces études complémentaires réalisées, il suffira d?étendre les règles européennes sur la pollution de l?air aux microfibres en les rattachant aux PM2,5 et PM10. [MTECT/DGEC] A l?échelle européenne, en fonction des résultats des études sur les émissions de micro-plastiques dans l?air, intégrer les microparticules de plastique dans les PM2,5 et PM10. 3.5 Répondre aux émissions lorsque le textile devient déchet 3.5.1 La collecte, le tri et les usages nouveaux (réemploi, réutilisation) La lutte contre les micro-plastiques ne pourra que bénéficier de l?accroissement de la durabilité des produits puisque la majorité des émissions se produisent en début de vie du produit, même si cette assertion se heurte à l?absence de tests réalisés sur des étoffes en fin de vie ou sur des étoffes en synthétiques recyclés. Il convient à cette occasion de signaler que Refashion doit contribuer à la prise en charge des opérations de collecte séparée des déchets textiles. Cette collecte séparée devient en effet obligatoire à compter du 1er janvier 2025, en application du décret n °2021-950 du 16 juillet 2021, comme dans le reste de l?Union européenne. Elle va augmenter la masse de déchets collectés mais leur traitement en sera facilité et de meilleure qualité. Quelques chiffres sur le tri et le réemploi 67 centres de tri conventionnés donc 15 en Europe hors de France 260 000 tonnes ont été récoltées dont 188 000 ont été triées (soit 23% de la mise sur le marché) 59% des volumes collectés et triés est considéré comme apte à la réutilisation. On estime le volume des TLC réemployés à 10 000 à 30 000 tonnes par an, essentiellement vers les boutiques des entreprises relevant de l?économie sociale et solidaire. PUBLIÉ Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 58/72 [MTECT/DGPR] Modifier le cahier des charges de l?éco-organisme de la filière TLC pour lui fixer des objectifs de collecte, de tri, de réemploi et de réparation des textiles synthétiques, plus ambitieux que pour les autres textiles 3.5.2 Les problèmes de pollution créés par l?exportation des déchets textiles européens et français Selon Refashion, 95% des TLC collectés et triés sont exportés essentiellement en Afrique (35%), en Europe (31%) et en Asie (24%), les trois principaux pays destinataires étant le Pakistan (33 000 tonnes), la Tunisie (près de 31 000 tonnes) et la Belgique (28 000 tonnes). Rares sont les textiles qui sont réutilisés dans ces pays en raison de leur mauvais état ou parce qu?ils ne correspondent pas aux besoins locaux. La plupart est donc éliminée alors que les pays importateurs de déchets n?ont bien souvent pas les capacités de les traiter correctement. Ces exportations sont ainsi vraisemblablement génératrices d?une très forte pollution notamment en terme de micro-plastiques. De nombreuses voix se sont élevées contre ces pratiques qui demeurent néanmoins à l?échelle européenne. Le cahier des charges de Refashion n?est pas à la hauteur du problème puisqu?il prévoit seulement qu?en 2024, 8% des TLC usagés devront être réemployés ou réutilisés à moins de 1 500 km du lieu de collecte, cet objectif passant à 15% en 2027. Pour la mission, il n?est pas admissible que notre pays exporte ainsi ses déchets textiles sans s?assurer que les installations qui les accueillent seront en mesure de les traiter correctement, en particulier en ce qui concerne les micro-plastiques. Elle a constaté que cette position était conforme à celle préconisée tant par le Parlement européen que par la Commission (voir 2.1.4). [MEFSIN/DGT ? MEAE] Dans le cadre de la négociation européenne sur la révision du règlement sur l?exportation des déchets, promouvoir la position tendant à interdire l?exportation de déchets textiles dans les pays tiers qui ne sont pas en capacité de gérer ces déchets PUBLIÉ Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 59/72 Conclusion L?émission de microparticules de plastiques par le textile est avérée, a contaminé tous les milieux, et ne va faire que s?accroitre au regard de l?augmentation de la part des étoffes synthétiques dans la production textile mondiale. Il y a donc urgence à agir pour réduire cette pollution à l?échelle de l?ensemble du cycle de vie des produits, les émissions se déroulant à chaque étape. La concentration des efforts actuellement menés sur la phase lavage des produits textiles ne permet pas de répondre à l?ensemble de la problématique et a des coûts disproportionnés par rapport à d?autres actions qui peuvent être mises en oeuvre en amont et sont plus en phase avec les principes pollueur-payeur et de respect du cycle de vie du produit. La mission recommande donc d?axer prioritairement les efforts sur l?écoconception des étoffes et des produits textiles en s?appuyant sur les nouveaux outils de normalisation récemment adoptés ou en cours d?adoption. Dans ce secteur, il semble également indispensable que toute décision soit prise à l?échelle européenne. Il convient enfin d?ancrer l?action de lutte contre les micro- plastiques textiles dans le contexte et le cadre de la lutte contre la surconsommation de textiles à bas coûts qui est au coeur de cette problématique. Virginie DUMOULIN Sabine SAINT GERMAIN Inspectrice générale de l'administration du développement durable Inspectrice générale de l'administration du développement durable PUBLIÉ Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 60/72 Annexes PUBLIÉ Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 61/72 Annexe 1. Lettre de mission PUBLIÉ Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 62/72 PUBLIÉ Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 63/72 Annexe 2. Liste des personnes rencontrées Organisme Date Nom Fonction Cabinet de la SE à l?écologie 12/04/23 Léonard BRUDIEU Conseiller DEB 19/04/23 Marie-Laure Metayer Adjointe au DEB id Isabelle Kamil Sous-directrice, de la protection et de la gestion de l?eau, des ressources minérales et des écosystèmes aquatiques, EARM id Véronique NICOLAS Cheffe du bureau EARM 4 id Vincent SZLEPER Adjoint à la sous-directrice de la protection et de la restauration des écosystèmes littoraux et marins. DGPR/SRSEDPD/SD id Sami DRISSI-AMRAOUI Chargée de mission REACH santé environnement, produits chimiques, agriculture/ bureau des produits chimiques MEFSIN/DGE/Service de l?industrie/sous-direction des industries de santé, des biens de consommation et de l?agroalimentaire 21/04/23 Astrid EVEN Chef de projet Mode, Luxe et biens de consommation France LACOEUILHE Chargée du textile au sein de l?équipe de Mme EVEN Comité France Océan 2/05/2023 Gauthier CARLE Coordonnateur des ONG du Comité France Océan Laboratoire GEMTEX/ENSAIT 2/05/2023 Xyanzi ZENG Directeur Fabien SALAUN Responsable « matériau avancé » Xavier LEGRAND Responsable « matériau composite » PUBLIÉ Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 64/72 MTECT/CGDD/SEVS 5/05/2023 Audrey COREAU Cheffe du service de l?économie verte et solidaire Pascal DAGRAS Chef de projet affichage environnemental Alliance du commerce 5/05/2023 Yohann PETIOT Directeur Pascale Barthomeuf- Lassire Directrice des affaires économiques et juridiques Pierre Alexandre Naud Responsable des affaires économiques et juridiques ADEME 9/05/2023 Jean Charles CAUDRON Responsable de la direction de la supervision des REP Manon LEGER Chargée de mission au sein de cette direction GIFAM (Groupement des marques d?appareils pour la maison) 10/05/2023 Camille BEURDELEY Alexandrine FADIN SOS MAL DE SEINE 12/05/23 Laurent Colasse Président CETI, centre européen des textiles européens 16/05/23 Pascal DENIZART Directeur Expedition MED 16/05/23 Bruno DUMONTET Fondateur et directeur ETAM 16/05/23 Kache HONG ZWART Directrice RSE Les Amis de la Terre 23/05/23 Pierre Condamine Chargé de campagne surproduction ADEME/Service de Coordination, d?Evaluation et de 24/05/23 Isabelle DEPORTES Ingénieure impacts sanitaires et écotoxicologiques de l?économie circulaire PUBLIÉ Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 65/72 Valorisation (SCEV) Coordination R&D DECi INERIS / Direction stratégie, politique scientifique et communication 24/05/23 Pierre BOUCARD Responsable études et recherches de l?unité économie et décision pour l?environnement ECOBALYSE/ADEME 24/05/23 Alban FOURNIER Responsable DECATHLON 26/05/23 Julie Arnould Responsable de l?équipe de recherche Marie Stephan Antoine Cosne Doctorant Institut Français du textile et de l?habillement 26/05/23 Clarisse REILLE Directrice Eva Debruyne Référente développement durable Carole Garbowski Chargé du suivi réglementaire notamment de l?affichage environnemental Bureau de la normalisation de l?industrie textile et de l?habillement BNITH 2/06/23 Laurent Houillon Directeur Chercheuse publique 2/06/23 Nathalie Gontard Directrice de recherche à l?INRA et professeure à l?Université de Montpellier Refashion 6/06/23 Hélène Daret Directrice du pôle relation avec les adhérents et responsable du développement de l?éco conception Bureau de la normalisation des plastiques et de la plasturgie 20/06/23 Yan Archambeau Directeur PUBLIÉ Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 66/72 Commission de l?UE/ Direction générale de l?environnement 23/06/23 Flora Wallace Unité B1 PUBLIÉ Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 67/72 Annexe 3. Glossaire des sigles et acronymes Acronyme Signification en français ADEME Agence de la transition écologique AFNOR Association française de normalisation AGEC (Loi) Anti-gaspillage et pour une économie circulaire ANSES Agence nationale de sécurité sanitaire de l?alimentation, de l?environnement et du travail APPLIA Homa Appliance for Europe BPA Bisphénol A BPS Bisphénol S BRM Bioréacteur à membrane CGDD Commissariat Général au Développement Durable CETI Centre européen des textiles innovants COVID Maladie à Coronavirus CTI Centre Technique Industriel (du textile et de l'habillement) DCE Directive cadre sur l?eau DCSMM Directive cadre Stratégie et milieux marins DEHP Phtalate de bois DGE Direction générale des entreprises DGEC Direction Générale de l?Energie et du Climat DGPR Direction Générale de la Prévention des Risques DGT Direction Générale du Trésor ECHA Agence européenne des produits chimiques EH Equivalent habitant EN Standard européen en matière de normalisation ERU Eaux résiduaires urbaines ETC Commission européenne du voyage FRIVEP Projet de structuration d'une filière de réemploi / recyclage industrielle des vêtements professionnels GEMTEX Laboratoire de recherche textile IFTH Institut français du textile et de l'habillement IGEDD Inspection Générale de l?Environnement et du Développement Durable INERIS Institut national de l'environnement industriel et des risques ISO Organisation internationale de normalisation HBCDD Hexabromocyclododécane (composé aliphatique bromé) HDPE Polyéthylène de haute densité LDPE Polyéthylène à basse densité PUBLIÉ Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 68/72 Acronyme Signification en français MEAE Ministère de l?Europe et des Affaires Etrangères MEFSIN Ministère de l?Economie, des Finances et de la Souveraineté Industrielle et Numérique MTECT Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires Mt Million de tonnes NMMO N-Methylmorpholine N-oxide OCDE Organisation de Coopération et de développement économique OEFSR Performance environnementale des organisations OFB Office Français de la Biodiversité ONG Organisation non gouvernementale OPESCT Office parlementaire d?évaluation des choix scientifiques et technologiques PA Polyamide PAN Polyacrilonitrile PBAT Polybutylène adipate-co-téréphtalate PBS Polybutylène succinate PCB Polychlorobiphényles PCL Polyaprolactone PE Parlement européen PET Polyéthylène Téréphtalate PEF Polyéthylène furanoate PFAS Composés perfluorés PEFCR Performance environnementale des produits (projet européen) PFOA Acide perfluorooctanoic PHA Polyhydroxyalcanoate PLA Acide polylactique PM2,5 Particules fines de diamètre 2,5 microns PM10 Particules fines de diamètre 10 microns POP Polluants organiques persistants PP Polypropylène PPDDT Dichlorodiphényltrichloroéthane PPD-T Para phénylène-téréphtalamide PS Polystyrène expansé PU Polyuréthane PVC Chlorure de polyvinyle PVOH Alcool polyvinylique REACH Règlement européen portant sur l?enregistrement, l?évaluation et l?autorisation des substances chimiques dans l?Union européenne PUBLIÉ Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 69/72 Acronyme Signification en français Refashion Eco-organisme de la Filière Textile d'habillement, Linge de maison et Chaussure REP Responsabilité élargie du producteur RISE Institut de recherche de Suède STEU Stations de traitement des eaux usées SVHC Substance extrêmement préoccupantes TARIC Tarif douanier européen TFUE Traité sur le fonctionnement de l?Union européenne TLC Produits textiles, linges de maison et chaussures TMC Consortium Microfibres UE Union européenne UICN Union internationale de la Conservation de la nature UIE Union Nationale des Industries et Entreprises de l'Eau UIT Union des industries textiles PUBLIÉ Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 70/72 Annexe 4. Quelques chiffres sur la pollution plastique en général Sources : ? Stratégie européenne sur les plastiques (2018) ? The Minderoo-Monaco Commission on Plastics and Human Health https://storage.googleapis.com/jnl-up-j-agh- files/journals/1/articles/4056/submission/proof/4056-1-17364-2-10-20230321.pdf ? Global Plastic Outlook ? OCDE https://www.oecd-ilibrary.org/sites/de747aef- en/1/3/2/index.html?itemId=/content/publication/de747aef- en&_csp_=e9020c542dd024467e760066b0abe328&itemIGO=oecd&itemContentType=book# section-d1e2597 8 300 Mt de plastiques fabriqués depuis 1945, dont plus de 50% depuis 2002, et seulement 30% encore utilisés 460 Mt de plastiques produits en 2019 et 1231 Mt en 2060 selon les prévisions de l?OCDE 49 Mt de matières plastiques consommées dans l?Union européenne (2018) 25,8 Mt de déchets produits chaque année dans l?Union européenne, dont seulement 30% sont récupérés pour être recyclés Répartition de la consommation mondiale : 20% Chine, 18% USA, 18% Europe OCDE, 9% reste OCDE Production : 52% en Asie dont 32% en Chine, 19% Amérique du nord, 17% Europe. Entreprises productrices : Sinopec, Exxon mobil, PetroChina, Sibur Répartition de la production par type de plastiques : 16% PP (polypropylène ? PET), 13% fibres, 12% HDPE, 12% LDPE Plastiques recyclés : 9% dans le monde soit 29,1 Mt en 2019 du plastique produit et 14% dans l?UE Plastiques à usage unique : 35% des plastiques produits soit 133 Mt en 2019 PUBLIÉ https://storage.googleapis.com/jnl-up-j-agh-files/journals/1/articles/4056/submission/proof/4056-1-17364-2-10-20230321.pdf https://storage.googleapis.com/jnl-up-j-agh-files/journals/1/articles/4056/submission/proof/4056-1-17364-2-10-20230321.pdf https://www.oecd-ilibrary.org/sites/de747aef-en/1/3/2/index.html?itemId=/content/publication/de747aef-en&_csp_=e9020c542dd024467e760066b0abe328&itemIGO=oecd&itemContentType=book%23section-d1e2597 https://www.oecd-ilibrary.org/sites/de747aef-en/1/3/2/index.html?itemId=/content/publication/de747aef-en&_csp_=e9020c542dd024467e760066b0abe328&itemIGO=oecd&itemContentType=book%23section-d1e2597 https://www.oecd-ilibrary.org/sites/de747aef-en/1/3/2/index.html?itemId=/content/publication/de747aef-en&_csp_=e9020c542dd024467e760066b0abe328&itemIGO=oecd&itemContentType=book%23section-d1e2597 https://www.oecd-ilibrary.org/sites/de747aef-en/1/3/2/index.html?itemId=/content/publication/de747aef-en&_csp_=e9020c542dd024467e760066b0abe328&itemIGO=oecd&itemContentType=book%23section-d1e2597 PUBLIÉ Site internet de l?IGEDD : « Les rapports de l?inspection » PUBLIÉ https://www.igedd.developpement-durable.gouv.fr/spip.php?page=liste-actualites&lang=fr&id_mot=1187&debut_rub_actus=0 https://www.igedd.developpement-durable.gouv.fr/spip.php?page=liste-actualites&lang=fr&id_mot=1187&debut_rub_actus=0 Sommaire Résumé Liste des recommandations Introduction 1 La pollution par les micro-plastiques textiles est avérée mais les analyses scientifiques et techniques restent incomplètes, ce qui freine la prise de décision 1.1 Une définition des micro-plastiques encore sujette à discussion 1.1.1 Une question de composition 1.1.2 Une question de taille et de forme 1.1.3 Une question de source 1.2 La pollution par les micro-plastiques est constatée dans l?ensemble des écosystèmes 1.2.1 La pollution aux micro-plastiques de tous les écosystèmes est avérée 1.2.2 La part respective de chaque source dans la pollution par micro-plastique reste incertaine 1.2.3 La pollution par les micro-plastiques est durable 1.3 Des incertitudes qui ralentissent la prise de décision alors que la production de textile synthétique s?accroît 1.3.1 Une quantification de la pollution par les micro-plastiques textiles incomplète 1.3.2 Des incertitudes sur les risques pour les écosystèmes et la santé humaine 1.3.3 Une croissance incontrôlée de la production de textiles synthétiques 1.3.3.1 La fabrication des étoffes est majoritairement délocalisée 1.3.3.1 Les fibres synthétiques envahissent de plus en plus les étoffes et stimulent la baisse des prix et la surconsommation 2 La réponse actuelle à la pollution par les micro-plastiques issus du textile demeure très incomplète 2.1 Les émissions de micro-plastiques textiles sont peu prises en compte dans la règlementation européenne 2.1.1 Une règlementation de l?