Retour d'expérience des inondations des 14 et 15 juillet 2021
TORTEROTOT, Jean-Philippe ;DIEDERICHS, Olivier ;CATOIRE, Serge ;LOUVIAU, Philippe
Auteur moral
France. Inspection générale de l'environnement et du développement durable (IGEDD)
;France. Conseil général de l'économie, de l'industrie, de l'énergie et des technologies
;France. Inspection générale de l'administration
Auteur secondaire
Résumé
<div style="text-align: justify;">La mission interministérielle sur le retour d'expérience consécutif aux inondations exceptionnelles des 14 et 15 juillet 2021 était liée au passage de la dépression « Bernd » sur l'est de la France, l'ouest de l'Allemagne, la Belgique et le Luxembourg, faisant ressortir l'absence des références techniques alors prises en compte aux échelles opérationnelles. Les réactions à moyen terme ont différé selon les territoires : enquêtes judiciaires et parlementaires en Allemagne et en Belgique, échanges « techniques » ouverts et démarche nationale d'orientation de l'action publique aux Pays-Bas. En France, les inondations sont restées plus proches d'événements connus et pris en compte dans les politiques publiques. La mission recommande toute d'abord d'intégrer de tels événements dans les outils et les procédures de planification, de surveillance, de prévision et d'alerte existantes : particularités estivales des écoulements, continuité de service, planification de travaux, vulnérabilités sociales et économiques en toutes saisons. Par ailleurs, les phénomènes météorologiques et hydrologiques de juillet 2021 se sont distingués par de fortes incertitudes : dynamique et variabilité au fil du temps, mécanismes hydromorphologiques aléatoires (érosion, transports de débris et de sédiments...). Pour y faire face, la mission préconise une généralisation de la mise en place de cellules d'anticipation dédiées aux événements hydrométéorologiques intenses et incertains autour du préfet ; la prise en compte dans les plans communaux et intercommunaux de sauvegarde (PCS) de différents scenarii d'événements d'inondations permettant d'anticiper et différencier les alertes et les consignes, notamment en fonction des populations cibles (avec une attention particulière portée aux personnes vulnérables). Enfin, des retours d'expérience systématiques sont préconisés, aux niveaux local et national. Ces inondations ont également mis en lumière l'obsolescence de certains repères historiques de crues ainsi que la nécessité de progresser dans la cartographie et la prise en compte des risques de ruissellement et le besoin de réexaminer les règles de gestion de barrages. Les pratiques observées dans les pays voisins ont conduit à proposer des expérimentations sur la mobilisation encadrée de volontaires pour surveiller les digues en cours de crue ou la réalisation de « stress-tests » transfrontaliers sur des grandes régions.</div>
Editeur
IGEDD
;CGE
;IGA
Descripteur Urbamet
politique publique
;inondation
;évaluation
;crue
Descripteur écoplanete
Thème
Environnement - Paysage
Texte intégral
Rapport n° 014291-01 Rapport n° 2022/03/CGE/SG Rapport n° 22019-R
Août 2023
Olivier Diederichs - IGA
Philippe Louviau - CGE
Jean-Philippe Torterotot ? IGEDD
avec la contribution de Serge Catoire - CGE
Retour d?expérience des inondations
des 14 et 15 juillet 2021
P
U
B
L
I É
Les auteurs attestent qu'aucun des éléments de leurs activités passées
ou présentes n'a affecté leur impartialité dans la rédaction de ce
rapport
Statut de communication
? Préparatoire à une décision administrative
? Non communicable
? Communicable (données confidentielles occultées)
? Communicable
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SOMMAIRE
Résumé ........................................................................................................................... 8
Liste des recommandations ........................................................................................ 11
Introduction .................................................................................................................. 13
1 Un événement d?ampleur européenne, touchant de façon très diverse des
territoires aux caractéristiques géographiques et institutionnelles variées ...... 15
1.1 Un événement météorologique et hydrologique inhabituel à plusieurs titres ....... 15
1.1.1 Les précipitations ....................................................................................... 15
1.1.2 Les crues et les inondations ....................................................................... 17
1.2 Des conséquences humaines dramatiques, des impacts économiques
considérables ...................................................................................................... 19
1.3 Des cadres institutionnels et organisationnels divers dans les territoires impactés
............................................................................................................................ 21
1.4 Les particularités fortes de l?événement et les difficultés majeures rencontrées . 23
2 Retours d?expérience et enseignements concernant la chaîne surveillance-
prévision-vigilance-alerte ....................................................................................... 25
2.1 Surveillance hydrologique des cours d?eau ......................................................... 26
2.2 Prévisions des précipitations, des crues et des inondations ................................ 27
2.3 Vigilance et pré-alerte ......................................................................................... 29
2.4 Alerte .................................................................................................................. 32
2.5 Aider à faire la part de l?incertitude et de la variabilité face aux événements futurs
............................................................................................................................ 34
3 Retours d?expérience et enseignements concernant l?organisation des
secours et la gestion de crise ................................................................................. 36
3.1 Faire en sorte que les acteurs de la gestion de crise se connaissent avant la
crise .................................................................................................................... 36
3.2 Renforcer les liens entre les préfets et les grands opérateurs de réseaux .......... 37
3.3 Développer et utiliser pleinement les outils de planification locale de la gestion
de crise ............................................................................................................... 37
3.3.1 Organiser une capacité de réponse adaptative et une continuité estivale
au niveau local ........................................................................................... 37
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3.3.2 Intégrer dans les Plans Communaux ou Intercommunaux de Sauvegarde
(PCS ou PICS) des scenarii hydrométéorologiques diversifiés. ................. 38
3.3.3 Adresser les bons messages à la population afin de s?adapter au
déroulement de l?événement au niveau local.............................................. 40
3.3.4 Mettre en place des « points-phares » regroupant des ressources pour les
sinistrés ...................................................................................................... 41
3.3.5 Organiser et coordonner une réponse aux fausses rumeurs pendant ou
après un événement climatique extrême .................................................... 42
3.3.6 Anticiper et organiser l?afflux de volontaires ............................................... 42
4 Retours d?expérience et enseignements concernant la prévention des risques
d?inondation et la préparation aux futurs événements ......................................... 43
4.1 Connaître et prendre en compte les aléas de façon adaptée .............................. 43
4.1.1 Améliorer les références hydrologiques en prenant en compte les
événements anciens .................................................................................. 44
4.1.2 Mettre à jour les références hydrauliques des crues anciennes en fonction
de l?évolution des vallées et des bassins versants ..................................... 45
4.1.3 Accélérer la prise en compte des risques de ruissellements ...................... 46
4.2 Prévenir les sur-risques ...................................................................................... 47
4.2.1 Renforcer et fiabiliser les réseaux de communication ................................ 47
4.2.2 Amplifier la lutte contre les sources d?embâcles ......................................... 48
4.2.3 Gérer les digues de façon résiliente ........................................................... 48
4.2.4 Réexaminer les consignes de gestion des barrages en fonction de
l?évolution saisonnière des enjeux et informer sur le sujet .......................... 49
4.2.5 Programmer des travaux estivaux sur les ouvrages hydrauliques et les
cours d?eau en intégrant le risque d?inondations ......................................... 50
4.2.6 Programmer les opérations estivales de maintenance des dispositifs de
gestion de l?eau .......................................................................................... 50
4.3 Compléter la planification de la gestion de crise ................................................. 51
4.3.1 Organiser une coordination au sein de bassins de vie et de risques
transfrontaliers ........................................................................................... 51
4.3.2 Réaliser des « stress tests territoriaux » intégrant les impacts du
changement climatique .............................................................................. 51
4.3.3 Améliorer les relations avec les médias pour assurer que tous les
messages de consignes soient relayés ...................................................... 52
4.3.4 Anticiper les modalités de gestion des déchets .......................................... 52
4.3.5 Prendre en compte les vulnérabilités spécifiques des personnes
handicapées en termes de protection et de secours .................................. 52
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4.4 Préparer et sensibiliser aux risques d?inondation ................................................ 53
5 Retours d?expérience et enseignements concernant l?après-crise : retour à la
normale, réparation, indemnisations, et apprentissage ....................................... 55
5.1 Coordonner les acteurs de l?après-crise .............................................................. 55
5.2 Renforcer temporairement les services publics locaux........................................ 56
5.3 Adapter temporairement les procédures ............................................................. 56
5.4 Traiter et suivre les impacts individuels et collectifs sur la santé ......................... 57
5.5 Apprendre de la catastrophe et infléchir l?avenir .................................................. 58
Conclusion ................................................................................................................... 61
Annexes ........................................................................................................................ 62
Annexe 1. : lettre de mission....................................................................................... 63
Annexe 2. : liste des personnes rencontrées ............................................................ 65
Annexe 2.1. France ................................................................................................... 65
Annexe 2.2. Allemagne .............................................................................................. 67
Annexe 2.3. Belgique ................................................................................................. 67
Annexe 2.4. Pays-Bas ............................................................................................... 67
Annexe 2.5. Organisations multilatérales de niveau européen .................................. 68
Annexe 3. : les grandes caractéristiques de l?événement d?inondations de mi-
juillet 2021 en Allemagne ........................................................................................ 69
Annexe 3.1. Rappel des événements et de leur bilan humain ................................... 69
Annexe 3.2. L?ampleur des dégâts ............................................................................ 71
Annexe 3.3. La phase de reconstruction à l?aune de l?exemple de la Rhénanie-
Palatinat .............................................................................................................. 73
Annexe 3.4. Les enseignements tirés de la catastrophe, un sujet qui reste sensible
et compliqué ........................................................................................................ 76
Annexe 3.5. La question de l?introduction d?une assurance obligatoire contre les
catastrophes naturelles ....................................................................................... 79
Annexe 3.6. Liste de documents consultés ................................................................ 80
Annexe 4. : les grandes caractéristiques de l?événement d?inondations de mi-
juillet 2021 en Belgique ........................................................................................... 83
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Annexe 4.1. Caractéristiques météorologiques et hydrologiques de l?événement ..... 85
Annexe 4.1.1 Météorologie ........................................................................................ 85
Annexe 4.2. Hydrologie ............................................................................................. 86
Annexe 4.3. Impacts .................................................................................................. 88
Annexe 4.4. Organisation de l?action publique, répartition des compétences et
responsabilités .................................................................................................... 90
Annexe 4.5. Questions et problématiques mises en évidence par l?événement ......... 90
Annexe 4.6. Suites données, apprentissages, réflexions et actions engagées .......... 92
Annexe 4.7. Liste des documents consultés spécifiques à l?événement .................... 97
Annexe 5. : les grandes caractéristiques de l?événement d?inondations de mi-
juillet 2021 en France .............................................................................................. 98
Annexe 5.1. Caractéristiques météorologiques et hydrologiques de l?événement ..... 98
Annexe 5.1.1 Météorologie ........................................................................................ 98
Annexe 5.1.2 Hydrologie ........................................................................................... 99
Annexe 5.2. Impacts ................................................................................................ 101
Annexe 5.3. Organisation de l?action publique, répartition des compétences et
responsabilités .................................................................................................. 103
Annexe 5.4. Questions et problématiques mises en évidence par l?événement ....... 114
Annexe 5.5. Suites données, apprentissages, réflexions et actions engagées ........ 116
Annexe 5.6. Liste des documents consultés spécifiques à l?événement .................. 117
Annexe 6. : les grandes caractéristiques de l?événement d?inondations de mi-
juillet 2021 aux Pays-Bas ...................................................................................... 119
Annexe 6.1. Caractéristiques météorologiques, hydrologiques et hydrauliques de
l?événement ....................................................................................................... 119
Annexe 6.1.1 Météorologie ...................................................................................... 119
Annexe 6.1.2 Hydrologie et phénomènes hydrauliques ........................................... 119
Annexe 6.1.3 Digues et protections contre les inondations...................................... 121
Annexe 6.2. Impacts ................................................................................................ 122
Annexe 6.3. Organisation de l?action publique, répartition des compétences et
responsabilités .................................................................................................. 124
Annexe 6.4. Questions et problématiques mises en évidence par l?événement ....... 125
Annexe 6.5. Suites données, apprentissages, réflexions et actions engagées ........ 127
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Annexe 6.6. Liste des documents consultés ............................................................ 129
Annexe 7. : dispositifs d?indemnisation et dispositifs assurantiels contre les
catastrophes naturelles ........................................................................................ 131
Annexe 7.1. Les dégâts à indemniser ont été d?une ampleur nettement supérieure à
ce que traite habituellement le système français Catnat ................................... 131
Annexe 7.2. L?indemnisation des particuliers et des entreprises s?est, dans chaque
pays, appuyée sur des dispositifs ad hoc complétant, là où elles existaient, les
assurances ........................................................................................................ 132
Annexe 7.3. En Allemagne, une réflexion s?est engagée sur une éventuelle
assurance obligatoire contre les catastrophes naturelles, elle n?avait pas
totalement abouti lors de la rédaction du rapport .............................................. 133
Annexe 7.4. En conclusion ...................................................................................... 134
Annexe 7.4.1 Pour les entreprises comme pour les collectivités, être prêts à réagir
peut réduire considérablement l?impact ............................................................. 134
Annexe 7.4.2 Au-delà d?une certaine ampleur, aucun système assurantiel ne peut se
substituer à la solidarité nationale ..................................................................... 134
Annexe 8. : Glossaire des sigles et acronymes ....................................................... 135
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Résumé
Par lettre du 3 février 2022, la ministre de la Transition écologique, le ministre de l?Économie, des
finances et de la relance et le ministre de l?Intérieur ont chargé le Conseil général de
l?environnement et du développement durable, le Conseil général de l?économie et l?Inspection
générale de l?administration d?une mission sur le retour d?expérience des inondations des 14 et 15
juillet 2021. L?est de la France, l?ouest de l?Allemagne, la Belgique et le Luxembourg ont notamment
fait face à un phénomène météorologique lié à la dépression « Bernd », qui a entraîné des
inondations exceptionnelles, un grand nombre de victimes, et d?importants dégâts.
Il a été demandé à la mission d?effectuer un retour d?expérience approfondi sur les territoires
touchés, d?analyser différents volets de la politique de gestion des risques d?inondation sur ces
territoires, au regard de ce qui est fait en France, et d?identifier d?éventuelles recommandations de
portée nationale, afin que les enseignements tirés de cette crise puissent servir sur tous les
territoires exposés à des épisodes de ce type.
L?Europe de l?ouest a connu sur un petit nombre de jours des inondations présentant un très fort
retentissement au sein des populations et des opinions, et des caractéristiques marquantes à
plusieurs titres :
? l?importance du nombre des victimes et du montant des dommages, très inégalement
répartis sur les territoires impactés ; à ce jour, on dénombre 186 décès directs dus à
l?inondation en Allemagne1, et 39 en Belgique2, très concentrés sur un très petit nombre de
vallées ; le coût total des dommages est estimé entre 40 et 50 milliards d?euros3, dont une
trentaine en Allemagne ; en Allemagne comme en Belgique, le montant total de dommages
estimé est de l?ordre de grandeur de 1% du produit intérieur brut ;
? les intensités de pluie observées, liées à un phénomène de goutte froide4, en considération
de la localisation et de l?étendue spatiale des cumuls de précipitations, et de la saison
estivale ; des phénomènes d?inondations inédits sur certains territoires par leur nature ou
leur intensité ;
? les caractéristiques de l?événement propres à la saison estivale ; les responsables et les
services en charge de la gestion des inondations et de la gestion de crise, outre l?intensité
et l?importance des impacts, ont été confrontés à des difficultés particulières liées à des
phénomènes hydrauliques spécifiques à la saison estivale et absents des références
techniques prises en compte, à la dynamique des phénomènes, aux fortes incertitudes sur
les prévisions aux échelles opérationnelles, et/ou au calendrier (organisation annuelle des
tâches, vulnérabilités saisonnières des territoires?).
Au vu des premières investigations, des informations accessibles et des recherches de contacts,
la mission a concentré ses travaux sur l?Allemagne, la Belgique, les Pays-Bas et la France.
Le périmètre géographique retenu regroupe, sur des territoires proches, des situations très
contrastées. Parallèlement à l?immédiat après-crise, aux différentes actions de retour à la normale
1 Dont 183 dans les Länder de Rhénanie-Palatinat et Rhénanie du Nord Wesphalie, et dont 133 dans le seul district
d?Ahrweiler, dans la vallée de l?Ahr.
2 En particulier la province de Liège et la vallée de la Vesdre.
3 Projet de rapport sur la mobilisation du Fonds de solidarité de l'Union européenne pour venir en aide à l'Allemagne,
à la Belgique, aux Pays-Bas, à l'Autriche, au Luxembourg, à l'Espagne et à la Grèce à la suite des catastrophes
naturelles qui se sont produites dans ces pays au cours de l'année 2021, Commission des budgets 2022/0337(BUD)
20/10/2022.
4 Phénomène météo consistant en une dépression qui se déplace très lentement et qui est accompagnée de
précipitations intenses là où elle reste stationnaire.
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et procédures d?indemnisation, les suites de la catastrophe à moyen terme ont pris des tonalités
différentes : enquêtes judiciaires et parlementaires toujours en cours en Allemagne (au niveau de
deux Länder) et en Belgique (Wallonie, où une expertise indépendante a par ailleurs été
rapidement rendue publique ; commission d?enquête parlementaire en Wallonie dont le rapport a
été adopté le 31 mars 2022 ; commission d?experts sur la sécurité civile), échanges « techniques »
ouverts et démarche nationale d?orientation de l?action publique aux Pays-Bas en matière
d?inondations. Au moment de rédiger ce rapport, les procédures d?indemnisation et de recensement
des dommages ne sont pas toutes abouties, les enquêtes parlementaires en Allemagne sont loin
d?être closes. En France, malgré l?étendue géographique de la zone impactée en juillet 2021 et les
différents facteurs « inédits » ou « inhabituels » de ces événements, les inondations sont restées
plus proches des événements connus et pris en compte dans les politiques publiques.
Face à l?hétérogénéité des calendriers nationaux des investigations et réflexions faisant suite à la
catastrophe de mi-juillet 2021, la mission a priorisé l?identification d?enseignements et de
recommandations présentant un intérêt en regard de territoires français qui seraient exposés à des
phénomènes comparables. A différents échelons territoriaux et organisationnels, il s?agit, d?une part,
de se mettre systématiquement en capacité de comprendre ce qui s?est passé pendant un
événement marquant ou nouveau et d?en tirer les conséquences, d?autre part, d?anticiper des
phénomènes inédits, par exemple pour réaliser des exercices de crise impliquant acteurs et
population.
Des inondations estivales régionales comme celles de juillet 2021 sont et resteront plus rares que
leurs homologues « hivernales », quand bien même le changement climatique augmentera
l?intensité et la probabilité du type d?événement qui a été observé. Pour autant, la mission
recommande d?intégrer de tels événements dans les outils et les procédures de planification, de
surveillance, de prévision et d?alerte : prise en compte des particularités estivales des écoulements,
organisation adaptée d?une continuité de service, modalités de planification de travaux de
maintenance et de renouvellement d?infrastructures ou d?outils techniques, prise en compte des
vulnérabilités sociales et économiques en toutes saisons.
Par ailleurs, la mission recommande d?organiser et de conduire de façon plus systématique des
retours d?expérience, au niveau local pour les inondations marquantes, d?une part, en mobilisant
des experts et scientifiques au niveau national pour les catastrophes, d?autre part.
Les phénomènes météorologiques et hydrologiques se sont distingués par de fortes incertitudes
par rapport aux phénomènes connus et pris en compte dans les territoires impactés : dynamique
et variabilité au fil du temps, facteurs aléatoires notamment en matière de mécanismes
hydromorphologiques (érosion, transports de débris et de sédiments?). Il apparaît crucial de
progresser dans la capacité et l?anticipation de prise en compte de ces incertitudes dans la chaîne
« surveillance ? prévision ? vigilance ? alerte ? gestion de crise ». La mission recommande en
particulier :
? de généraliser la mise en place de cellules d?anticipation dédiées aux événements
hydrométéorologiques intenses et incertains autour du préfet ;
? de prendre en compte dans les plans communaux et intercommunaux de sauvegarde
différents scenarii d?événements d?inondations, en intensité, en saisonnalité, en nature de
phénomènes.
Il importe que ces scenarii servent par ailleurs à anticiper et à différencier les alertes et les
consignes, notamment en fonction des populations cibles :
? d?une part, dans les plans communaux de sauvegarde (PCS) ; la confrontation des
observations aux scenarii doit notamment permettre de plus facilement piloter les moyens
engagés et ajuster les consignes à la population ;
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? d?autre part, en considérant de façon plus explicite et plus systématique la situation des
personnes vulnérables ; ces personnes se trouvent exposées à des risques plus importants
en cas d?inondations rapides, et leur mise en sécurité peut nécessiter plus de temps ; cela
appelle une plus grande anticipation des alertes et des actions ciblées plus précoces de
protection ou d?évacuation partielle pour des personnes plus vulnérables, sans
nécessairement anticiper plus une évacuation générale de la population qui renforcerait le
sentiment de « fausse alerte » quand l?événement qu?on redoute ne se produit pas
localement.
Les inondations de 2021 ont également mis en lumière des questions non spécifiques, aujourd?hui
pas ou insuffisamment traitées, comme l?évolution des territoires qui rend des repères historiques
de crues « obsolètes » vis-à-vis des conditions d?inondation actuelles (artificialisation des sols dans
le lit majeur des rivières), la nécessité de progresser dans la cartographie et la prise en compte
des risques de ruissellement, ou le besoin de réexaminer les règles de gestion de barrages.
Les sources d?inspiration trouvées auprès des pays voisins ont par ailleurs conduit à proposer des
expérimentations sur des questions très différentes, comme la mobilisation encadrée de
volontaires pour surveiller les digues en cours de crue, ou la réalisation de « stress-tests »
transfrontaliers sur des grandes régions. Pourquoi n?essayerait-on pas, en mobilisant des experts
à la lumière du travail mené aux Pays-Bas, de répondre à la question : « que ce serait-il passé si
la « water bomb » de juillet 2021 avant été centrée sur notre territoire national, par exemple sur le
massif des Vosges ? ».
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Liste des recommandations
Recommandation 1. Prendre en compte la possibilité de crues estivales dans
l?organisation des services en charge de l?hydrométrie et de la prévision, pour
assurer une continuité de service adaptée des effectifs et des compétences, d?une
part, des matériels et équipements, d?autre part (SCHAPI, SPC). ............................ 25
Recommandation 2. Généraliser la mise en place de cellules d?anticipation dédiées
aux événements hydrométéorologiques intenses et incertains, réunissant autour
du préfet de département des représentants de Météo France, des SPC, de la
protection civile, des SDIS, et d?autres acteurs départementaux de la gestion de
crise en tant que de besoin (préfets de département, DGSCGC, DGPR). ................ 29
Recommandation 3. Rappeler, dans les messages nationaux d?information relatifs
aux mesures de sécurité, et dans les pré-alertes diffusées par les préfets de
départements aux maires, la nécessité de prendre en compte de façon anticipée
la situation des personnes vulnérables, nécessitant des délais de mise en sécurité
plus importants (DGSCGC, DGPR, préfets de département). ................................... 32
Recommandation 4. Réexaminer et adapter les procédures et plans d?alerte pour y
intégrer de possibles événements estivaux, avec leurs probabilités, les
expositions et vulnérabilités spécifiques à cette saison (préfets de département,
présidents d?intercommunalités, maires). ................................................................. 32
Recommandation 5. Intégrer dans les PCS et PICS différents scenarii
d?événements d?inondations, en intensité et en saisonnalité, et notamment les
risques significatifs de ruissellement, afin de permettre une gestion adaptative de
la crise, et des pré-positionnements de moyens en conséquence (maires,
présidents d?intercommunalités, préfets de département). ...................................... 39
Recommandation 6. Inciter les communes à organiser des exercices impliquant la
population, avec l?appui des services de l?État et de l?ensemble des acteurs de
crise, pour tester le caractère opérationnel de leurs plans communaux de
sauvegarde et la diffusion auprès des habitants des bons comportements à
adopter face aux risques d?inondations intenses et rapides, susceptibles
d?intervenir en quelques heures (DGSCGC, préfets de département). .................... 40
Recommandation 7. Inclure, dans les PCS, des messages à diffuser à la population
au fur et à mesure du déroulement de l?événement hydrométéorologique, en
fonction des populations cibles et en regard des scenarii d?événements (maires,
préfets de département). ............................................................................................. 41
Recommandation 8. Promouvoir le principe d?ajouter un deuxième repère de crue
historique, de nature différente, qui montre le niveau minimum qu?atteindrait
aujourd?hui l?événement historique en question (DGPR, DGSCGC, préfets de
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département). ............................................................................................................... 46
Recommandation 9. Elaborer une doctrine technique de cartographie des risques
de ruissellement, permettant d?appréhender ce risque de façon opérationnelle
pour les situations « courantes », ou à titre conservatoire pour des sites
nécessitant des investigations et modélisations complexes (DGPR). .................... 47
Recommandation 10. Expérimenter, dans le cadre de la compétence GEMAPI, et à
l?occasion de la mise en oeuvre de PAPI, la mise en place d?un dispositif de
surveillance des digues mobilisant des volontaires préparés et encadrés (DGPR,
préfets de département). ............................................................................................. 49
Recommandation 11. Dans le cadre d?une coopération multilatérale avec les pays
les plus touchés par les inondations de 2021, et suite à l?invitation de principe des
Pays-Bas, engager à titre expérimental des démarches de « stress tests
territoriaux » traitant notamment des risques d?inondation sur une grande aire
géographique (DGPR, DGSCGC). ............................................................................... 52
Recommandation 12. Conduire des actions ciblées d?évaluation de l?impact des
campagnes de sensibilisation et d?information (DGPR). .......................................... 53
Recommandation 13. Conduire un travail exploratoire interministériel sur les
possibilités et modalités d?un suivi et d?une évaluation de l?impact sanitaire et
psychologique d?inondations importantes ou très intenses (DGS à solliciter par
DGPR et DGSCGC)....................................................................................................... 58
Recommandation 14. Organiser systématiquement des retours d?expérience
locaux, après une inondation importante ou intense, avec les représentants de
l?Etat, des collectivités, et les acteurs de la crise (DGSCGC, DGPR, préfets de
département). ............................................................................................................... 59
Recommandation 15. Elaborer un protocole expérimental, sur le cas des
inondations, permettant à des équipes scientifiques organisées pour la
circonstance de réaliser des analyses multidisciplinaires à très court terme sur un
événement de catastrophe, permettant d?apporter un premier éclairage sur les
causes, circonstances et impacts (DGPR, DGSCGC, Alliance de recherche Allenvi).
....................................................................................................................................... 60
???
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Introduction
Par lettre du 3 février 2022 (annexe 1), la ministre de la Transition écologique, le ministre de
l?Économie, des finances et de la relance et le ministre de l?Intérieur ont chargé le Conseil général
de l?environnement et du développement durable, le Conseil général de l?économie et l?Inspection
générale de l?administration d?une mission sur le retour d?expérience des inondations des 14 et 15
juillet 2021. L?est de la France, l?ouest de l?Allemagne, la Belgique et le Luxembourg ont notamment
fait face à un phénomène météorologique lié à la dépression « Bernd », qui a entraîné des
inondations exceptionnelles, un grand nombre de victimes, et d?importants dégâts.
Il a été demandé à la mission d?effectuer un retour d?expérience approfondi sur les territoires
touchés, en articulation avec les travaux menés par la préfète de la région Grand-Est, d?analyser
différents volets de la politique de gestion des risques d?inondation sur ces territoires, au regard de
ce qui est fait en France, et d?identifier d?éventuelles recommandations de portée nationale, afin
que les enseignements tirés de cette crise puissent servir sur tous les territoires exposés à des
épisodes de ce type.
Au vu des premières investigations et sur proposition de la mission, le périmètre géographique
traité dans le cadre du retour d?expérience a été défini de la façon suivante : Allemagne, Belgique,
Luxembourg, Pays-Bas et France. Ce périmètre regroupe, sur des territoires proches, des
situations qui se sont révélées très contrastées. La ministre de la Transition écologique a écrit à
ses homologues (aux niveaux nationaux / fédéraux et aux niveaux des Länder ou régions fédérées
les plus concernés) pour les informer de la mission et s?assurer de l?accord des autorités étrangères
concernées pour les travaux envisagés.
La mission a pu observer le très fort retentissement de ces inondations dans les pays voisins, et la
très grande sensibilité politique et sociale de cette catastrophe et de ses suites. Parallèlement à
l?immédiat après-crise, aux différentes actions de retour à la normale et procédures d?indemnisation,
les suites de la catastrophe à moyen terme ont pris des tonalités différentes sur des territoires qui
avaient vécu des catastrophes très différentes : enquêtes judiciaires et parlementaires en
Allemagne (au niveau de deux Länder) et en Belgique (Wallonie, où une expertise indépendante a
par ailleurs été rapidement rendue publique ; commission d?enquête parlementaire en Wallonie
dont le rapport a été adopté le 31 mars 2022 ; commission d?experts sur la sécurité civile),
communication très restreinte au Luxembourg, échanges « techniques » ouverts et démarche
nationale d?orientation de l?action publique aux Pays-Bas. Au moment de rédiger ce rapport, les
procédures d?indemnisation et de recensement des dommages ne sont pas toutes abouties, les
enquêtes parlementaires dans deux Länder allemands ne sont toujours pas closes.
Les informations librement accessibles sont très variables, selon les pays, et les demandes
d?entretiens de la mission ont été accueillies différemment selon les pays (le Luxembourg a refusé
tout contact). La mission, consciente de la sensibilité très forte des souvenirs de l?événement et
des procédures parfois en cours, a concentré son travail, par la force des choses, sur l?Allemagne,
la Belgique, les Pays-Bas et la France, et s?est adaptée à la grande hétérogénéité des situations
d?accès à l?information. Elle a priorisé l?identification d?enseignements et de recommandations
présentant un intérêt en regard de territoires français qui seraient exposés à des phénomènes
comparables, au détriment d?analyses systématiques et comparatives qui s?avéraient compromises
ou très compliquées sur des territoires étrangers et dans les calendriers des suites données à la
catastrophe. Néanmoins, elle a rédigé des fiches pays détaillées annexées au présent rapport.
La mission a pu conduire des entretiens au niveau national / fédéral en Belgique et aux Pays-Bas,
au niveau institutionnel de la région ou de la province dans ces deux pays et, dans une moindre
mesure, au niveau du Land en Allemagne, ainsi qu?avec des acteurs européens de la prévision
météorologique et hydrologique. En France, outre des contacts aux échelons nationaux, la mission
a conduit des entretiens avec la préfète de la région Grand-Est, préfète de la zone de défense et
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de sécurité Est, ainsi qu?avec les préfets de l?Aisne, des Ardennes, du Jura, de Meurthe-et-Moselle
et leurs services, pour appréhender la diversité des situations rencontrées mi-juillet 2021. La
mission a également assisté à une journée de retour d?expérience associant différents acteurs
dans le Haut-Pays meurthe-et-mosellan (région de Longwy), territoire intensément touché par ces
inondations. L?annexe 2 présente la liste des personnes rencontrées, le plus souvent par
visioconférence. La mission remercie l?ensemble des interlocuteurs contactés pour leur temps et
les informations transmises, alors même que certains étaient encore très mobilisés par les suites
des inondations.
Le présent rapport commence par une présentation générale des inondations de mi-juillet 2021, il
est complété par quatre annexes par pays (annexes 3 à 6) apportant des éléments plus détaillés
mais hétérogènes, pour les raisons évoquées plus haut. Les chapitres 2 à 5 détaillent des
recommandations et propositions inspirées, d?une part, des pratiques qui se sont avérées utiles et
efficaces face à la catastrophe et à ses conséquences, d?autre part, des difficultés révélées à cette
occasion. L?annexe 7 présente des dispositifs d?indemnisation et dispositifs assurantiels contre les
catastrophes naturelles.
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1 Un événement d?ampleur européenne, touchant de façon
très diverse des territoires aux caractéristiques
géographiques et institutionnelles variées
Le présent chapitre vise à présenter les grandes caractéristiques d?un événement de catastrophe
naturelle qui s?est développé selon des intensités, sur des territoires et dans des contextes
institutionnels et organisationnels, très différents. Les annexes 3 à 6 présentent des éléments de
retours d?expériences respectifs pour l'Allemagne, la Belgique, les Pays-Bas et la France. Pour les
raisons évoquées en introduction, ces éléments sont différents d?un pays à l?autre. Ils illustrent
néanmoins un certain nombre de points marquants propres à chacun des pays. Les annexes
comprennent par ailleurs la liste des documents consultés, concernant chaque pays.
Un événement météorologique et hydrologique inhabituel à
plusieurs titres
Les précipitations
Après s?être formée sur l?Atlantique nord au sud-ouest de l?Islande, la dépression « Bernd » a
traversé le continent européen du 12 au 17 juillet 2021, du Royaume-Uni aux Balkans, puis la
Turquie5. A cette dépression était associée une goutte froide, masse d?air froid qui, dans la zone
de contact entre air chaud et air froid, s?est séparée de la masse d?air froid globale, pour suivre une
trajectoire aléatoire par rapport au mouvement général de l?atmosphère (jet stream). Cette goutte
froide s?est notamment distinguée par sa taille et par la lenteur de son déplacement. A son contact,
l?air chaud environnant, alimenté en humidité par des déplacements d?air depuis la Méditerranée
et la Baltique, est monté rapidement en altitude, a été refroidi rapidement, et a provoqué une forte
condensation de son humidité et donc de fortes pluies.
Ces phénomènes de montée rapide d?air chaud et humide s?observent fréquemment sur les reliefs
du sud des Cévennes et du sud des Alpes, conduisant aux crues dites « cévenoles » et plus
généralement « méditerranéennes ». La comparaison s?arrête là, dans la mesure où les cumuls de
précipitations enregistrés sur l?Europe du centre ouest en juillet 2021 sont, pour l?essentiel, restés
inférieurs à 200 mm en 48 heures. La zone méditerranéenne, en France, est fréquemment
confrontée à des précipitations de 100 mm en 24 heures6. Deux départements sont exposés en
moyenne une fois par an au moins à des précipitations de 200 mm en 24 heures7. La tempête Alex,
en passant sur les Alpes-Maritimes, s?est traduite par des cumuls de pluie qui ont atteint 200 à 350
mm en 24 heures, localement 400 à plus de 600 mm dans l?arrière-pays.
Pour autant, cette situation de goutte froide, avec ses dimensions et sa stabilité, sur cette partie de
l?Europe, présente une plus grande rareté que des phénomènes méditerranéens de même
intensité : elle a une durée de retour estimée à 400 ans (chaque année, il y a une chance sur 400
qu?un tel phénomène, ou un phénomène comparable plus intense encore, soit observé)8. La rareté
est liée à la combinaison entre intensité des précipitations et étendue spatiale. Les cumuls de
précipitations ont pu présenter des niveaux de rareté beaucoup plus importants sur une station de
5 https://wikideck.com/de/Hochwasser_in_West-_und_Mitteleuropa_2021
6 Tramblay, Y., Ribes, A., Somot, S., Neppela, L., Lucas-Picher, P., Vinet, F., & Sauquet, E. (2021). Impacts du
changement climatique sur les pluies intenses et les crues en Méditerranée, LHB: Hydroscience Journal, vol. 107,
5 pages.
7 https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/campagne%20cevenoles.pdf
8 Communication Météo France et rapport World Weather Attribution ?Rapid attribution of heavy rainfall events
leading to the severe flooding in Western Europe during July 2021?.
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mesure donnée, ou sur un territoire déterminé, au-delà de milliers d?années (sans oublier la très
forte incertitude qui entoure des estimations de durées de retour de phénomènes très rares).
Il est à noter que le Rhin se trouvait en crue de période de retour comprise entre 10 et 20 ans, en
Allemagne, mais cette crue était due à d?autres phénomènes pluvieux (antérieurs), et les
maximums de crue entre le Rhin et ses affluents étaient suffisamment décalés pour ne pas créer
de conjonction problématique sur le fleuve.
Le dispositif international scientifique « d?attribution », qui analyse l?impact du changement
climatique sur les phénomènes météorologiques intenses observés9 , a produit les évaluations
suivantes en considérant les intensités de pluies observées à l?échelle du phénomène global sur
24 et 48 heures :
? par rapport au climat de référence « pré-industriel » du milieu du XIXème siècle (- 1,2°), un
tel phénomène a une intensité augmentée entre 3 et 19%, et une probabilité augmentée
d?un facteur compris entre 1,2 et 9 ;
? dans un climat à +2° par rapport à la référence pré-industrielle, c?est-à-dire à +0,8° par
rapport à aujourd?hui, l?intensité serait augmentée par rapport à aujourd?hui entre 0,8 et 6%,
la probabilité serait augmentée d?un facteur compris entre 1,2 et 1,4.
Ont notamment été impactés par la situation météorologique globale de mi-juillet 2021, à des
degrés divers, l?Allemagne, l?Autriche, la Belgique, la Croatie, la France, la Hongrie, l?Italie, le
Luxembourg, les Pays-Bas, la République tchèque, la Roumanie, le Royaume-Uni, la Slovaquie,
la Suisse, la Turquie. La semaine suivante, des retours de précipitations ont eu lieu notamment sur
la Belgique et la France, jusqu?au 25 juillet.
Pour la suite, ce rapport se concentre sur l?Allemagne, les pays du Bénélux et la France, et sur
l?événement intense qui s?y est produit autour des 14 et 15 juillet. Ces territoires sont « habitués »
plutôt aux crues d?hiver, ou à des crues estivales beaucoup plus ponctuelles, liées à des
phénomènes orageux « classiques ». Cependant, plus à l?est, l?Europe centrale a pu connaître de
grandes inondations estivales, comme celles de l?Elbe en août 2002. L?Ahr, dont la vallée a eu à
déplorer 134 victimes en 2021, a connu de fortes crues estivales par le passé au XIXème et au
début du XXème siècle, dont une crue de débit comparable en été 1804 (63 victimes).
Malgré le caractère inhabituel de l?événement, il apparaît que le phénomène météorologique a été
plutôt correctement prévu, notamment pour l?Allemagne et la Belgique. Les Pays-Bas et la France
ont notamment fait état d?instabilité des prévisions, de désaccords entre modèles qui variaient
chacun et les uns par rapport aux autres sans converger au fur et à mesure que l?événement
approchait. Pour des phénomènes de précipitations aussi intenses se pose par ailleurs la question
des échelles de temps et d?espace : l?échelle régionale à laquelle on peut anticiper le risque
d?intensités très fortes dépasse les échelles opérationnelles de gestion de crise (à ces échelles
opérationnelles existent des fortes incertitudes qu?on ne peut réduire qu?à très courte échéance).
Ainsi, en France, les prévisions de précipitations les plus intenses concernaient le haut bassin de
la Meurthe, affluent de la Moselle, et en quelques heures elles ont été « décalées » sur le haut
bassin de la Chiers, affluent de la Meuse, où elles se sont effectivement manifestées. Les deux
figures qui suivent localisent les précipitations intenses à l?échelle régionale globale et sur le nord-
est de la France.
9 Rapport World Weather Attribution ?Rapid attribution of heavy rainfall events leading to the severe flooding in
Western Europe during July 2021?.
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Figure 1 : Cumuls de précipitations (mm) des 13 et 14 juillet 2021 sur le Bénélux, l?ouest de l?Allemagne et
le nord-est de la France (la figure est basée sur des données E-OBS et des données de stations
météorologiques au sol ; source : Rapport World Weather Attribution ?Rapid attribution of heavy rainfall
events leading to the severe flooding in Western Europe during July 2021 ».
Figure 2 : Cumul de précipitation (mm) du 13 juillet à 6 heures UTC au 16 juillet à 6 heures UTC dans le
nord-est de la France (source Météo France).
Les crues et les inondations
Au cours des semaines qui ont précédé les inondations de mi-juillet, diverses régions ont connu
des cumuls de précipitations supérieurs aux moyennes. En France, certains territoires touchés
avaient des sols proches de l?humidité habituelle en cette saison, d?autres des sols plus humides.
Ce facteur a pu jouer dans la formation des crues, de façon diverse selon les bassins versants,
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mais la forte intensité instantanée des précipitations a pu « gommer » l?effet de cette humidité en
rendant impossible toute infiltration significative.
Ces crues ont présenté, selon les bassins et même selon les tronçons de grands cours d?eau, des
intensités et des niveaux de rareté très variables. Dans les zones de précipitations intenses, se
sont produits des phénomènes de ruissellement de versant jusqu?alors inconnus, et le cas échéant
combinés avec des crues dans la vallée. Des cours d?eau de taille petite et moyenne ont présenté
de forts débits de pointe, jamais mesurés techniquement jusqu?ici.
Les grands cours d?eau, alimentés par un vaste bassin versant, ont pu présenter sur une partie de
leur cours une crue significative, voire un débit de pointe jamais mesuré comme la Meuse dans la
première partie de son cours aux Pays-Bas, mais ces crues inhabituelles, et d?autant plus en été,
se sont fortement atténuées vers l?aval : la Meuse a ainsi présenté une crue de durée de retour
d?au plus 10 ans sur son bassin amont, de 100 à 200 ans dans la traversée de la province
néerlandaise du Limburg, de 15 ans dans la partie basse du pays. La présence de végétation
estivale dans les lits mineurs, sur les berges, dans les lits majeurs, a fortement modifié le
fonctionnement hydraulique par rapport aux crues habituelles (ou les plus habituelles) de la saison
hivernale : décalage jusqu?à 30% de la relation entre hauteur d?eau et débit, atténuation plus forte
des crues au fil de leur propagation de l?amont vers l?aval, ralentissement des temps de
propagation ?
Les cours d?eau secondaires ont été diversement impactés, mais les phénomènes de crues les
plus rares y dépassent ce qui a été observé, en degré de rareté, sur les fleuves : les plus fortes
estimations des durées de retour dépassent largement 1000 ans en Allemagne et en Belgique,
atteignent 1000 ans aux Pays-Bas, et 50 ans en France. Des « records » ont été mesurés ou
estimés sur plusieurs cours d?eau secondaires. De telles estimations statistiques comportent de
très fortes incertitudes, toutes choses égales par ailleurs, notamment hors effets liés au
changement climatique, renforcées ici par deux facteurs entachant les mesures sur le terrain :
? certaines stations automatiques de mesure ont été arrachées par les écoulements, ou
rendues inopérantes ;
? la présence de végétation estivale, mentionnée plus haut, a modifié parfois
significativement la relation entre débit et hauteur : on mesure la hauteur, mais on établit
les statistiques représentatives sur les débits - parfois inexacts ? estimés à partir des
hauteurs.
Sauf mention inverse, les estimations de durées de retour estimées et évoquées dans le rapport
ne prennent pas en compte l?information nouvelle apportée par l?événement de juillet 2021, elles
se réfèrent aux événements et connaissances antérieurs.
La France a été touchée par des phénomènes moins rares (et moins intenses, notamment au
regard des conséquences pour les populations) que l?Allemagne, la Belgique et les Pays-Bas,
quand bien même, ici aussi, certains débits n?avaient jamais été physiquement mesurés jusqu?ici.
En France, les crues ont battu un record en termes d?étendue : pour ce qui concerne les cours
d?eau surveillés par l?Etat, il s?agit du plus grand nombre (20) de tronçons placés simultanément en
vigilance orange depuis 2006.
L?humidité des sols, avant la survenue de précipitations intenses, a également pu jouer sur des
phénomènes de mouvements de terrain et d?érosion de versants, qui se sont manifestés en divers
endroits, comme dans le Jura français ou dans la vallée de l?Ahr en Allemagne.
Plus généralement, les crues de mi-juillet se sont distinguées sur certains bassins par l?importance
et l?intensité des phénomènes d?érosion, de transport de sédiments et de débris, par la constitution
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d?embâcles10, par les dépôts de sédiments et de débris modifiant les écoulements au cours de la
crue? Comme sur la Meuse, l?écoulement a pu emporter les cailloux déposés au fond des lits
mineurs, et creuser des fosses d?érosion atteignant 10 mètres. Ces facteurs ont eu des effets
importants sur les conditions de submersion, sur l?impact physique des écoulements sur les
infrastructures et les bâtiments, sur l?évolution des lits mineurs, dans des territoires qui n?y étaient
pas forcément habitués.
Bien évidemment, d?autres territoires, notamment plus éloignés des zones de précipitations
intenses, ont vu arriver des crues inhabituelles par leur saison mais, « habituelles » par leur
intensité et leur dynamique, du fait de l?amortissement de l?onde de crue au cours de la propagation.
Beaucoup de difficultés ont été signalées en matière de prévision des crues : conditions
d?écoulement significativement différentes de celles des crues utilisées pour élaborer et valider les
modèles, indisponibilité de certaines stations hydrométriques, difficultés à disposer d?observations
terrain suffisantes au cours d?un événement aussi intense et rapide...
Des conséquences humaines dramatiques, des impacts
économiques considérables
Les inondations de mi-juillet ont évidemment marqué les populations nationales et les opinions
étrangères par le nombre très important de victimes directes recensées au fil des heures. A ce jour,
on dénombre 186 morts directs dus à l?inondation en Allemagne11 , et 39 en Belgique12 , très
concentrés sur un très petit nombre de vallées. L?Union européenne a pris en compte
respectivement 196 et 42 décès13, en considérant également les décès dus aux coulées de boues.
Le Luxembourg, les Pays-Bas et la France n?ont pas eu à déplorer de décès connus. Les deux
vallées ayant eu à déplorer les plus grands nombres de victimes sont l?Ahr, partagée entre la
Rhénanie-Palatinat et la Rhénanie du Nord Westphalie, et la Vesdre en Wallonie. Elles ont
notamment en commun d?être densément peuplées. La vallée de l?Ahr dont le lit majeur est
fortement urbanisé par endroits, encaissé dans d?autres, a subi parmi les plus forts cumuls de
précipitations observés sur les bassins versants en Allemagne en juillet 2021. La vallée de la
Vesdre est la plus pentue de cette partie de la Belgique et son haut bassin a subi les plus fortes
précipitations enregistrées dans le pays.
Hors champ géographique de la mission, ont notamment été signalés un mort en Autriche, un mort
en Italie, un mort en Roumanie, et 51 morts en Turquie14.
Ces bilans, que la mission n?a pas pu consolider hors des pays ciblés, illustrent la brutalité de
l?événement à grande échelle. La compilation de différents bilans établis sur l?ensemble de la
France conduit à un nombre total de décès et disparus, dus directement aux inondations, de l?ordre
de 650 sur une durée de 50 ans (1973-2022). L?Agence européenne de l?environnement a établi
des estimations pour 32 pays sur la période 1980 à 2020, pour les événements météorologiques
10 Encombrement d?un cours d?eau (ou d?un axe d?écoulement temporaire) qui gêne l?écoulement, par exemple
composé de débris naturels ? arbres ? ou anthropiques ? débris de maisons ou véhicules - emportés par la crue :
en conséquence, le niveau de l?eau est augmenté à l?amont de cet obstacle, et si l?embâcle finit par être emporté
par le courant, cela peut générer une vague à l?aval, au-dessus du niveau d?eau d?un écoulement non « perturbé ».
11 Dont 183 dans les Länder de Rhénanie-Palatinat et Rhénanie du Nord Wesphalie, et dont 133 dans le seul district
d?Ahrweiler, dans la vallée de l?Ahr.
12 En particulier la province de Liège et la vallée de la Vesdre.
13 Projet de rapport sur la mobilisation du Fonds de solidarité de l'Union européenne pour venir en aide à
l'Allemagne, à la Belgique, aux Pays-Bas, à l'Autriche, au Luxembourg, à l'Espagne et à la Grèce à la suite des
catastrophes naturelles qui se sont produites dans ces pays au cours de l'année 2021, Commission des budgets
2022/0337(BUD) 20/10/2022.
14 https://fr.wikipedia.org/wiki/Inondations_de_juillet_2021_en_Europe
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et climatiques. Sur cette période, les inondations constituent les causes de 5 000 à 6 000 décès,
soit une moyenne annuelle comprise entre 125 et 15015 pour l?ensemble de ces 32 pays.
La mission n?a pas trouvé d?estimations consolidées, pour chaque pays, des populations sinistrées
ni des personnes évacuées. La Wallonie estime la population sinistrée à 100 000 personnes (209
communes16 touchées sur les 262 de la région), le Land de Rhénanie-Palatinat à 65 000, dont 42
000 dans la vallée de l?Ahr. On peut estimer, en croisant différentes sources, que le nombre de
100 000 personnes sinistrées a également été dépassé en Allemagne.
Les documents concernant l?Allemagne indiquent plus de 800 blessés graves. L?annexe consacrée
aux Pays-Bas illustre par ailleurs des conséquences de l?événement sur la santé, conséquences
rarement étudiées et pourtant substantielles, notamment les souffrances psychologiques.
Les perturbations relatives aux services essentiels ont, elles aussi, été importantes, laissant en
Wallonie 15 000 foyers sans gaz, 66 500 sans électricité, 47 000 sans eau potable. En Allemagne,
200 000 foyers ont subi des coupures totales ou partielles d?électricité.
Les estimations des impacts économiques sont diversement établies selon les pays (définition
économique, périmètre?) et certaines ne sont pas encore stabilisées au niveau national. Les
éléments qui peuvent être présentés ci-dessous illustrent néanmoins le coût économique de
l?événement, après son coût humain.
La compagnie de réassurance Munich Re estime ainsi les dommages globaux de la catastrophe à
46 milliards d?euros, dont 33 milliards en Allemagne. Une autre estimation globale sur l?événement
affiche une fourchette d?estimation de 40 à 50 milliards17. Au niveau mondial, c?est la deuxième
catastrophe naturelle de l?année 2021 en termes de coût, après l?ouragan Ida, ce qui est également
signalé par la base des données EM-DAT Emergency Events Database 18 223 événements
d?inondations ayant été recensés dans le monde en 2021, contre une moyenne annuelle de 163.
Pour mobiliser le fonds de solidarité, l?Union européenne a pris en compte les montants de
dommages directs suivants, concernant les dommages dus aux inondations et coulées de boues
de la mi-juillet 202119 :
? Allemagne : 29,21 milliards d?euros, soit 0,82% du revenu national brut ;
? Belgique : 5,56 milliards d?euros, soit 1,15% du revenu national brut ;
? Pays-Bas : 0,5 milliards d?euros, soit 0,06% du revenu national brut ;
? Luxembourg : 0,1933 milliards d?euros, soit 0,4% du revenu national brut ;
? Autriche : 84,6 millions d?euros, soit 0,02% du revenu national brut.
L?état fédéral allemand a établi des estimations provisoires de dommages en mars 202220 :
15 European Environmental Agency (2021). Economic losses and fatalities from weather- and climate-related events
in Europe.
16 Pour mémoire, en Belgique, le nombre de communes a été divisé par un facteur 6 le 1er janvier 1977.
17 Flood Resilience Alliance (2022). 2021 floods: will Europe heed the warnings ? Policy brief juin 2022 4 p.
18 2021 disasters in numbers Centre for Research on the Epidemiology of Disasters Université Catholique de
Louvain 2022.
19 Projet de rapport sur la mobilisation du Fonds de solidarité de l'Union européenne pour venir en aide à
l'Allemagne, à la Belgique, aux Pays-Bas, à l'Autriche, au Luxembourg, à l'Espagne et à la Grèce à la suite des
catastrophes naturelles qui se sont produites dans ces pays au cours de l'année 2021, Commission des budgets
2022/0337(BUD) 20/10/2022.
20 Bundesministerium des Innern für Bau und Heimat & Bundesministerium der Finanzen (2022). Bericht zur
Hochwasserkatastrophe 2021: Katastrophenhilfe Wiederaufbau und Evaluierungsprozesse rapport 85 p.
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? plus de 30 milliards d?euros de dommages ;
? 10.000 entreprises et professionnels impactés.
L?estimation des dommages de la région Wallonie et celles relayées par la presse présentent, elles
aussi, des ordres de grandeur comparables avec les chiffres pris en compte par l?Union
européenne :
? près de 48 000 bâtiments dont 45 000 logements (2,03 milliards d?euros de dommages) et
3 000 bâtiments professionnels privés touchés (1,26 milliard de dommages aux
entreprises) ;
? 599 ponts endommagés ;
? plus de 1,58 milliard de dommages aux infrastructures, cours d?eau et biens publics ;
? plus de 100 millions de coûts liés aux déchets (récupération, transport, stockage,
traitement?).
La mission n?a pas connaissance d?une estimation consolidée des dommages pour la France,
dommages qui ont été sans commune mesure avec ceux observés notamment en Allemagne et
en Belgique. Il est à signaler que les inondations de la mi-juillet 2021, dans les départements
touchés par la dépression Bernd et ses conséquences, ont fait l?objet à la date de rédaction du
présent rapport, de reconnaissances au titre du régime d?indemnisation des catastrophes
naturelles (pour les seules inondations et coulées de boues) pour 434 communes dans 20
départements (événements du 12 au 19 juillet).
Des cadres institutionnels et organisationnels divers dans les
territoires impactés
L?Allemagne et la Belgique sont des États fédéraux, alors que les Pays-Bas (pour leur partie
continentale) et la France sont des États unitaires dont l?organisation administrative est
décentralisée et déconcentrée. Pour autant, dans les domaines concernés par les risques
d?inondations, on observe différents degrés de décentralisation de la mise en oeuvre des volets des
politiques, ainsi que certains principes communs résultant des choix de chaque pays. N?ayant pas
eu la possibilité d?échanges avec les structures publiques les plus proches du terrain (hormis en
France et une autorité locale de l?eau aux Pays-Bas), la mission n?a pas conduit d?analyse
institutionnelle et organisationnelle de l?événement.
Dans les quatre pays, on note une séparation fonctionnelle entre prévision et vigilance
météorologiques, prévision et vigilance des crues, diffusion de l?alerte aux populations. La prévision
météorologique publique est organisée au niveau national / fédéral. La diffusion de la vigilance
intervient cependant de diverses manières selon les pays.
Pour ce qui concerne la prévision des crues et la définition de niveaux de vigilance, on observe
dans les quatre pays une organisation qui prévoit des opérateurs de surveillance et de prévision
différents selon les cours d?eau :
? en Allemagne, services des Länder, ou de collectivités territoriales selon trois catégories
de cours d?eau, sauf décisions spécifiques ;
? en Wallonie, deux directions différentes du Service Public de Wallonie, selon la catégorie
des cours d?eau ;
? aux Pays-Bas, l?agence nationale de l'eau, le Rijkswaterstaat, pour les cours d?eau
principaux, 24 « autorités locales de l?eau », les waterschapen (parfois traduits par
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« watringues »), correspondant géographiquement à des districts hydrographiques, pour
les cours d?eau secondaires (Cf. annexe dédiée aux Pays-Bas, pour une présentation plus
poussée de ces structures « originales ») ;
? en France, services de prévision des crues (SPC) de l?État, sur les cours d?eau du réseau
réglementaire (surveillé par l?État ; défini par le Schéma directeur de prévision des crues
SDPC), services de collectivités territoriales à leur initiative (notamment des collectivités
en charge de compétences relevant de la GEMAPI, gestion de l?eau et des milieux
aquatiques et prévention des inondations), le plus souvent sur des cours d?eau autres ; au
niveau national, pour les bassins versants les plus petits, le Schapi (Service central
d?hydrométéorologie et d?appui à la prévision des inondations, qui coordonne les SPC)
émet des alertes « Vigicrues flash » de crues soudaines à maille locale.
Dans les pays non fédéraux, l?organisation primaire de la prévision des crues est structurée selon
l?hydrographie. Dans tous les cas, on note un enjeu sur les communications fonctionnelles et
efficaces entre les différents acteurs de la prévision (cohérence hydrologique d?ensemble et
cohérence territoriale à échelle fine), entre prévisionnistes météorologiques et hydrologiques, entre
prévisionnistes et responsables de la sécurité publique, à des mailles fonctionnelles différentes.
Pour ce qui concerne la sécurité civile et la gestion de crise, on observe différentes organisations
territoriales, plus ou moins décentralisées en termes d?opérateurs et de responsabilités, entre la
coordination nationale des événements catastrophiques et les responsabilités des élus
communaux. Cette organisation s?appuie sur différentes structures publiques ou échelons de
décision publique « généralistes » (mais pas nécessairement tous, les régions en Belgique n?ont
pas de compétence directe), le cas échéant avec des découpages géographiques et institutionnels
spécifiques, comme les régions de sécurité aux Pays-Bas ou les zones de défense et de sécurité
en France. Selon les organisations en place, les gestionnaires de crise peuvent plus ou moins
facilement activer ou demander des pré-déploiements de moyens en nombre.
Enfin, concernant les responsabilités d?urbanisme et les dimensions de prévention des risques qui
y sont liées, les quatre pays s?appuient sur une logique de responsabilité directe du niveau
communal ou intercommunal, avec différents degrés de planification, voire d?encadrement depuis
un niveau supra-local, s?agissant des risques d?inondation (sauf pour certains projets relevant d?une
décision de la région, en Belgique).
Sur le plan international ou multilatéral, outre les procédures de financement et les cadres législatifs
des politiques orientés par des directives européennes (dont la directive relative à l?évaluation et à
la gestion des risques d?inondation21), on peut mentionner l?existence de différents dispositifs ou
organisations qui ont joué un rôle lors des inondations de juillet 2021 :
? le CEPMMT (Centre européen pour les prévisions météorologiques à moyen terme), qui
élabore des prévisions pour l?Europe à partir de modèles développés dans un cadre
multilatéral ;
? EFAS (European Flood Awareness System), composante de CEMS (Copernicus
Emergency Management Service, système européen d'alerte pour les inondations,
composante du service Copernicus de gestion des urgences)22 ; les notifications formelles,
pour une partie au moins du territoire et à une maille large, ont commencé le 12 juillet pour
21 https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32007L0060&from=SK
https://www.ecologie.gouv.fr/prevention-des-inondations
22 EFAS a pour objectif de fournir des alertes anticipées, en mettant à disposition des cartes et hydrogrammes ;
notifications par email concernent les prévisions de dépassement des seuils d?événements biennaux, cinquennaux
et vingtennaux (périodes de retour 2, 5, 20 ans = probabilité 0,5, 0,2 ou 0,05 d?être atteint ou dépassé au cours
d?une année), avec indication d?une échéance de dépassement dans plus ou moins de 2 jours. C?est un dispositif
volontaire, en subsidiarité et complémentarité avec les dispositifs nationaux de prévision.
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l?Allemagne, le 13 pour la Belgique et les Pays-Bas, le 14 pour la France ; les notifications
informelles ont commencé le 9 juillet pour l?Allemagne, le 11 pour la Belgique ;
? en matière de données d?observation et de prévision des crues, les coordinations
institutionnelles initiées dans le cadre de commissions fluviales internationales sur les
bassins de la Meuse, de la Moselle et du Rhin, pour les grands cours d?eau (partage des
données météorologiques et hydrométriques, partage des données de prévision,
développement de modèles de prévision communs).
Par ailleurs, lors de la crise, la Belgique a demandé de l?aide aux pays européens, demande à
laquelle notamment la France, l?Autriche et l?Italie ont répondu. La mission n?a pas connaissance
de demande d?aide qui aurait été formulée par l?Allemagne, en particulier.
Les particularités fortes de l?événement et les difficultés
majeures rencontrées
Les inondations de mi-juillet 2021, en Europe de l?ouest, ont présenté diverses particularités, plus
ou moins marquées selon les territoires :
? l?intensité et la « brutalité » (vitesses d?apparition, dynamiques d?évolution) des
phénomènes pluvieux et hydrologiques sur des territoires aussi étendus, avec par endroits
des caractéristiques et des aléas inédits : phénomènes non pris en compte dans certains
modèles et/ou très fluctuants dans leur déroulement, apparition de ruissellements non
connus auparavant, importance des phénomènes d?érosion, de transport de débris,
d?embâcles ;
? le caractère inhabituel de la saison, les pluies intenses et étendues rencontrant dans
certains bassins versants des sols inhabituellement humides ; cette saisonnalité a modifié
les conditions physiques d?écoulement et de propagation par rapport aux crues
« habituelles », notamment hivernales ;
? la modification des enjeux exposés et des vulnérabilités par rapport aux crues
«habituelles » survenant en hiver et plus généralement hors de la saison estivale : activités
extérieures (tourisme?), activités agricoles notamment ;
? une date de catastrophe qui s?inscrit à rebours des anticipations organisationnelles
(importance des congés, parfois absence saisonnière d?astreintes, opérations de travaux
et de maintenance pour profiter d?une « saison calme » en termes d?inondations?) ;
? l?importance du nombre de décès et des impacts économiques et matériels, le nombre de
sinistrés.
Aux Pays-Bas, l?institut Deltares a réuni plusieurs scientifiques pendant trois jours, pour imaginer
et décrire les conséquences d?un tel événement météorologique s?il avait été plus centré sur le
territoire national : capacités de réponse, impacts, durée d?évacuation de l?eau? Les coûts des
dommages estimés sont de l?ordre du double de ce qui a été observé en 2021.
La période estivale a certes présenté quelques « avantages » par rapport aux autres saisons, mais
ne réduisant que très secondairement certains impacts : une facilité accrue d?intervention et
d?observation pendant la crise, grâce à des durées de jour plus longues, un séchage facilité.
Les particularités physiques des crues et inondations ont été plus ou moins marquées selon les
territoires. Ainsi, dans le Haut-Pays meurthe-et-mosellan, la différence avec les crues d?hiver
connues (augmentation du niveau, ruissellements latéraux) n?a pas trop fortement changé la nature
de la gestion de crise et des réponses à apporter, et les expériences antérieures de certains élus
et services ont permis de s?adapter au moins en partie aux « nouveautés ». Dans l?Aisne, plus
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éloignée des zones de précipitations les plus intenses, les temps de propagation et l?atténuation
des crues ont fait en sorte que l?événement ne présente de particularité forte qu?en termes de date
(et de vulnérabilités). A contrario, dans la vallée de l?Ahr, en Allemagne, l?expérience des
inondations hivernales de 2016, moins rapides et moins fortes, a conduit des responsables et des
habitants à recourir aux réponses habituelles, comme la protection des sous-sols par des sacs de
sable, alors que l?événement allait entièrement inonder des rez-de-chaussée.
Dans certains territoires, l?événement météorologique et hydrologique de mi-juillet 2021 a dépassé
les événements connus et documentés, ou du moins a dépassé les événements pris en compte
dans la planification et les pratiques de gestion des risques d?inondation. Les estimations d?impact
du changement climatique depuis l?ère pré-industrielle conduisent à penser que nous n?avons pas
encore pu observer la pleine mesure de l?exposition actuelle à de tels phénomènes rares, et que
leur intensité et probabilité vont encore augmenter à l?horizon 2050. Il s?agit notamment de
réactualiser, le cas échéant, les références statistiques, mais aussi de prendre en compte
l?évolution de ces références dans l?avenir, et de prendre en compte la diversité de situations
possible. Par ailleurs, en certains lieux, les phénomènes de mi-juillet 2021 ont pu rappeler
douloureusement des événements passés non ou insuffisamment pris en compte dans les
décisions et les pratiques.
En France, malgré l?étendue géographique de la zone impactée en juillet 2021 et les différents
facteurs « inédits » ou « inhabituels » de ces événements, les inondations sont restées plus
proches des événements connus et pris en compte dans les politiques publiques. Sans conduire
un travail d?expertise très spécifique comme cela a été fait aux Pays-Bas, il n?est pas possible de
projeter ce qu?aurait été en France le même événement (« waterbomb » pour nos interlocuteurs
néerlandais) décalé un peu vers le sud, et déversant les précipitations les plus intenses de façon
plus importante sur le nord-est de notre pays.
Si l?on compare avec les pays voisins, dans la très grande majorité des territoires français, les
inondations de mi-juillet 2021 n?ont pas fait l?objet de mobilisations très particulières a posteriori, ni
de retour d?expérience systématique à l?exclusion de ceux des services de prévision des crues
(SPC). Il y a eu cependant des initiatives de retour d?expérience prises localement par certains
préfets.
On peut noter que, contrairement aux trois autres pays considérés, la France métropolitaine est
significativement exposée à des inondations méditerranéennes, qui sont inévitablement prises en
compte dans la définition et la mise en oeuvre des politiques publiques nationales notamment en
matière de phénomènes rapides. Les fortes inondations de 2010, en l?occurrence la tempête
côtière Xynthia et les crues et ruissellements dans le département du Var, ont conduit à l?élaboration
et à la mise en place d?un plan national submersion rapide, faisant évoluer réglementations et
dispositifs, et dont le déploiement se poursuit dans le cadre de la stratégie nationale de gestion du
risque d?inondation. Nombre de ces évolutions apportent des éléments de réponse aux types
d?événements observés en 2021.Les particularités de l?événement, en France et dans les pays
voisins, et les retours sur les difficultés observées, ont permis d?identifier des besoins et défis pour
l?évolution de la gestion des risques d?inondations. Par rapport aux politiques et pratiques en place
en France, ces besoins et défis s?expriment au travers :
? de confirmations apportées aux efforts et actions déjà engagés, à poursuivre voire à
intensifier ;
? d?objectifs complémentaires ou ajustés ;
? d?idées concernant des pratiques nouvelles ou aujourd?hui non généralisées.
Les chapitres suivants développent ces questions et formulent des recommandations et
propositions, structurées selon les différentes composantes de la gestion des risques d?inondation,
Ils concernent essentiellement le contexte et les politiques publiques en France. .
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2 Retours d?expérience et enseignements concernant la
chaîne surveillance-prévision-vigilance-alerte
Au-delà de la cohérence attendue entre toutes les composantes des politiques et actions publiques
de gestion des risques d?inondation, l?événement de mi-juillet 2021 a confirmé l?interdépendance
forte entre les actions relevant de la « chaîne » surveillance ? prévision ? vigilance ? alerte (Cf. par
ailleurs la description donnée dans l?annexe relative à la France).
La saisonnalité inhabituelle des inondations de mi-juillet 2021 dans les territoires qui ont été
impactés conduit à ajuster l?organisation annuelle du travail des services et équipes dédiés aux
risques hydrométéorologiques. En effet, dans ces territoires, la fin du printemps et l?été étaient
collectivement considérés comme des périodes sans événement notable, permettant non
seulement de suspendre ou d?alléger des dispositifs d?astreinte, de permettre la prise de congés
estivaux sans contrainte spécifique, mais aussi d?assurer les maintenances ou remplacements des
dispositifs techniques (stations hydrométriques, systèmes de communication) et des outils
(modèles?).
Des inondations comme celles de juillet 2021 resteront, en tout état de cause, des phénomènes
très minoritaires, en probabilité, par rapport aux crues d?hiver dans les territoires concernés. Dans
la continuité de la démarche d?accroissement de la résilience des services de prévision des crues
(SPC) mise en oeuvre ces dernières années sous impulsion nationale, il convient d?étendre les
diagnostics réalisés à la spécificité de « crues inhabituelles d?été », pour mettre en place des
dispositifs de continuité de service adaptés. En 2021, des agents de SPC ou d?unités d?hydrométrie
sont revenus spontanément de congés, pour faire face à l?intensité et à l?ampleur de l?événement
hydrométéorologique. C?est à saluer, mais il conviendrait d?anticiper de tels événements dans
l?organisation, en tenant compte de leur rareté. En fonction des effectifs respectifs des SPC et des
unités d?hydrométrie, d?une part, et du nombre de tronçons de cours d?eau faisant l?objet d?un suivi
et d?une prévision, d?autre part, cela pourra se faire au travers de différentes modalités à expertiser
et adapter au cas par cas : organisation des congés d?été, régime d?astreinte en été, voire
possibilité de réquisition avec des compensations adaptées.
De même, les actions de maintenance ou de remplacement des différents dispositifs (stations
hydrométriques, systèmes de collecte des données, modèles de prévision) devraient certes être
préférentiellement programmées pendant la période « la plus calme » de l?année, mais être
accompagnées par un plan de continuité d?activité permettant un retour rapide au fonctionnement
normal ou une adaptation acceptable de la performance en efficacité et en efficience.
Le réseau Vigicrues regroupe, au sein de l?Etat, le Schapi, les SPC, et les unités d?hydrométrie. Il
assure la production des données d?hydrométrie des cours d?eau du réseau surveillé, la gestion du
réseau physique de stations et du système de concentration des données, la critique des données,
l?élaboration et la diffusion de prévisions des crues. Les données mesurées sont actuellement
disponibles, en temps réel et en temps différé, au grand public (Hydroportail). Le développement
et le déploiement du projet stratégique 2021-2024 de Vigicrues, déclinant des objectifs définis à 10
ans, fait constamment évoluer les dispositifs en place en modalités, en qualité et robustesse, et
emprise géographique. La mission n?a pas été en mesure d?apprécier les impacts des évolutions
en cours.
Recommandation 1. Prendre en compte la possibilité de crues estivales dans l?organisation
des services en charge de l?hydrométrie et de la prévision, pour assurer une continuité de
service adaptée des effectifs et des compétences, d?une part, des matériels et équipements,
d?autre part (SCHAPI, SPC).
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Surveillance hydrologique des cours d?eau
La surveillance et la mesure des écoulements en crues constituent logiquement une étape clé pour
la gestion des événements d?inondations par les cours d?eau : détection / anticipation, suivi
d?indicateurs permettant de caractériser l?intensité de l?aléa en des endroits représentatifs en temps
réel (« nowcasting »), alimentation des modèles de prévision en données, seuils de mesures de
gestion (ouvrages hydrauliques) et d?urgence?
Les crues ayant touché les différents bassins et sous-bassins, mi-juillet 2021, se sont souvent
distinguées par le fait qu?elles présentaient, en plein été, des débits non observés ou non mesurés
en cette saison même si des indices historiques, comme pour la crue de 1804 de la vallée de l?Ahr
en Allemagne, tendent à montrer que des événements d?intensité comparable se sont déjà produits.
Les données hydrauliques servant de références correspondaient à des crues non estivales, voire
exclusivement hivernales. Les conditions d?écoulement en juillet se distinguaient de ces
« références » par une végétation plus importante et plus robuste dans les lits mineurs, sur les
berges, dans les lits majeurs (comme dans les cultures de céréales, selon que la moisson avait ou
non déjà eu lieu). Pour un même débit en un endroit donné, les vitesses d?écoulement en plein été
étaient généralement moindres et les hauteurs d?eau supérieures aux crues « connues ». En
conséquence, les temps de propagation ont été ralentis par rapport aux connaissances et aux
modélisations de référence, l?amortissement naturel des ondes de crue amplifié (y compris sur de
grands cours d?eau comme la Marne en Champagne), et les relations (courbes de tarage)
permettant d?estimer le débit à partir de la mesure de hauteur d?eau parfois fortement modifiées
(jusqu?à 30% par exemple).
Autrement dit, les débits, estimés à partir des mesures de hauteur, et qui correspondent à la
grandeur physique qui se propage d?amont en aval, étaient plus ou moins fiables, et les temps de
propagation permettant de prévoir la dynamique de déplacement des crues étaient non
reproductibles à partir des événements de référence. Par conséquent, des modèles de prévision
des crues ont présenté des niveaux d?erreurs « inhabituels ». La Direction générale de la
prévention des risques (DGPR) a confié un travail technique et scientifique à des experts et
scientifiques sous la responsabilité de l?Institut national de recherche pour l'agriculture,
l'alimentation et l'environnement (INRAE), dont les conclusions éclaireront les conséquences
opérationnelles à donner pour mieux suivre et prévoir de futures crues d?été.
Dans un autre domaine, les crues de juillet 2021 ont conduit, sur différents cours d?eau concernés
par des phénomènes « extrêmes », à la destruction physique de stations de mesure
hydrométriques en cours de crue, faisant perdre toute information hydrologique à des moments
cruciaux. Il ne s?agit pas d?un phénomène inédit en soi, mais les difficultés induites doivent renforcer
? s?il en est besoin - l?attention portée par les services hydrométriques à la continuité de la mesure
et de sa transmission. Le consortium scientifique néerlandais qui s?est mobilisé pour analyser
rapidement l?événement23 , a émis l?idée d?ajouter des équipements de mesure simples et peu
coûteux en nombre, au prix éventuellement de qualités de représentativité et de fiabilité
métrologiques moindres, pour capter l?émergence des événements intenses. L?utilisation de
données satellitaires, encore largement en développement et en expérimentation pour le suivi des
crues, pourrait venir enrichir les dispositifs actuels, en faisant face aux mêmes contraintes de
représentativité et de stabilité temporelle que les stations « terrestres » (disposer de points de
mesure où l?on peut mesurer l?ensemble du débit en transit, avec un écoulement dont les modalités
et caractéristiques soient aussi stables que possible au fil du temps). Le projet stratégique de
Vigicrues prévoit une réflexion sur une utilisation plus importante d?images vidéo (capteurs fixes,
drones), en particulier lorsque les mesures hydrométriques « traditionnelles » ne sont pas ou plus
possibles. Il prévoit également une réflexion sur l?hydrométrie participative, avec des actions
expérimentales en partenariat avec des collectivités pilotes, afin d?enrichir les informations
23 Expertisenetwerk waterveiligheid - ENW Dutch Expertise Network FLood Risk (2022). The 2021 floods in the
Netherlands - Facts and interpretation.
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opérationnelles.
Qu?il s?agisse de l?Allemagne, des Pays-Bas, de la Belgique dans sa partie wallonne ou de la
France, on observe que les services d?hydrométrie et de prévision ne sont pas unifiés sur un même
bassin versant, avec différents « découpages » entre opérateurs. Ces différents découpages ont
des raisons d?être que la mission n?a pas analysées (organisations institutionnelles, synergies avec
d?autres responsabilités hors temps de crue ?). Pour autant, il semble particulièrement important
d?assurer que toutes les données hydrométriques en temps réel soient accessibles à tous les
opérateurs publics (ou exerçant des missions de service public) producteurs de telles données,
afin de faciliter l?anticipation des propagations, le contrôle par comparaison entre données? Un
cadre formel et technique permet, en France, de partager des données hydrométriques entre
services de l?État et collectivités territoriales24, par exemple, et le projet stratégique de Vigicrues
non seulement développe de tels partenariats dans la perspective d?un « réseau public de
l?hydrométrie » à constituer, mais vise à 10 ans une couverture du territoire avec trois niveaux de
service différents selon les secteurs. Le retour d?expérience de juillet 2021 conduit à insister sur
les bénéfices et la mise en oeuvre effective de tels partages. Les entretiens conduits par la mission
n?ont par ailleurs pas mis en évidence de difficultés sur les coopérations transfrontalières en
matière de données d?observation et de prévision, instituées dans le cadre de commissions
fluviales internationales sur les bassins de la Meuse, de la Moselle et du Rhin, mais elles montrent
la nécessité d?avoir un réseau d?interlocuteurs stable et identifié en tant que condition pour créer
de la confiance et ainsi faciliter la circulation de l?information.
Prévisions des précipitations, des crues et des inondations
L?intensité des précipitations, et le caractère singulier de l?événement météorologique plus
généralement, ont confronté les prévisions météorologiques aux difficultés intrinsèques de
prévision que l?on rencontre également sur les phénomènes intenses méditerranéens. Même les
services qui ont été en mesure d?établir et de diffuser les prévisions les plus proches des valeurs
observées lors de l?événement ont souligné ces difficultés, confirmées par des travaux scientifiques.
L?instabilité et la variabilité spatiale forte des précipitations, même pour un phénomène
météorologique de grande taille et assez lentement mobile comme celui qui a touché le centre
ouest de l?Europe, limitent les possibilités de prévision quantitative de pluies, au regard des
précisions géographiques et horaires qu?attendent les prévisionnistes de crue et les gestionnaires
de crise. Ainsi, en peu de temps, la zone de précipitations assez intense prévue sur le bassin de
la Meurthe s?est produite sur le haut bassin de la Chiers, affluent de la Meuse, conduisant à une
surestimation des prévisions sur la Meurthe, et à une prévision tardive sur la Chiers.
Sur certains secteurs, les prévisions de précipitations ont varié et divergé tout en s?approchant de
l?échéance, compliquant la synthèse, le choix d?un scénario? Ces difficultés se répercutent
inévitablement sur les modèles de prévision des crues qui utilisent les prévisions de précipitations,
ce qui est indispensable pour des phénomènes et des bassins « rapides ». On reviendra au
chapitre 2.5 sur la question de la prise en compte de différents scenarii de phénomènes
météorologiques et d?inondation. La question des précipitations intenses et des crues en résultant
est au coeur des développements scientifiques et techniques permanents sur les méthodes et
modèles de prévision. L?événement de juillet 2021 est une incitation complémentaire, s?il en était
besoin, à la poursuite des développements associant étroitement scientifiques, services d?appui et
24 En application du décret n° 2023-284 du 18 avril 2023, relatif aux missions de surveillance des cours d?eau, de
prévision des crues et de production de la vigilance sur les crues, l?arrêté du 18 avril 2023 relatif aux schémas
directeurs de prévision des crues et aux règlements de surveillance et de prévision des crues et à la transmission
de l?information correspondante définit le contenu des règlements de surveillance, de prévision et de transmission
de l?information sur les crues. Ils comprennent notamment la description des informations recueillies et transmises
dans le cadre de la prévision des crues, dont les informations échangées gratuitement entre l?Etat, ses
établissements publics, les exploitants d?ouvrages hydrauliques et les collectivités territoriales et leurs groupements
qui concourent à la complémentarité des dispositifs.
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services opérationnels, comme le projet de recherche « Prévision Immédiate intégrée des impacts
des Crues Soudaines » coordonné par l?université Gustave Eiffel et soutenu par l?Agence nationale
de la recherche.
Les niveaux de précipitations les plus intenses observés, notamment en Allemagne et en Belgique,
constituaient en différents points les cumuls de pluies les plus intenses jamais mesurés sur 24, 48
ou 72 heures. Ces niveaux sont situés dans les gammes de cumuls observés assez fréquemment
sur le pourtour méditerranéen : Météo France a ainsi établi, sur la période de 1966 à 2015, qu?un
cumul de 200 millimètres par jour était dépassé en moyenne une fois par an en Ardèche et dans
le Gard. Une « comparaison » complète serait complexe ; car il faudrait également comparer des
cumuls à l?échelle de petits bassins versants, pour appréhender plus complètement les impacts
potentiels en termes d?écoulements et de ruissellements. Pour autant, se pose la question, hors
zones méditerranéennes ou zones de relief « habituellement » exposées à des précipitations très
intenses, au-delà du retour d?expérience sur la prévision de l?événement spécifique de mi-juillet,
d?examiner la capacité des modèles de prévision des crues à « traiter » des intensités et des
cumuls de pluies comme ceux observés par exemple sur le bassin de la Vesdre en Belgique, de
l?Erft ou de la Wupper en Allemagne (plus forts que sur le bassin de l?Ahr).
On ne reviendra pas sur les questions liant hydrométrie/observation et prévision des crues, traitées
au paragraphe précédent, comme la prise en compte des conditions d?écoulement estivales, ni le
partage de données entre différents opérateurs d?hydrométrie ou de prévision oeuvrant sur un
même bassin versant.
Les travaux de la mission ont soulevé la question de l?existence de prévisions discordantes entre
différents opérateurs, météorologiques ou hydrométriques, voire de la diffusion de « fake news »
par les réseaux sociaux. Ce dernier point sera abordé plus loin, il concerne plus largement la
gestion de crise et les actions qui la soutiennent. Pour ce qui concerne la pluralité de prévisions
institutionnelles et/ou commerciales, c?est une question à examiner dans le cadre organisationnel
et réglementaire de chaque pays. L?événement de juillet 2021 n?a pas constitué de nouveauté à ce
titre sur le volet météorologique. Concernant les prévisions de crue, la mission a eu connaissance
d?une situation de prévisions visiblement différentes entre un service de l?Etat et un service
d?établissement public territorial de bassin. Ce n?est pas en soi surprenant dans le contexte
hydrologique complexe et « atypique » concerné, dès lors que les deux services n?utilisent pas la
même batterie de modèles et ne disposent pas forcément de la même expertise humaine. Si ce
n?est déjà le cas, on ne peut qu?inciter vivement des opérateurs publics à partager en temps réel
leurs prévisions, sans forcément viser à les unifier, mais en prenant en considération l?ensemble
des résultats dans l?appréhension de l?incertitude sur leurs résultats respectifs, et dans la
communication de l?incertitude aux autorités en charge de la sécurité civile.
Plus généralement, la pluralité éventuelle des prévisions se traite naturellement au travers de deux
logiques sur lesquelles on revient en dernière partie de ce chapitre, la communication sur les
incertitudes, et le raisonnement sur la base de scenarii d?évolution météorologique et/ou
hydrologique. Cette pluralité interroge par ailleurs moins lorsqu?on s?est bien imprégné de la
différence entre prévision (projection sur l?évolution d?un phénomène physique), vigilance (en
France, information sur un phénomène dangereux potentiel dans les 24 heures à venir, et depuis
peu dans les 24 heures suivantes, et pré-vigilance au-delà) et alerte (diffusion par les autorités d?un
signal appelant les individus qui le reçoivent à adopter un comportement de protection)25. Le projet
stratégique de Vigicrues prévoit l?utilisation, par les SPC, de prévisions d?ensemble et de prévisions
probabilistes de pluies, et l?évaluation explicite des incertitudes à transmettre, de manière
25 Voir en particulier l?instruction du Gouvernement relative à la mise en oeuvre des évolutions du dispositif de
vigilance météorologique et de vigilance crues, du 14 juin 2021, accompagnée de la note technique relative à
l'élaboration et la diffusion de la vigilance météorologique et de la vigilance crues, du 21 juin 2021, sous les timbres
des ministères chargés de l?environnement ? DGPR et Météo France, de l?intérieur - DGSCGC, de la santé ? DGS.
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appropriée, aux utilisateurs des prévisions. Cette mention des incertitudes est consacrée dans la
note technique du 18 janvier 2023 relative à la production opérationnelle de la vigilance crues (sous
le timbre du ministère chargé de l?environnement ? DGPR)26 qui, par ailleurs, fixe des objectifs
renforcés pour les échéances de prévision.
Les retours d?expériences réalisés en Wallonie mettent en avant la nécessité, en situation de forte
incertitude sur des événements intenses à venir, d?échanges directs entre météorologues et
hydrologues, mais aussi entre ces thématiciens et les responsables de la gestion de crise, afin de
plus facilement pouvoir apprécier l?événement et l?aléa avec les incertitudes et les enjeux
consécutifs sur l?alerte et la gestion de crise. Les procédures de communication entre les services
de Météo France, les SPC et les services placés sous l?autorité des préfets pour la gestion de crise
(notamment service interministériel de défense et de protection civile ? SIDPC- et service
départemental d'incendie et de secours ? SDIS) prévoient, en effet, des échanges renforcés dans
les situations significativement incertaines (note technique du 18 janvier 2023, Cf. supra).
L?expérience dans le département de l?Aude, consistant à réunir (en présentiel et en
visioconférence) une cellule d?anticipation avec les équipes spécialisées en matière d?aléas et les
acteurs publics en première ligne au plan départemental, permet d?ajuster au mieux la gradation
des réponses en termes d?alertes et de mesures d?anticipation.
Recommandation 2. Généraliser la mise en place de cellules d?anticipation dédiées aux
événements hydrométéorologiques intenses et incertains, réunissant autour du préfet de
département des représentants de Météo France, des SPC, de la protection civile, des SDIS,
et d?autres acteurs départementaux de la gestion de crise en tant que de besoin (préfets de
département, DGSCGC, DGPR).
Depuis plusieurs années, est développée en France une logique de « prévision des inondations »,
en établissant des cartes de zones inondées correspondant à différents niveaux de crue qui
peuvent être prévus lors d?un événement : les ZIP (zones inondées potentielles) et les ZICH (zones
inondées par classes de hauteur). La mission a recueilli des retours qu?elle considère positifs sur
l?utilité de ces cartes, même si dans un cas d?espèce les cartes existantes n?étaient pas adaptées
aux particularités de l?événement. Le développement ou l?accélération de la production de telles
cartes apparaissent dans les apprentissages ou décisions post-événement hors de nos frontières.
Par ailleurs, ces cartes constituent une matière très utile, voire indispensable, au développement
des volets inondations des PCS et PICS (appréciation des zones à évacuer progressivement et
des voies d?accès disponibles, identification de zones pouvant être entourées par l?eau, ?). Enfin,
de telles cartes permettent d?adapter et d?affiner les messages d?alerte avec des informations
spécifiques accessibles à la population, les retours d?expérience en Allemagne et en Belgique
ayant mis en avant l?enjeu du contenu de ces messages d?alerte.
Vigilance et pré-alerte
L?instruction du Gouvernement du 14 juin 2021, relative à la mise en oeuvre des évolutions du
dispositif de vigilance météorologique et de vigilance crues, signée par les ministres en charge de
l?environnement, de l?intérieur et de la santé, met à jour le cadre de mise en oeuvre de ces vigilances,
sans en donner une définition directe. On peut reprendre la définition proposée par la Mission
interministérielle inondations de l?arc méditerranéen (MIIAM) : « information sur un phénomène
dangereux potentiel dans les 24 heures à venir. » En matière de météorologie, la vigilance
s?exprime par un indicateur de couleur par aléa et par département (carte) et un bulletin, complétés
26 Note technique du 18 janvier 2023 relative à la production opérationnelle de la vigilance crues, sous le timbre du
ministère chargé de l?environnement ? DGPR.
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depuis peu par un indicateur à +24 heures et, si possible, des informations infra-départementales.
Par ailleurs, est engagée une remise à plat des seuils de vigilance crues, traduite dans la note de
janvier 2023 27 , qui consacre et systématise certaines pratiques reconnues, et apporte des
évolutions nationales : une nouvelle méthode pour la définition des seuils de vigilance, les
protocoles de décision et de communication des changements de niveau de vigilance (dont la
systématisation d?un appel téléphonique des SPC aux préfectures lors des changements de
couleur et lors des évolutions significatives des prévisions), la définition d?une vigilance jaune
« montée rapide de cours d?eau » y compris le cas échéant en l?absence de débordement (à
destination des usagers des cours d?eau), ainsi que des évolutions liées à la prévision et
mentionnées au paragraphe 2.1. Le réseau Vigicrues prévoit également de développer et de mettre
à disposition du public des vigilances crues à 48 heures, et une information sur les phénomènes
hydrologiques dangereux potentiels au-delà de 48 heures. C?est une évolution parallèle à celle de
la vigilance météorologique.
Ces actions, très récentes ou en cours, en application du plan submersion rapide, rendent
inopportune ou prématurée la formulation de recommandations visant à modifier ces actions. La
mission note qu?elles apportent des éléments de réponse à différents enjeux identifiés suite aux
inondations de 2021. Le suivi et l?évaluation de ces dispositifs modifiés sont prévus selon des
dispositions explicitées dans les textes mentionnés. La mission insiste sur le caractère essentiel
de ces démarches, à articuler avec les retours d?expériences suite à des événements d?inondations
importants ou intenses.
Parmi les réflexions et interrogations formulées par différents interlocuteurs suite aux inondations
de juillet 2021, on trouve le besoin de plus d?anticipation, le passage à des cadences de diffusion
de vigilance (ou de prévision, selon les cas) plus resserrées quand on approche du début de
l?événement intense.
Comme cela a été indiqué plus haut, il apparaît très important que tous les acteurs se soient bien
appropriés les différences de nature et de vocation de la prévision, de la vigilance et de l?alerte. De
même, il est important de bien percevoir les difficultés intrinsèques de l?élaboration des messages
de vigilance. Les échéances de formulation de la vigilance permettent difficilement, voire ne
permettent pas, pour les inondations rapides, de prévoir des localisations et des temporalités
compatibles avec la gestion opérationnelle de crise au niveau local, en 24 heures les prévisions
de phénomènes pluvieux intenses sont instables et imprécises en regard des tailles des périmètres
qui peuvent être impactés. Ces échéances permettent de mettre les dispositifs opérationnels en
veille active, de diffuser des consignes de sécurité, de mettre en oeuvre des mesures anticipées
de prudence, mais elles ne permettent pas d?éviter des impressions de « fausse alerte » au niveau
local. Il sera important, comme cela a été formulé plus haut, d?évaluer en particulier la nouvelle
diffusion d?une vigilance « complémentaire » avec une échéance supplémentaire de 24 heures et
des informations infra-départementales, aussi bien pour les vigilances météorologiques que pour
les vigilances crues.
En particulier, les vigilances « orange » sont « mal perçues » quand elles sont formulées de façon
standard à l?échelle départementale, elles sont inévitablement suivies, à échelle locale et sur une
partie du département concernée, par des non-événements ou des événements « bénins »,
s?agissant d?inondations rapides sur de petits bassins. Pour autant, sur 76 cas de décès dus aux
inondations sur l?arc méditerranéen (de 2001 à 2011), pour lesquels il a été possible d?établir
exactement la chronologie des faits, 74% sont survenus dans les conditions d?une vigilance orange
dont la grande majorité ne sera pas suivie d?une vigilance rouge, et 8% dans les conditions d?une
27 Note technique du 18 janvier 2023 relative à la production opérationnelle de la vigilance crues, sous le timbre du
ministère chargé de l?environnement ? DGPR.
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vigilance jaune28 . La vigilance orange traduit une potentialité d?événement critique pour une
personne ou pour une commune. Si l?on fait le parallèle avec la couleur orange utilisée dans la
signalisation routière, le signal implicite de danger est très différent. Des travaux scientifiques sont
engagés qui devront permettre de mieux comprendre la perception du risque et les comportements
en regard de la vigilance orange29.
Les retours d?expérience de mi-juillet 2021, l?analyse des cas de décès en Rhénanie du Nord-
Westphalie30 et plus généralement la littérature technique et scientifique sur les circonstances de
décès dus aux inondations identifient, parmi les types de situations, celles de personnes en
majorité âgées ou souffrant de handicaps, qui décèdent dans leurs lieux de vie, y compris malgré
la disponibilité d?étages refuges. L?aide à l?évacuation de personnes vulnérables (évacuation
horizontale, hors de la zone inondable, ou verticale, vers un étage refuge lorsque la structure du
bâtiment n?est a priori pas menacée) nécessite du temps et des moyens humains, et répond à un
risque accru par rapport à la majorité de la population. Dans la gradation des niveaux de risques
et des alertes, les autorités japonaises distinguent un niveau conduisant à évacuer les personnes
âgées, handicapées, ou nécessitant plus de temps pour évacuer, inférieur au niveau appelant à
l?évacuation générale de la population exposée. En somme, on crée deux niveaux différents
d?ordres d?évacuation (partielle pour population âgée ou à risques/totale s?adressant à tous). La
prise en compte spécifique et organisée de personnes vulnérables est intégrée dans certains PCS
pour les situations d?inondations, mais il convient de rappeler que de nombreuses communes n?ont
pas finalisé ces plans, ou doivent y intégrer plus complètement les crises liées aux inondations.
Face à une vulnérabilité plus grande et à des délais de mise en sécurité plus importants, on peut
penser que les personnes concernées soient prêtes à accepter un « risque » plus grand de fausse
alerte, inévitablement lié à une plus grande anticipation. La mission recommande, dans les
messages officiels sur les consignes de sécurité, comme dans les actions des PCS, d?introduire
explicitement la distinction concernant les personnes plus vulnérables aux inondations en regard
de difficultés spécifiques à se déplacer en conditions difficiles, ou de besoins d?assistance. Ce point
sera repris au chapitre 3 pour ce qui concerne la planification communale de la gestion de crise.
28 Boissier, L. (2013). La mortalité liée aux crues torrentielles dans le Sud de la France : une approche de la
vulnérabilité humaine face à l'inondation. Thèse de doctorat, Université Paul Valéry - Montpellier 3, 186 p., ann.
Douvinet, J., Gisclard, B., Martin, G., Vinet, F., Bopp, E., Grancher, D., Coulon, M., & Genre-Grandpierre, C. (2019)
Les sirènes sont-elles pertinentes pour alerter la population en cas de crues rapides en France ?. La Houille Blanche
- Revue internationale de l'eau, EDP Science, 11 pages.
Ruin, I. (2020) Mobilités quotidiennes et crues éclair: une rencontre à haut risque!, Mémoire présenté pour obtenir
l'habilitation à diriger les recherches, Université Grenoble Alpes, 180 pages.
29 Ruin, I. (2020) Mobilités quotidiennes et crues éclair: une rencontre à haut risque!, Mémoire présenté pour obtenir
l'habilitation à diriger les recherches, Université Grenoble Alpes, 180 pages.
30 Thieken A. Bubeck P. Zenker M.-L. & Wutzler B. (2022a). Analyse der Todesumstände und -ursachen der
Opfer des Hochwassers 2021 in Nordrhein-Westfalen zur Ableitung von Verbesserungspotenzialen in der
Risikokommunication und Warnung KAHR (Klima Anpassung Hochwasser Resilienz) Science Conference 29-30
juin 2022.
Thieken A. Bubeck P. Zenker M.-L. & Wutzler B. (2022b). Strukturierte Auswertung der Dokumentationen zu
allen Hochwassertodesopfern in Nordrhein-Westfalen im Juli 2021 und Herausarbeitung von
Verbesserungspotenzialen in der Risikokommunikation und in den Warnprozessen anhand der Todesumstände
und -ursachen sowie Ereignischarakteristika Gutachten für den Parlamentarischen Untersuchungsausschuss V
(Hochwasserkatastrophe) des Landtags Nordrhein?Westfalen Universität Potsdam 50 p.
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Recommandation 3. Rappeler, dans les messages nationaux d?information relatifs aux
mesures de sécurité, et dans les pré-alertes diffusées par les préfets de départements aux
maires, la nécessité de prendre en compte de façon anticipée la situation des personnes
vulnérables, nécessitant des délais de mise en sécurité plus importants (DGSCGC, DGPR,
préfets de département).
Alerte
L?événement d?inondation de mi-juillet 2021 a partout surpris par sa date de survenue, au coeur de
l?été, dans des régions qui sont habituées aux crues d?hiver. Il est apparu qu?à divers degrés, les
procédures et processus d?alerte étaient de fait calés sur les crues et les vulnérabilités hivernales :
? pas d?alerte spécifique au monde agricole (peu utile pour des crues assez lentes et
hivernales, ne touchant que des terres agricoles sans culture ou avec des stades de culture
non récoltable, dans des régions dans lesquelles le bétail est en bâtiment à ces périodes
de l?année ; plusieurs préfets auditionnés par la mission ont mis en exergue la sensibilité
économique et sociale des impacts agricoles des événements de la mi-juillet 2021) ;
? absence de planification pour des activités touristiques et de loisirs extérieurs.
Dans certaines régions impactées, on a observé en 2021 des dommages agricoles « inédits » :
des cultures, pas forcément récoltables même avec un peu d?anticipation, et surtout du bétail en
extérieur, dans le lit majeur d?une rivière, dont l?évacuation précipitée a été complexe là où elle a
pu être tentée en urgence, sans planification ni préparation. Ces dommages ont pu s?avérer très
sensibles. A contrario, dans les Ardennes belges, haut lieu des camps estivaux de mouvements de
jeunesse, l?alerte spécifique a été précocement enclenchée, ces camps étant vulnérables à des
aléas climatiques estivaux comme les orages « classiques » et leur présence étant un enjeu pris
en compte par la sécurité civile. Même sans habitude d?événements importants estivaux de crues,
en France également, les autorités ont pu intégrer la présence et la vulnérabilité de manifestations
extérieures.
La mission recommande que l?ensemble des procédures et plans d?alerte soient examinés et au
besoin complétés dans la perspective d?événements d?inondations significatifs estivaux (sans
revenir sur la question des services permanents, astreintes, encadrements des congés évoqués
plus haut) :
? recensement, diagnostic de vulnérabilité et intégration dans les chaînes d?alerte des
activités saisonnières sur toute l?année (exemple typique de la présence de bétail en
extérieur, manifestations culturelles?) ; le recensement et le diagnostic de vulnérabilité
constituent de même des points d?entrée pour la révision éventuelle de l?organisation des
secours et la gestion de crise ; l?intégration dans la chaîne d?alerte concerne
potentiellement non seulement les destinataires et canaux de diffusion, mais aussi le
contenu des messages, le cas échéant les langues utilisées (tourisme) ? ;
? prise en considération des dynamiques et des délais caractéristiques de crues et
d?inondations sur tout le spectre possible d?événements, s?il y a lieu.
Recommandation 4. Réexaminer et adapter les procédures et plans d?alerte pour y intégrer
de possibles événements estivaux, avec leurs probabilités, les expositions et vulnérabilités
spécifiques à cette saison (préfets de département, présidents d?intercommunalités,
maires).
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Les retours d?expérience ont par ailleurs soulevé la question, pour des événements importants et
à cinétique rapide dans des régions qui n?y étaient pas forcément habituées, de prévoir la possibilité
de messages de pré-alerte, et d?adapter le cadencement des messages aux caractéristiques des
événements. Ce dernier point se pose d?autant plus en cas de fortes incertitudes avant le
déclenchement des précipitations et de difficulté à pré-définir l?événement : les observations à très
courte anticipation ou « en temps réel » (nowcasting) peuvent conduire à des informations utiles à
diffuser.
Les enjeux liés au contenu informatif et à la crédibilité des messages d?alerte ne sont pas
spécifiques à juillet 2021, certains territoires ayant été marqués par des taux significatifs de refus
d?évacuation, par exemple. Sensibilisation et éducation sont des préoccupations constantes de
l?action publique, en matière de gestion des risques d?inondation. De même, les interlocuteurs de
la mission ont pu faire état de sentiments de sécurité excessifs que peuvent induire la présence
d?aménagement hydrauliques, de digues?
Les réflexions et retours d?expérience dans les différents territoires abordent logiquement la
question des vecteurs et moyens techniques de diffusion de l?alerte, en fonction des dispositifs
existants au moment de l?événement et de difficultés spécifiques mises en évidence par un
événement « nouveau ». Dans le cadre européen mis en place, on observe différents degrés
d?avancement ou de maturité des dispositifs d?alerte par diffusion automatique sur les réseaux
mobiles, à l?image de FR-Alert en France. Un tel dispositif de diffusion cellulaire « cell broadcast »,
est unanimement considéré comme apportant un plus : localisation géographique limitée (à
l?échelle des antennes relais) et spécificité de l?information, notamment. Dans sa nouvelle stratégie
de sécurité civile, et dans les réflexions préparatoires, l?Allemagne met en avant un principe d?une
diversification et diversité forte des vecteurs de message d?alerte, avec la contrainte logique de
veiller à la cohérence des informations : le recours aux sirènes, indissociable de vecteurs
permettant une information différenciée selon les phénomènes et spécifique aux circonstances, est
présenté comme le moyen le plus sûr de mettre la population en situation d?éveil et de vigilance, à
toute heure, et de l?amener à accéder aux informations spécifiques à l?événement31.
La mise en oeuvre systématique d?alertes par diffusion cellulaire nécessite que les infrastructures
de communication des réseaux mobiles soient fiables avant le coeur de la crise, mais aussi pendant
la crise. Cet enjeu rejoint plus largement les questions cruciales de besoins de communications
liées à la crise au-delà de l?alerte : appels aux services de secours au sujet de personnes
menacées, appels entre proches inquiets? On peut penser que le maintien d?une capacité de
communiquer par téléphonie mobile peut éviter des déplacements physiques dangereux
(recherche de nouvelles de proches, tentatives de secours risquées et non forcément
nécessaires?). L?Allemagne a ainsi légiféré sur les obligations de fiabilité des opérateurs de
téléphonie mobile.
La loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023 d?orientation et de programmation du ministère de l?intérieur
a consacré la mise en place d?un réseau de communications électroniques, pour les acteurs publics,
dédié aux missions de sécurité et de secours, de protection des populations et de gestion des
crises et des catastrophes. Ce réseau est exploité par un opérateur dédié. Par ailleurs, les
opérateurs de réseaux radioélectriques ouverts au public garantissent la continuité et la
permanence des communications mobiles critiques à très haut débit destinées à ces missions
(entre les services de l?État, les collectivités territoriales ou leurs groupements, les services
d?incendie et de secours, les services d?aide médicale urgente et tout autre organisme public ou
privé chargé d?une mission de service public dans les domaines de la sécurité et du secours). La
mission rappelle par ailleurs que l?Etat a confié à la Fédération nationale des radioamateurs au
service de la sécurité civile (FNRASEC), association agréée de sécurité civile ?qui vient d?obtenir
le renouvellement de son agrément par le ministère de l?Intérieur et celui chargé de l?aviation civile-
31Le recours aux sirènes fait l?objet de débats techniques ; en Allemagne par exemple, la doctrine admet qu?on peut
utiliser plusieurs alarmes sonores différentes, à condition que la population soit correctement informée.
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une mission de service public : la mise en place d?un réseau ultime de transmission à la disposition
des services de secours et des autorités en cas de dégradation partielle ou totale des réseaux de
transmission usuels.
Il en découle plusieurs points cruciaux, complémentaires des recommandations établies dans le
retour d?expérience de la tempête Alex dans les Alpes-Maritimes en 202032 (renforcement du
réseau radio, dispositifs des communications des services ?) :
???dans des cadres formels à déterminer, veiller à la plus grande continuité possible de
fonctionnement, en situation de crise inondation, des réseaux mobiles non seulement pour
les missions visées par la loi du 24 janvier 2023 (Cf. supra), mais également pour les autres
échanges au sein de la population (alimentation électrique des relais, dispositifs
d?intervention?) ; si un tel objectif n?est pas forcément anodin et nécessite des
investigations et expertises, il semble plus atteignable que la continuité des réseaux
physiques de communication et d?électricité desservant les particuliers, au vu des
événements qui ont touché les vallées les plus impactées en juillet 2021, ou les vallées de
la Roya et de la Vésubie en octobre 2020 ;
???dans les messages de sensibilisation, et dans ceux de mise en alerte de la
population, on mentionne traditionnellement l?utilisation d?un poste de radio ; le recours à
la radio est très variable, quand ce n?est pas le smartphone même qui sert de récepteur ;
on recommande dès lors d?ajouter aux conseils et consignes à la population exposée
d?emporter avec soi son appareil de téléphonie mobile, un chargeur mais aussi une batterie
externe de recharge chargée.
Aider à faire la part de l?incertitude et de la variabilité face aux
événements futurs
On a explicité plus haut en quoi les inondations de juillet 2021 ont présenté des caractéristiques
inhabituelles voire atypiques. Se sont ajouté à cela les difficultés de prévisions et l?instabilité de
phénomènes importants, plus fortes que pour les événements habituellement pris en considération
dans les régions qui ont été touchées.
Au-delà des conséquences que chaque territoire national, régional ou local tirera de cet événement
particulier en regard de son risque de répétition, les inondations de juillet 2021 conduisent à se
préparer plus avant à des situations d?incertitudes et à une plus grande variabilité des phénomènes
intenses d?inondations. Les projections en matière d?impact du changement climatique renforcent
cette préoccupation, pour des régions qui ne connaissent les situations intenses méditerranéennes
que par les informations médiatiques nationales ou internationales.
Le présent rapport évoque plus haut la mise en place, en fonction des situations météorologiques
(risques de phénomènes intenses et difficultés en termes de prévision), de cellules de pré-alerte
regroupant les services de météorologie, de prévision des crues, de secours, auprès de l?autorité
en charge de la sécurité civile.
Dans les entretiens conduits par la mission, a été évoquée l?idée d?une cellule d?appui national,
dédiée aux situations d?inondations graves et rapides, qui pourrait agir en appui du niveau local
(renforcement des capacités d?analyse et de diagnostic, aide au suivi, mobilisation de sachants
très spécialisés?). Une recommandation de même nature a été formulée dans le rapport CGEDD
IGA de retour d?expériences des inondations de 2018 dans le département de l?Aude33, portant sur
32 Retour d'expérience des intempéries des 2 et 3 octobre 2020 dans les Alpes-Maritimes - Enseignements de la
crise et propositions pour une reconstruction résiliente, rapport CGEDD 013618-01 et IGA 20115-R, 2021.
33 Retour d'expérience des inondations du 14 au 17 octobre 2018 dans l'Aude, rapport CGEDD 012561-P et IGA
18105-RP, 2019.
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un dispositif national d?équipe de renfort pour la gestion de crise et pour l?après-crise.
Sous différentes formes, et en s?appuyant sur différents modèles et méthodes, les services de
prévision météorologique prennent en compte des scenarii d?évolution possible (résultats
divergents de différents modèles, méthode des semblables se référant à des scenarii
météorologiques d?ensemble?). Ce peut être le cas également pour les prévisions de crues, selon
les informations disponibles et les incertitudes sur les évolutions et comportements des
précipitations et cours d?eau. La mission soutient le principe mis en avant, dans le projet stratégique
de Vigicrues, de développer l?usage d?une série de modèles et de prévisions d?ensemble
météorologiques, alimentant les modèles de prévision hydrologique, avec la perspective de
quantifier et de mettre à disposition des utilisateurs les incertitudes sur ces prévisions. C?est en
particulier un enjeu en situation d?événements potentiellement intenses et incertains. Il s?agit
d?examiner dans quelles mesures une telle prise en compte peut aider les différents acteurs de la
« chaîne » observation ? prévision ? vigilance ? alerte dans leurs responsabilités respectives et
dans leurs interactions, et alimenter utilement les documents de planification de gestion de crise
qui eux-mêmes peuvent s?appuyer sur des scenarii de situation de crise pré-déterminés.
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3 Retours d?expérience et enseignements concernant
l?organisation des secours et la gestion de crise
Faire en sorte que les acteurs de la gestion de crise se
connaissent avant la crise
La mission souligne en premier lieu une évidence que la crise analysée dans le présent rapport a
confirmé à maintes reprises lors des entretiens nationaux ou internationaux : il est vital que les
acteurs de la gestion de crise se connaissent entre eux et aient l?habitude de travailler ensemble.
Le temps perdu à chercher le bon interlocuteur pour relayer une information qui peut être cruciale,
est un élément défavorable quant à la cinétique de la réponse publique en cas d?événement
météorologique extrême et rapide. Des réseaux d?interlocuteurs stables et préétablis améliorent
également la prise en compte de l?événement, ce qui raccourcit et optimise la mobilisation des
moyens de secours et l?alerte des populations. Notamment lorsque l?événement est atypique ou
difficile à prévoir, comme celui de mi-juillet 202134, des interlocuteurs qui ont l?habitude de se parler
et de communiquer entre eux vont mettre moins de temps à partager le fait qu?un phénomène
météorologique anormal est en train de se produire : le déclenchement des procédures d?alerte
ainsi que la mobilisation des secours en seront accélérés ? il n?y aura pas ou peu de « phase
d?incrédulité » face à l?information reçue par un partenaire connu et considéré comme fiable.
L?exemple de l?Aisne est de ce point de vue intéressant : le préfet de ce département a indiqué à
la mission que, dans cette partie de la France, l?impact de l?événement a été de toute évidence
moindre, mais que la difficulté résidait dans la gestion de l?aspect atypique de l?événement. Si la
chaîne de commandement au niveau départemental a fonctionné sans grande difficulté (préfecture,
activation du centre opérationnel départemental - COD, SDIS, police et gendarmerie, etc.), les
contacts avec des acteurs a priori éloignés des procédures habituelles de gestion de crise
d?inondation, comme par exemple la chambre d?agriculture et ses membres, ont été plus
compliqués et ont généré des tensions35.
Au-delà de la pédagogie in situ trouver un moyen de préparer à l?avance ce genre de contacts
pour relayer une information inhabituelle peut s?avérer fort utile. Cela peut aller de vrais exercices
de simulation de crise (et de la participation des acteurs concernés aux retours d?expériences ?
retex - de l?événement, a posteriori) à la désignation de référents pour établir des canaux de
communication stables et dont l?information véhiculée est considérée comme fiable. L?argument
est transposable à grande échelle, la crise de juillet 2021 ayant aussi montré à quel point la
coopération transfrontalière est dépendante de l?anticipation opérationnelle. Ainsi, l?entretien de la
mission avec le directeur général de la sécurité civile et de la gestion de crise a montré qu?en
l?absence de réseaux pré-activables avec des interlocuteurs identifiés s?accordant entre eux sur un
protocole de déclenchement de crise, il était beaucoup plus difficile de mobiliser et de transporter
des moyens de secours. Le succès d?opérations dont le cadre dépasse le cadre national repose
entre autres sur l?activation de moyens qui sont pré-positionnés ? or la gestion de ce pré-
positionnement et l?activation des dits moyens au moment de la crise dépendent directement des
canaux de communication existants et de la confiance réciproque des acteurs, confiance qui ne se
construit qu?au cours du temps parce que les intéressés ont l?habitude de se parler et de partager
des informations. De ce point de vue, la campagne feux de forêts en 2022 a plutôt été un succès.
En 2021, la Belgique a accepté l?aide opérationnelle proposée par la France.
34 La mission rappelle que les grandes inondations suite à des pluies torrentielles sont, dans un pays comme la
France, considérées a priori comme un phénomène estival ou automnal qui se produit dans la moitié Sud de la
France. Ici, c?est le centre de l?Europe occidentale qui a été touché.
35 Lors des habituelles crues d?hiver, les enjeux agricoles sont de nature différente et globalement moins sensibles
(cultures moins vulnérables, bétail en bâtiments et non à l?extérieur).
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Renforcer les liens entre les préfets et les grands opérateurs de
réseaux
En deuxième lieu, la mission attire l?attention des commanditaires sur le relâchement des liens qui
a pu être observé entre les préfets et les grands opérateurs privés (télécommunications, électricité).
Ce constat ressort de l?entretien avec certains préfets de département et pose une question
relativement nouvelle qui, à l?évidence, constitue un frein ou une limite à la mise en oeuvre des
principes développés plus haut.
En effet, la préfecture et le COD constituent l?épine dorsale de la gestion de crise et de la
mobilisation des moyens de secours au niveau territorial. Les vagues de restructuration et de
libéralisation du secteur des télécommunications et de l?énergie ont multiplié le nombre des
opérateurs et fractionné les grandes fonctions : l?entretien des réseaux, la distribution du service et
la stratégie de développement des infrastructures sont portés par des acteurs différents qui
communiquent mal entre eux et ont perdu l?habitude de tisser des liens avec l?Etat déconcentré et
les mairies. La répartition des tâches entre ENEDIS, RTE, l?opérateur historique EDF et les
fournisseurs privés d?électricité en est un exemple, quand bien même les réseaux sont clairement
répartis.
Il est plus difficile pour les préfets de les mobiliser et de les réunir autour d?une table en cas de
crise. Ils viennent en ordre dispersé au COD, quand ils viennent, ce qui n?est pas toujours le cas,
et ils n?ont pas d?action coordonnée entre eux pour apporter des solutions locales lorsqu?à
l?occasion d?un événement météorologique extrême le service est coupé ou interrompu. Chacun a
ses propres procédures qui peuvent se contredire entre elles, par exemple la définition de seuils
d?abonnés privés36 de courant (pour reprendre l?exemple du réseau électrique) avant de mobiliser
des équipes d?intervention et d?allouer des moyens, sauf en cas de demande explicite du préfet.
Les rivalités historiques aboutissent aussi au fait que les différents acteurs se rejettent
mutuellement la responsabilité d?un incident ou, à l?inverse, considèrent qu?un événement ne relève
pas de leur champ de compétence et répondent mal à la sollicitation des pouvoirs publics locaux.
Développer et utiliser pleinement les outils de planification
locale de la gestion de crise
La mission a identifié un certain nombre de points sur lesquels il est possible d?agir et qui vont dans
le sens des principes développés précédemment.
Organiser une capacité de réponse adaptative et une continuité
estivale au niveau local
Les leçons tirées des événements sont les mêmes sur ce point dans tous les pays frappés par les
inondations. Les inondations de 2021, par leur caractère inhabituel, ont montré la nécessité de
pouvoir adapter les réponses et comportements au gré des observations et informations
disponibles.
Les investigations de la mission soulignent la nécessité de concilier la connaissance du terrain et
la capacité de mobiliser des moyens dans une logique de proximité. Cela peut paraître abstrait ou
théorique comme principe, mais en réalité il s?agit de garantir l?adéquation entre la réponse de
l?action publique et les données du terrain. La première ne peut bien fonctionner que si elle connaît
le second et intègre les particularités locales. Un exemple qui illustre ce constat de bon sens a été
36 A titre d?exemple, ENEDIS a une règle interne qui veut qu?aucune intervention en urgence ne soit déclenchée en-
dessous d?un seuil de 6.000 foyers privés d?électricité. Ce seuil est une norme interne de l?entreprise qui soulève la
question de l?absence de différenciation territoriale, alors que l?adaptation des moyens mobilisés au contexte local
est précisément un point critique pour une gestion de crise réussie.
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relevé par la mission en Meurthe-et-Moselle. Dans ce département où les inondations ont surtout
touché le secteur de Longwy (« Haut-Pays », et notamment la commune de Longuyon) et où, dans
l?ensemble, les dégâts ont été limités par l?habitude des inondations en d?autres saisons et la
mobilisation collective (même si l?intensité de la crise a dépassé les modèles connus), un problème
particulier a dû être résolu par les pompiers du SDIS : un EHPAD, difficile d?accès, s?est retrouvé
coupé du réseau électrique. Le SDIS a apporté un groupe électrogène, ce qui en l?occurrence
représentait la meilleure solution pour garantir la sécurité de ses occupants dont l?évacuation n?était
pas nécessaire (d?autant que des travaux sur d?autres catastrophes mettent en évidence la
mortalité induite par l?évacuation de résidences de personnes âgées). Cet exemple montre à quel
point l?information de proximité est cruciale pour la mobilisation des bons moyens de secours. Cette
information de proximité est d?abord détenue par les relais locaux et plus particulièrement les
maires qui constituent par conséquent un maillon indispensable de la chaîne.
En France, l?Etat se situe dans la logique d?adaptation en matière de gestion de crise : la graduation
de la réponse en fonction de l?ampleur de l?événement est un marqueur de la doctrine en matière
de sécurité civile. Le pré-positionnement des moyens et la mobilisation de renforts situés en temps
normal hors de la zone touchée, quand cela est nécessaire, se décline à l?échelon national, zonal
et départemental. Il en va de même de la continuité estivale, c?est-à-dire le fait de garder un
minimum de personnel mobilisable en période de congés. Du côté des collectivités territoriales, les
SDIS font de même, au demeurant ils sont placés sous l?autorité fonctionnelle du préfet qui est de
droit directeur des opérations de secours pour toute opération excédant le périmètre communal.
Mais ce n?est pas toujours le cas au niveau de la commune, alors que le maire reste responsable
des secours sur son territoire. Là encore, les PCS pourraient servir de support pour inclure une
telle stratégie au niveau local. En cas d?inondation, la rapidité de l?action publique est primordiale
pour alerter et secourir. Le pré-positionnement de moyens ne doit pas être nécessairement
permanent, surtout dans les petites communes, mais les PCS peuvent intégrer un niveau de pré-
alerte, calé sur les bulletins de Météo-France, consistant à se préparer pour une inondation ; par
exemple, lorsque qu?une caserne de pompiers se situe en zone inondable, les véhicules de secours
devraient être sortis de la caserne et placés en hauteur. L?exemple peut être étendu aux services
communaux critiques en cas de crise. Il en va de même des points de fragilité dont il convient
d?anticiper les besoins, comme un hôpital, une maison de retraite, etc.
Dans des territoires peu ou très peu exposés à des inondations significatives en été, la gestion des
congés peut oublier d?anticiper ce risque saisonnier plus rare. Le PCS peut rappeler les contraintes
opérationnelles à respecter et fixer le niveau plancher d?effectifs disponibles selon les saisons
(mobilisables immédiatement en tenant compte des gardes ou astreintes). Les événements
climatiques extrêmes ne sont pas circonscrits au seul Sud du pays ni à l?hiver.
A partir des pratiques en vigueur aux Pays-Bas, le chapitre 4 expose le principe d?une surveillance
des digues impliquant des volontaires formés, d?une part, dans un but opérationnel d?évitement de
défaillances de ces ouvrages, d?autre part, avec un impact sur l?information et la sensibilisation de
la population.
Intégrer dans les Plans Communaux ou Intercommunaux de
Sauvegarde (PCS ou PICS) des scenarii hydrométéorologiques
diversifiés.
Créé par la loi de modernisation de la sécurité civile de 2004, le PCS a évolué pour devenir un outil
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majeur de la gestion des crises au niveau communal et intercommunal37. Le champ des PCS a été
élargi, puisqu?initialement seules les communes couvertes par un plan de prévention des risques
naturels (PPRN) approuvé et par un plan particulier d?intervention (PPI), du ressort de la préfecture,
devaient en rédiger un. Depuis la loi Matras38 , toutes les communes exposées aux « risques
spécifiques les risques volcaniques cycloniques sismiques et d?incendie » sont soumises à
l?obligation d?avoir un PCS. L?article L731-3 du Code de la sécurité intérieure (CSI) mentionne
explicitement dans son alinéa 3 les « territoires à risque important d?inondation ». S?il est vrai que
de nombreuses communes sont en retard pour la rédaction ou l?actualisation (obligatoire tous les
cinq ans) de leur PCS, il n?en reste pas moins que cet outil monte en puissance et devient
indispensable pour gérer la crise et la mobilisation des secours au plan local. Les communes sont
le maillon final de la chaîne et, à ce titre, le risque inondation doit aussi être décliné à cet échelon-
là. Pour l?application de l?article R731-3 du CSI, la mission estime qu?il est possible et souhaitable
d?intégrer des scenarii hydrométéorologiques dans les PCS des communes potentiellement
menacées sous une forme claire et lisible, en s?appuyant par exemple sur les zones d?inondation
potentielle (ZIP) et les zones inondées par classes de hauteurs d?eau, (ZICH) développées par les
SPC pour lier les prévisions de cotes et de débits aux surfaces impactées, et au-delà aux mesures
graduées et adaptées de gestion de crise.
De tels scenarii permettent par exemple de cartographier des itinéraires d?évacuation pour la
population, des itinéraires pour les équipes de secours, des secteurs dans lesquels demander
prioritairement, si on en a le temps, l?évacuation de véhicules qui pourraient être emportés et
accroître les impacts des inondations à l?aval ?
Recommandation 5. Intégrer dans les PCS et PICS différents scenarii d?événements
d?inondations, en intensité et en saisonnalité, et notamment les risques significatifs de
ruissellement, afin de permettre une gestion adaptative de la crise, et des pré-
positionnements de moyens en conséquence (maires, présidents d?intercommunalités,
préfets de département).
De surcroît, la mission souligne la nécessité de réaliser des exercices régulièrement, en
coordination avec les préfectures, afin d?appréhender les réalités de terrain qui posent des
difficultés particulières ou qui demandent une réponse spécifique. L?exemple de la maison de
retraite et du groupe électrogène apporté par les pompiers évoqué plus haut illustre parfaitement
cette nécessité. Le geste doit être anticipé et prévu dans le PCS en fonction du scénario
d?inondation. Plus généralement, l?intégration de scenarii hydrométéorologiques dans les PCS
sous une forme simple et compréhensible pour le maire d?une petite commune vise à établir une
gradation des vigilances en fonction de la vulnérabilité, une gradation et une priorisation des
actions, en prenant en compte les risques d?encerclement de secteurs par l?eau.
Dans le département des Ardennes, le préfet a proposé aux élus des petits exercices par groupes
de quatre ou cinq communes, et une fois par an dans chaque périmètre disposant d?un PICS. La
mission estime qu?il s?agit là d?une bonne pratique qui pourrait être généralisée. Elle permet de
dimensionner concrètement la capacité de réponse adaptative du territoire concerné.
37 Le plan intercommunal de sauvegarde est de création plus récente. Pour la problématique de la mission, la
distinction importe peu, le raisonnement est valable dans les deux cas. La loi « Matras » du 25 novembre 2021
introduit le PICS qui est obligatoire « dès lors qu?au moins une des communes membres est soumise à l?obligation
d?élaborer un plan communal de sauvegarde ». Le PICS, même s?il est rédigé par l?EPCI et validé par son
assemblée délibérante, s?articule de fait avec les PCS dans une logique de mutualisation au profit de toutes les
communes membres. Il organise la coordination et la solidarité intercommunale.
38 Loi n° 2021-1520 du 25 novembre 2021 visant à consolider notre modèle de sécurité civile et valoriser le
volontariat des sapeurs-pompiers et les sapeurs-pompiers professionnels.
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Le III de l?article L731-3 du CSI prévoit que : « Tous les cinq ans au moins, la mise en oeuvre du
plan communal de sauvegarde fait l'objet d'un exercice associant les communes et les services
concourant à la sécurité civile. Dans la mesure du possible, cet exercice implique aussi la
population. ». Il importe, pour les communes exposées aux risques d?inondations intenses et
rapides, d?une part, de ne pas se contenter de la périodicité « plancher » et de prendre en
considération des scenarii diversifiés d?aléa, d?autre part, d?impliquer dans ces exercices la
population et les acteurs non institutionnels. Les crises intenses nécessitent, comme le mettent en
avant par exemple les retours d?expérience allemands et néerlandais, que les habitants soient des
acteurs à part entière de la réponse à la crise (en l?occurrence les premiers acteurs de leur propre
sauvegarde), qu?ils soient informés et préparés. Cela implique notamment de pouvoir se placer,
pour les exercices, dans des situations « défavorables » comme la nuit, circonstance régulièrement
observée pour les inondations conduisant à des décès39.
Recommandation 6. Inciter les communes à organiser des exercices impliquant la
population, avec l?appui des services de l?État et de l?ensemble des acteurs de crise, pour
tester le caractère opérationnel de leurs plans communaux de sauvegarde et la diffusion
auprès des habitants des bons comportements à adopter face aux risques d?inondations
intenses et rapides, susceptibles d?intervenir en quelques heures (DGSCGC, préfets de
département).
On introduit au chapitre 4 l?idée d?un dispositif de surveillance des digues, au cours d?un événement
d?inondations, impliquant des volontaires. Cette question relève, d?une part, des dispositions de
gestion de crise (et donc notamment des PICS et PCS), d?autre part, des compétences de maîtrise
d?ouvrage des collectivités au titre de la compétence GEMAPI.
