Évaluation des actions financières du programme Écophyto

GRAVIER-BARDET, Mireille ; HUBERT, Louis ; DEPROST, Pierre ; DUFOUR, Anne ; RONCERAY, Claude

Auteur moral
France. Conseil général de l'environnement et du développement durable ; France. Inspection générale des finances ; France. Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux
Auteur secondaire
Résumé
<div style="text-align: justify;">Issu du Grenelle de l'environnement, le premier plan Écophyto affirmait en 2008 une volonté de réduire l'usage des produits phytopharmaceutiques agricoles de 50 % à horizon 2018 et constituait la réponse française à la directive européenne 2009/128/CE. En 2015, devant la faiblesse des résultats, un plan Écophyto 2 a été défini. L'objectif de -50% est repoussé en 2025 avec un objectif intermédiaire de -25% à horizon 2020. En 2018, le Gouvernement décide un « plan d'action sur les produits phytopharmaceutiques (PPP) et une agriculture moins dépendante aux pesticides » complété de l'objectif de « sortir du glyphosate », et amende le plan qui prend le nom d'Écophyto 2+. Suite à un référé de la Cour des comptes (2019) pointant notamment les difficultés de la gouvernance du plan Écophyto et de la gestion du programme, le gouvernement a commandé une mission d'évaluation de leurs actions financières. Les constats de la mission reprennent ceux de la Cour des comptes en matière de gouvernance et de gestion, mais interrogent également les principaux objectifs et actions du plan, qui n'ont, jusqu'à présent, pas été évalués ni fait suffisamment la preuve de leur efficacité, comme les dispositifs d'accompagnement des agriculteurs. Pourtant, les ressources mobilisées pour le plan Écophyto (643 M¤ en 2019) sont bien supérieures à celles du seul programme financé par la redevance pour pollutions diffuses (41 M¤ au niveau national et 30 M¤ au niveau régional) mais ne peuvent à elles seules contrebalancer certaines orientations des politiques agricoles nationales et européennes. La gouvernance stratégique du plan n'est pas suffisamment concentrée sur la mise en cohérence des politiques publiques, et pèche encore par l'insuffisance d'évaluations validées par un conseil scientifique. La mise en oeuvre opérationnelle du programme annuel est quant à elle fragilisée par l'absence d'un réel « chef de projet », entraînant ainsi l'approbation tardive de la programmation annuelle et un décalage dans le temps de sa mise en oeuvre. La gestion financière n'est pas attribuée aux responsables des actions du programme, mais à des opérateurs dont les missions ne sont pas centrées sur Écophyto. Le manque d'articulation entre les volets national et territorial du programme est reconnu. Si le plan a démontré qu'une réduction de l'usage des PPP est possible et, dans certaines conditions, compatible avec le maintien du revenu agricole, aucune des actions menées jusqu'à présent dans le cadre du plan, et a fortiori de son programme national, ne semble susceptible d'entraîner la massification de ces démarches de substitution aux PPP, à l'exception du développement de l'agriculture biologique. Convaincue de la place du plan Écophyto dans la transformation de l'agriculture, la mission propose de répondre à chacun de ces constats et formule des recommandations pour améliorer la gouvernance, le processus de programmation, le choix des indicateurs, la mise en oeuvre du programme et l'évaluation des actions soutenues. La mission recommande également de définir une nouvelle trajectoire à dix ans de réduction des PPP cohérente avec la nouvelle politique agricole commune (PAC) et l'ensemble des politiques conduites aux plans européen et national, et incluant un dispositif de massification. Le plan pourrait ainsi agir de manière plus globale, grâce à la mise en cohérence des actions publiques, et avec une plus forte intensité sur un nombre limité de leviers choisis, en tenant compte des délais normaux de diffusion des innovations complexes et multiples qui sont nécessaires pour réduire fortement l'usage des PPP. Elle propose pour cela trois scénarios. Enfin, la mission invite à approfondir ces orientations en ouvrant la possibilité que des modèles agricoles multiples puissent y contribuer, et en incorporant dans le plan les mesures d'alignement des politiques publiques et de redéfinition des rôles des structures publiques qui lui permettront de restaurer la crédibilité de la parole publique en matière de réduction de l'usage des produits phytopharmaceutiques. Par souci de cohérence et d'efficacité, le nouveau plan devrait débuter avec la nouvelle PAC en 2023.</div>
Editeur
CGEDD ; IGF ; CGAAER
Descripteur Urbamet
agriculture ; gouvernance ; programmation ; matériau de construction ; évaluation ; évaluation des politiques publiques ; scénario ; financement ; gestion ; pesticide ; agriculture biologique
Descripteur écoplanete
pesticide ; produit phytosanitaire ; agriculture biologique ; lutte contre la pollution ; politique agricole ; programme d'action
Thème
Ressources - Nuisances
Texte intégral
B P U LI Évaluation des actions financières du programme Écophyto É -03 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 2/208 PUBLIÉ Résumé ........................................................................................................................................................ 7 Liste des recommandations................................................................................................................. 9 Quelques définitions relatives à Écophyto ................................................................................... 10 Introduction ............................................................................................................................................ 11 1 Ambitieux par ses objectifs, le plan Écophyto finance des actions à l'impact trop faible, via une gouvernance alourdie et une gestion complexe ...................................... 12 Malgré plusieurs modifications du plan Écophyto, l'usage agricole des PPP ne rejoint pas la trajectoire de réduction décidée en 2008..........................................................12 1.1.1 L'usage agricole des produits phytopharmaceutiques (PPP) génère des risques sur la santé humaine et la biodiversité...............................................................12 1.1.2 En France, les plans successifs de réduction des risques s'appuient sur la réduction quantitative de l'usage des PPP ........................................................................13 1.1.3 La réduction quantitative de l'usage des PPP se fait attendre ..................................14 Les principales actions du plan ont montré leurs limites .......................................................15 1.2.1 Les actions de persuasion tardent à convaincre.............................................................16 1.2.2 Les actions réglementaires et la PAC ont apporté des contributions réelles mais insuffisantes à la maîtrise des risques .....................................................................17 1.2.3 La recherche et la formation initiale sont des axes importants du plan mais leurs résultats s'inscrivent à long terme ............................................................................20 Les outils financiers du plan Écophyto peuvent paraître importants du point de vue de la dépense publique, sans être des leviers significatifs de changement des pratiques.....................................................................................................................................................21 1.3.1 La source de financement du programme, la RPD, est un levier potentiel de changement des pratiques, mais son taux actuel reste trop bas pour qu'il ait un impact significatif sur la décision des agriculteurs .................................................21 1.3.2 Le plan bénéficie de financements beaucoup plus importants (estimés à 643 M), que le seul programme (41 M au niveau national, 30 M minimum au niveau régional) ...........................................................................................................................22 La gouvernance du plan pluriannuel et le pilotage du programme annuel sont perfectibles ................................................................................................................................................25 1.4.1 La gouvernance du plan pluriannuel est incomplète et manque de visibilité ....25 1.4.2 Le pilotage du programme annuel (71 M ) est fragilisé par l'absence d'un Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 3/208 PUBLIÉ réel responsable opérationnel exerçant les fonctions de « chef de projet »........27 1.4.3 La mobilisation des acteurs clés du programme n'est ni suffisante ni orientée ............................................................................................................................................................28 La gestion financière du programme n'est pas efficace ...........................................................28 1.5.1 La gestion financière du programme n'est pas attribuée aux responsables des actions du programme, mais à des opérateurs dont les missions ne sont pas principalement centrées sur Écophyto ..............................................................................28 1.5.2 La procédure de programmation est inutilement lourde, tandis que la consommation des crédits n'est pas encadrée par les tutelles .................................30 2 Des transformations importantes du plan Écophyto sont indispensables pour réduire massivement les risques des PPP sur la santé humaine et la biodiversité . 33 Le plan Écophyto est utile, mais ses objectifs sanitaire et environnemental ainsi que son périmètre doivent être précisés ...............................................................................................33 2.1.1 L'absence de résultats probants est en partie imputable à des défauts de conception du plan initial, corrigés seulement en partie par les apports des plans Écophyto 2 et 2+ ..............................................................................................................33 2.1.2 Les faibles résultats obtenus jusqu'à aujourd'hui invitent également à redéfinir la cible, la santé humaine et la biodiversité, et le moyen d'y parvenir, une vision plus intégrée, des intrants aux assiettes. .....................................................38 Le plan Écophyto doit mobiliser davantage les leviers disponibles et efficaces, à la hauteur de ses ambitions .....................................................................................................................40 2.2.1 Les techniques de persuasion, incluant la communication, le conseil et l'animation de groupes de pairs, ont permis de diffuser l'ambition et de faire connaître certaines alternatives aux PPP, mais elles ne suffiront pas à provoquer une diffusion spontanée des bonnes pratiques. .......................................40 2.2.2 En s'appuyant sur une démarche volontaire, la labellisation permet de distinguer les pratiques économes en PPP, même si elle laisse de côté les nécessaires progrès de l'agriculture conventionnelle. .................................................41 2.2.3 La taxation des PPP peut inciter de manière plus générale à la recherche d'alternatives, surtout si le produit de la taxe est redistribué directement vers les agriculteurs qui réduisent leurs PPP, mais son niveau doit être élevé. ..........42 2.2.4 Le levier réglementaire peut être durci, mais ses effets sont incertains sur l'indicateur et une convergence européenne est indispensable. .............................43 2.2.5 Le produit de la RPD pourrait également contribuer plus directement à la massification, avec des conséquences sur l'avenir du programme national.......44 Le pilotage national du Plan Écophyto et de son programme annuel doit être consolidé et plus opérationnel, en mobilisant chaque acteur sur ses compétences ....47 2.3.1. La gouvernance du plan doit être renforcée ....................................................................47 2.3.2. La gestion financière doit être plus fluide et s'appuyer sur les circuits les plus adaptés ............................................................................................................................................48 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 4/208 PUBLIÉ La réduction des PPP est une politique publique complexe, son évaluation continue devrait être une boussole du plan et du programme ...............................................................49 3 Trois scénarios visant à crédibiliser le plan Écophyto comme une politique publique centrale dans la transformation des pratiques agricoles et de l'alimentation .................................................................................................................................... 53 Les questions techniques posées par l'expérience acquise en matière de réduction des PPP peuvent justifier plusieurs réponses politiques ........................................................53 3.1.1 Appréhender les multiples éléments de complexité .....................................................53 3.1.2 L'utilisation différenciée des leviers d'action ..................................................................55 Scénario 1 : Segmentation ...................................................................................................................56 3.2.1 Description du scénario ............................................................................................................56 3.2.2 Contexte et stratégie ..................................................................................................................57 3.2.3 Analyse ............................................................................................................................................57 Scénario 2 : Incitation ............................................................................................................................58 3.3.1 Description du scénario ............................................................................................................58 3.3.2 Contexte et stratégie ..................................................................................................................60 3.3.3 Analyse ............................................................................................................................................61 Scénario 3 : Réglementation & PAC .................................................................................................61 3.4.1 Description du scénario ............................................................................................................61 3.4.2 Contexte et stratégie ..................................................................................................................62 3.4.3 Analyse ............................................................................................................................................63 Le plan Écophyto pourrait reposer davantage sur la complémentarité des modèles agricoles, et comporter des actions prioritaires d'organisation des pouvoirs publics ........................................................................................................................................................................63 3.5.1 Plusieurs modèles d'agriculture économes en PPP devraient trouver leur place en France.............................................................................................................................64 3.5.2 Le portage par l'État de la politique de la réduction des PPP mériterait d'être clarifié ..............................................................................................................................................64 Présentation d'ensemble des recommandations ...................................................................... 68 Annexes ..................................................................................................................................................... 70 Lettre de mission .............................................................................................................. 71 Liste des personnes rencontrées ................................................................................ 73 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 5/208 PUBLIÉ Le plan Écophyto affiche des objectifs quantifiés ambitieux dans des contextes scientifique, technique et politique difficiles .................................................... 77 L'évaluation du plan s'appuie sur deux indicateurs quantitatifs d'utilisation qui rendent mal compte des résultats ............................................................ 88 Les principales actions du plan et leurs limites dans le secteur agricole .... 95 Les leviers d'une réduction massive de l'usage des PPP ................................. 108 La gouvernance du plan et la gestion financière du programme ................. 125 Trois scénarios visant à crédibiliser le plan Écophyto comme une politique publique centrale dans la transformation des pratiques agricoles et de l'alimentation ................................................................................................................................. 137 Bibliographie................................................................................................................... 172 Glossaire des sigles et acronymes ......................................................................... 175 La redevance pollutions diffuses (document) .................................................. 177 Ressources concourant au plan Écophyto en 2018 et 2019 (Document de la mission Bisch) ........................................................................................................................... 186 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 6/208 PUBLIÉ Issu du Grenelle de l'environnement, le premier plan Écophyto affirmait en 2008 une volonté de réduire l'usage des produits phytopharmaceutiques agricoles de 50 % à horizon 2018 et constituait la réponse française à la directive européenne 2009/128/CE. En 2015, devant la faiblesse des résultats, un plan Écophyto 2 a été défini. L'objectif de -50% est repoussé en 2025 avec un objectif intermédiaire de -25% à horizon 2020. En 2018, le Gouvernement décide un « plan d'action sur les produits phytopharmaceutiques (PPP) et une agriculture moins dépendante aux pesticides » complété de l'objectif de « sortir du glyphosate », et amende le plan qui prend le nom d'Écophyto 2+. Constats et résultats Cette politique publique utilise en priorité des outils de communication, d'animation et de promotion des bonnes pratiques agricoles. Elle mise principalement sur le « regard par-dessus la haie » pour que les pratiques identifiées percolent dans l'ensemble de la profession, et mobilise la recherche et la formation pour identifier, inventer et promouvoir les alternatives les plus efficaces. Cette approche globale a été complétée par le retrait de certaines autorisations de substances dangereuses, à l'échelon européen, et par des mesures réglementaires relatives aux autorisations de mise sur le marché des produits, et sur leurs conditions d'usage. Pourtant, les résultats mesurés à l'aune de cet objectif quantitatif de réduction de 50% s'avèrent décevants, même s'ils sous-estiment l'ampleur des changements engagés. Les indicateurs utilisés sont eux-mêmes contestés. Suite à un référé de la Cour des comptes (2019) pointant notamment les difficultés de la gouvernance du plan Écophyto et de la gestion du programme, le gouvernement a commandé une mission 1 d'évaluation de leurs actions financières. Les commanditaires ont en particulier demandé d'évaluer la valeur ajoutée apportée par les actions financées au niveau national par la redevance pour pollutions diffuses, et de proposer des améliorations du pilotage du programme et de sa gestion. Les constats de la mission reprennent ceux de la Cour des comptes en matière de gouvernance et de gestion, mais interrogent également les principaux objectifs et actions du plan, qui n'ont, jusqu'à présent, pas été évalués ni fait suffisamment la preuve de leur efficacité. En particuliers, les dispositifs d'accompagnement des agriculteurs, comme les fermes DEPHY ou les fermes « 30 000 » ont démontré l'existence de solutions pour réduire les PPP, sans parvenir en moyenne aux niveaux de baisse envisagés (-50%) dans ces exploitations, ni déboucher sur une massification des pratiques ni même à une transformation du conseil aux agriculteurs. Pourtant, les ressources mobilisées pour le plan Écophyto (643 M en 2019) sont bien supérieures à celles du seul programme financé par la redevance pour pollutions diffuses (41 M au niveau national et 30 M au niveau régional) mais ne peuvent à elles seules contrebalancer certaines orientations des politiques agricoles nationales et européennes. La gouvernance stratégique du plan n'est pas suffisamment concentrée sur la mise en cohérence des politiques publiques, et pèche encore par l'insuffisance d'évaluations validées par un conseil scientifique. La mise en oeuvre opérationnelle du programme annuel est quant à elle fragilisée par l'absence d'un réel « chef de projet », entraînant ainsi l'approbation tardive de la programmation annuelle et un décalage dans le temps de sa mise