économie circulaire qui s?oriente enfin vers la réduction de la pollution micro-plastique 2.1.1.1 Un paquet économie circulaire focalisé sur la recyclabilité du plastique 2.1.1.2 L?écoconception pour répondre aux enjeux climatiques plus qu?à la pollution 2.1.1.3 Une définition de la biodégradabilité qui tient imparfaitement compte de la capacité du plastique à se diviser en microparticules 2.1.2 Une règlementation des produits chimiques qui n?intègre pas les micro-plastiques 2.1.3 Une règlementation sur la pollution de l?eau et de l?air qui n?intégrait pas les micro-plastiques 2.1.4 Une règlementation sur l?exportation des déchets ne permettant pas leur contrôle 2.2 Les mesures adoptées en France sont insuffisantes 2.2.1 Une règlementation française centrée sur la REP et le recyclage qui ne règle pas la pollution par les micro-plastiques textiles 2.2.1.1 Le principe de la responsabilité élargie des producteurs et son application au secteur du textile 2.2.1.2 Une politique de recyclage qui ne répond pas à la pollution par les micro-plastiques 2.2.2 La loi AGEC tente d?apporter une solution avec l?équipement obligatoire de filtres à micro-plastiques dans les lave-linges 2.2.3 La captation des micro-plastiques textiles dans les boues des stations d?épuration 2.2.4 Les mesures qui prolongent la durée de vie des textiles ralentissent la pollution 2.2.4.1 L?interdiction de l?élimination des invendus, une mesure forte 2.2.4.2 Le cahier des charges de Refashion lui impose de promouvoir la réparation, le réemploi et la réutilisation 2.2.5 La lente émergence d?une information des consommateurs et de l?écoconception 2.2.5.1 De l?encadrement des allégations environnementales vers l?étiquetage obligatoire 2.2.5.2 L?affichage environnemental devrait « valoriser » le risque de pollution par les microparticules de plastique 2.3 Le secteur économique cherche peu à réduire la pollution à la source 2.3.1 Un secteur en transition, peu mobilisé sur la question des micro-plastiques 2.3.1.1 Les transformations du secteur 2.3.1.2 Quelques initiatives vers des textiles naturels ou moins émetteurs de micro-plastiques 2.3.2 Aucun label environnemental ne semble afficher de critères sur les émissions de micro-plastiques 2.4 De nouveaux outils qui devraient permettre de dépasser ces freins 2.4.1 Les recherches scientifiques en cours 2.4.2 De nouvelles normes devraient faciliter l?avancée des recherches sur les émissions de micro-plastiques 2.4.2.1 Des définitions communes des particules fines de plastiques 2.4.2.2 Une harmonisation des méthodes pour mesurer et analyser les pertes de matières lors des lavages des textiles 2.4.3 Les évolutions règlementaires à venir à l?échelle européenne 3 Afin de mieux répondre à cette pollution, il est nécessaire de prendre en compte le cycle de vie du produit textile 3.1 Approfondir les efforts de recherche 3.2 Répondre aux émissions lors de la création des étoffes et des produits 3.3 Faire du consommateur un acteur éclairé de la réduction de la pollution par les micro-plastiques 3.4 Répondre aux émissions lors de l?usage du produit 3.4.1 Les émissions lors des lavages des produits 3.4.2 Les émissions lors du port des produits 3.5 Répondre aux émissions lorsque le textile devient déchet 3.5.1 La collecte, le tri et les usages nouveaux (réemploi, réutilisation) 3.5.2 Les problèmes de pollution créés par l?exportation des déchets textiles européens et français Conclusion Annexes Annexe 1. Lettre de mission Annexe 2. Liste des personnes rencontrées Annexe 3. Glossaire des sigles et acronymes Annexe 4. Quelques chiffres sur la pollution plastique en général INVALIDE) (ATTENTION: OPTION uropa.eu/info/law/better-regulation/have-your-say/initiatives/12328-Utilisation-des-boues-depuration-dans-lagriculture-Evaluation_fr https://ec.europa.eu/info/law/better-regulation/have-your-say/initiatives/12328-Utilisation-des-boues-depuration-dans-lagriculture-Evaluation_fr Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 32/72 boues d?épuration est constituée de micro-plastiques 75 , cette évaluation conclut que cette contamination ne peut être quantifiée à ce stade et renvoie la prise de décision à une meilleure articulation avec la révision de la directive DERU qui est en cours76. Concernant la pollution de l?air, les micro-plastiques sont totalement absents des normes européennes77, même des actes en cours de révision. La règlementation des particules fines (PM10 et PM2,5) ne définit pas leur composition chimique et fait seulement référence à leur taille (particules allant jusqu?à 10 microns ou 2,5 microns dans leur plus grande dimension). Les nano-plastiques pourraient donc être intégrés dans cette catégorie. Néanmoins les microfibres semblent échapper à ce cadre, d?une part, en raison de leurs dimensions, et d?autre part, parce qu?elles seraient surtout présentes dans l?air ambiant intérieur, qui ne fait pas l?objet de textes européens actuellement. 2.1.4 Une règlementation sur l?exportation des déchets ne permettant pas leur contrôle Enfin, les déchets textiles ne font pas partie des produits exclus d?exportation78 et le contrôle insuffisant des conditions dans lesquelles ils sont gérés dans les pays de destination, en particulier dans les pays en développement, représente une lacune majeure de la règlementation actuelle. En conséquence, l'exportation de certains déchets depuis l'UE a créé des problèmes environnementaux et de santé publique dans les pays de destination. Le texte est lui aussi en cours de révision afin de renforcer notamment l?autorisation d?accès aux pays tiers des exportations susceptibles de causer des dommages environnementaux dans le pays importateur. 2.2 Les mesures adoptées en France sont insuffisantes 2.2.1 Une règlementation française centrée sur la REP et le recyclage qui ne règle pas la pollution par les micro-plastiques textiles Pour améliorer l?empreinte environnementale des textiles, les pouvoirs publics français ont adopté des dispositions qui encouragent le recyclage79 et l?incorporation de matières recyclées dans les étoffes mises sur le marché. Avant de les présenter, il convient de restituer le contexte de la responsabilité élargie des producteurs, qui concerne également le secteur des textiles, linges de maison et chaussures (TLC). 2.2.1.1 Le principe de la responsabilité élargie des producteurs et son application au secteur du textile La responsabilité élargie du producteur (REP) est une déclinaison à la fois du principe « pollueur- payeur » posé par l?article 4 de la Charte de l?environnement mais aussi, depuis la loi AGEC, du 75 ?Microplastics removal from a primary settler tank in a wastewater treatment plant and estimations of contamination onto European agricultural land via sewage sludge recycling, Environmental Pollution, Volume 304, 2022 https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0269749122004122 76 Au moment de l?écriture de ce rapport, la révision de la DERU est en cours d?examen par le conseil et le Parlement européen. La poursuite de l?examen des textes est inscrite à l?agenda du 2nd semestre 2023. 77 https://eur-lex.europa.eu/resource.html?uri=cellar:2ae4a0cc-55f8-11ed-92ed- 01aa75ed71a1.0001.02/DOC_3&format=PDF 78 Règlement sur l?exportation de déchets amendant les règlement 1257/2013 et 2020/1056 du 17/11/2021. Les produits textiles sont listés B3030 et ne sont pas couvert par l?interdiction d?exportation, n?étant pas couverts par la convention de Bâle. 79 L?article L. 541-1-1 du code de l?environnement définit ainsi le recyclage : « toute opération de valorisation par laquelle les déchets, y compris les déchets organiques, sont retraités en substances, matières ou produits aux fins de leur fonction initiale ou à d'autres fins. » PUBLIÉ https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0269749122004122 https://eur-lex.europa.eu/resource.html?uri=cellar:2ae4a0cc-55f8-11ed-92ed-01aa75ed71a1.0001.02/DOC_3&format=PDF https://eur-lex.europa.eu/resource.html?uri=cellar:2ae4a0cc-55f8-11ed-92ed-01aa75ed71a1.0001.02/DOC_3&format=PDF Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 33/72 principe de prévention qui résulte de l?article 3 de la même Charte. Ce dispositif, initié en France en 1992 pour les déchets ménagers et conforté au niveau de l?Union européenne par la directive cadre sur les déchets de 2008 80 , prévoit en effet désormais que les acteurs économiques (fabricants, distributeurs, importateurs, exportateurs) sont responsables de l?ensemble du cycle de vie des produits qu?ils mettent sur le marché, de leur écoconception jusqu?à la fin de leur vie. En pratique, dans chaque filière pour laquelle un mécanisme de REP a été instauré, ces acteurs doivent assumer la charge financière de la collecte sélective puis du recyclage ou du traitement des déchets issus de leur production. Ils peuvent le faire de façon individuelle ou collective dans le cadre d'un éco-organisme. Dans ce dernier cas, ils adhèrent à une société agréée par les pouvoirs publics à laquelle ils versent une contribution financière. La loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et l?économie circulaire dite « loi AGEC » a ajouté aux obligations préexistantes, celles d?adopter une démarche d'écoconception des produits, de favoriser l'allongement de la durée de vie des produits, de soutenir les réseaux de réemploi, de réutilisation et de réparation, de contribuer à des projets d'aide au développement en matière de collecte et de traitement de leurs déchets et de développer le recyclage des déchets issus des produits. S?agissant du champ d?application du dispositif, la loi AGEC a étendu la REP en vigueur depuis 2008 pour les textiles d?habillement, des chaussures et le linge de maison (TLC), aux produits textiles neufs pour la maison81. La mission s?est demandée pourquoi les vêtements professionnels ou du moins certains d?entre eux n?étaient pas soumis à la filière REP d?autant qu?ils incorporaient bien souvent des plastiques. À la suite de réflexions engagées en 2014, le choix a été fait de susciter des projets volontaires de la part des entreprises ou des administrations. La structuration d?une filière de réemploi / recyclage industrielle des vêtements professionnels (projet "FRIVEP") a été l?un des quatre premiers engagements pour la croissance verte, signé le 27 avril 2016. Cette démarche a notamment débouché sur la rédaction d?un livret d?écoconception des vêtements professionnels en 202082. L?éco-organisme qui assure les obligations des producteurs de déchets textiles s?ils le souhaitent est Refashion (ex Eco TLC), agréé depuis 2019 et dont l?agrément a été renouvelé par arrêté du 23 décembre 2022. Un nouveau cahier des charges lui a été fixé par arrêté du 23 novembre 202383 quant à ses objectifs en matière de collecte et de valorisation des textiles usagés. 2.2.1.2 Une politique de recyclage qui ne répond pas à la pollution par les micro- plastiques Au sens de la loi française, le recyclage ne se traduit pas nécessairement par la fabrication du produit pour le même usage. On distingue à cet égard, le recyclage en boucle fermée (même usage) 80 2008/98/CE du 19 novembre 2008 81 Art. L. 541-10-1 du code de l?environnement 82 « Livret d?écoconception des vêtements professionnels ; retours d?expériences du projet FRIVEP » réalisé par OREE en juin 2020 83 Nouveaux objectifs : ? Taux de collecte des TLC usagés : 60% en 2028, ? TLC usagés triés devant être réemployés ou réutilisés : 120 000 tonnes en 2024, ? Taux de réutilisation / réemploi à moins de 1 500 km du lieu de collecte : 15% en 2027, ? Taux de recyclage des TLC usagés non réutilisées : 70% en 2024, 80% en 2027, ? Taux de recyclage des TLC usagés intégrant au moins 90% de matières synthétiques plastiques non réutilisées : 50% en 2025, 90% en 2027, ? Au plus 0,5 % des TLC collectés ou soutenus sont éliminés (stockage, incinération sans valorisation éner- gétique). Source : site du ministère de la transition écologique PUBLIÉ Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 34/72 du recyclage en boucle ouverte (destination différente à la suite d?altération des propriétés du plastique). D?ailleurs l?article R. 541-221 du code de l?environnement définit la recyclabilité comme la capacité de recyclage effective des déchets issus de produits identiques ou similaires. Si la matière recyclée issue du recyclage représente plus de 95% du déchet collecté, le produit peut porter la mention « produit entièrement recyclable ». En tout cas, cette part doit être supérieure ou égale à 50% de la masse du déchet collecté. Si l?usage et la destination du produit recyclé sont identiques et sans perte fonctionnelle, l?information peut indiquer « produit recyclable en un produit de même nature ». Des sommes considérables sont investies dans la politique de recyclage du textile, notamment dans la recherche appliquée. Cette politique est à vrai dire en ligne avec les objectifs de l?UE en matière de recyclage des plastiques. Techniques de recyclage des plastiques On distingue le recyclage mécanique et le recyclage chimique. Le recyclage mécanique conduit à broyer, laver, retrier, extruder puis transformer en granulés des polymères homogènes sans que soit modifiée leur structure. Le recyclage chimique englobe toute technologie de retraitement utilisant des agents ou des procédés chimiques qui affectent directement le plastique ou le polymère lui-même. Trois grandes familles de technologie existent : la purification à l?aide de solvants, la dépolymérisation, la dépolymérisation thermique L?OPESCT considère que « la filière mondiale du recyclage chimique est toujours en phase de test ». La France compterait 13 projets de recyclage chimique. Source : note n°39 de l?Office parlementaire d?évaluation des choix scientifiques et techniques (OPECST) « Le recyclage des plastiques » juin 2023 Les autorités françaises ont mis en place des mesures incitatives pour encourager le recyclage. a) des objectifs particulièrement ambitieux sont assignés à Refashion qui peut les traduire via des éco-modulations. Ces objectifs de recyclage de plus de 50% des TLC usagés sont à comparer aux 32% du taux de recyclage constaté en 2021. En trois ans, ce taux doit plus que doubler, surtout lorsque les produits d?origine intègrent beaucoup de plastiques. Pour l?atteindre, l?éco-organisme Refashion va devoir inciter les producteurs, importateurs et distributeurs par tous les outils mis à sa disposition et notamment les éco-modulations. Les éco-modulations L?article L. 541-10-3 du code de l?environnement permet des modulations des contributions financières des producteurs, sous forme de primes ou de pénalités, au regard des meilleures techniques disponibles en fonction de critères de performance environnementale (notamment la quantité de matière utilisée, l?incorporation de matière recyclée, l?emploi de ressources renouvelables gérées durablement, la durabilité, la réparabilité, les possibilités de réemploi ou de réutilisation, la recyclabilité, l?absence d?écotoxicité). Les éco-modulations sont soumises pour avis au comité des parties prenantes84, prévu par l?article L. 541-10 du code de l?environnement, puis sont arrêtées par le ministre chargé de l?environnement après avis de la commission interfilière. L?éco-modulation ne doit pas dépasser 20% du montant du prix de vente du produit. Le cahier des charges prévoit des éco-modulations positives ou négatives en fonction du respect de l?affichage environnemental quand il sera en vigueur et de la recyclabilité des TLC après production d?une étude. 84 Selon l?article L. 541-10, chaque éco-organisme crée un comité des parties prenantes, composé notamment de producteurs, de représentants de collectivités territoriales, d?associations de protection de l?environnement agréées, d?association de protection des consommateurs ainsi que d?opérateurs de la prévention et de la gestion des déchets, dont ceux de l?économie sociale et solidaire PUBLIÉ Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 35/72 Mais, actuellement, seules des éco-modulations positives sont versées sous forme de primes aux producteurs de déchets en fonction de la durabilité des TLC, des certifications par des labels environnementaux (huit sont sélectionnées par l?arrêté85 mais l?