Par ailleurs, les nouvelles dispositions de l?article L121-6-1 du Code de l?action sociale et des
familles autorisent le maire à « [recueillir] les éléments relatifs à l?identité à l?âge et au domicile des
personnes âgées et handicapées qui en ont fait la demande (?) ». Les PCS peuvent ainsi renvoyer,
pour la commune concernée, vers une liste de personnes vulnérables et leur localisation exacte
en cas d?inondation avec une personne à contacter pour prévenir de l?intervention et la préparer
(directeur, personnel médical ou soignant, personnel de garde la nuit, etc.), qu?il s?agisse de
personnes vivant à domicile ou non. L?exemple du foyer de personnes handicapées prises au piège
par la montée des eaux dans la vallée de l?Ahr dans la nuit du 14 au 15 juillet 2021 en constitue
une illustration tragique.
Adresser les bons messages à la population afin de s?adapter au
déroulement de l?événement au niveau local
Les entretiens menés par la mission montrent que la question des consignes données au bon
moment par des responsables de proximité (la question de messages spécifiques envoyés par les
autorités sur les téléphones portables relève d?une autre problématique), identifiés par la population,
comme le maire ou ses adjoints dans les communes petites ou moyennes, est critique en début
d?événement pour limiter le nombre de victimes et faciliter l?accès des secours aux particuliers qui
en auraient besoin. Si la tragédie vécue dans la vallée de l?Ahr (Cf. annexe sur l?Allemagne) a été
39 Jonkman S.N. & Kelman I. (2005). An analysis of the causes and circumstances of flood disaster deaths.
Disasters 29(1) 75-97.
Diakakis M. & Deligiannakis G. (2017). Flood fatalities in Greece:1970?2010. Journal of Flood Risk Management
10(1) 115?123.
Diakakis M. & Papagiannaki K. (2021). Characteristics of Indoor Flood Fatalities : Evidence from Greece.
Sustainability 13(8612) 15 p.
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aggravée par la problématique des alertes tardives et non coordonnées, le nombre élevé de
victimes vient aussi du fait qu?il n?y a pas eu de consignes données à une partie au moins de la
population et que les gens ont eu de mauvais réflexes qui, dans certains cas, leur ont coûté la vie.
Par exemple, des personnes sont descendues dans la cave pour chercher de quoi colmater les
portes40 plutôt que de gagner le plus rapidement possible le point le plus élevé de la maison, voire
de monter sur le toit afin d?être visibles pour les secours (la montée des eaux dans les communes
de l?amont a été rapide). Rappelons, par ailleurs, que des personnes alertées ont passé du temps
à remplir des sacs de sable, pour protéger les ouvertures des sous-sols, alors que l?eau a atteint
le haut du rez-de-chaussée.
Là encore, il importe que le PCS puisse prévoir des consignes à donner à la population par leurs
élus du quotidien, en fonction de l?événement et des scenarii possibles. Ces consignes peuvent
évoluer en fonction du déroulement et de l?intensité de l?événement. De tels messages, que le PCS
prévoit et dont il organise la diffusion (selon les situations, porte-à-porte, téléphone, haut-parleurs
portatifs?), contribuent à éviter les « fausses bonnes expériences » : on vise ici la répétition de
comportements ou de réflexes acquis préalablement lors d?un événement qui semble comparable
et qui peuvent être contre-productifs ou dangereux si les particuliers estiment mal le danger,
comme dans le cas de la vallée de l?Ahr. Les messages peuvent sauver des vies et ils facilitent la
tâche des secours.
Recommandation 7. Inclure, dans les PCS, des messages à diffuser à la population au fur et
à mesure du déroulement de l?événement hydrométéorologique, en fonction des
populations cibles et en regard des scenarii d?événements (maires, préfets de département).
Par ailleurs, on a observé en juillet 2021 que des absences d?informations ou des informations trop
succinctes sur les barrages (« le barrage va opérer des lâchers ») ont suscité des peurs et des
soupçons allant bien au-delà de la réalité physique des choses. A l?annonce de lâchers, des gens
ont craint une rupture à venir. A contrario, on observe que l?absence d?information sur les
manoeuvres des barrages alimente les soupçons. Comme cela a pu apparaître dans des bulletins
de prévision des crues au Luxembourg, il serait utile d?étudier au cas par cas, si ce n?est déjà fait,
une prise en compte dans l?information diffusée sur la crue / l?inondation d?une indication brève
mais suffisante sur les manoeuvres de barrages et leur impact, s?il y en a un. Cela permettrait en
cascade aux responsables communaux de relayer une information exacte, et ainsi de limiter des
soupçons non fondés, ainsi que des peurs.
???Dans les bulletins de prévision des crues pour les ouvrages hydrauliques
structurants, et dans les messages locaux d?alerte et d?information à la population, donner
une information sur les éventuelles manoeuvres de barrages, leur motivation et leur impact
qualitatif.
Mettre en place des « points-phares » regroupant des ressources
pour les sinistrés
Les « points-phares » sont des endroits aménagés pour la population qui se situent dans des lieux
en sécurité et offrent une palette de services de base utiles en cas d?événement climatique
extrême : premiers secours, point d?information sur l?événement, bornes de recharge pour
téléphone mobiles, etc. Sous réserve qu?ils ne soient pas placés en zone inondable, les gymnases
des collèges et lycées accueillent le plus souvent les populations évacuées et ils sont donc
40 Beaucoup d?habitants avaient en mémoire les précédentes inondations de 2016, beaucoup moins graves et avec
une montée des eaux bien plus progressive, lors desquelles l?enjeu principal était de protéger les parties basses
des maisons et notamment les sous-sols semi-enterrés (sacs de sable etc.).
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candidats naturels pour devenir « points-phares ». En France, les premiers secours et les
informations relatives à l?événement sont déjà, à l?heure actuelle, des fonctions prises en charge
par les volontaires relevant des associations agréées de sécurité civile. La question relève donc
plutôt de la labellisation et de la gamme de services techniques que les communes peuvent mettre
en place, comme les bornes de recharge par exemple.
Organiser et coordonner une réponse aux fausses rumeurs pendant
ou après un événement climatique extrême
Les entretiens menés par la mission ont montré que les inondations, même le plus souvent non
exceptionnelles comme ce fut le cas dans le Nord et l?Est de la France, ont tendance à générer ou
alimenter des « fake news ». Par exemple, dans le milieu agricole (les dégâts causés par les
inondations ont été principalement des dégâts agricoles) de l?Aisne, s?est propagée la rumeur selon
laquelle on aurait manoeuvré des barrages pour laisser le département s?inonder et ainsi protéger
Paris. Une réponse publique coordonnée s?impose face à ce type de rumeurs. De même, les
fausses bonnes idées, qui peuvent mettre en danger les particuliers, propagées par les réseaux
sociaux doivent être immédiatement neutralisées par la communication publique en cas de crise
(Cf. supra sur les sacs de sable). Le COD en préfecture où siègent les représentants de toutes les
forces ou autorités impliquées est le meilleur endroit où la réponse publique peut être coordonnée
et élaborée pendant la crise au plan local.
Anticiper et organiser l?afflux de volontaires
Ce point ressort notamment des entretiens menés avec les représentants des autres pays touchés
par les inondations de la mi-juillet 2021. En France, la première « couche » de volontaires est
formée, d?une part, par les sapeurs-pompiers volontaires, d?autre part, par les militants des
associations agréées de sécurité civile (premiers secours, transmissions de crise, gestion des flux
en cas d?évacuation, etc.). Leur activation et leur affectation en cas de crise sont organisées et
gérées par la préfecture en lien avec les mairies et les services de secours. Mais en cas d?incident
majeur, des volontaires supplémentaires se présentent spontanément aux autorités, en général en
mairie. Il faut canaliser ce flux de générosité et le prévoir, par exemple dans le PCS de la commune,
afin de l?organiser (accès, logistique, priorisation des actions).
Ce point soulève aussi la question des modalités de la participation citoyenne à la gestion de crise
et à l?élaboration des PCS. Dans la pratique, la rédaction des PCS est aujourd?hui fréquemment
confiée à un prestataire privé ? il y a un « marché du PCS » qui s?est développé, amplifié par la loi
Matras de 2021 qui augmente substantiellement le nombre de communes soumises à l?obligation
d?en rédiger un. Rien n?empêche les maires d?inclure ce point dans le cahier des charges donné
au prestataire.
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4 Retours d?expérience et enseignements concernant la
prévention des risques d?inondation et la préparation aux
futurs événements
Sur la base des retours d?expériences, expertises et enquêtes réalisés suite aux inondations de
juillet 2021 (et dont certains sont encore en cours), les États, régions, provinces ou Länder ont pris
un certain nombre de mesures et engagé des réflexions sur différentes composantes des politiques
de prévention et de préparation face aux risques d?inondations. Ces mesures et réflexions
découlent des apprentissages liés à l?événement, et sont contingentes de l?état des législations,
des réglementations et des pratiques. Il en a été de même en France après les inondations de
2010 (en particulier la tempête Xynthia et les inondations dans le département du Var), qui ont
conduit au plus lourd bilan humain annuel depuis plusieurs décennies, et ont eu pour conséquence
directe la définition et la mise en oeuvre du plan submersion rapide de 2011, dont les suites
continuent d?être déployées. En termes de prévention et de préparation notamment, on peut
mentionner à ce titre des évolutions en matière de prise en compte des risques dans l?urbanisme
(transcriptions réglementaires de dispositions relevant jusqu?ici de l?instruction 41 , dont
l?encadrement de la constructibilité derrière les digues, actions spécifiques aux campings,
cartographie nationale des repères de crues42 que la loi du 30 juillet 2003 relative à la prévention
des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages a intégré dans les
responsabilités des collectivités territoriales, création des missions de référent départemental
inondation ?. Dans ce contexte, il est malaisé de tirer des enseignements précis de juillet 2021
notamment pour les dispositifs français relatifs à l?urbanisme, en-dehors de points d?attention ou
d?aspects très spécifiques. La France dispose aujourd?hui d?un cadre d?action (plan submersions
rapides et ses suites développées dans le cadre de la stratégie nationale de gestion des risques
d?inondation) qui apparaît prendre en compte les enjeux mis en avant dans différents territoires
suite à la catastrophe. Les retours d?expérience et les réflexions engagées, chacun dans leur
contexte national respectif, confirment l?importance et l?utilité des évolutions engagées depuis dix
ans en France, même si on ne les reprend pas ici par le menu.
Connaître et prendre en compte les aléas de façon adaptée
Les travaux, mentionnés au chapitre 1, établissent un lien entre le changement climatique et
l?apparition et le comportement du phénomène de goutte froide à l?origine des inondations de juillet
2021. Ils montrent que ce type d?événement est déjà influencé par l?évolution du climat depuis la
période de référence pré-industrielle, et que cette influence va continuer à déployer ses effets en
termes de fréquence et d?intensité des inondations de ce type. A l?instar des actions et orientations
mises en avant dans les territoires fortement touchés en 2021, on ne peut que confirmer
l?importance d?évaluer les impacts de ce changement climatique sur les différents phénomènes
d?inondation, aux échelles géographiques opérationnelles :
? d?une part, pour réévaluer les références statistiques à prendre en compte à ce jour et à
l?avenir, le cas échéant ;
? d?autre part, pour anticiper dans les décisions les évolutions à venir, en particulier pour les
décisions et politiques de gestion s?inscrivant dans le moyen et le long terme, avec des
41 Décret n° 2019-715 du 5 juillet 2019 relatif aux plans de prévention des risques concernant les «aléas
débordement de cours d?eau et submersion marine / Arrêté du 5 juillet 2019 relatif à la détermination, qualification
et représentation cartographique de l?aléa de référence et de l?aléa à échéance 100 ans s?agissant de la submersion
marine, dans le cadre de l?élaboration ou de la révision des plans de prévention des risques concernant les «aléas
débordement de cours d?eau et submersion marine»
42 Plateforme collaborative de référence pour le recensement des repères de crues en France
https://www.reperesdecrues.developpement-durable.gouv.fr/
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dispositions assez diversement réversibles ou ajustables (urbanisation, infrastructures
vitales, aménagements de protection?).
Par ailleurs, l?occurrence d?un événement très rare, voire hors de la « gamme » des événements
connus et pris en compte, conduit à questionner et à mettre à jour un certain nombre de référentiels.
Il en va ainsi par exemple des références statistiques des crues, des événements de référence
(aléa, surfaces concernées?) pris en compte en application de la réglementation ou des bonnes
pratiques pour différents volets comme l?urbanisme, la planification de la gestion de crise, les
scenarii de précipitations considérés par les modèles hydrologiques... La façon dont la submersion
s?est propagée dans une zone aménagée, au cours de l?événement, permet notamment de repérer
les risques « d?encerclement » de secteurs isolés avant d?être inondés (ou isolés sans avoir été
inondés), pour différents niveaux de crue.
Améliorer les références hydrologiques en prenant en compte les
événements anciens
Suite aux inondations de juillet 2021, l?hydrologie de la rivière Ahr, en Allemagne, et sa prise en
compte dans les politiques de prévention, ont fait l?objet de publications scientifiques, techniques
et médiatiques43. On en présente ici les éléments principaux pour leur caractère illustratif.
L?analyse statistique des crues de l?Ahr, permettant notamment de se donner des références en
termes de fréquence / de probabilité, a été conduite avant 2021 d?une façon que l?on pourrait
qualifier de traditionnelle : prise en compte de l?ensemble des mesures hydrologiques conduites
de façon traçable et référencée, soit depuis 1949, avec la mise en place d?un dispositif de mesure
« moderne et systématique », puis établissement d?une loi statistique sur les crues répertoriées et
ainsi mesurées.
Il apparaissait ainsi que les crues d?été étaient minoritaires, globalement représentatives des
intensités des crues d?hiver, et le débit maximum de crue centennal44 a pu être estimé à 241 m3/s,
proche du débit de pointe de la crue du 2 février 2016 (236 m3/s)45.
En reconstituant, en fonction des observations historiques et des repères de terrain, les débits de
5 fortes crues historiques de 1804, 1888, 1910, 1918 et 1920, il est apparu :
43 Thieken A. Kemter M. Vorogushyn S. Berghäuser L Sieg T. Natho S. Mohor G.S. Petrow T. Merz B. &
Bronstert A. (2021). Extreme Hochwasser bleiben trotz integriertem Risikomanagement eine Herausforderung
Rapport de recherche des projets ExTrass (Urban Resilience to extreme Weather Events) et NatRiskChange
(Natural Hazards and Risks in a Changing World) Université de Potsdam 10 p.
Vorogushyn S. Apel H. Kemter M. & Thieken A. (2022) Statistical and hydraulic analysis of flood hazard in the
Ahr valley Germany considering historical floods Présentation à l'assemblée scientifique de l'IAHS-AISH -
Association internationale des sciences hydrologiques 12 p.
Mohr S. Ehret U. Kunz M. Ludwig P. Caldas-Alvarez A. Daniell J.E. Ehmele F. Feldmann H. Franca M.J.
Gattke C. Hundhausen M. Knippertz P. Küpfer K. Mühr B. Pinto J.G. Quinting J. Schäfer A.M. Scheibel
M. Seidel F. & Wisotzky C. (2023) A multi-disciplinary analysis of the exceptional flood event of July 2021 in
central Europe ? Part 1: Event description and analysis Nat. Hazards Earth Syst. Sci. 23 525?551 2023.
Ludwig P. Ehmele F. Franca M.J. Mohr S. Caldas-Alvarez A. Daniell J.E. Ehret U. Feldmann H.
Hundhausen M. Knippertz P. Küpfer K. Kunz M. Mühr B. Pinto J.G. Quinting J. Schäfer A.M. Seidel F. &
Wisotzky C. (2023) A multi-disciplinary analysis of the exceptional flood event of July 2021 in central Europe ? Part
2: Historial contexte and relation to climate change Nat. Hazards Earth Syst. Sci. 23 1287-1311 2023.
44 Le débit maximum de crue « centennal », ou encore de période de retour 100 ans, est le débit qui a une chance
sur 100 d?être dépassé, chaque année.
45 CEDIM Forensic Disaster Analysis Group (2021). Hochwasser Mitteleuropa Juli 2021 (Deutschland) - Bericht Nr.
1 "Nordrhein-Westfalen & Rheinland-Pfalz" Center for Disaster Management and Risk Reduction Technology
Karlsruher Institut für Technologie 31 p.
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? que les trois plus fortes crues depuis 1804 jusqu?en 2020 sont celles de 1804, 1888 et 1910,
et qu?il s?agit de crues d?été ;
? que le débit de pointe de la crue de 1804 est très proche de celui estimé pour 2021 (environ
1100 m3/s) ;
? qu?une analyse statistique adaptée prenant en compte ces crues historiques conduit à
estimer un débit centennal entre 250 et 370 m3/s, avec un intervalle de confiance de 90%.
Avant juillet 2021, l?inondation de 2016 était considérée comme ayant une période de retour proche
de 100 ans au vu d?analyses statistiques antérieures, et était prise en compte comme « une
référence » pour une partie au moins des acteurs. Elle correspond pourtant à une période de retour
de 30 ans si l?on prend en compte les événements historiques46. Et par ailleurs, elle a été très
inférieure à la crue de 2021, en débit et en surfaces impactées.
Il importe en conséquence de conduire, chaque fois que cela est possible, un travail sur les crues
historiques importantes, pour identifier toutes celles qui ont dépassé un certain seuil, reconstituer
des estimations de débit, et conduire des analyses statistiques qui prennent en compte ces crues
historiques en complément de la chronique de crues mesurées sans discontinuité47 . D?autres
méthodes, à mettre en oeuvre selon les contextes, permettent de suppléer le manque de données
sur un petit bassin par une analyse statistique régionale. La disponibilité de ces méthodes ne doit
en rien permettre de relâcher les efforts de suivi et d?archivage des données de débits pour
disposer des meilleures séries de données possibles, en exhaustivité et en représentativité.
Mettre à jour les références hydrauliques des crues anciennes en
fonction de l?évolution des vallées et des bassins versants
L?exemple de la vallée de l?Ahr fournit également des éléments illustratifs sur ce point. Dans des
zones agglomérées de cette vallée, marquée par 134 décès en juillet 2021, figuraient sur des
bâtiments des repères physiques du niveau atteint par la crue de 1804, qui s?est avérée avoir un
débit de pointe comparable à celui de 2021. Mais le niveau de l?eau en 2021 a pu dépasser de plus
de deux mètres celui atteint en 1804 au droit de la même maison. Parmi les causes évoquées
figurent la densification des constructions et infrastructures dans le fond de vallée, laissant moins
de place de passage à l?eau, l?évolution des aménagements et pratiques agricoles sur les
versants? On peut également s?interroger sur le rôle qu?ont pu jouer des embâcles, « sur-risque »
en partie aléatoire, dans le niveau maximum instantané atteint par l?eau. En tout état de cause, les
aménagements de la vallée ont localement aggravé les conditions de submersion en 2021, par
rapport à un événement hydrologique comparable en 1804 (même débit arrivant à l?amont d?une
agglomération).
Quoi qu?il en soit, loin de réduire l?intérêt d?apposer des marques de crues historiques qui
concourent à la sensibilisation et à l?information de la population, cette situation observée sur la
vallée de l?Ahr conduit à recommander « d?expertiser » la vraisemblance actuelle des repères de
crues historiques au regard des débits maximaux correspondant aux conditions d?écoulement de
l?époque : pour les sites sur lesquels il y a lieu de suspecter une forte densification du lit majeur
et/ou une évolution marquée des conditions de formation des crues (imperméabilisation,
accélération des ruissellements?), il serait important de profiter de modèles hydrauliques existants
ou de travaux de modélisation à venir pour estimer les niveaux qui seraient atteints aujourd?hui
pour un événement hydrométéorologique ancien, et d?apposer un deuxième repère de nature
46 Thieken A. Kemter M. Vorogushyn S. Berghäuser L Sieg T. Natho S. Mohor G.S. Petrow T. Merz B. &
Bronstert A. (2021). Extreme Hochwasser bleiben trotz integriertem Risikomanagement eine Herausforderung
Rapport de recherche des projets ExTrass (Urban Resilience to extreme Weather Events) et NatRiskChange
(Natural Hazards and Risks in a Changing World) Université de Potsdam 10 p.
47 Gaume E. (2018). Flood frequency analysis: the Bayesian choice WIREs Water e1290 11 p.
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différente qui montre le niveau minimum qu?atteindrait aujourd?hui l?événement historique en
question. La comparaison entre les deux permettrait non seulement d?actualiser l?information
historique, mais aussi de sensibiliser aux actions locales et aménagements qui aggravent les
risques indépendamment du climat
Recommandation 8. Promouvoir le principe d?ajouter un deuxième repère de crue historique,
de nature différente, qui montre le niveau minimum qu?atteindrait aujourd?hui l?événement
historique en question (DGPR, DGSCGC, préfets de département).
Accélérer la prise en compte des risques de ruissellements
L?événement de juillet 2021 s?est traduit aussi bien par des débordements de cours d?eau, avec
des dynamiques ou des niveaux de « brutalité » variables, que par ce qu?on dénomme
« ruissellements », y compris dans des sites où ce risque n?était ni connu ni anticipé. Les outils de
connaissance et de caractérisation sont divers, selon les pays concernés, et ont fait l?objet de
décisions de développement suite aux inondations. La prise en compte dans l?aménagement de
l?espace constitue un enjeu bien identifié. En France, les besoins de plus grande connaissance et
prise en compte de ce risque sont soulignés par des rapports d?inspection48 et traduits dans la
feuille de route 2022-2024 des services déconcentrés de l?Etat en matière de prévention des
risques naturels et hydrauliques 49 . C?est un enjeu croissant, aussi bien dans les zones
habituellement exposées à ce risque, que dans des zones où la montée en fréquence et en
intensité d?événements orageux va faire des ruissellements un enjeu croissant.
En termes de définition, on reprend celle retenue par le ministère en charge de l?environnement,
sur la proposition d?un groupe de travail de son réseau scientifique et technique - RST (feuille de
route « risques liés aux ruissellements », 202050) : « tout écoulement surfacique (diffus) ou linéaire
(concentré) concernant un territoire dont le bassin versant amont a un temps de réponse de moins
de deux heures ». Cela correspond en pratique à des bassins versants qui ont moins de quelques
dizaines, voire jusqu?à une centaine, de km2. Cette définition permet de recouvrir la très grande
diversité physique des phénomènes, entre un écoulement en surface sur un pan de versant naturel
ou urbanisé, un écoulement dans un vallon habituellement sec voire habituellement occupé par un
petit ruisseau très faible par rapport à l?écoulement qui prend place suite à un orage intense?
Ces phénomènes, éloignés des logiques de propagation de crue et de débordement de cours d?eau,
posent des difficultés de prévision et même de localisation potentielle : ils sont très dépendants de
la topographie à une échelle très locale et sont provoqués par l?intensité sur place des précipitations,
elles-mêmes difficiles à prévoir. En considérant ces ruissellements au sens large, qui intègrent les
crues soudaines (« flash floods » selon l?expression internationale consacrée), la feuille de route
du RST indique qu?ils génèrent en moyenne sept morts par an en France, et des dommages
matériels du même ordre de grandeur que les crues fluviales. Pour certaines inondations, jusqu?à
50% des sinistres indemnisés au titre du régime des catastrophes naturelles se situent hors des
zones identifiées de débordement de cours d?eau, mais touchées par des ruissellements.
La feuille de route des services déconcentrés demande notamment de prendre en compte les
risques de ruissellements dans les plans de prévention des risques d?inondation, lorsque le risque
48 Propositions d'actions pour mieux gérer les inondations en zone méditerranéenne et limiter leurs conséquences
- synthèse du collège "Prévention des risques naturels et technologiques ", rapport CGEDD N° 010664-01.
Retour d'expérience des intempéries des 2 et 3 octobre 2020 dans les Alpes-Maritimes - Enseignements de la crise
et propositions pour une reconstruction résiliente, rapport CGEDD 013618-01 et IGA 20115-R, 2021.
49 Instruction du ministre de la Transition écologique 17 février 2022.
50 Université Gustave Eiffel et INRAE, avec Cerema, BRGM, Météo France, IGN, CSTB
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de ces ruissellements est majeur. Par ailleurs, on observe une diversité d?initiatives locales sur ce
point, avec des approches techniques diversifiées et parfois lourdes pour localiser et qualifier le
risque. La mission recommande en particulier, parmi les éléments mis en avant dans la feuille de
route du RST, que soient élaborés et diffusés des éléments de doctrine technique pour la
cartographie des risques de ruissellements, notamment pour que des diagnostics puissent être
réalisés par les acteurs locaux dans les endroits où il est urgent de commencer la prise en compte
des ruissellements dans la prévention, dans l?état actuel des outils et des connaissances. En
particulier, il importe que des situations « courantes » de risques de ruissellement, sans difficulté
particulière, puissent trouver des outils et méthodes adaptés permettant, définitivement ou à titre
conservatoire, d?élaborer une cartographie utilisable de façon opérationnelle. Dans le même temps
et en parallèle, il reste indispensable de poursuivre le développement des connaissances et des
outils.
???Il importe par ailleurs que les pouvoirs publics facilitent et soutiennent des analyses
techniques post-événement sur les phénomènes de ruissellements, permettant d?enrichir
les outils existants et de les adapter.
Recommandation 9. Elaborer une doctrine technique de cartographie des risques de
ruissellement, permettant d?appréhender ce risque de façon opérationnelle pour les
situations « courantes », ou à titre conservatoire pour des sites nécessitant des
investigations et modélisations complexes (DGPR).
Prévenir les sur-risques
En dehors du phénomène hydrométéorologique proprement dit, un certain nombre de facteurs
anthropiques peuvent aggraver l?aléa ou la vulnérabilité humaine, matérielle et économique,
constituant de fait des sur-risques. On reprend ici certains de ces facteurs qui se sont manifestés
en divers territoires, lors de l?événement de 2021, et qui ont pu faire déjà l?objet de plans d?action
ou de réflexions dans tel ou tel pays.
On a pu observer sur différents sites, soumis à des phénomènes d?une rareté variable en juillet
2021, des submersions de centres de secours. Les implantations de ces centres doivent répondre
à divers enjeux de proximité, d?accessibilité ? en réponse à tout un ensemble de risques. Pour
autant, l?inondation d?un centre de secours constitue un sur-risque manifeste en cas d?inondation,
en considération du rôle éminent des services tout au long d?un événement. Dans son rapport
thématique de juillet 2012 "les enseignements des inondations de 2010 sur le littoral atlantique
(Xynthia) et dans le Var", la Cour des comptes a recommandé de supprimer ou de relocaliser dans
les meilleurs délais les centres de secours situés en zone inondable. La mission souscrit à la
recommandation de la Cour des comptes, en priorité pour les zones inondables par des
phénomènes rapides.
Renforcer et fiabiliser les réseaux de communication
On a évoqué plus haut les décisions prises en matière d?obligations législatives de fiabilité de
réseaux mobiles en Allemagne (enjeux par exemple de continuité de l?alimentation électrique des
antennes). Selon les pays, des dispositifs de diffusion cellulaire « cell broadcast » étaient en place
en 2021, étaient en cours de développement ou de mise en place comme en France avec FR-Alert,
ou ont fait l?objet de décisions post-événement.
???Il importe que les premières mises en oeuvre, pour divers types d?événements,
d?alertes par diffusion cellulaire, fassent l?objet de retours d?expérience sur le terrain et
d?évaluations.
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Plus généralement, la question des télécommunications est un enjeu majeur aussi bien pour la
population que pour les autorités en charge, et dépasse la question du cell broadcast. La mission
reprend à son compte les recommandations, actualisées, issues du retour d?expérience de la
tempête Alex dans les Alpes Maritimes en 202051 : packs téléphonie mobile multi-forfait pour
diversifier les réseaux utilisables par les autorités et les équipes de secours et d?intervention,
équipements hybrides entre réseaux opérateurs et mode direct ...
Amplifier la lutte contre les sources d?embâcles
Les inondations de 2021 ont montré, une fois de plus, l?aggravation du risque par les phénomènes
d?embâcles (montée accrue des eaux à l?amont d?un « barrage temporaire », vagues provoquées
par la rupture de ces obstacles, emportements de ponts ou de chaussées?). Ces embâcles sont
constitués de végétation ligneuse arrachée aux berges, de véhicules, d?équipements domestiques
ou professionnels emportés par les eaux (citernes?), de déchets laissés en fond de vallée ou de
vallon... Outre la question principale de l?aggravation de l?aléa et donc du risque, il est très difficile
de prévoir quantitativement l?effet physique sur l?aléa de ces embâcles, pour les intégrer dans les
politiques de protection ou de gestion de crise. La réponse première et prioritaire à apporter est
donc la prévention : entretien de la végétation dans les cours d?eau et les vallons secs pouvant
être le siège de ruissellements, enlèvement des déchets et dépôts dans les zones de courant,
évacuation préventive des véhicules, ancrage des équipements dépassant une certaine taille.
Gérer les digues de façon résiliente
Les digues destinées à protéger des inondations, et certaines infrastructures pouvant jouer ce rôle
(digues de navigation, remblais routiers ou ferroviaires?), évitent la submersion jusqu?à un certain
niveau de crue ou de ruissellement, sauf défaillance, et au-delà laissent « passer » l?eau de façon
plus ou moins maîtrisée, jusqu?à ne plus avoir d?effet sur le niveau de l?eau atteint pour des
événements très importants. Elles réduisent le risque pour les événements inférieurs à leur niveau
de dimensionnement et dans les limites de leur fiabilité, elles aggravent le risque lorsqu?une
défaillance (rupture?) ou un dépassement du niveau de protection par la crue conduisent à une
irruption brutale de l?eau dans la zone inondable jusqu?ici protégée.
Les niveaux de cadrage législatif et réglementaire du dimensionnement des digues, de leur sûreté,
des responsabilités afférentes et de la sécurité des zones protégées sont très divers, selon les
territoires touchés par les inondations de juillet 2021. La France dispose d?une politique développée
d?assez longue date sur ces différents aspects (en l?absence toutefois de « normes » définissant
un niveau statistique de protection), politique qui continue à se déployer notamment dans la
continuité du plan submersion rapide et qui répond utilement à un grand nombre de préoccupations
identifiées au cours de l?été 2021.
Pour autant, le retour d?expérience conduit à mettre en exergue deux éléments de la politique
néerlandaise, qui méritent d?être mis en avant malgré la différence de contexte avec notre pays
(les inondations de 2021 ont touché la partie la plus continentale des Pays-Bas). Mi-juillet 2021, à
son entrée aux Pays-Bas dans la province du Limburg, la Meuse a connu les plus forts débits
jamais mesurés. Les digues, et leurs renforcements en temps réel, ont été très sollicités, mais les
dommages liés à la Meuse ont été limités notamment grâce à ces digues. Il s?en est parfois fallu
d?extrêmement peu que des ouvrages ne soient dépassés. Les experts ont pu mesurer, a posteriori,
le rôle important qu?a joué le programme « room for the rivers » (de la place pour les rivières),
conduisant pendant une dizaine d?années à élargir l?espace entre les digues, en recourant au
besoin à des expropriations de bâtiments, pour réduire les hauteurs de l?eau en crue entre ces
digues.
51 Retour d'expérience des intempéries des 2 et 3 octobre 2020 dans les Alpes-Maritimes - Enseignements de la
crise et propositions pour une reconstruction résiliente, rapport CGEDD 013618-01 et IGA 20115-R, 2021.
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Par ailleurs, les autorités en charge des digues, comme le waterschaap du Limburg, ont la
possibilité de mobiliser des volontaires (préparés avec notamment une réunion annuelle) pour
surveiller les digues au cours de la crue, sous la coordination de professionnels compétents
(agents du service, professionnels volontaires?) : en de nombreux points, cette surveillance et
l?action encadrée des volontaires ont permis d?identifier des débuts d?érosion dans le corps de
digue, et de bloquer le phénomène qui aurait conduit à la rupture de la digue. Les Néerlandais ont,
au-delà, pu installer des caméras pour surveiller ces points faibles et guider ainsi l?action des
volontaires. Il faut indiquer, par contre, qu?en l?absence d?encadrement professionnel sur site, des
volontaires ont pu décider de renforcer des digues de façon techniquement inopportune, en les
fragilisant par une surcharge trop lourde au lieu de les consolider.
En France, le document d?organisation, élaboré par le responsable d?un système d?endiguement,
prévoit notamment les conditions de surveillance des ouvrages en situation courante et en situation
de crue52. Il n?est fait référence qu?à du personnel de l?établissement responsable, ou à des sous-
traitants.
La mission recommande d?étudier une telle démarche de surveillance impliquant des volontaires,
pour des digues d?une certaine taille, démarche qui, outre la protection apportée, apparaît
constituer un vecteur fort de sensibilisation de la population au risque d?inondation en général et
aux limites de la protection apportée par les digues. En effet, tous les territoires en 2021 ont plus
ou moins explicitement fait le constat non seulement d?un besoin général de renforcer la
sensibilisation de la population au risque d?inondation, mais aussi du sentiment exagéré de sécurité
qu?apporte la présence de digues. Une telle démarche, sous la responsabilité des collectivités en
charge de la compétence GEMAPI et donc des systèmes d?endiguements, pourrait utilement être
expérimentée dans le cadre de programmes d'actions de prévention des inondations (PAPI), avec
l?appui des services de l?Etat.
Recommandation 10. Expérimenter, dans le cadre de la compétence GEMAPI, et à l?occasion
de la mise en oeuvre de PAPI, la mise en place d?un dispositif de surveillance des digues
mobilisant des volontaires préparés et encadrés (DGPR, préfets de département).
On peut noter, pour finir, toujours dans la province du Limburg, d?une part, le choix de rendre
publiques des données interprétées sur la fiabilité des digues, d?autre part, la tenue à jour au cours
de l?événement de la liste des points faibles relatifs des digues, afin de prioriser les interventions
d?urgence au fil de la crue. Il s?agit là d?un sujet de réflexion, dans le cadre de la politique actuelle
de gestion des ouvrages de protection en France.
Réexaminer les consignes de gestion des barrages en fonction de
l?évolution saisonnière des enjeux et informer sur le sujet
Dans les retours d?expérience de juillet 2021, et de façon très intense concernant la vallée de la
Vesdre en Wallonie, on observe des mises en cause de manoeuvres de barrages qui auraient soit
aggravé la crue (création de « vagues », par exemple), soit insuffisamment assuré un rôle
d?écrêtement. On peut considérer qu?il s?agit là d?une « tentation » récurrente lors d?événements
de crues, compréhensible quand il s?agit d?acteurs qui ne disposent ni de la connaissance basique
sur le fonctionnement des barrages ni d?informations concrètes propres au fonctionnement des
ouvrages au cours de l?événement. Ainsi, les barrages du haut bassin de la Vesdre ont toujours
relâché vers l?aval un débit inférieur au débit entrant, et ont assuré un stockage très significatif
d?une partie de la crue, en regard de leurs caractéristiques techniques.
52 Arrêté du 8 août 2022 précisant les obligations documentaires et la consistance des vérifications et visites
techniques approfondies des ouvrages hydrauliques autorisés ou concédés.
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Sans détailler les faits sur ce territoire, ni la problématique générique couramment rencontrée, on
peut mettre en exergue deux questions mises en évidence par les inondations de juillet 2021, les
règles de gestion des barrages à usages multiples, et l?information correcte de la population sur
l?effet des barrages au cours d?un événement d?inondation.
Les barrages sont conçus pour remplir une ou plusieurs fonctions, qui peuvent s?avérer
concurrentes ou difficilement conciliables dans certaines circonstances. Ainsi, un barrage qui serait
conçu pour écrêter des crues seulement hivernales et soutenir des étiages uniquement en été est
confronté à la question de l?optimisation de son fonctionnement aux intersaisons : garder assez de
volume stockable pour les crues tardives sans compromettre le besoin de remplissage au
printemps, faire face aux étiages qui se prolongent au-delà de « l?été indien » tout en commençant
à vider le barrage par anticipation de crues précoces en automne. Les travaux de caractérisation
de ces enjeux, d?optimisation relative de la gestion, et de transcription de cette gestion dans les
consignes opérationnelles relèvent de méthodes et de pratiques élaborées de longue date. Il faut
cependant continuer d?améliorer, d?une part, les méthodes de prévision et d?anticipation des débits
en regard des incertitudes que réserve le cycle de l?eau au quotidien, d?autre part, la manière
d?intégrer ces prévisions et incertitudes au fil de la gestion opérationnelle de l?ouvrage. Avec
l?évolution climatique, qui se traduit, dans la moitié nord de la France métropolitaine par des hivers
plus pluvieux en volume de pluie cumulé, des pluies estivales plus intenses, et des étiages estivaux
plus intenses, on est susceptible de compliquer la synthèse et la prise en compte de ces enjeux
au fil des saisons. Comme cela a été engagé suite aux événements de juillet 2021 pour le barrage-
réservoir sur la Marne, qui a atteint les limites de sécurité de remplissage en 2021 (crue ayant un
impact significatif sur la partie du bassin versant à l?amont, alors que le barrage était quasi plein
pour faire face aux besoins d?eau en été), l?évolution du climat et l?évolution des enjeux d?usages
des barrages à buts multiples doit conduire à réexaminer les règles de gestion, et le règlement
opposable qui en découle. Les débats avec les acteurs de terrain sur la gestion des barrages sont
suffisamment fréquents pour qu?il ne soit pas besoin d?exprimer une recommandation formelle.
Mais rien n?empêche d?anticiper, si l?opportunité s?en présente.
Programmer des travaux estivaux sur les ouvrages hydrauliques et
les cours d?eau en intégrant le risque d?inondations
Dans les territoires touchés par les inondations de juillet 2021 et avant cet événement, on
considérait souvent que l?été était la saison calme en matière d?inondations, voire une saison
exempte d?événements d?ampleur. Si les crues estivales vont rester bien moins fréquentes que les
crues hivernales dans les territoires touchés en 2021, leurs occurrences vont néanmoins croître
statistiquement. On peut considérer que l?été restera « la meilleure période » pour un certain
nombre de travaux concernant les cours d?eau et les aménagements hydrauliques. Dès lors, il est
indispensable de porter une attention accrue aux modalités de gestion de crise des travaux et
chantiers en cas de crue ou de risque de crue, avec des procédures d?anticipation et de « mise en
sécurité » du chantier, mais aussi de « neutralisation » des impacts du chantier, en l?occurrence
l?évitement ou la limitation des éventuelles aggravations de l?inondation pour les tiers.
Programmer les opérations estivales de maintenance des dispositifs
de gestion de l?eau
De même que pour les travaux et aménagements « hydrauliques », dans les régions présentant
très majoritairement des crues et inondations en-dehors de la saison d?été, des maintenances de
systèmes de gestion de l?eau au sens large, de logiciels? sont de préférence programmées en
été pour éviter ou limiter le risque d?être confronté à des crues. On l?a vu pour les dispositifs de
prévision, mais cela peut concerner d?autres dispositifs. Il importe là aussi de renforcer l?application
du principe de prudence, de prévoir par exemple une redondance entre le dispositif qu?on maintient
ou fait évoluer et une version stable du dispositif préexistant, afin d?éviter de se retrouver dans une
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situation non-opérationnelle en cas de réalisation du risque de crue.
Compléter la planification de la gestion de crise
On ne revient pas ici sur les documents de planification de la gestion de crise, les éléments
recueillis par la mission ne conduisant pas à proposer des points d?attention ou d?évolution
significatifs concernant les plans d?organisation des secours (ORSEC) ou des plans spécialisés, et
les PCS et PICS qui font l?objet de recommandations et de suggestions plus haut (ces PCS et PICS
ont connu des évolutions législatives et réglementaires récentes en France, rappelées aux
paragraphes 3.3.2 et 3.3.3, qui formulent différentes recommandations à ce sujet).
On reprend ci-dessous quelques questions particulières complémentaires mises en avant par les
différents retours d?expériences et apprentissages suite à juillet 2021.
Organiser une coordination au sein de bassins de vie et de risques
transfrontaliers
Pour ce qui concerne la France, la mission n?a pas identifié de difficulté particulière en termes de
coordination et de coopération transfrontalières, qu?il s?agisse de prévision des crues ou d?envoi
d?équipes de secours, même si elle met en lumière quelques principes simples facilitant cette
coopération (Cf. supra, paragraphe 3.1). Ainsi, les dispositifs de prévision des crues coordonnés
sur le Rhin, la Meuse et leurs affluents ont apparemment fonctionné de façon nominale, assis sur
une coopération technique et institutionnelle éprouvée. Pour autant, différents documents
consultés par la mission formulent la recommandation générale de développer une planification de
gestion de crise à l?échelle transfrontalière : déplacements, évacuation, refuges, mobilisation et
accès des secours. La mission ne peut que souscrire à cet objectif.
Réaliser des « stress tests territoriaux » intégrant les impacts du
changement climatique
Aux Pays-Bas, dans le cadre du retour d?expérience national 53 , a été exprimé l?intérêt de
développer des « stress tests » suprarégionaux à l?échelle nationale, ainsi que dans le cadre de
coopérations internationales existantes et nouvelles, en particulier concernant les bassins versants
et systèmes régionaux de gestion de l'eau. Lors de l?entretien conduit par la mission avec des
représentants du ministère néerlandais de l?Infrastructure et de la Gestion de l?eau ? Ministerie van
Infrastructuur en Waterstaat- ces derniers ont exprimé l?intérêt d?associer la France à cet objectif,
en particulier par une collaboration sur le développement de « stress-tests » territoriaux
coordonnés, portant sur les risques d?inondations, de sécheresse, de canicule, d?humidité des sols
(Cf. le cadre développé au sein du Plan Delta https://klimaatadaptatienederland.nl/en/policy-
programmes/delta-plan-sa/stress-test/). Cette réflexion est conduite conjointement avec un
réexamen de la stratégie nationale d?adaptation au changement climatique.
La mission recommande aux ministères compétents d?explorer les perspectives intéressantes
d?une telle coopération, en regard des analyses de vulnérabilité du territoire prévues dans le cadre
des PCAET (Plan Climat Air Energie Territorial) et en accord avec les recommandations émises
par la DGSCGC, ainsi qu?en relation avec les travaux de l?Association française pour la prévention
des catastrophes naturelles et technologiques (AFPCNT), concernant les démarches de résilience
53 Eindadvies Beleidstafel wateroverlast en hoogwater - Voorkomen kan niet voorbereiden wel allemaal aan de
slag (Avis final de la table-ronde "table d'orientation" sur les politiques en cas d'inondation et de crue résumé public)
Ministerie van Infrastructuur en Waterstaat La Haye décembre 2022 12 p.
Beleidstafel Wateroverlast en Hoogwater Achtergronddocumenten (Documents d'information sur les inondations
de la table ronde "table d'orientation" sur les politiques en cas d'inondation et de crue) Ministerie van Infrastructuur
en Waterstaat décembre 2022 55 p.
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https://klimaatadaptatienederland.nl/en/policy-programmes/delta-plan-sa/stress-test/
https://klimaatadaptatienederland.nl/en/policy-programmes/delta-plan-sa/stress-test/
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aux risques naturels et technologiques.
Recommandation 11. Dans le cadre d?une coopération multilatérale avec les pays les plus
touchés par les inondations de 2021, et suite à l?invitation de principe des Pays-Bas,
engager à titre expérimental des démarches de « stress tests territoriaux » traitant
notamment des risques d?inondation sur une grande aire géographique (DGPR, DGSCGC).
Améliorer les relations avec les médias pour assurer que tous les
messages de consignes soient relayés
Des événements très intenses et difficiles à anticiper comme ceux de juillet 2021 compliquent la
stabilité et la lisibilité des messages adressés à la population. Ainsi, il a pu arriver qu?en cours
d?événement, sur un secteur, une consigne de mise à l?abri dans les étages des bâtiments soit
suivie d?une consigne d?évacuation hors de la zone, après la prise de conscience de l?intensité du
risque. Dans un cas d?espèce, les médias avaient tous relayé le premier message, mais pas
forcément le deuxième, générant des confusions. Ont été évoquées par ailleurs (Cf. supra 3.3.5)
des initiatives concernant les relations médias, et par extension les questions liées aux réseaux
sociaux. La mission souhaite attirer l?attention sur la sensibilité de ces questions, s?agissant de
crises rapides, parfois totalement inédites localement.
Anticiper les modalités de gestion des déchets
Les inondations de 2021 ont aussi, lors des deux jours les plus critiques, engendré du transport et
du dépôt, par les cours d?eau, d?un très gros volume de déchets, débris, matériaux :
? en Allemagne, 200 000 tonnes de gros déchets rien que dans le district le plus touché de
Ahrweiler ;
? en Wallonie, 150 000 tonnes de déchets évacués un an après la catastrophe ; des
estimations mentionnent un total de 340 000 tonnes de déchets, débris, matériaux
emportés ;
? aux Pays-Bas, on a estimé que la Meuse a transporté un volume de déchets plastiques
correspondant à 95% du transport annuel moyen par ce cours d?eau.
???L?organisation logistique de la gestion progressive de ces déchets, au fil des jours
et des semaines suivant la catastrophe, constitue de fait un enjeu important, qui nécessite
d?être anticipé comme l?indiquent les retours d?expérience réalisés.
Prendre en compte les vulnérabilités spécifiques des personnes
handicapées en termes de protection et de secours
Parmi les nombreuses victimes que l?on déplore en Allemagne, figure une partie des occupants
d?un établissement hébergeant des handicapés : le seul personnel présent n?a pu assurer
l?évacuation que d?une partie des résidents, avant que le bâtiment devienne inaccessible. Il s?agit
là tout d?abord d?une question de planification de la gestion de crise, typiquement au niveau de
l?établissement et dans le cadre des plans communaux de sauvegarde.
???Au-delà, est apparue la nécessité de faciliter les secours apportés durant la crise
aux personnes handicapées et aux populations vulnérables, en les associant à l?élaboration
des dispositifs et organisations, en formant des membres des services de secours au
langage des signes et à l?évacuation spécifique à certains handicaps, en améliorant et
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adaptant les outils de diffusion et de communication des alertes.
Préparer et sensibiliser aux risques d?inondation
La sensibilisation et l?éducation de la population aux risques d?inondation sont des activités de
longue haleine. Les événements de juillet 2021 n?apportent pas en soi d?éléments
fondamentalement nouveaux, ils ont montré des limites à la conscience et à la connaissance du
risque (qu?il s?agisse de sensibilisation préalable ou de traitement d?information en temps réel), et
ils sont l?occasion de rappeler un certain nombre de questions fondamentales à aborder comme :
? les limites à la prévisibilité des phénomènes et les inévitables « fausses alertes » dont il
faut documenter la réalité ;
? la différence entre prévision, vigilance et alerte ;
? les risques « résiduels » même en présence d?ouvrages de protection ;
? l?importance de la préparation, des exercices?
Dans les conclusions de la table-ronde nationale néerlandaise de retour d?expérience54 , sont
exprimées les limites d?actions de communication génériques, non différenciées. Il est a contrario
suggéré de déterminer des groupes cibles parmi la population et les acteurs professionnels
potentiellement concernés, d?étudier leur perception du risque et leurs besoins d'informations, pour
cibler la communication. Les campagnes conduites en France ciblent des comportements, des
situations. La mission n?a pas identifié de campagnes existantes ciblant des groupes
démographiques ou sociaux, ou des domaines professionnels.
Il apparaît important, au-delà des initiatives, d?évaluer régulièrement l?impact des campagnes de
sensibilisation, comme la campagne nationale annuelle relative aux crues méditerranéennes, ou
les actions qui se développent en déploiement du Plan « tous résilients face aux risques ». Pour
ce faire, la mission recommande, outre les enquêtes d?opinion et de sensibilisation qui peuvent
être menées de façon générique, de conduire des évaluations spécifiques auprès de différentes
cibles, sur des territoires diversement exposés, voire sur des territoires récemment sinistrés pour
analyser l?impact réel des actions de politique publique sur les comportements effectifs. Ce dernier
point, en particulier, nécessite le recours à des méthodes très élaborées, à mettre en place avec
un appui scientifique.
Recommandation 12. Conduire des actions ciblées d?évaluation de l?impact des campagnes
de sensibilisation et d?information (DGPR).
Le développement des dispositifs de diffusion cellulaire, et le recours massif des sinistrés à la
téléphonie mobile pour chercher et donner de l?information, conduisent à prendre en compte cette
réalité dans les consignes types données aux personnes exposées au risque : si l?on évoque assez
systématiquement le fait de disposer d?un appareil de radio muni de piles, il semble aujourd?hui
indispensable d?ajouter à la liste des équipements indispensables des batteries extérieures
chargées permettant d?alimenter les téléphones mobiles (Cf. paragraphe 4.2).
54 Eindadvies Beleidstafel wateroverlast en hoogwater - Voorkomen kan niet voorbereiden wel allemaal aan de
slag (Avis final de la table-ronde "table d'orientation" sur les politiques en cas d'inondation et de crue, résumé public)
Ministerie van Infrastructuur en Waterstaat La Haye décembre 2022 12 p.
Beleidstafel Wateroverlast en Hoogwater Achtergronddocumenten (Documents d'information sur les inondations
de la table ronde "table d'orientation" sur les politiques en cas d'inondation et de crue), Ministerie van Infrastructuur
en Waterstaat, décembre 2022, 55 p.
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Enfin, des propositions ou expériences en ce sens conduisent à suggérer la mise en place de
personnes contacts (élus, agents publics, volontaires) dans les quartiers inondables, pour appuyer
toutes les actions préventives, voire renforcer l?impact et la crédibilité, le cas échéant, des
messages d?alerte et des consignes de comportement.
Dans les contacts et documents concernant l?Allemagne et les Pays-Bas, la mission a pu noter le
caractère très explicite d?un message institutionnel de fond insistant sur l?importance que chacun
se prenne personnellement en charge en cas de catastrophe, et essaie d?assurer sa propre
protection.
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5 Retours d?expérience et enseignements concernant
l?après-crise : retour à la normale, réparation,
indemnisations, et apprentissage
Les inondations de juillet 2021 ont eu des impacts humains très intenses sur certains territoires et
parfois tragiques au vu du nombre de victimes en Allemagne et en Belgique, et ont provoqué de
forts cumuls régionaux de dommages sur les biens immobiliers, sur les infrastructures, sur l?activité
économique? L?après-crise est déterminé par ces facteurs d?intensité et de gravité à la fois aux
échelles très locales et régionales. Les moyens humains et matériels mobilisés, par exemple en
Allemagne et en Belgique, dépassent de très loin le cadre local. C?est sur chaque territoire que
l?après-crise se construit, dans son contexte régional et national. Le présent chapitre n?a d?autre
ambition que de rendre compte de quelques idées ou expériences qui peuvent constituer des
sources d?inspiration pour tel ou tel territoire qui aurait été touché, voire pour des initiatives
nationales génériques. Il est complémentaire des retours d?expérience réalisés sur divers
événements intenses d?inondations en France, sur des territoires spécifiques.
Les politiques d?indemnisation mises en oeuvre dans les pays concernés font l?objet de l?annexe 7.
Les débats sur d?éventuelles évolutions de ces politiques sont encore en cours, au moment de
l?établissement de ce rapport.
Comme cela a été le cas dans les Alpes Maritimes, après la tempête Alex, la reconstruction peut
s?inscrire dans des démarches de projets de territoire, ou comme dans l?Aude après les inondations
de 2018, dans des projets d?évolution de l?aménagement de la commune. Pour des événements
catastrophiques en particulier, l?accompagnement par l?Etat de ces étapes clé de « l?après »
mobilise une organisation ad-hoc qui prend diverses formes, pouvant aller par exemple jusqu?à la
nomination d?un préfet à la reconstruction. Le principe de projet territorial apparaît parmi les suites
données aux inondations de juillet 2021, et s?accompagne inévitablement de réflexions et
stratégies de prévention, de résilience, le cas échéant avec une évolution provisoire du cadrage
national de l?urbanisme en zone inondable, en attendant une évolution pérenne. La mission n?a
toutefois pas été en mesure, dans le calendrier et les modalités de son travail, de recueillir des
informations représentatives de ces initiatives territoriales sur le terrain. Cela n?en constitue pas
moins une question très importante.
Les inondations d?octobre 1940 en Catalogne et Languedoc-Roussillon
Malgré la désorganisation des services de météorologie due à la guerre, il est relevé 840 mm de
pluie le 17 octobre, ce qui est officiellement considéré comme le record d'Europe de précipitations
en 24 heures, alors que le pluviomètre a débordé plusieurs fois ; la valeur de 1 000 mm semblerait
cohérente avec la réalité. Le bilan humain est de 50 morts dans les Pyrénées-Orientales (dont 23
à Amélie-les-Bains) et de 320 en Catalogne.
A Amélie-les-Bains, l?urbanisation avait empiété sur le lit mineur du Tech. La reconstruction,
réalisée après-guerre, a consisté à enlever des obstacles dans le lit mineur du Tech et à ériger des
digues surélevées dans la traversée de la commune.
Coordonner les acteurs de l?après-crise
Des territoires fortement ou très fortement touchés en juillet 2021, est ressorti le constat d?une très
forte expression concrète de solidarité locale et nationale, avec notamment un afflux de volontaires
et de bénévoles, à très court terme, pour l?aide matérielle et morale aux personnes, l?aide au
nettoyage et au déblayage? En différents endroits les responsables locaux ont été pour le moins
surpris par cet afflux. Des associations spécialisées, mais aussi des entreprises et des particuliers
sont venus en nombre, selon des modalités, des temporalités et des durées variées, au point que
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se sont fortement posées des questions de coordination, d?orientation, et de logistique. A titre
d?exemple, des entreprises ont pu mettre en place des navettes pour amener les gens à pied
d?oeuvre depuis des points d?accès ou d?hébergement. Ces questions ont été évoquées plus haut
(paragraphe 3.3.6) en relation avec la planification locale de gestion de crise.
Parmi les actions ou apprentissages figurent notamment le principe de mise en place de
plateformes internet, partagées entre pouvoirs publics et associations, pour que les volontaires et
bénévoles puissent se signaler, avoir des informations d?ordre logistique, s?orienter s?ils le
souhaitent vers des priorités identifiées et affichées par les pouvoirs publics ou en leur nom?
Les efforts et charges de coordination ne sont pas anodins (Cf. paragraphe suivant), ils sont à la
hauteur de l?aide apportée par les volontaires et bénévoles qui s?est avérée très importante dans
des territoires fortement sinistrés.
Renforcer temporairement les services publics locaux
Les heures, jours et mois qui suivent une telle catastrophe nécessitent une activité démultipliée de
différents services publics, et notamment des collectivités locales, en raison de l?absence d?une
partie des agents, des besoins urgents et intenses - sociaux et économiques - spécifiques à la
période post-événement, des conditions dégradées de travail (déplacements, lieu de travail?), des
nécessités multiples de coordination d?actions particulières, du retour progressif des tâches
habituelles.
En Allemagne, par exemple, l?État fédéral et les Länder ont mis en place un certain nombre de
mesures permettant de renforcer les effectifs des collectivités locales et de leurs services, pour
faire face :
? mise à la disposition des collectivités de fonctionnaires fédéraux ou de fonctionnaires des
Länder ;
? mobilisation de fonctionnaires retraités avec une contrepartie financière;
? mise à disposition de postes de renforcement des autorités scolaires.
Les modalités pour ce faire sont évidemment spécifiques au corpus réglementaire de chaque pays.
En France, les préfectures et le tissu associatif de la sécurité civile assurent le fondement de cette
mission.
Adapter temporairement les procédures
L?après-catastrophe, hors gestion directe de crise, reste une période d?urgences :
? sécurisation des ouvrages ou bâtiments fragilisés par l?inondation (déstabilisation de
berges, d?ouvrages ou de bâtiments ) ;
? réponse aux besoins vitaux immédiats de la population sinistrée et aux détresses sociales
et économiques ;
? réparations, reconstructions, retours à la « normale » à un rythme prenant en compte les
enjeux psychologiques, sociaux, économiques, tout en considérant les enjeux
d?amélioration de la résilience du territoire, les nécessités de cohérence entre champs et
modes d?action, l?inscription des travaux et des investissements dans le projet d?avenir du
territoire.
Travaux de sécurisation, remises en état ou reconstructions, aides financières ? requièrent
diverses procédures réglementaires, propres à chaque pays et chaque contexte, dont les pouvoirs
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publics peuvent considérer qu?elles peuvent être simplifiées ou adaptées face aux différentes
urgences évoquées, et en regard des enjeux globaux à prendre en considération. Certaines
procédures ou démarches prévoient la prise en compte de situations d?urgence (par exemple les
autorisations de police administrative de l?eau en France), qu?elles aient été prévues pour les
situations rencontrées ou non.
A titre d?information, on mentionne ci-dessous des exemples de sujets sur lesquels les pouvoirs
publics ont été amenés à mettre en place des adaptations temporaires de la réglementation ou de
la législation après juillet 2021, sans entrer dans le détail de la délimitation du champ d?application
ni des conditions d?accompagnement :
? procédures afférentes à la commande publique ;
? règles de construction pour des hébergements d?urgence ;
? horaires de travaux ;
? encadrement du trafic des poids lourds ;
? allongement des durées permettant de bénéficier d'aides en raison de l'insuffisante
disponibilité d'artisans ;
? utilisation des surfaces agricoles en regard des aides ;
? mobilisation de fonctionnaires retraités avec majoration temporaire des pensions de
retraite ;
? possibilité d?augmentation55 des indemnités de certains élus locaux en raison de l?activité
supplémentaire et spécifique requise ;
? fiscalité (comme l?octroi de délais, des allègements fiscaux pour les dons aux sinistrés, la
non-imposition sur le chiffre d?affaires réalisé à titre gracieux?) ;
? simplification des possibilités d'aides directes des entreprises à leurs employés sinistrés ;
? dispositif pour l?insolvabilité due à la catastrophe naturelle.
Ces mesures de circonstances ont été prises, ici ou là, au fil de l?émergence des difficultés.
Certaines pourraient faire l?objet de dispositions génériques, à l?occasion d?une réforme dans le
champ concerné.
Au-delà des simplifications ou adaptations des cadres réglementaires et procéduraux, on peut
mentionner enfin une initiative particulière mise en place par la Chambre de l?artisanat du Land de
Rhénanie-Palatinat, pour répondre en même temps à des enjeux de réparation et à des enjeux de
formation et d?orientation professionnelles des jeunes : des jeunes volontaires participant aux
travaux de réparation et remise en état sont accompagnés par des actions de formation à trois
métiers manuels, et par du soutien, dans le but de faciliter leur orientation vers ces métiers manuels.
Traiter et suivre les impacts individuels et collectifs sur la santé
Une partie des retours d?expérience souligne l?importance des impacts des inondations sur la santé,
55 Cela a été fait dans le Land allemand de Rhénanie-Palatinat afin de soutenir la mobilisation des maires et des
élus des communes de la vallée de l?Ahr.
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immédiats ou différés, comme le font un certain nombre de travaux scientifiques et techniques56.
Cela concerne aussi bien les personnes sinistrées que des membres des services de secours ou
des volontaires, par l?effet direct de l?inondation, par l?effet de l?évacuation, par l?effet d?une sur-
sollicitation physique ou psychologique, par l?effet de l?arrêt ou de la perturbation d?un traitement
médical, par des blessures ou accidents à l?occasion du déblaiement et du nettoyage ? En
particulier, les impacts psychologiques touchent une part significative des personnes qui ont été
exposées, selon des travaux quantitatifs conduits sur des événements particuliers.
Suite à l?événement de mi-juillet 2021, ont été prises, selon les cas, des décisions nouvelles
relatives à l?assistance psychologique soit de la population sinistrée, soit des services de secours
et des volontaires et bénévoles. Concernant les Länder allemands les plus touchés, un retour
d?expérience a formulé des recommandations sur la continuité à apporter entre réponse sanitaire
immédiate à l?événement et suivi sur la durée, sur la connexion à assurer à court et moyen terme
entre l?assistance psychologique d?urgence et les praticiens du territoire.
Aux Pays-Bas, qui n?ont pas eu à déplorer de décès dus aux inondations, une enquête a été menée
auprès de professionnels de santé concernant un bassin de population de plus de 70 000
personnes : 68% de ces professionnels ont signalé des situations de stress et d?anxiété, pour
certains des situations de peur, mais aussi des cas de gastro-entérites, infections respiratoires,
infections de peau, blessures cicatrisant difficilement, problèmes articulaires? Un rapport
scientifique de retour d?expérience suggère notamment une démarche post-événement de contact
porte-à-porte auprès des personnes âgées, et un suivi des personnes vulnérables, pour répondre
au mieux aux enjeux de santé induits par l?inondation.
La mission recommande de réfléchir à un dispositif qui permettrait de suivre et d?évaluer l?impact
sanitaire d?inondations importantes ou très intenses, en regard de l?enjeu et du caractère limité des
connaissances disponibles, dans un but de compréhension des enjeux et de prévention et de
gestion de crise.
Recommandation 13. Conduire un travail exploratoire interministériel sur les possibilités et
modalités d?un suivi et d?une évaluation de l?impact sanitaire et psychologique
d?inondations importantes ou très intenses (DGS à solliciter par DGPR et DGSCGC).
Apprendre de la catastrophe et infléchir l?avenir
La mission a pu prendre connaissance de retours d?expériences et rapports d?enquête établis dans
les 18 mois ayant suivi la catastrophe, pour autant qu?ils soient finalisés et publics (Cf. annexes
par pays). Ces démarches apparaissent évidemment extrêmement importantes, pour les territoires
touchés comme pour ceux qui ont eu la chance de ne pas l?avoir été récemment. La mission
souscrit au principe de mise en place d?un cadre national de retours d?expérience et renvoie aux
travaux et recommandations présentés dans deux rapports du CGEDD57.
A échelle locale, le préfet de Meurthe-et Moselle a organisé un retour d?expérience sur les crues
de la Chiers et de la Crusnes, le 4 mai 2022, animé par la direction départementale des territoires
56 Alderman K. Turner L.R. & Tong S. (2012). Floods and human health: a systematic review. Environment
International 47 pp. 37-47.
Berry, P., Clarke, K.-L., Fleury, M. D., & Parker, S. (2014). Santé humaine. Dans "Vivre avec les changements
climatiques au Canada: perspectives des secteurs relatives aux impacts et à l'adaptation", édité sous la
responsabilité de Warren FJ et Lemmen DS, Gouvernement du Canada, pp. 191-232.
57 Retours d?expérience (REX) des inondations, Rapport n° 012486-01, Juillet 2019.
Guide méthodologique "APRÈS inondation" - Organisation de la collecte des données issues des REX inondation,
Juillet 2019, avec la participation du Cérema.
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(DDT) et le CEREMA. Il s?agit d?un secteur fortement touché en France, en regard de l?impact
national de ces inondations. Ce débriefing territorial, auquel ont contribué de nombreux acteurs
publics, a permis de partager de nombreuses informations et de répondre à de nombreuses
questions, concernant aussi bien le déroulement de l?événement que les suites à donner. La
mission ne peut qu?encourager la tenue de tels retours d?expérience locaux et considère qu?il doit
être érigé en exemple au titre des bonnes pratiques.
Recommandation 14. Organiser systématiquement des retours d?expérience locaux, après
une inondation importante ou intense, avec les représentants de l?Etat, des collectivités, et
les acteurs de la crise (DGSCGC, DGPR, préfets de département).
Le dernier point de ce paragraphe concerne la mobilisation de la recherche, aussi bien pour
contribuer au diagnostic et à la compréhension de l?événement à court terme, que pour capitaliser
des connaissances approfondies à moyen terme. Aux Pays-Bas, un collectif d?établissements
scientifiques « Expertisenetwerk waterveiligheid - ENW Dutch Expertise Network FLood Risk » a
rendu un premier rapport public d?analyse détaillée sur l?événement dès le 20 septembre 2021 :
aléas, impacts, gestion, effets sur la santé? Une version consolidée de ces travaux est à paraître
dans le cadre d?une revue en langue anglaise. En Wallonie, ce sont les autorités régionales qui ont
commandité et publié un rapport d?expertise indépendant à un bureau d?études étranger, associé
à des universitaires (rapport dit de « factualisation » le 8 octobre 202158, rapport de synthèse et
recommandations le 6 décembre59).
A posteriori, en Allemagne par exemple, a été lancé un programme de recherche post-événement
sur la gouvernance et la communication au cours des inondations de juillet 2021. Le comité
allemand pour la réduction des risques de catastrophes a mis en place une plateforme d'échanges
d'informations sur les recherches en cours ou les projets de recherche, avec des modalités de
diffusion de ces informations, pour faciliter les échanges scientifiques sur les travaux post-
catastrophe et éviter les doublons. Les scientifiques néerlandais ont identifié des besoins de
recherche mis en avant suite aux inondations et à leur gestion.
Cette mobilisation des scientifiques permet :
? d?enrichir les diagnostics y compris à très court terme, sous réserve de disposer de
consortiums d?établissements ou laboratoires et de réseaux qui ont anticipé la possibilité
de telles actions ;
? d?apporter une crédibilité renforcée par leur indépendance et leur expertise ;
? d?enrichir les apprentissages post-événements sur des sujets complexes concernant des
événements heureusement rares. ; de tels travaux peuvent très bien s?envisager dans un
cadre multilatéral, comme le programme européen pour la recherche et l'innovation
Horizon Europe60
La mission recommande, aussi bien aux administrations centrales concernées qu?aux structures
collectives d?orientation de la recherche et de l?expertise (alliances thématiques de recherche,
58 Stucky et Université de Liège (2021). Analyse indépendante sur la gestion des voies hydrauliques lors des
intempéries de la semaine du 12 juillet 2021 - Lot 1 factualisation, rapport au Cabinet du Ministre Wallon du Climat,
de l'Energie et de la Mobilité, 8 octobre 2021.
59 Stucky et Université de Liège (2021). Analyse indépendante sur la gestion des voies hydrauliques lors des
intempéries de la semaine du 12 juillet 2021 - Lot 2 recommandations, rapport au Cabinet du Ministre Wallon du
Climat, de l'Energie et de la Mobilité, 6 décembre 2021.
60 Voir par exemple l?appel à projet « Disaster-Resilient Society 2024 » https://www.horizon-europe.gouv.fr/disaster-
resilient-society-2024-34189 .
PUBLIÉ
https://www.horizon-europe.gouv.fr/disaster-resilient-society-2024-34189
https://www.horizon-europe.gouv.fr/disaster-resilient-society-2024-34189
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réseaux), d?élaborer des protocoles de mobilisation des scientifiques en cas de catastrophes afin
de permettre une mobilisation rapide à très court terme pour les sujets / questions qui nécessitent
des investigations « à chaud », soit pour ne pas perdre d?informations précieuses, soit pour
apporter des premières réponses consolidées à des polémiques émergentes, soit pour traiter des
questions nécessitant une expertise particulière ; cette mobilisation peut être articulée de
différentes manières avec les missions de retour d?expérience réalisées par les corps d?inspection
générale.
Les inondations, qui se produisent malheureusement souvent dans notre pays, et qui requièrent
des compétences scientifiques diverses pour leur étude, pourraient constituer un sujet pilote pour
une telle démarche, en s?appuyant notamment sur les pratiques de la DGPR en matière de
mobilisation de réseaux et équipes scientifiques.
Recommandation 15. Élaborer un protocole expérimental, sur le cas des inondations,
permettant à des équipes scientifiques organisées pour la circonstance de réaliser des
analyses multidisciplinaires à très court terme sur un événement de catastrophe, permettant
d?apporter un premier éclairage sur les causes, circonstances et impacts (DGPR, DGSCGC,
Alliance de recherche Allenvi).
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Conclusion
Pour établir ce retour d?expérience des inondations de mi-juillet 2021 en Europe du centre-ouest,
la mission a été confrontée d?abord à la forte sensibilité d?un événement catastrophique. Elle a
également été confrontée à la diversité des situations post-catastrophe (sensibilité, démarches en
cours?) dans les différents pays, au cours des 18 mois ayant suivi l?événement. Cette diversité
est notamment liée à l?hétérogénéité des phénomènes météorologiques et hydrologiques qui se
sont abattus sur des territoires différents, et aux différences entre pratiques et contextes
institutionnels. La diversité de ces situations et des accès aux informations constitue une difficulté
pour l?établissement d?un retour d?expérience, qui a été construit de façon pragmatique en
l?absence partielle de données analytiques.
Il y a fort à parier qu?une démarche coordonnée multilatérale de retour d?expérience aurait, d?une
façon ou d?une autre, rencontré les mêmes difficultés. Peut-être un délai plus important, après la
catastrophe, aurait-il permis de s?appuyer sur des retours d?expériences et des programmes
d?action nationaux partout finalisés, à compléter par des analyses spécifiques menées sur des
sujets particuliers, conjointement sur l?ensemble des pays. Mais il apparaît très utile de prendre
connaissance des expériences et réflexions des régions et pays voisins avant d?engager un
programme d?actions ambitieux. Des retours d?expérience de catastrophes sur plusieurs pays
seraient donc condamnés à composer entre différentes difficultés et limitations de méthode.
Pour autant, il est (hautement) probable que l?évolution récente et future du climat, accroissant la
variabilité des événements météorologiques et l?incertitude sur leur prévision, rende plus
nécessaire encore à l?avenir les retours d?expérience sur les catastrophes naturelles de grande
ampleur, dans un souci d?adaptation continue. Ces démarches gagneraient à être conduites plus
systématiquement à différentes échelles géographiques et institutionnelles, au niveau local comme
sur des régions transfrontalières. La mission considère qu?elles seraient plus faciles à mener et
plus riches dans leurs conclusions si elles pouvaient s?appuyer sur des analyses territoriales de
résilience conduites préalablement « en temps de paix », en associant les différents acteurs.
La démarche de « simulation » conduite par des experts aux Pays-Bas pour répondre à la question
« que se serait-il passé si la bombe d?eau était tombée au centre des Pays-Bas en juillet 2021 ? »
gagnerait à être partagée entre acteurs français (par exemple, « que ce serait-il passé si la bombe
d?eau était tombée sur le massif des Vosges ? »), comme source d?inspiration et de réflexion pour
investir tant dans les analyses de résilience que dans les retours d?expérience.
Olivier Diederichs
Philippe Louviau
Jean-Philippe Torterotot
Inspecteur général de
l'administration
Ingénieur général
des mines
Inspecteur général de
l?environnement et du
développement durable
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Annexes
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Annexe 1. : lettre de mission
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Annexe 2. : liste des personnes rencontrées
Annexe 2.1. France
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Annexe 2.2. Allemagne
Annexe 2.3. Belgique
Annexe 2.4. Pays-Bas
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Annexe 2.5. Organisations multilatérales de niveau européen
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Annexe 3. : les grandes caractéristiques de
l?événement d?inondations de mi-juillet 2021 en
Allemagne
Annexe 3.1. Rappel des événements et de leur bilan humain
Entre le 12 et le 19 juillet, les Länder de Rhénanie du Nord-Westphalie (Nordrhein-Westfalen NRW) et
de Rhénanie-Palatinat (Rheinland-Pfalz RP) ont été touchés de plein fouet par des inondations
provoquées par des pluies diluviennes suite à l?arrivée de la dépression « Bernd ». Le phénomène
touche aussi, mais de façon plus limitée, d?autres zones géographiques (Länder de Bade-Wurtemberg
de Saxe ainsi que la Bavière). Ces précipitations rares par la combinaison entre leur intensité, leur
étendue et la lenteur de déplacement du phénomène, se sont accumulées dans les régions
montagneuses de l?Eifel et du Sauerland. Le changement climatique a d?ores et déjà rendu de tels
événements plus probables et plus intenses. Le pic de la pluie s?est situé entre le 13 et le 14 juillet, avec
une chute d?eau de 100 mm en 24h, mais ponctuellement on a mesuré des pics supérieurs à 150 mm.
A l?échelle d?une petite région, on a estimé un cumul de 160 mm en 48 heures. Certains cumuls de
précipitations présentent des périodes de retour supérieures à 1000 ans, c?est-à-dire que ces cumuls
ont une probabilité inférieure à 1/1000 de se produire, au cours d?une année donnée.
Le 14 juillet, le niveau de la rivière de l?Ahr est passé de 40 cm à 3 m. A Ophoven, au Nord d?Aix-la-
Chapelle, à proximité de la frontière néerlandaise, le débordement du barrage de la Rur a même laissé
craindre un temps son effondrement mais ce n?est finalement qu?une digue en aval qui a cédé. Le pic
des inondations en résultant se situe dans la journée du 14 juillet et dans la nuit du 14 au 15 juillet.
Les cartes ci-dessous présentent respectivement :
? la localisation des Landkreise touchés à différents degrés en Allemagne. La zone à l?ouest
regroupe notamment les vallées de l?Ahr et de l?Erft, qui trouvent leur source dans le massif de
l?Eifel, et a concentré l?essentiel des victimes61 ;
? le cours de la rivière Ahr, qui prend sa source dans le Land de Rhénanie-du-Nord-Westfalie,
puis travers celui de Rhénanie-Palatinat, avant de rejoindre le Rhin entre Coblence et Bonn62.
61 Source : Bundesministerium des Innern für Bau und Heimat & Bundesministerium der Finanzen (2022). Bericht
zur Hochwasserkatastrophe 2021: Katastrophenhilfe Wiederaufbau und Evaluierungsprozesse rapport 85 p.
62 Lieth A. (2022). Zukunftsstrategien zur Katastrophenvorsorge prise de position écrite de la Commission
d?enquête du Landtag de Rhénanie-Palatinat 13 septembre 2022 52 pages (Hydroplan Ingenieur-GmbH).
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Le bilan humain est particulièrement lourd et constitue le bilan le plus meurtrier d?une catastrophe
naturelle en Allemagne jamais recensé63 avec 186 morts au total64, dont cinq pompiers décédés lors
des opérations de sauvetage et plus de 800 blessés graves. A noter que ce bilan est extrêmement
concentré géographiquement, les pertes les plus lourdes se situant dans la vallée de la rivière Ahr
(Ahrtal) -160 décès à elle seule- qui se partage entre les deux Länder de NRW et de RP. La plus grande
partie de la vallée se situe sur le territoire de RP et le sens de l?écoulement de la rivière Ahr va du sud-
ouest au nord-est (ce qui expose les communes relativement peuplées se situant le plus en aval de la
rivière, comme Bad Neuenahr-Ahrweiler, chef-lieu du district -Landkreis65- de Ahrweiler) ce qui explique
que le Land de RP compte, de loin, le plus de victimes (135 morts dont 133 dans le district de Ahrweiler,
contre 49 morts en NRW dont 27 dans le district de Euskirchen). C?est donc bien la vallée de la rivière
Ahr en tant que zone hydro-géographique, qui a été au coeur de la tragédie, et, à l?intérieur de la vallée,
le district de Ahrweiler qui relève du Land de RP. Cette vallée, qui apparaît à la fois encaissée, pentue
par endroits et densément peuplée (source à une altitude de 470 ou 530 mètres selon les données
disponibles, confluent avec le Rhin 85 km plus bas à 53 mètres d?altitude), a connu de grandes
inondations estivales depuis le début du 19ème siècle, mais avant la période de mesure systématique
prise en compte jusqu?ici pour établir des statistiques de référence de crues. Ce choix méthodologique
et institutionnel a, dans le cas de cette vallée, réduit la « visibilité » des crues estivales, et conduit à des
références statistiques « optimistes ». En prenant en compte les événements historiques, la crue de
2021 est néanmoins estimée avec une période de retour supérieure à 1000 ans. Le 21 juillet 1804 la
vallée avait connu un débit comparable à celui de 2021, mais avec des hauteurs d?eau parfois
inférieures de 2 mètres à celles constatées récemment : parmi les explications sont mentionnées la
construction d?infrastructures linéaires et la densification urbaine en fond de vallée.
La ministre fédérale de la défense du précédent gouvernement avait décrété, le 16 juillet 2021, l?état
d?alarme fédérale pour cause de catastrophe naturelle pour les deux Länder sus-cités. Les recherches
de personnes disparues par l?armée et par les services de secours ont duré jusqu?au 28 juillet 2021.
Annexe 3.2. L?ampleur des dégâts
Au niveau fédéral, l?évaluation d?ensemble des dégâts n?est pas officiellement close et elle est difficile à
63 Les pics précédents depuis que des statistiques sont disponibles se situent lors des grandes inondations de 2002
(qui ont ravagé la zone de Dresde en particulier, en Saxe) et de l?inondation de Hambourg en 1962. L?office
météorologique fédéral (DWD Deutscher Wetterdienst) estime que le niveau de 2021 est au-delà du centennal,
voire du millénial. Mais cela ne signifie pas qu?il n?y ait pas eu de grandes inondations plus en amont dans l?histoire.
Les représentants du Land de RP ont ainsi indiqué que les archives publiques mentionnent une crue exceptionnelle
en 1804 et que, dans cette vallée, les actes de ventes de prairie incluent dès 1348 des clauses de responsabilité
en cas d?inondation.
64 Dont 183 sur les deux Länder principaux mentionnés ; les trois autres ne comptent chacun qu?un seul décès. Le
nombre de décès est comptabilisé par les autorités fédérales à l?été 2022, soit un an après la catastrophe, pour
tenir compte des éventuels décès à +1 année de personnes grièvement blessées à la suite des événements.
D?autres évaluations montent jusqu?à 189 décès, selon la façon de considérer le lien de causalité entre l?inondation
et le décès.
65 L?organisation territoriale des Länder allemands varie selon le Land, les constitutions administratives relevant de
la compétence des Länder. Toutefois, tous ont en commun la division en districts administratifs qualifiés de Kreis.
Dans le Land de RP, ces derniers prennent l?appellation de Landkreise. Ceux-ci sont placés sous la responsabilité
d?un Landrat qui est élu par l?assemblée locale (Kreistag) et qui est ce que les Allemands appellent un
« fonctionnaire politique », c?est-à-dire le détenteur d?un mandat administratif dont la nomination résulte d?une
élection. Le Landrat représente le Land, donc l?État, mais il exerce également des compétences communales et
intercommunales. Il ne peut donc être comparé ni à un préfet ni à un sous-préfet, le droit public allemand parle de
sa double nature juridique sous le terme de « Janusköpfigkeit »). Seuls les Regierungspräsidenten qui existent
dans quatre Länder (Bavière, Bade-Wurtemberg, Hesse et NRW) et sont à la tête de Regierungsbezirke
(circonscriptions administratives du Land plus larges que les Kreise) peuvent être comparés au préfet français car
ils représentent uniquement le Land et, sauf en Bavière, ils sont nommés par le ministre-président du Land. Ils sont
à la tête d?administrations déconcentrées de l?État (du Land) dans leur circonscription et exercent le contrôle de
légalité au nom du gouvernement du Land vis-à-vis des communes et des Kreise pour leur activité communale ; ils
sont autorité hiérarchique des Kreise pour leur activité relevant de l?État.
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chiffrer globalement, dans la mesure où les procédures d?indemnisation individuelles ne sont pas
achevées et que les dossiers de demandes d?aides à la reconstruction peuvent encore être déposés
jusqu?au 30 juin 2023. Le dernier rapport sur la catastrophe, publié par le Bund le 30 mars 2022, donne
des éclairages plutôt Land par Land, faisant état de dizaines de milliers de foyers et de plus de 10 000
entreprises et professionnels touchés par des dommages. Quant aux dommages subis par le Bund lui-
même (infrastructures de transport), ils sont évalués à 2 milliards d?¤ dont 1,3 milliard d?¤ pour la seule
compagnie ferroviaire Deutsche Bahn. Il faut aussi mentionner les dommages non directement
chiffrables, comme les coupures d?eau et d?électricité dont les conséquences économiques et humaines
sont difficilement évaluables quant à leur impact direct. Ainsi, au moins jusqu?au 17 juillet 2021, donc
deux ou trois jours après la catastrophe pour les intéressés, 200 000 foyers au total ont souffert de
coupures partielles ou totales du réseau électrique (selon leur situation géographique, les foyers
allemands étaient touchés plutôt le 14 ou plutôt le 15, voire plus tard, sans parler des problèmes
d?infrastructures juste après la catastrophe ; à l?intérieur de la vallée de l?Ahr, les habitants en amont de
la rivière sont touchés plusieurs heures avant les habitants en aval, c?est d?ailleurs une des raisons du
nombre élevé de morts, la vague frappant les communes de l?aval pendant la nuit).
Après une première aide fédérale d?urgence d?un montant de 400 millions d?¤ attribuée le 21 juillet 2021,
Bund et Länder se sont accordés lors de l?été sur un paquet mixte (50% venant du budget fédéral, 50%
des Länder) d?aides à la reconstruction de 30 milliards d?¤ au total (Aufbauhilfe 2021), validé par le
Bundestag par une loi spéciale sur la reconstruction66 entrée en vigueur le 15 septembre 2021. Ce
montant est redistribué aux Länder pour 28 milliards, au Bund pour 2 milliards (restauration des
infrastructures endommagées). Une clé de répartition a été arrêtée pour fixer les quotas alloués à
chaque Land dans l?hypothèse de paquets budgétaires à venir, puisque l?évaluation des dommages
n?est pas officiellement achevée. Cette clef donne 54,5% des aides au Land de RP (soit 15 milliards
pour la Aufbauhilfe 2021) et 44% des aides au Land de NRW67 (soit 13 milliards).
La mission prend l?exemple du Land de RP puisqu?il a été le premier touché, même si, du point de vue
économique, les dommages subis par le Land de NRW se rapprochent de ceux de son voisin, en dépit
d?un bilan humain trois fois moins lourd. La mission tient également à préciser qu?elle n?a eu de contact
qu?avec les autorités du Land de RP68 et qu?elle dispose donc, concernant ce dernier, d?éléments
pertinents à présenter aux commanditaires.
Dans ce Land, sept Landkreise (Ahrweiler, le plus touché, Bernkastel-Wittlich, Cochem-Zell, Eifelkreis
Bitburg-Prüm, le seul autre à déplorer un décès, Mayen-Koblenz, Trier-Saarburg et Vulkaneifel) ainsi
que la ville de Trier, qui est n?administrativement rattachée à aucun Landkreis69 sont touchés par les
inondations catastrophiques. Selon le bilan établi par les autorités régionales, 65 000 personnes sont
directement affectées par l?événement climatique dont 42 000 dans la vallée de l?Ahr 70 . 17 000
personnes ont vu leur habitation fortement endommagée ou détruite (9 000 bâtiments détruits ou
endommagés, en comptant également les bâtiments publics ou industriels). Il convient de rappeler que
la vallée de l?Ahr est une région viticole et touristique densément peuplée, et que la densité d?habitations
66 Aufbauhilfefonds-Errichtungsgesetz (AufbhEG 2021)
67 Les Länder moins touchés se voient attribuer des quotes-parts significativement moins substantielles (1% pour
la Bavière, 0.48% pour la Saxe?)
68 La ministre en charge de l?équipement et de l?environnement a écrit à son homologue fédérale allemande pour
l?informer de la mission réalisée par les trois inspections françaises ; la ministre allemande a fourni des contacts
pour la mission dans les deux Länder de RP et de NRW et n?a suggéré aucun contact au niveau du Bund. Seul le
Land de RP a donné suite aux sollicitations de la mission qui a eu un échange approfondi avec le directeur de
l?office de l?eau du Land et ses collaborateurs. Cette réserve inhabituelle des autorités allemandes s?explique par
le contexte politique sensible que les inondations ont créé. Au niveau fédéral comme au niveau des deux Länder,
des commissions d?enquête parlementaires ont été formées pour mettre en lumière d?éventuelles responsabilités
politiques ou administratives dans la gestion de la catastrophe. Le Landrat en fonction au moment des événements
dans le Landkreis d?Ahrweiler a été au centre d?une polémique politique et médiatique impliquant des sujets comme
le retard des alertes et des évacuations ou de la coordination des secours. Il a refusé de répondre à la convocation
de la commission d?enquête du parlement régional de RP. Contraint à la démission, il fait l?objet de poursuites
judiciaires. Le sujet est donc, encore aujourd?hui, particulièrement sensible aux yeux des autorités allemandes.
69 Elle constitue une « kreisfreie Stadt ».
70 Pour une population totale du district de 130.000 dont 56.000 établis le long de la rivière.
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est plus forte au niveau du fond de vallée que sur les hauteurs en raison précisément de la dimension
viticole : les vignes sont plantées sur les collines, les maisons sont de fait construites plus près de l?eau.
Le montant évalué des dommages matériels est de 18,2 milliards d?¤ pour l?ensemble du Land dont 10
milliards pour les seuls dommages immobiliers des particuliers qui ont perdu leur habitation, 7 milliards
pour les infrastructures publiques et 1,2 milliards pour les entreprises dont les agriculteurs et viticulteurs :
Pour le Land de Rhénanie du Nord Westphalie, le montant évalué des dommages est de 12,3 milliards
d?¤, dont 3 aux logements privés, 253 millions aux infrastructures du Land et 4,5 à celles des communes,
61 millions aux équipements culturels et aux archives, 1,5 milliard aux activités économiques (30
millions à l?agriculture, à la sylviculture et à la pisciculture), et près de 3 milliards non encore classés.
Annexe 3.3. La phase de reconstruction à l?aune de l?exemple de la
Rhénanie-Palatinat
La mission rappelle en préambule le cadre général que le Bund a fixé pour la phase de reconstruction
qui débute effectivement après l?entrée en vigueur de la loi spéciale (AufbhEG 2021 cf.supra). Il
convient de souligner que l?effort principal de l?action publique va en direction des particuliers, ce qui
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s?explique en partie par l?absence d?assurances obligatoires de type « CatNat » comme en France (cf.
infra, point 5.). Les dossiers d?aide à la reconstruction des particuliers représentent par conséquent le
volet le plus important en termes de besoins financiers.
Le cadre fédéral est arrêté avec la loi précitée sur la reconstruction et la constitution du fonds spécial
avec la négociation des clefs de répartition entre Länder et Bund (cf. point 2.). En complément de ce
dispositif, un certain nombre d?autres dispositions ont été prises par le gouvernement fédéral. Ainsi, une
garantie juridique contre les saisies est instaurée protégeant les aides reçues relevant de la
reconstruction ; même un débiteur faisant l?objet de procédures de recouvrement (y compris le cas de
figure où le recouvrement est entré dans une phase judiciaire) a la garantie de recevoir et de pouvoir
utiliser l?intégralité de l?aide qui lui a été allouée. Il en va de même des dispositions régissant les faillites,
ainsi l?obligation de se déclarer en faillite en cas d?insolvabilité (Insolvenzpflicht) est suspendue
temporairement pour les particuliers et les entreprises ayant déposé un dossier de demande d?aides à
la reconstruction. Les obligations découlant du droit de l?urbanisme sont allégées afin d?accélérer la
délivrance de permis de construire dans les zones sinistrées, sous réserve de dispositions nouvelles
concernant les zones inondables ? le principe est posé d?un « droit à la reconstruction à l?identique »
pour les propriétaires de biens sinistrés, conditionné cependant au fait de ne pas se situer dans la zone
la plus exposée ; un traitement au cas par cas est garanti au particulier qui souhaite reconstruire sa
maison. Enfin, le Bund a élevé au niveau législatif le principe (et sa mise en oeuvre sous forme de
dispositif opérationnel en partenariat avec les opérateurs téléphoniques) d?information directe de la
population par leur téléphone portable en cas de fortes inondations et/ou de catastrophe naturelle, avec
une obligation de service.
Dans le cas du Land de RP, le dispositif fédéral est complété par un dispositif juridique et administratif
régional et des mesures budgétaires (si le Land reçoit 15 millards d?¤ du fonds spécial d?aides à la
reconstruction, les dommages évalués se situent à hauteur de 18 milliards d?¤ - le Land doit donc
financer lui-même a minima une enveloppe de 3 milliards d?¤). Le Land définit son propre cadre par une
loi régionale d?aide à la reconstruction et de dispositions patrimoniales spéciales (Aufbauhilfe-
Sondervermögensgesetz ? AufbhSVLG) votée par le Landtag en septembre 2021 et entrée en vigueur
le 1er octobre 2021. Cette loi est complétée par ce que nous appellerions en France un dispositif
réglementaire sous forme d?instructions administratives (Verwaltungsvorschrift ? que l?on peut analyser
comme un acte mêlant ce qui en France relèverait de l?arrêté et de la circulaire/instruction aux
administrations déconcentrées) regroupées sous l?intitulé « Reconstruction RLP 2021 », publiées le jour
de promulgation de la loi. Ce cadre juridique s?applique aux aides au bénéfice :
? des particuliers, associations, fondations, associations cultuelles (donc les particuliers et le
secteur non lucratif) ;
? des entreprises commerciales, y compris l?artisanat, des professionnels libéraux et des
indépendants (donc le secteur lucratif au sens large, allant de la grande entreprise au cabinet
médical) ;
? des entreprises agricoles, viticoles et forestières (donc le secteur de l?agriculture au sens large) ;
? des communes et des porteurs d?infrastructures publiques (donc le secteur public y compris les
opérateurs agissant par délégation de la puissance publique).
A cela s?ajoute la levée temporaire ou l?assouplissement de règles usuelles en matière fiscale71, en
matière d?urbanisme et en matière de droit de la concurrence. Par exemple, les règles d?attribution de
marchés publics sont allégées pour les communes afin que celles-ci puissent procéder plus rapidement
à l?adjudication de marchés directement corrélés à la reconstruction (écoles, routes, centres de soin,
etc.). En particulier, les communes bénéficient jusqu?au 31 mars 2024 d?exceptions dans les règles
d?allotissement de marchés publics visant à accélérer les procédures et à lancer les chantiers plus
rapidement ; elles ont le droit de désigner une entreprise « mandataire général » là où en temps normal
71 Par exemple, les règles de reversement de la TVA sont provisoirement allégées pour les entreprises concernées.
Les dons et legs affectés à des opérations de reconstruction bénéficient temporairement de taux privilégiés. Le
recouvrement d?impayés fiscaux est décalé et les délais de paiement au fisc rallongés.
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des lots séparés auraient été obligatoires.
Le droit du travail est lui aussi temporairement assoupli afin d?autoriser des chantiers les jours fériés,
toujours dans une perspective d?accélération de la réalisation des travaux. Mais ne sont visés que les
chantiers d?infrastructures, d?adduction d?eau, de pose de câbles électriques, etc. Les indemnités d?élus
sont temporairement majorées pour favoriser l?action des élus locaux de terrain, confrontés sur la durée
à une charge de travail accrue dans un contexte difficile.
En complément de ces mesures, une loi régionale spécifique au secteur agricole (la mission rappelle
que la vallée de l?Ahr est une zone viticole majeure en Allemagne) contient diverses mesures fiscales
et techniques visant à aider le secteur à se reconstituer et à replanter des champs ou vignobles
endommagés ou détruits.
Le gouvernement du Land a également adapté sa structure administrative pour être à même de traiter
rapidement et de façon aussi déconcentrée que possible l?instruction des dossiers et les nombreuses
demandes des particuliers. Une structure interministérielle est créée sous la forme d?un comité de
pilotage (Lenkungsausschuss) présidé par le chef de la chancellerie d?État72. L?une des secrétaires
d?État auprès du ministre de l?Intérieur et du Sport est désignée déléguée du gouvernement du Land
pour la reconstruction ; elle assure le secrétariat du comité interministériel et elle est en charge de la
coordination de l?action publique dans ce domaine. Parallèlement, est nommé un représentant du
gouvernement du Land « sur place » (selon l?expression allemande « Vor-Ort-Beauftragter ») qui exerce
en fait le rôle de délégué territorial du Land dans le district de Ahrweiler. C?est un ancien Landrat et
secrétaire d?État, donc un fonctionnaire politique de rang élevé. Il a dirigé pendant un an un bureau de
coordination situé au chef-lieu du district et son rôle principal a été de servir d?interlocuteur aux
communes pour les aider dans leurs démarches et de raccourcir les circuits administratifs. Il a ainsi pu
accélérer le traitement des dossiers en travaillant directement avec une direction d?administration
centrale dédiée, créée spécialement après la catastrophe, au sein du ministère de l?intérieur du Land,
intitulée « direction de la reconstruction » (Wiederaufbauabteilung). Le choix du ministère de l?intérieur
plutôt que celui du grand ministère couvrant l?équipement, l?énergie et l?environnement vient du fait que
c?est ce ministère qui a en charge la définition des normes et le droit des collectivités (pour la partie qui
relève du Land). Enfin le Land a intégré son agence publique de développement 73 au dispositif
administratif de reconstruction.
Sur le plan économique et financier, le Land met en place :
? des aides d?urgence, financées pour moitié par lui et pour moitié par le Bund, sous forme d?aides
libres (Billigkeitsleistungen ? ce sont des prestations qui sont versées sans qu?il n?y ait
d?obligation juridique, ce qui ne signifie pas que l?administration ne définisse pas de critères, de
seuils, de conditions d?attribution), à hauteur de 167,3 millions d?¤, versées entre juillet et
décembre 2021, et destinées aux particuliers (35,3 M¤ dont 25.2 Me pour les habitants du
Landkreis d?Ahrweiler), aux entreprises (13,1 M¤), ainsi qu?aux communes et intercommunalités
(118,9 M¤ dont 101,4 M¤ pour le seul Landkreis d?Ahrweiler). Pour les particuliers, la seule
condition était que le dommage subi soit supérieur à 5 000 ¤ déduction faite des prestations
d?assurance ; l?aide d?urgence par foyer était de 1 500 ¤ plus 500¤ par membre du foyer, avec
72 Dans les Länder, le ministre-président dispose en général d?un fonctionnaire politique qui a le rang de secrétaire
d?État et qui dirige la « chancellerie d?État » (Staatskanzlei). Ses fonctions sont comparables à celui d?un directeur
de cabinet français qui aurait en sus de ses attributions politiques une administration dédiée sous son autorité en
charge des affaires directement liées au ressort du chef du gouvernement, comme la coordination interministérielle.
Parfois, le ministre-président, lors de la composition du gouvernement, s?attribue d?autres ressorts ministériels qui
conservent dans ce cas leur propre administration et sont de fait dirigés par un secrétaire d?État que l?on pourrait
comparer à un secrétaire général de ministère en France. Il convient de garder présent à l?esprit que les cabinets,
tant au niveau du Bund que des Länder, n?existent quasiment pas en Allemagne ? tout au plus existe-t-il un
Ministerbüro qui s?occupe des déplacements et de l?agenda du ministre, mais ce bureau est intégré aux services
administratifs (il est comparable à un bureau du cabinet français dont le chef aurait des fonctions comparables à
celles d?un chef de cabinet).
73 Entwicklungsagentur Rheinland-Pfalz e.V. ? juridiquement, il s?agit d?une association à but non lucratif tout à fait
comparable à nos associations relevant de la loi du 1er juillet 1901.
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un plafond arrêté à 3 500 ¤.
? des aides à la reconstruction dans le cadre du Aufbauhilfefonds 2021 (Cf.supra). Le bilan n?est
pas encore disponible puisque les dossiers d?indemnisation sont ouverts jusqu?au 30 juin 2023,
mais les crédits ouverts sont de 15 milliards d?¤ (cf. supra). Les règles d?attribution sont
relativement souples (le dispositif administratif spécial mis en place par le Land et décrit
précédemment vise justement à alléger la charge de la preuve en tenant compte du fait que
des pièces habituellement exigibles dans ce genre de procédures puissent avoir été détruites
ou perdues, le témoignage d?habitants, d?élus de proximité ou d?agents des services
communaux pouvant se substituer à des documents comme des titres de propriété, etc.). Il faut
que le dommage soit en lien direct avec la catastrophe naturelle de la mi-juillet 2021 ; l?aide est
libre et non remboursable, sauf si elle dépasse le montant des dommages subis (pour la fraction
excédentaire) ; pour les dommages économiques, le taux de remboursement ne peut en
principe dépasser 80% ; pour les particuliers, qui vont consommer la plus grosse part de ces
crédits car ceux-ci vont financer la reconstruction d?habitations individuelles, la règle des 80%
est également instaurée, rapportée à l?évaluation des dommages, mais n?exclut pas un
remboursement intégral du dommage si la fraction des 20% laissée à la charge de l?habitant
est prise en charge par d?autres voies (dons, aides communales, prestations d?assurance, etc.).
En outre, un dispositif spécifique pour la prise en charge de l?équipement domestique (meubles,
fournitures, appareils, regroupés sous l?appellation Hausrat) est instauré avec un plafond à 13
000¤ pour une personne, majoré de 8 500 ¤ pour la seconde personne du foyer et de 3 500 ¤
pour toute personne supplémentaire, sur la base des personnes immatriculées par foyer74.
Le Land a mis en place une commission spéciale chargée d?étudier les cas les plus graves
(Härtefallkommission) qui dispose de la possibilité d?exempter partiellement ou totalement un
demandeur des règles susvisées lorsque le cas d?espèce le justifie.
Annexe 3.4. Les enseignements tirés de la catastrophe, un sujet qui
reste sensible et compliqué
Le sujet est hautement sensible sur le plan politique. De ce fait, les informations recueillies par la mission
sont limitées. Lors de l?entretien que celle-ci a eu avec le directeur de l?office de l?eau du Land de RP
(cf. supra), celui a explicitement demandé que ne soient pas abordés la question des évacuations et de
l?acheminement des secours qui sont au coeur d?une polémique politique dans laquelle est impliqué
l?ancien Landrat du Landkreis d?Ahrweiler (Cf. supra). A ce titre, la mission relève que le Landkreis était
administré par la CDU, alors que la majorité régionale est de type « feu de circulation » (Ampelkoalition
modèle classique associant SPD ?rouge-, Verts ?vert- et FDP ?jaune-). Les nouvelles élections locales
ont donné une majorité à la SPD dans ce district Comme la mission l?a indiqué précédemment, elle n?a
eu aucun contact avec les autorités fédérales (Cf. supra sur l?échange de courriers entre la ministre
française chargée de l?équipement et de l?environnement et son homologue fédérale allemande).
Cependant, la documentation disponible et les entretiens techniques menés par la mission permettent
de dégager quelques éléments d?ordre général.
Sur le déroulé même de la catastrophe, qui frappe donc pour l?essentiel la vallée de l?Ahr, répartie sur
les deux Länder de NRW et de RP (cf. supra), les observateurs et les scientifiques s?accordent sur le
scenario suivant, par ailleurs parfaitement décrit dans le documentaire La nuit de l?eau ? retour sur une
catastrophe climatique75 tout en rappelant que l?Allemagne n?est pas le seul pays à être touché (cf.
autres annexes pays du présent rapport) et que le réchauffement climatique constitue un facteur
structurel d?aggravation du risque de survenue de phénomènes météorologiques extrêmes. Les pluies
diluviennes de la mi-juillet 2021 en sont un, par leur ampleur et leur intensité, mais aussi par la surface
totale affectée qui constitue un large périmètre à cheval sur cinq pays (Allemagne, Belgique, Pays-Bas,
74 La mission rappelle qu?en Allemagne, il existe l?obligation (Meldepflicht) de se faire immatriculer à la mairie de
son domicile. Tout déménagement doit ainsi être signalé à l?administration.
75 Film de Matthias Fuchs, produit par ZDF et Arte, et diffusé pour la première fois le 30 août 2022.
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Luxembourg, France76).
L?Ahr est régulièrement en crue sans pour autant atteindre les débits critiques77 observés lors de
l?événement, ce qui a pu aggraver les choses parce que les habitants sont « habitués » à des
inondations différentes et moins brutales, la dernière significative remontant à 2016 dont les dégâts
furent limités. La topographie encaissée de la vallée a amplifié la gravité du phénomène. On peut
émettre l?hypothèse que l?usage viticole des pentes des coteaux de la région, faisant que l?on construit
plutôt près de la rivière afin de réserver les hauteurs aux plantations de vignes, a contribué au bilan.
Dès le 14 juillet au matin, les pluies importantes ont fait l?objet d?alertes « inondation ». Après les crues
spectaculaires de l?Elbe en 2002 (on se souvient des édifices baroques de Dresde sous l?eau), le
système européen d?alerte pour les risques d?inondation (EFAS ? European Flood Awareness System)
avait été mis en place. Plusieurs jours avant la catastrophe stricto sensu, l?EFAS avait adressé des
messages d?alerte (« crues potentiellement graves à venir consulter l?EFAS ») notamment aux autorités
du bassin rhénan, mais il semblerait que ces alertes ne soient jamais parvenues à des autorités de la
vallée, en l?occurrence, à titre principal, aux deux districts de Euskirchen en NRW ?amont de la vallée-
et d?Ahrweiler en RP ?aval de la vallée-78. Des prévisions ont été diffusées par ailleurs sur les sites web.
Dans l?après-midi du 14 juillet, toujours sans alerte officielle des autorités, le niveau de l?eau augmente
anormalement et les habitants commencent à s?inquiéter. C?est dans la soirée et la nuit du 14 au 15
(selon l?emplacement amont/aval, Cf. supra) que la crue dévastatrice fait ses ravages et coûte la vie à
160 personnes dans ces deux districts. Certains villages ont activé des alertes par sirène ou par les
pompiers, mais il n?y eut jamais d?initiative coordonnée, la division entre deux districts relevant de deux
Länder différents n?ayant pas arrangé les choses de ce point de vue. Plusieurs heures s?écoulent avant
que la vague liquide ne touche les communes de l?aval, mais les dégâts déjà infligés au réseau
téléphonique ralentissent la propagation de l?information même à simple titre individuel par des
téléphones portables. Le 14 dans l?après-midi, la mairie de Altenahr a essayé de convaincre le chef-lieu
de district, la mairie de Bad Neuenahr-Ahrweiler, et l?administration du district, que la situation était grave,
bien au-delà de celle observée en 2016. Mais le Landrat le chef de l?administration du district, qui a
officiellement en charge la compétence de sonner l?alerte et de donner l?ordre d?évacuation, était rentré
76 La mission rappelle que si la France n?a pas eu à déplorer de morts et que si le phénomène a eu des
conséquences nettement moins brutales pour elle, la zone significativement affectée concerne la zone nord-est
délimitée par les départements du Nord, des Hauts-de-Seine et de l?Ain, 434 communes de 20 départements se
voyant reconnaître l?état de catastrophe naturelle.
77 La mission rappelle que le niveau maximal usuel de la rivière Ahr est de 70 centimètres ; ce niveau a dépassé
les 9 mètres lors du pic de l?événement à certains endroits, comme à Altenahr.
78 Sur les questions de transmission d?alerte des autorités locales :
- La nuit de l'eau - Retour sur une catastrophe climatique (ZDF), film de Mathias Fuchs, diffusé le 28 juin
2022 par Arté ; notamment interview d?une représentante d?EFAS
Sur l?alerte de la population en Rhénanie-du-Nord-Westphalie :
? Thieken A. Bubeck P. Zenker M.-L. & Wutzler B. (2022). Analyse der Todesumstände und -ursachen
der Opfer des Hochwassers 2021 in Nordrhein-Westfalen zur Ableitung von Verbesserungspotenzialen in
der Risikokommunication und Warnung KAHR (Klima Anpassung Hochwasser Resilienz) Science
Conference 29-30 juin 2022
- Thieken A. Bubeck P. Zenker M.-L. & Wutzler B. (2022). Strukturierte Auswertung der
Dokumentationen zu allen Hochwassertodesopfern in Nordrhein-Westfalen im Juli 2021 und
Herausarbeitung von Verbesserungspotenzialen in der Risikokommunikation und in den Warnprozessen
anhand der Todesumstände und -ursachen sowie Ereignischarakteristika Gutachten für den
Parlamentarischen Untersuchungsausschuss V (Hochwasserkatastrophe) des Landtags Nordrhein?
Westfalen Universität Potsdam 50 p.
- Mohr S. Ehret U. Kunz M. Ludwig P. Caldas-Alvarez A. Daniell J.E. Ehmele F. Feldmann H.
Franca M.J. Gattke C. Hundhausen M. Knippertz P. Küpfer K. Mühr B. Pinto J.G. Quinting J.
Schäfer A.M. Scheibel M. Seidel F. & Wisotzky C. (2023) A multi-disciplinary analysis of the exceptional
flood event of July 2021 in central Europe ? Part 1: Event description and analysis Nat. Hazards Earth
Syst. Sci. 23 525?551.
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chez lui dans l?après-midi79. Or la commune chef-lieu où il réside se situe relativement en aval de la
rivière, ce qui signifie que le phénomène ne la touche que quelques heures plus tard, à 22h30, mais en
redoublant d?intensité puisque la vague se charge de plus en plus en eau et en débris charriés avec
elle. A cette heure-là, les 30 000 habitants de Bad Neuenahr-Ahrweiler, dont beaucoup habitent près du
cours d?eau (cf. supra sur l?explication viticole), sont chez eux et l?impact dévastateur est maximal. Ce
n?est qu?à 23h15 que le Landrat déclare l?état de catastrophe naturelle. La vague continue sa course et
touche Sinzig à 2h30. L?eau commence à se retirer lentement à partir de 6h du matin le 15 juillet à
Dernau, commune très touristique, située juste à l?ouest, donc en amont, de Bad Neuenahr-Ahrweiler.
On peut donc considérer que le segment le plus critique de la crue est compris entre 22h30 le 14 juillet
et 6h le 15 juillet. Pour ne rien arranger, la caserne de pompiers de Bad Neuenahr-Ahrweiler a été
entièrement inondée, ce qui a retardé d?autant la mobilisation technique des secours au plan local dans
la commune la plus peuplée. L?organisation des secours à grande échelle (moyens aériens pour
évacuer les victimes réfugiées ?et parfois toujours menacées par la montée des eaux- sur leur toit,
renforts de pompiers, intervention de l?armée, etc.) ne démarre vraiment que la matinée du 15 et des
milliers de personnes ont dû attendre ces secours plusieurs heures dans la nuit, réfugiées où elles
avaient réussi à se rendre face à l?imminence du danger (toits, arbres, surplombs, bâtiments plus élevés,
etc.). Un rescapé a dû ainsi attendre pendant 15 heures.
Outre les questions de climat et de géographie, des facteurs locaux ont probablement aggravé la crise.
Les échelles de crue ont été arrachées, ce qui brouille la compréhension de l?événement. La vallée
encaissée l?a amplifié. Les associations écologistes pointent la responsabilité de l?agriculture intensive
qui trace des allées larges et rectilignes entre les vignes ce qui aurait facilité le ruissellement de l?eau.
La densification urbaine de parties de la vallée, et la construction d?infrastructures de transport dans
des secteurs de vallée resserrés, auraient accru les hauteurs d?eau : pour un débit comparable à celui
de juillet 1804, l?eau en juillet 2021 a pu dépasser de 2 mètres des repères de crues historiques apposés
sur les maisons.
La mission rappelle qu?elle ne saurait brosser un tableau complet des mesures préventives ou
correctives prises par les autorités fédérales ou régionales dans la mesure où les enquêtes
parlementaires ou les procédures judiciaires étaient encore en cours lorsqu?elle a étudié le cas allemand.
D?ailleurs, les représentants du Land de RP ont indiqué à la mission que « 80% de notre travail et ce
pour de longs mois encore est constitué par la gestion des dossiers de reconstruction avant de réfléchir
à des réformes systémiques pour lesquelles nous ne disposons pas encore de tous les éléments et
pour lesquelles il n?y a pas de consensus politique ». Cependant, au niveau fédéral, un consensus se
fait jour au sujet de deux points techniques, tout le monde étant d?accord pour dire que l?enjeu immédiat
réside dans la question de l?alerte des populations :
La modernisation et la réfection du système des sirènes sonores pour toute l?Allemagne, pour un budget
prévisionnel d?au moins 80 millions d?¤ (de ce point de vue, les Allemands sont porteurs d?une doctrine
qui fait débat en France, à savoir que les alertes par sirène sont efficaces si les populations sont
informées et qu?elles peuvent même inclure des types d?alarme ?selon la modulation ou la fréquence
du signal sonore- différents selon la nature du risque) ;
Le parachèvement, en partenariat avec les opérateurs téléphoniques, du système d?alerte NENA par
smartphone qui permet de zoner plus finement les alertes et de donner des instructions concrètes (de
type « sortez » ou au contraire « restez chez vous », « ne vous rendez surtout pas dans votre cave »,
« cherchez immédiatement le point le plus élevé de votre habitation », etc.) aux populations ciblées ?
le Bund a par ailleurs accéléré l?adoption de textes rendant juridiquement possible ce système de « cell
broadcast », homologue de FR-Alert qui se déploie en France.
79 Cette information est un des points principaux de la polémique politique qui a contraint l?intéressé à la démission.
https://www.swr.de/swraktuell/rheinland-pfalz/ex-landrat-pfoehler-im-flut-untersuchungsausschuss-erwartet-
100.html
https://www.swr.de/swraktuell/rheinland-pfalz/flut-u-ausschuss-befragt-mitarbeiter-der-kreisverwaltung-ahrweiler-
100.html
https://de.wikipedia.org/wiki/J%C3%BCrgen_Pf%C3%B6hler
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Août 2023 Retour d?expérience des inondations des 14 et 15 juillet
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Le Bund a également entamé une réflexion et une restructuration de la protection civile
(Bevölkerungsschutz) au niveau fédéral en lançant une grande réflexion sur la stratégie de renforcement
de la résilience en cas de catastrophes. Il a réorganisé l?office fédéral compétent et lui a donné plus de
moyens, le Bundesamt fur Bevölkerungsschutz und Katastrophenhilfe ?BBK- que l?on pourrait
comparer à la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises du ministère de l?intérieur
français (DGSCGC), mais le BBK n?est pas compétent pour la gestion des sapeurs-pompiers et il ne
dispose pas des mêmes compétences opérationnelles que la DGSCGC en cas de crise grave. Il a
également entamé une réflexion sur le volontariat : comme en France, les pompiers dépendent pour
l?exercice de leurs missions du volant de pompiers volontaires, et ils voient une diminution constante et
progressive des recrutements de volontaires. Le Bund a aussi accéléré des expérimentations ou des
investissements déjà en cours de réalisation ou de programmation, comme le projet Laborbetreung
5000 lancé en 2019 pour l?hébergement et les soins d?urgence des sinistrés.
Parallèlement, il a mené une réflexion sur l?engagement tactique des forces armées en cas de crise
intérieure pour l?assistance à personnes et pour le soutien aux forces de police (qui, elles, dépendent
des Länder, sauf la Bundespolizei et les offices fédéraux). Comme cela est observé dans d?autres pays,
les forces de police sont de fait mobilisées pour diffuser l?alerte et contribuer aux actions d?urgence.
Pour une catastrophe comme celle de juillet 2021, comme cela a été le cas en France après la tempête
Alex dans les Alpes-Maritimes, les forces de police judiciaire sont fortement mobilisées pour
l?identification des victimes.
Enfin, le Bund s?est engagé dans un travail de simplification juridique (à l?image de ce qu?a fait le Land
de RP pour accélérer les dossiers de reconstruction) pour la reconstruction des routes et voies ferrées.
Cependant, il reste un domaine majeur dans lequel il n?y a pas encore eu de vraie réflexion aboutie en
raison du manque de consensus : celui de l?urbanisme et des nécessaires révisions des équivalents
allemands des plans locaux d?urbanisme, en particulier dans les zones touchées en juillet 2021. S?il
existe une prise de conscience que les normes scientifiques doivent devenir plus sévères en matière
d?alerte de crues (le référentiel doit changer pour inclure les événements récents) et si la révision des
procédures d?alerte fait elle aussi consensus, le point d?achoppement reste sur le caractère opposable
de normes prises en compte pour la prévention au travers du droit de l?urbanisme et donc pour la
délivrance de permis de construire en zone inondable (et la définition du périmètre des zones inondables
à l?aune des nouvelles normes hydrologiques).
Ce point constitue une source de tensions permanentes entre population et élus, d?une part, élus et
Land/Bund, d?autre part. Les élus sont l?interface entre la population et les autorités politiques ; ils sont
placés dans une situation difficile car personne ne veut accepter que sa maison ne puisse être
reconstruite. L?organisation communale allemande amplifie ou complique ce schéma dans la mesure
où l?autorité qui délivre le permis de construire (dans de nombreux cas, le Kreis et donc, dans l?exemple
du Land de RP, le Landrat) est à la fois celle qui doit imposer les normes de l?État face aux élus ?elle
agit par délégation du Land et exerce le contrôle de légalité- et celle qui représente les intérêts
communaux ou intercommunaux. Le Land de RP a ainsi élaboré un compromis pragmatique sans réel
fondement doctrinal consistant à garantir aux habitants sinistrés une « reconstruction à l?identique »
sauf si l?habitation est située dans une zone labellisée « rouge » que les nouvelles normes désigneront
comme inondable à haute probabilité. L?entretien mené par la mission avec les représentants de ce
Land a mis en évidence l?incertitude qui règne encore sur les contours exacts de la zone rouge et si des
dérogations seront accordées.
Annexe 3.5. La question de l?introduction d?une assurance
obligatoire contre les catastrophes naturelles
La part importante que revêtent les dommages causés aux habitations des particuliers (mais aussi les
locaux d?entreprise, ils sont cependant moins nombreux par essence) dans l?évaluation des dommages
(cf. supra) et par conséquent dans les dépenses de reconstruction à la charge du Bund et des Länder
(cf. supra) a relancé le débat sur la nécessité d?introduire, à l?échelle fédérale, une assurance obligatoire
pour les particuliers pour se couvrir contre le risque ?catastrophes naturelles?, à l?image du dispositif
« CatNat » en France. Les Allemands parlent d?assurance obligatoire contre les dommages
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« élémentaires » (Pflichtversicherung für Elementarschäden) terme qui recouvre les pluies diluviennes,
les inondations et les glissements de terrain.
Historiquement, certains Länder avaient une législation qui imposait, au moins partiellement, à l?habitant
de souscrire une assurance contre les risques naturels. A l?heure actuelle, plus aucun Land n?a de
législation de ce type, mais les statistiques montrent que, là où le dispositif a existé, les particuliers
conservent le réflexe de souscrire des assurances de ce type même s?ils n?y sont plus obligés. Ainsi, le
Land de Bade-Wurtemberg a un taux d?assurance contre les risques naturels qui reste élevé, proche de
90%, alors que la moyenne fédérale se situe à 50% ; cependant, il s?agit d?une moyenne, et dans le
deuxième Land le plus touché par la catastrophe, la Rhénanie du Nord-Westphalie, le taux est de 37%
pour les ménages.
Les événements récents ont modifié la donne en Allemagne. Ainsi, les ministres-présidents de la Saxe
et du Bade-Wurtemberg, pourtant de bords politiques opposés (respectivement CDU et Verts), ont lancé
une initiative commune en 2022 au sein de l?organe qui réunit le gouvernement fédéral et les ministres-
présidents des 16 Länder, la Ministerpräsidentenkonferenz. De même, le sujet a été étudié par les
ministres en charge de la justice dans les différents Länder (Justizministerkonferenz), qui ont conclu
qu?il n?existait pas d?obstacles de nature constitutionnelle à ce qu?une telle obligation soit introduite au
niveau fédéral.
Le débat porte aussi sur le fait qu?en cas de catastrophe naturelle, les particuliers ne peuvent
systématiquement se tourner vers l?Etat dont les capacités budgétaires sont sous tension. Les
représentants des intérêts des grands assureurs encouragent l?idée sous la forme d?une double
obligation :
Chaque immeuble doit être assuré contre le seul risque lié aux inondations, et il convient d?en faire une
obligation fédérale imposé aux particuliers et aux entreprises, mais le niveau des prestations doit se
limiter au « niveau minimal garantissant l?existence », que l?on peut considérer comme un socle vital ;
Les assureurs se voient dans l?obligation de proposer un deuxième étage à l?assurance obligatoire, qui,
lui, serait laissé à l?appréciation de l?assuré, et qui relèverait du marché quant au niveau des prestations
et des primes ; ce deuxième étage couvrirait les valeurs vénales des biens au-delà du socle vital et les
assureurs offriraient chacun leur bouquet en fonction de leur politique commerciale.
A l?évidence, la proposition des assureurs sert leur intérêt économique.
Le Land de NRW s?est depuis associé à cette initiative et a fait voter une motion, déposée conjointement
avec le Land de Bade-Wurttemberg, au sein du Bundesrat, la chambre haute du parlement fédéral qui
représente en principe les Länder, le 31 mars 2023. Cette motion stipule que « l?assurance obligatoire
contre les dommages élémentaires doit s?appliquer à l?échelle fédérale » et invite le gouvernement
fédéral à préparer un projet de loi en ce sens.
Il convient de noter que les arguments du débat public en Allemagne portent peu sur le thème de la
mutualisation du risque. Il s?agit plutôt de forcer les particuliers à souscrire une assurance contre les
risques naturels afin de ne pas les exposer à se retrouver sans habitation en cas de sinistre et à ne pas
les rendre « dépendants » de l?État fédéral dont on ne sait s?il pourra intervenir à chaque catastrophe.
Les moyens considérables qu?il a mis en oeuvre dans le contexte des inondations de 2021 doivent rester
une solution « exceptionnelle ».
Annexe 3.6. Liste de documents consultés
La nuit de l'eau - Retour sur une catastrophe climatique (ZDF), film de Mathias Fuchs, diffusé le 28
juin 2022 par Arté
Broemme, A. (2022). Unwetterereignisse - Strategien für Rheinland-Pfalz zur Vorbeugung,
Vorbereitung, Koordinierung, Nachbereitung und zur verbesserten Resilienz. Rapport d'expertise
au Ministère de l'Intérieur et des Sports Land Rheinland-Pfalz, 24 p.
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Broemme, A. (2022). Unwetterereignisse - Strategien für Nordrhein-Westfalen zur Vorbeugung,
Vorbereitung, Koordinierung, Nachbereitung und zur verbesserten Resilienz. Rapport d'expertise
au Ministre-Président du Land Rheinland-Pfalz, 24 p.
Bundesministerium des Innern, für Bau und Heimat & Bundesministerium der Finanzen (2021).
Zwischenbericht zur Flutkatastrophe 2021: Katastrophenhilfe, Soforthilfe und Wiederaufbau,
rapport, 20 p.
Bundesministerium des Innern, für Bau und Heimat & Bundesministerium der Finanzen (2022).
Bericht zur Hochwasserkatastrophe 2021: Katastrophenhilfe, Wiederaufbau und
Evaluierungsprozesse, rapport, 85 p.
Bundesregierung (2022). Bericht des Bundes zu den Hochwasserereignissen vom Juli 2021,
rapport présenté à la conférence des ministres de l'environnement, 26 p.
CEDIM Forensic Disaster Analysis Group (2021). Hochwasser Mitteleuropa Juli 2021 (Deutschland)
- Bericht Nr. 1 "Nordrhein-Westfalen & Rheinland-Pfalz", Center for Disaster Management and Risk
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Herausarbeitung von Verbesserungspotenzialen in der Risikokommunikation und in den
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Vorogushyn, S., Apel, H., Kemter, M., & Thieken, A. (2022) Statistical and hydraulic analysis of
flood hazard in the Ahr valley Germany considering historical floods, Présentation à l'assemblée
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Annexe 4. : les grandes caractéristiques de
l?événement d?inondations de mi-juillet 2021 en
Belgique
Une goutte froide, bloquée depuis le début de la semaine [du 12 juillet] sur le sud-ouest de
l'Allemagne, provoque d'importantes chutes de pluie sur le nord-est de la France, l'ouest de
l'Allemagne, le Luxembourg et l'est de la Belgique. La journée du 14 juillet a été particulièrement
pluvieuse en Belgique et dans l?ouest de l?Allemagne, marquée par des inondations
catastrophiques aux conséquences dramatiques.
Les cartes qui suivent présentent :
- les trois cours d?eau où on a relevé le plus de victimes ont leur source dans le massif des
Ardennes :
o L?Amblève : source à Honsfeld (commune de Bullange) dont l?altitude est de 600
mètres ; débit moyen : 19,5 m3/s ;
o L?Ourthe : source de l?Ourthe occidentale à Ourt (commune de Libramont-Chevigny)
dont l?altitude est de 506 mètres ; source de l?Ourthe orientale à Deiffelt (commune
de Gouvy) dont l?altitude est de 512 mètres ; débit moyen : 55,2 m3/s (à Liège) ;
o La Vesdre : source dans les Hautes Fagnes à un kilomètre de la frontière allemande
(Konzen quartier de la commune de Monschau), dont l?altitude est voisine de 543
mètres ; débit moyen : 11,4 m3/s (à Liège).
- le bassin de la Vesdre, qui a concentré une forte part des dommages et des victimes80, et
sa partie amont.
80 Source : Rapport Stucky « Analyse indépendante sur la gestion des voies hydrauliques lors des
intempéries de la semaine du 12 juillet 2021 ».
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Annexe 4.1. Caractéristiques météorologiques et hydrologiques de
l?événement
Annexe 4.1.1 Météorologie
Une situation météo de blocage
Depuis le début de l?été 2021, l?Europe de l?Ouest n?a pas été épargnée par de fréquents passages
pluvio-orageux, en lien avec de régulières gouttes froides, circulant sur le flanc occidental de
conditions anticycloniques de blocage sur l?Europe du Nord et de l?Est. C?était vrai en juin 2021, et
c?est aussi le cas en cette mi-juillet. Ainsi, les rivages de la Baltique et la Scandinavie connaissent
à ce moment un été très chaud qui a contribué, d?une certaine manière, à un fort contenu en vapeur
d?eau sur une grande partie de l?Europe du Nord. Ce fort contenu en eau de l?atmosphère est
souvent invoqué par les climatologues comme la principale raison de l?augmentation de la
fréquence des événements pluvieux extrêmes, déjà observée, à cause du réchauffement
climatique.
La situation météorologique qui a provoqué cette situation est liée à une goutte froide. La goutte
froide de cette semaine-là, de par son déplacement relativement lent, a provoqué des pluies
abondantes et durables sur une partie nord-est de la France, ouest de l?Allemagne et est de la
Belgique. En aspirant de l?air chaud et humide de la Méditerranée, s?ajoutant à l?humidité de l?air
sur l?Europe du Nord, une vaste perturbation pluvieuse s?est organisée sur l?Allemagne de l?Ouest
et le Benelux. Les contenus en eau précipitable ont renforcé le côté diluvien des précipitations,
entraînant des inondations aux conséquences dramatiques.
L?événement pluvial combine un front pluvial immobile, tel que cela peut survenir en hiver, et des
orages. Se sont ainsi retrouvées combinées en un seul événement les configurations hivernales et
les configurations estivales les plus défavorables.
La probabilité d?occurrence du volume de précipitations observé est de l?ordre d?une fois tous les
deux siècles ou une fois par millénaire, hors évolution du climat (hypothèse révolue).