en oeuvre. La gestion financière n'est pas attribuée aux responsables des actions du programme, mais à des opérateurs dont les missions ne sont pas centrées sur Écophyto. Le manque d'articulation entre les 1 Lettre du 2 juillet 2020 aux trois inspections et conseils généraux IGF-CGEDD-CGAAER Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 7/208 PUBLIÉ volets national et territorial du programme est reconnu. Si le plan a démontré qu'une réduction de l'usage des PPP est possible et, dans certaines conditions, compatible avec le maintien du revenu agricole, aucune des actions menées jusqu'à présent dans le cadre du plan, et a fortiori de son programme national, ne semble susceptible d'entraîner la massification de ces démarches de substitution aux PPP, à l'exception du développement de l'agriculture biologique. Recommandations Convaincue de la place du plan Écophyto dans la transformation de l'agriculture, la mission propose de répondre à chacun de ces constats et formule des recommandations pour améliorer la gouvernance, le processus de programmation, le choix des indicateurs, la mise en oeuvre du programme et l'évaluation des actions soutenues. La mission recommande également de définir une nouvelle trajectoire à dix ans de réduction des PPP cohérente avec la nouvelle politique agricole commune (PAC) et l'ensemble des politiques conduites aux plans européen et national, et incluant un dispositif de massification. Le plan pourrait ainsi agir de manière plus globale, grâce à la mise en cohérence des actions publiques, et avec une plus forte intensité sur un nombre limité de leviers choisis, en tenant compte des délais normaux de diffusion des innovations complexes et multiples qui sont nécessaires pour réduire fortement l'usage des PPP. Elle propose pour cela trois scénarios. Le scénario 1 « segmentation » vise à soutenir en priorité les acteurs et les filières volontaires et engagés collectivement, comme c'est le cas pour l'agriculture biologique. Il est simple à mettre en oeuvre, mais il n'est viable qu'avec la possibilité de mieux différencier les produits issus des bonnes pratiques, de ceux issus de l'agriculture conventionnelle, jusqu'au consommateur. Il ne peut monter en charge qu'avec une priorisation claire des politiques publiques, notamment de la fiscalité et des régimes d'aides. Le scénario 2 « incitation » utilise les signaux de marché (taxation et aides financières aux bonnes pratiques) pour encourager chaque acteur à exploiter les possibilités de réduction, à son échelle et avec ses moyens. Le renchérissement progressif, mais important du prix relatif des PPP par rapport à leurs substitutions en est la clé. La rénovation du conseil agricole, stratégique et pas exclusivement relatif aux PPP, en est une condition de succès. Le scénario 3 « réglementation & PAC » repose sur une prise de responsabilité plus grande de l'État, justifiée par des études précises sur les dangers et les risques de l'utilisation des PPP pour la santé humaine et la biodiversité. Le durcissement de la réglementation est accompagné d'un alignement des politiques publiques, et notamment d'une augmentation forte des conditionnalités de la distribution des aides de la politique agricole commune, et d'un contrôle effectif des pratiques. Ce scénario est le plus puissant mais il ne peut être mis en oeuvre, sans danger pour la compétitivité de l'agriculture française, qu'avec une forte harmonisation européenne et une exigence identique à l'égard des importations, ce qui impose d'en faire une priorité de la politique commerciale de l'Union européenne. Enfin, la mission invite à approfondir ces orientations en ouvrant la possibilité que des modèles agricoles multiples puissent y contribuer, et en incorporant dans le plan les mesures d'alignement des politiques publiques et de redéfinition des rôles des structures publiques qui lui permettront de restaurer la crédibilité de la parole publique en matière de réduction de l'usage des produits phytopharmaceutiques. Par souci de cohérence et d'efficacité, le nouveau plan devrait débuter avec la nouvelle PAC en 2023 : cela laisse le temps pour compléter l'évaluation des actions soutenues et des leviers utilisés, ainsi que pour mesurer l'ambition commune avec nos partenaires européens, concerter les modalités avec les parties prenantes et veiller à utiliser au mieux les marges de manoeuvre que la nouvelle PAC autorisera pour en faire un levier majeur de la réduction de l'usage des PPP. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 8/208 PUBLIÉ Confirmer le plan Écophyto comme un axe majeur de transformation de l'agriculture, mais préciser les cibles en termes de santé et de biodiversité, élargir les contours du plan pour intégrer l'amont et surtout l'aval de l'agriculture, incluant l'alimentation, et mobiliser de manière opérationnelle l'ensemble des acteurs concernés, des fournisseurs aux consommateurs. ..................... 39 Insérer dans le plan Écophyto un processus de massification des bonnes pratiques mobilisant - dans des proportions à déterminer mais avec l'intensité nécessaire pour atteindre l'objectif d'une réduction de 50% de l'usage des PPP - les trois leviers efficaces : labellisation, incitation fiscale, réglementation et PAC..................................... .... ......................................................................................................44 Dédier en priorité le produit de la RPD au plan Écophyto à des aides directes aux pratiques faiblement utilisatrices de PPP et financer sur le programme national et les enveloppes régionales des actions concourant directement à l'objectif, pour une durée déterminée, et en vérifiant que les acteurs mobilisent prioritairement leurs autres ressources................................................................ 46 Mettre en place une gouvernance interministérielle resserrée du plan Écophyto, coordonnée par le délégué interministériel, et définir les responsabilités de chaque ministère, direction et opérateur dans la mise en oeuvre du plan...................................... .............................................................................................. 48 Dans l'immédiat, autour d'une direction de projet précisée, simplifier le processus budgétaire par la mise en oeuvre sans délai de la pluriannualité des dépenses et l'amélioration de la consommation des crédits par la reprogrammation systématique des crédits de paiements non consommés du programme. A terme, mettre en cohérence les circuits financiers avec l'origine des financements, les missions des administrations et les statuts des opérateurs en charge des politiques concernées, aux échelles nationale et déconcentrée. ................... 49 Le choix des cibles, l'analyse des indicateurs et l'évaluation des actions devraient constituer un axe particulier du plan Écophyto, autonome et animé par des acteurs indépendants, capables de conseiller les décisions politiques et d'évaluer leur mise en oeuvre. ..................................................................................................... 52 Redéfinir d'ici deux ans un plan Écophyto à 10 ans cohérent avec la nouvelle PAC, pleinement opérationnel et incluant un dispositif de massification. D'ici là approfondir avec les acteurs concernés les leviers mobilisables selon différents scénarios, mettre en cohérence les politiques publiques nationales et évaluer les apports des actions soutenues depuis 2008 à l'objectif de réduction des PPP. ........................................................................................................ 67 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 9/208 PUBLIÉ Les pesticides comprennent les produits phytopharmaceutiques (PPP), les biocides et certains médicaments vétérinaires et humains. Le présent rapport ne s'intéresse qu'aux PPP. Les PPP servent à détruire les végétaux indésirables (herbicides), à protéger les plantes des agents pathogènes (fongicides, insecticides), à agir sur leurs processus vitaux sans être des substances nutritives (régulateurs de croissance) et à conserver les récoltes. Pour pouvoir être vendus et utilisés en France, les PPP doivent faire l'objet d'une autorisation de mise sur le marché (AMM), après approbation des molécules par l'Union Européenne. Depuis 2008, le plan Écophyto vise à réduire l'utilisation des PPP, en zones agricole et non agricole. Au cours du temps son contenu a évolué avec, notamment, l'intégration de l'objectif de sortie du glyphosate, et a été transformé en Écophyto 2 (2015), puis en Écophyto 2+ (2018). Le plan d'action national, décrit par l'article L 253-6 du code rural et de la pêche maritime est arrêté tous les ans après avis d'une instance de concertation et de suivi, « le comité d'orientation stratégique et de suivi » (COS)2, dont la présidence est assurée par les ministres en charge de l'agriculture et de l'environnement, depuis 2015, ainsi que les ministres de la santé et de la recherche, depuis 2018. Ce plan d'action national et son suivi répondent à l'ensemble des champs prévus par la directive 2009/128/CE instaurant « un cadre d'action communautaire pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable ». Depuis la loi sur les milieux aquatiques du 30 décembre 2006, la redevance pour pollutions diffuses (RPD) est due par les distributeurs de PPP en fonction des substances actives qu'ils contiennent. Elle est affectée aux agences de l'eau et contribue à financer leur programme d'intervention, ainsi que le plan Écophyto national depuis 2009 et l'enveloppe régionale depuis 2016. Le programme national (appelé parfois « maquette » dans sa phase de préparation) dont l'Office français de la biodiversité (OFB) réalise la mise en oeuvre3, est arrêté chaque année par le ministère de l'agriculture et de l'alimentation et le ministère de la transition écologique. Il est financé par une dotation de 41 M et depuis 2021, intégrée dans la contribution annuelle des agences de l'eau à l'OFB4. Il participe au financement du plan d'action national. L'enveloppe régionale5 apparait en 2016 et son montant a été estimé à 30 M/an. Elle est répartie entre les agences de l'eau et gérée par elles sous l'égide d'un comité des financeurs présidé par le préfet de région (Direction régionale de l'alimentation, l'agriculture et de la forêt). Articles D253-44 à D253-44-3) du code rural et de la pêche maritime - Section 5 « Plan d'action national pour une utilisation durable des produits phytopharmaceutiques ». Articles R131-34-2 à R131-34-4) du code de l'environnement- Sous-section 6 : Programme national visant à la réduction de l'usage des pesticides dans l'agriculture Article L131-15 du code de l'environnement modifié et l'article 135 de la loi 2017 1837 des finances, modifié par la loi n°2020-1721 du 29 décembre 2020 . Instruction technique DGAL/SDQPV/2016-563 du 1er juillet 2016, elle provient de l'élargissement de l'assiette de la redevance pollution diffuse à l'ensemble des substances classées cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques de catégories 2 (CMR2) et Instruction technique du 19 juin 2019 DEB/DGAL/DGS relative à la déclinaison du plan Écophyto II+ NOR : TREL1916807N Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 10/208 PUBLIÉ Issu du Grenelle de l'environnement, le plan Écophyto affiche depuis 2008 la volonté de réduire l'usage des produits phytopharmaceutiques. Suite à un référé de la Cour des comptes (2019) pointant notamment les difficultés de sa gouvernance et de la gestion du programme, la ministre de la transition écologique, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation et la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation ont demandé, par la lettre du 2 juillet 2020 (annexe 1), au Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD), au Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) et à l'Inspection générale des finances (IGF) de diligenter une mission relative à l'évaluation des actions financières du programme Écophyto. Selon les termes de la lettre interministérielle, la mission a pour objet une « évaluation des actions financières du programme Écophyto ». Le gouvernement s'étant engagé à donner suite à certaines recommandations de la Cour des comptes, la commande adressée à la mission désigne les objectifs suivants : 1. identifier les actions et moyens pour répondre aux priorités du plan d'actions d'avril 2018 ; 2. améliorer la valeur ajoutée et la complémentarité de ces financements avec l'ensemble des politiques publiques traitant des pesticides6 ; 3. évaluer les modifications apportées en 2018 afin de simplifier le fonctionnement du programme financier en clarifiant les rôles respectifs des directions d'administration centrale et de l'opérateur Office Français pour la Biodiversité (OFB) ; 4. formuler des propositions complémentaires permettant une programmation pluriannuelle des financements du programme Écophyto. Outre ces objectifs, qui sont détaillés dans la lettre de commande jointe, les commanditaires précisent qu'ils attendent des propositions afin d'améliorer : la diffusion et la communication d'indicateurs sur les actions lancées en 2018 et l'amélioration du système d'information public (base de données) ; l'accompagnement de la séparation du conseil et de la vente et le recentrage des certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) pour aider au développement des alternatives et à la définition du référentiel des actions de conseil ; l'appui au développement des produits de biocontrôle ; la mobilisation des filières afin de donner suite aux engagements des plans de filière en faveur de la transition agroécologique et le rôle de FranceAgriMer (FAM)à cet égard ; le réseau des fermes DEPHY, permettant de disposer de références sur des itinéraires techniques vertueux et économes en produits phytosanitaires ; l'adaptation du dispositif de surveillance biologique du territoire, élément clé pour suivre l'évolution des populations de ravageurs, à la lumière des évaluations disponibles. Les constats de la mission (partie 1) reprennent ceux de la Cour des comptes en matière de gouvernance du plan et de gestion du programme, mais interrogent également les principaux objectifs et actions du plan, qui n'ont jusqu'à présent pas fait suffisamment la preuve de leur efficacité, malgré la très grande variété des leviers sollicités. La mission invite à un réexamen de l'ensemble des enjeux et des modalités portés par Écophyto (partie 2) et propose plusieurs scénarios pour adapter les moyens du plan à son ambition légitime et nécessaire (partie 3). L'analyse a porté sur le volet agricole du plan, conformément à la lettre de mission. Le plan Écophyto reprend le terme de pesticides mais le terme exact aurait dû être produits phytopharmaceutiques. Les pesticides englobent notamment les biocides dont le plan ne parle pas. 6 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 11/208 PUBLIÉ Cette première partie dresse un constat d'ensemble sur le plan et le programme Écophyto en 2020. Les PPP sont des moyens pour protéger les cultures et les récoltes. L'usage des produits phytopharmaceutiques en agriculture a réellement pris son essor à partir des années 30 avec la découverte des effets insecticides, fongicides et herbicides de molécules synthétisées à grande échelle par l'industrie chimique (tel le dichlorodiphényltrichloroéthane ou DDT). Alors que l'usage de ces produits (et de l'ensemble des pesticides, qui comprennent également les biocides, utilisés pour des applications non agricoles) s'est massifié, avec un effet important d'augmentation de la production agricole, leurs effets indésirables ont progressivement été identifiés : sur la santé des applicateurs et de leurs familles et de la population humaine en général, ainsi que sur la biodiversité, les écosystèmes et la population des insectes, à travers les modes de contamination par l'air, l'eau, le sol et l'alimentation7. Une étape importante de la reconnaissance de la dangerosité de certaines substances a été réalisée avec le règlement (CE) n° 1272/2008 dit « règlement CLP » entré en vigueur le 20 janvier 2009 et qui constitue la base réglementaire. Trois classes de danger sont ainsi définies (cancérogénicité, mutagénicité sur les cellules germinales, toxicité pour la reproduction), avec en leur sein des catégories qui définissent le niveau de preuve de l'effet cancérogène, mutagène et reprotoxique (CMR) observé. Les substances à caractère perturbateur endocrinien sont également soumises à exclusion, après avoir récemment fait l'objet d'une définition explicite à l'échelle européenne (règlements UE 2017/2100 et UE 2018/605). Le règlement No 1107/2009 du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques a fixé des critères d'exclusion de ces substances qui sont classées comme particulièrement dangereuses pour la santé et l'environnement. L'interdiction d'une substance active relève ainsi du niveau européen, mais l'approbation des autorisations de mise sur le marché des produits incombe au niveau national, avec des « marges de manoeuvre dans les faits limitées »7. Utilisation des produits phytopharmaceutiques. Rapport CGEDD n°011624-01 / IGAS n°2017-124R / CGAAER n°17096, décembre 2017 7 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 12/208 PUBLIÉ Après un premier « Plan interministériel de réduction des risques liés aux pesticides en 5 axes » en 2006, la France a adopté, en 2008, le plan « Écophyto 2018 ». Dans le mouvement du Grenelle de l'environnement, le gouvernement d'alors reprend une proposition des organisations non gouvernementales et fixe un objectif quantitatif de réduction de 50% de l'usage des PPP8, dans un délai de 10 ans, assorti de deux réserves : le « si possible » et la nécessité « de maintenir le revenu des exploitations agricoles ainsi qu'une production agricole élevée, adaptée aux demandes du marché ». Le plan Écophyto de 2008 constitue par la même occasion et par anticipation la réponse française à la directive 2009/128/CE 9 qui demande à ce que : « Les États membres adoptent des plans d'action nationaux pour fixer leurs objectifs quantitatifs, leurs cibles, leurs mesures et leurs calendriers en vue de réduire les risques et les effets de l'utilisation des pesticides sur la santé humaine et l'environnement et d'encourager l'élaboration et l'introduction de la lutte intégrée contre les ennemis des cultures et de méthodes ou de techniques de substitution en vue de réduire la dépendance à l'égard de l'utilisation des pesticides ». En 2015, devant la faiblesse des résultats 10 , le gouvernement donne une nouvelle impulsion et remanie le plan qui devient « Écophyto 2 ». L'objectif est repoussé en 2025 avec un objectif intermédiaire de -25% à horizon 2020. En 2018, le plan évolue encore une fois. Il intègre les mesures du « plan d'action sur les produits phytopharmaceutiques (PPP) et une agriculture moins dépendante aux pesticides » qui comporte notamment les mesures supplémentaires d'accompagnement des agriculteurs, ainsi que l'objectif de « sortir du glyphosate » et prend le nom d'« Écophyto 2+ ». L'objectif français est ambitieux car : contrairement aux autres pays européens qui visent la réduction des risques, la France considère que la réduction globale est « le moyen le plus efficace pour réduire l'exposition de la population et de l'environnement face à ces produits dangereux » , en complément notamment du retrait des substances les plus préoccupantes : « Sur les 15 plans nationaux communiqués à la Commission au 31 mars 2019, 13 pays11 se concentrent sur la réduction des risques, tandis que la France et le Luxembourg se concentrent sur la réduction globale de la consommation comme moyen de réduire les risques » 12 ; bien qu'aucun objectif de réduction de l'usage des PPP ne soit imposé par l'UE, la France s'engage à réduire de moitié l'usage des produits qui sont massivement utilisés, relativement bon marché en regard du gain de productivité et de leur efficacité, pour les remplacer par des méthodes alternatives (cf. la directive citée supra) dont les résultats sont plus aléatoires. « Il constitue un changement de référentiel très important qui ne sera atteint qu'avec l'appui de l'ensemble des acteurs....13 ». De plus, il ne peut être atteint que par : « des mutations profondes 8 9 On utilise PPP dans la suite du rapport pour dire produits phytopharmaceutiques Directive 2009/128/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 instaurant un cadre d'action communautaire pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable L'engagement n°129 prévoit l'« objectif de réduction de moitié des usages des pesticides en accélérant la diffusion des méthodes alternatives et sous réserve de leur mise au point » 10 Autriche, Belgique, République tchèque, Chypre, Danemark, Finlande, Irlande, Lituanie, Malte, Pologne, Portugal, Slovénie et Espagne 11 Rapport de la Commission au Parlement européen et au Conseil sur l'expérience acquise par les États membres dans la mise en oeuvre des objectifs nationaux fixés dans leurs plans d'action nationaux et sur les progrès réalisés dans la mise en oeuvre de la directive 2009/128/CE sur une utilisation des pesticides compatible, 20 mai 2020. https://ec.europa.eu/food/plant/pesticides/sustainable_use_pesticides_en 12 13 Écophyto 2018 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 13/208 PUBLIÉ des systèmes de production et des filières soutenues par des déterminants politiques de moyen et long terme et par les avancées de la science et de la technique »14. Douze ans après le premier plan, la France n'a pas atteint son objectif chiffré. Elle est toujours une forte consommatrice de PPP comme en témoigne l'évolution des deux indicateurs de suivi du plan : Les quantités de substances actives (QSA) vendues progressent jusqu'en 2018. Les chiffres provisoires de 2019 affichent une baisse notable en partie reliée à la forte hausse de 2018 liée à un achat par anticipation pour se prémunir d'une hausse de la taxe sur les PPP. Ils sont disponibles à la commune de l'acheteur (sous réserve du secret statistique) ; Figure 1: Quantité de substances actives vendues. Source : MAA, traitement SDES 2020. Figure 2: Quantité de substances actives vendues. Source : MAA, traitement SDES 2020. 