Évaluation et préparation de l'actualisation de la feuille de route interministérielle 2016 pour la maîtrise de l'antibiorésistance
AUJOLLET, Yvan ;PAJOT, Bertrand ;GUILLAUME, Karine ;DEPROST, Pierre ;DE AMORIM, Aude ;BURSTIN, Anne ;EMMANUELLI, Julien
Auteur moral
France. Conseil général de l'environnement et du développement durable
;France. Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux
;France. Inspection générale des affaires étrangères
;France. Inspection générale des affaires sociales
;France. Inspection générale de l'environnement et du développement durable (IGEDD)
;France. Inspection générale des finances
Auteur secondaire
Résumé
<div style="text-align: justify;">En 2016 était adoptée une feuille de route française de maîtrise de l'antibiorésistance. A la demande de leurs ministres respectifs, six inspections se sont vues confier son évaluation, cinq ans après son lancement. Évaluer la réalité de la dimension interministérielle de la feuille de route était dès lors un élément majeur de la mission, par-delà l'appréciation factuelle de la mise en oeuvre des 40 actions. Considérée par l'OMS comme l'un des dix plus sérieux risques de santé publique, l'antibiorésistance mérite une action urgente, volontariste et structurée des pouvoirs publics nationaux et internationaux dans une logique intersectorielle pleinement synergique pour ne pas obérer gravement l'avenir. Au regard de ces enjeux, le bilan global de la feuille de route apparaît honorable dans un contexte de crise sanitaire. Le bilan est contrasté entre secteurs avec une avancée marquée dans le champ de la santé animale, des résultats plus mitigés en santé humaine, un bilan nettement plus modeste dans le champ environnemental. La mission pointe cependant 6 sujets clés qui méritent une attention renforcée ou un élargissement des enjeux abordés. Ils portent sur la gouvernance, la dimension « une seule santé », le manque d'avancement des objectifs environnementaux, la médecine de ville, l'agriculture et la préservation d'un arsenal thérapeutique. Sur la base de ces constats, la mission formule une trentaine de recommandations. En conclusion, la mission souligne qu'une mobilisation interministérielle forte peut seule garantir la synergie des leviers en santé humaine, animale et environnementale indispensable à la réduction d'un risque qui obère l'avenir du système de santé et peut devenir à moyen terme une menace particulièrement critique pour la santé des populations, a fortiori s'il devait être couplé avec une pandémie.</div>
Editeur
CGEDD
;CGAER
;IGAE
;IGAS
;IGESR
;IGF
Descripteur Urbamet
médicament
;prévention situationnelle
;qualité de l'environnement
;évaluation
Descripteur écoplanete
antibiotique
;bactérie
Thème
Santé
Texte intégral
Karine GUILLAUME
Yvan AUJOLLET
U
Aude DE AMORIM IGAE
Rapport
B
Anne BURSTIN Dr Julien EMMANUELLI CGAAER Bertrand PAJOT Pierre DEPROST
P
CGEDD
LI
IGAS N°2022-055R Avril 2022
Evaluation et préparation de l'actualisation de la feuille de route interministérielle 2016 pour la maîtrise de l'antibiorésistance
É
IGÉSR
IGF
N°21061
N°013930-01
N°2022-0182300
N°2022-070
N°2021-M-038-03
PUBLIÉ
RAPPORT CGAAER N°21061/CGEDD N°013930-01/IGAE N°2022-0182300/IGAS N°2022-055R/IGESR N°2022-070/IGF N°2021-M-038-03
Définitions clefs et concepts liminaires pour comprendre l'antibiorésistance
Les antibiotiques (ATB) sont des médicaments utilisés pour traiter les infections bactériennes 1. Les antimicrobiens désignent plus largement les médicaments utilisés pour traiter une infection, quelle qu'en soit la cause (bactérie, virus, parasite, champignon) ; ils comprennent les antibiotiques, les antiviraux, les antiparasitaires et les antifongiques. La résistance bactérienne ou antibiorésistance (ABR) est la capacité d'une bactérie à être insensible à un antibiotique. Cette résistance peut être naturelle (bactérie insensible naturellement à certains antibiotiques) ou acquise : une bactérie, auparavant sensible à un antibiotique, y devient résistante, ce qui se traduit par une perte d`efficacité de cet ATB et un risque plus important de forme grave de la maladie et de décès liés à l'infection. La résistance aux antimicrobiens (RAM) désigne les résistances aux médicaments utilisés pour lutter contre les bactéries, les virus, les champignons et les parasites et inclut à ce titre l'ABR. Les résistances bactériennes acquises aux antibiotiques sont dues à une mutation du génome de la bactérie lui permettant de devenir une bactérie résistante aux antibiotiques (BRA), et, plus souvent, à l'acquisition de matériel génétique venant d'une autre bactérie, matériel porteur d'un ou plusieurs gènes de résistance aux antibiotiques (GRA). L'antibiorésistance est la conséquence délétère de deux causes synergiques liées à l'activité humaine : Lorsque les ATB sont utilisés de façon répétée, massive ou lorsqu'ils sont mal utilisés (traitement trop court, trop long ou mal dosé), on sélectionne les bactéries résistantes à leur action. La dissémination des BRA ainsi sélectionnées, par transmission directe au sein des populations humaines et animales (transmission croisée), et indirecte par la chaîne alimentaire ou via l'environnement où sont présents des antibiotiques ou des produits de leur dégradation, en provenance de l'industrie, des hôpitaux, des élevages, des abattoirs.
Les deux piliers pour lutter efficacement contre l'antibiorésistance sont : La prévention et le contrôle des infections (PCI) pour limiter la transmission des bactéries (BRA) et des gènes de résistance (GRA) et réduire le besoin d'ATB Le bon usage des antibiotiques (BUA), reposant sur des principes et des conduites destinés à les utiliser à bon escient (s'il faut, ceux qu'il faut, quand il faut, comme il faut). Mission, d'après sources OMS et Assurance maladie
Source :
Le collège de pharmacologie médicale les définit comme des substances organiques naturelles ou synthétiques aptes à limiter la multiplication des bactéries pathogènes.
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SYNTHÈSE
En 2016 était adoptée une feuille de route française de maîtrise de l'antibiorésistance dans le prolongement de plans antérieurs d'alerte sur les antibiotiques en santé humaine et animale et à la suite d'une large réflexion intersectorielle synthétisée dans le rapport publié en 2015 sous la coordination de Jean Carlet2. A la demande de leurs ministres respectifs, six inspections3 se sont vues confier son évaluation, cinq ans après son lancement. En parallèle était lancée une mission d'évaluation des plans Ecoantibio 1 et 2 par le CGAAER.
[1]
Prenant acte de la dimension fortement interministérielle de la lutte contre l'antibiorésistance, la feuille de route proposait une ambition intersectorielle en 13 mesures et 40 actions portant sur les trois secteurs de la santé humaine, animale et des écosystèmes et cherchait à structurer des approches transversales en matière de communication/éducation à la santé, surveillance, recherche. Évaluer la réalité de la dimension interministérielle était dès lors un élément majeur de la mission, par-delà l'appréciation factuelle de la mise en oeuvre des 40 actions.
[2]
La lettre de mission demandait une attention particulière à la cohérence de la feuille de route avec d'autres plans nationaux et avec le contrat de filière des industries de santé mais aussi avec les actions européennes et internationales. La mission devait formuler des recommandations pour une nouvelle feuille de route décennale, en veillant à garantir une pleine mise en oeuvre de l'approche « Une Seule Santé », grâce à d'éventuelles évolutions de la gouvernance et de l'organisation de la démarche interministérielle, et en intégrant l'incidence du plan de relance 2020 succédant à la crise CoViD.
[3]
Phénomène croissant de portée internationale, l'antibiorésistance (développement de bactéries résistantes ou multi-résistantes faisant obstacle au traitement antibiotique des pathologies infectieuses) est de fait un cas d'école de l'approche « Une Seule Santé », qui s'impose aujourd'hui pour aborder des problématiques internationales majeures comme les maladies infectieuses émergentes. Cette approche, confortée par la récente crise sanitaire, souligne que les efforts d'un seul secteur (humain, animal ou environnemental) ne peuvent suffire. C'est par conséquent une approche intégrée des politiques, législations et travaux de recherche visant à ce que plusieurs secteurs communiquent et collaborent en vue d'améliorer les résultats en matière de santé publique, de santé animale et de santé des écosystèmes, qui est nécessaire.
[4]
Considérée par l'OMS comme l'un des dix plus sérieux risques de santé publique pour l'humanité4, avec une possibilité de paralysie des systèmes de santé et de menace grave pour les progrès de la médecine réalisés au cours du XXe siècle, l'antibiorésistance mérite une action urgente, volontariste et structurée des pouvoirs publics nationaux et internationaux dans une logique intersectorielle pleinement synergique pour ne pas obérer gravement l'avenir.
[5]
Ancien directeur médical de la Haute Autorité de santé et président de l'ONG Alliance mondiale contre la résistance aux antibiotiques 3 CGAAER (Karine Guillaume), CGEDD (Yvan Aujollet), IGAE (Aude de Amorim), IGAS (Anne Burstin et Dr Julien Emmanuelli), IGÉSR (Bertrand Pajot) et IGF (Pierre Deprost). 4 En 2019, dans le monde, près de 4,95 millions de décès seraient associés à une résistance bactérienne, dont 1,3 million de décès directement imputables à l'antibiorésistance. Global burden of bacterial antimicrobial resistance in 2019 : a systematic analysis. AMR collaborators, Lancet, janvier 2022. Près de 30 000 décès seraient attribuables en Europe élargie, dont plus de 5000 en France.
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Au regard de ces enjeux, le bilan global de la feuille de route apparaît honorable dans un contexte de crise sanitaire qui a fortement mobilisé, et donc détourné, une grande partie des forces vives de la lutte contre l'antibiorésistance. Mais cinq ans après son lancement, la mise en oeuvre est simplement au milieu du gué, avec une moitié des actions bien avancées, si ce n'est achevées. Le bilan est par ailleurs contrasté entre secteurs avec une avancée marquée dans le champ de la santé animale, favorisée par la succession de deux plans Ecoantibio dont les objectifs cible de réduction de la consommation d'antibiotiques ont été dépassés, grâce à la forte mobilisation de l'ensemble des professionnels concernés, avec un recul des résistances aux antibiotiques ; des résultats plus mitigés en santé humaine malgré des actions structurantes et la perspective favorable d'une Stratégie de prévention des infections et de l'antibiorésistance qui démarre en 2022 ; un bilan nettement plus modeste dans le champ environnemental faute de connaissances socle suffisantes, mais aussi de priorisation et de portage par un programme dédié, malgré des interfaces potentielles intéressantes avec le PNSE 4. Face à une problématique qui mérite des réponses internationales, la France a par ailleurs su mettre à profit et entretenir un contexte européen et international porteur.
[6]
La mission pointe cependant 6 sujets clés qui méritent une attention renforcée ou un élargissement des enjeux abordés. Elle note en premier lieu que le caractère impérativement interministériel de la feuille de route pâtit aujourd'hui d'une gouvernance à l'assise institutionnelle trop étroite parce que ministérielle et de moyens humains et budgétaires trop faibles. Elle souligne ensuite, qu'en dépit de quelques efforts, et en partie du fait des choix de gouvernance, la dimension « Une Seule santé » de la mise en oeuvre de la feuille de route pêche dans bien des domaines (communication, recherche, surveillance, formation ...).
[7]
Elle relève que les objectifs environnementaux ont très peu avancé tant en matière de recherche que de surveillance, et que certaines dimensions importantes, comme le poids des résistances croisées aux antibiotiques et aux biocides ou l'impact du climat ne sont pas suffisamment traitées. Concernant la santé humaine, la mission estime que les actions conduites en matière de médecine de ville ne sont pas à la hauteur des enjeux quantitatifs (plus de 90 % de la dispensation d'antibiotiques) ni qualitatifs, au vu de l'ampleur persistante des usages inadaptés. Dans le domaine de l'agriculture, le bilan est positif mais des champs nouveaux potentiellement à risque méritent d'être investigués (agroalimentaire, aquaculture, santé végétale).
[8]
Concernant la préservation d'un arsenal thérapeutique en santé humaine et animale fragilisé par la contraction d'un marché incertain et peu attractif en prix comme en volume, la mission estime que, en partie du fait de la crise CoViD, les actions conduites ont manqué de coordination et n'ont pas suffisamment veillé à l'indispensable synergie des acteurs de la recherche, de la valorisation, du soutien à l'innovation et à la production industrielle pour, à la fois, défendre l'arsenal thérapeutique existant et contribuer à l'innovation (en médicaments ou dispositifs in vitro) ou au repositionnement d'anciennes molécules.
[9] [10]
Sur la base de ces constats, la mission formule les recommandations suivantes :
1) La nouvelle feuille de route Antibiorésistance doit être adossée à une gouvernance interministérielle renforcée au niveau national et territorial, pour garantir une approche « Une Seule Santé » aboutie et l'avancée réellement coordonnée de chantiers clés (recherche, innovation). La mission prône une délégation interministérielle dotée de moyens humains et budgétaires renforcés.
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Par souci de synergie avec des sujets proches5, le périmètre de la délégation peut être plus large : « Maladies infectieuses émergentes et antibiorésistance », ou « Une Seule Santé » mais la feuille de route programmatique doit, elle, demeurer centrée sur l'antibiorésistance, pour conserver la mobilisation et éviter un risque de dilution.
[11]
2) Cette feuille de route doit articuler un cap décennal ambitieux palliant les faiblesses actuelles, être relayée par un plan sectoriel quinquennal pour chaque secteur, et comporter un volet renforcé d'actions transversales porteuses d'une ambition « Une seule santé » plus marquée. L'antibiorésistance et les enseignements de la crise CoViD militent en effet pour une orientation résolument préventive en médecine humaine et vétérinaire et en santé des écosystèmes. Cette démarche de prévention doit s'entendre de façon extensive, allant au-delà des leviers sanitaires et intégrant des ambitions liées aux déterminants environnementaux (qualité de l'air, de l'eau, des logements ou des transports...).
[12]
En matière de santé humaine, il s'agit d'amplifier la réduction des consommations, en particulier en ville et dans le secteur médico-social. Un taux cible ambitieux de réduction des prescriptions indues doit être fixé. Les actions visant au meilleur usage des antibiotiques doivent être intensifiées (formation amplifiée, déploiement des TROD, de l'ordonnance dédiée, de la dispensation à l'unité...). Les moyens des structures d'appui indispensables (CPias, CRAtb et équipes mobiles afférentes) doivent être confortés. Il est également essentiel d'intensifier la logique de prévention des infections (hygiène, vaccination ...) et de capitaliser sur les enseignements de la crise CoViD en matière de prévention et d'hygiène.
[13]
Concernant la lutte contre l'antibiorésistance dans le domaine de la santé animale, le cap de la nouvelle feuille de route parait devoir être le suivant : en matière d'usage, il s'agit d'obtenir la stabilisation de la consommation d'antibiotiques et une amélioration de la qualité des prescriptions, incluant des alternatives thérapeutiques dûment évaluées. La maîtrise de la consommation d'antibiotiques sera favorisée par une territorialisation accrue des mesures de surveillance. La prévention des infections doit être encouragée par un investissement maintenu en matière de biosécurité et grâce à des mesures de promotion de la vaccination, de communication et de formation, et en veillant au maintien du lien entre vétérinaire et éleveur.
[14]
Certains champs insuffisamment consolidés pendant la première feuille de route doivent faire l'objet d'actions prioritaires : recherche et surveillance en environnement, sur la base notamment des préconisations du rapport d'expertise de l'Anses de 2020. Les risques de transmission de l'antibiorésistance dans le secteur agroalimentaire sont également à évaluer, ainsi que les risques dans les activités aquacoles et en santé végétale.
[15]
La déclinaison véritable d'une approche « Une Seule Santé » suppose enfin une montée en puissance des actions transversales communes. Les ambitions de la précédente feuille de route ont trop souvent été révisées à la baisse sur ce point alors même que la réalité de l'approche intersectorielle est une condition non seulement d'efficacité mais aussi d'acceptabilité de la lutte contre l'antibiorésistance. La capacité à convaincre les acteurs dépend en effet de la juste
[16]
Dans la même perspective One health que la prévention des MIE, la lutte contre l'ABR nécessite de prévenir les infections, de limiter les contaminations bactériennes liées aux interactions de l'homme avec différents milieux (forêts primaires, habitats de la faune sauvage, milieux aquatiques), de comprendre les facteurs d'apparition/dissémination des zoonoses, les mécanismes de franchissement de la barrière d'espèces. L'ABR peut en outre être un facteur aggravant d'une pandémie.
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compréhension par eux de leurs responsabilités respectives mais aussi de la nécessité de synergie intersectorielle. La consolidation par la recherche de la compréhension de toute la gamme des interactions entre les différents secteurs et de leur poids relatif est un impératif premier. Cela implique un soutien budgétaire durable au PPR Antibiorésistance.
L'approfondissement des logiques de surveillance reposant sur des indicateurs communs intersectoriels est également fondamental pour disposer d'un outil de pilotage intersectoriel plus pédagogique et mobilisateur pour le grand public. Il est aussi indispensable d'offrir une vision consolidée des impacts sanitaires et économiques de l'antibiorésistance pour poursuivre l'objectivation du fardeau en santé humaine et animale et être plus en mesure d'apprécier l'impact des actions de lutte, et, notamment, l'évolution des dépenses évitées.
Une campagne de communication intersectorielle pour l'ensemble des publics, y compris jeunes, doit, sans plus de délai, donner à voir l'ensemble des facettes intriquées de l'antibiorésistance et être relayée par des messages plus sectoriels. Une mise en oeuvre effective du portail interministériel s'impose pour une vision consolidée des enjeux et des actions conduites.
Des formations professionnelles conjointes (initiales et continues) doivent être organisées.
3) La restauration d'un arsenal thérapeutique satisfaisant et efficace en santé humaine et animale requiert une stratégie d'accélération nationale interministérielle et une bonne articulation avec des actions européennes et internationales innovantes. Les atypies du marché des antibiotiques sont désormais bien documentées et connues : marché relativement concurrentiel et largement génériqué, aux prix peu attractifs, aux volumes contraints par la nécessité d'une prescription prudente et parcimonieuse et aux perspectives incertaines compte tenu de l'apparition difficilement prévisible de résistances. Autant d'éléments qui pèsent tant sur le maintien sur le marché de médicaments existants que sur l'innovation ou le repositionnement d'anciennes molécules.
[17]
Une action publique résolue est indispensable, articulant étroitement les efforts des différents acteurs de la santé (ministères, Haute autorité de santé, Ansm et ANMV-Anses, CEPS et assurance-maladie) comme les différents pans de la recherche (fondamentale, clinique et valorisation) et impliquant plus fortement les acteurs du champ de l'économie et de l'industrie incontournables pour aider à résoudre l'impasse actuelle du modèle économique des produits de maîtrise de l'antibiorésistance et les défaillances du soutien dans la phase de développement des produits.
[18]
L'ensemble des processus médico-administratifs et économiques méritent, dès lors, une action ad hoc pour offrir un cadre ajusté aux enjeux des antibiotiques ou des dispositifs in vitro qui permettent leur meilleur usage. La nouvelle feuille de route doit, à cette fin, s'appuyer sur une stratégie d'accélération nationale et sur des dispositifs européens. Il est pour cela indispensable :
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De rétablir les réunions de coordination des acteurs publics suspendues par la crise (réunions internes aux MSS et à ses agences, réunion des acteurs publics du CSF).
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De se doter d'une stratégie d'accélération dédiée aux enjeux d'ABR, ou d'inclure l'ABR dans la 3e stratégie d'accélération Maladies infectieuses émergentes-Menaces NRBC. Cette stratégie devra englober 3 dimensions impérativement : action volontariste de lutte contre les pénuries de médicaments humains et vétérinaires ; soutien plus explicite et affiché au repositionnement de molécules et à la réévaluation d'AMM d'anciens ATB (au niveau national et en partenariat européen) ; stratégie créative de soutien à l'innovation et aux alternatives thérapeutiques. Elle doit porter une attention particulière aux conditions environnementales de relocalisation des productions. Il s'agira prioritairement de structurer des dispositifs publics/privés renforcés de soutien au repositionnement et à l'innovation ciblant les phases critiques de développement et de mise sur le marché. La mission relève en effet que certains dispositifs d'aide à destination des PME biotechs font défaut, alors même que l'innovation est à plus de 80 % réalisée par ces entreprises. Une production sous pilotage public pourra également être envisagée, à une échelle plus vraisemblablement européenne, en lien avec les objectifs de sécurisation des approvisionnements.
De réserver sans attendre une enveloppe antibiorésistance au sein des fonds du Plan innovation Santé 2030 afin de financer notamment deux actions susceptibles de restaurer une attractivité du marché des produits de maîtrise de l'antibiorésistance : l'expérimentation d'un mécanisme encadré, à préciser, de garantie de chiffre d'affaires annuel pour certains ATB essentiels et la création d'un fonds dédié de soutien permettant aux PME de se financer, pour développer les produits pertinents dès la phase clinique.
De contribuer à une action européenne confortée et veiller à une pleine prise en compte des enjeux d'antibiorésistance dans les nouveaux règlements européens mais aussi dans la nouvelle stratégie européenne de gestion et d'anticipation des crises sanitaires. La France doit participer à la mise en place d'un dispositif européen conjuguant visibilité et attractivité pour les innovations industrielles, cibles prioritaires de santé publique et capacité de développement et production publics en cas de besoin critique de santé.
En conclusion, la mission se doit d'indiquer qu'une mobilisation interministérielle forte peut seule garantir la synergie des leviers en santé humaine, animale et environnementale indispensable à la réduction d'un risque qui obère l'avenir du système de santé et peut devenir à moyen terme une menace particulièrement critique pour la santé des populations, a fortiori s'il devait être couplé avec une pandémie. L'OCDE a souligné récemment qu'en la matière, le coût de l'inaction dépassait celui de l'action, et que l'investissement initial était compense rapidement par les économies réalisées, précisant que chaque euro dépensé sur des programmes de lutte contre les résistances aux antimicrobiens en France pourrait épargner 7,2 de l'argent public. Il faut, à une stratégie présentant de tels enjeux humains et économiques, un pilotage fort, et partant interministériel et rattaché au Premier ministre, pour garantir la tenue d'un cap ambitieux, réellement intersectoriel et in fine fructueux.
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RECOMMANDATIONS DE LA MISSION
Niveau national Niveau UE
n° (ordre d'apparition dans le texte) Recommandation Priorité 1/2 Autorité responsable Échéance R Rapide M moyen terme
Gouvernance
Repositionner le pilotage de la lutte contre l'antibiorésistance à un niveau interministériel, en créant une délégation interministérielle rattachée au Premier Ministre. Le périmètre de cette délégation pourra être plus large, mais des moyens devront être dédiés spécifiquement à l'antibiorésistance Doter la structure de pilotage et les équipes projets ministérielles de moyens humains renforcés. Les pourvoir d'outils partagés de travail, notamment pour le suivi de la FDR. Produire un bilan interministériel annuel Territorialisation Renforcer la territorialisation des stratégies d'intervention interministérielle et ministérielles. Créer un cadre d'animation territoriale propre à relayer dans les régions l'ambition nationale « Une Seule Santé » 4, 5 Poursuivre l'affinement territorial des données de surveillance en santé humaine. Étendre les efforts de territorialisation des données à la santé animale et à l'environnement. Restituer systématiquement les données de surveillance à leurs émetteurs Une seule santé Consolider la recherche par des financements de long terme permettant de conforter la compréhension des enjeux de l'ABR dans les différents champs, en s'appuyant sur les résultats des différents projets actuels, au niveau national comme européen. Déployer des dispositifs opérationnels les plus adaptés (PPR ou PEPR) aux enjeux constatés en s'assurant d'un financement équilibré entre les différents champs.
1
1
PM
R
2
1
MSS-MAA-MTE et MESRI-MEFR
R
1
Interministériel et MSS-MAA-MTE
R
2
SpF-RePias Anses MTE
M
1
MESRI, MSS, MAA, MTE
R
6, 7, 8
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Porter une attention particulière au décloisonnement intersectoriel de l'information et des formations pour permettre une appropriation réciproque des enjeux et des contraintes Poursuivre l'effort de production d'indicateurs intersectoriels Arsenal thérapeutique En appui de la délégation interministérielle, et en lien avec l'agence d'innovation en santé, rétablir l'instance de coordination des acteurs publics en charge de la préservation de l'arsenal thérapeutique, et la réunir à un rythme soutenu pour garantir une adaptation rapide des dispositifs de soutien et une démarche européenne proactive Se doter d'une stratégie d'accélération dédiée aux enjeux d'ABR ou inclure l'ABR dans la stratégie d'accélération MIE-MN. Réserver sans attendre une enveloppe antibiorésistance au sein des fonds du Plan innovation Santé 2030 (PIS 2030) pour cette nouvelle stratégie d'accélération, ou le volet dédié de la stratégie d'accélération MIE-MN, afin de financer, notamment, deux actions : un mécanisme encadré, à préciser, de garantie de chiffre d'affaires annuel pour certains ATB essentiels et la création d'un fonds dédié de soutien permettant aux PME de se financer pour développer les produits pertinents dès la phase clinique. En ligne avec le PIS 2030, mettre en place un guichet unique pour garantir aux PME porteuses de projets novateurs la réponse concertée santé-industrie qui fait défaut aujourd'hui Face aux enjeux de sécurité d'approvisionnement, et dans le prolongement des travaux en cours sur les mesures graduées de sécurisation publique, travailler l'hypothèse de production sous pilotage public de façon hiérarchisée en fonction des risques Faire davantage participer la recherche et les financements publics à la réévaluation et au repositionnement des anciens antibiotiques vétérinaires Contribuer à la mise en place d'un dispositif européen de soutien aux innovations conjuguant visibilité, attractivité et cibles prioritaires de santé publique d'une capacité de développement et production public en cas de besoin critique de santé
2
MSS ET MAA particulièrement, SpF
M
1
SpF et MSS-Anses et MAA-MTE
M
3
1
MMPIA MSS-MEFR
R
1
SGPR MSS-MEFR
R
15
1
SGPR-MEFR-MSS
M
16
1
SGPR AIS MSS
R
17
1
MSS-MEFR
M
18
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MAA-MEFR
M
21
1
MSS-MAE-MAA
M
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Poursuivre les efforts pour définir et mettre en place un cadre réglementaire fiabilisant et facilitant le recours à certaines alternatives (phytothérapie, aromathérapie) en santé animale, tout en confirmant le rôle du vétérinaire dans la prescription et le conseil Promouvoir, en santé animale, une évolution réglementaire au niveau UE imposant une évaluation des performances des test rapides (sensibilité et spécificité) pour vérifier leur conformité avant leur mise sur le marché Santé humaine Doter la SPIA des moyens suffisants pour que les différentes actions en direction de la ville et du médicosocial soient pleinement mises en oeuvre d'ici 2025, en particulier la communication grand public, le développement et l'utilisation de logiciels d'aide à la prescription comme Antibioclic' et un déploiement des équipes mobiles (EMA-EMH) compatible avec les besoins de ville et en EHPAD Encourager, en relation avec le MENJ, le positionnement de l'École promotrice de santé comme support principal de promotion de la santé à l'école, pour y porter, notamment, la prévention des infections et de l'antibiorésistance Sanctuariser les montants dédiés aux Cpias, voire revenir à un financement MIG, conforter les moyens des EMA-EMH et mettre en place une coordination nationale des CRAtb Favoriser la mise en place d'une formation massive des professionnels libéraux au BUA Mobiliser au profit de la lutte contre l'ABR les avancées de la feuille de route du numérique en santé concernant les coopérations interprofessionnelles et la fluidification des parcours des patients Renforcer la qualité des relais hôpital-ville dans le cadre du virage ambulatoire Environnement
2
MAA-MAE
M
1
MAA-MAE
M
30
1
MSS
R
22
2
MENJ
R
24
1
MSS
M
1
MSS
M
23, 25, 26
2
MSS (MMPIADNS)
M
2
MSS (MMPIADGOS)
M
14
Créer au sein du PNSE un axe dédié à l'antibiorésistance
1
DGS-DGPR
R
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Intégrer dans la nouvelle FDR une stratégie de connaissance et de maîtrise des effets des biocides sur l'ABR en santé humaine, animale et environnementale. Intégrer la surveillance des biocides dans le hub « Green data for Health » et fixer une cible de réduction de la consommation de biocides dans le PNSE Effectuer une cartographie SIG croisant des données pour identifier les zones à risques requérant une surveillance renforcée. Un système de surveillance national pourra ensuite être mis en place Déployer les indicateurs recommandés par l'Anses, favoriser la mutualisation et la comparaison des données acquises sur différents sites et milieux en renforçant les réseaux existants de manière pérenne Intégrer dans la prochaine FDR les sujets de recherche identifiés par le rapport d'expertise Anses (2020) ainsi que les effets du climat sur les infections et résistances Intégrer l'écoprescription dans la prochaine FDR et le PNSE Santé animale - Agriculture Étudier le risque de transmission de l'ABR dans l'industrie agro-alimentaire et en santé végétale. Prévoir le cas échéant des mesures adaptées pour maîtriser le risque Investiguer les filières aquacoles, et, si nécessaire, engager des actions de surveillance et de contrôle de l'ABR Préserver, voire restaurer dans certaines zones sous-dotées, le maillage de vétérinaires en mettant notamment en oeuvre les mesures de la feuille de route 2017 relative au maintien des vétérinaires dans les territoires ruraux Consolider les systèmes de surveillance de la prescription (Calypso) Réaliser des études technico-économiques permettant de démontrer l'amélioration du bilan financier après utilisation de la prophylaxie médicale et d'aider les vétérinaires à promouvoir la vaccination auprès des éleveurs Relancer une campagne de communication auprès des vétérinaires et des éleveurs, sur le modèle de la campagne vaccin'acteur de 2016
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DGPR
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CGDD et DEB
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SOMMAIRE
SYNTHESE .............................................................................................................................................................. 5 RECOMMANDATIONS DE LA MISSION ................................................................................................................. 11 INTRODUCTION ................................................................................................................................................... 17 1 UN BILAN HONORABLE DANS UN CONTEXTE DE CRISE COVID ..................................................................... 19 1.1 UN BILAN MESURE PAR MESURE EN DEMI-TEINTE .................................................................................................. 19
1.1.1 1.1.2 1.2.1 1.2.2 1.2.3 1.2.4 La feuille de route présentait dès l'origine quelques biais méthodologiques pesant sur son évaluation ........ 19 Pour autant, la mise en oeuvre de la FDR est réelle, bien qu'au milieu du gué, cinq ans après son adoption. 22 Un relais inégal de la feuille de route par des plans sectoriels ........................................................................ 23 Des avancées réelles obtenues dans le champ de la santé animale, grâce à deux plans Ecoantibio consécutifs, mais des marges de manoeuvre sans doute réduites pour l'avenir.................................................................. 25 Des résultats en santé humaine en demi-teinte, mais des avancées structurantes qui devraient être amplifiées par la nouvelle stratégie de prévention des infections et de l'antibiorésistance ............................................. 30 Des actions encore insuffisamment documentées et soutenues en matière environnementale pour avoir un impact dans la lutte contre l'antibiorésistance ............................................................................................... 35
1.2 DES AVANCEES SECTORIELLES INEGALES ............................................................................................................... 23
1.3 UN CONTEXTE EUROPEEN ET INTERNATIONAL PORTEUR QUE LA FEUILLE DE ROUTE A CHERCHE A METTRE A PROFIT, NOTAMMENT EN SANTE HUMAINE ET ANIMALE ..................................................................................................... 41
1.3.1 1.3.2 1.4.1 1.4.2 Une mobilisation continue de l'Union Européenne et des organisations internationales. .............................. 41 Une approche « Une Seule Santé » qui se fortifie ............................................................................................ 43 Au cours des deux dernières années, différentes mesures de la feuille de route ont pu pâtir de l'impact de la crise ................................................................................................................................................................. 44 Pour autant, la crise CoViD crée un contexte national et international propice et des opportunités organisationnelles et financières pour la lutte contre l'antibiorésistance ....................................................... 46
1.4 LA CRISE COVID : UN FACTEUR DE RALENTISSEMENT MAIS AUSSI DES OPPORTUNITES MAJEURES ..................................... 44
2
LA NOUVELLE STRATEGIE DECENNALE DEVRA CONFORTER PLUSIEURS DIMENSIONS ENCORE FRAGILES DE LA FDR ACTUELLE ............................................................................................................................................. 49 2.1 UNE GOUVERNANCE ET UNE ANIMATION INTERMINISTERIELLE A AFFIRMER POUR REPONDRE EFFICACEMENT AUX ENJEUX DE SANTE PUBLIQUE ............................................................................................................................................. 49
2.1.1 2.1.2 2.1.3 2.1.4 2.1.5 Un projet complexe au périmètre large dont l'interministérialité effective ne va pas de soi .......................... 49 La gouvernance de la feuille de route est perfectible ...................................................................................... 51 La nécessité de garantir une réelle gouvernance interministérielle................................................................. 52 Deux sujets interministériels requièrent au sein de cette gouvernance un pilotage resserré : la recherche et le pilotage des actions en matière de produits de santé ..................................................................................... 56 L'importance d'une déclinaison territoriale renforcée et interministérielle de la feuille de route ................... 58
2.2 UNE APPROCHE « UNE SEULE SANTE » A AMPLIFIER SIGNIFICATIVEMENT POUR MAXIMISER LES SYNERGIES ET ACCROITRE LA PERTINENCE ET L'ACCEPTABILITE D'UNE NOUVELLE STRATEGIE INTERMINISTERIELLE ...................................................... 59
2.2.1 2.2.2 Malgré une ambition « Une Seule Santé », la mise en oeuvre de la feuille de route demeure encore trop cloisonnée ou déséquilibrée............................................................................................................................. 60 La dimension « Une Seule Santé » est pourtant un facteur essentiel d'efficacité mais aussi d'acceptabilité par les acteurs........................................................................................................................................................ 63
2.3 LES ENJEUX ENVIRONNEMENTAUX DE L'ANTIBIORESISTANCE REQUIERENT UN APPROFONDISSEMENT DE LA RECHERCHE ET DE LA SURVEILLANCE ET UNE RECONNAISSANCE DANS LE PNSE......................................................................................... 65
2.3.1 2.3.2 2.3.3 2.3.4 La faiblesse des connaissances relatives au développement de l'antibiorésistance doit conduire à accroître l'effort de recherche liée à sa diffusion dans l'environnement. ....................................................................... 65 Les dispositifs de surveillance doivent être renforcés afin de mieux documenter la nature et le poids des diverses sources d'antibiorésistance ............................................................................................................................. 67 Les bonnes pratiques en matière de prévention doivent intégrer une dimension environnementale ............. 68 L'action en matière environnementale doit être mise en valeur dans la nouvelle FDR et dans le PNSE (et sa déclinaison en PRSE). ....................................................................................................................................... 71
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RAPPORT CGAAER N°21061/CGEDD N°013930-01/IGAE N°2022-0182300/IGAS N°2022-055R/IGESR N°2022-070/IGF N°2021-M-038-03
2.4 LE DEFI PERSISTANT DE LA PRESERVATION DE L'ARSENAL THERAPEUTIQUE EN MEDECINE HUMAINE ET VETERINAIRE APPELLE UNE MOBILISATION MAJEURE, QUI NE PEUT SE CONCEVOIR SANS UN APPUI EUROPEEN ET INTERNATIONAL............................... 71
2.4.1 2.4.2 Les menaces sur l'arsenal thérapeutique en santé humaine comme animale ont suscité de nombreuses initiatives nationales à amplifier ..................................................................................................................... 71 Relever le défi thérapeutique relève d'une communauté d'action au niveau européen et au niveau international .................................................................................................................................................... 80
2.5 L'INDISPENSABLE AMPLIFICATION DES ACTIONS VISANT A MOINS ET MIEUX PRESCRIRE LES ANTIBIOTIQUES EN VILLE DOIT ALLER DE PAIR AVEC LA CONSOLIDATION DES DISPOSITIFS STRUCTURANT LA LUTTE CONTRE L'ABR ........................................... 83
2.5.1 2.5.2 2.5.3 Le bon usage des antibiotiques en ville, un chantier majeur dont la feuille de route a simplement permis de jeter les fondations .......................................................................................................................................... 84 La nécessaire amplification de la mobilisation et de l'accompagnement des différents acteurs de ville ........ 85 Consolider les réseaux d'appui CPias et CRAtb ................................................................................................ 92
2.6 DANS LE DOMAINE DE LA SANTE ANIMALE, LA LUTTE CONTRE L'ANTIBIORESISTANCE EXIGE LA POURSUITE DES EFFORTS DE MOINDRE PRESCRIPTION, COMBINEE A UNE EVOLUTION DES OUTILS ET DES PRATIQUES POUR UNE MEILLEURE PRESCRIPTION 97
2.6.1 2.6.2 2.6.3 Continuer les efforts de moindre prescription passe par l'amélioration de la prévention des infections. ....... 97 Mieux prescrire grâce à des outils d'accompagnement ................................................................................ 100 Améliorer les connaissances relatives à la transmission de l'ABR dans différents secteurs. ......................... 101
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LES PRINCIPALES RECOMMANDATIONS DE LA MISSION POUR LA FUTURE FEUILLE DE ROUTE.................. 102 3.1 LA NOUVELLE FEUILLE DE ROUTE DOIT ETRE ADOSSEE A UNE GOUVERNANCE INTERMINISTERIELLE RENFORCEE GARANTISSANT UNE APPROCHE « UNE SEULE SANTE » ABOUTIE ET L'AVANCEE REELLEMENT COORDONNEE DE CHANTIERS CLES .............. 102
3.1.1 3.1.2 3.1.3 3.1.4 Le déploiement d'une feuille de route pleinement et effectivement interministérielle et « Une Seule Santé » requiert un pilotage renforcé......................................................................................................................... 102 Une feuille de route restant centrée sur l'antibiorésistance mais portée par une structure interministérielle au périmètre potentiellement plus large ............................................................................................................ 103 Pour les champs dont la progression a pu pâtir d'une insuffisante coopération des acteurs (recherche et innovation), le pilote devra en outre s'appuyer sur des dispositifs de coordination renforcée. ..................... 104 Une attention forte devra également être accordée à la structuration d'une dynamique interministérielle sur les territoires.................................................................................................................................................. 104
3.2 UNE FEUILLE DE ROUTE ARTICULANT UN CAP DECENNAL, RELAYE PAR UN PLAN SECTORIEL, POUR CHAQUE SECTEUR, ET UN VOLET RENFORCE D'ACTIONS TRANSVERSALES « UNE SEULE SANTE » ...................................................................... 105
3.2.1 3.2.2 Des caps sectoriels décennaux ambitieux palliant les faiblesses actuelles, déclinés par des plans sectoriels articulés, et régulièrement suivis ................................................................................................................... 105 Une ambition « Une Seule Santé » plus marquée .......................................................................................... 108
3.3 LA RESTAURATION D'UN ARSENAL THERAPEUTIQUE SATISFAISANT ET EFFICACE EN SANTE HUMAINE ET ANIMALE REQUIERT UNE STRATEGIE D'ACCELERATION NATIONALE INTERMINISTERIELLE ET UNE BONNE ARTICULATION AVEC DES ACTIONS EUROPEENNES ET INTERNATIONALES INNOVANTES ................................................................................................................... 110
3.3.1 3.3.2 3.3.3 Une classe thérapeutique à l'usage atypique qui requiert un modèle de soutien ad hoc renforcé ............... 110 Un indispensable renforcement de la coordination des actions nationales pour garantir un continuum d'actions de la recherche à la commercialisation ......................................................................................................... 111 Une démarche synergique avec les initiatives européennes et internationales ............................................ 112
LETTRE DE MISSION ........................................................................................................................................... 113 LISTE DES PERSONNES AUDITIONNEES .............................................................................................................. 117 SIGLES UTILISES ................................................................................................................................................. 131
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RAPPORT CGAAER N°21061/CGEDD N°013930-01/IGAE N°2022-0182300/IGAS N°2022-055R/IGESR N°2022-070/IGF N°2021-M-038-03
INTRODUCTION
Phénomène croissant de portée internationale, l'antibiorésistance bactérienne constitue, depuis quelques décennies, un sujet de préoccupation majeur pour les autorités nationales, européennes et internationales. Le développement de bactéries multi-résistantes (BMR) faisant obstacle au traitement antibiotique des pathologies infectieuses est considéré par l'OMS comme une menace grave pour les progrès obtenus par la médecine au cours du XXe siècle et comme l'un des dix plus sérieux risques de sante publique pour l'humanité, avec une possibilité de paralysie des systèmes de santé. La connaissance de l'impact de ce phénomène s'affine progressivement, après de premières évaluations destinées à marquer les esprits. Une évaluation approfondie publiée début 20226 offre l'appréciation aujourd'hui la plus systématique et la plus complète de son poids international7 et de la mortalité qui lui est attribuable. Il en ressort qu'en 2019, dans le monde, près de 4,95 millions de décès seraient associés à une résistance bactérienne, dont 1,3 million de décès directement imputables à l'antibiorésistance, sous l`influence essentiellement de 6 pathogènes8 ; ces données situent l'antibiorésistance (ABR) au niveau de problèmes de santé majeurs comme le Sida ou le paludisme.
[21]
Particulièrement préoccupant dans les pays en voie de développement, ce phénomène est aussi une menace significative pour les systèmes de santé en Europe. En France, en 2015, 5 500 décès étaient attribués aux infections à bactéries multi-résistantes (33 110 décès identifiés en Europe)9. Face à ce que certains qualifient d'« épidémie silencieuse », faute d'une suffisante prise de conscience collective, il est aujourd'hui urgent d'agir pour ne pas obérer gravement l'avenir. Le plan d'action de l'OMS de 2015 invitait à des réponses globales mais aussi à des plans d'actions nationaux ciblés sur les enjeux propres. C'est l'objet de la feuille de route française de maîtrise de l'antibiorésistance élaborée en 2016 dans le prolongement de plans antérieurs d'alerte sur les antibiotiques et d'une large réflexion intersectorielle synthétisée dans le rapport publié en 2015 sous la coordination de Jean Carlet10.
[22]
La feuille de route en 13 mesures et 40 actions prend acte de la dimension fortement interministérielle de la lutte contre l'antibiorésistance. Cette problématique est en effet l'une des illustrations les plus manifestes de l'approche « Une Seule Santé » (One health) qui s'impose désormais pour aborder les problèmes infectieux internationaux. Cette approche souligne que les efforts d'un seul secteur (humain, animal ou environnemental) ne peuvent suffire à prévenir ou éliminer un problème infectieux. C'est, par conséquent, une approche intégrée des politiques, législations et travaux de recherche visant à ce que plusieurs secteurs communiquent et collaborent en vue d'améliorer les résultats en matière de santé publique, de santé animale et de santé des
[23]
Global burden of bacterial antimicrobial resistance in 2019: a systematic analysis. AMR collaborators, Lancet, janvier 2022. 7 204 États sont englobés. 8 Escherichia coli en premier lieu, suivie du staphylocoque doré, de Klebsillea pneumoniae, de Spectrococcus pneumoniae, d'Acinetobacter baumannii et de Pseudomonas aeruginosa. 9 Cassini A, Hogberg LD, Plachouras D, Quattrocchi A, Hoxha A, Simonsen GS, et al. Attributable deaths and disabilityadjusted life-years caused by infections with antibiotic-resistant bacteria in the EU and the European Economic Area in 2015 : a population-level modelling analysis. Lancet Infect Dis. Janvier 2019. Cet ordre de grandeur est confirmé pour l'Europe par l'étude de 2022. 10 Médecin spécialiste des maladies infectieuses
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RAPPORT CGAAER N°21061/CGEDD N°013930-01/IGAE N°2022-0182300/IGAS N°2022-055R/IGESR N°2022-070/IGF N°2021-M-038-03
écosystèmes11. La feuille de route de 2016 rassemble dès lors des objectifs et actions visant ces trois champs. Cinq ans après son adoption et au moment où la crise CoViD vient confirmer l'étroite intrication des enjeux humains, animaux et environnementaux, les ministres de l'Europe et des affaires étrangères, de la Transition écologique, de l'Éducation nationale, de la jeunesse et des sports, de l'Économie, des finances et de la relance, des Solidarités et de la santé, de l'Enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation et de l'Agriculture et de l'alimentation ont souhaité qu'une évaluation soit lancée, en vue de l'élaboration d'une nouvelle feuille de route décennale. Six inspections12 se sont vues confier cette évaluation, avec une attention particulière à accorder à la cohérence de la feuille de route avec d'autres plans nationaux et avec le contrat de filière des industries de santé, mais aussi, avec les actions européennes et internationales. La mission devait formuler des recommandations pour la nouvelle feuille de route, en veillant à garantir une pleine mise en oeuvre de l'approche « Une Seule Santé », grâce à d'éventuelles évolutions de la gouvernance et de l'organisation de la démarche interministérielle, et en intégrant l'incidence du plan de relance 2020 succédant à la crise CoViD. En parallèle était lancée une mission d'évaluation des plans Ecoantibio 1 et 2 par le Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER), le plan Ecoantibio 2, articulé à la feuille de route, arrivant à son terme. Pour permettre une bonne articulation de ces deux démarches, l'un des membres de la mission, Mme Karine Guillaume, participait également à la mission interministérielle d'évaluation de la feuille de route.
[24]
Engagée à l'été 2021, la mission s'est appuyée sur la très abondante documentation administrative et scientifique rassemblée à son intention par l'équipe de la mission de maîtrise de l'antibiorésistance13 dirigée par le Pr Céline Pulcini14, sur de nombreux entretiens ou questionnaires nationaux15 et internationaux16 et sur deux déplacements territoriaux (Nouvelle Aquitaine, Hautsde- France)17 pour procéder, à défaut de bilans intermédiaires interministériels de la feuille de route, à une évaluation systématique des 13 mesures et 40 actions et pour en apprécier le niveau de réalisation (Annexe 1). Ce bilan a donné lieu à un contradictoire informel avec la MMPIA.
[25]
La mission s'est ensuite attachée à offrir, dans le rapport de synthèse, un bilan consolidé de la mise en oeuvre de la feuille de route, analysé sous plusieurs angles, en prenant en compte l'inévitable impact de la crise CoViD sur son avancée mais également les opportunités européennes et internationales (première partie). Elle a cherché à mettre en lumière les problématiques à cibler plus fortement dans une nouvelle stratégie décennale, en analysant les points forts et faiblesses de six thématiques majeures de la feuille de route (deuxième partie). Elle a, sur cette base, formulé des recommandations visant à conforter la gouvernance, la dimension « Une Seule Santé », l'opérationnalité et l'acceptabilité de cette nouvelle feuille de route, en tenant compte du nouveau contexte national et international issu de la récente crise sanitaire (troisième partie).
[26]
Nouvelle définition opérationnelle d'« Une seule santé »par le comité d'experts consultatif auprès de l'OMS, de la FAO, de l'OIE et du PNUE, le One health High Level Expert Panel (OHHLEP). 12 CGAAER (Karine Guillaume), CGEDD (Yvan Aujollet), IGAE (Aude de Amorim), IGAS (Anne Burstin et Dr Julien Emmanuelli), IGEÉSR (Bertrand Pajot) et IGF (Pierre Deprost). 13 Aujourd'hui Mission de prévention de l'infection et de l'antibiorésistance. 14 Infectiologue, Professeure à la faculté de médecine de Nancy 15 Principales administrations et agences concernées, acteurs de la surveillance, experts et chercheurs nationaux et internationaux, parties prenantes de la santé humaine et animale, de l'agriculture et de l'environnement, industriels des produits de santé, usagers de la santé... 16 Union européenne, OMS, OIE, conseillers affaires sociales et agriculture pour 4 états européens. 17 Un échange avec l'ARS et le centre régional en antibiothérapie de la Réunion a également été organisé pour intégrer les problématiques de l'Outre-mer.
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Avertissement pour le lecteur Le rapport de synthèse ci-dessous vise à dégager les grandes lignes de l'évaluation de la feuille de route actuelle et à en souligner les principales forces et faiblesses pour pouvoir, conformément à la commande, formuler des recommandations principalement orientées vers la dynamique globale d'une nouvelle feuille de route décennale, en veillant à sa gouvernance, à l'architecture de la démarche interministérielle et à son articulation avec d'autres programmations nationales ou internationales, à la correction des principales faiblesses structurelles. Il ne peut, dans un souci de synthèse déjà compliquée par l'extrême diversité des sujets opérationnels sectoriels embrassés par la feuille de route, entrer dans une analyse technique poussée des 13 mesures et 40 actions qui, chacune, poursuivent plusieurs objectifs. C'est pourquoi le lecteur qui voudrait avoir une meilleure appréhension de l'un des sujets techniques abordés devra se reporter (ultérieurement ou préalablement selon ses besoins) à l'annexe 1 qui offre une analyse plus approfondie et détaillée des actions conduites et du jeu des acteurs.
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Un bilan honorable dans un contexte de crise CoViD
1.1 Un bilan mesure par mesure en demi-teinte
1.1.1 La feuille de route présentait dès l'origine quelques biais méthodologiques pesant sur son évaluation
Après l'adoption en mai 2015 du plan d'action global de l'OMS par les États membres, ceux-ci se sont engagés à adopter un plan national « Une Seule Santé » à l'horizon 2017. La feuille de route interministérielle pour la maîtrise de l'antibiorésistance, adoptée en novembre 2016, répond à cet objectif. Formellement, le plan a été élaboré à l'issue du rapport Carlet Le Coz de juin 201518. L'action 33 supposait qu'un plan global soit réalisé, regroupant les actions par thématiques transversales dans l'esprit « Une Seule Santé ». Ce plan aurait alors forcément été redondant avec la feuille de route interministérielle et sa déclinaison en plans sectoriels. L'intention a été donc de limiter les documents, listant les actions en :
[27]
[28]
Une feuille de route interministérielle globale ; Un plan d'action sectoriel, décliné à partir de la feuille de route interministérielle, pour chaque secteur (santé humaine, santé animale, santé environnementale) ; Une déclinaison opérationnelle thématique « Une Seule Santé » Recherche, dans le cadre du Programme Prioritaire de Recherche (PPR) lancé en 2020 et piloté par l'INSERM (Cf. mesure 7).