Bien que l?évènement sorte du champ des phénomènes couramment pris en compte par les
modèles météorologiques, ceux-ci avaient mis en évidence, à partir du lundi 12 juillet (la
catastrophe s?est produite dans la nuit du mercredi 14 au jeudi 15 juillet) des précipitations avec
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des maxima locaux pouvant aller jusqu?à 150, voire 200 mm. Dès le dimanche 11 juillet, EFAS
(European Flood Awareness System Copernicus Emergency Management Service) avait indiqué
un risque élevé de crue sur le bassin de la Meuse, affectant notamment la Belgique.
L?action de l'Institut royal météorologique (IRM)
La chronologie d?événements ci-dessous (extraite du rapport de la commission d?enquête du
Parlement de Wallonie sur les inondations de juillet 2021, et s?appuyant notamment sur de
nombreuses auditions) donne un aperçu de la crise et des actions qu?elle a suscitées au sein de
l?administration :
? l?IRM annonce le lundi 12 juillet 2021 de 80 à 130 millimètres de pluie, voire très localement 150
millimètres de pluie, dans les 48 heures et déclenche l?avertissement jaune pour l?ensemble des
provinces wallonnes ;
? l?IRM active son personnel de réserve le lundi 12 juillet 2021 ;
? l?IRM confirme ses prévisions le mardi 13 juillet 2021 et déclenche l?avertissement orange pour
les provinces de Liège, Namur et Luxembourg ;
? l?IRM envoie des fichiers [de prévisions météorologiques de type] « grib » au SPW (Service Public
de Wallonie) indiquant un risque de 190 millimètres de pluie à certains endroits précis ;
? M. Dehenauw, Chef du Service Scientifique Prévisions du temps sein de l'Institut royal
météorologique (IRM) s?est assuré auprès des services de l?IRM que l?ensemble des documents et
fichiers utiles avaient été communiqués aux administrations régionales afin d?éviter tout
dysfonctionnement ;
? les critères sur la base desquels une alerte rouge pouvait être déclenchée concernant la Province
de Liège ont été rencontrés le 14 juillet 2021 ;
? il a précisé qu?à ce moment, il a été estimé que le volume d?eau pouvant tomber sur cette province,
en plus des précipitations déjà tombées annoncées le lundi, pouvait atteindre 150 millimètres
supplémentaires ;
? l?IRM est contacté par la Direction de la gestion hydrologique [du SPW] le matin du mercredi 14
juillet 2021 en vue d?obtenir des explications sur cette évolution du modèle ;
? il serait possible de déroger au délai de 12 heures avant de déclencher une alerte rouge mais
qu?il est alors [jugé] important de ne pas lancer de fausse alerte ;
? l?IRM estime que le risque de ce genre de catastrophe augmente avec le changement climatique
mais qu?on ne peut pas exclure que cela se produise également sans changement climatique.
Annexe 4.2. Hydrologie
Au coeur de la crise
? la phase d?alerte a été enclenchée le 14 juillet 2021 à partir de 6 heures. Dès 8 heures, toutes
les équipes disponibles étaient mobilisées ;
? le même jour, à 9 heures 27 minutes l?IRM a émis un message d?alerte rouge pour l?ensemble de
la province de Liège faisant état de 60 à 150 litres d?eau/m²81 de pluies pour cette même province.
Ces informations ont entraîné des hésitations car les services locaux ignoraient si ces volumes
tenaient compte des volumes d?eau qui sont tombés au cours des jours précédents. En suite de
81 Soit 60 à 150 millimètres
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cette diffusion, l?ingénieur de garde a pris contact avec l?IRM et a compris que ces volumes d?eau
sont des quantités d?eau en plus de celles déjà tombées ;
? toujours le 14 juillet 2021, à 9 heures 59 minutes, une réunion a été initiée par le Centre régional
de crise (CRC) concernant la gestion du barrage de Monsin. Les services du SPW chargés de la
gestion des barrages- réservoirs ont informé lors de cette réunion Centre régional de crise de la
situation difficile de certains barrages ;
? le même jour, à partir, respectivement, de 12 heures 50 minutes et de 13 heures, les stations de
mesure situées sur la Hoëgne et à Chaudfontaine n?ont plus répondu, (en raison de la destruction
ou de la mise hors d?usage des équipements) ce qui a empêché les services locaux de prendre
connaissance de l?évolution de la situation à ces endroits ;
? une réunion a eu lieu le 14 juillet 2021 à 13 heures 30 minutes entre le Centre régional de crise
et le SPW concernant la gestion du barrage de Monsin. Une autre réunion a également lieu le
même jour à 15 heures 30 minutes entre le Centre régional de crise et le Centre provincial de crise.
Cette réunion a concerné la situation des barrages-réservoirs ;
? le 14 juillet 2021, à 15 heures 30 minutes, plusieurs dizaines de voiries communales étaient
bloquées ;
? le 14 juillet 2021, des interventions ont eu lieu et les barrages-réservoirs de la Gileppe et de la
Vesdre ont joué leur rôle de rétention ; le barrage de la Gileppe a stocké tout le volume d?eau qui
est tombé sur son bassin versant et que le barrage d?Eupen a joué son rôle d?écrêtage de crues
pendant plusieurs heures ; le barrage d?Eupen n?avait pas baissé son volume stocké en anticipation
de l?événement très rapide, il a retardé la montée de l?eau et a été en mesure de réduire la pointe
de crue à l?aval par rapport à l?amont (étude Stucky) ; il a atteint les limites de sa capacité de
stockage le même jour à 22 heures 43 minutes. À partir de ce moment, le débit d?eau entrant a été
inférieur au débit sortant ;
? toujours le 14 juillet 2021, à 18 heures 15 minutes, une réunion avec les bourgmestres a eu lieu
afin de faire le point sur l'évacuation des camps de vacances des mouvements de jeunesse ;
? le 14 juillet 2021, à 18 heures 45 minutes, il a été demandé aux communes d'ouvrir des centres
d'accueil ;
? le 14 juillet 2021, à 21 heures, l'autorité fédérale a décidé d'appuyer la coordination stratégique
des gouverneurs de province, de coordonner les moyens fédéraux employés ainsi que la diffusion
d'informations à l'attention de la population et des acteurs mobilisés. Il a précisé qu?à partir de ce
moment, le Directeur général du Centre de crise national (NCCN) a organisé des réunions de
coordination afin de faciliter les échanges d'informations ;
? toujours le 14 juillet 2021, 22 heures 10 minutes, l?IRM a émis un message indiquant que le
Brabant wallon était placé en alerte orange.
M. Dierickx, Directeur de la Gestion hydrologique au sein du Service public de Wallonie Mobilité et
Infrastructures (SPW MI) confirme qu?à aucun moment durant la période de crise son service ne
s?est connecté au service « Map Viewer » de l?EFAS et que l?EFAS n?est d?ailleurs pas utilisé de
façon opérationnelle dans les procédures de sa direction, ce système n?étant pas ? pour
l?administration ? estimé assez fiable à ce stade, mais que le Service Public de Wallonie collabore
pour améliorer le modèle.
Les plus fortes précipitations (270 mm) ont été relevées à Jalhay, commune située sur la rive
gauche du lac de la Gileppe.
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Annexe 4.3. Impacts
Un an après les intempéries, une première estimation évaluait les conséquences des intempéries :
- 39 décès ;
- cent mille personnes sinistrées ;
- 209 communes situées sur le territoire wallon touchées (sur un total de 262 communes) ;
- 48 000 bâtiments, dont 45 000 logements ;
- 559 ponts endommagés ;
- 12 000 véhicules automobiles domiciliés en zone inondée.
Commune de Verviers
Verviers fut un grand centre européen de l'industrie lainière du XIIème au XXème siècle, ville prospère
reconnue internationalement pour le traitement des laines. Cela s'explique par la qualité de ses
eaux particulièrement douces, dépourvues de calcaire et donc de résidus qui pourraient souiller la
laine. L?urbanisation au début du XIXème siècle s?est faite notamment avec des maisons dont un
des murs porteurs tient lieu de berge. Ces maisons en bordure de la Vesdre ont été éventrées lors
des crues liées aux précipitations de juillet 2021. Il en a été de même dans la commune de
Pepinster située juste en aval. La Vesdre est la vallée la plus pentue de cette partie de la Wallonie.
Maison éventrée à Pepinster.
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Maison détruite à Verviers.
Pour ce qui concerne les réseaux de distribution, le nombre de ménages wallons impactés a été
de :
- 56 000 pour le réseau de l?électricité ;
- 25 000 pour le réseau du gaz ;
- 47 000 pour l?eau potable.
Par ailleurs :
- 1342 kilomètres de voies navigables ont vu leurs berges être inondées ;
- 340 000 tonnes de déchets ont été provoquées par les intempéries, 160 000 correspondent à
des déchets ménagers et professionnels provenant essentiellement d?habitations et 180 000 des
procédures de nettoyage des cours d?eau.
Ville de Liège
Liège est la première ville d'Europe continentale entrée dans la révolution industrielle à la suite de
l'industrialisation britannique, avec notamment l?arrivée de l'Anglais John Cockerill en 1797 avec
son père William Cockerill. Liège est la capitale économique de la Wallonie. La quasi-totalité des
cours d?eau de Wallonie confluent vers Liège ; la Meuse est entièrement canalisée sur une
longueur de 12 km dans Liège. Au niveau de la vieille ville, le lit majeur du fleuve reste étroit (largeur
moyenne de 1,3 km). Les précipitations de juillet 2021 ont inondé plusieurs quartiers, notamment
ceux situés sur l?Ourthe, mais aussi le tunnel de Cointe qui permet la traversée autoroutière de
Liège sur l?axe Luxembourg vers les ports d?Anvers et de Rotterdam. Pendant 6 mois, la circulation
a été limitée aux véhicules légers sur une seule voie ; il a fallu attendre un an pour que les deux
voies soient rouvertes et autorisées aux semi-remorques.
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Annexe 4.4. Organisation de l?action publique, répartition des
compétences et responsabilités
En Belgique :
- Les prévisions météorologiques constituent une compétence fédérale, exercée par l'Institut
royal météorologique (IRM) ; la règle, en Belgique, est qu?une alerte « rouge » ne peut être
émise que 12 heures avant le phénomène, une alerte « orange » 24 heures à l?avance et une
alerte « jaune » 48 heures à l'avance ; ces délais institutionnalisent un équilibre entre fiabilité
de la prévision, besoin d?anticipation et souhait d?éviter les fausses alertes ;
- La gestion hydrologique est une compétence régionale, pour ce qui nous concerne le Service
public de Wallonie - Mobilité et Infrastructures (SPW MI) ;
- La gestion de crise est une compétence répartie entre le niveau fédéral, le niveau régional,
le niveau provincial et le niveau communal.
Annexe 4.5. Questions et problématiques mises en évidence par
l?événement
Pour ce qui concerne les barrages, leur gestion a été différente selon les exploitants, tel que cela
apparaît dans les auditions devant la commission parlementaire d?enquête mentionnées ci-
dessous, cela n?a pas manqué d?alimenter des polémiques :
- leur fonction habituelle est d?écrêter les crues en hiver et au printemps, et de constituer des
réserves d?eau pour la période estivale ; par ailleurs, les barrages d?Eupen et de la Gileppe
constituent les deux principales réserves d?eau potable de l?agglomération liégeoise ;
- Pour l'exploitation des ouvrages hydro-électriques d'ENGIE en Wallonie, sur la gestion
opérationnelle des barrages de Butgenbach et de Robertville (communes toutes deux
traversées par la Warche, affluent de l?Amblève) :
o « les 12 et 13 juillet 2021, l?auditionné explique que le volume d?eau dans les barrages
de Butgenbach et de Robertville est diminué par turbinage progressif » ;
o « en période de crue, sur le barrage dont il a la gestion, la seule priorité est l?écrêtage
de crue, qui passe avant la production d?électricité, tandis que la fonction liée à l?eau
potable est très restreinte et n?entre pas en considération dans l?arbitrage ».
- Pour l'exploitation des barrages et des ouvrages hydro-électriques de l?entreprise publique
autonome SWDE (Société wallonne des Eaux, coopérative dont le capital social est réparti
entre 207 communes, 10 intercommunales, 4 provinces wallonnes, la Région wallonne et la
Société Publique de Gestion de l?Eau) :
o suite aux informations communiquées par l?IRM, « avant le 14 juillet 2021, la réserve
d?empotement du barrage de la Vesdre était de 5,6 millions de mètres cubes, le
barrage était donc rempli à 79 % », autrement dit pas de lâcher préventif ;
o « le même jour [14 juillet 2021], à 12 heures, il a été constaté que la Vesdre était en
situation de crue. En suite de ce constat, la Direction des Barrages-réservoirs du SPW
MI a informé le CRC de l?état de la situation et une réunion spécifique relative à la
gestion du barrage d?Eupen a été organisée le même jour, l?après-midi » ;
o « en suite de cette réunion, il a été décidé d?augmenter la restitution du barrage
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d?Eupen afin de retarder le moment où le lac serait rempli » ;
o « le 14 juillet 2021, à 18 heures 45 minutes, il a été décidé que le barrage d?Eupen
pouvait procéder à libérer certains volumes d?eau de manière continue » ;
o « le barrage d?Eupen a atteint les limites de sa capacité de stockage le même jour à
22 heures 43 minutes. À partir de ce moment, le débit d?eau entrant a été inférieur au
débit sortant », autrement dit toutes les vannes ont été ouvertes afin d?éviter le risque
de rupture de la retenue d?eau ;
- Selon le rapport Stucky82 , commandité par le Gouvernement wallon, afin de mener une
analyse indépendante sur la gestion des voies hydrauliques lors des intempéries de la
semaine du 12 juillet 2021 :
o « La présence du barrage d?Eupen a par ailleurs permis de retarder la montée de la
crue puisque les volumes ont été stockés durant toute la première moitié de
l?évènement permettant par exemple de limiter le débit aval à environ 25 m³/s alors
que la crue atteignait un premier pic à environ 130 m³/s, le 14.07.2021 aux alentours
de 16h30 » ;
o « Le 13.07.2021 à 23 :07, l?alarme BT ? Rés est déclenchée, ce qui déclenche le
mode de gestion « alarme crue ». Le turbinage doit être maximal et le niveau du lac
est surveillé pour ne pas dépasser la côte critique Nmax de 360.80 m » ;
o « Lors de cette gestion, la note précise que le tunnel de la Helle (qui amène au
maximum 25 m³/s dans le lac d?Eupen) doit être fermé en cas de risque d?inondation
entre le barrage et la confluence Helle-Vesdre. Lors des évènements de juillet, ce
tunnel n?a pas été fermé » ;
o « Par ailleurs, dès le 14.07.2021 à 04 :17, l?alarme hlimn.Vesdre Pepinster > 3.10 m est
dépassée? Cette alarme est survenue 5h après l?alarme « BT dépassé », ce qui n?a
pas permis d?effectuer les lâchures suffisantes » ;
o Les consignes de déversements ont ensuite été suivies tout au long de la crue et le
niveau du lac a dépassé sa côte critique (Nmax = 360.80) le 14.07.2021 à 22 :43,
puis sa hauteur maximale (hauteur du lac maximale pour garantir la sécurité
structurelle de l?ouvrage : 361 m) le 14.07.2021 à 00 :28 » ;
o « Une pointe de 196 m³/s est atteinte le 15.07.2021 à 01:30 ».
Toujours est-il que la commission d?enquête du Parlement de Wallonie a retenu 25
recommandations ayant trait à la gestion des barrages et ouvrages d?art.
Durée de retour de tels phénomènes météorologiques et hydrologiques :
- Certains évoquent des pluies centennales, localement même bicentennales, en se fondant
sur les relevés des deux siècles précédents (au maximum), ce qui n?intègre pas le
réchauffement climatique ;
- M. Fettweis, Directeur du laboratoire de climatologie de l'Université de Liège, a déclaré que
« si on maintient les objectifs visant à limiter le réchauffement climatique à une hausse de 1,5
degré Celsius, les événements de juillet 2021 pourraient se répéter tous les 10 à 20 ans en
Belgique », mais aussi que « les sécheresses poseront davantage de défis aux autorités
publiques que les inondations ».
82 Rapport Stucky « Analyse indépendante sur la gestion des voies hydrauliques lors des intempéries de la semaine
du 12 juillet 2021 ».
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En tout état de cause, il apparaît indispensable de recalibrer ou d?adapter les modèles
actuels de prévision, voire de développer de nouveaux modèles, et de prendre en compte
dans l?urbanisation les références statistiques de crue mises à jour.
Carte du bassin versant de la Vesdre.
La reconstruction dans les communes les plus durement touchées :
C?est dans la vallée de la Vesdre qu?il y a eu le plus de victimes. L?aménagement des berges est
un point de passage obligé, avec probablement destruction de maisons en bord de rivière, de façon
à pouvoir édifier des berges à même de résister à de telles inondations, et de laisser plus de place
à l?eau.
Annexe 4.6. Suites données, apprentissages, réflexions et actions
engagées
Le Parlement de Wallonie a décidé le 1er septembre 2021 de créer une commission d?enquête
chargée d?examiner les causes et d?évaluer la gestion des inondations de juillet 2021 en Wallonie.
Ses missions sont :
- d'évaluer les outils existants et les mesures prises dans la sphère des compétences de la Région
wallonne en matière de prévention et d?anticipation des inondations ;
- d?évaluer les éléments de contexte ayant conduit à ces inondations et notamment l?ampleur du
caractère exceptionnel des précipitations ;
- d?analyser les causes en lien avec les réalités et les enjeux climatiques, environnementaux et
d?aménagement du territoire ;
- d?examiner les mesures prises au niveau wallon ainsi que les interactions avec les autres autorités
compétentes ;
- d?analyser les mécanismes de prévision et modèles météorologiques d?anticipation de la menace
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des précipitations et d?inondations ;
- d?analyser les interactions et notamment le fonctionnement des systèmes d?alerte et les échanges
d?information entre le niveau régional, les autres niveaux de pouvoir belge et européen et les
différents acteurs concernés ;
- d?analyser la gestion des outils et notamment les infrastructures hydrauliques ;
- d?examiner la gestion de la crise en termes d?évacuation et de secours, d?une chronologie des
différentes décisions prises ;
- de formuler, sur la base de ces travaux, des recommandations permettant en particulier de
répondre dans le cadre des matières ressortissant à la Région wallonne aux défis liés aux causes
et à la gestion des risques d?inondations dans un contexte d?adaptation climatique. Ces
recommandations devront conduire à l?élaboration de toute proposition de décret ou de résolution.
Cette commission d?enquête s?est réunie très régulièrement (2, 10, 16, 17, 24 et 30 septembre, 1er,
8, 15, 22, 29 octobre, 12, 18, 19, 25 et 26 novembre, 2, 3, 10 et 17 décembre 2021, 14, 21 et 28
janvier, 11 février et 11 mars 2022). Elle a adopté le rapport final le 31 mars 2022.
La commission d?enquête du Parlement de Wallonie a retenu 161 recommandations :
? 19 recommandations ont trait à l?amélioration des alertes, de leur gestion et de leur diffusion :
- Dont la n° 1 « engager résolument la Wallonie dans le réseau européen constitué par l?EFAS
et ses différents outils », « intégrer l?usage de l?ensemble des outils proposés par l?EFAS
(alertes formelles et informelles « flood » et « flash flood » et « Map viewer ») dans les
procédures du SPW », « participer aux réunions annuelles et aux formations nécessaires » ;
- Dont la n° 3 « Développer et renforcer le partenariat entre le Service Public de Wallonie (SPW)
et l?Institut Royal Météorologique (IRM) » ;
- Dont la n° 4 « Améliorer les conditions et le séquençage d?utilisation des codes d?alerte de
l?IRM afin de pouvoir déclencher des alertes jaunes, oranges et rouges sans attendre 48
heures, 24 heures ou 12 heures, en cas de risque d?événements météorologiques de nature
ou d?ampleur exceptionnelles » ;
- Dont la n° 6 « d?intégrer progressivement dans le modèle de prévision hydrologique «
HydroMax » les prévisions météorologiques du European Centre for Medium-Range Weather
Forecasts (ECMWF) et les données issues des cours d?eau non navigables (Aqualim) », « de
renforcer les capacités de modélisation hydrologique en prenant en compte un facteur de
risque plus grand lié à l?augmentation des phénomènes climatiques extrêmes », « de
développer des modèles d'alarme spécifiquement liés aux phénomènes de « flash flood » ;
- Dont la n° 7 « Clarifier et rendre publics la terminologie des codes et seuils de pré-alerte et
d?alerte de crues afin de mieux rendre compte des risques d?événements hydrologiques d?une
nature exceptionnelle » ;
- Dont la n° 8 « Veiller à ce que la DGH SPW MI adresse une communication compréhensible,
signifiante et directement exploitable aux autorités régionales et communales compétentes
ainsi qu?à la population » ;
- Dont la n° 9 « Établir un canevas de bulletin d?information, des messages de pré-alerte,
d?alerte et concernant la situation des eaux (données chiffrées, degré de gravité) » ;
- Dont la n° 11 « Améliorer les stations de mesures hydrométriques afin, d?une part, d?agrandir
la gamme de mesure des débits avant une situation de défaillance et, d?autre part,
d?augmenter leur résistance » ;
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- Dont la n° 13 « En concertation avec les médias, tant publics que privés, intégrer les données
hydrologiques vulgarisées dans les bulletins météorologiques grand public en cas de
prévision de crues et, le cas échéant, prévoir la diffusion de messages de pré-alertes et
d?alertes ».
? 21 recommandations ont trait au développement de la culture du risque dans la population et
dans les administrations :
- Dont la n° 21 « Former davantage d?agents publics à la planification d?urgence et à la gestion
de crise » ;
- Dont la n° 25 « Développer un plan d?urgence d?aide psychosociale en cas de crise
majeure ? » ;
- Dont la n° 29 « Dès l?émission d?un code jaune par l?Institut Royal Météorologique (IRM),
appréhender la situation en approche et par équipes multidisciplinaires et effectuer des points
réguliers sur l?évolution des informations » ;
- Dont la n° 30 « Élaborer, en bonne intelligence avec les communes concernées, des cartes
d?évacuation et de mise à l?abri lisibles, y compris en cas de délestage préventif,
accompagnées d?un inventaire des sites pouvant accueillir les personnes évacuées » ;
- Dont la n° 32 « En parfaite cohérence avec les Plans généraux d?urgence et d?intervention
(PGUI), effectuer régulièrement des exercices d?évacuation et de mise à l?abri de la population
ainsi que des stress tests liés aux infrastructures sensibles » ;
- Dont la n° 36 « Créer un cadre permettant une organisation avec les bénévoles, pendant et
après la catastrophe, et mettre à disposition les lieux et le matériel nécessaires pour rendre
cette aide efficace » ;
- Dont la n° 37 « Formaliser la délégation pour absence (applicables aux bourgmestres,
gouverneurs de province, fonctionnaires, etc.) sur la base de critères préalablement définis
ainsi que sur l?étendue de la délégation ».
? 17 recommandations ont trait au rôle et au fonctionnement du centre régional de crise (CRC-W)
et à son interface avec le Groupe Transversal Inondations :
- Dont la n° 41 « Adopter un décret relatif au Centre régional de Crise de Wallonie (CRC-W)
ayant pour objectifs d?en clarifier les rôles et les missions, d?en moderniser le fonctionnement
et d?en faire la porte d?entrée unique des services régionaux en matière d?expertise du
risque » ;
- Dont la n° 43 « Renforcer le rôle du CRC-W en tant qu?interlocuteur de référence pour les
gestionnaires de crise, lorsqu?une phase de crise est déclenchée à l?échelon local, provincial
ou fédéral » ;
- Dont la n° 48 « En situation de crise ou de phase provinciale ou fédérale, placer le CRC-W
sous l?autorité directe du Secrétaire général du SPW, ce dernier disposant, en coordination
avec les Directions générales concernées du SPW, d?un pouvoir d?injonction ».
? 27 recommandations ont trait au rôle et au fonctionnement des gestionnaires de crise (Fédéral,
Province, Commune), à leur organisation et à celle de leurs interfaces :
- Dont la n° 58 « solliciter de l?Autorité fédérale la clarification du commandement dans la
gestion de crise. Déterminer clairement les mécanismes de coopération entre différentes
entités dans l?hypothèse d?une succession de déclenchement de phases d?urgence. Rappeler
le rôle et la responsabilité de chaque intervenant dans chaque phase d?urgence (NCCN,
Centre de crise provincial, Centre de crise communal) » ;
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- Dont la n° 61 « Rendre obligatoire la formation à la planification d?urgence et à la gestion de
crise pour les coordinateurs en planification d'urgence (PLANU) et les agents qui les
remplacent, clairement désignés, pour les gouverneurs de province et les commissaires
d?arrondissement » ;
- Dont la n° 68 « Intégrer systématiquement les gestionnaires de barrages dans le système
ICMS (Incident & Crisis Management System) lorsque ceux-ci sont concernés directement
ou indirectement » ;
- Dont le n° 69 « Formaliser et systématiser l?organisation de debriefings et de retours
d?expériences des gestionnaires de crise ? » ;
- Dont la n° 70 « En matière d?alerte et de communication d?urgence :
o généraliser l'utilisation de l?outil « BE-Alert » par les autorités locales ;
o augmenter le taux d?inscription de la population à BE-Alert ;
o améliorer un réseau radio « Astrid », « Blue Light Mobil » ou similaire accessible aussi
pour les autorités locales (coordinateur planification d'urgence (PLANU) et/ou
bourgmestre) »
- Dont la n° 72 « Assurer, sur les réseaux sociaux, une communication large et efficace en
période de crise pour permettre l?adhésion de la population aux mesures envisagées et lutter
contre les « fake news » ;
- Dont la n° 73 « En plus de l?arsenal existant, des médias et des réseaux sociaux, établir une
démarche de communication de terrain telle que, par exemple et selon les cas :
o la constitution d?un réseau de points de contact par quartier et, le cas échéant, son
activation en cas de crise ;
o l?utilisation de haut-parleurs dans les quartiers ;
o le porte-à-porte ;
o les sirènes. »
- dont la n° 81 « Demander au Gouvernement wallon de solliciter le Gouvernement fédéral afin
qu?il prévoit une procédure claire d?urgence interzones et fixant quel commandant de zone de
secours dirige les opérations ».
? 25 recommandations ont trait à la gestion des barrages et ouvrages d?art :
- dont la n° 85 « Créer un cadre légal pour la gestion et la sécurité des barrages-réservoirs
publics et privés situés en Wallonie, ainsi que pour leur contrôle externe ayant pour objectif
de :
o garantir la sécurité des ouvrages en tout temps ;
o organiser les modalités d?un dialogue entre les gestionnaires des barrages-réservoirs
de Wallonie. »
- dont la n° 86 « Sans attendre l?établissement de ce cadre légal, organiser dans les meilleurs
délais un audit externe des barrages-réservoirs » ;
- dont la n° 89 « Modéliser les parties du bassin versant en amont des barrages afin de pouvoir
estimer de façon plus fine et en temps réel les besoins à couvrir par la réserve d?empotement
des barrages-réservoirs » ;
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- dont la n° 91 « Autoriser le Service Public de Wallonie (SPW) à imposer par injonction à la
SWDE (Société wallonne des eaux) et à tout gestionnaire de barrage ou exploitant de centrale
électrique, un turbinage immédiat en situation de crise » ;
- Dont leda n° 93 « Concernant les modèles prévisionnels propres à la gestion des barrages :
o équiper les barrages d?outils de prévision permettant au gestionnaire de réaliser des
prévisions crédibles de l?impact du ruissellement sir la gestion de l?ouvrage ;
o développer un modèle mathématique permettant d?estimer le volume d?eau entrant
dans l?ouvrage en fonction de prévisions météorologiques et d?un ruissellement
donné » ;
- dont la n° 94 « Modéliser l?impact de lâchers de barrage sur le bassin versant en aval, en
intégrant également l?impact du ruissellement sur les bassins versants et actualiser sur cette
base les informations de la note de manutention sur la célérité de l?onde de crue » ;
- dont la n° 96 « Intégrer dans la gestion des barrages un plan d'alarme prévoyant une montée
en puissance selon différents niveaux d'alarmes avec des règles à respecter pour chaque
niveau afin de clarifier le rôle des gestionnaires des barrages » ;
- dont la n° 105 « Systématiser et formaliser la communication entre les gestionnaires des
barrages-réservoirs et les autorités locales, les zones de secours et les zones de police en
prévoyant des réunions régulières ».
? 9 recommandations ont trait à la gestion des cours d?eau :
- dont la n° 110 « Préconiser une approche pluridisciplinaire par sous-bassin versant, en tenant
compte des enjeux en amont et en aval, afin de contribuer à la protection des personnes et
des biens ».
? 26 recommandations ont trait à l?aménagement du territoire et aux modalités de reconstruction :
- dont la n° 119 « Étudier la manière la plus adéquate de modifier le cadre légal assurant la
prise en compte des cartes d'aléas d?inondations lors de la délivrance des permis
d'urbanisme » ;
- dont la n° 122 « Mieux faire connaître l?existence de la Cellule GISER (Gestion Intégrée Sol
? Érosion ? Ruissellement du SPW) et organiser la possibilité pour un porteur de projet de
construction ou d?urbanisation de demander, avant la phase d?instruction du permis, un avis
indicatif global préalable intégrant les analyses de la Cellule GISER, des gestionnaires de
cours d?eau, des gestionnaires d?égouttage et de tout autre acteur pertinent » ;
- dont la n° 125 « Informer les propriétaires et les locataires des bonnes pratiques en matière
d?aménagement ou de construction afin de rendre les maisons moins vulnérables aux risques
climatiques et environnementaux » ;
- dont la n° 126 « Mettre à jour les cartes des zones inondables et les cartes d?aléas
d?inondations, prioritairement dans les zones sinistrées » ;
- dont la n° 133 « Augmenter la capacité d?infiltration des sols? » ;
- dont la n° 134 « Elaborer des études de ruissellement à l?échelle de quartiers ou de
communes avec définition précise du risque et mise en place de mesures constructives ? » ;
- dont la n° 135 « Mettre en place des « masters plans » afin d?organiser la reconstruction et la
prévention des risques d?inondations, dans une approche cohérente et planifiée à l?échelle
des sous-bassins versants, en commençant par la Vesdre, par les vallées sinistrées? » ;
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- dont la n° 138 « Assurer une reconstruction des berges des cours d?eau, par priorité dans les
zones urbaines ou urbanisées, en intégrant l?évolution du comportement des cours d?eau à
la suite des crues de juillet 2021? ».
? 10 recommandations ont trait à diverses politiques publiques, ainsi qu?à l?organisation et au
fonctionnement du service public de Wallonie (SPW) :
- dont la n° 145 « Améliorer la transversalité au sein du Service Public de Wallonie (SPW) pour
sortir d?une gestion en silos » ;
- dont la n° 146 « Renforcer le rôle de coordination du secrétariat général du SPW en
améliorant la transversalité entre les directions générales » ;
- dont la n° 149 « Développer, au sein du SPW, des outils permettant de mutualiser la collecte
de données pour estimer les dégâts sur le territoire des communes concernées en temps de
crise ».
? 7 recommandations ont trait aux autres politiques.
- dont la n° 156 « Créer un plan de gestion et d?évacuation des déchets en situation d?urgence,
prenant en compte la répartition des responsabilités entre les acteurs concernés et organisant
au bénéfice des communes, sous l?égide [?] une procédure de crise pour le nettoyage des
déchets immédiats produits » ;
- dont la n° 160 « Mettre en relation les vétérinaires urgentistes ainsi que les acteurs du bien-
être animal avec les cellules de sécurité provinciale et les plans d?urgence des pouvoirs
locaux pour la gestion des situations de crise impliquant les animaux, tant d?élevage que pour
les particuliers ».
Annexe 4.7. Liste des documents consultés spécifiques à
l?événement
Rapport de la commission d?enquête du Parlement de Wallonie (24/03/2022).
CR des auditions de la commission d?enquête du Parlement de Wallonie (2, 10, 16, 17, 24 et 30
septembre, 1er, 8, 15, 22, 29 octobre, 12, 18, 19, 25 et 26 novembre, 2, 3, 10 et 17 décembre 2021,
14, 21 et 28 janvier, 11 février et 11 mars 2022).
Rapport Stucky « Analyse indépendante sur la gestion des voies hydrauliques lors des intempéries
de la semaine du 12 juillet 2021 ».
Un an après les inondations - bilan de la gestion post-inondations et continuité de la reconstruction,
Commissariat spécial à la Reconstruction, Région de Wallonie (2022).
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Annexe 5. : les grandes caractéristiques de
l?événement d?inondations de mi-juillet 2021 en
France
Annexe 5.1. Caractéristiques météorologiques et hydrologiques de
l?événement
Annexe 5.1.1 Météorologie
Le lundi 12 juillet, une goutte froide liée à la dépression Bernd a abordé la France par le nord-ouest.
Elle traverse lentement le nord-est du pays le 13 juillet avant de s'isoler sur le sud-ouest de
l'Allemagne, bloquée par les champs de haute pression situés sur l'Europe centrale. Elle y
stationne du mercredi 14 au vendredi 16 juillet, avant de perdre en activité. Les précipitations les
plus intenses, facteurs de dommages, et liées à ce phénomène, sont notamment alimentées par
de l?air chaud et humide provenant de la Mer baltique. Ces précipitations intenses concernent
progressivement l?est de l?Ile-de-France le 12 juillet, puis le 13 et le 14 l?est des Hauts-de-France,
plus ou moins fortement tous les départements du Grand Est, l?est (dès le 14) puis le sud (le 15)
de Bourgogne Franche Comté, le nord d?Auvergne Rhône-Alpes (à partir du 15).
La figure ci-dessous présente les cumuls de précipitations sur 72 heures, du 13 juillet matin au 16
matin. Si des intensités sur 24 heures ont battu des records sur 30 ans ou plus de mesure,
l?événement est d?abord rare (pour le territoire français) par l?étendue et la stabilité géographique
de ces précipitations intenses. Météo France estime que l?événement global présente une durée
de retour de l?ordre de 400 ans, c?est-à-dire qu?il a une chance sur 400, chaque année, d?être atteint
ou dépassé en importance à cette échelle géographique.
Figure 1 : Cumul de précipitation (mm) du 13 juillet à 6 heures UTC au 16 juillet à 6 heures UTC (source
Météo France).
Les prévisions de Météo France, à partir des modèles européens et français notamment, avaient
anticipé 3 jours à l?avance un risque de cumuls locaux de pluie de 100 mm en 48h. Onze
départements avaient été placés en vigilance orange « forte pluie ? inondations, fortes
précipitations », dont huit ont été réellement touchés, les trois autres partiellement ou de manière
atténuée.
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Août 2023 Retour d?expérience des inondations des 14 et 15 juillet
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Annexe 5.1.2 Hydrologie
Si le début d?été 2021 est l?un des trois les plus arrosés sur l?ensemble de la France métropolitaine,
l?état d?humidité des sols est très variable selon les territoires touchés, variant entre un état
statistique d?humidité moyenne et un état saturé. Les fortes pluies ont ainsi rencontré des sols dans
des états initiaux très différents.
Il en est résulté un ensemble d?inondations, liées à des débordements de cours d?eau et à des
ruissellements. Pour ce qui concerne les cours d?eau surveillés par l?Etat, il s?agit du plus grand
nombre (20) de tronçons placés simultanément en vigilance orange depuis 2006 au niveau national.
La figure 2 présente, par territoires de SPC (service de prévision des crues), les nombres de jours
où la vigilance crue la plus forte a été respectivement jaune et orange, à l?échelle de l?ensemble du
mois de juillet. Des inondations sont survenues par exemple dans la troisième décade du mois
dans le nord-nord-est, mais l?essentiel des vigilances, dans le grand nord-est du pays, est à
attribuer à l?événement de mi-juillet.
Figure 2 : Nombres de jours en vigilance maximale orange ou jaune, par territoire de prévision des crues,
en juillet 2021 (source : la vigilance « crues » - bilan 2021, Vigicrues, 24 p.)
Il faut noter que le Rhin se trouve dans le même temps en crue d?occurrence environ décennale
(vigilance jaune depuis le 4 juillet), en lien avec des précipitations antérieures à l?événement
météorologique considéré.
Hors du Rhin (régime nival, pouvant présenter des régimes de hautes eaux en été), le reste de la
zone touchée est habituellement concerné très majoritairement par des crues hivernales, ou par
des phénomènes orageux bien plus localisés, ayant moins d?incidence hydrologique à l?échelle de
bassins versants d?une certaine taille. Les inondations observées mi-juillet sont d?abord atypiques
par la saison, notamment sur l?Aisne et l?Oise, sur la Chiers affluent de la Meuse, sur la Marne
amont et la Marne moyenne.
Sur certaines parties de l?Aisne et de la Chiers, les niveaux de crue mesurés sont les plus
importants depuis la mise en place de mesures : on a atteint un niveau de crue cinquantennal sur
l?Aisne, dépassé un niveau vingtennal sur la Chiers. Il faut cependant signaler que les cotes étaient
plus hautes que celles observables en hiver pour des mêmes débits (Cf. plus loin). La Vezouze,
affluent de la Meurthe, a présenté sur sa partie aval des niveaux de crues vingtennaux à
cinquantennaux. Le Helpe majeure, affluent de la Sambre (elle-même affluent de la Meuse) a
connu des niveaux de crues décennaux à vingtennaux. Par contre, les crues des affluents du Rhin
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Août 2023 Retour d?expérience des inondations des 14 et 15 juillet
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et la Marne amont sont restés sous le niveau quinquennal, l?Aube sous le niveau biennal? Il ne
s?agit pas d?un relevé exhaustif, mais d?une illustration de cet événement de grande ampleur mais
très inégal en intensité.
On retrouve de même une grande diversité dans les dynamiques des crues : les parties de bassin
proches des zones de précipitations intenses ont connu des vitesses de montée (et de redescente)
de l?eau inhabituellement rapides en regard des crues d?hiver, alors que pour d?autres la dynamique
était plus proche des événements connus. Certains cours d?eau ont connu plusieurs pics de crue,
malgré la relative brièveté de l?événement.
Outre la particularité de l?événement météorologique, et par endroits celle du niveau d?humidité des
sols, les conditions de formation et d?écoulement des crues de cours d?eau ont été très fortement
modifiées, par rapport aux crues d?hiver, par l?état de la végétation (densité, hauteur, robustesse) :
végétation aquatique, végétation des berges, végétation des lits majeurs et notamment cultures
agricoles (avec une différence selon qu?un champ de céréales était déjà moissonné ou non).
En un point donné, les hauteurs d?eau pour un même débit se sont trouvées accrues par l?effet du
frottement de l?écoulement sur la végétation. En se basant sur les relations entre cotes et débits,
établies à partir de mesures « hivernales », on a ainsi surestimé les débits estivaux jusqu?à 30%
sur la Chiers, 40% sur l?Helpe.
A ce phénomène se sont ajoutés deux autres facteurs :
? un amortissement plus important des crues de l?amont vers l?aval, et donc une propagation
moins importante que d?habitude des débits vers l?aval ;
? un ralentissement des vitesses de propagation des crues de l?amont vers l?aval.
Ces différents facteurs ont parfois très fortement perturbé les modèles de prévision des crues,
élaborés à partir des crues d?hiver, et qui ont de fait affiché des erreurs et des incertitudes plus ou
moins importantes. Les équipes d?hydrométrie ont pu faire des mesures de débits réels, avec la
contrainte de la brièveté relative des crues, compliquant la possibilité de faire des mesures au
moment des maximums, et le fait que certains services d?hydrométrie n?avaient pas mis en place
d?astreinte pour faire des mesures urgentes en cas de crue en été. Les services ont mis en place
en urgence des moyens de mobilisation des équipes, en période de congés estivaux, mais il a été
compliqué de s?adapter à une situation inédite.
Le dispositif européen de prévision des crues, EFAS (European Flood Awareness System), a
annoncé des crues dès les 9 et 10 juillet notamment pour le bassin du Rhin, et la partie belge du
bassin de la Meuse (notifications aux autorités le 12).
Les retours d?expérience des services de prévision des crues détaillent les résultats du travail de
prévision au fil de l?événement, et les difficultés intrinsèques liées à l?hydrologie estivale
« inhabituelle ». Les prévisions de précipitations, qui servent souvent de donnée d?entrée à la
prévision des crues, ont fluctué significativement en raison de la difficulté intrinsèque de prévoir
quantitativement ces précipitations intenses à une échelle opérationnelle. Ainsi, les précipitations
intenses prévues sur le versant ouest des Vosges, sur le bassin de la Meurthe, se sont produites
en décalage vers le nord-ouest sur le bassin de la Chiers : les prévisions de crues étaient de fait
surestimées sur la Meurthe, et réajustées avec très peu de temps de préavis sur la Chiers.
Les barrages à but multiple ont contribué à l?écrêtement des crues, d?après les informations
recueillies, dans le respect de leurs règlements d?eau (donc dans le respect des arbitrages pré-
établis entre usages et dans le respect des règles de sécurité), notamment les barrages Aube,
Marne et Seine, ou encore le barrage de Vouglans sur l?Ain. Le barrage Marne, se trouvait rempli
à 94%, en raison des objectifs de soutien d?étiage, il a écrêté la crue jusqu?à atteindre le niveau
maximum de sécurité prévu, pour la première fois depuis sa mise en service. Selon les barrages
et l?intensité des crues arrivant de l?amont, le remplissage effectif a permis plus ou moins
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Août 2023 Retour d?expérience des inondations des 14 et 15 juillet
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d?écrêtement effectif de la crue.
Outre les cours d?eau, sont apparus, dans certains territoires, des phénomènes nouveaux de
ruissellements, en général pas ou peu pris en compte dans les plans de prévention des risques
d?inondation (PPRI,) et des coulées de boues parfois inattendues. Enfin, des glissements de terrain
sont survenus, en lien avec la situation météorologique et l?état des sols, à Savonnières (55) et en
trois endroits dans le Jura (produisant des coupures de voies de communication, sans impacts sur
des habitations, et sans interférence avec la gestion des situations d?inondations).
Annexe 5.2. Impacts
Dans les Ardennes, une rupture de digue de Voies Navigables de France a augmenté le débit de
l?Aisne, et conduit à des évacuations dans un village exposé à une crue « renforcée ». Par ailleurs,
une digue amovible mise en place pour protéger un centre bourg en Saône-et-Loire a rompu,
inondant le centre-ville : une petite vingtaine de personnes ont été mises en sécurité. Les impacts
des défaillances d?ouvrages signalées sont restés limités.
D?après les informations recueillies par la mission, aucun décès attribuable aux inondations n?a été
à déplorer. Quelques dizaines de personnes ont été évacuées de leurs habitations dans l?Aisne,
dans les Ardennes et dans la Marne, quelques personnes (moins d?une vingtaine à chaque fois)
ont été évacuées ou mises en sécurité en Meurthe-et-Moselle (sans compter les personnes aidées
à se mettre à l?abri dans les étages), dans la Meuse, en Saône-et-Loire. Par ailleurs, on compte
l?évacuation de plusieurs campings, mais aussi un refus par un exploitant de mettre en oeuvre les
consignes d?évacuation ainsi qu?une évacuation de camping tardive. A également été évacué un
camp de mouvement de jeunesse. Les caractéristiques saisonnières de l?événement ont de fait eu
un impact sur les dommages et pertes correspondant à ces activités et hébergements de vacances.
Un village de loisirs / vacances a vu 250 de ses 800 cottages endommagés, mais les résidents
concernés ont pu être évacués à temps et relogés dans les cottages libres et hors d?eau. On ne
dispose pas d?éléments sur les pertes d?exploitation sur le reste de la saison estivale.
Au moins deux Ehpad ont été touchés par les inondations, sans évacuation signalée (contrairement
à une résidence autonome pour personnes âgées), par contre les services de secours ont dû
mettre en place des moyens d?alimentation électrique.
Pour ce qui concerne les autres dommages matériels et économiques, la mission ne dispose
d?aucun bilan exhaustif. On note en particulier de nombreuses coupures de routes, et des
dommages agricoles sur lesquels on revient plus loin, en raison notamment de leur importance (et
aussi de leur sensibilité dans le contexte local) et du caractère atypique dû à la saison.
On peut illustrer l?ampleur de l?événement au travers des reconnaissances au titre du régime
d?indemnisation des catastrophes naturelles (tableau 1) : la mission estime qu?à fin février 2023,
434 communes de 20 départements ont vu reconnaître l?état de catastrophe naturelle, au titre des
inondations et coulées de boues, pour des phénomènes locaux commençant entre le 12 et le 19
juillet 2021, et liés à la dépression Bernd.
Ces déclarations ne concernent pas les dommages agricoles aux cultures et au bétail, qui
constituent la plus grande spécificité qualitative des impacts des inondations de juillet 2021, par
rapport aux inondations touchant habituellement les territoires concernés.
En effet, en période « hivernale », les champs cultivés sont exempts de plantations ou présentent
des stades de croissance des plantes qui soit sont modérément vulnérables, soit peuvent être
remplacés avec un surcoût d?exploitation partiel. Par ailleurs, les prairies ne sont, dans les
territoires considérés et pendant la saison habituelle des crues, ni utilisées pour y parquer du bétail,
ni fauchées.
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En juillet, une partie des céréales à paille n?avait pas été moissonnée, le maïs n?était pas exploité
mais déjà relativement haut, et les prairies étaient utilisées soit pour parquer du bétail, soit pour
produire du foin. Dans l?Aisne, par exemple, 30% du maïs et 60% des autres céréales inondées
ont été détruits, l?herbe des prairies inondées s?est trouvée inutilisable en raison des dépôts de
vases, de limons, de déchets? Les agriculteurs n?ont, par endroits, pas été destinataires d?alertes
spécifiques, qui auraient peut-être permis à la marge de moissonner quelques parcelles dans le
court délai disponible.
Tableau 1 : Nombres de communes reconnues en catastrophe naturelle suite à inondations et coulées de
boues, pour des inondations commençant entre le 12 et le 18 juillet, en relation avec la dépression Bernd
(source : mission)
Département Nombre de communes reconnues en catastrophe naturelle
01 4
02 29 (non comptée 5 reconnaissances pour période 19 au 21/07)
08 49 (non comptée 1 reconnaissance pour période 19 au 21/07)
10 3
25 2 (et refus pour 2 autres communes)
39 77 (et refus pour 7 autres communes)
51 22
52 41
54 52 (et refus pour 14 autres communes)
55 73
57 21
59 2
60 1
67 9
68 2
71 8
77 23
88 2
93 9
94 5
total 434 dans 20 départements (et refus pour 23 communes de ces mêmes départements)
Pour ce qui concerne le bétail en champ, a été signalée de même l?absence d?alertes spécifiques,
ces alertes ayant été définies dans la logique de crues hivernales. A la question du délai a pu
s?ajouter la possibilité de mobiliser des embarcations compatibles avec l?évacuation du bétail, une
fois l?inondation apparue. Par endroits ont pu être organisés des sauvetages jusqu?à une centaine
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de bovins, mais des pertes de bétail sont à déplorer.
Rappelons par ailleurs que la loi 2021-1520 du 25 novembre 2021 visant à consolider notre modèle
de sécurité civile et valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers et les sapeurs-pompiers
professionnels, dite loi « Matras », a explicitement ajouté la protection des animaux dans l?objet de
la sécurité civile.
Annexe 5.3. Organisation de l?action publique, répartition des
compétences et responsabilités
L?objet de la brève description qui suit n?est pas de proposer une analyse détaillée de l?organisation
de la mise en oeuvre des politiques liées aux risques d?inondation, mais de décrire à grands traits
la répartition générique des responsabilités et le portage de l?action publique, afin de pouvoir mettre
en perspective la situation française métropolitaine avec celle des pays voisins touchés par les
inondations de mi-juillet 2021. On se focalise par ailleurs sur les types d?inondations non côtières
qui ont été à l?oeuvre (débordements de cours d?eau, ruissellements).
La gestion des risques d?inondations est principalement mise en oeuvre au travers des politiques
publiques suivantes :
? la prévention des risques naturels, qui, s?agissant des inondations, comporte des
interactions et actions communes avec la gestion des ressources en eaux, des cours d?eau
et des milieux aquatiques ;
? l?urbanisme et l?aménagement du territoire ;
? la sécurité civile ;
? les assurances et les interventions budgétaires au titre de l?indemnisation et de la solidarité
nationale.
De façon à peine moins directe sont concernées les politiques de l?éducation, de la santé, de
l?agriculture et de la forêt, des risques industriels (qui prennent en compte les risques d?inondations
et les risques industriels induits), et la gestion des infrastructures publiques jouant de fait un rôle
de protection.
On se concentre ici sur les quatre premières mentionnées, et notamment sur leur déclinaison
territoriale et opérationnelle, incluant les démarches de planification. Rappelons par ailleurs qu?un
grand nombre d?actions publiques s?inscrit dans la transposition nationale et la déclinaison
territoriale de la directive européenne 2007/60/CE relative à l'évaluation et à la gestion des risques
d'inondation, dite « directive inondation ». Le tableau 2 présente les grandes lignes du partage de
responsabilités en matière de prévention des risques naturels, selon les grandes familles d?actions
et politiques publiques concernées.
L?action territoriale en matière d?inondation combine les périmètres propres aux politiques de l?eau
et de la prévention des inondations, les périmètres propres à l?organisation et aux responsabilités
de la sécurité civile, et les périmètres propres à l?urbanisme et à l?aménagement du territoire. Le
tableau 3 décrit les décideurs et porteurs principaux de la mise en oeuvre des principales politiques
publiques concernant la gestion des risques d?inondations continentales, en fonction des ressorts
territoriaux concernés et des grandes familles d?actions et politiques publiques concernées. Cette
description correspond à la situation générale, voire générique, et ne prend pas en compte des
particularismes géographiques ou institutionnels (droit local en Alsace-Moselle, un service de
prévision des crues porté par Météo France et les autres par des DREAL). Il importe de rappeler
par ailleurs que la responsabilité première de la protection contre les inondations est celle des
personnes habitant les zones inondables, sans préjudice des compétences des responsables
publics (sécurité civile, porter à connaissance des risques et mise à disposition de l?information,
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prise en compte des risques dans différentes décisions?).
Concernant l?action de Météo France, il faut rappeler que l?opérateur national émet des prévisions
et vigilances à différentes échelles spatiales, jusqu?à des alertes précipitations intenses à l?échelle
communale. Pour ce qui concerne le Schapi - Service central d?hydrométéorologie et d?appui à la
prévision des inondations, composante de la Direction générale de la prévention des risques
(ministère chargé de l?environnement), outre ses rôles de développement de méthodes et de
connaissances, et de coordination du dispositif de prévision des crues Vigicrues, il émet des alertes
« Vigicrues flash » de crues soudaines à maille locale. La figure 3 présente l?articulation des
fonctions de surveillance, prévision et émission de vigilances.
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Tableau 2 : les acteurs publics de la prévention des risques naturels majeurs (source : La démarche
française de prévention des risques majeurs. 2016)
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Août 2023 Retour d?expérience des inondations des 14 et 15 juillet 2021 Page 106/136
Tableau 3 : décideurs et porteurs principaux de la mise en oeuvre des politiques et actions publiques liées à la gestion des risques d?inondations
national bassin
hydrographiqu
e
sous-bassin bassin de
risque
commune et
intercommunalit
é
département région zone de
défense et de
sécurité
connaissance
de l?aléa
Météo France
Schapi
ministères et
organismes
scientif. et
techniques
préfecture de
bassin (DREAL
de bassin :
études propres
à la planification
DI)
préfecture de
région (SPC en
DREAL ou à
Météo France :
suivi de cours
d?eau,
cartographies,
études)
EPLI (études
d?aléa, suivi de
cours d?eau)
préfectures de
départ. (DDTM :
études d?aléa,
cartographies)
EPLI (études
d?aléa, suivi de
cours d?eau)
préfecture de
département
(DDTM : études
d?aléa)
commune et
intercomm.
(études d?aléa)
région (portail
de données
géographiques,
compétence
optionnelle
d?animation de
la politique de
l?eau)
surveillance,
prévision et
alerte
Météo France
(vigilance,
prévision à
destination
public et
responsables)
Schapi
(coordination
Vigicrues,
alertes flash à
destination
public et
responsables)
préfecture de
bassin (DREAL
de bassin :
coordination sur
les bassins
transfrontaliers)
préfecture de
région (SPC en
DREAL : suivi
de cours d?eau
et prévision des
crues à
destination
public et
responsables)
EPLI
(hydrométrie,
suivi de cours
d?eau, prévision
des crues)
commune (alerte
de la population et
des entreprises)
préfecture de
départ.
(alerte des
communes)
préfecture de
région
(DREAL :
hydrométrie)
information ministère envt
et établ. publics
(diffusion
nationale,
EPLI
opérateurs pour
les communes
EPLI opérateurs
pour les
communes
commune
(DICRIM,
inventaire et pose
des repères de
préfecture de
départ.
(DDRM)
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national bassin
hydrographiqu
e
sous-bassin bassin de
risque
commune et
intercommunalit
é
département région zone de
défense et de
sécurité
éléments pour
l?information de
l?acheteur et du
locataire)
crues)
éducation éducation
nationale
(progr.
nationaux)
EPLI (initiatives
locales)
EPLI (initiatives
locales)
commune et
intercomm.
(initiatives locales)
région
(formation
professionnelle
)
prise en
compte du
risque dans
l?aménagemen
t
préfecture de
bassin (DREAL
de bassin :
PGRI)
préfecture de
départ. (DDTM :
PPRI, contrôle
de légalité sur
l?urbanisme)
commune et
intercomm.
(documents
d?urbanisme,
décisions
individuelles)
région
(SRADDET)
mitigation ministère de
l?envt
(validation
PAPI > 20 M¤)
préfecture de
bassin (DREAL
de bassin :
PGRI,
désignation TRI,
validation PAPI)
EPLI
(aménagement
s de sous-
bassins)
collectivités ou
Etat (SLGRI)
commune et
intercomm.,
EPLI (portage
de PAPI,
réalisation
d?ouvrages et
d?aménagement
, diagnostics de
vulnérabilité,
relocalisation de
biens, gestion
d?ouvrages de
protection,
gestion des
cours d?eau..)
commune et
intercomm.
(gestion des cours
d?eau, réalisation
d?ouvrages de
protection et
d?aménagement,
gestion
d?ouvrages)
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national bassin
hydrographiqu
e
sous-bassin bassin de
risque
commune et
intercommunalit
é
département région zone de
défense et de
sécurité
préfecture de
départ. ?DDTM,
DREAL :
instruction des
polices
administratives
de l?eau et de la
sécurité des
ouvrages
hydrauliques)
ministère de
l?envt.,
préfecture de
région,
préfecture de
départ.
(DREAL,
DDTM :
relocalisations
de biens,
financements
au titre du
FPRNM)
collectivités
territoriales
(financements)
préparation de
crise
commune et
intercomm. (PCS,
PICS)
préfecture de
département
(plans
ORSEC,
plans
spécialisés)
département
(investissemen
t et
financement
des SDIS)
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national bassin
hydrographiqu
e
sous-bassin bassin de
risque
commune et
intercommunalit
é
département région zone de
défense et de
sécurité
gestion de
crise
cellule
interministériell
e de crise
(ensemble des
ministères
concernés)
EPLI, commune
intercomm.
(surveillance
des digues)
commune
(mission générale
de sécurité civile,
direction des
opérations hors
prise en charge
par préfecture de
départ., alerte et
information des
habitants et
entreprises,
soutien aux
populations,
mobilisation des
moyens)
intercomm
(mobilisation de
moyens en appui
aux communes)
préfecture de
départ.
(SIDPC,
SDIS :
mission
générale de
sécurité
civile,
direction des
opérations en
cas de crise
majeure,
mobilisation
et
coordination
des moyens)
préfecture de
zone de
défense et de
sécurité
(coordination,
conduite des
opérations au-
delà du
périmètre
départemental
)
retour
d?expérience
ministères (au
cas par cas)
préfecture de
région (SPC,
DREAL :
retours
d?expérience
systématiques)
préfecture de
départ.
(DDTM,
services :
prise en
compte des
informations
nouvelles sur
tous les
volets de la
prévention,
retours
d?expérience
au cas par
préfecture de
zone de
défense et de
sécurité
(retours
d?expérience
au cas par
cas)
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Août 2023 Retour d?expérience des inondations des 14 et 15 juillet 2021 Page 110/136
national bassin
hydrographiqu
e
sous-bassin bassin de
risque
commune et
intercommunalit
é
département région zone de
défense et de
sécurité
cas)
indemnisation ministères et
instances
nationales
(décision de
reconnaissance
catastrophe
naturelle,
actions de
financement
spécifiques,
indemnisations
des dommages
aux
collectivités)
commune
(demande de
déclaration
catastrophe
naturelle)
préfecture de
départ.
(financement
s spécifiques
de l?Etat,
indemnisation
des
dommages
aux
collectivités)
département
(aides
spécifiques)
région (aides
spécifiques)
sources : sites internet des ministères en charge de l?environnement et de la sécurité civile, mémento du maire
(https://www.mementodumaire.net/dispositions-generales-2/vigilance-alerte-et-secours/dgv1-organisation-de-la-securite-civile/), synthèses
d?informations et d?entretiens de la mission
DDT(M) : direction départementale des territoires (et de la mer)
DDRM : dossier départemental des risques majeurs
DI : directive européenne 2007/60/CE relative à l'évaluation et à la gestion des risques d'inondation, dite « directive inondation »
DICRIM : document d'information communal sur les risques majeurs
DREAL : direction régionale de l?environnement, de l?aménagement et du logement
EPLI : établissements publics locaux compétents de GEMAPI ou seulement d?inondation, dans le cas d?espèce syndicats mixtes, syndicats
intercommunaux, EPTB ? établissements publics territoriaux de bassin, EPAGE ? établissements publics d?aménagement et de gestion de l?eau
PUBLIÉ
https://www.mementodumaire.net/dispositions-generales-2/vigilance-alerte-et-secours/dgv1-organisation-de-la-securite-civile/
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FPRNM : fonds de prévention des risques naturels majeurs
GEMAPI : compétence des collectivités territoriales de gestion de l?eau et des milieux aquatiques et de prévention des inondations
PAPI : programme d'actions de prévention des inondations
PCS : plan communale de sauvegarde, obligatoire en fonction de l?exposition aux inondations notamment
PICS : plan intercommunal de sauvegarde
PGRI : plan de gestion des risques d?inondation, articulé avec le SDAGE ? schéma général d?aménagement et de gestion des eaux (à l?échelle
des grands bassins hydrographiques, 7 en métropole, outre-mers)
PPRI : plan de prévention des risques d?inondations (ou plans multi-risques)
SDIS : service départemental d?incendie et de secours
SCHAPI : Service central d?hydrométéorologie et d?appui à la prévision des inondations
SIDPC : service interministériel de défense et de protection civile
SLGRI : stratégie locale de gestion des risques d?inondation
SPC : service de prévision des crues
SRADDET : schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires
TRI : territoire à risques importants d?inondation
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Figure 3 : Articulation des fonctions de surveillance, de prévision et d?émission de vigilances et alertes météorologiques et hydrologiques (source : mission)
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CEPMMT : Centre européen pour les prévisions météorologiques à moyen terme
EFAS : European Flood Awareness System, composante de CEMS Copernicus Emergency Management Service (Système européen d'alerte
pour les inondations, composante du service Copernicus de Gestion des Urgences)
SCHAPI : service central d?hydrométéorologie et d?appui à la prévision des inondations
SPC : service de prévision des crues (en direction régionale de l?environnement, de l?aménagement et du logement ou à Météo France)
UH : unité d?hydrométrie (en direction régionale de l?environnement, de l?aménagement et du logement)
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Annexe 5.4. Questions et problématiques mises en évidence par
l?événement
On se concentre dans cette partie sur les questions et difficultés spécifiques à l?événement, ou
mises en évidence à cette occasion. Comme suite à de nombreuses crues et inondations, ont pu
être mises en avant des questions d?entretien des cours d?eau (responsabilités, effectivités, freins
ressentis par les acteurs?), d?une part, des questions de manoeuvres de barrages ou de
pertinence de principe de leurs consignes de gestion, d?autre part. On ne reviendra pas ici sur les
aspects « courants », voire « récurrents », de ces sujets.
Comme cela a été indiqué plus haut, la première particularité de l?événement est l?étendue et
l?intensité d?un tel événement survenant en été. Cela s?est traduit en particulier par :
? des conditions de formation et de propagation des écoulements dans les cours d?eau, du
fait des végétations en lit mineur et en lit majeur pouvant être très significativement
différentes des crues d?hiver qui sont de loin les plus courantes, et qui le plus souvent
étaient les seules références pour les courbes de tarage (relation hauteur débit aux stations
hydrométriques) et pour les modèles de prévision des crues ; certains modèles ont de fait
été significativement décalés par rapport à la réalité qu?ils devaient représenter, des
prévisionnistes ont eu recours à des approches techniques alternatives ;
? un impact inhabituel d?affluents rapides sur le cours d?eau principal, alors qu?on ne disposait
pas de dispositif de mesures en temps réel sur ces affluents ;
? la présence moindre d?effectifs dans les équipes d?hydrométrie, pouvant être mobilisées
pour mesurer des débits pendant la crue et ainsi alimenter les connaissances et surtout
éclairer les travaux des prévisionnistes en temps réel face à la non-représentativité des
courbes de tarage des stations ; certaines équipes ne disposaient pas d?astreinte estivale,
devant l?absence habituelle d?événements significatifs de crues en été ;
? la présence moindre d?effectifs dans les équipes de prévision des crues, avec une seule
personne d?astreinte là où hors été il y a un deuxième rang d?astreinte, par exemple ; sur
ce point et le précédent, les services ont mobilisé des renforts pour assurer leurs tâches,
au prix - à l?occasion - de non respect des temps de récupération ; à signaler que des
agents ont spontanément interrompu leurs congés à l?annonce de l?événement et ont rejoint
leurs équipes ;
? des vulnérabilités estivales non ou peu prises en compte, de fait, dans l?organisation de
l?alerte ou la planification des secours : s?il y a peu d?action imaginable vis-à-vis des cultures,
et encore de façon marginale ou secondaire, s?est par contre posé la question d?alerte des
éleveurs et d?évacuation du bétail présent en extérieur pendant la saison habituellement
« non inondante » ;
? le besoin d?interroger certains arbitrages de gestion inter-saisonnière des barrages à buts
multiples en regard de l?évolution climatique : cette dernière, dans les territoires concernés,
va rendre un peu plus intenses et/ou un peu plus probables de telles inondations estivales
ainsi que des phénomènes orageux plus locaux, et va dans le même temps aggraver les
situations d?étiages, ce qui peut amener à reconsidérer les points d?équilibre entre les
fonctions respectives d?écrêtement des crues et de soutien d?étiage (voire de production
hydroélectrique) ; ces évolutions climatiques vont a priori renforcer les enjeux et les rendre
plus difficilement compatibles, d?où une interrogation sur une révision des consignes de
gestion à différents horizons de temps ; les réflexions engagées n?ont a priori concerné que
des barrages à buts multiples.
Les fortes intensités de précipitations posent des difficultés intrinsèques de prévision, tant en
termes d?anticipation que de localisation en regard des besoins opérationnels, en raison de la
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variabilité spatiale et de l?instabilité de tels phénomènes. En ce sens, on a retrouvé en juillet 2021
des difficultés « génériques » de prévisibilité, courantes pour les précipitations intenses
méditerranéennes, que les développements de modèles et méthodes essaient de réduire.
L?intensité locale de l?événement a conduit à des phénomènes inédits ou rares, comme des
ruissellements, des mouvements de terrain pour lesquels les représentants de l?Etat ont exprimé
le besoin d?un diagnostic. A Longuyon, l?une des communes les plus fortement touchées, la place
servant habituellement de repli aux équipes et véhicules du centre de secours - car non inondée
par le cours d?eau principal - a été inondée par des écoulements latéraux inédits, obligeant un
deuxième repli qui a pu s?effectuer.
De façon générale, pour tempérer les impacts du caractère estival inhabituel de l?événement, on
observe que des responsables et services aguerris aux situations d?inondations hivernales ont pu
utilement bénéficier de leur expérience pour gérer l?inondation estivale en adaptant leurs pratiques
établies aux « nouveautés », au fil de l?événement.
Cet événement a, pour les différentes raisons évoquées, comporté des incertitudes accrues par
rapport aux crues antérieures, concernant les phénomènes hydrologiques et hydrauliques. Les
autorités et services en charge de responsabilités et de missions de sécurité ont fait état de retours
positifs sur les outils développés les dernières années pour suivre l?événement météorologique et
hydrologique : images radar météorologiques, suivi en temps réel des cours d?eau sur Vigicrues,
alertes APIC et Vigicrues flash? Certains de ces outils gagneraient à être plus utilisés (service
APIC d?alerte précipitations intenses à l?échelle communale, par exemple). Outre les incertitudes
mises en avant sur un certain nombre de modèles de prévision des crues, a été soulevée une
situation de difficulté dans un cas où plusieurs prévisions sur un même cours d?eau ont été émises
par différents acteurs publics, Etat et collectivités, avec des différences significatives a priori liées
à la situation atypique.
Dans des situations rares et des situations d?incertitudes, la communication entre les acteurs
structurants de la gestion de crise est un facteur crucial. De façon générale ou assez générale, les
services de prévision des crues ont doublé les communications systématiques d?informations par
des appels téléphoniques directs aux services des préfectures et des DDT (référent départemental
inondation), lors des passages ou prévisions de passage en vigilance orange. Cette pratique a été
reconnue comme très utile. Pour certains SPC, le nombre d?appels à passer est significatif par
rapport à leur charge de travail en situation de crue forte ou atypique, il y aurait lieu de s?interroger
sur un appel unique en direction de chaque département. Dans certains cas, en regard de
l?incertitude de la situation, des appels anticipés ont été passés pour partager de façon plus
poussée sur cette incertitude avec les services en charge de la sécurité civile et les référents
départements inondations. Les retours des SPC ont également fait état du caractère très
fonctionnel des échanges avec l?échelon national du Schapi.
Signalons que les échanges transfrontaliers entre équipes de prévision de crue et de gestion des
cours d?eau, portant sur les informations météorologiques, hydrologiques, sur les prévisions et sur
le fonctionnement des ouvrages hydrauliques, n?ont apparemment pas soulevé de difficultés. Ces
échanges sont établis et entretenus, de façon formelle comme sur le plan technique, sous l?égide
des commissions fluviales internationales.
Signalons deux points qui ont pu poser question localement, de façon différente selon les sites et
départements :
? l?efficacité et l?effectivité de transmission de données par des gestionnaires de barrages
aux services de prévision des crues ; les rares cas signalés ont fait ou font l?objet de
mesures d?amélioration ;
? les informations aux préfectures des opérateurs de réseaux d?énergie, en cas de coupures
de courant.
En termes de planification de la gestion, signalons des retours positifs de municipalités disposant
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avant l?événement de plans communaux de sauvegarde bien appropriés par élus et services : ces
plans se sont avérés très utiles même avec la nécessité de s?adapter à un événement atypique.
De mêmes, des cartes de zones inondées potentielles (ZIP) et de zones inondées par classes de
hauteur (ZICH), bien que non officialisées, ont fort utilement servi à déterminer les évacuations à
organiser. Rien de surprenant à cela, sinon qu?il est utile de rappeler à chaque occasion l?utilité de
tels documents et la nécessité de leur déploiement.
Annexe 5.5. Suites données, apprentissages, réflexions et actions
engagées
On ne revient pas ici sur les suites génériques à donner à un événement fort, apportant des
informations nouvelles par rapport aux références d?inondations prises en compte jusqu?ici : ajout
de repères de crues, nouvelles cartes de zones inondées, porter en connaissance en deux temps
avec une première phase sur la base des observations et une deuxième sur la base d?études plus
poussées, incitation à revoir les PCS ou DICRIM, établissement ou révision si nécessaire de
PPRI ? De telles actions ont notamment été engagées dans le haut pays meurthe-et-mosellan,
fortement touché par la crue de la Chiers et par certains affluents.
Pour faire suite aux difficultés rencontrées sur l?appréhension, la mesure et la prévision de crues
d?été inhabituelles, la DGPR a confié un travail à des experts et scientifiques sous la responsabilité
d?INRAE (Institut national de recherche pour l?agriculture, l?alimentation et l?environnement), dont
les conclusions éclaireront les conséquences opérationnelles à donner pour mieux suivre et prévoir
de futures crues d?été, notamment sur les territoires impactés en juillet 2021. Il s?agit notamment
d?examiner et de ré-évaluer si besoin les courbes de tarage sur des secteurs ciblés, d?étudier les
modèles hydrauliques utilisés en simulation des crues, d?analyser le comportement atypique des
bassins versants au cours de l?événement?
Suite aux spécificités saisonnières de l?événement, sont ré-examinés les dispositifs d?astreinte et
de continuité d?activité pour les équipes de prévision des crues et les équipes d?hydrométrie. Les
services de prévision des crues basés en Grand Est ont par ailleurs décidé d?examiner des
procédures d?alarme basées à la fois sur les seuils de niveaux d?eau des cours d?eau, comme
jusqu?à présent, et sur les vitesses de montée de crues, répondant ainsi aux particularités du
comportement observé sur certains cours d?eau.
Parmi les diverses réponses territoriales à l?événement, on peut citer également le travail engagé
sur le barrage Marne, afin de ré-examiner les consignes de gestion et l?articulation entre les
objectifs d?écrêtement de crues et les objectifs de soutien d?étiage. Comme cela a été mentionné
plus haut, les besoins de soutien d?étiage « estivaux » évoluent, les besoins d?écrêtement des
crues également.
Enfin, il est à signaler une réunion locale de retour d?expérience concernant les inondations de la
Chiers et de son affluent la Crusnes, dans les départements de la Meurthe-et-Moselle et de la
Meuse, organisée par le Préfet de la Meurthe-et Moselle, le 4 mai 2022, et animée par la DDT et
le CEREMA. Ce debriefing territorial, auquel ont contribué de nombreux acteurs publics, a permis
de partager de nombreuses informations et de répondre à de nombreuses questions, concernant
aussi bien le déroulement de l?événement que les suites à donner.
Au-delà des enseignements et décisions territoriales, pour faire suite à l?événement de mi-juillet
2021, il faut mentionner un certain nombre d?évolutions au niveau national, qui apportent des
réponses directes aux difficultés et questions qui ont pu être soulevées par l?événement.
La prise en compte des phénomènes de ruissellements a fait l?objet d?une des orientations de la
feuille de route 2022-2024 des services déconcentrés de l?Etat en matière de prévention des
risques naturels et hydrauliques, afin de tenir compte d?aléas diffus ou émergents lorsque ceux-ci
génèrent une exposition majeure : « Les PPRI assureront une prise en compte globale des
différents aléas inondation (dont l?aléa ruissellement) auquel est soumis le territoire dès lors qu?ils
sont majeurs ».
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La question de l?extension des cours d?eau couverts par une instrumentation opérationnelle
permettant leur prise en compte pour le suivi et la prévention des crues s?inscrit, selon le cas, dans
la programmation de l?Etat, en déclinaison du plan stratégique de Vigicrues, ou dans la
programmation d?activités des collectivités, notamment impliquées dans les compétences GEMAPI.
Rappelons par ailleurs les évolutions intervenues entre juillet 2021 et fin 2022, en suite du
déploiement du plan submersion rapide de 2011, et concernant notamment les vigilances
météorologiques (Cf. instruction du 14 juin 2021 relative à la mise en oeuvre des évolutions du
dispositif de vigilance météorologique et de vigilance crues) : affichage de la vigilance à J mais
également à J+1, prévigilance à anticipation de 2 et 7 jours, ajout d?informations infra-
départementales quand cela est techniquement possible, informations sur les incertitudes?
De même, est engagée au niveau national une révision de méthode de la définition technique fine
des seuils de vigilance crues. Des services de prévision du Grand Est participent notamment aux
expérimentations, enrichies par les expériences de juillet 2021. La logique sous-jacente est
d?effectuer une première détermination des seuils en fonction de gammes de période de retour des
débits de crue, puis de moduler les seuils selon les enjeux, enfin de prendre en compte la vitesse
de montée des eaux et l?état de l?éventuel système d?endiguement lorsqu?ils constituent des
facteurs aggravants du risque.
Le dispositif d?alerte FR-Alert, basé sur des technologies de diffusion cellulaire qui permettent
d?atteindre tous les téléphones mobiles (technologies 3G, 4G ou 5G) sur un secteur déterminé, est
déployé postérieurement à l?événement de juillet 2021, sans avoir été directement inspiré par lui.
L?usage de FR-Alert est limité aux cas d?urgence, dangers imminents ou en cours, qui impliquent
d?alerter la population située dans la zone de danger pour leur recommander des gestes
d?autoprotection. Ce dispositif constitue un apport très significatif à la politique et aux pratiques
d?alerte aux populations, qui ont évolué ces dernières années, et concernent tout un ensemble de
risques.
La loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023 d?orientation et de programmation du ministère de l?intérieur
a consacré la mise en place d?un réseau de communications électroniques dédié aux services
publics mutualisés de communication mobile critique à très haut débit pour les seuls besoins de
sécurité et de secours, de protection des populations et de gestion des crises et des catastrophes.
Ce « réseau radio du futur » (RRF) est exploité par un opérateur concessionnaire. Les opérateurs
titulaires d?autorisations d?utilisation de fréquences pour établir et exploiter un réseau
radioélectrique ouvert au public garantissent la continuité et la permanence des communications
mobiles critiques à très haut débit destinées à des missions de sécurité et de secours, de protection
des populations et de gestion des crises et des catastrophes entre les services de l?Etat, les
collectivités territoriales ou leurs groupements, les services d?incendie et de secours, les services
d?aide médicale urgente et tout autre organisme public ou privé chargé d?une mission de service
public dans les domaines de la sécurité et du secours.
Annexe 5.6. Liste des documents consultés spécifiques à
l?événement
Arrêtés de déclaration catastrophes naturelles de juillet 2021 à février 2023
Entente Oise-Aisne : crue de juillet 2021 - analyse des prévisions de crues et réflexions pour l'avenir,
note à l'attention de la Préfète de l'Oise, 25/08/2021
Support de présentation Météo France
Retours d'expérience des services de prévision des crues (et des unités d?hydrométrie)
? DREAL Grand Est
? SPC Bassins du Nord
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? SPC Meuse Moselle
? SPC Rhin Sarre
? SPC Rhône amont Saône
? SPC Seine amont Marne amont
Présentation interne de septembre 2021 de la DREAL Grand Est
Bilan 2021 de la vigilance « crues », réseau Vigicrues
Retours d'expérience et réunions post-événement sous la présidence des préfets de départements,
notes de synthèse aux préfets
? Ardennes
? Aube
? Haute-Marne
? Marne
? Meuse
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Annexe 6. : les grandes caractéristiques de
l?événement d?inondations de mi-juillet 2021 aux
Pays-Bas
Ces inondations, sur le territoire des Pays-Bas, ont principalement touché la province du Limburg,
par l?effet des précipitations intenses locales, et par les crues des cours d?eau transfrontaliers,
d?une part, la Meuse, d?autre part, des cours d?eau « secondaires ». Aucune victime n?a été à
déplorer dans le pays, par ailleurs exposé à des risques majeurs (par leur ampleur possible) par
les fleuves et les phénomènes côtiers. Cet événement a constitué un phénomène inédit, dans les
mémoires et les archives, et a conduit à une très forte mobilisation aussi bien des autorités que de
la société civile.
Dès le 3 février 2022, les autorités et organismes en charge de la prévention des risques
d?inondation organisaient un webinaire ouvert, pour partager l?expérience néerlandaise des
inondations de mi-juillet 2021, et les mettre en perspectives avec des expériences britanniques et
nord-américaines. Un des messages marquants des organisateurs et intervenants néerlandais
pourrait se résumer par « nous avons eu de la chance ».
On reviendra plus loin sur la mobilisation institutionnelle, technique et scientifique, qui a conduit à
la tenue d?une « table ronde stratégique (ou d?orientation) sur les inondations et les crues »,
dispositif temporaire gouvernemental qui est mis en place, avec notamment toutes les autorités
publiques concernées, pour faire suite à une situation exceptionnelle. Les conclusions finales et le
contenu des travaux ont été publiés en décembre 2022.
Annexe 6.1. Caractéristiques météorologiques, hydrologiques et
hydrauliques de l?événement
Annexe 6.1.1 Météorologie
Si la plus grande partie de la goutte froide liée à la dépression Bernd était « décentrée » par rapport
au territoire néerlandais, ont néanmoins été observées des précipitations d?une intensité cumulée
jamais mesurée en été sur une région d?une certaine taille. Ont été relevés des cumuls sur 2 jours
allant localement jusqu?à 182 mm. Les simulateurs de précipitations, utilisés notamment pour
simuler des phénomènes de crues, n?incluaient pas de telles intensités.
Selon les bassins versants, les estimations publiées de périodes de retour pour ces précipitations,
en situation estivale, vont de 100 à 10 000 ans sur une partie du bassin de la Meuse, en rappelant
la très forte incertitude sur de telles estimations. Les cumuls de précipitations apparaissent
statistiquement plus « rares » si l?on se concentre sur les phénomènes estivaux. Sur les affluents
Geul et Roer, les périodes de retour des cumuls de précipitations dépassent une période de retour
de 500 ans à l?échelle de l?ensemble de leur bassin versant, que l?on se base sur l?année entière
ou sur l?été.
Cet événement rare avait fait l?objet de prévisions annonçant des précipitations extrêmes à partir
du 11 juillet, de 100 à 200 mm. Les précipitations effectives ont pu dépasser les valeurs prévues,
et les crues résultantes ont été plus rapides en montée que prévu, en particulier sur la Meuse.
Annexe 6.1.2 Hydrologie et phénomènes hydrauliques
Les crues et inondations aux Pays?Bas ont touché de grandes parties de la province du Limburg,
et principalement ces territoires, qui sont les plus vallonnés des Pays-Bas. Les sols étaient
relativement humides, mais n?ont vraisemblablement joué qu?un rôle mineur pour le fleuve Meuse
en regard de l?intensité des précipitations.
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Les inondations dommageables ont principalement concerné les vallées de deux affluents de la
Meuse (confluents aux Pays-Bas) :
? la Geul qui a plus de la moitié de son bassin et de son linéaire aux Pays-Bas, le reste
principalement en Belgique (avec quelques surfaces secondaires en Allemagne) ;
? la Roer, qui prend sa source en Belgique, et est localisée pour l?immense majorité de son
bassin versant et de son linéaire en Allemagne, avant de parcourir ses 20 derniers
kilomètres aux Pays-Bas
La Meuse et la Roer ont dépassé les niveaux de débits de pointe jamais mesurés, outre le caractère
atypique de la période estivale. La montée de la crue de la Meuse a été particulièrement rapide,
par rapport aux crues connues. Par contre, la propagation de la crue d?amont vers l?aval s?est
accompagnée d?un amortissement plus important que d?habitude (atténuation de la pointe de crue,
notamment en raison, a priori, de l?effet de la végétation estivale, de la relative « faible durée » des
hautes eaux peu alimentées par les affluents plus à l?aval, et en raison des élargissements de
digues opérés au cours des dernières années). La crue de la Meuse n?a pas du tout été homogène
en fréquence, au long de son cours et au fil de sa propagation : sans prendre en compte la
spécificité estivale, la période de retour de la crue de la Meuse a été estimée à 10 ans au plus dans
le bassin à l?amont du pays, entre 100 et 200 ans dans la partie amont des Pays-Bas, à 15 ans à
l?aval dans la suite de la traversée des Pays-Bas.
Les affluents ont connu des crues de périodes de retour dépassant 100 ans et allant jusqu?à 1000
ans. Les différentes estimations publiées intègrent ou non l?effet de la végétation, et/ou la
saisonnalité, dans les estimations statistiques. Le propos est ici d?illustrer grossièrement le niveau
de rareté du phénomène et de ses manifestations.
Les dispositifs d?hydrométrie ont bien fonctionné, hormis quelques dysfonctionnements locaux dont
des stations de mesure inopérantes pour les débits concernés, et ont pu donner une vision réaliste
de la situation. Les données pluviométriques utilisées étaient insuffisantes, et les données radar
sous-estimées.
Les prévisions de crues sur la Meuse, réalisées par l?organisme national Rijkswaterstaat ont été
longtemps incertaines et changeantes, en raison des caractéristiques de l?événement
météorologique et des difficultés de la prévision correspondante. Elles ont été sous-estimées
jusqu?à quelques heures du maximum, en particulier pour les échéances dépassant 12 heures, et
ont été réajustées plusieurs fois encore au cours de l?événement. Le 14 juillet, a été déclarée la
vigilance de crues jaune, le 15 la vigilance rouge.
Le dispositif européen EFAS a notifié un risque pour la Roer à partir du 12 juillet matin. Les
prévisions opérationnelles sur la Geul et la Roer sont réalisées par l?autorité locale de l?eau, le
waterschap du Limburg. Le dispositif était en maintenance pour la Geul, les prévisionnistes n?ont
pas réactivé en urgence le modèle antérieur, estimant qu?il n?aurait pas été en mesure de traiter
cet événement. Le dispositif était fonctionnel pour la Roer.
Les crues ont été atypiques par leur comportement hydraulique :
? d?une part, les écoulements ont été influencés par la végétation estivale des lits mineurs et
des berges, modifiant les relations entre débit et cote et les phénomènes de propagation
et d?atténuation des ondes de crues (Cf. supra) ;
? d?autre part, ont été observées de fortes érosions des berges, mais également des fonds
des lits des cours d?eau (érosion verticale), avec déplacements de de cailloux du fond du
lit mineur et création de « fosses » pouvant dépasser 3 et même 10 mètres de profondeur ;
certains cours d?eau ont connu de fortes modifications morphologiques ; les barrages de
régulation (sans fonction de réel stockage) étaient ouverts, pour ne pas faire obstacle aux
sédiments.
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Les courants ont transporté des débris en nombre, certains arrivant des pays à l?amont. Les crues
de juillet 2021 ont ainsi transporté en 6 jours 95% du volume annuel habituel de déchets plastiques
(avec un pic de transport entre les 15 et 18 juillet), avec aussi bien de gros objet que des objets en
plastique jetable. Sur les berges, le volume de déchets a été le décuple du volume habituellement
observé.
Annexe 6.1.3 Digues et protections contre les inondations
A l?instar de l?importance historique cruciale des dispositifs de protection contre les inondations, et
notamment des systèmes d?endiguements, dans la politique néerlandaise de gestion des risques
d?inondations, le déroulement et les conséquences des inondations de juillet 2021 aux Pays-Bas
sont très marqués par l?existence et la gestion des digues et protections, motivant ici un
développement particulier.
95 systèmes d?endiguements (« dike rings » ou « cercles de digues ») constituent des lignes
continues de défense contre les inondations (maritimes ou fluviales, ou même « lacustres » pour
la mer intérieure d?Ijssel), dont les niveaux de protection sont fixés par voie législative,
antérieurement en regard d?une probabilité d?aléa naturel, à présent en regard d?une probabilité de
décès pour un habitant de la zone protégée.
L?ensemble des digues sont classées en plusieurs catégories, ces classements étant
régulièrement revisités, avec le cas échéant des objectifs de protection fixés (Cf. supra), et des
responsables et gestionnaires définis. Sur le Rhin et la Meuse, le Rijkswaterstaat, organisme
national, est maître d?ouvrage et gestionnaire des fleuves et grands cours d?eau, par contre la
gestion de la plupart des digues correspondantes, classées « primaires », est assurée par les 24
« autorités locales de l?eau », les waterschapen (Cf. partie 3 de l?annexe, infra). Ces organismes
assurent par ailleurs la maintenance et la reconstruction des systèmes d?endiguements et digues
secondaires quel qu?en soit le propriétaire.
Pour des cours d?eau et digues régionaux, comme la Geul et la Roer, les « standards » génériques
de protection, en durées de retour des événements de crues, sont de 10 ans pour des prairies, 25
ans pour des cultures, 50 ans pour l?horticulture, 100 ans pour les zones urbanisées. Dans le sud
du Limburg, avec une population dense et des vallées pentues (pour les Pays-Bas), certaines
zones urbaines comme Valkenburg par exemple, étaient protégées contre des crues de période
de retour 25 ans, notamment pour des raisons de coûts des ouvrages, semble-t-il. Ces zones ont
été exposées en juillet 2021 à des crues plus que centennales.
En situation de pré-crue, pour que ces dispositifs d?endiguement assurent leur fonction de
protection, il est nécessaire de renforcer certains points, de fermer de façon étanche certains
passages (par exemple un passage routier sous un remblai routier ou ferroviaire faisant fonction
de digue, ou une interruption dans une digue pour le passage d?une voie de circulation).
L?ensemble de ces mesures prennent habituellement 5 jours de travail. Les particularités de
l?événement, et notamment la vitesse de montée de l?eau, ont conduit les responsables à devoir
réaliser les mêmes tâches en 2 jours. La période estivale offrait certes des journées de travail à la
lumière du jour plus longues, et les congés d?été scolaires n?avaient pas encore commencé dans
la province du Limburg. Pour autant, face au défi, des professionnels, publics ou privés, et des
volontaires, ont afflué spontanément de tous les Pays-Bas pour aider à faire face à cette contrainte
de temps inédite. La vitesse de fermeture de certaines voies de circulation a empêché certaines
évacuations par véhicules (dont des campings).
Par ailleurs, pendant l?événement, est organisé un dispositif de surveillance et d?intervention sur
les digues :
? pour le cas échéant les surélever encore par des sacs de sable, en fonction de l?évolution
de la crue et de la prévision ;
? pour intervenir en cas de défaillance d?ouvrages ou d?équipements, et notamment en cas
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de début d?érosion régressive (phénomène de « renard hydraulique ») dans le corps de
digue (infiltration d?eau qui traverse la digue, et qui sans intervention va mécaniquement
élargir la zone d?infiltration jusqu?à la rupture de la digue ; on peut contrer ce phénomène
en entourant le point de sortie de l?eau d?un « mur » de sacs de sable, créant une poche
d?eau au même niveau que la rivière et stoppant la circulation de l?eau et donc l?érosion).
Cette surveillance est assurée par des professionnels, notamment les inspecteurs de digues, aidés
par des gardiens de digues volontaires qu?ils encadrent, forment et réunissent une fois par an. Le
waterschap du Limburg « dispose » d?un vivier de 800 volontaires, pour 600 employés toutes
fonctions confondues. En 2021, la mobilisation de ces volontaires n?a pas posé de difficultés. Les
inspecteurs des digues ont par ailleurs été renforcés par des professionnels d?autres régions et de
l?étranger, et aidés par des volontaires de la Croix-Rouge? Des municipalités et des pompiers ont
par ailleurs contribué aux travaux en cours de crue, au-delà des protocoles pré-définis. D?autres
waterschapen ont fourni des équipements et des effectifs, placés sous la supervision du
waterschap du Limburg.
Les inspecteurs de digues se sont notamment concentrés sur les secteurs les plus vulnérables, ou
présentant des signes préoccupants. Malgré certains points de vigilance sur la complétude ou
l?accessibilité des informations relatives aux ouvrages hydrauliques, il faut signaler que les
inspecteurs des digues ont tenu à jour au cours de l?événement une liste de points faibles ou
vulnérables sur les digues (en fonction de l?état des digues et des conditions d?écoulement de la
crue), permettant de prioriser les interventions.
En l?absence d?encadrement technique qualifié, en certains endroits, les volontaires ont pu faire
des choix moins avisés, comme de stocker des sacs de sable ou de surélever sur une digue trop
fragile pour un tel poids. Mais la plupart des mesures et actions non planifiées ont
considérablement accru le niveau de protection et de sécurité.
La décision a été prise de rendre disponibles et publiques un ensemble d?informations techniques
interprétées, dont la fiabilité des digues, pour qu?en situation de crise n?apparaissent pas des
données « nouvelles », dont la prise en compte serait plus complexe.
En certains points, des pompages sont prévus pour l?eau qui s?infiltre à travers les protections. Des
capacités de pompage ont pu être dépassées, et ont été complétées par des assistances
extérieures.
In fine, deux digues ont rompu, une digue d?urgence mise en place spontanément par les habitants,
et une digue d?importance locale ne protégeant pas de zone urbanisée. Les dommages ont pu être
maîtrisés (renards hydrauliques, notamment, malgré des difficultés de détection en raison de la
végétation estivale). Des médias ont à tort évoqué un autre cas de rupture (point de passage de
l?eau existant sous la digue, mais non cartographié et non contrôlé). Quelques barrages et bassins
collinaires ont connu des dommages et défaillances techniques.
En beaucoup d?endroits, les protections existantes ont assuré leur fonction jusqu?au niveau de
protection choisi, et les défaillances ont pu être évitées dans la limite de ce niveau de protection.
En certains endroits, il s?en est fallu de quelques centimètres que l?eau ne dépasse le haut de la
digue, ou le haut de la rangée de sacs de sable ajoutée. S?il y avait eu du vent, plusieurs digues
auraient surversé.
Sur la Meuse, l?eau a pu dépasser le niveau de la digue du système « primaire », heureusement
renforcée par des sacs de sable. Des évacuations préventives importantes ont néanmoins été
mises en oeuvre (Cf. infra).
Annexe 6.2. Impacts
Les Pays-Bas n?ont pas eu à déplorer de décès dus aux inondations de mi-juillet 2021, mais les
conditions de submersion extrêmes dans la vallée de la Geul auraient très bien pu avoir un bilan
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plus dramatique, avec des hauteurs d?eau supérieures à 1,5 mètre et des vitesses de montée de
l?eau très rapides. Le relief et l?intensité locale des précipitations ont donné plus de temps
d?anticipation que dans certaines vallées allemandes ou belges. Les inondations ont généralement
eu des durées limitées, de l?ordre d?un jour.
Des évacuations importantes ont été opérées, au vu des prévisions des crues (bien qu?elles soient
longtemps restées incertaines), concernant environ 50 000 personnes dans la province du Limburg,
et un hôpital (la quasi totalité des 400 patients de l'hôpital Venlo ont été renvoyés chez eux ou
transférés dans d'autres établissements) :
? dans les zones protégées par les digues de la Meuse en particulier, de façon préventive ;
? dans des conditions diverses dans la vallée de la Geul, la plupart des évacuations
intervenant après arrivée de la crue (1000 personnes), hors campings et établissements
de santé évacués avant ; les alertes, quand elles sont parvenues aux habitants, ont été
plus tardives que sur la Meuse.
Les évacuations (mais aussi l?interdiction de venir regarder l?événement, le flood tourism ») sont
décidées par « ordonnances d?urgence », mais elles ne peuvent pas être rendues obligatoires. Les
décisions d'évacuation ont été diffusées par la presse, les réseaux sociaux, l?outil de diffusion
cellulaire NL-Alerts, complétées par les sirènes de sécurité civile, parfois les cloches des églises.
Les zones de risque aigu ont été parcourues par des véhicules de police avec haut-parleurs, voire
au porte-à-porte dans certains secteurs.
La plupart des habitants ont évacué sans aide des services de secours, qui se sont notamment
concentrés dans les zones dépourvues de routes d?évacuation utilisables.
Contrairement aux crues de référence de décembre 1993 et janvier 1995, ce sont les affluents de
la Meuse qui ont été plus impactés que le fleuve lui-même, quand bien même on a mesuré des
débits inédits sur le fleuve. La crue de la Meuse était plus rapide que celles de la fin du siècle
dernier, et présentait un débit de pointe plus important, mais l?élargissement des digues a permis
de réduire les niveaux d?eau atteints.
Les dommages totaux estimés dans les zones inondées (dommages matériels et pertes
d?exploitation) vont de 350 à 600 millions d?euros, contre 200 et 125 respectivement (en valeurs
réactualisées) pour les crues de 1993 et 1995.
Ces dommages concernent plus de 2500 maisons d?habitations (et plus de 5000 habitants ; plus
de 2000 habitations dans la vallée de la Geul), 600 entreprises. Les habitants étaient moins
préparés à des crues d?été, et d?un tel niveau, qu?aux crues antérieures, ils ont moins eu le temps
de mettre des biens à l?abri à l?étage.
Les dommages aux cultures agricoles et aux prairies sont apparus comme inédits, par rapport aux
seules crues importantes connues en hiver. De même la saison estivale a conduit à des dommages
spécifiques à des campings et équipements de loisirs.
Les services et réseaux ont été coupés selon les endroits : distribution d?eau potable, coupure de
certains captages mais les volumes stockés ont suffi, distribution d?électricité pendant plusieurs
jours à Valkenburg, réseaux de transport (autoroutes, canal, voie ferrée Maastricht Liège).
Le gouvernement néerlandais a décrété l?état de catastrophe naturelle afin de permettre
l?indemnisation des dégâts au titre de la loi sur l?indemnisation des dommages en cas de
catastrophes (loi WTS), mise en place postérieurement à 1995. Des indemnisations partielles
pouvaient être apportées par les assureurs, au titre des assurances de biens immobiliers, mobiliers,
ou véhicules, par le gouvernement, et par un "disaster fund" (1000 euros par foyer). La disponibilité
des entreprises et fournisseurs a été un enjeu de la remis en état.
Les retours d?expérience néerlandais traitent notamment des questions d?impacts sur la santé :
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? les mesures de secours et d?évacuation ont sciemment priorisé la sécurité immédiate sur
les risques de contamination par la Covid-19 ; cette contamination a localement été accrue
à la suite de l?événement ;
? les difficultés psychologiques sont rapportées par deux tiers des professionnels de santé
interrogés (représentant environ 77 000 patients potentiels), constituant la principale cause
des arrêts médicaux de travail (stress et anxiété signalés par 68% des réponses, peur par
45%; un mois plus tard 47 et 32%) ;
? ont également été signalés des cas de gastro-entérites, infections respiratoires dont un cas
de décès suite à pneumonie, des infections de peau et blessures cicatrisant mal, des
problèmes articulaires ou musculaires.
Les inondations induisent également des réductions temporaires de l?accès aux soins, dont les
effets sont pour partie différés.
Annexe 6.3. Organisation de l?action publique, répartition des
compétences et responsabilités
Aux Pays-Bas, les inondations de mi-juillet ont constitué, pendant leur déroulement, une crise
régionale, coordonnée pour l?essentiel par les régions de sécurité. Les actions liées au suivi des
cours d?eau, aux prévisions, aux ouvrages de protection sont prises en charge en cohérence avec
les institutions de gestion plus large des cours d?eau et des milieux aquatiques. On revient ci-
dessous de façon plus détaillée sur l?organisation en place.
L?organisation territoriale générale, institutionnelle et administrative, des Pays-Bas se décline à
travers 12 provinces et 388 municipalités, pour environ 17,5 millions d?habitants. Les provinces
disposent d'une autonomie limitée, elles sont compétentes sur le développement spatial et
économique, la politique environnementale, la gestion stratégique des eaux superficielles (en lien
avec les municipalités et en concertation avec les waterschapen Cf. infra), les transports en
commun et l?énergie.
Les municipalités sont en charge notamment de l?occupation des sols et de l?urbanisme. Des règles
strictes sont définies, au niveau national, pour la construction dans les zones comprises entre les
cours d?eau et les digues, ainsi que dans une bande (de largeur variable) derrière la digue. Il
n?existe par contre pas de cadre général opposable de règles pour le reste des zones protégées
par les digues, l?adaptation de l?occupation des sols relevant des documents d?urbanisme
communaux.
Les compétences relatives aux risques naturels liés à l?eau, à la mer, à la défense des côtes, à la
sécurité correspondante des personnes et des territoires, et à la gestion des cours d?eau font l?objet
d?une organisation spécifique et intégrée. L?agence nationale de l'eau, le Rijkswaterstaat, sous
tutelle du ministère chargé des infrastructures et de la gestion de l'eau, supervise la construction,
la gestion, l?entretien des infrastructures d'intérêt national, et conseille le gouvernement dans la
planification stratégique et l?atténuation des risques à long terme. Elle gère les canaux de
navigation, les cours d?eau principaux et établit la prévision des crues sur ceux-ci (la Meuse, pour
l?événement qui nous intéresse). Elle assure la maîtrise d?ouvrage des systèmes d?endiguements
« primaires » correspondants (les systèmes d?endiguements primaires correspondant aux grands
cours d?eau / fleuves et aux barrages anti-tempêtes sur bras de mer les plus importants), mais
n?en gère directement qu?une petite partie, le reste étant géré par district hydrographique. Elle est
assistée par l?institut public technique et scientifique Deltares. Depuis 2001, les fonctions de gestion
et d?inspection sont séparées dans ce domaine.
Outre leur fonction en matière de gestion stratégique de l?eau, les provinces sont responsables des
cartes d?aléa et de risque d?inondation.
24 « autorités locales de l?eau », les waterschapen (parfois traduits par « watringues »),
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correspondent géographiquement à des districts hydrographiques, et sont centrales pour la
gouvernance de l?eau et des inondations. Ces organismes disposent d?un conseil élu au suffrage
universel pour cinq ans, qui identifie un président nommé par les autorités de niveau supra, le
« comte des digues » (Dijkgraaf). Ils gèrent les cours d?eau secondaires, et assurent la
maintenance et la reconstruction de la plupart des systèmes d?endiguements et digues primaires
(Cf. supra) ou secondaires, quel qu?en soit le propriétaire. Financièrement autonomes, ils fixent
règles et taxes dues par les bénéficiaires notamment de la protection assurée par les digues et par
les émetteurs de pollutions. Les droits de votes sont établis en fonction des taxes payées, la
population devant représenter au moins 50% des voix. Sauf exception, un seul waterschap
intervient sur chacun des 95 systèmes d?endiguement (les dike rings constituent des lignes
continues de défense contre les inondations). Les waterschapen disposent d?un pouvoir
réglementaire en matière de prévention des inondations et de protection des digues et des dunes,
de surveillance du niveau et de la qualité des eaux, du traitement des eaux résiduaires urbaines,
de la gestion des eaux souterraines.
L?institut national de météorologie KNMI établit des prévisions et des alertes météorologiques, qui
sont adressées aux structures en charge de la prévision des crues, Rijkswaterstaat et
waterschapen respectivement.
Rappelons par ailleurs que les Pays-Bas sont traversés par des cours d?eau internationaux, les
plus importants d?entre eux disposant d?instances de coordination multilatérales en application de
textes internationaux (Rhin, Meuse, Escaut), et chargés par ailleurs de coordonner la mise en
oeuvre de la directive européenne cadre sur l?eau et de la directive relative à l'évaluation et à la
gestion des risques d'inondation. Ces commissions fluviales internationales constituent par ailleurs
le support du développement conjoint de dispositifs de prévision des crues cohérents et partagés
sur les grands cours d?eau.
Le principe générique est que, selon son étendue, la crise est gérée au niveau communal, au
niveau de « régions de sécurité », au niveau national. Concernant la sécurité civile, le commissaire
du roi au niveau provincial exerce une fonction de coordinateur du maintien de l'ordre public et de
la gestion des opérations de secours lors de catastrophes dépassant les limites d'une commune.
La responsabilité opérationnelle de la sécurité publique est portée par les 25 « régions de
sécurité », conseillées par les waterschapen quand il s?agit d?inondations. Elles donnent mandat
aux maires de décider des évacuations. Ces régions sont présidées par un maire (habituellement
un maire de commune importante), elles correspondent aux régions de police, avec qui elles
partagent le même président, et coordonnent les services de secours municipaux et les autorités
de santé, en crise. Beaucoup de membres des équipes de secours sont des volontaires.
Annexe 6.4. Questions et problématiques mises en évidence par
l?événement
Le premier point saillant du retour d?expérience concerne la saisonnalité de l?événement,
suffisamment rare pour ne pas forcément apparaître dans les événements de référence, voire dans
les archives considérées. Ainsi, l?état de la végétation dans les lits mineurs, sur les berges et dans
les zones inondées ont modifié les lignes d?eau (relation entre débit et cote), les temps de
propagations, les phénomènes d?atténuation de l?onde de crue? A priori, les modélisations
opérationnelles ne prenaient pas ces situations en compte, avec plus ou moins d?impact sur la
qualité des prévisions. A cela s?ajoute, sur un registre différent, que l?été est une période de congés
(selon les territoires, à cette date), certains organismes ne disposant pas d?astreintes en regard
des phénomènes d?inondations estivaux « inattendus ». L?été est également une période de
maintenance des équipements.
Par ailleurs, indépendamment de la saison, les crues de 2021 ont atteint des niveaux déjà observés
voire fréquents à certains endroits, des cotes ou des débits jamais mesurés à d?autres. Des crues
aussi rapides n?étaient pas prises en compte, avec des conséquences en termes de processus de
prévision (transmission et utilisation d?informations, interrogations à lever?). Même les intensités
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pluviométriques les plus fortes observées n?étaient pas prises en compte dans les modèles de
simulation. Les modèles de prévision comme les scenarii de planification de gestion de crise
n?étaient pas forcément adaptés aux réalités de cet événement. En considération des limites
actuelles des modèles de prévision, est apparu le besoin de renforcer et développer le
« nowcasting », le suivi en temps réel des phénomènes.
Enfin, par rapport aux crues de référence de 1993 et 1995, ce n?est pas la Meuse mais ses affluents
qui ont provoqué les plus de dommages. Par ailleurs, s?ajoute à cela que le programme
d?élargissement des digues de la Meuse a montré des effets de réduction des lignes d?eau qui ont
pu être déterminants pour la crue de 2021.
Devant le fort niveau d?incertitudes sur les prévisions concernant la Meuse, le choix a été fait de
considérer un scénario « pessimiste » en termes de prévision et d?alerte, puis d?évacuation. Si en
certains endroits les ouvrages de protection ont non seulement tenu, mais disposaient d?une
« marge de sécurité » appréciable, dans d?autres le non-dépassement des digues, ou des sacs de
sable ajoutés, s?est joué à très peu de choses, dont l?absence de vent.
Les crues de juillet 2021 ont soulevé la question des niveaux de protection assurées actuellement
par certains systèmes d?endiguement sur des cours d?eau secondaires.
Il a pu être difficile pour les services de suivi et de prévision des crues d?anticiper une situation de
crise incertaine et atypique, pour alimenter en informations utiles les gestionnaires de crise. A ainsi
été exprimée l?idée de mettre en place, pour de tels événements intenses et incertaines, un
dispositif de back office en complément des services opérationnels en charge du temps réel. Pour
autant, l?événement a confirmé s?il en était besoin l?importance de disposer de cartes préétablies
de zones inondées, facilement utilisables en gestion de crise et au-delà en communication aux
habitants, et prenant en compte un large éventail de scenarii.
Si un tel événement, avec notamment son intensité et sa vitesse de montée n?était pas anticipé
dans les dispositifs et organisations, il faut souligner l?efficacité de l?adaptation pour les mesures
de préparation et de protection : 53 heures pour mettre en place un programme de mesures
programmé sur 120 heures. Cette adaptation a été aidée par la longueur des durées de lumière
diurne (permettant de travailler « facilement » plus longtemps qu?en hiver), et par une mobilisation
spontanée de professionnels et d?habitants, mais aussi d?institutions, dans un délai très restreint et
à l?échelle nationale voire au-delà. Rappelons que la surveillance des digues en crue peut être
organisée, aux Pays-Bas, en mobilisant des centaines de volontaires à l?échelle d?une province (Cf.
supra), et que cette culture a probablement joué sur la mobilisation de volontaires d?autres
provinces. S?est posé le problème, non anticipé, de la gestion de l?afflux de volontaires, en
logistique et en organisation. Les plans de gestion de crise prévoyaient les cas d?appel à des
volontaires, pas leur afflux spontané.
On ne revient pas en détail sur le suivi et la gestion des digues au cours de l?événement. Il faut
noter la gestion opérationnelle de l?information sur l?état de vulnérabilité des digues, qui a permis
d?adapter le dispositif de suivi et d?intervention.
En termes de consignes et de secours à la population, on a évoqué plus haut les disparités en
termes d?évacuation. De façon globale, le recours à différents moyens de communication a permis
à beaucoup d?habitants de prendre des mesures malgré certaines coupures de réseaux de
téléphonie mobile, d?évacuer par leurs propres moyens hors cas de fermetures rapides de voiries,
voire ensuite d?aider à la surveillance des digues. Le discours général à destination de la population
est celui du principe de la prise en charge individuelle et de la prise d?initiatives (on a évoqué plus
haut le fait que ponctuellement certaines initiatives en matière de digues ont pu ne pas être
opportunes). Par contre, des messages d?alerte ont été émis sans indication de cotes, de hauteurs
d?eau et/ou de zones concernées, et/ou sans recommandations.
On peut noter une situation particulière, qui illustre l?importance de la continuité et de la cohérence
dans la diffusion des messages à la population, a fortiori pour un événement inhabituel et aux
prévisions incertaines : dans la crainte d?une rupture d?ouvrage sur un secteur et en regard du peu
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de temps disponible, a été diffusée dans un premier temps une consigne d?évacuation « verticale »
(mise à l?abri dans les étages sans quitter les bâtiments), avant que l?ajustement du diagnostic
conduise à diffuser une consigne d?évacuation « horizontale » immédiate (sortie de la zone).
Certains médias ont diffusé la première consigne, mais ne l?ont pas mise à jour, induisant de la
confusion.
Sont apparues par ailleurs les limites des moyens humains mobilisables pour réussir à assister, en
temps réel, les personnes vulnérables. De façon plus générale, il a été difficile de gérer une
situation avec un tel nombre de personnes évacuées et/ou sinistrées.
La mission a noté, enfin, l?importance de la mobilisation d?expertise et du partage d?expérience en
post-événement de court terme :
? la mise en place d?une table-ronde nationale d?orientation, pour préparer les adaptations
futures des dispositifs, des procédures, des connaissances, annoncée avant la fin du mois
de juillet (publications des résultats au printemps puis en décembre 202283) ; cette table-
ronde a notamment fait le constat que le pays n?est pas préparé à une catastrophe de cette
ampleur, liée à des intempéries exceptionnelles, ainsi les « régions de sécurité » n'étaient
pas suffisamment préparées car le réseau hydrographique régional n?était pas inclus dans
les scenarii de crise inondations pris en compte jusque là84 ;
? une expertise scientifique rapide et complète, produite par un réseau d?organisme (ENW ?
expertisenetwerk waterveiligheid85), avec une première version d?un rapport détaillé dès le
20 septembre 2021, consolidée en 202286 ; cette expertise a notamment permis de tirer un
certain nombre de bilans sur des champs « techniques » et organisationnels, sur les
impacts y compris sanitaires : ces analyses et bilans connaîtront une large diffusion
prochaine dans le cadre d?une revue scientifique en langue anglaise ;
? un webinaire de retour d?expérience ouvert, notamment à des représentants d?autres pays,
le 3 février 2022 ;
? une étude, conduite par un groupe d?experts en 2022, pour estimer les impacts qu?aurait
eus la « bombe d?eau » si la goutte froide liée à la dépression Bernd avait été centrée sur
les Pays-Bas.
Annexe 6.5. Suites données, apprentissages, réflexions et actions
engagées
Comme cela vient d?être mentionné, le gouvernement a mis en place très rapidement l?organisation
d?une "table-ronde d'orientation", programme temporaire de travail regroupant plusieurs
organisations gouvernementales et publiques suite à une situation exceptionnelle. Un certain
nombre de conclusions et recommandations (de la table-ronde ou de ses participants) ont été
relevées et transcrites de façon synthétique ci-dessous par la mission, et organisées non selon
leur importance mais selon différents aspects de la gestion des risques d?inondation. Le cas
échéant ces conclusions reprennent des actions déjà engagées. Les travaux ont notamment
développé les questions de gestion de risques d?inondation dans le cadre de l?adaptation au
changement climatique, et interrogé la stratégie nationale d?adaptation.
83 https://www.rijksoverheid.nl/documenten/rapporten/2022/12/19/achtergronddocumenten-bij-beleidstafel-
wateroverlast-en-hoogwater
84 Les inondations de mi-juillet 2021 ont fait prendre conscience des impacts sociaux possibles d?inondations sur
le réseau hydrographique ?régional », ou « secondaire », dans un pays historiquement mobilisé sur les événements
de très grande ampleur affectant les grands fleuves et les polders côtiers.
85 Delft University of Technology, Deltares, HKV Consultants, VU Amsterdam, University of utrecht, KNMI (météo
nationale), Wageningen University and Research, Erasmus MC, University of Twente
86 https://www.enwinfo.nl/publish/pages/183541/211102_enw_hoogwater_2021-dv-def.pdf
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La mission attire l?attention sur le fait que les documents finaux n?existant qu?en néerlandais, elle a
eu recours à des outils de traduction qui pourraient ne pas transcrire suffisamment les nuances,
sur des sujets parfois sensibles. Elle a choisi néanmoins de rendre compte imparfaitement de ce
travail collectif important et ambitieux.
Constats et orientations directrices
? le pays n?est pas préparé à une catastrophe de l?ampleur de celle de juillet 2021, liée à des
intempéries exceptionnelles ;
? les dommages causés par de tels événements ne peuvent pas être évités par des mesures
simples ;
? les Néerlandais doivent être bien informés de ce qui peut arriver et être conscients de ce
qu'ils peuvent faire eux-mêmes pour réduire les risques et les dommages ; les
comportements constituent un réel enjeu, d?autant que les Néerlandais ont une image
positive de la gestion de l'eau, et estiment que le risque d'inondation est faible.
Diagnostics
? au-delà des « stress-tests » locaux et régionaux (qu?on pourrait traduire par « tests de
résilience »), il faut réaliser des stress tests suprarégionaux, pour servir ensuite de base à
des « dialogues territoriaux sur les risques » ;
? parmi les besoins d?intensification et de développement de la coopération avec les pays
voisins, figure la réalisation de stress-tests transfrontaliers, pour ensuite conduire des
dialogues de coordination par bassins-versants ;
? parmi les pistes de travail définies, figure l?étude avec les parties prenantes des
conséquences d'une situation météorologique comparable à mi-juillet 2021 mais
positionnée à d'autres endroits aux Pays-Bas.
Planification et préparation
? dans la gestion des risques d?inondation, il faut davantage tenir compte de circonstances
jusqu'ici considérées comme peu probables, et notamment des risques de précipitations
extrêmes, dans la préparation de crise et les scenarii considérés ; plus largement, il
convient d?élaborer différents scenarii d?inondations en termes de durée de retour et de
saison ;
? il convient de déterminer quelles sont les infrastructures vitales et vulnérables.
Prévention et sensibilisation
? un cadre de référence est en cours d?élaboration pour l?occupation des sols aux abords des
cours d?eau, concernant tout nouvel aménagement (limitations, conditions?) ;
? la question d?une possible réglementation des cultures, en raison de leur effet sur les crues
en été, est ouverte ;
? la sensibilisation ne doit pas seulement s?appuyer sur des informations génériques, dans
le cadre de campagnes génériques qui viseraient toute la population, la communication de
masse apparaissant souvent inefficace ; il s?agit a contrario de déterminer des groupes
cibles au sein de la population ou des acteurs, d?étudier leur perception du risque et leurs
besoins d'informations, pour cibler la communication.
Alerte et gestion de crise
? il est nécessaire d?améliorer les échanges transfrontaliers de données et d'informations
pour la prévision des crues ;
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? il faut vérifier la capacité des modèles statistiques et des modèles de simulation des crues
à prendre en compte les phénomènes de mi-juillet 202187 ;
? pour toute activité durant plusieurs jours et localisée à côté d?une rivière, comme un festival
de musique, il est proposé de rendre obligatoire l?élaboration d?un plan de communication
de crise et d'évacuation.
Développements techniques et scientifiques
? des programmes de recherche spécifiques « post-2021 » ont été engagés ;
? dans le cadre de coopérations avec les pays voisins sur toutes les eaux transfrontalières,
il faut développer des bases de connaissances communes, des recherches conjointes, des
outils communs ;
? les crues de 2021 ont fait apparaître d?importants phénomènes d?érosion, avec des
« fosses » dans le fond des lits de cours d?eau pouvant mesurer plus de 10 mètres de
profondeur par rapport au lit initial ; la question technique se trouve posée, d?une part, de
prendre en compte cette érosion (prédétermination de l?aléa, prévision), d?autre part, de
restaurer les lits mineurs des cours d?eau impactés ;
? l?amélioration des digues et leur élargissement a facilité la gestion des risques
d'inondations, notamment en abaissant les lignes d?eau lors de la crue ; néanmoins,
d'autres rétrécissements relatifs sont apparus à d'autres endroits qu'avant les travaux,
conduisant à une accélération des vitesses ; ce point doit être étudié.
Annexe 6.6. Liste des documents consultés
Supports de l'entretien du 9 septembre 2022 avec le Ministère de l?Infrastructure et de la Gestion
de l?eau - Ministerie van Infrastructuur en Waterstaat
Supports de l'entretien du 16 septembre avec le Rijkswaterstaat
Organisation et politique publique
Ambassade de France aux Pays-Bas / Service économique de La Haye (2020). Nomenclature
administrative et politique, gestion de l'eau et aménagement du territoire aux Pays-Bas, 3 pages
Slomp, R. (2012). Flood risk and water management in the Netherlands - A 2012 update.
Rijkswaterstaat, Ministry of Infrastructure and the Environment, 101 p.
Slomp, R. (2014) Flood risk management in the Netherlands, Ministerie van Infrastructur en Milieu,
presentation du 27 juin 2014
ENW expertisenetwerk waterveiligheid (2017). Fundamentals of Flood Protection, 144 p.
OECD - Organisation de coopération et de développement économiques (2014). Water
governance in the Netherlands - Fit for the future ?, OCDE, Paris, 298 p.
Kaufmann, M., van Doorn-Hoekveld, W. Gilissen, H.K., & van Rijswick, M. (2015). Analysing and
evaluating flood risk governance in the Netherlands - Drowning in safety ?, STAR-FLOOD
ConsortiumUniversity Antwerp, KU Leuwen, Belgique, 128 p.
Evénement suites données réflexions egagées
87 Le consortium scientifique ENW a par ailleurs recommandé de revoir les hypothèses et calages de certains
modèles par rapport à la présence de végétation dans les lits mineurs, sur les berges et dans les lits majeurs, aux
embâcles, aux apports d?eau latéraux, à la défaillance de barrages, aux changements morphologiques (érosion,
dépôts..? ;).
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Synthèse de l'étude du réseau scientifique ENW Expertisenetwerk waterveiligheid "Hoogwater
2021 - Feiten en Duiding", 20 septembre 2021
Ministère néerlandais des infrastructures et de la gestion de l'eau (2022). Eesrte advies Beleidstafel
wateroverlast en hoogwter (Premier avis de la table ronde stratégique sur les inondations et les
crues), 55 pages
Eindadvies Beleidstafel wateroverlast en hoogwater - Voorkomen kan niet, voorbereiden wel
allemaal aan de slag (Avis final de la table-ronde "table d'orientation" sur les politiques en
cas d'inondation et de crue, résumé public), Ministerie van Infrastructuur en Waterstaat, La
Haye, décembre 2022, 12 p.
Advies Wetenschappelijk Klankbordgroep (Groupe de réflexion scientifique consultatif), Mi-
nisterie van Infrastructuur en Waterstaat octobre 2022, 5 p.
Beleidstafel Wateroverlast en Hoogwater Achtergronddocumenten (Documents d'information
sur les inondations de la table ronde "table d'orientation" sur les politiques en cas d'inonda-
tion et de crue), Ministerie van Infrastructuur en Waterstaat, décembre 2022, 55 p.
https://www.rijksoverheid.nl/documenten/rapporten/2022/12/19/achtergronddocumenten-bij-
beleidstafel-wateroverlast-en-hoogwater
Slomp, R., & Friocourt, Y. (2022). Les Pays-Bas face à la montée des eaux: quelle stratégie pour
le long terme et comment répondre aux différents enjeux ? Responsabilité et Environnement, 107,
pp. 85-89
Reuber, J. (2022). Future management of water security in Limburg. International water security
symposium, Valkenburf aan de Geul, 23 juin 2022
Van der Broeck, P. (2022). Future management of water security in Limburg. International water
security symposium, Valkenburf aan de Geul, 23 juin 2022. (Pays-Bas NL)
Asselman, N. (2022). Facts and findings on the 2021 floods in Limburg. International water security
symposium, Valkenburf aan de Geul, 23 juin 2022. (Pays-Bas NL)
Van Brussel, J. (2022). Flood risk management challenges in the Netherlands. International water
security symposium, Valkenburf aan de Geul, 23 juin 2022.
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Août 2023 Retour d?expérience des inondations des 14 et 15 juillet
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Annexe 7. : dispositifs d?indemnisation et
dispositifs assurantiels contre les catastrophes
naturelles
Annexe 7.1. Les dégâts à indemniser ont été d?une ampleur
nettement supérieure à ce que traite habituellement le système
français Catnat
En Allemagne, l?ampleur des dégâts a nécessité la mise en place d?un fonds spécial d?aide à la
reconstruction de 30 milliards d?euros ? en complément des mesures d?urgence de 400M¤ qui
avaient immédiatement été mobilisées - dont 16 milliards rendus disponibles dès 2021. Cela
s?est fait par une loi du 10/09/2021 « sur la création d'un fonds spécial "Aufbauhilfe 2021" et sur la
suspension temporaire de l'obligation de déposer une demande d'insolvabilité en raison de fortes
pluies et d'inondations en juillet 2021 et sur la modification d'autres lois » Sur ces 30 milliards, 23
viennent exclusivement de l?échelon fédéral et 7 seront remboursés sur trente ans, sans intérêt,
par l?ensemble des Länder, sous forme d?un prélèvement annuel de 233,33M¤ sur des recettes
fiscales leur revenant (quote-part de TVA). La répartition des dépenses est presque symétrique de
celle des ressources, en effet, 28 milliards sont fléchés vers des dépenses que les Länder doivent
effectuer, tandis qu?environ 2 sont réservés à la remise en état des infrastructures fédérales
endommagées.
Le nombre de morts en Allemagne dans cette catastrophe a été de 219 : en France, les différents
types d?inondation ont causé de l?ordre de 148 morts sur 10 ans, de 2013 à 2022 inclus (évaluation
issue de l?exploitation de sources diverses), tandis que l?année où les inondations ont été les plus
meurtrières en France depuis 1977, 2010, a conduit à 80 morts (en particulier Xynthia et les
inondations du département du Var). Il n?est pas surprenant que les dégâts soient à une échelle
proportionnelle, les 30 milliards d?euros du fonds d?indemnisation (qui intervient en complément
des assurances lorsque des dégâts étaient assurés) représentent plus de quinze fois le montant
annuel des primes d?assurance perçues en France en 2021 au titre du régime CatNat (1,8
milliards d?euros, et moins de 10 morts).
Le montant des dégâts indemnisés en Allemagne est proche de l?évaluation que fait la Caisse
Centrale de Réassurance de ce que serait le coût d?une crue majeure de la Seine (« de 16 à 28
Md ¤ »). La population de l?Ile de France est d?environ 12 millions de personnes, tandis que celles
des deux principales régions touchées en Allemagne, sont de 18 millions pour la Rhénanie du Nord
Westphalie et de 4 millions pour la Rhénanie-Palatinat. On peut voir une cohérence à ce que le
coût d?une catastrophe majeure dans une zone géographique et dans l?autre soit d?un ordre de
grandeur similaire.
En Wallonie, 39 personnes sont décédées, une centaine de milliers ont été sinistrées et les dégâts
ont été estimés par le gouvernement de la région wallone à 2,8 milliards d?euros. En juillet 2022,
le gouvernement de la région wallone communiquait dans les termes suivants : « Dès le lendemain
de la catastrophe le Gouvernement a négocié avec les compagnies d?assurance pour permettre
aux personnes sinistrées assurées de bénéficier d?une indemnisation complète en fonction des
clauses de leur police d?assurance et des accords avec les experts. Une loi fédérale permet en
effet aux assureurs de limiter les indemnisations versées aux sinistrés en cas de catastrophe de
grande ampleur. Dans le cas des inondations de juillet dernier les assurés n?auraient touché que
20% du montant des dégâts estimés par leur assureur. A la lumière du drame humain que
représentaient les inondations le Gouvernement a décidé d?accomplir un effort financier sans
précédent d?un milliard d?euros pour permettre l?indemnisation complète des personnes sinistrées
assurées. Après négociation, les assureurs ont quasiment doublé leur plafond
d?intervention. C?est ainsi qu?à ce stade les assureurs interviennent à raison de 41% et le
Gouvernement à raison de 59%. » Les personnes qui n?étaient pas assurées ont reçu l?aide d?un
« fonds des calamités », décrit par le gouvernement de la région wallone dans les termes suivants ;
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« Dès l?automne 2021 le Gouvernement a sollicité le Parlement afin de modifier spécialement les
conditions d?accès au fonds des calamités afin de permettre aux personnes sinistrées non-
assurées de bénéficier d?une aide financière (limitée). Le Gouvernement entendait éviter à tout prix
qu?une partie de la population non assurée ne tombe dans la précarité totale. »
Aux Pays Bas, l?opérateur (RVO) chargé d?indemniser les victimes sur la base du « règlement
WTS 2021 » publiait en juillet 2022 le bilan suivant : « Exactement 1 an après les fortes pluies et
inondations dans le Limbourg et le Brabant du Nord en juillet 2021 nous avons déterminé 1 518
demandes de victimes. Plus de 34 millions d'euros ont été versés dans le cadre du programme
WTS de juillet 2021. », traduisant des dégâts de plusieurs ordres de grandeur inférieurs à ceux qui
sont survenus en Belgique et en Allemagne. (Cf. annexes 3 et 4).
Annexe 7.2. L?indemnisation des particuliers et des entreprises s?est,
dans chaque pays, appuyée sur des dispositifs ad hoc complétant,
là où elles existaient, les assurances
La mission a échangé avec les administrations de trois pays, l?Allemagne, la Belgique (État fédéral
et région de Wallonie) et les Pays Bas.
Aucun de ces pays ne fait partie de ceux qui, comme la Suisse ou la France, ont rendu obligatoire
une assurance contre les catastrophes naturelles.
En Allemagne, le sujet était jusqu?à présent traité indépendamment par chaque Land. Un d?entre
eux a eu dans le passé un dispositif obligatoire, mais il l?a annulé, dans tous les autres Länder,
l?assurance était laissée à l?initiative de chacun. Toutefois, les statistiques montrent que les taux
d?assurance restent élevés dans les Länder où l?assurance était obligatoire. Les citoyens ont, dans
ces Länder, gardé le « réflexe d?assurance ».