14 Écophyto 2 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 14/208 PUBLIÉ L'indicateur du nombre de doses unités (NODU) qui est l'indicateur principal du plan calculé pour supprimer les biais du QSA15 apparait aussi en augmentation dans le secteur agricole. Il représente rapporté à la surface agricole utile (SAU) un niveau de pression. Disponible uniquement au niveau national, il ne permet donc pas un pilotage aux différentes échelles (régions, exploitation). Figure 3 : Nombre de doses unités de PPP par fonction (indicateur NODU- usage agricole ) .. Source visuel OFB En revanche, le plan Écophyto a donné pour les usages agricoles des résultats peu ou mal mesurés par ces deux indicateurs, mais qui réduisent les risques. Il en est ainsi de la suppression des molécules les plus dangereuses, de la création de zones de non traitement à proximité des lieux abritant des populations vulnérables, du soutien au développement de l'agriculture biologique, et de la substitution de certaines molécules par des produits de biocontrôle. D'une manière générale, la diffusion des résultats est déficiente (absence d'un site avec toutes les informations, NODU 2019 non disponible en février 2021, etc.) et toujours susceptible de prendre la forme d'une controverse. Finalement, le choix d'une réduction quantitative des PPP n'est clairement pas suffisant. Il convient de tenir compte des effets que certaines molécules peuvent entraîner à très petites doses, des effets de la concentration et de la durée des risques, que les seuls indicateurs sur les quantités de PPP vendues, même pondérés, ne traduisent pas. C'est d'autant plus dommage que de réels progrès ont été réalisés depuis 2009, comme d'autres rapports7 l'ont déjà établi. Ce constat invite ainsi à réexaminer les objectifs et la question des indicateurs du suivi du plan (cf.2.4). Progressivement le plan a été doté d'une boîte à outils assez complète, voire complexe, mais le bilan de la mise en oeuvre des actions montre que : Le remplacement de substances actives moins pondéreuses entraîne une baisse du QSA mais ce n'est pas pour autant que la pression phytopharmaceutique sur les surfaces diminue. Le NODU neutralise ce point. 15 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 15/208 PUBLIÉ les résultats de ces actions sont nettement insuffisants pour espérer la baisse souhaitée de l'usage des PPP d'ici l'échéance fixée par Écophyto 2 et 2+ (2025) ; aucune action du plan ou du programme n'a constitué le levier espéré pour réduire massivement l'emploi de PPP en agriculture conventionnelle. Le soutien à l'agriculture biologique apporté par le plan, en complément d'autres sources de financements, apparaît ainsi comme la contribution mesurable la plus substantielle à la réduction de l'usage des PPP. En réponse à la lettre de commande, la mission a étudié plus précisément les actions les plus emblématiques et notamment les trois actions initiées et financées en très grande partie par le programme : le réseau d'épidémio-surveillance et son bulletin sanitaire du végétal, le programme DEPHY et les groupes « 30 000 ». Ces outils sont plus précisément décrits en annexe 5. Le premier plan Écophyto a privilégié des actions visant à persuader les agriculteurs qu'ils pouvaient et devaient réduire leur usage de PPP, sans les contraindre. Quatre actions ont été particulièrement soutenues : Démontrer que c'est possible (DEPHY expé, DEPHY ferme) : Dès le premier plan Écophyto, un dispositif d'identification des pratiques économes en PPP a été mis en place. Il est dénommé DEPHY (pour Démontrer Expérimenter et Produire des références sur les systèmes économes en pHYtosanitaires). Il se compose d'un réseau de fermes de démonstration et d'un réseau d'information (AGROSYST) à la disposition des agriculteurs et de leurs conseillers. Les organismes de recherche, les établissements de formation et les instituts techniques ont été particulièrement engagés, via leurs stations expérimentales, dans cette action visant une forte réduction de l'usage des PPP par des reconceptions et changements de systèmes. Si ces dispositifs obtiennent des résultats significatifs, quoique presque toujours inférieurs à l'objectif de réduction de -50%, pour des agriculteurs motivés et accompagnés, ces résultats n'ont essaimé ni dans le réseau des conseillers agricoles ni auprès de la majorité des agriculteurs. DEPHY a cependant montré que la première étape (25%) de l'objectif de réduction des PPP est accessible. Un nouvel appel à candidatures vient d'être lancé pour renouveler le réseau16 avec des exploitations plus engagées dans les principes de la protection intégrée des cultures et des exigences accrues en matière de diffusion des acquis d'expérimentation coordonnés localement et nationalement ; Accompagner les collectifs (DEPHY ferme, réseau des 30 000) : Conjointement à DEPHY expé, le programme soutient la création de collectifs d'agriculteurs volontaires, accompagnés par des conseillers (DEPHY ferme). Pour tenter d'enclencher la massification, un nouveau dispositif d'accompagnement collectif « réseau des 30 000 » a été introduit avec Écophyto 2. Il visait 30 000 agriculteurs accompagnés en 2021. L'outil n'est pas très différencié de celui des groupements d'intérêt économique et environnemental (GIEE) 17 au point que les appels à projets sont désormais communs. La disparité des taux d'aide entre les deux dispositifs (jusqu'à 80% pour les GIEE, mais limité à 50% pour les 30 000) et leur variabilité selon les agences de l'eau en compliquent l'articulation et la mise en oeuvre. En 2020, la mesure a atteint 1/5 de l'objectif. Comme DEPHY, ce dispositif est en 16 17 Instruction technique DGPE/SDPE/2021-5525/01/2021 Groupements d'agriculteurs qui s'engagent dans un projet de modification ou de consolidation de leurs pratiques en visant à la fois des objectifs économiques, environnementaux et sociaux. Ils visent à développer et à consolider les pratiques agro-économiques dans une réflexion globale à l'échelle des exploitations et des territoires. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 16/208 PUBLIÉ situation d'échec, au moins par rapport à la capacité à atteindre le nombre d'exploitations engagées ; Communiquer : le réseau de surveillance et le bulletin sanitaire du végétal (BSV) Dès le premier plan, l'organisation d'un réseau de surveillance de la santé des cultures et la mise à disposition d'un bulletin sanitaire du végétal gratuit devaient permettre à chaque agriculteur de raisonner les itinéraires techniques de protection des végétaux sans être influencé par les conseillers techniques des firmes et ainsi réduire l'usage des PPP. Un rapport CGAAER/CGEDD de 201918 dresse un panorama particulièrement étoffé de ce dispositif, de ses avantages, mais aussi des réorientations à opérer. Les BSV couvrent essentiellement les ravageurs et les maladies, mais très peu les adventices alors que les herbicides représentent plus de 40% du NODU. Il n'existe pas d'indicateurs d'impact permettant de juger de son efficacité pour réduire l'usage des PPP. Il est impossible d'établir un lien de causalité entre l'existence du BSV et l'évolution des usages des produits phytopharmaceutiques. Le bulletin sanitaire du végétal ne démontre pas qu'une information gratuite et disponible pour tous entraîne les agriculteurs à réduire leur consommation. Si l'intérêt du dispositif pour la ferme France n'est pas remis en cause, son financement par Écophyto est clairement posé ; Soutenir les projets collectifs au sein des filières : L'engagement des filières est indispensable. Dans le plan, elles doivent « poursuivre le travail engagé dans le cadre des plans de filières » validés en 2017. Or, les engagements sur la réduction des PPP s'avèrent très différents d'une filière à l'autre et, dans la majorité des cas, sans objectifs quantifiables. Il n'existe pas, 3 ans après, de bilan national de ces engagements. Finalement, la contribution de ces actions aux objectifs du plan est réelle, mais elle relève davantage d'une démonstration - des baisses de l'usage des PPP sont possibles -, que d'une généralisation. Outre les actions de persuasion mises en avant par le premier plan, Écophyto a mobilisé des actions réglementaires, auxquelles peuvent être assimilées les conditionnalités insérées dans la PAC. Interdiction des substances de PPP et restrictions de leur usage : La réglementation européenne restreint de plus en plus le nombre de substances actives approuvées et la réglementation nationale les produits autorisés, qui sont en nette diminution : respectivement -24% et -46% depuis 2008. Le réseau d'épidémiosurveillance financé par le plan Écophyto : Réorientations à opérer. Rapport CGEDD n° 012577-01, CGAAER n° 18129, Décembre 2019 18 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 17/208 PUBLIÉ Figure 4 : Évolution du nombre de substances actives et de produits autorisés en France entre 2008 et 2019. Source : ANSES Toutefois, la réglementation européenne laisse peu de marges de manoeuvre aux États membres pour interdire sur leur territoire des produits contenant des substances autorisées 19 . Il faut démontrer l'existence de solutions alternatives satisfaisant à des conditions cumulatives très exigeantes, prévues par l'article 50 du règlement, pour pouvoir les interdire. Le cas récent du glyphosate démontre toute la complexité du processus à mettre en oeuvre20. Néanmoins toutes ces mesures participent à la réduction des risques pour la santé humaine et la biodiversité. La réglementation française s'est également intéressée à des actions pouvant avoir un effet plus indirect dont l'efficacité est aujourd'hui difficile à démontrer : Le dispositif Certiphyto a permis de former utilisateurs et vendeurs sur les questions réglementaires, la santé, les alternatives aux produits phytopharmaceutiques. Mais en l'absence d'évaluation du comportement des agents formés, l'impact sur l'usage et la santé des utilisateurs reste inconnu ; Les certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) : les CEPP ont été créés sur le principe des certificats d'économie d'énergie. Le nombre de CEPP a progressé pendant la phase expérimentale entre 2017 et 2019, mais n'a atteint que 15% de l'objectif. À partir de 2021, les entreprises de vente et les conseillers stratégiques de métropole ont l'obligation de promouvoir des actions alternatives à l'usage de PPP pour l'équivalent de 20% de leurs ventes21. L'année 2021 sera décisive pour savoir si les professionnels appliquent totalement cette nouvelle réglementation dénuée de sanctions financières, mais indispensable pour être certifié et donc pouvoir poursuivre la vente de PPP. En l'absence d'éléments concrets sur ses effets, la mission ne peut se prononcer sur son intérêt au-delà de son principe ; En zone agricole, la loi EGALIM a imposé des zones de non-traitement à proximité de lieux abritant des personnes vulnérables22 ; Rapport CGAAER/IGAS/CGEDD Utilisation des produits phytopharmaceutiques, décembre 2017. 19 20 . 21 Glyphosate : l'Anses publie les résultats de son évaluation comparative avec les alternatives non chimiques disponibles, ANSES, actualités du 9 octobre 2020 Cette obligation est calculée sur la base des ventes de produits phytopharmaceutiques déclarées à la « banque nationale des ventes réalisées par les distributeurs de produits phytosanitaires » (BNV-D) sur 5 ans. Les quantités déclarées de produits sont converties en nombre de doses. Une moyenne des ventes exprimée en doses unités est ensuite réalisée en excluant l'année au cours de laquelle les ventes ont été les plus faibles et l'année au cours de laquelle elles ont été les plus élevées. L'obligation de réalisation d'actions, fixée en nombre de certificats, est égale à 20 % de cette moyenne. Loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous 22 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 18/208 PUBLIÉ La séparation de la vente et du conseil dont le principe a été acté en 2018 est une avancée notable pour que les agriculteurs disposent d'un conseil totalement indépendant sur les produits. Cette mesure est effective au 1er janvier 2021. Certains interlocuteurs craignent que les vendeurs soient désormais moins en capacité de promouvoir des CEPP. Un bilan global sera à établir pour juger de la cohérence dans les faits de ces deux dispositifs ; Le conseil stratégique à l'utilisation de PPP devient obligatoire à partir de 2021. Il ne sera vraiment déployé qu'en 2023 lorsqu'il sera obligatoire de disposer de ce conseil pour obtenir le Certiphyto. Le bénéfice de sa mise en oeuvre ne se traduira certainement pas avant 2025. Conditionnalités figurant dans la PAC : La PAC actuelle, dont les modalités ont été décidées en partie conjointement entre le niveau européen et national, comprend également des mesures relatives aux PPP : Dans le cadre du 1er pilier, les agriculteurs sont tenus de respecter un certain nombre d'exigences, dont le respect de la bonne utilisation des PPP. En cas de non-respect, ils encourent des réfactions sur les primes. Il est ainsi prévu que « les États membres prescrivent que les PPP doivent faire l'objet d'un usage approprié, qui comporte le respect des conditions mentionnées sur l'étiquetage et l'application des principes des bonnes pratiques phytosanitaires. Mais ces conditions peuvent sembler si réduites que l'effet global des financements du premier pilier a plutôt permis d'accroître les dépenses en PPP23 » ; Les aides du 2nd pilier soutiennent des agriculteurs volontaires pour des pratiques vertueuses pour l'environnement. Elles visent à compenser tout ou une partie des surcoûts et manques à gagner liés à l'adoption de nouvelles pratiques. On y retrouve le soutien à l'agriculture biologique et les mesures agroenvironnementales et climatiques (MAEC). Par nature, elles contribuent favorablement à la réduction des PPP, mais le poids de ces mesures est faible en regard du 1er pilier (cf.1.3.2). L'ambition de la future PAC, en cours de définition, sera déterminante. Une enveloppe comprise entre 20 et 30 % du 1er pilier doit être introduite pour des mesures en faveur de l'environnement. Les pratiques de lutte intégrée contre les ravageurs 24 , comme défini dans la directive sur l'utilisation durable devraient y figurer. Les contrôles réalisés par les services de l'État et de ses opérateurs semblent peu nombreux et d'un impact faible. En principe, ces contrôles peuvent permettre de vérifier le respect de l'ensemble de la réglementation. En pratique sont contrôlés les produits et leurs conditions d'emploi, les pulvérisateurs et le Certiphyto. Toutefois, les autres mesures pour un usage durable des PPP prévues par la directive et en particulier la prise en compte des principes de la protection intégrée, ne sont pas contrôlées. De plus, le nombre des contrôles est faible (ex. : chaque année seulement 1% des bénéficiaires des Are EU subsidies a springboard to the reduction of pesticide use? M. Aubert¹; G. Enjolras² ; Communication Vancouver 2018 ; https://hal.inrae.fr/hal-02734754/document 23 La protection intégrée consiste en la prise en considération attentive de toutes les méthodes de protection des plantes disponibles et, par conséquent, l'intégration des mesures appropriées qui découragent le développement des populations d'organismes nuisibles et maintiennent le recours aux produits phytopharmaceutiques et à d'autres types d'interventions à des niveaux justifiés des points de vue économique et environnemental, et réduisent ou limitent au maximum les risques pour la santé humaine et l'environnement. La protection intégrée des cultures privilégie la croissance de cultures saines en veillant à perturber le moins possible des agro-écosystèmes et encourage les mécanismes naturels de lutte contre les ennemis des cultures. (Paragraphe 6 de l'article 3 de la directive 2009/128/CE du 21 octobre 2009 instaurant un cadre communautaire pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable). (Source : site ministère de l'agriculture et de l'alimentation). 24 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 19/208 PUBLIÉ aides de la PAC sont contrôlés). En 2019, 20% des exploitants contrôlés utilisent encore des pulvérisateurs non conformes et près de 15% détiennent des PPP sans autorisation de mise sur le marché (AMM) valide. Les absences de conformité identifiées lors des contrôles peuvent engendrer des réfections des primes PAC25 et des suites judiciaires. D'après la synthèse réalisée par la direction générale de l'alimentation (DGAL), 3 447 contrôles ont été réalisés en 2019 au titre de la conditionnalité des aides PAC, avec 99 suites judiciaires26. Rappelons ici la conclusion de la Cour des Comptes européenne, en 2020 : « en France, les inspections dans le domaine des PPP portent sur l'utilisation de méthodes et d'outils de surveillance et consistent à examiner si les agriculteurs utilisent des PPP biologiques et des méthodes visant à réduire l'utilisation des PPP chimiques, mais aucune sanction n'a été définie en cas de non-conformité ». La Cour des comptes française, dans son rapport non publié de 201927 recommande de cartographier à l'échelon régional le dispositif de contrôle de l'usage des PPP, de rationaliser son fonctionnement en confortant les solutions déployées et de revoir si nécessaire à la hausse le nombre de contrôles. Alors que la France s'appuie beaucoup sur le levier réglementaire, on ne peut que constater le caractère faiblement dissuasif du nombre et des suites données aux contrôles. Notons ici que le plan Écophyto comporte un volet spécifique pour les zones non agricoles. On relèvera toutefois que des réductions importantes d'usage, notamment l'interdiction de l'achat de PPP en jardinerie par des particuliers, ont été imposées par les voies législative et réglementaire avec la loi du 6 février 2014 (loi Labbé). Certaines mesures n'entrent en vigueur qu'en 2021, par exemple dans les cimetières, et certaines utilisations restent autorisées, par exemple pour des motifs de sécurité. Depuis le premier plan Écophyto, la nécessité de développer la connaissance fondamentale et appliquée pour identifier des alternatives aux PPP est bien identifiée et constitue un des axes importants du plan. Alors que le plan initial était fondé sur l'idée qu'il suffirait d'identifier les innovations et d'aider leur diffusion, les modifications du plan l'ont progressivement orienté sur des questions plus fondamentales et amont, justifiant une augmentation de la part du programme consacrée à ces travaux. Parallèlement, l'UE, avec le programme européen H2020, et la France, avec sa stratégie nationale de la recherche, ont intégré explicitement les enjeux de la réduction des PPP, et ont commencé depuis 3 ans à mobiliser des financements beaucoup plus importants que ceux qui étaient possibles avec le programme Écophyto et/ou le compte d'affectation spéciale développement agricole et rural (CASDAR). La recherche a des temporalités longues, et donc la part des ressources du programme Écophyto qui est affectée à ces actions risque de n'avoir que des impacts assez faibles sur la durée prévue du plan : alors que le plan peine à atteindre ses objectifs, une partie significative de ses financements est utilisée pour financer des projets dont l'impact probable est au-delà des échéances du plan. De même, la prise en compte des enjeux relatifs aux PPP dans la formation initiale a été intégrée, notamment via le plan « Enseigner à produire autrement » mis en place dans l'enseignement agricole, et dans la formation continue des exploitants, via le Certiphyto, mais les effets positifs de ces mesures sont difficiles à mesurer aux échéances du plan. En revanche, la formation continue des conseillers agricoles est curieusement absente du plan. Ceux 25 26 27 La mission n'a pas recueilli de données sur ces réfections. Amendes contrôles pulvérisateurs, et PV liés à des délits constatés Le bilan des plans écophyto, S2019-2326, non publié Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 20/208 PUBLIÉ qui accompagnent les agriculteurs qui s'inscrivent dans les dispositifs DEPHY et 30 000 ne sont pas les conseillers en place, mais du personnel externe recruté en CDD, avec un turn-over important. L'implication des conseillers « traditionnels » en place est, d'après plusieurs témoignages, jugée trop faible pour promouvoir la mise en oeuvre des objectifs du plan Écophyto. Ce n'est que très récemment qu'a été initié un plan de formation des conseillers des chambres d'agriculture pour accompagner les agriculteurs dans le diagnostic stratégique à l'utilisation des PPP. Il manque en outre un référentiel de formation. Depuis 2008, Écophyto soutient des actions très