La production de la feuille de route de 2016 correspondait au livrable attendu. À l'image des cinq objectifs stratégiques du plan OMS, des actions concertées transversales ont été élaborées en matière de communication, de formation et d'outils de bon usage des antibiotiques (BUA), de recherche, d'innovation et de surveillance.
Tous ensemble, sauvons les antibiotiques, groupe de travail spécial pour la préservation des antibiotiques, Rapporteurs Dr J Carlet et P Le Coz, 2015.
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Globalement, la feuille de route passe en revue une grande partie des sujets d'importance comme l'acquisition de connaissances par le grand public et les acteurs de la santé et du secteur médico-social (communication, formation), l'amélioration des pratiques des professionnels de santé humaine ou animale (bon usage des antibiotiques, prévention et contrôle des infections), la consolidation et la valorisation des données de surveillance pour le pilotage des actions, la défense d'un arsenal thérapeutique suffisant et enfin la promotion d'une recherche innovante.
[29]
La mission a réalisé une évaluation mesure par mesure de la feuille de route sous forme de fiches, complétées par un tableau synthétique de l'évaluation des 40 actions de la feuille de route à fin 2021, présentant visuellement l'état d'avancement des travaux. Ces documents figurent en annexe 1.
[30]
D'emblée, elle s'est heurtée pour son évaluation à plusieurs difficultés méthodologiques qui mettent en évidence les faiblesses originelles de la feuille de route. Et en premier lieu, à l'absence de document intermédiaire consolidant de façon transversale et exhaustive le bilan interministériel de la feuille de route en amont de l'intervention de la mission d'évaluation. Seul un tableau de suivi, inégalement renseigné, offrait une vision globale. Les documents d'état des lieux étaient sinon sectoriels et plus illustratifs que systématiques.
[31]
Concernant la méthode d'évaluation, une première difficulté pour apprécier la pertinence des actions : le choix des objectifs dénote parfois une insuffisante démonstration initiale de la chaîne de causalité entre une action et son impact attendu en termes de lutte contre l'antibiorésistance (bon usage, prévention des infections, préservation de l'arsenal thérapeutique...).
[32]
On peut ainsi légitimement penser que la dispensation à l'unité des antibiotiques (DAU) est de nature à réduire leur consommation, mais c'est sans compter sur la pertinence de la prescription ni sur le comportement et la qualité d'observance des patients. Dans un autre registre, la relation entre la diminution de la consommation d'antibiotiques et celle de l'antibiorésistance est majeure mais n'explique pas à elle seule l'évolution de la résistance : elle doit être enrichie d'autres déterminants, par exemple, les interactions entre secteurs humain, animal et environnemental, rendant toute mesure d'impact complexe, ou l'importance du rôle croisé des biocides dans l'accroissement des résistances. Par ailleurs, l'utilité des antibiotiques reste incontestable et l'objectif à atteindre n'est pas simplement quantitatif mais est bien celui de la pertinence de leur utilisation.
[33]
La seconde difficulté provient de l'absence de cibles claires donnant un cap général (intersectoriel ou au moins sectoriel) et de l'imprécision de la quantification des objectifs et des indicateurs associés aux actions. Faute d'indicateurs partagés entre secteurs, les objectifs cibles de la FDR sont au mieux sectoriels. Mais leur affichage est incertain et leur justification est souvent peu explicite.
[34]
S'agissant par exemple de la réduction de la consommation d'antibiotiques, l'objectif régulièrement réitéré, un peu symbolique, et sans cesse décalé, de -25 % de consommation d'antibiotiques n'a, semble-t-il, pas de fondement autre qu'une volonté de s'aligner sur le niveau des meilleurs États européens, sachant qu'une partie de la prescription en France est réputée cliniquement injustifiée. Cet objectif, mêlant affichage politique et rationnel comparatif, n'apparaît d'ailleurs pas explicitement comme une cible dans la FDR19 : initialement inscrit dans le «Plan d'alerte sur les antibiotiques » terminé en novembre 2016, mentionné dans le rapport Carlet, puis dans la Stratégie nationale de Santé 2018-2022 pour 2020, il est repris, à nouveau, dans les orientations données en 2019 à la nouvelle cheffe de mission ... mais à échéance 2024 ! En santé animale, les
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Si ce n'est au détour de la mesure 12.
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objectifs qui font référence sont ceux d'Ecoantibio 1 puis Ecoantibio 2, qui ne sont pas explicitement affichés dans la FDR. Les indicateurs associés aux actions sont par ailleurs le plus souvent des indicateurs de mise en oeuvre20, rarement des indicateurs d'efficacité, voire d'efficience, étant toutefois reconnu que les résultats obtenus en matière de lutte contre l'antibiorésistance reflètent plus souvent des effets de synergie complexes que l'impact d'actions isolées.
[36]
Cette difficulté d'évaluation au regard d'objectifs et d'indicateurs se double de l'indisponibilité de nombreuses données. Les données chiffrées font souvent défaut et ne permettent pas de porter un jugement objectivé. C'est le cas des données relatives au coût de certaines actions, aux populations ciblées (volume), ... ou aux effets réels des actions. À cet égard, de nombreux indicateurs de suivi ne sont pas renseignés.
[37]
La troisième difficulté provient de l'absence de hiérarchisation des actions. Les 40 actions ne sont pas priorisées (alors que l'impact de certaines d'entre elles est plus élevé que d'autres) car les déterminants majeurs de la baisse de l'antibiorésistance ne sont pas clairement identifiés ni pris en compte.
[38]
Dans son bilan qualitatif de la FDR, la mission s'est essayée à dégager des champs d'intervention prioritaire, au regard, par exemple, des niveaux de consommation et de mésusage ; elle propose ainsi d'accentuer les efforts sur la médecine de ville (cf. infra). Elle a aussi tenu compte des résultats passés, pour constater l'efficacité potentielle de certaines actions : la campagne de communication de 2002-2005 a permis de réduire de 24 % en trois ans la consommation d'antibiotiques en santé humaine. Elle a enfin tenu compte des freins à l'action (ainsi, l'insuffisance de connaissances scientifiques relatives à la transmission dans l'environnement) pour proposer un investissement accru en la matière (cf. infra).
[39]
La quatrième difficulté concerne l'absence de durée initiale de mise en oeuvre de la feuille de route. La mission considère que l'actuelle feuille de route se situe à mi-chemin dans sa mise en oeuvre (cf. infra) après cinq ans, ce qui milite en faveur d'une feuille de route décennale21 complétée de plans sectoriels opérationnels sur une durée plus courte (5 ans). Cela permettrait de pouvoir abandonner formellement certaines actions obsolètes et de tenir compte des avancées scientifiques comme du délai d'impact de la baisse de la consommation d'antibiotiques sur l'antibiorésistance, compris entre trois et cinq ans.
[40]
La dernière difficulté provient de l'absence initiale de définition du processus d'évaluation de la feuille de route. La présente mission tient lieu à cet égard d'évaluation à mi-parcours.
[41]
La prochaine Feuille de route devra porter plus d'attention à ces différents points méthodologiques, comme cela a déjà été le cas dans la nouvelle stratégie de prévention de l'infection et de l'antibiorésistance22.
[42]
20 Dont certains sous forme de ratio et de pourcentage mais sans critérium de référence, et d'autres sous forme de processus
qualitatif (fait/pas fait). 21 À l'instar des plans de lutte contre l'ABR en Australie, aux États-Unis et au Royaume-Uni. 22https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/strategie_nationale_20222025_prevention_des_infections_et_de_l_antibioresistance.pdf
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1.1.2
Pour autant, la mise en oeuvre de la FDR est réelle, bien qu'au milieu du gué, cinq ans après son adoption.
Après avoir analysé de façon précise, mesure par mesure, action par action, les forces et faiblesses de la mise en oeuvre de la feuille de route (cf. l'ensemble du bilan en annexe 1), la mission a élaboré un cadre d'évaluation qualitatif et quantitatif dont le détail méthodologique figure également en annexe 1. L'évaluation reposait sur les trois critères suivants :
[43]
1. L'action avait-elle à l'origine un impact direct ou indirect sur la consommation d'antibiotiques et/ou la lutte contre l'antibiorésistance (était-elle pertinente) ? 2. L'action prévoyait-elle des conditions de mise en oeuvre réelles et suffisantes pour assurer sa réussite (réglementation, budget, effectifs, ...) ? 3. Enfin, l'action a-t-elle été effectivement mise en oeuvre ? avec quel succès ? Le tableau récapitulatif du bilan des actions (annexe 1.3) met en évidence les éléments suivants:
[44]
Le premier critère a permis de considérer que les actions de la feuille de route sont pour l'essentiel des actions pertinentes à impact direct ou indirect, même si certaines - comme l'action ponctuelle prévoyant l'organisation d'un Hackathon, action 32 par exemple- n'ont pas démontré leur impact sur la réduction de l'antibiorésistance. Le second critère, qui a été analysé à partir d'une cotation par action, obtient globalement un score de 41 sur 80, montrant que les moyens nécessaires à la réussite des actions n'étaient au rendez-vous que dans 50 % des cas. Quatre actions ont été notées « zéro », ne disposant pas des conditions pour une mise en oeuvre, trente et une notées « un » et cinq notées « deux », suggérant pour ces dernières que les conditions de réussite étaient pleinement réunies. Parmi les actions notées « zéro », on trouve l'action 21 relative au transfert de la recherche du monde académique au monde industriel, un élément clé de la feuille de route. Ce sont essentiellement les moyens humains et financiers qui ne sont pas à la hauteur des enjeux (c'est aussi vrai, mais dans une moindre mesure, pour l'action notée 1 portant sur les structures d'appui au BUA). Les actions notées « deux » relèvent essentiellement de mesures organisationnelles ou réglementaires qui ne nécessitent pas de budget dédié. Le troisième critère obtient un score global de 37 sur 80, montrant que les actions mises en oeuvre sont effectives à 50 %, la moitié du chemin étant parcouru. Cette moyenne reflète des situations diverses : 8 actions sont notées « zéro », 27 « un » et 5 « deux ». Parmi les actions notées « zéro », trois ont été abandonnées de fait et cinq disposent partiellement des moyens de mise en oeuvre, mais n'ont pas commencé, parfois du fait de la crise de la CoViD (exemple de l'action 1 relative à la communication grand public), ou parce que les décisions ont tardé (action 26 relative aux diagnostics in vitro). Parmi les actions notées « deux », on trouve l'éducation à la santé (action 2), le suivi du Propias (action 15), la promotion des mesures de sécurité en médecine vétérinaire (action 14) ou la promotion de la vaccination (action 16), la communication « Une Seule Santé » des données liées à la consommation et à la résistance aux antibiotiques (action 27) ... Au total, ce tableau montre que : Trois actions ont « un feu rouge » : l'une d'entre elles, l'action 3 relative à la création d'un portail unique d'information interministériel, mériterait pourtant de disposer des moyens
[45]
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nécessaires à sa mise en oeuvre. La désignation d'un pilote doté des moyens financiers suffisants débloquerait cette action, utile à la diffusion de la connaissance partagée en matière d'antibiorésistance, qui faciliterait l'approche « Une Seule Santé ».
[46]
27 ont « un feu orange », soit 67 % des actions de la feuille de route : ces actions ne sont pas remises en question, leur mise en oeuvre est en cours et mérite d'être consolidée. Enfin, dix actions ont « un feu vert », soit 25 % des actions de la feuille de route. Si ces actions ne sont pas achevées pour l'essentiel, elles sont en bonne voie et rien ne s'oppose à leur aboutissement. Elles concernent principalement les mesures de prévention et de surveillance.
Ainsi, après cinq années, la feuille de route est à mi-parcours dans sa mise en oeuvre opérationnelle, malgré la crise qui a retardé certaines actions (cf. infra). Les résultats en matière de réduction de la consommation d'antibiotiques et de l'antibiorésistance sont avérés en santé animale et encourageants, même si encore insuffisants, en santé humaine (cf. infra). La feuille de route est un outil pertinent de mobilisation des acteurs pour peu qu'elle dispose d'une durée définie, d'objectifs quantifiés s'appuyant sur les déterminants de la consommation d'antibiotiques et/ou de la baisse de l'antibiorésistance, hiérarchisés selon leur impact potentiel, et d'une déclinaison coordonnée au sein de plans sectoriels ministériels, disposant de moyens budgétaires et humains adaptés.
[47]
1.2 Des avancées sectorielles inégales
Après le bilan global de la feuille de route, la mission souhaite apporter un éclairage sectoriel, témoignant d'avancées contrastées, pour partie imputables à l'existence, ou l'absence, de relais en temps utile par un plan sectoriel.
[48]
1.2.1
[49]
Un relais inégal de la feuille de route par des plans sectoriels
S'inspirant du rapport Carlet-Le Coz précité, la feuille de route ambitionnait de couvrir les principales différentes dimensions de l'ABR (santé animale, santé humaine, santé et environnement) et de traiter de manière plus transversale leurs aspects communs (recherche, surveillance, international). Idéalement, elle devait constituer un socle permettant d'articuler et de faire se répondre les différentes actions ministérielles en les inscrivant dans un continuum stratégique figuré par de grands axes. C'est en partie le cas pour le plan Ecoantibio 2 adopté en 2017. Mais elle a dû aussi composer avec l'existant, en traitant parfois directement et plus spécifiquement de ce qui ne faisait pas encore l'objet d'un portage particulier, et en renvoyant le reste vers des plans sectoriels existants, mais plus ou moins articulés chronologiquement et sur le fond.
[50]
L'antibiorésistance en santé humaine a ainsi été abordée selon deux angles distincts, les mesures sur le bon usage des antibiotiques (BUA) figurant de façon assez détaillée et quantitativement significative sous forme d'actions à décliner dans la feuille de route, et celles sur la prévention et le contrôle des infections (PCI), déjà regroupées pour l'essentiel dans le Programme national d'actions de prévention des infections associées aux soins (Propias)23 antérieur, faisant l'objet d'un renvoi de la feuille de route, sans plus de précision.
[51]
23 L'action n°36 prévoit de s'assurer de l'observance des recommandations et de l'atteinte des objectifs de l'axe 2 du Propias.
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S'agissant de la santé animale, plusieurs mesures du plan Ecoantibio2 déclinent et approfondissent la feuille de route (par exemple volet Santé animale de la campagne de communication intersectorielle ou surveillance de l'évolution de l'antibiorésistance) ; d'autres relèvent d'actions plus spécifiques portées par le ministère de l'agriculture et de l'alimentation (MAA), prolongeant le plan Ecoantibio 1.
[52]
Les liens entre ABR et environnement auraient pu trouver un cadre approprié dans le plan national santé environnement 4 (PNSE4) dont nombre de mesures sont contiguës aux enjeux d'antibiorésistance ; mais ce plan chapeau, qui identifie des axes prioritaires pour la meilleure prise en compte des problématiques de santé environnementale dans la recherche, l'expertise et la décision publiques, en France et en Europe, renvoie à une trentaine de plans sectoriels 24 dont la feuille de route et le Propias, auxquels quelques actions le lient de manière non explicite25. La problématique de l'antibiorésistance n'y apparaît pas en tant que telle par conséquent. Le plan Micropolluants intègre également, mais de façon non explicitement liée à la feuille de route, les enjeux de médicaments dans l'environnement.
[53]
En plus d'être incomplète ou trop vague, l'interpénétration de la feuille de route et de ces plans sectoriels manque aussi de congruence, donnant l'impression d'une juxtaposition d'éléments autonomes là où on souhaiterait une continuité articulée, ces carences tenant à des réflexions trop segmentées, des « différences de phase » (le Propias existait depuis 2015) ou des difficultés à établir des ponts. Le PNSE 4 étant plus généraliste dans le libellé de ses actions du fait de son foisonnement thématique, le ministère de la transition écologique (MTE) ne s'est pas autant mobilisé qu'attendu sur l'ABR. L'appropriation du concept « Une Seule Santé » appliqué à l'antibiorésistance manque dès lors encore aujourd'hui d'opérationnalité (cf. § 2.2).
[54]
Parce qu'il formalise bien l'ensemble des champs de recherche à investiguer dans les différents secteurs, le programme prioritaire de recherche (PPR) atténue ce constat d'incomplétude en développant une vision « Une Seule Santé » pour l'ABR ; mais, dans les faits, la diversité des axes à travailler ne se retrouve pas suffisamment dans les projets soutenus financés par le PPR, très centrés sur le fondamental, tandis que la santé publique, les problématiques animales et environnementales sont nettement moins représentées.
[55]
Enfin, si la dimension internationale est bien présente dans la FDR (une des 13 mesures), la multiplicité des dispositifs et des parties prenantes institutionnelles26 complique la vision d'ensemble et le portage de lignes conductrices fortes d'une position française.
[56]
Tel que par exemple plan micropolluants, plan santé travail, stratégie sur les perturbateurs endocriniens II, plan amiante... 25 Cité dans le PNSE 4, l'usage raisonné des désinfectants (dont biocides) par les particuliers et les professionnels n'apparaît pas de manière explicite dans le Propias (bionettoyage de manière large) et la FdR (renvoi sur Propias). Mais d'autres thématiques liées à la biosurveillance sont évoquées à la fois dans le PNSE 4 (exposome, pathogènes émergents et zoonoses) et dans la FDR. 26 Les liens de la FDR avec les instances européennes ou internationales porteuses de plan (plan OMS 2015 « action mondiale pour combattre la résistance aux antimicrobiens », plan UE 2017 One Health, lignes directrices de l'UE 2017 pour une « utilisation prudente des antimicrobiens ».) passent par le MAEI de la DGS, la DAEI du ministère de la santé, et le MEAE et du SGAE au MA.
24
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1.2.2
Des avancées réelles obtenues dans le champ de la santé animale, grâce à deux plans Ecoantibio consécutifs, mais des marges de manoeuvre sans doute réduites pour l'avenir
1.2.2.1 Les plans Ecoantibio, co-construits avec l'ensemble des parties prenantes de la santé animale, ont permis la mise en place de nombreuses mesures de lutte contre l'ABR
Le secteur de la santé animale s'est engagé fortement dans la lutte contre l'antibiorésistance, suite à la prise de conscience du risque représenté pour la santé humaine, et pour éviter que l'ABR soit associée dans l'esprit du consommateur à de mauvaises pratiques dans le monde de l'élevage. Fin 2010, avant même la mise en place du premier plan Ecoantibio, la filière porcine, très organisée, a décidé de s'imposer un moratoire : interdire l'usage en première intention des céphalosporines de dernière génération (C3G C4G), les utiliser en deuxième intention uniquement après un antibiogramme, combiné à un arbre de décision démontrant leur intérêt.
[57]
Afin d'accélérer la lutte contre l'ABR et d'organiser les démarches dans une recherche de synergie, le ministère de l'agriculture a co-construit en concertation étroite avec l'ensemble des parties prenantes de la santé animale (vétérinaires, éleveurs, industries, laboratoires, agences, enseignants, administrations), un plan d'action contre l'antibiorésistance : Ecoantibio 1 (2011-2016) suivi de Ecoantibio 2 (2017-2023) articulé avec la feuille de route 2016. Ce plan, animé par des agents dédiés de la Direction Générale de l'ALimentation (DGAL), doté d'un budget de 2 M par an, a confié à des pilotes représentant les différentes parties prenantes la conduite d'actions/mesures dans les domaines de la communication/sensibilisation, de la formation, de l'amélioration des outils mis à disposition des vétérinaires et des éleveurs, et des moyens de prévention et thérapeutiques. De nombreux appels à projet ont été lancés chaque année sur différentes thématiques relevant de l'action ou de la recherche.
[58]
Plusieurs rapports interministériels antérieurs27 ont conduit à élaborer et mettre en application un ensemble de textes réglementaires importants : ces mesures permettent d'encadrer les pratiques de vente28 des antibiotiques (ATB), de limiter l'usage de certains ATB29 et de décrire les bonnes pratiques d'emploi des ATB30.
[59]
La diffusion de nombreux outils de communication et de formation destinés aux vétérinaires et aux éleveurs a permis une forte sensibilisation des professionnels à la lutte contre l'ABR. Les mesures réglementaires contraignantes, notamment pour l'utilisation des ATB critiques, ont entraîné des changements importants dans les pratiques. Les filières organisées (porcs, volailles) ont progressé rapidement, ainsi que le secteur des bovins laitiers. Des progrès réels, mais moins rapides, ont été observés dans le secteur des bovins viande et dans les autres filières.
[60]
Notamment rapports IGAS/IGF/CGAAER « Encadrement des pratiques commerciales pouvant influencer la prescription des médicaments vétérinaires » Dahan M., Hanoteaux P., Durand F, Liebert F, Mai 2013 et « La prescription vétérinaire hors examen clinique - État des lieux et propositions d'évolution » Vienne P., Barbin C., Briand P., Dupuy C. Décembre 2015 28 Interdiction des remises, rabais, ristournes lors de la cession d'ATB (loi 2014-1170 du 13 octobre 2014). 29 Retrait des ATB de la liste positive des médicaments vétérinaires délivrables par les groupements agréés (arrêté 19/12/14) ; règles très strictes pour l'utilisation d'un nombre limité d'ATB critiques (décret 16/03/16 et arrêté 18/03/16). 30 Description des bonnes pratiques d'emploi des médicaments contenant une ou plusieurs substances ATB en médecine vétérinaire (arrêté 22/07/15, 22 pages) ; obligation réglementaire de déclaration de cession des antibiotiques pour les ayant droits de la pharmacie vétérinaire : vétérinaires, pharmaciens, fabricants et distributeurs d'aliments médicamenteux (décret 19/12/16) (obligation reprise dans le règlement 2019/6).
27
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La nécessité d'une approche intégrée de la santé a été prise en compte, avec la promotion des mesures de biosécurité, de prévention, telles que la vaccination, de zootechnie31. Maintenir -voire renforcer- un lien étroit entre éleveur et vétérinaire s'est révélé particulièrement nécessaire, pour assurer des missions de conseil, permettre d'anticiper les problèmes sanitaires, évoluer du curatif vers le préventif.
[61]
L'ensemble des mesures mises en oeuvre ont permis que les ATB soient prescrits en moins grande quantité et de façon mieux ciblée. L'antibio-prévention systématique a été fortement réduite. L'utilisation des ATB critiques a beaucoup diminué.
[62]
1.2.2.2 Les avancées considérables dans la lutte contre l'ABR ont dépassé les objectifs
L'usage des antibiotiques, et plus particulièrement des ATB critiques, est mesuré par le volume de ventes de médicaments contenant des ATB sur le territoire national, et par l'exposition des animaux aux ATB : ALEA (Animal Level of Exposure to Antimicrobials/ Niveau d'exposition des animaux de rente et carnivores domestiques aux antibiotiques [poids vif traité / biomasse de population animale potentiellement traitée]). Ces indicateurs sont suivis par l'Agence nationale du médicament vétérinaire (ANMV) et publiés chaque année. Ils montrent une diminution depuis 2011. La baisse a été rapide de 2011 à 2016, puis elle s'est poursuivie à un rythme moins soutenu de 2016 à 2020.
[63]
Le volume des ventes d'ATB était de 910 tonnes (t) en 2011. Il a diminué jusqu'à atteindre 530 t en 2016 (-41,8 % par rapport à 2011), puis 415 t en 2020 (-54,8 % par rapport à 2011, -21,7 % par rapport à 2016). La baisse concerne surtout les ATB administrés par voie orale32.
[64]
Graphique 1 : Évolution des ventes d'ATB à usage vétérinaire de 2011 à 2020 Ventes ATB à usage vétérinaire (tonnes)
1000 800 600 400 200 0 2011 2016 2020
Source : ANMV
L'exposition globale aux ATB a diminué chez toutes les espèces, de façon particulièrement importante pour les animaux de rente, bien au-delà des objectifs initialement fixés. Cette exposition a quasiment été divisée par dix pour les ATB critiques (Fluoroquinolones et céphalosporines de troisième et quatrième génération [C3G et C4G]). Pour ce qui concerne la colistine, l'ALEA moyen dans les filières bovine, porcine et avicole a diminué de -66 % entre 2015 et 2020, au-delà de l'objectif fixé à -50 %.
[65]
Sciences et techniques mises en oeuvre dans l'élevage des animaux de rente, qui intègrent notamment la génétique, la reproduction, l'alimentation, l'hygiène et le logement. 32 Les tétracyclines, sulfamides, pénicillines, aminoglycosides, macrolides représentent 88 à 89 % du tonnage. Les ATB d'importance critique (C3G C4G, fluoroquinolones) représentent 0,4 (en 2016) à 0,2 %(en 2020) du tonnage.
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Tableau 1 :
2011
Évolution de l'exposition aux ATB à usage vétérinaire de 2011 à 2020
2016 objectif plan ecoATB 1 à partir de 2011 objectif plan ecoATB 1 à partir de 2013 evolution par rapport à 2014-2015 2020 objectif plan ecoATB 2 à partir de 20142015 evolution par rapport à 2014-2015
evolution par rapport à 2011
evolution par rapport à 2013
evolution par rapport à 2011
evolution par rapport à 2013
Exposition
globale ALEA céphalosporines C3G C4G fluroquinolone ALEA moyen colistine filières bovine, porcine et avicole
0,612
0,38
-25 % -25 % -25 %
-36,6 % -81,3 % -75 % -40,3 %
0,329
-45,5 % -94,3 % -87,9 %
-14 % -6 % -17 %
-50 %
-66 %
Source : Agence Nationale du Médicament Vétérinaire, Rapport 2020
Quant à l'évolution de la résistance, les résultats montrent une diminution des résistances aux C3G/C4G et aux fluoroquinolones chez les souches de E. coli isolées d'infections dans les différentes espèces animales notamment depuis 2011, qui s'est poursuivie en 2016 jusqu'en 2020.
[66]
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evolution par rapport à 2016
taux d'exposition (ALEA)
taux d'exposition (ALEA)
taux d'exposition (ALEA)
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Surveillance du niveau de résistance d'E. Coli aux ATB critiques Graphique 2 : Résistance aux Céphalosporines C3G C4G
Source : RA Résapath 332020 : Évolution des proportions de souches de E. coli non-sensibles au ceftiofur (I+R) (2006-2020)
Graphique 3 : Résistance aux Fluoroquinolones
Source : RA Résapath 2020 Evolution des proportions de souches de E. coli non sensibles (I+R) à l'enrofloxacine ou à la marbofloxacine chez les bovins, porcs, volailles, chiens, chats et chevaux (2008-2020)
Surveillance de la résistance d'E. coli à d'autres ATB
Le Résapath (Réseau de surveillance de l'ABR des bactéries pathogènes d'origine animale) surveille l'évolution des ABR chez l'ensemble des espèces animales en France. Il est dédié à la surveillance des résistances chez les bactéries responsables d'infections, et suit notamment les tendances d'évolution de l'ABR chez les bactéries d'importance en santé animale (dont Escherichia coli). Ces indicateurs sont publiés chaque année.
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La tendance depuis 2011 jusqu'à 2020 est à la stabilisation ou à une légère baisse34. Une vigilance est à apporter pour les chevaux, chiens et chats, pour lesquels une inversion récente de tendance est observée pour certains ATB.
[67]
Graphique 4 : Surveillance de la multi résistance35 chez E. coli
Source : RA Résapath 2020
Pour la plupart des espèces animales, une évolution très positive de la situation est observée depuis 2011, avec une augmentation significative des proportions de souches de E. coli pansensibles36 et une réduction significative des proportions de souches multirésistantes. Une vigilance est à apporter pour les chevaux.
[68]
Conformément à la Directive 2003/99/CE chaque État membre doit surveiller l'ABR des agents zoonotiques isolés au stade de la production primaire et de la chaîne alimentaire. La surveillance d'E. coli BLSE sur les viandes de volailles, réalisée dans ce cadre par les laboratoires de l'Anses, montre qu'entre 2016 et 2018, la prévalence des E. coli BLSE/AmpC (pourcentage de prélèvements contenant des E. coli BLSE/AmpC) isolées de la viande de poulet au stade de la distribution a diminué de -58,3 %37,dépassant l'objectif fixé par Ecoantibio2 (-50 % sur 5 ans).
[69]
Les avancées dans la lutte contre l'ABR en santé animale sont réelles grâce aux mesures mises en oeuvre dans le cadre des plans Ecoantibio, articulés à la Feuille de route 2016. Le suivi des indicateurs montre une baisse rapide du volume des ventes et de l'ALEA de 2011 à 2016, puis une baisse qui se poursuit plus lentement pour atteindre un plateau.
[70]
26 7 ATB représentant 5 familles sont analysés pour chaque catégorie d'animaux. 35 Multirésistance définie comme la résistance acquise à au moins trois ATB parmi : ceftiofur, gentamicine, tétracycline, triméthoprime-sulfamide, enrofloxacine (ou marbofloxacine). 36 Sensible à tous les ATB testés 37 Anses, Rapport LNR Résistance antimicrobienne. Antibiorésistance des bactéries zoonotiques et commensales isolées chez les animaux producteurs d'aliments et leurs denrées. Bilan de surveillance 2014-2020. Novembre 2021.
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1.2.2.3 Si les progrès accomplis ont été considérables, les marges de manoeuvre seront sans doute plus réduites à l'avenir
Des efforts importants ont été consentis par l'ensemble des acteurs, notamment les vétérinaires et les éleveurs. Il est crucial que ces efforts soient maintenus, tout en prenant en compte la nécessité pour les vétérinaires de disposer d'un arsenal thérapeutique suffisant leur permettant d'apporter les soins adaptés aux différentes espèces animales, dans le respect du bien-être animal (cf. infra 2.4). Pour maintenir leur motivation, il n'apparaît pas souhaitable à ce stade d'imposer des contraintes réglementaires supplémentaires. L'objectif n'est globalement plus de moins consommer d'ATB, mais de mieux prescrire, dans le respect du bien-être animal.
[71]
Si des progrès importants ont été réalisés, les marges de manoeuvre pour limiter l'utilisation des ATB se réduisent désormais. Ainsi, la courbe décrivant la baisse de consommation d'ATB montre une diminution rapide de 2010 à 2016, puis plus lente jusque 2020, où elle atteint un plateau. Au départ, le niveau de consommation d'ATB étant élevé, les premiers -37 % ont été obtenus plus facilement que les derniers -8 %. L'ALEA montre la même tendance, indiquant des progrès rapides lors d'Ecoantibio 1, puis plus lents lors d'Ecoantibio 2, où la baisse se poursuit mais plus lentement.
[72]
Les ATB utilisés actuellement correspondent essentiellement à des besoins réels pour traiter les pathologies animales. Restreindre ces volumes rendrait le soin des animaux difficile, ce qui pourrait entraîner des risques d'atteinte à la protection animale. La maîtrise de la consommation ne pourra être assurée qu'en limitant l'apparition des pathologies et en maintenant l'usage raisonné des ATB.
[73]
Les professionnels peuvent, lorsque cela est nécessaire, améliorer leurs pratiques si des outils d'auto-évaluation et d'aide au diagnostic sont mis à leur disposition. Certaines filières nécessitent une attention particulière, des opérations de communication, de la formation : chevaux, carnivores domestiques. Certaines autres ont engagé de profondes réformes qu'il convient d'encourager : veaux, chevreaux, agneaux.
[74]
Pour l'ensemble des acteurs, il est important que les efforts accomplis et les bons résultats obtenus fassent l'objet d'une communication positive à destination du grand public. Les avancées constatées à ce jour seront consolidées si le maillage des vétérinaires ruraux est préservé, et la motivation des éleveurs maintenue grâce à une valorisation économique des productions agricoles suffisante pour tenir compte des efforts consentis.
[75]
1.2.3
Des résultats en santé humaine en demi-teinte, mais des avancées structurantes qui devraient être amplifiées par la nouvelle stratégie de prévention des infections et de l'antibiorésistance
1.2.3.1 Les progrès accomplis dans la lutte contre l'ABR restent en-deçà des objectifs assignés, particulièrement dans le domaine des soins de ville et des établissements médicosociaux
Pour une part importante, la lutte contre l'ABR repose sur la maîtrise de la consommation d'ATB. Combinant usage raisonné et meilleure observance d'une part, prévention et contrôle des infections, d'autre part, cet objectif implique plusieurs types d'acteurs (prescripteur, dispensateur, patient) ciblés par des stratégies d'intervention différenciées, en fonction d'écosystèmes (hôpital, ville, médico-social) en interaction croissante du fait du virage ambulatoire.
[76]
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La feuille de route propose une gamme de leviers destinés à agir de manière synergique sur l'ensemble de ces champs et acteurs, avec des moyens d'importance variable et des actions plus ou moins structurées dans chacun des secteurs ; pour la PCI, elle s'appuie largement sur le Propias, mais elle explicite plus précisément les actions nécessaires au BUA.
[77]
Les données disponibles -notamment la consommation d'ATB et l'évolution des résistancespermettent d'éclairer la portée de certaines actions conduites. Ces indicateurs montrent un impact en demi-teinte de la feuille de route, au regard de l'objectif de réduire de 25 % la consommation d'ATB en santé humaine ; cet objectif découlait du positionnement relatif de la France dans les publications du centre européen de surveillance des maladies (ECDC) qui montraient des consommations françaises d'ATB (ville et hôpital) 30 % au-dessus de la moyenne européenne, la consommation en ville étant toutefois 7 fois supérieure aux hôpitaux... et les différences régionales parfois marquées. Le rapport de l'IGAS de 2016 « Contribution à l'évaluation de la mise en oeuvre du plan d'alerte sur les antibiotiques 2011-2016 »38 avait pointé la nécessité de cibler le poids dominant du secteur ambulatoire.
[78]
Bien que significative en durée longue, la baisse de la consommation des ATB (ville et hôpital) demeure insuffisante au regard des attentes, particulièrement en comparaison de la diminution de moitié en santé animale dans les dix dernières années.
[79]
Graphique 5 :
Consommations d'ATB (ville/hôpital) de 2000 à 2017 en DDJ39
Source : Mission, d'après données ANSM
Après une baisse nette (surtout chez les enfants) de la consommation d'ATB entre 2002 et 2004, en lien avec la mise en oeuvre de plans de communication40, suivie d'une phase de plateau pendant quelques années, une reprise à la hausse est observée de 2010 à 2016 sans que les consommations ne retrouvent toutefois leur niveau de 2000. En 2016, date de mise en place de la FDR, la diminution observée depuis l'année 2000 se situe aux alentours de 10 %. L'année qui suit (2017) voit la consommation repartir à la baisse41.
[80]
Rapport N°2016-082 R, C Carsin et L Gratieux. Défini par l`OMS, l'indicateur doses définies journalières pour 1000 habitants et par Jour (DDJ), ou posologie standard pour un adulte de 70 kg, permet de calculer, à partir du nombre d'unités vendues, et en fonction du nombre d'habitants, la consommation de chaque molécule. À partir de 2018, l'adoption d'un nouvel indicateur « doses journalières » plus proche des pratiques introduit une solution de continuité, les valeurs étant plus basses que celles publiées les années précédentes en raison d'une actualisation de la valeur de la dose journalière pour les antibiotiques les plus consommés en France. 40 Trends in Antibiotic Consumption and Resistance in France Over 20 Years: Large and Continuous Efforts but Contrasting Results, J. Carlet and al., Open forum infectious disease, oct. 2020. D'après les auteurs, à partir de 2006, les fluctuations concerneraient surtout la ville, les consommations semblant assez stables à l'hôpital. 41 Il n'est pas possible de prolonger cette courbe au-delà du fait d'un changement d'indicateur DDJ adopté en 2018.
38 39
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Exprimées en tonnage (cf. graphique ci-dessous), l'évolution des ventes globales d'antibiotiques à partir de 2016 confirme cette tendance à la baisse au moins pour 2017 et 2018, 2019 voyant une reprise à la hausse et 2020 se caractérisant par une diminution importante, mais atypique, de la consommation d'ATB en ville du fait de la CoViD42.
[81]
Graphique 6 : Évolution des ventes d'ATB de 2016 à 2020 exprimées en tonnes
1000 800 600 400 200 0 2016 2017 2018 2019 2020
Source : Données annuelles « Antibiotiques et résistance bactérienne en France » ANSM/SpF/Anses/Assurance maladie
Une analyse plus fine par secteur montre que, de 2016 à 2019 :
les établissements de santé (ES) ont vu leur consommation d'ATB diminuer d'environ 10 %43 (avec des variations selon les ES et les secteurs d'activité) ; en ville, les indicateurs de suivi des rémunérations sur objectifs de santé publique (ROSP) ciblés sur l'antibiothérapie révèlent une moindre réduction du nombre de traitements ATB prescrits aux patients de 16 à 65 ans sans ALD (-7 %), et des ATB générateurs d'antibiorésistance chez les adultes (-8,5 %) et les enfants (-13 % avant 4 ans, -7 % après 4 ans)44.
Concomitamment à ces baisses de consommation, les principaux indicateurs de résistances aux ATB affichent une légère diminution qui reste à confirmer. En établissements de santé, la production de bêta-lactamase à spectre étendu (BLSE), mécanisme de résistance aux céphalosporines de troisième génération (C3G) le plus fréquent, est considérée comme stable depuis 2017, après une période prolongée de hausse tous secteurs confondus45 (8,9 % des souches d'entérobactéries en 2018 / 8,5 % en 2019) tout comme le Staphylococcus aureus résistant à la méticilline -SARM- (15,1 % en 2018 / 14,9 % en 2020, sachant que l'on était à 27 % en 2005). En revanche, les entérobactéries productrices de carbapénémases (EPC) connaissent une hausse à surveiller46.
[82]
42 «
Cette baisse est liée à une moindre transmission des infections bactériennes en raison des confinements et de l'adoption des gestes barrières ainsi qu'à la diminution du nombre de consultations médicales, ces deux facteurs ayant contribué à la baisse du nombre de prescriptions (9,7 millions de prescriptions de moins que ce qui était attendu) », Bilan annuel Antibiorésistance, coordonné par SpF, novembre 2021. 43 Consommation d'antibiotiques et antibiorésistance en France en 2019, Santé publique France, 2020 (consommation exprimée en doses définies journalières rapportée au durées de séjour). 44 Rapport charges et produits CNAM 2021 (consommation exprimée en nombre de traitements). Voir aussi, la synthèse préliminaire des données disponibles sous Géodes qui montre une orientation à la baisse des DDJ pour tous les groupes d'âge (sauf les 75-84 ans dont la DDJ demeure stable) sur la période 2016-2019 (La consommation d'antibiotiques en secteur de ville 2000-2019, SpF, 2020). 45 Dans l'article du Dr Carlet cité plus haut, la résistance E. Coli aux C3G via BSLE a augmenté, tous secteurs confondus, de 2 à 12 % entre 2001 et 2013 pour se stabiliser ensuite. 46 Mission nationale de Surveillance et Prévention de l'AntibioRésistance en Établissement de Santé (SPARES) : Actualités, résultats et perspectives, Journée signalement / surveillances du CPias Occitanie, REPIAS/SpF, 4 mars 2021.
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Entre 2015 et 2019, dans le secteur des soins de ville, on observe une diminution tendancielle de la résistance aux C3G (de 4,2 % à 3,4 %), du pourcentage de souches productrices de BLSE (de 3,7 % à 3,0 %) et du pourcentage de résistance aux fluoroquinolones (de 12,5 % à 11,0 %), même si ces indicateurs enregistrent une légère hausse en 201947. Sur la même période, chez les patients résidant en EHPAD, la résistance aux C3G chez E. Coli et aux fluoroquinolones, plus importantes qu'en ville, ont diminué (respectivement de 11,1 % à 9,9 % et de 26 % à 19,5 % pour les EHPAD hors ES, de 11,4 % à 9,8 % et de 21,8 % à 17,9 % pour les EHPAD en ES.48).
[83]
À l'hôpital, où des progrès notables ont été accomplis en matière de prévention et de contrôle des infections (PCI)49 le bon usage des ATB peut néanmoins encore progresser comme en témoignent notamment certains indicateurs50 ou résultats d'enquête51. Par ailleurs, des clusters hospitaliers montrent des zones de vulnérabilité résiduelles en termes de prévention et de lutte contre les bactéries multirésistantes (vétusté des locaux, nombre insuffisant de chambres seules, mésusage des biocides, limites du bio-nettoyage, ...). Le virage ambulatoire pose pour sa part de nouveaux défis, avec des durées moyennes de séjour plus courtes et des passages de relais hôpitalville parfois sensibles (en post-chirurgical), qui constituent des points de fragilité à investir.
[84]
En ville, les résultats mitigés tiennent sans doute à plusieurs facteurs (cf. § 2.5) : mobilisation encore insuffisante des médecins généralistes, sous-utilisation des tests permettant de guider la prescription, diminution des DMS à l'hôpital reportant une partie des prescriptions sur la ville, rôle encore balbutiant des pharmaciens dans le recours au test rapide d'orientation diagnostique (TROD) angine et la délivrance à l'unité, comportements d'une partie de la patientèle dont l'attente d'ATB peut susciter des prescriptions inutiles et/ou qui ne respecte pas toujours le cadre de la prescription (automédication, mauvaise observance). Ce bilan est également lié à l'insuffisante prise en compte d'autres activités : intégrés tardivement au déploiement de la feuille de route, les chirurgiensdentistes, qui représentent 10 % des prescriptions d'ATB en ville, contribuent, de leur propre aveu, à un usage insatisfaisant des ATB, étant de gros prescripteurs52 insuffisamment formés, peu mobilisés sur ce sujet non central de leur pratique et faiblement accompagnés.
[85]
Enfin, les établissements et services médico-sociaux (ESMS) seraient, pour certains acteurs rencontrés par la mission, « les grands oubliés » de la lutte contre l'ABR, du fait du manque de formation et de prévention, propice à la dissémination par portage asymptomatique de bactéries multirésistantes. En tout état de cause, ils constituent un champ d'acquis plus fragiles du fait de leur nombre, de leur dispersion et de leur hétérogénéité, les interactions multi-professionnelles et l'aide PCI/BUA y étant beaucoup moins développées, alors que les prescriptions d'ATB en EHPAD y sont
[86]
Antibiorésistance en France en 2021 : une menace sous surveillance, Surveillance nationale de la résistance aux céphalosporines de 3eme génération et aux fluoroquinolones des isolats urinaires d'Escherichia Coli en soins de ville : tendances 2015-2019 en France, BEH 18-19 page 336, 16 novembre 2021. 48 Sources mission PRIMO et SPARES (REPIAS/SpF). 49 D'après la Société française d'hygiène hospitalière (SF2H), la prévalence des IAS liés à l'endoscopie estimée à 10 % dans les années 90, a diminué pour se fixer aux alentours de 5 % depuis une dizaine d'années dans un contexte d'altération du système de soins ; les pratiques continuent à s'améliorer malgré de nombreuses contraintes (turn over, augmentation de l'activité ...) 50 Le « taux de patients ayant une prescription d'antibiothérapie de 7 jours ou moins pour infection respiratoire basse » montre, dans 30 % des cas, une durée à 7 jours, soit trois plus que l'objectif de 10 % assigné. 51 La majorité des professionnels hospitaliers ne se sentiraient pas suffisamment armés pour lutter contre l'ABR ; seule une minorité aurait connaissance qu'il existe dans leur établissement des outils ou mesures pour améliorer l'usage des ATB : sessions de formation au BUA, staff cas clinique, renforcement de la formation universitaire, protocoles de spécialité ou recommandations sur l'antibiogramme, Évaluation des opinions des prescripteurs sur le conseil antibiotique dans leur hôpital, projet mené conjointement par l'équipe DeSCID (INSERM UMR 1137 Unité IAME) et l'Hôpital Bichat, septembre 2017 52 Aux dires d'experts, la prescription d'ATB dans ce secteur d'activité aurait même augmenté de 10 % dans la dernière décennie dans un contexte d'amélioration de l'accès aux soins dentaires expliquant une partie de cette hausse
47
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particulièrement élevées53. Cette carence avait pourtant déjà été soulignée par le rapport de l'IGAS de 2016 cité supra. Si la crise CoViD y a enclenché une dynamique favorable sur la PCI et sur le bon usage des ATB, qu'il faut pérenniser en tenant compte de leurs spécificités (lieux de soins et de vie), il reste à sensibiliser les professionnels non médicaux du domicile (auxiliaires de vie, aides-soignants) ; les besoins de sensibilisation aux gestes barrières dans le cadre des interventions à domicile et les services hors établissement restent en effet importants54.
[87]
Ces constats donnent le sentiment que trop peu d'avancées ont eu lieu en médecine de ville et en établissements médico-sociaux depuis le bilan critique de l'IGAS de 2016.
[88]
1.2.3.2 Des avancées structurantes déterminantes mais à conforter
Cette atteinte partielle des objectifs de baisse de la consommation et des résistances ne doit cependant pas occulter les avancées structurantes liées au déploiement de la feuille de route, qui constituent autant de leviers pour moins et mieux prescrire. Ainsi, les objectifs visant la formation sont pour la plupart atteints (socle de compétences pour formation initiale à décliner par profession de santé, MOOCs) ou en cours de développement, de manière plus marquée pour les étudiants en médecine et en école vétérinaire que pour les autres (chirurgiens-dentistes). Des fiches pratiques et des guides de recommandations permettant de cibler les pratiques/exercices les plus exposés ont également été produits (cf. fiche mesure 3 action 4).
[89]
L'objectif de mieux sensibiliser et d'aider les médecins au bon usage des ATB est aussi en bonne voie. L'accompagnement des généralistes dans leurs pratiques de prescription a fait l'objet d'une expérimentation en région sur laquelle l'Assurance maladie s'appuie pour refondre le dispositif de suivi des prescriptions dans le cadre de la rémunération sur objectifs de santé publique (ROSP), en améliorant son attractivité, sa praticité et son efficience55. Parallèlement, l'usage des tests permettant de guider la prescription d'ATB se déploie après un ralentissement lié au contexte pandémique. Les TROD angine sont désormais disponibles en pharmacie et chez le médecin avec trois circuits d'utilisation possibles (cf. fiche mesure 3). Et la mise en place de l'antibiogramme ciblé permettant d'adopter les stratégies les plus adaptées au contexte de l'infection et à la sensibilité aux ATB des germes impliqués avance, malgré les difficultés techniques liées à son implémentation (fiche mesure 4 action 9). En complément de ces mesures pour mieux prescrire, la délivrance à l'unité des ATB en santé humaine (DAU) est rendue possible à compter de février 2022 dans les officines pour tous les ATB disponibles per os avec accompagnement en termes d'information et de sensibilisation. Ces avancées devraient être amplifiées par la nouvelle stratégie de prévention des infections et de l'antibiorésistance 2022-2025 (SPIA)56.
[90]
Bien que des efforts doivent encore être faits pour renforcer leur action en direction des médecins généralistes, les centres régionaux d'antibiothérapie (CRAtb) sont par ailleurs en place dans la moitié des régions, en dépit de la moindre disponibilité des ARS ces deux dernières années ;
[91]
Sur la période 2015, 2016 et 2017 l'étude RESID-EHPAD a montré qu'au cours de l'année, 58 % des résidents avaient eu au moins une prescription d'ATB et que le tiers avaient eu au moins une prescription d'ATB générateurs d'antibiorésistance. 54 A cet égard, le Cpias des Hauts-de-France investit particulièrement ce champ des interventions à domiciles en proposant des sensibilisation/formation PCI des personnels non soignants (auxiliaires de vie). 55 Restitution périodique de profils de prescription, passage des délégués de l'assurance maladie (mesure 4, action 11) 56 Notamment, formation initiale et continue des professionnels de santé incluant sages-femmes et chirurgiens-dentistes, utilisation des tests d'orientation diagnostique dont TROD angine et bandelettes urinaires, promotion des recommandations de bonnes pratiques portant en particulier sur la durée courte.
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des incertitudes persistent néanmoins, liées à leur mode de financement et aux difficultés à recruter des infectiologues et des médecins généralistes à temps partiels. Enfin, les outils de pilotage de la stratégie de lutte contre l'ABR se sont significativement renforcés à partir de 2018 avec la structuration des réseaux de surveillance sous pilotage de Santé Publique France (SpF) : les missions nationales SPARES pour les ES et PRIMO pour la ville/EHPAD consolident l'information des CPias sur les souches bactériennes résistantes et SpF s'appuie sur le système national des données de santé (SNDS) pour suivre la consommation d'ATB. La mise en oeuvre de la SPIA et le nouvel appel d'offres pour les missions nationales en 2022 devraient permettre de renforcer cette surveillance en y associant le nouveau réseau de CRAtb. La nouvelle stratégie prévoit également la production complémentaire d'indicateurs de pertinence de la prescription d'ATB sur les trois secteurs.
[92]
Également déterminantes pour mieux cadrer l'usage des ATB, les actions de sensibilisation du grand public, à commencer par le public jeune. Il est essentiel de préparer les futures générations à une problématique de santé publique qui pourrait s'avérer de plus en plus prégnante dans un horizon proche ; le retour d'expérience de la crise CoViD confirme l'intérêt d'une politique de promotion de la santé en direction des publics jeunes. La précédente feuille de route a pu s'appuyer sur un outil spécifique, e-Bug, développé au niveau européen, pour initier l'éducation à l'antibiorésistance des jeunes57 (cf. fiche mesure 2). La pérennité de ce site, dont le succès ne se dément pas58, doit pouvoir être assurée par un budget stable à moyen terme, de façon à permettre son développement, et à favoriser la production de ressources nouvelles dans une logique « Une Seule Santé », pour les enfants de moins de six ans, désormais visés par la nouvelle SPIA 2022-2025, et pour les élèves de lycées professionnels. Au-delà du cadre scolaire, il importe de sensibiliser à l'hygiène d'autres secteurs professionnels que celui du soin, en y associant un renforcement de l'éducation du patient/usager (fiche mesure 6).