éco-organisme peut en proposer d?autres après avis du comité des parties prenantes) et de la quantité de matières recyclées dans les produits. b) des obligations d?étiquetage : L?article L. 541-9-1 du code de l?environnement et son décret d?application86 prévoient, selon un calendrier échelonné en fonction de la taille des entreprises et de leurs ventes87, que les textiles d?habillement et linge de maison neufs comportant des matières recyclées devront mentionner cette composition (R. 541-221- III) et qu?ils devront également indiquer leur recyclabilité (R. 541- 221-VI) en signalant s?ils sont majoritairement ou entièrement recyclables (recyclables à plus de 95%) ou encore « recyclable en un produit de même nature » ; cette obligation ne pèse que si cinq critères88 qui définissent la recyclabilité sont tous remplis. Sur ce dernier point, Refashion a fait savoir à ses adhérents qu?il considérait qu?aucun d?entre eux n?était à ce jour soumis à l?obligation d?informer les consommateurs car les cinq critères précédemment évoqués n?étaient pas tous réunis. En effet, cet éco-organisme considère que la filière REP TLC est tournée depuis son origine vers la réutilisation des produits, en application de la hiérarchie des modes de traitement des déchets inscrite à l?article L. 541-1 du code de l?environnement et qu?ainsi elle ne dispose pas des capacités de recyclage suffisantes pour répondre au 5ème critère. En 2021, le taux de réutilisation des déchets TLC atteignait 58% et le recyclage 32%. Refashion s?engage en revanche à réévaluer régulièrement la recyclabilité des produits TLC en fonction de l?évolution de la filière à plus et mieux recycler. c) Les plans de prévention et d?écoconception : L?article L. 541-10-12 du code de l?environnement, auquel sont soumis tous les producteurs de déchets, leur impose d?établir tous les cinq ans un plan de prévention et d?écoconception. Qu?ils soient individuels ou communs à plusieurs entreprises, ils doivent nécessairement comporter des chapitres expliquant comment ils comptent réduire l?usage des ressources non renouvelables, accroitre l?utilisation de matières recyclées et la recyclabilité des produits. Dans le secteur des TLC, ils devaient être transmis à Refashion (même si l?entreprise n?est pas adhérente) avant le 31 juillet 2023 qui doit en faire une synthèse à la fin de l?année. L?éco-organisme met en ligne des outils pour aider les entreprises à remplir cette nouvelle obligation (guide de rédaction, trame vierge et pré-remplie avec des exemples d?indicateurs et d?objectifs). En premier lieu, la mission souligne là encore la priorité accordée au recyclage. Par ailleurs, l?objectif de réduction des ressources non renouvelables n?est pas détaillé. 85 Ecocert textile, Oeko-tex, Made in Green, Bluesign, Fairtrade, Ecolabel Européen, Demeter, GOTS et Bioré 86 Décret n° 2022-748 du 29 avril 2022 qui a créé les articles R. 541-220 à 223 du code de l?environnement 87 À compter du 1er janvier 2023 pour les entreprises dont le chiffre d?affaires dépasse 50 M ¤ et qui mettent chaque année plus de 25 000 unités, du 1er janvier 2024 pour celles pour lesquelles ces données sont supérieures respectivement à 20M¤ et 10 000 unités, et du 1er janvier 2025 pour celles pour lesquelles elles sont supérieures à 10M¤ et 10 000 unités, 88 Les 5 critères sont les suivants : « 1° La capacité à être efficacement collecté à l?échelle du territoire, via l?accès de la population à des points de collecte de proximité ; 2° La capacité à être trié, c?est-à-dire orienté vers les filières de recyclage afin d?être recyclé ; 3° L?absence d?éléments ou substances perturbant le tri, le recyclage ou limitant l?utilisation de la matière recyclée ; 4° La capacité à ce que la matière recyclée produite par les processus de recyclage mis en oeuvre représente plus de 50 % en masse du déchet collecté ; 5° La capacité à être recyclé à l?échelle industrielle et en pratique, notamment via une garantie que la qualité de la matière recyclée obtenue est suffisante pour garantir la pérennité des débouchés, et à ce que la filière de recyclage puisse justifier d?une bonne capacité de prise en charge des produits pouvant s?y intégrer ». PUBLIÉ Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 36/72 En second lieu, elle considère, qu?en l?état des connaissances, le recyclage n?est pas une solution au problème de la pollution micro-plastique puisque, a priori, rien ne permet de penser que les textiles issus du recyclage sont moins émetteurs de micro-plastiques que le textile d?origine. Tout d?abord, la pollution par les micro-plastiques en provenance des plastiques recyclés et des opérations de recyclage n?est pas connue. La mission n?a pas connaissance de recherches sur ces sujets pourtant essentiels compte tenu des objectifs de recyclage que notre pays poursuit. L?OPESCT relève seulement que le laboratoire national de métrologie propose de mettre en place un observatoire national sur les matériaux recyclés afin d?évaluer les risques émergents liés au développement du recyclage89. En absence de données sur cette question, la mission postule que le relargage de micro-plastiques par des étoffes produites à partir de plastiques recyclés, qu?ils proviennent de bouteilles ou de jeans, est identique à celui des produits composés de plastiques qui ont subi des opérations de recyclage. Autrement dit, au mieux, le problème ne fait que perdurer. Il peut aussi être amplifié tout au long du cycle de vie de la nouvelle étoffe. Ensuite, des limites techniques demeurent : seuls quelques textiles peuvent être recyclés à l?identique et pendant un temps limité. Le reste subit des déclassements progressifs. Dans ces conditions, l?OPECST estime que le recyclage n?est qu?un « amortisseur temporel de la formation des déchets, sans les éviter ». Nathalie Gontard fait la même analyse90. En outre, elle souligne que « les industries de la mode (?) proposent de nouvelles fibres textiles en plastique recyclé pour remplacer les fibres vierges ou naturelles ». Enfin et ce n?est pas la moindre des observations, l?accent trop important mis sur le recyclage ne respecte pas la hiérarchie des modes de traitement des déchets, qui devrait pourtant être la boussole des politiques publiques en application de l?article 4 de la directive cadre déchets 2008/98 transposé à l?article L. 541-1 du code de l?environnement en France. Cet article donne la priorité à la prévention et à la réduction des déchets notamment via la conception et les actions en faveur du réemploi des produits. Ensuite, lorsque les déchets sont inévitables, il privilégie dans l?ordre : la préparation à leur réutilisation, leur recyclage, toute autre valorisation, enfin seulement leur élimination. 2.2.2 La loi AGEC tente d?apporter une solution avec l?équipement obligatoire de filtres à micro-plastiques dans les lave-linges La loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et l?économie circulaire, dite « loi AGEC », comporte de nombreuses dispositions relatives à la lutte contre la pollution plastique, notamment les micro-plastiques. Son article 79, modifié depuis par l?article 47 de la loi n° 2021-1104 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite « loi Climat et Résilience », prévoit qu?à compter du 1er janvier 2025 les lave-linges neufs domestiques ou professionnels vendus en France seront dotés d?un filtre à microfibres de plastique ou de toute autre solution interne ou externe permettant leur captation. L?entrée en vigueur de cette disposition est conditionnée à la publication des textes réglementaires qui en fixeront les modalités d?application. Ces projets sont en cours de rédaction à la date de rédaction du présent rapport. Cette mesure nécessite le développement par le secteur industriel de l?électroménager, qui n?est pourtant pas le pollueur au sens de l?application du principe pollueur-payeur ou du dispositif de REP, de tels produits. 89 « Le recyclage des plastiques », Note scientifique de l?OPESCT de juin 2023 90 « Plastique : le grand emballement » page 155, Nathalie Gontard avec Hélène Seinglier : édition Stock, 2020 PUBLIÉ Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 37/72 À ce stade, le marché ne compte que deux machines à laver le linge domestiques ainsi équipées. Le groupe Arcelik met sur le marché deux produits ? l?un sous la marque Beko® qui a créé le produit et l?autre sous la marque Grundig® - équipés d?un « Fibercatcher », un filtre intégré dans une cartouche située à l?arrière du bac à lessive. La technologie ne s?active que sur le programme synthétique, car sinon les microfibres naturelles de coton également relarguées lors des lavages la rendraient inopérante. Le circuit d?évacuation de l?eau a été repensé pour que l?eau repasse par le bac à lessive et donc le filtre avant d?être rejetée. La technologie « Fibercatcher » capturerait « jusqu?à 90 % des microfibres plastiques émises lors du cycle de lavage ». La cartouche se change tous les 6 mois environ (en fonction du nombre de cycles dédiés au lavage synthétique) : elle coûte 19,99 euros, est fabriquée à partir de 98 % de plastique recyclé. Ces lave-linges sont vendus entre 599 et 699 euros91. La marque Electrolux® a fait un autre choix et propose un filtre externe qui s?adapte à toutes ses machines à laver le linge et s?installe sur le mur au niveau de la sortie d?eau de la machine. Le prix est similaire, machine et filtre, la promesse de captation est également de 90% de microparticules de plus de 45 microns. Le filtre seul coûte 79,90 euros et doit être nettoyé en rejetant les résidus dans la poubelle classique lorsque le voyant s?allume ; sa cartouche doit toutefois être changée tous les 6 mois environ, en fonction de la fréquence des cycles dédiés au lavage des vêtements synthétiques. Le kit Electrolux Filtre Micro-plastiques E9WHMIC1 est livré avec deux cartouches filtrantes, soit environ un an de lavages (en fonction des habitudes) avant le rachat d?une recharge de cartouches filtrantes, vendues par deux. D?autres produits sont également disponibles sur le marché mais ne sont pas proposés par les fabricants de lave-linges : autres types de filtres externes et sacs de lavage. On notera que tous ces produits nécessitent, au-delà de l?acte d?achat, un comportement volontaire de la part du ménage utilisateur, du lancement du bon programme, avec le regroupement du textile synthétique, au vidage/nettoyage/échange du filtre. L?industrie du secteur des lave-linges est mobilisée sur cet enjeu depuis l?adoption de la loi AGEC et du règlement européen prévoyant une modification en 2025 des règles d?écoconception des machines à laver le linge. Regroupée au sein d?APPLIA92, elle a réalisé une étude en 2020 confiée à RISE (Research Institute of Sweden)93 qui évalue le nombre de fibres micro-plastiques issues du lavage en machine dans l?Union européenne de 20 à 500 mg de microfibres de polyester issus des textiles, relâchées entre le 2ème et le 5ème lavage. En prenant comme hypothèses un nombre d?habitants de l?UE + UK de 513 M d?habitants, lavant 265 kg de linge par personne et par an dont 55% de textiles synthétiques, l?étude arrive à une émission de 15 000 tonnes de fibres émises par an après filtrage par les stations d?épuration qui sont supposées capter 90% des fibres mais ne traitent pas 10% des flux. 91 Sachant qu?un lave-linge premier prix (capacité de 5kg) a un prix aux alentours de 200 euros mais qu?un lave- linge de 9kg de classe énergétique A sans filtre atteint 600 euros. 92 APPLIA (Home Appliance for Europe) ? Représente les fabricants d?électroménager européen (Arcelik, Ariston, BSH, Candy, Daikin, De Longhi, Dyson, Electrolux, Groupe Atlantic, Gorenje, LG, Liebherr, Miele, Philips, Panasonic, Samsung, Seb, Smeg, Vestel, Vorwerk, Whirlpool). 93 RISE est un institut de recherche suédois impliqué dans les projets de recherche sur les micro-plastiques lancés par le gouvernement de la Suède. PUBLIÉ Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 38/72 Figure 11 : Nombre de fibres émises avec inclusion du 1er lavage (source : APLLIA)94 Néanmoins, en raison de l?absence à ce stade de méthodologie unifiée validée, l?industrie considère que des études supplémentaires sont nécessaires pour évaluer la capacité de captation des filtres, et même le niveau d?émission des fibres synthétiques. De nombreux facteurs entrent en ligne de compte : type de machine (domestique, laboratoire, commerciale), nombre de lavages, nature du filtre qui collecte les microparticules, lavage de la machine entre les tests, type d?étoffe (polymère mais aussi méthode de tissage/tricotage, type de fil, existence d?un prétraitement), température de lavage et type de détergent utilisé, quantité d?eau, etc. Elle reconnait néanmoins des tendances : ? la majorité des microparticules sont émises lors des premiers lavages jusqu?aux cycles 5 à 10 ; ? la température accroit le nombre de particules émises, ainsi que l?utilisation de détergent ; ? la finesse des mailles de captation des filtres est déterminante ; dans une étude menée en 2016 par des chercheurs de la Plymouth University, la taille moyenne des fibres récoltées était comprise entre 11,9 et 17,7 microns de diamètre ; autrement dit, une grande part de ces microplastiques seraient passés à travers les mailles du filtre Electrolux® ; ? les tests en laboratoire et ceux dans des machines commerciales sont tout autant valables, mais des conclusions sont difficiles à retirer des tests en laboratoire par rapport aux impacts sur les vêtements dans la vie réelle des produits. Il apparait donc que l?équipement obligatoire des lave-linges en filtres ne peut régler à lui seul la question de la pollution aux micro-plastiques pour les raisons suivantes : elle ne permet pas la captation de l?ensemble des fibres émises ; elle arrive à un stade avancé du cycle de vie du textile alors que les émissions les plus importantes interviennent lors de la fabrication et de la teinture des produits ; elle doit s?accompagner de la mise en place de procédés de traitements des résidus filtrés par les lave-linges et d?acteurs économiques en capacité de les prendre en charge ; son efficacité repose sur le respect par les particuliers d?un certain nombre de consignes, tout à fait nouvelles pour eux (récupérer les résidus et les déposer à certains endroits ou envoyer le filtre régulièrement à des entreprises qui le laveront et le retourneront aux usagers, voire, au regard des produits actuellement sur le marché, nettoyage du filtre externe), étant souligné que seuls les acquéreurs de nouvelles machines à laver le linge seront concernés. 94 Littérature review ? Microplastic emissions from textile laundry including emission scenarios for EU ? 08/10/2020 ? R. Landin, K. Jedvert, AC Hanning, A. Hakonen PUBLIÉ Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 39/72 Enfin, cette disposition soulève des questions vis-à-vis du droit de l?Union européenne. En premier lieu, on peut s?interroger sur sa conformité à l?article 34 du Traité sur le fonctionnement de l?UE (TFUE) qui prohibe les mesures équivalentes à une restriction de la libre circulation des marchandises au sein de l?Union. Cette interdiction est néanmoins levée si la mesure peut être regardée comme une exigence impérative d?intérêt général, nécessaire et proportionnée (art 36 du TFUE95). Toutefois, les observations précédentes conduisent à se demander si la Cour de justice considérerait qu?une telle exigence peut être en l?espèce reconnue. L?appréciation portée sur cette proportionnalité devra tenir compte des éléments qui figureront dans la communication de la Commission européenne attendue sur les micro-plastiques et notamment le maintien d?un objectif de révision du règlement écoconception des machines à laver le linge dès 2025. Et encore faudrait- il que cette révision soit acceptée par une majorité d?États membres. En tout état de cause, elle ne pourrait sans doute pas intervenir avant la fin de l?année 2027. Malgré toutes les difficultés et sous les réserves exposées précédemment, le filtre à particules micro-plastiques, interne ou externe aux lave-linges, peut constituer une des mesures permettant de réduire la pollution résultant des micro-plastiques d?origine textile. Elle pourrait devenir effective progressivement, au fur et à mesure du renouvellement du parc de lave-linges des particuliers. Néanmoins, il conviendrait, pour éviter tout contentieux, que l?échéance prévue par l?article 79 de la loi AGEC soit repoussée, voire que la disposition soit réécrite, en adaptant le dispositif français aux futures dispositions européennes. 2.2.3 La captation des micro-plastiques textiles dans les boues des stations d?épuration L?article L. 541-38 du code de l?environnement, modifié par la loi AGEC, prévoit que les référentiels des boues d?