diverses visant à persuader les agriculteurs qu'ils doivent changer de pratiques, puisqu'il est possible de réduire l'usage des PPP car d'autres l'ont fait, mais ces actions n'ont guère élargi le cercle des agriculteurs volontaires. Le renforcement important de la réglementation et les timides conditionnalités introduites au sein de la PAC n'ont pas été accompagnés d'une intensification des contrôles et d'une sévérité accrue des sanctions, qui auraient obligé aux changements des pratiques. Finalement, Écophyto a démontré que la réduction des PPP était possible, mais l'énoncé de l'ambition (la réduction de 50% des PPP en 10 ans) n'a pas suffi à sa réalisation, malgré le durcissement de la réglementation. La redevance pour pollutions diffuses (RPD) constitue l'une des taxes affectées perçues par les agences de l'eau. Son montant annuel est de l'ordre de 150M, soit 7 % de l'ensemble des redevances perçues par les agences de l'eau (2,2 Md). Elle a été instaurée par la loi sur l'eau et les milieux aquatiques du 30 décembre 2006, pour taxer les PPP. Les distributeurs de produits phytopharmaceutiques sont tenus de transmettre à l'agence de l'eau Artois-Picardie une déclaration annuelle de leurs ventes de produits au titre de la redevance pour pollutions diffuses. Le bilan des achats effectués à l'étranger doit également être déclaré par les utilisateurs professionnels. En application de la loi de finances pour 2009, la redevance sert à financer : les programmes d'intervention des agences et offices de l'eau ; le volet national du plan Écophyto, dit « programme national» qui vise à limiter l'usage des PPP et la contamination associée des milieux. L'élargissement, en 2016, de l'assiette de la RPD à l'ensemble des substances actives classées cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques de catégorie 2 (CMR2) a permis d'accroître les recettes de la taxe et de consacrer une enveloppe complémentaire de 30 M annuels à l'accompagnement Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 21/208 PUBLIÉ financier des agriculteurs, dite « enveloppe régionale ». La loi de finances pour 2019 a modifié le régime de la redevance, dans un objectif de transparence sur le niveau de dangerosité des différentes substances au travers d'une plus grande discrimination des taux incluant un renforcement de ceux portant sur les substances qui seront à terme interdites en Europe, conformément au règlement 1107/2009 en ce qui concerne les substances candidates à substitution ou exclusion. Cette seconde augmentation devait permettre de dégager 50 M annuels supplémentaires consacrés au financement de l'agriculture biologique. Une modification a été introduite par la loi de finances pour 2021 (article 82 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 abrogeant le V. de l'article L.213-10-8 qui prévoyait le prélèvement au profit de l'OFB). Jusqu'à présent, la part de la redevance pour pollutions diffuses destinée à financer le programme national Écophyto était directement versée à l'OFB par l'agence de l'eau Artois-Picardie. Désormais le produit (41 M) reviendra aux agences et, en contrepartie, cellesci verseront une contribution plus importante à l'OFB 28 , chacune selon la clé de répartition fixée annuellement (arrêté interministériel du 28 janvier 2021). Dans le même temps, le plafond des redevances perçues par les agences a été augmenté en proportion. Ce dernier s'élèvera ainsi à 2,197 milliards d'euros en 2021. Ainsi la part de la RPD réservée au programme Écophyto est-elle désormais soumise au plafond comme les autres redevances. Le produit annuel de la RPD a donc trois destinations : constituer la part reversée à l'OFB (L.213-10-8 du code de l'environnement, issu de la loi n°2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l'eau et les milieux aquatiques29) pour financer le programme national de 41 M ; être répartie entre chaque agence de l'eau à hauteur de 30M, depuis 2016, constituant l'enveloppe régionale ; le reliquat est réparti entre chaque agence de l'eau et contribue au financement de son programme pluriannuel d'intervention30. La RPD n'est donc pas une taxe affectée au plan Écophyto et son taux est tel qu'il n'a qu'un impact limité sur le prix des PPP et sur l'usage qui en est fait (cf. 2.2, annexe 6 et annexe 11). Les moyens financiers mobilisés pour le plan (643 M) sont bien supérieurs à ceux du programme Écophyto (41 M) et son enveloppe régionale (30 M) Dans son rapport d'observations définitives31 de juillet 2019, la Cour des comptes « estime à environ 400 M en hypothèse basse les crédits annuellement dédiés à cette politique alors que l'État les évalue à environ 300 M ». C'est pourquoi dans son référé du 27 novembre 2019 au Premier ministre, la Cour des comptes émet une recommandation n°3 au MAA et MTE et leur demande d'«élaborer, tenir à jour et rendre public à compter de l'exercice 2020, à l'échelon national et à l'échelon régional, un tableau de l'ensemble des ressources financières mobilisées pour mettre en oeuvre le plan Écophyto pluriannuel ». 28 29 30 31 Les agences de l'eau versant chaque année une contribution au budget de l'OFB (373 M en 2021) Modifié comme vu ci-dessus par la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 Soit de l'ordre de 3% des ressources des agences de l'eau (70M rapportés au 2,2Md de ressources des agences) Cour des comptes S2019-2326 le bilan des plans Écophyto- observations définitives ­ délibéré le 18 juillet 2019. Non publié Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 22/208 PUBLIÉ Le coordinateur interministériel chargé du suivi du plan Écophyto et de la sortie du glyphosate a entrepris un travail de recensement de tous ces crédits pour contribuer à la réponse du gouvernement au référé de la Cour. Les résultats en ont été adressés aux commanditaires de ce travail par courrier du 7 décembre 2020. Il figure en annexe 12. Il a été réalisé en 2020, par enquête auprès des administrations centrales et territoriales, sur la base d'une maquette structurée selon la nomenclature des actions du plan Écophyto et permettant d'y inscrire, sans double compte, tous les crédits mobilisés par les pouvoirs publics (Europe, État, Etablissements publics, Régions...) en faveur de la politique de réduction de l'usage des produits phyto pharmaceutiques32. Les moyens financiers mobilisés 33 (643 M) sont bien supérieurs à ceux du programme Écophyto (41 M) et son enveloppe régionale (30 M), et même à ce que la Cour des comptes avait estimé. Ce montant peut paraitre faible comparé aux autres aides publiques dont bénéficie l'agriculture : les 9 Md de la politique agricole commune (PAC) ou les 600 M du volet agricole du plan de relance 20212022 français. Il est modeste au regard du chiffre d'affaires de la production agricole française, estimé à 71 Md. Figure 5: Poids relatif des principaux financements publics en direction de l'agriculture Le programme national et les enveloppes régionales Le programme national alimenté par un prélèvement de 41 M sur la redevance pour pollutions diffuses (RPD) au profit de l'OFB est arrêté chaque année par le ministère de l'agriculture et de l'alimentation (MAA) et le ministère de la transition écologique (MTE). Ce programme permet de contribuer en partie à la mise en oeuvre du plan Écophyto. L'enveloppe régionale de 30M est définie par une instruction technique de la direction générale de l'alimentation (DGAL)34 . Une répartition entre régions est fondée sur la vente de PPP en région et 32 33 Il est pratiquement exhaustif, à l'exception de deux régions (Corse et Réunion) Le travail de compilation a porté sur les deux exercices 2018 et 2019, mais les données fournies dans ce rapport concernent 2019 DGAL/SDQPV/2016-563 du 1er juillet 2016 puis par la note technique TREL1916807N du 19 juin 2019 relative à la déclinaison régionale du plan Écophyto II+ 34 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 23/208 PUBLIÉ l'enveloppe est gérée par les agences de l'eau. Ces moyens sont concentrés sur un nombre limité d'actions et en premier lieu l'agriculture biologique (AB). Les cinq premiers dispositifs du plan représentent plus de 90% des crédits engagés en région. Mais les autres actions sont caractérisées par un foisonnement de dispositifs et de lignes de crédit qui se superposent. Les principales actions financées sont l'agriculture biologique (320 M, soit 50 %), le soutien aux agroéquipements (74 M, soit 11,5 %), les MAEC (58,5 M soit 9 %), puis le soutien aux collectifs d'agriculteurs (56 M soit 9 %) et aux groupes 30 000 (9 M, soit 1,4 %). Figure 6: Répartition des financements publics (643 M) contribuant aux objectifs du plan Écophyto Le principal financement public contribuant au plan Écophyto est le soutien à l'agriculture biologique (50 %), seule mesure de massification, mais qui représente moins de 10 % de la surface agricole utile (SAU) et qui répond également à d'autres enjeux que ceux d'Écophyto. Le programme national Écophyto ne représente qu'une part modeste de cet ensemble, et dont l'utilisation est dispersée selon le bilan qui en a été établi en 2018. Le programme national a ainsi financé 148 projets pour une moyenne inférieure à 300 k/projet. Les autres actions financées qui concourent aux objectifs du plan concernent une multitude de mesures aux objectifs variés. Le poids déterminant des agences de l'eau dans ces financements (229 M soit 36% du total des moyens engagés). Une vingtaine d'organismes concourent financièrement aux objectifs du plan, mais les cinq premiers (agences de l'eau, fonds européens, ministère chargé de l'agriculture, conseils régionaux, OFB) représentent 99% des crédits mobilisés au niveau régional. En 2019, les agences de l'eau ont mobilisé un financement total de 229M, dans le cadre de leurs programmes pluriannuels, soit sensiblement plus que l'enveloppe régionale de 30 M qui relève du programme Écophyto au sens strict. Les agences représentent donc 36% du total des moyens engagés. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 24/208 PUBLIÉ La part de l'enveloppe régionale d'Écophyto ne représente que 18% des montants engagés par les agences. En effet, au-delà de l'enveloppe régionale de la redevance pour pollution diffuse (41 M35 en 2019), elles ont engagé le reliquat de RPD non attribué au programme national (56 M en 2019) et de l'ordre de 132 M issus de l'ensemble des taxes et redevances perçues par les agences de l'eau. 6% 31% Programme Ecophyto national 6% Enveloppe régionale Ecophyto 30% Agence de l'eau hors Ecophyto 188 M Fonds européens 27% Autres Figure 7: Origine des financements publics qui concourent au plan Écophyto (643 M) Les fonds européens (PAC 2nd pilier) mobilisés par les régions s'élèvent à 173 M. Dans son relevé36, la Cour des comptes a conclu à la nécessité de simplifier la gouvernance du plan et d'améliorer la gestion financière du programme, soulignant la multiplicité des acteurs et la confusion entre l'élaboration du plan pluriannuel et sa mise en oeuvre annuelle. La tutelle stratégique du plan Écophyto a été confiée à l'origine (2008) au ministre chargé de l'agriculture, auquel s'est adjoint le ministre chargé de l'environnement dans le plan Écophyto II (2015), puis les ministres chargés de la santé et de la recherche dans le plan Écophyto II+ (2018). Si la responsabilité s'est interministérialisée, nécessitant des arbitrages auprès du cabinet du Premier ministre, la vision des instances de gouvernance porte sur le seul volet national du programme Écophyto, et non sur l'ensemble des politiques concourant à la réduction des produits Les 41 M correspondent à l'enveloppe régionale de 30M, dont la programmation en autorisations de programme peut fluctuer selon les années ; elle a été de 28M en 2018. Cette similitude des montants avec l'enveloppe nationale gérée par l'OFB est donc purement fortuite et ne doit pas prêter à confusion. 35 36 Cour des comptes. Relevé d'observations définitives S2019-2326 relatif au bilan des plans Écophyto Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 25/208 PUBLIÉ phytopharmaceutiques, ce qui a conduit à solliciter la mission du Préfet Bisch 37 en 2020, pour apprécier la globalité des crédits mobilisés. Comme le soulignait la Cour des comptes, « le plan Écophyto est l'un des dix plans constitutifs du projet agroécologique pour la France et d'autres plans nationaux comportent des développements conséquents concernant l'utilisation des pesticides : Programme national de développement agricole et rural (PNDAR), Plan national santé au travail (PNST), Plan national santé environnement (PNSE), Stratégie nationale pour la biodiversité (SNB), Plans chlordécone ». Elle concluait que « ces plans ne sont pas articulés, et les bilans annuels du Plan Écophyto ne les intègrent pas, de sorte que la vision macroéconomique fait défaut et est difficile à communiquer ». Dans le même esprit, s'il se matérialise par un document couvrant, sur une soixantaine de pages, l'ensemble des champs prévus par la directive 2009/128/CE, le suivi du plan d'action national Écophyto présente chacune des actions avec un certain niveau de généralité et sans l'assortir des moyens nécessaires à sa mise en oeuvre, d'objectifs cibles chiffrés et d'indicateurs. Si l'ensemble des actions ainsi rassemblées donne une représentation de la dynamique d'ensemble, cette présentation ne permet pas d'apprécier la portée effective d'une action, son réalisme et son utilité. La déclinaison qui en est faite dans les régions sous la forme d'une feuille de route régionale, souffre des mêmes limites, comme l'a montré le travail d'analyse précité réalisé par la mission Bisch, à l'été 202038. S'agissant des instances de gouvernance du plan pluriannuel, elles sont constituées d'une instance de concertation et de suivi qui était, dans le plan Écophyto 2018, le comité consultatif de gouvernance puis, dans le plan Écophyto II, le comité d'orientation stratégique et de suivi (COS)39. Autour de cette instance principale sont censées graviter deux structures à vocation scientifique et technique : un comité d'experts, devenu comité d'orientation stratégique recherche et innovation (COSRI), mis en place avec Écophyto 2 ; un comité scientifique et technique (CST) chargé d'un rôle de suivi, de conseil et de prospective. Le comité d'orientation stratégique (COS) se réunit une fois par an, et aux dires de nombreux interlocuteurs, peine à contribuer aux orientations du plan. Cette situation résulte en partie d'une absence d'évaluation des différentes actions du plan. La mission considère que le COS constitue une instance de concertation utile, pour peu que ses réunions soient documentées (bilan des actions, évaluations régulières, débat sur les évolutions du plan). Elle confirme l'intérêt de la suppression de l'approbation par le COS de la maquette budgétaire annuelle prévue par la loi EGALIM40, qui permet de différencier stratégie et gestion. Enfin, le comité scientifique et technique, proposé par le rapport Potier précité de 2014 et prévu par le comité d'orientation stratégique du plan Écophyto 2+ du 7 janvier 2020 n'était toujours pas installé à fin 2020. Cette situation est préjudiciable dans la mesure où ce comité a « vocation à assurer le suivi régulier des indicateurs du plan Écophyto 2+ et à apporter une interprétation plus complète de leur évolution dans le temps, en fonction du type de produit et de culture. La création de ce comité sera aussi l'occasion de mieux évaluer l'efficacité des actions du plan en termes de réduction de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques. A ce titre, il pourra proposer des recommandations sur d'éventuelles actions complémentaires à mettre en oeuvre ou leviers d'actions à mobiliser pour atteindre les objectifs Coordinateur interministériel du plan de sortie du glyphosate et de réduction des produits phytopharmaceutiques nommé le 1er décembre 2018 37 38 39 Adressé aux préfets de région et aux administrations centrales Sa composition est fixée par le décret n°2009-1352 du 2 novembre 2009 modifié et codifié au D.253-44-2 du code rural, complété, pour la désignation des personnes ne siégeant pas ès qualités, par un arrêté conjoint des ministres chargés de l'agriculture et de l'environnement (voir annexe 7pour la composition précise). Cet avis a été supprimé par l'article 89 de la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous 40 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 26/208 PUBLIÉ du plan »41. Il pourrait éclairer le débat autour des indicateurs de suivi du plan (voir 1.2). Ainsi la gouvernance stratégique du plan ne dispose que depuis peu d'une vision globale de ses financements, et pèche encore par l'insuffisance d'évaluations validées par un comité scientifique et technique absent. On peut regretter que cette gouvernance ne soit pas suffisamment concentrée sur la mise en cohérence des politiques publiques, une action stratégique pourtant mise en avant par Écophyto 2. La conduite opérationnelle du programme annuel Écophyto s'appuie sur le comité interministériel (COS), cité plus haut ; un « club » des référents Écophyto présents dans les principaux services de l'État chargés de la mise en oeuvre et du suivi de chacune des actions du programme Écophyto ; un « club » des responsables Écophyto régionaux en poste dans chacune des directions régionales de l'agriculture et de la forêt (DRAAF) et les directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL). La coordination de ces différents acteurs est assurée au niveau national par les responsables des actions du programme. Cependant, il n'existe pas de responsable opérationnel du programme en capacité d'assurer la synthèse et d'arbitrer, entraînant ainsi l'approbation tardive de la programmation annuelle et un décalage dans le temps de sa mise en oeuvre. Le rapport de M. Potier 42 , député, avait déjà fait ce constat en 2014, ce qui avait conduit à des propositions structurantes en matière de pilotage du projet Écophyto, à commencer par la désignation « d'un chef de projet garant de la cohérence d'ensemble ayant le statut de délégué interministériel » et « d'une instance chargée de prendre les décisions sur les actions à mener, le comité de pilotage opérationnel (CPO) ». Les pouvoirs publics ont nommé, en décembre 201843, un coordinateur interministériel du plan de sortie du glyphosate et de réduction des produits phytopharmaceutiques, intégre au plan Écophyto II+44. Pour autant, le coordinateur interministériel n'est pas « un chef de projet » - il n'en a d'ailleurs pas le mandat - car il n'anime pas au quotidien le « comité de pilotage opérationnel » constitué des responsables de chaque action du programme. Il n'assure donc pas les arbitrages courants et ne joue aucun rôle officiel aujourd'hui dans l'élaboration de la maquette budgétaire annuelle. Si elle reste nécessaire, cette fonction de « chef de projet » fait donc toujours défaut. Par ailleurs, la conduite opérationnelle du programme (71 M) n'est pas mise sous tension. La coordination des responsables d'actions du programme annuel (et de son enveloppe régionale) et la mise en cohérence des dites actions ne sont pas organisées et ne permettent pas de disposer d'une vision globale et partagée par l'ensemble des acteurs (objectifs, mesures, bilans, résultats). Les remontées d'information sont insuffisantes (consommation des autorisations d'engagement, pas des crédits de paiement ; absence de reporting sur l'atteinte des objectifs des actions), dispersées (chaque pilote central d'une mesure conserve les données, seule la DGAL dispose d'une vision 41 42 Courrier DGAL. Novembre 2020 Rapport de Dominique Potier, député de Meurthe-et-Moselle au Premier ministre sur « Pesticides et agroécologie, les champs du possible ». Novembre 2014 43 44 Mission prolongée par lettre de mission du 13 novembre 2020 Mission initialement exclusivement dédiée à la sortie du glyphosate et élargie trois mois après au plan Écophyto ; pour autant la task-force que préside le préfet Bisch ne concerne que le glyphosate. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 27/208 PUBLIÉ d'ensemble des crédits nationaux ­ mais pas territoriaux - sans en réaliser une synthèse ni avoir la légitimité d'en tirer des leçons) et inexploitées (les fiches bilan OFB restent au sein de l'établissement bien que le directeur général de l'OFB rapporte chaque année un bilan de la mise en oeuvre du programme conformément à l'article R131-34-4 du code de l'environnement). Pour la Cour, les documents de programmation et de suivi ne sont en outre pas suffisamment précis. Le programme pourrait donc être utilement complété par des documents synthétiques détaillant le contenu concret des actions et les moyens humains, financiers ou fonctionnels nécessaires à leur mise en oeuvre et par des objectifs chiffrés et des indicateurs. Les acteurs clés du programme annuel ne sont pas mobilisés à la hauteur des enjeux. L'OFB comme les agences de l'eau participent à la réalisation du programme, mais cette activité n'est que l'un des axes de leur mission, la biodiversité pour le premier, la gestion de la ressource en eau et de sa qualité pour les secondes. Les DRAAF disposent de très faibles moyens consacrés au plan Écophyto, et cette mission ne transparaît pas dans les organigrammes. Le positionnement du chargé de mission Écophyto au sein d'un service (généralement le service régional de l'alimentation- SRAL), ne confère pas toujours à ce « chef de projet » la transversalité et l'autorité au sein de la direction, et encore moins vis-à-vis des autres intervenants du programme et du plan Écophyto. De même, les chambres d'agriculture n'ont pas intégré dans les faits l'objectif de réduire pour tous les agriculteurs l'usage des PPP, et proposent aux agriculteurs un réseau de conseillers agricoles non adaptés à l'enjeu (annexe 5). L'absence de contrat d'objectif et de performance ne permet pas à l'État de fixer des objectifs clairs et contraignants dans ce domaine aux chambres d'agriculture, pourtant indispensables à la mise en oeuvre du plan. La gouvernance stratégique du plan ne dispose que récemment d'une vision globale des financements dédiés, et pèche encore par l'insuffisance d'évaluations validées par un comité scientifique et technique absent. On peut regretter que cette gouvernance ne soit pas suffisamment concentrée sur la mise en cohérence des politiques publiques, une action stratégique pourtant mise en avant par Écophyto 2, et que le délégué interministériel pourrait désormais assumer. La mobilisation des acteurs clés du plan en serait améliorée. La gestion financière du programme n'est pas efficace Dans son relevé, la Cour des comptes recommande « de simplifier les processus annuels d'allocation des ressources afin que les acteurs disposent de davantage de visibilité pour agir ». Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 28/208 PUBLIÉ Les circuits financiers sont complexes et font intervenir des acteurs dont la mission n'est pas principalement la réduction de la consommation des produits phytopharmaceutiques : La redevance pour pollutions diffuses (RPD) est recouvrée intégralement et par commodité, pour le compte des six agences de l'eau, par l'agence de l'eau Artois-Picardie qui s'acquitte très bien de cette tâche, pour l'affecter aux agences de l'eau qui reversent (depuis le 1er janvier 2021) la contribution du programme à l'OFB (cf. 1.3) ; l'OFB est affectataire d'un montant de 41 M fixé par la loi de finances provenant des recettes de la RPD pour le volet national du programme annuel qu'il engage selon la maquette budgétaire arbitrée. Cependant cet opérateur a pour principale mission la préservation, la gestion et la restauration de la biodiversité ainsi que la gestion équilibrée et durable de l'eau45 ; les agences de l'eau consacrent depuis 2015 une part fixe de 30 M de la RPD (dite enveloppe régionale), spécifiquement affectée dans le cadre de leur programme d'intervention à des mesures relatives au plan Écophyto, mais leurs missions sont plus vastes (cf. 1.3). S'agissant de l'OFB, sa volonté d'émancipation est source de décalages avec les attentes des administrations centrales dans la mise en oeuvre du programme Écophyto. Si le processus interne de l'établissement public est conforme à son statut, il pose quelques difficultés aux tutelles de l'établissement en charge du programme Écophyto : L'OFB dispose d'un conseil d'administration qui ne comprend que 16 représentants de l'État sur 43 membres. Or, les orientations du programme Écophyto ne sont pas toujours en concordance avec la mission de l'opérateur en matière de biodiversité et de milieux aquatiques. Par exemple, il n'est pas possible d'utiliser les crédits Écophyto provenant d'une taxe affectée à d'autres usages ; les règles internes de l'OFB fixent notamment un plafond de subventionnement de 75 % des dépenses d'un projet, là où l'État peut estimer nécessaire de porter ce taux à 100 %. Cette règle a conduit à des débats sérieux entre le conseil d'administration de l'opérateur et ses tutelles. Certes, le recours à un opérateur national a permis de mobiliser une taxe affectée et d'alléger la charge de travail des administrations centrales. Mais, dans la mesure où la majorité des conventions annuelles lient l'AFB/OFB et les chambres régionales d'agriculture pour la mise en oeuvre de la surveillance biologique du territoire ainsi que l'assemblée permanente des chambres d'agriculture (APCA) pour la mise en oeuvre du dispositif DEPHY, il est permis de s'interroger sur la nécessité de passer par un opérateur tiers pour contractualiser avec d'autres opérateurs de l'État. Les missions des agences de l'eau sont également disjointes de celles du programme Écophyto, même si une certaine complémentarité existe. Certes, la mission du préfet Bisch a constaté que l'investissement des agences dans la réduction des produits phytopharmaceutiques dépassait largement les 30 M prévus chaque année, ne serait-ce que dans la conversion à l'agriculture biologique (cf. 1.3.2). En effet, il n'y a pas de coordination entre le programme national et les programmes pluriannuels d'intervention des agences. Pour autant, les agences de l'eau ne sont pas pilotées par le niveau national du plan qui ne fournit pas L'Office français de la biodiversité est un établissement public de l'État, créé par la loi 2019-773 du 24 juillet 2019, qui contribue, s'agissant des milieux terrestres, aquatiques et marins, à la surveillance, la préservation, la gestion et la restauration de la biodiversité ainsi qu'à la gestion équilibrée et durable de l'eau en coordination avec la politique nationale de lutte contre le réchauffement climatique 45 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 29/208 PUBLIÉ de vision globale du programme, dans ses deux dimensions, nationale et régionale. La DRAAF n'est pas le pilote du plan Écophyto au niveau régional, mais le coordonnateur du comité des financeurs. A l'inverse, les agences de l'eau n'ont plus aucun rôle dans la stratégie nationale et les 41 M (cf. annexe 11). Il n'y a pas de retour sur les actions nationales, ni au niveau des agences de l'eau, ni au comité régional. On constate une réelle déconnexion entre le niveau régional et le niveau national. Cette situation est d'autant plus préjudiciable que, si les conseils régionaux ont accepté de participer, comme les textes leur en offrent la possibilité, au copilotage régional du plan, ces collectivités conservent institutionnellement la faculté de déployer de nombreuses actions en marge du cadre fixé par la feuille de route régionale et des actions financées dans le cadre du comité des financeurs. A l'inverse, les administrations centrales concernées, comme les administrations régionales (DRAAF, DREAL principalement), ne disposent d'aucun crédit spécifique. Elles doivent en conséquence s'appuyer sur les opérateurs précités pour la mise en oeuvre concrète du programme (appels d'offre, contractualisation, mise à disposition des crédits, reporting). Conséquence du choix d'un financement par une taxe affectée, cette situation dans laquelle les décideurs ne sont pas les payeurs génère des pesanteurs liées notamment aux contraintes des établissements publics, qu'elles soient propres à leur statut ou à leurs procédures internes. La mission recommande aux administrations centrales d'assurer un pilotage plus ferme de leurs opérateurs et de coordonner l'action de leurs services déconcentrés, sans nécessairement réviser les circuits financiers, compte tenu des sommes en cause. Si des scénarios alternatifs conduisaient à réformer le plan Écophyto, des alternatives pourraient être explorées (cf. partie 3) : affecter certains crédits directement aux opérateurs publics dont la mission principale est en adéquation avec les actions à financer. Dans ce cas, il conviendrait de modifier les textes législatifs relatifs à l'affectation des crédits à l'OFB ; attribuer sur le budget de l'Etat, pour chacun des ministères en charge, les crédits nécessaires à la mise en oeuvre des dites actions. Dans cette hypothèse, les recettes de la RPD viendraient abonder le budget de l'Etat, et il conviendrait alors de modifier les textes pour supprimer le caractère « d'affectation » de ladite redevance, pour la part relative au plan Écophyto. Le processus de programmation (choix des actions financées) du programme national (41 M) conduit à décaler d'un an la mise à disposition des crédits. Le caractère tardif de la programmation disponible en mi-année N ne laisse que peu de temps pour la mise à disposition des crédits et leur consommation. La mission considère, comme la Cour des comptes, que le processus annuel d'allocation des crédits du plan est inutilement chronophage, dans la mesure où les crédits disponibles sont pour l'essentiel connus et que près de 70 % de ces crédits sont destinés à financer des actions pérennes. Il serait pertinent d'informer les administrations des moyens récurrents déjà alloués et/ou reconduits et de ne développer le processus de programmation que pour les nouvelles actions. La Cour des comptes préconisait, « afin d'ancrer dans la continuité des mesures et des actions dont la mise en oeuvre et les effets exigent plusieurs années, de concevoir pour la mise en oeuvre, le financement et le suivi d'actions pour l'essentiel pluriannuelles, des instruments de gestion publique adaptés permettant de fixer, dans un cadre pluriannuel d'une durée pertinente et raisonnable (3 ou 5 ans), des missions et des moyens prévisionnels, assorti d'un mécanisme annuel allégé de mise à disposition des crédits et de rendu compte ». Cette préconisation pourrait être mise en oeuvre dès la prochaine maquette budgétaire, en fixant la pluriannualité à trois ans, ce qui correspond à la durée moyenne des conventions et de leurs avenants. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 30/208 PUBLIÉ La consommation des crédits de paiement (CP) nationaux ne fait pas l'objet d'un encadrement par la tutelle. La mission retient, sur la base des informations fournies par l'OFB (cf. annexe 7), qu'en moyenne 6 M, soit près de 15 % des autorisations d'engagements (AE) budgétés annuellement, ne sont pas consommés. Sur la période 2016 ­ 2019, sur 24 M ainsi non dépensés, seuls 4 M relatifs à des AE disponibles en 2019 ont été à nouveau programmés en 2020. Ce sont donc environ 20 M qui sont venus abonder le fonds de roulement de l'opérateur sur la période, sans qu'à aucun moment les tutelles n'aient jugé utile de reprogrammer des AE, ni l'opérateur d'ailleurs. Ces informations ont pourtant été portées à leur connaissance. Même si la mission n'a pas de doute sur l'intérêt de l'ensemble des actions conduites par l'OFB, l'utilisation non tracée de fonds issu d'une taxe affectée est critiquable et pénalisante pour le programme Écophyto. La mission sera ainsi conduite à proposer des recommandations pour assurer une meilleure traçabilité des crédits. La mise en oeuvre opérationnelle du programme annuel est fragilisée par l'absence d'un réel « chef de projet », entraînant ainsi l'approbation tardive de la programmation annuelle et un décalage dans le temps de sa mise en oeuvre. La simplification du processus budgétaire pourrait être assurée, comme le suggérait la Cour des comptes, par la mise en place de la pluriannualité des dépenses en AE. La gestion financière n'est pas attribuée aux responsables des actions du programme, mais à des opérateurs (OFB, agences de l'eau) dont les missions ne sont pas centrées sur Écophyto. Le manque d'articulation entre les volets national et territorial du programme nécessite une meilleure coordination entre les administrations centrales, les services déconcentrés et les opérateurs du plan. * * * En synthèse de cette première partie, Écophyto, y compris dans sa version 2+, est un plan qui justifie des jugements ambivalents : la construction globale du plan et son objectif de réduction de 50% des achats de PPP en 10 ans sont, aujourd'hui encore, des exemples singuliers à l'échelle européenne, notamment au regard de la faisabilité des méthodes alternatives, dans des conditions agronomiques, sociales et économiques acceptables ; ce plan a permis de sensibiliser aux risques associés à l'usage agricole des PPP, a assuré la promotion de pratiques alternatives et a accompagné des retraits de substances et des restrictions réglementaires. Mais ni les indicateurs choisis, ni les actions financées, ni la gouvernance générale du plan ne semblent assurer à ce plan les dimensions opérationnelles qui lui seraient nécessaires pour atteindre son objectif, laissant penser à tort qu'il ne se passe rien ; le choix des opérateurs et la complexité inutile des modalités de gestion font du programme national et des enveloppes régionales des exemples de cette impuissance Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 31/208 PUBLIÉ collective ; ces programmes financés par une partie de la taxe sur les PPP ne constituent pas un levier de massification des pratiques économes en PPP, sans lequel l'objectif fixé est irréaliste. Face à ces constats, la mission invite, dans une deuxième partie, à un réexamen des enjeux et des modalités portés par Écophyto, et propose plusieurs scénarios pour adapter les moyens du plan à son ambition légitime et nécessaire. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 32/208 PUBLIÉ Cette seconde partie formule des recommandations générales visant à dépasser les constats formulés dans la première partie, tout en conservant et amplifiant les bénéfices des actions réalisées. Elle porte sur : l'existence d'un plan et sa consistance (2.1) ; les leviers de massification (2.2) ; la gouvernance et la gestion du programme (2.3) ; l'évaluation du plan et du programme (2.4). Ces recommandations de portée générale seront complétées en troisième partie par des recommandations spécifiques à chacun des trois scénarios alternatifs. Nous rappelons que la mission s'est concentrée sur les usages agricoles des PPP, conformément à sa lettre de commande. Comme mentionné en partie 1, même si la première version du plan Écophyto a été lancée avant la publication de la directive 2009/128/CE, ce plan est désormais la réponse française à une obligation européenne. Toutefois il convient de souligner à nouveau sa singularité. L'étude de la Cour européenne des comptes 46 (2020) montre que les pays qui se sont dotés de plan ont interprété de manière différente cette obligation. La Commission européenne a également réalisé une synthèse des plans d'action nationaux47 qui montre une grande diversité d'ambition et de moyens mobilisés, avec des actualisations variables, mais en général limitées des plans nationaux. Quelques travaux scientifiques analysant ces plans sont disponibles et ont été exploités. La présente section se propose ainsi, à partir de l'ensemble de ces travaux et des constats de la première partie, de présenter les principaux « défauts » du plan actuel, et fait des propositions pour y remédier dès que possible. Chacun de ces « défauts » appelle des propositions qui sont résumées en fin de sous-section. Utilisation durable des produits phytopharmaceutiques: des progrès limités en matière de mesure et de réduction des risques, Cour européenne des comptes, 2020 46 RAPPORT DE LA COMMISSION AU PARLEMENT EUROPÉEN ET AU CONSEIL sur l'expérience acquise par les États membres dans la mise en oeuvre des objectifs nationaux fixés dans leurs plans d'action nationaux et sur les progrès réalisés dans la mise en oeuvre de la directive 2009/128/CE sur une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable, juillet 2020 47 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 33/208 PUBLIÉ 1er défaut : Écophyto est un plan d'action particulier qui reste marqué par sa version initiale, laquelle ne décrivait qu'une partie des actions publiques relatives aux PPP L'action de l'Etat relative aux PPP repose aujourd'hui sur quatre types de mesures : des incitations à la réduction volontaire du recours aux PPP, via la communication, la formation, la recherche et le développement des alternatives ; des retraits et réductions d'usage réglementaires pour les préparations contenant les molécules les plus dangereuses ; des mesures réglementaires et techniques de gestion des risques (meilleure application, réduction des transferts en dehors des parcelles...) ; des mesures incitatives de marché, comme la taxation des PPP, les CEPP ou la conditionnalité de certaines aides publiques. Initialement, c'est seulement à la réduction volontaire du recours aux PPP, qu'est consacré le premier plan Écophyto avec son objectif de diminution de 50% de l'usage des PPP, et non aux trois autres types de mesures, qui ne sont pas décrites dans ce premier plan. Écophyto apparaît ainsi comme une des politiques de l'État à l'égard des PPP, les questions sur les autorisations de produits, les mesures de gestion des risques, ou la conditionnalité des aides publiques étant extérieures au plan. Écophyto 2 et plus encore Écophyto 2+ ont intégré dans le plan des éléments touchant à la gestion des risques et au retrait des substances les plus préoccupantes, offrant ainsi une vision plus intégrée et globale des enjeux relatifs aux PPP. Mais, et c'est un exemple important, l'impact des suppressions de molécules sur les indicateurs du plan n'a pas été simulé. Le plan a toutefois été progressivement complété, avec par exemple une très importante action 25 « veiller à la cohérence des politiques publiques ayant une incidence sur l'utilisation des produits phytopharmaceutiques », mais qui reste largement à concrétiser. 2° défaut : L'objectif d'Écophyto est trop prudemment formulé et distingue deux horizons dont la séparation est devenue peu justifiée « si possible » et « en préservant le revenu agricole » Rappelons que l'engagement n°129 du Grenelle de l'environnement, Écophyto était empreint d'une certaine prudence : « Objectif de réduction de moitié des usages des pesticides en accélérant la diffusion des méthodes alternatives et sous réserve de leur mise au point ». Le plan a été commandé par le Président de la République avec l'objectif d'une réduction de 50% « si possible » et les communications, tout comme le plan notifié à la Commission européenne, ajoutent régulièrement « tout en préservant le revenu agricole ». L'objectif de réduction apparaît ainsi indicatif, et non impératif. Le rapport du « comité opérationnel Écophyto » présidé par Guy Paillotin, tout comme le premier plan Écophyto prennent soin de rappeler ces réserves, et c'est ainsi l'ensemble du plan qui apparaît comme un souhait et non la volonté ferme d'atteindre cet objectif. Changer dans le système, puis changer de système Le premier plan d'action Écophyto a vocation à généraliser dans l'immédiat les meilleures pratiques agricoles économes en pesticides (axe 2) et à construire de nouveaux systèmes de production viables permettant d'aller plus loin dans la réduction (axe 3). Écophyto 2 en 2015, maintient cette distinction, mais la reformule : « L'objectif de réduction de 50 % du recours aux produits phytopharmaceutiques en France en dix ans est réaffirmé, avec une trajectoire en deux temps. D'abord, à l'horizon 2020, une réduction de 25 % est visée, par la généralisation et l'optimisation des techniques actuellement Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 34/208 PUBLIÉ disponibles. Ensuite, une réduction de 50 % à l'horizon 2025, qui reposera sur des mutations profondes des systèmes de production et des filières soutenues par des déterminants politiques de moyen et long terme et par les avancées de la science et de la technique. La transition entre ces deux périodes, dans cinq ans, sera l'occasion d'une nouvelle révision du Plan, conformément aux exigences de la directive 2009/128 ». On peut s'interroger sur cette structuration du plan « en deux temps » sur des objectifs peu réalistes : La généralisation et l'optimisation des techniques disponibles économes en PPP sont-elles réalisables en un délai de 5 ans alors que les 5 années précédentes sont loin de l'objectif ? Et sont-elles en mesure de déclencher une réduction de 25% des PPP ? Quels sont les « déterminants politiques » qui déclencheront les mutations profondes à l'horizon des 5 années suivantes, et qui permettraient d'atteindre l'objectif de 50% en 2025 ? N'est-ce pas un horizon trop proche pour des mutations structurelles qui restent largement indéfinies ? Les études d'impact « ASIRPA48 » réalisées par l'institut national de la recherche agronomique (INRAE) montrent plutôt des durées de l'ordre de 15 ans pour qu'une innovation arrive sur son marché. Si elle pouvait avoir initialement un intérêt pédagogique, cette distinction est assez peu fondée et au final maladroite laissant croire qu'on travaillerait d'abord sur une optimisation de pratiques les cinq premières années pour laisser place aux changements de pratiques les cinq années suivantes. Or, certains systèmes de culture faisant appel à des mutations profondes sont déjà bien définis au début du plan, notamment l'AB tandis que les délais de généralisation des innovations de substitutions aux PPP ont été nettement sous-estimés. Si la mission reconnait l'intérêt de fixer des objectifs intermédiaires dans un plan à 10 ans, le maintien de formulations conduisant à atténuer l'objectif poursuivi et à différer les mesures structurelles contribue à réduire l'effet mobilisateur du plan. Le gouvernement gagnerait à fixer un cap ferme réaliste, des étapes ponctuant la trajectoire et à vérifier que tous les acteurs se mobilisent pour le tenir et que les résultats sont au rendez-vous à chaque étape. 