[93]
Au total, si on observe en santé humaine une tendance à la baisse encourageante dans les dernières années, l'objectif de diminution de 25 % de la consommation globale d'ATB n'est pas atteint. Les efforts doivent donc être poursuivis à l'hôpital, mais surtout dans le secteur des soins de ville, où se consomment 90 % des antibiotiques (dont une partie notable serait inutile ou inappropriée) et où les interventions visant à moins et mieux prescrire sont paradoxalement les plus problématiques à mettre en place, pour des raisons combinant complexité du cadre (les comportements de prescription, de délivrance et de consommation en ville sont plus difficilement régulables qu'à l'hôpital), moindre investissement du sujet et sous-dimensionnement des moyens d'actions.
[94]
1.2.4
Des actions encore insuffisamment documentées et soutenues en matière environnementale pour avoir un impact dans la lutte contre l'antibiorésistance
La mise en oeuvre de la feuille de route dans le domaine environnemental est modeste, d'autant plus que son ambition initiale n'est pas relayée par le quatrième plan national de santé environnement (PNSE4). Cette situation est principalement liée à l'insuffisance des connaissances scientifiques en matière de résistance et de transmission dans l'environnement, entretenue par la faiblesse des moyens consacrés à la recherche. Elle est également le fruit d'une surveillance très
[95]
La France est l'un des rares pays européens où les mécanismes évolutifs de l'antibiorésistance et de son importance en santé sont inclus dans certains programmes scolaires. 58 E-bug a notamment connu un pic de connexion au moment de la crise Covid, soulignant le besoin d'un tel outil pour la communauté scolaire (enseignants, élèves et parents), à laquelle il apporte informations scientifiques et didactisme permettant aux enseignants de porter la promotion de la santé et d'interagir avec les élèves et leurs parents.
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partielle des différents milieux, qui bute de surcroît sur des difficultés techniques de mesure, et qui n'investigue pas suffisamment le rôle des biocides dans l'accroissement de la résistance aux antibiotiques.
1.2.4.1 La feuille de route comporte une dimension environnementale réelle dont la mise en oeuvre est cependant modeste.
La feuille de route a bien intégré la dimension environnementale dans son principe (l'environnement est cité dans 10 mesures sur 13), mais l'ensemble des actions concernées (moins de 50 % des 40 actions) a peu avancé dans ce domaine depuis 2016. L'environnement est le parent pauvre de la dimension « Une Seule Santé » de la feuille de route.
[96]
Au bout de cinq années de la FDR, développer la surveillance et les indicateurs environnementaux demeure un enjeu majeur, après les progrès en santé humaine dans les années quatre-vingt-quatre-vingt-dix et les résultats très favorables obtenus en santé animale ces 20 dernières années. Mais il faut préalablement étayer de manière plus opérationnelle le lien entre antibiorésistance et environnement et normaliser les mesures et harmoniser les méthodes (cf. infra propositions du rapport Anses59). L'analyse des impacts croisés entre biocides et antibiotiques est par ailleurs un sujet qui mérite d'être approfondi.
[97]
Différentes initiatives relevant encore le plus souvent de la recherche cherchent à conforter progressivement ce pan plus fragile de la surveillance de l'antibiorésistance. De nombreux travaux de recherche, fédérés au sein du groupe AMR ENV du projet PROMISE60, visent à conforter la compréhension des acquisitions et transmissions environnementales d'antibiorésistance, de façon à fonder des objectifs de surveillance pertinents. En attente, un recueil systématique de présence d'antibiotiques dans les eaux de surface pourrait découler de l'inscription en août 202061 de deux ATB dans la liste dite de vigilance62 préparant les évolutions de la liste des substances à analyser dans le cadre de la directive cadre sur l'eau ; ciprofloxacine et sulfaméthoxazole seront ainsi surveillés en 2022.
[98]
La communication reflète le défaut de surveillance : il n'existe pas de publication de données en routine sur ce secteur.... Depuis 2018, la publication annuelle sur l'antibiorésistance intègre toutefois progressivement des informations sur l'environnement. Pour la première fois, en 2021, elle apporte des données sur la présence d'antibiotiques ou de bactéries résistantes dans les sédiments fluviaux, à partir de travaux conduits sur la Seine. Il s'agit cependant d'éléments tirés de recherches citées par le rapport Anses, et non de données produites en routine.
[99] [100] D'autres actions de la feuille de route ont insuffisamment pris en compte la dimension
environnementale et/ou développement durable : le PPR en particulier n'accorde qu'une place réduite à la dimension environnementale dans l'attribution des projets (mesure 7).
État et causes possibles de la contamination des milieux en France par les antibiotiques, les bactéries résistantes aux antibiotiques et les supports génétiques de la résistance aux antibiotiques (avis de l'Anses, Rapport d'expertise collective, Novembre 2020). 60 Promise est un projet de métaréseau qui a l'ambition d'identifier et de mettre en relation les réseaux professionnels et universitaires existants dans le champ environnemental de l'ABR pour favoriser les échanges scientifiques et optimiser les démarches de recherche et de surveillance. C'est un des projets structurants financés dans le cadre du PPR Antibiorésistrance 61 Liste révisée en août 2020. 62 Avant inscription définitive dans la liste des substances à surveiller par tous les États.
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[101] Cette situation est en grande partie liée à l'absence de déclinaison sectorielle de la feuille de
route, en particulier dans le Plan national santé environnement.
1.2.4.2 L'enjeu de l'antibiorésistance n'est pas identifié par le PNSE4 et rarement dans les principaux plans que met en oeuvre le ministère de la transition écologique.
[102] Les liens entre ABR et environnement auraient pu trouver un cadre approprié dans le plan
national santé environnement (PNSE).
[103] Le PNSE3 n'avait pas prévu d'action spécifique relative au phénomène d'antibiorésistance.
Seule la feuille de route de transition écologique (FRTE) de 2016 traitait cette problématique émergente à travers les effets des antibiotiques et des produits sur l'environnement et les milieux aquatiques. Le groupe de travail « santé et biodiversité » du PNSE a intégré ce sujet dans ses travaux et a présenté les actions mises en oeuvre dans les différents bilans annuels du PNSE3 et dans le bilan final, sous forme d'une annexe dédiée. Le PNSE3 s'est achevé en 2020 et le plan suivant PNSE4 n'intègre pas cette dimension.
[104] Le PNSE4 est un plan chapeau, qui identifie des axes prioritaires pour la meilleure prise en
compte des problématiques de santé environnementale dans la recherche, l'expertise et la décision publiques, en France et en Europe, et renvoie à une trentaine de plans sectoriels63. Il agrège des plans qui sont souvent rédigés en réaction à des événements sanitaires médiatiques (amiante, chlordécone, santé au travail, chlore-éthylène dans les pressings, etc.). Il intègre la logique « Une Seule Santé » sur des thèmes spécifiques (exposition aux polluants, nuisances sonores, légionelloses, etc.), indépendamment de la feuille de route interministérielle pour la maîtrise de l'antibiorésistance qui est simplement mentionnée, comme PROPIAS, sans plus d'interactions.
[105] Le thème santé et biodiversité a disparu du PNSE4 alors même que l'actualité montre sa
pertinence sur deux aspects : la baisse de biodiversité, menace pour la santé humaine, et la biodiversité, solution pour lutter contre les pathologies ou diminuer l'utilisation de substances chimiques intervenant dans l'exposome64. Est toutefois mise en avant l'approche « Une Seule Santé » qui pourrait accueillir ultérieurement des développements sur l'antibiorésistance.
[106] En ce qui concerne les autres plans du ministère de la transition écologique (MTE), la direction
de l'eau et la biodiversité (DEB) surveille les milieux aquatiques uniquement dans le cadre d'application de la directive cadre sur l'eau qui n'intègre pas les antibiotiques (hors la liste de vigilance) ni les gènes d'ABR. Le plan micropolluants65 (2016-2021), qui sera révisé en 2022, pourrait intégrer de nouvelles actions fléchées sur la thématique, si elles sont en lien avec la protection des milieux aquatiques.
[107] Côté biodiversité, le plan dévoilé le 4 juillet 2018 n'intégrait pas d'action spécifique sur
l'antibiorésistance, mais il renforçait la prise en compte des enjeux de biodiversité dans les politiques de santé humaine, animale et végétale. Ainsi les actions 27 et 29 du plan visent à documenter une synthèse nationale sur les substances d'intérêt majeur de par leur impact sur le vivant et à encadrer la mise à disposition des produits biocides ; et l'action 28 promeut le développement de travaux de recherche sur l'imprégnation des milieux naturels en antibiotiques vétérinaires et humains et
Tel que par exemple plan micropolluants, plan santé travail, stratégie sur les perturbateurs endocriniens II, plan amiante... 64 L'exposome s'entend comme la totalité des expositions auxquelles un individu est soumis, de sa conception à sa mort. 65 Micropolluants : ensemble de substances qui, en raison de leur toxicité, de leur persistance, de leur bioaccumulation, de leur très faible concentration dans l'eau (de l'ordre du nanogramme ou du microgramme par litre) sont de nature à engendrer des nuisances. Les antibiotiques pourraient intégrer cette définition.
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microorganismes résistants, les liens entre fonctionnement des écosystèmes et développement des mécanismes de résistance, les effets bénéfiques de la biodiversité, de la santé des écosystèmes et de la préservation des milieux naturels pour la prévention et la lutte contre les maladies, enfin l'utilisation de la biodiversité végétale comme alternative à l'utilisation de produits phytosanitaires. En 2022, les objectifs de la stratégie nationale de la biodiversité 2030 concourent à l'atteinte des objectifs du PNSE. Ils visent notamment à comprendre et réduire les risques liés aux substances chimiques, aux agents physiques (bruit ou ondes) et aux agents infectieux en lien avec les zoonoses, c'est-à-dire les pathologies qui peuvent se transmettre de l'animal à l'homme. Une mission en cours définira le dispositif fiscal et financier de cette stratégie.
[108] Au total, le MTE n'intègre qu'à la marge dans ses préoccupations la lutte contre
l'antibiorésistance, sans fédérer celle-ci dans un programme transversal identifié. Les antibiotiques ne sont pas identifiés comme une source directe de problèmes de santé environnementale. Mais c'est principalement l'insuffisance des connaissances des mécanismes d'acquisition et de transmission de l'antibiorésistance qui nuit à la définition de plans d'action.
1.2.4.3 L'insuffisance des connaissances des mécanismes de transmission de l'antibiorésistance a cependant conduit à développer des revues de littérature scientifique, puis une étude de l'Anses dont les recommandations constituent un bon socle pour l'action en matière de recherche et de surveillance.
[109] Pour progresser dans ce domaine, le MTE a fait procéder à la réalisation de revues
systématiques de la littérature scientifique (biodiversité et maladies infectieuses) ou d'études spécifiques (crises sanitaires faisant intervenir la faune sauvage). Un projet confié en 2016 à un consortium de laboratoires (université de Limoges, INRA, etc.) représenté par le Pr Andremont (APHP, Inserm) a permis de réaliser une cartographie systématique sur les déchets et une métaanalyse sur certains traitements (présenté au colloque interministériel annuel sur l'antibiorésistance le 14 novembre 2018). Un résumé de 8 pages a été rendu et adressé aux trois ministères en charge des stations de traitement et les résultats ont fait l'objet d'une publication dans la revue «Environmental Evidence » en 201866.
[110] En 2019, l'Inserm a conduit une revue systématique de la littérature scientifique portant sur
les stratégies de réduction de l'usage des antibiotiques, les traitements des eaux usées et déchets organiques, et la gestion des milieux naturels. La majorité des études relatives aux traitements des effluents liquides/solides a été conduite en Chine et concerne les eaux usées. En effet, les stations d'épuration réduisent les bactéries résistantes et les gènes de résistance. Les gènes de résistance aux sulfonamides, aux tétracyclines et aux macrolides sont les plus mesurés en tant que marqueurs d'antibiorésistance, puis les éléments génétiques mobiles (intégrons) et enfin les bactéries résistantes. Selon cette méta-analyse, le compostage et le séchage ainsi que les traitements thermophiles (> 50°C)67 réduisent significativement l'abondance relative des gènes et des éléments mobiles.
[111] Les connaissances restent toutefois insuffisantes sur les relations entre l'usage des
antibiotiques et l'évolution de l'antibiorésistance dans l'environnement. Un état des lieux éclairant cette question a été produit par l'Anses dans son rapport cité supra afin de renforcer la prévention et la surveillance de l'ABR. Dans ce rapport, l'Anses a expertisé les voies d'introduction et la répartition
Goulas et al. (2018) What are the effective solutions to control the dissemination of antibiotic resistance in the environment? A systematic review protocol, Environmental Evidence volume 7, Article number: 3. 67 Spontanés pour le compostage et induits pour la digestion anaérobie.
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des sources de contamination par les antibiotiques, les bactéries résistantes aux antibiotiques (BRA) et les supports génétiques de la résistance68 dans les différents compartiments récepteurs de l'environnement (milieux aquatiques et terrestres) (voir annexe 2 Environnement).
[112] Pour l'ensemble des espèces bactériennes retenues, ce rapport établit que « peu de données
sont disponibles (bibliographie, rapports de recherche, bases de données). La faible contamination de l'environnement par la plupart des espèces bactériennes explique que la majorité des études concernent Escherichia coli et les entérocoques intestinaux : espèces bactériennes indicatrices de contamination fécale, ou de l'efficacité de traitement des effluents ». « Les principales sources d'émission d'ATB, de BRA et de GRA sont les déjections humaines et animales, en particulier des individus ayant été traités aux ATB (..). Ainsi, les principales sources de contamination de l'environnement par les ATB, les BRA et les GRA identifiées sont les eaux usées traitées issues des stations de traitement des eaux usées (STEU), les produits résiduaires organiques (PRO) qui regroupent notamment les effluents d'élevage (fumiers, lisiers) et les boues issues du traitement des eaux usées urbaines, enfin les eaux de pisciculture d'eau douce. Ainsi, les voies d'introduction et de répartition de ces sources de contamination dans les différents compartiments récepteurs de l'environnement considérés dans l'expertise sont les milieux aquatiques (eaux de surface, eaux souterraines et eaux littorales), les milieux terrestres (sols et flore - rhizosphère et phyllosphère -), et la faune sauvage ».
[113] En France, les concentrations en ATB dans les compartiments étudiés (eaux, sédiments,
sols) restent faibles comparativement aux pays dont les systèmes d'assainissement sont moins performants, ou aux régions industrielles des pays producteurs d'ATB (ex : Inde, Chine).
[114] Il existe par ailleurs de nombreuses incertitudes sur l'impact potentiel des sélecteurs sur
l'antibiorésistance dans l'environnement : « Les environnements terrestres ou aquatiques sont potentiellement multi-contaminés par les ATB, les éléments-traces métalliques (ETM), et biocides. Les mécanismes de co-sélection permettent d'envisager que la multi-contamination par les ATB, les ETM et les biocides pourrait favoriser l'apparition et le maintien de l'ABR ». L'émergence de nouvelles BRA porteuses de GRA augmente avec l'intensité de la contamination de l'environnement par les bactéries pathogènes et par les agents sélecteurs. En France, la présence d'ATB n'est pas suffisante pour favoriser la survie des BRA et la persistance des GRA dans l'environnement. L'état des connaissances sur l'impact des sélecteurs sur l'ABR est parcellaire. Toutefois, on peut dire que les activités anthropiques favorisent la diversification des gènes résistants aux antibiotiques et la dissémination des espèces bactériennes phylo-génétiquement modifiés.
[115] L'Anses a identifié un certain nombre de besoins de recherche (voir partie 2.3), mais les
moyens alloués sont limités. Le PPR porté par l'Inserm (doté de 40 M sur 8 ans) a pu financer des projets structurants avec une composante environnementale comme le méta réseau Promise et la plateforme ABRomics (avec un budget de 4 M pour les deux). Cependant, dans les onze projets de recherche retenus (avec une enveloppe de 25 M sur 8 ans) dans le cadre de l'appel à projet Antibiorésistance, seul le projet DYASPEO a une composante environnementale, les autres étant essentiellement tournés vers la santé humaine. On peut également mentionner 600 K pour le programme national de recherche Environnement-santé (PNREST) porté par l'Anses et 35 K dans le cadre de la revue systématique, versée sous forme de subvention du MTE entre 2017 et 2019.
[116] Le rapport de l'Anses a également montré que la surveillance bute sur deux difficultés
pratiques : la mesure de résidus en faible quantité et biodégradables dans l'environnement et la diversité des territoires. En effet, la présence des résidus d'antibiotiques dans l'environnement
68 Gènes de résistance aux antibiotiques et gènes associés (GRA) et éléments génétiques mobiles (EGM).
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porte sur des quantités souvent difficilement mesurables.69 Ainsi, si les antibiotiques les plus persistants (quinolones, fluoroquinolones, macrolides et sulfamides) sont les plus fréquemment quantifiés, les lactamines (qui sont les antibiotiques les plus consommés) sont rarement quantifiés dans l'environnement, car ils sont fortement dégradables. La surveillance doit également tenir compte, comme dans d'autres domaines, des spécificités de chaque territoire. Les dynamiques varient selon les régions et les contraintes locales. La situation particulière des collectivités d'outremer avait été identifiée dans le cadre du PNSE 3, du fait de l'ouverture à des pays fortement consommateurs d'antibiotiques. C'est un sujet majeur pour les territoires ultramarins, en particulier la Guyane ou La Réunion, cette dernière étant, par exemple, directement impactée par les infections d'Afrique de l'Est et d'Asie70.
1.2.4.4 Un lien entre biocides et antibiorésistance avéré est insuffisamment intégré par la feuille de route.
[117] La présence d'antibiotiques dans les milieux environnementaux en France n'explique pas à elle
seule les bactéries résistantes aux antibiotiques et la persistance des gènes de résistance aux antibiotiques. La présence de co-sélecteur(s), la diversité des communautés bactériennes et l'hétérogénéité des milieux, constituent des facteurs influençant leur dynamique spatio-temporelle.
[118] Les biocides, dont la présence dans l'environnement est plus abondante, constituent un autre
déterminant de l'antibiorésistance, avec des mécanismes proches. Évoquées dans le rapport d'expertise, ces informations sont confirmées par les mesures effectuées par l'observatoire SIPIBEL71 dans le bassin du site pilote de Bellecombe de 2011 à 2018 et plusieurs études portant sur les biocides et les désinfectants hospitaliers. Le projet SIPIBEL72 qui faisait suite au Grenelle de l'environnement (2007) et à plusieurs plans du MTE73, a mis en évidence l'impact significatif des détergents biocides (qui représentent plus de 50 % des intrants d'effluents, principalement urbains) sur l'antibiorésistance.
[119] Cette situation est particulièrement préoccupante lorsque l'on sait que la production
européenne de détergents et tensio-actifs s'élève à 2,45 millions de tonnes par an (source ANSMT ANSES 2013) et l'importance des usages, en milieu hospitalier, mais aussi dans de nombreux autres contextes professionnels ou domestiques. Tableau 2 :
1000 lits/an Détergents
Volumes annuels de biocides utilisés dans les hôpitaux
Désinfectants Savons, antiseptiques 7 à 10 m3 Lessive Détergents lave-vaisselle 4 tonnes
Volumes
5 à 10 m3
2 à 4 m3
13 tonnes
Source : Dr P. Carenco, 2021
Dans les périphytons et les sédiments des eaux de surface, les concentrations d'ATB sont inférieures à 100 ng.g.MS-1. À l'exception du sulfaméthoxazole, les antibiotiques ne sont que très rarement quantifiés dans les eaux souterraines. 70 Plus de 2 millions de passagers par an transitent par l'aéroport de La Réunion-Roland Garros. 71 Projet piloté par le groupe de Recherche, animation technique et information sur l'eau (GRAIE) en coopération avec l'ISA CNRS (développement analytiques), l'INSA Lyon (modélisation), l'université Paris Sud ENTPE - Provadems (estimation écotoxicité et du potentiel de perturbation endocrinienne), Limoges Inserm (caractérisation du potentiel d'antibiorésistance). 72 Cf. http://www.graie.org/Sipibel/presentation.html 73 PNSE 2 (2009-2013), plan national sur les micropolluants (2010-2013), plan spécifique sur les résidus de médicaments (2010-2015).
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[120] La progression de l'antibiorésistance environnementale est donc potentiellement liée aux
pratiques de désinfection. L'accumulation environnementale des détergents, antibiotiques et biocides (faiblement biodégradables), peut s'effectuer dans les deux secteurs d'émission des stations d'épuration : rejet hydrique (ammoniums quaternaires, biguanides/chlorhexidine) et boues (quinolones).
[121] Si on compare les consommations de biocides et d'ATB pendant l'année 2018 et leur impact
dans les rejets environnementaux, on constate que les tonnages de produits biocides vendus étaient 80 fois supérieurs aux tonnages d'antibiotiques (cf. Données SpF). De plus, la progression de l'antibiorésistance peut être liée aux pratiques de désinfection ou à des composés inducteurs d'ABR comme les ammoniums quaternaires74 ou le Triclosan (hexachlorophène) et autres organochlorés75. Il convient donc d'améliorer les pratiques de désinfection et d'utiliser des produits plus efficaces ou des méthodes alternatives aussi performantes.
[122] Dans le domaine alimentaire, la désinfection au chlore peut aussi générer de la résistance d'E.
coli, ce qui est une des raisons qui ont conduit à interdire l'importation en France et dans l'Union européenne de certaines volailles traitées de cette façon. La directive européenne n°518-2012 impose les critères suivants pour utiliser un produit biocide : produit suffisamment efficace ; aucun effet inacceptable sur les organismes cibles, en particulier une résistance ou une résistance croisée inacceptable ; pas d'effet sur la santé humaine et animale de ses résidus par voie directe et indirecte (eau potable, denrées alimentaires, aliments pour animaux) ; aucun effet sur l'environnement à cause de ses résidus.
[123] Par conséquent, une information permettant de former usagers et professionnels et un usage
raisonné pourraient éviter bon nombre d'effets indésirables.
1.3 Un contexte européen et international porteur que la feuille de route a cherché à mettre à profit, notamment en santé humaine et animale
[124] Inscrite dans une dynamique internationale forte, la feuille de route cherchait, y compris dans
ses composantes de recherche, tout à la fois à garantir une interaction fructueuse des chantiers nationaux avec les avancées européennes et internationales (action 36), à conduire des actions partenariales en direction des États à faible revenu (action 40) et à porter des actions prioritaires pour la France (cadre de développement des produits innovants, action 37, bon usage des antibactériens et notamment interdiction de leur usage comme promoteurs de la croissance en élevage, action 38, surveillance coordonnée des pathogènes animaux, action 39). La dynamique des actions européennes et internationales apparaît porteuse pour ces objectifs.
1.3.1
Une mobilisation continue de l'Union Européenne et des organisations internationales.
[125] Considérée par l'OMS comme l'une des menaces les plus sérieuses pour l'humanité, la
résistance aux antimicrobiens76 (RAM) nécessite que des mesures soient prises d'urgence dans de multiples secteurs pour que la réalisation des objectifs de développement durable ne soit pas compromise, en particulier ceux axés sur la santé et le bien-être, la réduction de la pauvreté, la
Premiers composants utilisés dans les désinfectants hospitaliers et agroalimentaires, à cause de leur propriété tensioactive et de leur faible coût de production (résidu de la pétrochimie). 75 Utilisés en cosmétique et associés aux détergents domestiques. Concentration maximale réglementée en Europe. 76 Concept plus large que l'ABR qui englobe, outre les résistances aux bactéries, celles concernant les virus, les parasites et les champignons
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sécurité alimentaire, l'environnement et la croissance économique. À l'échelle mondiale, les pays ont souscrit au cadre présenté dans le Plan d'action mondial pour combattre la résistance aux antimicrobiens, adopté en 2015 au cours de l'Assemblée mondiale de la Santé, approuvé par les organes directeurs de l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) et de l'Organisation mondiale pour la santé animale (OIE). La FDR en est la traduction pour la France.
[126] Le treizième programme général de travail de l'OMS (2019-2023) a identifié la RAM comme
une priorité pertinente dans le cadre de ses objectifs pour atteindre la Couverture Santé Universelle, résoudre les urgences sanitaires et promouvoir une meilleure santé des populations. En novembre 2021, le directeur général de la FAO a qualifié la RAM de « pandémie silencieuse ». Le plan d'action de la FAO contre la résistance aux antimicrobiens (2021-2025) définit le cadre et les objectifs applicables dans les secteurs de l'alimentation et de l'agriculture (ce plan est néanmoins moins ambitieux que le précédent et il ne s'agit ni d'un document de politique générale ni d'un document normatif). L'OIE établit pour sa part des normes, non contraignantes77, organise des formations dans plusieurs États membres et apporte des appuis pour améliorer les services vétérinaires.
[127] Fortement mobilisée sur la thématique de l'antibiorésistance, l'Union Européenne est un
élément moteur de la réflexion et des négociations avec les organisations membres de la Tripartite + (OMS, OIE, FAO + PNUD) et dans le cadre des travaux du G7 également très actif. Au sein de l'UE, la santé humaine relève toutefois en amont de la crise sanitaire- de la compétence des États membres. Les articles 6 et 168 du traité sur le fonctionnement de l'UE confèrent à l'Union une compétence pour appuyer, coordonner, compléter l'action des États membres et encourager leur coopération en faveur de la protection et de l'amélioration de la santé humaine. La commission est en revanche clairement habilitée à agir dans les domaines de la santé animale, de la sécurité alimentaire et de la recherche.
[128] Des travaux denses ont conduit notamment aux conclusions du Conseil de l'UE 2019 pour faire
de l'UE une région de pratiques d'excellence dans la lutte contre la résistance aux antimicrobiens. L'UE mène actuellement pour la première fois une analyse globale des plans nationaux, dont la FDR (disponible à l'été 2022). Le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC) publie également un rapport régulier de surveillance.
[129] L'action dynamique de la France, portée dans le cadre de la mesure 13 de la feuille de route,
est reconnue. Des travaux importants, coordonnés par la France, ont été conduits dans le cadre de l'action conjointe 2017-2021 sur la résistance aux antimicrobiens et les infections associées aux soins (EU-JAMRAI). Un deuxième projet EU-JAMRAI est envisagé. Sur proposition de la France, l'UE et l'OMS ont accepté de soutenir le projet PARS78, soumis dès 2017, qui a pour objectif de déterminer les causes des pénuries d'antibiotiques humains et vétérinaires sur le marché en France, et d'identifier des mesures pour y remédier. Ce projet pourra ensuite déboucher sur des propositions concrètes au niveau européen et international. La France s'est également investie pour obtenir de grandes avancées au Codex alimentarius piloté par la FAO et l'OMS, lors de négociations du groupe de travail antibiorésistance en octobre 2021, qui ont abouti à de nouvelles directives sur le suivi et la surveillance intégrée de l'antibiorésistance d'origine alimentaire adoptées en novembre 2021. Ces lignes directrices aideront les gouvernements à mettre en oeuvre des programmes intégrés de suivi et de surveillance de l'AMR.
[130] La consolidation des positions interministérielles françaises pourra s'exercer dans le cadre du
comité de pilotage biannuel sur les questions internationales, destiné à renforcer le suivi de l'action
Normes, lignes directrices et résolutions de l'OIE sur l'antibiorésistance et l'utilisation des agents antimicrobiens. 2 ème édition 2020. 78 Programme d'appui à la réforme structurelle (PARS) de l'UE co-financé par OMS ; cf. mesure 9, action 25.
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36. La première réunion de ce comité de pilotage, qui s'est tenue le 7 septembre 2021 a rappelé l'importance de la stratégie française notamment sur l'interdiction de l'utilisation des antibiotiques comme facteur de croissance.
[131] Le bilan de l'action 38 de la feuille de route témoigne du rôle moteur de l'UE, en particulier de
la France. L'Union européenne avait interdit l'usage des antibiotiques comme facteurs de croissance chez les animaux d'élevage depuis 2006 pour les productions européennes. L'Union européenne a étendu cette interdiction par le règlement (UE) 2019/6 relatif aux médicaments vétérinaires, entré en application le 28 janvier 2022. L'article 118 impose que les produits importés dans l'UE proviennent d'animaux n'ayant pas été traités avec des antibiotiques facteurs de croissance. Néanmoins, plusieurs actes juridiques doivent encore compléter cet article 118. Dans l'attente, un arrêté ministériel français du 21 février 2022 met en oeuvre certaines de ces dispositions (interdiction de l'importation et de la mise sur le marché en France de viandes et produits à base de viandes issus d'animaux ayant reçu des antibiotiques facteurs de croissance). Ces positions ne sont actuellement pas acceptées sur le plan international (opposition de pays porteurs d'une vision plus productiviste) en particulier à la FAO. L'OIE a émis en 2018 une recommandation relative à l'élimination progressive des promoteurs de croissance mais ce n'est pas une priorité.
1.3.2
Une approche « Une Seule Santé » qui se fortifie
[132] La promotion de cette approche a été renforcée dès 2010 lorsque l'OMS, la FAO et l'OIE ont
lancé une collaboration tripartite pour accompagner les États dans la prévention et la lutte contre les risques sanitaires liés à l'interface homme-animal-écosystèmes. La déclaration politique adoptée par les Chefs d'État et issue de la réunion de haut niveau des Nations Unies sur la résistance aux antimicrobiens, en septembre 2016, a confirmé leur volonté d'une approche coordonnée qui intègre tous les secteurs, en particulier la santé de l'être humain, de l'animal, des végétaux et de l'environnement. Un Groupe de coordination inter-organisations sur la RAM a été créé par le Secrétaire général des Nations Unies. Il a présenté son rapport, intitulé « Pas le temps d'attendre : assurer l'avenir contre les infections résistantes aux médicaments », en avril 2019 ; ses recommandations sont en cours de mise en oeuvre.
[133] Un secrétariat conjoint tripartite (FAO, OIE et OMS) a été créé et est hébergé par l'OMS pour
favoriser la mobilisation multisectorielle. Depuis 2018, le PNUE est associé à la « Tripartite Plus » sur un plan opérationnel. Pour la France, l'enjeu est d'ancrer encore davantage, de manière officielle, le volet environnemental et l'intégration du PNUE à l'approche « Une Seule Santé », (ce à quoi la FAO fait obstacle). Les membres de la Tripartite ont également lancé un groupe des dirigeants mondiaux « Un monde, une santé » sur la résistance aux antimicrobiens. Un fonds multi-bailleurs sur la RAM, géré par le PNUD, apporte des soutiens aux pays, en particulier ceux à faible revenu. En outre, différentes initiatives viennent soutenir la recherche et l'innovation dans une approche « Une seule santé », à l'instar du Centre international de recherche pour des solutions à la résistance aux antimicrobiens ICARS, ou le Partenariat mondial sur la recherche et le développement en matière d'antibiotiques GARDP ou le programme JPI-AMR (Joint Programming Initiative on Antimicrobial Resistance).
[134] Lancé en 2011 et associant 29 pays autour de 137 projets ou réseaux et mobilisant 125 M sur
les 10 dernières années, le JPIAMR coordonne79 les investissements publics nationaux et les fonds destinés à la recherche transnationale dans le but de réduire la résistance aux antimicrobiens à
La France est fortement impliquée dans sa gouvernance tant dans son conseil d'administration (2 membres comme les autres pays dont un représentant de l'ANR et un de l'INSERM), que dans son comité de pilotage et son conseil scientifique.
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l'échelle mondiale. JPIAMR recherche et soutient des solutions pour réduire la transmission des bactéries résistantes. Ce travail est réalisé avec le soutien de la Commission européenne. JPIAMR est l'une des premières plateformes mondiales de financement de la recherche collaborative ayant une approche "Une Seule Santé" et mène des activités dans les six thèmes prioritaires clés du domaine de la résistance aux antimicrobiens : thérapeutique, diagnostic, surveillance, transmission, environnement et interventions80.
[135] À la suite de la crise sanitaire et à une proposition de la France et de l'Allemagne 81, un groupe
d'experts de haut niveau pour l'approche « Une Seule Santé » (OHHLEP) a été créé en mai 2021. Il s'agit d'une structure d'alerte et de recommandations associant l'OMS, l'OIE, la FAO et le PNUE, pour améliorer la préparation et la riposte aux crises sanitaires épidémiques. Le groupe a apporté une définition au principe « Une Seule Santé », approuvée conjointement le 1er décembre 2021 par les quatre organisations internationales susmentionnées : Le principe « Une Seule Santé » consiste en une approche intégrée et unificatrice qui vise à équilibrer et à optimiser durablement la santé des personnes, des animaux et des écosystèmes. Il reconnaît que la santé des humains, des animaux domestiques et sauvages, des plantes et de l'environnement en général (y compris des écosystèmes) est étroitement liée et interdépendante. L'approche mobilise de multiples secteurs, disciplines et communautés à différents niveaux de la société pour travailler ensemble à fomenter le bien-être et à lutter contre les menaces pour la santé et les écosystèmes. Il s'agit également de répondre au besoin collectif en eau potable, en énergie propre, en air pur, et en aliments sûrs et nutritifs, de prendre des mesures contre le changement climatique et de contribuer au développement durable.
[136] Le concept « Une Seule Santé » constitue une opportunité pour soutenir le portage des
préoccupations liées à l'enjeu de l'antibiorésistance, plus technique et ciblé. Le plan d'action mondial du groupe d'experts, qui devrait comprendre une composante RAM, sera présenté au premier semestre 2022.
1.4 La crise CoViD : un facteur de ralentissement mais aussi des opportunités majeures
[137] Depuis près de deux ans désormais, l'action publique est fortement impactée par la crise liée à
la pandémie de CoViD. D'évidence pour tous les champs, ce constat est particulièrement significatif pour la lutte contre l'antibiorésistance, compte tenu de la contiguïté d'acteurs et de problématiques. C'est d'ailleurs cette proximité d'enjeux qui explique que, bien qu'ayant pu retarder différents volets de la feuille de route, la crise sanitaire puisse également constituer, par bien des égards, un levier pour faire progresser certaines facettes de la lutte contre l'antibiorésistance.
1.4.1
Au cours des deux dernières années, différentes mesures de la feuille de route ont pu pâtir de l'impact de la crise
1.4.1.1 Un redéploiement indéniable et massif des ressources susceptibles de s'investir dans la lutte contre l'antibiorésistance
[138] Il parait difficile d'évaluer la mise en oeuvre de la feuille de route Antibiorésistance sans
intégrer, pour les deux dernières années, l'impact perturbateur de la mobilisation d'une partie significative des forces vives de la santé ou de la recherche en infectiologie vers la gestion de l'épidémie et la préparation des réponses organisationnelles, sanitaires et scientifiques. Pour une
80 81
Cf. SRIA 2019-2024 au lien suivant : https://www.jpiamr.eu/app/uploads/2021/06/JPIAMR_SRIA_final.pdf Forum de Paris sur la paix le 12 novembre 2020
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large part, les équipes fortement mobilisées sur la gestion de l'épidémie, l'organisation des politiques de test et de vaccination sont celles qui auraient pu s'investir, sinon, sur des actions relatives à la maîtrise de l'antibiorésistance : sous-direction des produits de santé à la DGS, équipes en charge de la sécurisation des approvisionnements en produits de santé à l'ANSM, équipes d'évaluation des médicaments et des DM-DIV (dispositif médicaux de diagnostic in vitro) à la HAS. Cet élément doit être naturellement pris en compte lorsque par exemple, on relève dans l'évaluation de la mesure 9, l'intervention, relativement tardive, de l'évolution de la doctrine HAS d'évaluation concernant les médicaments ou les DIV susceptibles de contribuer à la maîtrise de l'antibiorésistance. Mais aussi l'insuffisante coordination des acteurs pour structurer une démarche articulée concernant le soutien à l'innovation.
[139] De la même façon, fortement investies dans la gestion des dimensions sanitaires et médico-
sociales de la crise, les ARS ont pu tarder à mettre en place le réseau des CRAtb et le comité de pilotage régional préconisé dans la circulaire de mai 2020, et minimiser les échanges interministériels sur ce sujet avec les directions de l'agriculture et a fortiori de l'environnement.
[140] Dans le champ de la recherche, le récent rapport de la Cour des comptes a mis en lumière à
quel point les forces de la recherche en infectiologie s'étaient mobilisés au cours de la crise : il note que ce sont près de 1700 chercheurs, ingénieurs et techniciens relevant des seuls organismes de recherche qui se sont consacrés ou repositionnés sur la recherche contre la CoViD 19 depuis mars 2020, soit environ 41 % des chercheurs en infectiologie de ces organismes82.
1.4.1.2 D'autres potentiels effets perturbateurs
[141] La crise a eu des effets paradoxaux sur l'état de santé des Français. Le déploiement de mesures
barrières et de principes d'hygiène a contenu les pathologies infectieuses non liées à la CoViD et contribué à un recul massif des consommations d'antibiotiques. Mais l'antibiorésistance a pu parfois être un facteur aggravant pour les malades de la CoViD83. Et les pénuries de médicaments ont été particulièrement exacerbées pendant cette période.
[142] Par ailleurs, les controverses exacerbées autour de la vaccination pourraient à l'avenir
impacter un des leviers importants de maîtrise préventive de l'antibiorésistance.
[143] À l'échelle mondiale, la pandémie parait avoir accentué l'usage inapproprié des antibiotiques
par les individus et dans les établissements de soins. L'OMS a alerté les États membres sur la hausse de l'utilisation d'antibiotiques tout au long de la pandémie. La crise sanitaire a donc renforcé l'urgence de promouvoir le bon usage des antibiotiques et a souligné la pertinence de l'action 40.
[144] L'OMS a indiqué que 151 pays (soit 93 % de ses membres) avaient déclaré que la crise CoViD
avait impacté la mise en oeuvre de leur plan d'action national en matière de résistance aux antimicrobiens. La crise sanitaire a pu conduire, comme en France, à une réallocation des moyens humains et des ressources vers le soin urgent et la vaccination, au détriment d'actions spécifiques en matière de RAM. Cette réorientation des moyens au niveau des établissements de soin et au niveau central a perturbé la montée en puissance des programmes de surveillance et maîtrise de la résistance. Aussi, l'action 40 de la feuille de route concernant le développement de la surveillance dans les pays à faible revenu, n'a pu se déployer aussi vite qu'escompté.
Cf. Annexe 10 du rapport de la Cour des comptes février 2022. On ne dispose pas de données françaises mais dans les pays à forte prévalence de l'ABR en milieu hospitalier, 3,6 % des malades Covid hospitalisés ont été contaminés par les BMR avec une surmortalité de 50 % par rapport aux 10 % de patients sans contamination bactérienne Source Policy Brief EU-JAMRAI sur l'accessibilité des antibiotiques.
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1.4.2
Pour autant, la crise CoViD crée un contexte national et international propice et des opportunités organisationnelles et financières pour la lutte contre l'antibiorésistance
1.4.2.1 Une prise de conscience, des évolutions de comportements et de nouveaux dispositifs potentiellement bénéfiques, pour autant que cette priorité de santé publique soit bien prise en compte.
[145] Mettant spectaculairement en avant la portée de l'approche « Une Seule Santé », la crise
CoViD a relancé au niveau national les initiatives inscrites dans cette dynamique intersectorielle. Elle a donné à voir à un public élargi l'intrication entre la santé humaine, la santé animale et l'environnement, ce qui crée un soubassement politique et sociétal favorable aux messages en ce sens de la lutte contre l'antibiorésistance. L'intégration de la logique « Une Seule Santé » dans différentes politiques ouvre de surcroît des opportunités de rattachement facilité de la problématique de l'antibiorésistance : ainsi de la création d'un groupe transversal « Une Seule Santé » au sein de la gouvernance du PNSE 4. La crise CoViD a aussi montré la nécessité d'une approche collaborative multidisciplinaire pour renforcer la capacité française en matière de réalisation de tests de dépistage. Les laboratoires d'analyse vétérinaires équipés pour des analyses à grande échelle et bénéficiant d'une approche populationnelle marquée des épidémies ont ainsi renforcé les capacités des laboratoires de biologie médicale humaine. Ce rapprochement des biologies médicale et vétérinaire, dans le cadre d'une réponse « Une Seule Santé » concertée à une situation pandémique, pourrait faciliter, à l'avenir, l'harmonisation des méthodes de surveillance de l'antibiorésistance dans les secteurs de la santé humaine et de la santé animale.
[146] La crise a également éclairé d'une lumière crue la fragilité des approvisionnements en produits
de santé : vulnérabilité nationale et européenne des chaînes de production et dépendance parfois vis-à-vis de fournisseurs non-européens ; autant d'éléments connus en matière de production d'antibiotiques, mais dont la mise en avant brutale est susceptible d'influer positivement en faveur de la préservation de l'arsenal thérapeutique de maîtrise de l'antibiorésistance, si les enjeux propres à cette problématique sont bien intégrés dans les mesures ou programmes structurants découlant de la crise (cf. annexe 3). C'est en effet un point de vigilance majeur que de s'assurer que les mesures prises à l'occasion de la crise sanitaire et dans le cadre du plan de relance visant au renforcement de l'autonomie nationale (appels à projets ou manifestations d'intérêt, stratégies d'accélération et efforts de relocalisation ...) ne délaissent pas ce champ où les défis sont anciens et connus. Une meilleure prise en compte apparaît nécessaire. On note à cet égard que pour la raison même de cette antériorité, le récent rapport CGEIET-IGAS sur la sécurisation des approvisionnements en produits de santé84, commandé par le Haut-commissariat du Plan, a privilégié d'autres gammes thérapeutiques.
[147] D'autres évolutions des comportements de santé induits par la crise CoViD sont susceptibles
d'impacter positivement les politiques de lutte contre l'antibiorésistance, et en particulier le nouveau coup de boutoir apporté par la crise au primat du curatif sur la prévention. Plus que jamais l'importance de la prévention est mise en lumière. La promotion des exigences d'hygiène et de prévention des infections85, la familiarisation à grande échelle des professionnels de santé et du grand public aux tests rapides, la dynamique de collaborations interdisciplinaires et
Les vulnérabilités d'approvisionnement en produits de santé, rapport Thierry de MAZANCOURT et Robert PICARD, CGEIET- D. GIORGI, IGAS, Déc. 2021. 85 En 2020, on observe une baisse notable de la consommation des ATB liée à une moindre transmission des infections bactériennes en raison des confinements et de l'adoption des gestes barrières ainsi qu'à la diminution du nombre de consultations médicales (§2.5)
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interprofessionnelles suscitées par la gestion de crise sont des éléments sur lesquels il importe de savoir capitaliser. En accroissant le recours aux outils distanciels, la crise pourrait aussi faciliter de nouvelles organisations en termes de coopérations professionnelles comme de formation ou de partage d'expériences.
[148] La pandémie a enfin été l'occasion d'innovations, notamment dans le domaine de la
surveillance (par exemple l'analyse des réseaux d'assainissement dans le cadre du projet Obépine) mais aussi de nouveaux systèmes d'information (SIDEP), sur la base desquels il est possible de bâtir des dispositifs plus pérennes. C'est, par exemple, l'objet du projet actuel d'entrepôt de données de biologie - qui pourrait intégrer des données de résistance- sur la base des enseignements des innovations techniques de SIDEP.
1.4.2.2 Une structuration européenne découlant de la crise qui pourra s'orienter vers des actions communes porteuses
[149] Si la pandémie a pu placer la maîtrise de l'antibiorésistance au deuxième plan, elle a mis
également en relief les lacunes qui l'affectent, comme la fragilité de l'approvisionnement de médicaments anciens, ou la pertinence de l'approche « Une Seule Santé » ... Elle a surtout contribué à ce que la santé devienne un domaine prioritaire de l'UE, de façon propice à un portage renforcé des mesures de maîtrise des résistances aux antimicrobiens. Cette préoccupation se déploie sur plusieurs axes qui devraient aider à la lutte européenne contre l'ABR.
[150] Fin 2020, trois propositions par la Commission européenne de règlements nouveaux visaient
à renforcer la coordination des politiques en cas de crise sanitaire. La Commission a également proposé une nouvelle stratégie pharmaceutique qui comprend un chapitre consacré au soutien de l'industrie. Les conclusions du Conseil européen du 20 décembre 2021 invitent les États membres et la Commission à améliorer l'accès aux médicaments, notamment les antimicrobiens et à mettre en place un mécanisme incitatif de soutien à l'innovation (cf. infra 2.4).
[151] Sous l'angle organisationnel, en septembre 2021, après de nombreuses consultations, la
Commission a décidé de créer en son sein une autorité de préparation de réaction à une situation d'urgence sanitaire (Health Emergency preparedness and Response Authority HERA) sur le modèle américain du BARDA86. Une des missions explicitement confiées à HERA est de remédier aux vulnérabilités et aux dépendances stratégiques au sein de l'Union en matière de développement, de production, d'approvisionnement, de stockage, de distribution de produits de santé considérés comme des contre-mesures médicales. En matière de lutte contre l'ABR, cela pourrait permettre le développement de mesures pour lutter contre les défaillances de marché propres aux nouveaux antibiotiques, le renforcement des circuits d'approvisionnement, la mise en place de stocks stratégiques, l'augmentation des capacités de production éventuellement publiques ou sous pilotage public.
[152] En matière financière, les nouvelles initiatives politiques et les financements accrus dans le
cadre du programme EU4Health (5,3 milliards d'euros soit une multiplication par dix) offrent des opportunités pour renforcer les actions de lutte contre les résistances aux antimicrobiens.
Agence spécifique a la gestion des crises épidémiques et a la préparation inter-crises, la Biomedical Advanced Research and Development Authority (BARDA) utilise des nouveaux outils de financement public pour des besoins non couverts par les industriels.
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[153] Dans le secteur de la recherche, le nouveau programme Horizon Europe comprend des actions
sur les maladies infectieuses, en vue notamment de préparer une stratégie RAM et de renforcer une industrie de santé européenne compétitive87.
[154] D'autres initiatives politiques suite à la crise CoViD constituent des occasions pour maximiser
les actions de lutte contre les résistances :
Révision de la réglementation sur les menaces transfrontalières ; Révision des mandats ECDC (Centre européen de prévention et de contrôle des maladies) et EMA (Agence européenne des médicaments) afin de mutualiser au niveau européen l'approvisionnement en ATB (partage des coûts et négociations) ; Initiative de traité sur les pandémies (OMS) qui pourrait inclure un volet RAM ; Plan de préparation des urgences de l'UE (avec possibilité de déclarer l'urgence de santé publique au sein de l'UE); Laboratoire de référence en santé humaine (en sus de celui existant en santé animale).
[155] La France présidait le Conseil de l'Union européenne au premier semestre 2022 et portait à
cette occasion une réflexion et plusieurs initiatives auprès des États membres et de la Commission, permettant de nouvelles avancées en matière de lutte contre l'antibiorésistance. Une conférence ministérielle (santé et agriculture) dédiée, avec une perspective « Une Seule Santé » a été organisée le 7 mars 2022. Les recommandations contenues dans la déclaration du trio des présidences de conseil de l'UE (France, République Tchèque et Suède) visent notamment à alimenter les réflexions sur l'actualisation du plan d'action de 2017 et la révision du plan pharmaceutique, et à renforcer la coordination entre les États membres et le réseau RAM « Une Seule Santé » (One Health Network on AMR) créé en 2016. Elles préconisent de renforcer le mandat d'HERA en la matière, y compris pour l'appui à la recherche dans le cadre de partenariats public-privés, et l'innovation, ainsi que le lancement d'un important projet européen d'intérêt commun Important Project of Common European Interest - IPCEI. La déclaration soutient la stratégie « De la ferme à la table », et appelle la Commission à renforcer les programmes de surveillance et le développement des indicateurs communs sur les résistances et la consommation d'antimicrobiens ; elle incite les États membres à accroître leur soutien aux pays à bas et moyens revenu. Un colloque scientifique recherche et innovation sera également organisé en juin 2022.
[156] Durant la PFUE, la France poursuit en outre deux actions majeures en matière de santé
animale :
Porter la demande d'évolution réglementaire visant à encadrer les produits à base de plantes (phytothérapie, aromathérapie), avec un objectif d'autorisation de mise sur le marché (AMM) simplifié. Promouvoir la contribution française à la surveillance européenne en continuant à mettre en avant le RESAPATH et en poussant la mise en place de l'EARS-VET (action 39 de la feuille de route). Le RESAPATH se révèle très performant, et a été reconnu par la Commission européenne et les autres États membres. Après avoir présenté la preuve de concept, la France soutient l'idée de développer ce système dans les autres États. Cette preuve de concept repose sur l'European Antimicrobial Resistance Surveillance network in VETerinary medecine (EARS-
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https://www.horizon-europe.gouv.fr/appels-sante
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VET), pré-réseau européen de surveillance de la résistance aux antimicrobiens en médecine vétérinaire, qui est le pendant de l'European Antimicrobial Resistance Surveillance NET (EARSNET) en médecine humaine. La poursuite du travail sur EARS-VET est incluse dans le programme EU4Health 2022.
[157] Au niveau international, l'Anses a été nommée, fin 2020, centre de référence pour la
résistance antimicrobienne de la FAO. Ce nouveau centre de référence,qui se positionne sur le secteur de l'Afrique francophone, représente une avancée notable des plans Ecoantibio, de la Feuille de route, et un succès français. Les projets du centre collaborateur FAO concernent la sensibilisation des acteurs politiques et scientifiques aux problématiques de l'antibiorésistance, le développement d'une base de données mondiale, l'organisation d'essais inter-laboratoires entre plusieurs pays d'Afrique, et des actions internationales de formation sur l'antibiorésistance. Ceci répond à l'objectif de l'action 40 de la feuille de route.