épurations doivent au plus tard le 1er juillet 2021 prendre en compte les « particules de plastiques » en fonction de l?évolution des connaissances. Les textes d?application96 permettant la mise en oeuvre de ces dispositions sont en cours d?écriture par les services de l?État (ministère de l?agriculture, avec le ministère de la transition écologique). Les projets de décret et d?arrêté ? qui vont entrer en consultation dans le courant du second semestre 2023 - prévoient effectivement une « teneur maximale en inertes et impuretés » dans lesquelles figurent les micro-plastiques d?une taille supérieure à 2 mm97. Comme indiqué précédemment, la révision en cours de la directive DERU va imposer la réalisation de telles évaluations. Les questions posées ici sont de deux ordres : ? Quels pourcentages de microparticules sont effectivement captées lors du traitement des eaux usées ? ? Quelles quantités de micro-plastiques sont ensuite transférés dans les sols via l?épandage des boues d?épuration des stations ? 95 Voir l?interprétation par la CJUE de l?article 36 du TFUE : CJUE, 11 septembre 2014, Essent Belgium, C-204/12 à C-208/12, pt. 90 ; CJCE, 20 septembre 1988, Commission c. Royaume de Danemark, C-302/86, pt. 9 ainsi que CJUE, 23 décembre 2015, Scotch Whisky Association, C-333/14, pt. 53. 96 L?article 86 de la loi AGEC prévoyait la révision des textes réglementaires applicables à l?épandage des boues d?épuration urbaines et industrielles, au plus tard le 1er juillet 2021, afin de mettre sur un pied d?égalité toutes les matières fertilisantes et supports de culture (MFSC), en fixant des critères de qualité agronomique et d?innocuité, « afin de s?assurer que leur mise sur le marché et leur utilisation ne portent pas atteinte à la santé et à l?environnement ». À partir de cette date, les MFSC ne respectant pas les nouveaux textes, n?auraient pu être valorisées en agriculture. 97 Projet : teneur maximale en plastique de +2 mm = 3 g/kg de matière sèche PUBLIÉ Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 40/72 Concernant la captation des microparticules de plastique par les stations d?épuration, la littérature scientifique estime que les stations d?épuration actuelles (à l?échelle mondiale) en retirent, lors du traitement des eaux usées, entre 58,8 et 99,9%98, et que 79% des micro-plastiques entrant dans la station d?épuration finissent dans les boues ou encore que l?on compte entre 1 000 et 300 000 microparticules de plastique dans 1kg de boues d?épuration. La littérature scientifique met également en avant le fait qu?en sus d?être une pollution en soi, les micro-plastiques sont également le véhicule potentiel d?autres contaminants (métaux lourds, bactéries, produits pharmaceutiques) qui sont transférés dans les sols et impactent leur qualité en tant qu?écosystème. De nouvelles technologies existent permettant de retirer jusqu?à plus de 98% des micro-plastiques présents dans les eaux usées en combinant des techniques conventionnelles de boues activées et un traitement par bioréacteur à membrane. Elles sont proposées par l?ensemble des industriels de la filière de traitement des eaux usées. Bioréacteur à membrane Un bioréacteur à membrane (BRM) est une technologie utilisée dans une station d?épuration pour améliorer la qualité de l?eau rejetée : elle fait usage de membranes de microfiltration ou d?ultrafiltration pour séparer l?eau traitée des flocs bactériens. Ces membranes ont une porosité inférieure à 0,1 µm et séparent toutes les bactéries et matières en suspension de l?eau épurée. Le module membranaire peut être immergé dans le bassin biologique ou placé à l?extérieur du bassin biologique. Les installations BRM sont généralement plus chères et consomment plus d?énergie que les stations d?épuration classiques. Leur gros avantage réside dans la très bonne qualité de leurs effluents. Différents types de membranes sont disponibles en fonction de la taille de l?installation et du type d?eau usée. En remplaçant l'étape traditionnelle de clarification gravitaire, la séparation membranaire supprime les contraintes liées à la décantation des boues : la qualité de rejet est donc parfaitement maîtrisée. Les problèmes posés par cette évolution technologique, qui permettrait la captation de la plupart des micro-plastiques, sont en premier lieu son prix et son calendrier de mise en oeuvre : elle implique en effet un équipement du parc national de stations d?épuration qui prendra du temps et aura un coût important, alors que la France est aujourd?hui déjà confrontée à un non-respect des obligations relatives à la directive eaux résiduaires urbaines (cf. rapport IGEDD 014474-0199 ). Actuellement, un nombre réduit de stations d?épuration (il s?agit en général de celles qui rejettent leurs effluents en zone sensible), ont été équipées de ce type d?installation. Cette technologie entraine par ailleurs un surcoût énergétique de fonctionnement. Les stations d?épuration en France En 2020, la France compte 22 331 usines de traitement des eaux usées représentant une capacité totale de 105 000 000 équivalent-habitants (EH). Les STEU délivrant au moins un traitement secondaire représentent 96 % de la capacité totale des installations en activité en France et celles assurant un traitement encore plus rigoureux couvrent 80 % de cette capacité totale. Le besoin de renouvellement annuel nécessaire pour maintenir la valeur du patrimoine d?assainissement est estimé entre 3,9 et 5,7 millions d?euros. Ce patrimoine ferait l?objet d?un sous-investissement, principalement dans le réseau, les postes de refoulement et les branchements, de l?ordre de 1,4 Mds/an. Cette évaluation ne prend pas en compte les nouveaux besoins (investissements eaux pluviales, lutte contre les micropolluants et les micro- plastiques). 98 ?Microplastic contamination in sewage sludge: Abundance, characteristics, and impacts on the environment and human health? - Environmental Technology & Innovation 31 (2023) 103176 ? 23 avril 2023 99 https://www.igedd.developpement-durable.gouv.fr/comment-ameliorer-durablement-la-collecte-et-le- a3734.html PUBLIÉ Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 41/72 Source : UIE - Étude patrimoniale eau Rapport 2022 Service des données et études statistiques du ministère de la transition écologique, 2020 Mais surtout, la mise en oeuvre du concept d?économie circulaire implique que les boues d?épuration soient utilisées au maximum de leurs capacités pour produire de l?énergie ou des produits annexes (matériaux de construction, engrais, source d?énergie pour la production de biogaz ou d?énergie à travers l?incinération). En France, 80% des boues d?épuration produites sont épandues dans les champs. Or l?usage des boues d?épuration comme engrais agricole conduit à répandre dans les sols des micro-plastiques, cette méthode devenant ainsi sans doute l?une des principales sources de contamination des sols par les micro-plastiques. Il en découle donc que, quand bien même l?ensemble des stations d?épuration seraient équipées de bioréacteurs membranaires d?ici 15 ans, les micro-plastiques captés dans les boues poseraient toujours le problème de leur gestion finale. Si l?épandage venait à être remis en cause pour être remplacé par une élimination des boues par incinération, les volumes de boues à traiter nécessiterait l?équipement des collectivités en incinérateurs, et donc de nouvelles dépenses publiques. Par ailleurs, des études indiquent que l?incinération des boues peut également être source de diffusion de micro/nano-plastiques dans l?air. Il convient enfin de rappeler qu?une partie des micro-plastiques restent véhiculés par les eaux pluviales (pneus et peintures routières) qui ne font pas l?objet de traitement dans les collectivités équipées de réseaux séparatifs. En conclusion sur ce point, la mission considère que l?utilisation des boues d?épuration comme fertilisant dans les champs agricoles devrait faire l?objet d?un examen plus poussé afin de minimiser les risques pour la santé humaine et les écosystèmes. Il convient de rappeler ici que l?épandage des boues d?épuration urbaines et industrielles ne représente que 12 à 13% des épandages en général100. L?arrêt ou la réduction de l?épandage des boues d?épuration sera donc principalement un problème de gestion desdites boues dont le principal usage final serait modifié101. 2.2.4 Les mesures qui prolongent la durée de vie des textiles ralentissent la pollution Face à des étoffes composées en tout ou partie de polymères dont les émissions sont principalement réalisées en début de cycle de vie, retarder leur fin de vie, et la gérer car elle est susceptible à nouveau de générer de nombreux micro-plastiques dans l?eau, dans l?air, dans le sol, peut apparaitre comme une solution, qui en plus s?inscrit dans la politique nationale et européenne de développement de réduction de l?impact environnemental de la filière textile. À cet égard la prohibition de l?élimination des invendus est une mesure contraignante intéressante aux yeux de la mission. De même, les dispositifs encourageant la réparation, le réemploi et la réutilisation. 2.2.4.1 L?interdiction de l?élimination des invendus, une mesure forte La part des invendus parmi les textiles mis en vente est estimée entre 10% et 20%102. Pour une entreprise donnée, elle varie notamment en fonction de la gestion des volumes produits ou la fréquence des collections. Depuis le 1er janvier 2022, en application de l?article L. 541-15-8 du code de l?environnement, les 100 Les épandages sur terres agricoles des matières fertilisantes d'origine résiduaire ? CGEDD-CGAER 2015 https://agriculture.gouv.fr/sites/default/files/cgaaer_14074_2015_rapport.pdf 101 Entre 43% et 76% si on additionne épandage et compostage. 102 Rapport d?Eunomia « Scoping study to assess the feasibility of further EU measures on waste prevention » publié en 2022 PUBLIÉ Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 42/72 producteurs, importateurs et distributeurs notamment de produits textiles 103 sont tenus de réemployer, y compris par le don104 à des associations caritatives ou à des structures de l?économie sociale et solidaire dans le cadre de convention de dons, de réutiliser ou de recycler les invendus. Refashion engage ses adhérents à repenser la structuration de leurs collections, par exemple en augmentant la part des intemporels, à créer des produits au plus près des attentes des consommateurs, à tester de nouvelles lignes, à minimiser les stocks, à faire des soldes attractives. Il leur suggère également de créer des espaces de ventes de « seconde main » qui pourront intégrer les invendus. Tout en évitant la destruction des produits non vendus, cette mesure devrait inciter les producteurs, importateurs et distributeurs à mieux calibrer leurs productions et leurs stocks. Elle sera, de plus, désormais appuyée par la règlementation européenne qui va imposer la même obligation à l?échelle de l?Union européenne (voir 2.1). 2.2.4.2 Le cahier des charges de Refashion lui impose de promouvoir la réparation, le réemploi et la réutilisation Comme indiqué en 2.2.1.2, le cahier des charges de l?éco-organisme prévoit des éco-modulations en fonction de la durabilité des produits TLC105. La durabilité est notamment appréciée, par type de textile, au regard de la résistance aux lavages, de la résistance aux abrasions, des glissements de fils aux coutures, du boulochage. La durabilité est par ailleurs encouragée via un fond dédié au financement de la réparation. L?objectif est d?augmenter le nombre de réparations hors garantie de 35% en 2028 par rapport à 2019. Le fond doté de 44M¤ financera notamment les dépenses liées aux réparations réalisées par des acteurs labélisés par l?éco-organisme. Le 11 juillet 2023, la secrétaire d?État à l?écologie, a ainsi annoncé qu?à partir du mois d?octobre 2023, les consommateurs pourront percevoir un bonus allant de 6 à 25 euros par réparation. Autres leviers indirects pour limiter la production de textiles synthétiques, des objectifs de réutilisation et de réemploi106 des TLC ont été fixés à Refashion : 120 000 tonnes de TLC usagés doivent être réutilisés ou réemployé chaque année à compter de 2024. Un fond soutient de telles opérations dès lors qu?elles interviennent à une distance inférieure à 1 500 km du lieu de collecte des TLC. 2.2.5 La lente émergence d?une information des consommateurs et de l?écoconception 2.2.5.1 De l?encadrement des allégations environnementales vers l?étiquetage obligatoire Avant la loi AGEC, les allégations environnementales étaient seulement soumises à la réglementation sur la publicité trompeuse et les pratiques commerciales déloyales (Directive 2005/29/CE et articles L. 121-1 et suivants du code de la consommation). Mais des mesures 103 Cette obligation n?entre en oeuvre qu?à compter du 1er janvier 2024 pour les textiles neufs pour la maison. 104 Ce don permet de bénéficier d?une réduction fiscale 105 Voir l?annexe III du cahier des charges 106 L?article L 541-1-1 du code de l?environnement définit ainsi le réemploi et la réutilisation : « Réemploi : toute opération par laquelle des substances, matières ou produits qui ne sont pas des déchets sont utilisés de nouveau pour un usage identique à celui pour lequel ils avaient été conçus ; » « Réutilisation : toute opération par laquelle des substances, matières ou produits qui sont devenus des déchets sont utilisés de nouveau ; » PUBLIÉ Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 43/72 volontaires les concernant avaient été prises par le monde de la publicité : le guide du Conseil national de la consommation sur les allégations environnementales (guide de 2010 réactualisé en 2023) et la « Recommandation développement durable » de l?autorité de régulation professionnelle de la publicité (la version en ligne date d?août 2020). Ces deux types d?auto encadrement visaient toutes les activités économiques. Outre des mentions obligatoires sur l?intégration de matières recyclées et sur la recyclabilité des fibres mentionnées au 2.2.2.1, le décret n° 2022-748 a prévu que les textiles d?habillement et linge de maison neufs devront indiquer le pays où s?effectuent le tissage, la teinture et l?impression ainsi que la confection et que ceux qui sont composés de plus de 50% de fibres synthétiques comportent la mention « rejette des microfibres plastiques dans l?environnement lors du lavage ». Néanmoins, l?enquête faite par les rapporteuses auprès du secteur a démontré que seules quelques marques appliquent cette règle dans les délais impartis. La mission s?est demandée si la très forte délocalisation de la fabrication des textiles évoquée au 1.3.3.1 ne pouvait pas expliquer la difficulté de déploiement des nouvelles règlementations sur l?étiquetage. En effet, des entreprises interrogées ont expliqué à la mission que leurs produits arrivaient en France cintrés et étiquetés, prêts à être exposés en magasins. Il conviendra donc de s?assurer que cette disposition est bien mise en oeuvre. 2.2.5.2 L?affichage environnemental devrait « valoriser » le risque de pollution par les microparticules de plastique D?abord prévu par l?article 15 de la loi AGEC107, l?affichage environnemental est désormais régi par l?article 2 de la loi Climat et Résilience. Il ne s?agit pas comme pour l?étiquetage environnemental de préciser certaines caractéristiques environnementales des produits. L?affichage environnemental vise d?une part, à « communiquer une information précise et transparente au consommateur pour qu?il puisse faire des choix en connaissance de cause », d?autre part, à « encourager les producteurs à concevoir de manière plus responsable leurs produits », enfin à « réduire l?impact environnemental de l?industrie de la mode » (Communiqué de presse de la secrétaire d?État à l?écologie le 21 mars 2023). Le secteur du textile connait des démarches d?affichage environnemental depuis 2010 et de nombreux travaux ont été menés permettant de constituer un socle technique (référentiel BPX 30- 323). Quatre entreprises ont été volontaires pour tester des projets de pré-déploiement de cet affichage de 2017 à 2020. La loi AGEC a poursuivi et officialisé cette démarche expérimentale en prévoyant des expérimentations pendant 18 mois, le dispositif devant être rendu obligatoire après l?entrée en vigueur de dispositions européennes ayant le même objectif. Ces expérimentations ont été prolongées, pour une durée maximale de cinq ans, par les dispositions du II de l?article 2 de la loi Climat et Résilience. Elles devaient débuter notamment par le secteur du textile d?habillement. À la différence de la loi AGEC, la loi Climat et Résilience prévoit qu?