La moitié des victimes des grandes inondations n?étaient en conséquence pas assurées contre les
dégâts correspondants.
Le fonds mentionné ci-dessus est destiné à indemniser chacun : pour ceux qui étaient assurés,
cette indemnisation vient en complément de l?assurance, pour ceux qui ne l?étaient pas elle
intervient seule.
En Belgique, la réglementation des assurances prévoit ? sans doute pour éviter des faillites de
compagnies d?assurance ? qu?en cas de catastrophe majeure, les assurances ne remboursent à
leurs clients qu?une fraction des dégâts. Cette fraction est d?autant plus faible que l?ampleur de la
catastrophe est élevée. Dans le cas particulier, l?application des règles aurait conduit les
assurances à ne rembourser que 20% des dégâts.
Le gouvernement wallon a pris deux mesures :
? comme indiqué plus haut, après négociation avec les compagnies d?assurance, il a obtenu
d?elles qu?elles remboursent 49% des dégâts subis par leurs clients, la région wallone
remboursant les 51% restant ;
? pour ceux qui n?étaient pas assurés, elle a mis en place un fonds de solidarité.88 Il ne
s?agissait pas dans leur cas de les indemniser totalement, mais, selon les termes de
l?exécutif régional, de leur apporter une aide « limitée » pour éviter qu?ils tombent « dans la
précarité totale ».
88 Communiqué de presse de juillet 2022 « Dès l?automne 2021 le Gouvernement a sollicité le Parlement afin de
modifier spécialement les conditions d?accès au fonds des calamités afin de permettre aux personnes sinistrées
non-assurées de bénéficier d?une aide financière (limitée). Le Gouvernement entendait éviter à tout prix qu?une
partie de la population non assurée ne tombe dans la précarité totale. »
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Aux Pays Bas, selon la Fondation pour la recherche appliquée sur l'eau89 (qui se qualifie centre
de connaissances des offices de l'eau et des provinces) « L'assurance volontaire contre les
dommages causés par les inondations de la mer et des rivières aux habitations a été proposée
dans des produits successifs entre 2012 et 2020 par un assureur (Pays-Bas). Le porteur de risque
s'est depuis retiré et il n'existe actuellement aucun assureur aux Pays-Bas qui offre une
assurance contre les inondations d'origine maritime et fluviale (percée des défenses
primaires contre les inondations) à l'exception des produits destinés à un certain nombre de
multinationales et à quelques particuliers très fortunés. L'Association néerlandaise des assureurs
indique que cela est dû à une sensibilisation insuffisante (les Néerlandais se sentent relativement
en sécurité) à l'anti-sélection et au risque d'accumulation90. »
Les interlocuteurs administratifs de la mission lui ont confirmé que les dégâts liés aux inondations
n?étaient indemnisés que par des fonds publics, que la mise en oeuvre de tels fonds était décidée
au cas par cas par le gouvernement et qu?un principe général était que l?indemnisation ne couvre
pas la totalité des coûts, afin d?inciter à la prudence ceux qui construisent ou résident en zone
inondable.
Annexe 7.3. En Allemagne, une réflexion s?est engagée sur une
éventuelle assurance obligatoire contre les catastrophes
naturelles, elle n?avait pas totalement abouti lors de la rédaction
du rapport
Les réflexions en Allemagne se sont d?abord déroulées au sein d?un « groupe de travail sur
l'assurance obligatoire contre les catastrophes naturelles » Celui-ci a présenté ses conclusions le
1° juin 2022 devant la «conférence des ministres allemands de la justice91 (Länder et Etat fédéral) ».
Les ministres allemands de la justice ont adopté les conclusions suivantes : « Sur la base des
résultats du groupe de travail les ministres de la justice estiment que l'introduction d'une
obligation pour les propriétaires de logements privés de s'assurer contre les dommages
naturels dans un cadre à aménager par le législateur n'est pas contraire à la constitution en
particulier lorsque des franchises substantielles ou des instruments similaires sont prévus
(qui apparaissent de toute manière comme étant des dispositions naturelles en matière
d'assurance) afin d'éviter des incitations abusives en matière de prévoyance individuelle. La
forme concrète que le législateur donnera à une telle obligation est déterminante. »92
Depuis lors, et en préparation de débats au Bundestag, les réflexions se poursuivent au sein des
différents partis sur la mise en place d?une telle obligation. Ces réflexions portent notamment sur
89 STOWA : Stichting Toegepast Onderzoek Waterbeheer Het kenniscentrum van waterschappen en provincies
90 Ces deux dernières notions renvoient indirectement à l?asymétrie de l?information : les assurés potentiels savent
à quel point ils ont bien ou mal préparé leur bien au risque inondations. Ceux qui ont investi pour être moins exposés
aux conséquences de l?inondation ne vont pas accepter de payer des primes élevées, il ne reste donc plus comme
clients potentiels que ceux qui savent que leur bien, intrinsèquement et/ou par défaut d?adaptation, est très exposé
aux conséquences d?une inondation. Le niveau élevé du risque induit donc des primes élevées, qui ne laissent
comme clients potentiels que les « mauvais risques », ce qui conduit à réévaluer les primes nécessaires jusqu?à
ce qu?il n?y ait en pratique plus de clientèle.
91 Comme de nombreuses compétences sont partagées entre le Bund et les Länder, il est d?usage d?organiser
régulièrement des réunions des ministres du ressort concerné avec leur homologue fédéral. La plus connue est la
« Kultusministerkonferenz » car en matière de culture et d?éducation (écoles, lycées etc.) les Länder sont quasi-
souverains. Certains Lânder disposent même d?une « loi constitutionnelle scolaire ». Mais les ministres de la Justice
se réunissent eux aussi régulièrement, ainsi que les ministres de l?Environnement, qui ont consacré une grande
part de l?une de leurs réunions aux inondations de 2021
92 93. Konferenz der Justizministerinnen und Justizminister Bericht der Arbeitsgruppe ?Pflichtversicherung für
Elementarschäden?
https://www.justiz.nrw.de/JM/jumiko/beschluesse/2022/Fruehjahrskonferenz_2022/top_i_11_-
_pflichtversicherung_fuer_elementarschaeden.pdf
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deux thèmes : quelle dose de solidarité, pour éviter que les assurances dans certaines zones
dépassent la capacité de paiement des assurés ? Quelles « franchises ou instruments similaires
afin d?éviter des incitations abusives en matière de prévoyance individuelle » ?
Annexe 7.4. En conclusion
Annexe 7.4.1 Pour les entreprises comme pour les
collectivités, être prêts à réagir peut réduire
considérablement l?impact
Les inondations sont un des domaines où la prévention peut coûter beaucoup moins cher que
l?indemnisation.
Dans les zones à cinétique suffisamment lente, avoir identifié dans les entreprises et dans les
réseaux publics les composants clefs à débrancher avant la montée des eaux et à ne remettre en
place qu?après l?inondation peut considérablement raccourcir la période d?arrêt.
Les éléments de conception des circuits électriques susceptibles de limiter les dégâts (les mettre
aussi haut que possible plutôt qu?au ras du sol) sont également connus.
Les choix de matériaux pour les bâtiments et le second oeuvre ont des impacts sur les dommages
et les coûts.
Annexe 7.4.2 Au-delà d?une certaine ampleur, aucun système
assurantiel ne peut se substituer à la solidarité
nationale
Lorsque le coût d?une catastrophe s?évalue en dizaine de milliards d?euros, l?existence ou l?absence
d?une assurance, obligatoire ou pas, a un effet sur les modalités d?instruction des dossiers ? ceux-
ci sont confiés aux services des compagnies d?assurance dans un cas, et doivent être confiés à
des services publics dédiés dans l?autre ? il n?en demeure pas moins que la solidarité nationale est
nécessairement mobilisée, les ressources des compagnies d?assurance n?étant pas suffisantes
pour couvrir l?intégralité des catastrophes d?une trop grande ampleur. Rappelons qu?en France,
l?Etat propose une réassurance garantie par lui, par l?intermédiaire de la Caisse Centrale de
Réassurance.
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Annexe 8. : Glossaire des sigles et acronymes
AFPCNT Association française pour la prévention des catastrophes naturelles et
technologiques
CEPMMT Centre européen pour les prévisions météorologiques à moyen terme
(ECMWF : European Centre for Medium-Range Weather Forecasts)
CEREMA Centre d?études et d?expertise sur les risques, l?environnement, la mobilité et
l?aménagement
CGE Conseil général de l?économie
CGEDD Conseil général de l?environnement et du développement durable
COD Centre opérationnel départemental
CSI Code de la sécurité intérieure
DDT Direction départementale des territoires
DGPR Direction générale de la prévention des risques
DGS Direction générale de la santé
DGSCGC Direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises
DREAL Direction régionale de l?environnement, de l?aménagement et du logement
EFAS European Flood Awareness System
EHPAD Établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes
FNRASEC Fédération nationale des radioamateurs au service de la sécurité civile
GEMAPI Gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations
IGA Inspection générale de l?administration
IGEDD Inspection générale de l?environnement et du développement durable
MIIAM Mission interrégionale inondation Arc Méditerranéen
ORSEC Plan d?organisation des secours
PAPI Programme d?actions de prévention des inondations
PCS Plan communal de sauvegarde
PICS Plan intercommunal de sauvegarde
PPI Plan particulier d?intervention
PPRI Plan de prévention des risques d?inondation
PPRN Plan de prévention des risques naturels prévisibles
RETEX Retour d?expérience
SCHAPI Service central d?hydrométéorologie et d?appui à la prévision des inondations
SDIS Service départemental d'incendie et de secours
SDPC Schéma directeur de prévision des crues
SIDPC Service interministériel de défense et de protection civile
SPC Service de prévision des crues
ZICH Zones inondées par classes de hauteur
ZIP Zones inondées potentielles
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Sommaire
Résumé
Liste des recommandations
Introduction
1 Un événement d?ampleur européenne, touchant de façon très diverse des territoires aux caractéristiques géographiques et institutionnelles variées
1.1 Un événement météorologique et hydrologique inhabituel à plusieurs titres
1.1.1 Les précipitations
1.1.2 Les crues et les inondations
1.2 Des conséquences humaines dramatiques, des impacts économiques considérables
1.3 Des cadres institutionnels et organisationnels divers dans les territoires impactés
1.4 Les particularités fortes de l?événement et les difficultés majeures rencontrées
2 Retours d?expérience et enseignements concernant la chaîne surveillance-prévision-vigilance-alerte
2.1 Surveillance hydrologique des cours d?eau
2.2 Prévisions des précipitations, des crues et des inondations
2.3 Vigilance et pré-alerte
2.4 Alerte
2.5 Aider à faire la part de l?incertitude et de la variabilité face aux événements futurs
3 Retours d?expérience et enseignements concernant l?organisation des secours et la gestion de crise
3.1 Faire en sorte que les acteurs de la gestion de crise se connaissent avant la crise
3.2 Renforcer les liens entre les préfets et les grands opérateurs de réseaux
3.3 Développer et utiliser pleinement les outils de planification locale de la gestion de crise
3.3.1 Organiser une capacité de réponse adaptative et une continuité estivale au niveau local
3.3.2 Intégrer dans les Plans Communaux ou Intercommunaux de Sauvegarde (PCS ou PICS) des scenarii hydrométéorologiques diversifiés.
3.3.3 Adresser les bons messages à la population afin de s?adapter au déroulement de l?événement au niveau local
3.3.4 Mettre en place des « points-phares » regroupant des ressources pour les sinistrés
3.3.5 Organiser et coordonner une réponse aux fausses rumeurs pendant ou après un événement climatique extrême
3.3.6 Anticiper et organiser l?afflux de volontaires
4 Retours d?expérience et enseignements concernant la prévention des risques d?inondation et la préparation aux futurs événements
4.1 Connaître et prendre en compte les aléas de façon adaptée
4.1.1 Améliorer les références hydrologiques en prenant en compte les événements anciens
4.1.2 Mettre à jour les références hydrauliques des crues anciennes en fonction de l?évolution des vallées et des bassins versants
4.1.3 Accélérer la prise en compte des risques de ruissellements
4.2 Prévenir les sur-risques
4.2.1 Renforcer et fiabiliser les réseaux de communication
4.2.2 Amplifier la lutte contre les sources d?embâcles
4.2.3 Gérer les digues de façon résiliente
4.2.4 Réexaminer les consignes de gestion des barrages en fonction de l?évolution saisonnière des enjeux et informer sur le sujet
4.2.5 Programmer des travaux estivaux sur les ouvrages hydrauliques et les cours d?eau en intégrant le risque d?inondations
4.2.6 Programmer les opérations estivales de maintenance des dispositifs de gestion de l?eau
4.3 Compléter la planification de la gestion de crise
4.3.1 Organiser une coordination au sein de bassins de vie et de risques transfrontaliers
4.3.2 Réaliser des « stress tests territoriaux » intégrant les impacts du changement climatique
4.3.3 Améliorer les relations avec les médias pour assurer que tous les messages de consignes soient relayés
4.3.4 Anticiper les modalités de gestion des déchets
4.3.5 Prendre en compte les vulnérabilités spécifiques des personnes handicapées en termes de protection et de secours
4.4 Préparer et sensibiliser aux risques d?inondation
5 Retours d?expérience et enseignements concernant l?après-crise : retour à la normale, réparation, indemnisations, et apprentissage
5.1 Coordonner les acteurs de l?après-crise
5.2 Renforcer temporairement les services publics locaux
5.3 Adapter temporairement les procédures
5.4 Traiter et suivre les impacts individuels et collectifs sur la santé
5.5 Apprendre de la catastrophe et infléchir l?avenir
Conclusion
Annexes
Annexe 1. : lettre de mission
Annexe 2. : liste des personnes rencontrées
Annexe 2.1. France
Annexe 2.2. Allemagne
Annexe 2.3. Belgique
Annexe 2.4. Pays-Bas
Annexe 2.5. Organisations multilatérales de niveau européen
Annexe 3. : les grandes caractéristiques de l?événement d?inondations de mi-juillet 2021 en Allemagne
Annexe 3.1. Rappel des événements et de leur bilan humain
Annexe 3.2. L?ampleur des dégâts
Annexe 3.3. La phase de reconstruction à l?aune de l?exemple de la Rhénanie-Palatinat
Annexe 3.4. Les enseignements tirés de la catastrophe, un sujet qui reste sensible et compliqué
Annexe 3.5. La question de l?introduction d?une assurance obligatoire contre les catastrophes naturelles
Annexe 3.6. Liste de documents consultés
Annexe 4. : les grandes caractéristiques de l?événement d?inondations de mi-juillet 2021 en Belgique
Annexe 4.1. Caractéristiques météorologiques et hydrologiques de l?événement
Annexe 4.1.1 Météorologie
Annexe 4.2. Hydrologie
Annexe 4.3. Impacts
Annexe 4.4. Organisation de l?action publique, répartition des compétences et responsabilités
Annexe 4.5. Questions et problématiques mises en évidence par l?événement
Annexe 4.6. Suites données, apprentissages, réflexions et actions engagées
Annexe 4.7. Liste des documents consultés spécifiques à l?événement
Annexe 5. : les grandes caractéristiques de l?événement d?inondations de mi-juillet 2021 en France
Annexe 5.1. Caractéristiques météorologiques et hydrologiques de l?événement
Annexe 5.1.1 Météorologie
Annexe 5.1.2 Hydrologie
Annexe 5.2. Impacts
Annexe 5.3. Organisation de l?action publique, répartition des compétences et responsabilités
Annexe 5.4. Questions et problématiques mises en évidence par l?événement
Annexe 5.5. Suites données, apprentissages, réflexions et actions engagées
Annexe 5.6. Liste des documents consultés spécifiques à l?événement
Annexe 6. : les grandes caractéristiques de l?événement d?inondations de mi-juillet 2021 aux Pays-Bas
Annexe 6.1. Caractéristiques météorologiques, hydrologiques et hydrauliques de l?événement
Annexe 6.1.1 Météorologie
Annexe 6.1.2 Hydrologie et phénomènes hydrauliques
Annexe 6.1.3 Digues et protections contre les inondations
Annexe 6.2. Impacts
Annexe 6.3. Organisation de l?action publique, répartition des compétences et responsabilités
Annexe 6.4. Questions et problématiques mises en évidence par l?événement
Annexe 6.5. Suites données, apprentissages, réflexions et actions engagées
Annexe 6.6. Liste des documents consultés
Annexe 7. : dispositifs d?indemnisation et dispositifs assurantiels contre les catastrophes naturelles
Annexe 7.1. Les dégâts à indemniser ont été d?une ampleur nettement supérieure à ce que traite habituellement le système français Catnat
Annexe 7.2. L?indemnisation des particuliers et des entreprises s?est, dans chaque pays, appuyée sur des dispositifs ad hoc complétant, là où elles existaient, les assurances
Annexe 7.3. En Allemagne, une réflexion s?est engagée sur une éventuelle assurance obligatoire contre les catastrophes naturelles, elle n?avait pas totalement abouti lors de la rédaction du rapport
Annexe 7.4. En conclusion
Annexe 7.4.1 Pour les entreprises comme pour les collectivités, être prêts à réagir peut réduire considérablement l?impact
Annexe 7.4.2 Au-delà d?une certaine ampleur, aucun système assurantiel ne peut se substituer à la solidarité nationale
Annexe 8. : Glossaire des sigles et acronymes
(ATTENTION: OPTION és. Ces échéances permettent de mettre les dispositifs opérationnels en
veille active, de diffuser des consignes de sécurité, de mettre en oeuvre des mesures anticipées
de prudence, mais elles ne permettent pas d?éviter des impressions de « fausse alerte » au niveau
local. Il sera important, comme cela a été formulé plus haut, d?évaluer en particulier la nouvelle
diffusion d?une vigilance « complémentaire » avec une échéance supplémentaire de 24 heures et
des informations infra-départementales, aussi bien pour les vigilances météorologiques que pour
les vigilances crues.
En particulier, les vigilances « orange » sont « mal perçues » quand elles sont formulées de façon
standard à l?échelle départementale, elles sont inévitablement suivies, à échelle locale et sur une
partie du département concernée, par des non-événements ou des événements « bénins »,
s?agissant d?inondations rapides sur de petits bassins. Pour autant, sur 76 cas de décès dus aux
inondations sur l?arc méditerranéen (de 2001 à 2011), pour lesquels il a été possible d?établir
exactement la chronologie des faits, 74% sont survenus dans les conditions d?une vigilance orange
dont la grande majorité ne sera pas suivie d?une vigilance rouge, et 8% dans les conditions d?une
27 Note technique du 18 janvier 2023 relative à la production opérationnelle de la vigilance crues, sous le timbre du
ministère chargé de l?environnement ? DGPR.
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vigilance jaune28 . La vigilance orange traduit une potentialité d?événement critique pour une
personne ou pour une commune. Si l?on fait le parallèle avec la couleur orange utilisée dans la
signalisation routière, le signal implicite de danger est très différent. Des travaux scientifiques sont
engagés qui devront permettre de mieux comprendre la perception du risque et les comportements
en regard de la vigilance orange29.
Les retours d?expérience de mi-juillet 2021, l?analyse des cas de décès en Rhénanie du Nord-
Westphalie30 et plus généralement la littérature technique et scientifique sur les circonstances de
décès dus aux inondations identifient, parmi les types de situations, celles de personnes en
majorité âgées ou souffrant de handicaps, qui décèdent dans leurs lieux de vie, y compris malgré
la disponibilité d?étages refuges. L?aide à l?évacuation de personnes vulnérables (évacuation
horizontale, hors de la zone inondable, ou verticale, vers un étage refuge lorsque la structure du
bâtiment n?est a priori pas menacée) nécessite du temps et des moyens humains, et répond à un
risque accru par rapport à la majorité de la population. Dans la gradation des niveaux de risques
et des alertes, les autorités japonaises distinguent un niveau conduisant à évacuer les personnes
âgées, handicapées, ou nécessitant plus de temps pour évacuer, inférieur au niveau appelant à
l?évacuation générale de la population exposée. En somme, on crée deux niveaux différents
d?ordres d?évacuation (partielle pour population âgée ou à risques/totale s?adressant à tous). La
prise en compte spécifique et organisée de personnes vulnérables est intégrée dans certains PCS
pour les situations d?inondations, mais il convient de rappeler que de nombreuses communes n?ont
pas finalisé ces plans, ou doivent y intégrer plus complètement les crises liées aux inondations.
Face à une vulnérabilité plus grande et à des délais de mise en sécurité plus importants, on peut
penser que les personnes concernées soient prêtes à accepter un « risque » plus grand de fausse
alerte, inévitablement lié à une plus grande anticipation. La mission recommande, dans les
messages officiels sur les consignes de sécurité, comme dans les actions des PCS, d?introduire
explicitement la distinction concernant les personnes plus vulnérables aux inondations en regard
de difficultés spécifiques à se déplacer en conditions difficiles, ou de besoins d?assistance. Ce point
sera repris au chapitre 3 pour ce qui concerne la planification communale de la gestion de crise.
28 Boissier, L. (2013). La mortalité liée aux crues torrentielles dans le Sud de la France : une approche de la
vulnérabilité humaine face à l'inondation. Thèse de doctorat, Université Paul Valéry - Montpellier 3, 186 p., ann.
Douvinet, J., Gisclard, B., Martin, G., Vinet, F., Bopp, E., Grancher, D., Coulon, M., & Genre-Grandpierre, C. (2019)
Les sirènes sont-elles pertinentes pour alerter la population en cas de crues rapides en France ?. La Houille Blanche
- Revue internationale de l'eau, EDP Science, 11 pages.
Ruin, I. (2020) Mobilités quotidiennes et crues éclair: une rencontre à haut risque!, Mémoire présenté pour obtenir
l'habilitation à diriger les recherches, Université Grenoble Alpes, 180 pages.
29 Ruin, I. (2020) Mobilités quotidiennes et crues éclair: une rencontre à haut risque!, Mémoire présenté pour obtenir
l'habilitation à diriger les recherches, Université Grenoble Alpes, 180 pages.
30 Thieken A. Bubeck P. Zenker M.-L. & Wutzler B. (2022a). Analyse der Todesumstände und -ursachen der
Opfer des Hochwassers 2021 in Nordrhein-Westfalen zur Ableitung von Verbesserungspotenzialen in der
Risikokommunication und Warnung KAHR (Klima Anpassung Hochwasser Resilienz) Science Conference 29-30
juin 2022.
Thieken A. Bubeck P. Zenker M.-L. & Wutzler B. (2022b). Strukturierte Auswertung der Dokumentationen zu
allen Hochwassertodesopfern in Nordrhein-Westfalen im Juli 2021 und Herausarbeitung von
Verbesserungspotenzialen in der Risikokommunikation und in den Warnprozessen anhand der Todesumstände
und -ursachen sowie Ereignischarakteristika Gutachten für den Parlamentarischen Untersuchungsausschuss V
(Hochwasserkatastrophe) des Landtags Nordrhein?Westfalen Universität Potsdam 50 p.
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Recommandation 3. Rappeler, dans les messages nationaux d?information relatifs aux
mesures de sécurité, et dans les pré-alertes diffusées par les préfets de départements aux
maires, la nécessité de prendre en compte de façon anticipée la situation des personnes
vulnérables, nécessitant des délais de mise en sécurité plus importants (DGSCGC, DGPR,
préfets de département).
Alerte
L?événement d?inondation de mi-juillet 2021 a partout surpris par sa date de survenue, au coeur de
l?été, dans des régions qui sont habituées aux crues d?hiver. Il est apparu qu?à divers degrés, les
procédures et processus d?alerte étaient de fait calés sur les crues et les vulnérabilités hivernales :
? pas d?alerte spécifique au monde agricole (peu utile pour des crues assez lentes et
hivernales, ne touchant que des terres agricoles sans culture ou avec des stades de culture
non récoltable, dans des régions dans lesquelles le bétail est en bâtiment à ces périodes
de l?année ; plusieurs préfets auditionnés par la mission ont mis en exergue la sensibilité
économique et sociale des impacts agricoles des événements de la mi-juillet 2021) ;
? absence de planification pour des activités touristiques et de loisirs extérieurs.
Dans certaines régions impactées, on a observé en 2021 des dommages agricoles « inédits » :
des cultures, pas forcément récoltables même avec un peu d?anticipation, et surtout du bétail en
extérieur, dans le lit majeur d?une rivière, dont l?évacuation précipitée a été complexe là où elle a
pu être tentée en urgence, sans planification ni préparation. Ces dommages ont pu s?avérer très
sensibles. A contrario, dans les Ardennes belges, haut lieu des camps estivaux de mouvements de
jeunesse, l?alerte spécifique a été précocement enclenchée, ces camps étant vulnérables à des
aléas climatiques estivaux comme les orages « classiques » et leur présence étant un enjeu pris
en compte par la sécurité civile. Même sans habitude d?événements importants estivaux de crues,
en France également, les autorités ont pu intégrer la présence et la vulnérabilité de manifestations
extérieures.
La mission recommande que l?ensemble des procédures et plans d?alerte soient examinés et au
besoin complétés dans la perspective d?événements d?inondations significatifs estivaux (sans
revenir sur la question des services permanents, astreintes, encadrements des congés évoqués
plus haut) :
? recensement, diagnostic de vulnérabilité et intégration dans les chaînes d?alerte des
activités saisonnières sur toute l?année (exemple typique de la présence de bétail en
extérieur, manifestations culturelles?) ; le recensement et le diagnostic de vulnérabilité
constituent de même des points d?entrée pour la révision éventuelle de l?organisation des
secours et la gestion de crise ; l?intégration dans la chaîne d?alerte concerne
potentiellement non seulement les destinataires et canaux de diffusion, mais aussi le
contenu des messages, le cas échéant les langues utilisées (tourisme) ? ;
? prise en considération des dynamiques et des délais caractéristiques de crues et
d?inondations sur tout le spectre possible d?événements, s?il y a lieu.
Recommandation 4. Réexaminer et adapter les procédures et plans d?alerte pour y intégrer
de possibles événements estivaux, avec leurs probabilités, les expositions et vulnérabilités
spécifiques à cette saison (préfets de département, présidents d?intercommunalités,
maires).
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Les retours d?expérience ont par ailleurs soulevé la question, pour des événements importants et
à cinétique rapide dans des régions qui n?y étaient pas forcément habituées, de prévoir la possibilité
de messages de pré-alerte, et d?adapter le cadencement des messages aux caractéristiques des
événements. Ce dernier point se pose d?autant plus en cas de fortes incertitudes avant le
déclenchement des précipitations et de difficulté à pré-définir l?événement : les observations à très
courte anticipation ou « en temps réel » (nowcasting) peuvent conduire à des informations utiles à
diffuser.
Les enjeux liés au contenu informatif et à la crédibilité des messages d?alerte ne sont pas
spécifiques à juillet 2021, certains territoires ayant été marqués par des taux significatifs de refus
d?évacuation, par exemple. Sensibilisation et éducation sont des préoccupations constantes de
l?action publique, en matière de gestion des risques d?inondation. De même, les interlocuteurs de
la mission ont pu faire état de sentiments de sécurité excessifs que peuvent induire la présence
d?aménagement hydrauliques, de digues?
Les réflexions et retours d?expérience dans les différents territoires abordent logiquement la
question des vecteurs et moyens techniques de diffusion de l?alerte, en fonction des dispositifs
existants au moment de l?événement et de difficultés spécifiques mises en évidence par un
événement « nouveau ». Dans le cadre européen mis en place, on observe différents degrés
d?avancement ou de maturité des dispositifs d?alerte par diffusion automatique sur les réseaux
mobiles, à l?image de FR-Alert en France. Un tel dispositif de diffusion cellulaire « cell broadcast »,
est unanimement considéré comme apportant un plus : localisation géographique limitée (à
l?échelle des antennes relais) et spécificité de l?information, notamment. Dans sa nouvelle stratégie
de sécurité civile, et dans les réflexions préparatoires, l?Allemagne met en avant un principe d?une
diversification et diversité forte des vecteurs de message d?alerte, avec la contrainte logique de
veiller à la cohérence des informations : le recours aux sirènes, indissociable de vecteurs
permettant une information différenciée selon les phénomènes et spécifique aux circonstances, est
présenté comme le moyen le plus sûr de mettre la population en situation d?éveil et de vigilance, à
toute heure, et de l?amener à accéder aux informations spécifiques à l?événement31.
La mise en oeuvre systématique d?alertes par diffusion cellulaire nécessite que les infrastructures
de communication des réseaux mobiles soient fiables avant le coeur de la crise, mais aussi pendant
la crise. Cet enjeu rejoint plus largement les questions cruciales de besoins de communications
liées à la crise au-delà de l?alerte : appels aux services de secours au sujet de personnes
menacées, appels entre proches inquiets? On peut penser que le maintien d?une capacité de
communiquer par téléphonie mobile peut éviter des déplacements physiques dangereux
(recherche de nouvelles de proches, tentatives de secours risquées et non forcément
nécessaires?). L?Allemagne a ainsi légiféré sur les obligations de fiabilité des opérateurs de
téléphonie mobile.
La loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023 d?orientation et de programmation du ministère de l?intérieur
a consacré la mise en place d?un réseau de communications électroniques, pour les acteurs publics,
dédié aux missions de sécurité et de secours, de protection des populations et de gestion des
crises et des catastrophes. Ce réseau est exploité par un opérateur dédié. Par ailleurs, les
opérateurs de réseaux radioélectriques ouverts au public garantissent la continuité et la
permanence des communications mobiles critiques à très haut débit destinées à ces missions
(entre les services de l?État, les collectivités territoriales ou leurs groupements, les services
d?incendie et de secours, les services d?aide médicale urgente et tout autre organisme public ou
privé chargé d?une mission de service public dans les domaines de la sécurité et du secours). La
mission rappelle par ailleurs que l?Etat a confié à la Fédération nationale des radioamateurs au
service de la sécurité civile (FNRASEC), association agréée de sécurité civile ?qui vient d?obtenir
le renouvellement de son agrément par le ministère de l?Intérieur et celui chargé de l?aviation civile-
31Le recours aux sirènes fait l?objet de débats techniques ; en Allemagne par exemple, la doctrine admet qu?on peut
utiliser plusieurs alarmes sonores différentes, à condition que la population soit correctement informée.
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une mission de service public : la mise en place d?un réseau ultime de transmission à la disposition
des services de secours et des autorités en cas de dégradation partielle ou totale des réseaux de
transmission usuels.
Il en découle plusieurs points cruciaux, complémentaires des recommandations établies dans le
retour d?expérience de la tempête Alex dans les Alpes-Maritimes en 202032 (renforcement du
réseau radio, dispositifs des communications des services ?) :
???dans des cadres formels à déterminer, veiller à la plus grande continuité possible de
fonctionnement, en situation de crise inondation, des réseaux mobiles non seulement pour
les missions visées par la loi du 24 janvier 2023 (Cf. supra), mais également pour les autres
échanges au sein de la population (alimentation électrique des relais, dispositifs
d?intervention?) ; si un tel objectif n?est pas forcément anodin et nécessite des
investigations et expertises, il semble plus atteignable que la continuité des réseaux
physiques de communication et d?électricité desservant les particuliers, au vu des
événements qui ont touché les vallées les plus impactées en juillet 2021, ou les vallées de
la Roya et de la Vésubie en octobre 2020 ;
???dans les messages de sensibilisation, et dans ceux de mise en alerte de la
population, on mentionne traditionnellement l?utilisation d?un poste de radio ; le recours à
la radio est très variable, quand ce n?est pas le smartphone même qui sert de récepteur ;
on recommande dès lors d?ajouter aux conseils et consignes à la population exposée
d?emporter avec soi son appareil de téléphonie mobile, un chargeur mais aussi une batterie
externe de recharge chargée.
Aider à faire la part de l?incertitude et de la variabilité face aux
événements futurs
On a explicité plus haut en quoi les inondations de juillet 2021 ont présenté des caractéristiques
inhabituelles voire atypiques. Se sont ajouté à cela les difficultés de prévisions et l?instabilité de
phénomènes importants, plus fortes que pour les événements habituellement pris en considération
dans les régions qui ont été touchées.
Au-delà des conséquences que chaque territoire national, régional ou local tirera de cet événement
particulier en regard de son risque de répétition, les inondations de juillet 2021 conduisent à se
préparer plus avant à des situations d?incertitudes et à une plus grande variabilité des phénomènes
intenses d?inondations. Les projections en matière d?impact du changement climatique renforcent
cette préoccupation, pour des régions qui ne connaissent les situations intenses méditerranéennes
que par les informations médiatiques nationales ou internationales.
Le présent rapport évoque plus haut la mise en place, en fonction des situations météorologiques
(risques de phénomènes intenses et difficultés en termes de prévision), de cellules de pré-alerte
regroupant les services de météorologie, de prévision des crues, de secours, auprès de l?autorité
en charge de la sécurité civile.
Dans les entretiens conduits par la mission, a été évoquée l?idée d?une cellule d?appui national,
dédiée aux situations d?inondations graves et rapides, qui pourrait agir en appui du niveau local
(renforcement des capacités d?analyse et de diagnostic, aide au suivi, mobilisation de sachants
très spécialisés?). Une recommandation de même nature a été formulée dans le rapport CGEDD
IGA de retour d?expériences des inondations de 2018 dans le département de l?Aude33, portant sur
32 Retour d'expérience des intempéries des 2 et 3 octobre 2020 dans les Alpes-Maritimes - Enseignements de la
crise et propositions pour une reconstruction résiliente, rapport CGEDD 013618-01 et IGA 20115-R, 2021.
33 Retour d'expérience des inondations du 14 au 17 octobre 2018 dans l'Aude, rapport CGEDD 012561-P et IGA
18105-RP, 2019.
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un dispositif national d?équipe de renfort pour la gestion de crise et pour l?après-crise.
Sous différentes formes, et en s?appuyant sur différents modèles et méthodes, les services de
prévision météorologique prennent en compte des scenarii d?évolution possible (résultats
divergents de différents modèles, méthode des semblables se référant à des scenarii
météorologiques d?ensemble?). Ce peut être le cas également pour les prévisions de crues, selon
les informations disponibles et les incertitudes sur les évolutions et comportements des
précipitations et cours d?eau. La mission soutient le principe mis en avant, dans le projet stratégique
de Vigicrues, de développer l?usage d?une série de modèles et de prévisions d?ensemble
météorologiques, alimentant les modèles de prévision hydrologique, avec la perspective de
quantifier et de mettre à disposition des utilisateurs les incertitudes sur ces prévisions. C?est en
particulier un enjeu en situation d?événements potentiellement intenses et incertains. Il s?agit
d?examiner dans quelles mesures une telle prise en compte peut aider les différents acteurs de la
« chaîne » observation ? prévision ? vigilance ? alerte dans leurs responsabilités respectives et
dans leurs interactions, et alimenter utilement les documents de planification de gestion de crise
qui eux-mêmes peuvent s?appuyer sur des scenarii de situation de crise pré-déterminés.
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3 Retours d?expérience et enseignements concernant
l?organisation des secours et la gestion de crise
Faire en sorte que les acteurs de la gestion de crise se
connaissent avant la crise
La mission souligne en premier lieu une évidence que la crise analysée dans le présent rapport a
confirmé à maintes reprises lors des entretiens nationaux ou internationaux : il est vital que les
acteurs de la gestion de crise se connaissent entre eux et aient l?habitude de travailler ensemble.
Le temps perdu à chercher le bon interlocuteur pour relayer une information qui peut être cruciale,
est un élément défavorable quant à la cinétique de la réponse publique en cas d?événement
météorologique extrême et rapide. Des réseaux d?interlocuteurs stables et préétablis améliorent
également la prise en compte de l?événement, ce qui raccourcit et optimise la mobilisation des
moyens de secours et l?alerte des populations. Notamment lorsque l?événement est atypique ou
difficile à prévoir, comme celui de mi-juillet 202134, des interlocuteurs qui ont l?habitude de se parler
et de communiquer entre eux vont mettre moins de temps à partager le fait qu?un phénomène
météorologique anormal est en train de se produire : le déclenchement des procédures d?alerte
ainsi que la mobilisation des secours en seront accélérés ? il n?y aura pas ou peu de « phase
d?incrédulité » face à l?information reçue par un partenaire connu et considéré comme fiable.
L?exemple de l?Aisne est de ce point de vue intéressant : le préfet de ce département a indiqué à
la mission que, dans cette partie de la France, l?impact de l?événement a été de toute évidence
moindre, mais que la difficulté résidait dans la gestion de l?aspect atypique de l?événement. Si la
chaîne de commandement au niveau départemental a fonctionné sans grande difficulté (préfecture,
activation du centre opérationnel départemental - COD, SDIS, police et gendarmerie, etc.), les
contacts avec des acteurs a priori éloignés des procédures habituelles de gestion de crise
d?inondation, comme par exemple la chambre d?agriculture et ses membres, ont été plus
compliqués et ont généré des tensions35.
Au-delà de la pédagogie in situ trouver un moyen de préparer à l?avance ce genre de contacts
pour relayer une information inhabituelle peut s?avérer fort utile. Cela peut aller de vrais exercices
de simulation de crise (et de la participation des acteurs concernés aux retours d?expériences ?
retex - de l?événement, a posteriori) à la désignation de référents pour établir des canaux de
communication stables et dont l?information véhiculée est considérée comme fiable. L?argument
est transposable à grande échelle, la crise de juillet 2021 ayant aussi montré à quel point la
coopération transfrontalière est dépendante de l?anticipation opérationnelle. Ainsi, l?entretien de la
mission avec le directeur général de la sécurité civile et de la gestion de crise a montré qu?en
l?absence de réseaux pré-activables avec des interlocuteurs identifiés s?accordant entre eux sur un
protocole de déclenchement de crise, il était beaucoup plus difficile de mobiliser et de transporter
des moyens de secours. Le succès d?opérations dont le cadre dépasse le cadre national repose
entre autres sur l?activation de moyens qui sont pré-positionnés ? or la gestion de ce pré-
positionnement et l?activation des dits moyens au moment de la crise dépendent directement des
canaux de communication existants et de la confiance réciproque des acteurs, confiance qui ne se
construit qu?au cours du temps parce que les intéressés ont l?habitude de se parler et de partager
des informations. De ce point de vue, la campagne feux de forêts en 2022 a plutôt été un succès.
En 2021, la Belgique a accepté l?aide opérationnelle proposée par la France.
34 La mission rappelle que les grandes inondations suite à des pluies torrentielles sont, dans un pays comme la
France, considérées a priori comme un phénomène estival ou automnal qui se produit dans la moitié Sud de la
France. Ici, c?est le centre de l?Europe occidentale qui a été touché.
35 Lors des habituelles crues d?hiver, les enjeux agricoles sont de nature différente et globalement moins sensibles
(cultures moins vulnérables, bétail en bâtiments et non à l?extérieur).
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Renforcer les liens entre les préfets et les grands opérateurs de
réseaux
En deuxième lieu, la mission attire l?attention des commanditaires sur le relâchement des liens qui
a pu être observé entre les préfets et les grands opérateurs privés (télécommunications, électricité).
Ce constat ressort de l?entretien avec certains préfets de département et pose une question
relativement nouvelle qui, à l?évidence, constitue un frein ou une limite à la mise en oeuvre des
principes développés plus haut.
En effet, la préfecture et le COD constituent l?épine dorsale de la gestion de crise et de la
mobilisation des moyens de secours au niveau territorial. Les vagues de restructuration et de
libéralisation du secteur des télécommunications et de l?énergie ont multiplié le nombre des
opérateurs et fractionné les grandes fonctions : l?entretien des réseaux, la distribution du service et
la stratégie de développement des infrastructures sont portés par des acteurs différents qui
communiquent mal entre eux et ont perdu l?habitude de tisser des liens avec l?Etat déconcentré et
les mairies. La répartition des tâches entre ENEDIS, RTE, l?opérateur historique EDF et les
fournisseurs privés d?électricité en est un exemple, quand bien même les réseaux sont clairement
répartis.
Il est plus difficile pour les préfets de les mobiliser et de les réunir autour d?une table en cas de
crise. Ils viennent en ordre dispersé au COD, quand ils viennent, ce qui n?est pas toujours le cas,
et ils n?ont pas d?action coordonnée entre eux pour apporter des solutions locales lorsqu?à
l?occasion d?un événement météorologique extrême le service est coupé ou interrompu. Chacun a
ses propres procédures qui peuvent se contredire entre elles, par exemple la définition de seuils
d?abonnés privés36 de courant (pour reprendre l?exemple du réseau électrique) avant de mobiliser
des équipes d?intervention et d?allouer des moyens, sauf en cas de demande explicite du préfet.
Les rivalités historiques aboutissent aussi au fait que les différents acteurs se rejettent
mutuellement la responsabilité d?un incident ou, à l?inverse, considèrent qu?un événement ne relève
pas de leur champ de compétence et répondent mal à la sollicitation des pouvoirs publics locaux.
Développer et utiliser pleinement les outils de planification
locale de la gestion de crise
La mission a identifié un certain nombre de points sur lesquels il est possible d?agir et qui vont dans
le sens des principes développés précédemment.
Organiser une capacité de réponse adaptative et une continuité
estivale au niveau local
Les leçons tirées des événements sont les mêmes sur ce point dans tous les pays frappés par les
inondations. Les inondations de 2021, par leur caractère inhabituel, ont montré la nécessité de
pouvoir adapter les réponses et comportements au gré des observations et informations
disponibles.
Les investigations de la mission soulignent la nécessité de concilier la connaissance du terrain et
la capacité de mobiliser des moyens dans une logique de proximité. Cela peut paraître abstrait ou
théorique comme principe, mais en réalité il s?agit de garantir l?adéquation entre la réponse de
l?action publique et les données du terrain. La première ne peut bien fonctionner que si elle connaît
le second et intègre les particularités locales. Un exemple qui illustre ce constat de bon sens a été
36 A titre d?exemple, ENEDIS a une règle interne qui veut qu?aucune intervention en urgence ne soit déclenchée en-
dessous d?un seuil de 6.000 foyers privés d?électricité. Ce seuil est une norme interne de l?entreprise qui soulève la
question de l?absence de différenciation territoriale, alors que l?adaptation des moyens mobilisés au contexte local
est précisément un point critique pour une gestion de crise réussie.
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relevé par la mission en Meurthe-et-Moselle. Dans ce département où les inondations ont surtout
touché le secteur de Longwy (« Haut-Pays », et notamment la commune de Longuyon) et où, dans
l?ensemble, les dégâts ont été limités par l?habitude des inondations en d?autres saisons et la
mobilisation collective (même si l?intensité de la crise a dépassé les modèles connus), un problème
particulier a dû être résolu par les pompiers du SDIS : un EHPAD, difficile d?accès, s?est retrouvé
coupé du réseau électrique. Le SDIS a apporté un groupe électrogène, ce qui en l?occurrence
représentait la meilleure solution pour garantir la sécurité de ses occupants dont l?évacuation n?était
pas nécessaire (d?autant que des travaux sur d?autres catastrophes mettent en évidence la
mortalité induite par l?évacuation de résidences de personnes âgées). Cet exemple montre à quel
point l?information de proximité est cruciale pour la mobilisation des bons moyens de secours. Cette
information de proximité est d?abord détenue par les relais locaux et plus particulièrement les
maires qui constituent par conséquent un maillon indispensable de la chaîne.
En France, l?Etat se situe dans la logique d?adaptation en matière de gestion de crise : la graduation
de la réponse en fonction de l?ampleur de l?événement est un marqueur de la doctrine en matière
de sécurité civile. Le pré-positionnement des moyens et la mobilisation de renforts situés en temps
normal hors de la zone touchée, quand cela est nécessaire, se décline à l?échelon national, zonal
et départemental. Il en va de même de la continuité estivale, c?est-à-dire le fait de garder un
minimum de personnel mobilisable en période de congés. Du côté des collectivités territoriales, les
SDIS font de même, au demeurant ils sont placés sous l?autorité fonctionnelle du préfet qui est de
droit directeur des opérations de secours pour toute opération excédant le périmètre communal.
Mais ce n?est pas toujours le cas au niveau de la commune, alors que le maire reste responsable
des secours sur son territoire. Là encore, les PCS pourraient servir de support pour inclure une
telle stratégie au niveau local. En cas d?inondation, la rapidité de l?action publique est primordiale
pour alerter et secourir. Le pré-positionnement de moyens ne doit pas être nécessairement
permanent, surtout dans les petites communes, mais les PCS peuvent intégrer un niveau de pré-
alerte, calé sur les bulletins de Météo-France, consistant à se préparer pour une inondation ; par
exemple, lorsque qu?une caserne de pompiers se situe en zone inondable, les véhicules de secours
devraient être sortis de la caserne et placés en hauteur. L?exemple peut être étendu aux services
communaux critiques en cas de crise. Il en va de même des points de fragilité dont il convient
d?anticiper les besoins, comme un hôpital, une maison de retraite, etc.
Dans des territoires peu ou très peu exposés à des inondations significatives en été, la gestion des
congés peut oublier d?anticiper ce risque saisonnier plus rare. Le PCS peut rappeler les contraintes
opérationnelles à respecter et fixer le niveau plancher d?effectifs disponibles selon les saisons
(mobilisables immédiatement en tenant compte des gardes ou astreintes). Les événements
climatiques extrêmes ne sont pas circonscrits au seul Sud du pays ni à l?hiver.
A partir des pratiques en vigueur aux Pays-Bas, le chapitre 4 expose le principe d?une surveillance
des digues impliquant des volontaires formés, d?une part, dans un but opérationnel d?évitement de
défaillances de ces ouvrages, d?autre part, avec un impact sur l?information et la sensibilisation de
la population.
Intégrer dans les Plans Communaux ou Intercommunaux de
Sauvegarde (PCS ou PICS) des scenarii hydrométéorologiques
diversifiés.
Créé par la loi de modernisation de la sécurité civile de 2004, le PCS a évolué pour devenir un outil
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majeur de la gestion des crises au niveau communal et intercommunal37. Le champ des PCS a été
élargi, puisqu?initialement seules les communes couvertes par un plan de prévention des risques
naturels (PPRN) approuvé et par un plan particulier d?intervention (PPI), du ressort de la préfecture,
devaient en rédiger un. Depuis la loi Matras38 , toutes les communes exposées aux « risques
spécifiques les risques volcaniques cycloniques sismiques et d?incendie » sont soumises à
l?obligation d?avoir un PCS. L?article L731-3 du Code de la sécurité intérieure (CSI) mentionne
explicitement dans son alinéa 3 les « territoires à risque important d?inondation ». S?il est vrai que
de nombreuses communes sont en retard pour la rédaction ou l?actualisation (obligatoire tous les
cinq ans) de leur PCS, il n?en reste pas moins que cet outil monte en puissance et devient
indispensable pour gérer la crise et la mobilisation des secours au plan local. Les communes sont
le maillon final de la chaîne et, à ce titre, le risque inondation doit aussi être décliné à cet échelon-
là. Pour l?application de l?article R731-3 du CSI, la mission estime qu?il est possible et souhaitable
d?intégrer des scenarii hydrométéorologiques dans les PCS des communes potentiellement
menacées sous une forme claire et lisible, en s?appuyant par exemple sur les zones d?inondation
potentielle (ZIP) et les zones inondées par classes de hauteurs d?eau, (ZICH) développées par les
SPC pour lier les prévisions de cotes et de débits aux surfaces impactées, et au-delà aux mesures
graduées et adaptées de gestion de crise.
De tels scenarii permettent par exemple de cartographier des itinéraires d?évacuation pour la
population, des itinéraires pour les équipes de secours, des secteurs dans lesquels demander
prioritairement, si on en a le temps, l?évacuation de véhicules qui pourraient être emportés et
accroître les impacts des inondations à l?aval ?
Recommandation 5. Intégrer dans les PCS et PICS différents scenarii d?événements
d?inondations, en intensité et en saisonnalité, et notamment les risques significatifs de
ruissellement, afin de permettre une gestion adaptative de la crise, et des pré-
positionnements de moyens en conséquence (maires, présidents d?intercommunalités,
préfets de département).
De surcroît, la mission souligne la nécessité de réaliser des exercices régulièrement, en
coordination avec les préfectures, afin d?appréhender les réalités de terrain qui posent des
difficultés particulières ou qui demandent une réponse spécifique. L?exemple de la maison de
retraite et du groupe électrogène apporté par les pompiers évoqué plus haut illustre parfaitement
cette nécessité. Le geste doit être anticipé et prévu dans le PCS en fonction du scénario
d?inondation. Plus généralement, l?intégration de scenarii hydrométéorologiques dans les PCS
sous une forme simple et compréhensible pour le maire d?une petite commune vise à établir une
gradation des vigilances en fonction de la vulnérabilité, une gradation et une priorisation des
actions, en prenant en compte les risques d?encerclement de secteurs par l?eau.
Dans le département des Ardennes, le préfet a proposé aux élus des petits exercices par groupes
de quatre ou cinq communes, et une fois par an dans chaque périmètre disposant d?un PICS. La
mission estime qu?il s?agit là d?une bonne pratique qui pourrait être généralisée. Elle permet de
dimensionner concrètement la capacité de réponse adaptative du territoire concerné.
37 Le plan intercommunal de sauvegarde est de création plus récente. Pour la problématique de la mission, la
distinction importe peu, le raisonnement est valable dans les deux cas. La loi « Matras » du 25 novembre 2021
introduit le PICS qui est obligatoire « dès lors qu?au moins une des communes membres est soumise à l?obligation
d?élaborer un plan communal de sauvegarde ». Le PICS, même s?il est rédigé par l?EPCI et validé par son
assemblée délibérante, s?articule de fait avec les PCS dans une logique de mutualisation au profit de toutes les
communes membres. Il organise la coordination et la solidarité intercommunale.
38 Loi n° 2021-1520 du 25 novembre 2021 visant à consolider notre modèle de sécurité civile et valoriser le
volontariat des sapeurs-pompiers et les sapeurs-pompiers professionnels.
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Le III de l?article L731-3 du CSI prévoit que : « Tous les cinq ans au moins, la mise en oeuvre du
plan communal de sauvegarde fait l'objet d'un exercice associant les communes et les services
concourant à la sécurité civile. Dans la mesure du possible, cet exercice implique aussi la
population. ». Il importe, pour les communes exposées aux risques d?inondations intenses et
rapides, d?une part, de ne pas se contenter de la périodicité « plancher » et de prendre en
considération des scenarii diversifiés d?aléa, d?autre part, d?impliquer dans ces exercices la
population et les acteurs non institutionnels. Les crises intenses nécessitent, comme le mettent en
avant par exemple les retours d?expérience allemands et néerlandais, que les habitants soient des
acteurs à part entière de la réponse à la crise (en l?occurrence les premiers acteurs de leur propre
sauvegarde), qu?ils soient informés et préparés. Cela implique notamment de pouvoir se placer,
pour les exercices, dans des situations « défavorables » comme la nuit, circonstance régulièrement
observée pour les inondations conduisant à des décès39.
Recommandation 6. Inciter les communes à organiser des exercices impliquant la
population, avec l?appui des services de l?État et de l?ensemble des acteurs de crise, pour
tester le caractère opérationnel de leurs plans communaux de sauvegarde et la diffusion
auprès des habitants des bons comportements à adopter face aux risques d?inondations
intenses et rapides, susceptibles d?intervenir en quelques heures (DGSCGC, préfets de
département).
On introduit au chapitre 4 l?idée d?un dispositif de surveillance des digues, au cours d?un événement
d?inondations, impliquant des volontaires. Cette question relève, d?une part, des dispositions de
gestion de crise (et donc notamment des PICS et PCS), d?autre part, des compétences de maîtrise
d?ouvrage des collectivités au titre de la compétence GEMAPI.
Par ailleurs, les nouvelles dispositions de l?article L121-6-1 du Code de l?action sociale et des
familles autorisent le maire à « [recueillir] les éléments relatifs à l?identité à l?âge et au domicile des
personnes âgées et handicapées qui en ont fait la demande (?) ». Les PCS peuvent ainsi renvoyer,
pour la commune concernée, vers une liste de personnes vulnérables et leur localisation exacte
en cas d?inondation avec une personne à contacter pour prévenir de l?intervention et la préparer
(directeur, personnel médical ou soignant, personnel de garde la nuit, etc.), qu?il s?agisse de
personnes vivant à domicile ou non. L?exemple du foyer de personnes handicapées prises au piège
par la montée des eaux dans la vallée de l?Ahr dans la nuit du 14 au 15 juillet 2021 en constitue
une illustration tragique.
Adresser les bons messages à la population afin de s?adapter au
déroulement de l?événement au niveau local
Les entretiens menés par la mission montrent que la question des consignes données au bon
moment par des responsables de proximité (la question de messages spécifiques envoyés par les
autorités sur les téléphones portables relève d?une autre problématique), identifiés par la population,
comme le maire ou ses adjoints dans les communes petites ou moyennes, est critique en début
d?événement pour limiter le nombre de victimes et faciliter l?accès des secours aux particuliers qui
en auraient besoin. Si la tragédie vécue dans la vallée de l?Ahr (Cf. annexe sur l?Allemagne) a été
39 Jonkman S.N. & Kelman I. (2005). An analysis of the causes and circumstances of flood disaster deaths.
Disasters 29(1) 75-97.
Diakakis M. & Deligiannakis G. (2017). Flood fatalities in Greece:1970?2010. Journal of Flood Risk Management
10(1) 115?123.
Diakakis M. & Papagiannaki K. (2021). Characteristics of Indoor Flood Fatalities : Evidence from Greece.
Sustainability 13(8612) 15 p.
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Août 2023 Retour d?expérience des inondations des 14 et 15 juillet
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aggravée par la problématique des alertes tardives et non coordonnées, le nombre élevé de
victimes vient aussi du fait qu?il n?y a pas eu de consignes données à une partie au moins de la
population et que les gens ont eu de mauvais réflexes qui, dans certains cas, leur ont coûté la vie.
Par exemple, des personnes sont descendues dans la cave pour chercher de quoi colmater les
portes40 plutôt que de gagner le plus rapidement possible le point le plus élevé de la maison, voire
de monter sur le toit afin d?être visibles pour les secours (la montée des eaux dans les communes
de l?amont a été rapide). Rappelons, par ailleurs, que des personnes alertées ont passé du temps
à remplir des sacs de sable, pour protéger les ouvertures des sous-sols, alors que l?eau a atteint
le haut du rez-de-chaussée.
Là encore, il importe que le PCS puisse prévoir des consignes à donner à la population par leurs
élus du quotidien, en fonction de l?événement et des scenarii possibles. Ces consignes peuvent
évoluer en fonction du déroulement et de l?intensité de l?événement. De tels messages, que le PCS
prévoit et dont il organise la diffusion (selon les situations, porte-à-porte, téléphone, haut-parleurs
portatifs?), contribuent à éviter les « fausses bonnes expériences » : on vise ici la répétition de
comportements ou de réflexes acquis préalablement lors d?un événement qui semble comparable
et qui peuvent être contre-productifs ou dangereux si les particuliers estiment mal le danger,
comme dans le cas de la vallée de l?Ahr. Les messages peuvent sauver des vies et ils facilitent la
tâche des secours.
Recommandation 7. Inclure, dans les PCS, des messages à diffuser à la population au fur et
à mesure du déroulement de l?événement hydrométéorologique, en fonction des
populations cibles et en regard des scenarii d?événements (maires, préfets de département).
Par ailleurs, on a observé en juillet 2021 que des absences d?informations ou des informations trop
succinctes sur les barrages (« le barrage va opérer des lâchers ») ont suscité des peurs et des
soupçons allant bien au-delà de la réalité physique des choses. A l?annonce de lâchers, des gens
ont craint une rupture à venir. A contrario, on observe que l?absence d?information sur les
manoeuvres des barrages alimente les soupçons. Comme cela a pu apparaître dans des bulletins
de prévision des crues au Luxembourg, il serait utile d?étudier au cas par cas, si ce n?est déjà fait,
une prise en compte dans l?information diffusée sur la crue / l?inondation d?une indication brève
mais suffisante sur les manoeuvres de barrages et leur impact, s?il y en a un. Cela permettrait en
cascade aux responsables communaux de relayer une information exacte, et ainsi de limiter des
soupçons non fondés, ainsi que des peurs.
???Dans les bulletins de prévision des crues pour les ouvrages hydrauliques
structurants, et dans les messages locaux d?alerte et d?information à la population, donner
une information sur les éventuelles manoeuvres de barrages, leur motivation et leur impact
qualitatif.
Mettre en place des « points-phares » regroupant des ressources
pour les sinistrés
Les « points-phares » sont des endroits aménagés pour la population qui se situent dans des lieux
en sécurité et offrent une palette de services de base utiles en cas d?événement climatique
extrême : premiers secours, point d?information sur l?événement, bornes de recharge pour
téléphone mobiles, etc. Sous réserve qu?ils ne soient pas placés en zone inondable, les gymnases
des collèges et lycées accueillent le plus souvent les populations évacuées et ils sont donc
40 Beaucoup d?habitants avaient en mémoire les précédentes inondations de 2016, beaucoup moins graves et avec
une montée des eaux bien plus progressive, lors desquelles l?enjeu principal était de protéger les parties basses
des maisons et notamment les sous-sols semi-enterrés (sacs de sable etc.).
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candidats naturels pour devenir « points-phares ». En France, les premiers secours et les
informations relatives à l?événement sont déjà, à l?heure actuelle, des fonctions prises en charge
par les volontaires relevant des associations agréées de sécurité civile. La question relève donc
plutôt de la labellisation et de la gamme de services techniques que les communes peuvent mettre
en place, comme les bornes de recharge par exemple.
Organiser et coordonner une réponse aux fausses rumeurs pendant
ou après un événement climatique extrême
Les entretiens menés par la mission ont montré que les inondations, même le plus souvent non
exceptionnelles comme ce fut le cas dans le Nord et l?Est de la France, ont tendance à générer ou
alimenter des « fake news ». Par exemple, dans le milieu agricole (les dégâts causés par les
inondations ont été principalement des dégâts agricoles) de l?Aisne, s?est propagée la rumeur selon
laquelle on aurait manoeuvré des barrages pour laisser le département s?inonder et ainsi protéger
Paris. Une réponse publique coordonnée s?impose face à ce type de rumeurs. De même, les
fausses bonnes idées, qui peuvent mettre en danger les particuliers, propagées par les réseaux
sociaux doivent être immédiatement neutralisées par la communication publique en cas de crise
(Cf. supra sur les sacs de sable). Le COD en préfecture où siègent les représentants de toutes les
forces ou autorités impliquées est le meilleur endroit où la réponse publique peut être coordonnée
et élaborée pendant la crise au plan local.
Anticiper et organiser l?afflux de volontaires
Ce point ressort notamment des entretiens menés avec les représentants des autres pays touchés
par les inondations de la mi-juillet 2021. En France, la première « couche » de volontaires est
formée, d?une part, par les sapeurs-pompiers volontaires, d?autre part, par les militants des
associations agréées de sécurité civile (premiers secours, transmissions de crise, gestion des flux
en cas d?évacuation, etc.). Leur activation et leur affectation en cas de crise sont organisées et
gérées par la préfecture en lien avec les mairies et les services de secours. Mais en cas d?incident
majeur, des volontaires supplémentaires se présentent spontanément aux autorités, en général en
mairie. Il faut canaliser ce flux de générosité et le prévoir, par exemple dans le PCS de la commune,
afin de l?organiser (accès, logistique, priorisation des actions).
Ce point soulève aussi la question des modalités de la participation citoyenne à la gestion de crise
et à l?élaboration des PCS. Dans la pratique, la rédaction des PCS est aujourd?hui fréquemment
confiée à un prestataire privé ? il y a un « marché du PCS » qui s?est développé, amplifié par la loi
Matras de 2021 qui augmente substantiellement le nombre de communes soumises à l?obligation
d?en rédiger un. Rien n?empêche les maires d?inclure ce point dans le cahier des charges donné
au prestataire.
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4 Retours d?expérience et enseignements concernant la
prévention des risques d?inondation et la préparation aux
futurs événements
Sur la base des retours d?expériences, expertises et enquêtes réalisés suite aux inondations de
juillet 2021 (et dont certains sont encore en cours), les États, régions, provinces ou Länder ont pris
un certain nombre de mesures et engagé des réflexions sur différentes composantes des politiques
de prévention et de préparation face aux risques d?inondations. Ces mesures et réflexions
découlent des apprentissages liés à l?événement, et sont contingentes de l?état des législations,
des réglementations et des pratiques. Il en a été de même en France après les inondations de
2010 (en particulier la tempête Xynthia et les inondations dans le département du Var), qui ont
conduit au plus lourd bilan humain annuel depuis plusieurs décennies, et ont eu pour conséquence
directe la définition et la mise en oeuvre du plan submersion rapide de 2011, dont les suites
continuent d?être déployées. En termes de prévention et de préparation notamment, on peut
mentionner à ce titre des évolutions en matière de prise en compte des risques dans l?urbanisme
(transcriptions réglementaires de dispositions relevant jusqu?ici de l?instruction 41 , dont
l?encadrement de la constructibilité derrière les digues, actions spécifiques aux campings,
cartographie nationale des repères de crues42 que la loi du 30 juillet 2003 relative à la prévention
des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages a intégré dans les
responsabilités des collectivités territoriales, création des missions de référent départemental
inondation ?. Dans ce contexte, il est malaisé de tirer des enseignements précis de juillet 2021
notamment pour les dispositifs français relatifs à l?urbanisme, en-dehors de points d?attention ou
d?aspects très spécifiques. La France dispose aujourd?hui d?un cadre d?action (plan submersions
rapides et ses suites développées dans le cadre de la stratégie nationale de gestion des risques
d?inondation) qui apparaît prendre en compte les enjeux mis en avant dans différents territoires
suite à la catastrophe. Les retours d?expérience et les réflexions engagées, chacun dans leur
contexte national respectif, confirment l?importance et l?utilité des évolutions engagées depuis dix
ans en France, même si on ne les reprend pas ici par le menu.
Connaître et prendre en compte les aléas de façon adaptée
Les travaux, mentionnés au chapitre 1, établissent un lien entre le changement climatique et
l?apparition et le comportement du phénomène de goutte froide à l?origine des inondations de juillet
2021. Ils montrent que ce type d?événement est déjà influencé par l?évolution du climat depuis la
période de référence pré-industrielle, et que cette influence va continuer à déployer ses effets en
termes de fréquence et d?intensité des inondations de ce type. A l?instar des actions et orientations
mises en avant dans les territoires fortement touchés en 2021, on ne peut que confirmer
l?importance d?évaluer les impacts de ce changement climatique sur les différents phénomènes
d?inondation, aux échelles géographiques opérationnelles :
? d?une part, pour réévaluer les références statistiques à prendre en compte à ce jour et à
l?avenir, le cas échéant ;
? d?autre part, pour anticiper dans les décisions les évolutions à venir, en particulier pour les
décisions et politiques de gestion s?inscrivant dans le moyen et le long terme, avec des
41 Décret n° 2019-715 du 5 juillet 2019 relatif aux plans de prévention des risques concernant les «aléas
débordement de cours d?eau et submersion marine / Arrêté du 5 juillet 2019 relatif à la détermination, qualification
et représentation cartographique de l?aléa de référence et de l?aléa à échéance 100 ans s?agissant de la submersion
marine, dans le cadre de l?élaboration ou de la révision des plans de prévention des risques concernant les «aléas
débordement de cours d?eau et submersion marine»
42 Plateforme collaborative de référence pour le recensement des repères de crues en France
https://www.reperesdecrues.developpement-durable.gouv.fr/
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dispositions assez diversement réversibles ou ajustables (urbanisation, infrastructures
vitales, aménagements de protection?).
Par ailleurs, l?occurrence d?un événement très rare, voire hors de la « gamme » des événements
connus et pris en compte, conduit à questionner et à mettre à jour un certain nombre de référentiels.
Il en va ainsi par exemple des références statistiques des crues, des événements de référence
(aléa, surfaces concernées?) pris en compte en application de la réglementation ou des bonnes
pratiques pour différents volets comme l?urbanisme, la planification de la gestion de crise, les
scenarii de précipitations considérés par les modèles hydrologiques... La façon dont la submersion
s?est propagée dans une zone aménagée, au cours de l?événement, permet notamment de repérer
les risques « d?encerclement » de secteurs isolés avant d?être inondés (ou isolés sans avoir été
inondés), pour différents niveaux de crue.
Améliorer les références hydrologiques en prenant en compte les
événements anciens
Suite aux inondations de juillet 2021, l?hydrologie de la rivière Ahr, en Allemagne, et sa prise en
compte dans les politiques de prévention, ont fait l?objet de publications scientifiques, techniques
et médiatiques43. On en présente ici les éléments principaux pour leur caractère illustratif.
L?analyse statistique des crues de l?Ahr, permettant notamment de se donner des références en
termes de fréquence / de probabilité, a été conduite avant 2021 d?une façon que l?on pourrait
qualifier de traditionnelle : prise en compte de l?ensemble des mesures hydrologiques conduites
de façon traçable et référencée, soit depuis 1949, avec la mise en place d?un dispositif de mesure
« moderne et systématique », puis établissement d?une loi statistique sur les crues répertoriées et
ainsi mesurées.
Il apparaissait ainsi que les crues d?été étaient minoritaires, globalement représentatives des
intensités des crues d?hiver, et le débit maximum de crue centennal44 a pu être estimé à 241 m3/s,
proche du débit de pointe de la crue du 2 février 2016 (236 m3/s)45.
En reconstituant, en fonction des observations historiques et des repères de terrain, les débits de
5 fortes crues historiques de 1804, 1888, 1910, 1918 et 1920, il est apparu :
43 Thieken A. Kemter M. Vorogushyn S. Berghäuser L Sieg T. Natho S. Mohor G.S. Petrow T. Merz B. &
Bronstert A. (2021). Extreme Hochwasser bleiben trotz integriertem Risikomanagement eine Herausforderung
Rapport de recherche des projets ExTrass (Urban Resilience to extreme Weather Events) et NatRiskChange
(Natural Hazards and Risks in a Changing World) Université de Potsdam 10 p.
Vorogushyn S. Apel H. Kemter M. & Thieken A. (2022) Statistical and hydraulic analysis of flood hazard in the
Ahr valley Germany considering historical floods Présentation à l'assemblée scientifique de l'IAHS-AISH -
Association internationale des sciences hydrologiques 12 p.
Mohr S. Ehret U. Kunz M. Ludwig P. Caldas-Alvarez A. Daniell J.E. Ehmele F. Feldmann H. Franca M.J.
Gattke C. Hundhausen M. Knippertz P. Küpfer K. Mühr B. Pinto J.G. Quinting J. Schäfer A.M. Scheibel
M. Seidel F. & Wisotzky C. (2023) A multi-disciplinary analysis of the exceptional flood event of July 2021 in
central Europe ? Part 1: Event description and analysis Nat. Hazards Earth Syst. Sci. 23 525?551 2023.
Ludwig P. Ehmele F. Franca M.J. Mohr S. Caldas-Alvarez A. Daniell J.E. Ehret U. Feldmann H.
Hundhausen M. Knippertz P. Küpfer K. Kunz M. Mühr B. Pinto J.G. Quinting J. Schäfer A.M. Seidel F. &
Wisotzky C. (2023) A multi-disciplinary analysis of the exceptional flood event of July 2021 in central Europe ? Part
2: Historial contexte and relation to climate change Nat. Hazards Earth Syst. Sci. 23 1287-1311 2023.
44 Le débit maximum de crue « centennal », ou encore de période de retour 100 ans, est le débit qui a une chance
sur 100 d?être dépassé, chaque année.
45 CEDIM Forensic Disaster Analysis Group (2021). Hochwasser Mitteleuropa Juli 2021 (Deutschland) - Bericht Nr.
1 "Nordrhein-Westfalen & Rheinland-Pfalz" Center for Disaster Management and Risk Reduction Technology
Karlsruher Institut für Technologie 31 p.
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? que les trois plus fortes crues depuis 1804 jusqu?en 2020 sont celles de 1804, 1888 et 1910,
et qu?il s?agit de crues d?été ;
? que le débit de pointe de la crue de 1804 est très proche de celui estimé pour 2021 (environ
1100 m3/s) ;
? qu?une analyse statistique adaptée prenant en compte ces crues historiques conduit à
estimer un débit centennal entre 250 et 370 m3/s, avec un intervalle de confiance de 90%.
Avant juillet 2021, l?inondation de 2016 était considérée comme ayant une période de retour proche
de 100 ans au vu d?analyses statistiques antérieures, et était prise en compte comme « une
référence » pour une partie au moins des acteurs. Elle correspond pourtant à une période de retour
de 30 ans si l?on prend en compte les événements historiques46. Et par ailleurs, elle a été très
inférieure à la crue de 2021, en débit et en surfaces impactées.
Il importe en conséquence de conduire, chaque fois que cela est possible, un travail sur les crues
historiques importantes, pour identifier toutes celles qui ont dépassé un certain seuil, reconstituer
des estimations de débit, et conduire des analyses statistiques qui prennent en compte ces crues
historiques en complément de la chronique de crues mesurées sans discontinuité47 . D?autres
méthodes, à mettre en oeuvre selon les contextes, permettent de suppléer le manque de données
sur un petit bassin par une analyse statistique régionale. La disponibilité de ces méthodes ne doit
en rien permettre de relâcher les efforts de suivi et d?archivage des données de débits pour
disposer des meilleures séries de données possibles, en exhaustivité et en représentativité.
Mettre à jour les références hydrauliques des crues anciennes en
fonction de l?évolution des vallées et des bassins versants
L?exemple de la vallée de l?Ahr fournit également des éléments illustratifs sur ce point. Dans des
zones agglomérées de cette vallée, marquée par 134 décès en juillet 2021, figuraient sur des
bâtiments des repères physiques du niveau atteint par la crue de 1804, qui s?est avérée avoir un
débit de pointe comparable à celui de 2021. Mais le niveau de l?eau en 2021 a pu dépasser de plus
de deux mètres celui atteint en 1804 au droit de la même maison. Parmi les causes évoquées
figurent la densification des constructions et infrastructures dans le fond de vallée, laissant moins
de place de passage à l?eau, l?évolution des aménagements et pratiques agricoles sur les
versants? On peut également s?interroger sur le rôle qu?ont pu jouer des embâcles, « sur-risque »
en partie aléatoire, dans le niveau maximum instantané atteint par l?eau. En tout état de cause, les
aménagements de la vallée ont localement aggravé les conditions de submersion en 2021, par
rapport à un événement hydrologique comparable en 1804 (même débit arrivant à l?amont d?une
agglomération).
Quoi qu?il en soit, loin de réduire l?intérêt d?apposer des marques de crues historiques qui
concourent à la sensibilisation et à l?information de la population, cette situation observée sur la
vallée de l?Ahr conduit à recommander « d?expertiser » la vraisemblance actuelle des repères de
crues historiques au regard des débits maximaux correspondant aux conditions d?écoulement de
l?époque : pour les sites sur lesquels il y a lieu de suspecter une forte densification du lit majeur
et/ou une évolution marquée des conditions de formation des crues (imperméabilisation,
accélération des ruissellements?), il serait important de profiter de modèles hydrauliques existants
ou de travaux de modélisation à venir pour estimer les niveaux qui seraient atteints aujourd?hui
pour un événement hydrométéorologique ancien, et d?apposer un deuxième repère de nature
46 Thieken A. Kemter M. Vorogushyn S. Berghäuser L Sieg T. Natho S. Mohor G.S. Petrow T. Merz B. &
Bronstert A. (2021). Extreme Hochwasser bleiben trotz integriertem Risikomanagement eine Herausforderung
Rapport de recherche des projets ExTrass (Urban Resilience to extreme Weather Events) et NatRiskChange
(Natural Hazards and Risks in a Changing World) Université de Potsdam 10 p.
47 Gaume E. (2018). Flood frequency analysis: the Bayesian choice WIREs Water e1290 11 p.
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différente qui montre le niveau minimum qu?atteindrait aujourd?hui l?événement historique en
question. La comparaison entre les deux permettrait non seulement d?actualiser l?information
historique, mais aussi de sensibiliser aux actions locales et aménagements qui aggravent les
risques indépendamment du climat
Recommandation 8. Promouvoir le principe d?ajouter un deuxième repère de crue historique,
de nature différente, qui montre le niveau minimum qu?atteindrait aujourd?hui l?événement
historique en question (DGPR, DGSCGC, préfets de département).
Accélérer la prise en compte des risques de ruissellements
L?événement de juillet 2021 s?est traduit aussi bien par des débordements de cours d?eau, avec
des dynamiques ou des niveaux de « brutalité » variables, que par ce qu?on dénomme
« ruissellements », y compris dans des sites où ce risque n?était ni connu ni anticipé. Les outils de
connaissance et de caractérisation sont divers, selon les pays concernés, et ont fait l?objet de
décisions de développement suite aux inondations. La prise en compte dans l?aménagement de
l?espace constitue un enjeu bien identifié. En France, les besoins de plus grande connaissance et
prise en compte de ce risque sont soulignés par des rapports d?inspection48 et traduits dans la
feuille de route 2022-2024 des services déconcentrés de l?Etat en matière de prévention des
risques naturels et hydrauliques 49 . C?est un enjeu croissant, aussi bien dans les zones
habituellement exposées à ce risque, que dans des zones où la montée en fréquence et en
intensité d?événements orageux va faire des ruissellements un enjeu croissant.
En termes de définition, on reprend celle retenue par le ministère en charge de l?environnement,
sur la proposition d?un groupe de travail de son réseau scientifique et technique - RST (feuille de
route « risques liés aux ruissellements », 202050) : « tout écoulement surfacique (diffus) ou linéaire
(concentré) concernant un territoire dont le bassin versant amont a un temps de réponse de moins
de deux heures ». Cela correspond en pratique à des bassins versants qui ont moins de quelques
dizaines, voire jusqu?à une centaine, de km2. Cette définition permet de recouvrir la très grande
diversité physique des phénomènes, entre un écoulement en surface sur un pan de versant naturel
ou urbanisé, un écoulement dans un vallon habituellement sec voire habituellement occupé par un
petit ruisseau très faible par rapport à l?écoulement qui prend place suite à un orage intense?
Ces phénomènes, éloignés des logiques de propagation de crue et de débordement de cours d?eau,
posent des difficultés de prévision et même de localisation potentielle : ils sont très dépendants de
la topographie à une échelle très locale et sont provoqués par l?intensité sur place des précipitations,
elles-mêmes difficiles à prévoir. En considérant ces ruissellements au sens large, qui intègrent les
crues soudaines (« flash floods » selon l?expression internationale consacrée), la feuille de route
du RST indique qu?ils génèrent en moyenne sept morts par an en France, et des dommages
matériels du même ordre de grandeur que les crues fluviales. Pour certaines inondations, jusqu?à
50% des sinistres indemnisés au titre du régime des catastrophes naturelles se situent hors des
zones identifiées de débordement de cours d?eau, mais touchées par des ruissellements.
La feuille de route des services déconcentrés demande notamment de prendre en compte les
risques de ruissellements dans les plans de prévention des risques d?inondation, lorsque le risque
48 Propositions d'actions pour mieux gérer les inondations en zone méditerranéenne et limiter leurs conséquences
- synthèse du collège "Prévention des risques naturels et technologiques ", rapport CGEDD N° 010664-01.
Retour d'expérience des intempéries des 2 et 3 octobre 2020 dans les Alpes-Maritimes - Enseignements de la crise
et propositions pour une reconstruction résiliente, rapport CGEDD 013618-01 et IGA 20115-R, 2021.
49 Instruction du ministre de la Transition écologique 17 février 2022.
50 Université Gustave Eiffel et INRAE, avec Cerema, BRGM, Météo France, IGN, CSTB
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de ces ruissellements est majeur. Par ailleurs, on observe une diversité d?initiatives locales sur ce
point, avec des approches techniques diversifiées et parfois lourdes pour localiser et qualifier le
risque. La mission recommande en particulier, parmi les éléments mis en avant dans la feuille de
route du RST, que soient élaborés et diffusés des éléments de doctrine technique pour la
cartographie des risques de ruissellements, notamment pour que des diagnostics puissent être
réalisés par les acteurs locaux dans les endroits où il est urgent de commencer la prise en compte
des ruissellements dans la prévention, dans l?état actuel des outils et des connaissances. En
particulier, il importe que des situations « courantes » de risques de ruissellement, sans difficulté
particulière, puissent trouver des outils et méthodes adaptés permettant, définitivement ou à titre
conservatoire, d?élaborer une cartographie utilisable de façon opérationnelle. Dans le même temps
et en parallèle, il reste indispensable de poursuivre le développement des connaissances et des
outils.
???Il importe par ailleurs que les pouvoirs publics facilitent et soutiennent des analyses
techniques post-événement sur les phénomènes de ruissellements, permettant d?enrichir
les outils existants et de les adapter.
Recommandation 9. Elaborer une doctrine technique de cartographie des risques de
ruissellement, permettant d?appréhender ce risque de façon opérationnelle pour les
situations « courantes », ou à titre conservatoire pour des sites nécessitant des
investigations et modélisations complexes (DGPR).
Prévenir les sur-risques
En dehors du phénomène hydrométéorologique proprement dit, un certain nombre de facteurs
anthropiques peuvent aggraver l?aléa ou la vulnérabilité humaine, matérielle et économique,
constituant de fait des sur-risques. On reprend ici certains de ces facteurs qui se sont manifestés
en divers territoires, lors de l?événement de 2021, et qui ont pu faire déjà l?objet de plans d?action
ou de réflexions dans tel ou tel pays.
On a pu observer sur différents sites, soumis à des phénomènes d?une rareté variable en juillet
2021, des submersions de centres de secours. Les implantations de ces centres doivent répondre
à divers enjeux de proximité, d?accessibilité ? en réponse à tout un ensemble de risques. Pour
autant, l?inondation d?un centre de secours constitue un sur-risque manifeste en cas d?inondation,
en considération du rôle éminent des services tout au long d?un événement. Dans son rapport
thématique de juillet 2012 "les enseignements des inondations de 2010 sur le littoral atlantique
(Xynthia) et dans le Var", la Cour des comptes a recommandé de supprimer ou de relocaliser dans
les meilleurs délais les centres de secours situés en zone inondable. La mission souscrit à la
recommandation de la Cour des comptes, en priorité pour les zones inondables par des
phénomènes rapides.
Renforcer et fiabiliser les réseaux de communication
On a évoqué plus haut les décisions prises en matière d?obligations législatives de fiabilité de
réseaux mobiles en Allemagne (enjeux par exemple de continuité de l?alimentation électrique des
antennes). Selon les pays, des dispositifs de diffusion cellulaire « cell broadcast » étaient en place
en 2021, étaient en cours de développement ou de mise en place comme en France avec FR-Alert,
ou ont fait l?objet de décisions post-événement.
???Il importe que les premières mises en oeuvre, pour divers types d?événements,
d?alertes par diffusion cellulaire, fassent l?objet de retours d?expérience sur le terrain et
d?évaluations.
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Plus généralement, la question des télécommunications est un enjeu majeur aussi bien pour la
population que pour les autorités en charge, et dépasse la question du cell broadcast. La mission
reprend à son compte les recommandations, actualisées, issues du retour d?expérience de la
tempête Alex dans les Alpes Maritimes en 202051 : packs téléphonie mobile multi-forfait pour
diversifier les réseaux utilisables par les autorités et les équipes de secours et d?intervention,
équipements hybrides entre réseaux opérateurs et mode direct ...
Amplifier la lutte contre les sources d?embâcles
Les inondations de 2021 ont montré, une fois de plus, l?aggravation du risque par les phénomènes
d?embâcles (montée accrue des eaux à l?amont d?un « barrage temporaire », vagues provoquées
par la rupture de ces obstacles, emportements de ponts ou de chaussées?). Ces embâcles sont
constitués de végétation ligneuse arrachée aux berges, de véhicules, d?équipements domestiques
ou professionnels emportés par les eaux (citernes?), de déchets laissés en fond de vallée ou de
vallon... Outre la question principale de l?aggravation de l?aléa et donc du risque, il est très difficile
de prévoir quantitativement l?effet physique sur l?aléa de ces embâcles, pour les intégrer dans les
politiques de protection ou de gestion de crise. La réponse première et prioritaire à apporter est
donc la prévention : entretien de la végétation dans les cours d?eau et les vallons secs pouvant
être le siège de ruissellements, enlèvement des déchets et dépôts dans les zones de courant,
évacuation préventive des véhicules, ancrage des équipements dépassant une certaine taille.
Gérer les digues de façon résiliente
Les digues destinées à protéger des inondations, et certaines infrastructures pouvant jouer ce rôle
(digues de navigation, remblais routiers ou ferroviaires?), évitent la submersion jusqu?à un certain
niveau de crue ou de ruissellement, sauf défaillance, et au-delà laissent « passer » l?eau de façon
plus ou moins maîtrisée, jusqu?à ne plus avoir d?effet sur le niveau de l?eau atteint pour des
événements très importants. Elles réduisent le risque pour les événements inférieurs à leur niveau
de dimensionnement et dans les limites de leur fiabilité, elles aggravent le risque lorsqu?une
défaillance (rupture?) ou un dépassement du niveau de protection par la crue conduisent à une
irruption brutale de l?eau dans la zone inondable jusqu?ici protégée.
Les niveaux de cadrage législatif et réglementaire du dimensionnement des digues, de leur sûreté,
des responsabilités afférentes et de la sécurité des zones protégées sont très divers, selon les
territoires touchés par les inondations de juillet 2021. La France dispose d?une politique développée
d?assez longue date sur ces différents aspects (en l?absence toutefois de « normes » définissant
un niveau statistique de protection), politique qui continue à se déployer notamment dans la
continuité du plan submersion rapide et qui répond utilement à un grand nombre de préoccupations
identifiées au cours de l?été 2021.
Pour autant, le retour d?expérience conduit à mettre en exergue deux éléments de la politique
néerlandaise, qui méritent d?être mis en avant malgré la différence de contexte avec notre pays
(les inondations de 2021 ont touché la partie la plus continentale des Pays-Bas). Mi-juillet 2021, à
son entrée aux Pays-Bas dans la province du Limburg, la Meuse a connu les plus forts débits
jamais mesurés. Les digues, et leurs renforcements en temps réel, ont été très sollicités, mais les
dommages liés à la Meuse ont été limités notamment grâce à ces digues. Il s?en est parfois fallu
d?extrêmement peu que des ouvrages ne soient dépassés. Les experts ont pu mesurer, a posteriori,
le rôle important qu?a joué le programme « room for the rivers » (de la place pour les rivières),
conduisant pendant une dizaine d?années à élargir l?espace entre les digues, en recourant au
besoin à des expropriations de bâtiments, pour réduire les hauteurs de l?eau en crue entre ces
digues.
51 Retour d'expérience des intempéries des 2 et 3 octobre 2020 dans les Alpes-Maritimes - Enseignements de la
crise et propositions pour une reconstruction résiliente, rapport CGEDD 013618-01 et IGA 20115-R, 2021.
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Par ailleurs, les autorités en charge des digues, comme le waterschaap du Limburg, ont la
possibilité de mobiliser des volontaires (préparés avec notamment une réunion annuelle) pour
surveiller les digues au cours de la crue, sous la coordination de professionnels compétents
(agents du service, professionnels volontaires?) : en de nombreux points, cette surveillance et
l?action encadrée des volontaires ont permis d?identifier des débuts d?érosion dans le corps de
digue, et de bloquer le phénomène qui aurait conduit à la rupture de la digue. Les Néerlandais ont,
au-delà, pu installer des caméras pour surveiller ces points faibles et guider ainsi l?action des
volontaires. Il faut indiquer, par contre, qu?en l?absence d?encadrement professionnel sur site, des
volontaires ont pu décider de renforcer des digues de façon techniquement inopportune, en les
fragilisant par une surcharge trop lourde au lieu de les consolider.
En France, le document d?organisation, élaboré par le responsable d?un système d?endiguement,
prévoit notamment les conditions de surveillance des ouvrages en situation courante et en situation
de crue52. Il n?est fait référence qu?à du personnel de l?établissement responsable, ou à des sous-
traitants.
La mission recommande d?étudier une telle démarche de surveillance impliquant des volontaires,
pour des digues d?une certaine taille, démarche qui, outre la protection apportée, apparaît
constituer un vecteur fort de sensibilisation de la population au risque d?inondation en général et
aux limites de la protection apportée par les digues. En effet, tous les territoires en 2021 ont plus
ou moins explicitement fait le constat non seulement d?un besoin général de renforcer la
sensibilisation de la population au risque d?inondation, mais aussi du sentiment exagéré de sécurité
qu?apporte la présence de digues. Une telle démarche, sous la responsabilité des collectivités en
charge de la compétence GEMAPI et donc des systèmes d?endiguements, pourrait utilement être
expérimentée dans le cadre de programmes d'actions de prévention des inondations (PAPI), avec
l?appui des services de l?Etat.
Recommandation 10. Expérimenter, dans le cadre de la compétence GEMAPI, et à l?occasion
de la mise en oeuvre de PAPI, la mise en place d?un dispositif de surveillance des digues
mobilisant des volontaires préparés et encadrés (DGPR, préfets de département).
On peut noter, pour finir, toujours dans la province du Limburg, d?une part, le choix de rendre
publiques des données interprétées sur la fiabilité des digues, d?autre part, la tenue à jour au cours
de l?événement de la liste des points faibles relatifs des digues, afin de prioriser les interventions
d?urgence au fil de la crue. Il s?agit là d?un sujet de réflexion, dans le cadre de la politique actuelle
de gestion des ouvrages de protection en France.
Réexaminer les consignes de gestion des barrages en fonction de
l?évolution saisonnière des enjeux et informer sur le sujet
Dans les retours d?expérience de juillet 2021, et de façon très intense concernant la vallée de la
Vesdre en Wallonie, on observe des mises en cause de manoeuvres de barrages qui auraient soit
aggravé la crue (création de « vagues », par exemple), soit insuffisamment assuré un rôle
d?écrêtement. On peut considérer qu?il s?agit là d?une « tentation » récurrente lors d?événements
de crues, compréhensible quand il s?agit d?acteurs qui ne disposent ni de la connaissance basique
sur le fonctionnement des barrages ni d?informations concrètes propres au fonctionnement des
ouvrages au cours de l?événement. Ainsi, les barrages du haut bassin de la Vesdre ont toujours
relâché vers l?aval un débit inférieur au débit entrant, et ont assuré un stockage très significatif
d?une partie de la crue, en regard de leurs caractéristiques techniques.
52 Arrêté du 8 août 2022 précisant les obligations documentaires et la consistance des vérifications et visites
techniques approfondies des ouvrages hydrauliques autorisés ou concédés.
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Sans détailler les faits sur ce territoire, ni la problématique générique couramment rencontrée, on
peut mettre en exergue deux questions mises en évidence par les inondations de juillet 2021, les
règles de gestion des barrages à usages multiples, et l?information correcte de la population sur
l?effet des barrages au cours d?un événement d?inondation.
Les barrages sont conçus pour remplir une ou plusieurs fonctions, qui peuvent s?avérer
concurrentes ou difficilement conciliables dans certaines circonstances. Ainsi, un barrage qui serait
conçu pour écrêter des crues seulement hivernales et soutenir des étiages uniquement en été est
confronté à la question de l?optimisation de son fonctionnement aux intersaisons : garder assez de
volume stockable pour les crues tardives sans compromettre le besoin de remplissage au
printemps, faire face aux étiages qui se prolongent au-delà de « l?été indien » tout en commençant
à vider le barrage par anticipation de crues précoces en automne. Les travaux de caractérisation
de ces enjeux, d?optimisation relative de la gestion, et de transcription de cette gestion dans les
consignes opérationnelles relèvent de méthodes et de pratiques élaborées de longue date. Il faut
cependant continuer d?améliorer, d?une part, les méthodes de prévision et d?anticipation des débits
en regard des incertitudes que réserve le cycle de l?eau au quotidien, d?autre part, la manière
d?intégrer ces prévisions et incertitudes au fil de la gestion opérationnelle de l?ouvrage. Avec
l?évolution climatique, qui se traduit, dans la moitié nord de la France métropolitaine par des hivers
plus pluvieux en volume de pluie cumulé, des pluies estivales plus intenses, et des étiages estivaux
plus intenses, on est susceptible de compliquer la synthèse et la prise en compte de ces enjeux
au fil des saisons. Comme cela a été engagé suite aux événements de juillet 2021 pour le barrage-
réservoir sur la Marne, qui a atteint les limites de sécurité de remplissage en 2021 (crue ayant un
impact significatif sur la partie du bassin versant à l?amont, alors que le barrage était quasi plein
pour faire face aux besoins d?eau en été), l?évolution du climat et l?évolution des enjeux d?usages
des barrages à buts multiples doit conduire à réexaminer les règles de gestion, et le règlement
opposable qui en découle. Les débats avec les acteurs de terrain sur la gestion des barrages sont
suffisamment fréquents pour qu?il ne soit pas besoin d?exprimer une recommandation formelle.
Mais rien n?empêche d?anticiper, si l?opportunité s?en présente.
Programmer des travaux estivaux sur les ouvrages hydrauliques et
les cours d?eau en intégrant le risque d?inondations
Dans les territoires touchés par les inondations de juillet 2021 et avant cet événement, on
considérait souvent que l?été était la saison calme en matière d?inondations, voire une saison
exempte d?événements d?ampleur. Si les crues estivales vont rester bien moins fréquentes que les
crues hivernales dans les territoires touchés en 2021, leurs occurrences vont néanmoins croître
statistiquement. On peut considérer que l?été restera « la meilleure période » pour un certain
nombre de travaux concernant les cours d?eau et les aménagements hydrauliques. Dès lors, il est
indispensable de porter une attention accrue aux modalités de gestion de crise des travaux et
chantiers en cas de crue ou de risque de crue, avec des procédures d?anticipation et de « mise en
sécurité » du chantier, mais aussi de « neutralisation » des impacts du chantier, en l?occurrence
l?évitement ou la limitation des éventuelles aggravations de l?inondation pour les tiers.
Programmer les opérations estivales de maintenance des dispositifs
de gestion de l?eau
De même que pour les travaux et aménagements « hydrauliques », dans les régions présentant
très majoritairement des crues et inondations en-dehors de la saison d?été, des maintenances de
systèmes de gestion de l?eau au sens large, de logiciels? sont de préférence programmées en
été pour éviter ou limiter le risque d?être confronté à des crues. On l?a vu pour les dispositifs de
prévision, mais cela peut concerner d?autres dispositifs. Il importe là aussi de renforcer l?application
du principe de prudence, de prévoir par exemple une redondance entre le dispositif qu?on maintient
ou fait évoluer et une version stable du dispositif préexistant, afin d?éviter de se retrouver dans une
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situation non-opérationnelle en cas de réalisation du risque de crue.
Compléter la planification de la gestion de crise
On ne revient pas ici sur les documents de planification de la gestion de crise, les éléments
recueillis par la mission ne conduisant pas à proposer des points d?attention ou d?évolution
significatifs concernant les plans d?organisation des secours (ORSEC) ou des plans spécialisés, et
les PCS et PICS qui font l?objet de recommandations et de suggestions plus haut (ces PCS et PICS
ont connu des évolutions législatives et réglementaires récentes en France, rappelées aux
paragraphes 3.3.2 et 3.3.3, qui formulent différentes recommandations à ce sujet).
On reprend ci-dessous quelques questions particulières complémentaires mises en avant par les
différents retours d?expériences et apprentissages suite à juillet 2021.
Organiser une coordination au sein de bassins de vie et de risques
transfrontaliers
Pour ce qui concerne la France, la mission n?a pas identifié de difficulté particulière en termes de
coordination et de coopération transfrontalières, qu?il s?agisse de prévision des crues ou d?envoi
d?équipes de secours, même si elle met en lumière quelques principes simples facilitant cette
coopération (Cf. supra, paragraphe 3.1). Ainsi, les dispositifs de prévision des crues coordonnés
sur le Rhin, la Meuse et leurs affluents ont apparemment fonctionné de façon nominale, assis sur
une coopération technique et institutionnelle éprouvée. Pour autant, différents documents
consultés par la mission formulent la recommandation générale de développer une planification de
gestion de crise à l?échelle transfrontalière : déplacements, évacuation, refuges, mobilisation et
accès des secours. La mission ne peut que souscrire à cet objectif.
Réaliser des « stress tests territoriaux » intégrant les impacts du
changement climatique
Aux Pays-Bas, dans le cadre du retour d?expérience national 53 , a été exprimé l?intérêt de
développer des « stress tests » suprarégionaux à l?échelle nationale, ainsi que dans le cadre de
coopérations internationales existantes et nouvelles, en particulier concernant les bassins versants
et systèmes régionaux de gestion de l'eau. Lors de l?entretien conduit par la mission avec des
représentants du ministère néerlandais de l?Infrastructure et de la Gestion de l?eau ? Ministerie van
Infrastructuur en Waterstaat- ces derniers ont exprimé l?intérêt d?associer la France à cet objectif,
en particulier par une collaboration sur le développement de « stress-tests » territoriaux
coordonnés, portant sur les risques d?inondations, de sécheresse, de canicule, d?humidité des sols
(Cf. le cadre développé au sein du Plan Delta https://klimaatadaptatienederland.nl/en/policy-
programmes/delta-plan-sa/stress-test/). Cette réflexion est conduite conjointement avec un
réexamen de la stratégie nationale d?adaptation au changement climatique.
La mission recommande aux ministères compétents d?explorer les perspectives intéressantes
d?une telle coopération, en regard des analyses de vulnérabilité du territoire prévues dans le cadre
des PCAET (Plan Climat Air Energie Territorial) et en accord avec les recommandations émises
par la DGSCGC, ainsi qu?en relation avec les travaux de l?Association française pour la prévention
des catastrophes naturelles et technologiques (AFPCNT), concernant les démarches de résilience
53 Eindadvies Beleidstafel wateroverlast en hoogwater - Voorkomen kan niet voorbereiden wel allemaal aan de
slag (Avis final de la table-ronde "table d'orientation" sur les politiques en cas d'inondation et de crue résumé public)
Ministerie van Infrastructuur en Waterstaat La Haye décembre 2022 12 p.
Beleidstafel Wateroverlast en Hoogwater Achtergronddocumenten (Documents d'information sur les inondations
de la table ronde "table d'orientation" sur les politiques en cas d'inondation et de crue) Ministerie van Infrastructuur
en Waterstaat décembre 2022 55 p.
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https://klimaatadaptatienederland.nl/en/policy-programmes/delta-plan-sa/stress-test/
https://klimaatadaptatienederland.nl/en/policy-programmes/delta-plan-sa/stress-test/
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aux risques naturels et technologiques.
Recommandation 11. Dans le cadre d?une coopération multilatérale avec les pays les plus
touchés par les inondations de 2021, et suite à l?invitation de principe des Pays-Bas,
engager à titre expérimental des démarches de « stress tests territoriaux » traitant
notamment des risques d?inondation sur une grande aire géographique (DGPR, DGSCGC).
Améliorer les relations avec les médias pour assurer que tous les
messages de consignes soient relayés
Des événements très intenses et difficiles à anticiper comme ceux de juillet 2021 compliquent la
stabilité et la lisibilité des messages adressés à la population. Ainsi, il a pu arriver qu?en cours
d?événement, sur un secteur, une consigne de mise à l?abri dans les étages des bâtiments soit
suivie d?une consigne d?évacuation hors de la zone, après la prise de conscience de l?intensité du
risque. Dans un cas d?espèce, les médias avaient tous relayé le premier message, mais pas
forcément le deuxième, générant des confusions. Ont été évoquées par ailleurs (Cf. supra 3.3.5)
des initiatives concernant les relations médias, et par extension les questions liées aux réseaux
sociaux. La mission souhaite attirer l?attention sur la sensibilité de ces questions, s?agissant de
crises rapides, parfois totalement inédites localement.
Anticiper les modalités de gestion des déchets
Les inondations de 2021 ont aussi, lors des deux jours les plus critiques, engendré du transport et
du dépôt, par les cours d?eau, d?un très gros volume de déchets, débris, matériaux :
? en Allemagne, 200 000 tonnes de gros déchets rien que dans le district le plus touché de
Ahrweiler ;
? en Wallonie, 150 000 tonnes de déchets évacués un an après la catastrophe ; des
estimations mentionnent un total de 340 000 tonnes de déchets, débris, matériaux
emportés ;
? aux Pays-Bas, on a estimé que la Meuse a transporté un volume de déchets plastiques
correspondant à 95% du transport annuel moyen par ce cours d?eau.
???L?organisation logistique de la gestion progressive de ces déchets, au fil des jours
et des semaines suivant la catastrophe, constitue de fait un enjeu important, qui nécessite
d?être anticipé comme l?indiquent les retours d?expérience réalisés.
Prendre en compte les vulnérabilités spécifiques des personnes
handicapées en termes de protection et de secours
Parmi les nombreuses victimes que l?on déplore en Allemagne, figure une partie des occupants
d?un établissement hébergeant des handicapés : le seul personnel présent n?a pu assurer
l?évacuation que d?une partie des résidents, avant que le bâtiment devienne inaccessible. Il s?agit
là tout d?abord d?une question de planification de la gestion de crise, typiquement au niveau de
l?établissement et dans le cadre des plans communaux de sauvegarde.
???Au-delà, est apparue la nécessité de faciliter les secours apportés durant la crise
aux personnes handicapées et aux populations vulnérables, en les associant à l?élaboration
des dispositifs et organisations, en formant des membres des services de secours au
langage des signes et à l?évacuation spécifique à certains handicaps, en améliorant et
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adaptant les outils de diffusion et de communication des alertes.
Préparer et sensibiliser aux risques d?inondation
La sensibilisation et l?éducation de la population aux risques d?inondation sont des activités de
longue haleine. Les événements de juillet 2021 n?apportent pas en soi d?éléments
fondamentalement nouveaux, ils ont montré des limites à la conscience et à la connaissance du
risque (qu?il s?agisse de sensibilisation préalable ou de traitement d?information en temps réel), et
ils sont l?occasion de rappeler un certain nombre de questions fondamentales à aborder comme :
? les limites à la prévisibilité des phénomènes et les inévitables « fausses alertes » dont il
faut documenter la réalité ;
? la différence entre prévision, vigilance et alerte ;
? les risques « résiduels » même en présence d?ouvrages de protection ;
? l?importance de la préparation, des exercices?
Dans les conclusions de la table-ronde nationale néerlandaise de retour d?expérience54 , sont
exprimées les limites d?actions de communication génériques, non différenciées. Il est a contrario
suggéré de déterminer des groupes cibles parmi la population et les acteurs professionnels
potentiellement concernés, d?étudier leur perception du risque et leurs besoins d'informations, pour
cibler la communication. Les campagnes conduites en France ciblent des comportements, des
situations. La mission n?a pas identifié de campagnes existantes ciblant des groupes
démographiques ou sociaux, ou des domaines professionnels.
Il apparaît important, au-delà des initiatives, d?évaluer régulièrement l?impact des campagnes de
sensibilisation, comme la campagne nationale annuelle relative aux crues méditerranéennes, ou
les actions qui se développent en déploiement du Plan « tous résilients face aux risques ». Pour
ce faire, la mission recommande, outre les enquêtes d?opinion et de sensibilisation qui peuvent
être menées de façon générique, de conduire des évaluations spécifiques auprès de différentes
cibles, sur des territoires diversement exposés, voire sur des territoires récemment sinistrés pour
analyser l?impact réel des actions de politique publique sur les comportements effectifs. Ce dernier
point, en particulier, nécessite le recours à des méthodes très élaborées, à mettre en place avec
un appui scientifique.
Recommandation 12. Conduire des actions ciblées d?évaluation de l?impact des campagnes
de sensibilisation et d?information (DGPR).
Le développement des dispositifs de diffusion cellulaire, et le recours massif des sinistrés à la
téléphonie mobile pour chercher et donner de l?information, conduisent à prendre en compte cette
réalité dans les consignes types données aux personnes exposées au risque : si l?on évoque assez
systématiquement le fait de disposer d?un appareil de radio muni de piles, il semble aujourd?hui
indispensable d?ajouter à la liste des équipements indispensables des batteries extérieures
chargées permettant d?alimenter les téléphones mobiles (Cf. paragraphe 4.2).
54 Eindadvies Beleidstafel wateroverlast en hoogwater - Voorkomen kan niet voorbereiden wel allemaal aan de
slag (Avis final de la table-ronde "table d'orientation" sur les politiques en cas d'inondation et de crue, résumé public)
Ministerie van Infrastructuur en Waterstaat La Haye décembre 2022 12 p.
Beleidstafel Wateroverlast en Hoogwater Achtergronddocumenten (Documents d'information sur les inondations
de la table ronde "table d'orientation" sur les politiques en cas d'inondation et de crue), Ministerie van Infrastructuur
en Waterstaat, décembre 2022, 55 p.
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Enfin, des propositions ou expériences en ce sens conduisent à suggérer la mise en place de
personnes contacts (élus, agents publics, volontaires) dans les quartiers inondables, pour appuyer
toutes les actions préventives, voire renforcer l?impact et la crédibilité, le cas échéant, des
messages d?alerte et des consignes de comportement.
Dans les contacts et documents concernant l?Allemagne et les Pays-Bas, la mission a pu noter le
caractère très explicite d?un message institutionnel de fond insistant sur l?importance que chacun
se prenne personnellement en charge en cas de catastrophe, et essaie d?assurer sa propre
protection.
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5 Retours d?expérience et enseignements concernant
l?après-crise : retour à la normale, réparation,
indemnisations, et apprentissage
Les inondations de juillet 2021 ont eu des impacts humains très intenses sur certains territoires et
parfois tragiques au vu du nombre de victimes en Allemagne et en Belgique, et ont provoqué de
forts cumuls régionaux de dommages sur les biens immobiliers, sur les infrastructures, sur l?activité
économique? L?après-crise est déterminé par ces facteurs d?intensité et de gravité à la fois aux
échelles très locales et régionales. Les moyens humains et matériels mobilisés, par exemple en
Allemagne et en Belgique, dépassent de très loin le cadre local. C?est sur chaque territoire que
l?après-crise se construit, dans son contexte régional et national. Le présent chapitre n?a d?autre
ambition que de rendre compte de quelques idées ou expériences qui peuvent constituer des
sources d?inspiration pour tel ou tel territoire qui aurait été touché, voire pour des initiatives
nationales génériques. Il est complémentaire des retours d?expérience réalisés sur divers
événements intenses d?inondations en France, sur des territoires spécifiques.
Les politiques d?indemnisation mises en oeuvre dans les pays concernés font l?objet de l?annexe 7.
Les débats sur d?éventuelles évolutions de ces politiques sont encore en cours, au moment de
l?établissement de ce rapport.
Comme cela a été le cas dans les Alpes Maritimes, après la tempête Alex, la reconstruction peut
s?inscrire dans des démarches de projets de territoire, ou comme dans l?Aude après les inondations
de 2018, dans des projets d?évolution de l?aménagement de la commune. Pour des événements
catastrophiques en particulier, l?accompagnement par l?Etat de ces étapes clé de « l?après »
mobilise une organisation ad-hoc qui prend diverses formes, pouvant aller par exemple jusqu?à la
nomination d?un préfet à la reconstruction. Le principe de projet territorial apparaît parmi les suites
données aux inondations de juillet 2021, et s?accompagne inévitablement de réflexions et
stratégies de prévention, de résilience, le cas échéant avec une évolution provisoire du cadrage
national de l?urbanisme en zone inondable, en attendant une évolution pérenne. La mission n?a
toutefois pas été en mesure, dans le calendrier et les modalités de son travail, de recueillir des
informations représentatives de ces initiatives territoriales sur le terrain. Cela n?en constitue pas
moins une question très importante.
Les inondations d?octobre 1940 en Catalogne et Languedoc-Roussillon
Malgré la désorganisation des services de météorologie due à la guerre, il est relevé 840 mm de
pluie le 17 octobre, ce qui est officiellement considéré comme le record d'Europe de précipitations
en 24 heures, alors que le pluviomètre a débordé plusieurs fois ; la valeur de 1 000 mm semblerait
cohérente avec la réalité. Le bilan humain est de 50 morts dans les Pyrénées-Orientales (dont 23
à Amélie-les-Bains) et de 320 en Catalogne.
A Amélie-les-Bains, l?urbanisation avait empiété sur le lit mineur du Tech. La reconstruction,
réalisée après-guerre, a consisté à enlever des obstacles dans le lit mineur du Tech et à ériger des
digues surélevées dans la traversée de la commune.
Coordonner les acteurs de l?après-crise
Des territoires fortement ou très fortement touchés en juillet 2021, est ressorti le constat d?une très
forte expression concrète de solidarité locale et nationale, avec notamment un afflux de volontaires
et de bénévoles, à très court terme, pour l?aide matérielle et morale aux personnes, l?aide au
nettoyage et au déblayage? En différents endroits les responsables locaux ont été pour le moins
surpris par cet afflux. Des associations spécialisées, mais aussi des entreprises et des particuliers
sont venus en nombre, selon des modalités, des temporalités et des durées variées, au point que
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se sont fortement posées des questions de coordination, d?orientation, et de logistique. A titre
d?exemple, des entreprises ont pu mettre en place des navettes pour amener les gens à pied
d?oeuvre depuis des points d?accès ou d?hébergement. Ces questions ont été évoquées plus haut
(paragraphe 3.3.6) en relation avec la planification locale de gestion de crise.
Parmi les actions ou apprentissages figurent notamment le principe de mise en place de
plateformes internet, partagées entre pouvoirs publics et associations, pour que les volontaires et
bénévoles puissent se signaler, avoir des informations d?ordre logistique, s?orienter s?ils le
souhaitent vers des priorités identifiées et affichées par les pouvoirs publics ou en leur nom?
Les efforts et charges de coordination ne sont pas anodins (Cf. paragraphe suivant), ils sont à la
hauteur de l?aide apportée par les volontaires et bénévoles qui s?est avérée très importante dans
des territoires fortement sinistrés.
Renforcer temporairement les services publics locaux
Les heures, jours et mois qui suivent une telle catastrophe nécessitent une activité démultipliée de
différents services publics, et notamment des collectivités locales, en raison de l?absence d?une
partie des agents, des besoins urgents et intenses - sociaux et économiques - spécifiques à la
période post-événement, des conditions dégradées de travail (déplacements, lieu de travail?), des
nécessités multiples de coordination d?actions particulières, du retour progressif des tâches
habituelles.
En Allemagne, par exemple, l?État fédéral et les Länder ont mis en place un certain nombre de
mesures permettant de renforcer les effectifs des collectivités locales et de leurs services, pour
faire face :
? mise à la disposition des collectivités de fonctionnaires fédéraux ou de fonctionnaires des
Länder ;
? mobilisation de fonctionnaires retraités avec une contrepartie financière;
? mise à disposition de postes de renforcement des autorités scolaires.
Les modalités pour ce faire sont évidemment spécifiques au corpus réglementaire de chaque pays.
En France, les préfectures et le tissu associatif de la sécurité civile assurent le fondement de cette
mission.
Adapter temporairement les procédures
L?après-catastrophe, hors gestion directe de crise, reste une période d?urgences :
? sécurisation des ouvrages ou bâtiments fragilisés par l?inondation (déstabilisation de
berges, d?ouvrages ou de bâtiments ) ;
? réponse aux besoins vitaux immédiats de la population sinistrée et aux détresses sociales
et économiques ;
? réparations, reconstructions, retours à la « normale » à un rythme prenant en compte les
enjeux psychologiques, sociaux, économiques, tout en considérant les enjeux
d?amélioration de la résilience du territoire, les nécessités de cohérence entre champs et
modes d?action, l?inscription des travaux et des investissements dans le projet d?avenir du
territoire.
Travaux de sécurisation, remises en état ou reconstructions, aides financières ? requièrent
diverses procédures réglementaires, propres à chaque pays et chaque contexte, dont les pouvoirs
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publics peuvent considérer qu?elles peuvent être simplifiées ou adaptées face aux différentes
urgences évoquées, et en regard des enjeux globaux à prendre en considération. Certaines
procédures ou démarches prévoient la prise en compte de situations d?urgence (par exemple les
autorisations de police administrative de l?eau en France), qu?elles aient été prévues pour les
situations rencontrées ou non.
A titre d?information, on mentionne ci-dessous des exemples de sujets sur lesquels les pouvoirs
publics ont été amenés à mettre en place des adaptations temporaires de la réglementation ou de
la législation après juillet 2021, sans entrer dans le détail de la délimitation du champ d?application
ni des conditions d?accompagnement :
? procédures afférentes à la commande publique ;
? règles de construction pour des hébergements d?urgence ;
? horaires de travaux ;
? encadrement du trafic des poids lourds ;
? allongement des durées permettant de bénéficier d'aides en raison de l'insuffisante
disponibilité d'artisans ;
? utilisation des surfaces agricoles en regard des aides ;
? mobilisation de fonctionnaires retraités avec majoration temporaire des pensions de
retraite ;
? possibilité d?augmentation55 des indemnités de certains élus locaux en raison de l?activité
supplémentaire et spécifique requise ;
? fiscalité (comme l?octroi de délais, des allègements fiscaux pour les dons aux sinistrés, la
non-imposition sur le chiffre d?affaires réalisé à titre gracieux?) ;
? simplification des possibilités d'aides directes des entreprises à leurs employés sinistrés ;
? dispositif pour l?insolvabilité due à la catastrophe naturelle.
Ces mesures de circonstances ont été prises, ici ou là, au fil de l?émergence des difficultés.
Certaines pourraient faire l?objet de dispositions génériques, à l?occasion d?une réforme dans le
champ concerné.
Au-delà des simplifications ou adaptations des cadres réglementaires et procéduraux, on peut
mentionner enfin une initiative particulière mise en place par la Chambre de l?artisanat du Land de
Rhénanie-Palatinat, pour répondre en même temps à des enjeux de réparation et à des enjeux de
formation et d?orientation professionnelles des jeunes : des jeunes volontaires participant aux
travaux de réparation et remise en état sont accompagnés par des actions de formation à trois
métiers manuels, et par du soutien, dans le but de faciliter leur orientation vers ces métiers manuels.
Traiter et suivre les impacts individuels et collectifs sur la santé
Une partie des retours d?expérience souligne l?importance des impacts des inondations sur la santé,
55 Cela a été fait dans le Land allemand de Rhénanie-Palatinat afin de soutenir la mobilisation des maires et des
élus des communes de la vallée de l?Ahr.
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immédiats ou différés, comme le font un certain nombre de travaux scientifiques et techniques56.
Cela concerne aussi bien les personnes sinistrées que des membres des services de secours ou
des volontaires, par l?effet direct de l?inondation, par l?effet de l?évacuation, par l?effet d?une sur-
sollicitation physique ou psychologique, par l?effet de l?arrêt ou de la perturbation d?un traitement
médical, par des blessures ou accidents à l?occasion du déblaiement et du nettoyage ? En
particulier, les impacts psychologiques touchent une part significative des personnes qui ont été
exposées, selon des travaux quantitatifs conduits sur des événements particuliers.
Suite à l?événement de mi-juillet 2021, ont été prises, selon les cas, des décisions nouvelles
relatives à l?assistance psychologique soit de la population sinistrée, soit des services de secours
et des volontaires et bénévoles. Concernant les Länder allemands les plus touchés, un retour
d?expérience a formulé des recommandations sur la continuité à apporter entre réponse sanitaire
immédiate à l?événement et suivi sur la durée, sur la connexion à assurer à court et moyen terme
entre l?assistance psychologique d?urgence et les praticiens du territoire.
Aux Pays-Bas, qui n?ont pas eu à déplorer de décès dus aux inondations, une enquête a été menée
auprès de professionnels de santé concernant un bassin de population de plus de 70 000
personnes : 68% de ces professionnels ont signalé des situations de stress et d?anxiété, pour
certains des situations de peur, mais aussi des cas de gastro-entérites, infections respiratoires,
infections de peau, blessures cicatrisant difficilement, problèmes articulaires? Un rapport
scientifique de retour d?expérience suggère notamment une démarche post-événement de contact
porte-à-porte auprès des personnes âgées, et un suivi des personnes vulnérables, pour répondre
au mieux aux enjeux de santé induits par l?inondation.
La mission recommande de réfléchir à un dispositif qui permettrait de suivre et d?évaluer l?impact
sanitaire d?inondations importantes ou très intenses, en regard de l?enjeu et du caractère limité des
connaissances disponibles, dans un but de compréhension des enjeux et de prévention et de
gestion de crise.
Recommandation 13. Conduire un travail exploratoire interministériel sur les possibilités et
modalités d?un suivi et d?une évaluation de l?impact sanitaire et psychologique
d?inondations importantes ou très intenses (DGS à solliciter par DGPR et DGSCGC).
Apprendre de la catastrophe et infléchir l?avenir
La mission a pu prendre connaissance de retours d?expériences et rapports d?enquête établis dans
les 18 mois ayant suivi la catastrophe, pour autant qu?ils soient finalisés et publics (Cf. annexes
par pays). Ces démarches apparaissent évidemment extrêmement importantes, pour les territoires
touchés comme pour ceux qui ont eu la chance de ne pas l?avoir été récemment. La mission
souscrit au principe de mise en place d?un cadre national de retours d?expérience et renvoie aux
travaux et recommandations présentés dans deux rapports du CGEDD57.
A échelle locale, le préfet de Meurthe-et Moselle a organisé un retour d?expérience sur les crues
de la Chiers et de la Crusnes, le 4 mai 2022, animé par la direction départementale des territoires
56 Alderman K. Turner L.R. & Tong S. (2012). Floods and human health: a systematic review. Environment
International 47 pp. 37-47.
Berry, P., Clarke, K.-L., Fleury, M. D., & Parker, S. (2014). Santé humaine. Dans "Vivre avec les changements
climatiques au Canada: perspectives des secteurs relatives aux impacts et à l'adaptation", édité sous la
responsabilité de Warren FJ et Lemmen DS, Gouvernement du Canada, pp. 191-232.
57 Retours d?expérience (REX) des inondations, Rapport n° 012486-01, Juillet 2019.
Guide méthodologique "APRÈS inondation" - Organisation de la collecte des données issues des REX inondation,
Juillet 2019, avec la participation du Cérema.
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(DDT) et le CEREMA. Il s?agit d?un secteur fortement touché en France, en regard de l?impact
national de ces inondations. Ce débriefing territorial, auquel ont contribué de nombreux acteurs
publics, a permis de partager de nombreuses informations et de répondre à de nombreuses
questions, concernant aussi bien le déroulement de l?événement que les suites à donner. La
mission ne peut qu?encourager la tenue de tels retours d?expérience locaux et considère qu?il doit
être érigé en exemple au titre des bonnes pratiques.
Recommandation 14. Organiser systématiquement des retours d?expérience locaux, après
une inondation importante ou intense, avec les représentants de l?Etat, des collectivités, et
les acteurs de la crise (DGSCGC, DGPR, préfets de département).
Le dernier point de ce paragraphe concerne la mobilisation de la recherche, aussi bien pour
contribuer au diagnostic et à la compréhension de l?événement à court terme, que pour capitaliser
des connaissances approfondies à moyen terme. Aux Pays-Bas, un collectif d?établissements
scientifiques « Expertisenetwerk waterveiligheid - ENW Dutch Expertise Network FLood Risk » a
rendu un premier rapport public d?analyse détaillée sur l?événement dès le 20 septembre 2021 :
aléas, impacts, gestion, effets sur la santé? Une version consolidée de ces travaux est à paraître
dans le cadre d?une revue en langue anglaise. En Wallonie, ce sont les autorités régionales qui ont
commandité et publié un rapport d?expertise indépendant à un bureau d?études étranger, associé
à des universitaires (rapport dit de « factualisation » le 8 octobre 202158, rapport de synthèse et
recommandations le 6 décembre59).
A posteriori, en Allemagne par exemple, a été lancé un programme de recherche post-événement
sur la gouvernance et la communication au cours des inondations de juillet 2021. Le comité
allemand pour la réduction des risques de catastrophes a mis en place une plateforme d'échanges
d'informations sur les recherches en cours ou les projets de recherche, avec des modalités de
diffusion de ces informations, pour faciliter les échanges scientifiques sur les travaux post-
catastrophe et éviter les doublons. Les scientifiques néerlandais ont identifié des besoins de
recherche mis en avant suite aux inondations et à leur gestion.
Cette mobilisation des scientifiques permet :
? d?enrichir les diagnostics y compris à très court terme, sous réserve de disposer de
consortiums d?établissements ou laboratoires et de réseaux qui ont anticipé la possibilité
de telles actions ;
? d?apporter une crédibilité renforcée par leur indépendance et leur expertise ;
? d?enrichir les apprentissages post-événements sur des sujets complexes concernant des
événements heureusement rares. ; de tels travaux peuvent très bien s?envisager dans un
cadre multilatéral, comme le programme européen pour la recherche et l'innovation
Horizon Europe60
La mission recommande, aussi bien aux administrations centrales concernées qu?aux structures
collectives d?orientation de la recherche et de l?expertise (alliances thématiques de recherche,
58 Stucky et Université de Liège (2021). Analyse indépendante sur la gestion des voies hydrauliques lors des
intempéries de la semaine du 12 juillet 2021 - Lot 1 factualisation, rapport au Cabinet du Ministre Wallon du Climat,
de l'Energie et de la Mobilité, 8 octobre 2021.
59 Stucky et Université de Liège (2021). Analyse indépendante sur la gestion des voies hydrauliques lors des
intempéries de la semaine du 12 juillet 2021 - Lot 2 recommandations, rapport au Cabinet du Ministre Wallon du
Climat, de l'Energie et de la Mobilité, 6 décembre 2021.
60 Voir par exemple l?appel à projet « Disaster-Resilient Society 2024 » https://www.horizon-europe.gouv.fr/disaster-
resilient-society-2024-34189 .
PUBLIÉ
https://www.horizon-europe.gouv.fr/disaster-resilient-society-2024-34189
https://www.horizon-europe.gouv.fr/disaster-resilient-society-2024-34189
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réseaux), d?élaborer des protocoles de mobilisation des scientifiques en cas de catastrophes afin
de permettre une mobilisation rapide à très court terme pour les sujets / questions qui nécessitent
des investigations « à chaud », soit pour ne pas perdre d?informations précieuses, soit pour
apporter des premières réponses consolidées à des polémiques émergentes, soit pour traiter des
questions nécessitant une expertise particulière ; cette mobilisation peut être articulée de
différentes manières avec les missions de retour d?expérience réalisées par les corps d?inspection
générale.
Les inondations, qui se produisent malheureusement souvent dans notre pays, et qui requièrent
des compétences scientifiques diverses pour leur étude, pourraient constituer un sujet pilote pour
une telle démarche, en s?appuyant notamment sur les pratiques de la DGPR en matière de
mobilisation de réseaux et équipes scientifiques.
Recommandation 15. Élaborer un protocole expérimental, sur le cas des inondations,
permettant à des équipes scientifiques organisées pour la circonstance de réaliser des
analyses multidisciplinaires à très court terme sur un événement de catastrophe, permettant
d?apporter un premier éclairage sur les causes, circonstances et impacts (DGPR, DGSCGC,
Alliance de recherche Allenvi).
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Conclusion
Pour établir ce retour d?expérience des inondations de mi-juillet 2021 en Europe du centre-ouest,
la mission a été confrontée d?abord à la forte sensibilité d?un événement catastrophique. Elle a
également été confrontée à la diversité des situations post-catastrophe (sensibilité, démarches en
cours?) dans les différents pays, au cours des 18 mois ayant suivi l?événement. Cette diversité
est notamment liée à l?hétérogénéité des phénomènes météorologiques et hydrologiques qui se
sont abattus sur des territoires différents, et aux différences entre pratiques et contextes
institutionnels. La diversité de ces situations et des accès aux informations constitue une difficulté
pour l?établissement d?un retour d?expérience, qui a été construit de façon pragmatique en
l?absence partielle de données analytiques.
Il y a fort à parier qu?une démarche coordonnée multilatérale de retour d?expérience aurait, d?une
façon ou d?une autre, rencontré les mêmes difficultés. Peut-être un délai plus important, après la
catastrophe, aurait-il permis de s?appuyer sur des retours d?expériences et des programmes
d?action nationaux partout finalisés, à compléter par des analyses spécifiques menées sur des
sujets particuliers, conjointement sur l?ensemble des pays. Mais il apparaît très utile de prendre
connaissance des expériences et réflexions des régions et pays voisins avant d?engager un
programme d?actions ambitieux. Des retours d?expérience de catastrophes sur plusieurs pays
seraient donc condamnés à composer entre différentes difficultés et limitations de méthode.
Pour autant, il est (hautement) probable que l?évolution récente et future du climat, accroissant la
variabilité des événements météorologiques et l?incertitude sur leur prévision, rende plus
nécessaire encore à l?avenir les retours d?expérience sur les catastrophes naturelles de grande
ampleur, dans un souci d?adaptation continue. Ces démarches gagneraient à être conduites plus
systématiquement à différentes échelles géographiques et institutionnelles, au niveau local comme
sur des régions transfrontalières. La mission considère qu?elles seraient plus faciles à mener et
plus riches dans leurs conclusions si elles pouvaient s?appuyer sur des analyses territoriales de
résilience conduites préalablement « en temps de paix », en associant les différents acteurs.
La démarche de « simulation » conduite par des experts aux Pays-Bas pour répondre à la question
« que se serait-il passé si la bombe d?eau était tombée au centre des Pays-Bas en juillet 2021 ? »
gagnerait à être partagée entre acteurs français (par exemple, « que ce serait-il passé si la bombe
d?eau était tombée sur le massif des Vosges ? »), comme source d?inspiration et de réflexion pour
investir tant dans les analyses de résilience que dans les retours d?expérience.