2
La nouvelle stratégie décennale devra conforter plusieurs dimensions encore fragiles de la FdR actuelle
[158] À l'issue de sa présentation systématique du bilan de la feuille de route, la mission a souhaité
mettre l'accent sur certaines thématiques, prioritaires pour l'amplification fructueuse de la lutte contre l'antibiorésistance. Elle a approfondi son analyse des fragilités d'une gouvernance qui doit évoluer pour permettre de porter une action publique à hauteur des enjeux et de donner une réelle portée à une ambition « Une Seule Santé », incontournable pour la maîtrise de l'antibiorésistance.
[159] Elle a ensuite mis en lumière des thématiques clés dont la mise en oeuvre exigeait des efforts
supplémentaires, voire une nette intensification au cours d'une prochaine feuille de route décennale. Qu'il s'agisse de l'environnement, insuffisamment intégré dans les années passées, de la prévention des infections et du bon usage en ville, compte tenu du décalage entre le poids de ce secteur dans la consommation et les acquis passés, de la structuration impérative d'une action publique nationale ou européenne de défense de l'arsenal thérapeutique, en santé humaine et animale, d'importants chantiers restent à entreprendre.
[160] Dans le champ agricole, il s'agit plus de compléter les acquis réels, en mobilisant de nouveaux
leviers plus qualitatifs, mais aussi en rééquilibrant l'investissement vers un secteur agroalimentaire non priorisé par les plans Ecoantibio.
2.1 Une gouvernance et une animation interministérielle à affirmer pour répondre efficacement aux enjeux de santé publique
2.1.1 Un projet complexe au périmètre large dont l'interministérialité effective ne va pas de soi
[161] La politique de maîtrise de l'antibiorésistance se doit d'être intersectorielle pour être efficace.
C'est la raison pour laquelle la feuille de route adoptée en novembre 2016 est interministérielle : 12 actions sont portées par les trois ministères chargés de la santé, de l'agriculture et de l'environnement et 12 actions par deux ministères (santé et agriculture), soit 24 actions sur 40 (60 %). Face à l'ampleur des sujets embrassés et des acteurs mobilisés, le risque était grand cependant d'un pilotage sectoriel « en silo ». La gouvernance et la méthode choisies, une coordination interministérielle renforcée, avaient pour vocation de lutter contre la tendance naturelle à une mise
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en oeuvre cloisonnée par chaque ministère, risque renforcé par la déclinaison en politiques sectorielles.
[162] L'objectif de la mesure 12 de la feuille de route était notamment (action 33) d'identifier et
décliner des mesures transversales de manière à renforcer les liens, rassembler les actions sous des thèmes communs et mieux les coordonner entre les différents secteurs ministériels. Au-delà de l'effort déjà présent de la feuille de route de rassembler sous un chapeau thématique commun des actions sectorielles, il s'agissait d'impulser de réelles actions concertées et co-pilotées en matière de communication, de formation, d'outils de bon usage .... Des avancées de cette nature ont bien eu lieu en matière de recherche avec la création du programme prioritaire de recherche (PPR), de surveillance, avec une publication commune annuelle, ou de défense de l'arsenal thérapeutique, avec le programme PARS commun de lutte contre les pénuries.
[163] Cependant, 16 actions de la feuille de route ne concernaient principalement qu'un ministère
ou ne sont pilotées que par un ministère. Peu ont acquis dans la durée une dimension plus interministérielle. Tel est particulièrement le cas pour la santé humaine, dont les progrès attendus et l'absence de plan sectoriel de maîtrise de l'antibiorésistance nécessitaient des actions spécifiques lourdes, ce qui a un peu déséquilibré l'économie générale de la feuille de route ; et ce, d'autant plus que, faute d'identification suffisante des leviers environnementaux, peu d'actions portaient en propre sur ce secteur, et que les actions spécifiques en santé animale étaient intégrées à Ecoantibio 2. La Feuille de route n'a en outre pas fixé d'objectifs chiffrés pour les différents secteurs. Chaque ministère a défini sa propre cible, sans approche transversale, qui aurait été compliquée, il est vrai, par la difficulté persistante à dégager des indicateurs communs (objectif important des mesures 10 et 11).
[164] Les différences de temporalité, de modalités de transposition de la FDR et de moyens consacrés
ont de fait compliqué la coordination interministérielle, et pesé sur la capacité à dégager de réelles actions transversales concertées. L'ambition (action 34) de plans sectoriels déclinant des actions transversales interministérielles de lutte contre l'ABR, en fonction des enjeux sectoriels propres, n'a, dès lors, pas été atteinte, comme cela a été souligné supra (113).
[165] Ces fragilités de départ ont été amplifiées dans la conduite de la FDR par l'abandon de l'objectif
d'instance de coordination interministérielle de haut niveau poursuivi par l'action 35 (cf. 212). Sa mise en oeuvre pâtit dès lors d'une insuffisance de coordination dans la durée, particulièrement critique dans trois secteurs :
En matière d'environnement (cf. 124), le PNSE4 n'ayant pas retranscrit la FDR en dépit de nombreux points possibles de rapprochement qui devraient permettre une articulation renforcée. En matière de recherche, la coordination renforcée lors de l'élaboration du programme prioritaire de recherche (PPR) Antibiorésistance ne s'étant pas réellement prolongée dans sa mise en oeuvre, notamment lors du déploiement des appels à projets. La faible implication des alliances AVieSan ou AllEnvi88, a accru l'impact préjudiciable pour l'approche « Une Seule Santé » d'une coordination interministérielle affaiblie au fil des années. En matière de pilotage des relations avec les industriels de la santé qui n'apparaît pas suffisamment concertée entre le ministère des finances et de la relance (Direction générale des entreprises - DGE), la direction générale de la santé (DGS) et la cheffe de la mission
Elles devaient, dans la cadre de la feuille de route, en dehors de leur participation aux différents comités, déterminer des indicateurs et les incidences en termes de budget et de financement.
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ministérielle « Prévention des infections et de l'antibiorésistance », sur des sujets aussi essentiels que les mesures économico-industrielles de préservation des anciens antibiotiques sur le marché ou du soutien à l'innovation.
[166] Dès lors, faute de capacité fonctionnelle de pilotage interministériel réel, la prise de décision
ministérielle l'emporte souvent sur la coordination interministérielle. La coordination laisse plutôt place à une agrégation de résultats de plans conduits par les administrations ministérielles concernées, y compris au niveau territorial.
2.1.2
La gouvernance de la feuille de route est perfectible
La gouvernance nationale de la feuille de route interministérielle est assurée par :
Un comité interministériel pour la Santé (CIS) en charge du volet stratégique. À la demande du Premier ministre, le premier Comité Interministériel pour la santé a été consacré en 2016 à la préparation et à l'adoption de la feuille de route visant à maîtriser l'antibiorésistance. Un comité permanent restreint (CPR) interministériel, issu du CIS, qui permet de suivre la mise en place des actions et constitue un espace d'échanges intersectoriel entre les différentes entités pour discuter des actions transversales, et garantit la dimension interministérielle du projet. Un chef de projet, sous la forme d'un délégué ministériel, rattaché au ministre de la Santé et des solidarités jusqu'à 2018, puis d'une cheffe de projet national à l'Antibiorésistance en janvier 201989, devenue depuis novembre 2021, cheffe de la mission ministérielle « Prévention des infections et de l'antibiorésistance » (MMPIA).
[167] Le CPR se réunit tous les six mois depuis mi-2017 afin de suivre l'avancement de la Feuille de
Route Interministérielle. Il existe également depuis 2021 des réunions informelles additionnelles, tous les 2 mois. Pour accroître la connaissance interministérielle, des représentants des ministères MAA/MTE/MESRI sont invités au comité de pilotage Antibiorésistance santé humaine comme observateurs (ainsi que des représentants du ministère de l'Europe et des Affaires étrangères (MEAE) et du MESRI comme pilotes d'action) et la MMPIA est de son côté conviée aux réunions EcoAntibio2 comme observateur. Le domaine opérationnel relève des comités de suivi de chacun des plans (Plan stratégique Recherche, Plan EcoAntibio2, PNSE 4, PROPIAS).
[168] En juin 2021, il a été décidé par les membres du CPR la mise en place d'un COPIL international,
animé par le par le MEAE à un rythme biannuel, afin de réunir les différents interlocuteurs du monde diplomatique, de les sensibiliser à la thématique et de partager les positions et initiatives françaises. La première réunion s'est tenue en septembre 2021.
[169] Toutes ces actions améliorent la dimension interministérielle de la gouvernance. Pour autant, le
choix d'un délégué interministériel, proposé par le rapport Carlet Le Coz précité, n'a jamais été retenu90. Le mandat de la cheffe de projet national à l'antibiorésistance, placée auprès du directeur général de la santé, et pouvant s'appuyer sur l'ensemble des directions du MSS et des agences de santé, dépend exclusivement du ministre des Solidarités et de la Santé : outre les travaux propres au ministère sur le sujet de l'ABR (volet santé humaine), la cheffe de projet assure l'animation et la coordination logistique du comité interministériel, et n'a par conséquent pas la responsabilité d'une
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Lettres de mission des 21 décembre 2018 et 24 novembre 2020 Ce rapport préconisait aussi de faire de la lutte contre l'antibiorésistance une cause nationale.
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animation opérationnelle des autres champs ministériels. Elle consacre cependant une partie importante de son temps à l'international.
[170] Les faiblesses de la gouvernance sont dès lors de plusieurs ordres :
La cheffe de la MMPIA ne dispose pas de moyens suffisants, ni de relais nationaux étoffés
[171] La gouvernance interministérielle est insuffisante en raison du rattachement de l'équipe projet
au ministère de la santé et de l'absence de leadership interministériel. Cela pèse sur l'animation nationale comme territoriale (cf. infra), en dépit du niveau de reconnaissance élevé de l'actuelle cheffe de mission, dont la capacité d'animation est saluée par tous ses interlocuteurs.
[172] Une comitologie importante s'est mise en place, qui contribue cependant plus au partage qu'au
pilotage. La cheffe de projet dispose de référents identifiés dans tous les ministères et agences concernés, mais le temps dédié à la feuille de route varie selon les structures, les personnes et les priorités des unes et/ou des autres. Leur positionnement hiérarchique est en outre généralement peu élevé. Ces difficultés organisationnelles (manque de légitimité, turn-over et disponibilités variables des interlocuteurs, défaut de synchronisation) sont aggravées par le sousdimensionnement de la MMPIA en termes d'effectifs (environ 2 ETP) et le manque d'outils de travail modernes à sa disposition91 pour garantir une vision interministérielle partagée de l'avancée de la feuille de route.
[173] Enfin, la cheffe de la MMPIA ne dispose ni d'un budget attribué à l'antibiorésistance, ni d'une
vision consolidée des budgets déployés par les ministères en la matière.
La cheffe de la MMPIA n'est pas consultée sur des sujets qui ont des impacts importants sur son champ de compétence
[174] Le positionnement ministériel de la cheffe de la MMPIA ne lui permet pas d'anticiper ni de
coordonner tous les aspects stratégiques de la lutte contre l'antibiorésistance. Elle n'a pas été associée à la réflexion interministérielle qui a conduit à l'élaboration de projets sur deux champs stratégiques majeurs pour la maîtrise de l'antibiorésistance :
La stratégie de recherche relative aux maladies infectieuses émergentes (MIE) qui a conduit au positionnement élargi de l'Agence nationale de recherche Sida-MIE (ANRSMIE) et à un PEPR dédié inscrit dans la 3e stratégie d'accélération du Plan innovation santé 2030 ; La création de l'Agence de l'innovation en santé (AIS) ou le volet MIE du Plan Innovation Santé 2030 annoncé le 29 juin 2021 par le Président de la République lors du Conseil Stratégique de l'Innovation en Santé, alors que ces différentes démarches pourraient avoir un impact déterminant sur le développement de nouveaux antibiotiques et plus largement sur la préservation de l'arsenal thérapeutique si la problématique de l'antibiorésistance y était intégrée.
2.1.3
La nécessité de garantir une réelle gouvernance interministérielle
[175] L'importance des enjeux de santé publique liés à la politique de maîtrise de l'antibiorésistance
comme les limites de la gouvernance nécessitent de la renforcer par un positionnement adéquat de la MMPIA et des moyens adaptés.
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Absence d'outil informatique partagé pour le suivi de la FDR.
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[176] La comparaison avec d'autres politiques interministérielles à enjeu fort montre que deux voies
d'amélioration sont généralement utilisées selon les circonstances :
La création d'un organisme interministériel chargé de coordonner l'action de l'État dans un domaine particulier. Ces organismes peuvent prendre le nom de « délégation » ou de « mission ». Ils peuvent faire partie des Services du Premier ministre (exemple la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives) ou lui rendre compte (exemple de la DI à la lutte contre la grippe aviaire -DILGA) ou être sous l'autorité d'un ministre (exemple la Direction interministérielle de la transformation publique). Le succès de la délégation à la sécurité routière est souvent cité.
Encadré 1 : Gouvernance de la sécurité routière
« L'interministérialité ne se décrète pas, elle s'organise ». Dès 1970, une mission interministérielle à la sécurité routière est créée. Cette mission devient en juillet 1972 un Comité Interministériel de Sécurité Routière (CISR), qui est en charge de définir les grandes orientations de la politique de sécurité routière et de s'assurer de leur bonne application. Le Premier ministre en assure la présidence, ce qui lui confère le soutien du plus haut niveau de l'État. Ses prérogatives prévoient qu'il prépare les projets de loi et les mesures réglementaires accompagnant leur mise en oeuvre. Il joue un rôle de coordinateur et s'assure de la mobilisation des ressources pour mener cette politique. La même année un poste de Délégué Interministériel à la Sécurité Routière (DISR) est créé pour assurer un rôle de coordination de l'activité des ministères consacrée à la sécurité routière. Il est désigné par le Premier ministre. Pour l'aider dans ses missions, le délégué est entouré de conseillers techniques mis à disposition par les principaux ministères intéressés par les problèmes de sécurité routière : Intérieur, Défense, Éducation nationale, Justice et Santé. [177] Un autre exemple plus récent sur des sujets de santé aux implications interministérielles
majeures :
Encadré 2 : Délégation interministérielle à la lutte contre la grippe aviaire La délégation interministérielle à la lutte contre la grippe aviaire reposait sur le décret n° 2005-1057 du 30 août 2005 qui désignait un délégué interministériel à la lutte contre la grippe aviaire (DILGA) placé auprès du Premier ministre pouvant s'appuyer sur différents ministères ; le directeur général de la santé (DGS) avait été nommé pour assurer les fonctions de DILGA en sus de celles de DGS. Garant d'une certaine unité d'action, le DILGA avait un rôle de coordination interministérielle, sa tâche étant d'animer la coopération entre membres de différents ministères, au cours notamment de réunions hebdomadaires thématiques. Des arbitrages pouvaient être rendus par les services de Matignon sur certains sujets importants sources de difficultés. Il avait également une mission de suivi du bon avancement et d'évaluation en continu des mesures décidées par les ministres, et devait en référer au Premier ministre. Il devait veiller à la cohérence des actions de la France avec les initiatives des différentes instances européennes et internationales Pour assurer ces missions, le DILGA disposait, en plus d'une secrétaire, d'une équipe de quatre personnes mises à disposition (à temps plein ou partiel), représentant les principaux ministères concernés (agriculture, santé, intérieur, affaire étrangères...) avec possibilité de s'appuyer ponctuellement sur des mises à dispositions de représentants d'autres ministères et avait des correspondants désignés dans certaines directions/ministères d'intérêt stratégique.
La création d'une agence en charge de la mise en oeuvre opérationnelle de tout ou partie d'une politique interministérielle. Le succès de l'Institut national du Cancer en est un bon exemple.
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Encadré 3 : Pilotage du Plan Cancer L'Institut national du cancer (INCa) est l'agence d'expertise sanitaire et scientifique en cancérologie de l'État chargée de coordonner les actions de lutte contre le cancer. Créée par la loi de santé publique du 9 août 2004 sous forme de GIP, elle est placée sous la tutelle conjointe du ministère des Solidarités et de la Santé d'une part, et du ministère de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation d'autre part. L'Institut national du cancer a pour ambition de jouer un rôle d'accélérateur de progrès, en apportant une vision intégrée de l'ensemble des dimensions sanitaire, scientifique, sociale, économique liées aux pathologies cancéreuses ainsi que des différents champs d'intervention (prévention, dépistage, soins, recherche). Ceci, au service des personnes malades, de leurs proches, des usagers du système de santé, de la population générale, des professionnels de santé, des chercheurs et des décideurs. Le contrat d'objectifs et de performance s'inscrit d'une part dans les priorités du Plan cancer et d'autre part dans les axes de la Stratégie nationale de santé (SNS) et de la Stratégie nationale de recherche (SNR) « France Europe 2020 ». L'Institut dispose d'un budget annuel d'environ 100 millions d'euros. Les recettes sont, en majeure partie, constituées des subventions des ministères en charge de la santé et de la recherche, complétées des contributions des autres membres du GIP et de ressources issues de partenariats avec des organismes publics et privés. Un peu plus de la moitié de ce budget est allouée au financement de la recherche. Le reste est dédié, notamment, aux actions de soins, à la santé publique et à l'information des publics. L'Institut compte environ 150 salariés et mobilise chaque année plusieurs centaines d'experts externes pour concourir à ses travaux. Source : INCa [178] Dans le contexte institutionnel actuel, il ne semble pas utile de créer une agence dédiée à la
lutte contre l'antibiorésistance92, mais plutôt, dans le cadre de la création d'une délégation interministérielle, d'organiser de façon renforcée la coordination avec les agences et autres structures spécialisées en charge de certains pans de la politique de maîtrise de l'antibiorésistance (et notamment, outre ANSM-ANSES-ANMV et HAS, de veiller au pilotage de la recherche et de l'innovation avec l'ANRS MIE et l'Agence de l'innovation en santé).
[179] La mission considère que la gouvernance de la feuille de route serait plus efficace si le
positionnement de la MMPIA était interministériel. Elle gagnerait à ce que le chef de projet soit clairement positionné au niveau interministériel (délégation) et dispose dans son équipe d'une composante propre à chaque ministère concerné à titre principal (Santé, Agriculture, Environnement, Industrie et Recherche), relais des décisions prises en comité permanent restreint (CPR), comme cela a pu être le cas, par exemple, du DILGA.
[180] Dans les différents rapports d'évaluation récents ou en cours sur des sujets proches, le
caractère plus ou moins intersectoriel de l'action concernée a un impact sur le choix de la gouvernance : délégation interministérielle lorsque le sujet concerne de nombreux ministères et porte une dimension affirmée « Une seule santé », délégation ministérielle lorsque celui-ci est majoritairement centré sur la santé humaine. L'importance critique pour le système de santé du sujet ABR et l'urgence à le traiter sans délai, les moyens financiers nécessaires dans les nombreux secteurs mobilisés (agriculture, environnement, santé, recherche, industrie...), tout cela milite, pour la mission, pour une délégation interministérielle rattachée au Premier
Le récent rapport CGEIET IGAS sur la sécurisation des approvisionnements en produits de santé préconise par exemple la création d'une « Agence de la Souveraineté Sanitaire ». Si elle devait voir le jour, la délégation interministérielle devrait également pouvoir s'appuyer sur elle.
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ministre, où la dimension antibiorésistance serait affirmée et sanctuarisée, si elle devait rejoindre un périmètre plus vaste.
[181] La question de la création d'une délégation interministérielle se double en effet d'une question
de périmètre. Trois scénarios sont possibles :
Choisir le strict périmètre de l'antibiorésistance. Cette option permet de mettre en avant cette politique. Élargir le périmètre à l'ensemble des maladies infectieuses émergentes. Cette option offre une vision plus globale93, et probablement une meilleure visibilité et un meilleur portage dans le contexte de la CoViD. Elle risque néanmoins de pénaliser l'antibiorésistance dans l'affectation des financements, sauf à sanctuariser une partie significative de ceux-ci, en conservant le principe d'une feuille de route dédiée à la maîtrise de l'antibiorésistance, avec des moyens affectés. Opter pour une délégation « Une Seule Santé » comme le préconise récemment le conseil scientifique pour la crise CoViD. L'ambition interministérielle est clairement affichée, mais le risque de dilution dans un champ aussi large potentiellement est significatif, sauf à ce qu'il s'agisse d'une appellation visant un périmètre équivalent à celui des MIE, mais donnant plus à voir la réalité de l'interministérialité nécessaire. Dans cette hypothèse également, une feuille de route spécifique et des moyens dédiés ABR s'imposent.
[182] Dans les derniers cas, le périmètre de la délégation interministérielle serait plus large que celui
de la feuille de route ABR. Recommandation n°1 Repositionner le pilotage de la lutte contre l'antibiorésistance à un niveau interministériel en créant une délégation interministérielle rattachée au Premier ministre. Le périmètre de cette délégation pourra être plus large, mais des moyens devront être dédiés spécifiquement à l'antibiorésistance.
[183] Enfin, la mission a constaté l'insuffisance de moyens consacrés à la gouvernance de la feuille
de route, qu'il s'agisse de la MMPIA (0,9 ETP en 2019, 1,9 ETP en 2020, 2,8 ETP depuis mars 2021)94 ou de ses relais dans les autres ministères. Le MTE consacre moins d'un ETP au suivi de la feuille de route. Le dispositif de pilotage qui existe en santé humaine (chef de projet MMPIA et comité de pilotage opérationnel dédié) ou Ecoantibio en santé animale (chef de projet antibiorésistance et comité de pilotage) gagnerait à se mettre en place en matière d'environnement. La fragilité des outils de suivi de la FDR doit également être levée. Ce renforcement permettrait de produire un bilan périodique qui fait défaut aujourd'hui pour consolider transversalement les acquis de la feuille de route.
Dans la même perspective One health que la prévention des MIE, la lutte contre l'ABR nécessite de prévenir les infections, de limiter les contaminations bactériennes liées aux interactions de l'homme avec différents milieux (forêts primaires, habitats de la faune sauvage, milieux aquatiques), de comprendre les facteurs d'apparition/dissémination des zoonoses, les mécanismes de franchissement de la barrière d'espèces. L'ABR peut en outre être un facteur aggravant d'une pandémie. Le rapprochement permettrait de mutualiser un certain nombre d'approche tant dans le domaine de la surveillance du risque infectieux que de la mutualisation des méthodes (omiques, bioinformatique.). Une telle approche est de surcroît plus aisément articulée avec le PNSE qui cible les causes environnementales d'émergence 94 Le rapport de Mars 2021 de la Mission indépendante nationale sur l'évaluation de la gestion de la crise CoViD-19 et sur l'anticipation des risques pandémiques préconisait ainsi dans sa mesure 24 de : « Créer auprès du directeur général de la santé, une fonction de délégué pour la prévention et le contrôle du risque infectieux, intégrant la mission actuelle antibiorésistance et simultanément accroître les effectifs du ministère dédiés à la prévention et au contrôle des infections ».
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Recommandation n°2 Doter la structure de pilotage et les équipes projets ministérielles de moyens humains renforcés. Les pourvoir d'outils partagés de travail, notamment pour le suivi de la FDR. Produire un bilan interministériel annuel.
2.1.4
Deux sujets interministériels requièrent au sein de cette gouvernance un pilotage resserré : la recherche et le pilotage des actions en matière de produits de santé
2.1.4.1 Renforcer le pilotage de la recherche en favorisant des synergies opérationnelles
[184] Quel que soit le positionnement et les moyens de la future MMPIA, il est nécessaire qu'elle
puisse s'appuyer sur un pilotage renforcé de la recherche en antibiorésistance, ou, à défaut, proposer un cadre à cette fin. Il apparaît, en effet, qu'après une phase intense de coopération lors de l'élaboration du PPR, les interactions se sont réduites, pesant sur la dimension « Une Seule Santé » de sa mise en oeuvre (cf. infra 2.2). En juin 2021, le comité permanent restreint de la feuille de route (avec notamment le MSS, le MTE et le MAA) demandait au MESRI de ré-enclencher une réflexion régulière sur la stratégie de recherche concernant l'ABR.
[185] Cette concertation entre les différentes parties prenantes de la recherche doit permettre :
de couvrir les besoins de recherche identifiés dans une logique « Une Seule Santé » et de favoriser l'émergence de projets véritablement intersectoriels ; de développer les interactions entre la recherche fondamentale, la recherche clinique95 et celle en santé publique96 en travaillant notamment avec la Direction générale de l'offre de soins (DGOS) ou l'Institut de recherche en santé publique (IReSP)97 ; de resserrer les liens autour du PPR avec les institutions de valorisation/transfert insuffisamment impliquées dans la démarche concertée actuellement ; ceci afin d'intégrer la valorisation des programmes de recherche le plus en amont possible, de favoriser le transfert d'innovation et de contribuer à des liens renforcés avec le secteur privé. Il importe de consolider y compris cette phase amont d'un continuum « recherche-innovation- mise sur le marché et production » trop lâche aujourd'hui (Cf. infra 24), en cohérence avec les actions mises en oeuvre dans le cadre du plan Innovation Santé 2030 (CSIS).
[186] Une telle concertation régulière et les synergies qui en découleraient permettraient
d'optimiser la mobilisation et l'articulation des différents budgets de recherche ; ceux-ci doivent par ailleurs faire l'objet d'un soutien financier régulier permettant ainsi aux équipes de construire des réponses dans la durée, en particulier pour des projets impliquant des coopérations internationales, notamment vers les pays à faible revenu. Mais cela favoriserait aussi la confiance réciproque entre tous les acteurs de recherche sur l'ABR, tranchant avec le sentiment actuel récurrent de déséquilibre du soutien aux différents secteurs.
[187] Au-delà du pilotage stratégique, s'assurer de l'émergence d'appels à projet pleinement « Une
Seule Santé » demande une convergence des cultures de recherche des équipes des différents champs
La Cour des Comptes dans son rapport de février 2022 soulignait combien le cloisonnement des financements entre la recherche publique (via l'ANR) et la recherche clinique (via les PHRC) limitait de fait la recherche translationelle vers des essais cliniques et à terme, les transferts d'innovation vers l'industrie 96 Et leur équivalent en santé animale et santé environnementale. 97 Favorisant des projets sur des sujets émergents et promouvant des petites unités de recherche qui ne se lanceraient pas facilement dans une AAPG de l'ANR.
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scientifiques pour que celles-ci apprennent à travailler ensemble. Il conviendra d'y veiller en s'appuyant sur les outils déjà existants de l'ANR (AMI98, rencontre inter CPP99) pour que les programmes deviennent pleinement « Une Seule Santé », et en s'assurant, lors de la phase de sélection des projets, de la présence de critères de sélection assurant cette dimension. L'ANR a d'ailleurs profité de la progression de ses moyens dans le cadre de la loi de programmation de la recherche 2021-2030 pour afficher un domaine transversal « Une Seule Santé » pour les AAPG100 de son programme d'action 2022. Cela doit être mis à profit.
[188] Enfin, dans le cadre d'un projet de recherche important, de type PPR ou éventuellement PEPR,
il peut être intéressant que sa coordination, voire son pilotage, soit confié à un organisme ou une agence de recherche pour profiter notamment de ses capacités renforcées de suivi et pilotage. Le choix d'un rapprochement avec une stratégie MIE conduirait à opter pour un pilotage ANRS-MIE. Cependant, la gouvernance de la recherche devra être vigilante à ce que toutes les parties prenantes intersectorielles du projet soient bien associées aux réflexions et décisions (suivant un calendrier préétabli) dans les différentes étapes du projet (définition, structuration, organisation, etc.) afin de toujours préserver la dimension « Une Seule Santé ».
2.1.4.2 Resserrer le pilotage du volet Industries de santé
[189] Le bilan de la feuille de route met en lumière une problématique de pilotage global de la
politique de soutien aux produits de santé de maîtrise de l'antibiorésistance. Une part de ces difficultés sont clairement imputables pour les deux dernières années à la désorganisation induite par la crise sanitaire. Il s'agit cependant également d'un sujet plus global de gouvernance et d'alignement des acteurs publics concernés.
[190] On note à cet égard que l'action 23 de la feuille de route prévoyait la mise en place d'un comité
technique de l'antibiorésistance (CTA). Cette instance, ayant une vision globale des besoins en santé humaine et santé animale, devait veiller au maintien et au développement d'un arsenal complet préventif, diagnostique et thérapeutique en interagissant, par avis obligatoire, avec les différentes instances impliquées dans l'autorisation et la prise en charge des produits, en lien avec les sociétés savantes ou les industriels. Par crainte de superposition avec des instances et des processus existants, et faute de consensus sur l'institution qui devait lui apporter un appui technique, l'idée a été abandonnée dès 2017. Ce comité aurait pourtant présenté l'avantage d'une vision globale, et articulée sur les plans scientifique et réglementaire, qui paraît faire défaut aujourd'hui.
[191] Il n'aurait cependant pas apporté ce qui paraît également manquer, un pilotage stratégique et
politique resserré sur la base d'un plan d'action détaillé englobant l'ensemble du continuum de la recherche jusqu'au soutien à l'industrie, et une étroite synergie entre l'ensemble des acteurs institutionnels concernés, de la recherche (incluant les organismes de valorisation- transfert trop peu associés aujourd'hui)101, de la santé, de l'agriculture et enfin de l'économie-industrie. Malgré l'apport incontestable des échanges entre industriels et pouvoirs publics au sein du contrat
Appel à manifestation d'intérêt ; les AMI permettent d'identifier les forces de recherche susceptibles de se mobiliser sur des questions scientifiques originales. Elles permettent d'organiser des journées qui facilitent les interactions entre chercheurs et favoriser la formation de consortia. 99 Comité de pilotage de la programmation ; ces comités de l'ANR rassemblent les acteurs institutionnels de la recherche par exemple dans le domaine des sciences du vivant et de la santé ou dans le domaine de l'environnement. 100 L'ANR financera par ailleurs les équipes françaises qui seront sélectionnées dans l'appel à projet 2022 du JPI-AMR qui porte sur de nouveaux protocoles d'administration, de nouvelles combinaisons thérapeutiques et/ou de repositionnement de molécules préexistantes pour le traitement des infections bactériennes et/ou fongiques en santé humaine, animale ou végétale. 101 Noter que le consortium de valorisation inter-alliances évoqué dans la FDR ne parait pas avoir été impliqué.
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stratégique de filière et de son groupe de travail dédié, la prise en compte de l'enjeu d'antibiorésistance ne bénéficie pas aujourd'hui d'une dynamique suffisamment structurée au vu de l'enjeu de santé publique (voir annexe 3).
[192] Il apparaît à cet égard urgent de relancer d'une part, les réunions de coordination au sein du
MSS et avec les agences concernées, d'autre part, le groupe de travail dédié de la FDR réunissant l'ensemble des acteurs publics associés au CSF qui, de la recherche à l'économie et à l'industrie en passant par la santé (humaine et animale) doivent fédérer leurs actions de façon étroite et régulière, compte tenu de la complexité des problématiques et des leviers à mobiliser de façon synergique. Recommandation n°3 En appui de la délégation interministérielle, et en lien avec l'agence d'innovation en santé, rétablir l'instance de coordination des acteurs publics en charge de la préservation de l'arsenal thérapeutique, et la réunir à un rythme soutenu pour garantir une adaptation rapide des dispositifs de soutien et une démarche européenne proactive
2.1.5
L'importance d'une déclinaison territoriale renforcée et interministérielle de la feuille de route
[193] Il est apparu tout au long des échanges de la mission avec les parties prenantes que la
territorialisation de la feuille de route est une condition de succès. Condition clé d'appropriation des enjeux par les professionnels de terrain (professions de santé, vétérinaires, éleveurs...), cette territorialisation est aussi la garantie de la prise en compte tant de réalités locales contrastées que de dynamiques sectorielles. C'est aussi un levier de décloisonnement intersectoriel, pour l'organisation d'actions concertées (communication, formation...).
[194] Une telle territorialisation suppose une instance d'animation impulsée par des orientations
nationales ministérielles et/ou interministérielles, des structures d'appui technique, des données territorialisées pour guider l'action.
[195] Il existe bien un comité régional de maîtrise de l'ABR animé par l'ARS102 : composé
essentiellement d'acteurs de la santé humaine (Assurance maladie, représentants des professions de santé, CPIas, CRAtb....), celui-ci devrait également inclure, selon une circulaire MSS de mai 2020, des représentants des vétérinaires103. La mission a néanmoins constaté lors de ses déplacements que les réseaux santé humaine et santé animale ne communiquaient pas, ou peu, entre eux. Elle n'a pu rencontrer les DREAL lors d'aucun de ces déplacements, celles-ci ayant indiqué ne pas être impliquées dans la FDR. Lorsqu'elle existe, la dynamique, indispensable pour fédérer les acteurs et garantir l'appropriation des objectifs de maîtrise de l'antibiorésistance, est essentiellement centrée sur la santé humaine.
[196] Il y a donc un enjeu clair à conforter une approche interministérielle, impliquant le cas échéant
le préfet, pour garantir une coordination interministérielle effective sur les territoires. Complétant l'indispensable montée en puissance des comités de pilotage ARS élargis pour fédérer les acteurs de la santé humaine, il pourrait s'agir d'une instance de dialogue et de suivi présidée par le Préfet, disposant d'un plan d'action régional et restituant annuellement les résultats obtenus. Ou plus largement d'un comité régional « Une Seule Santé » associant tous les services de l'État concernés par la santé humaine, la santé animale, la sécurité alimentaire et les sujets environnementaux.
102 103
Un référent est normalement désigné au sein de chaque ARS. Circulaire de mai 2020 aux ARS
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Recommandation n°4 Renforcer la territorialisation des stratégies d'intervention interministérielles et ministérielles. Créer un cadre d'animation territoriale propre à relayer dans les régions l'ambition nationale « Une Seule Santé ».
[197] Le déploiement des réseaux techniques est pour sa part en cours, mais avec des configurations
différentes selon les ministères :
En santé humaine, 17 centres d'appui pour la prévention des infections associées aux soins (CPIas)104 sont chargés de missions régionales de prévention des infections associées aux soins, tandis que des centres régionaux d'antibiothérapie (CRAtb) traitent du bon usage des antibiotiques105. Ces derniers ne sont pas encore tous en place et/ou pleinement fonctionnels (cf. bilan mesure 3) ; En santé animale, un réseau de référents experts vétérinaires est opérationnel et dispose, depuis mars 2017, d'un site internet propre ; néanmoins, bien que territorialisés, ces référents par spécialité ont un positionnement national. En santé environnementale, aucun relais technique systématique n'a été identifié, seules les agences de l'eau sont potentiellement concernées par la feuille de route.
[198] Concernant la territorialisation des données de lutte contre l'antibiorésistance, indispensable
au choix des actions régionales ou locales et à la définition de cibles adaptées au contexte local, elle a progressé en santé humaine avec un effort croissant de géolocalisation des données de consommation et de résistance (cf. bilan détaillé Mesure 10), mais doit se développer en santé animale. Un effort supplémentaire doit cependant être fourni pour restituer plus régulièrement leurs données (prescription, importance des différentes résistances) aux professionnels concernés, et en particulier à ceux qui participent aux actions de surveillance. Comme souvent dans les dispositifs de vigilance, les responsables de la surveillance de l'antibiorésistance reconnaissent que des marges de progrès importantes existent encore sur ce point. Il s'agit de leur permettre de se situer, au sein de leur profession et de leur territoire (comme le fait l'assurance maladie avec les médecins généralistes, §2.5), mais aussi en regard d'autres professions, voire d'autres secteurs.
[199] Dans le cadre de ce couplage entre planification nationale et dynamiques d'interventions
locales, les initiatives locales structurantes doivent être valorisées. Recommandation n°5 Poursuivre l'affinement territorial des données de surveillance en santé humaine. Étendre les efforts de territorialisation des données à la santé animale et à l'environnement. Restituer systématiquement les données de surveillance à leurs émetteurs.
2.2 Une approche « Une Seule Santé » à amplifier significativement pour maximiser les synergies et accroître la pertinence et l'acceptabilité d'une nouvelle stratégie interministérielle
[200] L'approche « Une Seule Santé » prend acte de l'interdépendance de la santé humaine, de la
santé animale et végétale et de la qualité des écosystèmes et souligne que les efforts d'un seul secteur ne peuvent suffire à prévenir ou éliminer un problème microbien. C'est une approche intégrée des politiques, législations et travaux de recherche visant à ce que plusieurs secteurs collaborent en vue d'améliorer conjointement les résultats en matière de santé publique, de santé animale et de santé
104 105
Instruction du 03/03/17 relative à l'organisation régionale des vigilances et de l'appui sanitaires Instruction aux ARS du 15 mai 2020.
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des écosystèmes106. Cette approche est considérée comme particulièrement pertinente dans les domaines de la sécurité sanitaire des aliments, de la lutte contre les zoonoses107 et de la lutte contre la résistance aux antibiotiques. Graphique 7 : La diversité des interactions entre les 3 secteurs
Source : Inserm [201] C'est pourquoi la feuille de route s'inscrivait d'emblée dans une telle approche, soulignant que
l'antiobiorésistance impactait « l'ensemble des activités de médecine humaine et vétérinaire ainsi que l'environnement » et pointant que « Maîtriser le problème de l'antibiorésistance ne peut passer que par une approche globale du phénomène, tant au niveau national qu'international (et qu'il est nécessaire de mettre en place des mesures intersectorielles décloisonnant les approches sanitaires et dépassant les frontières ».
[202] Englobant ces enjeux intriqués des trois secteurs et fixant des objectifs opérationnels pour
chacun d'entre eux, la feuille de route est bien « Une Seule Santé » dans son esprit. Mais sa mise en oeuvre est largement perfectible à cet égard, alors même que les échanges de la mission avec des acteurs divers montrent combien la capacité à donner à voir les dimensions intersectorielles, et à en tirer toutes les conséquences, est une condition d'une inscription dans la durée de la dynamique de lutte contre l'antibiorésistance.
2.2.1
Malgré une ambition « Une Seule Santé », la mise en oeuvre de la feuille de route demeure encore trop cloisonnée ou déséquilibrée
[203] Dans le prolongement du premier comité interministériel pour la santé (CIS), la feuille de route
élaborée en 2016 intègre bien la dimension « Une Seule Santé » dans sa logique globale comme dans plusieurs de ses mesures. Pour autant, et bien naturellement, toutes les actions n'impliquent pas systématiquement les trois secteurs concernés. Parfois, les actions ne visent que santé humaine et santé animale, parfois aussi une seule d'entre elles. Une moitié environ des 40 actions de la feuille de route intègrent au moins deux secteurs, de façon plus ou moins explicite (parfois cela apparaît
106 Nouvelle
définition opérationnelle d'une seule santé par le comité d'experts consultatif auprès de l'OMS, de la FAO, de l'OIE et du PNUE, le One Health High Level Expert Panel (OHHLEP). 107 Voir sur ce point la récente initiative Prézode lancée dans le cadre des Nations Unies début 2022 pour prévenir les risques d'émergences zoonotiques et de pandémies.
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nettement dès l'intitulé de l'action, parfois au détour de la description des enjeux de celle-ci ou des objectifs opérationnels). Les sujets qui s'intègrent le plus nettement dans une ambition « Une Seule Santé » sont la gouvernance, la surveillance et la communication, la recherche, la défense de positions à l'international.
[204] Le bilan de la feuille de route fait toutefois apparaître une difficulté à tenir cette ambition, au
risque de ne pas progresser de façon équilibrée dans les trois secteurs concernés. Parmi la vingtaine d'actions intégrant initialement une dimension intersectorielle, un peu plus d'une dizaine la déclinent opérationnellement, au moins pour partie, tandis que 8 actions n'ont pas eu lieu, ou n'ont pas été conduites dans une véritable approche intersectorielle.
[205] Parmi les mesures emblématiques de l'approche « Une Seule Santé » et les objectifs majeurs
validés par le CIS, figuraient notamment « la mise en place d'un programme pérenne de communication intersectorielle visant à modifier de manière durable la perception des antibiotiques par tous les publics concernés108 » (cf. mesure 1), la consolidation du socle de connaissances intersectorielles par la recherche, avec une attention particulière à l'impact de l'environnement (mesure 7) et la surveillance, avec un objectif de production d'indicateurs intersectoriels (mesure 11). Les réalisations de ces 3 mesures restent en deçà des attentes en matière d'intersectorialité.
[206] S'agissant de la première, et de façon en partie imputable à la crise CoViD (cf. Annexe 1), le
bilan est mince, avec l'absence de programme intersectoriel et des campagnes de communication demeurant ponctuelles et cloisonnées, et essentiellement centrées, encore, sur les enjeux de santé humaine. Si un fil rouge commun susceptible d'être décliné dans les différents secteurs a bien été envisagé avant la crise, l'impact de celle-ci sur la pertinence des messages comme l'insuffisante appropriation des enjeux par le grand public ont conduit à prioriser une approche en santé humaine et à repousser les autres volets. Un autre volet important de l'axe Communication à vocation intersectorielle, à savoir le portail unique (action 3), n'a pas été mis en oeuvre, alors qu'il aurait permis d'appréhender rapidement la pluralité des dimensions et déterminants de l'antibiorésistance, et, à chacun des acteurs, de mesurer les défis ou résultats des autres parties concernées.
[207] En matière de recherche, et alors même que, sur la base d'une large concertation
interministérielle et multisectorielle, un programme prioritaire PPR assumant pleinement une vision « Une Seule Santé » a été élaboré, cette dimension est sensiblement atténuée lors de la mise en oeuvre par appels à projets, avec une prépondérance des projets visant la santé humaine, dans son acception la plus biologique et clinique de surcroît (peu de santé publique). Trop peu de projets liés à l'environnement ou à la santé animale ont été retenus dans le cadre du PPR. Les projets soutenus dans ces champs le sont pour leur grande majorité dans le cadre financièrement plus restreint du plan Ecoantibio ou du PNREST porté par l'ANSES. La dimension intersectorielle des 3 projets structurants (ABRomics, PROMISE et DOSA) est toutefois fidèle à l'esprit « Une seule Santé », en fédérant des acteurs de la recherche (ou de la surveillance) de l'ensemble des champs. Au sein du projet Promise, un réseau AMR-ENV est dédié à l'environnement et vise à créer des synergies souhaitables entre équipes pour le développement de la recherche sur l'antibiorésistance.
[208] Concernant la surveillance enfin, des acquis importants sont à noter : la consolidation du
dispositif Résapath animé par l'Anses en santé animale et son élargissement prochain à l'échelle européenne ; la création en santé humaine, sous pilotage de SpF, d'un réseau structuré de surveillance de la consommation d'antibiotiques et des résistances, REPias, en lieu et place d'une multiplicité antérieure d'acteurs dispersés. Mais la surveillance des ATB, BRA et GRA dans
Publics décrits largement en introduction de la feuille de route : grand public et professionnels, médecins et autres professionnels de santé, vétérinaires, éleveurs, agronomes, écologues, hydrologues...).
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l'environnement reste balbutiante (cf. supra 124). De la même façon, le renforcement préconisé de la surveillance dans le secteur agro-alimentaire (Mesure 11) n'est pas à la hauteur des objectifs de la feuille de route.
[209] La recherche d'indicateurs communs reste un impératif, pour permettre une communication
plus pédagogique et globale sur l'impact de l'antibiorésistance. Les indicateurs actuels techniques et généralement sectoriels ne permettent pas d'appréhender toute la portée intersectorielle de l'antibiorésistance et l'ampleur des enjeux. Par ailleurs, l'analyse des impacts économiques de l'ABR, qui progresse peu à peu dans le champ humain, doit également englober des travaux sur le versant animal ou plus largement agricole.
[210] Différents éléments peuvent expliquer cette montée en puissance asymétrique et partielle de
la dimension « Une Seule Santé » :
Le manque de leviers interministériels d'une gouvernance qui n'a pas de poids, autre que de conviction, dans les champs non humains (cf. supra). L'étroitesse relative des moyens alloués en matière de recherche mais aussi la nature des appels à projets et la logique des critères de sélection. Les priorités autres du champ environnemental. Une attention du secteur agricole très mobilisée dans le cadre des plans Ecoantibio sur les enjeux de maîtrise de l'usage des antibiotiques dans l'élevage.
[211] Ces insuffisances ne doivent toutefois pas conduire à négliger des efforts réels induits par la
FDR pour mieux intégrer l'ensemble des dimensions de l'antibiorésistance. Ainsi, la production annuelle, sous la houlette de Santé Publique France, des données clés lors de la semaine de novembre consacrée à cette thématique. Réunissant un nombre croissant de partenaires109, cette publication s'inscrit de plus en plus nettement dans l'approche « Une Seule Santé » et offre des informations de plus en plus riches et diversifiées sur les antibiotiques et les résistances : depuis 2018, elle complète les éléments antérieurs en santé humaine et animale d'informations relatives à l'environnement (présence d'antibiotiques ou de gènes de résistance, impact des facteurs environnementaux sur la propagation des infections ou des résistances) ; ces apports reposent cependant toujours à ce stade sur des travaux de recherche et non sur une surveillance systématique. Pour la santé humaine et animale, un effort est fait pour publier des indicateurs communs, en mettant en lumière par exemple les évolutions respectives à certains antibiotiques partagés (céphalosporines ou fluoroquinolones). La France s'inscrit également dans les travaux du projet Tricycle de l'OMS qui vise à systématiser la surveillance dans les 3 milieux d'E. coli BLSE.
[212] D'autres projets comme le programme PARS de lutte contre les pénuries d'antibiotiques
anciens ou le projet e-Bug s'inscrivent nettement dans une approche décloisonnée. Installée depuis plus de 10 ans dans le paysage éducatif, la version française d'e-Bug a évolué dans ses objectifs en s'emparant de la logique « Une Seule Santé », avec la production de ressources en santé animale110 et le début de production de ressources sur l'environnement ainsi qu'en accompagnant la mise en oeuvre du Service national universel (SNU) et celle du service sanitaire des étudiants en santé, participant ainsi à la formation des futurs médecins.
SpF, MMPIA, Ansm, Anses-ANMV, Assurance maladie, HAS, MAA, MTE... Visant les animaux de compagnie, auxquels le public jeune est particulièrement sensible, en tant que vecteurs potentiels d'ABR.
109 110
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2.2.2
La dimension « Une Seule Santé » est pourtant un facteur essentiel d'efficacité mais aussi d'acceptabilité par les acteurs
[213] L'approche intersectorielle doit être amplifiée dans un souci non seulement d'efficacité mais
aussi d'adhésion dans la durée des acteurs concernés. Légitimée « techniquement » par la diversité des déterminants de l'antibiorésistance et par leur intrication complexe, l'approche « Une Seule Santé » est aussi un ferment indispensable de conviction et de pérennisation des efforts consentis par les acteurs. Face à la multiplicité des canaux d'acquisition ou de transmission des résistances, il est essentiel d'offrir aux différents professionnels impliqués des éléments de conviction quant à leur poids relatif et au degré de priorité de leur investissement. Dans cette perspective, la pertinence de cette approche ne doit pas simplement être invoquée, elle doit être régulièrement donnée à voir et prouvée auprès des acteurs de terrain pour les convaincre d'adapter leurs comportements.
[214] La recherche et la mise en évidence poursuivie des différents mécanismes d'acquisition et
transmission de l'antibiorésistance constituent le socle indispensable au travail de conviction. Seules une recherche et une surveillance réellement « Une Seule Santé » permettront d'objectiver des déterminants aujourd'hui insuffisamment documentés, ou à tout le moins non rapprochés et consolidés.
[215] Il appartiendra à la nouvelle FDR de prioriser les zones d'ombre pour que, par exemple, la part
des déterminants environnementaux ou les transmissions croisées homme-animal, ou enfin l'impact de l'alimentation soient mieux éclairés. C'est un socle de connaissances plus systématique nécessaire à une lutte pleinement efficace contre l'ABR. Le levier de la connaissance manque encore aujourd'hui pour indiquer les domaines de surveillance et les actions prioritaires concernant l'environnement. L'enjeu d'antibiorésistance d'origine environnementale apparaît dès lors comme un sujet moins urgent que d'autres problématiques de santé-environnementale.
[216] Les travaux initiés dans le cadre du PPR et notamment la plateforme commune et la
cartographie des équipes et des travaux de recherche publics et privés sont fondamentaux comme la dynamique inter-académies engagée il y a quelques années. Sa poursuite et ses liens avec les PEPR Prézode et MIE seront des éléments décisifs de convergence des équipes de recherche dans une réflexion "Une Seule Santé" pour des travaux à forte valeur ajoutée, tant dans le champ santé humaine que santé animale et environnementale.
[217] La consolidation des connaissances et une communication large des résultats obtenus est aussi
une nécessité pour convaincre les professionnels mobilisés de l'impact ou de l'enjeu de leurs efforts. Les succès des deux plans Ecoantibio successifs, illustrés par des données marquantes sur la baisse des consommations et des résistances, appellent la mise en évidence des fruits ou des bénéfices attendus de cette mobilisation sur la santé humaine. C'est en tout cas une attente des éleveurs et des vétérinaires, qui veulent être convaincus par des éléments objectivés de l'importance de l'évolution de leurs pratiques. Les entretiens conduits par la mission attestent de l'impact parfois très mobilisateur d'une bonne appropriation des effets de l'antibiorésistance humaine sur les pratiques des éleveurs, à côté de leviers plus contraints. À l'inverse, les professions de santé continuent parfois à relativiser la portée de leurs propres pratiques, croyant à tort que les consommations d'antibiotiques dans le monde animal sont toujours en France le principal facteur d'antibiorésistance.