à l?issue de ces expérimentations et après évaluation de celles-ci, l?affichage environnemental sera rendu obligatoire par décret, prioritairement dans le secteur du textile d?habillement. Un premier bilan de l?expérimentation de l?affichage environnemental pour les textiles d?habillement et les chaussures a été dressé par un rapport au Parlement108, déposé en mars 2022 en application 107 Abrogé par le V de l?article 2 de la loi Climat et Résilience 108 Rapport au Parlement sur le bilan de l?expérimentation affichage environnemental textiles d?habillement et chaussures de la loi Anti-Gaspillage pour une Economie Circulaire, article 15, Mars 2022 PUBLIÉ Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 44/72 de l?article 15 de la loi AGEC. Il précise qu?environ 160 organisations s?étaient manifestées en 2020 auprès de l?ADEME pour participer à l?expérimentation mais que le nombre d?entreprises ayant réellement mis en place des expérimentations, précisément inconnu, peut être estimé à une dizaine. Le rapport explique cette désaffection in itinere par les difficultés liées à la crise COVID, un certain nombre d?incompréhensions des objectifs de cette expérimentation, notamment le positionnement par rapport aux travaux européens, l?absence de « certaines données cruciales » dans la base Impact de l?ADEME, l?absence d?échelles de notation commune. Il souligne que, pour la plupart des acteurs, le référentiel doit être complété mais qu?il n?y a pas de consensus entre eux sur les choix à faire. Il signale que sur la base de ces premiers enseignements et compte tenu du nouveau cadre posé par la loi Climat et Résilience, une nouvelle phase d?expérimentation a été lancée en juillet 2021 avec une gouvernance et des méthodes renouvelées. C?est ainsi que 11 méthodes de calcul et d?affichage d?une empreinte environnementale ont été expérimentées en 2022 avec environ 470 études de cas réalisés sur des produits réels. L?ADEME en a dressé un bilan dans un rapport109 de mars 2023 partagé avec le comité des partenaires. Six méthodes étaient basées sur le socle ADEME, quatre sur le projet de PEFCR (voir 2.1.1.2 p. 32) et une autre approche. Bien que, ni le projet de PEFCR, ni le socle de l?ADEME ne prennent en compte les micro-plastiques à proprement parler, certaines méthodes ont proposé d?intégrer cet enjeu, le considérant important : trois méthodes l?ont appréhendé en tant que sous-score de la biodiversité et deux ont développé un nouveau critère relatif aux micro-plastiques en lien avec la teneur en microfibres contenues dans le produit considéré. Compte tenu des résultats de ces expérimentations, la secrétaire d?État à l?écologie a annoncé le 17 mars 2023, devant les entreprises impliquées dans les expérimentations, les représentants du secteur et les ONG que huit critères d?impact avaient été retenus pour construire la méthode de calcul pour le futur affichage environnemental. Les rejets de micro-plastiques seront pris en compte par le 5ème de ces critères. La mission ne peut qu?approuver cette orientation dès lors qu?elle permettra aux consommateurs de prendre la mesure de l?éventuelle pollution micro-plastique engendrée par leur achat, en la comparant à d?autres impacts environnementaux et aura par répercussion des effets sur la conception des produits. Une première version de la méthode de calcul devrait être mise au point au second semestre 2023. Cette initiative française avance parallèlement aux travaux menés à l?échelle européenne sur l?affichage environnemental (notamment sur le PEFCR). Dans ce cadre, la France tente de faire valoir ses propres réflexions, qui convergent souvent avec celles de la Commission, par exemple sur la durabilité des vêtements (projet Durhabi porté par l?IFTH, repris au niveau européen), sur la réparabilité mais aussi sur les micro-plastiques. Mais à ce jour aucune méthode n?étant fiable, plusieurs projets de recherche sont en cours afin d?intégrer l?impact des micro-plastiques dans les analyses de cycle de vie. 2.3 Le secteur économique cherche peu à réduire la pollution à la source Le secteur, très dépendant des importations, déploie peu de moyens pour réduire la pollution par les micro-plastiques à la source. Peu incité par les pouvoirs publics comme indiqué précédemment, il ne l?est pas plus par les différents labels existants. 109 Rapport de l?ADEME : Évaluation transversale des méthodes d?affichage environnemental des textiles d?habillement et chaussures, Mars 2023 PUBLIÉ Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 45/72 2.3.1 Un secteur en transition, peu mobilisé sur la question des micro- plastiques 2.3.1.1 Les transformations du secteur La profession, bousculée voire fragilisée par la « fast fashion » mais aussi par la crise sanitaire de la Covid 19, cherche avant tout à réduire son impact sur le climat, souhaite amorcer une relocalisation de sa production comme en atteste le rapport du Comité stratégique de filière « mode et luxe » demandé par la ministre de la transition énergétique : « Relocalisation et mode durable » 2021. Le secteur se prépare aussi à mettre en oeuvre la loi AGEC, et notamment la réduction des emballages en plastique, l?affichage environnemental et les mesures précédemment rappelées en terme de recyclage et d?intégration de matières recyclées dans les étoffes. La mission a ainsi constaté que les efforts des grosses entreprises portent surtout sur le recyclage et la durabilité des produits, parfois sur le « coton bio » en terme d?efforts d?écoconception. La recherche appliquée, qu?elle soit publique ou privée (comme celle portée par GEMTEX110), est très déterminée par les demandes des entreprises, qui elles-mêmes, outre leurs stratégies propres de recherche et développement, suivent les orientations des pouvoirs publics. Ainsi, il a été indiqué à la mission que l?absence de dispositions contraignantes sur la teneur en polymère des textiles ou sur leur rejet de micro-plastiques, expliquait en partie la rareté des recherches sur ces sujets. Le centre européen des textiles innovants (CETI), centre de recherche privé, dispose d?une installation de recyclage thermodynamique étant souligné que c?est le recyclage mécanique qui est majoritairement utilisé. Pour développer ces procédés, il a mis en place une plateforme dénommée CETIA dédiée au tri et au recyclage. Il considère ainsi qu?il est tout à fait possible, techniquement et économiquement, de recycler à l?identique des mélanges de fibres (polyester/polyamide et polyester/coton) ou de les recycler en les séparant, cette dernière solution étant plus coûteuse. 2.3.1.2 Quelques initiatives vers des textiles naturels ou moins émetteurs de micro- plastiques ? L?exemple de la filière française du lin parait emblématique de la désindustrialisation du secteur textile en France. Cette filière, qui bénéficiait d?une longue tradition depuis le Moyen Âge, du Sud de la Normandie au Nord de la France, comme dans une partie de l?Europe du Nord, a presque totalement disparu. Ne demeurent que deux filateurs et une poignée de tisseurs et de tisserands 111 . Pourtant, « l?Europe, en particulier la France, la Belgique et les Pays-Bas, concentre 80% de la production mondiale de lin fibre, expédiée à 85% vers les filatures chinoises et en partie en Inde ». Elle se mobilise aujourd?hui pour relancer ses filatures et ateliers de tissage en cherchant à se relocaliser en France. À cet égard, il convient de signaler l?initiative de l?Union des industries textiles (UIT) et d?Interchanvre, lancée en juin 2023, « Bleu Blanc Lin » et « Bleu Blanc Chanvre » qui vise à « faire renaitre une filière lin et chanvre pour un textile 100% made in France »112. 110 Laboratoire de recherche textile ? Roubaix https://www.gemtex.fr/ 111 La tapisserie de Bayeux est une preuve de la présence du lin au XIe siècle « Les savoir-faire du lin textile » Fiche d?inventaire du patrimoine culturel immatériel (page 19). 112 https://www.textile.fr/actualite/soutienfilierestextilesfrancaiseslinetchanvre PUBLIÉ https://www.textile.fr/actualite/soutienfilierestextilesfrancaiseslinetchanvre Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 46/72 Ce mouvement de renaissance est porté au niveau européen, par la Confédération européenne du lin et du chanvre qui rassemble tous les acteurs de l?industrie européenne du lin dans 14 pays de l?Union européenne. La mission ne peut que se réjouir de ces évolutions qui, entre autres bénéfices, permettront de mettre sur le marché français et européen, des textiles moins ou pas émetteurs de micro-plastiques. ? Le CETI participe à des projets qui cherchent à développer des fibres plus « naturelles » : ? des PLA (Acide polylactique) (TOTAL Corbion en Normandie sur le site de la raffi- nerie de Grandpuits en Seine-et-Marne) bio plastique produit à partir de sucres de cannes ou d?amidon (aussi d?écorces de betterave) ; il est recyclable et « compos- table » selon Total énergie ; ? des celluloses issues de lin oléagineux (CETI) ; ? des fibres réalisées à partir de lait impropre à la consommation humaine qui sont recyclables ou compostables ; ces fibres, en apparence proches de la laine et de la soie, intéressent certaines entreprises du luxe mais compte tenu de leur origine et pour des raisons éthiques (ne pas détourner la production agricole), elles ne pourront donner lieu à une production de masse. ? Enfin, quelques rares entreprises se focalisent sur le sujet des micro-plastiques. Elles sont principalement regroupées au sein du Consortium Microfibres (TMC)113 association qui re- groupe différentes marques autour d?un « Engagement microfibres 2030 » : elles s?enga- gent à rechercher un « impact nul de la fragmentation des fibres des textiles sur l?environ- nement naturel d?ici 2030 » en choisissant de mettre la fragmentation des fibres en tête de leur agenda environnemental. Elles réalisent des tests sur leurs matériaux qu?elles com- muniquent au consortium et mettent à disposition des équipes de travail spécifiques sur le sujet. Ainsi, Décathlon® a engagé une démarche de tests de l?ensemble des étoffes de sa collection afin d?évaluer de façon précise leur caractère émissif et de pouvoir adapter sa production en fonction des résultats. Cette entreprise est l?une des deux marques ayant respecté les délais en matière d?étiquetage de ses produits. On notera également que le TMC a très largement contribué à l?élaboration des normes en cours d?adoption (voir 2.4.2). 2.3.2 Aucun label environnemental ne semble afficher de critères sur les émissions de micro-plastiques Les labels environnementaux sont des outils mis à la disposition des consommateurs pour leur permettre de choisir les produits qui paraissent offrir les meilleures garanties de préservation de l?environnement et de la santé humaine. Ils peuvent donc conduire à des changements de consommation non négligeables. Certains labels sont apposés sur les produits sous la seule responsabilité des fabricants ou distributeurs. D?autres sont certifiés ou contrôlés par un organisme tiers indépendants sur la base d?un cahier des charges conformément à l?article L. 433-1 du code de la consommation. Parmi ceux-ci figurent les labels conformes à la norme ISO 14024 et peuvent être appelés « Écolabel » comme l?éco label européen. 113 Outdoor Microfibre Consortium Limited dont sont membres Adidas, CetA, Decathlon, Bureau Veritas, Eurifins, Fashion for Good, Gap Inc, HetM Group, Helly Hansen, Kering, Next, Nike, The North Face, Patagonia, Puma, RISE, Tesco, Textile exchange, etc? https://www.microfibreconsortium.com/signatories PUBLIÉ https://www.microfibreconsortium.com/signatories Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 47/72 L?ADEME a réalisé une étude sur huit labels environnementaux apposés sur les textiles en 2020114. Cette étude est en ligne sur son site115. Depuis le 1er janvier 2023, la certification par un ou plusieurs de ces huit labels116 donne droit à des primes réduisant les éco-contributions versées à Refashion (voir 2.2.1.2). Toutefois l?étude de l?ADEME ne s?intéressait pas aux micro-plastiques, en tant que tels, mais d?une manière générale, à l?impact des produits sur le changement climatique, la perte de biodiversité, la pollution de l?air, l?écotoxicité et l?épuisement des ressources. La question de la pollution de l?air y était abordée mais sous l?angle des composés organiques volatiles. Par ailleurs, le critère de la durabilité, peu utilisé, était peu précisé par cette étude. La mission n?a pas trouvé de label mettant en avant le caractère faiblement émissif des étoffes. 2.4 De nouveaux outils qui devraient permettre de dépasser ces freins 2.4.1 Les recherches scientifiques en cours Afin de faire face aux incertitudes évoquées en partie 1.3, différents projets de recherche sont en cours, pour permettre la définition des micro-plastiques, leur caractérisation, leurs impacts toxicologiques à l?échelle internationale comme nationale, par les autorités publiques comme par le secteur privé. Ces projets en France117 sont notamment portés par l?ADEME, l?Institut national de l?environnement industriel et des risques (INERIS) et l?Office français de la biodiversité (OFB). Certains visent à évaluer la contamination des sols par les micro-plastiques (Microsof), d?autres leurs impacts écotoxicologiques (MusselPlast), les boues d?épuration (PRO), la dégradabilité des plastiques. Ces projets sont en phase d?achèvement et rendront des résultats d?ici fin 2024. Par ailleurs, l?ADEME, l?OFB, l?INERIS participent au réseau européen SOILVER dans lequel un état de l?art de la contamination dans les sols et les eaux souterraines a été réalisé par l?INERIS et des collaborateurs belges et néerlandais (projet MISSOURI). En mars 2022, un appel à projets de recherche (APR) a été lancé conjointement par l?ADEME et l?OFB pour évaluer le transfert des micro-plastiques dans les écosystèmes continentaux, afin d?anticiper les besoins réglementaires de surveillance et de gestion de ces pollutions. Les résultats de ces projets de recherche permettront d?asseoir les décisions publiques sur des données chiffrées. À ce stade, ils confirment la présence de micro-plastiques dans les écosystèmes investigués. 2.4.2 De nouvelles normes devraient faciliter l?avancée des recherches sur les émissions de micro-plastiques Grâce à la mobilisation des acteurs du secteur dans le monde entier, des normes ISO ont récemment été publiées ou sont en cours d?adoption. Pour la première fois, vont exister des définitions communes des micro-plastiques et des nano-plastiques, des méthodes communes pour déterminer les pertes de matière lors des lavages industriels et domestiques et pour les analyser. Ces harmonisations devraient permettre un essor des travaux de recherche et de leur comparaison 114 Vêtements, chaussures et textiles : impacts environnementaux et labels, Expertises, édition 2020 115 https://agirpourlatransition.ademe.fr/particuliers/labels-environnementaux#labelsrow-3 116 Pour les noms des labels voir note 86 117 Microsof, Biomaleg, Plasticène, Cinape, Pro PUBLIÉ https://agirpourlatransition.ademe.fr/particuliers/labels-environnementaux%23labelsrow-3 Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 48/72 et des conclusions beaucoup plus pertinentes devraient pouvoir en être tirées que ce soit par exemple en ce qui concerne l?ampleur des émissions de micro-plastiques sur le cycle de vie des étoffes, la réalité des pollutions dans l?environnement, les atteintes à la santé humaine, l?affichage environnemental ou les labels. 2.4.2.1 Des définitions communes des particules fines de plastiques Une norme (ISO/FDIS 24187118) est en cours d?élaboration et pourrait être adoptée d?ici la fin de l?année 2023 permettant une classification unique des micro-plastiques et un faisceau de règles permettant leur échantillonnage. À ce stade de son élaboration, la norme définirait les micro-plastiques comme des particules solides, non solubles dans l?eau, d?une taille allant de 1 µm à 1000 µm (soit 1 mm), les particules allant de 1 à 5 mm étant elles qualifiées de « grands micro-plastiques » mais étant couvertes par la même norme. De plus, cette norme indiquerait que la forme peut être régulière ou irrégulière, et que la dimension est celle de la partie la plus longue de la particule, ce qui permettrait d?y inclure les microfibres de moins de 5 mm de longueur. Elle devrait être validée à l?échelle internationale, mais également européenne (CEN) et française (AFNOR). Enfin, les nano-plastiques seraient également en cours de définition - ce qui est plus petit que 1 µm ? ces éléments étant contenus dans un document normatif écrit il y quatre ans. Une autre définition est proposée par l?OCDE jusqu?à 100 nanomètres. 