3° défaut : Les indicateurs du plan ne mesurent pas l impact des PPP, et ne sont pas d clin s de mani re op rationnelle Les deux indicateurs, QSA et NODU, mesurent les quantités de substances achetées et, indirectement, en mettant en relation ces quantités avec les surfaces agricoles, la pression d'usage des PPP, et non pas les risques associés à l'usage des PPP et à leur large dispersion avec des impacts sur la santé humaine et la biodiversité (cf. 1.1). Le NODU et la QSA sont suivis à l'échelle nationale, mais il est également nécessaire de définir des objectifs et de suivre leur réalisation à une échelle pertinente par filières, par petites zones agricoles, voire à l'échelle d'une exploitation et d'une parcelle pour une appropriation au plus près du terrain. La mission recommande donc de retravailler la question des indicateurs consolidés à l'échelle nationale pour en faire une boussole crédible du plan, et surtout à déterminer des objectifs moins agrégés, assortis d'indicateurs robustes, faciles à calculer, opérationnels. 4° défaut : Le plan Écophyto ne comprend pas de stratégie explicite de massification Avec le premier plan Écophyto, les outils de la généralisation des pratiques économes en PPP sont l'identification des bonnes pratiques et leur diffusion, notamment via les réseaux et les chambres d'agriculture. C'est sans doute ce mécanisme « spontané » que décrivent implicitement plusieurs 48 Analyse Socio-économique des Impacts de la Recherche Publique Agricole Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 35/208 PUBLIÉ experts, sous la forme de l'expression « diffusion par-dessus la haie ». La construction de nouveaux systèmes de production viables permettant d'aller plus loin dans la réduction est bien adressée à la recherche, mais le processus de valorisation future des travaux n'est pas décrit. Écophyto 2 est plus précis dans la description des actions, avec notamment l'action 4 « La diffusion et la généralisation des pratiques et systèmes économes s'appuieront sur le déploiement de collectifs d'agriculteurs accompagnés dans la transition vers l'agroécologie à bas niveau de produits phytopharmaceutiques, les groupes 30 000 ». Mais 30.000, c'est un peu moins de 10 % des fermes françaises. Soit sensiblement la part de l'agriculture biologique (AB) en France. Si 30.000 fermes avaient accepté de s'engager dans ce processus dans le délai prévu, en 2021, rien n'indique que ces 30.000 fermes auraient pu réduire dans ce délai leurs PPP de 25 %, puisqu'il semble que peu de fermes DEPHY ont atteint cet objectif en 5 années. Et il n'y a pas de raison de faire l'hypothèse que les autres exploitations, qui ne s'engagent pas dans DEPHY ou dans les 30.000 auraient fait mieux en matière de réduction de PPP pour permettre d'atteindre l'objectif commun d'une réduction de 25 % en 2021. 5° défaut : Les déterminants du recours aux PPP à l'échelle de l'exploitation sont techniques, mais aussi économiques et sociaux 49 , ce qui n'est pas assez pris en considération dans le plan Cela a été rappelé : le recours aux PPP n'est pas une fin, mais un moyen pour protéger les cultures et les récoltes et donc sécuriser les rendements. Pour les exploitants confrontés à une menace, l'enjeu est d'agir au moindre coût et avec la meilleure performance. Certaines actions sont préventives et visent à diminuer le risque. D'autres actions sont curatives. Les moyens de lutte contre les agresseurs des cultures sont en principe très variés. Le rapport Guyomard et coll.50 distingue cinq types de mesures de protection phytosanitaire des cultures : mesures prophylactiques ; mesures agronomiques préventives ; lutte chimique ; lutte physique ; lutte biologique et mesures de biocontrôle. Mais face à une menace particulière, il n'y a parfois que très peu de solutions disponibles. L'exploitant cherche naturellement à optimiser ses décisions en fonction de ses objectifs et contraintes propres. Le rapport précité ou, plus récemment, les études sur les alternatives au glyphosate le montrent : dans beaucoup de cas, le choix du recours à la molécule chimique autorisée permet d'optimiser le temps passé et le coût et donc assure une double performance économique et sociale. Localement, c'est souvent le climat qui arbitre : faute de pouvoir labourer du fait d'une pluviométrie importante en fin d'automne et au début du printemps, les exploitants ont un recours accru les années pluvieuses au désherbage chimique. Autre élément, le prix du gazole non routier, élément important du désherbage mécanique, connaît de fortes variations : il est passé de 0,88/l en 2014 à 0,66 en 2016, pour revenir à 0,93 en 2019 : cette augmentation de près de 50% ces trois dernières années a pu motiver certains agriculteurs à opter pour le sans labour, et à répandre ainsi davantage d'herbicides et, c'est un effet favorable, à réduire Voir « Les pratiques agricoles à la loupe - Vers des agricultures multiperformantes » Hervé Guyomard & alii. Quae 2017 49 50 idem Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 36/208 PUBLIÉ leurs émissions de carbone51. C'est cet arbitrage rationnel qui conduit beaucoup d'exploitants à recourir aux PPP surtout dans un contexte où les exploitations s'agrandissent et nécessitent une simplification des pratiques. L'enquête Agreste sur les pratiques culturales permet d'aller plus loin, en montrant l'importance de l'expérience, d'une part, et du conseil des fournisseurs, d'autre part, dans le déclenchement des interventions phytosanitaires 52 , selon plus de 70% des répondants. Si beaucoup déclarent avoir consulté le BSV (de l'ordre de 60%), ils sont moins nombreux à avoir réalisé des observations en cours de culture, et encore moins à réaliser un comptage des bioagresseurs pour évaluer la nécessité ou non de traiter. Pour contrer ce recours trop fréquent aux PPP, des évolutions du BSV sont recommandées par la mission CGAAER-CGEDD sur le réseau d'épidémiosurveillance. Le gouvernement a aussi imposé la séparation entre la vente de PPP et le conseil en ce début de l'année 2021. Cette mesure va sans doute avoir un effet positif sur les objectifs du plan, mais il est trop tôt pour en évaluer l'effet, et il est peu probable que cet effet soit massif. Tableau 1 : Facteurs de prise de décision dans le déclenchement des interventions phytosanitaires (plusieurs réponses possibles), part de surface en %. En conclusion et résumé de ce point 2.1.1., les adaptations futures du plan Écophyto devraient remédier à ces 5 « défauts » : Le plan devrait mieux intégrer l'ensemble des enjeux relatifs aux PPP, incluant les projets d'évolution des autorisations de substances et de produits, pour en vérifier la cohérence et la complétude, et davantage valoriser cette action ; Plusieurs études montrent que la technique du sans labour est souvent alternée avec d'autres itinéraires de travail du sol. Par exemple : Perspectives agricoles n°437, octobre 2016 51 52 Agreste chiffres et données octobre 2020 n°9 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 37/208 PUBLIÉ Plutôt qu'un double horizon, à 5 et 10 ans, assorti de mentions restrictives, le plan devrait chercher à déclencher dès maintenant des changements structurels, tout en incitant à des substitutions quand elles sont possibles, par des engagements fermes comme il le fait en matière de réduction des gaz à effet de serre (GES) ; et prévoir des étapes permettant de réajuster, non pas les ambitions, mais les moyens pour les atteindre ; Le plan doit inclure des objectifs facilement mesurables aux différentes échelles, et tenant compte des efforts déjà faits et des potentiels de baisse ; le plan doit être décliné en stratégie territoriale et de filières, de manière à déconcentrer la responsabilité de sa réalisation opérationnelle ; Le plan doit agir précisément sur les déterminants de la décision des agriculteurs, en veillant à la prise en compte par les signaux de marché ­ le prix des PPP, en particulier, mais aussi celui des productions économes en PPP - de l'ensemble des éléments de la multi performance agricole ; Enfin des leviers et instruments de massification crédibles doivent être décrits dans le plan et progressivement mis en oeuvre avec la bonne intensité. Mais ces modifications, qu'on pourrait qualifier de techniques, peuvent également être accompagnées de changements plus profonds. La cible du plan devrait être reformulée et viser la diminution des risques. La réduction des PPP est un moyen. Les finalités sont la protection des cultures, d'une part, la santé humaine et la biodiversité, d'autre part. Même si les évolutions sont lentes, l'amélioration de la santé humaine, de la qualité de l'eau ou de la biodiversité peut être mesurée. Certes, il sera plus difficile d'établir la responsabilité des activités agricoles et a fortiori des PPP dans ces évolutions. Mais 13 pays sur les 15 ayant produit un plan du type Écophyto ont choisi un indicateur d'évolution des risques. Le plan Écophyto devrait en permanence rappeler l'importance de l'impact des PPP sur la santé humaine et sur la biodiversité, avec les indicateurs adéquats. Par ailleurs, s'il est utile de retenir un indicateur opérationnel unique pour piloter le plan, il est indispensable de pouvoir mesurer cet indicateur aux différentes échelles. L'objectif de baisse de 50% de l'indicateur est simple et pertinent pour un horizon à 10 ans, mais il ne devrait pas être appliqué de manière uniforme ­ la réduction est plus facile quand l'usage est intensif - et indépendamment des efforts de baisse déjà réalisés53. Une approche plus intégrée, non seulement de la ferme à l'assiette, mais dans une approche de cycle de vie des produits, et prenant en compte les territoires, peut aider à lever certains verrous à la réduction des PPP. Un autre point important est la grande focalisation des plans Écophyto sur les activités de production agricole, dans les fermes, et la faible implication de l'amont comme de l'aval. 53 Lechenet et alii, 2017 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 38/208 PUBLIÉ En amont, des changements sont en cours. Ainsi, le biocontrôle prend une part de plus en plus importante dans la production des entreprises phytopharmaceutiques adhérentes de l'union des industries de la protection des plantes (UIPP), certaines entreprises du secteur ayant désormais un clair intérêt à son développement. Figure 8 : Evolution du tonnage des substances actives et part des produits de biocontrôle vendu - Source : UIPP, communiqué de presse, janvier 2021 Mais l'enjeu est également en aval des exploitations, avec notamment la question des débouchés de nombreux « nouveaux » produits agricoles ou encore la nécessité pour les entreprises de l'aval de trier les livraisons qui s'avèrent moins pures et homogènes, du fait de la réduction de l'usage des PPP. L'autre enjeu est celui de la valorisation de la qualité, qui suppose l'existence d'une filière différenciée, et de signes fiables adressés aux consommateurs. Tout comme la santé humaine, celle des animaux et celle des végétaux forment un tout interdépendant pris en compte dans une démarche « Une seule santé (One Health) », tout comme la Commission européenne affirme une stratégie « de la ferme à la fourchette », une plus forte intégration des enjeux d'agriculture, d'alimentation et d'environnement s'impose dans un plan visant à un usage durable des PPP. Avec les États généraux de l'alimentation et ses suites, dont la loi EGALIM, le gouvernement français a initié une démarche importante en ce sens. La réalisation d'un projet alimentaire territorial, un des moyens de mettre en cohérence les enjeux de l'agriculture, de la transformation et de l'alimentation, mobilise ainsi des acteurs plus nombreux et diversifiés, qui peuvent entraîner les agriculteurs vers une trajectoire plus économe en PPP. Confirmer le plan Écophyto comme un axe majeur de transformation de l'agriculture, mais préciser les cibles en termes de santé et de biodiversité, élargir les contours du plan pour intégrer l'amont et surtout l'aval de l'agriculture, incluant l'alimentation, et mobiliser de manière opérationnelle l'ensemble des acteurs concernés, des fournisseurs aux consommateurs. C'est avec cette perspective que nous allons maintenant examiner les leviers mobilisables pour parvenir à l'objectif assigné au plan. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 39/208 PUBLIÉ La section 2.1 a montré l'intérêt de ne pas se contenter d'une (bonne) intention, mais d'accompagner l'objectif de réduction des PPP d'un plan, mobilisant suffisamment les acteurs et les leviers pertinents pour orienter les pratiques vers l'objectif. Cette section 2.2 passe en revue à la fois le contenu du plan et les leviers, utilisés ou utilisables, afin d'identifier les actions susceptibles d'atteindre de manière efficace et efficiente les objectifs fixés. Quatre leviers sont utilisés : persuasion, labellisation, incitation fiscale et réglementation. L'intérêt et les limites de chaque levier et de leur mobilisation combinée sont analysés en annexe 6. On se contentera ici de résumer les principaux résultats de cette annexe. Plusieurs acteurs expérimentés d'Écophyto l'ont rappelé à la mission : l'hypothèse initiale implicite du plan est celle d'une diffusion spontanée des alternatives aux PPP, soutenue par des actions de persuasion. Cette hypothèse pouvait être soutenue par le consensus qui a prévalu au moment du Grenelle de l'environnement, mais aussi par la diffusion très rapide dans le monde agricole de nombreuses innovations techniques au cours des précédentes décennies. Cette stratégie était d'autant plus justifiée qu'elle entraînait de nombreux acteurs, et notamment les instituts techniques et les chambres d'agriculture, partenaires de plusieurs projets importants, comme DEPHY, le BSV, Écophyto PIC54... La mise en réseau entre pairs, autour d'un ingénieur, de collectifs d'agriculteurs relève bien de cette catégorie. Les comptes rendus d'expérience, mais aussi des travaux de chercheurs concluent à l'intérêt de cette méthode55. Cette stratégie a, en effet, permis de mobiliser les agriculteurs les plus volontaires, quelques milliers, réalisant ainsi une « preuve de concept » partielle (en moyenne, les fermes ont réduit leur IFT sans atteindre 50 % de réduction56) mais en vraie grandeur. Toutefois le début de la massification envisagée via les 30.000 (qui pourtant représentaient moins de 10% des exploitations) ou les groupements d'intérêt économique et environnemental (GIEE) tarde à produire ses effets. A l'échéance d'Écophyto 2+, ces réseaux n'apporteront qu'une faible contribution à la réduction globale de l'usage des PPP. Par ailleurs la diabolisation globale des PPP résultant de la communication générale sur le plan EcophytoPIC est un centre de ressources sur la Protection Intégrée des Cultures (PIC) 54 55 Providing technical assistance to peer networks to reduce pesticide use in Europe: Evidence from the French Ecophyto plan, Margaux Lapierre, Alexandre Sauquet, Subervie Julie, Hal, 2019 V2,https://hal.archives-ouvertes.fr/hal02190979v2/document L'indicateur de fréquence de traitement (IFT) comptabilise les quantités de PPP (normalisées à travers leur dose homologuée standard) pour une culture donnée. Il représente le nombre de doses de référence utilisées par hectare au cours d'une campagne culturale. Cet indicateur peut être calculé pour un ensemble de parcelles, une exploitation ou un territoire. Il peut également être décliné par grandes catégories de produits (herbicides ; fongicides ; insecticides et acaricides ; autres produits). 56 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 40/208 PUBLIÉ Écophyto, largement centrée sur les pratiques agricoles, a contribué à dégrader l'image de l'ensemble de la profession agricole, et à mettre également les agriculteurs au coeur d'attentes paradoxales, « avec une demande explicite de produits non traités, et une exigence implicite de fruits d'apparence irréprochable et bon marché dans les rayons des magasins »57. Il convient donc de rechercher d'autres leviers. En certifiant une bonne pratique, la labellisation va un cran plus loin que la communication et la mise en réseau : elle permet non pas seulement de s'assurer d'une intention, comme dans les réseaux de pairs, mais le cahier des charges fixe des règles dont le respect conditionne la labellisation. Cette conformité fait l'objet de contrôle externe. L'exemple de l'agriculture biologique (AB) montre que le respect du cahier des charges a un coût significatif pour les exploitations concernées, mais qu'il peut également être valorisé par un prix supérieur par l'aval, jusqu'au consommateur. La montée en charge de l'AB, accompagnée par le plan et le programme Écophyto, apporte une contribution directe à la réduction des PPP : si 25% de la SAU passait du conventionnel à l'AB, près de la moitié de l'objectif d'une réduction de 50% des PPP serait atteinte, toutes choses étant égales par ailleurs. Rappelons également que le déficit de la balance commerciale du secteur de l'AB est de 1,7 Md/an58, et que son soutien permettrait sans doute de le réduire. La labellisation est donc bien un levier de massification et son extension est de nature à réduire très significativement l'usage des PPP en France. Outre l'AB, la labellisation59 de pratiques sans PPP hors ceux autorisées en AB, mais sans les autres éléments du cahier des charges de l'AB60, semble une piste prometteuse, que poussent aujourd'hui certaines marques. Le label zéro résidu de PPP lancé en avril 2017 par une organisation de producteurs, promeut une moindre utilisation de PPP de telle sorte que les résultats d'analyses sur les produits commercialisés donnent des résultats inférieurs aux limites de détection. Si ce label traduit un moindre usage de PPP, il n'indique pas l'absence d'utilisation de PPP (autres que ceux utilisables en AB) qui demeurent autorisés. La certification haute valeur environnementale (HVE) est le troisième niveau de la certification environnementale des exploitations agricoles, instaurée en 2010 par le gouvernement pour reconnaitre les exploitations plus engagées sur la protection de l'environnement. Elle apporte des Biocontrôle, éléments pour une protection agroécologique des cultures, Quae, préface de Christian Lannou, coordinateur. 57 58 59 Source : Agence Bio, données 2019. Le marché alimentaire bio en 2019 (édition 2020) Les labels de qualité dans l'alimentation garantissent l'origine d'un produit alimentaire, respectant un certain nombre de critères définis dans un cahier des charges. Ce respect peut faire l'objet d'une certification garantie par la réglementation, européenne et française. La certification AB comporte outre un volet sur les PPP (interdiction des PPP hors ceux autorisés), l'interdiction d'organismes génétiquement modifiés, des exigences en matière de gestion et fertilisation des sols (interdiction de 'utilisation d'engrais minéraux azotés), des règles de conduite des cultures. Source : Règlement UE du 28 juin 2007 relatif à la production biologique et à l'étiquetage des produits biologiques (article 12). 60 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 41/208 PUBLIÉ garanties sur l'usage des PPP mais le niveau exigé fait l'objet de controverses61 : une des voies d'accès (voie B) serait facilement atteignable sans modifier ses pratiques par exemple lorsque le ratio chiffre d'affaires sur intrants est structurellement faible ; l'autre voie (voie A) permettrait l'obtenir la certification sans que la réduction de l'usage des PPP soit très significative par rapport à l'objectif général de réduction de 50% de leur usage. Sous l'égide de l'institut national de l'origine et de la qualité (INAO), qui gère les signes de qualité et d'origine, une démarche intéressante consisterait à durcir les obligations en matière de PPP portés par les labels existants : appellations d'origine, ou label rouge, par exemple. Ces démarches de labellisation ont toutefois un principal inconvénient : elles ne réduisent pas les risques dans les zones qui resteraient extérieures à ces démarches volontaires. Les deux volets suivants ont en commun un caractère plus général. La fiscalité « écologique » sur les PPP est potentiellement un outil puissant, mais qui reste aujourd'hui à un niveau trop bas pour avoir un effet significatif sur la consommation de PPP. Face à des risques ou des effets indésirables que les économistes appellent des « externalités négatives », c'est-à-dire des effets non pris en compte par le marché, la mise en place d'une fiscalité incitative 62 est considérée comme le moyen efficace d'orienter les choix de production et de consommation. Le renchérissement du prix relatif des PPP inciterait en effet à la recherche d'alternatives, et à exploiter tous les gisements en ce sens. L'efficacité d'une fiscalité incitative peut se mesurer à l'élasticité-prix de la demande d'un bien ou d'un service. Le rapport IGF-CGEDD-CGAAER (2013) cite une valeur pour les PPP de -0,4 ou -0,5, c'est-àdire qu'une hausse de 100% du prix (son doublement) diminue la consommation de ce produit de 40 ou 50%. Cette mission avait estimé cette élasticité trop faible 63 et avait conclu à la nécessité de développer un autre levier : les CEPP (cf. 1.1.2 et 2.1.1). Avec une élasticité de cet ordre de grandeur, il est clair que le taux moyen actuel de la RPD (de l'ordre de 5% du CA des PPP), même après les augmentations décidées avec Écophyto 2, n'est pas de nature à influer significativement sur la décision d'utiliser les PPP. Pour avoir un effet significatif, il conviendrait de doubler le prix des PPP, et même dans ces conditions, certains PPP resteraient moins coûteux que leurs solutions de substitution. L'effet de la taxation sur les PPP peut être renforcé de trois manières : Des articles ont été publiés sur ce sujet, par exemple : La certification Haute Valeur Environnementale dans la PAC : enjeux pour une transition agroécologique réelle, IDRRI, 4 mars 2021 ; Pourquoi le label HVE n'apporterait-il aucune solution dans la PAC post 2020, site « Pour une autre PAC », note d'octobre 2020. 