[218] Comme le souligne la récente définition d'« Une Seule Santé » par le panel d'experts, avec cette
approche, « il sera plus facile pour les gens de mieux comprendre les co-bénéfices, les risques, les compromis et les opportunités pour faire avancer des solutions équitables et holistiques ». C'est pourquoi il faut rappeler l'importance clé d'une communication et d'une formation décloisonnées. Il est essentiel de permettre à chacun des univers concernés de mesurer sa part
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de l'effort à fournir et le niveau des interactions entre secteurs. Mais aussi de partager des problématiques communes : la priorité absolue à la prévention des infections et à la biosécurité comme, en aval, au bon usage des antibiotiques sont communes entre médecine humaine et vétérinaire. Et, bien qu'elle n'ait pas exactement la même portée que les impasses de la médecine, la réduction des marges de manoeuvre thérapeutiques sur laquelle bute aujourd'hui la médecine vétérinaire doit être connue des professionnels de santé humaine. De manière peut-être plus anecdotique, mais néanmoins réelle, médecins généralistes et vétérinaires sont confrontés à une même demande d'antibiotiques de la part de leurs patients/clients lorsqu'il s'agit d'animaux de compagnie.
[219] Bien qu'elle
soit consciente de l'exigence de la mise en place de formations interprofessionnelles, la mission estime que c'est une voie qu'il convient d'explorer plus avant dans le cadre de la nouvelle stratégie décennale ; et ce, qu'il s'agisse de formations entre professionnels de santé humaine (médecins généralistes et chirurgiens-dentistes autour de l'urgence dentaire ; biologistes et prescripteurs autour de l'antibiogramme ciblé ...) ou entre professionnels de santé humaine et vétérinaires. Le maintien d'une communication sectorielle et de formations entre soi n'est pas de nature à permettre aux professionnels concernés de prendre toute la mesure du défi de l'antibiorésistance. L'avis conjoint de l'Académie des Sciences, de l'Académie de Médecine, de l'Académie Vétérinaire et de l'Académie de Pharmacie du 8 juin 2021 préconise un décloisonnement entre gestion de la santé humaine et de la santé animale, en particulier en termes de formation scientifique et d'acquisition de compétences transversales des futurs professionnels de la santé et des décideurs. Cette volonté de formation multidisciplinaire se retrouve aussi dans l'appel à manifestation d'intérêt « Compétences et métiers d'avenir » ou dans l'institut universitaire de recherche « Une seule santé » pour les décideurs publics et privés de la stratégie d'accélération MIEMN111.
[220] Dans le même esprit, poursuivre l'effort de restitution aux acteurs des données de surveillance
des différents champs est essentiel. Garantir l'approche « Une seule santé » est un point d'attention national mais aussi une responsabilité de l'animation régionale des politiques de lutte contre l'antibiorésistance qui doit être confortée (cf. supra § 2.1). Recommandation n°6 Consolider la recherche par des financements de long terme permettant de conforter la compréhension des enjeux de l'ABR dans les différents champs, en s'appuyant sur les résultats des différents projets actuels, au niveau national comme européen. Déployer des dispositifs opérationnels les plus adaptés (PPR ou PEPR) aux enjeux constatés en s'assurant d'un financement équilibré entre les différents champs. Recommandation n°7 Porter une attention particulière au décloisonnement intersectoriel de l'information et des formations, pour permettre une appropriation réciproque des enjeux et des contraintes Recommandation n°8 Poursuivre l'effort de production d'indicateurs intersectoriels
111https://www.gouvernement.fr/sites/default/files/contenu/piece-
jointe/2022/01/cma_fiche_maladies_infectieuses_et_emergentes.pdf
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2.3 Les enjeux environnementaux de l'antibiorésistance requièrent un approfondissement de la recherche et de la surveillance et une reconnaissance dans le PNSE
[221] La principale difficulté dans le volet environnemental de la feuille de route réside dans la
fragilité de la connaissance des mécanismes d'acquisition et de diffusion de l'antibiorésistance, ce qui nécessite de renforcer la recherche dans ce domaine, mais aussi de recueillir dans la durée les données utiles et donc de conforter la surveillance de milieux divers et multiples. La réduction de l'ABR passe également par un meilleur usage des biocides et des mesures préventives principalement liées à l'hygiène des populations, qui excède le champ des seules mesures sanitaires. Plus généralement, l'intégration de l'antibiorésistance dans le PNSE, accompagné de la territorialisation de sa mise en oeuvre, permettrait de développer un plan de lutte plus efficace.
2.3.1
La faiblesse des connaissances relatives au développement de l'antibiorésistance doit conduire à accroître l'effort de recherche liée à sa diffusion dans l'environnement
[222] Dans le rapport d'expertise mentionné supra, l'Anses a identifié un certain nombre de
besoins de recherche : élargissement des milieux et des substances étudiés (biocides notamment), paramètres favorisant la dissémination environnementale, développement d'outils numériques prédictifs, évaluation de la résilience environnementale et lien avec le changement climatique.
[223] Les voies d'introduction et de répartition des sources de contamination dans les différents
compartiments récepteurs de l'environnement sont les milieux aquatiques, les milieux terrestres et la faune sauvage. Mais au-delà de l'histoire naturelle des gènes de résistance aux antibiotiques112, très peu d'études décrivent l'état de la contamination des sols et des milieux aquatiques par des bactéries résistantes (BRA) ou des gènes résistants (GRA) aux antibiotiques en France (voir partie 1.2.4. et annexe 2 partie 1). Les observations faites dans d'autres pays décrivent les sols agricoles (épandage de fumier de bovins concentrés en E. coli) et forestiers comme réservoir environnemental de BRA et GRA. Leur persistance peut dépendre de la source de contamination, l'apport d'éléments nutritifs par les produits résiduaires organiques (PRO), le climat, des pratiques nouvelles (réutilisation des eaux usées traitées, recharge artificielle de nappes, stockages d'eau) et le développement de l'industrie pharmaceutique nationale (relocalisation).
[224] Les réseaux d'assainissement collectent les eaux usées issues des activités humaines
(domestiques, industrielles et activités de soins) et une partie des eaux pluviales sont dirigées vers des stations d'épuration dont le principal objectif est de limiter la contamination organique et particulaire. Les eaux usées traitées sont majoritairement rejetées dans les eaux de surface. Ces rejets localisés et continus sont qualifiés de sources de contamination ponctuelles.
[225] L'Anses a priorisé les besoins de recherche dans trois axes principaux concernant le suivi des
ATB dans l'environnement : élargissement du nombre de substances étudiées, des matrices étudiées et des connaissances sur l'exposition réelle des bactéries aux ATB. Les experts recommandent d'évaluer plus précisément les contributions relatives des multiples sources de contamination, et de documenter les niveaux de contamination d'autres compartiments récepteurs. Outre la poursuite de l'acquisition de données sur les sources majeures de contamination (effluents de stations
112 Présence
ancienne de gènes de résistance dans des espèces bactériennes, bien avant l'ère des antibiotiques (Aminov & Mackie, 2007 ; Kobayashi & Coll, 2007). Des arbres phylogéniques et la phylogénie structurale montrent que les sérines et les métallo-beta-lactamases remontent à deux milliards d'années, certains des gènes étant localisés sur des plasmides présents depuis des millions d'années (Hall & Barlow, 2004 ; Garlow & Coll, 2005).
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d'épuration, PRO) et les compartiments déjà suivis (milieu aquatique continental), ils recommandent d'étudier la contamination par les ATB, BRA et GRA des environnements suivants :
La pisciculture, en tant que source potentielle de contamination directe dans les compartiments aquatiques. Les eaux côtières pour lesquelles la contamination par les ATB, les BRA et les GRA est actuellement presque inconnue, bien que des projets soient en cours sur ce sujet. Les milieux terrestres pour lesquels la contamination en France par les ATB, les BRA et les GRA est presque inconnue concernant : les sols urbains, périurbains et agroforestiers, les sites et sols pollués, la rhizosphère et la phyllosphère, les micro et macrofaunes qui peuvent à la fois constituer des « hotspots » et jouer un rôle de vecteurs de dissémination (vers de terre, arthropodes, etc.). Et, finalement, toutes les sources de contamination pour lesquelles l'absence de donnée n'a pas permis de statuer sur l'existence et/ou l'importance d'un impact sur la contamination globale : assainissement non collectif, sites producteurs de principes actifs ATB ou de médicaments contenant des ATB, anciens sites d'enfouissement de déchets et biodéchets issus des composteurs de proximité.
[226] Les projections du groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC)
montrent une augmentation (jusqu'à 35 %) des épisodes journaliers de fortes précipitations dans la plupart des régions européennes en hiver au 21ème siècle, avec un risque potentiel accru de contamination par les bactéries, BRA incluses113. Les sécheresses estivales causent des étiages importants des cours d'eau posant des problèmes significatifs liés à la faible dilution des eaux usées traitées dans les cours d'eau asséchés. Le climat est également pris en compte dans le cadre des épandages, puisque cette opération est interdite lorsque le sol est gelé ou fortement enneigé et pendant les périodes de forte pluviosité ou de risque d'inondation. Une étude menée dans une trentaine de pays européens114 a démontré le lien entre la résistance aux antimicrobiens (RAM) et les facteurs climatiques locaux. L'équipe a suivi la prévalence pendant six ans d'infections à Pseudomonas aeruginosa résistant aux carbapénèmes, Klebsiella pneumoniae, d'Escherichia coli multirésistant et de Staphylococcus aureus résistant à la méticilline. L'étude a montré l'augmentation de la prévalence à P. aeruginosa résistant aux carbapénèmes d'un facteur 1,02 pour une variation annuelle de température de + 0,5°C. Le même phénomène était observé avec les autres infections pendant la saison chaude et indépendamment de l'utilisation de médicaments antimicrobiens115. L'étude conclut que les facteurs climatiques contribuent de manière significative à la résistance aux antimicrobiens dans différents types de systèmes de santé, et que le changement climatique (c'est-àdire le réchauffement) pourrait augmenter la transmission d'infections à P. aeruginosa potentiellement résistante.
[227] Dans le contexte actuel de changement climatique et d'évolution des pratiques, l'étude de
la résilience des milieux récepteurs est un axe de recherche à développer. Pour appréhender le devenir des ATB, BRA et GRA, et le rôle des co-sélecteurs (ETM116, biocides, pesticides et autres), l'Anses recommande que l'observation in situ s'accompagne d'approches en modèles expérimentaux.
Olds et al. 2018 (rapport ANSES, 2020). Thinking outside the box: Association of antimicrobial resistance with climate warming in Europe A 30 country observational study, Hani E.J. Kabaa, Ellen Kuhlmannb, Simone Scheithauer, International Journal of Hygiene and Environmental Health 223 (2020) 151-158. 115 Ce phénomène qui semble saisonnier est également observé depuis 2 ans avec la CoViD. 116 Éléments traces métalliques, comme par exemple cuivre, chrome, nickel, plomb, fer,...
113 114
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[228] D'autres travaux montrent l'influence majeure du régime alimentaire sur l'apparition des BRA
dans la faune sauvage aquatique et terrestre : E. Coli résistantes aux céphalosporines de troisième génération chez certains poissons omnivores, animaux sauvages carnivores ou omnivores contaminés par les BRA, oiseaux marins vivant à proximité de l'Homme, rongeurs, etc.
[229] L'approche « « Une Seule Santé » », initialement portée par le trio OMS, FAO et OIE
(Organisation mondiale de la santé animale) associe depuis le 12 novembre 2020, le Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE). Avec l'arrivée du PNUE, la santé des écosystèmes est reconnue comme soubassement de la santé humaine et de la santé animale. La nouvelle approche « Une Seule Santé » nécessitera cependant de mettre en oeuvre un dialogue et des actions intersectorielles accentués afin d'inclure une gamme encore élargie de politiques : agriculture, conservation de la biodiversité, développement, urbanisation, économie et sécurité.... Recommandation n°9 Intégrer dans la prochaine FDR les thèmes de recherche identifiés par le rapport d'expertise Anses (2020), ainsi que les effets du climat sur les infections et résistances
2.3.2
Les dispositifs de surveillance doivent être renforcés afin de mieux documenter la nature et le poids des diverses sources d'antibiorésistance
[230] Le rapport d'expertise de 2020 estimait capital d'optimiser et de pérenniser les acquisitions de
données de contamination de l'environnement. Il recommandait le déploiement d'indicateurs pour suivre la contamination par les ATB, BRA et GRA. Ces indicateurs permettraient une comparaison spatio-temporelle de la dynamique de la contamination environnementale entre les études, mais également dans les différents compartiments. Afin de faciliter la comparaison spatio-temporelle de la contamination environnementale, les experts recommandaient une harmonisation des méthodes d'échantillonnage et d'analyse.
[231] Le rapport d'expertise de l'Anses proposait notamment d'assurer la surveillance de certaines
molécules en déployant les indicateurs de contamination suivants :
Fluoroquinolones : ciprofloxacine. Macrolides : érythromycine, clarithromycine et/ou azithromycine. Sulfamides : sulfaméthoxazole. E. Coli résistant aux céphalosporines de troisième génération ou E. Coli BLSE ( lactamases à spectre étendu). intl1 ou sul1, paramètres systématiquement présents sur les intégrons de classe 1.
[232] Conformément à ces préconisations, la direction de l'eau et de la biodiversité suivra les rejets
dans les milieux aquatiques de ciprofloxacine117 (persistant dans l'environnement) et de sulfaméthoxazole (quantifié dans les eaux souterraines) afin de compléter éventuellement les listes de substance à contrôler de la directive cadre sur l'eau.
[233] Plus généralement, le rapport recommande de favoriser la mutualisation et la comparaison
des données acquises sur différents sites et milieux, aux différentes échelles spatiales (i.e. transfert sol-nappe, bassin versant) au travers de la création et/ou du renforcement de réseaux de suivi pérennes, représentatifs des différents compartiments de l'environnement et des sources
117
Fluoroquinolones.
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d'ATB, BRA et GRA, la bancarisation systématique des données, enfin un rapprochement des différents outils de surveillance réglementaire (environnementaux et sanitaires) pour mutualiser les efforts. L'avis d'expert soulignait en effet le manque de données sur certaines sources potentielles de contamination (ATB, BRA et/ou GRA) de l'environnement : l'assainissement non collectif (20 % de la population française est non raccordée), les sites producteurs de médicaments, les anciens sites d'enfouissement de déchets ou biodéchets issu de composteurs de proximité, les rejets de pisciculture (5 ATB sous AMM). Certains compartiments environnementaux sont par ailleurs peu étudiés sur ce thème : aquifères souterrains, zones côtières, sols, rhizosphère, phyllosphère, faune sauvage.
[234] En France, les milieux récepteurs environnementaux peuvent être résilients à travers la
dilution naturelle et le traitement des eaux et boues. En revanche, les flux planétaires (personnes, animaux, denrées) introduisent indirectement des BRA et/ou des GRA dans l'environnement, mais de manière continue (apports anthropiques). De plus, les connaissances sur le pouvoir sélecteur des antibiotiques, comme des biocides, leurs seuils d'action et effets combinés, ainsi que les effets climatiques sur les écosystèmes récepteurs, sont parcellaires et doivent être développées. Il convient également de surveiller l'impact des nouvelles pratiques (réutilisation des eaux usées traitées, recharge artificielle de nappes, stockages d'eau) et des relocalisations en France des industries pharmaceutiques de fabrication des substances actives. Recommandation n°10 Effectuer une cartographie SIG118 croisant des données pour identifier les zones à risques requérant une surveillance renforcée. Un système de surveillance national pourra ensuite être mis en place Recommandation n°11 Déployer les indicateurs recommandés par l'avis de l'Anses, favoriser la mutualisation et la comparaison des données acquises sur différents sites et milieux en renforçant les réseaux existants de manière pérenne
[235] Quant au rapprochement des différents outils de surveillance réglementaire
(environnementaux et sanitaires), et suite au projet de recherche OBEPINE qui a permis de suivre l'évolution de la présence du génome du SARS-Cov2 dans les eaux usées, le ministère de la santé et le MTE travaillent actuellement à la mise en place d'un réseau de surveillance sanitaire des eaux usées (projet SUM'EAU).
[236] Par ailleurs, parallèlement au Health data hub, le MTE met en place un hub Green data for
Health119 afin de proposer un catalogue de données environnementales destinées au public, experts et chercheurs. Sa mise en valeur dans le cadre de Promise pourrait permettre des croisements d'informations utiles sur l'ABR dans l'environnement.
2.3.3
Les bonnes pratiques en matière de prévention doivent intégrer une dimension environnementale
[237] La démarche de prévention (des infections, de la transmission des résistances...) qui est un
levier clé de la lutte contre l'antibiorésistance ne doit pas être entendue dans une conception trop exclusivement sanitaire : il s'agit aussi de minimiser la contamination des milieux pour éviter la
Système d'information géographique. Le Green data hub (GHD) réunit des données environnementales et travaille avec le Health data hub (HDH), qui collige des données de santé humaine, pour permettre le rapprochement « expositions-état ou soins de santé ». Sur ce thème, cf. rapport IGAS-IGF-IGéSR-CGAAER-CGEDD de 2020 La santé-environnement : recherche, expertise et décision publiques.
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diffusion des résistances mais également d'intégrer des leviers environnementaux - qualité de l'air et de l'eau, qualité du logement ... - dans l'arsenal préventif.
2.3.3.1 Soutenir la démarche d'éco-prescription
[238] Mise en oeuvre à travers une expérimentation lancée en 2016120, la démarche d'éco-
prescription vise à sensibiliser l'ensemble de la chaîne des acteurs aux effets environnementaux de la consommation des médicaments (mauvaise dégradation, persistance nocive et toxique pour les êtres vivants, accumulation dans certains organismes, et concernant plus spécifiquement, contribution à l'antibiorésistance,..). Il s'agit de former les médecins volontaires à cette problématique et de les inviter à prendre en compte l'aspect environnemental de la prescription des médicaments à travers un score de toxicité PBT (persistance, bioaccumulation, toxicité), l'idée étant de privilégier la molécule la moins « polluante » à efficacité thérapeutique équivalente. Le médecin doit également insister sur l'importance de ne pas constituer de stock de médicaments en rappelant la nécessité de retourner ce qui n'a pas été utilisé aux pharmaciens, également sensibilisés à la démarche et invités à promouvoir l'attitude écoresponsable de la population lors de la délivrance des traitements.
[239] Informé des effets environnementaux, le patient est invité à prendre une part plus active en
acceptant que lui soit prescrit la quantité dont il a besoin, en étant observant et en rapportant le cas échéant les surplus non utilisés à son pharmacien.
[240] Ayant montré la bonne faisabilité et acceptabilité de cette action d'inspiration « Une Seule
Santé » qui vise à sensibiliser tant les professionnels de santé (médecin, pharmaciens, vétérinaires121) que les patients et responsables des politiques territoriales, l'association ASOQS (Améliorer la Qualité des Soins) créée par des médecins en avril 2006 plaide pour cette prise en compte de l'impact environnemental, notamment à travers l'apposition de logos sur les boîtes et la délivrance raisonnée des traitements selon les besoins, en particulier à travers la délivrance à l'unité pour les traitements courts afin de réduire les MNU (médicaments non utilisés). Recommandation n°12 Intégrer l'écoprescription dans la prochaine FDR et le PNSE
2.3.3.2 Intégrer la réduction de la consommation des biocides dans la lutte contre l'antibiorésistance et l'inscrire dans les objectifs du PNSE
[241] Le rapport Carlet-Le Coz signalait dès 2016, qu'au-delà des objectifs de prescriptions
vertueuses des professionnels de santé, il était important d'élargir les réflexions sur l'ABR à l'utilisation immodérée des désinfectants et biocides (y compris par les particuliers) qui participent à la sélection croisée des résistances. En 2020, le rapport Anses a démontré le lien biocides 122 / antibiorésistance in vitro et proposé que des études d'impact complémentaires soit menées au regard de la forte concentration et de l'usage insuffisamment raisonné de ces produits dans les milieux.
120 Elle
implique des pharmaciens et des médecins du territoire et s'appuie sur un partenariat avec l'Agence de l'eau RhinMeuse, la Région Grand Est (dont l'ARS), le département des Vosges, le programme européen LEADER, une opération de sensibilisation et d'analyse de l'impact des médicaments sur l'environnement et la qualité des eaux. 121 Invités dans le cadre de l'action à promouvoir les actions préventives non médicamenteuses, notamment en parasitologie. 122 Et les éléments trace métalliques, : le cuivre est par exemple considéré comme produit biocide.
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[242] L'utilisation de ces produits vise d'abord à éviter la propagation des maladies dans un souci de
prévention (lutte contre les germes pathogènes, organismes indésirables ou nuisibles). Les substances actives et produits biocides font l'objet du règlement européen rectifié UE N°528/2012 et les AMM sont délivrées par l'Anses qui procède également à l'évaluation des substances et produits conformément au règlement REACH. Dans un objectif de prévention en santé (exposition de la population) et environnement (éviter les résistances), la loi EGALIM123 et ses décrets d'application ont introduit trois dispositions spécifiques : l'interdiction de la publicité pour le grand public, l'interdiction de la vente en libre-service pour le grand public, l'interdiction de certaines pratiques commerciales comme les remises, les rabais et les ristournes.
[243] La 7ème conférence Eau et Santé organisée par le GRAIE124 les 7 et 8 novembre 2019 portait
en particulier sur les médicaments et détergents-biocides dans l'eau : la caractérisation des apports, l'évolution des flux dans les systèmes d'assainissement, les impacts environnementaux et sanitaires, la réduction à la source et les leviers d'actions. En 2021, la conférence « Une seule santé, en pratique ? »125 a permis de réunir des experts et d'émettre des recommandations dans le cadre d'ateliers de travail. En s'inspirant du succès du plan EcoAntibio 2, les recommandations s'articulent autour de 5 axes : Axe 1 : Promouvoir les bonnes pratiques, sensibiliser et accompagner les acteurs o Recommandation 1 : Mettre en place une information du grand public relative à l'utilisation des biocides Axe 2 : Développer des alternatives aux biocides par la recherche o Recommandation 2 : Remplacer les désinfectants par des détergents o Recommandation 3 : Développer des axes de recherche Axe 3 : Renforcer l'encadrement des pratiques commerciales o Recommandation 4 : Encadrer l'utilisation des biocides Axe 4 : Améliorer les dispositifs de suivi de la consommation de biocides o Recommandation 5 : Mettre en place un dispositif de surveillance de l'utilisation des biocides. Axe 5 : Construire une gouvernance biocide et la promouvoir à l'échelon européen et international
[244] Il conviendra également que la DGPR et l'Anses encadrent l'utilisation des biocides dans les
établissements recevant du public (ERP) et informent le public et les professionnels sur les bonnes pratiques d'utilisation des biocides à travers le site internet Simmbad, l'outil « Certibiocides » et les centres de formation habilités.
[245] Dans ce contexte, la gestion des données devient primordiale. La mise en valeur du Green data
Hub à cette fin est souhaitable. Recommandation n°13 Intégrer dans la nouvelle FDR une stratégie de connaissance et de maîtrise des effets des biocides sur l'ABR en santé humaine, animale et environnementale. Intégrer la surveillance des biocides dans le projet « Green data for Health »126 et fixer une cible de réduction de la consommation de biocides dans le PNSE.
Loi n°2018-938 du 30 octobre 2018 Groupe de Recherche Rhône-Alpes sur les infrastructures et l'eau. 125 https://www.agreenium.fr/actualites/conference-une-seule-sante-en-pratique-17-mars-2021 126 Action 18 du PNSE4
123 124
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2.3.4
L'action en matière environnementale doit être mise en valeur dans la nouvelle FDR et dans le PNSE (et sa déclinaison en PRSE).
[246] L'intégration de l'antibiorésistance dans le PNSE, accompagné de la territorialisation de sa
mise en oeuvre, permettrait de développer un plan de lutte plus efficace. La première étape consiste à afficher clairement dans le PNSE une composante antibiorésistance (avenant, ou mise en lumière des actions actuelles rattachées...), qui pourra ensuite être déclinée localement à travers les PRSE. Recommandation n°14 Créer au sein du PNSE un axe dédié à l'antibiorésistance
2.4 Le défi persistant de la préservation de l'arsenal thérapeutique en médecine humaine et vétérinaire appelle une mobilisation majeure, qui ne peut se concevoir sans un appui européen et international.
[247] Face à la dynamique forte des résistances, il est fondamental pour pouvoir répondre aux
besoins de santé de disposer d'une large gamme thérapeutique et d'outils diagnostiques pour cibler au plus juste l'antibiothérapie. Le marché des produits de santé peine cependant à offrir une réponse à la hauteur de ce défi constamment renouvelé. Le monde est, dès lors, confronté à un redoutable effet de ciseaux entre un risque croissant d'impasses sanitaires et un désinvestissement industriel que l'action publique ne parvient que difficilement à ralentir. Le risque de tarissement des ressources thérapeutiques concerne aussi bien la santé humaine que la santé animale, et ce, d'autant plus, que les menaces sur les antibiotiques humains et la perméabilité des phénomènes d'antibiorésistance ont conduit à encadrer strictement l'usage des antibiotiques critiques (parce qu'essentiels en santé humaine) en médecine vétérinaire.
[248] La mobilisation nationale est réelle sur ces sujets, en particulier concernant la lutte contre les
pénuries. Elle doit toutefois s'amplifier, notamment en matière de soutien à l'innovation thérapeutique et diagnostique, et ne peut, seule, suffire, compte tenu de la problématique mondiale que représente la fragilité du modèle économique de marché pour les antibiotiques. La France a, dans ce domaine, tout intérêt à puiser aux modèles étrangers mais, également, à s'appuyer sur les dynamiques européenne et internationale.
2.4.1
Les menaces sur l'arsenal thérapeutique en santé humaine comme animale ont suscité de nombreuses initiatives nationales à amplifier
2.4.1.1 Des menaces imbriquées entre santé humaine et santé animale qui appellent des réponses pour partie similaires
[249] Si l'apparition de résistances aux antibiotiques est un phénomène quasiment contemporain de
leur création, le désinvestissement industriel de cette classe thérapeutique est plus récent. Fruit paradoxal des succès thérapeutiques de l'antibiothérapie, il date du tournant du siècle, au moment où le recul des pathologies infectieuses conduit à l'investissement d'autres champs thérapeutiques porteurs de besoins croissants. Aucune famille d'antibiotiques résolument nouvelle n'a été mise sur le marché depuis 30 ans. Les antibiotiques sont des médicaments d'un type particulier, indispensables pour la santé humaine et animale, mais dont la consommation est volontairement limitée du fait de l'antibiorésistance, conduisant à l'étroitesse de leurs débouchés économiques, hors de proportion avec des coûts de recherche importants, qui se sont considérablement accrus depuis la mise sur le marché des premiers antibiotiques. Confrontés à un marché peu dynamique et peu rentable, les grands groupes industriels délaissent progressivement la recherche-développement en - 71 PUBLIÉ
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antibiothérapie. À l'exception d'une poignée de grands laboratoires, ce secteur est désormais essentiellement investi par de petites entreprises, souvent issues du monde académique. Malgré le dynamisme de leurs recherches, celles-ci éprouvent aujourd'hui de grandes difficultés à porter leurs innovations vers le marché ou à s'y maintenir127 (voir annexe 3).
[250] Parallèlement, le besoin de soins se heurte de plus en plus fréquemment à des pénuries
d'antibiotiques anciens, dans un contexte où leur générication réduit également l'intérêt du détenteur de l'AMM à rester sur le marché. L'appauvrissement de l'arsenal thérapeutique résulte donc aussi bien des arrêts de commercialisation progressifs d'anciens antibiotiques que de la pauvreté de la dynamique de recherche-développement, alors même que les résistances requièrent la mise au point de nouvelles approches et de nouveaux traitements.
[251] L'acuité des risques d'appauvrissement de l'arsenal thérapeutique antibactérien est d'autant
plus préoccupante que la diversité actuelle des antibiotiques ne permet pas d'avoir de molécules réservées uniquement à la santé humaine ou à la santé animale : à l'exception de quelques sousfamilles utilisées exclusivement en médecine humaine, et d'une sous-famille propre à la médecine vétérinaire (pleuromutilines), les antibiotiques utilisés sont communs. L'enjeu de préservation de l'arsenal est donc partagé. Il est par conséquent essentiel d'épargner en santé humaine, et plus encore en santé animale, les antibiotiques de dernière ligne. L'usage prioritaire en première intention d'anciens antibiotiques à spectre étroit par ex. pénicillines- permet de minimiser et donc de préserver l'usage d'antibiotiques de seconde ou troisième lignes plus récents, et à spectre plus large, en évitant que ceux-ci ne créent des résistances trop rapidement et que leurs bénéfices ne soient dilapidés.
[252] C'est pourquoi les actions inscrites à la feuille de route comme aux grands programmes
européens et internationaux visent simultanément, le plus souvent, médecine humaine et médecine vétérinaire. Elles associent un soutien à la recherche, des mesures visant à réduire les pénuries et d'autres, à simplifier et rendre plus attractif le parcours juridico-économique des nouveaux produits. Il s'agit de maintenir une gamme large d'antibiotiques, de chercher des alternatives thérapeutiques, mais aussi d'accroître, en santé humaine comme animale, les possibilités diagnostiques pour garantir un usage ciblé et pertinent des antibiotiques. La lutte contre l'appauvrissement de l'arsenal thérapeutique apparaît à deux niveaux dans la FDR : dans les mesures 7 et 8 consacrées à la recherche et au développement des partenariats public-privé, et dans la mesure 9 qui, en aval, traite de l'accès ou du maintien sur le marché des traitements et outils de diagnostic.
[253] Innovation et repositionnement des antibiotiques constituent des volets majeurs du PPR piloté
par l'INSERM et font l'objet de soutiens dans le cadre d'appels à projets nationaux (ANR) ou partenariaux (par exemple dans le cadre du JPI-AMR et de la collaboration franco-allemande). De l'élucidation des mécanismes d'apparition et de dissémination de l'ABR, à la recherche de nouveaux traitements, tous les axes de recherche128 peuvent concourir à préserver ou enrichir l'arsenal thérapeutique. La recherche française, dont l'excellence est reconnue dans ce domaine, est mobilisée sur la compréhension des mécanismes d'action des antibiotiques et des résistances, afin d'optimiser ou renouveler les traitements (nouvelles molécules, nouvelles voies d'action ou apport d'adjuvants inhibant les phénomènes de résistance...), mais également d'imaginer d'autres approches thérapeutiques.
[254] Les projets sélectionnés dans le cadre du PPR en 2021 sont représentatifs de la variété des
projets qui existent dans ce domaine, en termes d'approches conventionnelles et non
127 128
Quelques faillites retentissantes telles celle d'Achaogen ont marqué les esprits. Cf. annexe 4 et tableaux liés à cette annexe
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conventionnelles129. Les premières visent soit à développer de nouvelles molécules dérivées des molécules existantes dans les grands classes d'antibiotiques actuelles, soit à tester de nouvelles combinaisons moléculaires (comme par exemple le couplage de 2 beta-lactamines pour générer un pro antibiotique qui sera plus efficace in situ dans les bactéries cibles) ; certains travaux affinent les études de pharmacocinétique et de pharmacodynamie (PK/PD) pour d'anciens antibiotiques, un temps délaissés à cause de leur toxicité (comme la colistine), mais qui peuvent être réutilisés avec profit en revisitant les doses et la durée de traitement. Les approches non conventionnelles étudient des voies originales faisant appel notamment à des organismes vivants, comme les phages ou la modulation du microbiote, pour diminuer les populations de bactéries résistantes ; d'autres travaux portent sur des molécules qui vont cibler des processus biologiques fins des bactéries visées (comme les polypeptides bloquant les ribosomes bactériens). Ces axes de recherche, tant en santé humaine qu'animale, sont complétés par des recherches en sciences humaines et sociales afin d'identifier les leviers et les freins à une utilisation raisonnée et optimisée des antibiotiques par les acteurs de la santé humaine et animale (prescripteurs, utilisateurs) (cf. infra).
[255] Le dynamisme de la recherche française en antibiorésistance, portée par les grands organismes
(Inserm, INRAE, CNRS, IRD, etc.) et les équipes universitaires, doit impérativement être soutenu dans la durée, au-delà des échéances et des montants financiers de l'actuel PPR130, pour que ces pistes puissent s'inscrire dans un temps long, nécessaire dans ce domaine. Un PEPR sur l'ABR permettrait d'assurer cette continuité, tout en étant complémentaire aux PEPR (Prézode et MIE) inscrits dans la stratégie d'accélération MIE-MN. Primordiaux pour contribuer au renouvellement de l'arsenal thérapeutique, ces développements dans le domaine des antibiotiques pourront aussi, à moyen terme, constituer un socle utile pour un élargissement des recherches sur les résistances à d'autres antimicrobiens, les antifongiques131 par exemple.
[256] La dynamique de recherche doit cependant pouvoir déboucher sur des développements
industriels et sur de nouveaux produits. Cela nécessite, en aval, une articulation fluide du monde académique et de l'économie. C'est aujourd'hui cette charnière clé entre la recherche et le développement en vue de mises sur le marché qui est la plus problématique dans le champ de l'antibiothérapie (cf. annexe 3). C'était une des ambitions de la feuille de route que de conforter cette transition. Les organismes de transfert et de valorisation ont intégré la priorité de lutte contre l'antibiorésistance en cherchant à valoriser les pistes prometteuses et à faciliter les partenariats avec le secteur privé, mais avec un succès inégal, et avec des limites inhérentes à leur rôle. Les start up, qui exploitent les pistes de recherche au-delà de la phase de validation de leur caractère prometteur et brevetable, sont ensuite en difficulté pour franchir toutes les étapes de développement, et notamment la phase onéreuse de développement clinique, en l'absence de soutien par les investisseurs ou les grandes entreprises pharmaceutiques.
[257] La mesure 9 de la feuille de route (cf. bilan détaillé en annexe 1) cherchait à enrayer cette
désaffection des acteurs industriels avec deux actions essentielles, la première (action 24) visant l'adoption de mesures incitatives au maintien sur le marché d'anciens antibiotiques, la seconde (action 25) le développement de mesures réglementaires et économiques favorables à l'innovation en produits et technologies de maîtrise de l'antibiorésistance en santé humaine ; ce type d'actions est également nécessaire pour soutenir le repositionnement de molécules, bien que ce ne soit pas mentionné explicitement dans la FdR. Une troisième action (26) cherchait à améliorer l'utilisation en
Pour suivre la classification utilisée par l'OMS dans son étude de 2020 sur l'état de la R&D sur de nouvelles molécules et traitement de l'ABR 130 Les résultats des projets soutenus seront connus entre 2025 et 2026. 131 Que l'OMS considère comme une priorité émergente, avec de nombreux point communs avec l'antibiorésistance : mortalité et morbidité en hausse, peu de nouveaux médicaments en essais cliniques, accès limités aux antifongiques des populations les plus défavorisées, etc.
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médecine des outils de diagnostic in vitro grâce à une meilleure prise en charge. Cette dernière action ne s'est engagée qu'assez tardivement, ce qui n'a pas permis d'avancée significative, en dépit des besoins importants en nouveaux outils diagnostiques (nouveaux TROD) ou en amélioration des dispositifs existants (rapidité de réponse, par exemple pour l'ECBU), et du potentiel industriel français en la matière.
2.4.1.2 En santé humaine, une mobilisation nationale réelle mais qui gagnerait à un continuum d'action de la recherche jusqu'à la commercialisation des produits.
[258] Dans le champ de la santé humaine, l'action 24 a suscité une mobilisation importante, adossée
à une feuille de route spécifique 2019-2022 sur les pénuries de médicaments132 (voir le détail en annexe 1 Mesure 9). Mise en place de stocks de sécurité133, annonce précoce des arrêts de commercialisation envisagés afin de permettre la recherche de solutions avec les pouvoirs publics (l'ANSM en particulier), adaptation des procédures d'appel d'offres hospitaliers pour qu'ils soient plus ouverts, et plus prévisibles, notamment pour les petites entreprises du secteur, négociations de prix adaptées avec le CEPS en cas de menace d'arrêt de commercialisation134... autant de leviers qui ont cherché à préserver le maintien sur le marché des antibiotiques anciens. D'autres pistes ont pu être envisagées, notamment une production publique (pharmacie centrale des armées, AGEPS) ou sous pilotage public135.
[259] Pour amplifier la démarche nationale136, la France a également fait appel au programme
d'appui européen pour les réformes structurelles (PARS, aujourd'hui TSI) soutenu par l'OMS. L'objectif de ce programme est de « garantir la disponibilité des antibiotiques en médecine humaine et vétérinaire tout en préservant l'environnement ». Il s'agit, sur la base d'un diagnostic détaillé des causes profondes des pénuries (début 2022), de bâtir un plan d'action systématique avec des mesures pilotes. L'enjeu de préservation de l'environnement et de développement durable137, est d'emblée intégré face à l'hypothèse de relocalisation de fabrication à risques ; cette dimension, parfois déjà prise en compte en vertu de l'accord LEEM-CEPS dans les négociations de prix, devrait toutefois pouvoir s'appuyer sur des référentiels (DGPR) objectivant les coûts environnementaux et les obligations légales en la matière.
[260] Dans l'attente, des titulaires d'AMM d'anciens antibiotiques continuent à se retirer du marché
national138 ou mondial, faute de rentabilité. Ils ne sont remplacés que par une poignée de nouvelles autorisations de mise sur le marché, avec un niveau d'innovation souvent faible. C'était l'objet de l'action 25 que de lever les obstacles réglementaires et économiques à l'apparition d'innovations. Outre la mise en place de procédures accélérées, il s'agissait essentiellement d'influer sur le niveau de prix ou de remboursement des nouvelles molécules (ou nouvelles combinaisons de molécules existantes). Grâce à une adaptation progressive de la doctrine d'évaluation du service médical rendu (SMR) et de son amélioration (ASMR) par la Haute autorité de santé aux enjeux spécifiques de l'antibiothérapie, et à des mesures dérogatoires de prix ou de prise en charge (garantie de prix européen ouverte plus largement aux antibiotiques dans l'accord-cadre LEEM-CEPS, inscription à la
La mesure 12 de cette feuille de route est ciblée sur les antibiotiques. Décret n° 2021-349 du 30 mars 2021 instaurant l'obligation pour les entreprises pharmaceutiques de constituer un stock de sécurité pour tous les médicaments destinés au marché national dans la continuité de l'article 48 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020. 134 Article 28 de l'accord -cadre LEEM-CEPS 21-24. 135 Rapport d'information n°737 (2017-2018) de M. Jean-Pierre DECOOL, sur la pénurie de médicaments et de vaccins. 136 C'est l'objet de la mesure 12 dédiée aux antibiotiques de la feuille de route sur les pénuries de médicaments. 137 Également présent dans l'effort de repositionnement des anciens médicaments, qui permet d'éviter la mise sur le marché de nouveaux produits chimiques. 138 Qui reste cependant l'un des marchés européens les plus pourvus.
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liste en sus de la prise en charge hospitalière...), des incitatifs se sont mis en place, plutôt sur la fin de période toutefois (voir Bilan de la mesure 9).
[261] Mais ces mesures ne répondent qu'imparfaitement aux défis économiques du marché des
antibiotiques (cf. annexe 3). Les industriels, et en particulier le monde des start-up, insistent sur la nécessité urgente d'une convergence renforcée des actions et sur le besoin de compléter les dispositifs existants. D'une part, en palliant les insuffisances du soutien financier au développement des candidats médicaments par les PME ; d'autre part, en proposant des pistes déconnectant revenus et volumes pour accroître la prévisibilité et l'attractivité du marché pour encourager les industriels et investisseurs à soutenir ce secteur.
[262] Concernant le premier point, il apparaît en effet que si des moyens sont mis en oeuvre au début
de la chaîne de valeur des produits (actions dites push en faveur de la recherche) et à la fin, au moment de la mise sur le marché et des négociations tarifaires (quelques actions de la gamme des leviers dits Pull), la phase très coûteuse de développement du produit (et en particulier la phase d'essais cliniques) achoppe sur le faible intérêt à agir des investisseurs comme sur les modalités et les montants des soutiens publics (BPI par exemple). Quant à l'attractivité du marché, la hausse du prix est importante139, mais elle reste contenue par les enjeux d'accessibilité des médicaments et de soutenabilité de la prise en charge publique, et ne suffit pas à rendre ce secteur attractif dans un contexte de manque de visibilité et de fortes contraintes sur les volumes.
[263] Le groupe dédié du CSF a consacré une part importante de ses travaux à la recherche de
solutions économiques ou industrielles aptes à dépasser ces faiblesses. L'Alliance BEAM représentant les start-up actives dans le champ a formulé de nombreux scénarios associant différents leviers (transférabilité d'exclusivité, souscription....) susceptibles de pallier cette déficience, au niveau national ou européen (cf. annexe 3). La réflexion sur un modèle économique rénové, est, en effet, la piste la plus prometteuse pour un réinvestissement du champ de l'antibiothérapie. De nombreux États (Royaume-Uni, Suède, États-Unis...) se sont engagés dans cette voie, en mobilisant différents outils (revenu annuel garanti, production publique...)140. Dans le cadre de l'action 25 et du CSF, la France a sollicité la Toulouse School of economy (TSE) et le professeur J. Tirole pour proposer aux autorités françaises et européennes un nouveau modèle économique tirant les enseignements de ces différentes expériences. Les travaux conduits dans le cadre de l'action conjointe EU-JAMRAI montrent141 cependant, que, pour la plupart des États-européens consultés, la solution parait devoir être recherchée à une échelle européenne, si ce n'est internationale. Nombre de pistes semblent de fait plus pertinentes à ce niveau (cf. 2.4.2 infra).
[264] Il convient dans ce cadre de faire la part des actions nécessaires au niveau national et de celles
qui requièrent une dimension européenne (cf. infra) mais aussi et surtout d'opter pour un schéma d'action, même imparfait. Le diagnostic est posé depuis longtemps, la crise Covid en a plus que jamais souligné l'urgence, les différentes voies possibles de soutien sont connues voire déjà expérimentées à l'étranger ; il y a nécessité maintenant de choisir le bon niveau des différentes interventions, d'opter pour une combinaison de différents leviers et d'avancer de façon volontariste au niveau national et de façon convaincante dans les enceintes européennes.
[265] Il importe dans ce cadre de se doter au niveau national d'un pilotage resserré (cf. 2.1.4) et d'un
plan d'action structuré et mobilisateur pour conforter la synergie aujourd'hui incertaine d'acteurs nationaux de bonne volonté mais intervenant en ordre relativement dispersé encore. La
En cas de pénurie par exemple, les industriels priorisent les marchés aux prix les plus élevés. : Approaches taken in France, Germany, Sweden, the United Kingdom and the United States. D. Gotham, L Moaj, M Van des Heijden, S Paulin et alii. Health policy 125, 2021. 141 Cf. Policy brief Improving Access to essential antibiotics, EU-JAMRAI.
139 140 Reimbursement models to tackle market failures for antimicrobials
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problématique spécifique des produits de santé de maîtrise de l'ABR doit pouvoir s'adosser à une véritable stratégie articulant recherche, santé (humaine et animale), soutien économique et industriel. C'est la logique des stratégies d'accélération mises en place dans le cadre du plan de relance. Il peut s'agir d'une stratégie d'accélération ad hoc, ou, plus vraisemblablement, d'une intégration dans la stratégie d'accélération Maladies infectieuses émergentes-Menaces NRBC (MIEMN), 3e axe de force de la stratégie Innovation santé 2030, afin de bénéficier de la dynamique partenariale et de la logique de guichet unique amorcées. Ce doit être un levier à la disposition du délégué interministériel. Cette stratégie d'accélération doit intégrer la maîtrise des risques environnementaux. Recommandation n°15 Se doter d'une stratégie d'accélération dédiée aux enjeux d'ABR ou inclure l'ABR dans la 3e stratégie d'accélération MIE-MN. Réserver sans attendre une enveloppe antibiorésistance au sein des fonds du Plan innovation Santé 2030 (PIS 2030) pour cette nouvelle stratégie d'accélération, ou le volet dédié de la stratégie d'accélération MIE-MN, afin de financer, notamment, deux actions : l'expérimentation d'un mécanisme encadré, à préciser, de garantie de chiffre d'affaires annuel pour certains ATB essentiels et la création d'un fonds dédié de soutien permettant aux PME de se financer, pour développer les produits pertinents dès la phase clinique
Recommandation n°16 En ligne avec le PIS 2030, mettre en place un guichet unique pour garantir aux PME porteuses de projets novateurs la réponse concertée santé-industrie qui fait défaut aujourd'hui Recommandation n°17 Face aux enjeux de sécurité d'approvisionnement, et dans le prolongement des travaux en cours sur les mesures graduées de sécurisation publique142, travailler de façon hiérarchisée l'hypothèse de production sous pilotage public
[266] Mais, au-delà de la structuration renforcée de l'action nationale, il est également décisif de
contribuer à une dynamique européenne et internationale seule à même de contrecarrer significativement les défis sanitaires de l'antibiorésistance (cf. infra et Bilan de la mesure 37).
2.4.1.3 En santé animale, il est indispensable de maintenir l'arsenal thérapeutique existant, d'encourager le repositionnement de médicaments déjà disponibles, et d'orienter l'innovation vers le développement d'outils diagnostiques, de dispositifs de prévention de l'infection ou d'alternatives thérapeutiques.
[267] Le marché du médicament vétérinaire présente certaines différences notables par rapport à
celui de la santé humaine, ce qui accroît les difficultés de défense de l'arsenal.
[268] Dans ce domaine, il n'existe pas de prise en charge comparable à celle réalisée par l'Assurance
Maladie : le coût des médicaments vétérinaires est à la charge du propriétaire des animaux. Les prix ne sont pas régulés, mais librement déterminés par le jeu de la concurrence143. Le marché du médicament vétérinaire est étroit (moins de 2 % en valeur du marché du médicament humain et
Les vulnérabilités d'approvisionnement en produits de santé, CGEIET-IGAS, décembre 2021. Le rapport envisage des mesures graduées, selon le niveau de criticité des médicaments : des réserves stratégiques et production publique, des productions sous pilotage public (pharmacie centrale des armées ou partenariats public/privé) ou des soutiens privilégiés à l'investissement, et enfin un suivi renforcé des plans de gestions des pénuries et des stocks industriels. 143 Code de commerce. Article L410-2.
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« 17 % des médicaments vendus atteignent un chiffre d'affaires inférieur à 40 000 »144.). Il est également très morcelé, compte-tenu du nombre important d'espèces concernées, et de la variété des pathologies au sein de chaque espèce. Pour chaque médicament, sont définis des indications, une ou des espèces cibles, et des délais d'attente si le médicament est destiné à des animaux de production145. Les dossiers de demandes d'AMM des médicaments doivent être spécifiques à chacune des espèces, notamment lorsque les animaux sont destinés à la consommation. L'extension d'AMM d'une espèce animale à une autre demande de gros investissements.
[269] Compte tenu de ces spécificités, les vétérinaires sont d'ores et déjà confrontés à de fréquents
manques de médicaments, y compris antibiotiques, autorisés pour certaines espèces animales dites « mineures » (ovins laitiers, caprins, abeilles), voire même, pour certaines indications, chez des espèces « majeures ». Dans ces situations, les vétérinaires sont contraints de recourir au principe de la cascade146.
[270] Les antibiotiques représentent seulement 10 % du marché du médicament vétérinaire en
2020, en lien avec les mesures engagées dans le cadre des plans Ecoantibio qui ont incité les professionnels à une baisse de consommation de l'ensemble des molécules, et au respect de règles très strictes lors du recours aux antibiotiques critiques. L'efficacité des actions a entraîné une très forte diminution de vente d'antibiotiques vétérinaires entre 2010 et 2020 (- 54,8 %), notamment pour ce qui concerne les antibiotiques critiques dont l'utilisation est devenue exceptionnelle. Certains laboratoires ont décidé de ne pas maintenir sur le marché des médicaments contenant des antibiotiques critiques, plusieurs AMM ont été abandonnées.
[271] L'étroitesse du marché du médicament antibiotique, sa fragmentation du fait de la multiplicité
des espèces, auxquelles s'ajoutent les préconisations de baisse d'usage d'antibiotiques et l'environnement réglementaire complexe et évolutif, ne sont pas de nature à inciter les laboratoires pharmaceutiques à investir dans la recherche et le développement de nouveaux antibiotiques. De plus, si de nouveaux antibiotiques étaient découverts, leur utilisation serait réservée à la santé humaine, pour traiter certaines pathologies graves liées à des bactéries multi-résistantes.
[272] Les actions en faveur du maintien de l'arsenal thérapeutique, dont la mise à jour des dossiers
d'AMM des médicaments existants, se révèlent donc particulièrement importantes. (Cf. mesure 9 annexe 1). La préservation de l'arsenal vétérinaire actuel et son bon usage nécessitent, d'abord, l'actualisation des AMM des antibiotiques anciens, et notamment la revalidation des schémas thérapeutiques pour tenir compte des nouvelles connaissances pharmacologiques. La réévaluation des molécules anciennes se fait sur la base d'un rapport bénéfice/risque qui englobe l'efficacité, la tolérance animale, la sécurité du consommateur, mais aussi l'impact sur les flores commensales et sur l'environnement. La révision de posologies des antibiotiques anciens est conduite au niveau européen. Le groupe de travail Antibiorésistance du CVMP147 y travaille actuellement.