2.4.2.2 Une harmonisation des méthodes pour mesurer et analyser les pertes de matières lors des lavages des textiles Une norme ISO, CEN et NF 4484 porte sur cette harmonisation. Elle comporte trois parties. La première partie concerne la détermination de la perte de matières des étoffes lors des lavages (ISO 4484-1 : 2023)119. Elle a été publiée et est en vigueur depuis février 2023. La troisième partie se concentre sur les méthodes pour mesurer la masse de matériaux collectés libérés par les produits finis textiles au cours des lavages domestiques. Cette partie de la norme a été publiée en mai 2023 au niveau international mais ne l?était pas encore en France à la date de rédaction du présent rapport120. La deuxième partie, qui porte sur les méthodes pour mesurer, quantifier et analyser les résultats des matières ainsi collectées, fait encore débat. En effet, il existe déjà des travaux de normalisation sur l?analyse des micro-plastiques dans l?eau. La plupart des pays de l?Union européenne et la Commission souhaiteraient qu?il n?y ait qu?une seule norme (norme ISO/16084 en trois parties en cours d?élaboration) et que la gouvernance sur ces questions soit harmonisée et confiée au « groupe joint » entre le comité technique dans le domaine des plastiques et le comité technique dans le domaine de l?eau, et ne fasse donc pas l?objet d?une norme séparée. L?Union européenne a donc voté « contre » la proposition de norme ISO 4484-2. L?adoption de cette norme poursuit néanmoins sa route et elle devrait être publiée avant la fin de l?année 2023, mais ne sera pas applicable dans l?UE. 118 Projet de norme ISO/FDIS 24187:2023 « Principes d?analyse des micro-plastiques présents dans l?environnement ». 119 https://standards.cencenelec.eu/dyn/www/f?p=205:110:0::::FSP_PROJECT:71617&cs=110565CE941B989550 C25BDB465B4B18A 120 https://www.iso.org/fr/standard/81035.html PUBLIÉ https://www.iso.org/fr/standard/81035.html Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 49/72 2.4.3 Les évolutions règlementaires à venir à l?échelle européenne Comme évoqué en 2.1, la Commission européenne et les agences européennes travaillent activement sur le sujet des micro-plastiques avec l?objectif de faire évoluer la règlementation européenne sur le sujet. Des travaux européens ont été conduits et seraient sur le point d?aboutir à la publication d?une communication faisant état de la collecte de données sur l?émission des micro-plastiques non intentionnels réalisée depuis 2018 et des priorités politiques que va se donner l?Union européenne dans ce domaine. Au stade de la finalisation de ce rapport, cette communication n?a pas été adoptée par la Commission européenne. Selon des informations recueillies par la mission, la Commission européenne se préparerait à annoncer que la priorité sera donnée à la lutte contre les pertes de granulés industriels. La définition de mesures visant la réduction des micro-plastiques issus des textiles pâtirait du manque de données consolidées permettant l?évaluation quantitative de cette pollution, et des conséquences économiques pour les secteurs concernés (industrie textile, fabricants de lave-linges). En parallèle, la Commission a soumis le 30 mars 2022 à l?adoption législative une règlementation élargissant les obligations en matière d?écoconception à de nouveaux types de produits dont les textiles (tous les produits en fait à l?exception de quelques-uns). Cette règlementation cadre est en cours d?adoption par le Conseil et le Parlement qui a adopté sa position le 12 juillet dernier. Elle sera suivie de la définition de règlements d?application propres à chaque secteur, comportant ses propres règles en matière d?écoconception des produits. Cette règlementation européenne prévoit notamment la « labellisation » des produits sur leur impact environnemental : le « passeport produit » doit contenir les informations exactes et à jour sur les possibilités de réparation et de recyclage, sur la durabilité du produit. Cela aidera le consommateur à faire des choix éclairés et les autorités de contrôle des États membres à effectuer les vérifications. D?autres règles seront également définies pour améliorer la durabilité, la sûreté, la réutilisation, l?amélioration, la réparation, le maintien en bon état et la remise à neuf, la présence de produits à risque, l?usage de l?énergie et l?efficacité énergétique, le contenu recyclé, la possibilité de reproduire et de recycler, la possibilité de récupération des matériaux, les impacts environnementaux et la génération prévue de déchets. À ce stade de la négociation, l?orientation générale du Conseil propose une interdiction directe de destruction des produits non écoulés dans le secteur de l?industrie textile, avec une exemption de quatre ans pour les entreprises de taille moyenne et une exemption générale pour les petites et microentreprises121. Cette position est soutenue par le Parlement européen dans son vote du 12 juillet 2023. Il est important de préciser que la « destruction » au sens de ce texte européen n?intègre pas l?action de réemploi ou de re-fabrication, afin de pousser les producteurs à envisager différentes options pour ces textiles invendus. Une révision de la directive sur la biodégradabilité des plastiques est prévue en 2027 afin de tenir compte des progrès dans la compréhension du phénomène de pollution. La règlementation européenne relative à l?exportation des déchets est également en cours d?évolution. Début juillet 2023, la Commission a abordé cette question dans le cadre de la révision, ciblée sur les textiles, de la directive cadre sur les déchets. Elle a annoncé dans un communiqué de presse que les mesures prévues viendront compléter celles de la proposition de nouveau règlement concernant les transferts de déchets qui ont pour « objectif d?assurer que les transferts de déchets textiles n?ont lieu que lorsqu?il est garanti qu?ils sont gérés d?une manière 121 « Nouvel article 20b : Interdiction de destruction des produits de consommation invendus qui sont des vêtements ou des accessoires vestimentaires : À compter de 36 mois après l?entrée en vigueur du présent règlement, la destruction des produits de consommation invendus qui sont des vêtements ou des accessoires du vêtements, énumérés aux chapitres 61 et 62 du TARIC [Tarif douanier de l?Union européenne] établi par le règlement CEE n°2658/8777 du Conseil est interdite. » PUBLIÉ Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 50/72 écologiquement durable »122. Dans le domaine de la pollution de l?eau, la proposition de directive révisant la DERU identifie les micro-plastiques comme de « nouveaux polluants » ayant fait leur apparition et fixe un objectif de réduction des émissions de micro-plastiques de 9% d?ici 2040, « principalement grâce à des actions sur la gestion améliorée des eaux de pluie ». Par ailleurs, elle prévoit que les États membres devraient désormais « surveiller la pollution provenant des eaux de ruissellement urbain et des surcharges dues aux pluies d?orage, les concentrations et les charges des polluants réglementés dans la présente directive à la sortie des stations d?épuration des eaux urbaines résiduaires et la présence de micro-plastiques (y compris dans les boues) » pour toutes les agglomérations ayant un taux d?équivalent habitants (EH) supérieur à 10 000. Une méthodologie de mesure des micro- plastiques dans les eaux résiduaires urbaines et les boues sera établie par la Commission européenne dans le cadre d?actes d?exécution de la directive. Enfin, notamment parce que les micro-plastiques peuvent être des vecteurs de substances chimiques concernées par la DCE, notamment des additifs susceptibles d?être relargués (plastifiants tels que le DEHP, le C10-13-chloroalcane, hexachlorobenzène, composés ignifuges tels que l?HBCDD, ou encore des métaux (utilisés comme pigments tels que le cadmium) qui sont des « substances prioritaires dangereuses » susceptibles d?être présentes dans les plastiques, la Commission a proposé le 26 octobre 2022 une directive révisant la DCE, la directive sur les eaux souterraines et celle sur les standards de qualité environnementale dans le domaine de la politique de l?eau . Cette révision propose notamment l?introduction de nouvelles substances à mesurer dans le cadre de l?évaluation de la qualité de l?eau et demande l?élaboration d?une méthodologie pour évaluer les micro-plastiques présents dans l?eau. Ce texte est en cours d?examen par les instances européennes. L?ensemble des évolutions de ce cadre européen auront un impact sur la mise en oeuvre de la loi AGEC et des autres mesures règlementaires en cours d?adoption en France. 122 Communiqué de presse de la Commission européenne du 5 juillet 2023 : Économie circulaire et secteur du textile : responsabilité à l?égard de la réduction, du réemploi et du recyclage des déchets textiles et stimulation des marchés des textiles usagés. PUBLIÉ Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 51/72 3 Afin de mieux répondre à cette pollution, il est nécessaire de prendre en compte le cycle de vie du produit textile D?une manière générale, il semble à la mission indispensable que les politiques publiques s?inspirent de la hiérarchie des modes de traitement des déchets. Par ordre de priorité décroissante, il convient donc d?abord d?encourager à l?écoconception, d?augmenter la durabilité, d?inciter à la réparation, au réemploi, enfin à la réutilisation. Le recyclage doit donc retrouver sa place, après ces premières mesures. Mais pour mettre en oeuvre une écoconception efficace et pertinente, la filière a besoin que la recherche sur toutes les étapes de la vie du produit soit intensifiée. 3.1 Approfondir les efforts de recherche Il a été souligné précédemment123 à quel point le manque de connaissances freinait tant les décisions publiques que les choix des industriels. Les avancées en terme de normalisation124 devraient faciliter nombre de recherches publiques ou privées sur l?ensemble des enjeux évoqués dans ce rapport. La mission estime que des recherches complémentaires devraient porter en priorité sur : - les risques des micro- et les nano-plastiques sur les écosystèmes et la santé humaine ; - la quantification des micro-plastiques émis dans l?air lors du port des vêtements ; - l?analyse des émissions de micro-plastiques issus des étoffes produites en polymères recyclés et des étoffes en fin de vie ; - le devenir des micro-plastiques présents dans les boues d?épuration épandues sur les sols. [ADEME et ANSES] Soutenir des projets de recherche sur les effets sur les écosystèmes et la santé humaine des micro-plastiques, sur la pollution aux micro- plastiques d?origine textile dans l?air et par l?épandage des boues d?épuration et sur la pollution issue des textiles recyclés et en fin de vie. 3.2 Répondre aux émissions lors de la création des étoffes et des produits Dans le cadre de la mise en oeuvre du principe de précaution et de prévention, l?écoconception des étoffes apparait comme une des mesures à privilégier afin de limiter leur caractère émissif en micro-plastiques. Deux orientations politiques sont possibles : ? Réduire la part des étoffes synthétiques dans le textile consommé en France en leur substituant des matériaux alternatifs : ? fibres naturelles (lin, chanvre) ; ? fibres biosourcées transformées (viscose, lyocell) tout en limitant leurs autres im- pacts environnementaux ; ? Réduire les émissions de micro-plastiques par les étoffes : 123 Voir partie 1 124 Voir en 2.4.2 PUBLIÉ Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 52/72 ? en améliorant leur conception : sur la base des tests qui seront réalisés, la profes- sion va pouvoir déterminer plus précisément quels sont les types d?étoffes les plus émetteurs ; ? en captant les émissions réalisées lors de la fabrication des étoffes, ce qui néces- site un plan d?investissements dans les pays producteurs pour que les émissions des usines de fabrication soient collectées, traitées, filtrées et que les déchets soient ensuite détruits. Parce que la substitution de matières pas ou peu émettrices de micro-plastiques nécessite de revoir des lignes de production et des gammes de produits, et donc du temps, les plans de prévention et d?écoconception devraient être utilisés comme aides en vue de telles transformations. Le plan de prévention et d?écoconception prévu par l?article L. 541-10-12 du code de l?environnement pourrait être l?occasion d?imposer aux entreprises du secteur de remettre en question leur recours aux textiles synthétiques, qu?ils soient vierges ou recyclés, en fonction de la gamme de chacune d?entre elle. Il pourrait même leur être demandé de se fixer à elles-mêmes un objectif de réduction des micro-plastiques. [MTECT/DGPR] Modifier l?article L. 541-10-12 du code de l?environnement pour prévoir que le plan d?écoconception doit avoir comme objectif d?augmenter la part des fibres peu ou pas émettrices de micro-plastiques Les innovations déjà amorcées sur de nouvelles fibres naturelles ou synthétiques devraient être accentuées. Pour accompagner cette réorientation, la reconstitution ou la constitution de filières de fibres naturelles, telles que le lin et le chanvre, pour celles qui peuvent être produites en France ou en Europe, devraient être encouragées et soutenues à l?échelle nationale comme européenne. La conception d?étoffes et de produits non ou moins émetteurs de micro-plastiques devrait faire partie des priorités des programmes de recherche entrepris par les secteurs privé et public. Des recherches récentes, il apparait que la longueur des fibres synthétiques a une grande importance sur leur caractère émetteur de microparticules. Si ces informations venaient à être confirmées par les tests en cours, cette exigence relative au type de fibre pourrait figurer dans les cahiers de charge. Même si à ce stade la biodégradabilité des plastiques synthétiques n?a pu être prouvée, la recherche de fibres biodégradables (même si émettrices de microfibres ou particules) est également un champ à explorer125. Un autre sujet d?écoconception des étoffes relève des modalités de tissage ou tricotage. Sans remettre en cause la suprématie industrielle actuelle du tricotage, qui déstabiliserait fortement la filière, les tests sur les étoffes devraient également permettre d?analyser l?impact de la conception des étoffes sur les émissions de microfibres. De même, les modalités de découpe des étoffes au moment de la fabrication des produits textiles ou d?assemblage des pièces peuvent avoir un impact sur leur caractère émissif. En résumé, sur la base des tests qui vont pouvoir être conduits dans les 2 ou 3 prochaines années conformément aux normes récemment adoptées ou en cours d?adoption, les cahiers de charge des entreprises de fabrication et de diffusion des produits textiles auprès de leurs fournisseurs pourront intégrer des critères permettant de limiter les émissions de micro-plastiques par les étoffes et les produits achetés, qu?ils soient importés ou produits au sein de l?Union européenne. 125 L?entreprise Primaloft Bio indique avoir fabriqué le premier tissu issu de fibres synthétiques 100% recyclées et biodégradables à 55% (Prima loft Bio Performance Fabric). PUBLIÉ Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 53/72 [MEFSIN/DGE] Soutenir le développement par la filière TLC de la production d?étoffes en fibres naturelles alternatives au coton ou en nouvelles étoffes synthétiques biosourcées et compostables Pour accélérer la réduction de l?utilisation des micro-plastiques lorsque leur utilité n?est pas avérée, il pourrait être envisagé d?interdire l?incorporation de micro-plastique dans les textiles. De telles pratiques existent par exemple pour ennoblir les textiles ou rendre plus agréable leur portabilité (nanoparticules pour éviter les mauvaises odeurs dégagées par les chaussettes de sport). Il s?agit ici d?éviter l?ajout de micro-plastiques intentionnels et donc de s?aligner avec la politique européenne visant à réglementer en priorité les micro-plastiques primaires. On pourrait à l?échelle française étendre le champ d?application de l?article L. 541-15-12 du code de l?environnement (inséré par l?article 82 de la loi AGEC) qui interdit l?incorporation de micro-plastique en concentration supérieure à 0,01% dans certains produits. S?agissant de l?industrie textile, cette interdiction devrait viser tous les micro- et nano-plastiques sauf, encore une fois, en cas de nécessité démontrée. Cette décision doit préalablement être prise à l?échelle européenne. Enfin, afin de limiter l?impact des micro-plastiques émis, l?écoconception devrait également se concentrer sur les additifs. La limitation, voire l?interdiction, de certaines substances chimiques utilisées comme additifs dans la confection des polymères peut faire l?objet d?un renforcement de la règlementation européenne sur le sujet. [MEFSIN/DGE ? MTECT/DGPR] Demander à l?