Olivier Diederichs
Philippe Louviau
Jean-Philippe Torterotot
Inspecteur général de
l'administration
Ingénieur général
des mines
Inspecteur général de
l?environnement et du
développement durable
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Annexes
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Annexe 1. : lettre de mission
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Annexe 2. : liste des personnes rencontrées
Annexe 2.1. France
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Annexe 2.2. Allemagne
Annexe 2.3. Belgique
Annexe 2.4. Pays-Bas
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Annexe 2.5. Organisations multilatérales de niveau européen
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Annexe 3. : les grandes caractéristiques de
l?événement d?inondations de mi-juillet 2021 en
Allemagne
Annexe 3.1. Rappel des événements et de leur bilan humain
Entre le 12 et le 19 juillet, les Länder de Rhénanie du Nord-Westphalie (Nordrhein-Westfalen NRW) et
de Rhénanie-Palatinat (Rheinland-Pfalz RP) ont été touchés de plein fouet par des inondations
provoquées par des pluies diluviennes suite à l?arrivée de la dépression « Bernd ». Le phénomène
touche aussi, mais de façon plus limitée, d?autres zones géographiques (Länder de Bade-Wurtemberg
de Saxe ainsi que la Bavière). Ces précipitations rares par la combinaison entre leur intensité, leur
étendue et la lenteur de déplacement du phénomène, se sont accumulées dans les régions
montagneuses de l?Eifel et du Sauerland. Le changement climatique a d?ores et déjà rendu de tels
événements plus probables et plus intenses. Le pic de la pluie s?est situé entre le 13 et le 14 juillet, avec
une chute d?eau de 100 mm en 24h, mais ponctuellement on a mesuré des pics supérieurs à 150 mm.
A l?échelle d?une petite région, on a estimé un cumul de 160 mm en 48 heures. Certains cumuls de
précipitations présentent des périodes de retour supérieures à 1000 ans, c?est-à-dire que ces cumuls
ont une probabilité inférieure à 1/1000 de se produire, au cours d?une année donnée.
Le 14 juillet, le niveau de la rivière de l?Ahr est passé de 40 cm à 3 m. A Ophoven, au Nord d?Aix-la-
Chapelle, à proximité de la frontière néerlandaise, le débordement du barrage de la Rur a même laissé
craindre un temps son effondrement mais ce n?est finalement qu?une digue en aval qui a cédé. Le pic
des inondations en résultant se situe dans la journée du 14 juillet et dans la nuit du 14 au 15 juillet.
Les cartes ci-dessous présentent respectivement :
? la localisation des Landkreise touchés à différents degrés en Allemagne. La zone à l?ouest
regroupe notamment les vallées de l?Ahr et de l?Erft, qui trouvent leur source dans le massif de
l?Eifel, et a concentré l?essentiel des victimes61 ;
? le cours de la rivière Ahr, qui prend sa source dans le Land de Rhénanie-du-Nord-Westfalie,
puis travers celui de Rhénanie-Palatinat, avant de rejoindre le Rhin entre Coblence et Bonn62.
61 Source : Bundesministerium des Innern für Bau und Heimat & Bundesministerium der Finanzen (2022). Bericht
zur Hochwasserkatastrophe 2021: Katastrophenhilfe Wiederaufbau und Evaluierungsprozesse rapport 85 p.
62 Lieth A. (2022). Zukunftsstrategien zur Katastrophenvorsorge prise de position écrite de la Commission
d?enquête du Landtag de Rhénanie-Palatinat 13 septembre 2022 52 pages (Hydroplan Ingenieur-GmbH).
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Le bilan humain est particulièrement lourd et constitue le bilan le plus meurtrier d?une catastrophe
naturelle en Allemagne jamais recensé63 avec 186 morts au total64, dont cinq pompiers décédés lors
des opérations de sauvetage et plus de 800 blessés graves. A noter que ce bilan est extrêmement
concentré géographiquement, les pertes les plus lourdes se situant dans la vallée de la rivière Ahr
(Ahrtal) -160 décès à elle seule- qui se partage entre les deux Länder de NRW et de RP. La plus grande
partie de la vallée se situe sur le territoire de RP et le sens de l?écoulement de la rivière Ahr va du sud-
ouest au nord-est (ce qui expose les communes relativement peuplées se situant le plus en aval de la
rivière, comme Bad Neuenahr-Ahrweiler, chef-lieu du district -Landkreis65- de Ahrweiler) ce qui explique
que le Land de RP compte, de loin, le plus de victimes (135 morts dont 133 dans le district de Ahrweiler,
contre 49 morts en NRW dont 27 dans le district de Euskirchen). C?est donc bien la vallée de la rivière
Ahr en tant que zone hydro-géographique, qui a été au coeur de la tragédie, et, à l?intérieur de la vallée,
le district de Ahrweiler qui relève du Land de RP. Cette vallée, qui apparaît à la fois encaissée, pentue
par endroits et densément peuplée (source à une altitude de 470 ou 530 mètres selon les données
disponibles, confluent avec le Rhin 85 km plus bas à 53 mètres d?altitude), a connu de grandes
inondations estivales depuis le début du 19ème siècle, mais avant la période de mesure systématique
prise en compte jusqu?ici pour établir des statistiques de référence de crues. Ce choix méthodologique
et institutionnel a, dans le cas de cette vallée, réduit la « visibilité » des crues estivales, et conduit à des
références statistiques « optimistes ». En prenant en compte les événements historiques, la crue de
2021 est néanmoins estimée avec une période de retour supérieure à 1000 ans. Le 21 juillet 1804 la
vallée avait connu un débit comparable à celui de 2021, mais avec des hauteurs d?eau parfois
inférieures de 2 mètres à celles constatées récemment : parmi les explications sont mentionnées la
construction d?infrastructures linéaires et la densification urbaine en fond de vallée.
La ministre fédérale de la défense du précédent gouvernement avait décrété, le 16 juillet 2021, l?état
d?alarme fédérale pour cause de catastrophe naturelle pour les deux Länder sus-cités. Les recherches
de personnes disparues par l?armée et par les services de secours ont duré jusqu?au 28 juillet 2021.
Annexe 3.2. L?ampleur des dégâts
Au niveau fédéral, l?évaluation d?ensemble des dégâts n?est pas officiellement close et elle est difficile à
63 Les pics précédents depuis que des statistiques sont disponibles se situent lors des grandes inondations de 2002
(qui ont ravagé la zone de Dresde en particulier, en Saxe) et de l?inondation de Hambourg en 1962. L?office
météorologique fédéral (DWD Deutscher Wetterdienst) estime que le niveau de 2021 est au-delà du centennal,
voire du millénial. Mais cela ne signifie pas qu?il n?y ait pas eu de grandes inondations plus en amont dans l?histoire.
Les représentants du Land de RP ont ainsi indiqué que les archives publiques mentionnent une crue exceptionnelle
en 1804 et que, dans cette vallée, les actes de ventes de prairie incluent dès 1348 des clauses de responsabilité
en cas d?inondation.
64 Dont 183 sur les deux Länder principaux mentionnés ; les trois autres ne comptent chacun qu?un seul décès. Le
nombre de décès est comptabilisé par les autorités fédérales à l?été 2022, soit un an après la catastrophe, pour
tenir compte des éventuels décès à +1 année de personnes grièvement blessées à la suite des événements.
D?autres évaluations montent jusqu?à 189 décès, selon la façon de considérer le lien de causalité entre l?inondation
et le décès.
65 L?organisation territoriale des Länder allemands varie selon le Land, les constitutions administratives relevant de
la compétence des Länder. Toutefois, tous ont en commun la division en districts administratifs qualifiés de Kreis.
Dans le Land de RP, ces derniers prennent l?appellation de Landkreise. Ceux-ci sont placés sous la responsabilité
d?un Landrat qui est élu par l?assemblée locale (Kreistag) et qui est ce que les Allemands appellent un
« fonctionnaire politique », c?est-à-dire le détenteur d?un mandat administratif dont la nomination résulte d?une
élection. Le Landrat représente le Land, donc l?État, mais il exerce également des compétences communales et
intercommunales. Il ne peut donc être comparé ni à un préfet ni à un sous-préfet, le droit public allemand parle de
sa double nature juridique sous le terme de « Janusköpfigkeit »). Seuls les Regierungspräsidenten qui existent
dans quatre Länder (Bavière, Bade-Wurtemberg, Hesse et NRW) et sont à la tête de Regierungsbezirke
(circonscriptions administratives du Land plus larges que les Kreise) peuvent être comparés au préfet français car
ils représentent uniquement le Land et, sauf en Bavière, ils sont nommés par le ministre-président du Land. Ils sont
à la tête d?administrations déconcentrées de l?État (du Land) dans leur circonscription et exercent le contrôle de
légalité au nom du gouvernement du Land vis-à-vis des communes et des Kreise pour leur activité communale ; ils
sont autorité hiérarchique des Kreise pour leur activité relevant de l?État.
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chiffrer globalement, dans la mesure où les procédures d?indemnisation individuelles ne sont pas
achevées et que les dossiers de demandes d?aides à la reconstruction peuvent encore être déposés
jusqu?au 30 juin 2023. Le dernier rapport sur la catastrophe, publié par le Bund le 30 mars 2022, donne
des éclairages plutôt Land par Land, faisant état de dizaines de milliers de foyers et de plus de 10 000
entreprises et professionnels touchés par des dommages. Quant aux dommages subis par le Bund lui-
même (infrastructures de transport), ils sont évalués à 2 milliards d?¤ dont 1,3 milliard d?¤ pour la seule
compagnie ferroviaire Deutsche Bahn. Il faut aussi mentionner les dommages non directement
chiffrables, comme les coupures d?eau et d?électricité dont les conséquences économiques et humaines
sont difficilement évaluables quant à leur impact direct. Ainsi, au moins jusqu?au 17 juillet 2021, donc
deux ou trois jours après la catastrophe pour les intéressés, 200 000 foyers au total ont souffert de
coupures partielles ou totales du réseau électrique (selon leur situation géographique, les foyers
allemands étaient touchés plutôt le 14 ou plutôt le 15, voire plus tard, sans parler des problèmes
d?infrastructures juste après la catastrophe ; à l?intérieur de la vallée de l?Ahr, les habitants en amont de
la rivière sont touchés plusieurs heures avant les habitants en aval, c?est d?ailleurs une des raisons du
nombre élevé de morts, la vague frappant les communes de l?aval pendant la nuit).
Après une première aide fédérale d?urgence d?un montant de 400 millions d?¤ attribuée le 21 juillet 2021,
Bund et Länder se sont accordés lors de l?été sur un paquet mixte (50% venant du budget fédéral, 50%
des Länder) d?aides à la reconstruction de 30 milliards d?¤ au total (Aufbauhilfe 2021), validé par le
Bundestag par une loi spéciale sur la reconstruction66 entrée en vigueur le 15 septembre 2021. Ce
montant est redistribué aux Länder pour 28 milliards, au Bund pour 2 milliards (restauration des
infrastructures endommagées). Une clé de répartition a été arrêtée pour fixer les quotas alloués à
chaque Land dans l?hypothèse de paquets budgétaires à venir, puisque l?évaluation des dommages
n?est pas officiellement achevée. Cette clef donne 54,5% des aides au Land de RP (soit 15 milliards
pour la Aufbauhilfe 2021) et 44% des aides au Land de NRW67 (soit 13 milliards).
La mission prend l?exemple du Land de RP puisqu?il a été le premier touché, même si, du point de vue
économique, les dommages subis par le Land de NRW se rapprochent de ceux de son voisin, en dépit
d?un bilan humain trois fois moins lourd. La mission tient également à préciser qu?elle n?a eu de contact
qu?avec les autorités du Land de RP68 et qu?elle dispose donc, concernant ce dernier, d?éléments
pertinents à présenter aux commanditaires.
Dans ce Land, sept Landkreise (Ahrweiler, le plus touché, Bernkastel-Wittlich, Cochem-Zell, Eifelkreis
Bitburg-Prüm, le seul autre à déplorer un décès, Mayen-Koblenz, Trier-Saarburg et Vulkaneifel) ainsi
que la ville de Trier, qui est n?administrativement rattachée à aucun Landkreis69 sont touchés par les
inondations catastrophiques. Selon le bilan établi par les autorités régionales, 65 000 personnes sont
directement affectées par l?événement climatique dont 42 000 dans la vallée de l?Ahr 70 . 17 000
personnes ont vu leur habitation fortement endommagée ou détruite (9 000 bâtiments détruits ou
endommagés, en comptant également les bâtiments publics ou industriels). Il convient de rappeler que
la vallée de l?Ahr est une région viticole et touristique densément peuplée, et que la densité d?habitations
66 Aufbauhilfefonds-Errichtungsgesetz (AufbhEG 2021)
67 Les Länder moins touchés se voient attribuer des quotes-parts significativement moins substantielles (1% pour
la Bavière, 0.48% pour la Saxe?)
68 La ministre en charge de l?équipement et de l?environnement a écrit à son homologue fédérale allemande pour
l?informer de la mission réalisée par les trois inspections françaises ; la ministre allemande a fourni des contacts
pour la mission dans les deux Länder de RP et de NRW et n?a suggéré aucun contact au niveau du Bund. Seul le
Land de RP a donné suite aux sollicitations de la mission qui a eu un échange approfondi avec le directeur de
l?office de l?eau du Land et ses collaborateurs. Cette réserve inhabituelle des autorités allemandes s?explique par
le contexte politique sensible que les inondations ont créé. Au niveau fédéral comme au niveau des deux Länder,
des commissions d?enquête parlementaires ont été formées pour mettre en lumière d?éventuelles responsabilités
politiques ou administratives dans la gestion de la catastrophe. Le Landrat en fonction au moment des événements
dans le Landkreis d?Ahrweiler a été au centre d?une polémique politique et médiatique impliquant des sujets comme
le retard des alertes et des évacuations ou de la coordination des secours. Il a refusé de répondre à la convocation
de la commission d?enquête du parlement régional de RP. Contraint à la démission, il fait l?objet de poursuites
judiciaires. Le sujet est donc, encore aujourd?hui, particulièrement sensible aux yeux des autorités allemandes.
69 Elle constitue une « kreisfreie Stadt ».
70 Pour une population totale du district de 130.000 dont 56.000 établis le long de la rivière.
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est plus forte au niveau du fond de vallée que sur les hauteurs en raison précisément de la dimension
viticole : les vignes sont plantées sur les collines, les maisons sont de fait construites plus près de l?eau.
Le montant évalué des dommages matériels est de 18,2 milliards d?¤ pour l?ensemble du Land dont 10
milliards pour les seuls dommages immobiliers des particuliers qui ont perdu leur habitation, 7 milliards
pour les infrastructures publiques et 1,2 milliards pour les entreprises dont les agriculteurs et viticulteurs :
Pour le Land de Rhénanie du Nord Westphalie, le montant évalué des dommages est de 12,3 milliards
d?¤, dont 3 aux logements privés, 253 millions aux infrastructures du Land et 4,5 à celles des communes,
61 millions aux équipements culturels et aux archives, 1,5 milliard aux activités économiques (30
millions à l?agriculture, à la sylviculture et à la pisciculture), et près de 3 milliards non encore classés.
Annexe 3.3. La phase de reconstruction à l?aune de l?exemple de la
Rhénanie-Palatinat
La mission rappelle en préambule le cadre général que le Bund a fixé pour la phase de reconstruction
qui débute effectivement après l?entrée en vigueur de la loi spéciale (AufbhEG 2021 cf.supra). Il
convient de souligner que l?effort principal de l?action publique va en direction des particuliers, ce qui
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s?explique en partie par l?absence d?assurances obligatoires de type « CatNat » comme en France (cf.
infra, point 5.). Les dossiers d?aide à la reconstruction des particuliers représentent par conséquent le
volet le plus important en termes de besoins financiers.
Le cadre fédéral est arrêté avec la loi précitée sur la reconstruction et la constitution du fonds spécial
avec la négociation des clefs de répartition entre Länder et Bund (cf. point 2.). En complément de ce
dispositif, un certain nombre d?autres dispositions ont été prises par le gouvernement fédéral. Ainsi, une
garantie juridique contre les saisies est instaurée protégeant les aides reçues relevant de la
reconstruction ; même un débiteur faisant l?objet de procédures de recouvrement (y compris le cas de
figure où le recouvrement est entré dans une phase judiciaire) a la garantie de recevoir et de pouvoir
utiliser l?intégralité de l?aide qui lui a été allouée. Il en va de même des dispositions régissant les faillites,
ainsi l?obligation de se déclarer en faillite en cas d?insolvabilité (Insolvenzpflicht) est suspendue
temporairement pour les particuliers et les entreprises ayant déposé un dossier de demande d?aides à
la reconstruction. Les obligations découlant du droit de l?urbanisme sont allégées afin d?accélérer la
délivrance de permis de construire dans les zones sinistrées, sous réserve de dispositions nouvelles
concernant les zones inondables ? le principe est posé d?un « droit à la reconstruction à l?identique »
pour les propriétaires de biens sinistrés, conditionné cependant au fait de ne pas se situer dans la zone
la plus exposée ; un traitement au cas par cas est garanti au particulier qui souhaite reconstruire sa
maison. Enfin, le Bund a élevé au niveau législatif le principe (et sa mise en oeuvre sous forme de
dispositif opérationnel en partenariat avec les opérateurs téléphoniques) d?information directe de la
population par leur téléphone portable en cas de fortes inondations et/ou de catastrophe naturelle, avec
une obligation de service.
Dans le cas du Land de RP, le dispositif fédéral est complété par un dispositif juridique et administratif
régional et des mesures budgétaires (si le Land reçoit 15 millards d?¤ du fonds spécial d?aides à la
reconstruction, les dommages évalués se situent à hauteur de 18 milliards d?¤ - le Land doit donc
financer lui-même a minima une enveloppe de 3 milliards d?¤). Le Land définit son propre cadre par une
loi régionale d?aide à la reconstruction et de dispositions patrimoniales spéciales (Aufbauhilfe-
Sondervermögensgesetz ? AufbhSVLG) votée par le Landtag en septembre 2021 et entrée en vigueur
le 1er octobre 2021. Cette loi est complétée par ce que nous appellerions en France un dispositif
réglementaire sous forme d?instructions administratives (Verwaltungsvorschrift ? que l?on peut analyser
comme un acte mêlant ce qui en France relèverait de l?arrêté et de la circulaire/instruction aux
administrations déconcentrées) regroupées sous l?intitulé « Reconstruction RLP 2021 », publiées le jour
de promulgation de la loi. Ce cadre juridique s?applique aux aides au bénéfice :
? des particuliers, associations, fondations, associations cultuelles (donc les particuliers et le
secteur non lucratif) ;
? des entreprises commerciales, y compris l?artisanat, des professionnels libéraux et des
indépendants (donc le secteur lucratif au sens large, allant de la grande entreprise au cabinet
médical) ;
? des entreprises agricoles, viticoles et forestières (donc le secteur de l?agriculture au sens large) ;
? des communes et des porteurs d?infrastructures publiques (donc le secteur public y compris les
opérateurs agissant par délégation de la puissance publique).
A cela s?ajoute la levée temporaire ou l?assouplissement de règles usuelles en matière fiscale71, en
matière d?urbanisme et en matière de droit de la concurrence. Par exemple, les règles d?attribution de
marchés publics sont allégées pour les communes afin que celles-ci puissent procéder plus rapidement
à l?adjudication de marchés directement corrélés à la reconstruction (écoles, routes, centres de soin,
etc.). En particulier, les communes bénéficient jusqu?au 31 mars 2024 d?exceptions dans les règles
d?allotissement de marchés publics visant à accélérer les procédures et à lancer les chantiers plus
rapidement ; elles ont le droit de désigner une entreprise « mandataire général » là où en temps normal
71 Par exemple, les règles de reversement de la TVA sont provisoirement allégées pour les entreprises concernées.
Les dons et legs affectés à des opérations de reconstruction bénéficient temporairement de taux privilégiés. Le
recouvrement d?impayés fiscaux est décalé et les délais de paiement au fisc rallongés.
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des lots séparés auraient été obligatoires.
Le droit du travail est lui aussi temporairement assoupli afin d?autoriser des chantiers les jours fériés,
toujours dans une perspective d?accélération de la réalisation des travaux. Mais ne sont visés que les
chantiers d?infrastructures, d?adduction d?eau, de pose de câbles électriques, etc. Les indemnités d?élus
sont temporairement majorées pour favoriser l?action des élus locaux de terrain, confrontés sur la durée
à une charge de travail accrue dans un contexte difficile.
En complément de ces mesures, une loi régionale spécifique au secteur agricole (la mission rappelle
que la vallée de l?Ahr est une zone viticole majeure en Allemagne) contient diverses mesures fiscales
et techniques visant à aider le secteur à se reconstituer et à replanter des champs ou vignobles
endommagés ou détruits.
Le gouvernement du Land a également adapté sa structure administrative pour être à même de traiter
rapidement et de façon aussi déconcentrée que possible l?instruction des dossiers et les nombreuses
demandes des particuliers. Une structure interministérielle est créée sous la forme d?un comité de
pilotage (Lenkungsausschuss) présidé par le chef de la chancellerie d?État72. L?une des secrétaires
d?État auprès du ministre de l?Intérieur et du Sport est désignée déléguée du gouvernement du Land
pour la reconstruction ; elle assure le secrétariat du comité interministériel et elle est en charge de la
coordination de l?action publique dans ce domaine. Parallèlement, est nommé un représentant du
gouvernement du Land « sur place » (selon l?expression allemande « Vor-Ort-Beauftragter ») qui exerce
en fait le rôle de délégué territorial du Land dans le district de Ahrweiler. C?est un ancien Landrat et
secrétaire d?État, donc un fonctionnaire politique de rang élevé. Il a dirigé pendant un an un bureau de
coordination situé au chef-lieu du district et son rôle principal a été de servir d?interlocuteur aux
communes pour les aider dans leurs démarches et de raccourcir les circuits administratifs. Il a ainsi pu
accélérer le traitement des dossiers en travaillant directement avec une direction d?administration
centrale dédiée, créée spécialement après la catastrophe, au sein du ministère de l?intérieur du Land,
intitulée « direction de la reconstruction » (Wiederaufbauabteilung). Le choix du ministère de l?intérieur
plutôt que celui du grand ministère couvrant l?équipement, l?énergie et l?environnement vient du fait que
c?est ce ministère qui a en charge la définition des normes et le droit des collectivités (pour la partie qui
relève du Land). Enfin le Land a intégré son agence publique de développement 73 au dispositif
administratif de reconstruction.
Sur le plan économique et financier, le Land met en place :
? des aides d?urgence, financées pour moitié par lui et pour moitié par le Bund, sous forme d?aides
libres (Billigkeitsleistungen ? ce sont des prestations qui sont versées sans qu?il n?y ait
d?obligation juridique, ce qui ne signifie pas que l?administration ne définisse pas de critères, de
seuils, de conditions d?attribution), à hauteur de 167,3 millions d?¤, versées entre juillet et
décembre 2021, et destinées aux particuliers (35,3 M¤ dont 25.2 Me pour les habitants du
Landkreis d?Ahrweiler), aux entreprises (13,1 M¤), ainsi qu?aux communes et intercommunalités
(118,9 M¤ dont 101,4 M¤ pour le seul Landkreis d?Ahrweiler). Pour les particuliers, la seule
condition était que le dommage subi soit supérieur à 5 000 ¤ déduction faite des prestations
d?assurance ; l?aide d?urgence par foyer était de 1 500 ¤ plus 500¤ par membre du foyer, avec
72 Dans les Länder, le ministre-président dispose en général d?un fonctionnaire politique qui a le rang de secrétaire
d?État et qui dirige la « chancellerie d?État » (Staatskanzlei). Ses fonctions sont comparables à celui d?un directeur
de cabinet français qui aurait en sus de ses attributions politiques une administration dédiée sous son autorité en
charge des affaires directement liées au ressort du chef du gouvernement, comme la coordination interministérielle.
Parfois, le ministre-président, lors de la composition du gouvernement, s?attribue d?autres ressorts ministériels qui
conservent dans ce cas leur propre administration et sont de fait dirigés par un secrétaire d?État que l?on pourrait
comparer à un secrétaire général de ministère en France. Il convient de garder présent à l?esprit que les cabinets,
tant au niveau du Bund que des Länder, n?existent quasiment pas en Allemagne ? tout au plus existe-t-il un
Ministerbüro qui s?occupe des déplacements et de l?agenda du ministre, mais ce bureau est intégré aux services
administratifs (il est comparable à un bureau du cabinet français dont le chef aurait des fonctions comparables à
celles d?un chef de cabinet).
73 Entwicklungsagentur Rheinland-Pfalz e.V. ? juridiquement, il s?agit d?une association à but non lucratif tout à fait
comparable à nos associations relevant de la loi du 1er juillet 1901.
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un plafond arrêté à 3 500 ¤.
? des aides à la reconstruction dans le cadre du Aufbauhilfefonds 2021 (Cf.supra). Le bilan n?est
pas encore disponible puisque les dossiers d?indemnisation sont ouverts jusqu?au 30 juin 2023,
mais les crédits ouverts sont de 15 milliards d?¤ (cf. supra). Les règles d?attribution sont
relativement souples (le dispositif administratif spécial mis en place par le Land et décrit
précédemment vise justement à alléger la charge de la preuve en tenant compte du fait que
des pièces habituellement exigibles dans ce genre de procédures puissent avoir été détruites
ou perdues, le témoignage d?habitants, d?élus de proximité ou d?agents des services
communaux pouvant se substituer à des documents comme des titres de propriété, etc.). Il faut
que le dommage soit en lien direct avec la catastrophe naturelle de la mi-juillet 2021 ; l?aide est
libre et non remboursable, sauf si elle dépasse le montant des dommages subis (pour la fraction
excédentaire) ; pour les dommages économiques, le taux de remboursement ne peut en
principe dépasser 80% ; pour les particuliers, qui vont consommer la plus grosse part de ces
crédits car ceux-ci vont financer la reconstruction d?habitations individuelles, la règle des 80%
est également instaurée, rapportée à l?évaluation des dommages, mais n?exclut pas un
remboursement intégral du dommage si la fraction des 20% laissée à la charge de l?habitant
est prise en charge par d?autres voies (dons, aides communales, prestations d?assurance, etc.).
En outre, un dispositif spécifique pour la prise en charge de l?équipement domestique (meubles,
fournitures, appareils, regroupés sous l?appellation Hausrat) est instauré avec un plafond à 13
000¤ pour une personne, majoré de 8 500 ¤ pour la seconde personne du foyer et de 3 500 ¤
pour toute personne supplémentaire, sur la base des personnes immatriculées par foyer74.
Le Land a mis en place une commission spéciale chargée d?étudier les cas les plus graves
(Härtefallkommission) qui dispose de la possibilité d?exempter partiellement ou totalement un
demandeur des règles susvisées lorsque le cas d?espèce le justifie.
Annexe 3.4. Les enseignements tirés de la catastrophe, un sujet qui
reste sensible et compliqué
Le sujet est hautement sensible sur le plan politique. De ce fait, les informations recueillies par la mission
sont limitées. Lors de l?entretien que celle-ci a eu avec le directeur de l?office de l?eau du Land de RP
(cf. supra), celui a explicitement demandé que ne soient pas abordés la question des évacuations et de
l?acheminement des secours qui sont au coeur d?une polémique politique dans laquelle est impliqué
l?ancien Landrat du Landkreis d?Ahrweiler (Cf. supra). A ce titre, la mission relève que le Landkreis était
administré par la CDU, alors que la majorité régionale est de type « feu de circulation » (Ampelkoalition
modèle classique associant SPD ?rouge-, Verts ?vert- et FDP ?jaune-). Les nouvelles élections locales
ont donné une majorité à la SPD dans ce district Comme la mission l?a indiqué précédemment, elle n?a
eu aucun contact avec les autorités fédérales (Cf. supra sur l?échange de courriers entre la ministre
française chargée de l?équipement et de l?environnement et son homologue fédérale allemande).
Cependant, la documentation disponible et les entretiens techniques menés par la mission permettent
de dégager quelques éléments d?ordre général.
Sur le déroulé même de la catastrophe, qui frappe donc pour l?essentiel la vallée de l?Ahr, répartie sur
les deux Länder de NRW et de RP (cf. supra), les observateurs et les scientifiques s?accordent sur le
scenario suivant, par ailleurs parfaitement décrit dans le documentaire La nuit de l?eau ? retour sur une
catastrophe climatique75 tout en rappelant que l?Allemagne n?est pas le seul pays à être touché (cf.
autres annexes pays du présent rapport) et que le réchauffement climatique constitue un facteur
structurel d?aggravation du risque de survenue de phénomènes météorologiques extrêmes. Les pluies
diluviennes de la mi-juillet 2021 en sont un, par leur ampleur et leur intensité, mais aussi par la surface
totale affectée qui constitue un large périmètre à cheval sur cinq pays (Allemagne, Belgique, Pays-Bas,
74 La mission rappelle qu?en Allemagne, il existe l?obligation (Meldepflicht) de se faire immatriculer à la mairie de
son domicile. Tout déménagement doit ainsi être signalé à l?administration.
75 Film de Matthias Fuchs, produit par ZDF et Arte, et diffusé pour la première fois le 30 août 2022.
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Luxembourg, France76).
L?Ahr est régulièrement en crue sans pour autant atteindre les débits critiques77 observés lors de
l?événement, ce qui a pu aggraver les choses parce que les habitants sont « habitués » à des
inondations différentes et moins brutales, la dernière significative remontant à 2016 dont les dégâts
furent limités. La topographie encaissée de la vallée a amplifié la gravité du phénomène. On peut
émettre l?hypothèse que l?usage viticole des pentes des coteaux de la région, faisant que l?on construit
plutôt près de la rivière afin de réserver les hauteurs aux plantations de vignes, a contribué au bilan.
Dès le 14 juillet au matin, les pluies importantes ont fait l?objet d?alertes « inondation ». Après les crues
spectaculaires de l?Elbe en 2002 (on se souvient des édifices baroques de Dresde sous l?eau), le
système européen d?alerte pour les risques d?inondation (EFAS ? European Flood Awareness System)
avait été mis en place. Plusieurs jours avant la catastrophe stricto sensu, l?EFAS avait adressé des
messages d?alerte (« crues potentiellement graves à venir consulter l?EFAS ») notamment aux autorités
du bassin rhénan, mais il semblerait que ces alertes ne soient jamais parvenues à des autorités de la
vallée, en l?occurrence, à titre principal, aux deux districts de Euskirchen en NRW ?amont de la vallée-
et d?Ahrweiler en RP ?aval de la vallée-78. Des prévisions ont été diffusées par ailleurs sur les sites web.
Dans l?après-midi du 14 juillet, toujours sans alerte officielle des autorités, le niveau de l?eau augmente
anormalement et les habitants commencent à s?inquiéter. C?est dans la soirée et la nuit du 14 au 15
(selon l?emplacement amont/aval, Cf. supra) que la crue dévastatrice fait ses ravages et coûte la vie à
160 personnes dans ces deux districts. Certains villages ont activé des alertes par sirène ou par les
pompiers, mais il n?y eut jamais d?initiative coordonnée, la division entre deux districts relevant de deux
Länder différents n?ayant pas arrangé les choses de ce point de vue. Plusieurs heures s?écoulent avant
que la vague liquide ne touche les communes de l?aval, mais les dégâts déjà infligés au réseau
téléphonique ralentissent la propagation de l?information même à simple titre individuel par des
téléphones portables. Le 14 dans l?après-midi, la mairie de Altenahr a essayé de convaincre le chef-lieu
de district, la mairie de Bad Neuenahr-Ahrweiler, et l?administration du district, que la situation était grave,
bien au-delà de celle observée en 2016. Mais le Landrat le chef de l?administration du district, qui a
officiellement en charge la compétence de sonner l?alerte et de donner l?ordre d?évacuation, était rentré
76 La mission rappelle que si la France n?a pas eu à déplorer de morts et que si le phénomène a eu des
conséquences nettement moins brutales pour elle, la zone significativement affectée concerne la zone nord-est
délimitée par les départements du Nord, des Hauts-de-Seine et de l?Ain, 434 communes de 20 départements se
voyant reconnaître l?état de catastrophe naturelle.
77 La mission rappelle que le niveau maximal usuel de la rivière Ahr est de 70 centimètres ; ce niveau a dépassé
les 9 mètres lors du pic de l?événement à certains endroits, comme à Altenahr.
78 Sur les questions de transmission d?alerte des autorités locales :
- La nuit de l'eau - Retour sur une catastrophe climatique (ZDF), film de Mathias Fuchs, diffusé le 28 juin
2022 par Arté ; notamment interview d?une représentante d?EFAS
Sur l?alerte de la population en Rhénanie-du-Nord-Westphalie :
? Thieken A. Bubeck P. Zenker M.-L. & Wutzler B. (2022). Analyse der Todesumstände und -ursachen
der Opfer des Hochwassers 2021 in Nordrhein-Westfalen zur Ableitung von Verbesserungspotenzialen in
der Risikokommunication und Warnung KAHR (Klima Anpassung Hochwasser Resilienz) Science
Conference 29-30 juin 2022
- Thieken A. Bubeck P. Zenker M.-L. & Wutzler B. (2022). Strukturierte Auswertung der
Dokumentationen zu allen Hochwassertodesopfern in Nordrhein-Westfalen im Juli 2021 und
Herausarbeitung von Verbesserungspotenzialen in der Risikokommunikation und in den Warnprozessen
anhand der Todesumstände und -ursachen sowie Ereignischarakteristika Gutachten für den
Parlamentarischen Untersuchungsausschuss V (Hochwasserkatastrophe) des Landtags Nordrhein?
Westfalen Universität Potsdam 50 p.
- Mohr S. Ehret U. Kunz M. Ludwig P. Caldas-Alvarez A. Daniell J.E. Ehmele F. Feldmann H.
Franca M.J. Gattke C. Hundhausen M. Knippertz P. Küpfer K. Mühr B. Pinto J.G. Quinting J.
Schäfer A.M. Scheibel M. Seidel F. & Wisotzky C. (2023) A multi-disciplinary analysis of the exceptional
flood event of July 2021 in central Europe ? Part 1: Event description and analysis Nat. Hazards Earth
Syst. Sci. 23 525?551.
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chez lui dans l?après-midi79. Or la commune chef-lieu où il réside se situe relativement en aval de la
rivière, ce qui signifie que le phénomène ne la touche que quelques heures plus tard, à 22h30, mais en
redoublant d?intensité puisque la vague se charge de plus en plus en eau et en débris charriés avec
elle. A cette heure-là, les 30 000 habitants de Bad Neuenahr-Ahrweiler, dont beaucoup habitent près du
cours d?eau (cf. supra sur l?explication viticole), sont chez eux et l?impact dévastateur est maximal. Ce
n?est qu?à 23h15 que le Landrat déclare l?état de catastrophe naturelle. La vague continue sa course et
touche Sinzig à 2h30. L?eau commence à se retirer lentement à partir de 6h du matin le 15 juillet à
Dernau, commune très touristique, située juste à l?ouest, donc en amont, de Bad Neuenahr-Ahrweiler.
On peut donc considérer que le segment le plus critique de la crue est compris entre 22h30 le 14 juillet
et 6h le 15 juillet. Pour ne rien arranger, la caserne de pompiers de Bad Neuenahr-Ahrweiler a été
entièrement inondée, ce qui a retardé d?autant la mobilisation technique des secours au plan local dans
la commune la plus peuplée. L?organisation des secours à grande échelle (moyens aériens pour
évacuer les victimes réfugiées ?et parfois toujours menacées par la montée des eaux- sur leur toit,
renforts de pompiers, intervention de l?armée, etc.) ne démarre vraiment que la matinée du 15 et des
milliers de personnes ont dû attendre ces secours plusieurs heures dans la nuit, réfugiées où elles
avaient réussi à se rendre face à l?imminence du danger (toits, arbres, surplombs, bâtiments plus élevés,
etc.). Un rescapé a dû ainsi attendre pendant 15 heures.
Outre les questions de climat et de géographie, des facteurs locaux ont probablement aggravé la crise.
Les échelles de crue ont été arrachées, ce qui brouille la compréhension de l?événement. La vallée
encaissée l?a amplifié. Les associations écologistes pointent la responsabilité de l?agriculture intensive
qui trace des allées larges et rectilignes entre les vignes ce qui aurait facilité le ruissellement de l?eau.
La densification urbaine de parties de la vallée, et la construction d?infrastructures de transport dans
des secteurs de vallée resserrés, auraient accru les hauteurs d?eau : pour un débit comparable à celui
de juillet 1804, l?eau en juillet 2021 a pu dépasser de 2 mètres des repères de crues historiques apposés
sur les maisons.
La mission rappelle qu?elle ne saurait brosser un tableau complet des mesures préventives ou
correctives prises par les autorités fédérales ou régionales dans la mesure où les enquêtes
parlementaires ou les procédures judiciaires étaient encore en cours lorsqu?elle a étudié le cas allemand.
D?ailleurs, les représentants du Land de RP ont indiqué à la mission que « 80% de notre travail et ce
pour de longs mois encore est constitué par la gestion des dossiers de reconstruction avant de réfléchir
à des réformes systémiques pour lesquelles nous ne disposons pas encore de tous les éléments et
pour lesquelles il n?y a pas de consensus politique ». Cependant, au niveau fédéral, un consensus se
fait jour au sujet de deux points techniques, tout le monde étant d?accord pour dire que l?enjeu immédiat
réside dans la question de l?alerte des populations :
La modernisation et la réfection du système des sirènes sonores pour toute l?Allemagne, pour un budget
prévisionnel d?au moins 80 millions d?¤ (de ce point de vue, les Allemands sont porteurs d?une doctrine
qui fait débat en France, à savoir que les alertes par sirène sont efficaces si les populations sont
informées et qu?elles peuvent même inclure des types d?alarme ?selon la modulation ou la fréquence
du signal sonore- différents selon la nature du risque) ;
Le parachèvement, en partenariat avec les opérateurs téléphoniques, du système d?alerte NENA par
smartphone qui permet de zoner plus finement les alertes et de donner des instructions concrètes (de
type « sortez » ou au contraire « restez chez vous », « ne vous rendez surtout pas dans votre cave »,
« cherchez immédiatement le point le plus élevé de votre habitation », etc.) aux populations ciblées ?
le Bund a par ailleurs accéléré l?adoption de textes rendant juridiquement possible ce système de « cell
broadcast », homologue de FR-Alert qui se déploie en France.
79 Cette information est un des points principaux de la polémique politique qui a contraint l?intéressé à la démission.
https://www.swr.de/swraktuell/rheinland-pfalz/ex-landrat-pfoehler-im-flut-untersuchungsausschuss-erwartet-
100.html
https://www.swr.de/swraktuell/rheinland-pfalz/flut-u-ausschuss-befragt-mitarbeiter-der-kreisverwaltung-ahrweiler-
100.html
https://de.wikipedia.org/wiki/J%C3%BCrgen_Pf%C3%B6hler
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Le Bund a également entamé une réflexion et une restructuration de la protection civile
(Bevölkerungsschutz) au niveau fédéral en lançant une grande réflexion sur la stratégie de renforcement
de la résilience en cas de catastrophes. Il a réorganisé l?office fédéral compétent et lui a donné plus de
moyens, le Bundesamt fur Bevölkerungsschutz und Katastrophenhilfe ?BBK- que l?on pourrait
comparer à la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises du ministère de l?intérieur
français (DGSCGC), mais le BBK n?est pas compétent pour la gestion des sapeurs-pompiers et il ne
dispose pas des mêmes compétences opérationnelles que la DGSCGC en cas de crise grave. Il a
également entamé une réflexion sur le volontariat : comme en France, les pompiers dépendent pour
l?exercice de leurs missions du volant de pompiers volontaires, et ils voient une diminution constante et
progressive des recrutements de volontaires. Le Bund a aussi accéléré des expérimentations ou des
investissements déjà en cours de réalisation ou de programmation, comme le projet Laborbetreung
5000 lancé en 2019 pour l?hébergement et les soins d?urgence des sinistrés.
Parallèlement, il a mené une réflexion sur l?engagement tactique des forces armées en cas de crise
intérieure pour l?assistance à personnes et pour le soutien aux forces de police (qui, elles, dépendent
des Länder, sauf la Bundespolizei et les offices fédéraux). Comme cela est observé dans d?autres pays,
les forces de police sont de fait mobilisées pour diffuser l?alerte et contribuer aux actions d?urgence.
Pour une catastrophe comme celle de juillet 2021, comme cela a été le cas en France après la tempête
Alex dans les Alpes-Maritimes, les forces de police judiciaire sont fortement mobilisées pour
l?identification des victimes.
Enfin, le Bund s?est engagé dans un travail de simplification juridique (à l?image de ce qu?a fait le Land
de RP pour accélérer les dossiers de reconstruction) pour la reconstruction des routes et voies ferrées.
Cependant, il reste un domaine majeur dans lequel il n?y a pas encore eu de vraie réflexion aboutie en
raison du manque de consensus : celui de l?urbanisme et des nécessaires révisions des équivalents
allemands des plans locaux d?urbanisme, en particulier dans les zones touchées en juillet 2021. S?il
existe une prise de conscience que les normes scientifiques doivent devenir plus sévères en matière
d?alerte de crues (le référentiel doit changer pour inclure les événements récents) et si la révision des
procédures d?alerte fait elle aussi consensus, le point d?achoppement reste sur le caractère opposable
de normes prises en compte pour la prévention au travers du droit de l?urbanisme et donc pour la
délivrance de permis de construire en zone inondable (et la définition du périmètre des zones inondables
à l?aune des nouvelles normes hydrologiques).
Ce point constitue une source de tensions permanentes entre population et élus, d?une part, élus et
Land/Bund, d?autre part. Les élus sont l?interface entre la population et les autorités politiques ; ils sont
placés dans une situation difficile car personne ne veut accepter que sa maison ne puisse être
reconstruite. L?organisation communale allemande amplifie ou complique ce schéma dans la mesure
où l?autorité qui délivre le permis de construire (dans de nombreux cas, le Kreis et donc, dans l?exemple
du Land de RP, le Landrat) est à la fois celle qui doit imposer les normes de l?État face aux élus ?elle
agit par délégation du Land et exerce le contrôle de légalité- et celle qui représente les intérêts
communaux ou intercommunaux. Le Land de RP a ainsi élaboré un compromis pragmatique sans réel
fondement doctrinal consistant à garantir aux habitants sinistrés une « reconstruction à l?identique »
sauf si l?habitation est située dans une zone labellisée « rouge » que les nouvelles normes désigneront
comme inondable à haute probabilité. L?entretien mené par la mission avec les représentants de ce
Land a mis en évidence l?incertitude qui règne encore sur les contours exacts de la zone rouge et si des
dérogations seront accordées.
Annexe 3.5. La question de l?introduction d?une assurance
obligatoire contre les catastrophes naturelles
La part importante que revêtent les dommages causés aux habitations des particuliers (mais aussi les
locaux d?entreprise, ils sont cependant moins nombreux par essence) dans l?évaluation des dommages
(cf. supra) et par conséquent dans les dépenses de reconstruction à la charge du Bund et des Länder
(cf. supra) a relancé le débat sur la nécessité d?introduire, à l?échelle fédérale, une assurance obligatoire
pour les particuliers pour se couvrir contre le risque ?catastrophes naturelles?, à l?image du dispositif
« CatNat » en France. Les Allemands parlent d?assurance obligatoire contre les dommages
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« élémentaires » (Pflichtversicherung für Elementarschäden) terme qui recouvre les pluies diluviennes,
les inondations et les glissements de terrain.
Historiquement, certains Länder avaient une législation qui imposait, au moins partiellement, à l?habitant
de souscrire une assurance contre les risques naturels. A l?heure actuelle, plus aucun Land n?a de
législation de ce type, mais les statistiques montrent que, là où le dispositif a existé, les particuliers
conservent le réflexe de souscrire des assurances de ce type même s?ils n?y sont plus obligés. Ainsi, le
Land de Bade-Wurtemberg a un taux d?assurance contre les risques naturels qui reste élevé, proche de
90%, alors que la moyenne fédérale se situe à 50% ; cependant, il s?agit d?une moyenne, et dans le
deuxième Land le plus touché par la catastrophe, la Rhénanie du Nord-Westphalie, le taux est de 37%
pour les ménages.
Les événements récents ont modifié la donne en Allemagne. Ainsi, les ministres-présidents de la Saxe
et du Bade-Wurtemberg, pourtant de bords politiques opposés (respectivement CDU et Verts), ont lancé
une initiative commune en 2022 au sein de l?organe qui réunit le gouvernement fédéral et les ministres-
présidents des 16 Länder, la Ministerpräsidentenkonferenz. De même, le sujet a été étudié par les
ministres en charge de la justice dans les différents Länder (Justizministerkonferenz), qui ont conclu
qu?il n?existait pas d?obstacles de nature constitutionnelle à ce qu?une telle obligation soit introduite au
niveau fédéral.
Le débat porte aussi sur le fait qu?en cas de catastrophe naturelle, les particuliers ne peuvent
systématiquement se tourner vers l?Etat dont les capacités budgétaires sont sous tension. Les
représentants des intérêts des grands assureurs encouragent l?idée sous la forme d?une double
obligation :
Chaque immeuble doit être assuré contre le seul risque lié aux inondations, et il convient d?en faire une
obligation fédérale imposé aux particuliers et aux entreprises, mais le niveau des prestations doit se
limiter au « niveau minimal garantissant l?existence », que l?on peut considérer comme un socle vital ;
Les assureurs se voient dans l?obligation de proposer un deuxième étage à l?assurance obligatoire, qui,
lui, serait laissé à l?appréciation de l?assuré, et qui relèverait du marché quant au niveau des prestations
et des primes ; ce deuxième étage couvrirait les valeurs vénales des biens au-delà du socle vital et les
assureurs offriraient chacun leur bouquet en fonction de leur politique commerciale.
A l?évidence, la proposition des assureurs sert leur intérêt économique.
Le Land de NRW s?est depuis associé à cette initiative et a fait voter une motion, déposée conjointement
avec le Land de Bade-Wurttemberg, au sein du Bundesrat, la chambre haute du parlement fédéral qui
représente en principe les Länder, le 31 mars 2023. Cette motion stipule que « l?assurance obligatoire
contre les dommages élémentaires doit s?appliquer à l?échelle fédérale » et invite le gouvernement
fédéral à préparer un projet de loi en ce sens.
Il convient de noter que les arguments du débat public en Allemagne portent peu sur le thème de la
mutualisation du risque. Il s?agit plutôt de forcer les particuliers à souscrire une assurance contre les
risques naturels afin de ne pas les exposer à se retrouver sans habitation en cas de sinistre et à ne pas
les rendre « dépendants » de l?État fédéral dont on ne sait s?il pourra intervenir à chaque catastrophe.
Les moyens considérables qu?il a mis en oeuvre dans le contexte des inondations de 2021 doivent rester
une solution « exceptionnelle ».
Annexe 3.6. Liste de documents consultés
La nuit de l'eau - Retour sur une catastrophe climatique (ZDF), film de Mathias Fuchs, diffusé le 28
juin 2022 par Arté
Broemme, A. (2022). Unwetterereignisse - Strategien für Rheinland-Pfalz zur Vorbeugung,
Vorbereitung, Koordinierung, Nachbereitung und zur verbesserten Resilienz. Rapport d'expertise
au Ministère de l'Intérieur et des Sports Land Rheinland-Pfalz, 24 p.
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Broemme, A. (2022). Unwetterereignisse - Strategien für Nordrhein-Westfalen zur Vorbeugung,
Vorbereitung, Koordinierung, Nachbereitung und zur verbesserten Resilienz. Rapport d'expertise
au Ministre-Président du Land Rheinland-Pfalz, 24 p.
Bundesministerium des Innern, für Bau und Heimat & Bundesministerium der Finanzen (2021).
Zwischenbericht zur Flutkatastrophe 2021: Katastrophenhilfe, Soforthilfe und Wiederaufbau,
rapport, 20 p.
Bundesministerium des Innern, für Bau und Heimat & Bundesministerium der Finanzen (2022).
Bericht zur Hochwasserkatastrophe 2021: Katastrophenhilfe, Wiederaufbau und
Evaluierungsprozesse, rapport, 85 p.
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Annexe 4. : les grandes caractéristiques de
l?événement d?inondations de mi-juillet 2021 en
Belgique
Une goutte froide, bloquée depuis le début de la semaine [du 12 juillet] sur le sud-ouest de
l'Allemagne, provoque d'importantes chutes de pluie sur le nord-est de la France, l'ouest de
l'Allemagne, le Luxembourg et l'est de la Belgique. La journée du 14 juillet a été particulièrement
pluvieuse en Belgique et dans l?ouest de l?Allemagne, marquée par des inondations
catastrophiques aux conséquences dramatiques.
Les cartes qui suivent présentent :
- les trois cours d?eau où on a relevé le plus de victimes ont leur source dans le massif des
Ardennes :
o L?Amblève : source à Honsfeld (commune de Bullange) dont l?altitude est de 600
mètres ; débit moyen : 19,5 m3/s ;
o L?Ourthe : source de l?Ourthe occidentale à Ourt (commune de Libramont-Chevigny)
dont l?altitude est de 506 mètres ; source de l?Ourthe orientale à Deiffelt (commune
de Gouvy) dont l?altitude est de 512 mètres ; débit moyen : 55,2 m3/s (à Liège) ;
o La Vesdre : source dans les Hautes Fagnes à un kilomètre de la frontière allemande
(Konzen quartier de la commune de Monschau), dont l?altitude est voisine de 543
mètres ; débit moyen : 11,4 m3/s (à Liège).
- le bassin de la Vesdre, qui a concentré une forte part des dommages et des victimes80, et
sa partie amont.
80 Source : Rapport Stucky « Analyse indépendante sur la gestion des voies hydrauliques lors des
intempéries de la semaine du 12 juillet 2021 ».
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Annexe 4.1. Caractéristiques météorologiques et hydrologiques de
l?événement
Annexe 4.1.1 Météorologie
Une situation météo de blocage
Depuis le début de l?été 2021, l?Europe de l?Ouest n?a pas été épargnée par de fréquents passages
pluvio-orageux, en lien avec de régulières gouttes froides, circulant sur le flanc occidental de
conditions anticycloniques de blocage sur l?Europe du Nord et de l?Est. C?était vrai en juin 2021, et
c?est aussi le cas en cette mi-juillet. Ainsi, les rivages de la Baltique et la Scandinavie connaissent
à ce moment un été très chaud qui a contribué, d?une certaine manière, à un fort contenu en vapeur
d?eau sur une grande partie de l?Europe du Nord. Ce fort contenu en eau de l?atmosphère est
souvent invoqué par les climatologues comme la principale raison de l?augmentation de la
fréquence des événements pluvieux extrêmes, déjà observée, à cause du réchauffement
climatique.
La situation météorologique qui a provoqué cette situation est liée à une goutte froide. La goutte
froide de cette semaine-là, de par son déplacement relativement lent, a provoqué des pluies
abondantes et durables sur une partie nord-est de la France, ouest de l?Allemagne et est de la
Belgique. En aspirant de l?air chaud et humide de la Méditerranée, s?ajoutant à l?humidité de l?air
sur l?Europe du Nord, une vaste perturbation pluvieuse s?est organisée sur l?Allemagne de l?Ouest
et le Benelux. Les contenus en eau précipitable ont renforcé le côté diluvien des précipitations,
entraînant des inondations aux conséquences dramatiques.
L?événement pluvial combine un front pluvial immobile, tel que cela peut survenir en hiver, et des
orages. Se sont ainsi retrouvées combinées en un seul événement les configurations hivernales et
les configurations estivales les plus défavorables.
La probabilité d?occurrence du volume de précipitations observé est de l?ordre d?une fois tous les
deux siècles ou une fois par millénaire, hors évolution du climat (hypothèse révolue).
Bien que l?évènement sorte du champ des phénomènes couramment pris en compte par les
modèles météorologiques, ceux-ci avaient mis en évidence, à partir du lundi 12 juillet (la
catastrophe s?est produite dans la nuit du mercredi 14 au jeudi 15 juillet) des précipitations avec
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des maxima locaux pouvant aller jusqu?à 150, voire 200 mm. Dès le dimanche 11 juillet, EFAS
(European Flood Awareness System Copernicus Emergency Management Service) avait indiqué
un risque élevé de crue sur le bassin de la Meuse, affectant notamment la Belgique.
L?action de l'Institut royal météorologique (IRM)
La chronologie d?événements ci-dessous (extraite du rapport de la commission d?enquête du
Parlement de Wallonie sur les inondations de juillet 2021, et s?appuyant notamment sur de
nombreuses auditions) donne un aperçu de la crise et des actions qu?elle a suscitées au sein de
l?administration :
? l?IRM annonce le lundi 12 juillet 2021 de 80 à 130 millimètres de pluie, voire très localement 150
millimètres de pluie, dans les 48 heures et déclenche l?avertissement jaune pour l?ensemble des
provinces wallonnes ;
? l?IRM active son personnel de réserve le lundi 12 juillet 2021 ;
? l?IRM confirme ses prévisions le mardi 13 juillet 2021 et déclenche l?avertissement orange pour
les provinces de Liège, Namur et Luxembourg ;
? l?IRM envoie des fichiers [de prévisions météorologiques de type] « grib » au SPW (Service Public
de Wallonie) indiquant un risque de 190 millimètres de pluie à certains endroits précis ;
? M. Dehenauw, Chef du Service Scientifique Prévisions du temps sein de l'Institut royal
météorologique (IRM) s?est assuré auprès des services de l?IRM que l?ensemble des documents et
fichiers utiles avaient été communiqués aux administrations régionales afin d?éviter tout
dysfonctionnement ;
? les critères sur la base desquels une alerte rouge pouvait être déclenchée concernant la Province
de Liège ont été rencontrés le 14 juillet 2021 ;
? il a précisé qu?à ce moment, il a été estimé que le volume d?eau pouvant tomber sur cette province,
en plus des précipitations déjà tombées annoncées le lundi, pouvait atteindre 150 millimètres
supplémentaires ;
? l?IRM est contacté par la Direction de la gestion hydrologique [du SPW] le matin du mercredi 14
juillet 2021 en vue d?obtenir des explications sur cette évolution du modèle ;
? il serait possible de déroger au délai de 12 heures avant de déclencher une alerte rouge mais
qu?il est alors [jugé] important de ne pas lancer de fausse alerte ;
? l?IRM estime que le risque de ce genre de catastrophe augmente avec le changement climatique
mais qu?on ne peut pas exclure que cela se produise également sans changement climatique.
Annexe 4.2. Hydrologie
Au coeur de la crise
? la phase d?alerte a été enclenchée le 14 juillet 2021 à partir de 6 heures. Dès 8 heures, toutes
les équipes disponibles étaient mobilisées ;
? le même jour, à 9 heures 27 minutes l?IRM a émis un message d?alerte rouge pour l?ensemble de
la province de Liège faisant état de 60 à 150 litres d?eau/m²81 de pluies pour cette même province.
Ces informations ont entraîné des hésitations car les services locaux ignoraient si ces volumes
tenaient compte des volumes d?eau qui sont tombés au cours des jours précédents. En suite de
81 Soit 60 à 150 millimètres
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cette diffusion, l?ingénieur de garde a pris contact avec l?IRM et a compris que ces volumes d?eau
sont des quantités d?eau en plus de celles déjà tombées ;
? toujours le 14 juillet 2021, à 9 heures 59 minutes, une réunion a été initiée par le Centre régional
de crise (CRC) concernant la gestion du barrage de Monsin. Les services du SPW chargés de la
gestion des barrages- réservoirs ont informé lors de cette réunion Centre régional de crise de la
situation difficile de certains barrages ;
? le même jour, à partir, respectivement, de 12 heures 50 minutes et de 13 heures, les stations de
mesure situées sur la Hoëgne et à Chaudfontaine n?ont plus répondu, (en raison de la destruction
ou de la mise hors d?usage des équipements) ce qui a empêché les services locaux de prendre
connaissance de l?évolution de la situation à ces endroits ;
? une réunion a eu lieu le 14 juillet 2021 à 13 heures 30 minutes entre le Centre régional de crise
et le SPW concernant la gestion du barrage de Monsin. Une autre réunion a également lieu le
même jour à 15 heures 30 minutes entre le Centre régional de crise et le Centre provincial de crise.
Cette réunion a concerné la situation des barrages-réservoirs ;
? le 14 juillet 2021, à 15 heures 30 minutes, plusieurs dizaines de voiries communales étaient
bloquées ;
? le 14 juillet 2021, des interventions ont eu lieu et les barrages-réservoirs de la Gileppe et de la
Vesdre ont joué leur rôle de rétention ; le barrage de la Gileppe a stocké tout le volume d?eau qui
est tombé sur son bassin versant et que le barrage d?Eupen a joué son rôle d?écrêtage de crues
pendant plusieurs heures ; le barrage d?Eupen n?avait pas baissé son volume stocké en anticipation
de l?événement très rapide, il a retardé la montée de l?eau et a été en mesure de réduire la pointe
de crue à l?aval par rapport à l?amont (étude Stucky) ; il a atteint les limites de sa capacité de
stockage le même jour à 22 heures 43 minutes. À partir de ce moment, le débit d?eau entrant a été
inférieur au débit sortant ;
? toujours le 14 juillet 2021, à 18 heures 15 minutes, une réunion avec les bourgmestres a eu lieu
afin de faire le point sur l'évacuation des camps de vacances des mouvements de jeunesse ;
? le 14 juillet 2021, à 18 heures 45 minutes, il a été demandé aux communes d'ouvrir des centres
d'accueil ;
? le 14 juillet 2021, à 21 heures, l'autorité fédérale a décidé d'appuyer la coordination stratégique
des gouverneurs de province, de coordonner les moyens fédéraux employés ainsi que la diffusion
d'informations à l'attention de la population et des acteurs mobilisés. Il a précisé qu?à partir de ce
moment, le Directeur général du Centre de crise national (NCCN) a organisé des réunions de
coordination afin de faciliter les échanges d'informations ;
? toujours le 14 juillet 2021, 22 heures 10 minutes, l?IRM a émis un message indiquant que le
Brabant wallon était placé en alerte orange.
M. Dierickx, Directeur de la Gestion hydrologique au sein du Service public de Wallonie Mobilité et
Infrastructures (SPW MI) confirme qu?à aucun moment durant la période de crise son service ne
s?est connecté au service « Map Viewer » de l?EFAS et que l?EFAS n?est d?ailleurs pas utilisé de
façon opérationnelle dans les procédures de sa direction, ce système n?étant pas ? pour
l?administration ? estimé assez fiable à ce stade, mais que le Service Public de Wallonie collabore
pour améliorer le modèle.
Les plus fortes précipitations (270 mm) ont été relevées à Jalhay, commune située sur la rive
gauche du lac de la Gileppe.
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Annexe 4.3. Impacts
Un an après les intempéries, une première estimation évaluait les conséquences des intempéries :
- 39 décès ;
- cent mille personnes sinistrées ;
- 209 communes situées sur le territoire wallon touchées (sur un total de 262 communes) ;
- 48 000 bâtiments, dont 45 000 logements ;
- 559 ponts endommagés ;
- 12 000 véhicules automobiles domiciliés en zone inondée.
Commune de Verviers
Verviers fut un grand centre européen de l'industrie lainière du XIIème au XXème siècle, ville prospère
reconnue internationalement pour le traitement des laines. Cela s'explique par la qualité de ses
eaux particulièrement douces, dépourvues de calcaire et donc de résidus qui pourraient souiller la
laine. L?urbanisation au début du XIXème siècle s?est faite notamment avec des maisons dont un
des murs porteurs tient lieu de berge. Ces maisons en bordure de la Vesdre ont été éventrées lors
des crues liées aux précipitations de juillet 2021. Il en a été de même dans la commune de
Pepinster située juste en aval. La Vesdre est la vallée la plus pentue de cette partie de la Wallonie.
Maison éventrée à Pepinster.
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Maison détruite à Verviers.
Pour ce qui concerne les réseaux de distribution, le nombre de ménages wallons impactés a été
de :
- 56 000 pour le réseau de l?électricité ;
- 25 000 pour le réseau du gaz ;
- 47 000 pour l?eau potable.
Par ailleurs :
- 1342 kilomètres de voies navigables ont vu leurs berges être inondées ;
- 340 000 tonnes de déchets ont été provoquées par les intempéries, 160 000 correspondent à
des déchets ménagers et professionnels provenant essentiellement d?habitations et 180 000 des
procédures de nettoyage des cours d?eau.
Ville de Liège
Liège est la première ville d'Europe continentale entrée dans la révolution industrielle à la suite de
l'industrialisation britannique, avec notamment l?arrivée de l'Anglais John Cockerill en 1797 avec
son père William Cockerill. Liège est la capitale économique de la Wallonie. La quasi-totalité des
cours d?eau de Wallonie confluent vers Liège ; la Meuse est entièrement canalisée sur une
longueur de 12 km dans Liège. Au niveau de la vieille ville, le lit majeur du fleuve reste étroit (largeur
moyenne de 1,3 km). Les précipitations de juillet 2021 ont inondé plusieurs quartiers, notamment
ceux situés sur l?Ourthe, mais aussi le tunnel de Cointe qui permet la traversée autoroutière de
Liège sur l?axe Luxembourg vers les ports d?Anvers et de Rotterdam. Pendant 6 mois, la circulation
a été limitée aux véhicules légers sur une seule voie ; il a fallu attendre un an pour que les deux
voies soient rouvertes et autorisées aux semi-remorques.
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Annexe 4.4. Organisation de l?action publique, répartition des
compétences et responsabilités
En Belgique :
- Les prévisions météorologiques constituent une compétence fédérale, exercée par l'Institut
royal météorologique (IRM) ; la règle, en Belgique, est qu?une alerte « rouge » ne peut être
émise que 12 heures avant le phénomène, une alerte « orange » 24 heures à l?avance et une
alerte « jaune » 48 heures à l'avance ; ces délais institutionnalisent un équilibre entre fiabilité
de la prévision, besoin d?anticipation et souhait d?éviter les fausses alertes ;
- La gestion hydrologique est une compétence régionale, pour ce qui nous concerne le Service
public de Wallonie - Mobilité et Infrastructures (SPW MI) ;
- La gestion de crise est une compétence répartie entre le niveau fédéral, le niveau régional,
le niveau provincial et le niveau communal.
Annexe 4.5. Questions et problématiques mises en évidence par
l?événement
Pour ce qui concerne les barrages, leur gestion a été différente selon les exploitants, tel que cela
apparaît dans les auditions devant la commission parlementaire d?enquête mentionnées ci-
dessous, cela n?a pas manqué d?alimenter des polémiques :
- leur fonction habituelle est d?écrêter les crues en hiver et au printemps, et de constituer des
réserves d?eau pour la période estivale ; par ailleurs, les barrages d?Eupen et de la Gileppe
constituent les deux principales réserves d?eau potable de l?agglomération liégeoise ;
- Pour l'exploitation des ouvrages hydro-électriques d'ENGIE en Wallonie, sur la gestion
opérationnelle des barrages de Butgenbach et de Robertville (communes toutes deux
traversées par la Warche, affluent de l?Amblève) :
o « les 12 et 13 juillet 2021, l?auditionné explique que le volume d?eau dans les barrages
de Butgenbach et de Robertville est diminué par turbinage progressif » ;
o « en période de crue, sur le barrage dont il a la gestion, la seule priorité est l?écrêtage
de crue, qui passe avant la production d?électricité, tandis que la fonction liée à l?eau
potable est très restreinte et n?entre pas en considération dans l?arbitrage ».
- Pour l'exploitation des barrages et des ouvrages hydro-électriques de l?entreprise publique
autonome SWDE (Société wallonne des Eaux, coopérative dont le capital social est réparti
entre 207 communes, 10 intercommunales, 4 provinces wallonnes, la Région wallonne et la
Société Publique de Gestion de l?Eau) :
o suite aux informations communiquées par l?IRM, « avant le 14 juillet 2021, la réserve
d?empotement du barrage de la Vesdre était de 5,6 millions de mètres cubes, le
barrage était donc rempli à 79 % », autrement dit pas de lâcher préventif ;
o « le même jour [14 juillet 2021], à 12 heures, il a été constaté que la Vesdre était en
situation de crue. En suite de ce constat, la Direction des Barrages-réservoirs du SPW
MI a informé le CRC de l?état de la situation et une réunion spécifique relative à la
gestion du barrage d?Eupen a été organisée le même jour, l?après-midi » ;
o « en suite de cette réunion, il a été décidé d?augmenter la restitution du barrage
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d?Eupen afin de retarder le moment où le lac serait rempli » ;
o « le 14 juillet 2021, à 18 heures 45 minutes, il a été décidé que le barrage d?Eupen
pouvait procéder à libérer certains volumes d?eau de manière continue » ;
o « le barrage d?Eupen a atteint les limites de sa capacité de stockage le même jour à
22 heures 43 minutes. À partir de ce moment, le débit d?eau entrant a été inférieur au
débit sortant », autrement dit toutes les vannes ont été ouvertes afin d?éviter le risque
de rupture de la retenue d?eau ;
- Selon le rapport Stucky82 , commandité par le Gouvernement wallon, afin de mener une
analyse indépendante sur la gestion des voies hydrauliques lors des intempéries de la
semaine du 12 juillet 2021 :
o « La présence du barrage d?Eupen a par ailleurs permis de retarder la montée de la
crue puisque les volumes ont été stockés durant toute la première moitié de
l?évènement permettant par exemple de limiter le débit aval à environ 25 m³/s alors
que la crue atteignait un premier pic à environ 130 m³/s, le 14.07.2021 aux alentours
de 16h30 » ;
o « Le 13.07.2021 à 23 :07, l?alarme BT ? Rés est déclenchée, ce qui déclenche le
mode de gestion « alarme crue ». Le turbinage doit être maximal et le niveau du lac
est surveillé pour ne pas dépasser la côte critique Nmax de 360.80 m » ;
o « Lors de cette gestion, la note précise que le tunnel de la Helle (qui amène au
maximum 25 m³/s dans le lac d?Eupen) doit être fermé en cas de risque d?inondation
entre le barrage et la confluence Helle-Vesdre. Lors des évènements de juillet, ce
tunnel n?a pas été fermé » ;
o « Par ailleurs, dès le 14.07.2021 à 04 :17, l?alarme hlimn.Vesdre Pepinster > 3.10 m est
dépassée? Cette alarme est survenue 5h après l?alarme « BT dépassé », ce qui n?a
pas permis d?effectuer les lâchures suffisantes » ;
o Les consignes de déversements ont ensuite été suivies tout au long de la crue et le
niveau du lac a dépassé sa côte critique (Nmax = 360.80) le 14.07.2021 à 22 :43,
puis sa hauteur maximale (hauteur du lac maximale pour garantir la sécurité
structurelle de l?ouvrage : 361 m) le 14.07.2021 à 00 :28 » ;
o « Une pointe de 196 m³/s est atteinte le 15.07.2021 à 01:30 ».
Toujours est-il que la commission d?enquête du Parlement de Wallonie a retenu 25
recommandations ayant trait à la gestion des barrages et ouvrages d?art.
Durée de retour de tels phénomènes météorologiques et hydrologiques :
- Certains évoquent des pluies centennales, localement même bicentennales, en se fondant
sur les relevés des deux siècles précédents (au maximum), ce qui n?intègre pas le
réchauffement climatique ;
- M. Fettweis, Directeur du laboratoire de climatologie de l'Université de Liège, a déclaré que
« si on maintient les objectifs visant à limiter le réchauffement climatique à une hausse de 1,5
degré Celsius, les événements de juillet 2021 pourraient se répéter tous les 10 à 20 ans en
Belgique », mais aussi que « les sécheresses poseront davantage de défis aux autorités
publiques que les inondations ».
82 Rapport Stucky « Analyse indépendante sur la gestion des voies hydrauliques lors des intempéries de la semaine
du 12 juillet 2021 ».
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En tout état de cause, il apparaît indispensable de recalibrer ou d?adapter les modèles
actuels de prévision, voire de développer de nouveaux modèles, et de prendre en compte
dans l?urbanisation les références statistiques de crue mises à jour.
Carte du bassin versant de la Vesdre.
La reconstruction dans les communes les plus durement touchées :
C?est dans la vallée de la Vesdre qu?il y a eu le plus de victimes. L?aménagement des berges est
un point de passage obligé, avec probablement destruction de maisons en bord de rivière, de façon
à pouvoir édifier des berges à même de résister à de telles inondations, et de laisser plus de place
à l?eau.
Annexe 4.6. Suites données, apprentissages, réflexions et actions
engagées
Le Parlement de Wallonie a décidé le 1er septembre 2021 de créer une commission d?enquête
chargée d?examiner les causes et d?évaluer la gestion des inondations de juillet 2021 en Wallonie.
Ses missions sont :
- d'évaluer les outils existants et les mesures prises dans la sphère des compétences de la Région
wallonne en matière de prévention et d?anticipation des inondations ;
- d?évaluer les éléments de contexte ayant conduit à ces inondations et notamment l?ampleur du
caractère exceptionnel des précipitations ;
- d?analyser les causes en lien avec les réalités et les enjeux climatiques, environnementaux et
d?aménagement du territoire ;
- d?examiner les mesures prises au niveau wallon ainsi que les interactions avec les autres autorités
compétentes ;
- d?analyser les mécanismes de prévision et modèles météorologiques d?anticipation de la menace
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des précipitations et d?inondations ;
- d?analyser les interactions et notamment le fonctionnement des systèmes d?alerte et les échanges
d?information entre le niveau régional, les autres niveaux de pouvoir belge et européen et les
différents acteurs concernés ;
- d?analyser la gestion des outils et notamment les infrastructures hydrauliques ;
- d?examiner la gestion de la crise en termes d?évacuation et de secours, d?une chronologie des
différentes décisions prises ;
- de formuler, sur la base de ces travaux, des recommandations permettant en particulier de
répondre dans le cadre des matières ressortissant à la Région wallonne aux défis liés aux causes
et à la gestion des risques d?inondations dans un contexte d?adaptation climatique. Ces
recommandations devront conduire à l?élaboration de toute proposition de décret ou de résolution.
Cette commission d?enquête s?est réunie très régulièrement (2, 10, 16, 17, 24 et 30 septembre, 1er,
8, 15, 22, 29 octobre, 12, 18, 19, 25 et 26 novembre, 2, 3, 10 et 17 décembre 2021, 14, 21 et 28
janvier, 11 février et 11 mars 2022). Elle a adopté le rapport final le 31 mars 2022.
La commission d?enquête du Parlement de Wallonie a retenu 161 recommandations :
? 19 recommandations ont trait à l?amélioration des alertes, de leur gestion et de leur diffusion :
- Dont la n° 1 « engager résolument la Wallonie dans le réseau européen constitué par l?EFAS
et ses différents outils », « intégrer l?usage de l?ensemble des outils proposés par l?EFAS
(alertes formelles et informelles « flood » et « flash flood » et « Map viewer ») dans les
procédures du SPW », « participer aux réunions annuelles et aux formations nécessaires » ;
- Dont la n° 3 « Développer et renforcer le partenariat entre le Service Public de Wallonie (SPW)
et l?Institut Royal Météorologique (IRM) » ;
- Dont la n° 4 « Améliorer les conditions et le séquençage d?utilisation des codes d?alerte de
l?IRM afin de pouvoir déclencher des alertes jaunes, oranges et rouges sans attendre 48
heures, 24 heures ou 12 heures, en cas de risque d?événements météorologiques de nature
ou d?ampleur exceptionnelles » ;
- Dont la n° 6 « d?intégrer progressivement dans le modèle de prévision hydrologique «
HydroMax » les prévisions météorologiques du European Centre for Medium-Range Weather
Forecasts (ECMWF) et les données issues des cours d?eau non navigables (Aqualim) », « de
renforcer les capacités de modélisation hydrologique en prenant en compte un facteur de
risque plus grand lié à l?augmentation des phénomènes climatiques extrêmes », « de
développer des modèles d'alarme spécifiquement liés aux phénomènes de « flash flood » ;
- Dont la n° 7 « Clarifier et rendre publics la terminologie des codes et seuils de pré-alerte et
d?alerte de crues afin de mieux rendre compte des risques d?événements hydrologiques d?une
nature exceptionnelle » ;
- Dont la n° 8 « Veiller à ce que la DGH SPW MI adresse une communication compréhensible,
signifiante et directement exploitable aux autorités régionales et communales compétentes
ainsi qu?à la population » ;
- Dont la n° 9 « Établir un canevas de bulletin d?information, des messages de pré-alerte,
d?alerte et concernant la situation des eaux (données chiffrées, degré de gravité) » ;
- Dont la n° 11 « Améliorer les stations de mesures hydrométriques afin, d?une part, d?agrandir
la gamme de mesure des débits avant une situation de défaillance et, d?autre part,
d?augmenter leur résistance » ;
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- Dont la n° 13 « En concertation avec les médias, tant publics que privés, intégrer les données
hydrologiques vulgarisées dans les bulletins météorologiques grand public en cas de
prévision de crues et, le cas échéant, prévoir la diffusion de messages de pré-alertes et
d?alertes ».
? 21 recommandations ont trait au développement de la culture du risque dans la population et
dans les administrations :
- Dont la n° 21 « Former davantage d?agents publics à la planification d?urgence et à la gestion
de crise » ;
- Dont la n° 25 « Développer un plan d?urgence d?aide psychosociale en cas de crise
majeure ? » ;
- Dont la n° 29 « Dès l?émission d?un code jaune par l?Institut Royal Météorologique (IRM),
appréhender la situation en approche et par équipes multidisciplinaires et effectuer des points
réguliers sur l?évolution des informations » ;
- Dont la n° 30 « Élaborer, en bonne intelligence avec les communes concernées, des cartes
d?évacuation et de mise à l?abri lisibles, y compris en cas de délestage préventif,
accompagnées d?un inventaire des sites pouvant accueillir les personnes évacuées » ;
- Dont la n° 32 « En parfaite cohérence avec les Plans généraux d?urgence et d?intervention
(PGUI), effectuer régulièrement des exercices d?évacuation et de mise à l?abri de la population
ainsi que des stress tests liés aux infrastructures sensibles » ;
- Dont la n° 36 « Créer un cadre permettant une organisation avec les bénévoles, pendant et
après la catastrophe, et mettre à disposition les lieux et le matériel nécessaires pour rendre
cette aide efficace » ;
- Dont la n° 37 « Formaliser la délégation pour absence (applicables aux bourgmestres,
gouverneurs de province, fonctionnaires, etc.) sur la base de critères préalablement définis
ainsi que sur l?étendue de la délégation ».
? 17 recommandations ont trait au rôle et au fonctionnement du centre régional de crise (CRC-W)
et à son interface avec le Groupe Transversal Inondations :
- Dont la n° 41 « Adopter un décret relatif au Centre régional de Crise de Wallonie (CRC-W)
ayant pour objectifs d?en clarifier les rôles et les missions, d?en moderniser le fonctionnement
et d?en faire la porte d?entrée unique des services régionaux en matière d?expertise du
risque » ;
- Dont la n° 43 « Renforcer le rôle du CRC-W en tant qu?interlocuteur de référence pour les
gestionnaires de crise, lorsqu?une phase de crise est déclenchée à l?échelon local, provincial
ou fédéral » ;
- Dont la n° 48 « En situation de crise ou de phase provinciale ou fédérale, placer le CRC-W
sous l?autorité directe du Secrétaire général du SPW, ce dernier disposant, en coordination
avec les Directions générales concernées du SPW, d?un pouvoir d?injonction ».
? 27 recommandations ont trait au rôle et au fonctionnement des gestionnaires de crise (Fédéral,
Province, Commune), à leur organisation et à celle de leurs interfaces :
- Dont la n° 58 « solliciter de l?Autorité fédérale la clarification du commandement dans la
gestion de crise. Déterminer clairement les mécanismes de coopération entre différentes
entités dans l?hypothèse d?une succession de déclenchement de phases d?urgence. Rappeler
le rôle et la responsabilité de chaque intervenant dans chaque phase d?urgence (NCCN,
Centre de crise provincial, Centre de crise communal) » ;
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- Dont la n° 61 « Rendre obligatoire la formation à la planification d?urgence et à la gestion de
crise pour les coordinateurs en planification d'urgence (PLANU) et les agents qui les
remplacent, clairement désignés, pour les gouverneurs de province et les commissaires
d?arrondissement » ;
- Dont la n° 68 « Intégrer systématiquement les gestionnaires de barrages dans le système
ICMS (Incident & Crisis Management System) lorsque ceux-ci sont concernés directement
ou indirectement » ;
- Dont le n° 69 « Formaliser et systématiser l?organisation de debriefings et de retours
d?expériences des gestionnaires de crise ? » ;
- Dont la n° 70 « En matière d?alerte et de communication d?urgence :
o généraliser l'utilisation de l?outil « BE-Alert » par les autorités locales ;
o augmenter le taux d?inscription de la population à BE-Alert ;
o améliorer un réseau radio « Astrid », « Blue Light Mobil » ou similaire accessible aussi
pour les autorités locales (coordinateur planification d'urgence (PLANU) et/ou
bourgmestre) »
- Dont la n° 72 « Assurer, sur les réseaux sociaux, une communication large et efficace en
période de crise pour permettre l?adhésion de la population aux mesures envisagées et lutter
contre les « fake news » ;
- Dont la n° 73 « En plus de l?arsenal existant, des médias et des réseaux sociaux, établir une
démarche de communication de terrain telle que, par exemple et selon les cas :
o la constitution d?un réseau de points de contact par quartier et, le cas échéant, son
activation en cas de crise ;
o l?utilisation de haut-parleurs dans les quartiers ;
o le porte-à-porte ;
o les sirènes. »
- dont la n° 81 « Demander au Gouvernement wallon de solliciter le Gouvernement fédéral afin
qu?il prévoit une procédure claire d?urgence interzones et fixant quel commandant de zone de
secours dirige les opérations ».
? 25 recommandations ont trait à la gestion des barrages et ouvrages d?art :
- dont la n° 85 « Créer un cadre légal pour la gestion et la sécurité des barrages-réservoirs
publics et privés situés en Wallonie, ainsi que pour leur contrôle externe ayant pour objectif
de :
o garantir la sécurité des ouvrages en tout temps ;
o organiser les modalités d?un dialogue entre les gestionnaires des barrages-réservoirs
de Wallonie. »
- dont la n° 86 « Sans attendre l?établissement de ce cadre légal, organiser dans les meilleurs
délais un audit externe des barrages-réservoirs » ;
- dont la n° 89 « Modéliser les parties du bassin versant en amont des barrages afin de pouvoir
estimer de façon plus fine et en temps réel les besoins à couvrir par la réserve d?empotement
des barrages-réservoirs » ;
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- dont la n° 91 « Autoriser le Service Public de Wallonie (SPW) à imposer par injonction à la
SWDE (Société wallonne des eaux) et à tout gestionnaire de barrage ou exploitant de centrale
électrique, un turbinage immédiat en situation de crise » ;
- Dont leda n° 93 « Concernant les modèles prévisionnels propres à la gestion des barrages :
o équiper les barrages d?outils de prévision permettant au gestionnaire de réaliser des
prévisions crédibles de l?impact du ruissellement sir la gestion de l?ouvrage ;
o développer un modèle mathématique permettant d?estimer le volume d?eau entrant
dans l?ouvrage en fonction de prévisions météorologiques et d?un ruissellement
donné » ;
- dont la n° 94 « Modéliser l?impact de lâchers de barrage sur le bassin versant en aval, en
intégrant également l?impact du ruissellement sur les bassins versants et actualiser sur cette
base les informations de la note de manutention sur la célérité de l?onde de crue » ;
- dont la n° 96 « Intégrer dans la gestion des barrages un plan d'alarme prévoyant une montée
en puissance selon différents niveaux d'alarmes avec des règles à respecter pour chaque
niveau afin de clarifier le rôle des gestionnaires des barrages » ;
- dont la n° 105 « Systématiser et formaliser la communication entre les gestionnaires des
barrages-réservoirs et les autorités locales, les zones de secours et les zones de police en
prévoyant des réunions régulières ».
? 9 recommandations ont trait à la gestion des cours d?eau :
- dont la n° 110 « Préconiser une approche pluridisciplinaire par sous-bassin versant, en tenant
compte des enjeux en amont et en aval, afin de contribuer à la protection des personnes et
des biens ».
? 26 recommandations ont trait à l?aménagement du territoire et aux modalités de reconstruction :
- dont la n° 119 « Étudier la manière la plus adéquate de modifier le cadre légal assurant la
prise en compte des cartes d'aléas d?inondations lors de la délivrance des permis
d'urbanisme » ;
- dont la n° 122 « Mieux faire connaître l?existence de la Cellule GISER (Gestion Intégrée Sol
? Érosion ? Ruissellement du SPW) et organiser la possibilité pour un porteur de projet de
construction ou d?urbanisation de demander, avant la phase d?instruction du permis, un avis
indicatif global préalable intégrant les analyses de la Cellule GISER, des gestionnaires de
cours d?eau, des gestionnaires d?égouttage et de tout autre acteur pertinent » ;
- dont la n° 125 « Informer les propriétaires et les locataires des bonnes pratiques en matière
d?aménagement ou de construction afin de rendre les maisons moins vulnérables aux risques
climatiques et environnementaux » ;
- dont la n° 126 « Mettre à jour les cartes des zones inondables et les cartes d?aléas
d?inondations, prioritairement dans les zones sinistrées » ;
- dont la n° 133 « Augmenter la capacité d?infiltration des sols? » ;
- dont la n° 134 « Elaborer des études de ruissellement à l?échelle de quartiers ou de
communes avec définition précise du risque et mise en place de mesures constructives ? » ;
- dont la n° 135 « Mettre en place des « masters plans » afin d?organiser la reconstruction et la
prévention des risques d?inondations, dans une approche cohérente et planifiée à l?échelle
des sous-bassins versants, en commençant par la Vesdre, par les vallées sinistrées? » ;
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- dont la n° 138 « Assurer une reconstruction des berges des cours d?eau, par priorité dans les
zones urbaines ou urbanisées, en intégrant l?évolution du comportement des cours d?eau à
la suite des crues de juillet 2021? ».
? 10 recommandations ont trait à diverses politiques publiques, ainsi qu?à l?organisation et au
fonctionnement du service public de Wallonie (SPW) :
- dont la n° 145 « Améliorer la transversalité au sein du Service Public de Wallonie (SPW) pour
sortir d?une gestion en silos » ;
- dont la n° 146 « Renforcer le rôle de coordination du secrétariat général du SPW en
améliorant la transversalité entre les directions générales » ;
- dont la n° 149 « Développer, au sein du SPW, des outils permettant de mutualiser la collecte
de données pour estimer les dégâts sur le territoire des communes concernées en temps de
crise ».
? 7 recommandations ont trait aux autres politiques.
- dont la n° 156 « Créer un plan de gestion et d?évacuation des déchets en situation d?urgence,
prenant en compte la répartition des responsabilités entre les acteurs concernés et organisant
au bénéfice des communes, sous l?égide [?] une procédure de crise pour le nettoyage des
déchets immédiats produits » ;
- dont la n° 160 « Mettre en relation les vétérinaires urgentistes ainsi que les acteurs du bien-
être animal avec les cellules de sécurité provinciale et les plans d?urgence des pouvoirs
locaux pour la gestion des situations de crise impliquant les animaux, tant d?élevage que pour
les particuliers ».
Annexe 4.7. Liste des documents consultés spécifiques à
l?événement
Rapport de la commission d?enquête du Parlement de Wallonie (24/03/2022).
CR des auditions de la commission d?enquête du Parlement de Wallonie (2, 10, 16, 17, 24 et 30
septembre, 1er, 8, 15, 22, 29 octobre, 12, 18, 19, 25 et 26 novembre, 2, 3, 10 et 17 décembre 2021,
14, 21 et 28 janvier, 11 février et 11 mars 2022).
Rapport Stucky « Analyse indépendante sur la gestion des voies hydrauliques lors des intempéries
de la semaine du 12 juillet 2021 ».
Un an après les inondations - bilan de la gestion post-inondations et continuité de la reconstruction,
Commissariat spécial à la Reconstruction, Région de Wallonie (2022).
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Annexe 5. : les grandes caractéristiques de
l?événement d?inondations de mi-juillet 2021 en
France
Annexe 5.1. Caractéristiques météorologiques et hydrologiques de
l?événement
Annexe 5.1.1 Météorologie
Le lundi 12 juillet, une goutte froide liée à la dépression Bernd a abordé la France par le nord-ouest.
Elle traverse lentement le nord-est du pays le 13 juillet avant de s'isoler sur le sud-ouest de
l'Allemagne, bloquée par les champs de haute pression situés sur l'Europe centrale. Elle y
stationne du mercredi 14 au vendredi 16 juillet, avant de perdre en activité. Les précipitations les
plus intenses, facteurs de dommages, et liées à ce phénomène, sont notamment alimentées par
de l?air chaud et humide provenant de la Mer baltique. Ces précipitations intenses concernent
progressivement l?est de l?Ile-de-France le 12 juillet, puis le 13 et le 14 l?est des Hauts-de-France,
plus ou moins fortement tous les départements du Grand Est, l?est (dès le 14) puis le sud (le 15)
de Bourgogne Franche Comté, le nord d?Auvergne Rhône-Alpes (à partir du 15).
La figure ci-dessous présente les cumuls de précipitations sur 72 heures, du 13 juillet matin au 16
matin. Si des intensités sur 24 heures ont battu des records sur 30 ans ou plus de mesure,
l?événement est d?abord rare (pour le territoire français) par l?étendue et la stabilité géographique
de ces précipitations intenses. Météo France estime que l?événement global présente une durée
de retour de l?ordre de 400 ans, c?est-à-dire qu?il a une chance sur 400, chaque année, d?être atteint
ou dépassé en importance à cette échelle géographique.
Figure 1 : Cumul de précipitation (mm) du 13 juillet à 6 heures UTC au 16 juillet à 6 heures UTC (source
Météo France).
Les prévisions de Météo France, à partir des modèles européens et français notamment, avaient
anticipé 3 jours à l?avance un risque de cumuls locaux de pluie de 100 mm en 48h. Onze
départements avaient été placés en vigilance orange « forte pluie ? inondations, fortes
précipitations », dont huit ont été réellement touchés, les trois autres partiellement ou de manière
atténuée.
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Annexe 5.1.2 Hydrologie
Si le début d?été 2021 est l?un des trois les plus arrosés sur l?ensemble de la France métropolitaine,
l?état d?humidité des sols est très variable selon les territoires touchés, variant entre un état
statistique d?humidité moyenne et un état saturé. Les fortes pluies ont ainsi rencontré des sols dans
des états initiaux très différents.
Il en est résulté un ensemble d?inondations, liées à des débordements de cours d?eau et à des
ruissellements. Pour ce qui concerne les cours d?eau surveillés par l?Etat, il s?agit du plus grand
nombre (20) de tronçons placés simultanément en vigilance orange depuis 2006 au niveau national.
La figure 2 présente, par territoires de SPC (service de prévision des crues), les nombres de jours
où la vigilance crue la plus forte a été respectivement jaune et orange, à l?échelle de l?ensemble du
mois de juillet. Des inondations sont survenues par exemple dans la troisième décade du mois
dans le nord-nord-est, mais l?essentiel des vigilances, dans le grand nord-est du pays, est à
attribuer à l?événement de mi-juillet.
Figure 2 : Nombres de jours en vigilance maximale orange ou jaune, par territoire de prévision des crues,
en juillet 2021 (source : la vigilance « crues » - bilan 2021, Vigicrues, 24 p.)
Il faut noter que le Rhin se trouve dans le même temps en crue d?occurrence environ décennale
(vigilance jaune depuis le 4 juillet), en lien avec des précipitations antérieures à l?événement
météorologique considéré.
Hors du Rhin (régime nival, pouvant présenter des régimes de hautes eaux en été), le reste de la
zone touchée est habituellement concerné très majoritairement par des crues hivernales, ou par
des phénomènes orageux bien plus localisés, ayant moins d?incidence hydrologique à l?échelle de
bassins versants d?une certaine taille. Les inondations observées mi-juillet sont d?abord atypiques
par la saison, notamment sur l?Aisne et l?Oise, sur la Chiers affluent de la Meuse, sur la Marne
amont et la Marne moyenne.
Sur certaines parties de l?Aisne et de la Chiers, les niveaux de crue mesurés sont les plus
importants depuis la mise en place de mesures : on a atteint un niveau de crue cinquantennal sur
l?Aisne, dépassé un niveau vingtennal sur la Chiers. Il faut cependant signaler que les cotes étaient
plus hautes que celles observables en hiver pour des mêmes débits (Cf. plus loin). La Vezouze,
affluent de la Meurthe, a présenté sur sa partie aval des niveaux de crues vingtennaux à
cinquantennaux. Le Helpe majeure, affluent de la Sambre (elle-même affluent de la Meuse) a
connu des niveaux de crues décennaux à vingtennaux. Par contre, les crues des affluents du Rhin
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et la Marne amont sont restés sous le niveau quinquennal, l?Aube sous le niveau biennal? Il ne
s?agit pas d?un relevé exhaustif, mais d?une illustration de cet événement de grande ampleur mais
très inégal en intensité.
On retrouve de même une grande diversité dans les dynamiques des crues : les parties de bassin
proches des zones de précipitations intenses ont connu des vitesses de montée (et de redescente)
de l?eau inhabituellement rapides en regard des crues d?hiver, alors que pour d?autres la dynamique
était plus proche des événements connus. Certains cours d?eau ont connu plusieurs pics de crue,
malgré la relative brièveté de l?événement.
Outre la particularité de l?événement météorologique, et par endroits celle du niveau d?humidité des
sols, les conditions de formation et d?écoulement des crues de cours d?eau ont été très fortement
modifiées, par rapport aux crues d?hiver, par l?état de la végétation (densité, hauteur, robustesse) :
végétation aquatique, végétation des berges, végétation des lits majeurs et notamment cultures
agricoles (avec une différence selon qu?un champ de céréales était déjà moissonné ou non).
En un point donné, les hauteurs d?eau pour un même débit se sont trouvées accrues par l?effet du
frottement de l?écoulement sur la végétation. En se basant sur les relations entre cotes et débits,
établies à partir de mesures « hivernales », on a ainsi surestimé les débits estivaux jusqu?à 30%
sur la Chiers, 40% sur l?Helpe.
A ce phénomène se sont ajoutés deux autres facteurs :
? un amortissement plus important des crues de l?amont vers l?aval, et donc une propagation
moins importante que d?habitude des débits vers l?aval ;
? un ralentissement des vitesses de propagation des crues de l?amont vers l?aval.
Ces différents facteurs ont parfois très fortement perturbé les modèles de prévision des crues,
élaborés à partir des crues d?hiver, et qui ont de fait affiché des erreurs et des incertitudes plus ou
moins importantes. Les équipes d?hydrométrie ont pu faire des mesures de débits réels, avec la
contrainte de la brièveté relative des crues, compliquant la possibilité de faire des mesures au
moment des maximums, et le fait que certains services d?hydrométrie n?avaient pas mis en place
d?astreinte pour faire des mesures urgentes en cas de crue en été. Les services ont mis en place
en urgence des moyens de mobilisation des équipes, en période de congés estivaux, mais il a été
compliqué de s?adapter à une situation inédite.
Le dispositif européen de prévision des crues, EFAS (European Flood Awareness System), a
annoncé des crues dès les 9 et 10 juillet notamment pour le bassin du Rhin, et la partie belge du
bassin de la Meuse (notifications aux autorités le 12).
Les retours d?expérience des services de prévision des crues détaillent les résultats du travail de
prévision au fil de l?événement, et les difficultés intrinsèques liées à l?hydrologie estivale
« inhabituelle ». Les prévisions de précipitations, qui servent souvent de donnée d?entrée à la
prévision des crues, ont fluctué significativement en raison de la difficulté intrinsèque de prévoir
quantitativement ces précipitations intenses à une échelle opérationnelle. Ainsi, les précipitations
intenses prévues sur le versant ouest des Vosges, sur le bassin de la Meurthe, se sont produites
en décalage vers le nord-ouest sur le bassin de la Chiers : les prévisions de crues étaient de fait
surestimées sur la Meurthe, et réajustées avec très peu de temps de préavis sur la Chiers.
Les barrages à but multiple ont contribué à l?écrêtement des crues, d?après les informations
recueillies, dans le respect de leurs règlements d?eau (donc dans le respect des arbitrages pré-
établis entre usages et dans le respect des règles de sécurité), notamment les barrages Aube,
Marne et Seine, ou encore le barrage de Vouglans sur l?Ain. Le barrage Marne, se trouvait rempli
à 94%, en raison des objectifs de soutien d?étiage, il a écrêté la crue jusqu?à atteindre le niveau
maximum de sécurité prévu, pour la première fois depuis sa mise en service. Selon les barrages
et l?intensité des crues arrivant de l?amont, le remplissage effectif a permis plus ou moins
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Août 2023 Retour d?expérience des inondations des 14 et 15 juillet
2021
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d?écrêtement effectif de la crue.
Outre les cours d?eau, sont apparus, dans certains territoires, des phénomènes nouveaux de
ruissellements, en général pas ou peu pris en compte dans les plans de prévention des risques
d?inondation (PPRI,) et des coulées de boues parfois inattendues. Enfin, des glissements de terrain
sont survenus, en lien avec la situation météorologique et l?état des sols, à Savonnières (55) et en
trois endroits dans le Jura (produisant des coupures de voies de communication, sans impacts sur
des habitations, et sans interférence avec la gestion des situations d?inondations).
Annexe 5.2. Impacts
Dans les Ardennes, une rupture de digue de Voies Navigables de France a augmenté le débit de
l?Aisne, et conduit à des évacuations dans un village exposé à une crue « renforcée ». Par ailleurs,
une digue amovible mise en place pour protéger un centre bourg en Saône-et-Loire a rompu,
inondant le centre-ville : une petite vingtaine de personnes ont été mises en sécurité. Les impacts
des défaillances d?ouvrages signalées sont restés limités.
D?après les informations recueillies par la mission, aucun décès attribuable aux inondations n?a été
à déplorer. Quelques dizaines de personnes ont été évacuées de leurs habitations dans l?Aisne,
dans les Ardennes et dans la Marne, quelques personnes (moins d?une vingtaine à chaque fois)
ont été évacuées ou mises en sécurité en Meurthe-et-Moselle (sans compter les personnes aidées
à se mettre à l?abri dans les étages), dans la Meuse, en Saône-et-Loire. Par ailleurs, on compte
l?évacuation de plusieurs campings, mais aussi un refus par un exploitant de mettre en oeuvre les
consignes d?évacuation ainsi qu?une évacuation de camping tardive. A également été évacué un
camp de mouvement de jeunesse. Les caractéristiques saisonnières de l?événement ont de fait eu
un impact sur les dommages et pertes correspondant à ces activités et hébergements de vacances.
Un village de loisirs / vacances a vu 250 de ses 800 cottages endommagés, mais les résidents
concernés ont pu être évacués à temps et relogés dans les cottages libres et hors d?eau. On ne
dispose pas d?éléments sur les pertes d?exploitation sur le reste de la saison estivale.
Au moins deux Ehpad ont été touchés par les inondations, sans évacuation signalée (contrairement
à une résidence autonome pour personnes âgées), par contre les services de secours ont dû
mettre en place des moyens d?alimentation électrique.
Pour ce qui concerne les autres dommages matériels et économiques, la mission ne dispose
d?aucun bilan exhaustif. On note en particulier de nombreuses coupures de routes, et des
dommages agricoles sur lesquels on revient plus loin, en raison notamment de leur importance (et
aussi de leur sensibilité dans le contexte local) et du caractère atypique dû à la saison.
On peut illustrer l?ampleur de l?événement au travers des reconnaissances au titre du régime
d?indemnisation des catastrophes naturelles (tableau 1) : la mission estime qu?à fin février 2023,
434 communes de 20 départements ont vu reconnaître l?état de catastrophe naturelle, au titre des
inondations et coulées de boues, pour des phénomènes locaux commençant entre le 12 et le 19
juillet 2021, et liés à la dépression Bernd.
Ces déclarations ne concernent pas les dommages agricoles aux cultures et au bétail, qui
constituent la plus grande spécificité qualitative des impacts des inondations de juillet 2021, par
rapport aux inondations touchant habituellement les territoires concernés.
En effet, en période « hivernale », les champs cultivés sont exempts de plantations ou présentent
des stades de croissance des plantes qui soit sont modérément vulnérables, soit peuvent être
remplacés avec un surcoût d?exploitation partiel. Par ailleurs, les prairies ne sont, dans les
territoires considérés et pendant la saison habituelle des crues, ni utilisées pour y parquer du bétail,
ni fauchées.
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Août 2023 Retour d?expérience des inondations des 14 et 15 juillet
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En juillet, une partie des céréales à paille n?avait pas été moissonnée, le maïs n?était pas exploité
mais déjà relativement haut, et les prairies étaient utilisées soit pour parquer du bétail, soit pour
produire du foin. Dans l?Aisne, par exemple, 30% du maïs et 60% des autres céréales inondées
ont été détruits, l?herbe des prairies inondées s?est trouvée inutilisable en raison des dépôts de
vases, de limons, de déchets? Les agriculteurs n?ont, par endroits, pas été destinataires d?alertes
spécifiques, qui auraient peut-être permis à la marge de moissonner quelques parcelles dans le
court délai disponible.
Tableau 1 : Nombres de communes reconnues en catastrophe naturelle suite à inondations et coulées de
boues, pour des inondations commençant entre le 12 et le 18 juillet, en relation avec la dépression Bernd
(source : mission)
Département Nombre de communes reconnues en catastrophe naturelle
01 4
02 29 (non comptée 5 reconnaissances pour période 19 au 21/07)
08 49 (non comptée 1 reconnaissance pour période 19 au 21/07)
10 3
25 2 (et refus pour 2 autres communes)
39 77 (et refus pour 7 autres communes)
51 22
52 41
54 52 (et refus pour 14 autres communes)
55 73
57 21
59 2
60 1
67 9
68 2
71 8
77 23
88 2
93 9
94 5
total 434 dans 20 départements (et refus pour 23 communes de ces mêmes départements)
Pour ce qui concerne le bétail en champ, a été signalée de même l?absence d?alertes spécifiques,
ces alertes ayant été définies dans la logique de crues hivernales. A la question du délai a pu
s?ajouter la possibilité de mobiliser des embarcations compatibles avec l?évacuation du bétail, une
fois l?inondation apparue. Par endroits ont pu être organisés des sauvetages jusqu?à une centaine
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Août 2023 Retour d?expérience des inondations des 14 et 15 juillet
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de bovins, mais des pertes de bétail sont à déplorer.
Rappelons par ailleurs que la loi 2021-1520 du 25 novembre 2021 visant à consolider notre modèle
de sécurité civile et valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers et les sapeurs-pompiers
professionnels, dite loi « Matras », a explicitement ajouté la protection des animaux dans l?objet de
la sécurité civile.
Annexe 5.3. Organisation de l?action publique, répartition des
compétences et responsabilités
L?objet de la brève description qui suit n?est pas de proposer une analyse détaillée de l?organisation
de la mise en oeuvre des politiques liées aux risques d?inondation, mais de décrire à grands traits
la répartition générique des responsabilités et le portage de l?action publique, afin de pouvoir mettre
en perspective la situation française métropolitaine avec celle des pays voisins touchés par les
inondations de mi-juillet 2021. On se focalise par ailleurs sur les types d?inondations non côtières
qui ont été à l?oeuvre (débordements de cours d?eau, ruissellements).
La gestion des risques d?inondations est principalement mise en oeuvre au travers des politiques
publiques suivantes :
? la prévention des risques naturels, qui, s?agissant des inondations, comporte des
interactions et actions communes avec la gestion des ressources en eaux, des cours d?eau
et des milieux aquatiques ;
? l?urbanisme et l?aménagement du territoire ;
? la sécurité civile ;
? les assurances et les interventions budgétaires au titre de l?indemnisation et de la solidarité
nationale.
De façon à peine moins directe sont concernées les politiques de l?éducation, de la santé, de
l?agriculture et de la forêt, des risques industriels (qui prennent en compte les risques d?inondations
et les risques industriels induits), et la gestion des infrastructures publiques jouant de fait un rôle
de protection.
On se concentre ici sur les quatre premières mentionnées, et notamment sur leur déclinaison
territoriale et opérationnelle, incluant les démarches de planification. Rappelons par ailleurs qu?un
grand nombre d?actions publiques s?inscrit dans la transposition nationale et la déclinaison
territoriale de la directive européenne 2007/60/CE relative à l'évaluation et à la gestion des risques
d'inondation, dite « directive inondation ». Le tableau 2 présente les grandes lignes du partage de
responsabilités en matière de prévention des risques naturels, selon les grandes familles d?actions
et politiques publiques concernées.
L?action territoriale en matière d?inondation combine les périmètres propres aux politiques de l?eau
et de la prévention des inondations, les périmètres propres à l?organisation et aux responsabilités
de la sécurité civile, et les périmètres propres à l?urbanisme et à l?aménagement du territoire. Le
tableau 3 décrit les décideurs et porteurs principaux de la mise en oeuvre des principales politiques
publiques concernant la gestion des risques d?inondations continentales, en fonction des ressorts
territoriaux concernés et des grandes familles d?actions et politiques publiques concernées. Cette
description correspond à la situation générale, voire générique, et ne prend pas en compte des
particularismes géographiques ou institutionnels (droit local en Alsace-Moselle, un service de
prévision des crues porté par Météo France et les autres par des DREAL). Il importe de rappeler
par ailleurs que la responsabilité première de la protection contre les inondations est celle des
personnes habitant les zones inondables, sans préjudice des compétences des responsables
publics (sécurité civile, porter à connaissance des risques et mise à disposition de l?information,
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prise en compte des risques dans différentes décisions?).
Concernant l?action de Météo France, il faut rappeler que l?opérateur national émet des prévisions
et vigilances à différentes échelles spatiales, jusqu?à des alertes précipitations intenses à l?échelle
communale. Pour ce qui concerne le Schapi - Service central d?hydrométéorologie et d?appui à la
prévision des inondations, composante de la Direction générale de la prévention des risques
(ministère chargé de l?environnement), outre ses rôles de développement de méthodes et de
connaissances, et de coordination du dispositif de prévision des crues Vigicrues, il émet des alertes
« Vigicrues flash » de crues soudaines à maille locale. La figure 3 présente l?articulation des
fonctions de surveillance, prévision et émission de vigilances.
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Tableau 2 : les acteurs publics de la prévention des risques naturels majeurs (source : La démarche
française de prévention des risques majeurs. 2016)
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Tableau 3 : décideurs et porteurs principaux de la mise en oeuvre des politiques et actions publiques liées à la gestion des risques d?inondations
national bassin
hydrographiqu
e
sous-bassin bassin de
risque
commune et
intercommunalit
é
département région zone de
défense et de
sécurité
connaissance
de l?aléa
Météo France
Schapi
ministères et
organismes
scientif. et
techniques
préfecture de
bassin (DREAL
de bassin :
études propres
à la planification
DI)
préfecture de
région (SPC en
DREAL ou à
Météo France :
suivi de cours
d?eau,
cartographies,
études)
EPLI (études
d?aléa, suivi de
cours d?eau)
préfectures de
départ. (DDTM :
études d?aléa,
cartographies)
EPLI (études
d?aléa, suivi de
cours d?eau)
préfecture de
département
(DDTM : études
d?aléa)
commune et
intercomm.
(études d?aléa)
région (portail
de données
géographiques,
compétence
optionnelle
d?animation de
la politique de
l?eau)
surveillance,
prévision et
alerte
Météo France
(vigilance,
prévision à
destination
public et
responsables)
Schapi
(coordination
Vigicrues,
alertes flash à
destination
public et
responsables)
préfecture de
bassin (DREAL
de bassin :
coordination sur
les bassins
transfrontaliers)
préfecture de
région (SPC en
DREAL : suivi
de cours d?eau
et prévision des
crues à
destination
public et
responsables)
EPLI
(hydrométrie,
suivi de cours
d?eau, prévision
des crues)
commune (alerte
de la population et
des entreprises)
préfecture de
départ.
(alerte des
communes)
préfecture de
région
(DREAL :
hydrométrie)
information ministère envt
et établ. publics
(diffusion
nationale,
EPLI
opérateurs pour
les communes
EPLI opérateurs
pour les
communes
commune
(DICRIM,
inventaire et pose
des repères de
préfecture de
départ.
(DDRM)
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national bassin
hydrographiqu
e
sous-bassin bassin de
risque
commune et
intercommunalit
é
département région zone de
défense et de
sécurité
éléments pour
l?information de
l?acheteur et du
locataire)
crues)
éducation éducation
nationale
(progr.
nationaux)
EPLI (initiatives
locales)
EPLI (initiatives
locales)
commune et
intercomm.
(initiatives locales)
région
(formation
professionnelle
)
prise en
compte du
risque dans
l?aménagemen
t
préfecture de
bassin (DREAL
de bassin :
PGRI)
préfecture de
départ. (DDTM :
PPRI, contrôle
de légalité sur
l?urbanisme)
commune et
intercomm.
(documents
d?urbanisme,
décisions
individuelles)
région
(SRADDET)
mitigation ministère de
l?envt
(validation
PAPI > 20 M¤)
préfecture de
bassin (DREAL
de bassin :
PGRI,
désignation TRI,
validation PAPI)
EPLI
(aménagement
s de sous-
bassins)
collectivités ou
Etat (SLGRI)
commune et
intercomm.,
EPLI (portage
de PAPI,
réalisation
d?ouvrages et
d?aménagement
, diagnostics de
vulnérabilité,
relocalisation de
biens, gestion
d?ouvrages de
protection,
gestion des
cours d?eau..)
commune et
intercomm.
(gestion des cours
d?eau, réalisation
d?ouvrages de
protection et
d?aménagement,
gestion
d?ouvrages)
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national bassin
hydrographiqu
e
sous-bassin bassin de
risque
commune et
intercommunalit
é
département région zone de
défense et de
sécurité
préfecture de
départ. ?DDTM,
DREAL :
instruction des
polices
administratives
de l?eau et de la
sécurité des
ouvrages
hydrauliques)
ministère de
l?envt.,
préfecture de
région,
préfecture de
départ.
(DREAL,
DDTM :
relocalisations
de biens,
financements
au titre du
FPRNM)
collectivités
territoriales
(financements)
préparation de
crise
commune et
intercomm. (PCS,
PICS)
préfecture de
département
(plans
ORSEC,
plans
spécialisés)
département
(investissemen
t et
financement
des SDIS)
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national bassin
hydrographiqu
e
sous-bassin bassin de
risque
commune et
intercommunalit
é
département région zone de
défense et de
sécurité
gestion de
crise
cellule
interministériell
e de crise
(ensemble des
ministères
concernés)
EPLI, commune
intercomm.
(surveillance
des digues)
commune
(mission générale
de sécurité civile,
direction des
opérations hors
prise en charge
par préfecture de
départ., alerte et
information des
habitants et
entreprises,
soutien aux
populations,
mobilisation des
moyens)
intercomm
(mobilisation de
moyens en appui
aux communes)
préfecture de
départ.
(SIDPC,
SDIS :
mission
générale de
sécurité
civile,
direction des
opérations en
cas de crise
majeure,
mobilisation
et
coordination
des moyens)
préfecture de
zone de
défense et de
sécurité
(coordination,
conduite des
opérations au-
delà du
périmètre
départemental
)
retour
d?expérience
ministères (au
cas par cas)
préfecture de
région (SPC,
DREAL :
retours
d?expérience
systématiques)
préfecture de
départ.
(DDTM,
services :
prise en
compte des
informations
nouvelles sur
tous les
volets de la
prévention,
retours
d?expérience
au cas par
préfecture de
zone de
défense et de
sécurité
(retours
d?expérience
au cas par
cas)
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Août 2023 Retour d?expérience des inondations des 14 et 15 juillet 2021 Page 110/136
national bassin
hydrographiqu
e
sous-bassin bassin de
risque
commune et
intercommunalit
é
département région zone de
défense et de
sécurité
cas)
indemnisation ministères et
instances
nationales
(décision de
reconnaissance
catastrophe
naturelle,
actions de
financement
spécifiques,
indemnisations
des dommages
aux
collectivités)
commune
(demande de
déclaration
catastrophe
naturelle)
préfecture de
départ.
(financement
s spécifiques
de l?Etat,
indemnisation
des
dommages
aux
collectivités)
département
(aides
spécifiques)
région (aides
spécifiques)
sources : sites internet des ministères en charge de l?environnement et de la sécurité civile, mémento du maire
(https://www.mementodumaire.net/dispositions-generales-2/vigilance-alerte-et-secours/dgv1-organisation-de-la-securite-civile/), synthèses
d?informations et d?entretiens de la mission
DDT(M) : direction départementale des territoires (et de la mer)
DDRM : dossier départemental des risques majeurs
DI : directive européenne 2007/60/CE relative à l'évaluation et à la gestion des risques d'inondation, dite « directive inondation »
DICRIM : document d'information communal sur les risques majeurs
DREAL : direction régionale de l?environnement, de l?aménagement et du logement
EPLI : établissements publics locaux compétents de GEMAPI ou seulement d?inondation, dans le cas d?espèce syndicats mixtes, syndicats
intercommunaux, EPTB ? établissements publics territoriaux de bassin, EPAGE ? établissements publics d?aménagement et de gestion de l?eau
PUBLIÉ
https://www.mementodumaire.net/dispositions-generales-2/vigilance-alerte-et-secours/dgv1-organisation-de-la-securite-civile/
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FPRNM : fonds de prévention des risques naturels majeurs
GEMAPI : compétence des collectivités territoriales de gestion de l?eau et des milieux aquatiques et de prévention des inondations
PAPI : programme d'actions de prévention des inondations
PCS : plan communale de sauvegarde, obligatoire en fonction de l?exposition aux inondations notamment
PICS : plan intercommunal de sauvegarde
PGRI : plan de gestion des risques d?inondation, articulé avec le SDAGE ? schéma général d?aménagement et de gestion des eaux (à l?échelle
des grands bassins hydrographiques, 7 en métropole, outre-mers)
PPRI : plan de prévention des risques d?inondations (ou plans multi-risques)
SDIS : service départemental d?incendie et de secours
SCHAPI : Service central d?hydrométéorologie et d?appui à la prévision des inondations
SIDPC : service interministériel de défense et de protection civile
SLGRI : stratégie locale de gestion des risques d?inondation
SPC : service de prévision des crues
SRADDET : schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires
TRI : territoire à risques importants d?inondation
PUBLIÉ
Août 2023 Retour d?expérience des inondations des 14 et 15 juillet 2021 Page 112/136
Figure 3 : Articulation des fonctions de surveillance, de prévision et d?émission de vigilances et alertes météorologiques et hydrologiques (source : mission)
PUBLIÉ
Août 2023 Retour d?expérience des inondations des 14 et 15 juillet 2021 Page 113/136
CEPMMT : Centre européen pour les prévisions météorologiques à moyen terme
EFAS : European Flood Awareness System, composante de CEMS Copernicus Emergency Management Service (Système européen d'alerte
pour les inondations, composante du service Copernicus de Gestion des Urgences)
SCHAPI : service central d?hydrométéorologie et d?appui à la prévision des inondations
SPC : service de prévision des crues (en direction régionale de l?environnement, de l?aménagement et du logement ou à Météo France)
UH : unité d?hydrométrie (en direction régionale de l?environnement, de l?aménagement et du logement)
PUBLIÉ
Août 2023 Retour d?expérience des inondations des 14 et 15 juillet
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Annexe 5.4. Questions et problématiques mises en évidence par
l?événement
On se concentre dans cette partie sur les questions et difficultés spécifiques à l?événement, ou
mises en évidence à cette occasion. Comme suite à de nombreuses crues et inondations, ont pu
être mises en avant des questions d?entretien des cours d?eau (responsabilités, effectivités, freins
ressentis par les acteurs?), d?une part, des questions de manoeuvres de barrages ou de
pertinence de principe de leurs consignes de gestion, d?autre part. On ne reviendra pas ici sur les
aspects « courants », voire « récurrents », de ces sujets.
Comme cela a été indiqué plus haut, la première particularité de l?événement est l?étendue et
l?intensité d?un tel événement survenant en été. Cela s?est traduit en particulier par :
? des conditions de formation et de propagation des écoulements dans les cours d?eau, du
fait des végétations en lit mineur et en lit majeur pouvant être très significativement
différentes des crues d?hiver qui sont de loin les plus courantes, et qui le plus souvent
étaient les seules références pour les courbes de tarage (relation hauteur débit aux stations
hydrométriques) et pour les modèles de prévision des crues ; certains modèles ont de fait
été significativement décalés par rapport à la réalité qu?ils devaient représenter, des
prévisionnistes ont eu recours à des approches techniques alternatives ;
? un impact inhabituel d?affluents rapides sur le cours d?eau principal, alors qu?on ne disposait
pas de dispositif de mesures en temps réel sur ces affluents ;
? la présence moindre d?effectifs dans les équipes d?hydrométrie, pouvant être mobilisées
pour mesurer des débits pendant la crue et ainsi alimenter les connaissances et surtout
éclairer les travaux des prévisionnistes en temps réel face à la non-représentativité des
courbes de tarage des stations ; certaines équipes ne disposaient pas d?astreinte estivale,
devant l?absence habituelle d?événements significatifs de crues en été ;
? la présence moindre d?effectifs dans les équipes de prévision des crues, avec une seule
personne d?astreinte là où hors été il y a un deuxième rang d?astreinte, par exemple ; sur
ce point et le précédent, les services ont mobilisé des renforts pour assurer leurs tâches,
au prix - à l?occasion - de non respect des temps de récupération ; à signaler que des
agents ont spontanément interrompu leurs congés à l?annonce de l?événement et ont rejoint
leurs équipes ;
? des vulnérabilités estivales non ou peu prises en compte, de fait, dans l?organisation de
l?alerte ou la planification des secours : s?il y a peu d?action imaginable vis-à-vis des cultures,
et encore de façon marginale ou secondaire, s?est par contre posé la question d?alerte des
éleveurs et d?évacuation du bétail présent en extérieur pendant la saison habituellement
« non inondante » ;
? le besoin d?interroger certains arbitrages de gestion inter-saisonnière des barrages à buts
multiples en regard de l?évolution climatique : cette dernière, dans les territoires concernés,
va rendre un peu plus intenses et/ou un peu plus probables de telles inondations estivales
ainsi que des phénomènes orageux plus locaux, et va dans le même temps aggraver les
situations d?étiages, ce qui peut amener à reconsidérer les points d?équilibre entre les
fonctions respectives d?écrêtement des crues et de soutien d?étiage (voire de production
hydroélectrique) ; ces évolutions climatiques vont a priori renforcer les enjeux et les rendre
plus difficilement compatibles, d?où une interrogation sur une révision des consignes de
gestion à différents horizons de temps ; les réflexions engagées n?ont a priori concerné que
des barrages à buts multiples.
Les fortes intensités de précipitations posent des difficultés intrinsèques de prévision, tant en
termes d?anticipation que de localisation en regard des besoins opérationnels, en raison de la
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Août 2023 Retour d?expérience des inondations des 14 et 15 juillet
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variabilité spatiale et de l?instabilité de tels phénomènes. En ce sens, on a retrouvé en juillet 2021
des difficultés « génériques » de prévisibilité, courantes pour les précipitations intenses
méditerranéennes, que les développements de modèles et méthodes essaient de réduire.
L?intensité locale de l?événement a conduit à des phénomènes inédits ou rares, comme des
ruissellements, des mouvements de terrain pour lesquels les représentants de l?Etat ont exprimé
le besoin d?un diagnostic. A Longuyon, l?une des communes les plus fortement touchées, la place
servant habituellement de repli aux équipes et véhicules du centre de secours - car non inondée
par le cours d?eau principal - a été inondée par des écoulements latéraux inédits, obligeant un
deuxième repli qui a pu s?effectuer.
De façon générale, pour tempérer les impacts du caractère estival inhabituel de l?événement, on
observe que des responsables et services aguerris aux situations d?inondations hivernales ont pu
utilement bénéficier de leur expérience pour gérer l?inondation estivale en adaptant leurs pratiques
établies aux « nouveautés », au fil de l?événement.
Cet événement a, pour les différentes raisons évoquées, comporté des incertitudes accrues par
rapport aux crues antérieures, concernant les phénomènes hydrologiques et hydrauliques. Les
autorités et services en charge de responsabilités et de missions de sécurité ont fait état de retours
positifs sur les outils développés les dernières années pour suivre l?événement météorologique et
hydrologique : images radar météorologiques, suivi en temps réel des cours d?eau sur Vigicrues,
alertes APIC et Vigicrues flash? Certains de ces outils gagneraient à être plus utilisés (service
APIC d?alerte précipitations intenses à l?échelle communale, par exemple). Outre les incertitudes
mises en avant sur un certain nombre de modèles de prévision des crues, a été soulevée une
situation de difficulté dans un cas où plusieurs prévisions sur un même cours d?eau ont été émises
par différents acteurs publics, Etat et collectivités, avec des différences significatives a priori liées
à la situation atypique.
Dans des situations rares et des situations d?incertitudes, la communication entre les acteurs
structurants de la gestion de crise est un facteur crucial. De façon générale ou assez générale, les
services de prévision des crues ont doublé les communications systématiques d?informations par
des appels téléphoniques directs aux services des préfectures et des DDT (référent départemental
inondation), lors des passages ou prévisions de passage en vigilance orange. Cette pratique a été
reconnue comme très utile. Pour certains SPC, le nombre d?appels à passer est significatif par
rapport à leur charge de travail en situation de crue forte ou atypique, il y aurait lieu de s?interroger
sur un appel unique en direction de chaque département. Dans certains cas, en regard de
l?incertitude de la situation, des appels anticipés ont été passés pour partager de façon plus
poussée sur cette incertitude avec les services en charge de la sécurité civile et les référents
départements inondations. Les retours des SPC ont également fait état du caractère très
fonctionnel des échanges avec l?échelon national du Schapi.
Signalons que les échanges transfrontaliers entre équipes de prévision de crue et de gestion des
cours d?eau, portant sur les informations météorologiques, hydrologiques, sur les prévisions et sur
le fonctionnement des ouvrages hydrauliques, n?ont apparemment pas soulevé de difficultés. Ces
échanges sont établis et entretenus, de façon formelle comme sur le plan technique, sous l?égide
des commissions fluviales internationales.
Signalons deux points qui ont pu poser question localement, de façon différente selon les sites et
départements :
? l?efficacité et l?effectivité de transmission de données par des gestionnaires de barrages
aux services de prévision des crues ; les rares cas signalés ont fait ou font l?objet de
mesures d?amélioration ;
? les informations aux préfectures des opérateurs de réseaux d?énergie, en cas de coupures
de courant.
En termes de planification de la gestion, signalons des retours positifs de municipalités disposant
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avant l?événement de plans communaux de sauvegarde bien appropriés par élus et services : ces
plans se sont avérés très utiles même avec la nécessité de s?adapter à un événement atypique.
De mêmes, des cartes de zones inondées potentielles (ZIP) et de zones inondées par classes de
hauteur (ZICH), bien que non officialisées, ont fort utilement servi à déterminer les évacuations à
organiser. Rien de surprenant à cela, sinon qu?il est utile de rappeler à chaque occasion l?utilité de
tels documents et la nécessité de leur déploiement.
Annexe 5.5. Suites données, apprentissages, réflexions et actions
engagées
On ne revient pas ici sur les suites génériques à donner à un événement fort, apportant des
informations nouvelles par rapport aux références d?inondations prises en compte jusqu?ici : ajout
de repères de crues, nouvelles cartes de zones inondées, porter en connaissance en deux temps
avec une première phase sur la base des observations et une deuxième sur la base d?études plus
poussées, incitation à revoir les PCS ou DICRIM, établissement ou révision si nécessaire de
PPRI ? De telles actions ont notamment été engagées dans le haut pays meurthe-et-mosellan,
fortement touché par la crue de la Chiers et par certains affluents.
Pour faire suite aux difficultés rencontrées sur l?appréhension, la mesure et la prévision de crues
d?été inhabituelles, la DGPR a confié un travail à des experts et scientifiques sous la responsabilité
d?INRAE (Institut national de recherche pour l?agriculture, l?alimentation et l?environnement), dont
les conclusions éclaireront les conséquences opérationnelles à donner pour mieux suivre et prévoir
de futures crues d?été, notamment sur les territoires impactés en juillet 2021. Il s?agit notamment
d?examiner et de ré-évaluer si besoin les courbes de tarage sur des secteurs ciblés, d?étudier les
modèles hydrauliques utilisés en simulation des crues, d?analyser le comportement atypique des
bassins versants au cours de l?événement?
Suite aux spécificités saisonnières de l?événement, sont ré-examinés les dispositifs d?astreinte et
de continuité d?activité pour les équipes de prévision des crues et les équipes d?hydrométrie. Les
services de prévision des crues basés en Grand Est ont par ailleurs décidé d?examiner des
procédures d?alarme basées à la fois sur les seuils de niveaux d?eau des cours d?eau, comme
jusqu?à présent, et sur les vitesses de montée de crues, répondant ainsi aux particularités du
comportement observé sur certains cours d?eau.
Parmi les diverses réponses territoriales à l?événement, on peut citer également le travail engagé
sur le barrage Marne, afin de ré-examiner les consignes de gestion et l?articulation entre les
objectifs d?écrêtement de crues et les objectifs de soutien d?étiage. Comme cela a été mentionné
plus haut, les besoins de soutien d?étiage « estivaux » évoluent, les besoins d?écrêtement des
crues également.
Enfin, il est à signaler une réunion locale de retour d?expérience concernant les inondations de la
Chiers et de son affluent la Crusnes, dans les départements de la Meurthe-et-Moselle et de la
Meuse, organisée par le Préfet de la Meurthe-et Moselle, le 4 mai 2022, et animée par la DDT et
le CEREMA. Ce debriefing territorial, auquel ont contribué de nombreux acteurs publics, a permis
de partager de nombreuses informations et de répondre à de nombreuses questions, concernant
aussi bien le déroulement de l?événement que les suites à donner.
Au-delà des enseignements et décisions territoriales, pour faire suite à l?événement de mi-juillet
2021, il faut mentionner un certain nombre d?évolutions au niveau national, qui apportent des
réponses directes aux difficultés et questions qui ont pu être soulevées par l?événement.
La prise en compte des phénomènes de ruissellements a fait l?objet d?une des orientations de la
feuille de route 2022-2024 des services déconcentrés de l?Etat en matière de prévention des
risques naturels et hydrauliques, afin de tenir compte d?aléas diffus ou émergents lorsque ceux-ci
génèrent une exposition majeure : « Les PPRI assureront une prise en compte globale des
différents aléas inondation (dont l?aléa ruissellement) auquel est soumis le territoire dès lors qu?ils
sont majeurs ».