SIMV Les chiffres clefs du marché du médicament vétérinaire de l'académie vétérinaire de France 2014. Tome 167. Disponibilité du médicament vétérinaire : réalité, enjeux et perspectives. Communication présentée le 5 décembre 2013 par O.Fortineau et P Carnat-Gautier Bull. Acad. Vét. France -- 2014 - Tome 167 - N°3 http://www.academie-veterinaire-defrance.org/ 146 Principe de la cascade : permet l'utilisation hors AMM d'un médicament vétérinaire autorisé pour une espèce différente dans la même indication thérapeutique ou pour la même espèce dans une indication thérapeutique différente, puis, à défaut d'un médicament destiné à une autre espèce pour une autre indication thérapeutique, à défaut encore d'un médicament autorisé pour l'usage humain, et à défaut enfin d'une préparation magistrale vétérinaire. Des contraintes supplémentaires s'appliquent pour les animaux destinés à la consommation : substances pharmacologiques pour lesquelles les limites maximales de résidus sont définies et temps d'attente à fixer par le vétérinaire. 147 L'Anses a émis en 2017 un avis sur la méthodologie de révision qui a été présenté au comité des médicaments vétérinaires (CVMP) de l'EMA.
144 145 Bulletin
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[273] La recherche-développement privée intervient également pour les révisions de posologie de
médicaments existants, ainsi que pour les modifications d'AMM destinées, par exemple, à l'extension à d'autres espèces. L'Anses avait en 2017 appelé l'attention sur la nécessité d'améliorer la protection des données pour les titulaires d'AMM qui engagent de tels travaux. Ceci visait à maintenir la disponibilité des médicaments en évitant l'abandon de ces AMM. Pour inciter aux travaux de recherche-développement et attirer l'intérêt des industriels ou investisseurs grâce à la prolongation de durée de protection de leur médicament de référence, le règlement 2019/6 applicable depuis le 28/01/2022 prévoit certaines mesures renforcées et incitatives de protection des données sur les AMM existantes et l'évolution des AMM anciennes, détaillées dans la fiche mesure 9- action 24.
[274] En dépit du renforcement de la protection des données sur les anciennes AMM, destiné à inciter
les industriels à mettre en place des études de révision de posologie, le coût de la recherchedéveloppement reste encore un obstacle face à des revenus incertains. Recommandation n°18 Faire davantage participer la recherche et les financements publics à la réévaluation et au repositionnement des anciens antibiotiques vétérinaires.
[275] Afin de rechercher des voies innovantes pour maintenir l'arsenal thérapeutique existant, la
France a sollicité les autorités européennes pour le Projet PARS. L'ANMV participe à son comité de pilotage. En médecine vétérinaire, le problème principal n'est pas la rupture de stock, mais la disparition (comme en santé humaine) de certains antibiotiques du fait d'un maintien aux normes réglementaires trop coûteux, ou d'un manque de rentabilité. Une partie de l'étude porte sur l'analyse économique au niveau des laboratoires, l'estimation des seuils de rentabilité et l'identification des déterminants au maintien d'un ancien antibiotique. En fonction des résultats qui devraient être rendus très prochainement, des solutions pourraient être proposées pour faciliter le maintien d'anciennes molécules qui restent intéressantes dans de nombreux cas.
[276] Concernant l'innovation en santé animale, la recherche est orientée vers les médicaments
préventifs de l'infection, ou susceptibles d'améliorer l'état général des animaux ; le développement d'outils de diagnostic ainsi que les alternatives thérapeutiques nécessitent certaines évolutions réglementaires.
[277] Afin d'utiliser les antibiotiques de la façon la mieux ajustée, les vétérinaires peuvent recourir à
différents types de tests. Les prélèvements sont analysés en laboratoire148 selon des normes précises, dans le cadre des antibiogrammes obligatoires avant utilisation d'antibiotiques critiques, et sans référence à une norme, lorsqu'il s'agit d'utiliser des antibiotiques non critiques. Certains tests rapides d'orientation diagnostic (TROD) apportent des éléments d'information au chevet même de l'animal, et permettent au praticien d'ajuster sa prescription. Contrairement à ce qui est observé en santé humaine, ces TROD sont pratiqués de manière routinière en médecine vétérinaire et se révèlent très utiles pour distinguer les infections bactériennes ou virales, les bactéries à gram + et les bactéries à gram , éliminer le recours à certaines familles d'antibiotiques pour en choisir d'autres.
[278] Cependant, et contrairement à ce qui s'observe en santé humaine, si de plus en plus de tests
sont mis sur le marché, ils ne font l'objet au préalable d'aucune procédure de validation en l'absence de réglementation et de procédure d'autorisation s'appliquant aux TROD utilisés dans le domaine vétérinaire. Un groupe de travail du Réseau Français de Santé Animale149, mis en place sur ce sujet
Laboratoire d'analyse vétérinaire ou dans le laboratoire de l'établissement de soins vétérinaires Réseau de parties prenantes de la santé animale, favorisant la concertation, la coordination et la coopération des professionnels des différents secteurs.
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en 2017, préconisait des tests spécifiques, sensibles et fiables, dont les performances devaient être évaluées.
[279] Pour exiger l'évaluation des tests rapides en termes de sensibilité et de spécificité avant leur
mise sur le marché, une réglementation au niveau de l'Union européenne s'impose. L'industrie pharmaceutique ne se mobilisera en effet dans la production de tests fiables que si la demande se fait à l'échelle européenne. Le seul marché français ne serait pas suffisant pour inciter les fabricants à modifier leurs produits. La création, en septembre 2021, d'un groupe santé animale au Comité européen des normes, initiative portée par l'ANSES et l'AFNOR, pourrait représenter une opportunité pour engager une évolution réglementaire dans ce sens. Recommandation n°19 Promouvoir en santé animale une évolution réglementaire au niveau UE imposant une évaluation des performances des tests rapides (sensibilité et spécificité) pour vérifier leur conformité, avant leur mise sur le marché
[280] La répartition du marché du médicament vétérinaire par grandes classes thérapeutiques
révèle une prédominance de la prévention des maladies infectieuses, notamment par l'utilisation de vaccins qui représentent 25 % du marché en valeur, proportion en constante croissance ces dernières années150. Dans bien des cas, la vaccination permet de limiter le recours aux antibiotiques (vaccination de maladies virales, évitant une surinfection bactérienne, par exemple pour les maladies respiratoires des bovins). Il y a beaucoup d'innovation dans ce secteur : en moyenne, un nouveau vaccin (ou une modification d'un vaccin existant portant sur la voie d'administration, l'espèce cible...) est mis sur le marché par mois, ce qui montre le dynamisme des laboratoires pharmaceutiques dans ce domaine. Ceci contraste cependant avec le fait que, dans certaines espèces, en particulier les ruminants, le recours à la vaccination ne progresse pas depuis 20 ans. L'analyse de cette situation et des pistes susceptibles d'apporter une solution sont développées ci-dessous (2.6).
[281] De nombreux composés font actuellement l'objet de recherches en vue d'évaluer leur intérêt
préventif, et même parfois curatif, dans le contrôle des infections bactériennes animales151. Des produits susceptibles d'améliorer l'état général sont étudiés, notamment pour leur effet sur la croissance des animaux et sur leur fonctionnement digestif. Ceci concerne par exemple les probiotiques152, prébiotiques153, acides organiques, enzymes, argiles. Certains sont déjà utilisés comme additifs alimentaires. Les travaux en cours analysent les modes d'action de ces composés, et s'intéressent à leur capacité à prévenir les infections.
[282] Les vraies alternatives aux antibiotiques - produits capables de traiter les infections
bactériennes- font l'objet d'attentes fortes de la part des professionnels de l'élevage. Un rapport de l'Anses publié en 2018154 dresse un état des lieux complet de la littérature disponible, et indique que les vraies alternatives curatives sont rares et que leurs allégations revendiquées ne sont pas toujours solidement démontrées. Ceci concerne notamment les extraits de plantes, souvent déjà utilisés en phytothérapie et aromathérapie. Différents obstacles s'opposent à l'innovation et au développement dans ce domaine : en dehors de quelques rares médicaments à base de plantes déjà autorisés, les connaissances font défaut pour ce qui concerne l'efficacité des produits, leur toxicité, les résidus présents dans les denrées d'origine animale. Sur le plan réglementaire, les conditions
SIMV. Observatoire national de la vaccination des animaux Données de couverture vaccinale 2017-2020 Les alternatives aux antibiotiques en élevage. Pr Arlette LAVAL. Académie d'agriculture de France. 23 juin 2020 152 Cultures d'organismes vivants qui, lorsqu'ils sont administrés dans des quantités adéquates, apportent un bénéfice à la santé de l'hôte. 153 Substrats bénéfiques pour la santé, spécifiquement utilisés par les microorganismes de l'hôte. 154 Anses. Rapport sur l'état des lieux des alternatives aux antibiotiques en vue de diminuer leur usage en élevage. Février 2018
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d'administration sont limitées car de nombreuses substances utilisées ne sont pas inscrites au tableau des substances autorisées du règlement UE 37/2010155 : 120 substances végétales sur environ 300 plantes d'usage courant chez les animaux de rente, y sont inscrites, dont la moitié est réservée à un usage homéopathique ou à un usage topique.
[283] Afin d'encourager l'innovation dans ce domaine, le dossier de demande d'AMM a été allégé et
la redevance minorée, comme le recommandait l'Anses dans un avis datant de février 2016156.
[284] Ainsi que cela est préconisé dans le plan Ecoantibio 2, articulé à la Feuille de route, le droit de
l'Union est encouragé à soutenir l'innovation, le développement de traitements alternatifs aux antimicrobiens. Un rapport de la Commission européenne est attendu en 2027 sur l'utilisation de médicaments traditionnels à base de plantes dans le traitement d'animaux157. Si nécessaire, un ajout au règlement pourrait alors faciliter l'accès de ces produits au marché, en les faisant bénéficier d'un système simplifié d'enregistrement. Ce sujet, porté par la France, a été mis en avant lors de la PFUE.
[285] La phagothérapie représente également un domaine où l'innovation permet de grandes
avancées. Ce type de traitement alternatif nécessite aussi un encadrement réglementaire.
[286] L'utilisation de ces traitements alternatifs doit cependant être envisagée en concertation
étroite avec le vétérinaire chargé du suivi de l'élevage, dans le cadre d'une prescription réalisée lors de la consultation ou en dehors de l'examen clinique. Recommandation n°20 Poursuivre les efforts pour définir et mettre en place un cadre réglementaire fiabilisant et facilitant le recours à certaines alternatives (phytothérapie et aromathérapie) en santé animale, tout en confirmant le rôle du vétérinaire dans la prescription et le conseil.
2.4.2
Relever le défi thérapeutique relève d'une communauté d'action au niveau européen et au niveau international
[287] Si des réponses énergiques sont nécessaires au nouveau national, la problématique des
produits de maîtrise de l'antibiorésistance relève également, voire surtout, d'une mobilisation européenne et internationale forte. Les organisations des Nations unies (OMS, OIE...) sont fortement et conjointement mobilisées. À l'échelon européen, la problématique de défense de l'arsenal thérapeutique est présente aussi bien dans les actions européennes dédiées à la lutte contre les résistances aux antimicrobiens que dans les réglementations ou stratégies spécifiques traitant du médicament humain ou vétérinaire, et désormais dans la stratégie européenne de santé découlant de la crise CoViD.
[288] Plusieurs initiatives internationales, notamment portées par l'OMS (mais aussi le G20158, ou
l'OIE159) cherchent déjà à stimuler recherche et implication des industriels. Différents dispositifs de soutien ont été mis en place, pour le développement de molécules ou pistes thérapeutiques
Règlement (UE) 37/2010 relatif aux substances pharmacologiquement actives et à leur classification en ce qui concerne les LMR dans les aliments d'origine animale. Le tableau 1 correspond aux substances autorisées (avec la possibilité de restrictions d'usage et/ou d'espèces), le tableau 2 aux substances interdites (lorsqu'aucune LMR ne peut être fixée). 156 Anses. Rapport sur l'évaluation des demandes d'autorisation de mise sur le marché de médicaments vétérinaires à base de plantes. Février 2016. 157 Règlement (UE) 2019/6 article 157. 158 AMR-HUB de R et D pour la santé humaine essentiellement mais aussi pour la vaccination en santé animale. 159 Par exemple le consortium de recherche Global Strategic Alliances for the Coordination of Research on the Major Infectious Diseases of Animals and Zoonose sur les maladies infectieuses et zoonoses. Dans le cadre de la lutte contre l'ABR, l'OIE priorise la recherche sur les alternatives aux ATB.
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prometteuses au regard, notamment, d'une liste de pathogènes prioritaires définie par l'organisation mondiale160. On peut citer notamment CARB X (the Combating Antibiotic Resistant Bacteria biopharmaceutical accelerator), GARDPP (Global Antibiotic Research and Development Partnership161) en soutien de l'innovation et du repositionnement d'anciennes molécules, plus l'initiative du secteur pharmaceutique AMR Fund. L'analyse régulière du « pipeline » de nouvelles molécules permet à l'OMS de suivre au plus près le niveau de mobilisation internationale, et de constater l'impact positif de ces fonds ; à tout le moins pour les phases précoces de développement162. La France doit s'associer autant que faire se peut à ces initiatives.
[289] Les principaux enjeux de moyen terme se situent néanmoins pour la France à l'échelle
européenne, avec, tout à la fois, des échéances importantes de renouvellement des réglementations existantes (notamment révision du règlement sur le médicament humain), et des opportunités nouvelles nées de la volonté des États européens de renforcer leur coopération sanitaire dans le prolongement de la crise CoViD. Les conclusions du conseil européen de décembre 2021 relative au renforcement de l'Europe de la santé sont à cet égard emblématiques, et mentionnent à diverses reprises, et sous différents angles, l'attention à porter à la problématique de la résistance aux antimicrobiens, qu'il s'agisse d'envisager une production publique, de soutenir les efforts en matière de repositionnement ou de créer un cadre favorable à l'innovation.
[290] C'est de fait au niveau européen que semblent devoir se mettre en place les leviers principaux
de défense de l'arsenal thérapeutique. Face à la fragmentation des marchés européens des antibiotiques163, une coordination renforcée des acteurs publics en matière de lutte contre les pénuries ou les arrêts de commercialisation des antibiotiques anciens parait aujourd'hui souhaitable pour donner plus de visibilité aux industriels. Il importe que la France s'implique dans l'action conjointe qui démarre sur ces sujets. C'est également au niveau européen que pourraient converger les efforts des différents États pour répondre aux besoins de santé par un repositionnement des anciennes molécules. C'est l'objet d'une expérimentation pilote qui s'engage dans le prolongement des travaux de 2019 du groupe d'experts STAMP (pour Safe and Timely Access to Medecines for Patients). La France ne semble pas y prendre part, ce qui est regrettable au vu de l'intérêt de telles démarches parallèlement à, ou en attente de, l'innovation164.
[291] C'est enfin à cette échelle que la structuration d'un soutien public renforcé ou d'une
production publique palliant les insuffisances du marché parait la plus pertinente165. C'est une hypothèse qui est désormais envisagée166 pour sécuriser l'approvisionnement européen en produits de santé essentiels, sur le modèle américain de BARDA et de Civica.
https://www.who.int/fr/news/item/27-02-2017-who-publishes-list-of-bacteria-for-which-new-antibiotics-areurgently-needed 161 GARDP met en lien les gouvernements, le secteur privé, les universités et la société civile pour développer des mécanismes de financement et d'incitation de la R&D alternatifs afin de favoriser le développement de solutions innovantes pour lutter contre l'antibiorésistance et assurer la disponibilité des traitements antibiotiques. La France a affirmé son soutien politique et scientifique à cette initiative par déclaration de février 2021 et priorise certains sujets de coopération, dont le renforcement des programmes pédiatriques de lutte contre l'antibiorésistance. 162 Cf. 2019 Antibacterial agents in clinical development: an analysis of the antibacterial clinical development pipeline. Geneva: World Health Organization; 2019. Licence: CC BY-NC-SA 3.0 IGO 163 La fragmentation des marchés, des règlementations et des recommandations de BP européennes constitue un obstacle supplémentaire à la visibilité du marché pour industriels ; cela a été mis en lumière par la crise COVID. 164 Elle ne figurait pas parmi les pays associés en 2019 au groupe de travail dédié associant de nombreuses parties prenantes. 165 Les tentatives purement nationales explorées dans le passé n'ayant pu aboutir. 166 Conclusions du Conseil européen déc. 2021
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Agence spécifique a la gestion des crises épidémiques et a la préparation inter-crises, la Biomedical Advanced Research and Development Authority (BARDA) utilise des nouveaux outils de financement public pour des besoins non couverts par les industriels (dont ABR et MIE) (aides aux capacités de production industrielle, financement des essais cliniques jusqu'a la phase 3 ou encore des précommandes de médicaments en cas de succe s dans les autorisations de mise sur le marche ). Ces mécanismes permettent de partager avec les acteurs privés les risques d'échec de développement et de garantir un débouche en cas de succès. Civica Rx : entreprise à but non lucratif créée par des groupements sanitaires américains soutenus par des sociétés philanthropiques pour compenser les défaillances du marché en produisant des médicaments exposés à de fortes tensions d'approvisionnement ou en passant des marchés pour leur acquisition. Pour mener à bien ses missions, Civica s'appuie sur des partenariats avec des entreprises ou des sous-traitants pharmaceutiques. Il s'agit de garantir aux établissements hospitaliers ainsi fédérés des volumes de médicaments à prix fixe. Le nombre de produits concernés a crû de façon importante, bien au-delà des ambitions initiales du projet. [292] Il s'agit dans ce contexte de préciser quel pourrait être le rôle de la nouvelle autorité HERA167 ,
mais aussi plus globalement d'envisager la mise en place d'un modèle économique rénové, qui gagnerait à se déployer au niveau européen. Une hypothèse de fonds européen dédié au soutien de l'innovation est aujourd'hui avancée, notamment dans le cadre d'EU-JAMRAI dont un document de Policy brief est consacré à la question de l'accès aux antibiotiques168. Un modèle de soutien reposant sur un revenu garanti européen et réunissant les États membres qui le souhaitent est suggéré.
[293] La présidence de l'Union européenne peut jouer un rôle clé au moment où se définissent les
objectifs de HERA et des politiques européennes de sécurisation de l'approvisionnement en produits de santé critiques (dont les antibiotiques) ; au moment aussi où se prépare le nouveau règlement européen qui peut, à l'instar du règlement sur les médicaments vétérinaires (2019/6), ajuster les règles de mise sur le marché aux besoins d'incitatifs et d'assouplissements supplémentaires requis par les antibiotiques. Plus structurellement, la prise de conscience induite par la crise CoViD est un levier dans la durée qui doit être saisi dans les différents chantiers européens en faveur des sujets de lutte contre l'antibiorésistance. Recommandation n°21 Contribuer à la mise en place :
- d'un dispositif européen de soutien aux innovations conjuguant visibilité, attractivité et cibles prioritaires de santé publique169 - d'une capacité de développement et production publics en cas de besoin critique de santé.
[294] Face au défi aujourd'hui persistant de l'arsenal thérapeutique, il est impératif de consolider les
deux autres points clé du trépied de la lutte contre l'antibiorésistance : sauvegarder l'efficacité des antibiotiques existants, en en ayant l'usage le plus économe et le plus pertinent, grâce à des actions résolues de prévention de l'infection et de bon usage des antibiotiques.
[295] Face aux impasses du soin, la logique de prévention s'impose plus que jamais. Comme le
notait l'un des chercheurs impliqués dans le projet DOSA (financé par le PPR pour soutenir la recherche en sciences humaines et sociales en faveur de la lutte contre l'antibiorésistance), l'antibiorésistance impose de rééquilibrer, voire même de réinventer, la relation prévention/curatif en santé humaine comme animale. Priorité prévention... le mot d'ordre issu de la nouvelle stratégie de santé a vocation à s'appliquer de plus en plus fortement dans le champ de
Au sein de laquelle un référent AMR a été désigné. Policy brief EU JAMRAI Improving Access to essential antibiotics 169 Target profile garantissant la prise en compte des priorités publiques de santé publique
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la lutte contre les infections comme dans celui des pathologies chroniques. Dans le champ de la santé animale, la montée en puissance des politiques de biosécurité est également venue relayer de façon décisive l'encadrement du recours à l'antibiothérapie.
[296] Lorsque la prévention n'a pas suffi, il est alors fondamental de recourir aux instruments
curatifs avec le plus de vigilance et de pertinence possibles. Promouvoir le bon usage est un impératif crucial pour ne pas aggraver encore ces phénomènes d'antibiorésistance face auxquels on peine à apporter les réponses thérapeutiques en temps et en heure.
[297] Moins prescrire et mieux prescrire sont des objectifs communs aux deux secteurs humain et
animal. Le diagramme ci-dessous montre toutefois que les enjeux ne se posent pas de la même façon aujourd'hui dans le champ médical et dans le secteur vétérinaire, ce dernier, considéré un temps comme le principal pourvoyeur d'ATB ayant depuis réduit de manière drastique leur usage. Évolutions comparées des ventes d'ATB en santé animale et et santé humaine de 2005 à 2020 (en tonnes)
1400 1200 1000 800 600 400 200 0 2005 2011 2016 Ventes ATB à usage humain (tonnes) 2020
Ventes ATB à usage vétérinaire (tonnes)
Source : Mission d'après données Afssaps/ANSM et Anses-ANMV
2.5 L'indispensable amplification des actions visant à moins et mieux prescrire les antibiotiques en ville doit aller de pair avec la consolidation des dispositifs structurant la lutte contre l'ABR
[298] En santé humaine comme en santé animale, la prévention de l'antibiorésistance repose sur une
synergie d'actions visant la diminution des prescriptions inutiles d'ATB et leur meilleur ajustement aux situations cliniques quand celles-ci en imposent l'usage. Mais les besoins comme les contextes d'intervention diffèrent dans chaque secteur.
[299] La santé animale ayant fait sa mue en termes de pratique de moindre usage, la baisse des
prescriptions relève désormais essentiellement de la diminution des infections (et donc de leur prévention cf. 2.6). Le « mieux prescrire » est devenu l'objectif principal mais les capacités de conseils et les marges de manoeuvre (liste limitative d'ATB) y sont moindres qu'en santé humaine
[300] En revanche, nombre de prescriptions demeurent inutiles en santé humaine, où l'objectif de
moins prescrire est plus complexe à mettre en oeuvre. D'une part, la prévention des infections (mêlant hygiène et vaccination) n'est qu'un aspect du problème, l'autre étant grandement lié à l'usage des outils guidant la prescription (TROD, antibiogrammes, logiciels d'aide à la prescription intégrant les évolutions des recommandations de BUA ...) qui permettraient, s'ils étaient mobilisés plus
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systématiquement, d'éviter ou d'ajuster une bonne partie des prescriptions de ville. D'autre part, la mise en oeuvre de ces stratégies pour moins prescrire implique plusieurs acteurs (médecin généraliste, médecin spécialiste, praticien hospitalier, chirurgien-dentiste, pharmacien et patient) dont l'adhésion et la coordination peuvent poser problème alors qu'en santé animale, tout repose principalement sur le duo vétérinaire et éleveur170.
[301] Les marges de progrès en termes de bonne pratique de prescription (choix et durée de
l'antibiothérapie en fonction du contexte, et à terme, dans une perspective d'écoprescription) sont encore très importantes en santé humaine.
[302] Dans le champ de la santé humaine, en outre, force est de constater que la majeure partie des
difficultés se concentre en ville, point faible de la feuille de route, où l'usage massif171 et inapproprié172 des ATB contraste avec l'insuffisance des interventions menées pour l'encadrer et appelle une mobilisation et un soutien accrus des professionnels comme des patients.
2.5.1
Le bon usage des antibiotiques en ville, un chantier majeur dont la feuille de route a simplement permis de jeter les fondations
[303] Comme souligné dans le bilan par secteur (cf 1.2), la mise en place de la FDR s'est accompagnée
d'une baisse relative des consommations d'ATB en santé humaine ainsi que d'une stabilisation des prévalences des principales souches bactériennes résistantes aux ATB. Mais ces résultats demeurent à mi-chemin de l'objectif fixé173. Il en va de même pour les grandes actions structurantes censées renforcer le bon usage des ATB (BUA), dont l'essentiel a bien été impulsé ces dernières années, mais qui, pour la plupart, manquent encore d'effectivité, après un constat pour partie équivalent en 2016174.
[304] À titre d'illustration, et pour ne citer que les mesures les plus emblématiques, les TROD angine
(action 7) : leur accessibilité a été accrue via la mise en place de circuits d'utilisation par les pharmaciens, en plus de celui des médecins, mais ils demeurent pourtant très sous-utilisés alors que l'angine, dont ils permettent de distinguer l'origine virale ou bactérienne, et responsable de 17 % des prescriptions d'ATB en ville175 est la principale source de mauvais usage d'ATB176.
[305] Dans le domaine des infections urinaires (12 % des prescriptions d'ATB en ville177), également
pourvoyeuses d'un mésusage significatif d'ATB, le développement de l'antibiogramme ciblé (action 10) devait permettre de mieux ajuster la prescription en préservant, dans son rendu des résultats, les ATB critiques. L'ECBU classique n'est aujourd'hui ni toujours demandé ni toujours suivi dans ses préconisations. Outre de faciliter les explications du médecin pour justifier la non prescription d'un ATB souhaité par le patient (comme les quinolones, jugées plus simples d'emploi et plus rapides
Le vétérinaire est un professionnel poly-compétent qui assure les fonctions de prélèvement et parfois d'analyse, de diagnostic, de prescription et de délivrance des ATB. L'éleveur est aussi un acteur important dans la maîtrise de l'utilisation des ATB et la mise en oeuvre des bonnes pratiques permettant de prévenir les infections. A noter que le pharmacien joue également un rôle marginal (5 %) dans la prescription des médicaments animaux. 171 D'après l'ANSM, 80 % des ATB sont prescrits en ville, par les médecins (70 %) et les chirurgiens-dentistes (près de 10 %). 172 Plus de la moitié des prescriptions d'ATB seraient inutiles ou inappropriées, in Réduire la prescription d'ATB en médecine ambulatoire, rapport de diagnostic, Direction interministérielle de la transformation publique, décembre 2020. 173 Il n'y a pas d'objectif chiffré en ce qui concerne les résistances, mais on peut penser que le maintien sous contrôle à un bas niveau de prévalence des plus fréquentes d'entre elles est en soi une forme d'objectif. 174 Rapport IGAS n°2016-082R cité supra 175 Répartition des prescriptions d'ATB en ville par diagnostic en France (2011), IMS Health 2011 176 Seules 20 % des angines sont bactériennes mais une part bien plus importante donne lieu à prescription d'ATB. 177 Répartition des prescriptions d'ATB en ville par diagnostic en France (2011), IMS Health 2011
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d'action), l'expérimentation de ce dispositif a montré qu'il satisfaisait et fidélisait les cliniciens 178. Pour autant, sa généralisation est encore loin d'être acquise, notamment179 au regard des contraintes d'interfaçage des systèmes d'information, de transmission des données et de formation des praticiens180. L'autre contrainte pesant sur l'utilisation des ECBU sont les délais de restitution liés au temps d'analyse, dont le raccourcissement permettrait un meilleur recours et une meilleure utilisation de ces tests. Ce point constitue un axe d'amélioration à prendre spécifiquement en compte dans la stratégie nationale de prévention des infections et de l'antibiorésistance et dans la dynamique d'innovation en matière de DIV.
[306] De même, l'ordonnance dédiée (action 9), destinée à faire de la pédagogie et de l'appui sur le
BUA auprès des patients et des médecins avec, à terme, la possibilité de contrôler la prescription de certains ATB, ne sera expérimentée que dans les deux prochaines années avant de pourvoir équiper, le cas échéant et de manière progressive, les logiciels métiers des cabinets de ville.
[307] Enfin, la dispensation des ATB à l'unité (action 12) est devenue possible en 2022, après un long
processus de réflexion et de concertation, mais sa forme optionnelle et l'absence de leviers industriels pour en soutenir le déploiement rendent pour l'heure incertaine sa généralisation effective.
2.5.2
La nécessaire amplification de la mobilisation et de l'accompagnement des différents acteurs de ville
2.5.2.1 Coeur de cible de la lutte contre l'ABR, les médecins généralistes sont conscients des enjeux mais encore insuffisamment armés pour lutter contre un mésusage multifactoriel
[308] S'agissant des médecins généralistes, l'effort à fournir reste encore important même si des
progrès ont été accomplis, qu'il s'agisse de la diminution de la prescription des ATB dans les dernières années ou des modifications des comportements de prescription, notamment chez les jeunes générations (meilleure formation au BUA, conscience accrue des risques d'ABR et des enjeux environnementaux associés, meilleure disposition aux coopérations interprofessionnelles).
[309] Bien qu'une majorité de médecins généralistes se dise à la fois conscients des enjeux autour de
l'ABR et du rôle qu'ils ont à jouer pour endiguer le processus, le respect des bonnes pratiques varie selon les profils de prescripteurs et les contextes de prescription. D'après une récente étude de la Drees181, près de la moitié des médecins généralistes, plus souvent les hommes, déclarent prescrire des ATB parfois sans justification évidente, et près de 20 %, exerçant plus souvent en zone rurale, en cas de doute pour se protéger des poursuites. Alors que l'antibiorésistance est une source de complication jugée relativement fréquente, une grande majorité des médecins généralistes disent parfois éprouver des difficultés à ne pas prescrire d'ATB quand un patient en fait la demande, deux tiers d'entre eux estimant qu'ils pourraient diminuer la fréquence de leur prescription d'ATB.
Phase test menée dans les Hauts-de-France (Cpias/CRAtb/URPS biologistes) portant sur 4000 ECBU sur une zone de 140 prescripteurs dont les demandes d'ECBU ont été centralisées sur un seul laboratoire. Le retour « conseil recommandation » (2000 ECBU) inséré dans le rendu des résultats fait par le laboratoire a été salué par 80 % des répondants, 50 % des médecins disant mieux prescrire les ATB à l'issu de l'expérimentation. 179 L'autre contrainte pesant sur l'utilisation des ECBU étant les délais de restitution liés au temps d'analyse nécessaire. 180 La perspective est la dématérialisation des feuilles de prescription et l'interopérabilité des SI (DMP, e-prescription) dans un horizon de trois ans pour déployer le dispositif sur la région. Plus globalement le projet est intégré à la Task force Biologie nationale de déploiement du Ségur du numérique. 181 Études et Re sultats, n° 1217, Drees, 2022
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[310] La consommation d'ATB est déterminée par un ensemble de facteurs socio-économiques,
culturels, anthropologiques182 et spatio-temporels qu'il importe de mieux documenter pour ajuster les stratégies, conformément aux préconisations du Haut conseil de la santé publique183. Dans les pays riches, la surconsommation d'ATB serait ainsi liée au fait d'avoir un accès limité aux soins et au système de santé. Les représentations que les patients ont de l'ATB jouent également un rôle. Couplées à un certain seuil d'intolérance à l'incertitude, ces représentations génèrent des attentes et des demandes, plus facilement satisfaites chez les praticiens qui craignent de perdre leur clientèle, ont une vaste patientèle ou manquent d'expérience clinique et de formation médicale.
[311] Par ailleurs, les différences de consommations entre région attestent de l'existence d'un facteur
géographique. En France, des travaux récents objectivent un écart de plus de 25 % entre la région qui consomme le moins d'ATB (Pays de la Loire) et celle qui en consomme le plus (Hauts-deFrance)184. Les DOM, de par leurs caractéristiques (climat, flux populationnels, proximité avec des zones à risque infectieux), peuvent, pour leur part, être confrontés à des situations les amenant à faire des usages particuliers de certains ATB. Enfin, les prescriptions d'ATB ont une dimension saisonnière liée au regain marqué d'infections virales en hiver185.
[312] Face à ce constat, l'accent doit être mis sur la formation des professionnels de santé. Si la
formation initiale a fait l'objet d'actualisations concertées dans le cadre de la feuille de route, qui devraient permettre de mieux et de plus largement sensibiliser l'ensemble des étudiants dans le champ de la santé humaine (fiche mesure 3 action 4), la formation continue pourrait davantage investir la problématique des ATB. Certains acteurs considèrent nécessaire, pour former massivement les médecins généralistes, d'initier un plan d'investissement en développement personnel continu (DPC) à la hauteur des enjeux, ou du moins, de créer un DPC hors quota sur l'ATB/ABR.
[313] Parallèlement, les médecins généralistes doivent être mieux outillés dans la lutte contre
l'ABR. L'Assurance maladie travaillant à l'optimisation du suivi et de la régulation de leur prescription, ils devraient développer une conscience plus fine de leur comportement de prescripteur, qu'ils pourront ajuster le cas échéant avec un usage accru du TROD angine (par euxmêmes ou le pharmacien186), cette dernière possibilité devant encore se renforcer à terme avec la mise en place de l'ordonnance dédiée, et grâce à la dynamique de lutte contre le CoViD, qui a suscité de meilleures coopérations interprofessionnelles et une adaptation des officines aux actes de prélèvements.
[314] D'autres tests rapides ayant fait leurs preuves en matière de BUA et de lutte contre l'ABR
devraient être promus, notamment dans le domaine des infections virales respiratoires (26 % prescriptions d'ATB en ville187). Au regard de la fréquence des prescriptions d'ATB inutiles ou
182 Synthèse
des données probantes : facteurs sociaux et culturels liés à l'utilisation d'antimicrobiens, département de la santé publique du Canada, 2019, https://www.canada.ca/fr/sante-publique/services/publications/medicaments-etproduits-sante/facteurs-sociaux-culturels-lies-utilisation-antimicrobiens.html. 183 Avis sur l'évaluabilité de la stratégie 2022-2025 de prévention des infections et de l'antibiorésistance (recos 17 et 30). 184 La pertinence de la prescription des antibiotiques, référé S2018-3239, cours des comptes, novembre 2018. 185 20 ans de prévention des IAS et de l'antibiorésistance, Pr Vallet, Nantes Journées SF2H, 06 octobre 2021. 186 Le pharmacien ne délivrant les ATB qu'en cas de TROD positif. 187 Répartition des prescriptions d'ATB en ville par diagnostic en France (2011), IMS Health 2011.
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inappropriées en ville et en EHPAD, l'intérêt d'utiliser d'autres tests rapides au cabinet188,189 devrait aussi être évalué et leur usage facilité le cas échéant (cf. fiche mesure 3 action 6).
[315] L'usage des tests utilisés en cas de suspicion d'infection urinaire doit également être amélioré.
Le bon usage de l'examen cytobactériologique des urines (ECBU) par les médecins doit être renforcé190. De même, il faut élargir, en le cadrant (formation, protocole de collaboration interprofessionnels, etc..), l'usage de bandelettes urinaires (officine, EHPAD, soins à domicile) comme y invite la nouvelle stratégie nationale PIA 2022-2025191.
[316] Pour guider la prescription d'ATB quand elle s'avère justifiée, les médecins généralistes
disposent d'outils d'aide à la prescription (fiche mesure 3 action 6) qui pourraient être encore améliorés. Banalisé chez une majorité d'entre eux (plutôt les jeunes, les femmes, et ceux qui travaillent en groupe), l'usage d'Antibioclic192, le plus utilisé d'entre eux, pourrait utilement être étendu à d'autres catégories de praticiens (les médecins généralistes de plus de 50 ans travaillant seuls, les spécialistes libéraux comme les pneumologues, les pédiatres et les gériatres). Son interfaçage au logiciel métier permettrait par ailleurs d'améliorer sa fonctionnalité en délivrant du conseil en temps réel.
[317] D'autres actions prévues par la feuille de route visant l'amélioration du bon usage des ATB
(fiches mesures 3 et 4) ont vu leur déploiement ralenti par la crise pandémique mais également compliqué par des questions de faisabilité technique (conseil en ATB par les CRAtb, antibiogramme ciblé) et/ou d'acceptabilité (ordonnance dédiée). Reprise dans la stratégie nationale 2022-2025, la mise en place de ces actions doit pouvoir s'articuler le plus opérationnellement possible à l'essor du numérique et des outils de coopération clinique dans le champ de la santé, pour faciliter les interactions propices aux bonnes pratiques, dans un esprit d'acculturation réciproque des professionnels aux pratiques et aux cadres d'exercice des uns et des autres, pour obtenir des synergies d'adhésion, au-delà des simples protocoles administratifs.
[318] Les autres points de vigilance importants concernent, d'une part, la montée en puissance de
l'ambulatoire et la nécessité de disposer de protocoles plus précis entre hôpital et ville en associant plus formellement chirurgiens, hygiénistes et médecins généralistes, et d'autre part, l'importance de capitaliser sur les acquis de la CoViD en termes de mesures barrières et de prévention/contrôle des infections, en milieu communautaire (ville, EPHAD, soins à domicile) pour lutter contre la diffusion des bactéries résistantes dans un contexte de portage majoritairement asymptomatique.
[319] Sur ce dernier point, la stratégie nationale prévoit d'adapter et de renforcer les actions de
prévention des infections et de l'antibiorésistance dans le secteur médico-social, tant au niveau des résidents que des professionnels, via notamment le déploiement des EMH, la promotion renforcée
Le dosage de la protéine C-réactive qui aide à détecter une éventuelle pathologie bactérienne en lien avec la clinique est utilisé par 51 % des médecins (Drees, 2022). Son dosage se fait en laboratoire mais une réflexion est en cours pour proposer des tests rapides aux urgences et en ville. Au Royaume-Uni, son usage aurait permis de diminuer de 25 % les prescriptions d'ATB pour affection respiratoires 189 La procalcitonine (PCT) est un autre marqueur de l'infection bactérienne, pouvant contribuer à la décision thérapeutique. 190 D'après l'ANSM, dans la moitié des cas, les médecins ne prennent pas en compte les résultats de l'antibiogramme et ne réajustent pas leur prescription initiale si les symptômes se sont amendés. 191 Une action prévoit de « Renforcer la formation pour les différents acteurs du parcours de santé aux indications et nonindications des prélèvements à visée microbiologique, ainsi qu'à leur interprétation : bandelette urinaire et ECBU, prélèvements de plaies, examens cytobactériologiques des crachats ». 192 Antibioclic est un outil d'aide à la décision fait en 1 à 2 minutes des propositions thérapeutiques en phase avec les recommandations pour l'essentiel des infections vues en ville une fois la pathologie et les éléments de contexte précisés.
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des gestes barrières et le suivi de la consommation des ATB. Il est impératif qu'un saut qualitatif soit accompli dans ce secteur, signalé depuis plusieurs évaluations, comme un point de fragilité notoire.
2.5.2.2 Restés au seuil de la stratégie de lutte contre l'ABR avec d'importantes marges de progression, les chirurgiens-dentistes méritent une action renforcée
[320] Pour agir sur le mésusage d'ATB, il est également impératif de renforcer la formation et les
bonnes pratiques des chirurgiens-dentistes, dont nombre de prescriptions sont faites de manière réflexe193 ou guidées par des craintes médico-légales Moins importante qu'en médecine libérale, la demande des patients joue aussi un rôle dans la surprescription, notamment dans les situations d'urgence, en cas de douleur194 ou après les actes de chirurgie (prescription préventive, surtout si difficultés d'accès).
[321] Les prescriptions d'ATB représentent beaucoup en volume195 mais elles sont assez limitées en
termes de molécules. Les instances représentatives des chirurgiens-dentistes déplorent l'usage trop facile des macrolides, sources d'antibiorésistance, l'immense majorité des pathologies pouvant être traitées, selon elles, avec de l'amoxicilline, à condition d'en limiter l'association, jugée beaucoup trop fréquente, avec l'acide clavulanique qui présente un risque fort de résistance196.
[322] La nécessité de sensibiliser le corps des chirurgiens-dentistes aux recommandations de bonnes
pratiques se heurte toutefois à plusieurs difficultés. Outre de ne pas avoir eu le succès escompté, la recommandation de l'AFSSAPS de juillet 2011 sur « la prescription des ATB en pratique buccodentaire » n'a jamais fait l'objet de réactualisation malgré les demandes itératives des sociétés savantes auprès de la HAS (qui tablerait désormais sur un délai de 2 à 3 ans). Ce manque est amplifié par la difficulté pour les chirurgiens-dentistes d'accéder à un conseil en antibiothérapie197 et par l'absence d'outils d'aide à la prescription, l'application Antibioclic s'adressant aux médecins généralistes sans aborder de façon particulière la pathologie dentaire et l'application ANTIBIO'dentaire développée par le CRAtb Grand Est manquant de notoriété et d'interactivité. À cette lacune documentaire s'ajoute une absence d'outils de régulation institutionnelle de la prescription198 dans un contexte où les contacts et les rétroactions avec le pharmacien sont par ailleurs rares.
[323] Dans le cadre de la feuille de route, le collège national des praticiens en chirurgie dentaire s'est
vu récemment confier la mission de sensibiliser les praticiens à l'ABR199, avec notamment un travail d'extension de l'application Antibioclic au domaine dentaire. Mais il peine encore à établir des ponts interdisciplinaires, notamment avec les médecins généralistes, pour améliorer la prise en charge des urgences dentaires, source de prescriptions inappropriées d'ATB. D'où l'intérêt pour les chirurgiensdentistes d'investir les Communautés professionnelles territoriales de santé et les COPIL ABR des ARS.
Automatisme renforcé par le fait que les logiciels métiers contiennent souvent des ordonnances pré-remplies dont la qualité en termes de BUA est parfois discutable. 194 Symptôme majeur en odontologie dont les causes parfois infectieuses (abcès, parodontite) amènent les patients à prêter des vertus antalgiques propres aux ATB alors qu'ils ne soulagent la douleur que si son origine est bactérienne. 195 D'après l'ADF, les prescriptions des chirurgiens-dentistes ont progressé entre 2011 et 2019. 196 L'acide clavulanique permet d'éviter les diarrhées induites par l'amoxicilline en association avec lequel il est un ATB critique. 197 Les CD exercent pour beaucoup seuls et se débrouillent comme ils peuvent quand ils ont besoin d'être conseillés pour l'ATB, sachant que ce type de besoin se limite à quelques situations (valvulopathies cardiaques, immunodépression). 198 L'assurance maladie ne produit pas de statistiques sur la prescription d'ATB pour les CD comme elle le fait pour les MG. 199 Via la remise en avant des recommandations, la production d'un guide pratique interactif, la mise en place d'un travail avec éditeurs de logiciel pour pouvoir valider le contenu scientifique des ordonnances préenregistrées sur les logiciels métiers.
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[324] Alors qu'ils apparaissaient en creux dans la feuille de route, la stratégie nationale de prévention
de l'infection et de l'antibiorésistance cible plus spécifiquement les chirurgiens-dentistes. Mais pour agir de manière efficace, il faut veiller à la bonne dynamique des actions, en s'assurant de leur bonne congruence dans le temps. D'avis d'expert, on aurait pu avancer plus vite sur le sujet de l'ABR ces dernières années si les différents leviers avaient pu être actionnés de manière synergique. De fait, alors que la profession était prête à se mobiliser, l'absence de recommandations HAS actualisées a compromis le travail avec les éditeurs de logiciels et impacté la structuration des formations. Ce cas d'école démontre la nécessité de doter la déclinaison de la feuille de route d'un chef d'orchestre avec suffisamment de poids, d'autorité et de moyen pour coordonner en temps et en heure les contributions des acteurs institutionnels et veiller à la bonne articulation entre production de ressources, et formation et appui des acteurs de terrains.
2.5.2.3 Relais incontournable des stratégies de santé publique, les pharmaciens doivent trouver leur place dans la lutte contre l'ABR en bonne intelligence avec les prescripteurs
[325] Avec plus de 20 000 officines maillant le territoire en 2019, les pharmaciens sont des acteurs
de première ligne en contact direct avec les patients, qu'ils voient notamment pour des problèmes infectieux (urinaires, ORL, dentaires) lors de l'apparition des symptômes, en amont d'une éventuelle consultation médicale, ou après passage chez le médecin, lors la délivrance des traitements prescrits. Dans leur pratique, ils sont parfois confrontés à des prescriptions inutiles ou inappropriées de la part des cliniciens et à des problèmes d'inobservance et d'automédication par les patients.
[326] Par leur connaissance du problème, ils contribuent à la lutte contre l'ABR en sensibilisant à la
prévention de la propagation des infections lors de la délivrance des ATB, ainsi qu'au risque de récidive de certaines pathologies200. Ils peuvent également suggérer des produits de phytothérapie, ou d'aromathérapie en cas de troubles légers201.
[327] Les pharmaciens jouent également un rôle dans la bonne observance des traitements, ou en
responsabilisant aux risques de l'automédication et à l'importance du recyclage. À cet égard, il leur est désormais possible, à l'instar d'autres pays, de dispenser les ATB à l'unité dans le but d'ajuster les volumes délivrés aux quantités prescrites, ce qui permet un meilleur usage, sous réserve d'une bonne observance du patient, en sus des enjeux d'économies et de réduction des reliquats rejetés dans l'environnement ou réutilisés en automédication.
[328] En plus d'orienter les patients vers les autres professionnels de santé et d'échanger avec les
prescripteurs, ils peuvent enfin, via l'élargissement récent de leur mission, participer aux activités de vaccination contre la grippe, réaliser des TROD angine et délivrer certains ATB sans ordonnance médicale pour certaines pathologies courantes (exemple de la fosfomycine en cas d'infection urinaire simple sans risque de complication) dans certaines conditions202.
[329] Dans un courrier d'octobre 2021 adressé aux pharmaciens, le ministre des solidarités et de la
santé affiche le souhait de renforcer encore leur rôle dans la prévention et la promotion de bonnes pratiques en santé en les positionnant dans le dispositif de coordination ville-hôpital et en leur
Règles hygiéno-diététiques (hydratation en cas de cystite simple), mesure de prévention des infections (lavage du nez au sérum physiologique, utilisation du gel hydroalcoolique, port du masque ...). 201 Ces pratiques de soins non conventionnelles peuvent avoir une efficacité sur certains symptômes (rhume, rhinopharyngite,..), mais celle-ci est insuffisamment ou non démontrée. Elles ne doivent pas retarder la prise en charge du malade en médecine conventionnelle. 202 La loi du 24 juillet 2019 permet aux pharmaciens d'officine de délivrer certains médicaments de prescription médicale obligatoire pour certaines pathologies dans le cadre de protocoles qui s'inscrivent dans un dispositif d'exercice coordonné (équipes de soins primaires, maisons et centres de santé, communautés professionnelles territoriales de santé).
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permettant une meilleure interfaçage numérique avec les différents acteurs (patient via l'accès et l'alimentation de son l'espace santé, médecin via messagerie et e-prescription, carte vitale, liens avec les laboratoires médicaux). Si certaines tâches évoquées dans ce courrier ont vu leur mise en oeuvre accélérée et leur ancrage affermi par la crise CoViD (vaccination, capacité à réaliser des tests rapides), le déploiement d'autres actions demeure suspendu à l'octroi de moyens et/ou à l'adhésion des différents acteurs.
[330] Parmi les plus emblématiques, la délivrance des ATB à l'unité (DAU), dont la mise en place est
prévue de manière facultative début 2022, permet d'ajuster les volumes délivrés aux quantités prescrites (fiche mesure 5 action 12). Mais les contraintes matérielles203 de sa mise en oeuvre nécessitent un incitatif financier faisant actuellement l'objet de discussion avec l'assurance maladie. Par ailleurs, la systématisation à terme de cette mesure nécessiterait, si elle était envisagée, une mobilisation des industriels et de l'ensemble des pharmaciens loin d'être acquise à ce jour.
[331] De même, la délégation de tâches jusqu'alors réalisables par les seuls médecins, suscitent
parfois des réticences chez ces derniers. Ainsi, la possibilité donnée au pharmacien de réaliser des TROD angine204 ou de recourir aux bandelettes urinaires et de délivrer un traitement dans certaines conditions n'est pas toujours comprise ni acceptée par une partie des médecins de ville qui font valoir un risque d'empiétement sur l'exercice clinique et diagnostique alors que les pharmaciens n'y sont pas formés.
[332] Tel qu'il est envisagé, ce rôle accru des pharmaciens dans la lutte contre l'ABR doit donc
s'adosser à des coopérations interprofessionnelles de qualité basée sur l'échange et la confiance, reposant sur des protocoles sécurisés, clairs et acceptés de tous. À cet égard, en plus d'un contrôle des autorités de santé, un travail de concertation est indispensable tant au niveau des instances représentatives que sur le terrain, comme certaines unions régionales des professions de santé ont commencé à le faire en organisant des sessions d'information sur l'antibiorésistance auxquelles sont conviés médecins, pharmaciens, biologistes, infirmiers en s'appuyant le cas échéant sur le CRAtb.
[333] Avec la formation des acteurs et l'évaluation périodique des pratiques, ce socle de confiance
est le préalable indispensable au partage des tâches et aux échanges sur les bonnes pratiques, étant observé que l'épidémie de CoViD a permis de structurer ou de renforcer des coopérations entre pharmaciens et médecins généralistes de proximité, les maisons de sante pluriprofessionnelles ou les Communautés Professionnelles Territoriales de Sante , étant citées comme des lieux où on peut échanger et apprendre à se connaître pour mieux travailler ensemble.
2.5.2.4 Autre point sous-estimé dans la feuille de route, la place du patient dans la lutte contre l'ABR doit être valorisée
[334] Au coeur de la prescription, le comportement du patient est un déterminant insuffisamment
pris en compte de la lutte contre l'antibiorésistance. En attente de réponse à ses symptômes, il peut, du fait de l'inconfort et/ou de l'angoisse occasionnés, chercher à obtenir une prescription dont il imagine qu'elle va le soulager rapidement. Rapportée par les prescripteurs comme les dispensateurs,
Aménagement logistique/organisationnel et temps dédié pour gérer les files actives et reconditionner dans de bonnes conditions de sérialité, de sécurité et de traçabilité les lots d'ATB délivrés. 204 Une étude récente de l'URPS médecins des Hauts-de-France rapporte qu'un tiers d'entre eux jugent que la réalisation du TROD par le pharmacien (avec une ordonnance conditionnelle du prescripteur) est inappropriée. Mais la même étude montre aussi qu'ils sont eux même très réticents à les pratiquer, son acceptabilité tenant à un manque de confiance en plus des difficultés d'ordre opérationnel (prend du temps, nécessite une organisation différente).