échelle européenne l?inter- diction de : a) l?insertion de micro et nano-plastiques additionnels pour l?embellissement et l?ennoblissement ; b) l?ajout des additifs insérés dans les polymères textiles causant des risques pour la santé humaine et les écosystèmes. Enfin, la France et l?Union européenne sont mobilisées dans le cadre de leur aide au développement sur le sujet de la gestion de l?eau dans les pays tiers. Néanmoins, la majorité des aides est dirigée vers l?accès à l?eau potable des populations, plutôt que vers le traitement des eaux usées ; et quand bien même des projets relatifs au traitement des eaux usées existent, les usages des boues d?épuration sont similaires aux usages réalisés en France, à savoir l?épandage d?une grande partie d?entre elles, et donc des micro-plastiques qui ont été captés lors du traitement. D?échanges avec le secteur du textile, la mission retient également que l?insertion dans les cahiers des charges de contraintes pour les producteurs de textiles des pays tiers en matière de collecte de leurs eaux usées à la sortie de leurs usines de fabrication, n?a pas eu de résultats, les moyens de contrôle étant inexistants et le saut technique demandé n?étant pas possible à mettre en oeuvre, avec souvent des réseaux publics de traitement des eaux inexistant ou insuffisants pour prendre le relais des industries. Pourtant, la traçabilité récemment mise en place devrait permettre d?améliorer la capacité de contrôle sur les producteurs de produits textiles par les donneurs d?ordre. L?encouragement à l?amélioration de la gestion des eaux usées dans les pays tiers producteurs de textiles doit être poursuivi, même si des résultats ne peuvent être attendus à court terme. [MEAE - MTECT] Aider les pays tiers dans lesquels sont produites les étoffes à développer des systèmes de gestion des eaux et de captation des microfibres, dans le cadre des politiques d?aide au développement et en partenariat avec les entreprises européennes productrices et distributrices de produits textiles. PUBLIÉ Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 54/72 La commande publique, devant être « mise au service de la transition vers l?économie circulaire » en application de l?article. L. 541-1 (dernier alinéa) du code de l?environnement, le levier des marchés publics pourrait être aussi actionné pour les vêtements professionnels lorsque la technicité de leur usage le permet. Un pourcentage maximum de fibres synthétiques pourrait être inclus dans les clauses techniques des marchés correspondant et un bonus pourrait être accordé aux tissus comportant le plus de fibres naturelles et/ou biodégradables. 3.3 Faire du consommateur un acteur éclairé de la réduction de la pollution par les micro-plastiques La lutte contre les micro-plastiques des textiles rejoint celle de la lutte contre les coûts environnementaux de la surconsommation textile. D?après un sondage réalisé par OpinonWay126 auprès de 2 002 personnes, 55% des Français déclarent limiter leurs achats textiles aux besoins réels, 46% trier leurs placards et 55% valoriser leurs textiles en leur offrant une seconde vie, 80% ayant recours aux dons. Figure 12 : Cycle de vie des textiles et chaussures (Source : rapport d'activité 2022 Refashion) Une des clés de l?action politique apparait donc comme étant celle de la sensibilisation du consommateur comme du distributeur. L?affichage environnemental, dès lors qu?il comportera un critère sur le rejet dans l?environnement 126 https://fr.fashionnetwork.com/news/Dechets-textiles-les-francais-mobilises-mais-trop-peu- informes,1340053.html PUBLIÉ Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 55/72 de micro-plastiques et que ce critère sera correctement valorisé, ne pourra qu?avoir des effets positifs sur la conception des étoffes. Pour éviter de faire l?objet d?un mauvais score, les entreprises devraient s?orienter vers des tissus comportant moins de polymères ou vers des polymères moins émetteurs de micro-plastiques. Eu égard à l?importance de la pollution par les micro-plastiques d?origine textile, la mission considère qu?il est nécessaire de renforcer les contraintes d?étiquetage actuellement prévues par le XI de l?article R. 541-221 du code de l?environnement : - d?une part, le pourcentage de 50% de composition d?étoffe synthétique au-delà duquel les émissions de micro-plastiques doivent être signalées apparait trop élevé puisque l?on sait que toutes ces fibres rejettent des micro-plastiques quel que soit leur pourcentage. La mission propose donc de faire passer le pourcentage à 5 % ; - d?autre part, sachant que le relargage des microparticules peut aussi intervenir lors du port, de tout autre utilisation et de la fin des étoffes, la mission propose soit de supprimer dans la mention obligatoire les mots « lors du lavage », soit de compléter cette mention par « de l?utilisation et de la fin de vie de l?étoffe ». Cette recommandation rejoint celle du rapport de l?OPECST de 2020 sur la pollution plastique. La mission rappelle qu?un pictogramme signalant de manière très claire la présence de plastiques n?est prévu que pour certains produits à usage unique par le décret n°2021-1279 qui transpose l?article 7 de la directive du 5/06/2019 et son règlement d?exécution UE 2020/2151. Un pictogramme analogue pourrait accompagner la mention « rejette des microfibres plastiques dans l?environnement ». Les labels constituant des outils souples et rapidement mobilisables, la mission considère qu?ils devraient mieux prendre en compte la pollution par les micro-plastiques d?origine textile. Pour les y inciter, elle estime que l?ADEME devrait renouveler et approfondir son étude sur les labels environnementaux. [MTECT/CGDD - ADEME] Mieux informer le consommateur sur les mi- cro-plastiques textile en : a) lançant des campagnes de communication sur l?émission de micro-plastiques par les produits textiles ; b) modifiant le XI de l?article R. 541-221 du code de l?environnement pour faire passer le seuil de présence de fibre synthétique de 50% à 5% déclenchant une information du consommateur ; c) renouveler l?étude sur les labels envi- ronnementaux pour les textiles en mettant en lumière les critères retenus par chacun d?eux sur les émissions de micro-plastiques, sur le taux de présence de fibres synthétiques et artificielles, sur la réparabilité du vêtement, sur sa durabilité. 3.4 Répondre aux émissions lors de l?usage du produit 3.4.1 Les émissions lors des lavages des produits La partie 2 de ce rapport a souligné la difficile mise en place d?une politique de captation des micro- plastiques issus des lavages de vêtements, qui sont supposés être l?une des principales causes d?émission de micro-plastiques textiles en Europe. Concernant les machines individuelles à laver le linge, la loi AGEC a fixé un objectif, auquel les fabricants de machine ont partiellement répondu, et sa mise en oeuvre dépend principalement de l?adoption de règles équivalentes à l?échelle européenne. La mission souhaite néanmoins attirer l?attention sur la nécessaire proportionnalité de cette mesure d?une part, eu égard aux technologies PUBLIÉ Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 56/72 actuellement existantes qui nécessitent une forte implication de l?utilisateur de la machine (choix des programmes, nettoyage des filtres), un risque de contradiction avec le droit européen de libre circulation des biens et marchandises, et d?autre part sur sa temporalité de mise en oeuvre. D?après UFC-Que-Choisir et l?INSEE, 94% des ménages sont équipés d?un lave-linge en France et la durée de vie d?un lave-linge est estimée à 7 à 10 ans. De plus, les règles européennes et nationales récentes visent la promotion de la fin de l?obsolescence programmée et du réemploi de l?électroménager. Quand bien même la mesure d?installation obligatoire d?un système de filtrage serait mise en place en France dès 2025, le temps nécessaire pour qu?une fraction suffisante des ménages français investissent dans une machine équipée d?un tel système de filtrage ne permettra pas d?obtenir des résultats avant 2030. La mission s?est donc penchée sur la possibilité d?imposer l?équipement des machines à laver industrielles d?un tel système de filtrage, solution qui apporterait a minima la garantie du bon traitement des résidus de lavage issus du système de filtration et de la bonne application du principe de filtration en fonction de la nature des étoffes. La loi française impose également l?équipement des machines industrielles d?un même système de filtration. L?idée, expertisée également par la Commission européenne, serait donc d?imposer un premier lavage ? ou plusieurs lavages initiaux - des produits textiles distribués sur le marché européen, qu?ils soient importés ou fabriqués dans l?Union européenne. Ce(s) premier(s) lavage(s) permettrai(en)t non seulement la collecte des microparticules émises lors des premiers lavages, et leur récupération puis leur élimination, mais également celles de produits/additifs chimiques nocifs qui peuvent être utilisés dans la fabrication des étoffes. Cette solution ne peut être expérimentée par la France seule et doit s?imposer à l?échelle de l?Union européenne. Les solutions logistiques pour la mettre en oeuvre devraient être laissées aux distributeurs afin de pouvoir s?intégrer dans leur chaine logistique. Néanmoins, il convient de ne pas oublier que cette mesure entrainerait une forte déstabilisation des chaines logistiques actuellement existantes de la plupart des marques, dont la très large majorité de la production est fabriquée à l?extérieur de l?Union européenne, non seulement pour la production des étoffes, mais également pour leur conception, leur étiquetage, leur emballage et même leur cintrage ce qui rend un relavage dans l?Union européenne très complexe. Et l?imposition d?un lavage dans le pays de production du produit ? qui n?est pas forcément celui de la production de l?étoffe elle-même ? pose les problèmes liés au traitement des eaux usées dans les pays tiers déjà évoqué (3.1.1). Cette solution dont l?efficacité immédiate est très séduisante, aura donc un impact majeur sur la chaine de production et nécessiterait une mise en oeuvre progressive. L?examen devra notamment intégrer les types de financement pouvant être apportés par la REP. La dernière étape d?émission des micro-plastiques lors des lavages est celle des stations d?épuration, sujet également largement abordé en partie 2.2.3. Les réglementations en cours de mise en place à l?échelle nationale et européenne devraient permettre d?avoir rapidement une visibilité sur l?ampleur de cette pollution par les micro-plastiques. Dans le contexte actuel d?un renforcement de l?équipement des collectivités françaises en systèmes d?épuration des eaux usées plus efficaces afin de respecter les obligations communautaires actuelles et à venir, la mission pense utile que l?équipement des stations en filtres permettant une meilleure capture des microparticules de plastique soit examinée de façon plus systématique dans le cadre des projets, notamment pour les stations situées dans des zones sensibles. La question de l?usage des boues d?épuration nécessite également une expertise plus poussée. En effet, la mise en oeuvre du principe de précaution conduirait à ne pas poursuivre l?épandage des boues d?épuration dont la teneur en microparticules de plastique est avérée. Le développement d?autres usages des boues d?épuration doit donc être recherché. PUBLIÉ Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 57/72 [MTECT ? MESFIN/DGE] Limiter les émissions de micro-plastiques en provenance des lavages en Europe en : a) défendant à l?échelle européenne dans le cadre de l?évolution du règlement écoconception la mise en place de filtre sur les lave-linges privés ; b) examinant à l?échelle européenne la possibilité d?un prélavage des produits textiles avant leur mise en rayon par les distributeurs [MTECT] Renforcer les filtres équipant les stations d?épuration dans les zones sensibles et limiter l?épandage des boues d?épuration dont la contamination par les micro-plastiques est avérée. 3.4.2 Les émissions lors du port des produits À ce stade de l?analyse, il apparait à cette mission très difficile d?imposer des règles obligatoires. La priorité doit être donnée à la recherche pour analyser à la fois la présence des microfibres dans l?air, la capacité d?ingestion/adsorption de ces microfibres dans le corps humain et leur impact sur la santé. Dans un deuxième temps, une fois ces études complémentaires réalisées, il suffira d?étendre les règles européennes sur la pollution de l?air aux microfibres en les rattachant aux PM2,5 et PM10. [MTECT/DGEC] A l?échelle européenne, en fonction des résultats des études sur les émissions de micro-plastiques dans l?air, intégrer les microparticules de plastique dans les PM2,5 et PM10. 3.5 Répondre aux émissions lorsque le textile devient déchet 3.5.1 La collecte, le tri et les usages nouveaux (réemploi, réutilisation) La lutte contre les micro-plastiques ne pourra que bénéficier de l?accroissement de la durabilité des produits puisque la majorité des émissions se produisent en début de vie du produit, même si cette assertion se heurte à l?absence de tests réalisés sur des étoffes en fin de vie ou sur des étoffes en synthétiques recyclés. Il convient à cette occasion de signaler que Refashion doit contribuer à la prise en charge des opérations de collecte séparée des déchets textiles. Cette collecte séparée devient en effet obligatoire à compter du 1er janvier 2025, en application du décret n °2021-950 du 16 juillet 2021, comme dans le reste de l?Union européenne. Elle va augmenter la masse de déchets collectés mais leur traitement en sera facilité et de meilleure qualité. Quelques chiffres sur le tri et le réemploi 67 centres de tri conventionnés donc 15 en Europe hors de France 260 000 tonnes ont été récoltées dont 188 000 ont été triées (soit 23% de la mise sur le marché) 59% des volumes collectés et triés est considéré comme apte à la réutilisation. On estime le volume des TLC réemployés à 10 000 à 30 000 tonnes par an, essentiellement vers les boutiques des entreprises relevant de l?économie sociale et solidaire. PUBLIÉ Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 58/72 [MTECT/DGPR] Modifier le cahier des charges de l?éco-organisme de la filière TLC pour lui fixer des objectifs de collecte, de tri, de réemploi et de réparation des textiles synthétiques, plus ambitieux que pour les autres textiles 3.5.2 Les problèmes de pollution créés par l?exportation des déchets textiles européens et français Selon Refashion, 95% des TLC collectés et triés sont exportés essentiellement en Afrique (35%), en Europe (31%) et en Asie (24%), les trois principaux pays destinataires étant le Pakistan (33 000 tonnes), la Tunisie (près de 31 000 tonnes) et la Belgique (28 000 tonnes). Rares sont les textiles qui sont réutilisés dans ces pays en raison de leur mauvais état ou parce qu?ils ne correspondent pas aux besoins locaux. La plupart est donc éliminée alors que les pays importateurs de déchets n?ont bien souvent pas les capacités de les traiter correctement. Ces exportations sont ainsi vraisemblablement génératrices d?une très forte pollution notamment en terme de micro-plastiques. De nombreuses voix se sont élevées contre ces pratiques qui demeurent néanmoins à l?échelle européenne. Le cahier des charges de Refashion n?est pas à la hauteur du problème puisqu?il prévoit seulement qu?en 2024, 8% des TLC usagés devront être réemployés ou réutilisés à moins de 1 500 km du lieu de collecte, cet objectif passant à 15% en 2027. Pour la mission, il n?est pas admissible que notre pays exporte ainsi ses déchets textiles sans s?assurer que les installations qui les accueillent seront en mesure de les traiter correctement, en particulier en ce qui concerne les micro-plastiques. Elle a constaté que cette position était conforme à celle préconisée tant par le Parlement européen que par la Commission (voir 2.1.4). [MEFSIN/DGT ? MEAE] Dans le cadre de la négociation européenne sur la révision du règlement sur l?exportation des déchets, promouvoir la position tendant à interdire l?exportation de déchets textiles dans les pays tiers qui ne sont pas en capacité de gérer ces déchets PUBLIÉ Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 59/72 Conclusion L?émission de microparticules de plastiques par le textile est avérée, a contaminé tous les milieux, et ne va faire que s?accroitre au regard de l?augmentation de la part des étoffes synthétiques dans la production textile mondiale. Il y a donc urgence à agir pour réduire cette pollution à l?