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La question de l?extension des cours d?eau couverts par une instrumentation opérationnelle
permettant leur prise en compte pour le suivi et la prévention des crues s?inscrit, selon le cas, dans
la programmation de l?Etat, en déclinaison du plan stratégique de Vigicrues, ou dans la
programmation d?activités des collectivités, notamment impliquées dans les compétences GEMAPI.
Rappelons par ailleurs les évolutions intervenues entre juillet 2021 et fin 2022, en suite du
déploiement du plan submersion rapide de 2011, et concernant notamment les vigilances
météorologiques (Cf. instruction du 14 juin 2021 relative à la mise en oeuvre des évolutions du
dispositif de vigilance météorologique et de vigilance crues) : affichage de la vigilance à J mais
également à J+1, prévigilance à anticipation de 2 et 7 jours, ajout d?informations infra-
départementales quand cela est techniquement possible, informations sur les incertitudes?
De même, est engagée au niveau national une révision de méthode de la définition technique fine
des seuils de vigilance crues. Des services de prévision du Grand Est participent notamment aux
expérimentations, enrichies par les expériences de juillet 2021. La logique sous-jacente est
d?effectuer une première détermination des seuils en fonction de gammes de période de retour des
débits de crue, puis de moduler les seuils selon les enjeux, enfin de prendre en compte la vitesse
de montée des eaux et l?état de l?éventuel système d?endiguement lorsqu?ils constituent des
facteurs aggravants du risque.
Le dispositif d?alerte FR-Alert, basé sur des technologies de diffusion cellulaire qui permettent
d?atteindre tous les téléphones mobiles (technologies 3G, 4G ou 5G) sur un secteur déterminé, est
déployé postérieurement à l?événement de juillet 2021, sans avoir été directement inspiré par lui.
L?usage de FR-Alert est limité aux cas d?urgence, dangers imminents ou en cours, qui impliquent
d?alerter la population située dans la zone de danger pour leur recommander des gestes
d?autoprotection. Ce dispositif constitue un apport très significatif à la politique et aux pratiques
d?alerte aux populations, qui ont évolué ces dernières années, et concernent tout un ensemble de
risques.
La loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023 d?orientation et de programmation du ministère de l?intérieur
a consacré la mise en place d?un réseau de communications électroniques dédié aux services
publics mutualisés de communication mobile critique à très haut débit pour les seuls besoins de
sécurité et de secours, de protection des populations et de gestion des crises et des catastrophes.
Ce « réseau radio du futur » (RRF) est exploité par un opérateur concessionnaire. Les opérateurs
titulaires d?autorisations d?utilisation de fréquences pour établir et exploiter un réseau
radioélectrique ouvert au public garantissent la continuité et la permanence des communications
mobiles critiques à très haut débit destinées à des missions de sécurité et de secours, de protection
des populations et de gestion des crises et des catastrophes entre les services de l?Etat, les
collectivités territoriales ou leurs groupements, les services d?incendie et de secours, les services
d?aide médicale urgente et tout autre organisme public ou privé chargé d?une mission de service
public dans les domaines de la sécurité et du secours.
Annexe 5.6. Liste des documents consultés spécifiques à
l?événement
Arrêtés de déclaration catastrophes naturelles de juillet 2021 à février 2023
Entente Oise-Aisne : crue de juillet 2021 - analyse des prévisions de crues et réflexions pour l'avenir,
note à l'attention de la Préfète de l'Oise, 25/08/2021
Support de présentation Météo France
Retours d'expérience des services de prévision des crues (et des unités d?hydrométrie)
? DREAL Grand Est
? SPC Bassins du Nord
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? SPC Meuse Moselle
? SPC Rhin Sarre
? SPC Rhône amont Saône
? SPC Seine amont Marne amont
Présentation interne de septembre 2021 de la DREAL Grand Est
Bilan 2021 de la vigilance « crues », réseau Vigicrues
Retours d'expérience et réunions post-événement sous la présidence des préfets de départements,
notes de synthèse aux préfets
? Ardennes
? Aube
? Haute-Marne
? Marne
? Meuse
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Annexe 6. : les grandes caractéristiques de
l?événement d?inondations de mi-juillet 2021 aux
Pays-Bas
Ces inondations, sur le territoire des Pays-Bas, ont principalement touché la province du Limburg,
par l?effet des précipitations intenses locales, et par les crues des cours d?eau transfrontaliers,
d?une part, la Meuse, d?autre part, des cours d?eau « secondaires ». Aucune victime n?a été à
déplorer dans le pays, par ailleurs exposé à des risques majeurs (par leur ampleur possible) par
les fleuves et les phénomènes côtiers. Cet événement a constitué un phénomène inédit, dans les
mémoires et les archives, et a conduit à une très forte mobilisation aussi bien des autorités que de
la société civile.
Dès le 3 février 2022, les autorités et organismes en charge de la prévention des risques
d?inondation organisaient un webinaire ouvert, pour partager l?expérience néerlandaise des
inondations de mi-juillet 2021, et les mettre en perspectives avec des expériences britanniques et
nord-américaines. Un des messages marquants des organisateurs et intervenants néerlandais
pourrait se résumer par « nous avons eu de la chance ».
On reviendra plus loin sur la mobilisation institutionnelle, technique et scientifique, qui a conduit à
la tenue d?une « table ronde stratégique (ou d?orientation) sur les inondations et les crues »,
dispositif temporaire gouvernemental qui est mis en place, avec notamment toutes les autorités
publiques concernées, pour faire suite à une situation exceptionnelle. Les conclusions finales et le
contenu des travaux ont été publiés en décembre 2022.
Annexe 6.1. Caractéristiques météorologiques, hydrologiques et
hydrauliques de l?événement
Annexe 6.1.1 Météorologie
Si la plus grande partie de la goutte froide liée à la dépression Bernd était « décentrée » par rapport
au territoire néerlandais, ont néanmoins été observées des précipitations d?une intensité cumulée
jamais mesurée en été sur une région d?une certaine taille. Ont été relevés des cumuls sur 2 jours
allant localement jusqu?à 182 mm. Les simulateurs de précipitations, utilisés notamment pour
simuler des phénomènes de crues, n?incluaient pas de telles intensités.
Selon les bassins versants, les estimations publiées de périodes de retour pour ces précipitations,
en situation estivale, vont de 100 à 10 000 ans sur une partie du bassin de la Meuse, en rappelant
la très forte incertitude sur de telles estimations. Les cumuls de précipitations apparaissent
statistiquement plus « rares » si l?on se concentre sur les phénomènes estivaux. Sur les affluents
Geul et Roer, les périodes de retour des cumuls de précipitations dépassent une période de retour
de 500 ans à l?échelle de l?ensemble de leur bassin versant, que l?on se base sur l?année entière
ou sur l?été.
Cet événement rare avait fait l?objet de prévisions annonçant des précipitations extrêmes à partir
du 11 juillet, de 100 à 200 mm. Les précipitations effectives ont pu dépasser les valeurs prévues,
et les crues résultantes ont été plus rapides en montée que prévu, en particulier sur la Meuse.
Annexe 6.1.2 Hydrologie et phénomènes hydrauliques
Les crues et inondations aux Pays?Bas ont touché de grandes parties de la province du Limburg,
et principalement ces territoires, qui sont les plus vallonnés des Pays-Bas. Les sols étaient
relativement humides, mais n?ont vraisemblablement joué qu?un rôle mineur pour le fleuve Meuse
en regard de l?intensité des précipitations.
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Les inondations dommageables ont principalement concerné les vallées de deux affluents de la
Meuse (confluents aux Pays-Bas) :
? la Geul qui a plus de la moitié de son bassin et de son linéaire aux Pays-Bas, le reste
principalement en Belgique (avec quelques surfaces secondaires en Allemagne) ;
? la Roer, qui prend sa source en Belgique, et est localisée pour l?immense majorité de son
bassin versant et de son linéaire en Allemagne, avant de parcourir ses 20 derniers
kilomètres aux Pays-Bas
La Meuse et la Roer ont dépassé les niveaux de débits de pointe jamais mesurés, outre le caractère
atypique de la période estivale. La montée de la crue de la Meuse a été particulièrement rapide,
par rapport aux crues connues. Par contre, la propagation de la crue d?amont vers l?aval s?est
accompagnée d?un amortissement plus important que d?habitude (atténuation de la pointe de crue,
notamment en raison, a priori, de l?effet de la végétation estivale, de la relative « faible durée » des
hautes eaux peu alimentées par les affluents plus à l?aval, et en raison des élargissements de
digues opérés au cours des dernières années). La crue de la Meuse n?a pas du tout été homogène
en fréquence, au long de son cours et au fil de sa propagation : sans prendre en compte la
spécificité estivale, la période de retour de la crue de la Meuse a été estimée à 10 ans au plus dans
le bassin à l?amont du pays, entre 100 et 200 ans dans la partie amont des Pays-Bas, à 15 ans à
l?aval dans la suite de la traversée des Pays-Bas.
Les affluents ont connu des crues de périodes de retour dépassant 100 ans et allant jusqu?à 1000
ans. Les différentes estimations publiées intègrent ou non l?effet de la végétation, et/ou la
saisonnalité, dans les estimations statistiques. Le propos est ici d?illustrer grossièrement le niveau
de rareté du phénomène et de ses manifestations.
Les dispositifs d?hydrométrie ont bien fonctionné, hormis quelques dysfonctionnements locaux dont
des stations de mesure inopérantes pour les débits concernés, et ont pu donner une vision réaliste
de la situation. Les données pluviométriques utilisées étaient insuffisantes, et les données radar
sous-estimées.
Les prévisions de crues sur la Meuse, réalisées par l?organisme national Rijkswaterstaat ont été
longtemps incertaines et changeantes, en raison des caractéristiques de l?événement
météorologique et des difficultés de la prévision correspondante. Elles ont été sous-estimées
jusqu?à quelques heures du maximum, en particulier pour les échéances dépassant 12 heures, et
ont été réajustées plusieurs fois encore au cours de l?événement. Le 14 juillet, a été déclarée la
vigilance de crues jaune, le 15 la vigilance rouge.
Le dispositif européen EFAS a notifié un risque pour la Roer à partir du 12 juillet matin. Les
prévisions opérationnelles sur la Geul et la Roer sont réalisées par l?autorité locale de l?eau, le
waterschap du Limburg. Le dispositif était en maintenance pour la Geul, les prévisionnistes n?ont
pas réactivé en urgence le modèle antérieur, estimant qu?il n?aurait pas été en mesure de traiter
cet événement. Le dispositif était fonctionnel pour la Roer.
Les crues ont été atypiques par leur comportement hydraulique :
? d?une part, les écoulements ont été influencés par la végétation estivale des lits mineurs et
des berges, modifiant les relations entre débit et cote et les phénomènes de propagation
et d?atténuation des ondes de crues (Cf. supra) ;
? d?autre part, ont été observées de fortes érosions des berges, mais également des fonds
des lits des cours d?eau (érosion verticale), avec déplacements de de cailloux du fond du
lit mineur et création de « fosses » pouvant dépasser 3 et même 10 mètres de profondeur ;
certains cours d?eau ont connu de fortes modifications morphologiques ; les barrages de
régulation (sans fonction de réel stockage) étaient ouverts, pour ne pas faire obstacle aux
sédiments.
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Les courants ont transporté des débris en nombre, certains arrivant des pays à l?amont. Les crues
de juillet 2021 ont ainsi transporté en 6 jours 95% du volume annuel habituel de déchets plastiques
(avec un pic de transport entre les 15 et 18 juillet), avec aussi bien de gros objet que des objets en
plastique jetable. Sur les berges, le volume de déchets a été le décuple du volume habituellement
observé.
Annexe 6.1.3 Digues et protections contre les inondations
A l?instar de l?importance historique cruciale des dispositifs de protection contre les inondations, et
notamment des systèmes d?endiguements, dans la politique néerlandaise de gestion des risques
d?inondations, le déroulement et les conséquences des inondations de juillet 2021 aux Pays-Bas
sont très marqués par l?existence et la gestion des digues et protections, motivant ici un
développement particulier.
95 systèmes d?endiguements (« dike rings » ou « cercles de digues ») constituent des lignes
continues de défense contre les inondations (maritimes ou fluviales, ou même « lacustres » pour
la mer intérieure d?Ijssel), dont les niveaux de protection sont fixés par voie législative,
antérieurement en regard d?une probabilité d?aléa naturel, à présent en regard d?une probabilité de
décès pour un habitant de la zone protégée.
L?ensemble des digues sont classées en plusieurs catégories, ces classements étant
régulièrement revisités, avec le cas échéant des objectifs de protection fixés (Cf. supra), et des
responsables et gestionnaires définis. Sur le Rhin et la Meuse, le Rijkswaterstaat, organisme
national, est maître d?ouvrage et gestionnaire des fleuves et grands cours d?eau, par contre la
gestion de la plupart des digues correspondantes, classées « primaires », est assurée par les 24
« autorités locales de l?eau », les waterschapen (Cf. partie 3 de l?annexe, infra). Ces organismes
assurent par ailleurs la maintenance et la reconstruction des systèmes d?endiguements et digues
secondaires quel qu?en soit le propriétaire.
Pour des cours d?eau et digues régionaux, comme la Geul et la Roer, les « standards » génériques
de protection, en durées de retour des événements de crues, sont de 10 ans pour des prairies, 25
ans pour des cultures, 50 ans pour l?horticulture, 100 ans pour les zones urbanisées. Dans le sud
du Limburg, avec une population dense et des vallées pentues (pour les Pays-Bas), certaines
zones urbaines comme Valkenburg par exemple, étaient protégées contre des crues de période
de retour 25 ans, notamment pour des raisons de coûts des ouvrages, semble-t-il. Ces zones ont
été exposées en juillet 2021 à des crues plus que centennales.
En situation de pré-crue, pour que ces dispositifs d?endiguement assurent leur fonction de
protection, il est nécessaire de renforcer certains points, de fermer de façon étanche certains
passages (par exemple un passage routier sous un remblai routier ou ferroviaire faisant fonction
de digue, ou une interruption dans une digue pour le passage d?une voie de circulation).
L?ensemble de ces mesures prennent habituellement 5 jours de travail. Les particularités de
l?événement, et notamment la vitesse de montée de l?eau, ont conduit les responsables à devoir
réaliser les mêmes tâches en 2 jours. La période estivale offrait certes des journées de travail à la
lumière du jour plus longues, et les congés d?été scolaires n?avaient pas encore commencé dans
la province du Limburg. Pour autant, face au défi, des professionnels, publics ou privés, et des
volontaires, ont afflué spontanément de tous les Pays-Bas pour aider à faire face à cette contrainte
de temps inédite. La vitesse de fermeture de certaines voies de circulation a empêché certaines
évacuations par véhicules (dont des campings).
Par ailleurs, pendant l?événement, est organisé un dispositif de surveillance et d?intervention sur
les digues :
? pour le cas échéant les surélever encore par des sacs de sable, en fonction de l?évolution
de la crue et de la prévision ;
? pour intervenir en cas de défaillance d?ouvrages ou d?équipements, et notamment en cas
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de début d?érosion régressive (phénomène de « renard hydraulique ») dans le corps de
digue (infiltration d?eau qui traverse la digue, et qui sans intervention va mécaniquement
élargir la zone d?infiltration jusqu?à la rupture de la digue ; on peut contrer ce phénomène
en entourant le point de sortie de l?eau d?un « mur » de sacs de sable, créant une poche
d?eau au même niveau que la rivière et stoppant la circulation de l?eau et donc l?érosion).
Cette surveillance est assurée par des professionnels, notamment les inspecteurs de digues, aidés
par des gardiens de digues volontaires qu?ils encadrent, forment et réunissent une fois par an. Le
waterschap du Limburg « dispose » d?un vivier de 800 volontaires, pour 600 employés toutes
fonctions confondues. En 2021, la mobilisation de ces volontaires n?a pas posé de difficultés. Les
inspecteurs des digues ont par ailleurs été renforcés par des professionnels d?autres régions et de
l?étranger, et aidés par des volontaires de la Croix-Rouge? Des municipalités et des pompiers ont
par ailleurs contribué aux travaux en cours de crue, au-delà des protocoles pré-définis. D?autres
waterschapen ont fourni des équipements et des effectifs, placés sous la supervision du
waterschap du Limburg.
Les inspecteurs de digues se sont notamment concentrés sur les secteurs les plus vulnérables, ou
présentant des signes préoccupants. Malgré certains points de vigilance sur la complétude ou
l?accessibilité des informations relatives aux ouvrages hydrauliques, il faut signaler que les
inspecteurs des digues ont tenu à jour au cours de l?événement une liste de points faibles ou
vulnérables sur les digues (en fonction de l?état des digues et des conditions d?écoulement de la
crue), permettant de prioriser les interventions.
En l?absence d?encadrement technique qualifié, en certains endroits, les volontaires ont pu faire
des choix moins avisés, comme de stocker des sacs de sable ou de surélever sur une digue trop
fragile pour un tel poids. Mais la plupart des mesures et actions non planifiées ont
considérablement accru le niveau de protection et de sécurité.
La décision a été prise de rendre disponibles et publiques un ensemble d?informations techniques
interprétées, dont la fiabilité des digues, pour qu?en situation de crise n?apparaissent pas des
données « nouvelles », dont la prise en compte serait plus complexe.
En certains points, des pompages sont prévus pour l?eau qui s?infiltre à travers les protections. Des
capacités de pompage ont pu être dépassées, et ont été complétées par des assistances
extérieures.
In fine, deux digues ont rompu, une digue d?urgence mise en place spontanément par les habitants,
et une digue d?importance locale ne protégeant pas de zone urbanisée. Les dommages ont pu être
maîtrisés (renards hydrauliques, notamment, malgré des difficultés de détection en raison de la
végétation estivale). Des médias ont à tort évoqué un autre cas de rupture (point de passage de
l?eau existant sous la digue, mais non cartographié et non contrôlé). Quelques barrages et bassins
collinaires ont connu des dommages et défaillances techniques.
En beaucoup d?endroits, les protections existantes ont assuré leur fonction jusqu?au niveau de
protection choisi, et les défaillances ont pu être évitées dans la limite de ce niveau de protection.
En certains endroits, il s?en est fallu de quelques centimètres que l?eau ne dépasse le haut de la
digue, ou le haut de la rangée de sacs de sable ajoutée. S?il y avait eu du vent, plusieurs digues
auraient surversé.
Sur la Meuse, l?eau a pu dépasser le niveau de la digue du système « primaire », heureusement
renforcée par des sacs de sable. Des évacuations préventives importantes ont néanmoins été
mises en oeuvre (Cf. infra).
Annexe 6.2. Impacts
Les Pays-Bas n?ont pas eu à déplorer de décès dus aux inondations de mi-juillet 2021, mais les
conditions de submersion extrêmes dans la vallée de la Geul auraient très bien pu avoir un bilan
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plus dramatique, avec des hauteurs d?eau supérieures à 1,5 mètre et des vitesses de montée de
l?eau très rapides. Le relief et l?intensité locale des précipitations ont donné plus de temps
d?anticipation que dans certaines vallées allemandes ou belges. Les inondations ont généralement
eu des durées limitées, de l?ordre d?un jour.
Des évacuations importantes ont été opérées, au vu des prévisions des crues (bien qu?elles soient
longtemps restées incertaines), concernant environ 50 000 personnes dans la province du Limburg,
et un hôpital (la quasi totalité des 400 patients de l'hôpital Venlo ont été renvoyés chez eux ou
transférés dans d'autres établissements) :
? dans les zones protégées par les digues de la Meuse en particulier, de façon préventive ;
? dans des conditions diverses dans la vallée de la Geul, la plupart des évacuations
intervenant après arrivée de la crue (1000 personnes), hors campings et établissements
de santé évacués avant ; les alertes, quand elles sont parvenues aux habitants, ont été
plus tardives que sur la Meuse.
Les évacuations (mais aussi l?interdiction de venir regarder l?événement, le flood tourism ») sont
décidées par « ordonnances d?urgence », mais elles ne peuvent pas être rendues obligatoires. Les
décisions d'évacuation ont été diffusées par la presse, les réseaux sociaux, l?outil de diffusion
cellulaire NL-Alerts, complétées par les sirènes de sécurité civile, parfois les cloches des églises.
Les zones de risque aigu ont été parcourues par des véhicules de police avec haut-parleurs, voire
au porte-à-porte dans certains secteurs.
La plupart des habitants ont évacué sans aide des services de secours, qui se sont notamment
concentrés dans les zones dépourvues de routes d?évacuation utilisables.
Contrairement aux crues de référence de décembre 1993 et janvier 1995, ce sont les affluents de
la Meuse qui ont été plus impactés que le fleuve lui-même, quand bien même on a mesuré des
débits inédits sur le fleuve. La crue de la Meuse était plus rapide que celles de la fin du siècle
dernier, et présentait un débit de pointe plus important, mais l?élargissement des digues a permis
de réduire les niveaux d?eau atteints.
Les dommages totaux estimés dans les zones inondées (dommages matériels et pertes
d?exploitation) vont de 350 à 600 millions d?euros, contre 200 et 125 respectivement (en valeurs
réactualisées) pour les crues de 1993 et 1995.
Ces dommages concernent plus de 2500 maisons d?habitations (et plus de 5000 habitants ; plus
de 2000 habitations dans la vallée de la Geul), 600 entreprises. Les habitants étaient moins
préparés à des crues d?été, et d?un tel niveau, qu?aux crues antérieures, ils ont moins eu le temps
de mettre des biens à l?abri à l?étage.
Les dommages aux cultures agricoles et aux prairies sont apparus comme inédits, par rapport aux
seules crues importantes connues en hiver. De même la saison estivale a conduit à des dommages
spécifiques à des campings et équipements de loisirs.
Les services et réseaux ont été coupés selon les endroits : distribution d?eau potable, coupure de
certains captages mais les volumes stockés ont suffi, distribution d?électricité pendant plusieurs
jours à Valkenburg, réseaux de transport (autoroutes, canal, voie ferrée Maastricht Liège).
Le gouvernement néerlandais a décrété l?état de catastrophe naturelle afin de permettre
l?indemnisation des dégâts au titre de la loi sur l?indemnisation des dommages en cas de
catastrophes (loi WTS), mise en place postérieurement à 1995. Des indemnisations partielles
pouvaient être apportées par les assureurs, au titre des assurances de biens immobiliers, mobiliers,
ou véhicules, par le gouvernement, et par un "disaster fund" (1000 euros par foyer). La disponibilité
des entreprises et fournisseurs a été un enjeu de la remis en état.
Les retours d?expérience néerlandais traitent notamment des questions d?impacts sur la santé :
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? les mesures de secours et d?évacuation ont sciemment priorisé la sécurité immédiate sur
les risques de contamination par la Covid-19 ; cette contamination a localement été accrue
à la suite de l?événement ;
? les difficultés psychologiques sont rapportées par deux tiers des professionnels de santé
interrogés (représentant environ 77 000 patients potentiels), constituant la principale cause
des arrêts médicaux de travail (stress et anxiété signalés par 68% des réponses, peur par
45%; un mois plus tard 47 et 32%) ;
? ont également été signalés des cas de gastro-entérites, infections respiratoires dont un cas
de décès suite à pneumonie, des infections de peau et blessures cicatrisant mal, des
problèmes articulaires ou musculaires.
Les inondations induisent également des réductions temporaires de l?accès aux soins, dont les
effets sont pour partie différés.
Annexe 6.3. Organisation de l?action publique, répartition des
compétences et responsabilités
Aux Pays-Bas, les inondations de mi-juillet ont constitué, pendant leur déroulement, une crise
régionale, coordonnée pour l?essentiel par les régions de sécurité. Les actions liées au suivi des
cours d?eau, aux prévisions, aux ouvrages de protection sont prises en charge en cohérence avec
les institutions de gestion plus large des cours d?eau et des milieux aquatiques. On revient ci-
dessous de façon plus détaillée sur l?organisation en place.
L?organisation territoriale générale, institutionnelle et administrative, des Pays-Bas se décline à
travers 12 provinces et 388 municipalités, pour environ 17,5 millions d?habitants. Les provinces
disposent d'une autonomie limitée, elles sont compétentes sur le développement spatial et
économique, la politique environnementale, la gestion stratégique des eaux superficielles (en lien
avec les municipalités et en concertation avec les waterschapen Cf. infra), les transports en
commun et l?énergie.
Les municipalités sont en charge notamment de l?occupation des sols et de l?urbanisme. Des règles
strictes sont définies, au niveau national, pour la construction dans les zones comprises entre les
cours d?eau et les digues, ainsi que dans une bande (de largeur variable) derrière la digue. Il
n?existe par contre pas de cadre général opposable de règles pour le reste des zones protégées
par les digues, l?adaptation de l?occupation des sols relevant des documents d?urbanisme
communaux.
Les compétences relatives aux risques naturels liés à l?eau, à la mer, à la défense des côtes, à la
sécurité correspondante des personnes et des territoires, et à la gestion des cours d?eau font l?objet
d?une organisation spécifique et intégrée. L?agence nationale de l'eau, le Rijkswaterstaat, sous
tutelle du ministère chargé des infrastructures et de la gestion de l'eau, supervise la construction,
la gestion, l?entretien des infrastructures d'intérêt national, et conseille le gouvernement dans la
planification stratégique et l?atténuation des risques à long terme. Elle gère les canaux de
navigation, les cours d?eau principaux et établit la prévision des crues sur ceux-ci (la Meuse, pour
l?événement qui nous intéresse). Elle assure la maîtrise d?ouvrage des systèmes d?endiguements
« primaires » correspondants (les systèmes d?endiguements primaires correspondant aux grands
cours d?eau / fleuves et aux barrages anti-tempêtes sur bras de mer les plus importants), mais
n?en gère directement qu?une petite partie, le reste étant géré par district hydrographique. Elle est
assistée par l?institut public technique et scientifique Deltares. Depuis 2001, les fonctions de gestion
et d?inspection sont séparées dans ce domaine.
Outre leur fonction en matière de gestion stratégique de l?eau, les provinces sont responsables des
cartes d?aléa et de risque d?inondation.
24 « autorités locales de l?eau », les waterschapen (parfois traduits par « watringues »),
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correspondent géographiquement à des districts hydrographiques, et sont centrales pour la
gouvernance de l?eau et des inondations. Ces organismes disposent d?un conseil élu au suffrage
universel pour cinq ans, qui identifie un président nommé par les autorités de niveau supra, le
« comte des digues » (Dijkgraaf). Ils gèrent les cours d?eau secondaires, et assurent la
maintenance et la reconstruction de la plupart des systèmes d?endiguements et digues primaires
(Cf. supra) ou secondaires, quel qu?en soit le propriétaire. Financièrement autonomes, ils fixent
règles et taxes dues par les bénéficiaires notamment de la protection assurée par les digues et par
les émetteurs de pollutions. Les droits de votes sont établis en fonction des taxes payées, la
population devant représenter au moins 50% des voix. Sauf exception, un seul waterschap
intervient sur chacun des 95 systèmes d?endiguement (les dike rings constituent des lignes
continues de défense contre les inondations). Les waterschapen disposent d?un pouvoir
réglementaire en matière de prévention des inondations et de protection des digues et des dunes,
de surveillance du niveau et de la qualité des eaux, du traitement des eaux résiduaires urbaines,
de la gestion des eaux souterraines.
L?institut national de météorologie KNMI établit des prévisions et des alertes météorologiques, qui
sont adressées aux structures en charge de la prévision des crues, Rijkswaterstaat et
waterschapen respectivement.
Rappelons par ailleurs que les Pays-Bas sont traversés par des cours d?eau internationaux, les
plus importants d?entre eux disposant d?instances de coordination multilatérales en application de
textes internationaux (Rhin, Meuse, Escaut), et chargés par ailleurs de coordonner la mise en
oeuvre de la directive européenne cadre sur l?eau et de la directive relative à l'évaluation et à la
gestion des risques d'inondation. Ces commissions fluviales internationales constituent par ailleurs
le support du développement conjoint de dispositifs de prévision des crues cohérents et partagés
sur les grands cours d?eau.
Le principe générique est que, selon son étendue, la crise est gérée au niveau communal, au
niveau de « régions de sécurité », au niveau national. Concernant la sécurité civile, le commissaire
du roi au niveau provincial exerce une fonction de coordinateur du maintien de l'ordre public et de
la gestion des opérations de secours lors de catastrophes dépassant les limites d'une commune.
La responsabilité opérationnelle de la sécurité publique est portée par les 25 « régions de
sécurité », conseillées par les waterschapen quand il s?agit d?inondations. Elles donnent mandat
aux maires de décider des évacuations. Ces régions sont présidées par un maire (habituellement
un maire de commune importante), elles correspondent aux régions de police, avec qui elles
partagent le même président, et coordonnent les services de secours municipaux et les autorités
de santé, en crise. Beaucoup de membres des équipes de secours sont des volontaires.
Annexe 6.4. Questions et problématiques mises en évidence par
l?événement
Le premier point saillant du retour d?expérience concerne la saisonnalité de l?événement,
suffisamment rare pour ne pas forcément apparaître dans les événements de référence, voire dans
les archives considérées. Ainsi, l?état de la végétation dans les lits mineurs, sur les berges et dans
les zones inondées ont modifié les lignes d?eau (relation entre débit et cote), les temps de
propagations, les phénomènes d?atténuation de l?onde de crue? A priori, les modélisations
opérationnelles ne prenaient pas ces situations en compte, avec plus ou moins d?impact sur la
qualité des prévisions. A cela s?ajoute, sur un registre différent, que l?été est une période de congés
(selon les territoires, à cette date), certains organismes ne disposant pas d?astreintes en regard
des phénomènes d?inondations estivaux « inattendus ». L?été est également une période de
maintenance des équipements.
Par ailleurs, indépendamment de la saison, les crues de 2021 ont atteint des niveaux déjà observés
voire fréquents à certains endroits, des cotes ou des débits jamais mesurés à d?autres. Des crues
aussi rapides n?étaient pas prises en compte, avec des conséquences en termes de processus de
prévision (transmission et utilisation d?informations, interrogations à lever?). Même les intensités
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pluviométriques les plus fortes observées n?étaient pas prises en compte dans les modèles de
simulation. Les modèles de prévision comme les scenarii de planification de gestion de crise
n?étaient pas forcément adaptés aux réalités de cet événement. En considération des limites
actuelles des modèles de prévision, est apparu le besoin de renforcer et développer le
« nowcasting », le suivi en temps réel des phénomènes.
Enfin, par rapport aux crues de référence de 1993 et 1995, ce n?est pas la Meuse mais ses affluents
qui ont provoqué les plus de dommages. Par ailleurs, s?ajoute à cela que le programme
d?élargissement des digues de la Meuse a montré des effets de réduction des lignes d?eau qui ont
pu être déterminants pour la crue de 2021.
Devant le fort niveau d?incertitudes sur les prévisions concernant la Meuse, le choix a été fait de
considérer un scénario « pessimiste » en termes de prévision et d?alerte, puis d?évacuation. Si en
certains endroits les ouvrages de protection ont non seulement tenu, mais disposaient d?une
« marge de sécurité » appréciable, dans d?autres le non-dépassement des digues, ou des sacs de
sable ajoutés, s?est joué à très peu de choses, dont l?absence de vent.
Les crues de juillet 2021 ont soulevé la question des niveaux de protection assurées actuellement
par certains systèmes d?endiguement sur des cours d?eau secondaires.
Il a pu être difficile pour les services de suivi et de prévision des crues d?anticiper une situation de
crise incertaine et atypique, pour alimenter en informations utiles les gestionnaires de crise. A ainsi
été exprimée l?idée de mettre en place, pour de tels événements intenses et incertaines, un
dispositif de back office en complément des services opérationnels en charge du temps réel. Pour
autant, l?événement a confirmé s?il en était besoin l?importance de disposer de cartes préétablies
de zones inondées, facilement utilisables en gestion de crise et au-delà en communication aux
habitants, et prenant en compte un large éventail de scenarii.
Si un tel événement, avec notamment son intensité et sa vitesse de montée n?était pas anticipé
dans les dispositifs et organisations, il faut souligner l?efficacité de l?adaptation pour les mesures
de préparation et de protection : 53 heures pour mettre en place un programme de mesures
programmé sur 120 heures. Cette adaptation a été aidée par la longueur des durées de lumière
diurne (permettant de travailler « facilement » plus longtemps qu?en hiver), et par une mobilisation
spontanée de professionnels et d?habitants, mais aussi d?institutions, dans un délai très restreint et
à l?échelle nationale voire au-delà. Rappelons que la surveillance des digues en crue peut être
organisée, aux Pays-Bas, en mobilisant des centaines de volontaires à l?échelle d?une province (Cf.
supra), et que cette culture a probablement joué sur la mobilisation de volontaires d?autres
provinces. S?est posé le problème, non anticipé, de la gestion de l?afflux de volontaires, en
logistique et en organisation. Les plans de gestion de crise prévoyaient les cas d?appel à des
volontaires, pas leur afflux spontané.
On ne revient pas en détail sur le suivi et la gestion des digues au cours de l?événement. Il faut
noter la gestion opérationnelle de l?information sur l?état de vulnérabilité des digues, qui a permis
d?adapter le dispositif de suivi et d?intervention.
En termes de consignes et de secours à la population, on a évoqué plus haut les disparités en
termes d?évacuation. De façon globale, le recours à différents moyens de communication a permis
à beaucoup d?habitants de prendre des mesures malgré certaines coupures de réseaux de
téléphonie mobile, d?évacuer par leurs propres moyens hors cas de fermetures rapides de voiries,
voire ensuite d?aider à la surveillance des digues. Le discours général à destination de la population
est celui du principe de la prise en charge individuelle et de la prise d?initiatives (on a évoqué plus
haut le fait que ponctuellement certaines initiatives en matière de digues ont pu ne pas être
opportunes). Par contre, des messages d?alerte ont été émis sans indication de cotes, de hauteurs
d?eau et/ou de zones concernées, et/ou sans recommandations.
On peut noter une situation particulière, qui illustre l?importance de la continuité et de la cohérence
dans la diffusion des messages à la population, a fortiori pour un événement inhabituel et aux
prévisions incertaines : dans la crainte d?une rupture d?ouvrage sur un secteur et en regard du peu
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de temps disponible, a été diffusée dans un premier temps une consigne d?évacuation « verticale »
(mise à l?abri dans les étages sans quitter les bâtiments), avant que l?ajustement du diagnostic
conduise à diffuser une consigne d?évacuation « horizontale » immédiate (sortie de la zone).
Certains médias ont diffusé la première consigne, mais ne l?ont pas mise à jour, induisant de la
confusion.
Sont apparues par ailleurs les limites des moyens humains mobilisables pour réussir à assister, en
temps réel, les personnes vulnérables. De façon plus générale, il a été difficile de gérer une
situation avec un tel nombre de personnes évacuées et/ou sinistrées.
La mission a noté, enfin, l?importance de la mobilisation d?expertise et du partage d?expérience en
post-événement de court terme :
? la mise en place d?une table-ronde nationale d?orientation, pour préparer les adaptations
futures des dispositifs, des procédures, des connaissances, annoncée avant la fin du mois
de juillet (publications des résultats au printemps puis en décembre 202283) ; cette table-
ronde a notamment fait le constat que le pays n?est pas préparé à une catastrophe de cette
ampleur, liée à des intempéries exceptionnelles, ainsi les « régions de sécurité » n'étaient
pas suffisamment préparées car le réseau hydrographique régional n?était pas inclus dans
les scenarii de crise inondations pris en compte jusque là84 ;
? une expertise scientifique rapide et complète, produite par un réseau d?organisme (ENW ?
expertisenetwerk waterveiligheid85), avec une première version d?un rapport détaillé dès le
20 septembre 2021, consolidée en 202286 ; cette expertise a notamment permis de tirer un
certain nombre de bilans sur des champs « techniques » et organisationnels, sur les
impacts y compris sanitaires : ces analyses et bilans connaîtront une large diffusion
prochaine dans le cadre d?une revue scientifique en langue anglaise ;
? un webinaire de retour d?expérience ouvert, notamment à des représentants d?autres pays,
le 3 février 2022 ;
? une étude, conduite par un groupe d?experts en 2022, pour estimer les impacts qu?aurait
eus la « bombe d?eau » si la goutte froide liée à la dépression Bernd avait été centrée sur
les Pays-Bas.
Annexe 6.5. Suites données, apprentissages, réflexions et actions
engagées
Comme cela vient d?être mentionné, le gouvernement a mis en place très rapidement l?organisation
d?une "table-ronde d'orientation", programme temporaire de travail regroupant plusieurs
organisations gouvernementales et publiques suite à une situation exceptionnelle. Un certain
nombre de conclusions et recommandations (de la table-ronde ou de ses participants) ont été
relevées et transcrites de façon synthétique ci-dessous par la mission, et organisées non selon
leur importance mais selon différents aspects de la gestion des risques d?inondation. Le cas
échéant ces conclusions reprennent des actions déjà engagées. Les travaux ont notamment
développé les questions de gestion de risques d?inondation dans le cadre de l?adaptation au
changement climatique, et interrogé la stratégie nationale d?adaptation.
83 https://www.rijksoverheid.nl/documenten/rapporten/2022/12/19/achtergronddocumenten-bij-beleidstafel-
wateroverlast-en-hoogwater
84 Les inondations de mi-juillet 2021 ont fait prendre conscience des impacts sociaux possibles d?inondations sur
le réseau hydrographique ?régional », ou « secondaire », dans un pays historiquement mobilisé sur les événements
de très grande ampleur affectant les grands fleuves et les polders côtiers.
85 Delft University of Technology, Deltares, HKV Consultants, VU Amsterdam, University of utrecht, KNMI (météo
nationale), Wageningen University and Research, Erasmus MC, University of Twente
86 https://www.enwinfo.nl/publish/pages/183541/211102_enw_hoogwater_2021-dv-def.pdf
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La mission attire l?attention sur le fait que les documents finaux n?existant qu?en néerlandais, elle a
eu recours à des outils de traduction qui pourraient ne pas transcrire suffisamment les nuances,
sur des sujets parfois sensibles. Elle a choisi néanmoins de rendre compte imparfaitement de ce
travail collectif important et ambitieux.
Constats et orientations directrices
? le pays n?est pas préparé à une catastrophe de l?ampleur de celle de juillet 2021, liée à des
intempéries exceptionnelles ;
? les dommages causés par de tels événements ne peuvent pas être évités par des mesures
simples ;
? les Néerlandais doivent être bien informés de ce qui peut arriver et être conscients de ce
qu'ils peuvent faire eux-mêmes pour réduire les risques et les dommages ; les
comportements constituent un réel enjeu, d?autant que les Néerlandais ont une image
positive de la gestion de l'eau, et estiment que le risque d'inondation est faible.
Diagnostics
? au-delà des « stress-tests » locaux et régionaux (qu?on pourrait traduire par « tests de
résilience »), il faut réaliser des stress tests suprarégionaux, pour servir ensuite de base à
des « dialogues territoriaux sur les risques » ;
? parmi les besoins d?intensification et de développement de la coopération avec les pays
voisins, figure la réalisation de stress-tests transfrontaliers, pour ensuite conduire des
dialogues de coordination par bassins-versants ;
? parmi les pistes de travail définies, figure l?étude avec les parties prenantes des
conséquences d'une situation météorologique comparable à mi-juillet 2021 mais
positionnée à d'autres endroits aux Pays-Bas.
Planification et préparation
? dans la gestion des risques d?inondation, il faut davantage tenir compte de circonstances
jusqu'ici considérées comme peu probables, et notamment des risques de précipitations
extrêmes, dans la préparation de crise et les scenarii considérés ; plus largement, il
convient d?élaborer différents scenarii d?inondations en termes de durée de retour et de
saison ;
? il convient de déterminer quelles sont les infrastructures vitales et vulnérables.
Prévention et sensibilisation
? un cadre de référence est en cours d?élaboration pour l?occupation des sols aux abords des
cours d?eau, concernant tout nouvel aménagement (limitations, conditions?) ;
? la question d?une possible réglementation des cultures, en raison de leur effet sur les crues
en été, est ouverte ;
? la sensibilisation ne doit pas seulement s?appuyer sur des informations génériques, dans
le cadre de campagnes génériques qui viseraient toute la population, la communication de
masse apparaissant souvent inefficace ; il s?agit a contrario de déterminer des groupes
cibles au sein de la population ou des acteurs, d?étudier leur perception du risque et leurs
besoins d'informations, pour cibler la communication.
Alerte et gestion de crise
? il est nécessaire d?améliorer les échanges transfrontaliers de données et d'informations
pour la prévision des crues ;
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? il faut vérifier la capacité des modèles statistiques et des modèles de simulation des crues
à prendre en compte les phénomènes de mi-juillet 202187 ;
? pour toute activité durant plusieurs jours et localisée à côté d?une rivière, comme un festival
de musique, il est proposé de rendre obligatoire l?élaboration d?un plan de communication
de crise et d'évacuation.
Développements techniques et scientifiques
? des programmes de recherche spécifiques « post-2021 » ont été engagés ;
? dans le cadre de coopérations avec les pays voisins sur toutes les eaux transfrontalières,
il faut développer des bases de connaissances communes, des recherches conjointes, des
outils communs ;
? les crues de 2021 ont fait apparaître d?importants phénomènes d?érosion, avec des
« fosses » dans le fond des lits de cours d?eau pouvant mesurer plus de 10 mètres de
profondeur par rapport au lit initial ; la question technique se trouve posée, d?une part, de
prendre en compte cette érosion (prédétermination de l?aléa, prévision), d?autre part, de
restaurer les lits mineurs des cours d?eau impactés ;
? l?amélioration des digues et leur élargissement a facilité la gestion des risques
d'inondations, notamment en abaissant les lignes d?eau lors de la crue ; néanmoins,
d'autres rétrécissements relatifs sont apparus à d'autres endroits qu'avant les travaux,
conduisant à une accélération des vitesses ; ce point doit être étudié.
Annexe 6.6. Liste des documents consultés
Supports de l'entretien du 9 septembre 2022 avec le Ministère de l?Infrastructure et de la Gestion
de l?eau - Ministerie van Infrastructuur en Waterstaat
Supports de l'entretien du 16 septembre avec le Rijkswaterstaat
Organisation et politique publique
Ambassade de France aux Pays-Bas / Service économique de La Haye (2020). Nomenclature
administrative et politique, gestion de l'eau et aménagement du territoire aux Pays-Bas, 3 pages
Slomp, R. (2012). Flood risk and water management in the Netherlands - A 2012 update.
Rijkswaterstaat, Ministry of Infrastructure and the Environment, 101 p.
Slomp, R. (2014) Flood risk management in the Netherlands, Ministerie van Infrastructur en Milieu,
presentation du 27 juin 2014
ENW expertisenetwerk waterveiligheid (2017). Fundamentals of Flood Protection, 144 p.
OECD - Organisation de coopération et de développement économiques (2014). Water
governance in the Netherlands - Fit for the future ?, OCDE, Paris, 298 p.
Kaufmann, M., van Doorn-Hoekveld, W. Gilissen, H.K., & van Rijswick, M. (2015). Analysing and
evaluating flood risk governance in the Netherlands - Drowning in safety ?, STAR-FLOOD
ConsortiumUniversity Antwerp, KU Leuwen, Belgique, 128 p.
Evénement suites données réflexions egagées
87 Le consortium scientifique ENW a par ailleurs recommandé de revoir les hypothèses et calages de certains
modèles par rapport à la présence de végétation dans les lits mineurs, sur les berges et dans les lits majeurs, aux
embâcles, aux apports d?eau latéraux, à la défaillance de barrages, aux changements morphologiques (érosion,
dépôts..? ;).
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Synthèse de l'étude du réseau scientifique ENW Expertisenetwerk waterveiligheid "Hoogwater
2021 - Feiten en Duiding", 20 septembre 2021
Ministère néerlandais des infrastructures et de la gestion de l'eau (2022). Eesrte advies Beleidstafel
wateroverlast en hoogwter (Premier avis de la table ronde stratégique sur les inondations et les
crues), 55 pages
Eindadvies Beleidstafel wateroverlast en hoogwater - Voorkomen kan niet, voorbereiden wel
allemaal aan de slag (Avis final de la table-ronde "table d'orientation" sur les politiques en
cas d'inondation et de crue, résumé public), Ministerie van Infrastructuur en Waterstaat, La
Haye, décembre 2022, 12 p.
Advies Wetenschappelijk Klankbordgroep (Groupe de réflexion scientifique consultatif), Mi-
nisterie van Infrastructuur en Waterstaat octobre 2022, 5 p.
Beleidstafel Wateroverlast en Hoogwater Achtergronddocumenten (Documents d'information
sur les inondations de la table ronde "table d'orientation" sur les politiques en cas d'inonda-
tion et de crue), Ministerie van Infrastructuur en Waterstaat, décembre 2022, 55 p.
https://www.rijksoverheid.nl/documenten/rapporten/2022/12/19/achtergronddocumenten-bij-
beleidstafel-wateroverlast-en-hoogwater
Slomp, R., & Friocourt, Y. (2022). Les Pays-Bas face à la montée des eaux: quelle stratégie pour
le long terme et comment répondre aux différents enjeux ? Responsabilité et Environnement, 107,
pp. 85-89
Reuber, J. (2022). Future management of water security in Limburg. International water security
symposium, Valkenburf aan de Geul, 23 juin 2022
Van der Broeck, P. (2022). Future management of water security in Limburg. International water
security symposium, Valkenburf aan de Geul, 23 juin 2022. (Pays-Bas NL)
Asselman, N. (2022). Facts and findings on the 2021 floods in Limburg. International water security
symposium, Valkenburf aan de Geul, 23 juin 2022. (Pays-Bas NL)
Van Brussel, J. (2022). Flood risk management challenges in the Netherlands. International water
security symposium, Valkenburf aan de Geul, 23 juin 2022.
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Annexe 7. : dispositifs d?indemnisation et
dispositifs assurantiels contre les catastrophes
naturelles
Annexe 7.1. Les dégâts à indemniser ont été d?une ampleur
nettement supérieure à ce que traite habituellement le système
français Catnat
En Allemagne, l?ampleur des dégâts a nécessité la mise en place d?un fonds spécial d?aide à la
reconstruction de 30 milliards d?euros ? en complément des mesures d?urgence de 400M¤ qui
avaient immédiatement été mobilisées - dont 16 milliards rendus disponibles dès 2021. Cela
s?est fait par une loi du 10/09/2021 « sur la création d'un fonds spécial "Aufbauhilfe 2021" et sur la
suspension temporaire de l'obligation de déposer une demande d'insolvabilité en raison de fortes
pluies et d'inondations en juillet 2021 et sur la modification d'autres lois » Sur ces 30 milliards, 23
viennent exclusivement de l?échelon fédéral et 7 seront remboursés sur trente ans, sans intérêt,
par l?ensemble des Länder, sous forme d?un prélèvement annuel de 233,33M¤ sur des recettes
fiscales leur revenant (quote-part de TVA). La répartition des dépenses est presque symétrique de
celle des ressources, en effet, 28 milliards sont fléchés vers des dépenses que les Länder doivent
effectuer, tandis qu?environ 2 sont réservés à la remise en état des infrastructures fédérales
endommagées.
Le nombre de morts en Allemagne dans cette catastrophe a été de 219 : en France, les différents
types d?inondation ont causé de l?ordre de 148 morts sur 10 ans, de 2013 à 2022 inclus (évaluation
issue de l?exploitation de sources diverses), tandis que l?année où les inondations ont été les plus
meurtrières en France depuis 1977, 2010, a conduit à 80 morts (en particulier Xynthia et les
inondations du département du Var). Il n?est pas surprenant que les dégâts soient à une échelle
proportionnelle, les 30 milliards d?euros du fonds d?indemnisation (qui intervient en complément
des assurances lorsque des dégâts étaient assurés) représentent plus de quinze fois le montant
annuel des primes d?assurance perçues en France en 2021 au titre du régime CatNat (1,8
milliards d?euros, et moins de 10 morts).
Le montant des dégâts indemnisés en Allemagne est proche de l?évaluation que fait la Caisse
Centrale de Réassurance de ce que serait le coût d?une crue majeure de la Seine (« de 16 à 28
Md ¤ »). La population de l?Ile de France est d?environ 12 millions de personnes, tandis que celles
des deux principales régions touchées en Allemagne, sont de 18 millions pour la Rhénanie du Nord
Westphalie et de 4 millions pour la Rhénanie-Palatinat. On peut voir une cohérence à ce que le
coût d?une catastrophe majeure dans une zone géographique et dans l?autre soit d?un ordre de
grandeur similaire.
En Wallonie, 39 personnes sont décédées, une centaine de milliers ont été sinistrées et les dégâts
ont été estimés par le gouvernement de la région wallone à 2,8 milliards d?euros. En juillet 2022,
le gouvernement de la région wallone communiquait dans les termes suivants : « Dès le lendemain
de la catastrophe le Gouvernement a négocié avec les compagnies d?assurance pour permettre
aux personnes sinistrées assurées de bénéficier d?une indemnisation complète en fonction des
clauses de leur police d?assurance et des accords avec les experts. Une loi fédérale permet en
effet aux assureurs de limiter les indemnisations versées aux sinistrés en cas de catastrophe de
grande ampleur. Dans le cas des inondations de juillet dernier les assurés n?auraient touché que
20% du montant des dégâts estimés par leur assureur. A la lumière du drame humain que
représentaient les inondations le Gouvernement a décidé d?accomplir un effort financier sans
précédent d?un milliard d?euros pour permettre l?indemnisation complète des personnes sinistrées
assurées. Après négociation, les assureurs ont quasiment doublé leur plafond
d?intervention. C?est ainsi qu?à ce stade les assureurs interviennent à raison de 41% et le
Gouvernement à raison de 59%. » Les personnes qui n?étaient pas assurées ont reçu l?aide d?un
« fonds des calamités », décrit par le gouvernement de la région wallone dans les termes suivants ;
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« Dès l?automne 2021 le Gouvernement a sollicité le Parlement afin de modifier spécialement les
conditions d?accès au fonds des calamités afin de permettre aux personnes sinistrées non-
assurées de bénéficier d?une aide financière (limitée). Le Gouvernement entendait éviter à tout prix
qu?une partie de la population non assurée ne tombe dans la précarité totale. »
Aux Pays Bas, l?opérateur (RVO) chargé d?indemniser les victimes sur la base du « règlement
WTS 2021 » publiait en juillet 2022 le bilan suivant : « Exactement 1 an après les fortes pluies et
inondations dans le Limbourg et le Brabant du Nord en juillet 2021 nous avons déterminé 1 518
demandes de victimes. Plus de 34 millions d'euros ont été versés dans le cadre du programme
WTS de juillet 2021. », traduisant des dégâts de plusieurs ordres de grandeur inférieurs à ceux qui
sont survenus en Belgique et en Allemagne. (Cf. annexes 3 et 4).
Annexe 7.2. L?indemnisation des particuliers et des entreprises s?est,
dans chaque pays, appuyée sur des dispositifs ad hoc complétant,
là où elles existaient, les assurances
La mission a échangé avec les administrations de trois pays, l?Allemagne, la Belgique (État fédéral
et région de Wallonie) et les Pays Bas.
Aucun de ces pays ne fait partie de ceux qui, comme la Suisse ou la France, ont rendu obligatoire
une assurance contre les catastrophes naturelles.
En Allemagne, le sujet était jusqu?à présent traité indépendamment par chaque Land. Un d?entre
eux a eu dans le passé un dispositif obligatoire, mais il l?a annulé, dans tous les autres Länder,
l?assurance était laissée à l?initiative de chacun. Toutefois, les statistiques montrent que les taux
d?assurance restent élevés dans les Länder où l?assurance était obligatoire. Les citoyens ont, dans
ces Länder, gardé le « réflexe d?assurance ».
La moitié des victimes des grandes inondations n?étaient en conséquence pas assurées contre les
dégâts correspondants.
Le fonds mentionné ci-dessus est destiné à indemniser chacun : pour ceux qui étaient assurés,
cette indemnisation vient en complément de l?assurance, pour ceux qui ne l?étaient pas elle
intervient seule.
En Belgique, la réglementation des assurances prévoit ? sans doute pour éviter des faillites de
compagnies d?assurance ? qu?en cas de catastrophe majeure, les assurances ne remboursent à
leurs clients qu?une fraction des dégâts. Cette fraction est d?autant plus faible que l?ampleur de la
catastrophe est élevée. Dans le cas particulier, l?application des règles aurait conduit les
assurances à ne rembourser que 20% des dégâts.
Le gouvernement wallon a pris deux mesures :
? comme indiqué plus haut, après négociation avec les compagnies d?assurance, il a obtenu
d?elles qu?elles remboursent 49% des dégâts subis par leurs clients, la région wallone
remboursant les 51% restant ;
? pour ceux qui n?étaient pas assurés, elle a mis en place un fonds de solidarité.88 Il ne
s?agissait pas dans leur cas de les indemniser totalement, mais, selon les termes de
l?exécutif régional, de leur apporter une aide « limitée » pour éviter qu?ils tombent « dans la
précarité totale ».
88 Communiqué de presse de juillet 2022 « Dès l?automne 2021 le Gouvernement a sollicité le Parlement afin de
modifier spécialement les conditions d?accès au fonds des calamités afin de permettre aux personnes sinistrées
non-assurées de bénéficier d?une aide financière (limitée). Le Gouvernement entendait éviter à tout prix qu?une
partie de la population non assurée ne tombe dans la précarité totale. »
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Août 2023 Retour d?expérience des inondations des 14 et 15 juillet
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Aux Pays Bas, selon la Fondation pour la recherche appliquée sur l'eau89 (qui se qualifie centre
de connaissances des offices de l'eau et des provinces) « L'assurance volontaire contre les
dommages causés par les inondations de la mer et des rivières aux habitations a été proposée
dans des produits successifs entre 2012 et 2020 par un assureur (Pays-Bas). Le porteur de risque
s'est depuis retiré et il n'existe actuellement aucun assureur aux Pays-Bas qui offre une
assurance contre les inondations d'origine maritime et fluviale (percée des défenses
primaires contre les inondations) à l'exception des produits destinés à un certain nombre de
multinationales et à quelques particuliers très fortunés. L'Association néerlandaise des assureurs
indique que cela est dû à une sensibilisation insuffisante (les Néerlandais se sentent relativement
en sécurité) à l'anti-sélection et au risque d'accumulation90. »
Les interlocuteurs administratifs de la mission lui ont confirmé que les dégâts liés aux inondations
n?étaient indemnisés que par des fonds publics, que la mise en oeuvre de tels fonds était décidée
au cas par cas par le gouvernement et qu?un principe général était que l?indemnisation ne couvre
pas la totalité des coûts, afin d?inciter à la prudence ceux qui construisent ou résident en zone
inondable.
Annexe 7.3. En Allemagne, une réflexion s?est engagée sur une
éventuelle assurance obligatoire contre les catastrophes
naturelles, elle n?avait pas totalement abouti lors de la rédaction
du rapport
Les réflexions en Allemagne se sont d?abord déroulées au sein d?un « groupe de travail sur
l'assurance obligatoire contre les catastrophes naturelles » Celui-ci a présenté ses conclusions le
1° juin 2022 devant la «conférence des ministres allemands de la justice91 (Länder et Etat fédéral) ».
Les ministres allemands de la justice ont adopté les conclusions suivantes : « Sur la base des
résultats du groupe de travail les ministres de la justice estiment que l'introduction d'une
obligation pour les propriétaires de logements privés de s'assurer contre les dommages
naturels dans un cadre à aménager par le législateur n'est pas contraire à la constitution en
particulier lorsque des franchises substantielles ou des instruments similaires sont prévus
(qui apparaissent de toute manière comme étant des dispositions naturelles en matière
d'assurance) afin d'éviter des incitations abusives en matière de prévoyance individuelle. La
forme concrète que le législateur donnera à une telle obligation est déterminante. »92
Depuis lors, et en préparation de débats au Bundestag, les réflexions se poursuivent au sein des
différents partis sur la mise en place d?une telle obligation. Ces réflexions portent notamment sur
89 STOWA : Stichting Toegepast Onderzoek Waterbeheer Het kenniscentrum van waterschappen en provincies
90 Ces deux dernières notions renvoient indirectement à l?asymétrie de l?information : les assurés potentiels savent
à quel point ils ont bien ou mal préparé leur bien au risque inondations. Ceux qui ont investi pour être moins exposés
aux conséquences de l?inondation ne vont pas accepter de payer des primes élevées, il ne reste donc plus comme
clients potentiels que ceux qui savent que leur bien, intrinsèquement et/ou par défaut d?adaptation, est très exposé
aux conséquences d?une inondation. Le niveau élevé du risque induit donc des primes élevées, qui ne laissent
comme clients potentiels que les « mauvais risques », ce qui conduit à réévaluer les primes nécessaires jusqu?à
ce qu?il n?y ait en pratique plus de clientèle.
91 Comme de nombreuses compétences sont partagées entre le Bund et les Länder, il est d?usage d?organiser
régulièrement des réunions des ministres du ressort concerné avec leur homologue fédéral. La plus connue est la
« Kultusministerkonferenz » car en matière de culture et d?éducation (écoles, lycées etc.) les Länder sont quasi-
souverains. Certains Lânder disposent même d?une « loi constitutionnelle scolaire ». Mais les ministres de la Justice
se réunissent eux aussi régulièrement, ainsi que les ministres de l?Environnement, qui ont consacré une grande
part de l?une de leurs réunions aux inondations de 2021
92 93. Konferenz der Justizministerinnen und Justizminister Bericht der Arbeitsgruppe ?Pflichtversicherung für
Elementarschäden?
https://www.justiz.nrw.de/JM/jumiko/beschluesse/2022/Fruehjahrskonferenz_2022/top_i_11_-
_pflichtversicherung_fuer_elementarschaeden.pdf
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deux thèmes : quelle dose de solidarité, pour éviter que les assurances dans certaines zones
dépassent la capacité de paiement des assurés ? Quelles « franchises ou instruments similaires
afin d?éviter des incitations abusives en matière de prévoyance individuelle » ?
Annexe 7.4. En conclusion
Annexe 7.4.1 Pour les entreprises comme pour les
collectivités, être prêts à réagir peut réduire
considérablement l?impact
Les inondations sont un des domaines où la prévention peut coûter beaucoup moins cher que
l?indemnisation.
Dans les zones à cinétique suffisamment lente, avoir identifié dans les entreprises et dans les
réseaux publics les composants clefs à débrancher avant la montée des eaux et à ne remettre en
place qu?après l?inondation peut considérablement raccourcir la période d?arrêt.
Les éléments de conception des circuits électriques susceptibles de limiter les dégâts (les mettre
aussi haut que possible plutôt qu?au ras du sol) sont également connus.
Les choix de matériaux pour les bâtiments et le second oeuvre ont des impacts sur les dommages
et les coûts.
Annexe 7.4.2 Au-delà d?une certaine ampleur, aucun système
assurantiel ne peut se substituer à la solidarité
nationale
Lorsque le coût d?une catastrophe s?évalue en dizaine de milliards d?euros, l?existence ou l?absence
d?une assurance, obligatoire ou pas, a un effet sur les modalités d?instruction des dossiers ? ceux-
ci sont confiés aux services des compagnies d?assurance dans un cas, et doivent être confiés à
des services publics dédiés dans l?autre ? il n?en demeure pas moins que la solidarité nationale est
nécessairement mobilisée, les ressources des compagnies d?assurance n?étant pas suffisantes
pour couvrir l?intégralité des catastrophes d?une trop grande ampleur. Rappelons qu?en France,
l?Etat propose une réassurance garantie par lui, par l?intermédiaire de la Caisse Centrale de
Réassurance.
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Annexe 8. : Glossaire des sigles et acronymes
AFPCNT Association française pour la prévention des catastrophes naturelles et
technologiques
CEPMMT Centre européen pour les prévisions météorologiques à moyen terme
(ECMWF : European Centre for Medium-Range Weather Forecasts)
CEREMA Centre d?études et d?expertise sur les risques, l?environnement, la mobilité et
l?aménagement
CGE Conseil général de l?économie
CGEDD Conseil général de l?environnement et du développement durable
COD Centre opérationnel départemental
CSI Code de la sécurité intérieure
DDT Direction départementale des territoires
DGPR Direction générale de la prévention des risques
DGS Direction générale de la santé
DGSCGC Direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises
DREAL Direction régionale de l?environnement, de l?aménagement et du logement
EFAS European Flood Awareness System
EHPAD Établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes
FNRASEC Fédération nationale des radioamateurs au service de la sécurité civile
GEMAPI Gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations
IGA Inspection générale de l?administration
IGEDD Inspection générale de l?environnement et du développement durable
MIIAM Mission interrégionale inondation Arc Méditerranéen
ORSEC Plan d?organisation des secours
PAPI Programme d?actions de prévention des inondations
PCS Plan communal de sauvegarde
PICS Plan intercommunal de sauvegarde
PPI Plan particulier d?intervention
PPRI Plan de prévention des risques d?inondation
PPRN Plan de prévention des risques naturels prévisibles
RETEX Retour d?expérience
SCHAPI Service central d?hydrométéorologie et d?appui à la prévision des inondations
SDIS Service départemental d'incendie et de secours
SDPC Schéma directeur de prévision des crues
SIDPC Service interministériel de défense et de protection civile
SPC Service de prévision des crues
ZICH Zones inondées par classes de hauteur
ZIP Zones inondées potentielles
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Sommaire
Résumé
Liste des recommandations
Introduction
1 Un événement d?ampleur européenne, touchant de façon très diverse des territoires aux caractéristiques géographiques et institutionnelles variées
1.1 Un événement météorologique et hydrologique inhabituel à plusieurs titres
1.1.1 Les précipitations
1.1.2 Les crues et les inondations
1.2 Des conséquences humaines dramatiques, des impacts économiques considérables
1.3 Des cadres institutionnels et organisationnels divers dans les territoires impactés
1.4 Les particularités fortes de l?événement et les difficultés majeures rencontrées
2 Retours d?expérience et enseignements concernant la chaîne surveillance-prévision-vigilance-alerte
2.1 Surveillance hydrologique des cours d?eau
2.2 Prévisions des précipitations, des crues et des inondations
2.3 Vigilance et pré-alerte
2.4 Alerte
2.5 Aider à faire la part de l?incertitude et de la variabilité face aux événements futurs
3 Retours d?expérience et enseignements concernant l?organisation des secours et la gestion de crise
3.1 Faire en sorte que les acteurs de la gestion de crise se connaissent avant la crise
3.2 Renforcer les liens entre les préfets et les grands opérateurs de réseaux
3.3 Développer et utiliser pleinement les outils de planification locale de la gestion de crise
3.3.1 Organiser une capacité de réponse adaptative et une continuité estivale au niveau local
3.3.2 Intégrer dans les Plans Communaux ou Intercommunaux de Sauvegarde (PCS ou PICS) des scenarii hydrométéorologiques diversifiés.
3.3.3 Adresser les bons messages à la population afin de s?adapter au déroulement de l?événement au niveau local
3.3.4 Mettre en place des « points-phares » regroupant des ressources pour les sinistrés
3.3.5 Organiser et coordonner une réponse aux fausses rumeurs pendant ou après un événement climatique extrême
3.3.6 Anticiper et organiser l?afflux de volontaires
4 Retours d?expérience et enseignements concernant la prévention des risques d?inondation et la préparation aux futurs événements
4.1 Connaître et prendre en compte les aléas de façon adaptée
4.1.1 Améliorer les références hydrologiques en prenant en compte les événements anciens
4.1.2 Mettre à jour les références hydrauliques des crues anciennes en fonction de l?évolution des vallées et des bassins versants
4.1.3 Accélérer la prise en compte des risques de ruissellements
4.2 Prévenir les sur-risques
4.2.1 Renforcer et fiabiliser les réseaux de communication
4.2.2 Amplifier la lutte contre les sources d?embâcles
4.2.3 Gérer les digues de façon résiliente
4.2.4 Réexaminer les consignes de gestion des barrages en fonction de l?évolution saisonnière des enjeux et informer sur le sujet
4.2.5 Programmer des travaux estivaux sur les ouvrages hydrauliques et les cours d?eau en intégrant le risque d?inondations
4.2.6 Programmer les opérations estivales de maintenance des dispositifs de gestion de l?eau
4.3 Compléter la planification de la gestion de crise
4.3.1 Organiser une coordination au sein de bassins de vie et de risques transfrontaliers
4.3.2 Réaliser des « stress tests territoriaux » intégrant les impacts du changement climatique
4.3.3 Améliorer les relations avec les médias pour assurer que tous les messages de consignes soient relayés
4.3.4 Anticiper les modalités de gestion des déchets
4.3.5 Prendre en compte les vulnérabilités spécifiques des personnes handicapées en termes de protection et de secours
4.4 Préparer et sensibiliser aux risques d?inondation
5 Retours d?expérience et enseignements concernant l?après-crise : retour à la normale, réparation, indemnisations, et apprentissage
5.1 Coordonner les acteurs de l?après-crise
5.2 Renforcer temporairement les services publics locaux
5.3 Adapter temporairement les procédures
5.4 Traiter et suivre les impacts individuels et collectifs sur la santé
5.5 Apprendre de la catastrophe et infléchir l?avenir
Conclusion
Annexes
Annexe 1. : lettre de mission
Annexe 2. : liste des personnes rencontrées
Annexe 2.1. France
Annexe 2.2. Allemagne
Annexe 2.3. Belgique
Annexe 2.4. Pays-Bas
Annexe 2.5. Organisations multilatérales de niveau européen
Annexe 3. : les grandes caractéristiques de l?événement d?inondations de mi-juillet 2021 en Allemagne
Annexe 3.1. Rappel des événements et de leur bilan humain
Annexe 3.2. L?ampleur des dégâts
Annexe 3.3. La phase de reconstruction à l?aune de l?exemple de la Rhénanie-Palatinat
Annexe 3.4. Les enseignements tirés de la catastrophe, un sujet qui reste sensible et compliqué
Annexe 3.5. La question de l?introduction d?une assurance obligatoire contre les catastrophes naturelles
Annexe 3.6. Liste de documents consultés
Annexe 4. : les grandes caractéristiques de l?événement d?inondations de mi-juillet 2021 en Belgique
Annexe 4.1. Caractéristiques météorologiques et hydrologiques de l?événement
Annexe 4.1.1 Météorologie
Annexe 4.2. Hydrologie
Annexe 4.3. Impacts
Annexe 4.4. Organisation de l?action publique, répartition des compétences et responsabilités
Annexe 4.5. Questions et problématiques mises en évidence par l?événement
Annexe 4.6. Suites données, apprentissages, réflexions et actions engagées
Annexe 4.7. Liste des documents consultés spécifiques à l?événement
Annexe 5. : les grandes caractéristiques de l?événement d?inondations de mi-juillet 2021 en France
Annexe 5.1. Caractéristiques météorologiques et hydrologiques de l?événement
Annexe 5.1.1 Météorologie
Annexe 5.1.2 Hydrologie
Annexe 5.2. Impacts
Annexe 5.3. Organisation de l?action publique, répartition des compétences et responsabilités
Annexe 5.4. Questions et problématiques mises en évidence par l?événement
Annexe 5.5. Suites données, apprentissages, réflexions et actions engagées
Annexe 5.6. Liste des documents consultés spécifiques à l?événement
Annexe 6. : les grandes caractéristiques de l?événement d?inondations de mi-juillet 2021 aux Pays-Bas
Annexe 6.1. Caractéristiques météorologiques, hydrologiques et hydrauliques de l?événement
Annexe 6.1.1 Météorologie
Annexe 6.1.2 Hydrologie et phénomènes hydrauliques
Annexe 6.1.3 Digues et protections contre les inondations
Annexe 6.2. Impacts
Annexe 6.3. Organisation de l?action publique, répartition des compétences et responsabilités
Annexe 6.4. Questions et problématiques mises en évidence par l?événement
Annexe 6.5. Suites données, apprentissages, réflexions et actions engagées
Annexe 6.6. Liste des documents consultés
Annexe 7. : dispositifs d?indemnisation et dispositifs assurantiels contre les catastrophes naturelles
Annexe 7.1. Les dégâts à indemniser ont été d?une ampleur nettement supérieure à ce que traite habituellement le système français Catnat
Annexe 7.2. L?indemnisation des particuliers et des entreprises s?est, dans chaque pays, appuyée sur des dispositifs ad hoc complétant, là où elles existaient, les assurances
Annexe 7.3. En Allemagne, une réflexion s?est engagée sur une éventuelle assurance obligatoire contre les catastrophes naturelles, elle n?avait pas totalement abouti lors de la rédaction du rapport
Annexe 7.4. En conclusion
Annexe 7.4.1 Pour les entreprises comme pour les collectivités, être prêts à réagir peut réduire considérablement l?impact
Annexe 7.4.2 Au-delà d?une certaine ampleur, aucun système assurantiel ne peut se substituer à la solidarité nationale
Annexe 8. : Glossaire des sigles et acronymes
INVALIDE) (ATTENTION: OPTION s ne permettent pas d?éviter des impressions de « fausse alerte » au niveau
local. Il sera important, comme cela a été formulé plus haut, d?évaluer en particulier la nouvelle
diffusion d?une vigilance « complémentaire » avec une échéance supplémentaire de 24 heures et
des informations infra-départementales, aussi bien pour les vigilances météorologiques que pour
les vigilances crues.
En particulier, les vigilances « orange » sont « mal perçues » quand elles sont formulées de façon
standard à l?échelle départementale, elles sont inévitablement suivies, à échelle locale et sur une
partie du département concernée, par des non-événements ou des événements « bénins »,
s?agissant d?inondations rapides sur de petits bassins. Pour autant, sur 76 cas de décès dus aux
inondations sur l?arc méditerranéen (de 2001 à 2011), pour lesquels il a été possible d?établir
exactement la chronologie des faits, 74% sont survenus dans les conditions d?une vigilance orange
dont la grande majorité ne sera pas suivie d?une vigilance rouge, et 8% dans les conditions d?une
27 Note technique du 18 janvier 2023 relative à la production opérationnelle de la vigilance crues, sous le timbre du
ministère chargé de l?environnement ? DGPR.
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vigilance jaune28 . La vigilance orange traduit une potentialité d?événement critique pour une
personne ou pour une commune. Si l?on fait le parallèle avec la couleur orange utilisée dans la
signalisation routière, le signal implicite de danger est très différent. Des travaux scientifiques sont
engagés qui devront permettre de mieux comprendre la perception du risque et les comportements
en regard de la vigilance orange29.
Les retours d?expérience de mi-juillet 2021, l?analyse des cas de décès en Rhénanie du Nord-
Westphalie30 et plus généralement la littérature technique et scientifique sur les circonstances de
décès dus aux inondations identifient, parmi les types de situations, celles de personnes en
majorité âgées ou souffrant de handicaps, qui décèdent dans leurs lieux de vie, y compris malgré
la disponibilité d?étages refuges. L?aide à l?évacuation de personnes vulnérables (évacuation
horizontale, hors de la zone inondable, ou verticale, vers un étage refuge lorsque la structure du
bâtiment n?est a priori pas menacée) nécessite du temps et des moyens humains, et répond à un
risque accru par rapport à la majorité de la population. Dans la gradation des niveaux de risques
et des alertes, les autorités japonaises distinguent un niveau conduisant à évacuer les personnes
âgées, handicapées, ou nécessitant plus de temps pour évacuer, inférieur au niveau appelant à
l?évacuation générale de la population exposée. En somme, on crée deux niveaux différents
d?ordres d?évacuation (partielle pour population âgée ou à risques/totale s?adressant à tous). La
prise en compte spécifique et organisée de personnes vulnérables est intégrée dans certains PCS
pour les situations d?inondations, mais il convient de rappeler que de nombreuses communes n?ont
pas finalisé ces plans, ou doivent y intégrer plus complètement les crises liées aux inondations.
Face à une vulnérabilité plus grande et à des délais de mise en sécurité plus importants, on peut
penser que les personnes concernées soient prêtes à accepter un « risque » plus grand de fausse
alerte, inévitablement lié à une plus grande anticipation. La mission recommande, dans les
messages officiels sur les consignes de sécurité, comme dans les actions des PCS, d?introduire
explicitement la distinction concernant les personnes plus vulnérables aux inondations en regard
de difficultés spécifiques à se déplacer en conditions difficiles, ou de besoins d?assistance. Ce point
sera repris au chapitre 3 pour ce qui concerne la planification communale de la gestion de crise.
28 Boissier, L. (2013). La mortalité liée aux crues torrentielles dans le Sud de la France : une approche de la
vulnérabilité humaine face à l'inondation. Thèse de doctorat, Université Paul Valéry - Montpellier 3, 186 p., ann.
Douvinet, J., Gisclard, B., Martin, G., Vinet, F., Bopp, E., Grancher, D., Coulon, M., & Genre-Grandpierre, C. (2019)
Les sirènes sont-elles pertinentes pour alerter la population en cas de crues rapides en France ?. La Houille Blanche
- Revue internationale de l'eau, EDP Science, 11 pages.
Ruin, I. (2020) Mobilités quotidiennes et crues éclair: une rencontre à haut risque!, Mémoire présenté pour obtenir
l'habilitation à diriger les recherches, Université Grenoble Alpes, 180 pages.
29 Ruin, I. (2020) Mobilités quotidiennes et crues éclair: une rencontre à haut risque!, Mémoire présenté pour obtenir
l'habilitation à diriger les recherches, Université Grenoble Alpes, 180 pages.
30 Thieken A. Bubeck P. Zenker M.-L. & Wutzler B. (2022a). Analyse der Todesumstände und -ursachen der
Opfer des Hochwassers 2021 in Nordrhein-Westfalen zur Ableitung von Verbesserungspotenzialen in der
Risikokommunication und Warnung KAHR (Klima Anpassung Hochwasser Resilienz) Science Conference 29-30
juin 2022.
Thieken A. Bubeck P. Zenker M.-L. & Wutzler B. (2022b). Strukturierte Auswertung der Dokumentationen zu
allen Hochwassertodesopfern in Nordrhein-Westfalen im Juli 2021 und Herausarbeitung von
Verbesserungspotenzialen in der Risikokommunikation und in den Warnprozessen anhand der Todesumstände
und -ursachen sowie Ereignischarakteristika Gutachten für den Parlamentarischen Untersuchungsausschuss V
(Hochwasserkatastrophe) des Landtags Nordrhein?Westfalen Universität Potsdam 50 p.
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Recommandation 3. Rappeler, dans les messages nationaux d?information relatifs aux
mesures de sécurité, et dans les pré-alertes diffusées par les préfets de départements aux
maires, la nécessité de prendre en compte de façon anticipée la situation des personnes
vulnérables, nécessitant des délais de mise en sécurité plus importants (DGSCGC, DGPR,
préfets de département).
Alerte
L?événement d?inondation de mi-juillet 2021 a partout surpris par sa date de survenue, au coeur de
l?été, dans des régions qui sont habituées aux crues d?hiver. Il est apparu qu?à divers degrés, les
procédures et processus d?alerte étaient de fait calés sur les crues et les vulnérabilités hivernales :
? pas d?alerte spécifique au monde agricole (peu utile pour des crues assez lentes et
hivernales, ne touchant que des terres agricoles sans culture ou avec des stades de culture
non récoltable, dans des régions dans lesquelles le bétail est en bâtiment à ces périodes
de l?année ; plusieurs préfets auditionnés par la mission ont mis en exergue la sensibilité
économique et sociale des impacts agricoles des événements de la mi-juillet 2021) ;
? absence de planification pour des activités touristiques et de loisirs extérieurs.
Dans certaines régions impactées, on a observé en 2021 des dommages agricoles « inédits » :
des cultures, pas forcément récoltables même avec un peu d?anticipation, et surtout du bétail en
extérieur, dans le lit majeur d?une rivière, dont l?évacuation précipitée a été complexe là où elle a
pu être tentée en urgence, sans planification ni préparation. Ces dommages ont pu s?avérer très
sensibles. A contrario, dans les Ardennes belges, haut lieu des camps estivaux de mouvements de
jeunesse, l?alerte spécifique a été précocement enclenchée, ces camps étant vulnérables à des
aléas climatiques estivaux comme les orages « classiques » et leur présence étant un enjeu pris
en compte par la sécurité civile. Même sans habitude d?événements importants estivaux de crues,
en France également, les autorités ont pu intégrer la présence et la vulnérabilité de manifestations
extérieures.
La mission recommande que l?ensemble des procédures et plans d?alerte soient examinés et au
besoin complétés dans la perspective d?événements d?inondations significatifs estivaux (sans
revenir sur la question des services permanents, astreintes, encadrements des congés évoqués
plus haut) :
? recensement, diagnostic de vulnérabilité et intégration dans les chaînes d?alerte des
activités saisonnières sur toute l?année (exemple typique de la présence de bétail en
extérieur, manifestations culturelles?) ; le recensement et le diagnostic de vulnérabilité
constituent de même des points d?entrée pour la révision éventuelle de l?organisation des
secours et la gestion de crise ; l?intégration dans la chaîne d?alerte concerne
potentiellement non seulement les destinataires et canaux de diffusion, mais aussi le
contenu des messages, le cas échéant les langues utilisées (tourisme) ? ;
? prise en considération des dynamiques et des délais caractéristiques de crues et
d?inondations sur tout le spectre possible d?événements, s?il y a lieu.
Recommandation 4. Réexaminer et adapter les procédures et plans d?alerte pour y intégrer
de possibles événements estivaux, avec leurs probabilités, les expositions et vulnérabilités
spécifiques à cette saison (préfets de département, présidents d?intercommunalités,
maires).
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Les retours d?expérience ont par ailleurs soulevé la question, pour des événements importants et
à cinétique rapide dans des régions qui n?y étaient pas forcément habituées, de prévoir la possibilité
de messages de pré-alerte, et d?adapter le cadencement des messages aux caractéristiques des
événements. Ce dernier point se pose d?autant plus en cas de fortes incertitudes avant le
déclenchement des précipitations et de difficulté à pré-définir l?événement : les observations à très
courte anticipation ou « en temps réel » (nowcasting) peuvent conduire à des informations utiles à
diffuser.
Les enjeux liés au contenu informatif et à la crédibilité des messages d?alerte ne sont pas
spécifiques à juillet 2021, certains territoires ayant été marqués par des taux significatifs de refus
d?évacuation, par exemple. Sensibilisation et éducation sont des préoccupations constantes de
l?action publique, en matière de gestion des risques d?inondation. De même, les interlocuteurs de
la mission ont pu faire état de sentiments de sécurité excessifs que peuvent induire la présence
d?aménagement hydrauliques, de digues?
Les réflexions et retours d?expérience dans les différents territoires abordent logiquement la
question des vecteurs et moyens techniques de diffusion de l?alerte, en fonction des dispositifs
existants au moment de l?événement et de difficultés spécifiques mises en évidence par un
événement « nouveau ». Dans le cadre européen mis en place, on observe différents degrés
d?avancement ou de maturité des dispositifs d?alerte par diffusion automatique sur les réseaux
mobiles, à l?image de FR-Alert en France. Un tel dispositif de diffusion cellulaire « cell broadcast »,
est unanimement considéré comme apportant un plus : localisation géographique limitée (à
l?échelle des antennes relais) et spécificité de l?information, notamment. Dans sa nouvelle stratégie
de sécurité civile, et dans les réflexions préparatoires, l?Allemagne met en avant un principe d?une
diversification et diversité forte des vecteurs de message d?alerte, avec la contrainte logique de
veiller à la cohérence des informations : le recours aux sirènes, indissociable de vecteurs
permettant une information différenciée selon les phénomènes et spécifique aux circonstances, est
présenté comme le moyen le plus sûr de mettre la population en situation d?éveil et de vigilance, à
toute heure, et de l?amener à accéder aux informations spécifiques à l?événement31.
La mise en oeuvre systématique d?alertes par diffusion cellulaire nécessite que les infrastructures
de communication des réseaux mobiles soient fiables avant le coeur de la crise, mais aussi pendant
la crise. Cet enjeu rejoint plus largement les questions cruciales de besoins de communications
liées à la crise au-delà de l?alerte : appels aux services de secours au sujet de personnes
menacées, appels entre proches inquiets? On peut penser que le maintien d?une capacité de
communiquer par téléphonie mobile peut éviter des déplacements physiques dangereux
(recherche de nouvelles de proches, tentatives de secours risquées et non forcément
nécessaires?). L?Allemagne a ainsi légiféré sur les obligations de fiabilité des opérateurs de
téléphonie mobile.
La loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023 d?orientation et de programmation du ministère de l?intérieur
a consacré la mise en place d?un réseau de communications électroniques, pour les acteurs publics,
dédié aux missions de sécurité et de secours, de protection des populations et de gestion des
crises et des catastrophes. Ce réseau est exploité par un opérateur dédié. Par ailleurs, les
opérateurs de réseaux radioélectriques ouverts au public garantissent la continuité et la
permanence des communications mobiles critiques à très haut débit destinées à ces missions
(entre les services de l?État, les collectivités territoriales ou leurs groupements, les services
d?incendie et de secours, les services d?aide médicale urgente et tout autre organisme public ou
privé chargé d?une mission de service public dans les domaines de la sécurité et du secours). La
mission rappelle par ailleurs que l?Etat a confié à la Fédération nationale des radioamateurs au
service de la sécurité civile (FNRASEC), association agréée de sécurité civile ?qui vient d?obtenir
le renouvellement de son agrément par le ministère de l?Intérieur et celui chargé de l?aviation civile-
31Le recours aux sirènes fait l?objet de débats techniques ; en Allemagne par exemple, la doctrine admet qu?on peut
utiliser plusieurs alarmes sonores différentes, à condition que la population soit correctement informée.
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une mission de service public : la mise en place d?un réseau ultime de transmission à la disposition
des services de secours et des autorités en cas de dégradation partielle ou totale des réseaux de
transmission usuels.
Il en découle plusieurs points cruciaux, complémentaires des recommandations établies dans le
retour d?expérience de la tempête Alex dans les Alpes-Maritimes en 202032 (renforcement du
réseau radio, dispositifs des communications des services ?) :
???dans des cadres formels à déterminer, veiller à la plus grande continuité possible de
fonctionnement, en situation de crise inondation, des réseaux mobiles non seulement pour
les missions visées par la loi du 24 janvier 2023 (Cf. supra), mais également pour les autres
échanges au sein de la population (alimentation électrique des relais, dispositifs
d?intervention?) ; si un tel objectif n?est pas forcément anodin et nécessite des
investigations et expertises, il semble plus atteignable que la continuité des réseaux
physiques de communication et d?électricité desservant les particuliers, au vu des
événements qui ont touché les vallées les plus impactées en juillet 2021, ou les vallées de
la Roya et de la Vésubie en octobre 2020 ;
???dans les messages de sensibilisation, et dans ceux de mise en alerte de la
population, on mentionne traditionnellement l?utilisation d?un poste de radio ; le recours à
la radio est très variable, quand ce n?est pas le smartphone même qui sert de récepteur ;
on recommande dès lors d?ajouter aux conseils et consignes à la population exposée
d?emporter avec soi son appareil de téléphonie mobile, un chargeur mais aussi une batterie
externe de recharge chargée.
Aider à faire la part de l?incertitude et de la variabilité face aux
événements futurs
On a explicité plus haut en quoi les inondations de juillet 2021 ont présenté des caractéristiques
inhabituelles voire atypiques. Se sont ajouté à cela les difficultés de prévisions et l?instabilité de
phénomènes importants, plus fortes que pour les événements habituellement pris en considération
dans les régions qui ont été touchées.
Au-delà des conséquences que chaque territoire national, régional ou local tirera de cet événement
particulier en regard de son risque de répétition, les inondations de juillet 2021 conduisent à se
préparer plus avant à des situations d?incertitudes et à une plus grande variabilité des phénomènes
intenses d?inondations. Les projections en matière d?impact du changement climatique renforcent
cette préoccupation, pour des régions qui ne connaissent les situations intenses méditerranéennes
que par les informations médiatiques nationales ou internationales.
Le présent rapport évoque plus haut la mise en place, en fonction des situations météorologiques
(risques de phénomènes intenses et difficultés en termes de prévision), de cellules de pré-alerte
regroupant les services de météorologie, de prévision des crues, de secours, auprès de l?autorité
en charge de la sécurité civile.
Dans les entretiens conduits par la mission, a été évoquée l?idée d?une cellule d?appui national,
dédiée aux situations d?inondations graves et rapides, qui pourrait agir en appui du niveau local
(renforcement des capacités d?analyse et de diagnostic, aide au suivi, mobilisation de sachants
très spécialisés?). Une recommandation de même nature a été formulée dans le rapport CGEDD
IGA de retour d?expériences des inondations de 2018 dans le département de l?Aude33, portant sur
32 Retour d'expérience des intempéries des 2 et 3 octobre 2020 dans les Alpes-Maritimes - Enseignements de la
crise et propositions pour une reconstruction résiliente, rapport CGEDD 013618-01 et IGA 20115-R, 2021.
33 Retour d'expérience des inondations du 14 au 17 octobre 2018 dans l'Aude, rapport CGEDD 012561-P et IGA
18105-RP, 2019.
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un dispositif national d?équipe de renfort pour la gestion de crise et pour l?après-crise.
Sous différentes formes, et en s?appuyant sur différents modèles et méthodes, les services de
prévision météorologique prennent en compte des scenarii d?évolution possible (résultats
divergents de différents modèles, méthode des semblables se référant à des scenarii
météorologiques d?ensemble?). Ce peut être le cas également pour les prévisions de crues, selon
les informations disponibles et les incertitudes sur les évolutions et comportements des
précipitations et cours d?eau. La mission soutient le principe mis en avant, dans le projet stratégique
de Vigicrues, de développer l?usage d?une série de modèles et de prévisions d?ensemble
météorologiques, alimentant les modèles de prévision hydrologique, avec la perspective de
quantifier et de mettre à disposition des utilisateurs les incertitudes sur ces prévisions. C?est en
particulier un enjeu en situation d?événements potentiellement intenses et incertains. Il s?agit
d?examiner dans quelles mesures une telle prise en compte peut aider les différents acteurs de la
« chaîne » observation ? prévision ? vigilance ? alerte dans leurs responsabilités respectives et
dans leurs interactions, et alimenter utilement les documents de planification de gestion de crise
qui eux-mêmes peuvent s?appuyer sur des scenarii de situation de crise pré-déterminés.
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3 Retours d?expérience et enseignements concernant
l?organisation des secours et la gestion de crise
Faire en sorte que les acteurs de la gestion de crise se
connaissent avant la crise
La mission souligne en premier lieu une évidence que la crise analysée dans le présent rapport a
confirmé à maintes reprises lors des entretiens nationaux ou internationaux : il est vital que les
acteurs de la gestion de crise se connaissent entre eux et aient l?habitude de travailler ensemble.
Le temps perdu à chercher le bon interlocuteur pour relayer une information qui peut être cruciale,
est un élément défavorable quant à la cinétique de la réponse publique en cas d?événement
météorologique extrême et rapide. Des réseaux d?interlocuteurs stables et préétablis améliorent
également la prise en compte de l?événement, ce qui raccourcit et optimise la mobilisation des
moyens de secours et l?alerte des populations. Notamment lorsque l?événement est atypique ou
difficile à prévoir, comme celui de mi-juillet 202134, des interlocuteurs qui ont l?habitude de se parler
et de communiquer entre eux vont mettre moins de temps à partager le fait qu?un phénomène
météorologique anormal est en train de se produire : le déclenchement des procédures d?alerte
ainsi que la mobilisation des secours en seront accélérés ? il n?y aura pas ou peu de « phase
d?incrédulité » face à l?information reçue par un partenaire connu et considéré comme fiable.
L?exemple de l?Aisne est de ce point de vue intéressant : le préfet de ce département a indiqué à
la mission que, dans cette partie de la France, l?impact de l?événement a été de toute évidence
moindre, mais que la difficulté résidait dans la gestion de l?aspect atypique de l?événement. Si la
chaîne de commandement au niveau départemental a fonctionné sans grande difficulté (préfecture,
activation du centre opérationnel départemental - COD, SDIS, police et gendarmerie, etc.), les
contacts avec des acteurs a priori éloignés des procédures habituelles de gestion de crise
d?inondation, comme par exemple la chambre d?agriculture et ses membres, ont été plus
compliqués et ont généré des tensions35.
Au-delà de la pédagogie in situ trouver un moyen de préparer à l?avance ce genre de contacts
pour relayer une information inhabituelle peut s?avérer fort utile. Cela peut aller de vrais exercices
de simulation de crise (et de la participation des acteurs concernés aux retours d?expériences ?
retex - de l?événement, a posteriori) à la désignation de référents pour établir des canaux de
communication stables et dont l?information véhiculée est considérée comme fiable. L?argument
est transposable à grande échelle, la crise de juillet 2021 ayant aussi montré à quel point la
coopération transfrontalière est dépendante de l?anticipation opérationnelle. Ainsi, l?entretien de la
mission avec le directeur général de la sécurité civile et de la gestion de crise a montré qu?en
l?absence de réseaux pré-activables avec des interlocuteurs identifiés s?accordant entre eux sur un
protocole de déclenchement de crise, il était beaucoup plus difficile de mobiliser et de transporter
des moyens de secours. Le succès d?opérations dont le cadre dépasse le cadre national repose
entre autres sur l?activation de moyens qui sont pré-positionnés ? or la gestion de ce pré-
positionnement et l?activation des dits moyens au moment de la crise dépendent directement des
canaux de communication existants et de la confiance réciproque des acteurs, confiance qui ne se
construit qu?au cours du temps parce que les intéressés ont l?habitude de se parler et de partager
des informations. De ce point de vue, la campagne feux de forêts en 2022 a plutôt été un succès.
En 2021, la Belgique a accepté l?aide opérationnelle proposée par la France.
34 La mission rappelle que les grandes inondations suite à des pluies torrentielles sont, dans un pays comme la
France, considérées a priori comme un phénomène estival ou automnal qui se produit dans la moitié Sud de la
France. Ici, c?est le centre de l?Europe occidentale qui a été touché.
35 Lors des habituelles crues d?hiver, les enjeux agricoles sont de nature différente et globalement moins sensibles
(cultures moins vulnérables, bétail en bâtiments et non à l?extérieur).
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Renforcer les liens entre les préfets et les grands opérateurs de
réseaux
En deuxième lieu, la mission attire l?attention des commanditaires sur le relâchement des liens qui
a pu être observé entre les préfets et les grands opérateurs privés (télécommunications, électricité).
Ce constat ressort de l?entretien avec certains préfets de département et pose une question
relativement nouvelle qui, à l?évidence, constitue un frein ou une limite à la mise en oeuvre des
principes développés plus haut.
En effet, la préfecture et le COD constituent l?épine dorsale de la gestion de crise et de la
mobilisation des moyens de secours au niveau territorial. Les vagues de restructuration et de
libéralisation du secteur des télécommunications et de l?énergie ont multiplié le nombre des
opérateurs et fractionné les grandes fonctions : l?entretien des réseaux, la distribution du service et
la stratégie de développement des infrastructures sont portés par des acteurs différents qui
communiquent mal entre eux et ont perdu l?habitude de tisser des liens avec l?Etat déconcentré et
les mairies. La répartition des tâches entre ENEDIS, RTE, l?opérateur historique EDF et les
fournisseurs privés d?électricité en est un exemple, quand bien même les réseaux sont clairement
répartis.
Il est plus difficile pour les préfets de les mobiliser et de les réunir autour d?une table en cas de
crise. Ils viennent en ordre dispersé au COD, quand ils viennent, ce qui n?est pas toujours le cas,
et ils n?ont pas d?action coordonnée entre eux pour apporter des solutions locales lorsqu?à
l?occasion d?un événement météorologique extrême le service est coupé ou interrompu. Chacun a
ses propres procédures qui peuvent se contredire entre elles, par exemple la définition de seuils
d?abonnés privés36 de courant (pour reprendre l?exemple du réseau électrique) avant de mobiliser
des équipes d?intervention et d?allouer des moyens, sauf en cas de demande explicite du préfet.
Les rivalités historiques aboutissent aussi au fait que les différents acteurs se rejettent
mutuellement la responsabilité d?un incident ou, à l?inverse, considèrent qu?un événement ne relève
pas de leur champ de compétence et répondent mal à la sollicitation des pouvoirs publics locaux.
Développer et utiliser pleinement les outils de planification
locale de la gestion de crise
La mission a identifié un certain nombre de points sur lesquels il est possible d?agir et qui vont dans
le sens des principes développés précédemment.
Organiser une capacité de réponse adaptative et une continuité
estivale au niveau local
Les leçons tirées des événements sont les mêmes sur ce point dans tous les pays frappés par les
inondations. Les inondations de 2021, par leur caractère inhabituel, ont montré la nécessité de
pouvoir adapter les réponses et comportements au gré des observations et informations
disponibles.
Les investigations de la mission soulignent la nécessité de concilier la connaissance du terrain et
la capacité de mobiliser des moyens dans une logique de proximité. Cela peut paraître abstrait ou
théorique comme principe, mais en réalité il s?agit de garantir l?adéquation entre la réponse de
l?action publique et les données du terrain. La première ne peut bien fonctionner que si elle connaît
le second et intègre les particularités locales. Un exemple qui illustre ce constat de bon sens a été
36 A titre d?exemple, ENEDIS a une règle interne qui veut qu?aucune intervention en urgence ne soit déclenchée en-
dessous d?un seuil de 6.000 foyers privés d?électricité. Ce seuil est une norme interne de l?entreprise qui soulève la
question de l?absence de différenciation territoriale, alors que l?adaptation des moyens mobilisés au contexte local
est précisément un point critique pour une gestion de crise réussie.
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relevé par la mission en Meurthe-et-Moselle. Dans ce département où les inondations ont surtout
touché le secteur de Longwy (« Haut-Pays », et notamment la commune de Longuyon) et où, dans
l?ensemble, les dégâts ont été limités par l?habitude des inondations en d?autres saisons et la
mobilisation collective (même si l?intensité de la crise a dépassé les modèles connus), un problème
particulier a dû être résolu par les pompiers du SDIS : un EHPAD, difficile d?accès, s?est retrouvé
coupé du réseau électrique. Le SDIS a apporté un groupe électrogène, ce qui en l?occurrence
représentait la meilleure solution pour garantir la sécurité de ses occupants dont l?évacuation n?était
pas nécessaire (d?autant que des travaux sur d?autres catastrophes mettent en évidence la
mortalité induite par l?évacuation de résidences de personnes âgées). Cet exemple montre à quel
point l?information de proximité est cruciale pour la mobilisation des bons moyens de secours. Cette
information de proximité est d?abord détenue par les relais locaux et plus particulièrement les
maires qui constituent par conséquent un maillon indispensable de la chaîne.
En France, l?Etat se situe dans la logique d?adaptation en matière de gestion de crise : la graduation
de la réponse en fonction de l?ampleur de l?événement est un marqueur de la doctrine en matière
de sécurité civile. Le pré-positionnement des moyens et la mobilisation de renforts situés en temps
normal hors de la zone touchée, quand cela est nécessaire, se décline à l?échelon national, zonal
et départemental. Il en va de même de la continuité estivale, c?est-à-dire le fait de garder un
minimum de personnel mobilisable en période de congés. Du côté des collectivités territoriales, les
SDIS font de même, au demeurant ils sont placés sous l?autorité fonctionnelle du préfet qui est de
droit directeur des opérations de secours pour toute opération excédant le périmètre communal.
Mais ce n?est pas toujours le cas au niveau de la commune, alors que le maire reste responsable
des secours sur son territoire. Là encore, les PCS pourraient servir de support pour inclure une
telle stratégie au niveau local. En cas d?inondation, la rapidité de l?action publique est primordiale
pour alerter et secourir. Le pré-positionnement de moyens ne doit pas être nécessairement
permanent, surtout dans les petites communes, mais les PCS peuvent intégrer un niveau de pré-
alerte, calé sur les bulletins de Météo-France, consistant à se préparer pour une inondation ; par
exemple, lorsque qu?une caserne de pompiers se situe en zone inondable, les véhicules de secours
devraient être sortis de la caserne et placés en hauteur. L?exemple peut être étendu aux services
communaux critiques en cas de crise. Il en va de même des points de fragilité dont il convient
d?anticiper les besoins, comme un hôpital, une maison de retraite, etc.
Dans des territoires peu ou très peu exposés à des inondations significatives en été, la gestion des
congés peut oublier d?anticiper ce risque saisonnier plus rare. Le PCS peut rappeler les contraintes
opérationnelles à respecter et fixer le niveau plancher d?effectifs disponibles selon les saisons
(mobilisables immédiatement en tenant compte des gardes ou astreintes). Les événements
climatiques extrêmes ne sont pas circonscrits au seul Sud du pays ni à l?hiver.
A partir des pratiques en vigueur aux Pays-Bas, le chapitre 4 expose le principe d?une surveillance
des digues impliquant des volontaires formés, d?une part, dans un but opérationnel d?évitement de
défaillances de ces ouvrages, d?autre part, avec un impact sur l?information et la sensibilisation de
la population.
Intégrer dans les Plans Communaux ou Intercommunaux de
Sauvegarde (PCS ou PICS) des scenarii hydrométéorologiques
diversifiés.
Créé par la loi de modernisation de la sécurité civile de 2004, le PCS a évolué pour devenir un outil
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majeur de la gestion des crises au niveau communal et intercommunal37. Le champ des PCS a été
élargi, puisqu?initialement seules les communes couvertes par un plan de prévention des risques
naturels (PPRN) approuvé et par un plan particulier d?intervention (PPI), du ressort de la préfecture,
devaient en rédiger un. Depuis la loi Matras38 , toutes les communes exposées aux « risques
spécifiques les risques volcaniques cycloniques sismiques et d?incendie » sont soumises à
l?obligation d?avoir un PCS. L?article L731-3 du Code de la sécurité intérieure (CSI) mentionne
explicitement dans son alinéa 3 les « territoires à risque important d?inondation ». S?il est vrai que
de nombreuses communes sont en retard pour la rédaction ou l?actualisation (obligatoire tous les
cinq ans) de leur PCS, il n?en reste pas moins que cet outil monte en puissance et devient
indispensable pour gérer la crise et la mobilisation des secours au plan local. Les communes sont
le maillon final de la chaîne et, à ce titre, le risque inondation doit aussi être décliné à cet échelon-
là. Pour l?application de l?article R731-3 du CSI, la mission estime qu?il est possible et souhaitable
d?intégrer des scenarii hydrométéorologiques dans les PCS des communes potentiellement
menacées sous une forme claire et lisible, en s?appuyant par exemple sur les zones d?inondation
potentielle (ZIP) et les zones inondées par classes de hauteurs d?eau, (ZICH) développées par les
SPC pour lier les prévisions de cotes et de débits aux surfaces impactées, et au-delà aux mesures
graduées et adaptées de gestion de crise.
De tels scenarii permettent par exemple de cartographier des itinéraires d?évacuation pour la
population, des itinéraires pour les équipes de secours, des secteurs dans lesquels demander
prioritairement, si on en a le temps, l?évacuation de véhicules qui pourraient être emportés et
accroître les impacts des inondations à l?aval ?
Recommandation 5. Intégrer dans les PCS et PICS différents scenarii d?événements
d?inondations, en intensité et en saisonnalité, et notamment les risques significatifs de
ruissellement, afin de permettre une gestion adaptative de la crise, et des pré-
positionnements de moyens en conséquence (maires, présidents d?intercommunalités,
préfets de département).
De surcroît, la mission souligne la nécessité de réaliser des exercices régulièrement, en
coordination avec les préfectures, afin d?appréhender les réalités de terrain qui posent des
difficultés particulières ou qui demandent une réponse spécifique. L?exemple de la maison de
retraite et du groupe électrogène apporté par les pompiers évoqué plus haut illustre parfaitement
cette nécessité. Le geste doit être anticipé et prévu dans le PCS en fonction du scénario
d?inondation. Plus généralement, l?intégration de scenarii hydrométéorologiques dans les PCS
sous une forme simple et compréhensible pour le maire d?une petite commune vise à établir une
gradation des vigilances en fonction de la vulnérabilité, une gradation et une priorisation des
actions, en prenant en compte les risques d?encerclement de secteurs par l?eau.
Dans le département des Ardennes, le préfet a proposé aux élus des petits exercices par groupes
de quatre ou cinq communes, et une fois par an dans chaque périmètre disposant d?un PICS. La
mission estime qu?il s?agit là d?une bonne pratique qui pourrait être généralisée. Elle permet de
dimensionner concrètement la capacité de réponse adaptative du territoire concerné.
37 Le plan intercommunal de sauvegarde est de création plus récente. Pour la problématique de la mission, la
distinction importe peu, le raisonnement est valable dans les deux cas. La loi « Matras » du 25 novembre 2021
introduit le PICS qui est obligatoire « dès lors qu?au moins une des communes membres est soumise à l?obligation
d?élaborer un plan communal de sauvegarde ». Le PICS, même s?il est rédigé par l?EPCI et validé par son
assemblée délibérante, s?articule de fait avec les PCS dans une logique de mutualisation au profit de toutes les
communes membres. Il organise la coordination et la solidarité intercommunale.
38 Loi n° 2021-1520 du 25 novembre 2021 visant à consolider notre modèle de sécurité civile et valoriser le
volontariat des sapeurs-pompiers et les sapeurs-pompiers professionnels.
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Le III de l?article L731-3 du CSI prévoit que : « Tous les cinq ans au moins, la mise en oeuvre du
plan communal de sauvegarde fait l'objet d'un exercice associant les communes et les services
concourant à la sécurité civile. Dans la mesure du possible, cet exercice implique aussi la
population. ». Il importe, pour les communes exposées aux risques d?inondations intenses et
rapides, d?une part, de ne pas se contenter de la périodicité « plancher » et de prendre en
considération des scenarii diversifiés d?aléa, d?autre part, d?impliquer dans ces exercices la
population et les acteurs non institutionnels. Les crises intenses nécessitent, comme le mettent en
avant par exemple les retours d?expérience allemands et néerlandais, que les habitants soient des
acteurs à part entière de la réponse à la crise (en l?occurrence les premiers acteurs de leur propre
sauvegarde), qu?ils soient informés et préparés. Cela implique notamment de pouvoir se placer,
pour les exercices, dans des situations « défavorables » comme la nuit, circonstance régulièrement
observée pour les inondations conduisant à des décès39.
Recommandation 6. Inciter les communes à organiser des exercices impliquant la
population, avec l?appui des services de l?État et de l?ensemble des acteurs de crise, pour
tester le caractère opérationnel de leurs plans communaux de sauvegarde et la diffusion
auprès des habitants des bons comportements à adopter face aux risques d?inondations
intenses et rapides, susceptibles d?intervenir en quelques heures (DGSCGC, préfets de
département).
On introduit au chapitre 4 l?idée d?un dispositif de surveillance des digues, au cours d?un événement
d?inondations, impliquant des volontaires. Cette question relève, d?une part, des dispositions de
gestion de crise (et donc notamment des PICS et PCS), d?autre part, des compétences de maîtrise
d?ouvrage des collectivités au titre de la compétence GEMAPI.
Par ailleurs, les nouvelles dispositions de l?article L121-6-1 du Code de l?action sociale et des
familles autorisent le maire à « [recueillir] les éléments relatifs à l?identité à l?âge et au domicile des
personnes âgées et handicapées qui en ont fait la demande (?) ». Les PCS peuvent ainsi renvoyer,
pour la commune concernée, vers une liste de personnes vulnérables et leur localisation exacte
en cas d?inondation avec une personne à contacter pour prévenir de l?intervention et la préparer
(directeur, personnel médical ou soignant, personnel de garde la nuit, etc.), qu?il s?agisse de
personnes vivant à domicile ou non. L?exemple du foyer de personnes handicapées prises au piège
par la montée des eaux dans la vallée de l?Ahr dans la nuit du 14 au 15 juillet 2021 en constitue
une illustration tragique.
Adresser les bons messages à la population afin de s?adapter au
déroulement de l?événement au niveau local
Les entretiens menés par la mission montrent que la question des consignes données au bon
moment par des responsables de proximité (la question de messages spécifiques envoyés par les
autorités sur les téléphones portables relève d?une autre problématique), identifiés par la population,
comme le maire ou ses adjoints dans les communes petites ou moyennes, est critique en début
d?événement pour limiter le nombre de victimes et faciliter l?accès des secours aux particuliers qui
en auraient besoin. Si la tragédie vécue dans la vallée de l?Ahr (Cf. annexe sur l?Allemagne) a été
39 Jonkman S.N. & Kelman I. (2005). An analysis of the causes and circumstances of flood disaster deaths.
Disasters 29(1) 75-97.
Diakakis M. & Deligiannakis G. (2017). Flood fatalities in Greece:1970?2010. Journal of Flood Risk Management
10(1) 115?123.
Diakakis M. & Papagiannaki K. (2021). Characteristics of Indoor Flood Fatalities : Evidence from Greece.
Sustainability 13(8612) 15 p.
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aggravée par la problématique des alertes tardives et non coordonnées, le nombre élevé de
victimes vient aussi du fait qu?il n?y a pas eu de consignes données à une partie au moins de la
population et que les gens ont eu de mauvais réflexes qui, dans certains cas, leur ont coûté la vie.
Par exemple, des personnes sont descendues dans la cave pour chercher de quoi colmater les
portes40 plutôt que de gagner le plus rapidement possible le point le plus élevé de la maison, voire
de monter sur le toit afin d?être visibles pour les secours (la montée des eaux dans les communes
de l?amont a été rapide). Rappelons, par ailleurs, que des personnes alertées ont passé du temps
à remplir des sacs de sable, pour protéger les ouvertures des sous-sols, alors que l?eau a atteint
le haut du rez-de-chaussée.
Là encore, il importe que le PCS puisse prévoir des consignes à donner à la population par leurs
élus du quotidien, en fonction de l?événement et des scenarii possibles. Ces consignes peuvent
évoluer en fonction du déroulement et de l?intensité de l?événement. De tels messages, que le PCS
prévoit et dont il organise la diffusion (selon les situations, porte-à-porte, téléphone, haut-parleurs
portatifs?), contribuent à éviter les « fausses bonnes expériences » : on vise ici la répétition de
comportements ou de réflexes acquis préalablement lors d?un événement qui semble comparable
et qui peuvent être contre-productifs ou dangereux si les particuliers estiment mal le danger,
comme dans le cas de la vallée de l?Ahr. Les messages peuvent sauver des vies et ils facilitent la
tâche des secours.
Recommandation 7. Inclure, dans les PCS, des messages à diffuser à la population au fur et
à mesure du déroulement de l?événement hydrométéorologique, en fonction des
populations cibles et en regard des scenarii d?événements (maires, préfets de département).
Par ailleurs, on a observé en juillet 2021 que des absences d?informations ou des informations trop
succinctes sur les barrages (« le barrage va opérer des lâchers ») ont suscité des peurs et des
soupçons allant bien au-delà de la réalité physique des choses. A l?annonce de lâchers, des gens
ont craint une rupture à venir. A contrario, on observe que l?absence d?information sur les
manoeuvres des barrages alimente les soupçons. Comme cela a pu apparaître dans des bulletins
de prévision des crues au Luxembourg, il serait utile d?étudier au cas par cas, si ce n?est déjà fait,
une prise en compte dans l?information diffusée sur la crue / l?inondation d?une indication brève
mais suffisante sur les manoeuvres de barrages et leur impact, s?il y en a un. Cela permettrait en
cascade aux responsables communaux de relayer une information exacte, et ainsi de limiter des
soupçons non fondés, ainsi que des peurs.
???Dans les bulletins de prévision des crues pour les ouvrages hydrauliques
structurants, et dans les messages locaux d?alerte et d?information à la population, donner
une information sur les éventuelles manoeuvres de barrages, leur motivation et leur impact
qualitatif.
Mettre en place des « points-phares » regroupant des ressources
pour les sinistrés
Les « points-phares » sont des endroits aménagés pour la population qui se situent dans des lieux
en sécurité et offrent une palette de services de base utiles en cas d?événement climatique
extrême : premiers secours, point d?information sur l?événement, bornes de recharge pour
téléphone mobiles, etc. Sous réserve qu?ils ne soient pas placés en zone inondable, les gymnases
des collèges et lycées accueillent le plus souvent les populations évacuées et ils sont donc
40 Beaucoup d?habitants avaient en mémoire les précédentes inondations de 2016, beaucoup moins graves et avec
une montée des eaux bien plus progressive, lors desquelles l?enjeu principal était de protéger les parties basses
des maisons et notamment les sous-sols semi-enterrés (sacs de sable etc.).
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candidats naturels pour devenir « points-phares ». En France, les premiers secours et les
informations relatives à l?événement sont déjà, à l?heure actuelle, des fonctions prises en charge
par les volontaires relevant des associations agréées de sécurité civile. La question relève donc
plutôt de la labellisation et de la gamme de services techniques que les communes peuvent mettre
en place, comme les bornes de recharge par exemple.
Organiser et coordonner une réponse aux fausses rumeurs pendant
ou après un événement climatique extrême
Les entretiens menés par la mission ont montré que les inondations, même le plus souvent non
exceptionnelles comme ce fut le cas dans le Nord et l?Est de la France, ont tendance à générer ou
alimenter des « fake news ». Par exemple, dans le milieu agricole (les dégâts causés par les
inondations ont été principalement des dégâts agricoles) de l?Aisne, s?est propagée la rumeur selon
laquelle on aurait manoeuvré des barrages pour laisser le département s?inonder et ainsi protéger
Paris. Une réponse publique coordonnée s?impose face à ce type de rumeurs. De même, les
fausses bonnes idées, qui peuvent mettre en danger les particuliers, propagées par les réseaux
sociaux doivent être immédiatement neutralisées par la communication publique en cas de crise
(Cf. supra sur les sacs de sable). Le COD en préfecture où siègent les représentants de toutes les
forces ou autorités impliquées est le meilleur endroit où la réponse publique peut être coordonnée
et élaborée pendant la crise au plan local.
Anticiper et organiser l?afflux de volontaires
Ce point ressort notamment des entretiens menés avec les représentants des autres pays touchés
par les inondations de la mi-juillet 2021. En France, la première « couche » de volontaires est
formée, d?une part, par les sapeurs-pompiers volontaires, d?autre part, par les militants des
associations agréées de sécurité civile (premiers secours, transmissions de crise, gestion des flux
en cas d?évacuation, etc.). Leur activation et leur affectation en cas de crise sont organisées et
gérées par la préfecture en lien avec les mairies et les services de secours. Mais en cas d?incident
majeur, des volontaires supplémentaires se présentent spontanément aux autorités, en général en
mairie. Il faut canaliser ce flux de générosité et le prévoir, par exemple dans le PCS de la commune,
afin de l?organiser (accès, logistique, priorisation des actions).
Ce point soulève aussi la question des modalités de la participation citoyenne à la gestion de crise
et à l?élaboration des PCS. Dans la pratique, la rédaction des PCS est aujourd?hui fréquemment
confiée à un prestataire privé ? il y a un « marché du PCS » qui s?est développé, amplifié par la loi
Matras de 2021 qui augmente substantiellement le nombre de communes soumises à l?obligation
d?en rédiger un. Rien n?empêche les maires d?inclure ce point dans le cahier des charges donné
au prestataire.
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4 Retours d?expérience et enseignements concernant la
prévention des risques d?inondation et la préparation aux
futurs événements
Sur la base des retours d?expériences, expertises et enquêtes réalisés suite aux inondations de
juillet 2021 (et dont certains sont encore en cours), les États, régions, provinces ou Länder ont pris
un certain nombre de mesures et engagé des réflexions sur différentes composantes des politiques
de prévention et de préparation face aux risques d?inondations. Ces mesures et réflexions
découlent des apprentissages liés à l?événement, et sont contingentes de l?état des législations,
des réglementations et des pratiques. Il en a été de même en France après les inondations de
2010 (en particulier la tempête Xynthia et les inondations dans le département du Var), qui ont
conduit au plus lourd bilan humain annuel depuis plusieurs décennies, et ont eu pour conséquence
directe la définition et la mise en oeuvre du plan submersion rapide de 2011, dont les suites
continuent d?être déployées. En termes de prévention et de préparation notamment, on peut
mentionner à ce titre des évolutions en matière de prise en compte des risques dans l?urbanisme
(transcriptions réglementaires de dispositions relevant jusqu?ici de l?instruction 41 , dont
l?encadrement de la constructibilité derrière les digues, actions spécifiques aux campings,
cartographie nationale des repères de crues42 que la loi du 30 juillet 2003 relative à la prévention
des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages a intégré dans les
responsabilités des collectivités territoriales, création des missions de référent départemental
inondation ?. Dans ce contexte, il est malaisé de tirer des enseignements précis de juillet 2021
notamment pour les dispositifs français relatifs à l?urbanisme, en-dehors de points d?attention ou
d?aspects très spécifiques. La France dispose aujourd?hui d?un cadre d?action (plan submersions
rapides et ses suites développées dans le cadre de la stratégie nationale de gestion des risques
d?inondation) qui apparaît prendre en compte les enjeux mis en avant dans différents territoires
suite à la catastrophe. Les retours d?expérience et les réflexions engagées, chacun dans leur
contexte national respectif, confirment l?importance et l?utilité des évolutions engagées depuis dix
ans en France, même si on ne les reprend pas ici par le menu.
Connaître et prendre en compte les aléas de façon adaptée
Les travaux, mentionnés au chapitre 1, établissent un lien entre le changement climatique et
l?apparition et le comportement du phénomène de goutte froide à l?origine des inondations de juillet
2021. Ils montrent que ce type d?événement est déjà influencé par l?évolution du climat depuis la
période de référence pré-industrielle, et que cette influence va continuer à déployer ses effets en
termes de fréquence et d?intensité des inondations de ce type. A l?instar des actions et orientations
mises en avant dans les territoires fortement touchés en 2021, on ne peut que confirmer
l?importance d?évaluer les impacts de ce changement climatique sur les différents phénomènes
d?inondation, aux échelles géographiques opérationnelles :
? d?une part, pour réévaluer les références statistiques à prendre en compte à ce jour et à
l?avenir, le cas échéant ;
? d?autre part, pour anticiper dans les décisions les évolutions à venir, en particulier pour les
décisions et politiques de gestion s?inscrivant dans le moyen et le long terme, avec des
41 Décret n° 2019-715 du 5 juillet 2019 relatif aux plans de prévention des risques concernant les «aléas
débordement de cours d?eau et submersion marine / Arrêté du 5 juillet 2019 relatif à la détermination, qualification
et représentation cartographique de l?aléa de référence et de l?aléa à échéance 100 ans s?agissant de la submersion
marine, dans le cadre de l?élaboration ou de la révision des plans de prévention des risques concernant les «aléas
débordement de cours d?eau et submersion marine»
42 Plateforme collaborative de référence pour le recensement des repères de crues en France
https://www.reperesdecrues.developpement-durable.gouv.fr/
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dispositions assez diversement réversibles ou ajustables (urbanisation, infrastructures
vitales, aménagements de protection?).
Par ailleurs, l?occurrence d?un événement très rare, voire hors de la « gamme » des événements
connus et pris en compte, conduit à questionner et à mettre à jour un certain nombre de référentiels.
Il en va ainsi par exemple des références statistiques des crues, des événements de référence
(aléa, surfaces concernées?) pris en compte en application de la réglementation ou des bonnes
pratiques pour différents volets comme l?urbanisme, la planification de la gestion de crise, les
scenarii de précipitations considérés par les modèles hydrologiques... La façon dont la submersion
s?est propagée dans une zone aménagée, au cours de l?événement, permet notamment de repérer
les risques « d?encerclement » de secteurs isolés avant d?être inondés (ou isolés sans avoir été
inondés), pour différents niveaux de crue.
Améliorer les références hydrologiques en prenant en compte les
événements anciens
Suite aux inondations de juillet 2021, l?hydrologie de la rivière Ahr, en Allemagne, et sa prise en
compte dans les politiques de prévention, ont fait l?objet de publications scientifiques, techniques
et médiatiques43. On en présente ici les éléments principaux pour leur caractère illustratif.
L?analyse statistique des crues de l?Ahr, permettant notamment de se donner des références en
termes de fréquence / de probabilité, a été conduite avant 2021 d?une façon que l?on pourrait
qualifier de traditionnelle : prise en compte de l?ensemble des mesures hydrologiques conduites
de façon traçable et référencée, soit depuis 1949, avec la mise en place d?un dispositif de mesure
« moderne et systématique », puis établissement d?une loi statistique sur les crues répertoriées et
ainsi mesurées.
Il apparaissait ainsi que les crues d?été étaient minoritaires, globalement représentatives des
intensités des crues d?hiver, et le débit maximum de crue centennal44 a pu être estimé à 241 m3/s,
proche du débit de pointe de la crue du 2 février 2016 (236 m3/s)45.
En reconstituant, en fonction des observations historiques et des repères de terrain, les débits de
5 fortes crues historiques de 1804, 1888, 1910, 1918 et 1920, il est apparu :
43 Thieken A. Kemter M. Vorogushyn S. Berghäuser L Sieg T. Natho S. Mohor G.S. Petrow T. Merz B. &
Bronstert A. (2021). Extreme Hochwasser bleiben trotz integriertem Risikomanagement eine Herausforderung
Rapport de recherche des projets ExTrass (Urban Resilience to extreme Weather Events) et NatRiskChange
(Natural Hazards and Risks in a Changing World) Université de Potsdam 10 p.
Vorogushyn S. Apel H. Kemter M. & Thieken A. (2022) Statistical and hydraulic analysis of flood hazard in the
Ahr valley Germany considering historical floods Présentation à l'assemblée scientifique de l'IAHS-AISH -
Association internationale des sciences hydrologiques 12 p.
Mohr S. Ehret U. Kunz M. Ludwig P. Caldas-Alvarez A. Daniell J.E. Ehmele F. Feldmann H. Franca M.J.
Gattke C. Hundhausen M. Knippertz P. Küpfer K. Mühr B. Pinto J.G. Quinting J. Schäfer A.M. Scheibel
M. Seidel F. & Wisotzky C. (2023) A multi-disciplinary analysis of the exceptional flood event of July 2021 in
central Europe ? Part 1: Event description and analysis Nat. Hazards Earth Syst. Sci. 23 525?551 2023.
Ludwig P. Ehmele F. Franca M.J. Mohr S. Caldas-Alvarez A. Daniell J.E. Ehret U. Feldmann H.
Hundhausen M. Knippertz P. Küpfer K. Kunz M. Mühr B. Pinto J.G. Quinting J. Schäfer A.M. Seidel F. &
Wisotzky C. (2023) A multi-disciplinary analysis of the exceptional flood event of July 2021 in central Europe ? Part
2: Historial contexte and relation to climate change Nat. Hazards Earth Syst. Sci. 23 1287-1311 2023.
44 Le débit maximum de crue « centennal », ou encore de période de retour 100 ans, est le débit qui a une chance
sur 100 d?être dépassé, chaque année.
45 CEDIM Forensic Disaster Analysis Group (2021). Hochwasser Mitteleuropa Juli 2021 (Deutschland) - Bericht Nr.
1 "Nordrhein-Westfalen & Rheinland-Pfalz" Center for Disaster Management and Risk Reduction Technology
Karlsruher Institut für Technologie 31 p.
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? que les trois plus fortes crues depuis 1804 jusqu?en 2020 sont celles de 1804, 1888 et 1910,
et qu?il s?agit de crues d?été ;
? que le débit de pointe de la crue de 1804 est très proche de celui estimé pour 2021 (environ
1100 m3/s) ;
? qu?une analyse statistique adaptée prenant en compte ces crues historiques conduit à
estimer un débit centennal entre 250 et 370 m3/s, avec un intervalle de confiance de 90%.
Avant juillet 2021, l?inondation de 2016 était considérée comme ayant une période de retour proche
de 100 ans au vu d?analyses statistiques antérieures, et était prise en compte comme « une
référence » pour une partie au moins des acteurs. Elle correspond pourtant à une période de retour
de 30 ans si l?on prend en compte les événements historiques46. Et par ailleurs, elle a été très
inférieure à la crue de 2021, en débit et en surfaces impactées.
Il importe en conséquence de conduire, chaque fois que cela est possible, un travail sur les crues
historiques importantes, pour identifier toutes celles qui ont dépassé un certain seuil, reconstituer
des estimations de débit, et conduire des analyses statistiques qui prennent en compte ces crues
historiques en complément de la chronique de crues mesurées sans discontinuité47 . D?autres
méthodes, à mettre en oeuvre selon les contextes, permettent de suppléer le manque de données
sur un petit bassin par une analyse statistique régionale. La disponibilité de ces méthodes ne doit
en rien permettre de relâcher les efforts de suivi et d?archivage des données de débits pour
disposer des meilleures séries de données possibles, en exhaustivité et en représentativité.
Mettre à jour les références hydrauliques des crues anciennes en
fonction de l?évolution des vallées et des bassins versants
L?exemple de la vallée de l?Ahr fournit également des éléments illustratifs sur ce point. Dans des
zones agglomérées de cette vallée, marquée par 134 décès en juillet 2021, figuraient sur des
bâtiments des repères physiques du niveau atteint par la crue de 1804, qui s?est avérée avoir un
débit de pointe comparable à celui de 2021. Mais le niveau de l?eau en 2021 a pu dépasser de plus
de deux mètres celui atteint en 1804 au droit de la même maison. Parmi les causes évoquées
figurent la densification des constructions et infrastructures dans le fond de vallée, laissant moins
de place de passage à l?eau, l?évolution des aménagements et pratiques agricoles sur les
versants? On peut également s?interroger sur le rôle qu?ont pu jouer des embâcles, « sur-risque »
en partie aléatoire, dans le niveau maximum instantané atteint par l?eau. En tout état de cause, les
aménagements de la vallée ont localement aggravé les conditions de submersion en 2021, par
rapport à un événement hydrologique comparable en 1804 (même débit arrivant à l?amont d?une
agglomération).
Quoi qu?il en soit, loin de réduire l?intérêt d?apposer des marques de crues historiques qui
concourent à la sensibilisation et à l?information de la population, cette situation observée sur la
vallée de l?Ahr conduit à recommander « d?expertiser » la vraisemblance actuelle des repères de
crues historiques au regard des débits maximaux correspondant aux conditions d?écoulement de
l?époque : pour les sites sur lesquels il y a lieu de suspecter une forte densification du lit majeur
et/ou une évolution marquée des conditions de formation des crues (imperméabilisation,
accélération des ruissellements?), il serait important de profiter de modèles hydrauliques existants
ou de travaux de modélisation à venir pour estimer les niveaux qui seraient atteints aujourd?hui
pour un événement hydrométéorologique ancien, et d?apposer un deuxième repère de nature
46 Thieken A. Kemter M. Vorogushyn S. Berghäuser L Sieg T. Natho S. Mohor G.S. Petrow T. Merz B. &
Bronstert A. (2021). Extreme Hochwasser bleiben trotz integriertem Risikomanagement eine Herausforderung
Rapport de recherche des projets ExTrass (Urban Resilience to extreme Weather Events) et NatRiskChange
(Natural Hazards and Risks in a Changing World) Université de Potsdam 10 p.