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cette attente n'est pas toujours facile à gérer dans un contexte marqué par la concurrence entre les médecins d'un même secteur205, la peur des poursuites et les idées reçues sur le pouvoir des ATB206.
[335] Les autres sources de mésusage d'ATB et de risque d'ABR liées au patient sont la mauvaise
observance de la durée et/ou des posologies prescrites207 et l'automédication. Ce comportement qui consiste à prendre des antibiotiques sans avis médical pourrait concerner de une à trois personnes sur dix en France208, notamment en cas de viroses respiratoires hautes (rhume, grippe, maux de gorge) et d'infections urinaires, le stockage domestique des ATB non utilisés favorisant clairement ce comportement.
[336] Ces différents mésusages liés au patient comme l'insuffisance en amont des actions préventives
d'hygiène ont en commun son manque de connaissance des effets des ATB et son ignorance des enjeux à moyen-long terme. L'éducation des patients suppose, comme cela est prévu dans la stratégie nationale, de développer des actions de communication à visée individuelle (lors des contacts avec les prescripteurs ou dispensateurs d'ATB, notamment par l'ordonnance de non-prescription ou le biais du futur espace santé) et collective (campagne d'information grand public, sensibilisation ciblée des jeunes,...).
[337] Dans le cadre de la relation individuelle, des supports de communication peuvent être
proposés pour aider les médecins à mieux gérer l'attente d'ATB (affichages et dépliants de sensibilisation à diffuser dans les cabinets médicaux, support pédagogique pour aider à justifier de la (non)-prescription209 ...) ; l'expérience montre toutefois qu'ils doivent s'accompagner d'un temps d'explication pour être utiles.
[338] Pour la dimension collective, la future feuille de route pourrait utilement s'appuyer sur la
démarche « Ecole promotrice de santé » (EPS), composante de la stratégie nationale de santé 20182022 visant à développer la prévention et la promotion de la santé pendant toute la scolarité obligatoire, et dès le plus jeune âge. Ce dispositif répondrait bien à l'axe 1 (objectifs 1 et 2) de la SPIA. Il se développe cependant de manière hétérogène sur le territoire faute d'être inscrit dans les horaires des élèves et des enseignants. Une inscription formelle dans les emplois du temps permettrait d'assurer une égalité de promotion de la santé auprès de tous les élèves, notamment sur les problématiques de l'hygiène et de la prévention des infections. Elle contribuerait aussi au développement des compétences psychosociales comme de savoirs et de compétences scientifiques favorisant des prises de décision positives et rationnelles en santé pour les élèves dans leur future vie d'adultes et de citoyens. Recommandation n°22 Encourager, en relation avec le MENJS, le positionnement de l'École promotrice de santé comme support principal de promotion de la santé à l'école, pour y porter, notamment, la prévention des infections et de l'antibiorésistance
50 % des médecins disent recevoir des patients s'adressant à un confrère si des ATB ne leur sont pas prescrits, Drees 2022. 206 Près d'un Français sur deux ne sait pas que les antibiotiques sont uniquement efficaces contre les bactéries (étude Sanofi et OpinionWay sur les Français et le bon usage des antibiotiques, 2017). 207 Une partie des patients écourtent leur traitement quand ils vont mieux ou en cas d'effet indésirable. 208 De 8 % (sondage Sofres OpinionWay 2017) à 28 % (L'automédication aux antibiotiques en médecine générale : étude quantitative auprès de patients. Salah-Eddine Ait-Mouhoub. Médecine humaine et pathologie. 2015. dumas-01244033). 209 Argumentaire dédié de l'ordonnance de non prescription en France, outils similaires en Italie et en Suède ; le plus élaboré est la boite à outils Target au Royaume-Uni, outils validés par les preuves et téléchargeables en ligne, proposant des conseils/éléments de langage et des brochures pédagogiques en plusieurs langues, ciblant les publics destintaires (enfants, adultes, femmes de moins de 65 ans, seniors) pour les rassurer, et accroître leur compréhension/adhésion à l'égard d'une décision de prescription ou de non prescription. https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0140673613609940?via%3Dihub
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[339] Les associations d'usagers ont aussi un rôle à jouer, et au-delà des secteurs, aujourd'hui plus
mobilisés de la lutte contre les infections associées aux soins ou le cancer 210 : d'autres maladies chroniques sont concernées (diabète, insuffisance rénale, maladies immunologiques, insuffisance respiratoire...). L'enjeu est de trouver le bon angle pour exprimer le risque et, en recourant à des vecteurs innovants, de communiquer vers le grand public et d'investir le champ de la santé communautaire (petite enfance, crèche...), voire d'impliquer plus activement les usagers de santé à l'instar de ce qui se fait dans d'autres pays.
Antibiotic Guardian a été mise en place en 2014 par Public Health England en collaboration avec le Département pour l'Environnement, l'Alimentation et les Affaires Rurales, les administrations décentralisées de l'Écosse, du Pays de Galles et de l'Irlande, et les organisations professionnelles. À travers cette campagne, les professionnels de santé, les étudiants ou les membres du grand public peuvent manifester leur engagement dans la lutte contre l'antibiorésistance en ligne (sur le site web et à travers les réseaux sociaux) et sensibiliser leurs proches aux enjeux de l'ABR
2.5.3
Consolider les réseaux d'appui CPias et CRAtb
[340] L'implémentation de la plupart des actions en direction des professionnels s'appuie sur des
structures dédiées dont le déploiement et l'opérationnalité sont variables selon les régions. Épicentres stratégiques de la lutte contre l'ABR, les centres régionaux d'appui et de prévention des infections associées aux soins (CPias) et les centres régionaux en antibiothérapie (CRAtb) sont les deux dernières facettes d'un dispositif qui s'est façonné par paliers dans les trente dernières années à travers la réorganisation et la fusion d'entités préexistantes. Certains CPias sont également le socle des missions nationales de surveillance (notamment PRIMO et SPARES).
[341] Schématiquement, on est passé d'une lutte locale puis territorialisée (qualité/sécurité des
soins dans le domaine infectieux) contre les seules infections contractées au sein des établissements de soins (infections nosocomiales) à des stratégies d'actions élargies en termes d'objectifs (expertise technique et appui stratégique, animation territoriale, accompagnement, formation dans la gestion et la prévention du risque infectieux associé aux soins, investigation et suivi des épisodes infectieux) et de périmètre (ES, EMS, soins de ville) dans le cadre des plans et programmes nationaux de prévention des infections associées aux soins (PCI) et de résistance aux anti-infectieux (relevant du BUA).
[342] Cette dernière phase s'est d'abord déployée en 2017 avec la création des CPias chargés,
initialement, de l'hygiène, de la PCI et du conseil et de l'appui en antibiothérapie. Dans un second temps, les CRAtb ont été créés à partir de structures préexistantes pour élaborer et piloter la stratégie régionale promouvant le BUA, animant à cette fin le réseau des équipes multidisciplinaires en antibiothérapie (EMA)211, des référents en antibiothérapie et des médecins généralistes formés à l'antibiothérapie (fiche mesure 3 action 5).
[343] Les CRAtb doivent intervenir dans les trois secteurs du soin en appui sur les équipes EMA,
s'articulant avec les équipes opérationnelles d'hygiène (EOH, intervenant dans les ES et les ESM
L'ABR est une menace sérieuse en cancérologie sachant que jusqu'à un patient traité pour cancer sur cinq est hospitalisé en raison d'une infection et que 8,5 % des décès par cancer seraient dus à une septicémie sévère. 211 Effecteurs de la politique des CRAtb pour les ES, les EMS, les EHPAD, et les MG du bassin de santé et du GHT.
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hospitaliers) et les équipes mobiles d'hygiènes (intervenant dans les EMS non hospitaliers) des CPias212.
[344] En entérinant la séparation PCI/BUA, il s'agissait de renforcer des domaines d'intervention en
les individualisant, même si dans les faits, une étroite collaboration entre CPias et CRAtb doit être recherchée. À l'instar de certains acteurs, on peut se demander si cette réorganisation n'emportait pas un risque de dispersion des moyens et d'amoindrissement de la force d'intervention. À cet égard, un objectif minimal devrait être à court terme de mutualiser du temps administratif ou de data management et de partager les analyses sur certains sujets (les data de consommations recueillies par les CPias étant plus interprétables par les CRAtb). À moyen terme, une fois que les dynamiques d'action des CRAtb auront été durablement installées, il sera sans doute judicieux d'envisager de façon plus ambitieuse leur regroupement avec les CPias pour des raisons d'optimisation du pilotage et du fonctionnement.
[345] En tout état de cause, il est impératif de consolider ces deux réseaux actuels. L'ensemble
des régions dispose à ce jour d'un CPias. Mais le changement récent de mode de financement, le volume jugé parfois insuffisant des ETP prévus213 ainsi que la difficulté à pourvoir certains postes introduisent une réelle fragilité dans ce réseau d'appui qui peine encore à assumer l'ensemble de ses missions, s'agissant notamment des interventions PCI au sein des EMS et en direction de l'ambulatoire (médecins généralistes, soins à domicile).
[346] Le passage d'un financement stable et pérenne de type MIGAC à un financement FIR, à
renouveler chaque année, et toujours réutilisable pour d'autres actions en fonction des priorités 214, est une source potentielle d'insécurité pour ce réseau. Le montant financier de la mission d'intérêt général (MIG) devrait être conservé mais les acteurs attendent des garanties en termes de fléchage, tout en considérant nécessaire de disposer de ratio plus précis au regard du nombre d'établissements sanitaires et médico-sociaux, pour éviter l'étiolement des dispositifs. Si le montant alloué aux CPias couvre peu ou prou leur activité actuelle, le fond d'intervention régional dédié aux équipes mobiles parait en revanche très en deçà des besoins estimés (fiche mesure 3 action 5). Il convient par ailleurs de veiller au financement des missions nationales de surveillance (budget SpF) pour garantir des moyens humains, mais aussi des systèmes d'information performants.
[347] Par ailleurs, l'épidémie de CoViD et le manque de professionnels mobilisables ont ralenti la
mise en place des CRAtb. En 2021, sept CRAtb étaient opérationnels auxquels trois autres devraient s'ajouter. Le financement FIR prévu en 2022 pour la mise en en place des CRAtb devrait être reconduit au même niveau qu'en 2021, laissant penser que la totalité des régions auront un CRAtb d'ici la fin de l'année. Pour gagner en efficacité, il faudrait toutefois veiller à l'attribution des moyens adéquats pour assurer un maillage territorial en EMA fin et suffisant, et que les CRAtb se dotent d'une instance d'animation nationale.
[348] Le financement FIR, distinct, prévu pour amorcer l'implantation des EMA, devrait tout juste
permettre d'en créer une dans chaque région en 2022. L'idéal serait à terme d'en avoir une par groupement hospitalier de territoire, mais le calibrage des budgets215 et l'attractivité des postes pourraient peser sur cette dynamique. Une autre crainte évoquée par les infectiologues est qu'une
Désormais en charge de la stratégie de prévention des infections associées aux soins et de la lutte contre la transmission croisée des agents infectieux. 213 D'après la SF2H, des analyses comparées avec d'autres pays européens montrent qu'en France, les ratios de personnels dédiés à la PCI dans les ES manquent d'ambition (ratio infirmier 1 ETP pour 400 lits, ratio médecin 1 ETP pour 800 lits). 214 Il s'agissait en particulier pour les ARS de disposer de plus d'autonomie dans la gestion de la stratégie régionale, d'animation du réseau régional des structures de vigilance et d'appui (RREVA) dont les CPIAS font partie. 215 Les besoins sont différents en fonction des hôpitaux, les gros hôpitaux généraux ayant des services d'infectiologie et un territoire de moindre taille à couvrir que les CHU.
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partie importante des moyens des EMA servent à financer du personnel, sur des bases budgétaires de surcroît non pérennes, au détriment des actions à mettre en oeuvre.
[349] À l'instar de ce qui s'observe avec les CPias, mais de manière plus critique, le secteur extra-
hospitalier, et particulièrement la médecine de ville, demeure un champ d'action très sous-investi. Au-delà des ressources humaines dédiées, la création et l'animation d'un réseau pour sensibiliser et venir en appui des médecins généralistes en matière de BUA suppose du temps au regard du nombre d'acteurs de terrain, que leur importante activité rend peu disponibles. Il s'agit aussi, pour des professionnels hospitaliers reconnaissant une insuffisante connaissance de l'exercice libéral, de susciter la confiance (d'où la présence d'un médecin généraliste au sein des CRAtb).
[350] Alors qu'elles occupent une place importante au sein du dispositif de lutte contre l'ABR, les
structures d'appui souffrent d'une insuffisance de ressources pour mener à bien leurs missions, qu'il s'agisse de l'hôpital, où les actions de PCI et de BUA demeurent perfectibles, ou des ESMS et de la ville, qui restent trop peu couverts au regard des besoins. Si une partie du problème tient au manque de moyens dédiés, le vivier mobilisable pâtit aussi du nombre limité de professionnels d'hygiène et d'infectiologie en activité. Ce constat appelle un élargissement des marges de recrutement des structures qui en ont besoin au niveau local et l'ouverture d'un nombre plus important de postes dans les filières de formation spécialisées concernées au niveau national. Saisi sur ce point par la MMPIA et la DGS, le cabinet santé a donné un accord de principe fin 2021 pour former, dans les années à venir, le volant de professionnels nécessaires pour assurer un maillage territorial suffisant (EOH, EMH, EMA, correspondants en antibiothérapie). En s'appuyant sur les propositions des sociétés savantes et après affinement par l'Observatoire National de la Démographie des Professionnels de Santé, il faudra définir la cible d'étudiants à former dans les filières concernées216 pour assurer de manière progressive217 dans les années à venir, l'adéquation avec les besoins estimés.
[351] Dans le même temps, il est important de valoriser ces filières et ces postes pour les rendre plus
attractifs, en associant à l'activité de coordination et de supervision la possibilité d'un lien concret avec le terrain (interventions mixtes hygiéniste-infectiologue, formations des infectiologues à l'hygiène et des hygiénistes au BUA), le risque étant de ne pas trouver d'infectiologues prêts à renoncer à une part importante de leur activité clinique et de conseil ATB pour faire de la coordination régionale ni de médecins généralistes disposés à s'engager à temps partiel sans assurance budgétaire dans le temps. **************
[352] Au terme de ce bilan portant sur les limites de la lutte contre l'ABR en ville, plusieurs
commentaires s'imposent.
[353] En premier lieu, il convient de prendre acte que les insuffisances ou les angles morts de la
feuille route identifiés ci-dessus sont, dans leur ensemble, bien pris en compte par la stratégie PIA 2022-2025, finalisée parallèlement aux travaux de la mission.
Diplôme d'études spécialisées en maladies infectieuses et tropicales (DES MIT) et les formations spécialisées transversales en hygiène et prévention des infections et résistances (FST HPIR) 217 S'agissant des DES MIT, l'arbitrage serait donné chaque année lors de l'arrêté des postes à ouvrir aux ECN avec, en cas de confirmation de premières estimations, un rattrapage des besoins sur une dizaine d'années.
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[354] À titre d'illustration et au regard des constats de la mission, la SPIA prévoit notamment :
De renforcer le maillage territorial de la PCI et du BUA et les capacités d'intervention des équipes dédiées ainsi que le pilotage et le suivi des stratégies, incluant une évaluation à terme des dispositifs pour les recalibrer le cas échéant. De renforcer la formation et l'outillage des professions de santé, médicales et paramédicales, en termes de BUA et de PCI, les chirurgiens-dentistes devant notamment pouvoir bénéficier de recommandations de bonnes pratiques actualisées et faire l'objet, avec les pédiatres, de plans d'accompagnement personnalisé pour améliorer la pertinence de leurs prescriptions. D'explorer de nouvelles pistes d'actions concrètes de prévention et contrôle de l'infection et de bon usage des antibiotiques, dans une perspective interprofessionnelle. De sensibiliser les patients quant aux non-indications d'antibiotiques et à l'importance de ne pas recourir à l'automédication, comme à l'ordonnance de non-prescription. De favoriser la mise en place des éléments clés des programmes de bon usage des antibiotiques en milieu médico-social, en priorité en EHPAD...
[355] De surcroît, et contrairement à la feuille de route, les grandes actions de cette stratégie sont
couplées à des objectifs chiffrés à atteindre dans les trois secteurs de soins, tant dans le domaine de la prévention (couverture vaccinale, lavage de mains) que de la consommation d'ATB218 ou du taux d'antibiorésistance.
[356] Enfin, elle renvoie sur certains points à d'autres stratégies déjà existantes sur le sujet, comme
le PNSE 4 (incitation à privilégier les biocides aux profils les plus favorables à la santé environnement ou à renforcer leur bon usage par le grand public), le programme national d'amélioration de la politique vaccinale et l'ensemble des stratégies nationales oeuvrant pour la prévention des infections (tuberculose, santé sexuelle).
[357] Pour autant, s'agissant plus particulièrement du champ de la ville, la SPIA ne peut garantir
à elle seule l'effectivité et la pleine efficacité des actions, étant observé les synergies qui en conditionnent souvent l'impact. Pour reprendre l'heureuse formule d'un professionnel de santé chargé de promouvoir la lutte contre l'ABR auprès de ses confrères, « toutes les pièces du puzzle doivent s'imbriquer au même moment en oeuvrant dans la bonne fenêtre de tir pour sensibiliser, former et suivre de manière adéquate ». La temporalité particulière de la déclinaison des actions et leur dimension souvent multipartenariale impliquent un pilotage serré et un plan d'action ramassé pour éviter l'éparpillement et la perte d'efficience. En outre, la mise en place de nombre d'actions de régulation des prescriptions au niveau national (ordonnance sécurisée) et territorial (profilage des prescripteurs, plan d'accompagnement des gros prescripteurs...) dépendant de l'Assurance maladie, il convient de s'assurer d'une collaboration fluide et fonctionnelle entre Assurance maladie et ministère chargé de la santé.
[358] Cet aspect « management et conduite de projet » est un sujet central de gouvernance, nationale
et territoriale, de la prochaine feuille de route.
[359] Par ailleurs, quelques mesures très générales dans leur formulation peuvent donner le
sentiment d'un manque d'ambition.
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-20 % au moins pour la ville (national et régional) et pour les EHPAD (national), - 10 % pour les ES (national)
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La formation continue des médecins, incluant notamment le renforcement de leur capacité à ne pas prescrire des antibiotiques quand ils ne s'imposent pas219, paraît ainsi très sous-investie au regard des enjeux. Il faudrait se donner les moyens de former de manière plus volontariste les médecins généralistes, en intégrant la dimension « Une seule Santé » de l'ABR (effets sur l'environnement, éco-prescription), et suivre les effets sur les prescriptions d'ATB qui ne justifient pas (en plus des autres indicateurs d'impact prévu par la SPIA). De même, la SPIA a bien intégré la nécessité d'articuler les interventions des différents professionnels afin d'assurer une répartition des rôles acceptable par tous dans le respect de la sécurité et de la qualité des parcours patients. Mais elle ne s'étend pas sur les conditions de cette acculturation des professions les unes aux autres, qu'il est pourtant crucial de bien travailler, non seulement pour favoriser l'acceptabilité de certaines mesures, mais aussi pour renforcer l'adhésion de chacun grâce à une vision partagée de la problématique de l'ABR, et pour accroître la qualité des prises en charge pluri-professionnelles des infections220. En outre, si les CRAtb et les CPias doivent être opérationnels à l'horizon 2025, il faut aussi que les EMA et les EMS disposent des moyens suffisants et sécurisés pour assurer une bonne couverture des besoins, en veillant à les rendre plus attractifs et en formant le nombre de professionnels suffisant pour les faire fonctionner. Enfin, la SPIA ne dit rien quant à la manière de s'adapter au virage ambulatoire, source potentielle d'IAS et de mauvais usage d'ATB, pour la prévention desquels il semblerait pertinent de disposer de guidelines ou de procédures formalisées entre professionnels hospitaliers et professionnels de santé assurant le relais en ville. On peut noter également (cf. supra 2.4) que la reprise mot pour mot, dans la SPIA, des termes des actions 24 et 25 de la FDR de 2016 concernant l'arsenal thérapeutique n'est pas de nature à susciter le sentiment de progrès en la matière.
[360] Dès lors, si les insuffisances de la lutte contre l'ABR sont, pour l'essentiel, traduites en
actions dans la SPIA, il convient d'insister sur le caractère critique de certaines d'entre elles, qui ont fait l'objet de recommandations dans la dernière décennie sans que des suites satisfaisantes y aient été données. Le plan d'alerte de 2011 prévoyait des mesures (communication auprès du grand public, action sur les prescripteurs de ville, déploiement des centres de conseil en antibiothérapie et des équipes mobiles, etc.) dont le rapport de l'Igas de 2016 a montré les retards et les échecs de mise en oeuvre. Certains demeurent aujourd'hui, cinq ans après le lancement de la feuille de route qui réitérait ces objectifs. La SPIA, qui les reprend une nouvelle fois à son compte, doit les mener définitivement à bien, les moyens doivent lui en être donnés, notamment en ce qui concerne la formation massive des professionnels de santé libéraux et leur outillage adéquat pour moins et mieux prescrire. Outre un recours plus systématique aux TROD, il est notamment crucial de faciliter le développement et l'utilisation de logiciels d'aide à la prescription comme Antibioclic et de s'assurer du bon déploiement et de la pérennité des structures d'appui et de conseil en antibiothérapie, en ville comme en EHPAD, à la hauteur des besoins. Recommandation n°23 Déployer un dispositif de formation massive des professionnels libéraux au bon usage des antibiotiques.
D'après la Drees, la moitié des MG auraient parfois du mal à refuser des prescriptions de ce type. Suggérant des formations conjointes réunissant cliniciens et microbiologistes sur le modèle fructueux de formations antérieures radiologues-cardiologues pour optimiser les pratiques de cardiologie interventionnelle, la HAS met en avant l'acquisition de réflexe clinique-biologique pour qualifier le gain d'efficience professionnelle associés à cet exercice).
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Recommandation n°24 Sanctuariser les montants dédiés aux CPias, voire revenir à un financement MIG, conforter les moyens des EMA-EMH et mettre en place une coordination nationale des CRAtb. Recommandation n°25 Mobiliser au profit de la lutte contre l'antibiorésistance les avancées de la feuille de route du numérique en santé concernant les coopérations interprofessionnelles et la fluidification des parcours des patients. Recommandation n°26 ambulatoire221. Renforcer la qualité des relais hôpital-ville dans le cadre du virage
2.6 Dans le domaine de la santé animale, la lutte contre l'antibiorésistance exige la poursuite des efforts de moindre prescription, combinée à une évolution des outils et des pratiques pour une meilleure prescription
2.6.1 Continuer les efforts de moindre prescription passe par l'amélioration de la prévention des infections
[361] Biosécurité, approche intégrée de la santé et vaccination ont été largement promues parmi les
mesures et actions des plans Ecoantibio articulés à la Feuille de route 2016. La mise en oeuvre de ces méthodes a contribué de façon déterminante aux succès obtenus par les professionnels de la santé animale dans la lutte contre l'antibiorésistance.
[362] L'approche intégrée de la santé consiste à prendre en considération l'ensemble des facteurs
susceptibles d'avoir une incidence sur l'état général des animaux : conditions de logement (confort, ventilation, éclairage, densité des animaux, hygiène), d'alimentation (équilibre alimentaire, apport de compléments, qualité de l'aliment et de l'eau, mode de distribution), conduite d'élevage (surveillance régulière des animaux, pratiques de traite, reproduction, âge de départ des jeunes, renouvellement de troupeau), facteurs génétiques (prise en compte, parmi les critères de sélection génétique, de caractères de santé tels que aptitude à la reproduction, résistance aux mammites, aux boiteries...).
[363] La prise en compte de l'ensemble de ces éléments favorise le bon état général des animaux, et
permet d'améliorer leur résistance aux risques d'infection. La formation initiale des éleveurs intègre ainsi le sujet de la lutte contre l'antibiorésistance au travers du prisme « gestion des processus de production en élevage » et du prisme « appréciation de l'état de santé des animaux » (référentiel du CAP métier de l'agriculture). Des guides de bonnes pratiques d'hygiène concernant les différents types d'élevage ont également été rédigés, actualisés et très largement diffusés aux professionnels dans le cadre des plans Ecoantibio. Des modules de formation continue ont été conçus sur le thème de la santé intégrée. La diffusion de ces supports doit être améliorée pour toucher tous les éleveurs. L'utilisation de vidéos sur réseaux sociaux pourrait faciliter ces communications.
[364] La biosécurité est un concept fondamental dans le domaine de la santé animale, non
seulement dans le cadre de la lutte contre l'antibiorésistance, mais aussi dans la prévention des maladies légalement réputées contagieuses (du fait de leur impact sur la santé publique, l'élevage ou le commerce international)222. Au niveau des élevages, les mesures sont distinguées selon une
En s'appuyant notamment sur la conciliation médicamenteuse. Définition du Code terrestre : http://www.oie.int/index.php?id=169&L=0&htmfile=glossaire.htm ; La définition internationale de la biosécurité dans le domaine de la santé des animaux est très large : ensemble des mesures physiques
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composante externe, visant à éviter l'introduction de pathogènes depuis l'extérieur (contrôles des animaux introduits, hygiène des visiteurs, pas de contacts avec d'autres élevages ou la faune sauvage), et une composante interne visant à réduire la propagation des pathogènes dans le cheptel (isolement des animaux malades), leur sortie et leur persistance dans l'environnement.
[365] La mise en place de mesures de biosécurité permet de limiter les infections, et donc de moins
utiliser les antibiotiques. Des formations obligatoires à la biosécurité ont été mises en place pour les éleveurs de volailles (dans le cadre de la lutte contre l'influenza aviaire) et pour les éleveurs de porcs (dans le cadre de la lutte contre la peste porcine). Des formations facultatives sont proposées à l'ensemble des autres filières, largement encouragées dans le cadre des plans Ecoantibio. Afin de soutenir les éleveurs qui modifient leurs installations pour améliorer la biosécurité, les investissements permettant de renforcer la prévention des maladies infectieuses, ainsi que des actions de formation sur la biosécurité sont éligibles au Plan France Relance.
[366] Le volet agricole de ce plan comprend des actions spécifiques pour toutes les filières animales
afin d'accompagner leur modernisation. La mesure « pacte biosécurité et bien-être animal » a été ainsi dotée de 100 M : 2 M pour la formation des éleveurs à la biosécurité pour la prévention des zoonoses et au bien-être animal, 98 M pour les investissements permettant de renforcer la prévention des maladies animales et d'assurer une amélioration des conditions d'élevage au regard du bien-être animal. Particulièrement bien intégrées dans les filières avicoles et porcines, compte tenu de l'organisation des filières et des types d'installation, la prise en compte des règles de biosécurité progresse nettement dans les autres filières, où les formations et aides aux investissements se révèlent très utiles.
[367] Les efforts doivent être poursuivis en termes d'observance des règles de biosécurité au
quotidien. Les risques liés à la mise en commun de matériel et de personnel sont à mieux maîtriser. Les intervenants extérieurs qui circulent d'élevage en élevage doivent disposer de tenues spécifiques à chaque exploitation et respecter les règles d'hygiène. La problématique des contacts avec des animaux d'autres élevages ou avec la faune sauvage se pose de façon aiguë dans les exploitations où les animaux accèdent à des pâtures ou des parcours en plein air.
[368] La relation vétérinaire-éleveur se révèle fondamentale. Les échanges des éleveurs avec leurs
vétérinaires permettent l'apport de conseils précieux sur les sujets d'approche intégrée de la santé et de biosécurité. Le vétérinaire qui suit régulièrement un élevage évalue précisément son niveau sanitaire, préconise les mesures adaptées pour renforcer la protection par rapport aux risques infectieux, alerte sur les risques liés aux épizooties, et peut éviter des mauvaises pratiques d'utilisation de médicaments (stockage de restes de flacons et utilisation sans conseil vétérinaire). L'importance de maintenir un maillage vétérinaire suffisant, particulièrement en zone rurale, représente donc un enjeu majeur pour maintenir les bons résultats de baisse de consommation et d'antibiorésistance obtenus dans le secteur de la santé animale. Or la situation devient préoccupante dans certaines zones géographiques, où la densité de vétérinaires ruraux diminue et des éleveurs se retrouvent très isolés. Recommandation n°27 Préserver, voire restaurer dans certaines zones sous-dotées, le maillage de vétérinaires en mettant notamment en oeuvre les mesures de la feuille de route 2017 relative au le maintien des vétérinaires dans les territoires ruraux223
et des mesures de gestion destiné à réduire le risque d'introduction, d'implantation et de propagation des maladies animales, infections ou infestations, en provenance ou à l'intérieur d'une population animale. 223 Un bilan, établi en novembre 2021 par le ministère de l'Agriculture, montre qu'un certain nombre d'avancées ont été obtenues. Des chantiers se poursuivent, notamment la simplification et sécurisation du dispositif des suivis sanitaires permanents, intégration de la surveillance des maladies lors des visites sanitaires obligatoires en élevage, poursuite des
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[369] On peut noter à cet égard qu'en santé humaine également, l'insuffisance de l'offre médicale
constitue un facteur de mésusage. Dans les zones rurales et périurbaines, où la sous-densité des praticiens est plus fréquente, les médecins généralistes prescrivent plus facilement qu'ailleurs des ATB (Drees, 2022). Les difficultés d'accès au médecin ou au chirurgien-dentiste sont également susceptibles d'engendrer des prescriptions moins appropriées (typiquement, le problème dentaire renvoyé sur des médecins peu formés à ce type de clinique).
[370] En complément des préconisations pour une approche intégrée de la santé et des mesures de
biosécurité, le recours à la vaccination constitue un levier important de prévention des infections, permettant de modérer l'utilisation des antibiotiques. Moyen sûr et efficace de lutte contre de nombreuses infections virales ou bactériennes, elle a permis en France de combattre avec succès des zoonoses224 extrêmement graves (par exemple la rage) ou des maladies animales particulièrement contagieuses et pénalisantes pour l'élevage et l'exportation (par exemple la fièvre aphteuse). Les laboratoires pharmaceutiques mettent à disposition des professionnels de santé animale un arsenal vaccinal très important et qui s'élargit (voir annexe 5 Principaux vaccins en fonction des espèces animales225).
[371] En dépit de cette offre importante, le recours à la vaccination diffère sensiblement d'une espèce
à l'autre. Dans le secteur des animaux de compagnie, la vaccination des chiens et des chats connaît une forte croissance. En ce qui concerne les chevaux, certains vaccins sont obligatoires pour la participation à des rassemblements (concours, compétitions) ou pour les reproducteurs. Dans le secteur des animaux de rente, si la pratique est très répandue dans les filières intégrées avicole et porcine, elle parait beaucoup moins fréquente en élevage bovin, caprin, ovin et cunicole226. Les obstacles seraient liés au coût de la vaccination, ainsi qu'aux contraintes en termes de manipulation des animaux.
[372] Le Syndicat de l'industrie du médicament et du diagnostic vétérinaires (SIMV) a fait réaliser en
2014 une étude concernant les freins et motivations à la vaccination en élevage bovin227 et une autre portant sur le rôle du vétérinaire dans la décision de vacciner. Il en ressort que, pour les éleveurs, la prévention intègre essentiellement des mesures non médicales, la vaccination étant comparée à une assurance à laquelle l'éleveur a recours à la suite d'un événement marquant de perte en animaux. La recommandation du vétérinaire s'avère déterminante dans la décision de vacciner, surtout quand elle s'appuie sur une relation de confiance éclairée avec l'éleveur. En élevage caprin et ovin, le recours à la vaccination est, également, le plus souvent décidé lors d'apparition d'un problème sanitaire. Quand le problème est résolu, la vaccination est arrêtée. D'autres considérations peuvent entrer en ligne de compte. Ainsi, en élevage cunicole, le vaccin contre la maladie virale hémorragique (VHD), qui n'existe que sous forme injectable et requiert à ce titre beaucoup de manipulations, rend nécessaire l'embauche de main d'oeuvre. Compte tenu des marges faibles réalisées dans cette filière, la vaccination est donc rarement réalisée au stade d'engraissement.
réflexions sur la contractualisation « éleveur-vétérinaire », et clarification des missions pouvant être déléguées à des organismes vétérinaires à vocation technique. 224 Les zoonoses sont des maladies dont le pathogène, bactérie, virus ou parasite, peut être transmis de l'animal à l'Homme et inversement. 225 Les modes d'utilisation des vaccins sont variés en fonction des espèces animales (notamment injection, nébulisation, instillation, mélangé à l'eau de boisson, à l'aliment, en pour- on). 226 La cuniculture est l'élevage des lapins domestiques. 227 Les freins et motivations à la vaccination en élevage bovin. Arnaud DELEU. Communication présentée le 6 novembre 2014 Bulletin de l'académie vétérinaire de France.
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[373] Afin de lutter contre les freins à la vaccination, une campagne de communication
« Vaccin'acteur : vacciner les animaux pour réduire l'utilisation des antibiotiques » a été menée en 2016 dans le cadre du plan Ecoantibio, auprès des vétérinaires et des éleveurs228. Ce type de communication se révèle utile et mérite d'être relancé. A cet égard, la réalisation d'études technicoéconomiques montrant le bénéfice représenté par la vaccination fournirait des arguments particulièrement utiles pour emporter l'adhésion des éleveurs. Recommandation n°28 Réaliser des études technico-économiques permettant de démontrer l'amélioration du bilan financier après utilisation de la prophylaxie médicale et d'aider les vétérinaires à promouvoir la vaccination auprès des éleveurs. Relancer une campagne de communication auprès des vétérinaires et des éleveurs, sur le modèle de la campagne Vaccin'acteur de 2016
2.6.2
Mieux prescrire grâce à des outils d'accompagnement
[374] La prévention ne peut néanmoins pas faire disparaître les infections. Il s'agit alors de recourir
aux antibiotiques avec circonspection et pertinence, ce qui fait l'objet du volet bon usage de la feuille de route, comme de la nouvelle stratégie de prévention des infections et de l'antibiorésistance en santé humaine ou d'Ecoantibio.
[375] Concernant la santé animale, un travail important a été réalisé, notamment par la Société
Nationale des Groupements Techniques Vétérinaires (SNGTV), l'Association Française des Vétérinaires pour Animaux de Compagnie (AFVAC) et l'Association Vétérinaire Equine Française (AVEF) pour élaborer et actualiser des guides de bonnes pratiques fournissant aux vétérinaires les informations nécessaires pour construire un parcours thérapeutique adapté. Ces documents, rédigés pour les principales maladies des différentes espèces (hors poissons), sont accessibles sur les sites des organismes et largement diffusés lors des formations et colloques. Ils sont reconnus par les praticiens vétérinaires, et leur utilisation est répandue.
[376] Dans le secteur des animaux de compagnie, l'AFVAC a financé l'impression des fiches de
recommandation sous le format d'un guide remis aux adhérents. L'objectif était que les vétérinaires disposent du guide dans le cadre de leur pratique, afin d'orienter leur décision d'utiliser ou non des antibiotiques, de prescrire un antibiotique critique ou un autre, en rappelant le cadre réglementaire. Des outils informatisés sont aussi en développement. Par exemple dans le secteur du cheval, l'AVEF prépare un guide digital (web, smartphone, tablettes) de bonnes pratiques, d'aide à la décision et à l'application des règles de prescription chez le cheval. Il serait intéressant de développer de tels outils pour l'ensemble des filières.
[377] Les vétérinaires disposent également d'un réseau régional de douze référents vétérinaires
en antibiothérapie, chacun spécialisé dans une filière animale (bovins, petits ruminants, porcs, volailles, carnivores domestiques, NAC, équins, veaux de boucherie). L'avis de ces référents peut être sollicité par appel téléphonique ou par mail, au sujet de cas cliniques. Un site internet Antibio Ref permet par ailleurs d'accéder à une FAQ et à diverses informations. Des journées régionales sont organisées. Ce réseau peut apporter un appui précieux aux praticiens. Cependant, il n'est pas sollicité de façon intensive à ce stade. L'existence d'un tel réseau, les services qu'il est en mesure de rendre, et ses modalités de saisine mériteraient d'être à nouveau portés à la connaissance de l'ensemble des praticiens.
https://agriculture.gouv.fr/campagne-vaccinacteurs-2016-vacciner-les-animaux-pour-reduire-lutilisation-desantibiotiques
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[378] Afin d'aider à la meilleure prescription, les outils d'auto-évaluation des pratiques et les
dispositifs d'aide au diagnostic se révèlent très pertinents. Les projets portés par les plans Ecoantibio ainsi que les initiatives de certaines interprofessions ont permis de développer des dispositifs de suivi de l'utilisation d'antibiotiques dans plusieurs filières (volailles, porcs, veaux). Ce cadre permet un suivi très fin (espèce par espèce, exploitation par exploitation) des évolutions de consommation d'antibiotiques, qui vient compléter utilement les dispositifs de surveillance de l'Anses-Anmv. En effet, les filières ont réalisé des efforts considérables et obtenu des succès notables en terme de baisse d'utilisation d'antibiotiques. Les marges de progrès encore possibles passent par l'identification de situations spécifiques, d'élevages particuliers où des mesures ciblées sont nécessaires. Afin de faciliter l'utilisation de ces outils sans alourdir le travail des éleveurs, des dispositifs d'automatisation (par exemple saisie vocale des informations, logiciels de gestion de troupeau) sont à développer.
[379] Le règlement 2019/6 impose par ailleurs la déclaration de cession des antibiotiques par tous
les ayant droits de la pharmacie vétérinaire : vétérinaires, pharmaciens, fabricants et distributeurs d'aliments médicamenteux. Ceci est destiné à évaluer le niveau d'utilisation d'antimicrobiens chez les animaux producteurs de denrées au niveau des exploitations. Afin d'automatiser la remontée de ces informations à partir de 2023, la DGAL et le Conseil National de l'Ordre des Vétérinaires (CNOV) développent un système informatique de gestion et d'échanges de données appelé projet Calypso229.
[380] À l'instar de ce qui se fait dans le champ de la santé avec l'accompagnement par l'assurance
maladie des médecins généralistes, l'outil Calypso est aussi destiné à faciliter les relations entre les vétérinaires et l'administration sur plusieurs autres champs de collaboration en lien avec la santé publique. Dans le domaine de la lutte contre l'antibiorésistance, Calypso devrait apporter aux praticiens une aide à l'auto-évaluation de leurs prescriptions. Il pourrait également les aider à identifier, au sein de leur patientèle, certains élevages nécessitant une attention particulière compte tenu d'une consommation d'antibiotiques plus élevée que la moyenne. Le développement de l'outil Calypso doit être accéléré pour aider les vétérinaires à affiner leurs prescriptions antibiotiques. L'outil Calypso permettra ainsi de suivre au niveau territorial les prescriptions antibiotiques, suivi qu'il est indispensable de renforcer pour lutter plus efficacement contre l'antibiorésistance. Recommandation n°29 Consolider les systèmes de surveillance de la prescription (Calypso).
2.6.3
Améliorer les connaissances relatives à la transmission de l'ABR dans différents secteurs.
[381] L'amélioration des connaissances relatives à la transmission de l'ABR entre animal, homme et
environnement, grâce à des travaux de recherche à engager, permettra encore de progresser.
[382] Il est également important d'étudier l'impact du secteur agro-alimentaire (abattoir,
transformation, transport, distribution) dans le maintien et la diffusion de l'ABR, afin d'adapter au mieux les mesures de surveillance et de lutte contre cette menace. Ce secteur a en effet été peu pris en compte dans la feuille de route 2016 et dans les plans Ecoantibio, la priorité ayant été accordée aux prescripteurs et à la réduction de l'usage des antibiotiques chez les animaux malades.
[383] Certains secteurs restent par ailleurs mal connus en termes de consommation d'antibiotiques
et de risques pour l'environnement : notamment l'aquaculture. Il est donc nécessaire d'étudier ces productions pour objectiver les risques éventuels, et prévoir des mesures, si nécessaire.
Ce travail est effectué en concertation avec l'ANMV, la SNGTV et les associations et syndicats représentatifs de la profession vétérinaire. Le financement fait appel au plan de relance économique de la France 2020-2022, dans le cadre de dossier à fonds de transformation de l'action publique (FTAP)
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[384] Enfin, le risque lié à l'utilisation d'ATB en santé végétale reste à expertiser, ces pratiques étant
observées dans plusieurs pays pour protéger certaines cultures (riz, agrumes, tomates, paprika)230. L'utilisation de quantités importantes d'ATB pulvérisées en milieu ouvert sur les cultures interroge sur les risques de dissémination d'ABR.
3
Les principales recommandations de la mission pour la future Feuille de route
[385] Au terme de son bilan de la feuille de route actuelle et de la mise en évidence d'axes
d'investissement prioritaire, la mission a souhaité dégager quelques grands principes qui devront présider à l'élaboration et au pilotage de la nouvelle feuille de route décennale comme à l'architecture globale de la lutte contre l'antibiorésistance. Cette partie rassemble à cette fin ses recommandations les plus stratégiques, qui offrent un socle pour les recommandations, parfois plus techniques, de la seconde partie.
3.1 La nouvelle feuille de route doit être adossée à une gouvernance interministérielle renforcée garantissant une approche « Une Seule Santé » aboutie et l'avancée réellement coordonnée de chantiers clés
3.1.1 Le déploiement d'une feuille de route pleinement et effectivement interministérielle et « Une Seule Santé » requiert un pilotage renforcé
[386] A l'issue de ses investigations, la mission estime qu'un pilotage de niveau interministériel
est seul à même de garantir :
Une avancée équilibrée, et dans la durée, des actions entre les différents champs sectoriels (santé humaine, santé animale, sécurité agroalimentaire, santé environnementale). Une synergie renforcée et un déploiement articulé entre communication, formation, production des outils d'appui opérationnel (référentiels, logiciels, restitution des données) et des leviers financiers en direction des professionnels ; il est primordial que, comme l'ont exprimé certains professionnels de santé, toutes les pièces du puzzle puissent s'imbriquer au même moment, dans la bonne fenêtre de tir, sous peine d'enrayer la dynamique et de décourager les bonnes volontés. La prise en compte de la priorité sanitaire de maîtrise de l'antibiorésistance dans les actions structurantes et innovantes de l'État, ainsi que dans la montée en puissance d'une approche « Une Seule Santé » plus générale.
[387] Ce pilotage renforcé doit prendre la forme d'une délégation interministérielle dotée de
moyens humains et logistiques renforcés : l'équipe de la délégation devra idéalement intégrer un représentant de chaque ministère concerné. Elle devra en outre être en prise avec des référents de bon niveau au sein de chacun des ministères, pilotes de chacun des plans sectoriels.
Antibiotic use on crops in low and middle-income countries based on recommendations made by agricultural advisors. Taylor and Reeder. CABI agriculture and Bioscience : https://doi.org/10.1186/s43170-020-00001-y
230
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3.1.2
Une feuille de route restant centrée sur l'antibiorésistance mais portée par une structure interministérielle au périmètre potentiellement plus large
[388] Concernant le périmètre de la feuille de route et de l'organe de pilotage, des choix doivent
être opérés entre plusieurs champs scientifiques et sémantiques : lutte contre l'antibiorésistance, lutte contre les résistances aux antimicrobiens, selon l'appellation internationale, prévention des maladies infectieuses émergentes, et enfin approche « Une Seule Santé ». Graphique 8 : Positionnement relatif de différents concepts scientifiques articulés à la notion d'antibiorésistance (ABR)
Source : Mission [389] Il apparaît à la mission que, sans interdire des élargissements ponctuels aux autres sujets
microbiens préoccupants, la feuille de route doit rester centrée, au moins à moyen terme, sur la thématique d'antibiorésistance. Ce choix prend en compte la particulière urgence à traiter ces enjeux de façon rapprochée dans le temps, le déficit actuel d'investissement dans ce champ qui peut gravement obérer la santé publique et la santé animale, et le risque, sinon, de dilution scientifique et opérationnelle.
[390] En matière de gouvernance cependant, il apparaît opportun, et intellectuellement
cohérent, d'intégrer la lutte contre l'antibiorésistance dans un champ plus large dont il est indissociable, celui des maladies infectieuses émergentes. Outre que certains scientifiques considèrent l'antibiorésistance comme une forme d'émergence, la compréhension des facteurs d'apparition, de dissémination ou des mécanismes de franchissement de la barrière d'espèces est un élément essentiel pour la maîtrise des nouveaux pathogènes infectieux comme de l'antibiorésistance. La crise CoViD a montré, en outre, le risque de couplage de l'ABR avec une vague épidémique
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majeure231. Il serait dès lors légitime que l'antibiorésistance bénéficie de la dynamique actuelle financière et organisationnelle mise en place en matière de maladies infectieuses émergentes, tant dans le périmètre d'une délégation interministérielle « MIE-ABR », que dans la gouvernance propre à la recherche, d'une part (ANRS-MIE), à l'innovation, d'autre part (stratégie d'accélération MIE-MN).
[391] Si une approche encore plus transversale « Une Seule Santé » devait être retenue232, il est
essentiel que la thématique d'antibiorésistance figure bien, aux côtés des MIE, comme l'un des domaines prioritaires de déploiement de cette approche au niveau national comme territorial. Rappel des recommandations associées : 1. Repositionner le pilotage de la lutte contre l'antibiorésistance à un niveau interministériel, en créant une délégation interministérielle rattachée au Premier Ministre. Le périmètre de cette délégation pourra être plus large, mais des moyens devront être dédiés spécifiquement à l'antibiorésistance.
3.1.3
Pour les champs dont la progression a pu pâtir d'une insuffisante coopération des acteurs (recherche et innovation), le pilote devra en outre s'appuyer sur des dispositifs de coordination renforcée.
[392] Il apparaît en effet crucial, d'une part, de garantir la progression de la recherche dans tous les
secteurs concernés et d'autre part, de conforter le continuum recherche innovation production industrielle concernant l'arsenal thérapeutique de maîtrise de l'antibiorésistance en santé humaine comme animale.
[393] Dans l'hypothèse d'une gouvernance MIE-ABR, l'instrument de coordination de la recherche
peut être, de façon symétrique, l'ANRS-MIE + ABR, sous condition de lettre de mission cadrant son rôle « Une seule Santé » et de procédures garantissant l'intersectorialité.
[394] Pour l'action renforcée en matière de défense de l'arsenal thérapeutique, il est indispensable
de réactiver les instances, mises en suspens par la crise CoViD, de coordination des acteurs publics concernés (santé humaine et animale) et souhaitable de bénéficier, pour l'innovation, de la dynamique de la stratégie d'accélération MIE comme de l'appui de la nouvelle agence d'innovation en santé, pour dépasser une prise en compte trop tardive, ou parcellaire, des enjeux complexes du modèle économique de l'antibiothérapie. Rappel des recommandations associées : 3. En appui de la délégation interministérielle, et en lien avec l'agence d'innovation en santé, rétablir l'instance de coordination des acteurs publics en charge de la préservation de l'arsenal thérapeutique, et la réunir à un rythme soutenu pour garantir une adaptation rapide des dispositifs de soutien et une démarche européenne proactive
3.1.4
Une attention forte devra également être accordée à la structuration d'une dynamique interministérielle sur les territoires.
[395] Celle-ci doit pouvoir s'appuyer sur des réseaux d'appui (référents vétérinaires régionaux 233,
CRAtb et CPias) couvrant tout le territoire et dotés de moyens suffisants et stables.
Cf. Policy brief Improving access to essential antibiotics (EU JAMRAI) sur association ABR et CoViD montrant que l'ABR a été un facteur aggravant de mortalité dans les pays où les résistances sont élevées. 232 cf. dernier avis du conseil scientifique prônant une délégation interministérielle « Une Seule Santé » pour l'anticipation des MIE. 233 Organisation de référents spécialisés chacun pour une filière animale, situés en région mais assurant une information des praticiens au plan national.
231
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[396] Elle doit être étayée par des données de surveillance territorialisées permettant d'adapter les
actions au contexte local (métropolitain et a fortiori pour l'outre-mer) et plus régulièrement restituées au terrain (un effort doit être conduit à cet égard dans le champ de la santé animale comme pour l'environnement et les actions en santé humaine amplifiées).
[397] Un cadre de coordination interministériel doit être mis en place en lien avec le comité de
coordination de l'ARS, qui doit monter en puissance et qui intègre déjà des représentants vétérinaires, ou en créant un comité régional plus large « Une Seule Santé » rendant compte annuellement de la bonne avancée interministérielle de l'action de lutte contre l'antibiorésistance.
[398] Pour les actions environnementales, le PRSE devra intégrer des actions de maîtrise de
l'antibiorésistance.
3.2 Une feuille de route articulant un cap décennal, relayé par un plan sectoriel, pour chaque secteur, et un volet renforcé d'actions transversales « Une Seule Santé »
[399] La nouvelle feuille de route doit, plus encore que la précédente, constituer un socle stratégique
« Une Seule Santé » pour une lutte contre l'antibiorésistance ensuite déclinée opérationnellement en plans sectoriels. Désormais appuyée par une stratégie humaine de prévention de l'infection et de l'antibiorésistance, prochainement accompagnée d'un plan Ecoantibio 3 dont l'élaboration sera contemporaine à la sienne, et la mission le préconise, d'un avenant PNSE 4 dédié, cette feuille de route n'a pas à constituer un inventaire d'actions sectorielles mais à dessiner une ambition interministérielle forte à 10 ans pour un problème de santé critique, qui impacte les trois secteurs de la santé humaine, animale et des écosystèmes. Elle doit à la fois adresser pleinement l'ensemble des interactions intersectorielles à l'oeuvre, donner un cap pour chacun des secteurs et structurer plus fortement des actions transversales et intersectorielles. La mission considère que cette dimension « Une Seule Santé » marquée est une condition d'efficacité et d'acceptabilité d'une action continue et fructueuse contre l'antibiorésistance.