échelle de l?ensemble du cycle de vie des produits, les émissions se déroulant à chaque étape. La concentration des efforts actuellement menés sur la phase lavage des produits textiles ne permet pas de répondre à l?ensemble de la problématique et a des coûts disproportionnés par rapport à d?autres actions qui peuvent être mises en oeuvre en amont et sont plus en phase avec les principes pollueur-payeur et de respect du cycle de vie du produit. La mission recommande donc d?axer prioritairement les efforts sur l?écoconception des étoffes et des produits textiles en s?appuyant sur les nouveaux outils de normalisation récemment adoptés ou en cours d?adoption. Dans ce secteur, il semble également indispensable que toute décision soit prise à l?échelle européenne. Il convient enfin d?ancrer l?action de lutte contre les micro- plastiques textiles dans le contexte et le cadre de la lutte contre la surconsommation de textiles à bas coûts qui est au coeur de cette problématique. Virginie DUMOULIN Sabine SAINT GERMAIN Inspectrice générale de l'administration du développement durable Inspectrice générale de l'administration du développement durable PUBLIÉ Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 60/72 Annexes PUBLIÉ Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 61/72 Annexe 1. Lettre de mission PUBLIÉ Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 62/72 PUBLIÉ Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 63/72 Annexe 2. Liste des personnes rencontrées Organisme Date Nom Fonction Cabinet de la SE à l?écologie 12/04/23 Léonard BRUDIEU Conseiller DEB 19/04/23 Marie-Laure Metayer Adjointe au DEB id Isabelle Kamil Sous-directrice, de la protection et de la gestion de l?eau, des ressources minérales et des écosystèmes aquatiques, EARM id Véronique NICOLAS Cheffe du bureau EARM 4 id Vincent SZLEPER Adjoint à la sous-directrice de la protection et de la restauration des écosystèmes littoraux et marins. DGPR/SRSEDPD/SD id Sami DRISSI-AMRAOUI Chargée de mission REACH santé environnement, produits chimiques, agriculture/ bureau des produits chimiques MEFSIN/DGE/Service de l?industrie/sous-direction des industries de santé, des biens de consommation et de l?agroalimentaire 21/04/23 Astrid EVEN Chef de projet Mode, Luxe et biens de consommation France LACOEUILHE Chargée du textile au sein de l?équipe de Mme EVEN Comité France Océan 2/05/2023 Gauthier CARLE Coordonnateur des ONG du Comité France Océan Laboratoire GEMTEX/ENSAIT 2/05/2023 Xyanzi ZENG Directeur Fabien SALAUN Responsable « matériau avancé » Xavier LEGRAND Responsable « matériau composite » PUBLIÉ Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 64/72 MTECT/CGDD/SEVS 5/05/2023 Audrey COREAU Cheffe du service de l?économie verte et solidaire Pascal DAGRAS Chef de projet affichage environnemental Alliance du commerce 5/05/2023 Yohann PETIOT Directeur Pascale Barthomeuf- Lassire Directrice des affaires économiques et juridiques Pierre Alexandre Naud Responsable des affaires économiques et juridiques ADEME 9/05/2023 Jean Charles CAUDRON Responsable de la direction de la supervision des REP Manon LEGER Chargée de mission au sein de cette direction GIFAM (Groupement des marques d?appareils pour la maison) 10/05/2023 Camille BEURDELEY Alexandrine FADIN SOS MAL DE SEINE 12/05/23 Laurent Colasse Président CETI, centre européen des textiles européens 16/05/23 Pascal DENIZART Directeur Expedition MED 16/05/23 Bruno DUMONTET Fondateur et directeur ETAM 16/05/23 Kache HONG ZWART Directrice RSE Les Amis de la Terre 23/05/23 Pierre Condamine Chargé de campagne surproduction ADEME/Service de Coordination, d?Evaluation et de 24/05/23 Isabelle DEPORTES Ingénieure impacts sanitaires et écotoxicologiques de l?économie circulaire PUBLIÉ Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 65/72 Valorisation (SCEV) Coordination R&D DECi INERIS / Direction stratégie, politique scientifique et communication 24/05/23 Pierre BOUCARD Responsable études et recherches de l?unité économie et décision pour l?environnement ECOBALYSE/ADEME 24/05/23 Alban FOURNIER Responsable DECATHLON 26/05/23 Julie Arnould Responsable de l?équipe de recherche Marie Stephan Antoine Cosne Doctorant Institut Français du textile et de l?habillement 26/05/23 Clarisse REILLE Directrice Eva Debruyne Référente développement durable Carole Garbowski Chargé du suivi réglementaire notamment de l?affichage environnemental Bureau de la normalisation de l?industrie textile et de l?habillement BNITH 2/06/23 Laurent Houillon Directeur Chercheuse publique 2/06/23 Nathalie Gontard Directrice de recherche à l?INRA et professeure à l?Université de Montpellier Refashion 6/06/23 Hélène Daret Directrice du pôle relation avec les adhérents et responsable du développement de l?éco conception Bureau de la normalisation des plastiques et de la plasturgie 20/06/23 Yan Archambeau Directeur PUBLIÉ Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 66/72 Commission de l?UE/ Direction générale de l?environnement 23/06/23 Flora Wallace Unité B1 PUBLIÉ Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 67/72 Annexe 3. Glossaire des sigles et acronymes Acronyme Signification en français ADEME Agence de la transition écologique AFNOR Association française de normalisation AGEC (Loi) Anti-gaspillage et pour une économie circulaire ANSES Agence nationale de sécurité sanitaire de l?alimentation, de l?environnement et du travail APPLIA Homa Appliance for Europe BPA Bisphénol A BPS Bisphénol S BRM Bioréacteur à membrane CGDD Commissariat Général au Développement Durable CETI Centre européen des textiles innovants COVID Maladie à Coronavirus CTI Centre Technique Industriel (du textile et de l'habillement) DCE Directive cadre sur l?eau DCSMM Directive cadre Stratégie et milieux marins DEHP Phtalate de bois DGE Direction générale des entreprises DGEC Direction Générale de l?Energie et du Climat DGPR Direction Générale de la Prévention des Risques DGT Direction Générale du Trésor ECHA Agence européenne des produits chimiques EH Equivalent habitant EN Standard européen en matière de normalisation ERU Eaux résiduaires urbaines ETC Commission européenne du voyage FRIVEP Projet de structuration d'une filière de réemploi / recyclage industrielle des vêtements professionnels GEMTEX Laboratoire de recherche textile IFTH Institut français du textile et de l'habillement IGEDD Inspection Générale de l?Environnement et du Développement Durable INERIS Institut national de l'environnement industriel et des risques ISO Organisation internationale de normalisation HBCDD Hexabromocyclododécane (composé aliphatique bromé) HDPE Polyéthylène de haute densité LDPE Polyéthylène à basse densité PUBLIÉ Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 68/72 Acronyme Signification en français MEAE Ministère de l?Europe et des Affaires Etrangères MEFSIN Ministère de l?Economie, des Finances et de la Souveraineté Industrielle et Numérique MTECT Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires Mt Million de tonnes NMMO N-Methylmorpholine N-oxide OCDE Organisation de Coopération et de développement économique OEFSR Performance environnementale des organisations OFB Office Français de la Biodiversité ONG Organisation non gouvernementale OPESCT Office parlementaire d?évaluation des choix scientifiques et technologiques PA Polyamide PAN Polyacrilonitrile PBAT Polybutylène adipate-co-téréphtalate PBS Polybutylène succinate PCB Polychlorobiphényles PCL Polyaprolactone PE Parlement européen PET Polyéthylène Téréphtalate PEF Polyéthylène furanoate PFAS Composés perfluorés PEFCR Performance environnementale des produits (projet européen) PFOA Acide perfluorooctanoic PHA Polyhydroxyalcanoate PLA Acide polylactique PM2,5 Particules fines de diamètre 2,5 microns PM10 Particules fines de diamètre 10 microns POP Polluants organiques persistants PP Polypropylène PPDDT Dichlorodiphényltrichloroéthane PPD-T Para phénylène-téréphtalamide PS Polystyrène expansé PU Polyuréthane PVC Chlorure de polyvinyle PVOH Alcool polyvinylique REACH Règlement européen portant sur l?enregistrement, l?évaluation et l?autorisation des substances chimiques dans l?Union européenne PUBLIÉ Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 69/72 Acronyme Signification en français Refashion Eco-organisme de la Filière Textile d'habillement, Linge de maison et Chaussure REP Responsabilité élargie du producteur RISE Institut de recherche de Suède STEU Stations de traitement des eaux usées SVHC Substance extrêmement préoccupantes TARIC Tarif douanier européen TFUE Traité sur le fonctionnement de l?Union européenne TLC Produits textiles, linges de maison et chaussures TMC Consortium Microfibres UE Union européenne UICN Union internationale de la Conservation de la nature UIE Union Nationale des Industries et Entreprises de l'Eau UIT Union des industries textiles PUBLIÉ Rapport n° 014908-01 septembre 2023 La pollution par les micro-plastiques d?origine textile Page 70/72 Annexe 4. Quelques chiffres sur la pollution plastique en général Sources : ? Stratégie européenne sur les plastiques (2018) ? The Minderoo-Monaco Commission on Plastics and Human Health https://storage.googleapis.com/jnl-up-j-agh- files/journals/1/articles/4056/submission/proof/4056-1-17364-2-10-20230321.pdf ? Global Plastic Outlook ? OCDE https://www.oecd-ilibrary.org/sites/de747aef- en/1/3/2/index.html?itemId=/content/publication/de747aef- en&_csp_=e9020c542dd024467e760066b0abe328&itemIGO=oecd&itemContentType=book# section-d1e2597 8 300 Mt de plastiques fabriqués depuis 1945, dont plus de 50% depuis 2002, et seulement 30% encore utilisés 460 Mt de plastiques produits en 2019 et 1231 Mt en 2060 selon les prévisions de l?OCDE 49 Mt de matières plastiques consommées dans l?Union européenne (2018) 25,8 Mt de déchets produits chaque année dans l?Union européenne, dont seulement 30% sont récupérés pour être recyclés Répartition de la consommation mondiale : 20% Chine, 18% USA, 18% Europe OCDE, 9% reste OCDE Production : 52% en Asie dont 32% en Chine, 19% Amérique du nord, 17% Europe. Entreprises productrices : Sinopec, Exxon mobil, PetroChina, Sibur Répartition de la production par type de plastiques : 16% PP (polypropylène ? PET), 13% fibres, 12% HDPE, 12% LDPE Plastiques recyclés : 9% dans le monde soit 29,1 Mt en 2019 du plastique produit et 14% dans l?UE Plastiques à usage unique : 35% des plastiques produits soit 133 Mt en 2019 PUBLIÉ https://storage.googleapis.com/jnl-up-j-agh-files/journals/1/articles/4056/submission/proof/4056-1-17364-2-10-20230321.pdf https://storage.googleapis.com/jnl-up-j-agh-files/journals/1/articles/4056/submission/proof/4056-1-17364-2-10-20230321.pdf https://www.oecd-ilibrary.org/sites/de747aef-en/1/3/2/index.html?itemId=/content/publication/de747aef-en&_csp_=e9020c542dd024467e760066b0abe328&itemIGO=oecd&itemContentType=book%23section-d1e2597 https://www.oecd-ilibrary.org/sites/de747aef-en/1/3/2/index.html?itemId=/content/publication/de747aef-en&_csp_=e9020c542dd024467e760066b0abe328&itemIGO=oecd&itemContentType=book%23section-d1e2597 https://www.oecd-ilibrary.org/sites/de747aef-en/1/3/2/index.html?itemId=/content/publication/de747aef-en&_csp_=e9020c542dd024467e760066b0abe328&itemIGO=oecd&itemContentType=book%23section-d1e2597 https://www.oecd-ilibrary.org/sites/de747aef-en/1/3/2/index.html?itemId=/content/publication/de747aef-en&_csp_=e9020c542dd024467e760066b0abe328&itemIGO=oecd&itemContentType=book%23section-d1e2597 PUBLIÉ Site internet de l?IGEDD : « Les rapports de l?inspection » PUBLIÉ https://www.igedd.developpement-durable.gouv.fr/spip.php?page=liste-actualites&lang=fr&id_mot=1187&debut_rub_actus=0 https://www.igedd.developpement-durable.gouv.fr/spip.php?page=liste-actualites&lang=fr&id_mot=1187&debut_rub_actus=0 Sommaire Résumé Liste des recommandations Introduction 1 La pollution par les micro-plastiques textiles est avérée mais les analyses scientifiques et techniques restent incomplètes, ce qui freine la prise de décision 1.1 Une définition des micro-plastiques encore sujette à discussion 1.1.1 Une question de composition 1.1.2 Une question de taille et de forme 1.1.3 Une question de source 1.2 La pollution par les micro-plastiques est constatée dans l?ensemble des écosystèmes 1.2.1 La pollution aux micro-plastiques de tous les écosystèmes est avérée 1.2.2 La part respective de chaque source dans la pollution par micro-plastique reste incertaine 1.2.3 La pollution par les micro-plastiques est durable 1.3 Des incertitudes qui ralentissent la prise de décision alors que la production de textile synthétique s?accroît 1.3.1 Une quantification de la pollution par les micro-plastiques textiles incomplète 1.3.2 Des incertitudes sur les risques pour les écosystèmes et la santé humaine 1.3.3 Une croissance incontrôlée de la production de textiles synthétiques 1.3.3.1 La fabrication des étoffes est majoritairement délocalisée 1.3.3.1 Les fibres synthétiques envahissent de plus en plus les étoffes et stimulent la baisse des prix et la surconsommation 2 La réponse actuelle à la pollution par les micro-plastiques issus du textile demeure très incomplète 2.1 Les émissions de micro-plastiques textiles sont peu prises en compte dans la règlementation européenne 2.1.1 Une règlementation de l?économie circulaire qui s?oriente enfin vers la réduction de la pollution micro-plastique 2.1.1.1 Un paquet économie circulaire focalisé sur la recyclabilité du plastique 2.1.1.2 L?écoconception pour répondre aux enjeux climatiques plus qu?à la pollution 2.1.1.3 Une définition de la biodégradabilité qui tient imparfaitement compte de la capacité du plastique à se diviser en microparticules 2.1.2 Une règlementation des produits chimiques qui n?intègre pas les micro-plastiques 2.1.3 Une règlementation sur la pollution de l?eau et de l?air qui n?intégrait pas les micro-plastiques 2.1.4 Une règlementation sur l?exportation des déchets ne permettant pas leur contrôle 2.2 Les mesures adoptées en France sont insuffisantes 2.2.1 Une règlementation française centrée sur la REP et le recyclage qui ne règle pas la pollution par les micro-plastiques textiles 2.2.1.1 Le principe de la responsabilité élargie des producteurs et son application au secteur du textile 2.2.1.2 Une politique de recyclage qui ne répond pas à la pollution par les micro-plastiques 2.2.2 La loi AGEC tente d?apporter une solution avec l?équipement obligatoire de filtres à micro-plastiques dans les lave-linges 2.2.3 La captation des micro-plastiques textiles dans les boues des stations d?épuration 2.2.4 Les mesures qui prolongent la durée de vie des textiles ralentissent la pollution 2.2.4.1 L?interdiction de l?élimination des invendus, une mesure forte 2.2.4.2 Le cahier des charges de Refashion lui impose de promouvoir la réparation, le réemploi et la réutilisation 2.2.5 La lente émergence d?une information des consommateurs et de l?écoconception 2.2.5.1 De l?encadrement des allégations environnementales vers l?étiquetage obligatoire 2.2.5.2 L?affichage environnemental devrait « valoriser » le risque de pollution par les microparticules de plastique 2.3 Le secteur économique cherche peu à réduire la pollution à la source 2.3.1 Un secteur en transition, peu mobilisé sur la question des micro-plastiques 2.3.1.1 Les transformations du secteur 2.3.1.2 Quelques initiatives vers des textiles naturels ou moins émetteurs de micro-plastiques 2.3.2 Aucun label environnemental ne semble afficher de critères sur les émissions de micro-plastiques 2.4 De nouveaux outils qui devraient permettre de dépasser ces freins 2.4.1 Les recherches scientifiques en cours 2.4.2 De nouvelles normes devraient faciliter l?avancée des recherches sur les émissions de micro-plastiques 2.4.2.1 Des définitions communes des particules fines de plastiques 2.4.2.2 Une harmonisation des méthodes pour mesurer et analyser les pertes de matières lors des lavages des textiles 2.4.3 Les évolutions règlementaires à venir à l?échelle européenne 3 Afin de mieux répondre à cette pollution, il est nécessaire de prendre en compte le cycle de vie du produit textile 3.1 Approfondir les efforts de recherche 3.2 Répondre aux émissions lors de la création des étoffes et des produits 3.3 Faire du consommateur un acteur éclairé de la réduction de la pollution par les micro-plastiques 3.4 Répondre aux émissions lors de l?usage du produit 3.4.1 Les émissions lors des lavages des produits 3.4.2 Les émissions lors du port des produits 3.5 Répondre aux émissions lorsque le textile devient déchet 3.5.1 La collecte, le tri et les usages nouveaux (réemploi, réutilisation) 3.5.2 Les problèmes de pollution créés par l?exportation des déchets textiles européens et français Conclusion Annexes Annexe 1. Lettre de mission Annexe 2. Liste des personnes rencontrées Annexe 3. Glossaire des sigles et acronymes Annexe 4. Quelques chiffres sur la pollution plastique en général INVALIDE)

puce  Accés à la notice sur le site du portail documentaire du Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires

  Liste complète des notices publiques