47 Gaume E. (2018). Flood frequency analysis: the Bayesian choice WIREs Water e1290 11 p.
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différente qui montre le niveau minimum qu?atteindrait aujourd?hui l?événement historique en
question. La comparaison entre les deux permettrait non seulement d?actualiser l?information
historique, mais aussi de sensibiliser aux actions locales et aménagements qui aggravent les
risques indépendamment du climat
Recommandation 8. Promouvoir le principe d?ajouter un deuxième repère de crue historique,
de nature différente, qui montre le niveau minimum qu?atteindrait aujourd?hui l?événement
historique en question (DGPR, DGSCGC, préfets de département).
Accélérer la prise en compte des risques de ruissellements
L?événement de juillet 2021 s?est traduit aussi bien par des débordements de cours d?eau, avec
des dynamiques ou des niveaux de « brutalité » variables, que par ce qu?on dénomme
« ruissellements », y compris dans des sites où ce risque n?était ni connu ni anticipé. Les outils de
connaissance et de caractérisation sont divers, selon les pays concernés, et ont fait l?objet de
décisions de développement suite aux inondations. La prise en compte dans l?aménagement de
l?espace constitue un enjeu bien identifié. En France, les besoins de plus grande connaissance et
prise en compte de ce risque sont soulignés par des rapports d?inspection48 et traduits dans la
feuille de route 2022-2024 des services déconcentrés de l?Etat en matière de prévention des
risques naturels et hydrauliques 49 . C?est un enjeu croissant, aussi bien dans les zones
habituellement exposées à ce risque, que dans des zones où la montée en fréquence et en
intensité d?événements orageux va faire des ruissellements un enjeu croissant.
En termes de définition, on reprend celle retenue par le ministère en charge de l?environnement,
sur la proposition d?un groupe de travail de son réseau scientifique et technique - RST (feuille de
route « risques liés aux ruissellements », 202050) : « tout écoulement surfacique (diffus) ou linéaire
(concentré) concernant un territoire dont le bassin versant amont a un temps de réponse de moins
de deux heures ». Cela correspond en pratique à des bassins versants qui ont moins de quelques
dizaines, voire jusqu?à une centaine, de km2. Cette définition permet de recouvrir la très grande
diversité physique des phénomènes, entre un écoulement en surface sur un pan de versant naturel
ou urbanisé, un écoulement dans un vallon habituellement sec voire habituellement occupé par un
petit ruisseau très faible par rapport à l?écoulement qui prend place suite à un orage intense?
Ces phénomènes, éloignés des logiques de propagation de crue et de débordement de cours d?eau,
posent des difficultés de prévision et même de localisation potentielle : ils sont très dépendants de
la topographie à une échelle très locale et sont provoqués par l?intensité sur place des précipitations,
elles-mêmes difficiles à prévoir. En considérant ces ruissellements au sens large, qui intègrent les
crues soudaines (« flash floods » selon l?expression internationale consacrée), la feuille de route
du RST indique qu?ils génèrent en moyenne sept morts par an en France, et des dommages
matériels du même ordre de grandeur que les crues fluviales. Pour certaines inondations, jusqu?à
50% des sinistres indemnisés au titre du régime des catastrophes naturelles se situent hors des
zones identifiées de débordement de cours d?eau, mais touchées par des ruissellements.
La feuille de route des services déconcentrés demande notamment de prendre en compte les
risques de ruissellements dans les plans de prévention des risques d?inondation, lorsque le risque
48 Propositions d'actions pour mieux gérer les inondations en zone méditerranéenne et limiter leurs conséquences
- synthèse du collège "Prévention des risques naturels et technologiques ", rapport CGEDD N° 010664-01.
Retour d'expérience des intempéries des 2 et 3 octobre 2020 dans les Alpes-Maritimes - Enseignements de la crise
et propositions pour une reconstruction résiliente, rapport CGEDD 013618-01 et IGA 20115-R, 2021.
49 Instruction du ministre de la Transition écologique 17 février 2022.
50 Université Gustave Eiffel et INRAE, avec Cerema, BRGM, Météo France, IGN, CSTB
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de ces ruissellements est majeur. Par ailleurs, on observe une diversité d?initiatives locales sur ce
point, avec des approches techniques diversifiées et parfois lourdes pour localiser et qualifier le
risque. La mission recommande en particulier, parmi les éléments mis en avant dans la feuille de
route du RST, que soient élaborés et diffusés des éléments de doctrine technique pour la
cartographie des risques de ruissellements, notamment pour que des diagnostics puissent être
réalisés par les acteurs locaux dans les endroits où il est urgent de commencer la prise en compte
des ruissellements dans la prévention, dans l?état actuel des outils et des connaissances. En
particulier, il importe que des situations « courantes » de risques de ruissellement, sans difficulté
particulière, puissent trouver des outils et méthodes adaptés permettant, définitivement ou à titre
conservatoire, d?élaborer une cartographie utilisable de façon opérationnelle. Dans le même temps
et en parallèle, il reste indispensable de poursuivre le développement des connaissances et des
outils.
???Il importe par ailleurs que les pouvoirs publics facilitent et soutiennent des analyses
techniques post-événement sur les phénomènes de ruissellements, permettant d?enrichir
les outils existants et de les adapter.
Recommandation 9. Elaborer une doctrine technique de cartographie des risques de
ruissellement, permettant d?appréhender ce risque de façon opérationnelle pour les
situations « courantes », ou à titre conservatoire pour des sites nécessitant des
investigations et modélisations complexes (DGPR).
Prévenir les sur-risques
En dehors du phénomène hydrométéorologique proprement dit, un certain nombre de facteurs
anthropiques peuvent aggraver l?aléa ou la vulnérabilité humaine, matérielle et économique,
constituant de fait des sur-risques. On reprend ici certains de ces facteurs qui se sont manifestés
en divers territoires, lors de l?événement de 2021, et qui ont pu faire déjà l?objet de plans d?action
ou de réflexions dans tel ou tel pays.
On a pu observer sur différents sites, soumis à des phénomènes d?une rareté variable en juillet
2021, des submersions de centres de secours. Les implantations de ces centres doivent répondre
à divers enjeux de proximité, d?accessibilité ? en réponse à tout un ensemble de risques. Pour
autant, l?inondation d?un centre de secours constitue un sur-risque manifeste en cas d?inondation,
en considération du rôle éminent des services tout au long d?un événement. Dans son rapport
thématique de juillet 2012 "les enseignements des inondations de 2010 sur le littoral atlantique
(Xynthia) et dans le Var", la Cour des comptes a recommandé de supprimer ou de relocaliser dans
les meilleurs délais les centres de secours situés en zone inondable. La mission souscrit à la
recommandation de la Cour des comptes, en priorité pour les zones inondables par des
phénomènes rapides.
Renforcer et fiabiliser les réseaux de communication
On a évoqué plus haut les décisions prises en matière d?obligations législatives de fiabilité de
réseaux mobiles en Allemagne (enjeux par exemple de continuité de l?alimentation électrique des
antennes). Selon les pays, des dispositifs de diffusion cellulaire « cell broadcast » étaient en place
en 2021, étaient en cours de développement ou de mise en place comme en France avec FR-Alert,
ou ont fait l?objet de décisions post-événement.
???Il importe que les premières mises en oeuvre, pour divers types d?événements,
d?alertes par diffusion cellulaire, fassent l?objet de retours d?expérience sur le terrain et
d?évaluations.
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Plus généralement, la question des télécommunications est un enjeu majeur aussi bien pour la
population que pour les autorités en charge, et dépasse la question du cell broadcast. La mission
reprend à son compte les recommandations, actualisées, issues du retour d?expérience de la
tempête Alex dans les Alpes Maritimes en 202051 : packs téléphonie mobile multi-forfait pour
diversifier les réseaux utilisables par les autorités et les équipes de secours et d?intervention,
équipements hybrides entre réseaux opérateurs et mode direct ...
Amplifier la lutte contre les sources d?embâcles
Les inondations de 2021 ont montré, une fois de plus, l?aggravation du risque par les phénomènes
d?embâcles (montée accrue des eaux à l?amont d?un « barrage temporaire », vagues provoquées
par la rupture de ces obstacles, emportements de ponts ou de chaussées?). Ces embâcles sont
constitués de végétation ligneuse arrachée aux berges, de véhicules, d?équipements domestiques
ou professionnels emportés par les eaux (citernes?), de déchets laissés en fond de vallée ou de
vallon... Outre la question principale de l?aggravation de l?aléa et donc du risque, il est très difficile
de prévoir quantitativement l?effet physique sur l?aléa de ces embâcles, pour les intégrer dans les
politiques de protection ou de gestion de crise. La réponse première et prioritaire à apporter est
donc la prévention : entretien de la végétation dans les cours d?eau et les vallons secs pouvant
être le siège de ruissellements, enlèvement des déchets et dépôts dans les zones de courant,
évacuation préventive des véhicules, ancrage des équipements dépassant une certaine taille.
Gérer les digues de façon résiliente
Les digues destinées à protéger des inondations, et certaines infrastructures pouvant jouer ce rôle
(digues de navigation, remblais routiers ou ferroviaires?), évitent la submersion jusqu?à un certain
niveau de crue ou de ruissellement, sauf défaillance, et au-delà laissent « passer » l?eau de façon
plus ou moins maîtrisée, jusqu?à ne plus avoir d?effet sur le niveau de l?eau atteint pour des
événements très importants. Elles réduisent le risque pour les événements inférieurs à leur niveau
de dimensionnement et dans les limites de leur fiabilité, elles aggravent le risque lorsqu?une
défaillance (rupture?) ou un dépassement du niveau de protection par la crue conduisent à une
irruption brutale de l?eau dans la zone inondable jusqu?ici protégée.
Les niveaux de cadrage législatif et réglementaire du dimensionnement des digues, de leur sûreté,
des responsabilités afférentes et de la sécurité des zones protégées sont très divers, selon les
territoires touchés par les inondations de juillet 2021. La France dispose d?une politique développée
d?assez longue date sur ces différents aspects (en l?absence toutefois de « normes » définissant
un niveau statistique de protection), politique qui continue à se déployer notamment dans la
continuité du plan submersion rapide et qui répond utilement à un grand nombre de préoccupations
identifiées au cours de l?été 2021.
Pour autant, le retour d?expérience conduit à mettre en exergue deux éléments de la politique
néerlandaise, qui méritent d?être mis en avant malgré la différence de contexte avec notre pays
(les inondations de 2021 ont touché la partie la plus continentale des Pays-Bas). Mi-juillet 2021, à
son entrée aux Pays-Bas dans la province du Limburg, la Meuse a connu les plus forts débits
jamais mesurés. Les digues, et leurs renforcements en temps réel, ont été très sollicités, mais les
dommages liés à la Meuse ont été limités notamment grâce à ces digues. Il s?en est parfois fallu
d?extrêmement peu que des ouvrages ne soient dépassés. Les experts ont pu mesurer, a posteriori,
le rôle important qu?a joué le programme « room for the rivers » (de la place pour les rivières),
conduisant pendant une dizaine d?années à élargir l?espace entre les digues, en recourant au
besoin à des expropriations de bâtiments, pour réduire les hauteurs de l?eau en crue entre ces
digues.
51 Retour d'expérience des intempéries des 2 et 3 octobre 2020 dans les Alpes-Maritimes - Enseignements de la
crise et propositions pour une reconstruction résiliente, rapport CGEDD 013618-01 et IGA 20115-R, 2021.
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Par ailleurs, les autorités en charge des digues, comme le waterschaap du Limburg, ont la
possibilité de mobiliser des volontaires (préparés avec notamment une réunion annuelle) pour
surveiller les digues au cours de la crue, sous la coordination de professionnels compétents
(agents du service, professionnels volontaires?) : en de nombreux points, cette surveillance et
l?action encadrée des volontaires ont permis d?identifier des débuts d?érosion dans le corps de
digue, et de bloquer le phénomène qui aurait conduit à la rupture de la digue. Les Néerlandais ont,
au-delà, pu installer des caméras pour surveiller ces points faibles et guider ainsi l?action des
volontaires. Il faut indiquer, par contre, qu?en l?absence d?encadrement professionnel sur site, des
volontaires ont pu décider de renforcer des digues de façon techniquement inopportune, en les
fragilisant par une surcharge trop lourde au lieu de les consolider.
En France, le document d?organisation, élaboré par le responsable d?un système d?endiguement,
prévoit notamment les conditions de surveillance des ouvrages en situation courante et en situation
de crue52. Il n?est fait référence qu?à du personnel de l?établissement responsable, ou à des sous-
traitants.
La mission recommande d?étudier une telle démarche de surveillance impliquant des volontaires,
pour des digues d?une certaine taille, démarche qui, outre la protection apportée, apparaît
constituer un vecteur fort de sensibilisation de la population au risque d?inondation en général et
aux limites de la protection apportée par les digues. En effet, tous les territoires en 2021 ont plus
ou moins explicitement fait le constat non seulement d?un besoin général de renforcer la
sensibilisation de la population au risque d?inondation, mais aussi du sentiment exagéré de sécurité
qu?apporte la présence de digues. Une telle démarche, sous la responsabilité des collectivités en
charge de la compétence GEMAPI et donc des systèmes d?endiguements, pourrait utilement être
expérimentée dans le cadre de programmes d'actions de prévention des inondations (PAPI), avec
l?appui des services de l?Etat.
Recommandation 10. Expérimenter, dans le cadre de la compétence GEMAPI, et à l?occasion
de la mise en oeuvre de PAPI, la mise en place d?un dispositif de surveillance des digues
mobilisant des volontaires préparés et encadrés (DGPR, préfets de département).
On peut noter, pour finir, toujours dans la province du Limburg, d?une part, le choix de rendre
publiques des données interprétées sur la fiabilité des digues, d?autre part, la tenue à jour au cours
de l?événement de la liste des points faibles relatifs des digues, afin de prioriser les interventions
d?urgence au fil de la crue. Il s?agit là d?un sujet de réflexion, dans le cadre de la politique actuelle
de gestion des ouvrages de protection en France.
Réexaminer les consignes de gestion des barrages en fonction de
l?évolution saisonnière des enjeux et informer sur le sujet
Dans les retours d?expérience de juillet 2021, et de façon très intense concernant la vallée de la
Vesdre en Wallonie, on observe des mises en cause de manoeuvres de barrages qui auraient soit
aggravé la crue (création de « vagues », par exemple), soit insuffisamment assuré un rôle
d?écrêtement. On peut considérer qu?il s?agit là d?une « tentation » récurrente lors d?événements
de crues, compréhensible quand il s?agit d?acteurs qui ne disposent ni de la connaissance basique
sur le fonctionnement des barrages ni d?informations concrètes propres au fonctionnement des
ouvrages au cours de l?événement. Ainsi, les barrages du haut bassin de la Vesdre ont toujours
relâché vers l?aval un débit inférieur au débit entrant, et ont assuré un stockage très significatif
d?une partie de la crue, en regard de leurs caractéristiques techniques.
52 Arrêté du 8 août 2022 précisant les obligations documentaires et la consistance des vérifications et visites
techniques approfondies des ouvrages hydrauliques autorisés ou concédés.
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Sans détailler les faits sur ce territoire, ni la problématique générique couramment rencontrée, on
peut mettre en exergue deux questions mises en évidence par les inondations de juillet 2021, les
règles de gestion des barrages à usages multiples, et l?information correcte de la population sur
l?effet des barrages au cours d?un événement d?inondation.
Les barrages sont conçus pour remplir une ou plusieurs fonctions, qui peuvent s?avérer
concurrentes ou difficilement conciliables dans certaines circonstances. Ainsi, un barrage qui serait
conçu pour écrêter des crues seulement hivernales et soutenir des étiages uniquement en été est
confronté à la question de l?optimisation de son fonctionnement aux intersaisons : garder assez de
volume stockable pour les crues tardives sans compromettre le besoin de remplissage au
printemps, faire face aux étiages qui se prolongent au-delà de « l?été indien » tout en commençant
à vider le barrage par anticipation de crues précoces en automne. Les travaux de caractérisation
de ces enjeux, d?optimisation relative de la gestion, et de transcription de cette gestion dans les
consignes opérationnelles relèvent de méthodes et de pratiques élaborées de longue date. Il faut
cependant continuer d?améliorer, d?une part, les méthodes de prévision et d?anticipation des débits
en regard des incertitudes que réserve le cycle de l?eau au quotidien, d?autre part, la manière
d?intégrer ces prévisions et incertitudes au fil de la gestion opérationnelle de l?ouvrage. Avec
l?évolution climatique, qui se traduit, dans la moitié nord de la France métropolitaine par des hivers
plus pluvieux en volume de pluie cumulé, des pluies estivales plus intenses, et des étiages estivaux
plus intenses, on est susceptible de compliquer la synthèse et la prise en compte de ces enjeux
au fil des saisons. Comme cela a été engagé suite aux événements de juillet 2021 pour le barrage-
réservoir sur la Marne, qui a atteint les limites de sécurité de remplissage en 2021 (crue ayant un
impact significatif sur la partie du bassin versant à l?amont, alors que le barrage était quasi plein
pour faire face aux besoins d?eau en été), l?évolution du climat et l?évolution des enjeux d?usages
des barrages à buts multiples doit conduire à réexaminer les règles de gestion, et le règlement
opposable qui en découle. Les débats avec les acteurs de terrain sur la gestion des barrages sont
suffisamment fréquents pour qu?il ne soit pas besoin d?exprimer une recommandation formelle.
Mais rien n?empêche d?anticiper, si l?opportunité s?en présente.
Programmer des travaux estivaux sur les ouvrages hydrauliques et
les cours d?eau en intégrant le risque d?inondations
Dans les territoires touchés par les inondations de juillet 2021 et avant cet événement, on
considérait souvent que l?été était la saison calme en matière d?inondations, voire une saison
exempte d?événements d?ampleur. Si les crues estivales vont rester bien moins fréquentes que les
crues hivernales dans les territoires touchés en 2021, leurs occurrences vont néanmoins croître
statistiquement. On peut considérer que l?été restera « la meilleure période » pour un certain
nombre de travaux concernant les cours d?eau et les aménagements hydrauliques. Dès lors, il est
indispensable de porter une attention accrue aux modalités de gestion de crise des travaux et
chantiers en cas de crue ou de risque de crue, avec des procédures d?anticipation et de « mise en
sécurité » du chantier, mais aussi de « neutralisation » des impacts du chantier, en l?occurrence
l?évitement ou la limitation des éventuelles aggravations de l?inondation pour les tiers.
Programmer les opérations estivales de maintenance des dispositifs
de gestion de l?eau
De même que pour les travaux et aménagements « hydrauliques », dans les régions présentant
très majoritairement des crues et inondations en-dehors de la saison d?été, des maintenances de
systèmes de gestion de l?eau au sens large, de logiciels? sont de préférence programmées en
été pour éviter ou limiter le risque d?être confronté à des crues. On l?a vu pour les dispositifs de
prévision, mais cela peut concerner d?autres dispositifs. Il importe là aussi de renforcer l?application
du principe de prudence, de prévoir par exemple une redondance entre le dispositif qu?on maintient
ou fait évoluer et une version stable du dispositif préexistant, afin d?éviter de se retrouver dans une
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situation non-opérationnelle en cas de réalisation du risque de crue.
Compléter la planification de la gestion de crise
On ne revient pas ici sur les documents de planification de la gestion de crise, les éléments
recueillis par la mission ne conduisant pas à proposer des points d?attention ou d?évolution
significatifs concernant les plans d?organisation des secours (ORSEC) ou des plans spécialisés, et
les PCS et PICS qui font l?objet de recommandations et de suggestions plus haut (ces PCS et PICS
ont connu des évolutions législatives et réglementaires récentes en France, rappelées aux
paragraphes 3.3.2 et 3.3.3, qui formulent différentes recommandations à ce sujet).
On reprend ci-dessous quelques questions particulières complémentaires mises en avant par les
différents retours d?expériences et apprentissages suite à juillet 2021.
Organiser une coordination au sein de bassins de vie et de risques
transfrontaliers
Pour ce qui concerne la France, la mission n?a pas identifié de difficulté particulière en termes de
coordination et de coopération transfrontalières, qu?il s?agisse de prévision des crues ou d?envoi
d?équipes de secours, même si elle met en lumière quelques principes simples facilitant cette
coopération (Cf. supra, paragraphe 3.1). Ainsi, les dispositifs de prévision des crues coordonnés
sur le Rhin, la Meuse et leurs affluents ont apparemment fonctionné de façon nominale, assis sur
une coopération technique et institutionnelle éprouvée. Pour autant, différents documents
consultés par la mission formulent la recommandation générale de développer une planification de
gestion de crise à l?échelle transfrontalière : déplacements, évacuation, refuges, mobilisation et
accès des secours. La mission ne peut que souscrire à cet objectif.
Réaliser des « stress tests territoriaux » intégrant les impacts du
changement climatique
Aux Pays-Bas, dans le cadre du retour d?expérience national 53 , a été exprimé l?intérêt de
développer des « stress tests » suprarégionaux à l?échelle nationale, ainsi que dans le cadre de
coopérations internationales existantes et nouvelles, en particulier concernant les bassins versants
et systèmes régionaux de gestion de l'eau. Lors de l?entretien conduit par la mission avec des
représentants du ministère néerlandais de l?Infrastructure et de la Gestion de l?eau ? Ministerie van
Infrastructuur en Waterstaat- ces derniers ont exprimé l?intérêt d?associer la France à cet objectif,
en particulier par une collaboration sur le développement de « stress-tests » territoriaux
coordonnés, portant sur les risques d?inondations, de sécheresse, de canicule, d?humidité des sols
(Cf. le cadre développé au sein du Plan Delta https://klimaatadaptatienederland.nl/en/policy-
programmes/delta-plan-sa/stress-test/). Cette réflexion est conduite conjointement avec un
réexamen de la stratégie nationale d?adaptation au changement climatique.
La mission recommande aux ministères compétents d?explorer les perspectives intéressantes
d?une telle coopération, en regard des analyses de vulnérabilité du territoire prévues dans le cadre
des PCAET (Plan Climat Air Energie Territorial) et en accord avec les recommandations émises
par la DGSCGC, ainsi qu?en relation avec les travaux de l?Association française pour la prévention
des catastrophes naturelles et technologiques (AFPCNT), concernant les démarches de résilience
53 Eindadvies Beleidstafel wateroverlast en hoogwater - Voorkomen kan niet voorbereiden wel allemaal aan de
slag (Avis final de la table-ronde "table d'orientation" sur les politiques en cas d'inondation et de crue résumé public)
Ministerie van Infrastructuur en Waterstaat La Haye décembre 2022 12 p.
Beleidstafel Wateroverlast en Hoogwater Achtergronddocumenten (Documents d'information sur les inondations
de la table ronde "table d'orientation" sur les politiques en cas d'inondation et de crue) Ministerie van Infrastructuur
en Waterstaat décembre 2022 55 p.
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https://klimaatadaptatienederland.nl/en/policy-programmes/delta-plan-sa/stress-test/
https://klimaatadaptatienederland.nl/en/policy-programmes/delta-plan-sa/stress-test/
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aux risques naturels et technologiques.
Recommandation 11. Dans le cadre d?une coopération multilatérale avec les pays les plus
touchés par les inondations de 2021, et suite à l?invitation de principe des Pays-Bas,
engager à titre expérimental des démarches de « stress tests territoriaux » traitant
notamment des risques d?inondation sur une grande aire géographique (DGPR, DGSCGC).
Améliorer les relations avec les médias pour assurer que tous les
messages de consignes soient relayés
Des événements très intenses et difficiles à anticiper comme ceux de juillet 2021 compliquent la
stabilité et la lisibilité des messages adressés à la population. Ainsi, il a pu arriver qu?en cours
d?événement, sur un secteur, une consigne de mise à l?abri dans les étages des bâtiments soit
suivie d?une consigne d?évacuation hors de la zone, après la prise de conscience de l?intensité du
risque. Dans un cas d?espèce, les médias avaient tous relayé le premier message, mais pas
forcément le deuxième, générant des confusions. Ont été évoquées par ailleurs (Cf. supra 3.3.5)
des initiatives concernant les relations médias, et par extension les questions liées aux réseaux
sociaux. La mission souhaite attirer l?attention sur la sensibilité de ces questions, s?agissant de
crises rapides, parfois totalement inédites localement.
Anticiper les modalités de gestion des déchets
Les inondations de 2021 ont aussi, lors des deux jours les plus critiques, engendré du transport et
du dépôt, par les cours d?eau, d?un très gros volume de déchets, débris, matériaux :
? en Allemagne, 200 000 tonnes de gros déchets rien que dans le district le plus touché de
Ahrweiler ;
? en Wallonie, 150 000 tonnes de déchets évacués un an après la catastrophe ; des
estimations mentionnent un total de 340 000 tonnes de déchets, débris, matériaux
emportés ;
? aux Pays-Bas, on a estimé que la Meuse a transporté un volume de déchets plastiques
correspondant à 95% du transport annuel moyen par ce cours d?eau.
???L?organisation logistique de la gestion progressive de ces déchets, au fil des jours
et des semaines suivant la catastrophe, constitue de fait un enjeu important, qui nécessite
d?être anticipé comme l?indiquent les retours d?expérience réalisés.
Prendre en compte les vulnérabilités spécifiques des personnes
handicapées en termes de protection et de secours
Parmi les nombreuses victimes que l?on déplore en Allemagne, figure une partie des occupants
d?un établissement hébergeant des handicapés : le seul personnel présent n?a pu assurer
l?évacuation que d?une partie des résidents, avant que le bâtiment devienne inaccessible. Il s?agit
là tout d?abord d?une question de planification de la gestion de crise, typiquement au niveau de
l?établissement et dans le cadre des plans communaux de sauvegarde.
???Au-delà, est apparue la nécessité de faciliter les secours apportés durant la crise
aux personnes handicapées et aux populations vulnérables, en les associant à l?élaboration
des dispositifs et organisations, en formant des membres des services de secours au
langage des signes et à l?évacuation spécifique à certains handicaps, en améliorant et
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adaptant les outils de diffusion et de communication des alertes.
Préparer et sensibiliser aux risques d?inondation
La sensibilisation et l?éducation de la population aux risques d?inondation sont des activités de
longue haleine. Les événements de juillet 2021 n?apportent pas en soi d?éléments
fondamentalement nouveaux, ils ont montré des limites à la conscience et à la connaissance du
risque (qu?il s?agisse de sensibilisation préalable ou de traitement d?information en temps réel), et
ils sont l?occasion de rappeler un certain nombre de questions fondamentales à aborder comme :
? les limites à la prévisibilité des phénomènes et les inévitables « fausses alertes » dont il
faut documenter la réalité ;
? la différence entre prévision, vigilance et alerte ;
? les risques « résiduels » même en présence d?ouvrages de protection ;
? l?importance de la préparation, des exercices?
Dans les conclusions de la table-ronde nationale néerlandaise de retour d?expérience54 , sont
exprimées les limites d?actions de communication génériques, non différenciées. Il est a contrario
suggéré de déterminer des groupes cibles parmi la population et les acteurs professionnels
potentiellement concernés, d?étudier leur perception du risque et leurs besoins d'informations, pour
cibler la communication. Les campagnes conduites en France ciblent des comportements, des
situations. La mission n?a pas identifié de campagnes existantes ciblant des groupes
démographiques ou sociaux, ou des domaines professionnels.
Il apparaît important, au-delà des initiatives, d?évaluer régulièrement l?impact des campagnes de
sensibilisation, comme la campagne nationale annuelle relative aux crues méditerranéennes, ou
les actions qui se développent en déploiement du Plan « tous résilients face aux risques ». Pour
ce faire, la mission recommande, outre les enquêtes d?opinion et de sensibilisation qui peuvent
être menées de façon générique, de conduire des évaluations spécifiques auprès de différentes
cibles, sur des territoires diversement exposés, voire sur des territoires récemment sinistrés pour
analyser l?impact réel des actions de politique publique sur les comportements effectifs. Ce dernier
point, en particulier, nécessite le recours à des méthodes très élaborées, à mettre en place avec
un appui scientifique.
Recommandation 12. Conduire des actions ciblées d?évaluation de l?impact des campagnes
de sensibilisation et d?information (DGPR).
Le développement des dispositifs de diffusion cellulaire, et le recours massif des sinistrés à la
téléphonie mobile pour chercher et donner de l?information, conduisent à prendre en compte cette
réalité dans les consignes types données aux personnes exposées au risque : si l?on évoque assez
systématiquement le fait de disposer d?un appareil de radio muni de piles, il semble aujourd?hui
indispensable d?ajouter à la liste des équipements indispensables des batteries extérieures
chargées permettant d?alimenter les téléphones mobiles (Cf. paragraphe 4.2).
54 Eindadvies Beleidstafel wateroverlast en hoogwater - Voorkomen kan niet voorbereiden wel allemaal aan de
slag (Avis final de la table-ronde "table d'orientation" sur les politiques en cas d'inondation et de crue, résumé public)
Ministerie van Infrastructuur en Waterstaat La Haye décembre 2022 12 p.
Beleidstafel Wateroverlast en Hoogwater Achtergronddocumenten (Documents d'information sur les inondations
de la table ronde "table d'orientation" sur les politiques en cas d'inondation et de crue), Ministerie van Infrastructuur
en Waterstaat, décembre 2022, 55 p.
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Enfin, des propositions ou expériences en ce sens conduisent à suggérer la mise en place de
personnes contacts (élus, agents publics, volontaires) dans les quartiers inondables, pour appuyer
toutes les actions préventives, voire renforcer l?impact et la crédibilité, le cas échéant, des
messages d?alerte et des consignes de comportement.
Dans les contacts et documents concernant l?Allemagne et les Pays-Bas, la mission a pu noter le
caractère très explicite d?un message institutionnel de fond insistant sur l?importance que chacun
se prenne personnellement en charge en cas de catastrophe, et essaie d?assurer sa propre
protection.
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5 Retours d?expérience et enseignements concernant
l?après-crise : retour à la normale, réparation,
indemnisations, et apprentissage
Les inondations de juillet 2021 ont eu des impacts humains très intenses sur certains territoires et
parfois tragiques au vu du nombre de victimes en Allemagne et en Belgique, et ont provoqué de
forts cumuls régionaux de dommages sur les biens immobiliers, sur les infrastructures, sur l?activité
économique? L?après-crise est déterminé par ces facteurs d?intensité et de gravité à la fois aux
échelles très locales et régionales. Les moyens humains et matériels mobilisés, par exemple en
Allemagne et en Belgique, dépassent de très loin le cadre local. C?est sur chaque territoire que
l?après-crise se construit, dans son contexte régional et national. Le présent chapitre n?a d?autre
ambition que de rendre compte de quelques idées ou expériences qui peuvent constituer des
sources d?inspiration pour tel ou tel territoire qui aurait été touché, voire pour des initiatives
nationales génériques. Il est complémentaire des retours d?expérience réalisés sur divers
événements intenses d?inondations en France, sur des territoires spécifiques.
Les politiques d?indemnisation mises en oeuvre dans les pays concernés font l?objet de l?annexe 7.
Les débats sur d?éventuelles évolutions de ces politiques sont encore en cours, au moment de
l?établissement de ce rapport.
Comme cela a été le cas dans les Alpes Maritimes, après la tempête Alex, la reconstruction peut
s?inscrire dans des démarches de projets de territoire, ou comme dans l?Aude après les inondations
de 2018, dans des projets d?évolution de l?aménagement de la commune. Pour des événements
catastrophiques en particulier, l?accompagnement par l?Etat de ces étapes clé de « l?après »
mobilise une organisation ad-hoc qui prend diverses formes, pouvant aller par exemple jusqu?à la
nomination d?un préfet à la reconstruction. Le principe de projet territorial apparaît parmi les suites
données aux inondations de juillet 2021, et s?accompagne inévitablement de réflexions et
stratégies de prévention, de résilience, le cas échéant avec une évolution provisoire du cadrage
national de l?urbanisme en zone inondable, en attendant une évolution pérenne. La mission n?a
toutefois pas été en mesure, dans le calendrier et les modalités de son travail, de recueillir des
informations représentatives de ces initiatives territoriales sur le terrain. Cela n?en constitue pas
moins une question très importante.
Les inondations d?octobre 1940 en Catalogne et Languedoc-Roussillon
Malgré la désorganisation des services de météorologie due à la guerre, il est relevé 840 mm de
pluie le 17 octobre, ce qui est officiellement considéré comme le record d'Europe de précipitations
en 24 heures, alors que le pluviomètre a débordé plusieurs fois ; la valeur de 1 000 mm semblerait
cohérente avec la réalité. Le bilan humain est de 50 morts dans les Pyrénées-Orientales (dont 23
à Amélie-les-Bains) et de 320 en Catalogne.
A Amélie-les-Bains, l?urbanisation avait empiété sur le lit mineur du Tech. La reconstruction,
réalisée après-guerre, a consisté à enlever des obstacles dans le lit mineur du Tech et à ériger des
digues surélevées dans la traversée de la commune.
Coordonner les acteurs de l?après-crise
Des territoires fortement ou très fortement touchés en juillet 2021, est ressorti le constat d?une très
forte expression concrète de solidarité locale et nationale, avec notamment un afflux de volontaires
et de bénévoles, à très court terme, pour l?aide matérielle et morale aux personnes, l?aide au
nettoyage et au déblayage? En différents endroits les responsables locaux ont été pour le moins
surpris par cet afflux. Des associations spécialisées, mais aussi des entreprises et des particuliers
sont venus en nombre, selon des modalités, des temporalités et des durées variées, au point que
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se sont fortement posées des questions de coordination, d?orientation, et de logistique. A titre
d?exemple, des entreprises ont pu mettre en place des navettes pour amener les gens à pied
d?oeuvre depuis des points d?accès ou d?hébergement. Ces questions ont été évoquées plus haut
(paragraphe 3.3.6) en relation avec la planification locale de gestion de crise.
Parmi les actions ou apprentissages figurent notamment le principe de mise en place de
plateformes internet, partagées entre pouvoirs publics et associations, pour que les volontaires et
bénévoles puissent se signaler, avoir des informations d?ordre logistique, s?orienter s?ils le
souhaitent vers des priorités identifiées et affichées par les pouvoirs publics ou en leur nom?
Les efforts et charges de coordination ne sont pas anodins (Cf. paragraphe suivant), ils sont à la
hauteur de l?aide apportée par les volontaires et bénévoles qui s?est avérée très importante dans
des territoires fortement sinistrés.
Renforcer temporairement les services publics locaux
Les heures, jours et mois qui suivent une telle catastrophe nécessitent une activité démultipliée de
différents services publics, et notamment des collectivités locales, en raison de l?absence d?une
partie des agents, des besoins urgents et intenses - sociaux et économiques - spécifiques à la
période post-événement, des conditions dégradées de travail (déplacements, lieu de travail?), des
nécessités multiples de coordination d?actions particulières, du retour progressif des tâches
habituelles.
En Allemagne, par exemple, l?État fédéral et les Länder ont mis en place un certain nombre de
mesures permettant de renforcer les effectifs des collectivités locales et de leurs services, pour
faire face :
? mise à la disposition des collectivités de fonctionnaires fédéraux ou de fonctionnaires des
Länder ;
? mobilisation de fonctionnaires retraités avec une contrepartie financière;
? mise à disposition de postes de renforcement des autorités scolaires.
Les modalités pour ce faire sont évidemment spécifiques au corpus réglementaire de chaque pays.
En France, les préfectures et le tissu associatif de la sécurité civile assurent le fondement de cette
mission.
Adapter temporairement les procédures
L?après-catastrophe, hors gestion directe de crise, reste une période d?urgences :
? sécurisation des ouvrages ou bâtiments fragilisés par l?inondation (déstabilisation de
berges, d?ouvrages ou de bâtiments ) ;
? réponse aux besoins vitaux immédiats de la population sinistrée et aux détresses sociales
et économiques ;
? réparations, reconstructions, retours à la « normale » à un rythme prenant en compte les
enjeux psychologiques, sociaux, économiques, tout en considérant les enjeux
d?amélioration de la résilience du territoire, les nécessités de cohérence entre champs et
modes d?action, l?inscription des travaux et des investissements dans le projet d?avenir du
territoire.
Travaux de sécurisation, remises en état ou reconstructions, aides financières ? requièrent
diverses procédures réglementaires, propres à chaque pays et chaque contexte, dont les pouvoirs
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publics peuvent considérer qu?elles peuvent être simplifiées ou adaptées face aux différentes
urgences évoquées, et en regard des enjeux globaux à prendre en considération. Certaines
procédures ou démarches prévoient la prise en compte de situations d?urgence (par exemple les
autorisations de police administrative de l?eau en France), qu?elles aient été prévues pour les
situations rencontrées ou non.
A titre d?information, on mentionne ci-dessous des exemples de sujets sur lesquels les pouvoirs
publics ont été amenés à mettre en place des adaptations temporaires de la réglementation ou de
la législation après juillet 2021, sans entrer dans le détail de la délimitation du champ d?application
ni des conditions d?accompagnement :
? procédures afférentes à la commande publique ;
? règles de construction pour des hébergements d?urgence ;
? horaires de travaux ;
? encadrement du trafic des poids lourds ;
? allongement des durées permettant de bénéficier d'aides en raison de l'insuffisante
disponibilité d'artisans ;
? utilisation des surfaces agricoles en regard des aides ;
? mobilisation de fonctionnaires retraités avec majoration temporaire des pensions de
retraite ;
? possibilité d?augmentation55 des indemnités de certains élus locaux en raison de l?activité
supplémentaire et spécifique requise ;
? fiscalité (comme l?octroi de délais, des allègements fiscaux pour les dons aux sinistrés, la
non-imposition sur le chiffre d?affaires réalisé à titre gracieux?) ;
? simplification des possibilités d'aides directes des entreprises à leurs employés sinistrés ;
? dispositif pour l?insolvabilité due à la catastrophe naturelle.
Ces mesures de circonstances ont été prises, ici ou là, au fil de l?émergence des difficultés.
Certaines pourraient faire l?objet de dispositions génériques, à l?occasion d?une réforme dans le
champ concerné.
Au-delà des simplifications ou adaptations des cadres réglementaires et procéduraux, on peut
mentionner enfin une initiative particulière mise en place par la Chambre de l?artisanat du Land de
Rhénanie-Palatinat, pour répondre en même temps à des enjeux de réparation et à des enjeux de
formation et d?orientation professionnelles des jeunes : des jeunes volontaires participant aux
travaux de réparation et remise en état sont accompagnés par des actions de formation à trois
métiers manuels, et par du soutien, dans le but de faciliter leur orientation vers ces métiers manuels.
Traiter et suivre les impacts individuels et collectifs sur la santé
Une partie des retours d?expérience souligne l?importance des impacts des inondations sur la santé,
55 Cela a été fait dans le Land allemand de Rhénanie-Palatinat afin de soutenir la mobilisation des maires et des
élus des communes de la vallée de l?Ahr.
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immédiats ou différés, comme le font un certain nombre de travaux scientifiques et techniques56.
Cela concerne aussi bien les personnes sinistrées que des membres des services de secours ou
des volontaires, par l?effet direct de l?inondation, par l?effet de l?évacuation, par l?effet d?une sur-
sollicitation physique ou psychologique, par l?effet de l?arrêt ou de la perturbation d?un traitement
médical, par des blessures ou accidents à l?occasion du déblaiement et du nettoyage ? En
particulier, les impacts psychologiques touchent une part significative des personnes qui ont été
exposées, selon des travaux quantitatifs conduits sur des événements particuliers.
Suite à l?événement de mi-juillet 2021, ont été prises, selon les cas, des décisions nouvelles
relatives à l?assistance psychologique soit de la population sinistrée, soit des services de secours
et des volontaires et bénévoles. Concernant les Länder allemands les plus touchés, un retour
d?expérience a formulé des recommandations sur la continuité à apporter entre réponse sanitaire
immédiate à l?événement et suivi sur la durée, sur la connexion à assurer à court et moyen terme
entre l?assistance psychologique d?urgence et les praticiens du territoire.
Aux Pays-Bas, qui n?ont pas eu à déplorer de décès dus aux inondations, une enquête a été menée
auprès de professionnels de santé concernant un bassin de population de plus de 70 000
personnes : 68% de ces professionnels ont signalé des situations de stress et d?anxiété, pour
certains des situations de peur, mais aussi des cas de gastro-entérites, infections respiratoires,
infections de peau, blessures cicatrisant difficilement, problèmes articulaires? Un rapport
scientifique de retour d?expérience suggère notamment une démarche post-événement de contact
porte-à-porte auprès des personnes âgées, et un suivi des personnes vulnérables, pour répondre
au mieux aux enjeux de santé induits par l?inondation.
La mission recommande de réfléchir à un dispositif qui permettrait de suivre et d?évaluer l?impact
sanitaire d?inondations importantes ou très intenses, en regard de l?enjeu et du caractère limité des
connaissances disponibles, dans un but de compréhension des enjeux et de prévention et de
gestion de crise.
Recommandation 13. Conduire un travail exploratoire interministériel sur les possibilités et
modalités d?un suivi et d?une évaluation de l?impact sanitaire et psychologique
d?inondations importantes ou très intenses (DGS à solliciter par DGPR et DGSCGC).
Apprendre de la catastrophe et infléchir l?avenir
La mission a pu prendre connaissance de retours d?expériences et rapports d?enquête établis dans
les 18 mois ayant suivi la catastrophe, pour autant qu?ils soient finalisés et publics (Cf. annexes
par pays). Ces démarches apparaissent évidemment extrêmement importantes, pour les territoires
touchés comme pour ceux qui ont eu la chance de ne pas l?avoir été récemment. La mission
souscrit au principe de mise en place d?un cadre national de retours d?expérience et renvoie aux
travaux et recommandations présentés dans deux rapports du CGEDD57.
A échelle locale, le préfet de Meurthe-et Moselle a organisé un retour d?expérience sur les crues
de la Chiers et de la Crusnes, le 4 mai 2022, animé par la direction départementale des territoires
56 Alderman K. Turner L.R. & Tong S. (2012). Floods and human health: a systematic review. Environment
International 47 pp. 37-47.
Berry, P., Clarke, K.-L., Fleury, M. D., & Parker, S. (2014). Santé humaine. Dans "Vivre avec les changements
climatiques au Canada: perspectives des secteurs relatives aux impacts et à l'adaptation", édité sous la
responsabilité de Warren FJ et Lemmen DS, Gouvernement du Canada, pp. 191-232.
57 Retours d?expérience (REX) des inondations, Rapport n° 012486-01, Juillet 2019.
Guide méthodologique "APRÈS inondation" - Organisation de la collecte des données issues des REX inondation,
Juillet 2019, avec la participation du Cérema.
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(DDT) et le CEREMA. Il s?agit d?un secteur fortement touché en France, en regard de l?impact
national de ces inondations. Ce débriefing territorial, auquel ont contribué de nombreux acteurs
publics, a permis de partager de nombreuses informations et de répondre à de nombreuses
questions, concernant aussi bien le déroulement de l?événement que les suites à donner. La
mission ne peut qu?encourager la tenue de tels retours d?expérience locaux et considère qu?il doit
être érigé en exemple au titre des bonnes pratiques.
Recommandation 14. Organiser systématiquement des retours d?expérience locaux, après
une inondation importante ou intense, avec les représentants de l?Etat, des collectivités, et
les acteurs de la crise (DGSCGC, DGPR, préfets de département).
Le dernier point de ce paragraphe concerne la mobilisation de la recherche, aussi bien pour
contribuer au diagnostic et à la compréhension de l?événement à court terme, que pour capitaliser
des connaissances approfondies à moyen terme. Aux Pays-Bas, un collectif d?établissements
scientifiques « Expertisenetwerk waterveiligheid - ENW Dutch Expertise Network FLood Risk » a
rendu un premier rapport public d?analyse détaillée sur l?événement dès le 20 septembre 2021 :
aléas, impacts, gestion, effets sur la santé? Une version consolidée de ces travaux est à paraître
dans le cadre d?une revue en langue anglaise. En Wallonie, ce sont les autorités régionales qui ont
commandité et publié un rapport d?expertise indépendant à un bureau d?études étranger, associé
à des universitaires (rapport dit de « factualisation » le 8 octobre 202158, rapport de synthèse et
recommandations le 6 décembre59).
A posteriori, en Allemagne par exemple, a été lancé un programme de recherche post-événement
sur la gouvernance et la communication au cours des inondations de juillet 2021. Le comité
allemand pour la réduction des risques de catastrophes a mis en place une plateforme d'échanges
d'informations sur les recherches en cours ou les projets de recherche, avec des modalités de
diffusion de ces informations, pour faciliter les échanges scientifiques sur les travaux post-
catastrophe et éviter les doublons. Les scientifiques néerlandais ont identifié des besoins de
recherche mis en avant suite aux inondations et à leur gestion.
Cette mobilisation des scientifiques permet :
? d?enrichir les diagnostics y compris à très court terme, sous réserve de disposer de
consortiums d?établissements ou laboratoires et de réseaux qui ont anticipé la possibilité
de telles actions ;
? d?apporter une crédibilité renforcée par leur indépendance et leur expertise ;
? d?enrichir les apprentissages post-événements sur des sujets complexes concernant des
événements heureusement rares. ; de tels travaux peuvent très bien s?envisager dans un
cadre multilatéral, comme le programme européen pour la recherche et l'innovation
Horizon Europe60
La mission recommande, aussi bien aux administrations centrales concernées qu?aux structures
collectives d?orientation de la recherche et de l?expertise (alliances thématiques de recherche,
58 Stucky et Université de Liège (2021). Analyse indépendante sur la gestion des voies hydrauliques lors des
intempéries de la semaine du 12 juillet 2021 - Lot 1 factualisation, rapport au Cabinet du Ministre Wallon du Climat,
de l'Energie et de la Mobilité, 8 octobre 2021.
59 Stucky et Université de Liège (2021). Analyse indépendante sur la gestion des voies hydrauliques lors des
intempéries de la semaine du 12 juillet 2021 - Lot 2 recommandations, rapport au Cabinet du Ministre Wallon du
Climat, de l'Energie et de la Mobilité, 6 décembre 2021.
60 Voir par exemple l?appel à projet « Disaster-Resilient Society 2024 » https://www.horizon-europe.gouv.fr/disaster-
resilient-society-2024-34189 .
PUBLIÉ
https://www.horizon-europe.gouv.fr/disaster-resilient-society-2024-34189
https://www.horizon-europe.gouv.fr/disaster-resilient-society-2024-34189
Août 2023 Retour d?expérience des inondations des 14 et 15 juillet
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réseaux), d?élaborer des protocoles de mobilisation des scientifiques en cas de catastrophes afin
de permettre une mobilisation rapide à très court terme pour les sujets / questions qui nécessitent
des investigations « à chaud », soit pour ne pas perdre d?informations précieuses, soit pour
apporter des premières réponses consolidées à des polémiques émergentes, soit pour traiter des
questions nécessitant une expertise particulière ; cette mobilisation peut être articulée de
différentes manières avec les missions de retour d?expérience réalisées par les corps d?inspection
générale.
Les inondations, qui se produisent malheureusement souvent dans notre pays, et qui requièrent
des compétences scientifiques diverses pour leur étude, pourraient constituer un sujet pilote pour
une telle démarche, en s?appuyant notamment sur les pratiques de la DGPR en matière de
mobilisation de réseaux et équipes scientifiques.
Recommandation 15. Élaborer un protocole expérimental, sur le cas des inondations,
permettant à des équipes scientifiques organisées pour la circonstance de réaliser des
analyses multidisciplinaires à très court terme sur un événement de catastrophe, permettant
d?apporter un premier éclairage sur les causes, circonstances et impacts (DGPR, DGSCGC,
Alliance de recherche Allenvi).
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Conclusion
Pour établir ce retour d?expérience des inondations de mi-juillet 2021 en Europe du centre-ouest,
la mission a été confrontée d?abord à la forte sensibilité d?un événement catastrophique. Elle a
également été confrontée à la diversité des situations post-catastrophe (sensibilité, démarches en
cours?) dans les différents pays, au cours des 18 mois ayant suivi l?événement. Cette diversité
est notamment liée à l?hétérogénéité des phénomènes météorologiques et hydrologiques qui se
sont abattus sur des territoires différents, et aux différences entre pratiques et contextes
institutionnels. La diversité de ces situations et des accès aux informations constitue une difficulté
pour l?établissement d?un retour d?expérience, qui a été construit de façon pragmatique en
l?absence partielle de données analytiques.
Il y a fort à parier qu?une démarche coordonnée multilatérale de retour d?expérience aurait, d?une
façon ou d?une autre, rencontré les mêmes difficultés. Peut-être un délai plus important, après la
catastrophe, aurait-il permis de s?appuyer sur des retours d?expériences et des programmes
d?action nationaux partout finalisés, à compléter par des analyses spécifiques menées sur des
sujets particuliers, conjointement sur l?ensemble des pays. Mais il apparaît très utile de prendre
connaissance des expériences et réflexions des régions et pays voisins avant d?engager un
programme d?actions ambitieux. Des retours d?expérience de catastrophes sur plusieurs pays
seraient donc condamnés à composer entre différentes difficultés et limitations de méthode.
Pour autant, il est (hautement) probable que l?évolution récente et future du climat, accroissant la
variabilité des événements météorologiques et l?incertitude sur leur prévision, rende plus
nécessaire encore à l?avenir les retours d?expérience sur les catastrophes naturelles de grande
ampleur, dans un souci d?adaptation continue. Ces démarches gagneraient à être conduites plus
systématiquement à différentes échelles géographiques et institutionnelles, au niveau local comme
sur des régions transfrontalières. La mission considère qu?elles seraient plus faciles à mener et
plus riches dans leurs conclusions si elles pouvaient s?appuyer sur des analyses territoriales de
résilience conduites préalablement « en temps de paix », en associant les différents acteurs.
La démarche de « simulation » conduite par des experts aux Pays-Bas pour répondre à la question
« que se serait-il passé si la bombe d?eau était tombée au centre des Pays-Bas en juillet 2021 ? »
gagnerait à être partagée entre acteurs français (par exemple, « que ce serait-il passé si la bombe
d?eau était tombée sur le massif des Vosges ? »), comme source d?inspiration et de réflexion pour
investir tant dans les analyses de résilience que dans les retours d?expérience.
Olivier Diederichs
Philippe Louviau
Jean-Philippe Torterotot
Inspecteur général de
l'administration
Ingénieur général
des mines
Inspecteur général de
l?environnement et du
développement durable
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Annexes
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Annexe 1. : lettre de mission
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Annexe 2. : liste des personnes rencontrées
Annexe 2.1. France
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Annexe 2.2. Allemagne
Annexe 2.3. Belgique
Annexe 2.4. Pays-Bas
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Annexe 2.5. Organisations multilatérales de niveau européen
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Annexe 3. : les grandes caractéristiques de
l?événement d?inondations de mi-juillet 2021 en
Allemagne
Annexe 3.1. Rappel des événements et de leur bilan humain
Entre le 12 et le 19 juillet, les Länder de Rhénanie du Nord-Westphalie (Nordrhein-Westfalen NRW) et
de Rhénanie-Palatinat (Rheinland-Pfalz RP) ont été touchés de plein fouet par des inondations
provoquées par des pluies diluviennes suite à l?arrivée de la dépression « Bernd ». Le phénomène
touche aussi, mais de façon plus limitée, d?autres zones géographiques (Länder de Bade-Wurtemberg
de Saxe ainsi que la Bavière). Ces précipitations rares par la combinaison entre leur intensité, leur
étendue et la lenteur de déplacement du phénomène, se sont accumulées dans les régions
montagneuses de l?Eifel et du Sauerland. Le changement climatique a d?ores et déjà rendu de tels
événements plus probables et plus intenses. Le pic de la pluie s?est situé entre le 13 et le 14 juillet, avec
une chute d?eau de 100 mm en 24h, mais ponctuellement on a mesuré des pics supérieurs à 150 mm.
A l?échelle d?une petite région, on a estimé un cumul de 160 mm en 48 heures. Certains cumuls de
précipitations présentent des périodes de retour supérieures à 1000 ans, c?est-à-dire que ces cumuls
ont une probabilité inférieure à 1/1000 de se produire, au cours d?une année donnée.
Le 14 juillet, le niveau de la rivière de l?Ahr est passé de 40 cm à 3 m. A Ophoven, au Nord d?Aix-la-
Chapelle, à proximité de la frontière néerlandaise, le débordement du barrage de la Rur a même laissé
craindre un temps son effondrement mais ce n?est finalement qu?une digue en aval qui a cédé. Le pic
des inondations en résultant se situe dans la journée du 14 juillet et dans la nuit du 14 au 15 juillet.
Les cartes ci-dessous présentent respectivement :
? la localisation des Landkreise touchés à différents degrés en Allemagne. La zone à l?ouest
regroupe notamment les vallées de l?Ahr et de l?Erft, qui trouvent leur source dans le massif de
l?Eifel, et a concentré l?essentiel des victimes61 ;
? le cours de la rivière Ahr, qui prend sa source dans le Land de Rhénanie-du-Nord-Westfalie,
puis travers celui de Rhénanie-Palatinat, avant de rejoindre le Rhin entre Coblence et Bonn62.
61 Source : Bundesministerium des Innern für Bau und Heimat & Bundesministerium der Finanzen (2022). Bericht
zur Hochwasserkatastrophe 2021: Katastrophenhilfe Wiederaufbau und Evaluierungsprozesse rapport 85 p.
62 Lieth A. (2022). Zukunftsstrategien zur Katastrophenvorsorge prise de position écrite de la Commission
d?enquête du Landtag de Rhénanie-Palatinat 13 septembre 2022 52 pages (Hydroplan Ingenieur-GmbH).
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Le bilan humain est particulièrement lourd et constitue le bilan le plus meurtrier d?une catastrophe
naturelle en Allemagne jamais recensé63 avec 186 morts au total64, dont cinq pompiers décédés lors
des opérations de sauvetage et plus de 800 blessés graves. A noter que ce bilan est extrêmement
concentré géographiquement, les pertes les plus lourdes se situant dans la vallée de la rivière Ahr
(Ahrtal) -160 décès à elle seule- qui se partage entre les deux Länder de NRW et de RP. La plus grande
partie de la vallée se situe sur le territoire de RP et le sens de l?écoulement de la rivière Ahr va du sud-
ouest au nord-est (ce qui expose les communes relativement peuplées se situant le plus en aval de la
rivière, comme Bad Neuenahr-Ahrweiler, chef-lieu du district -Landkreis65- de Ahrweiler) ce qui explique
que le Land de RP compte, de loin, le plus de victimes (135 morts dont 133 dans le district de Ahrweiler,
contre 49 morts en NRW dont 27 dans le district de Euskirchen). C?est donc bien la vallée de la rivière
Ahr en tant que zone hydro-géographique, qui a été au coeur de la tragédie, et, à l?intérieur de la vallée,
le district de Ahrweiler qui relève du Land de RP. Cette vallée, qui apparaît à la fois encaissée, pentue
par endroits et densément peuplée (source à une altitude de 470 ou 530 mètres selon les données
disponibles, confluent avec le Rhin 85 km plus bas à 53 mètres d?altitude), a connu de grandes
inondations estivales depuis le début du 19ème siècle, mais avant la période de mesure systématique
prise en compte jusqu?ici pour établir des statistiques de référence de crues. Ce choix méthodologique
et institutionnel a, dans le cas de cette vallée, réduit la « visibilité » des crues estivales, et conduit à des
références statistiques « optimistes ». En prenant en compte les événements historiques, la crue de
2021 est néanmoins estimée avec une période de retour supérieure à 1000 ans. Le 21 juillet 1804 la
vallée avait connu un débit comparable à celui de 2021, mais avec des hauteurs d?eau parfois
inférieures de 2 mètres à celles constatées récemment : parmi les explications sont mentionnées la
construction d?infrastructures linéaires et la densification urbaine en fond de vallée.
La ministre fédérale de la défense du précédent gouvernement avait décrété, le 16 juillet 2021, l?état
d?alarme fédérale pour cause de catastrophe naturelle pour les deux Länder sus-cités. Les recherches
de personnes disparues par l?armée et par les services de secours ont duré jusqu?au 28 juillet 2021.
Annexe 3.2. L?ampleur des dégâts
Au niveau fédéral, l?évaluation d?ensemble des dégâts n?est pas officiellement close et elle est difficile à
63 Les pics précédents depuis que des statistiques sont disponibles se situent lors des grandes inondations de 2002
(qui ont ravagé la zone de Dresde en particulier, en Saxe) et de l?inondation de Hambourg en 1962. L?office
météorologique fédéral (DWD Deutscher Wetterdienst) estime que le niveau de 2021 est au-delà du centennal,
voire du millénial. Mais cela ne signifie pas qu?il n?y ait pas eu de grandes inondations plus en amont dans l?histoire.
Les représentants du Land de RP ont ainsi indiqué que les archives publiques mentionnent une crue exceptionnelle
en 1804 et que, dans cette vallée, les actes de ventes de prairie incluent dès 1348 des clauses de responsabilité
en cas d?inondation.
64 Dont 183 sur les deux Länder principaux mentionnés ; les trois autres ne comptent chacun qu?un seul décès. Le
nombre de décès est comptabilisé par les autorités fédérales à l?été 2022, soit un an après la catastrophe, pour
tenir compte des éventuels décès à +1 année de personnes grièvement blessées à la suite des événements.
D?autres évaluations montent jusqu?à 189 décès, selon la façon de considérer le lien de causalité entre l?inondation
et le décès.
65 L?organisation territoriale des Länder allemands varie selon le Land, les constitutions administratives relevant de
la compétence des Länder. Toutefois, tous ont en commun la division en districts administratifs qualifiés de Kreis.
Dans le Land de RP, ces derniers prennent l?appellation de Landkreise. Ceux-ci sont placés sous la responsabilité
d?un Landrat qui est élu par l?assemblée locale (Kreistag) et qui est ce que les Allemands appellent un
« fonctionnaire politique », c?est-à-dire le détenteur d?un mandat administratif dont la nomination résulte d?une
élection. Le Landrat représente le Land, donc l?État, mais il exerce également des compétences communales et
intercommunales. Il ne peut donc être comparé ni à un préfet ni à un sous-préfet, le droit public allemand parle de
sa double nature juridique sous le terme de « Janusköpfigkeit »). Seuls les Regierungspräsidenten qui existent
dans quatre Länder (Bavière, Bade-Wurtemberg, Hesse et NRW) et sont à la tête de Regierungsbezirke
(circonscriptions administratives du Land plus larges que les Kreise) peuvent être comparés au préfet français car
ils représentent uniquement le Land et, sauf en Bavière, ils sont nommés par le ministre-président du Land. Ils sont
à la tête d?administrations déconcentrées de l?État (du Land) dans leur circonscription et exercent le contrôle de
légalité au nom du gouvernement du Land vis-à-vis des communes et des Kreise pour leur activité communale ; ils
sont autorité hiérarchique des Kreise pour leur activité relevant de l?État.
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chiffrer globalement, dans la mesure où les procédures d?indemnisation individuelles ne sont pas
achevées et que les dossiers de demandes d?aides à la reconstruction peuvent encore être déposés
jusqu?au 30 juin 2023. Le dernier rapport sur la catastrophe, publié par le Bund le 30 mars 2022, donne
des éclairages plutôt Land par Land, faisant état de dizaines de milliers de foyers et de plus de 10 000
entreprises et professionnels touchés par des dommages. Quant aux dommages subis par le Bund lui-
même (infrastructures de transport), ils sont évalués à 2 milliards d?¤ dont 1,3 milliard d?¤ pour la seule
compagnie ferroviaire Deutsche Bahn. Il faut aussi mentionner les dommages non directement
chiffrables, comme les coupures d?eau et d?électricité dont les conséquences économiques et humaines
sont difficilement évaluables quant à leur impact direct. Ainsi, au moins jusqu?au 17 juillet 2021, donc
deux ou trois jours après la catastrophe pour les intéressés, 200 000 foyers au total ont souffert de
coupures partielles ou totales du réseau électrique (selon leur situation géographique, les foyers
allemands étaient touchés plutôt le 14 ou plutôt le 15, voire plus tard, sans parler des problèmes
d?infrastructures juste après la catastrophe ; à l?intérieur de la vallée de l?Ahr, les habitants en amont de
la rivière sont touchés plusieurs heures avant les habitants en aval, c?est d?ailleurs une des raisons du
nombre élevé de morts, la vague frappant les communes de l?aval pendant la nuit).
Après une première aide fédérale d?urgence d?un montant de 400 millions d?¤ attribuée le 21 juillet 2021,
Bund et Länder se sont accordés lors de l?été sur un paquet mixte (50% venant du budget fédéral, 50%
des Länder) d?aides à la reconstruction de 30 milliards d?¤ au total (Aufbauhilfe 2021), validé par le
Bundestag par une loi spéciale sur la reconstruction66 entrée en vigueur le 15 septembre 2021. Ce
montant est redistribué aux Länder pour 28 milliards, au Bund pour 2 milliards (restauration des
infrastructures endommagées). Une clé de répartition a été arrêtée pour fixer les quotas alloués à
chaque Land dans l?hypothèse de paquets budgétaires à venir, puisque l?évaluation des dommages
n?est pas officiellement achevée. Cette clef donne 54,5% des aides au Land de RP (soit 15 milliards
pour la Aufbauhilfe 2021) et 44% des aides au Land de NRW67 (soit 13 milliards).
La mission prend l?exemple du Land de RP puisqu?il a été le premier touché, même si, du point de vue
économique, les dommages subis par le Land de NRW se rapprochent de ceux de son voisin, en dépit
d?un bilan humain trois fois moins lourd. La mission tient également à préciser qu?elle n?a eu de contact
qu?avec les autorités du Land de RP68 et qu?elle dispose donc, concernant ce dernier, d?éléments
pertinents à présenter aux commanditaires.
Dans ce Land, sept Landkreise (Ahrweiler, le plus touché, Bernkastel-Wittlich, Cochem-Zell, Eifelkreis
Bitburg-Prüm, le seul autre à déplorer un décès, Mayen-Koblenz, Trier-Saarburg et Vulkaneifel) ainsi
que la ville de Trier, qui est n?administrativement rattachée à aucun Landkreis69 sont touchés par les
inondations catastrophiques. Selon le bilan établi par les autorités régionales, 65 000 personnes sont
directement affectées par l?événement climatique dont 42 000 dans la vallée de l?Ahr 70 . 17 000
personnes ont vu leur habitation fortement endommagée ou détruite (9 000 bâtiments détruits ou
endommagés, en comptant également les bâtiments publics ou industriels). Il convient de rappeler que
la vallée de l?Ahr est une région viticole et touristique densément peuplée, et que la densité d?habitations
66 Aufbauhilfefonds-Errichtungsgesetz (AufbhEG 2021)
67 Les Länder moins touchés se voient attribuer des quotes-parts significativement moins substantielles (1% pour
la Bavière, 0.48% pour la Saxe?)
68 La ministre en charge de l?équipement et de l?environnement a écrit à son homologue fédérale allemande pour
l?informer de la mission réalisée par les trois inspections françaises ; la ministre allemande a fourni des contacts
pour la mission dans les deux Länder de RP et de NRW et n?a suggéré aucun contact au niveau du Bund. Seul le
Land de RP a donné suite aux sollicitations de la mission qui a eu un échange approfondi avec le directeur de
l?office de l?eau du Land et ses collaborateurs. Cette réserve inhabituelle des autorités allemandes s?explique par
le contexte politique sensible que les inondations ont créé. Au niveau fédéral comme au niveau des deux Länder,
des commissions d?enquête parlementaires ont été formées pour mettre en lumière d?éventuelles responsabilités
politiques ou administratives dans la gestion de la catastrophe. Le Landrat en fonction au moment des événements
dans le Landkreis d?Ahrweiler a été au centre d?une polémique politique et médiatique impliquant des sujets comme
le retard des alertes et des évacuations ou de la coordination des secours. Il a refusé de répondre à la convocation
de la commission d?enquête du parlement régional de RP. Contraint à la démission, il fait l?objet de poursuites
judiciaires. Le sujet est donc, encore aujourd?hui, particulièrement sensible aux yeux des autorités allemandes.
69 Elle constitue une « kreisfreie Stadt ».
70 Pour une population totale du district de 130.000 dont 56.000 établis le long de la rivière.
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est plus forte au niveau du fond de vallée que sur les hauteurs en raison précisément de la dimension
viticole : les vignes sont plantées sur les collines, les maisons sont de fait construites plus près de l?eau.
Le montant évalué des dommages matériels est de 18,2 milliards d?¤ pour l?ensemble du Land dont 10
milliards pour les seuls dommages immobiliers des particuliers qui ont perdu leur habitation, 7 milliards
pour les infrastructures publiques et 1,2 milliards pour les entreprises dont les agriculteurs et viticulteurs :
Pour le Land de Rhénanie du Nord Westphalie, le montant évalué des dommages est de 12,3 milliards
d?¤, dont 3 aux logements privés, 253 millions aux infrastructures du Land et 4,5 à celles des communes,
61 millions aux équipements culturels et aux archives, 1,5 milliard aux activités économiques (30
millions à l?agriculture, à la sylviculture et à la pisciculture), et près de 3 milliards non encore classés.
Annexe 3.3. La phase de reconstruction à l?aune de l?exemple de la
Rhénanie-Palatinat
La mission rappelle en préambule le cadre général que le Bund a fixé pour la phase de reconstruction
qui débute effectivement après l?entrée en vigueur de la loi spéciale (AufbhEG 2021 cf.supra). Il
convient de souligner que l?effort principal de l?action publique va en direction des particuliers, ce qui
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s?explique en partie par l?absence d?assurances obligatoires de type « CatNat » comme en France (cf.
infra, point 5.). Les dossiers d?aide à la reconstruction des particuliers représentent par conséquent le
volet le plus important en termes de besoins financiers.
Le cadre fédéral est arrêté avec la loi précitée sur la reconstruction et la constitution du fonds spécial
avec la négociation des clefs de répartition entre Länder et Bund (cf. point 2.). En complément de ce
dispositif, un certain nombre d?autres dispositions ont été prises par le gouvernement fédéral. Ainsi, une
garantie juridique contre les saisies est instaurée protégeant les aides reçues relevant de la
reconstruction ; même un débiteur faisant l?objet de procédures de recouvrement (y compris le cas de
figure où le recouvrement est entré dans une phase judiciaire) a la garantie de recevoir et de pouvoir
utiliser l?intégralité de l?aide qui lui a été allouée. Il en va de même des dispositions régissant les faillites,
ainsi l?obligation de se déclarer en faillite en cas d?insolvabilité (Insolvenzpflicht) est suspendue
temporairement pour les particuliers et les entreprises ayant déposé un dossier de demande d?aides à
la reconstruction. Les obligations découlant du droit de l?urbanisme sont allégées afin d?accélérer la
délivrance de permis de construire dans les zones sinistrées, sous réserve de dispositions nouvelles
concernant les zones inondables ? le principe est posé d?un « droit à la reconstruction à l?identique »
pour les propriétaires de biens sinistrés, conditionné cependant au fait de ne pas se situer dans la zone
la plus exposée ; un traitement au cas par cas est garanti au particulier qui souhaite reconstruire sa
maison. Enfin, le Bund a élevé au niveau législatif le principe (et sa mise en oeuvre sous forme de
dispositif opérationnel en partenariat avec les opérateurs téléphoniques) d?information directe de la
population par leur téléphone portable en cas de fortes inondations et/ou de catastrophe naturelle, avec
une obligation de service.
Dans le cas du Land de RP, le dispositif fédéral est complété par un dispositif juridique et administratif
régional et des mesures budgétaires (si le Land reçoit 15 millards d?¤ du fonds spécial d?aides à la
reconstruction, les dommages évalués se situent à hauteur de 18 milliards d?¤ - le Land doit donc
financer lui-même a minima une enveloppe de 3 milliards d?¤). Le Land définit son propre cadre par une
loi régionale d?aide à la reconstruction et de dispositions patrimoniales spéciales (Aufbauhilfe-
Sondervermögensgesetz ? AufbhSVLG) votée par le Landtag en septembre 2021 et entrée en vigueur
le 1er octobre 2021. Cette loi est complétée par ce que nous appellerions en France un dispositif
réglementaire sous forme d?instructions administratives (Verwaltungsvorschrift ? que l?on peut analyser
comme un acte mêlant ce qui en France relèverait de l?arrêté et de la circulaire/instruction aux
administrations déconcentrées) regroupées sous l?intitulé « Reconstruction RLP 2021 », publiées le jour
de promulgation de la loi. Ce cadre juridique s?applique aux aides au bénéfice :
? des particuliers, associations, fondations, associations cultuelles (donc les particuliers et le
secteur non lucratif) ;
? des entreprises commerciales, y compris l?artisanat, des professionnels libéraux et des
indépendants (donc le secteur lucratif au sens large, allant de la grande entreprise au cabinet
médical) ;
? des entreprises agricoles, viticoles et forestières (donc le secteur de l?agriculture au sens large) ;
? des communes et des porteurs d?infrastructures publiques (donc le secteur public y compris les
opérateurs agissant par délégation de la puissance publique).
A cela s?ajoute la levée temporaire ou l?assouplissement de règles usuelles en matière fiscale71, en
matière d?urbanisme et en matière de droit de la concurrence. Par exemple, les règles d?attribution de
marchés publics sont allégées pour les communes afin que celles-ci puissent procéder plus rapidement
à l?adjudication de marchés directement corrélés à la reconstruction (écoles, routes, centres de soin,
etc.). En particulier, les communes bénéficient jusqu?au 31 mars 2024 d?exceptions dans les règles
d?allotissement de marchés publics visant à accélérer les procédures et à lancer les chantiers plus
rapidement ; elles ont le droit de désigner une entreprise « mandataire général » là où en temps normal
71 Par exemple, les règles de reversement de la TVA sont provisoirement allégées pour les entreprises concernées.
Les dons et legs affectés à des opérations de reconstruction bénéficient temporairement de taux privilégiés. Le
recouvrement d?impayés fiscaux est décalé et les délais de paiement au fisc rallongés.
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des lots séparés auraient été obligatoires.
Le droit du travail est lui aussi temporairement assoupli afin d?autoriser des chantiers les jours fériés,
toujours dans une perspective d?accélération de la réalisation des travaux. Mais ne sont visés que les
chantiers d?infrastructures, d?adduction d?eau, de pose de câbles électriques, etc. Les indemnités d?élus
sont temporairement majorées pour favoriser l?action des élus locaux de terrain, confrontés sur la durée
à une charge de travail accrue dans un contexte difficile.
En complément de ces mesures, une loi régionale spécifique au secteur agricole (la mission rappelle
que la vallée de l?Ahr est une zone viticole majeure en Allemagne) contient diverses mesures fiscales
et techniques visant à aider le secteur à se reconstituer et à replanter des champs ou vignobles
endommagés ou détruits.
Le gouvernement du Land a également adapté sa structure administrative pour être à même de traiter
rapidement et de façon aussi déconcentrée que possible l?instruction des dossiers et les nombreuses
demandes des particuliers. Une structure interministérielle est créée sous la forme d?un comité de
pilotage (Lenkungsausschuss) présidé par le chef de la chancellerie d?État72. L?une des secrétaires
d?État auprès du ministre de l?Intérieur et du Sport est désignée déléguée du gouvernement du Land
pour la reconstruction ; elle assure le secrétariat du comité interministériel et elle est en charge de la
coordination de l?action publique dans ce domaine. Parallèlement, est nommé un représentant du
gouvernement du Land « sur place » (selon l?expression allemande « Vor-Ort-Beauftragter ») qui exerce
en fait le rôle de délégué territorial du Land dans le district de Ahrweiler. C?est un ancien Landrat et
secrétaire d?État, donc un fonctionnaire politique de rang élevé. Il a dirigé pendant un an un bureau de
coordination situé au chef-lieu du district et son rôle principal a été de servir d?interlocuteur aux
communes pour les aider dans leurs démarches et de raccourcir les circuits administratifs. Il a ainsi pu
accélérer le traitement des dossiers en travaillant directement avec une direction d?administration
centrale dédiée, créée spécialement après la catastrophe, au sein du ministère de l?intérieur du Land,
intitulée « direction de la reconstruction » (Wiederaufbauabteilung). Le choix du ministère de l?intérieur
plutôt que celui du grand ministère couvrant l?équipement, l?énergie et l?environnement vient du fait que
c?est ce ministère qui a en charge la définition des normes et le droit des collectivités (pour la partie qui
relève du Land). Enfin le Land a intégré son agence publique de développement 73 au dispositif
administratif de reconstruction.
Sur le plan économique et financier, le Land met en place :
? des aides d?urgence, financées pour moitié par lui et pour moitié par le Bund, sous forme d?aides
libres (Billigkeitsleistungen ? ce sont des prestations qui sont versées sans qu?il n?y ait
d?obligation juridique, ce qui ne signifie pas que l?administration ne définisse pas de critères, de
seuils, de conditions d?attribution), à hauteur de 167,3 millions d?¤, versées entre juillet et
décembre 2021, et destinées aux particuliers (35,3 M¤ dont 25.2 Me pour les habitants du
Landkreis d?Ahrweiler), aux entreprises (13,1 M¤), ainsi qu?aux communes et intercommunalités
(118,9 M¤ dont 101,4 M¤ pour le seul Landkreis d?Ahrweiler). Pour les particuliers, la seule
condition était que le dommage subi soit supérieur à 5 000 ¤ déduction faite des prestations
d?assurance ; l?aide d?urgence par foyer était de 1 500 ¤ plus 500¤ par membre du foyer, avec
72 Dans les Länder, le ministre-président dispose en général d?un fonctionnaire politique qui a le rang de secrétaire
d?État et qui dirige la « chancellerie d?État » (Staatskanzlei). Ses fonctions sont comparables à celui d?un directeur
de cabinet français qui aurait en sus de ses attributions politiques une administration dédiée sous son autorité en
charge des affaires directement liées au ressort du chef du gouvernement, comme la coordination interministérielle.
Parfois, le ministre-président, lors de la composition du gouvernement, s?attribue d?autres ressorts ministériels qui
conservent dans ce cas leur propre administration et sont de fait dirigés par un secrétaire d?État que l?on pourrait
comparer à un secrétaire général de ministère en France. Il convient de garder présent à l?esprit que les cabinets,
tant au niveau du Bund que des Länder, n?existent quasiment pas en Allemagne ? tout au plus existe-t-il un
Ministerbüro qui s?occupe des déplacements et de l?agenda du ministre, mais ce bureau est intégré aux services
administratifs (il est comparable à un bureau du cabinet français dont le chef aurait des fonctions comparables à
celles d?un chef de cabinet).
73 Entwicklungsagentur Rheinland-Pfalz e.V. ? juridiquement, il s?agit d?une association à but non lucratif tout à fait
comparable à nos associations relevant de la loi du 1er juillet 1901.
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un plafond arrêté à 3 500 ¤.
? des aides à la reconstruction dans le cadre du Aufbauhilfefonds 2021 (Cf.supra). Le bilan n?est
pas encore disponible puisque les dossiers d?indemnisation sont ouverts jusqu?au 30 juin 2023,
mais les crédits ouverts sont de 15 milliards d?¤ (cf. supra). Les règles d?attribution sont
relativement souples (le dispositif administratif spécial mis en place par le Land et décrit
précédemment vise justement à alléger la charge de la preuve en tenant compte du fait que
des pièces habituellement exigibles dans ce genre de procédures puissent avoir été détruites
ou perdues, le témoignage d?habitants, d?élus de proximité ou d?agents des services
communaux pouvant se substituer à des documents comme des titres de propriété, etc.). Il faut
que le dommage soit en lien direct avec la catastrophe naturelle de la mi-juillet 2021 ; l?aide est
libre et non remboursable, sauf si elle dépasse le montant des dommages subis (pour la fraction
excédentaire) ; pour les dommages économiques, le taux de remboursement ne peut en
principe dépasser 80% ; pour les particuliers, qui vont consommer la plus grosse part de ces
crédits car ceux-ci vont financer la reconstruction d?habitations individuelles, la règle des 80%
est également instaurée, rapportée à l?évaluation des dommages, mais n?exclut pas un
remboursement intégral du dommage si la fraction des 20% laissée à la charge de l?habitant
est prise en charge par d?autres voies (dons, aides communales, prestations d?assurance, etc.).
En outre, un dispositif spécifique pour la prise en charge de l?équipement domestique (meubles,
fournitures, appareils, regroupés sous l?appellation Hausrat) est instauré avec un plafond à 13
000¤ pour une personne, majoré de 8 500 ¤ pour la seconde personne du foyer et de 3 500 ¤
pour toute personne supplémentaire, sur la base des personnes immatriculées par foyer74.
Le Land a mis en place une commission spéciale chargée d?étudier les cas les plus graves
(Härtefallkommission) qui dispose de la possibilité d?exempter partiellement ou totalement un
demandeur des règles susvisées lorsque le cas d?espèce le justifie.
Annexe 3.4. Les enseignements tirés de la catastrophe, un sujet qui
reste sensible et compliqué
Le sujet est hautement sensible sur le plan politique. De ce fait, les informations recueillies par la mission
sont limitées. Lors de l?entretien que celle-ci a eu avec le directeur de l?office de l?eau du Land de RP
(cf. supra), celui a explicitement demandé que ne soient pas abordés la question des évacuations et de
l?acheminement des secours qui sont au coeur d?une polémique politique dans laquelle est impliqué
l?ancien Landrat du Landkreis d?Ahrweiler (Cf. supra). A ce titre, la mission relève que le Landkreis était
administré par la CDU, alors que la majorité régionale est de type « feu de circulation » (Ampelkoalition
modèle classique associant SPD ?rouge-, Verts ?vert- et FDP ?jaune-). Les nouvelles élections locales
ont donné une majorité à la SPD dans ce district Comme la mission l?a indiqué précédemment, elle n?a
eu aucun contact avec les autorités fédérales (Cf. supra sur l?échange de courriers entre la ministre
française chargée de l?équipement et de l?environnement et son homologue fédérale allemande).
Cependant, la documentation disponible et les entretiens techniques menés par la mission permettent
de dégager quelques éléments d?ordre général.
Sur le déroulé même de la catastrophe, qui frappe donc pour l?essentiel la vallée de l?Ahr, répartie sur
les deux Länder de NRW et de RP (cf. supra), les observateurs et les scientifiques s?accordent sur le
scenario suivant, par ailleurs parfaitement décrit dans le documentaire La nuit de l?eau ? retour sur une
catastrophe climatique75 tout en rappelant que l?Allemagne n?est pas le seul pays à être touché (cf.
autres annexes pays du présent rapport) et que le réchauffement climatique constitue un facteur
structurel d?aggravation du risque de survenue de phénomènes météorologiques extrêmes. Les pluies
diluviennes de la mi-juillet 2021 en sont un, par leur ampleur et leur intensité, mais aussi par la surface
totale affectée qui constitue un large périmètre à cheval sur cinq pays (Allemagne, Belgique, Pays-Bas,
74 La mission rappelle qu?en Allemagne, il existe l?obligation (Meldepflicht) de se faire immatriculer à la mairie de
son domicile. Tout déménagement doit ainsi être signalé à l?administration.
75 Film de Matthias Fuchs, produit par ZDF et Arte, et diffusé pour la première fois le 30 août 2022.
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Luxembourg, France76).
L?Ahr est régulièrement en crue sans pour autant atteindre les débits critiques77 observés lors de
l?événement, ce qui a pu aggraver les choses parce que les habitants sont « habitués » à des
inondations différentes et moins brutales, la dernière significative remontant à 2016 dont les dégâts
furent limités. La topographie encaissée de la vallée a amplifié la gravité du phénomène. On peut
émettre l?hypothèse que l?usage viticole des pentes des coteaux de la région, faisant que l?on construit
plutôt près de la rivière afin de réserver les hauteurs aux plantations de vignes, a contribué au bilan.
Dès le 14 juillet au matin, les pluies importantes ont fait l?objet d?alertes « inondation ». Après les crues
spectaculaires de l?Elbe en 2002 (on se souvient des édifices baroques de Dresde sous l?eau), le
système européen d?alerte pour les risques d?inondation (EFAS ? European Flood Awareness System)
avait été mis en place. Plusieurs jours avant la catastrophe stricto sensu, l?EFAS avait adressé des
messages d?alerte (« crues potentiellement graves à venir consulter l?EFAS ») notamment aux autorités
du bassin rhénan, mais il semblerait que ces alertes ne soient jamais parvenues à des autorités de la
vallée, en l?occurrence, à titre principal, aux deux districts de Euskirchen en NRW ?amont de la vallée-
et d?Ahrweiler en RP ?aval de la vallée-78. Des prévisions ont été diffusées par ailleurs sur les sites web.
Dans l?après-midi du 14 juillet, toujours sans alerte officielle des autorités, le niveau de l?eau augmente
anormalement et les habitants commencent à s?inquiéter. C?est dans la soirée et la nuit du 14 au 15
(selon l?emplacement amont/aval, Cf. supra) que la crue dévastatrice fait ses ravages et coûte la vie à
160 personnes dans ces deux districts. Certains villages ont activé des alertes par sirène ou par les
pompiers, mais il n?y eut jamais d?initiative coordonnée, la division entre deux districts relevant de deux
Länder différents n?ayant pas arrangé les choses de ce point de vue. Plusieurs heures s?écoulent avant
que la vague liquide ne touche les communes de l?aval, mais les dégâts déjà infligés au réseau
téléphonique ralentissent la propagation de l?information même à simple titre individuel par des
téléphones portables. Le 14 dans l?après-midi, la mairie de Altenahr a essayé de convaincre le chef-lieu
de district, la mairie de Bad Neuenahr-Ahrweiler, et l?administration du district, que la situation était grave,
bien au-delà de celle observée en 2016. Mais le Landrat le chef de l?administration du district, qui a
officiellement en charge la compétence de sonner l?alerte et de donner l?ordre d?évacuation, était rentré
76 La mission rappelle que si la France n?a pas eu à déplorer de morts et que si le phénomène a eu des
conséquences nettement moins brutales pour elle, la zone significativement affectée concerne la zone nord-est
délimitée par les départements du Nord, des Hauts-de-Seine et de l?Ain, 434 communes de 20 départements se
voyant reconnaître l?état de catastrophe naturelle.
77 La mission rappelle que le niveau maximal usuel de la rivière Ahr est de 70 centimètres ; ce niveau a dépassé
les 9 mètres lors du pic de l?événement à certains endroits, comme à Altenahr.
78 Sur les questions de transmission d?alerte des autorités locales :
- La nuit de l'eau - Retour sur une catastrophe climatique (ZDF), film de Mathias Fuchs, diffusé le 28 juin
2022 par Arté ; notamment interview d?une représentante d?EFAS
Sur l?alerte de la population en Rhénanie-du-Nord-Westphalie :
? Thieken A. Bubeck P. Zenker M.-L. & Wutzler B. (2022). Analyse der Todesumstände und -ursachen
der Opfer des Hochwassers 2021 in Nordrhein-Westfalen zur Ableitung von Verbesserungspotenzialen in
der Risikokommunication und Warnung KAHR (Klima Anpassung Hochwasser Resilienz) Science
Conference 29-30 juin 2022
- Thieken A. Bubeck P. Zenker M.-L. & Wutzler B. (2022). Strukturierte Auswertung der
Dokumentationen zu allen Hochwassertodesopfern in Nordrhein-Westfalen im Juli 2021 und
Herausarbeitung von Verbesserungspotenzialen in der Risikokommunikation und in den Warnprozessen
anhand der Todesumstände und -ursachen sowie Ereignischarakteristika Gutachten für den
Parlamentarischen Untersuchungsausschuss V (Hochwasserkatastrophe) des Landtags Nordrhein?
Westfalen Universität Potsdam 50 p.
- Mohr S. Ehret U. Kunz M. Ludwig P. Caldas-Alvarez A. Daniell J.E. Ehmele F. Feldmann H.
Franca M.J. Gattke C. Hundhausen M. Knippertz P. Küpfer K. Mühr B. Pinto J.G. Quinting J.
Schäfer A.M. Scheibel M. Seidel F. & Wisotzky C. (2023) A multi-disciplinary analysis of the exceptional
flood event of July 2021 in central Europe ? Part 1: Event description and analysis Nat. Hazards Earth
Syst. Sci. 23 525?551.
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chez lui dans l?après-midi79. Or la commune chef-lieu où il réside se situe relativement en aval de la
rivière, ce qui signifie que le phénomène ne la touche que quelques heures plus tard, à 22h30, mais en
redoublant d?intensité puisque la vague se charge de plus en plus en eau et en débris charriés avec
elle. A cette heure-là, les 30 000 habitants de Bad Neuenahr-Ahrweiler, dont beaucoup habitent près du
cours d?eau (cf. supra sur l?explication viticole), sont chez eux et l?impact dévastateur est maximal. Ce
n?est qu?à 23h15 que le Landrat déclare l?état de catastrophe naturelle. La vague continue sa course et
touche Sinzig à 2h30. L?eau commence à se retirer lentement à partir de 6h du matin le 15 juillet à
Dernau, commune très touristique, située juste à l?ouest, donc en amont, de Bad Neuenahr-Ahrweiler.
On peut donc considérer que le segment le plus critique de la crue est compris entre 22h30 le 14 juillet
et 6h le 15 juillet. Pour ne rien arranger, la caserne de pompiers de Bad Neuenahr-Ahrweiler a été
entièrement inondée, ce qui a retardé d?autant la mobilisation technique des secours au plan local dans
la commune la plus peuplée. L?organisation des secours à grande échelle (moyens aériens pour
évacuer les victimes réfugiées ?et parfois toujours menacées par la montée des eaux- sur leur toit,
renforts de pompiers, intervention de l?armée, etc.) ne démarre vraiment que la matinée du 15 et des
milliers de personnes ont dû attendre ces secours plusieurs heures dans la nuit, réfugiées où elles
avaient réussi à se rendre face à l?imminence du danger (toits, arbres, surplombs, bâtiments plus élevés,
etc.). Un rescapé a dû ainsi attendre pendant 15 heures.
Outre les questions de climat et de géographie, des facteurs locaux ont probablement aggravé la crise.
Les échelles de crue ont été arrachées, ce qui brouille la compréhension de l?événement. La vallée
encaissée l?a amplifié. Les associations écologistes pointent la responsabilité de l?agriculture intensive
qui trace des allées larges et rectilignes entre les vignes ce qui aurait facilité le ruissellement de l?eau.
La densification urbaine de parties de la vallée, et la construction d?infrastructures de transport dans
des secteurs de vallée resserrés, auraient accru les hauteurs d?eau : pour un débit comparable à celui
de juillet 1804, l?eau en juillet 2021 a pu dépasser de 2 mètres des repères de crues historiques apposés
sur les maisons.
La mission rappelle qu?elle ne saurait brosser un tableau complet des mesures préventives ou
correctives prises par les autorités fédérales ou régionales dans la mesure où les enquêtes
parlementaires ou les procédures judiciaires étaient encore en cours lorsqu?elle a étudié le cas allemand.
D?ailleurs, les représentants du Land de RP ont indiqué à la mission que « 80% de notre travail et ce
pour de longs mois encore est constitué par la gestion des dossiers de reconstruction avant de réfléchir
à des réformes systémiques pour lesquelles nous ne disposons pas encore de tous les éléments et
pour lesquelles il n?y a pas de consensus politique ». Cependant, au niveau fédéral, un consensus se
fait jour au sujet de deux points techniques, tout le monde étant d?accord pour dire que l?enjeu immédiat
réside dans la question de l?alerte des populations :
La modernisation et la réfection du système des sirènes sonores pour toute l?Allemagne, pour un budget
prévisionnel d?au moins 80 millions d?¤ (de ce point de vue, les Allemands sont porteurs d?une doctrine
qui fait débat en France, à savoir que les alertes par sirène sont efficaces si les populations sont
informées et qu?elles peuvent même inclure des types d?alarme ?selon la modulation ou la fréquence
du signal sonore- différents selon la nature du risque) ;
Le parachèvement, en partenariat avec les opérateurs téléphoniques, du système d?alerte NENA par
smartphone qui permet de zoner plus finement les alertes et de donner des instructions concrètes (de
type « sortez » ou au contraire « restez chez vous », « ne vous rendez surtout pas dans votre cave »,
« cherchez immédiatement le point le plus élevé de votre habitation », etc.) aux populations ciblées ?
le Bund a par ailleurs accéléré l?adoption de textes rendant juridiquement possible ce système de « cell
broadcast », homologue de FR-Alert qui se déploie en France.
79 Cette information est un des points principaux de la polémique politique qui a contraint l?intéressé à la démission.
https://www.swr.de/swraktuell/rheinland-pfalz/ex-landrat-pfoehler-im-flut-untersuchungsausschuss-erwartet-
100.html
https://www.swr.de/swraktuell/rheinland-pfalz/flut-u-ausschuss-befragt-mitarbeiter-der-kreisverwaltung-ahrweiler-
100.html
https://de.wikipedia.org/wiki/J%C3%BCrgen_Pf%C3%B6hler
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Le Bund a également entamé une réflexion et une restructuration de la protection civile
(Bevölkerungsschutz) au niveau fédéral en lançant une grande réflexion sur la stratégie de renforcement
de la résilience en cas de catastrophes. Il a réorganisé l?office fédéral compétent et lui a donné plus de
moyens, le Bundesamt fur Bevölkerungsschutz und Katastrophenhilfe ?BBK- que l?on pourrait
comparer à la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises du ministère de l?intérieur
français (DGSCGC), mais le BBK n?est pas compétent pour la gestion des sapeurs-pompiers et il ne
dispose pas des mêmes compétences opérationnelles que la DGSCGC en cas de crise grave. Il a
également entamé une réflexion sur le volontariat : comme en France, les pompiers dépendent pour
l?exercice de leurs missions du volant de pompiers volontaires, et ils voient une diminution constante et
progressive des recrutements de volontaires. Le Bund a aussi accéléré des expérimentations ou des
investissements déjà en cours de réalisation ou de programmation, comme le projet Laborbetreung
5000 lancé en 2019 pour l?hébergement et les soins d?urgence des sinistrés.
Parallèlement, il a mené une réflexion sur l?engagement tactique des forces armées en cas de crise
intérieure pour l?assistance à personnes et pour le soutien aux forces de police (qui, elles, dépendent
des Länder, sauf la Bundespolizei et les offices fédéraux). Comme cela est observé dans d?autres pays,
les forces de police sont de fait mobilisées pour diffuser l?alerte et contribuer aux actions d?urgence.
Pour une catastrophe comme celle de juillet 2021, comme cela a été le cas en France après la tempête
Alex dans les Alpes-Maritimes, les forces de police judiciaire sont fortement mobilisées pour
l?identification des victimes.
Enfin, le Bund s?est engagé dans un travail de simplification juridique (à l?image de ce qu?a fait le Land
de RP pour accélérer les dossiers de reconstruction) pour la reconstruction des routes et voies ferrées.
Cependant, il reste un domaine majeur dans lequel il n?y a pas encore eu de vraie réflexion aboutie en
raison du manque de consensus : celui de l?urbanisme et des nécessaires révisions des équivalents
allemands des plans locaux d?urbanisme, en particulier dans les zones touchées en juillet 2021. S?il
existe une prise de conscience que les normes scientifiques doivent devenir plus sévères en matière
d?alerte de crues (le référentiel doit changer pour inclure les événements récents) et si la révision des
procédures d?alerte fait elle aussi consensus, le point d?achoppement reste sur le caractère opposable
de normes prises en compte pour la prévention au travers du droit de l?urbanisme et donc pour la
délivrance de permis de construire en zone inondable (et la définition du périmètre des zones inondables
à l?aune des nouvelles normes hydrologiques).
Ce point constitue une source de tensions permanentes entre population et élus, d?une part, élus et
Land/Bund, d?autre part. Les élus sont l?interface entre la population et les autorités politiques ; ils sont
placés dans une situation difficile car personne ne veut accepter que sa maison ne puisse être
reconstruite. L?organisation communale allemande amplifie ou complique ce schéma dans la mesure
où l?autorité qui délivre le permis de construire (dans de nombreux cas, le Kreis et donc, dans l?exemple
du Land de RP, le Landrat) est à la fois celle qui doit imposer les normes de l?État face aux élus ?elle
agit par délégation du Land et exerce le contrôle de légalité- et celle qui représente les intérêts
communaux ou intercommunaux. Le Land de RP a ainsi élaboré un compromis pragmatique sans réel
fondement doctrinal consistant à garantir aux habitants sinistrés une « reconstruction à l?identique »
sauf si l?habitation est située dans une zone labellisée « rouge » que les nouvelles normes désigneront
comme inondable à haute probabilité. L?entretien mené par la mission avec les représentants de ce
Land a mis en évidence l?incertitude qui règne encore sur les contours exacts de la zone rouge et si des
dérogations seront accordées.
Annexe 3.5. La question de l?introduction d?une assurance
obligatoire contre les catastrophes naturelles
La part importante que revêtent les dommages causés aux habitations des particuliers (mais aussi les
locaux d?entreprise, ils sont cependant moins nombreux par essence) dans l?évaluation des dommages
(cf. supra) et par conséquent dans les dépenses de reconstruction à la charge du Bund et des Länder
(cf. supra) a relancé le débat sur la nécessité d?introduire, à l?échelle fédérale, une assurance obligatoire
pour les particuliers pour se couvrir contre le risque ?catastrophes naturelles?, à l?image du dispositif
« CatNat » en France. Les Allemands parlent d?assurance obligatoire contre les dommages
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« élémentaires » (Pflichtversicherung für Elementarschäden) terme qui recouvre les pluies diluviennes,
les inondations et les glissements de terrain.
Historiquement, certains Länder avaient une législation qui imposait, au moins partiellement, à l?habitant
de souscrire une assurance contre les risques naturels. A l?heure actuelle, plus aucun Land n?a de
législation de ce type, mais les statistiques montrent que, là où le dispositif a existé, les particuliers
conservent le réflexe de souscrire des assurances de ce type même s?ils n?y sont plus obligés. Ainsi, le
Land de Bade-Wurtemberg a un taux d?assurance contre les risques naturels qui reste élevé, proche de
90%, alors que la moyenne fédérale se situe à 50% ; cependant, il s?agit d?une moyenne, et dans le
deuxième Land le plus touché par la catastrophe, la Rhénanie du Nord-Westphalie, le taux est de 37%
pour les ménages.
Les événements récents ont modifié la donne en Allemagne. Ainsi, les ministres-présidents de la Saxe
et du Bade-Wurtemberg, pourtant de bords politiques opposés (respectivement CDU et Verts), ont lancé
une initiative commune en 2022 au sein de l?organe qui réunit le gouvernement fédéral et les ministres-
présidents des 16 Länder, la Ministerpräsidentenkonferenz. De même, le sujet a été étudié par les
ministres en charge de la justice dans les différents Länder (Justizministerkonferenz), qui ont conclu
qu?il n?existait pas d?obstacles de nature constitutionnelle à ce qu?une telle obligation soit introduite au
niveau fédéral.
Le débat porte aussi sur le fait qu?en cas de catastrophe naturelle, les particuliers ne peuvent
systématiquement se tourner vers l?Etat dont les capacités budgétaires sont sous tension. Les
représentants des intérêts des grands assureurs encouragent l?idée sous la forme d?une double
obligation :
Chaque immeuble doit être assuré contre le seul risque lié aux inondations, et il convient d?en faire une
obligation fédérale imposé aux particuliers et aux entreprises, mais le niveau des prestations doit se
limiter au « niveau minimal garantissant l?existence », que l?on peut considérer comme un socle vital ;
Les assureurs se voient dans l?obligation de proposer un deuxième étage à l?assurance obligatoire, qui,
lui, serait laissé à l?appréciation de l?assuré, et qui relèverait du marché quant au niveau des prestations
et des primes ; ce deuxième étage couvrirait les valeurs vénales des biens au-delà du socle vital et les
assureurs offriraient chacun leur bouquet en fonction de leur politique commerciale.
A l?évidence, la proposition des assureurs sert leur intérêt économique.
Le Land de NRW s?est depuis associé à cette initiative et a fait voter une motion, déposée conjointement
avec le Land de Bade-Wurttemberg, au sein du Bundesrat, la chambre haute du parlement fédéral qui
représente en principe les Länder, le 31 mars 2023. Cette motion stipule que « l?assurance obligatoire
contre les dommages élémentaires doit s?appliquer à l?échelle fédérale » et invite le gouvernement
fédéral à préparer un projet de loi en ce sens.
Il convient de noter que les arguments du débat public en Allemagne portent peu sur le thème de la
mutualisation du risque. Il s?agit plutôt de forcer les particuliers à souscrire une assurance contre les
risques naturels afin de ne pas les exposer à se retrouver sans habitation en cas de sinistre et à ne pas
les rendre « dépendants » de l?État fédéral dont on ne sait s?il pourra intervenir à chaque catastrophe.
Les moyens considérables qu?il a mis en oeuvre dans le contexte des inondations de 2021 doivent rester
une solution « exceptionnelle ».
Annexe 3.6. Liste de documents consultés
La nuit de l'eau - Retour sur une catastrophe climatique (ZDF), film de Mathias Fuchs, diffusé le 28
juin 2022 par Arté
Broemme, A. (2022). Unwetterereignisse - Strategien für Rheinland-Pfalz zur Vorbeugung,
Vorbereitung, Koordinierung, Nachbereitung und zur verbesserten Resilienz. Rapport d'expertise
au Ministère de l'Intérieur et des Sports Land Rheinland-Pfalz, 24 p.
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Broemme, A. (2022). Unwetterereignisse - Strategien für Nordrhein-Westfalen zur Vorbeugung,
Vorbereitung, Koordinierung, Nachbereitung und zur verbesserten Resilienz. Rapport d'expertise
au Ministre-Président du Land Rheinland-Pfalz, 24 p.
Bundesministerium des Innern, für Bau und Heimat & Bundesministerium der Finanzen (2021).
Zwischenbericht zur Flutkatastrophe 2021: Katastrophenhilfe, Soforthilfe und Wiederaufbau,
rapport, 20 p.
Bundesministerium des Innern, für Bau und Heimat & Bundesministerium der Finanzen (2022).
Bericht zur Hochwasserkatastrophe 2021: Katastrophenhilfe, Wiederaufbau und
Evaluierungsprozesse, rapport, 85 p.
Bundesregierung (2022). Bericht des Bundes zu den Hochwasserereignissen vom Juli 2021,
rapport présenté à la conférence des ministres de l'environnement, 26 p.
CEDIM Forensic Disaster Analysis Group (2021). Hochwasser Mitteleuropa Juli 2021 (Deutschland)
- Bericht Nr. 1 "Nordrhein-Westfalen & Rheinland-Pfalz", Center for Disaster Management and Risk
Reduction Technology, Karlsruher Institut für Technologie, 31 p.
Dietze, M., Bell, R., Ozturk, U., Cook, K. L., Andermann, C., Beer, A. R., Damm, B., Lucia, A., Fauer,
F. S., Nissen, K. M., Sieg, T., and Thieken, A. H. (2022). More than heavy rain turning into fast-
flowing water ? a landscape perspective on the 2021 Eifel floods, Nat. Hazards Earth Syst. Sci.,
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DKKV - /Deutsches Komitee Katastrophenvorsorge e.V. (2021). DKKV Newsletter "Flutkatastrophe
Juli 2021 - Vom Starkregen zur Katastrophe, numéro de septembre 2021, 22 p.
Fekete, A., & Sandholz, S. (2021). Here Comes the Flood, but Not Failure ? Lessons to Learn after
the Heavy Rain and Pluvial Floods in Germany 2021
Kahle, M., Kempf, M., Martin, B., & Glaser, R. (2022). Classifying the 2021 'Ahrtal' flood event using
hermeneutic interpretation, natural language processing, and instrucmental data analysis. Environ.
Res. Commun., 4, 051002, 15 p.
Landesregierung Rheinland-Pfalz (Gouvernement du Land de Rhénanie-Palatinat) (2022) Ein Jahr
Wiederaufbau in Rheinland-Pfalz nach der Naturkatastrophe vom 14./15. Juli 2021, 256 p.
Lau, M. (2022). Nach der Flut - ein Bildband über das Hochwasser 2021 und die schrcklichen
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Annexe 4. : les grandes caractéristiques de
l?événement d?inondations de mi-juillet 2021 en
Belgique
Une goutte froide, bloquée depuis le début de la semaine [du 12 juillet] sur le sud-ouest de
l'Allemagne, provoque d'importantes chutes de pluie sur le nord-est de la France, l'ouest de
l'Allemagne, le Luxembourg et l'est de la Belgique. La journée du 14 juillet a été particulièrement
pluvieuse en Belgique et dans l?ouest de l?Allemagne, marquée par des inondations
catastrophiques aux conséquences dramatiques.
Les cartes qui suivent présentent :
- les trois cours d?eau où on a relevé le plus de victimes ont leur source dans le massif des
Ardennes :
o L?Amblève : source à Honsfeld (commune de Bullange) dont l?altitude est de 600
mètres ; débit moyen : 19,5 m3/s ;
o L?Ourthe : source de l?Ourthe occidentale à Ourt (commune de Libramont-Chevigny)
dont l?altitude est de 506 mètres ; source de l?Ourthe orientale à Deiffelt (commune
de Gouvy) dont l?altitude est de 512 mètres ; débit moyen : 55,2 m3/s (à Liège) ;
o La Vesdre : source dans les Hautes Fagnes à un kilomètre de la frontière allemande
(Konzen quartier de la commune de Monschau), dont l?altitude est voisine de 543
mètres ; débit moyen : 11,4 m3/s (à Liège).
- le bassin de la Vesdre, qui a concentré une forte part des dommages et des victimes80, et
sa partie amont.
80 Source : Rapport Stucky « Analyse indépendante sur la gestion des voies hydrauliques lors des
intempéries de la semaine du 12 juillet 2021 ».
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Annexe 4.1. Caractéristiques météorologiques et hydrologiques de
l?événement
Annexe 4.1.1 Météorologie
Une situation météo de blocage
Depuis le début de l?été 2021, l?Europe de l?Ouest n?a pas été épargnée par de fréquents passages
pluvio-orageux, en lien avec de régulières gouttes froides, circulant sur le flanc occidental de
conditions anticycloniques de blocage sur l?Europe du Nord et de l?Est. C?était vrai en juin 2021, et
c?est aussi le cas en cette mi-juillet. Ainsi, les rivages de la Baltique et la Scandinavie connaissent
à ce moment un été très chaud qui a contribué, d?une certaine manière, à un fort contenu en vapeur
d?eau sur une grande partie de l?Europe du Nord. Ce fort contenu en eau de l?atmosphère est
souvent invoqué par les climatologues comme la principale raison de l?augmentation de la
fréquence des événements pluvieux extrêmes, déjà observée, à cause du réchauffement
climatique.
La situation météorologique qui a provoqué cette situation est liée à une goutte froide. La goutte
froide de cette semaine-là, de par son déplacement relativement lent, a provoqué des pluies
abondantes et durables sur une partie nord-est de la France, ouest de l?Allemagne et est de la
Belgique. En aspirant de l?air chaud et humide de la Méditerranée, s?ajoutant à l?humidité de l?air
sur l?Europe du Nord, une vaste perturbation pluvieuse s?est organisée sur l?Allemagne de l?Ouest
et le Benelux. Les contenus en eau précipitable ont renforcé le côté diluvien des précipitations,
entraînant des inondations aux conséquences dramatiques.
L?événement pluvial combine un front pluvial immobile, tel que cela peut survenir en hiver, et des
orages. Se sont ainsi retrouvées combinées en un seul événement les configurations hivernales et
les configurations estivales les plus défavorables.
La probabilité d?occurrence du volume de précipitations observé est de l?ordre d?une fois tous les
deux siècles ou une fois par millénaire, hors évolution du climat (hypothèse révolue).
Bien que l?évènement sorte du champ des phénomènes couramment pris en compte par les
modèles météorologiques, ceux-ci avaient mis en évidence, à partir du lundi 12 juillet (la
catastrophe s?est produite dans la nuit du mercredi 14 au jeudi 15 juillet) des précipitations avec
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des maxima locaux pouvant aller jusqu?à 150, voire 200 mm. Dès le dimanche 11 juillet, EFAS
(European Flood Awareness System Copernicus Emergency Management Service) avait indiqué
un risque élevé de crue sur le bassin de la Meuse, affectant notamment la Belgique.
L?action de l'Institut royal météorologique (IRM)
La chronologie d?événements ci-dessous (extraite du rapport de la commission d?enquête du
Parlement de Wallonie sur les inondations de juillet 2021, et s?appuyant notamment sur de
nombreuses auditions) donne un aperçu de la crise et des actions qu?elle a suscitées au sein de
l?administration :
? l?IRM annonce le lundi 12 juillet 2021 de 80 à 130 millimètres de pluie, voire très localement 150
millimètres de pluie, dans les 48 heures et déclenche l?avertissement jaune pour l?ensemble des
provinces wallonnes ;
? l?IRM active son personnel de réserve le lundi 12 juillet 2021 ;
? l?IRM confirme ses prévisions le mardi 13 juillet 2021 et déclenche l?avertissement orange pour
les provinces de Liège, Namur et Luxembourg ;
? l?IRM envoie des fichiers [de prévisions météorologiques de type] « grib » au SPW (Service Public
de Wallonie) indiquant un risque de 190 millimètres de pluie à certains endroits précis ;
? M. Dehenauw, Chef du Service Scientifique Prévisions du temps sein de l'Institut royal
météorologique (IRM) s?est assuré auprès des services de l?IRM que l?ensemble des documents et
fichiers utiles avaient été communiqués aux administrations régionales afin d?éviter tout
dysfonctionnement ;
? les critères sur la base desquels une alerte rouge pouvait être déclenchée concernant la Province
de Liège ont été rencontrés le 14 juillet 2021 ;
? il a précisé qu?à ce moment, il a été estimé que le volume d?eau pouvant tomber sur cette province,
en plus des précipitations déjà tombées annoncées le lundi, pouvait atteindre 150 millimètres
supplémentaires ;
? l?IRM est contacté par la Direction de la gestion hydrologique [du SPW] le matin du mercredi 14
juillet 2021 en vue d?obtenir des explications sur cette évolution du modèle ;
? il serait possible de déroger au délai de 12 heures avant de déclencher une alerte rouge mais
qu?il est alors [jugé] important de ne pas lancer de fausse alerte ;
? l?IRM estime que le risque de ce genre de catastrophe augmente avec le changement climatique
mais qu?on ne peut pas exclure que cela se produise également sans changement climatique.
Annexe 4.2. Hydrologie
Au coeur de la crise
? la phase d?alerte a été enclenchée le 14 juillet 2021 à partir de 6 heures. Dès 8 heures, toutes
les équipes disponibles étaient mobilisées ;
? le même jour, à 9 heures 27 minutes l?IRM a émis un message d?alerte rouge pour l?ensemble de
la province de Liège faisant état de 60 à 150 litres d?eau/m²81 de pluies pour cette même province.
Ces informations ont entraîné des hésitations car les services locaux ignoraient si ces volumes
tenaient compte des volumes d?eau qui sont tombés au cours des jours précédents. En suite de
81 Soit 60 à 150 millimètres
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cette diffusion, l?ingénieur de garde a pris contact avec l?IRM et a compris que ces volumes d?eau
sont des quantités d?eau en plus de celles déjà tombées ;
? toujours le 14 juillet 2021, à 9 heures 59 minutes, une réunion a été initiée par le Centre régional
de crise (CRC) concernant la gestion du barrage de Monsin. Les services du SPW chargés de la
gestion des barrages- réservoirs ont informé lors de cette réunion Centre régional de crise de la
situation difficile de certains barrages ;
? le même jour, à partir, respectivement, de 12 heures 50 minutes et de 13 heures, les stations de
mesure situées sur la Hoëgne et à Chaudfontaine n?ont plus répondu, (en raison de la destruction
ou de la mise hors d?usage des équipements) ce qui a empêché les services locaux de prendre
connaissance de l?évolution de la situation à ces endroits ;
? une réunion a eu lieu le 14 juillet 2021 à 13 heures 30 minutes entre le Centre régional de crise
et le SPW concernant la gestion du barrage de Monsin. Une autre réunion a également lieu le
même jour à 15 heures 30 minutes entre le Centre régional de crise et le Centre provincial de crise.
Cette réunion a concerné la situation des barrages-réservoirs ;
? le 14 juillet 2021, à 15 heures 30 minutes, plusieurs dizaines de voiries communales étaient
bloquées ;
? le 14 juillet 2021, des interventions ont eu lieu et les barrages-réservoirs de la Gileppe et de la
Vesdre ont joué leur rôle de rétention ; le barrage de la Gileppe a stocké tout le volume d?eau qui
est tombé sur son bassin versant et que le barrage d?Eupen a joué son rôle d?écrêtage de crues
pendant plusieurs heures ; le barrage d?Eupen n?avait pas baissé son volume stocké en anticipation
de l?événement très rapide, il a retardé la montée de l?eau et a été en mesure de réduire la pointe
de crue à l?aval par rapport à l?amont (étude Stucky) ; il a atteint les limites de sa capacité de
stockage le même jour à 22 heures 43 minutes. À partir de ce moment, le débit d?eau entrant a été
inférieur au débit sortant ;
? toujours le 14 juillet 2021, à 18 heures 15 minutes, une réunion avec les bourgmestres a eu lieu
afin de faire le point sur l'évacuation des camps de vacances des mouvements de jeunesse ;
? le 14 juillet 2021, à 18 heures 45 minutes, il a été demandé aux communes d'ouvrir des centres
d'accueil ;
? le 14 juillet 2021, à 21 heures, l'autorité fédérale a décidé d'appuyer la coordination stratégique
des gouverneurs de province, de coordonner les moyens fédéraux employés ainsi que la diffusion
d'informations à l'attention de la population et des acteurs mobilisés. Il a précisé qu?à partir de ce
moment, le Directeur général du Centre de crise national (NCCN) a organisé des réunions de
coordination afin de faciliter les échanges d'informations ;
? toujours le 14 juillet 2021, 22 heures 10 minutes, l?IRM a émis un message indiquant que le
Brabant wallon était placé en alerte orange.
M. Dierickx, Directeur de la Gestion hydrologique au sein du Service public de Wallonie Mobilité et
Infrastructures (SPW MI) confirme qu?à aucun moment durant la période de crise son service ne
s?est connecté au service « Map Viewer » de l?EFAS et que l?EFAS n?est d?ailleurs pas utilisé de
façon opérationnelle dans les procédures de sa direction, ce système n?étant pas ? pour
l?administration ? estimé assez fiable à ce stade, mais que le Service Public de Wallonie collabore
pour améliorer le modèle.
Les plus fortes précipitations (270 mm) ont été relevées à Jalhay, commune située sur la rive
gauche du lac de la Gileppe.
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Annexe 4.3. Impacts
Un an après les intempéries, une première estimation évaluait les conséquences des intempéries :
- 39 décès ;
- cent mille personnes sinistrées ;
- 209 communes situées sur le territoire wallon touchées (sur un total de 262 communes) ;
- 48 000 bâtiments, dont 45 000 logements ;
- 559 ponts endommagés ;
- 12 000 véhicules automobiles domiciliés en zone inondée.
Commune de Verviers
Verviers fut un grand centre européen de l'industrie lainière du XIIème au XXème siècle, ville prospère
reconnue internationalement pour le traitement des laines. Cela s'explique par la qualité de ses
eaux particulièrement douces, dépourvues de calcaire et donc de résidus qui pourraient souiller la
laine. L?urbanisation au début du XIXème siècle s?est faite notamment avec des maisons dont un
des murs porteurs tient lieu de berge. Ces maisons en bordure de la Vesdre ont été éventrées lors
des crues liées aux précipitations de juillet 2021. Il en a été de même dans la commune de
Pepinster située juste en aval. La Vesdre est la vallée la plus pentue de cette partie de la Wallonie.
Maison éventrée à Pepinster.
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Maison détruite à Verviers.
Pour ce qui concerne les réseaux de distribution, le nombre de ménages wallons impactés a été
de :
- 56 000 pour le réseau de l?électricité ;
- 25 000 pour le réseau du gaz ;
- 47 000 pour l?eau potable.
Par ailleurs :
- 1342 kilomètres de voies navigables ont vu leurs berges être inondées ;
- 340 000 tonnes de déchets ont été provoquées par les intempéries, 160 000 correspondent à
des déchets ménagers et professionnels provenant essentiellement d?habitations et 180 000 des
procédures de nettoyage des cours d?eau.
Ville de Liège
Liège est la première ville d'Europe continentale entrée dans la révolution industrielle à la suite de
l'industrialisation britannique, avec notamment l?arrivée de l'Anglais John Cockerill en 1797 avec
son père William Cockerill. Liège est la capitale économique de la Wallonie. La quasi-totalité des
cours d?eau de Wallonie confluent vers Liège ; la Meuse est entièrement canalisée sur une
longueur de 12 km dans Liège. Au niveau de la vieille ville, le lit majeur du fleuve reste étroit (largeur
moyenne de 1,3 km). Les précipitations de juillet 2021 ont inondé plusieurs quartiers, notamment
ceux situés sur l?Ourthe, mais aussi le tunnel de Cointe qui permet la traversée autoroutière de
Liège sur l?axe Luxembourg vers les ports d?Anvers et de Rotterdam. Pendant 6 mois, la circulation
a été limitée aux véhicules légers sur une seule voie ; il a fallu attendre un an pour que les deux
voies soient rouvertes et autorisées aux semi-remorques.
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Annexe 4.4. Organisation de l?action publique, répartition des
compétences et responsabilités
En Belgique :
- Les prévisions météorologiques constituent une compétence fédérale, exercée par l'Institut
royal météorologique (IRM) ; la règle, en Belgique, est qu?une alerte « rouge » ne peut être
émise que 12 heures avant le phénomène, une alerte « orange » 24 heures à l?avance et une
alerte « jaune » 48 heures à l'avance ; ces délais institutionnalisent un équilibre entre fiabilité
de la prévision, besoin d?anticipation et souhait d?éviter les fausses alertes ;
- La gestion hydrologique est une compétence régionale, pour ce qui nous concerne le Service
public de Wallonie - Mobilité et Infrastructures (SPW MI) ;
- La gestion de crise est une compétence répartie entre le niveau fédéral, le niveau régional,
le niveau provincial et le niveau communal.
Annexe 4.5. Questions et problématiques mises en évidence par
l?événement
Pour ce qui concerne les barrages, leur gestion a été différente selon les exploitants, tel que cela
apparaît dans les auditions devant la commission parlementaire d?enquête mentionnées ci-
dessous, cela n?a pas manqué d?alimenter des polémiques :
- leur fonction habituelle est d?écrêter les crues en hiver et au printemps, et de constituer des
réserves d?eau pour la période estivale ; par ailleurs, les barrages d?Eupen et de la Gileppe
constituent les deux principales réserves d?eau potable de l?agglomération liégeoise ;
- Pour l'exploitation des ouvrages hydro-électriques d'ENGIE en Wallonie, sur la gestion
opérationnelle des barrages de Butgenbach et de Robertville (communes toutes deux
traversées par la Warche, affluent de l?Amblève) :
o « les 12 et 13 juillet 2021, l?auditionné explique que le volume d?eau dans les barrages
de Butgenbach et de Robertville est diminué par turbinage progressif » ;
o « en période de crue, sur le barrage dont il a la gestion, la seule priorité est l?écrêtage
de crue, qui passe avant la production d?électricité, tandis que la fonction liée à l?eau
potable est très restreinte et n?entre pas en considération dans l?arbitrage ».
- Pour l'exploitation des barrages et des ouvrages hydro-électriques de l?entreprise publique
autonome SWDE (Société wallonne des Eaux, coopérative dont le capital social est réparti
entre 207 communes, 10 intercommunales, 4 provinces wallonnes, la Région wallonne et la
Société Publique de Gestion de l?Eau) :
o suite aux informations communiquées par l?IRM, « avant le 14 juillet 2021, la réserve
d?empotement du barrage de la Vesdre était de 5,6 millions de mètres cubes, le
barrage était donc rempli à 79 % », autrement dit pas de lâcher préventif ;
o « le même jour [14 juillet 2021], à 12 heures, il a été constaté que la Vesdre était en
situation de crue. En suite de ce constat, la Direction des Barrages-réservoirs du SPW
MI a informé le CRC de l?état de la situation et une réunion spécifique relative à la
gestion du barrage d?Eupen a été organisée le même jour, l?après-midi » ;
o « en suite de cette réunion, il a été décidé d?augmenter la restitution du barrage
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d?Eupen afin de retarder le moment où le lac serait rempli » ;
o « le 14 juillet 2021, à 18 heures 45 minutes, il a été décidé que le barrage d?Eupen
pouvait procéder à libérer certains volumes d?eau de manière continue » ;
o « le barrage d?Eupen a atteint les limites de sa capacité de stockage le même jour à
22 heures 43 minutes. À partir de ce moment, le débit d?eau entrant a été inférieur au
débit sortant », autrement dit toutes les vannes ont été ouvertes afin d?éviter le risque
de rupture de la retenue d?eau ;
- Selon le rapport Stucky82 , commandité par le Gouvernement wallon, afin de mener une
analyse indépendante sur la gestion des voies hydrauliques lors des intempéries de la
semaine du 12 juillet 2021 :
o « La présence du barrage d?Eupen a par ailleurs permis de retarder la montée de la
crue puisque les volumes ont été stockés durant toute la première moitié de
l?évènement permettant par exemple de limiter le débit aval à environ 25 m³/s alors
que la crue atteignait un premier pic à environ 130 m³/s, le 14.07.2021 aux alentours
de 16h30 » ;
o « Le 13.07.2021 à 23 :07, l?alarme BT ? Rés est déclenchée, ce qui déclenche le
mode de gestion « alarme crue ». Le turbinage doit être maximal et le niveau du lac
est surveillé pour ne pas dépasser la côte critique Nmax de 360.80 m » ;
o « Lors de cette gestion, la note précise que le tunnel de la Helle (qui amène au
maximum 25 m³/s dans le lac d?Eupen) doit être fermé en cas de risque d?inondation
entre le barrage et la confluence Helle-Vesdre. Lors des évènements de juillet, ce
tunnel n?a pas été fermé » ;
o « Par ailleurs, dès le 14.07.2021 à 04 :17, l?alarme hlimn.Vesdre Pepinster > 3.10 m est
dépassée? Cette alarme est survenue 5h après l?alarme « BT dépassé », ce qui n?a
pas permis d?effectuer les lâchures suffisantes » ;
o Les consignes de déversements ont ensuite été suivies tout au long de la crue et le
niveau du lac a dépassé sa côte critique (Nmax = 360.80) le 14.07.2021 à 22 :43,
puis sa hauteur maximale (hauteur du lac maximale pour garantir la sécurité
structurelle de l?ouvrage : 361 m) le 14.07.2021 à 00 :28 » ;
o « Une pointe de 196 m³/s est atteinte le 15.07.2021 à 01:30 ».
Toujours est-il que la commission d?enquête du Parlement de Wallonie a retenu 25
recommandations ayant trait à la gestion des barrages et ouvrages d?art.
Durée de retour de tels phénomènes météorologiques et hydrologiques :
- Certains évoquent des pluies centennales, localement même bicentennales, en se fondant
sur les relevés des deux siècles précédents (au maximum), ce qui n?intègre pas le
réchauffement climatique ;
- M. Fettweis, Directeur du laboratoire de climatologie de l'Université de Liège, a déclaré que
« si on maintient les objectifs visant à limiter le réchauffement climatique à une hausse de 1,5
degré Celsius, les événements de juillet 2021 pourraient se répéter tous les 10 à 20 ans en
Belgique », mais aussi que « les sécheresses poseront davantage de défis aux autorités
publiques que les inondations ».
82 Rapport Stucky « Analyse indépendante sur la gestion des voies hydrauliques lors des intempéries de la semaine
du 12 juillet 2021 ».
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En tout état de cause, il apparaît indispensable de recalibrer ou d?adapter les modèles
actuels de prévision, voire de développer de nouveaux modèles, et de prendre en compte
dans l?urbanisation les références statistiques de crue mises à jour.
Carte du bassin versant de la Vesdre.
La reconstruction dans les communes les plus durement touchées :
C?est dans la vallée de la Vesdre qu?il y a eu le plus de victimes. L?aménagement des berges est
un point de passage obligé, avec probablement destruction de maisons en bord de rivière, de façon
à pouvoir édifier des berges à même de résister à de telles inondations, et de laisser plus de place
à l?eau.
Annexe 4.6. Suites données, apprentissages, réflexions et actions
engagées
Le Parlement de Wallonie a décidé le 1er septembre 2021 de créer une commission d?enquête
chargée d?examiner les causes et d?évaluer la gestion des inondations de juillet 2021 en Wallonie.
Ses missions sont :
- d'évaluer les outils existants et les mesures prises dans la sphère des compétences de la Région
wallonne en matière de prévention et d?anticipation des inondations ;
- d?évaluer les éléments de contexte ayant conduit à ces inondations et notamment l?ampleur du
caractère exceptionnel des précipitations ;
- d?analyser les causes en lien avec les réalités et les enjeux climatiques, environnementaux et
d?aménagement du territoire ;
- d?examiner les mesures prises au niveau wallon ainsi que les interactions avec les autres autorités
compétentes ;
- d?analyser les mécanismes de prévision et modèles météorologiques d?anticipation de la menace
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des précipitations et d?inondations ;
- d?analyser les interactions et notamment le fonctionnement des systèmes d?alerte et les échanges
d?information entre le niveau régional, les autres niveaux de pouvoir belge et européen et les
différents acteurs concernés ;
- d?analyser la gestion des outils et notamment les infrastructures hydrauliques ;
- d?examiner la gestion de la crise en termes d?évacuation et de secours, d?une chronologie des
différentes décisions prises ;
- de formuler, sur la base de ces travaux, des recommandations permettant en particulier de
répondre dans le cadre des matières ressortissant à la Région wallonne aux défis liés aux causes
et à la gestion des risques d?inondations dans un contexte d?adaptation climatique. Ces
recommandations devront conduire à l?élaboration de toute proposition de décret ou de résolution.