3.2.1
Des caps sectoriels décennaux ambitieux palliant les faiblesses actuelles, déclinés par des plans sectoriels articulés, et régulièrement suivis
[400] La nouvelle feuille de route devra fixer un cap adapté et mobilisateur pour chaque secteur et
combler les facettes manquantes de la lutte contre l'antibiorésistance, sur la base d'un inventaire plus systématique de ses différents déterminants. Elle doit également disposer de moyens budgétaires mieux tracés et mieux suivis.
[401] Le cap fixé devra, plus que dans la FDR actuelle, être étayé par une ou plusieurs cibles chiffrées
intersectorielles ou sectorielles, dont le niveau d'atteinte devra être régulièrement évalué et présenté dans un tableau de bord à jour. Ces cibles peuvent concerner des résultats, comme la baisse des consommations ou des résistances, mais aussi des comportements particulièrement déterminants (prescriptions non pertinentes par exemple). Des bilans périodiques devront être produits et une évaluation à mi-parcours programmée.
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3.2.1.1 Certains champs insuffisamment investis doivent faire l'objet d'actions prioritaires : environnement, qualité de l'antibiothérapie en ville et dans le secteur médico-social. Les risques de transmission dans le secteur agroalimentaire sont également à évaluer.
[402] La mission a considéré que trois champs thématiques méritaient des efforts significatifs :
l'environnement, pour lequel la recherche et la surveillance doivent monter en puissance pour pouvoir objectiver l'ampleur des enjeux et les réponses à apporter ; les pratiques d'antibiothérapie en ville et dans le secteur médico-social qui restent largement perfectibles et contribuent de manière massive à la consommation d'antibiotiques ; l'évaluation du risque de transmission de l'antibiorésistance dans le secteur agroalimentaire. Plus globalement, la prochaine feuille de route doit offrir une vision consolidée des facteurs potentiels d'antibiorésistance et envisager des actions pour adresser ou préciser certains sujets aujourd'hui peu évoqués dans la feuille de route (biocides, aux effets pourtant avérés ; surveillance de l'aquaculture non priorisée dans Ecoantibio ...)
[403] En matière d'environnement, il importe notamment de structurer un plan d'action relatif à
l'antibiorésistance. Les priorités d'un tel plan d'action sont la consolidation de la connaissance des mécanismes d'acquisition, transmission et persistance des résistances dans les différents milieux et la mise en place de dispositifs de surveillance en routine, priorisant le cas échéant des territoires supposés à risque. Rappel des principales recommandations associées : 9. Intégrer dans la prochaine FDR les sujets de recherche identifiés par le rapport d'expertise Anses (2020) ainsi que les effets du climat sur les infections et les résistances 11. Déployer les indicateurs de surveillance recommandés par l'Anses, favoriser la mutualisation et la comparaison des données acquises sur différents sites et milieux en renforçant les réseaux de surveillance dans les zones proches des eaux de baignade et captage d'eau potable.
[404] Concernant la médecine de ville, des mesures clés intervenues tardivement (compétence
renforcée des pharmaciens en matière de tests diagnostiques, DAU, vaccination antigrippale) ou non encore déployées (ordonnance dédiée, antibiogramme ciblé) doivent être poursuivies et évaluées, et d'autres renforcées (formations continues, accompagnement et soutien à la prescription, mise en place et déploiement du réseau d'appui, facilitation des échanges interprofessionnels...). Le secteur médico-social doit pouvoir s'appuyer sur des équipes mobiles effectivement déployées. Telle est à ce stade l'ambition de la nouvelle SPIA qui parait répondre au bilan de la FDR effectué par la mission. De nouveaux objectifs doivent toutefois être affirmés (élaboration et/ou mise à disposition d'autres tests d'orientation rapides, développement des interfaces numériques et des logiciels d'aide professionnels, ...). Le succès de la SPIA dépendra par ailleurs des capacités de pilotage effectif de la large gamme d'actions envisagée (cf. supra gouvernance), d'une collaboration fluide et fonctionnelle entre Assurance maladie et ministère chargé de la santé et de la vigilance particulière à apporter à certains sujets peut-être sous-dimensionnés à ce stade (formation continue des généralistes, mise en place effective et généralisée des équipes mobiles en appui des professionnels de ville et du médicosocial, maîtrise des risques induits par le virage ambulatoire...). Recommandation n°30 Doter la SPIA des moyens suffisants pour que les différentes actions en direction de la ville et du médico-social soient pleinement mises en oeuvre d'ici 2025, en particulier la communication grand public, le développement et l'utilisation de logiciels d'aide à la prescription comme Antibioclic et un déploiement des équipes mobiles (EMA, EMH) compatible avec les besoins de ville et en EHPAD
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[405] La priorisation légitime de la maîtrise de l'antibiothérapie dans l'élevage dans le cadre des
plans Ecoantibio a permis l'obtention de progrès notables. Les enjeux d'antibiorésistance peuvent également concerner des formes d'élevage peu étudiées dans ces plans aquaculture par exempleainsi que l'agroalimentaire et le monde végétal, comme l'a souligné une réserve du rapport d'évaluation de la FDR française par la commission européenne234. Ces aspects devront être pris en compte dans la nouvelle feuille de route, notamment en veillant à documenter les sujets par la recherche et la surveillance. Recommandation n°31 Étudier le risque de transmission de l'ABR dans l'industrie agroalimentaire, et en santé végétale. Prévoir le cas échéant des mesures adaptées pour maîtriser le risque Recommandation n°32 Investiguer les filières aquacoles et, si nécessaire, engager des actions de surveillance et de contrôle de l'ABR
3.2.1.2 L'antibiorésistance et les enseignements de la crise CoViD militent pour une orientation résolument préventive en médecine humaine et vétérinaire et en santé des écosystèmes
[406] Surmontant les faiblesses actuelles, la nouvelle feuille de route doit également définir un cap
mobilisateur, et de préférence quantifié, pour chacun des secteurs. Leur définition doit être alimentée et régulièrement actualisée grâce aux apports d'une recherche éclairant, de façon de plus en plus systématique, la compréhension des mécanismes d'émergence, acquisition, transmission de résistances dans et entre les différents milieux.
[407] Dans chacun des domaines, le maître mot doit plus que jamais être la prévention :
l'antibiorésistance et les enseignements de la crise CoViD imposent de rééquilibrer, voire même de réinventer, la relation prévention/curatif en santé humaine comme animale. Prévention des infections, avec une vision large des leviers de prévention, qui ne se réduisent pas aux actions du champ sanitaire ; prévention des contaminations de l'environnement ; prévention enfin du développement des résistances grâce à un bon usage qui doit encore significativement progresser, dans la prescription des professionnels de santé et l'observance des patients, et sans négliger l'usage maîtrisé des biocides dans leurs différents emplois. Dans les deux secteurs de la santé humaine et animale, une attention commune devra être portée à la démographie des professionnels, dont les fragilités rejaillissent sur la prescription et les pratiques.
[408] En matière de santé humaine, l'effort de réduction des consommations doit être
poursuivi résolument, en particulier en ville, avec un taux cible ambitieux de réduction des prescriptions indues, à obtenir grâce à des actions intensifiées visant au meilleur usage de la part d'une large palette de professionnels de ville ou intervenant dans le secteur MS. Une démarche active de capitalisation sur les enseignements de la crise CoViD en matière de prévention et d'hygiène est également indispensable.
[409] Concernant la lutte contre l'antibiorésistance dans le domaine de la santé animale, le cap
de la nouvelle feuille de route parait devoir être le suivant : en matière d'usage, il s'agit d'obtenir la stabilisation de la consommation d'antibiotiques et une amélioration de la qualité des prescriptions, incluant des alternatives thérapeutiques dûment évaluées. La maîtrise de la consommation d'antibiotiques sera favorisée par une territorialisation accrue des mesures de
National Plan action, preliminary review and questions, European commission, France, Directorate general for health and food safety, health protection, 03/12/21
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surveillance. La prévention des infections pourra être encouragée par un investissement maintenu en matière de biosécurité et grâce à des mesures de promotion de la vaccination, de communication et de formation, et en veillant au maintien du lien entre vétérinaire et éleveur.
[410] Pour l'environnement, l'ambition devrait être d'avoir identifié les principales sources
de contamination et les milieux les plus à risque et d'avoir défini réglementairement des mesures de surveillance et de prévention adaptées, à déployer en routine. Mais il importe également dans une logique de santé environnementale élargie de porter une acception extensive de la prévention des infections intégrant des ambitions liées aux déterminants environnementaux (qualité de l'air, de l'eau, des logements ou des transports...).
3.2.1.3 Une architecture feuille de route-Plans sectoriels plus cohérente et systématique
[411] Pour garantir un déploiement équilibré et cohérent de la nouvelle stratégie décennale et une
pleine mise en oeuvre de l'approche « Une Seule Santé », il convient que l'articulation entre cette feuille de route et les plans sectoriels soit plus systématique, rigoureuse et chronologiquement cohérente. La feuille de route doit se focaliser sur le cap à 10 ans des différents secteurs, et en laisser la déclinaison opérationnelle aux plans sectoriels.
[412] Il importe que chaque secteur reprenne cette thématique dans ses outils programmatiques
sectoriels. C'est déjà le cas aujourd'hui en matière de santé animale et en santé humaine, mais pas pour l'environnement, alors même que le PNSE offre un cadre pourtant approprié pour intégrer cette problématique. La création d'un groupe transversal Une Seule Santé du PNSE 4 peut toutefois constituer une opportunité d'articulation. Rappel des recommandations associées : 14. Créer au sein du PNSE un axe dédié à l'antibiorésistance.
[413] Il est souhaitable, en outre, que les stratégies d'actions ciblées sur un secteur prennent aussi
en compte leurs effets sur les autres et répondent à la fois à des enjeux de santé et à des enjeux environnementaux. On peut regretter à cet égard que la nouvelle stratégie de prévention des infections et de l'antibiorésistance néglige certains leviers d'action sanitaires dans l'environnement (utilisation raisonnée des biocides en milieu de soins).
3.2.2
Une ambition « Une Seule Santé » plus marquée
3.2.2.1 Un pilotage garantissant une avancée équilibrée des différents domaines
[414] L'un des enjeux majeurs d'un pilotage renforcé est de garantir l'existence aujourd'hui
manquante d'une « tour de contrôle » veillant à l'avancée équilibrée des différents champs et garantissant des interactions constantes entre problématiques. Il s'agit également de pouvoir impulser plus fortement des démarches partagées, co-conçues, et répondant aux attentes des parties prenantes des différents secteurs.
3.2.2.2 Une montée en puissance des actions transversales communes
[415] La déclinaison véritable d'une approche « Une Seule Santé » suppose, conformément à la
doctrine, qu'aussi souvent que possible, les actions mises en oeuvre, les projets de recherche ou les indicateurs de surveillance, la communication... veillent à englober l'ensemble des champs lorsque
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cela est pertinent. Les ambitions de la précédente feuille de route ont trop souvent été révisées à la baisse sur ce point.
[416] La consolidation par la recherche de la compréhension de la gamme des interactions
entre les différents secteurs et de leur poids relatif est un impératif premier, pour pouvoir prioriser les actions et informer les acteurs de leur responsabilité propre. L'effort engagé doit être poursuivi avec des moyens suffisants pour que les initiatives ouvertes par le PPR actuel puissent aller à leur terme et porter leurs fruits, éclairant des déterminants ou des modes de transmission croisée encore mal cernés. L'ambition « Une Seule Santé » des programmes prioritaires de recherche doit, à cette fin, se traduire concrètement dans une déclinaison équilibrée entre les différents champs et une exigence de qualité égale, grâce à des mécanismes d'allocation des budgets garantissant l'ambition intersectorielle (textes des appels à projets rédigés en ce sens, appels à manifestation d'intérêt garantissant les rapprochements interdisciplinaires entre équipes de recherche d'horizons différents en amont du dépôt de projets, décloisonnement entre comités thématiques de pilotage de la programmation, quotas le cas échéant... ).
[417] L'approfondissement des logiques de surveillance reposant sur des indicateurs
communs intersectoriels est également fondamental pour disposer d'un outil de pilotage intersectoriel plus pédagogique et mobilisateur pour le grand public. De la même façon, il est indispensable d'offrir une vision consolidée des impacts santé et économiques de l'antibiorésistance pour poursuivre l'objectivation du fardeau en santé humaine et animale de l'ABR et être plus en mesure d'apprécier l'impact des actions de lutte et l'évolution des dépenses évitées.
[418] Il importe à cet égard de prolonger et faire savoir les travaux portant sur le coût de l'ABR :
l'OCDE235 considère ainsi qu'en la matière le coût de l'inaction dépassait celui de l'action, et que l'investissement initial était compense rapidement par les économies réalisées : chaque euro dépensé sur des programmes de lutte contre les résistances en France pourrait épargner 7,2 d'argent public236. L'étude PHIBRA237 menée en France a récemment estimé, pour l'année 2015, le coût hospitalier de l'ABR pour l'assurance maladie, à 288 M, et les conséquences de l'ABR pour le parcours de soins complet, après hospitalisation pour infection à BRA, à plus 650 M.
[419] Au-delà de la production indispensable d'un socle commun de connaissances, la capacité à
convaincre les acteurs dépend en effet de la juste compréhension par eux de leurs responsabilités respectives mais aussi de la nécessité de synergie intersectorielle. Cela paraît particulièrement important pour continuer à mobiliser le monde des éleveurs et des vétérinaires, qui a déjà produit des efforts très significatifs, et pour permettre aux professionnels de santé de mieux mesurer l'importance de leur rôle et le caractère perfectible de leurs pratiques.
[420] Cela doit passer par une campagne de communication intersectorielle pour l'ensemble
des publics y compris jeunes, donnant à voir l'ensemble des facettes intriquées de l'antibiorésistance et éventuellement relayée par des messages plus sectoriels ainsi que par la mise en oeuvre effective du portail interministériel, et des formations professionnelles, initiales et continues, conjointes permettant de s'approprier réciproquement les enjeux similaires des autres acteurs ; ce
235 Communication Dr C Dumartin, CHU Bordeaux/CPias NA/ RéPias/ SPARES, «
L'antibiorésistance, un risque maitrisable ? Le point en 2019", d'après "Stemming the Superbug Tide - Just A Few Dollars More", OCDE, novembre 2018, journée pharmaceutique internationale de Paris, 6 décembre 2019. Voir aussi https://www.oecd.org/fr/france/Enrayer-lantibiorésistance-en-France.pdf 236 C'est en particulier le cas pour les établissements de santé avec des gains significatifs en termes de coûts directs (réduction des dépenses médicamenteuses et des durées de séjour) et indirects (amélioration de la qualité des soins, réduction de la morbi-mortalite liée aux infections, réduction des effets secondaires des ATB, dont l'antibiorésistance) 237 Evaluation de l'impact national en termes de santé publique des résistances bactériennes aux antibiotiques observées chez l'homme, Inserm-Institut Pasteur, responsable scientifique L Watier. 2021.
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sont des éléments qui paraissent à la mission des conditions primordiales d'efficacité et d'acceptabilité de la lutte contre l'antibiorésistance. La mise en lumière de l'interdépendance entre santé humaine, animale et environnementale par la crise CoViD crée à cet égard un contexte favorable. Pour ce qui concerne le public « jeunes » et ses parents, il faut poursuivre l'ouverture « Une seule santé » de e-Bug en donnant à cet outil les moyens de son déploiement pérenne et veiller à la montée en puissance de ces sujets tout au long de la scolarité ; les aspects « prévention des infections » pourraient ainsi servir de « fil rouge » dans le cadre du dispositif École promotrice de santé qui gagnerait à être alors déployée de façon systématique tout au long de la scolarité obligatoire. Rappel des principales recommandations associées : 6. Consolider la recherche par des financements de long terme permettant de conforter la compréhension des enjeux de l'ABR dans les différents champs, en s'appuyant sur les résultats des différents projets actuels, au niveau national comme européen. Déployer des dispositifs opérationnels les plus adaptés (PPR ou PEPR) aux enjeux constatés en s'assurant d'un financement équilibré entre les différents champs. 8. Poursuivre l'effort de production d'indicateurs intersectoriels.
3.3 La restauration d'un arsenal thérapeutique satisfaisant et efficace en santé humaine et animale requiert une stratégie d'accélération nationale interministérielle et une bonne articulation avec des actions européennes et internationales innovantes
3.3.1 Une classe thérapeutique à l'usage atypique qui requiert un modèle de soutien ad hoc renforcé
[421] Les spécificités du marché des antibiotiques sont désormais bien documentées et
connues : marché relativement concurrentiel et largement génériqué, aux prix peu attractifs, aux volumes contraints par la nécessité d'une prescription prudente et parcimonieuse et aux perspectives incertaines, compte tenu de l'apparition difficilement prévisible de résistances. Marché de surcroît très dépendant de productions extérieures pour ses matières premières et une part de ses productions. Autant d'éléments qui pèsent, tant sur le maintien sur le marché de médicaments existants, que sur l'innovation ou le repositionnement d'anciennes molécules.
[422] Ces difficultés cumulées ont conduit à poser la question d'un cadre juridique ad hoc : la
question reste ouverte, à un niveau nécessairement européen. Mais en amont d'un cadre global rénové, c'est l'ensemble des processus médico-administratifs et économiques qui méritent un effort ad hoc pour offrir un cadre ajusté aux enjeux des antibiotiques ou des dispositifs médicaux de diagnostic in vitro (DM-DIV) qui permettent leur meilleur usage. C'est un modèle de fixation des prix ou du niveau de prise en charge qui intègre de nouveaux concepts, ajustés par rapport à l'innovation ou à l'amélioration du service médical rendu. C'est le défi auquel la HAS notamment est confrontée pour la révision de sa doctrine d'évaluation médico-économique des antibiotiques ou des DM-DIV (tests compagnons ou tests de diagnostics rapides). C'est aussi, face aux lacunes du soutien public actuel, la question des modalités de soutien au développement ou à la production, avec une gamme de leviers imaginables mobilisés à l'étranger et sur lesquels se penche aujourd'hui la Toulouse School of Economics de l'université de Toulouse 1. La feuille de route actuelle a oeuvré à ces différents sujets. Il apparaît cependant que ces efforts n'ont pas été assez synergiques et qu'une démarche de plus grande ampleur et plus concertée s'impose. Pour un indispensable réel pas en avant, la nouvelle feuille de route doit bâtir une stratégie d'action cohérente articulant plan d'action/accélération national et dispositifs européens. - 110 PUBLIÉ
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3.3.2
Un indispensable renforcement de la coordination des actions nationales pour garantir un continuum d'actions de la recherche à la commercialisation
[423] Concernant les défis de l'arsenal thérapeutique, il apparaît en effet indispensable de mieux
articuler les efforts des différents acteurs de la santé (ministère, Haute autorité de santé, ANSM et ANMV-ANSES, CEPS et assurance-maladie) et les différents pans de la recherche (fondamentale, clinique et valorisation) mais aussi de plus impliquer les acteurs du champ de l'économie et de l'industrie dont le rôle est crucial pour aider à résoudre l'impasse actuelle du modèle économique des produits de maîtrise de l'antibiorésistance et les défaillances du soutien dans la phase de développement des produits.
[424] Il parait à cette fin indispensable d'intégrer la lutte contre l'antibiorésistance dans une
stratégie d'accélération. Il peut s'agir d'une stratégie d'accélération ad hoc, ou plus vraisemblablement d'une intégration dans la troisième stratégie d'accélération d'Innovation santé 2030, qui serait élargie MIE - MN ABR ; cela permettrait de bénéficier de la dynamique partenariale amorcée mais aussi des budgets programmés dans ce cadre qui n'ont, à ce stade, pas suffisamment soutenu la lutte contre l'antibiorésistance, faute de synergie suffisante entre acteurs de la santé et de l'économie.
[425] Cette stratégie devra englober 3 dimensions impérativement : action volontariste de lutte
contre les pénuries de médicaments humains et vétérinaires (soutien à la relocalisation des substances actives, actions européennes concertées, conversion des AMM nationales en AMM européennes pour les anciens ATB, soutien à la révision d'AMM pour les ATB existants, soutien à la modification d'AMM pour révision de posologie ou extension à d'autres espèces animales d'ATB existants, éventuelles productions sous pilotage public ...) ; soutien plus explicite et affiché au repositionnement de molécules (au niveau national, via le PPR notamment, et en partenariat européen) ; stratégie créative de soutien à l'innovation et aux alternatives thérapeutiques et de prévention. Elle doit porter une attention particulière aux conditions environnementales de relocalisation des productions, pour que l'autonomie nationale ne conduise pas à un affaiblissement de la maîtrise des facteurs environnementaux de l'antibiorésistance.
[426] À la lumière des expériences étrangères et des propositions de la Toulouse School of economics,
il s'agira de structurer des dispositifs publics/privés renforcés de soutien au repositionnement et à l'innovation ciblant les phases critiques de développement et de mise sur le marché. La mission relève en effet que certains dispositifs d'aide à destination des PME biotechs font défaut alors même que l'innovation est à plus de 80 % réalisée par ces entreprises.
[427] Une production publique ou sous pilotage public pourra également être envisagée, à une
échelle plus vraisemblablement européenne. Rappel des principales recommandations associées : 15 - Se doter d'une stratégie d'accélération dédiée aux enjeux d'ABR ou inclure l'ABR dans la 3e stratégie d'accélération MIE-MN - Réserver, sans attendre, une enveloppe antibiorésistance au sein des fonds du Plan innovation Santé 2030 (PIS 2030) pour cette nouvelle stratégie d'accélération, ou le volet dédié de la stratégie d'accélération MIE-MN, afin de financer, notamment, deux actions : l'expérimentation d'un mécanisme encadré, à préciser, de garantie de chiffre d'affaires annuel pour certains ATB essentiels et la création d'un fonds dédié de soutien permettant aux PME de se financer pour développer les produits pertinents dès la phase clinique.
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16 - En ligne avec PIS 2030, mettre en place un guichet unique pour garantir aux PME porteuses de projets novateurs la réponse concertée santé-industrie qui fait défaut aujourd'hui 17 - Face aux enjeux de sécurité d'approvisionnement, et dans le prolongement des travaux en cours sur les mesures graduées de sécurisation publique238, travailler l'hypothèse de production sous pilotage public de façon hiérarchisée en fonction des risques.
3.3.3
Une démarche synergique avec les initiatives européennes et internationales
[428] Il convient dans ce cadre de faire la part des actions nécessaires au niveau national et de celles
qui requièrent une dimension européenne. Le diagnostic est posé depuis longtemps, la crise CoVid en a plus que jamais souligné l'urgence : il est nécessaire maintenant de choisir le bon niveau des différentes interventions, d'opter pour une combinaison de différents leviers et d'avancer de façon volontariste au niveau national et de façon convaincante dans les enceintes européennes.
[429] Pour ces 3 volets, il est en effet indispensable de s'appuyer sur une action européenne
confortée et de veiller à une pleine prise en compte des enjeux d'antibiorésistance dans les nouveaux règlements européens (médicament humain en cours de révision, textes européens sur les alternatives en médecine vétérinaire) mais aussi dans la nouvelle stratégie européenne de gestion et d'anticipation des crises sanitaires (dispositif européen de soutien à l'innovation, rôle d'HERA, mise en place de capacités européennes de production publique...).
[430] La France doit contribuer à la mise en place d'un dispositif européen conjuguant visibilité et
attractivité pour les innovations industrielles, cibles prioritaires de santé publique239 et capacité de développement et production publiques en cas de besoin critique de santé. Rappel des recommandations associées : 21 - Contribuer à la mise en place : -d'un dispositif européen de soutien aux innovations conjuguant visibilité, attractivité et cibles prioritaires de santé publique - d'une capacité européenne de développement et production publics en cas de besoin critique de santé.
Karine GUILLAUME
Yvan AUJOLLET
Aude DE AMORIM
Anne BURSTIN
Dr Julien EMMANUELLI
Bertrand PAJOT
Pierre DEPROST
238 239
Les vulnérabilités d'approvisionnement en produits de santé, CGEIET-IGAS, décembre 2021. Target profile garantissant la prise en compte des priorités publiques de santé publique
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LETTRE DE MISSION
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LISTE DES PERSONNES AUDITIONNEES
Cabinets
Cabinet Santé
Dr Norbert NABET, médecin, conseiller en charge de la santé publique Pr Philippe MORLAT, médecin, conseiller formation, recherche et sujets hospitalo-universitaires Dr Thibaut ZACCHERINI, pharmacien, conseiller en charge des produits et industries de santé
Cabinet Agriculture
Dr Urwana QUERREC, conseillère filières animales, santé et bien-être animal, référente Outre-mer
Cabinet MEFR
Mme Lucille POIVERT
Cabinet Recherche
Mehdi GMAR, conseiller recherche et innovation
Cabinet Environnement
Alexandre LEONARDI, Conseiller santé-environnement et risques
Mission ministérielle de prévention des infections et de l'antibiorésistance
Pr Céline PULCINI, cheffe de la Mission, Pr d'infectiologie Dr Christine GODIN-BENHAIM, médecin de santé publique (DGS) Dr Marie-Paule LE ROUGE DE RUSUNAN, médecin de santé publique (DGS) Marielle BOUQUEAU, chargée de mission Allyriane JOUSSE DELLA GIUSTINA, stagiaire
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Administrations centrales MAA
Direction générale de l'alimentation (DGAL)
Dr Emmanuelle SOUBEYRAN, directrice générale adjointe de l'Alimentation, CVO Cédric PREVOST, sous-directeur de l'accompagnement des transitions alimentaires et agroécologiques Claire FUENTES, cheffe du bureau de la transition pour une production agricole durable (BTPAD) Dr Maxime JARNOUX, chef de projet « antibiorésistance »/ BTPAD
MAE
Direction de la mondialisation, du développement et des partenariats (DGM)
Philippe LACOSTE, directeur du développement durable Élise SECK, rédactrice santé MEAE/DGM/DDD/HUMA
MSS
Direction générale de la santé (DGS)
Pr Jérôme SALOMON, directeur général de la santé
Direction générale de l'organisation des soins (DGOS)
Pr Philippe MORLAT, conseiller médical du DGOS (chargé du suivi de la FDR ABR) Anne VITOUX, cheffe de la mission qualité /pertinence Vincent HEMERY, chef adjoint Bureau de la démographie et des formations initiales Astrid PERICHON, bureau de la démographie et des formations initiales Harold ASTRE, chef du bureau Innovation et recherche clinique Anne DUVIARD, financement à la qualité (IFAQ)
Direction générale de la cohésion sociale (DGCS)
Catherine MORIN, sous-directrice SD Autonomie des personnes handicapées et des personnes âgées Dr Chantal ERAULT, SD Autonomie des personnes handicapées et des personnes âgées - 118 PUBLIÉ
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Direction de la sécurité sociale (DSS)
Nicolas LABRUNE, sous-directeur SD1 du financement du système de soins Floriane PELON, SD1 chef de bureau Produits de santé Timothé MANTZ
Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES)
Benoit OURLIAC, sous-directeur, sous-direction Observation de la santé et de l'Assurance maladie (OSAM) Mathilde GAINI, adjointe au SD - sous-direction Observation de la santé et de l'Assurance maladie Catherine POLLAK, chef du Bureau Assurance maladie et étude sur les dépenses de santé (OSAM) Jehanne RICHET chef du Bureau établissements de santé (OSAM) Dr Elisabeth FERY-LEMONNIER, conseiller médical, OSAM
Délégation du numérique en santé (DNS)
Laura LETOURNEAU déléguée ministérielle David SAINATI, référent DNS au CPR ABR Xavier VITRY, chef de projet DNS
MESR
Direction générale de la recherche et de l'innovation (DGRI)
Claire GIRY, directrice Pr Antoine ANDREMONT, microbiologiste, expert antibiorésistance
MEFR
Direction générale des entreprises (DGE)
Laurence MEGARD, sous-directrice, sous-direction des industries de santé, des biens de consommation et de l'agroalimentaire Élodie PLIQUET, cheffe de projet, membre du CPR ABR Romain SMIARDI
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MTE
Commissariat général au développement durable (CGDD)
Gwénaëlle HELLO, sous-directrice de la Recherche Dr Céline COUDERC-OBERT, Cheffe de la mission biodiversité, santé, activités anthropiques au CGDD Laura BARBIER, Chargée de mission environnement santé
Direction générale de l'aménagement, du logement et de la Nature (DGALN)
Dr Marie-Laure METAYER, adjointe au directeur de l'eau et de la biodiversité Dr Olivier DEBAERE, adjoint au sous-directeur de la protection et de la restauration des écosystèmes terrestres. Emmanuel MORICE, Chef de bureau de la lutte contre les pollutions domestiques et industrielles. Hervé PARMENTIER, chef de projet et responsable de portefeuille projets, méthodes et outils.
Direction générale de la prévention des risques (DGPR)
Dr Karine BOQUET, sous-directrice santé-environnement, produits chimiques et agriculture.
Caisse nationale d'assurance maladie
Marguerite CAZENEUVE, directrice déléguée à la gestion et à l'organisation des soins Grégoire de LAGASNERIE, Responsable du département des produits de santé/CNAM Dr Rémi PECAULT-CHARBY, médecin conseil responsable des missions nationales, cabinet du Médecin Conseil national Stéphane FOUQUET, responsable campagne communication, direction de la communication Dr Anne-Sophie LELONG, pharmacien, département des produits de santé, chargé d'étude en économie de la santé Dr Manon SCHWAGER, pharmacienne, chargé de projet, département des produits de santé Nina VASSILIEF, adjointe du responsable du département des produits de santé Dr Béatrice VON OOST, médecin de santé publique, Zoe VILLARD, cabinet de la directrice déléguée
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Agences sanitaires et autres institutions publiques
Anses
Dr Roger GENET, directeur général Dr Gilles SALVAT, directeur général délégué recherche référence, directeur de la santé et du bienêtre animal Dr Jean-Pierre ORAND, Directeur ANMV Dr Jean-Yves MADEC, directeur scientifique antibiorésistance, coordinateur du centre de référence ABR FAO
Santé publique France (SpF) et RéPias
Dr Bruno COIGNARD, directeur de la direction Maladies infectieuses Dr Anne BERGER-CARBONNE, responsable de l'unité IAS et ABR à la direction Maladies infectieuses Dr Isabelle BONMARIN, responsable de l'unité IAS-ABR à la direction Prévention-éducation à la santé.
Mission PRIMO
Dr Gabriel BIRGAND, Praticien hospitalier, responsable du CPias Pays de la Loire, coordonnateur de la mission nationale PRIMO Dr Karine BLANCKAERT, praticien hospitalier, CPias Pays de la Loire Dr Jocelyne CAILLON, bactériologiste, CPias Pays de la Loire Olivier LEMENAAND bactériologiste, CPias Pays de la Loire Mme Sonia Thibaut, ingénieure, CPias Pays de la Loire
Mission SPARES
Dr Loïc SIMON, responsable CPias Grand Est, Coordonnateur de la Mission SPARES Dr Catherine DUMARTIN, CPias Nouvelle Aquitaine porteur associé de SPARES Dr Amélie JOUZEAU
Agence nationale de la sécurité du médicament (ANSM)
Dr Caroline SEMAILLE, directrice générale adjointe, médecin infectiologue, épidémiologiste Patrick de ARAUJO, directeur de la direction inspection Thierry SIRDEY, directeur direction des dispositif médicaux et diagnostic in vitro (DM DIV)
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Dr Alban DHANANI, directeur adjoint, direction des vaccins et des anti-infectieux (DMM2), participant au CPR ABR de la feuille de route Frédéric DITTENIT, directeur adjoint, direction juridique Dr Ameziane ATTOU, biologiste Dr Karima HIDER-MLYNARZ, pharmacienne en charge du suivi des ventes de médicaments. Paul HOUETO, évaluateur toxicologique, risque environnemental ; Dr Isabelle PELLANNE, médecin en charge de l'évaluation clinique en infectiologie, DMM2 Marie-Laure VEYRIES, pôle rupture de stocks à la DIE
Haute autorité de santé (HAS)
Cédric CARBONNEIL, chef du service Évaluation des actes professionnels, Direction de l'évaluation et de l'accès à l'innovation Dr Pierre GABACH, chef du service Bonnes pratiques professionnelles, Direction de l`amélioration de la qualité et de la sécurité des soins Dr Marie-Claude HITTINGER, MG, conseillère médicale Dr Sophie KELLEY, cheffe du service Évaluation des médicaments, Direction de l'évaluation et de l'accès à l'innovation
Agence du numérique en santé (ANS)
Mme Annie PREVOT, Directrice générale de l'ANS M. Marc LOUTREL, Directeur Innovation, Expertise et International ANS
Plan national Santé-Environnement (PNSE4)
Groupe santé-environnement (GSE)
Élisabeth TOUTUT-PICARD, Députée de la Haute-Garonne et Présidente du groupe interministériel.
Organismes et équipes de recherche
Agence nationale de la recherche (ANR)
Pr Philippe BOUVET, chef du département Biologie-Santé
Agence nationale de recherche sur le sida -Maladies infectieuses émergentes (ANRS-MIE)
Pr Yazdan YAZDANPANAH, directeur - 122 PUBLIÉ
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Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm)
Pr Gilles BLOCH, président directeur général Marie-Paule KIENY, directrice de recherche, spécialiste en virologie Yohann LACOTTE, chef de projet PROMISE Marie-Cécile PLOY, professeur en microbiologie Université de Limoges, UMR1092/INSERM Laurence WATIER, biostatisticienne, chargée de recherche Inserm
Alliance AvieSan
E. JOUVIN-MARCHE, Directrice adjointe ITMO 3M, coordinatrice Inserm PPR ABR
Inserm TRANSFERT
Pascale AUGE, présidente du directoire Sandrine AYUSO, chargée des partenariats institutionnels et des relations extérieures.
Institut national de la recherche agronomique, de l'alimentation et de l'environnement (INRAE)
Muriel VAYSSIER-TAUSSAT, chef du département Santé Animale, directrice de l'Institut Carnot France Futur Elevage, Centre INRAE Val de Loire Nicolas FORTANE, chercheur en sociologie à INRAE (IRISSO, Université Paris-Dauphine), responsable du Projet DOSA
Institut Pasteur
Philippe GLASER, responsable de l'unité Écologie et évolution de la résistance aux antibiotiques
Institut hospitalo-universitaire Méditerranée
Pr Jean-Marc ROLAIN, responsable UMR D-258, Microbes, Evolution, Phylogénie et Infection (MEPHI)
Groupe de recherche Rhône-Alpes sur les infrastructures et l'eau (GRAIE)
Elodie BRELOT directrice. Pr William COUET, professeur de pharmacologie clinique, directeur laboratoire PHAR, Université de Poitiers Christophe DAGOT, professeur à l'Université de Limoges, Ecole Nationale Supérieure d'Ingénieur de Limoges, chercheur au GRESE
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Fabienne PETIT, UMR M2C/CNRS, SNO KARST
Institutions internationales et européennes
Office international des épizooties (OIE)
Dr Monique ELOIT Directrice générale Dr Jean-Philippe DOP Directeur général adjoint Dr Elisabeth ERLACHER-VINDEL Responsable du service antibiorésistance et produits vétérinaires
Organisation mondiale de la santé (OMS)
Penny ANDREA, scientifique, AMR Division Anand BALACHANDRAN, chef de l'unité du National Action Plans and M&E Peter BEYER, chef d'unité Impact Initiatives and Research Coordination (IRC) at the Global Coordination and Partnership (GCP) department Nienke BRUINSMA, cadre supérieur, AMR Division Alessandro CASSINI, scientifique, Control and Response Strategies (CRS), SPC Danilo LO FO WONG, directeur du programme AMR, WHO bureau régional Europe Arno MULLER, adjoint unité sur la surveillance AMR Carmem PESSOA da SILVA, cheffe d'unité sur la surveillance de l'AMR Liz TAYLER, officier de liaison au secrétariat Tripartite GCP Katie ZINGG, scientifique, Grant manager, AMR Division
UE DG Santé
Lucie CARROUEE, cheffe d'unité adjointe G5 « santé animale et AMR » appartenant à la direction G Céline LEDOUX, policy officer, G5 Velina PENDOLOVSKA, cheffe d'unité adjointe C3 « sécurité sanitaire » de la direction C (santé publique) Ruben TASCON, chef d'unité, F5 Sara TAVARES, cheffe d'unité adjointe, F5 Linda SINN, stagiaire
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UE DG Reform
Raluca PAINTER DG REFORM Head of Unit B4 Labour market, Education, Health and Social services Maria Isabel FARFAN-CAMACHO
Représentants des professionnels et sociétés savantes
Académie nationale de pharmacie (ANP)
Dr Agnès ARTIGES, pharmacien, secrétaire perpétuelle honoraire de l'ANP Dr Bruno BONNEMAIN, pharmacien, membre de l'ANP Dr Georges FRANCE, pharmacien, membre de l'ANP Liliane KEROS, biologiste, secrétaire perpétuelle de l'ANP
CNP maladies infectieuses et tropicale
Pr Pierre TATTEVIN, président
Collège de maladies infectieuses et tropicales
Pr David BOUTOILLE, président
Collège de médecine générale (CMG)
Dr Serge GILBERG, médecin généraliste, vice-président CMG Dr Frédéric VILLEBRUN, médecin généraliste, vice-président CMG
Collège nationale de praticiens (CNP) en chirurgie-dentaire
Dr Jean-Patrick DRUO, président CNP chirurgiens-dentistes, praticien libéral Dr Philippe BRENIER, secrétaire général CNP chirurgiens-dentistes, praticien libéral Dr Joël TROUILLET, secrétaire général de l'ADF, praticien libéral Dr Julien LAUPIE secrétaire général de l'ADF, praticien libéral Dr Jacques WEMAERE, expert ABR CNP, président URPS des chirurgiens-dentistes de Nouvelle Aquitaine, praticien libéral
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Fédération des Syndicats Vétérinaires Français
Dr Jean-Yves GAUCHOT, président Dr Julien FLORI, président SNVECO Syndicat national des vétérinaires conseils Dr Dominique MARCHAND, SNVECO Dr David QUINT, Vice-président Syndicat national des vétérinaires d'exercice libéral
Société française d'hygiène hospitalière (SF2H)
Pr Pierre PARNEIX, président Dr Bruno GRANDBASTIEN, vice-président
Société de pathologies infectieuses de langue française (SPILF)
Pr France Cazenave-Roblot, présidente
Représentants des industries de santé
Les entreprises du médicaments (LEEM)
Thomas BOREL, directeur de la Recherche, de l'innovation et de la RSE Eric BASEILHAC, affaires économiques et internationales Pascal LE GUYADER Paul MIRLAND, industrie, production Laurent PETIT Nathalie MANAUD, relations recherche innovation
BEAM
Florence SEJOURNE, CEO of Da Volterra et Présidente de la BEAM Alliance Frédéric PEYRANE, Coordinateur BEAM Alliance
Contrat stratégique de filière (CSF)
François LACOSTE, directeur de la Recherche chez BioMérieux, représentant du groupe de travail ABR pour le contrat stratégique de filière (CSF) Isabelle TONGIO, responsable des affaires publiques chez BioMérieux, représentant le SIDIV
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Personnes qualifiées
Dr Jean CARLET, président de l'Alliance mondiale contre la résistance aux antibiotiques (WAAAR) Dr Philippe CARENCO, médecin hygiéniste au CPias PACA, CH Hyères Thierry GALIBERT, inspecteur général de la santé publique vétérinaire, CGEDD/MIGT Occitanie. Pr Philippe HARTEMANN, professeur honoraire de santé publique à la faculté de médecine de Nancy (épidémiologie). Membre du Haut Conseil de la santé publique, ancien président de la société française d'hygiène hospitalière. Pr Yves LEVI, professeur de santé publique et santé environnementale au laboratoire Écologie Systématique et Évolution Paris-Saclay/U-PSUD (retraité), membre du Haut Conseil de la Santé Publique. Serge MORAND, seul expert français du panel des 26 experts internationaux « One Health » de haut niveau nommés par l'OMS, la FAO, l'OIE et le PNUE. Chercheur CNRS/CIRAD en socio-écologie de la santé. Gilles PIPIEN, ingénieur général du corps des ponts, eaux et forêts (IGPEF) honoraire, administrateur d'Humanité et Biodiversité, conseiller environnement et développement durable en Méditerranée à la Banque Mondiale.
Associations
France Assos Santé
Claude RAMBAUD, vice-présidente, présidente du LIEN Dr Jean-Pierre THIERRY, conseiller médical
Association pour une optimisation de la qualité des soins (ASOQS)
Dr Patrick BASTIEN, médecin généraliste, membre
Association Santé Environnement France (ASEF)
Dr Pierre SOUVET, président
Réseau OBEPINE
Pr Yvon MADAY, mathématiques appliquées Sorbonne Université, UMR 7598 et Institut universitaire de France. Dr Mickaël BONI, vétérinaire en chef, Institut de recherche biomédicale des armées, GT eaux du service des armées. Pr Christophe GANTZER, laboratoire de chimie physique et microbiologie pour les matériaux et l'environnement UMR 7564 CNRS-Université de Nancy. Sébastien WURTZER, docteur en virologie, ingénieur au laboratoire R&D Eau de Paris.
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Pr Remy TEYSSOU, Val de Grâce, directeur de l'unité de virologie de l'IRBA, laboratoire R&D Eau de Paris. Laurent MOULIN, docteur en microbiologie HDR, responsable du laboratoire R&D Eau de Paris. Pr Jean-Marie MOUCHEL, hydrologue et géochimiste, Sorbonne Université UMR 7619 CNRS EPHE. Isabelle BERTRAND, maître de conférence en virologie environnementale, laboratoire de chimie physique et microbiologie pour les matériaux de l'environnement, UMR 7564, CNRS Université Nancy. Vincent MARECHAL, professeur de virologie enseignant-chercheur Sorbonne, INSERM.
Déplacements
Déplacement Nouvelle-Aquitaine ARS
Dr Benoît ELLEBOODE, directeur général ARS NA Dr Sylvie QUELET, directrice sécurité sanitaire ARS NA Dr Matthieu MECHAIN, référent ATB ARS NA A Guilloux, responsable qualité/sécurité des soins ARS NA Marcela ARNAUD-FREDES, Direction Des Financements/Coordination Gestion Risque
DRAAF
Philippe de GUENIN, Directeur Régional DRAAF NA
Représentants des professionnels et structures d'appui
Pr Charles CAZANAVE, infectiologue CHU Bordeaux, président de la COMAI Dr François MARTIAL, représentant URPS pharmaciens NA Pr Didier NEAU, chef du service Maladies infectieuses et tropicales, CHU Bordeaux Dr Pierre PARNEIX, responsable CPias NA, CHU Bordeaux Dr Agnès RICHE, Chef de service Médecine Interne-Maladies Infectieuses CH Angoulême Antoine BROUILLAUD, Myriam ROUDAUT, Mme DELL'OVA-DOUTREMEPUICH, Pharmaciens OMEDIT Pr Philippe Barthélémy, Directeur unité ARNA, INSERM U1212/UMR CNRS 5320, Université de Bordeaux
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Représentants du secteur de la santé animale
Dr Yves HORION, président Organisme Vétérinaire à Vocation Technique (OVVT) NA Dr Nathalie LAUFRAIS, animatrice OVVT NA Dr Matthieu MOUROUX, président Conseil Régional de l'Ordre des Vétérinaires NA Marine VOISIN, directrice Fédération Régionale des Groupements de Défense Sanitaire (FRGDS) NA Boris BOUBET, directeur Groupement de Défense Sanitaire (GDS) 23 Pascal ROBICHON, président GDS 86
Déplacement Hauts-de-France ARS
Dr Benoît VALLET, directeur général Dr Nathalie de POUVOURVILLE, direction adjointe Direction de la Sécurité Sanitaire et de la Santé Environnementale
DRAAF
Dr Amélie MATHIRON ISPV Adjointe au chef de service SRAL Dr Blandine IVART ISPV Inspectrice pharmacie vétérinaire
Représentants des professionnels de santé et structures d'appui
Dr Isabelle CARPENTIER, OMEDIT Caroline DE PAUW, directrice, URPS Médecins Pr Karine FAURE, responsable du CRAIHF Dr Thierry GUFFOND, président URPS Biologistes Dr Gwenaëlle LOCHER, praticienne hygiéniste, CPias Dr Sophia MECHKOUR, pharmacienne hygiéniste, CPias Charlotte MOREELS, coordonnatrice URPS Chirurgiens-dentistes Dr Bruno STACH, président URPS Médecins Lesley MARQUIS, URPS Médecins Catherine NOLF, URPS Biologistes Fabrice RIQUIER, directeur chambre agriculture 60 Dr Gregory TEMPREMANT, URPS Pharmaciens
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Isabelle CHATELAIN, présidente URPS infirmiers libéraux (URPS IDEL) Pauline GHYSEL, directrice URPS infirmier libéraux (URPS IDEL)
Représentants du secteur de la santé animale
Dr Vincent BERTRAND, président FRGTV vétérinaire référent en antibiothérapie Dr Florence DIAN-DURAND présidente CROV HF Vincent FOURNIER, directeur du GDS 62 Simon HANEUX, président Commission de l'élevage Valéry LECERF, président FRGDS
Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement
Laurent TAPADINHAS, directeur.
Visioconférence ARS Réunion
Pr Xavier DEPARIS, chef du service sécurité sanitaire, santé et milieu de vie Dr Raphaël ADDA, référent ATB de l'ARS Dr Rodolphe MANAQUIN, infectiologue et référent CRAtb Francine DOMONTE, chargé de mission ATB
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SIGLES UTILISÉS
ABR AFNOR ALD AllEnvi AMM ANMV ANRS-MIE ANSES ANSM ARS ATB AVieSan BARDA BLSE BMR BRA BUA CEPS CNAM CoViD Cpias CRAtb CSF CSIS CVMP DAU DDJ DGOS DGPR DGS DIV DREAL ECDC EHPAD EMA EMA EMH EOH ES ESM ESMS ETP EU-JAMRAI FAO FAQ FDR FIR Antibiorésistance bactérienne Association française de normalisation Affection de longue durée Alliance nationale de recherche pour l'environnement Autorisation de mise sur le marché Agence Nationale du Médicament Vétérinaire Agence nationale de recherche Sida-MIE Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé Agence Régionale de Santé Antibiotiques Alliance nationale pour les sciences de la vie et de la santé Biomedical Advanced Research and Development Authority lactamases à spectre étendu Bactéries multi-résistantes Bactéries résistantes aux antibiotiques AMR Bon usage des antibiotiques Comité économique des produits de santé Caisse Nationale d'Assurance Maladie Corona Virus Disease Centre d'appui pour la prévention des infections associées aux soins Centres régionaux d'antibiothérapie Comité stratégique de filière Conseil Stratégique de l'Innovation en Santé Comité des médicaments vétérinaires Délivrance à l'unité Dose définie journalière Direction générale de l'offre de soins Direction générale de la Prévention des risques Direction Générale de la Santé Diagnostic in vitro Direction régionale de l'Environnement, de l'Aménagement et du Logement European center for desease control/Centre européen de surveillance des maladies Établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes European medicines agency Équipes multidisciplinaires en antibiothérapie Équipes Mobiles d'Hygiène Équipes opérationnelles d'hygiène Établissements de soins Établissements de soins médicalisés Établissement et services médico-sociaux Équivalent temps pleins Join Action on Antimicrobial Resistance and Healthcare-Associated Infections Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture Foire aux questions Feuille de route antibiorésistance Fonds d'intervention régional
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GARDP GRA HAS HERA ICARS ICPE INSERM MAA MEAE MEF MENJ MESRI MG MIE MIG MMPIA MOOC MSS MTE OIE OMS PARS PCI PFUE PNSE PNUD PNUE PPR PRO Propias RAM REPias Resapath ROSP SARM SF2H SIMV SPARES SpF TROD
Global Antibiotic Research and Development Partnership/ Partenariat mondial sur la recherche et le développement en matière d'antibiotiques Gènes de résistances aux antibiotiques Haute Autorité de Santé Health Emergency preparedness and Response Authority Centre international de recherche pour des solutions à la résistance aux antimicrobiens Installation classée pour la protection de l'environnement Institut national de la santé et de la recherche médicale Ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation Ministère de l'Europe et des Affaires étrangères Ministère de l'Économie et des Finances Ministère de l'Éducation Nationale, de la Jeunesse et des Sports Ministère de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche Médecin généraliste Maladies infectieuses émergentes Missions d'intérêt général Mission ministérielle pour la Prévention des Infection et de l'Antibiorésistance Massive Open Online Course Ministère des Solidarités et de la Santé Ministère de la Transition Écologique Organisation mondiale pour la santé animale Organisation mondiale de la santé Programme d'appui européen pour les réformes structurelles Prévention et contrôle des infections Présidence française du Conseil de l'Union européenne Plan national santé environnement Programme des Nations unies pour le développement Programme des Nations unies pour l'environnement Programme prioritaire de recherche Produits résiduaires organiques Programme national d'actions de préventions des infections associées aux soins Résistance aux antimicrobiens Réseau de Prévention des Infections Associées aux Soins Réseau d'épidémiosurveillance de l'antibiorésistance des bactéries pathogènes animales Rémunérations sur objectifs de santé publique Staphylococcus aureus résistant à la méthicilline Société Française d'Hygiène Hospitalière Syndicat de l'l'industrie du médicament et diagnostic vétérinaires Mission nationale de Surveillance et Prévention de l'AntibioRésistance en Établissement de Santé Santé Publique France Test rapide d'orientation diagnostique
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