Cette commission d?enquête s?est réunie très régulièrement (2, 10, 16, 17, 24 et 30 septembre, 1er,
8, 15, 22, 29 octobre, 12, 18, 19, 25 et 26 novembre, 2, 3, 10 et 17 décembre 2021, 14, 21 et 28
janvier, 11 février et 11 mars 2022). Elle a adopté le rapport final le 31 mars 2022.
La commission d?enquête du Parlement de Wallonie a retenu 161 recommandations :
? 19 recommandations ont trait à l?amélioration des alertes, de leur gestion et de leur diffusion :
- Dont la n° 1 « engager résolument la Wallonie dans le réseau européen constitué par l?EFAS
et ses différents outils », « intégrer l?usage de l?ensemble des outils proposés par l?EFAS
(alertes formelles et informelles « flood » et « flash flood » et « Map viewer ») dans les
procédures du SPW », « participer aux réunions annuelles et aux formations nécessaires » ;
- Dont la n° 3 « Développer et renforcer le partenariat entre le Service Public de Wallonie (SPW)
et l?Institut Royal Météorologique (IRM) » ;
- Dont la n° 4 « Améliorer les conditions et le séquençage d?utilisation des codes d?alerte de
l?IRM afin de pouvoir déclencher des alertes jaunes, oranges et rouges sans attendre 48
heures, 24 heures ou 12 heures, en cas de risque d?événements météorologiques de nature
ou d?ampleur exceptionnelles » ;
- Dont la n° 6 « d?intégrer progressivement dans le modèle de prévision hydrologique «
HydroMax » les prévisions météorologiques du European Centre for Medium-Range Weather
Forecasts (ECMWF) et les données issues des cours d?eau non navigables (Aqualim) », « de
renforcer les capacités de modélisation hydrologique en prenant en compte un facteur de
risque plus grand lié à l?augmentation des phénomènes climatiques extrêmes », « de
développer des modèles d'alarme spécifiquement liés aux phénomènes de « flash flood » ;
- Dont la n° 7 « Clarifier et rendre publics la terminologie des codes et seuils de pré-alerte et
d?alerte de crues afin de mieux rendre compte des risques d?événements hydrologiques d?une
nature exceptionnelle » ;
- Dont la n° 8 « Veiller à ce que la DGH SPW MI adresse une communication compréhensible,
signifiante et directement exploitable aux autorités régionales et communales compétentes
ainsi qu?à la population » ;
- Dont la n° 9 « Établir un canevas de bulletin d?information, des messages de pré-alerte,
d?alerte et concernant la situation des eaux (données chiffrées, degré de gravité) » ;
- Dont la n° 11 « Améliorer les stations de mesures hydrométriques afin, d?une part, d?agrandir
la gamme de mesure des débits avant une situation de défaillance et, d?autre part,
d?augmenter leur résistance » ;
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- Dont la n° 13 « En concertation avec les médias, tant publics que privés, intégrer les données
hydrologiques vulgarisées dans les bulletins météorologiques grand public en cas de
prévision de crues et, le cas échéant, prévoir la diffusion de messages de pré-alertes et
d?alertes ».
? 21 recommandations ont trait au développement de la culture du risque dans la population et
dans les administrations :
- Dont la n° 21 « Former davantage d?agents publics à la planification d?urgence et à la gestion
de crise » ;
- Dont la n° 25 « Développer un plan d?urgence d?aide psychosociale en cas de crise
majeure ? » ;
- Dont la n° 29 « Dès l?émission d?un code jaune par l?Institut Royal Météorologique (IRM),
appréhender la situation en approche et par équipes multidisciplinaires et effectuer des points
réguliers sur l?évolution des informations » ;
- Dont la n° 30 « Élaborer, en bonne intelligence avec les communes concernées, des cartes
d?évacuation et de mise à l?abri lisibles, y compris en cas de délestage préventif,
accompagnées d?un inventaire des sites pouvant accueillir les personnes évacuées » ;
- Dont la n° 32 « En parfaite cohérence avec les Plans généraux d?urgence et d?intervention
(PGUI), effectuer régulièrement des exercices d?évacuation et de mise à l?abri de la population
ainsi que des stress tests liés aux infrastructures sensibles » ;
- Dont la n° 36 « Créer un cadre permettant une organisation avec les bénévoles, pendant et
après la catastrophe, et mettre à disposition les lieux et le matériel nécessaires pour rendre
cette aide efficace » ;
- Dont la n° 37 « Formaliser la délégation pour absence (applicables aux bourgmestres,
gouverneurs de province, fonctionnaires, etc.) sur la base de critères préalablement définis
ainsi que sur l?étendue de la délégation ».
? 17 recommandations ont trait au rôle et au fonctionnement du centre régional de crise (CRC-W)
et à son interface avec le Groupe Transversal Inondations :
- Dont la n° 41 « Adopter un décret relatif au Centre régional de Crise de Wallonie (CRC-W)
ayant pour objectifs d?en clarifier les rôles et les missions, d?en moderniser le fonctionnement
et d?en faire la porte d?entrée unique des services régionaux en matière d?expertise du
risque » ;
- Dont la n° 43 « Renforcer le rôle du CRC-W en tant qu?interlocuteur de référence pour les
gestionnaires de crise, lorsqu?une phase de crise est déclenchée à l?échelon local, provincial
ou fédéral » ;
- Dont la n° 48 « En situation de crise ou de phase provinciale ou fédérale, placer le CRC-W
sous l?autorité directe du Secrétaire général du SPW, ce dernier disposant, en coordination
avec les Directions générales concernées du SPW, d?un pouvoir d?injonction ».
? 27 recommandations ont trait au rôle et au fonctionnement des gestionnaires de crise (Fédéral,
Province, Commune), à leur organisation et à celle de leurs interfaces :
- Dont la n° 58 « solliciter de l?Autorité fédérale la clarification du commandement dans la
gestion de crise. Déterminer clairement les mécanismes de coopération entre différentes
entités dans l?hypothèse d?une succession de déclenchement de phases d?urgence. Rappeler
le rôle et la responsabilité de chaque intervenant dans chaque phase d?urgence (NCCN,
Centre de crise provincial, Centre de crise communal) » ;
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- Dont la n° 61 « Rendre obligatoire la formation à la planification d?urgence et à la gestion de
crise pour les coordinateurs en planification d'urgence (PLANU) et les agents qui les
remplacent, clairement désignés, pour les gouverneurs de province et les commissaires
d?arrondissement » ;
- Dont la n° 68 « Intégrer systématiquement les gestionnaires de barrages dans le système
ICMS (Incident & Crisis Management System) lorsque ceux-ci sont concernés directement
ou indirectement » ;
- Dont le n° 69 « Formaliser et systématiser l?organisation de debriefings et de retours
d?expériences des gestionnaires de crise ? » ;
- Dont la n° 70 « En matière d?alerte et de communication d?urgence :
o généraliser l'utilisation de l?outil « BE-Alert » par les autorités locales ;
o augmenter le taux d?inscription de la population à BE-Alert ;
o améliorer un réseau radio « Astrid », « Blue Light Mobil » ou similaire accessible aussi
pour les autorités locales (coordinateur planification d'urgence (PLANU) et/ou
bourgmestre) »
- Dont la n° 72 « Assurer, sur les réseaux sociaux, une communication large et efficace en
période de crise pour permettre l?adhésion de la population aux mesures envisagées et lutter
contre les « fake news » ;
- Dont la n° 73 « En plus de l?arsenal existant, des médias et des réseaux sociaux, établir une
démarche de communication de terrain telle que, par exemple et selon les cas :
o la constitution d?un réseau de points de contact par quartier et, le cas échéant, son
activation en cas de crise ;
o l?utilisation de haut-parleurs dans les quartiers ;
o le porte-à-porte ;
o les sirènes. »
- dont la n° 81 « Demander au Gouvernement wallon de solliciter le Gouvernement fédéral afin
qu?il prévoit une procédure claire d?urgence interzones et fixant quel commandant de zone de
secours dirige les opérations ».
? 25 recommandations ont trait à la gestion des barrages et ouvrages d?art :
- dont la n° 85 « Créer un cadre légal pour la gestion et la sécurité des barrages-réservoirs
publics et privés situés en Wallonie, ainsi que pour leur contrôle externe ayant pour objectif
de :
o garantir la sécurité des ouvrages en tout temps ;
o organiser les modalités d?un dialogue entre les gestionnaires des barrages-réservoirs
de Wallonie. »
- dont la n° 86 « Sans attendre l?établissement de ce cadre légal, organiser dans les meilleurs
délais un audit externe des barrages-réservoirs » ;
- dont la n° 89 « Modéliser les parties du bassin versant en amont des barrages afin de pouvoir
estimer de façon plus fine et en temps réel les besoins à couvrir par la réserve d?empotement
des barrages-réservoirs » ;
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- dont la n° 91 « Autoriser le Service Public de Wallonie (SPW) à imposer par injonction à la
SWDE (Société wallonne des eaux) et à tout gestionnaire de barrage ou exploitant de centrale
électrique, un turbinage immédiat en situation de crise » ;
- Dont leda n° 93 « Concernant les modèles prévisionnels propres à la gestion des barrages :
o équiper les barrages d?outils de prévision permettant au gestionnaire de réaliser des
prévisions crédibles de l?impact du ruissellement sir la gestion de l?ouvrage ;
o développer un modèle mathématique permettant d?estimer le volume d?eau entrant
dans l?ouvrage en fonction de prévisions météorologiques et d?un ruissellement
donné » ;
- dont la n° 94 « Modéliser l?impact de lâchers de barrage sur le bassin versant en aval, en
intégrant également l?impact du ruissellement sur les bassins versants et actualiser sur cette
base les informations de la note de manutention sur la célérité de l?onde de crue » ;
- dont la n° 96 « Intégrer dans la gestion des barrages un plan d'alarme prévoyant une montée
en puissance selon différents niveaux d'alarmes avec des règles à respecter pour chaque
niveau afin de clarifier le rôle des gestionnaires des barrages » ;
- dont la n° 105 « Systématiser et formaliser la communication entre les gestionnaires des
barrages-réservoirs et les autorités locales, les zones de secours et les zones de police en
prévoyant des réunions régulières ».
? 9 recommandations ont trait à la gestion des cours d?eau :
- dont la n° 110 « Préconiser une approche pluridisciplinaire par sous-bassin versant, en tenant
compte des enjeux en amont et en aval, afin de contribuer à la protection des personnes et
des biens ».
? 26 recommandations ont trait à l?aménagement du territoire et aux modalités de reconstruction :
- dont la n° 119 « Étudier la manière la plus adéquate de modifier le cadre légal assurant la
prise en compte des cartes d'aléas d?inondations lors de la délivrance des permis
d'urbanisme » ;
- dont la n° 122 « Mieux faire connaître l?existence de la Cellule GISER (Gestion Intégrée Sol
? Érosion ? Ruissellement du SPW) et organiser la possibilité pour un porteur de projet de
construction ou d?urbanisation de demander, avant la phase d?instruction du permis, un avis
indicatif global préalable intégrant les analyses de la Cellule GISER, des gestionnaires de
cours d?eau, des gestionnaires d?égouttage et de tout autre acteur pertinent » ;
- dont la n° 125 « Informer les propriétaires et les locataires des bonnes pratiques en matière
d?aménagement ou de construction afin de rendre les maisons moins vulnérables aux risques
climatiques et environnementaux » ;
- dont la n° 126 « Mettre à jour les cartes des zones inondables et les cartes d?aléas
d?inondations, prioritairement dans les zones sinistrées » ;
- dont la n° 133 « Augmenter la capacité d?infiltration des sols? » ;
- dont la n° 134 « Elaborer des études de ruissellement à l?échelle de quartiers ou de
communes avec définition précise du risque et mise en place de mesures constructives ? » ;
- dont la n° 135 « Mettre en place des « masters plans » afin d?organiser la reconstruction et la
prévention des risques d?inondations, dans une approche cohérente et planifiée à l?échelle
des sous-bassins versants, en commençant par la Vesdre, par les vallées sinistrées? » ;
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- dont la n° 138 « Assurer une reconstruction des berges des cours d?eau, par priorité dans les
zones urbaines ou urbanisées, en intégrant l?évolution du comportement des cours d?eau à
la suite des crues de juillet 2021? ».
? 10 recommandations ont trait à diverses politiques publiques, ainsi qu?à l?organisation et au
fonctionnement du service public de Wallonie (SPW) :
- dont la n° 145 « Améliorer la transversalité au sein du Service Public de Wallonie (SPW) pour
sortir d?une gestion en silos » ;
- dont la n° 146 « Renforcer le rôle de coordination du secrétariat général du SPW en
améliorant la transversalité entre les directions générales » ;
- dont la n° 149 « Développer, au sein du SPW, des outils permettant de mutualiser la collecte
de données pour estimer les dégâts sur le territoire des communes concernées en temps de
crise ».
? 7 recommandations ont trait aux autres politiques.
- dont la n° 156 « Créer un plan de gestion et d?évacuation des déchets en situation d?urgence,
prenant en compte la répartition des responsabilités entre les acteurs concernés et organisant
au bénéfice des communes, sous l?égide [?] une procédure de crise pour le nettoyage des
déchets immédiats produits » ;
- dont la n° 160 « Mettre en relation les vétérinaires urgentistes ainsi que les acteurs du bien-
être animal avec les cellules de sécurité provinciale et les plans d?urgence des pouvoirs
locaux pour la gestion des situations de crise impliquant les animaux, tant d?élevage que pour
les particuliers ».
Annexe 4.7. Liste des documents consultés spécifiques à
l?événement
Rapport de la commission d?enquête du Parlement de Wallonie (24/03/2022).
CR des auditions de la commission d?enquête du Parlement de Wallonie (2, 10, 16, 17, 24 et 30
septembre, 1er, 8, 15, 22, 29 octobre, 12, 18, 19, 25 et 26 novembre, 2, 3, 10 et 17 décembre 2021,
14, 21 et 28 janvier, 11 février et 11 mars 2022).
Rapport Stucky « Analyse indépendante sur la gestion des voies hydrauliques lors des intempéries
de la semaine du 12 juillet 2021 ».
Un an après les inondations - bilan de la gestion post-inondations et continuité de la reconstruction,
Commissariat spécial à la Reconstruction, Région de Wallonie (2022).
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Annexe 5. : les grandes caractéristiques de
l?événement d?inondations de mi-juillet 2021 en
France
Annexe 5.1. Caractéristiques météorologiques et hydrologiques de
l?événement
Annexe 5.1.1 Météorologie
Le lundi 12 juillet, une goutte froide liée à la dépression Bernd a abordé la France par le nord-ouest.
Elle traverse lentement le nord-est du pays le 13 juillet avant de s'isoler sur le sud-ouest de
l'Allemagne, bloquée par les champs de haute pression situés sur l'Europe centrale. Elle y
stationne du mercredi 14 au vendredi 16 juillet, avant de perdre en activité. Les précipitations les
plus intenses, facteurs de dommages, et liées à ce phénomène, sont notamment alimentées par
de l?air chaud et humide provenant de la Mer baltique. Ces précipitations intenses concernent
progressivement l?est de l?Ile-de-France le 12 juillet, puis le 13 et le 14 l?est des Hauts-de-France,
plus ou moins fortement tous les départements du Grand Est, l?est (dès le 14) puis le sud (le 15)
de Bourgogne Franche Comté, le nord d?Auvergne Rhône-Alpes (à partir du 15).
La figure ci-dessous présente les cumuls de précipitations sur 72 heures, du 13 juillet matin au 16
matin. Si des intensités sur 24 heures ont battu des records sur 30 ans ou plus de mesure,
l?événement est d?abord rare (pour le territoire français) par l?étendue et la stabilité géographique
de ces précipitations intenses. Météo France estime que l?événement global présente une durée
de retour de l?ordre de 400 ans, c?est-à-dire qu?il a une chance sur 400, chaque année, d?être atteint
ou dépassé en importance à cette échelle géographique.
Figure 1 : Cumul de précipitation (mm) du 13 juillet à 6 heures UTC au 16 juillet à 6 heures UTC (source
Météo France).
Les prévisions de Météo France, à partir des modèles européens et français notamment, avaient
anticipé 3 jours à l?avance un risque de cumuls locaux de pluie de 100 mm en 48h. Onze
départements avaient été placés en vigilance orange « forte pluie ? inondations, fortes
précipitations », dont huit ont été réellement touchés, les trois autres partiellement ou de manière
atténuée.
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Annexe 5.1.2 Hydrologie
Si le début d?été 2021 est l?un des trois les plus arrosés sur l?ensemble de la France métropolitaine,
l?état d?humidité des sols est très variable selon les territoires touchés, variant entre un état
statistique d?humidité moyenne et un état saturé. Les fortes pluies ont ainsi rencontré des sols dans
des états initiaux très différents.
Il en est résulté un ensemble d?inondations, liées à des débordements de cours d?eau et à des
ruissellements. Pour ce qui concerne les cours d?eau surveillés par l?Etat, il s?agit du plus grand
nombre (20) de tronçons placés simultanément en vigilance orange depuis 2006 au niveau national.
La figure 2 présente, par territoires de SPC (service de prévision des crues), les nombres de jours
où la vigilance crue la plus forte a été respectivement jaune et orange, à l?échelle de l?ensemble du
mois de juillet. Des inondations sont survenues par exemple dans la troisième décade du mois
dans le nord-nord-est, mais l?essentiel des vigilances, dans le grand nord-est du pays, est à
attribuer à l?événement de mi-juillet.
Figure 2 : Nombres de jours en vigilance maximale orange ou jaune, par territoire de prévision des crues,
en juillet 2021 (source : la vigilance « crues » - bilan 2021, Vigicrues, 24 p.)
Il faut noter que le Rhin se trouve dans le même temps en crue d?occurrence environ décennale
(vigilance jaune depuis le 4 juillet), en lien avec des précipitations antérieures à l?événement
météorologique considéré.
Hors du Rhin (régime nival, pouvant présenter des régimes de hautes eaux en été), le reste de la
zone touchée est habituellement concerné très majoritairement par des crues hivernales, ou par
des phénomènes orageux bien plus localisés, ayant moins d?incidence hydrologique à l?échelle de
bassins versants d?une certaine taille. Les inondations observées mi-juillet sont d?abord atypiques
par la saison, notamment sur l?Aisne et l?Oise, sur la Chiers affluent de la Meuse, sur la Marne
amont et la Marne moyenne.
Sur certaines parties de l?Aisne et de la Chiers, les niveaux de crue mesurés sont les plus
importants depuis la mise en place de mesures : on a atteint un niveau de crue cinquantennal sur
l?Aisne, dépassé un niveau vingtennal sur la Chiers. Il faut cependant signaler que les cotes étaient
plus hautes que celles observables en hiver pour des mêmes débits (Cf. plus loin). La Vezouze,
affluent de la Meurthe, a présenté sur sa partie aval des niveaux de crues vingtennaux à
cinquantennaux. Le Helpe majeure, affluent de la Sambre (elle-même affluent de la Meuse) a
connu des niveaux de crues décennaux à vingtennaux. Par contre, les crues des affluents du Rhin
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et la Marne amont sont restés sous le niveau quinquennal, l?Aube sous le niveau biennal? Il ne
s?agit pas d?un relevé exhaustif, mais d?une illustration de cet événement de grande ampleur mais
très inégal en intensité.
On retrouve de même une grande diversité dans les dynamiques des crues : les parties de bassin
proches des zones de précipitations intenses ont connu des vitesses de montée (et de redescente)
de l?eau inhabituellement rapides en regard des crues d?hiver, alors que pour d?autres la dynamique
était plus proche des événements connus. Certains cours d?eau ont connu plusieurs pics de crue,
malgré la relative brièveté de l?événement.
Outre la particularité de l?événement météorologique, et par endroits celle du niveau d?humidité des
sols, les conditions de formation et d?écoulement des crues de cours d?eau ont été très fortement
modifiées, par rapport aux crues d?hiver, par l?état de la végétation (densité, hauteur, robustesse) :
végétation aquatique, végétation des berges, végétation des lits majeurs et notamment cultures
agricoles (avec une différence selon qu?un champ de céréales était déjà moissonné ou non).
En un point donné, les hauteurs d?eau pour un même débit se sont trouvées accrues par l?effet du
frottement de l?écoulement sur la végétation. En se basant sur les relations entre cotes et débits,
établies à partir de mesures « hivernales », on a ainsi surestimé les débits estivaux jusqu?à 30%
sur la Chiers, 40% sur l?Helpe.
A ce phénomène se sont ajoutés deux autres facteurs :
? un amortissement plus important des crues de l?amont vers l?aval, et donc une propagation
moins importante que d?habitude des débits vers l?aval ;
? un ralentissement des vitesses de propagation des crues de l?amont vers l?aval.
Ces différents facteurs ont parfois très fortement perturbé les modèles de prévision des crues,
élaborés à partir des crues d?hiver, et qui ont de fait affiché des erreurs et des incertitudes plus ou
moins importantes. Les équipes d?hydrométrie ont pu faire des mesures de débits réels, avec la
contrainte de la brièveté relative des crues, compliquant la possibilité de faire des mesures au
moment des maximums, et le fait que certains services d?hydrométrie n?avaient pas mis en place
d?astreinte pour faire des mesures urgentes en cas de crue en été. Les services ont mis en place
en urgence des moyens de mobilisation des équipes, en période de congés estivaux, mais il a été
compliqué de s?adapter à une situation inédite.
Le dispositif européen de prévision des crues, EFAS (European Flood Awareness System), a
annoncé des crues dès les 9 et 10 juillet notamment pour le bassin du Rhin, et la partie belge du
bassin de la Meuse (notifications aux autorités le 12).
Les retours d?expérience des services de prévision des crues détaillent les résultats du travail de
prévision au fil de l?événement, et les difficultés intrinsèques liées à l?hydrologie estivale
« inhabituelle ». Les prévisions de précipitations, qui servent souvent de donnée d?entrée à la
prévision des crues, ont fluctué significativement en raison de la difficulté intrinsèque de prévoir
quantitativement ces précipitations intenses à une échelle opérationnelle. Ainsi, les précipitations
intenses prévues sur le versant ouest des Vosges, sur le bassin de la Meurthe, se sont produites
en décalage vers le nord-ouest sur le bassin de la Chiers : les prévisions de crues étaient de fait
surestimées sur la Meurthe, et réajustées avec très peu de temps de préavis sur la Chiers.
Les barrages à but multiple ont contribué à l?écrêtement des crues, d?après les informations
recueillies, dans le respect de leurs règlements d?eau (donc dans le respect des arbitrages pré-
établis entre usages et dans le respect des règles de sécurité), notamment les barrages Aube,
Marne et Seine, ou encore le barrage de Vouglans sur l?Ain. Le barrage Marne, se trouvait rempli
à 94%, en raison des objectifs de soutien d?étiage, il a écrêté la crue jusqu?à atteindre le niveau
maximum de sécurité prévu, pour la première fois depuis sa mise en service. Selon les barrages
et l?intensité des crues arrivant de l?amont, le remplissage effectif a permis plus ou moins
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d?écrêtement effectif de la crue.
Outre les cours d?eau, sont apparus, dans certains territoires, des phénomènes nouveaux de
ruissellements, en général pas ou peu pris en compte dans les plans de prévention des risques
d?inondation (PPRI,) et des coulées de boues parfois inattendues. Enfin, des glissements de terrain
sont survenus, en lien avec la situation météorologique et l?état des sols, à Savonnières (55) et en
trois endroits dans le Jura (produisant des coupures de voies de communication, sans impacts sur
des habitations, et sans interférence avec la gestion des situations d?inondations).
Annexe 5.2. Impacts
Dans les Ardennes, une rupture de digue de Voies Navigables de France a augmenté le débit de
l?Aisne, et conduit à des évacuations dans un village exposé à une crue « renforcée ». Par ailleurs,
une digue amovible mise en place pour protéger un centre bourg en Saône-et-Loire a rompu,
inondant le centre-ville : une petite vingtaine de personnes ont été mises en sécurité. Les impacts
des défaillances d?ouvrages signalées sont restés limités.
D?après les informations recueillies par la mission, aucun décès attribuable aux inondations n?a été
à déplorer. Quelques dizaines de personnes ont été évacuées de leurs habitations dans l?Aisne,
dans les Ardennes et dans la Marne, quelques personnes (moins d?une vingtaine à chaque fois)
ont été évacuées ou mises en sécurité en Meurthe-et-Moselle (sans compter les personnes aidées
à se mettre à l?abri dans les étages), dans la Meuse, en Saône-et-Loire. Par ailleurs, on compte
l?évacuation de plusieurs campings, mais aussi un refus par un exploitant de mettre en oeuvre les
consignes d?évacuation ainsi qu?une évacuation de camping tardive. A également été évacué un
camp de mouvement de jeunesse. Les caractéristiques saisonnières de l?événement ont de fait eu
un impact sur les dommages et pertes correspondant à ces activités et hébergements de vacances.
Un village de loisirs / vacances a vu 250 de ses 800 cottages endommagés, mais les résidents
concernés ont pu être évacués à temps et relogés dans les cottages libres et hors d?eau. On ne
dispose pas d?éléments sur les pertes d?exploitation sur le reste de la saison estivale.
Au moins deux Ehpad ont été touchés par les inondations, sans évacuation signalée (contrairement
à une résidence autonome pour personnes âgées), par contre les services de secours ont dû
mettre en place des moyens d?alimentation électrique.
Pour ce qui concerne les autres dommages matériels et économiques, la mission ne dispose
d?aucun bilan exhaustif. On note en particulier de nombreuses coupures de routes, et des
dommages agricoles sur lesquels on revient plus loin, en raison notamment de leur importance (et
aussi de leur sensibilité dans le contexte local) et du caractère atypique dû à la saison.
On peut illustrer l?ampleur de l?événement au travers des reconnaissances au titre du régime
d?indemnisation des catastrophes naturelles (tableau 1) : la mission estime qu?à fin février 2023,
434 communes de 20 départements ont vu reconnaître l?état de catastrophe naturelle, au titre des
inondations et coulées de boues, pour des phénomènes locaux commençant entre le 12 et le 19
juillet 2021, et liés à la dépression Bernd.
Ces déclarations ne concernent pas les dommages agricoles aux cultures et au bétail, qui
constituent la plus grande spécificité qualitative des impacts des inondations de juillet 2021, par
rapport aux inondations touchant habituellement les territoires concernés.
En effet, en période « hivernale », les champs cultivés sont exempts de plantations ou présentent
des stades de croissance des plantes qui soit sont modérément vulnérables, soit peuvent être
remplacés avec un surcoût d?exploitation partiel. Par ailleurs, les prairies ne sont, dans les
territoires considérés et pendant la saison habituelle des crues, ni utilisées pour y parquer du bétail,
ni fauchées.
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En juillet, une partie des céréales à paille n?avait pas été moissonnée, le maïs n?était pas exploité
mais déjà relativement haut, et les prairies étaient utilisées soit pour parquer du bétail, soit pour
produire du foin. Dans l?Aisne, par exemple, 30% du maïs et 60% des autres céréales inondées
ont été détruits, l?herbe des prairies inondées s?est trouvée inutilisable en raison des dépôts de
vases, de limons, de déchets? Les agriculteurs n?ont, par endroits, pas été destinataires d?alertes
spécifiques, qui auraient peut-être permis à la marge de moissonner quelques parcelles dans le
court délai disponible.
Tableau 1 : Nombres de communes reconnues en catastrophe naturelle suite à inondations et coulées de
boues, pour des inondations commençant entre le 12 et le 18 juillet, en relation avec la dépression Bernd
(source : mission)
Département Nombre de communes reconnues en catastrophe naturelle
01 4
02 29 (non comptée 5 reconnaissances pour période 19 au 21/07)
08 49 (non comptée 1 reconnaissance pour période 19 au 21/07)
10 3
25 2 (et refus pour 2 autres communes)
39 77 (et refus pour 7 autres communes)
51 22
52 41
54 52 (et refus pour 14 autres communes)
55 73
57 21
59 2
60 1
67 9
68 2
71 8
77 23
88 2
93 9
94 5
total 434 dans 20 départements (et refus pour 23 communes de ces mêmes départements)
Pour ce qui concerne le bétail en champ, a été signalée de même l?absence d?alertes spécifiques,
ces alertes ayant été définies dans la logique de crues hivernales. A la question du délai a pu
s?ajouter la possibilité de mobiliser des embarcations compatibles avec l?évacuation du bétail, une
fois l?inondation apparue. Par endroits ont pu être organisés des sauvetages jusqu?à une centaine
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de bovins, mais des pertes de bétail sont à déplorer.
Rappelons par ailleurs que la loi 2021-1520 du 25 novembre 2021 visant à consolider notre modèle
de sécurité civile et valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers et les sapeurs-pompiers
professionnels, dite loi « Matras », a explicitement ajouté la protection des animaux dans l?objet de
la sécurité civile.
Annexe 5.3. Organisation de l?action publique, répartition des
compétences et responsabilités
L?objet de la brève description qui suit n?est pas de proposer une analyse détaillée de l?organisation
de la mise en oeuvre des politiques liées aux risques d?inondation, mais de décrire à grands traits
la répartition générique des responsabilités et le portage de l?action publique, afin de pouvoir mettre
en perspective la situation française métropolitaine avec celle des pays voisins touchés par les
inondations de mi-juillet 2021. On se focalise par ailleurs sur les types d?inondations non côtières
qui ont été à l?oeuvre (débordements de cours d?eau, ruissellements).
La gestion des risques d?inondations est principalement mise en oeuvre au travers des politiques
publiques suivantes :
? la prévention des risques naturels, qui, s?agissant des inondations, comporte des
interactions et actions communes avec la gestion des ressources en eaux, des cours d?eau
et des milieux aquatiques ;
? l?urbanisme et l?aménagement du territoire ;
? la sécurité civile ;
? les assurances et les interventions budgétaires au titre de l?indemnisation et de la solidarité
nationale.
De façon à peine moins directe sont concernées les politiques de l?éducation, de la santé, de
l?agriculture et de la forêt, des risques industriels (qui prennent en compte les risques d?inondations
et les risques industriels induits), et la gestion des infrastructures publiques jouant de fait un rôle
de protection.
On se concentre ici sur les quatre premières mentionnées, et notamment sur leur déclinaison
territoriale et opérationnelle, incluant les démarches de planification. Rappelons par ailleurs qu?un
grand nombre d?actions publiques s?inscrit dans la transposition nationale et la déclinaison
territoriale de la directive européenne 2007/60/CE relative à l'évaluation et à la gestion des risques
d'inondation, dite « directive inondation ». Le tableau 2 présente les grandes lignes du partage de
responsabilités en matière de prévention des risques naturels, selon les grandes familles d?actions
et politiques publiques concernées.
L?action territoriale en matière d?inondation combine les périmètres propres aux politiques de l?eau
et de la prévention des inondations, les périmètres propres à l?organisation et aux responsabilités
de la sécurité civile, et les périmètres propres à l?urbanisme et à l?aménagement du territoire. Le
tableau 3 décrit les décideurs et porteurs principaux de la mise en oeuvre des principales politiques
publiques concernant la gestion des risques d?inondations continentales, en fonction des ressorts
territoriaux concernés et des grandes familles d?actions et politiques publiques concernées. Cette
description correspond à la situation générale, voire générique, et ne prend pas en compte des
particularismes géographiques ou institutionnels (droit local en Alsace-Moselle, un service de
prévision des crues porté par Météo France et les autres par des DREAL). Il importe de rappeler
par ailleurs que la responsabilité première de la protection contre les inondations est celle des
personnes habitant les zones inondables, sans préjudice des compétences des responsables
publics (sécurité civile, porter à connaissance des risques et mise à disposition de l?information,
PUBLIÉ
Août 2023 Retour d?expérience des inondations des 14 et 15 juillet
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prise en compte des risques dans différentes décisions?).
Concernant l?action de Météo France, il faut rappeler que l?opérateur national émet des prévisions
et vigilances à différentes échelles spatiales, jusqu?à des alertes précipitations intenses à l?échelle
communale. Pour ce qui concerne le Schapi - Service central d?hydrométéorologie et d?appui à la
prévision des inondations, composante de la Direction générale de la prévention des risques
(ministère chargé de l?environnement), outre ses rôles de développement de méthodes et de
connaissances, et de coordination du dispositif de prévision des crues Vigicrues, il émet des alertes
« Vigicrues flash » de crues soudaines à maille locale. La figure 3 présente l?articulation des
fonctions de surveillance, prévision et émission de vigilances.
PUBLIÉ
Août 2023 Retour d?expérience des inondations des 14 et 15 juillet
2021
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Tableau 2 : les acteurs publics de la prévention des risques naturels majeurs (source : La démarche
française de prévention des risques majeurs. 2016)
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Août 2023 Retour d?expérience des inondations des 14 et 15 juillet 2021 Page 106/136
Tableau 3 : décideurs et porteurs principaux de la mise en oeuvre des politiques et actions publiques liées à la gestion des risques d?inondations
national bassin
hydrographiqu
e
sous-bassin bassin de
risque
commune et
intercommunalit
é
département région zone de
défense et de
sécurité
connaissance
de l?aléa
Météo France
Schapi
ministères et
organismes
scientif. et
techniques
préfecture de
bassin (DREAL
de bassin :
études propres
à la planification
DI)
préfecture de
région (SPC en
DREAL ou à
Météo France :
suivi de cours
d?eau,
cartographies,
études)
EPLI (études
d?aléa, suivi de
cours d?eau)
préfectures de
départ. (DDTM :
études d?aléa,
cartographies)
EPLI (études
d?aléa, suivi de
cours d?eau)
préfecture de
département
(DDTM : études
d?aléa)
commune et
intercomm.
(études d?aléa)
région (portail
de données
géographiques,
compétence
optionnelle
d?animation de
la politique de
l?eau)
surveillance,
prévision et
alerte
Météo France
(vigilance,
prévision à
destination
public et
responsables)
Schapi
(coordination
Vigicrues,
alertes flash à
destination
public et
responsables)
préfecture de
bassin (DREAL
de bassin :
coordination sur
les bassins
transfrontaliers)
préfecture de
région (SPC en
DREAL : suivi
de cours d?eau
et prévision des
crues à
destination
public et
responsables)
EPLI
(hydrométrie,
suivi de cours
d?eau, prévision
des crues)
commune (alerte
de la population et
des entreprises)
préfecture de
départ.
(alerte des
communes)
préfecture de
région
(DREAL :
hydrométrie)
information ministère envt
et établ. publics
(diffusion
nationale,
EPLI
opérateurs pour
les communes
EPLI opérateurs
pour les
communes
commune
(DICRIM,
inventaire et pose
des repères de
préfecture de
départ.
(DDRM)
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national bassin
hydrographiqu
e
sous-bassin bassin de
risque
commune et
intercommunalit
é
département région zone de
défense et de
sécurité
éléments pour
l?information de
l?acheteur et du
locataire)
crues)
éducation éducation
nationale
(progr.
nationaux)
EPLI (initiatives
locales)
EPLI (initiatives
locales)
commune et
intercomm.
(initiatives locales)
région
(formation
professionnelle
)
prise en
compte du
risque dans
l?aménagemen
t
préfecture de
bassin (DREAL
de bassin :
PGRI)
préfecture de
départ. (DDTM :
PPRI, contrôle
de légalité sur
l?urbanisme)
commune et
intercomm.
(documents
d?urbanisme,
décisions
individuelles)
région
(SRADDET)
mitigation ministère de
l?envt
(validation
PAPI > 20 M¤)
préfecture de
bassin (DREAL
de bassin :
PGRI,
désignation TRI,
validation PAPI)
EPLI
(aménagement
s de sous-
bassins)
collectivités ou
Etat (SLGRI)
commune et
intercomm.,
EPLI (portage
de PAPI,
réalisation
d?ouvrages et
d?aménagement
, diagnostics de
vulnérabilité,
relocalisation de
biens, gestion
d?ouvrages de
protection,
gestion des
cours d?eau..)
commune et
intercomm.
(gestion des cours
d?eau, réalisation
d?ouvrages de
protection et
d?aménagement,
gestion
d?ouvrages)
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national bassin
hydrographiqu
e
sous-bassin bassin de
risque
commune et
intercommunalit
é
département région zone de
défense et de
sécurité
préfecture de
départ. ?DDTM,
DREAL :
instruction des
polices
administratives
de l?eau et de la
sécurité des
ouvrages
hydrauliques)
ministère de
l?envt.,
préfecture de
région,
préfecture de
départ.
(DREAL,
DDTM :
relocalisations
de biens,
financements
au titre du
FPRNM)
collectivités
territoriales
(financements)
préparation de
crise
commune et
intercomm. (PCS,
PICS)
préfecture de
département
(plans
ORSEC,
plans
spécialisés)
département
(investissemen
t et
financement
des SDIS)
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Août 2023 Retour d?expérience des inondations des 14 et 15 juillet 2021 Page 109/136
national bassin
hydrographiqu
e
sous-bassin bassin de
risque
commune et
intercommunalit
é
département région zone de
défense et de
sécurité
gestion de
crise
cellule
interministériell
e de crise
(ensemble des
ministères
concernés)
EPLI, commune
intercomm.
(surveillance
des digues)
commune
(mission générale
de sécurité civile,
direction des
opérations hors
prise en charge
par préfecture de
départ., alerte et
information des
habitants et
entreprises,
soutien aux
populations,
mobilisation des
moyens)
intercomm
(mobilisation de
moyens en appui
aux communes)
préfecture de
départ.
(SIDPC,
SDIS :
mission
générale de
sécurité
civile,
direction des
opérations en
cas de crise
majeure,
mobilisation
et
coordination
des moyens)
préfecture de
zone de
défense et de
sécurité
(coordination,
conduite des
opérations au-
delà du
périmètre
départemental
)
retour
d?expérience
ministères (au
cas par cas)
préfecture de
région (SPC,
DREAL :
retours
d?expérience
systématiques)
préfecture de
départ.
(DDTM,
services :
prise en
compte des
informations
nouvelles sur
tous les
volets de la
prévention,
retours
d?expérience
au cas par
préfecture de
zone de
défense et de
sécurité
(retours
d?expérience
au cas par
cas)
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Août 2023 Retour d?expérience des inondations des 14 et 15 juillet 2021 Page 110/136
national bassin
hydrographiqu
e
sous-bassin bassin de
risque
commune et
intercommunalit
é
département région zone de
défense et de
sécurité
cas)
indemnisation ministères et
instances
nationales
(décision de
reconnaissance
catastrophe
naturelle,
actions de
financement
spécifiques,
indemnisations
des dommages
aux
collectivités)
commune
(demande de
déclaration
catastrophe
naturelle)
préfecture de
départ.
(financement
s spécifiques
de l?Etat,
indemnisation
des
dommages
aux
collectivités)
département
(aides
spécifiques)
région (aides
spécifiques)
sources : sites internet des ministères en charge de l?environnement et de la sécurité civile, mémento du maire
(https://www.mementodumaire.net/dispositions-generales-2/vigilance-alerte-et-secours/dgv1-organisation-de-la-securite-civile/), synthèses
d?informations et d?entretiens de la mission
DDT(M) : direction départementale des territoires (et de la mer)
DDRM : dossier départemental des risques majeurs
DI : directive européenne 2007/60/CE relative à l'évaluation et à la gestion des risques d'inondation, dite « directive inondation »
DICRIM : document d'information communal sur les risques majeurs
DREAL : direction régionale de l?environnement, de l?aménagement et du logement
EPLI : établissements publics locaux compétents de GEMAPI ou seulement d?inondation, dans le cas d?espèce syndicats mixtes, syndicats
intercommunaux, EPTB ? établissements publics territoriaux de bassin, EPAGE ? établissements publics d?aménagement et de gestion de l?eau
PUBLIÉ
https://www.mementodumaire.net/dispositions-generales-2/vigilance-alerte-et-secours/dgv1-organisation-de-la-securite-civile/
Août 2023 Retour d?expérience des inondations des 14 et 15 juillet 2021 Page 111/136
FPRNM : fonds de prévention des risques naturels majeurs
GEMAPI : compétence des collectivités territoriales de gestion de l?eau et des milieux aquatiques et de prévention des inondations
PAPI : programme d'actions de prévention des inondations
PCS : plan communale de sauvegarde, obligatoire en fonction de l?exposition aux inondations notamment
PICS : plan intercommunal de sauvegarde
PGRI : plan de gestion des risques d?inondation, articulé avec le SDAGE ? schéma général d?aménagement et de gestion des eaux (à l?échelle
des grands bassins hydrographiques, 7 en métropole, outre-mers)
PPRI : plan de prévention des risques d?inondations (ou plans multi-risques)
SDIS : service départemental d?incendie et de secours
SCHAPI : Service central d?hydrométéorologie et d?appui à la prévision des inondations
SIDPC : service interministériel de défense et de protection civile
SLGRI : stratégie locale de gestion des risques d?inondation
SPC : service de prévision des crues
SRADDET : schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires
TRI : territoire à risques importants d?inondation
PUBLIÉ
Août 2023 Retour d?expérience des inondations des 14 et 15 juillet 2021 Page 112/136
Figure 3 : Articulation des fonctions de surveillance, de prévision et d?émission de vigilances et alertes météorologiques et hydrologiques (source : mission)
PUBLIÉ
Août 2023 Retour d?expérience des inondations des 14 et 15 juillet 2021 Page 113/136
CEPMMT : Centre européen pour les prévisions météorologiques à moyen terme
EFAS : European Flood Awareness System, composante de CEMS Copernicus Emergency Management Service (Système européen d'alerte
pour les inondations, composante du service Copernicus de Gestion des Urgences)
SCHAPI : service central d?hydrométéorologie et d?appui à la prévision des inondations
SPC : service de prévision des crues (en direction régionale de l?environnement, de l?aménagement et du logement ou à Météo France)
UH : unité d?hydrométrie (en direction régionale de l?environnement, de l?aménagement et du logement)
PUBLIÉ
Août 2023 Retour d?expérience des inondations des 14 et 15 juillet
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Annexe 5.4. Questions et problématiques mises en évidence par
l?événement
On se concentre dans cette partie sur les questions et difficultés spécifiques à l?événement, ou
mises en évidence à cette occasion. Comme suite à de nombreuses crues et inondations, ont pu
être mises en avant des questions d?entretien des cours d?eau (responsabilités, effectivités, freins
ressentis par les acteurs?), d?une part, des questions de manoeuvres de barrages ou de
pertinence de principe de leurs consignes de gestion, d?autre part. On ne reviendra pas ici sur les
aspects « courants », voire « récurrents », de ces sujets.
Comme cela a été indiqué plus haut, la première particularité de l?événement est l?étendue et
l?intensité d?un tel événement survenant en été. Cela s?est traduit en particulier par :
? des conditions de formation et de propagation des écoulements dans les cours d?eau, du
fait des végétations en lit mineur et en lit majeur pouvant être très significativement
différentes des crues d?hiver qui sont de loin les plus courantes, et qui le plus souvent
étaient les seules références pour les courbes de tarage (relation hauteur débit aux stations
hydrométriques) et pour les modèles de prévision des crues ; certains modèles ont de fait
été significativement décalés par rapport à la réalité qu?ils devaient représenter, des
prévisionnistes ont eu recours à des approches techniques alternatives ;
? un impact inhabituel d?affluents rapides sur le cours d?eau principal, alors qu?on ne disposait
pas de dispositif de mesures en temps réel sur ces affluents ;
? la présence moindre d?effectifs dans les équipes d?hydrométrie, pouvant être mobilisées
pour mesurer des débits pendant la crue et ainsi alimenter les connaissances et surtout
éclairer les travaux des prévisionnistes en temps réel face à la non-représentativité des
courbes de tarage des stations ; certaines équipes ne disposaient pas d?astreinte estivale,
devant l?absence habituelle d?événements significatifs de crues en été ;
? la présence moindre d?effectifs dans les équipes de prévision des crues, avec une seule
personne d?astreinte là où hors été il y a un deuxième rang d?astreinte, par exemple ; sur
ce point et le précédent, les services ont mobilisé des renforts pour assurer leurs tâches,
au prix - à l?occasion - de non respect des temps de récupération ; à signaler que des
agents ont spontanément interrompu leurs congés à l?annonce de l?événement et ont rejoint
leurs équipes ;
? des vulnérabilités estivales non ou peu prises en compte, de fait, dans l?organisation de
l?alerte ou la planification des secours : s?il y a peu d?action imaginable vis-à-vis des cultures,
et encore de façon marginale ou secondaire, s?est par contre posé la question d?alerte des
éleveurs et d?évacuation du bétail présent en extérieur pendant la saison habituellement
« non inondante » ;
? le besoin d?interroger certains arbitrages de gestion inter-saisonnière des barrages à buts
multiples en regard de l?évolution climatique : cette dernière, dans les territoires concernés,
va rendre un peu plus intenses et/ou un peu plus probables de telles inondations estivales
ainsi que des phénomènes orageux plus locaux, et va dans le même temps aggraver les
situations d?étiages, ce qui peut amener à reconsidérer les points d?équilibre entre les
fonctions respectives d?écrêtement des crues et de soutien d?étiage (voire de production
hydroélectrique) ; ces évolutions climatiques vont a priori renforcer les enjeux et les rendre
plus difficilement compatibles, d?où une interrogation sur une révision des consignes de
gestion à différents horizons de temps ; les réflexions engagées n?ont a priori concerné que
des barrages à buts multiples.
Les fortes intensités de précipitations posent des difficultés intrinsèques de prévision, tant en
termes d?anticipation que de localisation en regard des besoins opérationnels, en raison de la
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Août 2023 Retour d?expérience des inondations des 14 et 15 juillet
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variabilité spatiale et de l?instabilité de tels phénomènes. En ce sens, on a retrouvé en juillet 2021
des difficultés « génériques » de prévisibilité, courantes pour les précipitations intenses
méditerranéennes, que les développements de modèles et méthodes essaient de réduire.
L?intensité locale de l?événement a conduit à des phénomènes inédits ou rares, comme des
ruissellements, des mouvements de terrain pour lesquels les représentants de l?Etat ont exprimé
le besoin d?un diagnostic. A Longuyon, l?une des communes les plus fortement touchées, la place
servant habituellement de repli aux équipes et véhicules du centre de secours - car non inondée
par le cours d?eau principal - a été inondée par des écoulements latéraux inédits, obligeant un
deuxième repli qui a pu s?effectuer.
De façon générale, pour tempérer les impacts du caractère estival inhabituel de l?événement, on
observe que des responsables et services aguerris aux situations d?inondations hivernales ont pu
utilement bénéficier de leur expérience pour gérer l?inondation estivale en adaptant leurs pratiques
établies aux « nouveautés », au fil de l?événement.
Cet événement a, pour les différentes raisons évoquées, comporté des incertitudes accrues par
rapport aux crues antérieures, concernant les phénomènes hydrologiques et hydrauliques. Les
autorités et services en charge de responsabilités et de missions de sécurité ont fait état de retours
positifs sur les outils développés les dernières années pour suivre l?événement météorologique et
hydrologique : images radar météorologiques, suivi en temps réel des cours d?eau sur Vigicrues,
alertes APIC et Vigicrues flash? Certains de ces outils gagneraient à être plus utilisés (service
APIC d?alerte précipitations intenses à l?échelle communale, par exemple). Outre les incertitudes
mises en avant sur un certain nombre de modèles de prévision des crues, a été soulevée une
situation de difficulté dans un cas où plusieurs prévisions sur un même cours d?eau ont été émises
par différents acteurs publics, Etat et collectivités, avec des différences significatives a priori liées
à la situation atypique.
Dans des situations rares et des situations d?incertitudes, la communication entre les acteurs
structurants de la gestion de crise est un facteur crucial. De façon générale ou assez générale, les
services de prévision des crues ont doublé les communications systématiques d?informations par
des appels téléphoniques directs aux services des préfectures et des DDT (référent départemental
inondation), lors des passages ou prévisions de passage en vigilance orange. Cette pratique a été
reconnue comme très utile. Pour certains SPC, le nombre d?appels à passer est significatif par
rapport à leur charge de travail en situation de crue forte ou atypique, il y aurait lieu de s?interroger
sur un appel unique en direction de chaque département. Dans certains cas, en regard de
l?incertitude de la situation, des appels anticipés ont été passés pour partager de façon plus
poussée sur cette incertitude avec les services en charge de la sécurité civile et les référents
départements inondations. Les retours des SPC ont également fait état du caractère très
fonctionnel des échanges avec l?échelon national du Schapi.
Signalons que les échanges transfrontaliers entre équipes de prévision de crue et de gestion des
cours d?eau, portant sur les informations météorologiques, hydrologiques, sur les prévisions et sur
le fonctionnement des ouvrages hydrauliques, n?ont apparemment pas soulevé de difficultés. Ces
échanges sont établis et entretenus, de façon formelle comme sur le plan technique, sous l?égide
des commissions fluviales internationales.
Signalons deux points qui ont pu poser question localement, de façon différente selon les sites et
départements :
? l?efficacité et l?effectivité de transmission de données par des gestionnaires de barrages
aux services de prévision des crues ; les rares cas signalés ont fait ou font l?objet de
mesures d?amélioration ;
? les informations aux préfectures des opérateurs de réseaux d?énergie, en cas de coupures
de courant.
En termes de planification de la gestion, signalons des retours positifs de municipalités disposant
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Août 2023 Retour d?expérience des inondations des 14 et 15 juillet
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avant l?événement de plans communaux de sauvegarde bien appropriés par élus et services : ces
plans se sont avérés très utiles même avec la nécessité de s?adapter à un événement atypique.
De mêmes, des cartes de zones inondées potentielles (ZIP) et de zones inondées par classes de
hauteur (ZICH), bien que non officialisées, ont fort utilement servi à déterminer les évacuations à
organiser. Rien de surprenant à cela, sinon qu?il est utile de rappeler à chaque occasion l?utilité de
tels documents et la nécessité de leur déploiement.
Annexe 5.5. Suites données, apprentissages, réflexions et actions
engagées
On ne revient pas ici sur les suites génériques à donner à un événement fort, apportant des
informations nouvelles par rapport aux références d?inondations prises en compte jusqu?ici : ajout
de repères de crues, nouvelles cartes de zones inondées, porter en connaissance en deux temps
avec une première phase sur la base des observations et une deuxième sur la base d?études plus
poussées, incitation à revoir les PCS ou DICRIM, établissement ou révision si nécessaire de
PPRI ? De telles actions ont notamment été engagées dans le haut pays meurthe-et-mosellan,
fortement touché par la crue de la Chiers et par certains affluents.
Pour faire suite aux difficultés rencontrées sur l?appréhension, la mesure et la prévision de crues
d?été inhabituelles, la DGPR a confié un travail à des experts et scientifiques sous la responsabilité
d?INRAE (Institut national de recherche pour l?agriculture, l?alimentation et l?environnement), dont
les conclusions éclaireront les conséquences opérationnelles à donner pour mieux suivre et prévoir
de futures crues d?été, notamment sur les territoires impactés en juillet 2021. Il s?agit notamment
d?examiner et de ré-évaluer si besoin les courbes de tarage sur des secteurs ciblés, d?étudier les
modèles hydrauliques utilisés en simulation des crues, d?analyser le comportement atypique des
bassins versants au cours de l?événement?
Suite aux spécificités saisonnières de l?événement, sont ré-examinés les dispositifs d?astreinte et
de continuité d?activité pour les équipes de prévision des crues et les équipes d?hydrométrie. Les
services de prévision des crues basés en Grand Est ont par ailleurs décidé d?examiner des
procédures d?alarme basées à la fois sur les seuils de niveaux d?eau des cours d?eau, comme
jusqu?à présent, et sur les vitesses de montée de crues, répondant ainsi aux particularités du
comportement observé sur certains cours d?eau.
Parmi les diverses réponses territoriales à l?événement, on peut citer également le travail engagé
sur le barrage Marne, afin de ré-examiner les consignes de gestion et l?articulation entre les
objectifs d?écrêtement de crues et les objectifs de soutien d?étiage. Comme cela a été mentionné
plus haut, les besoins de soutien d?étiage « estivaux » évoluent, les besoins d?écrêtement des
crues également.
Enfin, il est à signaler une réunion locale de retour d?expérience concernant les inondations de la
Chiers et de son affluent la Crusnes, dans les départements de la Meurthe-et-Moselle et de la
Meuse, organisée par le Préfet de la Meurthe-et Moselle, le 4 mai 2022, et animée par la DDT et
le CEREMA. Ce debriefing territorial, auquel ont contribué de nombreux acteurs publics, a permis
de partager de nombreuses informations et de répondre à de nombreuses questions, concernant
aussi bien le déroulement de l?événement que les suites à donner.
Au-delà des enseignements et décisions territoriales, pour faire suite à l?événement de mi-juillet
2021, il faut mentionner un certain nombre d?évolutions au niveau national, qui apportent des
réponses directes aux difficultés et questions qui ont pu être soulevées par l?événement.
La prise en compte des phénomènes de ruissellements a fait l?objet d?une des orientations de la
feuille de route 2022-2024 des services déconcentrés de l?Etat en matière de prévention des
risques naturels et hydrauliques, afin de tenir compte d?aléas diffus ou émergents lorsque ceux-ci
génèrent une exposition majeure : « Les PPRI assureront une prise en compte globale des
différents aléas inondation (dont l?aléa ruissellement) auquel est soumis le territoire dès lors qu?ils
sont majeurs ».
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Août 2023 Retour d?expérience des inondations des 14 et 15 juillet
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La question de l?extension des cours d?eau couverts par une instrumentation opérationnelle
permettant leur prise en compte pour le suivi et la prévention des crues s?inscrit, selon le cas, dans
la programmation de l?Etat, en déclinaison du plan stratégique de Vigicrues, ou dans la
programmation d?activités des collectivités, notamment impliquées dans les compétences GEMAPI.
Rappelons par ailleurs les évolutions intervenues entre juillet 2021 et fin 2022, en suite du
déploiement du plan submersion rapide de 2011, et concernant notamment les vigilances
météorologiques (Cf. instruction du 14 juin 2021 relative à la mise en oeuvre des évolutions du
dispositif de vigilance météorologique et de vigilance crues) : affichage de la vigilance à J mais
également à J+1, prévigilance à anticipation de 2 et 7 jours, ajout d?informations infra-
départementales quand cela est techniquement possible, informations sur les incertitudes?
De même, est engagée au niveau national une révision de méthode de la définition technique fine
des seuils de vigilance crues. Des services de prévision du Grand Est participent notamment aux
expérimentations, enrichies par les expériences de juillet 2021. La logique sous-jacente est
d?effectuer une première détermination des seuils en fonction de gammes de période de retour des
débits de crue, puis de moduler les seuils selon les enjeux, enfin de prendre en compte la vitesse
de montée des eaux et l?état de l?éventuel système d?endiguement lorsqu?ils constituent des
facteurs aggravants du risque.
Le dispositif d?alerte FR-Alert, basé sur des technologies de diffusion cellulaire qui permettent
d?atteindre tous les téléphones mobiles (technologies 3G, 4G ou 5G) sur un secteur déterminé, est
déployé postérieurement à l?événement de juillet 2021, sans avoir été directement inspiré par lui.
L?usage de FR-Alert est limité aux cas d?urgence, dangers imminents ou en cours, qui impliquent
d?alerter la population située dans la zone de danger pour leur recommander des gestes
d?autoprotection. Ce dispositif constitue un apport très significatif à la politique et aux pratiques
d?alerte aux populations, qui ont évolué ces dernières années, et concernent tout un ensemble de
risques.
La loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023 d?orientation et de programmation du ministère de l?intérieur
a consacré la mise en place d?un réseau de communications électroniques dédié aux services
publics mutualisés de communication mobile critique à très haut débit pour les seuls besoins de
sécurité et de secours, de protection des populations et de gestion des crises et des catastrophes.
Ce « réseau radio du futur » (RRF) est exploité par un opérateur concessionnaire. Les opérateurs
titulaires d?autorisations d?utilisation de fréquences pour établir et exploiter un réseau
radioélectrique ouvert au public garantissent la continuité et la permanence des communications
mobiles critiques à très haut débit destinées à des missions de sécurité et de secours, de protection
des populations et de gestion des crises et des catastrophes entre les services de l?Etat, les
collectivités territoriales ou leurs groupements, les services d?incendie et de secours, les services
d?aide médicale urgente et tout autre organisme public ou privé chargé d?une mission de service
public dans les domaines de la sécurité et du secours.
Annexe 5.6. Liste des documents consultés spécifiques à
l?événement
Arrêtés de déclaration catastrophes naturelles de juillet 2021 à février 2023
Entente Oise-Aisne : crue de juillet 2021 - analyse des prévisions de crues et réflexions pour l'avenir,
note à l'attention de la Préfète de l'Oise, 25/08/2021
Support de présentation Météo France
Retours d'expérience des services de prévision des crues (et des unités d?hydrométrie)
? DREAL Grand Est
? SPC Bassins du Nord
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? SPC Meuse Moselle
? SPC Rhin Sarre
? SPC Rhône amont Saône
? SPC Seine amont Marne amont
Présentation interne de septembre 2021 de la DREAL Grand Est
Bilan 2021 de la vigilance « crues », réseau Vigicrues
Retours d'expérience et réunions post-événement sous la présidence des préfets de départements,
notes de synthèse aux préfets
? Ardennes
? Aube
? Haute-Marne
? Marne
? Meuse
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Annexe 6. : les grandes caractéristiques de
l?événement d?inondations de mi-juillet 2021 aux
Pays-Bas
Ces inondations, sur le territoire des Pays-Bas, ont principalement touché la province du Limburg,
par l?effet des précipitations intenses locales, et par les crues des cours d?eau transfrontaliers,
d?une part, la Meuse, d?autre part, des cours d?eau « secondaires ». Aucune victime n?a été à
déplorer dans le pays, par ailleurs exposé à des risques majeurs (par leur ampleur possible) par
les fleuves et les phénomènes côtiers. Cet événement a constitué un phénomène inédit, dans les
mémoires et les archives, et a conduit à une très forte mobilisation aussi bien des autorités que de
la société civile.
Dès le 3 février 2022, les autorités et organismes en charge de la prévention des risques
d?inondation organisaient un webinaire ouvert, pour partager l?expérience néerlandaise des
inondations de mi-juillet 2021, et les mettre en perspectives avec des expériences britanniques et
nord-américaines. Un des messages marquants des organisateurs et intervenants néerlandais
pourrait se résumer par « nous avons eu de la chance ».
On reviendra plus loin sur la mobilisation institutionnelle, technique et scientifique, qui a conduit à
la tenue d?une « table ronde stratégique (ou d?orientation) sur les inondations et les crues »,
dispositif temporaire gouvernemental qui est mis en place, avec notamment toutes les autorités
publiques concernées, pour faire suite à une situation exceptionnelle. Les conclusions finales et le
contenu des travaux ont été publiés en décembre 2022.
Annexe 6.1. Caractéristiques météorologiques, hydrologiques et
hydrauliques de l?événement
Annexe 6.1.1 Météorologie
Si la plus grande partie de la goutte froide liée à la dépression Bernd était « décentrée » par rapport
au territoire néerlandais, ont néanmoins été observées des précipitations d?une intensité cumulée
jamais mesurée en été sur une région d?une certaine taille. Ont été relevés des cumuls sur 2 jours
allant localement jusqu?à 182 mm. Les simulateurs de précipitations, utilisés notamment pour
simuler des phénomènes de crues, n?incluaient pas de telles intensités.
Selon les bassins versants, les estimations publiées de périodes de retour pour ces précipitations,
en situation estivale, vont de 100 à 10 000 ans sur une partie du bassin de la Meuse, en rappelant
la très forte incertitude sur de telles estimations. Les cumuls de précipitations apparaissent
statistiquement plus « rares » si l?on se concentre sur les phénomènes estivaux. Sur les affluents
Geul et Roer, les périodes de retour des cumuls de précipitations dépassent une période de retour
de 500 ans à l?échelle de l?ensemble de leur bassin versant, que l?on se base sur l?année entière
ou sur l?été.
Cet événement rare avait fait l?objet de prévisions annonçant des précipitations extrêmes à partir
du 11 juillet, de 100 à 200 mm. Les précipitations effectives ont pu dépasser les valeurs prévues,
et les crues résultantes ont été plus rapides en montée que prévu, en particulier sur la Meuse.
Annexe 6.1.2 Hydrologie et phénomènes hydrauliques
Les crues et inondations aux Pays?Bas ont touché de grandes parties de la province du Limburg,
et principalement ces territoires, qui sont les plus vallonnés des Pays-Bas. Les sols étaient
relativement humides, mais n?ont vraisemblablement joué qu?un rôle mineur pour le fleuve Meuse
en regard de l?intensité des précipitations.
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Les inondations dommageables ont principalement concerné les vallées de deux affluents de la
Meuse (confluents aux Pays-Bas) :
? la Geul qui a plus de la moitié de son bassin et de son linéaire aux Pays-Bas, le reste
principalement en Belgique (avec quelques surfaces secondaires en Allemagne) ;
? la Roer, qui prend sa source en Belgique, et est localisée pour l?immense majorité de son
bassin versant et de son linéaire en Allemagne, avant de parcourir ses 20 derniers
kilomètres aux Pays-Bas
La Meuse et la Roer ont dépassé les niveaux de débits de pointe jamais mesurés, outre le caractère
atypique de la période estivale. La montée de la crue de la Meuse a été particulièrement rapide,
par rapport aux crues connues. Par contre, la propagation de la crue d?amont vers l?aval s?est
accompagnée d?un amortissement plus important que d?habitude (atténuation de la pointe de crue,
notamment en raison, a priori, de l?effet de la végétation estivale, de la relative « faible durée » des
hautes eaux peu alimentées par les affluents plus à l?aval, et en raison des élargissements de
digues opérés au cours des dernières années). La crue de la Meuse n?a pas du tout été homogène
en fréquence, au long de son cours et au fil de sa propagation : sans prendre en compte la
spécificité estivale, la période de retour de la crue de la Meuse a été estimée à 10 ans au plus dans
le bassin à l?amont du pays, entre 100 et 200 ans dans la partie amont des Pays-Bas, à 15 ans à
l?aval dans la suite de la traversée des Pays-Bas.
Les affluents ont connu des crues de périodes de retour dépassant 100 ans et allant jusqu?à 1000
ans. Les différentes estimations publiées intègrent ou non l?effet de la végétation, et/ou la
saisonnalité, dans les estimations statistiques. Le propos est ici d?illustrer grossièrement le niveau
de rareté du phénomène et de ses manifestations.
Les dispositifs d?hydrométrie ont bien fonctionné, hormis quelques dysfonctionnements locaux dont
des stations de mesure inopérantes pour les débits concernés, et ont pu donner une vision réaliste
de la situation. Les données pluviométriques utilisées étaient insuffisantes, et les données radar
sous-estimées.
Les prévisions de crues sur la Meuse, réalisées par l?organisme national Rijkswaterstaat ont été
longtemps incertaines et changeantes, en raison des caractéristiques de l?événement
météorologique et des difficultés de la prévision correspondante. Elles ont été sous-estimées
jusqu?à quelques heures du maximum, en particulier pour les échéances dépassant 12 heures, et
ont été réajustées plusieurs fois encore au cours de l?événement. Le 14 juillet, a été déclarée la
vigilance de crues jaune, le 15 la vigilance rouge.
Le dispositif européen EFAS a notifié un risque pour la Roer à partir du 12 juillet matin. Les
prévisions opérationnelles sur la Geul et la Roer sont réalisées par l?autorité locale de l?eau, le
waterschap du Limburg. Le dispositif était en maintenance pour la Geul, les prévisionnistes n?ont
pas réactivé en urgence le modèle antérieur, estimant qu?il n?aurait pas été en mesure de traiter
cet événement. Le dispositif était fonctionnel pour la Roer.
Les crues ont été atypiques par leur comportement hydraulique :
? d?une part, les écoulements ont été influencés par la végétation estivale des lits mineurs et
des berges, modifiant les relations entre débit et cote et les phénomènes de propagation
et d?atténuation des ondes de crues (Cf. supra) ;
? d?autre part, ont été observées de fortes érosions des berges, mais également des fonds
des lits des cours d?eau (érosion verticale), avec déplacements de de cailloux du fond du
lit mineur et création de « fosses » pouvant dépasser 3 et même 10 mètres de profondeur ;
certains cours d?eau ont connu de fortes modifications morphologiques ; les barrages de
régulation (sans fonction de réel stockage) étaient ouverts, pour ne pas faire obstacle aux
sédiments.
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Les courants ont transporté des débris en nombre, certains arrivant des pays à l?amont. Les crues
de juillet 2021 ont ainsi transporté en 6 jours 95% du volume annuel habituel de déchets plastiques
(avec un pic de transport entre les 15 et 18 juillet), avec aussi bien de gros objet que des objets en
plastique jetable. Sur les berges, le volume de déchets a été le décuple du volume habituellement
observé.
Annexe 6.1.3 Digues et protections contre les inondations
A l?instar de l?importance historique cruciale des dispositifs de protection contre les inondations, et
notamment des systèmes d?endiguements, dans la politique néerlandaise de gestion des risques
d?inondations, le déroulement et les conséquences des inondations de juillet 2021 aux Pays-Bas
sont très marqués par l?existence et la gestion des digues et protections, motivant ici un
développement particulier.
95 systèmes d?endiguements (« dike rings » ou « cercles de digues ») constituent des lignes
continues de défense contre les inondations (maritimes ou fluviales, ou même « lacustres » pour
la mer intérieure d?Ijssel), dont les niveaux de protection sont fixés par voie législative,
antérieurement en regard d?une probabilité d?aléa naturel, à présent en regard d?une probabilité de
décès pour un habitant de la zone protégée.
L?ensemble des digues sont classées en plusieurs catégories, ces classements étant
régulièrement revisités, avec le cas échéant des objectifs de protection fixés (Cf. supra), et des
responsables et gestionnaires définis. Sur le Rhin et la Meuse, le Rijkswaterstaat, organisme
national, est maître d?ouvrage et gestionnaire des fleuves et grands cours d?eau, par contre la
gestion de la plupart des digues correspondantes, classées « primaires », est assurée par les 24
« autorités locales de l?eau », les waterschapen (Cf. partie 3 de l?annexe, infra). Ces organismes
assurent par ailleurs la maintenance et la reconstruction des systèmes d?endiguements et digues
secondaires quel qu?en soit le propriétaire.
Pour des cours d?eau et digues régionaux, comme la Geul et la Roer, les « standards » génériques
de protection, en durées de retour des événements de crues, sont de 10 ans pour des prairies, 25
ans pour des cultures, 50 ans pour l?horticulture, 100 ans pour les zones urbanisées. Dans le sud
du Limburg, avec une population dense et des vallées pentues (pour les Pays-Bas), certaines
zones urbaines comme Valkenburg par exemple, étaient protégées contre des crues de période
de retour 25 ans, notamment pour des raisons de coûts des ouvrages, semble-t-il. Ces zones ont
été exposées en juillet 2021 à des crues plus que centennales.
En situation de pré-crue, pour que ces dispositifs d?endiguement assurent leur fonction de
protection, il est nécessaire de renforcer certains points, de fermer de façon étanche certains
passages (par exemple un passage routier sous un remblai routier ou ferroviaire faisant fonction
de digue, ou une interruption dans une digue pour le passage d?une voie de circulation).
L?ensemble de ces mesures prennent habituellement 5 jours de travail. Les particularités de
l?événement, et notamment la vitesse de montée de l?eau, ont conduit les responsables à devoir
réaliser les mêmes tâches en 2 jours. La période estivale offrait certes des journées de travail à la
lumière du jour plus longues, et les congés d?été scolaires n?avaient pas encore commencé dans
la province du Limburg. Pour autant, face au défi, des professionnels, publics ou privés, et des
volontaires, ont afflué spontanément de tous les Pays-Bas pour aider à faire face à cette contrainte
de temps inédite. La vitesse de fermeture de certaines voies de circulation a empêché certaines
évacuations par véhicules (dont des campings).
Par ailleurs, pendant l?événement, est organisé un dispositif de surveillance et d?intervention sur
les digues :
? pour le cas échéant les surélever encore par des sacs de sable, en fonction de l?évolution
de la crue et de la prévision ;
? pour intervenir en cas de défaillance d?ouvrages ou d?équipements, et notamment en cas
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de début d?érosion régressive (phénomène de « renard hydraulique ») dans le corps de
digue (infiltration d?eau qui traverse la digue, et qui sans intervention va mécaniquement
élargir la zone d?infiltration jusqu?à la rupture de la digue ; on peut contrer ce phénomène
en entourant le point de sortie de l?eau d?un « mur » de sacs de sable, créant une poche
d?eau au même niveau que la rivière et stoppant la circulation de l?eau et donc l?érosion).
Cette surveillance est assurée par des professionnels, notamment les inspecteurs de digues, aidés
par des gardiens de digues volontaires qu?ils encadrent, forment et réunissent une fois par an. Le
waterschap du Limburg « dispose » d?un vivier de 800 volontaires, pour 600 employés toutes
fonctions confondues. En 2021, la mobilisation de ces volontaires n?a pas posé de difficultés. Les
inspecteurs des digues ont par ailleurs été renforcés par des professionnels d?autres régions et de
l?étranger, et aidés par des volontaires de la Croix-Rouge? Des municipalités et des pompiers ont
par ailleurs contribué aux travaux en cours de crue, au-delà des protocoles pré-définis. D?autres
waterschapen ont fourni des équipements et des effectifs, placés sous la supervision du
waterschap du Limburg.
Les inspecteurs de digues se sont notamment concentrés sur les secteurs les plus vulnérables, ou
présentant des signes préoccupants. Malgré certains points de vigilance sur la complétude ou
l?accessibilité des informations relatives aux ouvrages hydrauliques, il faut signaler que les
inspecteurs des digues ont tenu à jour au cours de l?événement une liste de points faibles ou
vulnérables sur les digues (en fonction de l?état des digues et des conditions d?écoulement de la
crue), permettant de prioriser les interventions.
En l?absence d?encadrement technique qualifié, en certains endroits, les volontaires ont pu faire
des choix moins avisés, comme de stocker des sacs de sable ou de surélever sur une digue trop
fragile pour un tel poids. Mais la plupart des mesures et actions non planifiées ont
considérablement accru le niveau de protection et de sécurité.
La décision a été prise de rendre disponibles et publiques un ensemble d?informations techniques
interprétées, dont la fiabilité des digues, pour qu?en situation de crise n?apparaissent pas des
données « nouvelles », dont la prise en compte serait plus complexe.
En certains points, des pompages sont prévus pour l?eau qui s?infiltre à travers les protections. Des
capacités de pompage ont pu être dépassées, et ont été complétées par des assistances
extérieures.
In fine, deux digues ont rompu, une digue d?urgence mise en place spontanément par les habitants,
et une digue d?importance locale ne protégeant pas de zone urbanisée. Les dommages ont pu être
maîtrisés (renards hydrauliques, notamment, malgré des difficultés de détection en raison de la
végétation estivale). Des médias ont à tort évoqué un autre cas de rupture (point de passage de
l?eau existant sous la digue, mais non cartographié et non contrôlé). Quelques barrages et bassins
collinaires ont connu des dommages et défaillances techniques.
En beaucoup d?endroits, les protections existantes ont assuré leur fonction jusqu?au niveau de
protection choisi, et les défaillances ont pu être évitées dans la limite de ce niveau de protection.
En certains endroits, il s?en est fallu de quelques centimètres que l?eau ne dépasse le haut de la
digue, ou le haut de la rangée de sacs de sable ajoutée. S?il y avait eu du vent, plusieurs digues
auraient surversé.
Sur la Meuse, l?eau a pu dépasser le niveau de la digue du système « primaire », heureusement
renforcée par des sacs de sable. Des évacuations préventives importantes ont néanmoins été
mises en oeuvre (Cf. infra).
Annexe 6.2. Impacts
Les Pays-Bas n?ont pas eu à déplorer de décès dus aux inondations de mi-juillet 2021, mais les
conditions de submersion extrêmes dans la vallée de la Geul auraient très bien pu avoir un bilan
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plus dramatique, avec des hauteurs d?eau supérieures à 1,5 mètre et des vitesses de montée de
l?eau très rapides. Le relief et l?intensité locale des précipitations ont donné plus de temps
d?anticipation que dans certaines vallées allemandes ou belges. Les inondations ont généralement
eu des durées limitées, de l?ordre d?un jour.
Des évacuations importantes ont été opérées, au vu des prévisions des crues (bien qu?elles soient
longtemps restées incertaines), concernant environ 50 000 personnes dans la province du Limburg,
et un hôpital (la quasi totalité des 400 patients de l'hôpital Venlo ont été renvoyés chez eux ou
transférés dans d'autres établissements) :
? dans les zones protégées par les digues de la Meuse en particulier, de façon préventive ;
? dans des conditions diverses dans la vallée de la Geul, la plupart des évacuations
intervenant après arrivée de la crue (1000 personnes), hors campings et établissements
de santé évacués avant ; les alertes, quand elles sont parvenues aux habitants, ont été
plus tardives que sur la Meuse.
Les évacuations (mais aussi l?interdiction de venir regarder l?événement, le flood tourism ») sont
décidées par « ordonnances d?urgence », mais elles ne peuvent pas être rendues obligatoires. Les
décisions d'évacuation ont été diffusées par la presse, les réseaux sociaux, l?outil de diffusion
cellulaire NL-Alerts, complétées par les sirènes de sécurité civile, parfois les cloches des églises.
Les zones de risque aigu ont été parcourues par des véhicules de police avec haut-parleurs, voire
au porte-à-porte dans certains secteurs.
La plupart des habitants ont évacué sans aide des services de secours, qui se sont notamment
concentrés dans les zones dépourvues de routes d?évacuation utilisables.
Contrairement aux crues de référence de décembre 1993 et janvier 1995, ce sont les affluents de
la Meuse qui ont été plus impactés que le fleuve lui-même, quand bien même on a mesuré des
débits inédits sur le fleuve. La crue de la Meuse était plus rapide que celles de la fin du siècle
dernier, et présentait un débit de pointe plus important, mais l?élargissement des digues a permis
de réduire les niveaux d?eau atteints.
Les dommages totaux estimés dans les zones inondées (dommages matériels et pertes
d?exploitation) vont de 350 à 600 millions d?euros, contre 200 et 125 respectivement (en valeurs
réactualisées) pour les crues de 1993 et 1995.
Ces dommages concernent plus de 2500 maisons d?habitations (et plus de 5000 habitants ; plus
de 2000 habitations dans la vallée de la Geul), 600 entreprises. Les habitants étaient moins
préparés à des crues d?été, et d?un tel niveau, qu?aux crues antérieures, ils ont moins eu le temps
de mettre des biens à l?abri à l?étage.
Les dommages aux cultures agricoles et aux prairies sont apparus comme inédits, par rapport aux
seules crues importantes connues en hiver. De même la saison estivale a conduit à des dommages
spécifiques à des campings et équipements de loisirs.
Les services et réseaux ont été coupés selon les endroits : distribution d?eau potable, coupure de
certains captages mais les volumes stockés ont suffi, distribution d?électricité pendant plusieurs
jours à Valkenburg, réseaux de transport (autoroutes, canal, voie ferrée Maastricht Liège).
Le gouvernement néerlandais a décrété l?état de catastrophe naturelle afin de permettre
l?indemnisation des dégâts au titre de la loi sur l?indemnisation des dommages en cas de
catastrophes (loi WTS), mise en place postérieurement à 1995. Des indemnisations partielles
pouvaient être apportées par les assureurs, au titre des assurances de biens immobiliers, mobiliers,
ou véhicules, par le gouvernement, et par un "disaster fund" (1000 euros par foyer). La disponibilité
des entreprises et fournisseurs a été un enjeu de la remis en état.
Les retours d?expérience néerlandais traitent notamment des questions d?impacts sur la santé :
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? les mesures de secours et d?évacuation ont sciemment priorisé la sécurité immédiate sur
les risques de contamination par la Covid-19 ; cette contamination a localement été accrue
à la suite de l?événement ;
? les difficultés psychologiques sont rapportées par deux tiers des professionnels de santé
interrogés (représentant environ 77 000 patients potentiels), constituant la principale cause
des arrêts médicaux de travail (stress et anxiété signalés par 68% des réponses, peur par
45%; un mois plus tard 47 et 32%) ;
? ont également été signalés des cas de gastro-entérites, infections respiratoires dont un cas
de décès suite à pneumonie, des infections de peau et blessures cicatrisant mal, des
problèmes articulaires ou musculaires.
Les inondations induisent également des réductions temporaires de l?accès aux soins, dont les
effets sont pour partie différés.
Annexe 6.3. Organisation de l?action publique, répartition des
compétences et responsabilités
Aux Pays-Bas, les inondations de mi-juillet ont constitué, pendant leur déroulement, une crise
régionale, coordonnée pour l?essentiel par les régions de sécurité. Les actions liées au suivi des
cours d?eau, aux prévisions, aux ouvrages de protection sont prises en charge en cohérence avec
les institutions de gestion plus large des cours d?eau et des milieux aquatiques. On revient ci-
dessous de façon plus détaillée sur l?organisation en place.
L?organisation territoriale générale, institutionnelle et administrative, des Pays-Bas se décline à
travers 12 provinces et 388 municipalités, pour environ 17,5 millions d?habitants. Les provinces
disposent d'une autonomie limitée, elles sont compétentes sur le développement spatial et
économique, la politique environnementale, la gestion stratégique des eaux superficielles (en lien
avec les municipalités et en concertation avec les waterschapen Cf. infra), les transports en
commun et l?énergie.
Les municipalités sont en charge notamment de l?occupation des sols et de l?urbanisme. Des règles
strictes sont définies, au niveau national, pour la construction dans les zones comprises entre les
cours d?eau et les digues, ainsi que dans une bande (de largeur variable) derrière la digue. Il
n?existe par contre pas de cadre général opposable de règles pour le reste des zones protégées
par les digues, l?adaptation de l?occupation des sols relevant des documents d?urbanisme
communaux.
Les compétences relatives aux risques naturels liés à l?eau, à la mer, à la défense des côtes, à la
sécurité correspondante des personnes et des territoires, et à la gestion des cours d?eau font l?objet
d?une organisation spécifique et intégrée. L?agence nationale de l'eau, le Rijkswaterstaat, sous
tutelle du ministère chargé des infrastructures et de la gestion de l'eau, supervise la construction,
la gestion, l?entretien des infrastructures d'intérêt national, et conseille le gouvernement dans la
planification stratégique et l?atténuation des risques à long terme. Elle gère les canaux de
navigation, les cours d?eau principaux et établit la prévision des crues sur ceux-ci (la Meuse, pour
l?événement qui nous intéresse). Elle assure la maîtrise d?ouvrage des systèmes d?endiguements
« primaires » correspondants (les systèmes d?endiguements primaires correspondant aux grands
cours d?eau / fleuves et aux barrages anti-tempêtes sur bras de mer les plus importants), mais
n?en gère directement qu?une petite partie, le reste étant géré par district hydrographique. Elle est
assistée par l?institut public technique et scientifique Deltares. Depuis 2001, les fonctions de gestion
et d?inspection sont séparées dans ce domaine.
Outre leur fonction en matière de gestion stratégique de l?eau, les provinces sont responsables des
cartes d?aléa et de risque d?inondation.
24 « autorités locales de l?eau », les waterschapen (parfois traduits par « watringues »),
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correspondent géographiquement à des districts hydrographiques, et sont centrales pour la
gouvernance de l?eau et des inondations. Ces organismes disposent d?un conseil élu au suffrage
universel pour cinq ans, qui identifie un président nommé par les autorités de niveau supra, le
« comte des digues » (Dijkgraaf). Ils gèrent les cours d?eau secondaires, et assurent la
maintenance et la reconstruction de la plupart des systèmes d?endiguements et digues primaires
(Cf. supra) ou secondaires, quel qu?en soit le propriétaire. Financièrement autonomes, ils fixent
règles et taxes dues par les bénéficiaires notamment de la protection assurée par les digues et par
les émetteurs de pollutions. Les droits de votes sont établis en fonction des taxes payées, la
population devant représenter au moins 50% des voix. Sauf exception, un seul waterschap
intervient sur chacun des 95 systèmes d?endiguement (les dike rings constituent des lignes
continues de défense contre les inondations). Les waterschapen disposent d?un pouvoir
réglementaire en matière de prévention des inondations et de protection des digues et des dunes,
de surveillance du niveau et de la qualité des eaux, du traitement des eaux résiduaires urbaines,
de la gestion des eaux souterraines.
L?institut national de météorologie KNMI établit des prévisions et des alertes météorologiques, qui
sont adressées aux structures en charge de la prévision des crues, Rijkswaterstaat et
waterschapen respectivement.
Rappelons par ailleurs que les Pays-Bas sont traversés par des cours d?eau internationaux, les
plus importants d?entre eux disposant d?instances de coordination multilatérales en application de
textes internationaux (Rhin, Meuse, Escaut), et chargés par ailleurs de coordonner la mise en
oeuvre de la directive européenne cadre sur l?eau et de la directive relative à l'évaluation et à la
gestion des risques d'inondation. Ces commissions fluviales internationales constituent par ailleurs
le support du développement conjoint de dispositifs de prévision des crues cohérents et partagés
sur les grands cours d?eau.
Le principe générique est que, selon son étendue, la crise est gérée au niveau communal, au
niveau de « régions de sécurité », au niveau national. Concernant la sécurité civile, le commissaire
du roi au niveau provincial exerce une fonction de coordinateur du maintien de l'ordre public et de
la gestion des opérations de secours lors de catastrophes dépassant les limites d'une commune.
La responsabilité opérationnelle de la sécurité publique est portée par les 25 « régions de
sécurité », conseillées par les waterschapen quand il s?agit d?inondations. Elles donnent mandat
aux maires de décider des évacuations. Ces régions sont présidées par un maire (habituellement
un maire de commune importante), elles correspondent aux régions de police, avec qui elles
partagent le même président, et coordonnent les services de secours municipaux et les autorités
de santé, en crise. Beaucoup de membres des équipes de secours sont des volontaires.
Annexe 6.4. Questions et problématiques mises en évidence par
l?événement
Le premier point saillant du retour d?expérience concerne la saisonnalité de l?événement,
suffisamment rare pour ne pas forcément apparaître dans les événements de référence, voire dans
les archives considérées. Ainsi, l?état de la végétation dans les lits mineurs, sur les berges et dans
les zones inondées ont modifié les lignes d?eau (relation entre débit et cote), les temps de
propagations, les phénomènes d?atténuation de l?onde de crue? A priori, les modélisations
opérationnelles ne prenaient pas ces situations en compte, avec plus ou moins d?impact sur la
qualité des prévisions. A cela s?ajoute, sur un registre différent, que l?été est une période de congés
(selon les territoires, à cette date), certains organismes ne disposant pas d?astreintes en regard
des phénomènes d?inondations estivaux « inattendus ». L?été est également une période de
maintenance des équipements.
Par ailleurs, indépendamment de la saison, les crues de 2021 ont atteint des niveaux déjà observés
voire fréquents à certains endroits, des cotes ou des débits jamais mesurés à d?autres. Des crues
aussi rapides n?étaient pas prises en compte, avec des conséquences en termes de processus de
prévision (transmission et utilisation d?informations, interrogations à lever?). Même les intensités
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pluviométriques les plus fortes observées n?étaient pas prises en compte dans les modèles de
simulation. Les modèles de prévision comme les scenarii de planification de gestion de crise
n?étaient pas forcément adaptés aux réalités de cet événement. En considération des limites
actuelles des modèles de prévision, est apparu le besoin de renforcer et développer le
« nowcasting », le suivi en temps réel des phénomènes.
Enfin, par rapport aux crues de référence de 1993 et 1995, ce n?est pas la Meuse mais ses affluents
qui ont provoqué les plus de dommages. Par ailleurs, s?ajoute à cela que le programme
d?élargissement des digues de la Meuse a montré des effets de réduction des lignes d?eau qui ont
pu être déterminants pour la crue de 2021.
Devant le fort niveau d?incertitudes sur les prévisions concernant la Meuse, le choix a été fait de
considérer un scénario « pessimiste » en termes de prévision et d?alerte, puis d?évacuation. Si en
certains endroits les ouvrages de protection ont non seulement tenu, mais disposaient d?une
« marge de sécurité » appréciable, dans d?autres le non-dépassement des digues, ou des sacs de
sable ajoutés, s?est joué à très peu de choses, dont l?absence de vent.
Les crues de juillet 2021 ont soulevé la question des niveaux de protection assurées actuellement
par certains systèmes d?endiguement sur des cours d?eau secondaires.
Il a pu être difficile pour les services de suivi et de prévision des crues d?anticiper une situation de
crise incertaine et atypique, pour alimenter en informations utiles les gestionnaires de crise. A ainsi
été exprimée l?idée de mettre en place, pour de tels événements intenses et incertaines, un
dispositif de back office en complément des services opérationnels en charge du temps réel. Pour
autant, l?événement a confirmé s?il en était besoin l?importance de disposer de cartes préétablies
de zones inondées, facilement utilisables en gestion de crise et au-delà en communication aux
habitants, et prenant en compte un large éventail de scenarii.
Si un tel événement, avec notamment son intensité et sa vitesse de montée n?était pas anticipé
dans les dispositifs et organisations, il faut souligner l?efficacité de l?adaptation pour les mesures
de préparation et de protection : 53 heures pour mettre en place un programme de mesures
programmé sur 120 heures. Cette adaptation a été aidée par la longueur des durées de lumière
diurne (permettant de travailler « facilement » plus longtemps qu?en hiver), et par une mobilisation
spontanée de professionnels et d?habitants, mais aussi d?institutions, dans un délai très restreint et
à l?échelle nationale voire au-delà. Rappelons que la surveillance des digues en crue peut être
organisée, aux Pays-Bas, en mobilisant des centaines de volontaires à l?échelle d?une province (Cf.
supra), et que cette culture a probablement joué sur la mobilisation de volontaires d?autres
provinces. S?est posé le problème, non anticipé, de la gestion de l?afflux de volontaires, en
logistique et en organisation. Les plans de gestion de crise prévoyaient les cas d?appel à des
volontaires, pas leur afflux spontané.
On ne revient pas en détail sur le suivi et la gestion des digues au cours de l?événement. Il faut
noter la gestion opérationnelle de l?information sur l?état de vulnérabilité des digues, qui a permis
d?adapter le dispositif de suivi et d?intervention.
En termes de consignes et de secours à la population, on a évoqué plus haut les disparités en
termes d?évacuation. De façon globale, le recours à différents moyens de communication a permis
à beaucoup d?habitants de prendre des mesures malgré certaines coupures de réseaux de
téléphonie mobile, d?évacuer par leurs propres moyens hors cas de fermetures rapides de voiries,
voire ensuite d?aider à la surveillance des digues. Le discours général à destination de la population
est celui du principe de la prise en charge individuelle et de la prise d?initiatives (on a évoqué plus
haut le fait que ponctuellement certaines initiatives en matière de digues ont pu ne pas être
opportunes). Par contre, des messages d?alerte ont été émis sans indication de cotes, de hauteurs
d?eau et/ou de zones concernées, et/ou sans recommandations.
On peut noter une situation particulière, qui illustre l?importance de la continuité et de la cohérence
dans la diffusion des messages à la population, a fortiori pour un événement inhabituel et aux
prévisions incertaines : dans la crainte d?une rupture d?ouvrage sur un secteur et en regard du peu
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de temps disponible, a été diffusée dans un premier temps une consigne d?évacuation « verticale »
(mise à l?abri dans les étages sans quitter les bâtiments), avant que l?ajustement du diagnostic
conduise à diffuser une consigne d?évacuation « horizontale » immédiate (sortie de la zone).
Certains médias ont diffusé la première consigne, mais ne l?ont pas mise à jour, induisant de la
confusion.
Sont apparues par ailleurs les limites des moyens humains mobilisables pour réussir à assister, en
temps réel, les personnes vulnérables. De façon plus générale, il a été difficile de gérer une
situation avec un tel nombre de personnes évacuées et/ou sinistrées.
La mission a noté, enfin, l?importance de la mobilisation d?expertise et du partage d?expérience en
post-événement de court terme :
? la mise en place d?une table-ronde nationale d?orientation, pour préparer les adaptations
futures des dispositifs, des procédures, des connaissances, annoncée avant la fin du mois
de juillet (publications des résultats au printemps puis en décembre 202283) ; cette table-
ronde a notamment fait le constat que le pays n?est pas préparé à une catastrophe de cette
ampleur, liée à des intempéries exceptionnelles, ainsi les « régions de sécurité » n'étaient
pas suffisamment préparées car le réseau hydrographique régional n?était pas inclus dans
les scenarii de crise inondations pris en compte jusque là84 ;
? une expertise scientifique rapide et complète, produite par un réseau d?organisme (ENW ?
expertisenetwerk waterveiligheid85), avec une première version d?un rapport détaillé dès le
20 septembre 2021, consolidée en 202286 ; cette expertise a notamment permis de tirer un
certain nombre de bilans sur des champs « techniques » et organisationnels, sur les
impacts y compris sanitaires : ces analyses et bilans connaîtront une large diffusion
prochaine dans le cadre d?une revue scientifique en langue anglaise ;
? un webinaire de retour d?expérience ouvert, notamment à des représentants d?autres pays,
le 3 février 2022 ;
? une étude, conduite par un groupe d?experts en 2022, pour estimer les impacts qu?aurait
eus la « bombe d?eau » si la goutte froide liée à la dépression Bernd avait été centrée sur
les Pays-Bas.
Annexe 6.5. Suites données, apprentissages, réflexions et actions
engagées
Comme cela vient d?être mentionné, le gouvernement a mis en place très rapidement l?organisation
d?une "table-ronde d'orientation", programme temporaire de travail regroupant plusieurs
organisations gouvernementales et publiques suite à une situation exceptionnelle. Un certain
nombre de conclusions et recommandations (de la table-ronde ou de ses participants) ont été
relevées et transcrites de façon synthétique ci-dessous par la mission, et organisées non selon
leur importance mais selon différents aspects de la gestion des risques d?inondation. Le cas
échéant ces conclusions reprennent des actions déjà engagées. Les travaux ont notamment
développé les questions de gestion de risques d?inondation dans le cadre de l?adaptation au
changement climatique, et interrogé la stratégie nationale d?adaptation.
83 https://www.rijksoverheid.nl/documenten/rapporten/2022/12/19/achtergronddocumenten-bij-beleidstafel-
wateroverlast-en-hoogwater
84 Les inondations de mi-juillet 2021 ont fait prendre conscience des impacts sociaux possibles d?inondations sur
le réseau hydrographique ?régional », ou « secondaire », dans un pays historiquement mobilisé sur les événements
de très grande ampleur affectant les grands fleuves et les polders côtiers.
85 Delft University of Technology, Deltares, HKV Consultants, VU Amsterdam, University of utrecht, KNMI (météo
nationale), Wageningen University and Research, Erasmus MC, University of Twente
86 https://www.enwinfo.nl/publish/pages/183541/211102_enw_hoogwater_2021-dv-def.pdf
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La mission attire l?attention sur le fait que les documents finaux n?existant qu?en néerlandais, elle a
eu recours à des outils de traduction qui pourraient ne pas transcrire suffisamment les nuances,
sur des sujets parfois sensibles. Elle a choisi néanmoins de rendre compte imparfaitement de ce
travail collectif important et ambitieux.
Constats et orientations directrices
? le pays n?est pas préparé à une catastrophe de l?ampleur de celle de juillet 2021, liée à des
intempéries exceptionnelles ;
? les dommages causés par de tels événements ne peuvent pas être évités par des mesures
simples ;
? les Néerlandais doivent être bien informés de ce qui peut arriver et être conscients de ce
qu'ils peuvent faire eux-mêmes pour réduire les risques et les dommages ; les
comportements constituent un réel enjeu, d?autant que les Néerlandais ont une image
positive de la gestion de l'eau, et estiment que le risque d'inondation est faible.
Diagnostics
? au-delà des « stress-tests » locaux et régionaux (qu?on pourrait traduire par « tests de
résilience »), il faut réaliser des stress tests suprarégionaux, pour servir ensuite de base à
des « dialogues territoriaux sur les risques » ;
? parmi les besoins d?intensification et de développement de la coopération avec les pays
voisins, figure la réalisation de stress-tests transfrontaliers, pour ensuite conduire des
dialogues de coordination par bassins-versants ;
? parmi les pistes de travail définies, figure l?étude avec les parties prenantes des
conséquences d'une situation météorologique comparable à mi-juillet 2021 mais
positionnée à d'autres endroits aux Pays-Bas.
Planification et préparation
? dans la gestion des risques d?inondation, il faut davantage tenir compte de circonstances
jusqu'ici considérées comme peu probables, et notamment des risques de précipitations
extrêmes, dans la préparation de crise et les scenarii considérés ; plus largement, il
convient d?élaborer différents scenarii d?inondations en termes de durée de retour et de
saison ;
? il convient de déterminer quelles sont les infrastructures vitales et vulnérables.
Prévention et sensibilisation
? un cadre de référence est en cours d?élaboration pour l?occupation des sols aux abords des
cours d?eau, concernant tout nouvel aménagement (limitations, conditions?) ;
? la question d?une possible réglementation des cultures, en raison de leur effet sur les crues
en été, est ouverte ;
? la sensibilisation ne doit pas seulement s?appuyer sur des informations génériques, dans
le cadre de campagnes génériques qui viseraient toute la population, la communication de
masse apparaissant souvent inefficace ; il s?agit a contrario de déterminer des groupes
cibles au sein de la population ou des acteurs, d?étudier leur perception du risque et leurs
besoins d'informations, pour cibler la communication.
Alerte et gestion de crise
? il est nécessaire d?améliorer les échanges transfrontaliers de données et d'informations
pour la prévision des crues ;
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? il faut vérifier la capacité des modèles statistiques et des modèles de simulation des crues
à prendre en compte les phénomènes de mi-juillet 202187 ;
? pour toute activité durant plusieurs jours et localisée à côté d?une rivière, comme un festival
de musique, il est proposé de rendre obligatoire l?élaboration d?un plan de communication
de crise et d'évacuation.
Développements techniques et scientifiques
? des programmes de recherche spécifiques « post-2021 » ont été engagés ;
? dans le cadre de coopérations avec les pays voisins sur toutes les eaux transfrontalières,
il faut développer des bases de connaissances communes, des recherches conjointes, des
outils communs ;
? les crues de 2021 ont fait apparaître d?importants phénomènes d?érosion, avec des
« fosses » dans le fond des lits de cours d?eau pouvant mesurer plus de 10 mètres de
profondeur par rapport au lit initial ; la question technique se trouve posée, d?une part, de
prendre en compte cette érosion (prédétermination de l?aléa, prévision), d?autre part, de
restaurer les lits mineurs des cours d?eau impactés ;
? l?amélioration des digues et leur élargissement a facilité la gestion des risques
d'inondations, notamment en abaissant les lignes d?eau lors de la crue ; néanmoins,
d'autres rétrécissements relatifs sont apparus à d'autres endroits qu'avant les travaux,
conduisant à une accélération des vitesses ; ce point doit être étudié.
Annexe 6.6. Liste des documents consultés
Supports de l'entretien du 9 septembre 2022 avec le Ministère de l?Infrastructure et de la Gestion
de l?eau - Ministerie van Infrastructuur en Waterstaat
Supports de l'entretien du 16 septembre avec le Rijkswaterstaat
Organisation et politique publique
Ambassade de France aux Pays-Bas / Service économique de La Haye (2020). Nomenclature
administrative et politique, gestion de l'eau et aménagement du territoire aux Pays-Bas, 3 pages
Slomp, R. (2012). Flood risk and water management in the Netherlands - A 2012 update.
Rijkswaterstaat, Ministry of Infrastructure and the Environment, 101 p.
Slomp, R. (2014) Flood risk management in the Netherlands, Ministerie van Infrastructur en Milieu,
presentation du 27 juin 2014
ENW expertisenetwerk waterveiligheid (2017). Fundamentals of Flood Protection, 144 p.
OECD - Organisation de coopération et de développement économiques (2014). Water
governance in the Netherlands - Fit for the future ?, OCDE, Paris, 298 p.
Kaufmann, M., van Doorn-Hoekveld, W. Gilissen, H.K., & van Rijswick, M. (2015). Analysing and
evaluating flood risk governance in the Netherlands - Drowning in safety ?, STAR-FLOOD
ConsortiumUniversity Antwerp, KU Leuwen, Belgique, 128 p.
Evénement suites données réflexions egagées
87 Le consortium scientifique ENW a par ailleurs recommandé de revoir les hypothèses et calages de certains
modèles par rapport à la présence de végétation dans les lits mineurs, sur les berges et dans les lits majeurs, aux
embâcles, aux apports d?eau latéraux, à la défaillance de barrages, aux changements morphologiques (érosion,
dépôts..? ;).
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Synthèse de l'étude du réseau scientifique ENW Expertisenetwerk waterveiligheid "Hoogwater
2021 - Feiten en Duiding", 20 septembre 2021
Ministère néerlandais des infrastructures et de la gestion de l'eau (2022). Eesrte advies Beleidstafel
wateroverlast en hoogwter (Premier avis de la table ronde stratégique sur les inondations et les
crues), 55 pages
Eindadvies Beleidstafel wateroverlast en hoogwater - Voorkomen kan niet, voorbereiden wel
allemaal aan de slag (Avis final de la table-ronde "table d'orientation" sur les politiques en
cas d'inondation et de crue, résumé public), Ministerie van Infrastructuur en Waterstaat, La
Haye, décembre 2022, 12 p.
Advies Wetenschappelijk Klankbordgroep (Groupe de réflexion scientifique consultatif), Mi-
nisterie van Infrastructuur en Waterstaat octobre 2022, 5 p.
Beleidstafel Wateroverlast en Hoogwater Achtergronddocumenten (Documents d'information
sur les inondations de la table ronde "table d'orientation" sur les politiques en cas d'inonda-
tion et de crue), Ministerie van Infrastructuur en Waterstaat, décembre 2022, 55 p.
https://www.rijksoverheid.nl/documenten/rapporten/2022/12/19/achtergronddocumenten-bij-
beleidstafel-wateroverlast-en-hoogwater
Slomp, R., & Friocourt, Y. (2022). Les Pays-Bas face à la montée des eaux: quelle stratégie pour
le long terme et comment répondre aux différents enjeux ? Responsabilité et Environnement, 107,
pp. 85-89
Reuber, J. (2022). Future management of water security in Limburg. International water security
symposium, Valkenburf aan de Geul, 23 juin 2022
Van der Broeck, P. (2022). Future management of water security in Limburg. International water
security symposium, Valkenburf aan de Geul, 23 juin 2022. (Pays-Bas NL)
Asselman, N. (2022). Facts and findings on the 2021 floods in Limburg. International water security
symposium, Valkenburf aan de Geul, 23 juin 2022. (Pays-Bas NL)
Van Brussel, J. (2022). Flood risk management challenges in the Netherlands. International water
security symposium, Valkenburf aan de Geul, 23 juin 2022.
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Annexe 7. : dispositifs d?indemnisation et
dispositifs assurantiels contre les catastrophes
naturelles
Annexe 7.1. Les dégâts à indemniser ont été d?une ampleur
nettement supérieure à ce que traite habituellement le système
français Catnat
En Allemagne, l?ampleur des dégâts a nécessité la mise en place d?un fonds spécial d?aide à la
reconstruction de 30 milliards d?euros ? en complément des mesures d?urgence de 400M¤ qui
avaient immédiatement été mobilisées - dont 16 milliards rendus disponibles dès 2021. Cela
s?est fait par une loi du 10/09/2021 « sur la création d'un fonds spécial "Aufbauhilfe 2021" et sur la
suspension temporaire de l'obligation de déposer une demande d'insolvabilité en raison de fortes
pluies et d'inondations en juillet 2021 et sur la modification d'autres lois » Sur ces 30 milliards, 23
viennent exclusivement de l?échelon fédéral et 7 seront remboursés sur trente ans, sans intérêt,
par l?ensemble des Länder, sous forme d?un prélèvement annuel de 233,33M¤ sur des recettes
fiscales leur revenant (quote-part de TVA). La répartition des dépenses est presque symétrique de
celle des ressources, en effet, 28 milliards sont fléchés vers des dépenses que les Länder doivent
effectuer, tandis qu?environ 2 sont réservés à la remise en état des infrastructures fédérales
endommagées.
Le nombre de morts en Allemagne dans cette catastrophe a été de 219 : en France, les différents
types d?inondation ont causé de l?ordre de 148 morts sur 10 ans, de 2013 à 2022 inclus (évaluation
issue de l?exploitation de sources diverses), tandis que l?année où les inondations ont été les plus
meurtrières en France depuis 1977, 2010, a conduit à 80 morts (en particulier Xynthia et les
inondations du département du Var). Il n?est pas surprenant que les dégâts soient à une échelle
proportionnelle, les 30 milliards d?euros du fonds d?indemnisation (qui intervient en complément
des assurances lorsque des dégâts étaient assurés) représentent plus de quinze fois le montant
annuel des primes d?assurance perçues en France en 2021 au titre du régime CatNat (1,8
milliards d?euros, et moins de 10 morts).
Le montant des dégâts indemnisés en Allemagne est proche de l?évaluation que fait la Caisse
Centrale de Réassurance de ce que serait le coût d?une crue majeure de la Seine (« de 16 à 28
Md ¤ »). La population de l?Ile de France est d?environ 12 millions de personnes, tandis que celles
des deux principales régions touchées en Allemagne, sont de 18 millions pour la Rhénanie du Nord
Westphalie et de 4 millions pour la Rhénanie-Palatinat. On peut voir une cohérence à ce que le
coût d?une catastrophe majeure dans une zone géographique et dans l?autre soit d?un ordre de
grandeur similaire.
En Wallonie, 39 personnes sont décédées, une centaine de milliers ont été sinistrées et les dégâts
ont été estimés par le gouvernement de la région wallone à 2,8 milliards d?euros. En juillet 2022,
le gouvernement de la région wallone communiquait dans les termes suivants : « Dès le lendemain
de la catastrophe le Gouvernement a négocié avec les compagnies d?assurance pour permettre
aux personnes sinistrées assurées de bénéficier d?une indemnisation complète en fonction des
clauses de leur police d?assurance et des accords avec les experts. Une loi fédérale permet en
effet aux assureurs de limiter les indemnisations versées aux sinistrés en cas de catastrophe de
grande ampleur. Dans le cas des inondations de juillet dernier les assurés n?auraient touché que
20% du montant des dégâts estimés par leur assureur. A la lumière du drame humain que
représentaient les inondations le Gouvernement a décidé d?accomplir un effort financier sans
précédent d?un milliard d?euros pour permettre l?indemnisation complète des personnes sinistrées
assurées. Après négociation, les assureurs ont quasiment doublé leur plafond
d?intervention. C?est ainsi qu?à ce stade les assureurs interviennent à raison de 41% et le
Gouvernement à raison de 59%. » Les personnes qui n?étaient pas assurées ont reçu l?aide d?un
« fonds des calamités », décrit par le gouvernement de la région wallone dans les termes suivants ;
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« Dès l?automne 2021 le Gouvernement a sollicité le Parlement afin de modifier spécialement les
conditions d?accès au fonds des calamités afin de permettre aux personnes sinistrées non-
assurées de bénéficier d?une aide financière (limitée). Le Gouvernement entendait éviter à tout prix
qu?une partie de la population non assurée ne tombe dans la précarité totale. »
Aux Pays Bas, l?opérateur (RVO) chargé d?indemniser les victimes sur la base du « règlement
WTS 2021 » publiait en juillet 2022 le bilan suivant : « Exactement 1 an après les fortes pluies et
inondations dans le Limbourg et le Brabant du Nord en juillet 2021 nous avons déterminé 1 518
demandes de victimes. Plus de 34 millions d'euros ont été versés dans le cadre du programme
WTS de juillet 2021. », traduisant des dégâts de plusieurs ordres de grandeur inférieurs à ceux qui
sont survenus en Belgique et en Allemagne. (Cf. annexes 3 et 4).
Annexe 7.2. L?indemnisation des particuliers et des entreprises s?est,
dans chaque pays, appuyée sur des dispositifs ad hoc complétant,
là où elles existaient, les assurances
La mission a échangé avec les administrations de trois pays, l?Allemagne, la Belgique (État fédéral
et région de Wallonie) et les Pays Bas.
Aucun de ces pays ne fait partie de ceux qui, comme la Suisse ou la France, ont rendu obligatoire
une assurance contre les catastrophes naturelles.
En Allemagne, le sujet était jusqu?à présent traité indépendamment par chaque Land. Un d?entre
eux a eu dans le passé un dispositif obligatoire, mais il l?a annulé, dans tous les autres Länder,
l?assurance était laissée à l?initiative de chacun. Toutefois, les statistiques montrent que les taux
d?assurance restent élevés dans les Länder où l?assurance était obligatoire. Les citoyens ont, dans
ces Länder, gardé le « réflexe d?assurance ».
La moitié des victimes des grandes inondations n?étaient en conséquence pas assurées contre les
dégâts correspondants.
Le fonds mentionné ci-dessus est destiné à indemniser chacun : pour ceux qui étaient assurés,
cette indemnisation vient en complément de l?assurance, pour ceux qui ne l?étaient pas elle
intervient seule.
En Belgique, la réglementation des assurances prévoit ? sans doute pour éviter des faillites de
compagnies d?assurance ? qu?en cas de catastrophe majeure, les assurances ne remboursent à
leurs clients qu?une fraction des dégâts. Cette fraction est d?autant plus faible que l?ampleur de la
catastrophe est élevée. Dans le cas particulier, l?application des règles aurait conduit les
assurances à ne rembourser que 20% des dégâts.
Le gouvernement wallon a pris deux mesures :
? comme indiqué plus haut, après négociation avec les compagnies d?assurance, il a obtenu
d?elles qu?elles remboursent 49% des dégâts subis par leurs clients, la région wallone
remboursant les 51% restant ;
? pour ceux qui n?étaient pas assurés, elle a mis en place un fonds de solidarité.88 Il ne
s?agissait pas dans leur cas de les indemniser totalement, mais, selon les termes de
l?exécutif régional, de leur apporter une aide « limitée » pour éviter qu?ils tombent « dans la
précarité totale ».
88 Communiqué de presse de juillet 2022 « Dès l?automne 2021 le Gouvernement a sollicité le Parlement afin de
modifier spécialement les conditions d?accès au fonds des calamités afin de permettre aux personnes sinistrées
non-assurées de bénéficier d?une aide financière (limitée). Le Gouvernement entendait éviter à tout prix qu?une
partie de la population non assurée ne tombe dans la précarité totale. »
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Aux Pays Bas, selon la Fondation pour la recherche appliquée sur l'eau89 (qui se qualifie centre
de connaissances des offices de l'eau et des provinces) « L'assurance volontaire contre les
dommages causés par les inondations de la mer et des rivières aux habitations a été proposée
dans des produits successifs entre 2012 et 2020 par un assureur (Pays-Bas). Le porteur de risque
s'est depuis retiré et il n'existe actuellement aucun assureur aux Pays-Bas qui offre une
assurance contre les inondations d'origine maritime et fluviale (percée des défenses
primaires contre les inondations) à l'exception des produits destinés à un certain nombre de
multinationales et à quelques particuliers très fortunés. L'Association néerlandaise des assureurs
indique que cela est dû à une sensibilisation insuffisante (les Néerlandais se sentent relativement
en sécurité) à l'anti-sélection et au risque d'accumulation90. »
Les interlocuteurs administratifs de la mission lui ont confirmé que les dégâts liés aux inondations
n?étaient indemnisés que par des fonds publics, que la mise en oeuvre de tels fonds était décidée
au cas par cas par le gouvernement et qu?un principe général était que l?indemnisation ne couvre
pas la totalité des coûts, afin d?inciter à la prudence ceux qui construisent ou résident en zone
inondable.
Annexe 7.3. En Allemagne, une réflexion s?est engagée sur une
éventuelle assurance obligatoire contre les catastrophes
naturelles, elle n?avait pas totalement abouti lors de la rédaction
du rapport
Les réflexions en Allemagne se sont d?abord déroulées au sein d?un « groupe de travail sur
l'assurance obligatoire contre les catastrophes naturelles » Celui-ci a présenté ses conclusions le
1° juin 2022 devant la «conférence des ministres allemands de la justice91 (Länder et Etat fédéral) ».
Les ministres allemands de la justice ont adopté les conclusions suivantes : « Sur la base des
résultats du groupe de travail les ministres de la justice estiment que l'introduction d'une
obligation pour les propriétaires de logements privés de s'assurer contre les dommages
naturels dans un cadre à aménager par le législateur n'est pas contraire à la constitution en
particulier lorsque des franchises substantielles ou des instruments similaires sont prévus
(qui apparaissent de toute manière comme étant des dispositions naturelles en matière
d'assurance) afin d'éviter des incitations abusives en matière de prévoyance individuelle. La
forme concrète que le législateur donnera à une telle obligation est déterminante. »92
Depuis lors, et en préparation de débats au Bundestag, les réflexions se poursuivent au sein des
différents partis sur la mise en place d?une telle obligation. Ces réflexions portent notamment sur
89 STOWA : Stichting Toegepast Onderzoek Waterbeheer Het kenniscentrum van waterschappen en provincies
90 Ces deux dernières notions renvoient indirectement à l?asymétrie de l?information : les assurés potentiels savent
à quel point ils ont bien ou mal préparé leur bien au risque inondations. Ceux qui ont investi pour être moins exposés
aux conséquences de l?inondation ne vont pas accepter de payer des primes élevées, il ne reste donc plus comme
clients potentiels que ceux qui savent que leur bien, intrinsèquement et/ou par défaut d?adaptation, est très exposé
aux conséquences d?une inondation. Le niveau élevé du risque induit donc des primes élevées, qui ne laissent
comme clients potentiels que les « mauvais risques », ce qui conduit à réévaluer les primes nécessaires jusqu?à
ce qu?il n?y ait en pratique plus de clientèle.
91 Comme de nombreuses compétences sont partagées entre le Bund et les Länder, il est d?usage d?organiser
régulièrement des réunions des ministres du ressort concerné avec leur homologue fédéral. La plus connue est la
« Kultusministerkonferenz » car en matière de culture et d?éducation (écoles, lycées etc.) les Länder sont quasi-
souverains. Certains Lânder disposent même d?une « loi constitutionnelle scolaire ». Mais les ministres de la Justice
se réunissent eux aussi régulièrement, ainsi que les ministres de l?Environnement, qui ont consacré une grande
part de l?une de leurs réunions aux inondations de 2021
92 93. Konferenz der Justizministerinnen und Justizminister Bericht der Arbeitsgruppe ?Pflichtversicherung für
Elementarschäden?
https://www.justiz.nrw.de/JM/jumiko/beschluesse/2022/Fruehjahrskonferenz_2022/top_i_11_-
_pflichtversicherung_fuer_elementarschaeden.pdf
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deux thèmes : quelle dose de solidarité, pour éviter que les assurances dans certaines zones
dépassent la capacité de paiement des assurés ? Quelles « franchises ou instruments similaires
afin d?éviter des incitations abusives en matière de prévoyance individuelle » ?
Annexe 7.4. En conclusion
Annexe 7.4.1 Pour les entreprises comme pour les
collectivités, être prêts à réagir peut réduire
considérablement l?impact
Les inondations sont un des domaines où la prévention peut coûter beaucoup moins cher que
l?indemnisation.
Dans les zones à cinétique suffisamment lente, avoir identifié dans les entreprises et dans les
réseaux publics les composants clefs à débrancher avant la montée des eaux et à ne remettre en
place qu?après l?inondation peut considérablement raccourcir la période d?arrêt.
Les éléments de conception des circuits électriques susceptibles de limiter les dégâts (les mettre
aussi haut que possible plutôt qu?au ras du sol) sont également connus.
Les choix de matériaux pour les bâtiments et le second oeuvre ont des impacts sur les dommages
et les coûts.
Annexe 7.4.2 Au-delà d?une certaine ampleur, aucun système
assurantiel ne peut se substituer à la solidarité
nationale
Lorsque le coût d?une catastrophe s?évalue en dizaine de milliards d?euros, l?existence ou l?absence
d?une assurance, obligatoire ou pas, a un effet sur les modalités d?instruction des dossiers ? ceux-
ci sont confiés aux services des compagnies d?assurance dans un cas, et doivent être confiés à
des services publics dédiés dans l?autre ? il n?en demeure pas moins que la solidarité nationale est
nécessairement mobilisée, les ressources des compagnies d?assurance n?étant pas suffisantes
pour couvrir l?intégralité des catastrophes d?une trop grande ampleur. Rappelons qu?en France,
l?Etat propose une réassurance garantie par lui, par l?intermédiaire de la Caisse Centrale de
Réassurance.
PUBLIÉ
Août 2023 Retour d?expérience des inondations des 14 et 15 juillet
2021
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Annexe 8. : Glossaire des sigles et acronymes
AFPCNT Association française pour la prévention des catastrophes naturelles et
technologiques
CEPMMT Centre européen pour les prévisions météorologiques à moyen terme
(ECMWF : European Centre for Medium-Range Weather Forecasts)
CEREMA Centre d?études et d?expertise sur les risques, l?environnement, la mobilité et
l?aménagement
CGE Conseil général de l?économie
CGEDD Conseil général de l?environnement et du développement durable
COD Centre opérationnel départemental
CSI Code de la sécurité intérieure
DDT Direction départementale des territoires
DGPR Direction générale de la prévention des risques
DGS Direction générale de la santé
DGSCGC Direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises
DREAL Direction régionale de l?environnement, de l?aménagement et du logement
EFAS European Flood Awareness System
EHPAD Établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes
FNRASEC Fédération nationale des radioamateurs au service de la sécurité civile
GEMAPI Gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations
IGA Inspection générale de l?administration
IGEDD Inspection générale de l?environnement et du développement durable
MIIAM Mission interrégionale inondation Arc Méditerranéen
ORSEC Plan d?organisation des secours
PAPI Programme d?actions de prévention des inondations
PCS Plan communal de sauvegarde
PICS Plan intercommunal de sauvegarde
PPI Plan particulier d?intervention
PPRI Plan de prévention des risques d?inondation
PPRN Plan de prévention des risques naturels prévisibles
RETEX Retour d?expérience
SCHAPI Service central d?hydrométéorologie et d?appui à la prévision des inondations
SDIS Service départemental d'incendie et de secours
SDPC Schéma directeur de prévision des crues
SIDPC Service interministériel de défense et de protection civile
SPC Service de prévision des crues
ZICH Zones inondées par classes de hauteur
ZIP Zones inondées potentielles
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Sommaire
Résumé
Liste des recommandations
Introduction
1 Un événement d?ampleur européenne, touchant de façon très diverse des territoires aux caractéristiques géographiques et institutionnelles variées
1.1 Un événement météorologique et hydrologique inhabituel à plusieurs titres
1.1.1 Les précipitations
1.1.2 Les crues et les inondations
1.2 Des conséquences humaines dramatiques, des impacts économiques considérables
1.3 Des cadres institutionnels et organisationnels divers dans les territoires impactés
1.4 Les particularités fortes de l?événement et les difficultés majeures rencontrées
2 Retours d?expérience et enseignements concernant la chaîne surveillance-prévision-vigilance-alerte
2.1 Surveillance hydrologique des cours d?eau
2.2 Prévisions des précipitations, des crues et des inondations
2.3 Vigilance et pré-alerte
2.4 Alerte
2.5 Aider à faire la part de l?incertitude et de la variabilité face aux événements futurs
3 Retours d?expérience et enseignements concernant l?organisation des secours et la gestion de crise
3.1 Faire en sorte que les acteurs de la gestion de crise se connaissent avant la crise
3.2 Renforcer les liens entre les préfets et les grands opérateurs de réseaux
3.3 Développer et utiliser pleinement les outils de planification locale de la gestion de crise
3.3.1 Organiser une capacité de réponse adaptative et une continuité estivale au niveau local
3.3.2 Intégrer dans les Plans Communaux ou Intercommunaux de Sauvegarde (PCS ou PICS) des scenarii hydrométéorologiques diversifiés.
3.3.3 Adresser les bons messages à la population afin de s?adapter au déroulement de l?événement au niveau local
3.3.4 Mettre en place des « points-phares » regroupant des ressources pour les sinistrés
3.3.5 Organiser et coordonner une réponse aux fausses rumeurs pendant ou après un événement climatique extrême
3.3.6 Anticiper et organiser l?afflux de volontaires
4 Retours d?expérience et enseignements concernant la prévention des risques d?inondation et la préparation aux futurs événements
4.1 Connaître et prendre en compte les aléas de façon adaptée
4.1.1 Améliorer les références hydrologiques en prenant en compte les événements anciens
4.1.2 Mettre à jour les références hydrauliques des crues anciennes en fonction de l?évolution des vallées et des bassins versants
4.1.3 Accélérer la prise en compte des risques de ruissellements
4.2 Prévenir les sur-risques
4.2.1 Renforcer et fiabiliser les réseaux de communication
4.2.2 Amplifier la lutte contre les sources d?embâcles
4.2.3 Gérer les digues de façon résiliente
4.2.4 Réexaminer les consignes de gestion des barrages en fonction de l?évolution saisonnière des enjeux et informer sur le sujet
4.2.5 Programmer des travaux estivaux sur les ouvrages hydrauliques et les cours d?eau en intégrant le risque d?inondations
4.2.6 Programmer les opérations estivales de maintenance des dispositifs de gestion de l?eau
4.3 Compléter la planification de la gestion de crise
4.3.1 Organiser une coordination au sein de bassins de vie et de risques transfrontaliers
4.3.2 Réaliser des « stress tests territoriaux » intégrant les impacts du changement climatique
4.3.3 Améliorer les relations avec les médias pour assurer que tous les messages de consignes soient relayés
4.3.4 Anticiper les modalités de gestion des déchets
4.3.5 Prendre en compte les vulnérabilités spécifiques des personnes handicapées en termes de protection et de secours
4.4 Préparer et sensibiliser aux risques d?inondation
5 Retours d?expérience et enseignements concernant l?après-crise : retour à la normale, réparation, indemnisations, et apprentissage
5.1 Coordonner les acteurs de l?après-crise
5.2 Renforcer temporairement les services publics locaux
5.3 Adapter temporairement les procédures
5.4 Traiter et suivre les impacts individuels et collectifs sur la santé
5.5 Apprendre de la catastrophe et infléchir l?avenir
Conclusion
Annexes
Annexe 1. : lettre de mission
Annexe 2. : liste des personnes rencontrées
Annexe 2.1. France
Annexe 2.2. Allemagne
Annexe 2.3. Belgique
Annexe 2.4. Pays-Bas
Annexe 2.5. Organisations multilatérales de niveau européen
Annexe 3. : les grandes caractéristiques de l?événement d?inondations de mi-juillet 2021 en Allemagne
Annexe 3.1. Rappel des événements et de leur bilan humain
Annexe 3.2. L?ampleur des dégâts
Annexe 3.3. La phase de reconstruction à l?aune de l?exemple de la Rhénanie-Palatinat
Annexe 3.4. Les enseignements tirés de la catastrophe, un sujet qui reste sensible et compliqué
Annexe 3.5. La question de l?introduction d?une assurance obligatoire contre les catastrophes naturelles
Annexe 3.6. Liste de documents consultés
Annexe 4. : les grandes caractéristiques de l?événement d?inondations de mi-juillet 2021 en Belgique
Annexe 4.1. Caractéristiques météorologiques et hydrologiques de l?événement
Annexe 4.1.1 Météorologie
Annexe 4.2. Hydrologie
Annexe 4.3. Impacts
Annexe 4.4. Organisation de l?action publique, répartition des compétences et responsabilités
Annexe 4.5. Questions et problématiques mises en évidence par l?événement
Annexe 4.6. Suites données, apprentissages, réflexions et actions engagées
Annexe 4.7. Liste des documents consultés spécifiques à l?événement
Annexe 5. : les grandes caractéristiques de l?événement d?inondations de mi-juillet 2021 en France
Annexe 5.1. Caractéristiques météorologiques et hydrologiques de l?événement
Annexe 5.1.1 Météorologie
Annexe 5.1.2 Hydrologie
Annexe 5.2. Impacts
Annexe 5.3. Organisation de l?action publique, répartition des compétences et responsabilités
Annexe 5.4. Questions et problématiques mises en évidence par l?événement
Annexe 5.5. Suites données, apprentissages, réflexions et actions engagées
Annexe 5.6. Liste des documents consultés spécifiques à l?événement
Annexe 6. : les grandes caractéristiques de l?événement d?inondations de mi-juillet 2021 aux Pays-Bas
Annexe 6.1. Caractéristiques météorologiques, hydrologiques et hydrauliques de l?événement
Annexe 6.1.1 Météorologie
Annexe 6.1.2 Hydrologie et phénomènes hydrauliques
Annexe 6.1.3 Digues et protections contre les inondations
Annexe 6.2. Impacts
Annexe 6.3. Organisation de l?action publique, répartition des compétences et responsabilités
Annexe 6.4. Questions et problématiques mises en évidence par l?événement
Annexe 6.5. Suites données, apprentissages, réflexions et actions engagées
Annexe 6.6. Liste des documents consultés
Annexe 7. : dispositifs d?indemnisation et dispositifs assurantiels contre les catastrophes naturelles
Annexe 7.1. Les dégâts à indemniser ont été d?une ampleur nettement supérieure à ce que traite habituellement le système français Catnat
Annexe 7.2. L?indemnisation des particuliers et des entreprises s?est, dans chaque pays, appuyée sur des dispositifs ad hoc complétant, là où elles existaient, les assurances
Annexe 7.3. En Allemagne, une réflexion s?est engagée sur une éventuelle assurance obligatoire contre les catastrophes naturelles, elle n?avait pas totalement abouti lors de la rédaction du rapport
Annexe 7.4. En conclusion
Annexe 7.4.1 Pour les entreprises comme pour les collectivités, être prêts à réagir peut réduire considérablement l?impact
Annexe 7.4.2 Au-delà d?une certaine ampleur, aucun système assurantiel ne peut se substituer à la solidarité nationale
Annexe 8. : Glossaire des sigles et acronymes
INVALIDE)