61 Ou taxe « pigouvienne » du nom de l'inventeur de la notion d'externalité Arthur Cecil Pigou (1877-1959). Une taxe de ce type vise à corriger une défaillance du marché (externalité) et non pas à alimenter le budget de l'État. 62 63 Cette conclusion mérite d'être rediscutée : voir annexe 6 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 42/208 PUBLIÉ en affectant le produit de la taxe aux aides directes à ceux qui ont réduit leur usage des PPP ; en complétant la taxe par un marché de droit contraignant, tels les certificats d'économie d'énergie (CEE), mais il faudra évaluer le dispositif CEPP tel qu'il a finalement été mis en place ; en prolongeant la fiscalité sur les PPP d'une fiscalité différentielle jusqu'au consommateur, de manière à réduire les écarts de prix des produits sans PPP par rapport aux produits conventionnels. Finalement, ces leviers incitatifs semblent prometteurs, mais ils n'auront des effets tangibles sur la réduction des PPP qu'à la condition d'être activés beaucoup plus vigoureusement, ce qui posera rapidement la question de leur acceptabilité politique et de leur adoption dans un cadre européen pour limiter les distorsions de concurrence au sein du marché intérieur. La réglementation comporte trois niveaux pour encadrer l'usage agricole des PPP : les substances, avec une compétence européenne pour leur approbation ; les préparations commerciales, instruites par l'ANSES pour la délivrance des AMM ; les conditions d'emploi spécifiques (bassins versants, proximité des habitations, météo...) déterminées par les autorités nationales et déconcentrées de l'État. Le durcissement de la réglementation a des effets qu'il faut anticiper Même si la production de règles et de normes est une activité spontanée de l'administration, il est pertinent et nécessaire d'interroger l'efficacité de ces mesures sur l'objectif poursuivi en matière de PPP dans une activité économique marchande comme l'agriculture : plusieurs experts ont souligné certains effets négatifs de la réglementation sur les PPP, notamment des allers-retours interdiction/dérogation qui peuvent donner le tournis. La réglementation peut être l'outil de l'urgence ou de la maturité, mais elle s'accommode mal de l'entre-deux ; quand l'urgence sanitaire ou environnementale est avérée, la réglementation (dont la dérogation à une interdiction) est le bon outil, mais il convient d'apprécier la proportionnalité du risque évité et de l'effet provoqué, sous forme d'un bilan coût/avantage et d'une étude d'impact ; quand une question a été correctement instruite, que les effets indésirables d'un produit sont bien identifiés et que les substitutions sont connues, et leurs effets également, la réglementation vient obliger les acteurs à tous adopter une meilleure solution alors qu'une fraction tarderait à le faire : c'est la réglementation-généralisation ; mais dans la situation de double incertitude, sur les effets négatifs des PPP à retirer, qui peuvent être mal documentés, et sur les impacts de leurs solutions de substitutions, qui peuvent être très peu génériques et impliquer des changements de pratiques plus profonds, la réglementation amène des contestations et des dérogations, qui en affaiblissent la portée et l'acceptabilité, et freine l'innovation (cf. 3.1). L'impact de la réglementation sur le NODU est incertain Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 43/208 PUBLIÉ C'est un point de second ordre par rapport à la question des risques, mais qui a son importance dans le pilotage du plan Écophyto : rien ne prouve qu'interdire certains PPP diminuerait la quantité globale utilisée en agriculture, et l'indicateur choisi, le NODU, même si cela contribue à réduire l'usage des molécules les plus dangereuses. Au contraire l'interdiction d'une substance active ­ les néonicotinoïdes en enrobé sur des semences de betterave, par exemple ­ peut conduire à l'application d'un PPP de substitution en plus grande quantité et avec une plus forte fréquence. Finalement, alors que l'agriculture est une activité entrepreneuriale et concurrentielle, inscrite dans des territoires et des filières, l'excès de réglementation est un risque aussi grand que son insuffisance, deux écueils à éviter en adoptant une approche pragmatique et proportionnée : on peut considérer que les travaux de recherche sur les alternatives au glyphosate et les impacts sur les différentes cultures de son interdiction constituent une démarche à suivre, certes perfectible, mais beaucoup plus documentée que les mesures réglementaires précédentes64 . Le levier PAC n'est pas assez mobilisé En revanche, et cela est souligné par de nombreux experts, la réglementation relative à la PAC est un levier particulièrement puissant : en injectant chaque année près de 9 Md, la PAC détermine une partie significative des choix des agriculteurs. Mais c'est aujourd'hui un levier potentiel : un faible nombre de mesures de l'actuelle PAC vise les réductions de PPP (soutien à l'AB, MAEC). Au contraire, une communication récente 65 semble montrer que les financements du premier pilier ont favorisé l'usage des PPP, à la différence des financements du second pilier. C'est donc un enjeu fort d'augmenter significativement la conditionnalité des prochaines aides. Mais il faut noter que le processus de détermination de la PAC est désormais très fortement « bottom up » : les plans stratégiques nationaux conduisent les États à faire des choix différenciés, et donc à se mettre en concurrence sur la façon d'utiliser les ressources de la PAC, en choisissant des arbitrages différents. Il est donc souhaitable que la France, qui aura donc davantage de latitude pour conditionner les aides de la PAC, cherche une plus grande convergence de la PAC et des plans de réduction des PPP avec les autres grands pays agricoles. Insérer dans le plan Écophyto un processus de massification des bonnes pratiques mobilisant - dans des proportions à déterminer mais avec l'intensité nécessaire pour atteindre l'objectif d'une réduction de 50% de l'usage des PPP - les trois leviers efficaces : labellisation, incitation fiscale, réglementation et PAC. Ces leviers seront mobilisés dans des conditions différenciées dans trois scénarios présentés en partie 3. Mais ils nécessitent au préalable un approfondissement de ce qui peut être obtenu par un changement de vision sur l'usage de la RPD. Compte tenu de la faible efficacité des actions financées au titre du programme national et des enveloppes régionales (cf. partie 1), la mission a étudié l'intérêt d'une réorientation radicale du levier fiscal et de son utilisation, vers des actions à effet plus direct. Rapports de l'INRAE sur l'évaluation économique des alternatives au glyphosate : en viticulture (2019), en grandes cultures (2020) et en arboriculture (2020). 64 Are EU subsidies a springboard to the reduction of pesticide use? M. Aubert; G. Enjolras, Communication Vancouver 2018, https://hal.inrae.fr/hal-02734754/document 65 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 44/208 PUBLIÉ Le produit de la fiscalité pourrait utilement être mobilisé pour renforcer son effet de signal Ce n'est pas parce qu'une taxe sur les PPP est instituée que son produit doit financer des actions réduisant les PPP. Selon le principe « pollueur-payeur », le bénéfice de la RPD peut viser prioritairement la réparation des externalités négatives engendrées par l'usage des PPP. Mais une alternative économique intéressante est la redistribution incitative, qui permet d'augmenter les effets de la taxe en redistribuant son produit vers les contribuables qui réduisent le plus ou qui utilisent le moins de PPP. D'ores et déjà, une partie importante de la RPD contribue au financement de l'AB. Ce financement pourrait utilement être étendu aux pratiques respectant le même cahier des charges sur les PPP, mais sans la certification AB, dont le cahier des charges porte d'autres enjeux. Dimensionnement de la mesure Selon les hypothèses décrites en annexe 6, une RPD fixée à peu près au même niveau que la taxation des produits pétroliers (soit 60 % du prix final des produits pétroliers) rapporterait de l'ordre de 1,3 Md et permettrait ainsi d'apporter durablement aux 30 % d'exploitations qui accepteraient de respecter le cahier des charges de réduction des PPP une aide égale à la moitié de celle qui est apportée à l'AB et de financer d'autres actions d'accompagnement (soit 80 /ha en grande culture, alors que le maintien en AB est financé à hauteur de 160 /ha). Dans une phase intermédiaire, il serait souhaitable de définir des principes restrictifs pour l'emploi des ressources du programme national et des enveloppes régionales. La mission propose trois principes : spécialisation, agilité et additionnalité Compte tenu de la nécessité de laisser le temps aux actions de produire leur impact, et aux financeurs de déclencher les actions d'évaluation indispensables, il peut paraître raisonnable de maintenir, dans l'attente de ces évaluations, des enveloppes financières issues de la RPD aux niveaux national et régional, pour des priorités à déterminer selon les scénarios (cf. partie 3) et en fonction des évaluations à venir. Mais afin de permettre sa réorientation progressive vers des aides directes, la mission propose trois principes quant à l'usage de ces enveloppes : spécialisation, agilité, additionnalité. 1er principe : spécialisation Le programme devrait financer des actions dont la contribution aux objectifs du plan est identifiable, directe et à court/moyen terme. Cette condition incite à écarter les projets de recherche 66 , finançables par ailleurs notamment via l'Agence nationale de la recherche (ANR), ainsi que les actions qui ont des objectifs multiples ou trop lointains. Plus généralement, faut-il considérer que tous les financements publics recensés par la Cour des comptes ou par la mission Bisch qui concourent d'une manière ou d'une autre au plan Écophyto devraient être consolidés et suivis par la gouvernance et les équipes opérationnelles Écophyto ? Mais alors quel est l'objectif ? Ces actions peuvent en effet avoir un effet sur la réduction des PPP, mais chaque financement a sa propre logique. Bien que mis bout à bout, ils ne forment pas ensemble un En revanche, on comprend que les ministères, dont le MAA, puissent solliciter les organismes de recherche et les chercheurs afin de réaliser les « études » qui leur sont nécessaires et pour lesquelles les compétences sont disponibles. Mais cette activité, bien repérée au sein d'un organisme de recherche comme l'INRAE, ne doit pas être confondue avec un travail de recherche. 66 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 45/208 PUBLIÉ levier mobilisable pour assurer la massification souhaitée, comme le montre le constat. Le plan Écophyto doit évidemment tenir compte des financements mobilisables au titre des différentes politiques publiques, mais il a également besoin de financements spécialisés, mobilisés dans le cadre de sa propre gouvernance. 2e principe : agilité Le programme devrait généraliser le financement de projet67, avec un engagement pluriannuel ferme et non renouvelable avec une AE unique et des versements de CP conditionnés à l'avancement, voire au résultat pour le solde, au lieu d'une programmation annuelle, avec de nombreuses reconductions d'une année sur l'autre, qui de facto embolisent une grosse part du programme national (c'est moins vrai aujourd'hui pour les enveloppes régionales qui semblent plus agiles). La nécessité d'un réseau d'épidémiosurveillance et d'un moyen de diffusion tel que le BVS sont reconnus (cf. 1.2). Pour autant, ce dispositif qui n'est pas un projet et ne contribue pas à la réduction d'usage des PPP, n'a ainsi pas vocation à être financé par la RPD. 3e principe : additionnalité Le programme devrait financer des acteurs qui font la preuve par la mobilisation de leurs autres ressources que la réduction des PPP est leur priorité. Ce point vise à éviter l'effet de guichet : les bénéficiaires se refinancent grâce au programme, qui paie désormais des services ou des actions auparavant financées sur leurs ressources. Ce point concerne en particulier les chambres d'agriculture et les instituts techniques : leur mobilisation sur les objectifs Écophyto devrait être assurée à titre principal par leur stratégie, leurs projets d'établissements et leurs financements ordinaires. Mais aussi les ministères qui font financer des actions auparavant prises sur leur budget, tels les « avertissements agricoles » désormais remplacés par le BSV. Dédier en priorité le produit de la RPD au plan Écophyto à des aides directes aux pratiques faiblement utilisatrices de PPP et financer sur le programme national et les enveloppes régionales des actions concourant directement à l'objectif, pour une durée déterminée, et en vérifiant que les acteurs mobilisent prioritairement leurs autres ressources. On peut rechercher l'origine des difficultés d'Écophyto dans la construction initiale du plan, suite au Grenelle de l'environnement, qui a été très inclusive, associant dès son origine de nombreuses « parties prenantes »68. Certes, le plan envoie un message clair de réduction des PPP, et c'est à mettre à son actif, mais il se présente comme un énoncé performatif, c'est-à-dire qui réalise une action par le fait même de son énonciation. Ensemble finalisé d'activités et d'actions entreprises par une « équipe projet » sous la responsabilité d'un chef de projet dans le but de répondre à un besoin défini par un contrat dans des délais fixés et dans la limite d'une enveloppe budgétaire allouée. Source Wikipédia 67 On peut s'étonner de l'absence d'écart significatif entre le plan du gouvernement du 10 septembre 2008 et la proposition de plan de travail du 17 juin 2008 issue du groupe de travail avec les parties-prenantes présidé par Guy Paillotin. 68 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 46/208 PUBLIÉ Si la prise de conscience a bien été élargie avec Écophyto, quel économiste peut s'étonner des faibles impacts d'Écophyto en termes de massification ? Aucun des leviers économiques efficaces n'a été suffisamment mobilisé jusqu'à présent : les agriculteurs ­ tout comme les fournisseurs et les filières aval -n'ont pas reçu d'incitation prix significative, et n'ont donc que marginalement changé leurs pratiques, tout comme, il faut le souligner, de nombreux consommateurs, qui expriment volontiers des injonctions « sociétales » de réduction des PPP, mais sans toujours consentir à payer davantage, pour une alimentation avec moins de résidus de PPP. À certains égards, le plan s'exprime même par « incitations morales », pour reprendre une expression utilisée par l'économiste Jacques WEBER 69 , sans pour autant chercher à culpabiliser l'agriculteur autant que les cibles de certaines campagnes anti-tabac ou de prévention de la route osent le faire70. En reposant sur une certaine culpabilisation des agriculteurs, le plan Écophyto alimenterait ainsi un « agribashing » - l'agriculteur qui n'a pas répondu à la demande de la société de réduire ses PPP est désigné comme pollueur - sans offrir de réelles solutions à cet agriculteur très dépendant de son environnement professionnel et qui cumule des difficultés techniques, une précarité économique et un isolement culturel, parfois y compris au sein de la cellule familiale. C'est un enjeu important pour l'avenir que de s'appuyer, non pas sur une culpabilisation, mais sur une responsabilisation, en identifiant bien ce qui relève des agriculteurs, de leurs fournisseurs, des filières, des consommateurs et de l'État, avec l'UE et les collectivités territoriales (cf. 3.5). Les orientations du plan Écophyto sont du ressort des ministres, appuyés par le COS, dont la vocation doit rester d'ordre stratégique. Il est pertinent pour la mission d'avoir supprimé le visa du COS sur le programme annuel. Néanmoins, le COS doit disposer d'une information pertinente, composée d'un bilan annuel du programme, mais aussi d'avis scientifiques éclairés et d'évaluations sérieuses (voir 2.4.). Pour ce faire, la mission recommande de nommer sans plus tarder les membres du CST. Elle recommande également de consolider la gouvernance stratégique du plan en confirmant le rôle du délégué interministériel dans la mise en cohérence des politiques en faveur de la réduction des PPP. Il importe de désigner clairement le pilote en charge de la conduite des opérations et de leur mise en cohérence. La mission propose deux voies : 69 70 soit l'élargissement des compétences du délégué interministériel au volet opérationnel, qui devrait alors s'accompagner de moyens humains en conséquence ; soit la désignation de l'un des directeurs généraux du ministère de l'agriculture par délégation Les économistes et la croissance verte CEDD, 2012 Beaucoup de campus universitaires nord-américains présentent à leur entrée/sortie un véhicule gravement accidenté. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 47/208 PUBLIÉ des quatre ministres, la mission considérant que la direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises (DGPE) ou la DGAL pourrait remplir cette fonction. Dans ce registre, il conviendrait de veiller à ce que ce pilotage opérationnel soit en capacité d'arbitrer l'essentiel des questions liées au bon fonctionnement du programme, y compris au niveau régional. Les principales actions et cibles (évolution des pratiques des agriculteurs et des filières) étant sous la responsabilité du MAA, le succès du plan Écophyto dépend largement de sa capacité à conduire le projet. Il importe donc que ce ministère soit en capacité de piloter efficacement ses opérateurs et ses services déconcentrés. Si des directives à l'adresse des DRAAF peuvent contribuer à revaloriser le plan Écophyto au sein de leurs actions, il est nécessaire de veiller à bien contractualiser avec les opérateurs choisis comme avec les principaux relais, les résultats attendus au regard des budgets alloués, ainsi que les éléments d'un reporting infra-annuel. A cet égard, les contrats d'objectifs et de moyens pourraient intégrer la conditionnalité des financements aux contributions des acteurs les plus importants, notamment pour le réseau des chambres d'agriculture et des instituts techniques. C'est à ce prix que la crédibilité du plan sera assurée. Ces mesures sont indépendantes du scénario retenu. Mettre en place une gouvernance interministérielle resserrée du plan Écophyto, coordonnée par le délégué interministériel, et définir les responsabilités de chaque ministère, direction et opérateur dans la mise en oeuvre du plan. La gestion financière du programme soufre de lenteurs et de lourdeurs liées en premier lieu à la procédure budgétaire. Outre l'apport d'un pilote opérationnel, l'élaboration d'un budget pluriannuel permettrait de limiter les ajustements annuels à la portion congrue. La mission suggère une période de trois ans, tant il est ardu de se projeter à un horizon plus lointain, mais également une actualisation régulière par le biais d'un programme triennal glissant. En tout état de cause, cela autorise une révision à mi-parcours des orientations budgétaires. Certaines conventions peuvent avoir une durée plus longue, car la mise en oeuvre de certains projets nécessite plus de temps (5 à 6 ans). La mission maintient l'idée d'un programme triennal, et propose, afin de ne pas limiter inutilement la mise en place des autorisations d'engagement : soit de limiter la part des conventions d'une durée supérieure à trois ans, à 50 % au plus des budgets annuels ; soit d'échelonner les AE en fonction de la maturité des projets. Enfin, la mission préconise de consommer l'intégralité des crédits de paiement issus de la part de la taxe affectée à Écophyto, en reprogrammant systématiquement chaque année les CP non consommés. Elle préconise le suivi au premier euro des crédits de paiements. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 48/208 PUBLIÉ La mission ne recommande pas de changer d'opérateur pour le recouvrement des recettes de la RPD. S'agissant des dépenses dans le dispositif de taxe affectée qu'est la RPD, le choix de l'opérateur a été davantage lié à des raisons historiques et au périmètre des ministères concernés qu'à la nature des dépenses et à leur adéquation avec la mission centrale d'un opérateur. Cela peut conduire à des divergences dans le choix des projets lors de la mise en oeuvre. Cela a aussi pour inconvénient de ne pas attribuer au décideur les moyens de son action, ce qui n'est pas en phase avec les principes de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). Aussi, si l'on souhaite recourir à d'autres opérateurs, le principe de la taxe affectée peut être maintenu, l'affectation devant être modifiée selon le nouvel opérateur choisi. En revanche, si l'on retient l'idée d'un pilotage direct par les ministères en charge (administrations centrales et services déconcentrés), il convient de revenir à une ressource sur budget de l'Etat et modifier les textes en conséquence. Enfin, la mission a auditionné FranceAgriMer et l'Agence de services et de paiement (ASP). Cette dernière, dont le principal avantage est de procéder aux paiements sans examen en opportunité des décisions prises, a clairement précisé qu'avant tout transfert d'activité, une simplification du plan Écophyto serait nécessaire, tant le nombre de mesures de nature différente est important au regard des 41 M du programme national. La mission considère par ailleurs qu'il y aurait des inconvénients à ne pas utiliser les services d'un opérateur de l'Etat sous tutelle des ministères en charge du plan Écophyto dont la mission est proche de la nature des dépenses engagées. La mission considère également que le financement régional pourrait être le fait des DRAAF, ce qui assoirait leur position au sein du comité des financeurs tout en les mobilisant sur le thème Écophyto. Cette option se situe dans le cadre d'une ressource sur budget de l'Etat. Il conviendrait alors d'affecter l'enveloppe régionale au réseau déconcentré via FranceAgriMer71, et d'en assurer le pilotage national via la DGAL. La réorientation des crédits en serait facilitée. Dans l'immédiat, autour d'une direction de projet précisée, simplifier le processus budgétaire par la mise en oeuvre sans délai de la pluriannualité des dépenses et l'amélioration de la consommation des crédits par la reprogrammation systématique des crédits de paiements non consommés du programme. A terme, mettre en cohérence les circuits financiers avec l'origine des financements, les missions des administrations et les statuts des opérateurs en charge des politiques concernées, aux échelles nationale et déconcentrée. Alors que le plan Écophyto est né en 2008 et qu'il a subi une modification majeure en 2015, et des modifications substantielles en 2018, il n'a fait l'objet d'aucune évaluation d'ensemble, selon les standards72 de l'évaluation des politiques publiques : Le rapport Potier (2014) est un document d'analyse et de proposition utile, qui a servi de base 71 72 FranceAgriMer dispose d'un service dans chaque DRAAF. Pour la France, ces standards ont notamment été définis par le SGMAP en 2015. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 49/208 PUBLIÉ pour l'élaboration du plan Écophyto 2, mais ce n'est pas un document d'évaluation ; le référé de la Cour des comptes de 2019 et plus encore les observations définitives de la Cour sur le plan Écophyto donnent également des éléments de réponse sur la manière, très perfectible, dont les dépenses Écophyto ont été gérées, mais il ne donne pas d'informations sur l'efficience ou l'efficacité, ni sur l'utilité du plan et du programme. Figure 9: Évaluation d'une politique publique. Source : portail de la transformation publique La conséquence est importante : comme les deux indicateurs retenus, la QSA et le NODU, n'ont pas diminué significativement depuis 2009, sauf en toute fin de période, il est légitime de s'interroger sur l'efficacité des dépenses publiques importantes qui ont été consacrées à Écophyto, directement ou indirectement. Ce travail d'évaluation est d'autant plus nécessaire que les résultats positifs d'Écophyto tardent à se concrétiser. Mais il se heurte à des difficultés méthodologiques que la présente mission n'a pas pu résoudre : le besoin auquel répond Écophyto est exclusivement formulé en termes de risques pour la santé et l'environnement, alors que les PPP répondent à une obligation, celui de la protection des cultures, indispensable à la sécurité alimentaire. Depuis la directive 2009/128/CE, cette protection doit respecter les principes de lutte intégrée des cultures, mais le respect de cette obligation n'est pas contrôlé (cf. 1.2) ; les axes stratégiques, ou rubriques, du plan n'ont que progressivement incorporé l'ensemble des actions publiques relatives aux PPP, et de manière incomplète. Ainsi les évolutions de la réglementation sur les substances et les produits ne sont pas des actions du premier plan Écophyto, mais des données externes à ce plan, alors que leur impact sur les indicateurs du plan est évidemment majeur. Ce n'est qu'avec Écophyto 2 et surtout 2+ que la question de l'impact du retrait des substances et des restrictions des produits est intégrée, notamment à propos du glyphosate ; Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 50/208 PUBLIÉ le plan a également mal appréhendé la question des ressources, en s'appuyant sur une taxe centrée sur l'achat des PPP, et affectée aux agences de l'eau. Pourtant, les PPP exercent des pressions sur l'ensemble des milieux, ce qui conduit à de nombreux transferts vers d'autres établissements publics : les chambres d'agriculture, l'association de coordination technique agricole (ACTA) et les instituts techniques, l'INRAE, y compris en cascade sur certaines actions... En revanche cette taxe affectée ne peut pas être transférée aux administrations de l'Etat, alors qu'elles auraient vocation à porter certaines actions ; du fait d'une gouvernance très ouverte à des parties prenantes bénéficiaires de financement, le plan et le programme ont financé des actions très diversifiées, sans qu'aucune action ne soit en mesure à elle seule de contribuer significativement aux résultats attendus, et au prix de certains effets d'aubaine : o la mesure des résultats ­ des « progrès » disait le premier plan ­ a été considérée comme un axe important ­ le premier ­ par Écophyto 1, mais ce travail a été abandonné en cours de route et ne figure plus comme un axe d'Écophyto 2 et 2+. Or l'indicateur totem qui a été choisi, le NODU, n'a pas été décliné à l'échelle territoriale et par filière. Abstrait et « éloigné du terrain » les acteurs ne se le sont pas approprié. Son calcul n'est ni intuitif ni sans biais, et la gouvernance n'a pas su construire une communication globale donnant le « sens » de l'action (à la fois la direction, mais aussi les raisons d'agir) ; enfin, Écophyto ne s'est pas doté d'indicateurs d'impact, ni sur la santé humaine, ni sur la biodiversité, ni sur la santé des plantes. Certes, certains indicateurs d'impact figurent dans le plan agroécologie, mais ils ne sont pas systématiquement liés au plan Écophyto, quand bien même les PPP sont un facteur important de leur évolution. o Tableau 2: Indicateurs d'impact de l'agroécologie. Source : Rapport d'avancement du Comité d'évaluation de la politique agroécologique ­ Décembre 2016 En l'état, l'évaluation du plan Écophyto selon la méthode du secrétariat général pour la modernisation de l'action publique (SGMAP) développée en 2015 se trouve bien difficile à réaliser. C'est d'autant plus Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 51/208 PUBLIÉ dommageable qu'existent de nombreuses questions évaluatives, dont certaines sont incluses dans la lettre de commande de la présente mission : Les actions financées par le programme national et les enveloppes régionales sont-elles utiles ? Sont-elles efficaces ? Quelle est leur valeur ajoutée ? Quel a été l'effet de la RPD et quel serait l'effet de son augmentation ? L'organisation de la gouvernance et de la gestion du programme national est-elle efficiente ? La France n'est pas seule à peiner dans l'évaluation de son plan répondant à la directive 2009/128/CE : la synthèse réalisée par la Commission européenne (2020) le rappelle 73 . En revanche d'assez nombreux travaux scientifiques ont été publiés ces dernières années en France, en Europe et dans le monde. Plusieurs projets européens (annexe 5), grâce en particulier à l'activité de l'INRAE, permettent d'envisager de nouveaux apports au cours des prochaines années. Les travaux scientifiques disponibles ont été largement consultés pour réaliser la présente mission et il est souhaitable qu'ils puissent être portés à la connaissance des administrations et des acteurs intéressés, par toutes les voies disponibles (OpenEdition, conférences, synthèses...). La mise en place effective d'une instance capable d'analyser ces résultats, de les hiérarchiser et de les interpréter faciliterait ce transfert indispensable. La compréhension des enjeux relatifs aux PPP et l'optimisation des actions visant à limiter les risques associés à leur usage mobilisent des compétences et des connaissances multiples nécessaires à la gouvernance du plan. Le choix des cibles, l'analyse des indicateurs et l'évaluation des actions devraient constituer un axe particulier du plan Écophyto, autonome et animé par des acteurs indépendants, capables de conseiller les décisions politiques et d'évaluer leur mise en oeuvre. 73 Citée plus haut. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 52/208 PUBLIÉ La première partie de ce rapport a présenté les principales actions du plan et leurs contributions à ses résultats. La deuxième partie a analysé les principales caractéristiques du plan et a formulé des recommandations générales pour l'améliorer, dont certaines avaient été déjà proposées par la Cour des comptes. Cette troisième partie propose des évolutions plus profondes du plan Écophyto et de ses principaux éléments, sous la forme de scénarios incluant des processus de massification à l'échelle des objectifs de réduction des risques associés à l'emploi des PPP dans l'agriculture. La section 3.1 expose la méthode qui a été retenue pour construire les trois scénarios. Les sections 3.2, 3.3 et 3.4 décrivent les trois scénarios choisis. Chaque scénario se conclut par un tableau « forces, faiblesses, opportunités, menaces » que le lecteur pressé peut directement consulter. La section 3.5 fournit des clés d'aide à la décision, notamment quant au modèle d'agriculture souhaité, ainsi qu'au positionnement et à l'organisation de l'État. Elle se conclut par un tableau comparatif des trois scénarios et une recommandation méthodologique. Une version développée de cette partie constitue l'annexe 8. La méthode des scénarios permet de mettre en évidence plusieurs chemins pour arriver à une même fin : la réduction massive des risques associés à l'usage agricole des PPP. L'apparente continuité des plans Écophyto depuis 2008 cache en effet plusieurs malentendus ou dissensus relatifs à : l'impact des PPP sur la santé humaine et la biodiversité, le poids qu'il faut leur accorder, et la stratégie suivie (précaution, atténuation, compensation) ; la maturité des techniques de substitution économiquement soutenables ; les modalités de diffusion de ces techniques ; les délais nécessaires aux changements de pratiques et de systèmes ; le rôle de l'Etat et de ses établissements publics, ainsi que l'organisation dont il se dote. Ces écarts de perception ont des conséquences pratiques sur les objectifs prioritaires que doit poursuivre le plan Écophyto et sur les leviers à utiliser : si les substitutions sont encore à concevoir (c'est la notion d'« impasse technique»), l'interdiction d'une substance, d'un produit ou d'un usage peut avoir un effet dévastateur sur l'activité, entraînant une baisse de marge qui peut mettre en péril la poursuite d'activité. L'effort de la politique publique doit dans ce cas plutôt porter sur la R&D et les circuits de diffusion des innovations (réseaux, formation, information...) voire un accompagnement du risque ; Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 53/208 PUBLIÉ à la maturité ou si le bilan bénéfices/risques est manifestement déséquilibré, l'outil majeur est la réglementation. L'interdiction d'une substance ou d'un produit oblige les agriculteurs à adopter sans délai une solution de substitution, et à progressivement ajuster leur projet d'exploitation pour l'optimiser. Mais cette interdiction peut provoquer la fin d'une culture ou d'un type d'exploitation ; si on est dans une situation intermédiaire et complexe, avec une forte disparité de situations ­ par exemple une forte influence des paramètres pédoclimatiques - l'outil mis en avant par la théorie économique est le prix, via la fiscalité et/ou un marché de droits comme le CEPP, qui permet d'adresser à tous un signal invitant à la recherche d'alternatives et d'innovations, sans pour autant créer d'impasses agronomiques. Le soutien aux filières et pratiques matures, comme l'AB, est également une voie efficace. La nécessité d'engager l'aval et de s'appuyer sur les signaux de marché Fondés sur des hypothèses différentes, les trois scénarios présentés plus bas ont en commun de ne pas se contenter de changements à la marge et dans les exploitations : une réduction de 50% des PPP n'est réalisable qu'avec des changements structurels dans les exploitations, ce qui est bien établi depuis les premières années du plan Écophyto, mais des changements importants, voire structurels, sont également nécessaires chez tous les fournisseurs et clients des agriculteurs, jusqu'au portefeuille des consommateurs, ce qui a été moins bien repéré alors que là se joue une grande partie de la réussite du plan. En rupture avec l'hypothèse antagoniste d'une diffusion spontanée des alternatives aux PPP 74 , qui semble avoir prévalu dans les plans Écophyto, l'hypothèse centrale de ces scénarios est que le recours aux PPP est aujourd'hui choisi par les agriculteurs (et les conseillers agricoles) parce que ce sont des méthodes efficaces et économes qui leur ont été proposées, sous les contraintes de leur exploitation : ce n'est pas la décision de l'exploitant agricole qu'il faut changer, mais l'offre qui lui est faite et les conditions et contraintes de sa décision. La mission ne sous-estime pas l'importance des producteurs de PPP, à la fois comme influenceur de la décision des agriculteurs, et comme puissance organisée, notamment via l'UIPP en France, capable de défendre ses intérêts. Il faut aussi prendre en compte le poids de la vente des PPP dans l'équilibre économique et dans la stratégie des coopératives et négociants : même si les volumes de PPP vendus sont faibles, les marges sont beaucoup plus élevées que sur les produits bruts et peuvent contribuer de manière importante aux résultats comptables de certaines coopératives, par exemple. C'est en effet l'aval qui peut transformer la contrainte sanitaire et de biodiversité en opportunité valorisable en termes de chiffre d'affaires et de débouchés, ainsi que l'État, qui contribue également à la définition du cadre administratif, fiscal, juridique de l'exploitation, tous éléments qui ont un impact direct sur l'exploitation. L'État exemplaire ? Consentement, études préalables d'impact et alignement des politiques L'État exemplaire75 a un devoir d'alignement des politiques publiques, de manière à supprimer ses demandes paradoxales, qui perturbent les citoyens comme les marchés. Cet objectif d'alignement est désormais inscrit dans Écophyto 2+ (action 25), mais il est peu décliné de manière opérationnelle alors qu'il pourrait concerner de nombreux aspects des politiques de l'agriculture et de l'alimentation. Ainsi, lors du colloque national Dephy du 2 février 2020, un conseiller déclare souhaiter « inspirer d'autres agriculteurs » 74 75 L'État exemplaire, slogan ou nouveau principe ? Emmanuelle Deschamps, RFAP 2012/3 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 54/208 PUBLIÉ La question de l'égalité de « traitement » entre pays de l'UE, et des PPP importés et exportés hors UE est également fondamentale pour crédibiliser l'objectif. À ce titre, l'exportation par des pays de l'UE, dont la France, de produits contenant des substances interdites en Europe76 est un exemple de ce qui pourrait apparaître comme du cynisme ­ on peut fabriquer et vendre des produits interdits, dès lors qu'ils ne sont pas épandus dans notre jardin - et surtout une politique allant à l'encontre du plan Écophyto, puisqu'il dote les concurrents de l'agriculture française de moyens interdits à nos agriculteurs, sans protéger les consommateurs français qui trouvent ces produits cultivés avec des PPP interdits dans les denrées importées. La question du consentement aux politiques publiques Autre élément, et c'est également un aspect très important pour la pérennité de son action, l'État doit s'efforcer de maintenir un certain niveau de consentement des forces sociales en présence, sauf à être mis en situation d'échec. Les outils de la politique de réduction des PPP doivent veiller à développer ce consentement (action 28 du plan Écophyto 2+), mais ce n'est possible qu'avec un signal cohérent porté par l'ensemble des politiques publiques et des ministères. Les contraintes doivent ainsi être correctement proportionnées aux enjeux pour être acceptables par les parties prenantes. La responsabilité de l'État et des collectivités publiques du fait de leur action et de leur inaction Enfin, l'État et les collectivités publiques peuvent montrer l'exemple, par exemple en ouvrant leurs marchés publics à des offres locales performantes en matière d'impact environnemental. La responsabilité de l'État est susceptible d'être engagée en cas de sinistre issu de PPP dangereux ; on l'a vu avec les retards pris dans l'interdiction du chlordécone sur les bananiers dans les Antilles. Le juge administratif est également susceptible de mettre en cause la responsabilité de l'État, au motif qu'il ne respecte pas la trajectoire qu'il s'est donnée, comme dans « L'affaire du siècle » à propos des objectifs de lutte contre le changement climatique. Pour conclure ce point, la mission engage à prolonger et approfondir la réflexion sur le positionnement sociétal du plan Écophyto, et sur la responsabilité propre de l'État dans ce plan. Ces deux questions ont des réponses différentes dans les scénarios proposés. Les scénarios présentés s'appuient chacun sur des leviers et outils privilégiés, en usant au mieux de leurs avantages et en se gardant de leurs inconvénients, sans s'interdire d'un usage plus modéré des autres leviers disponibles. Comme on l'a vu (cf. 2.2 et annexe 6), trois leviers principaux seront distingués : La segmentation du marché, via un label ou un contrat associant filière et territoire et mobilisant jusqu'au consommateur. Le soutien apporté à l'AB va dans ce sens. Un label « sans PPP hors ceux autorisées en AB », avec un cahier des charges égal à celui de l'AB77 sur les PPP, mais sans les autres exigences de cette certification (notamment sur le « hors sol » et les fertilisants) et des aides à la conversion et au maintien, mais à un taux plus faible que l'AB, pourrait sans doute être défendu (cf. annexe 6). Il s'agit de mesures qui permettent de distinguer les pratiques et les produits qui en sont issus. La fiscalité et les autres méthodes « incitatives » pour agir sur le « signal-prix » absolu et relatif des PPP et de leurs alternatives. La redistribution de la taxe vers les pratiques vertueuses et 76 Plus de 81600 tonnes, selon l'article « Faites ce que je dis, pas ce que je fais », Pour la science hors-série n°110, février-mars 2021. Les deux figures sont issues de http://www.martingrandjean.ch d'après les données Public Eye. Cité dans la revue Pour la science HS n°110 février-mars 2021 77 Ou le HVE voir infra. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 55/208 PUBLIÉ les CEPP sont des outils complémentaires incitatifs. Il s'agit de mesures qui n'interdisent pas les PPP, mais incitent à éviter leur usage. La réglementation sur les substances, les produits, les pulvérisateurs, les conditions d'usage et de conservation des PPP... On associe à ce levier la PAC et ses conditionnalités. Il s'agit de mesures générales et obligatoires. Ces scénarios définissent également des positionnements différents de l'État par rapport à la société et l'économie : en ce sens, ils relèvent de préférences politiques différentes, avec une forte dimension contractuelle pour le premier, une vision plus individuelle et économique pour le second, et une approche plus autoritaire de l'Etat pour le troisième. Ils nécessitent une gouvernance et des modalités de gestion distinctes, pour le plan comme pour le programme. Un enjeu pour la mission a été d'identifier pour chaque scénario des moyens correctement proportionnés aux résultats souhaités, mais avec des forces et faiblesses différentes, ainsi que des variations sur leur capacité à saisir les opportunités et à affronter les menaces. Ils visent chacun à proposer une trajectoire cohérente, à partir d'un diagnostic initial sur le niveau de maturité des innovations de substitution aux PPP hors ceux autorisées en AB. Ces scénarios seront ensuite comparés, pour aider à la décision. Ils peuvent sans doute se succéder dans le temps (segmentation, puis incitation et enfin réglementation), mais ils ne peuvent que difficilement être associés dans les mêmes zones géographiques pour les mêmes activités agricoles, sauf à en réduire le sens et à en neutraliser l'efficacité. Ainsi l'établissement d'une norme réglementaire généralisant le cahier des charges de l'AB pour les PPP réduirait à néant la capacité de différenciation de l'AB qui lui permet de capter une surrémunération. De même, pour qu'une action soit incitative, il ne faut pas qu'elle soit obligatoire. Pour qu'elle soit spécialisée, elle ne peut pas être générale. Par souci de simplification on résumera les scénarios en fonction de la stratégie principale que porte l'État pour réduire les PPP : Segmentation des productions agricoles et de leur aval, permettant de distinguer les pratiques conventionnelles des pratiques économes en PPP, de la ferme à l'assiette ; Incitation à une baisse générale, avec recours aux interdictions en dernier ressort ; Réglementation des produits, des usages et des financements, notamment ceux de la PAC, avec développement des contrôles. Chacun de ces scénarios comporte un levier de massification principal, activé à un niveau suffisant pour approcher ou atteindre l'objectif de réduction de 50% fixé depuis 2008 par le plan Écophyto. Le scénario consiste à soutenir en priorité les productions économes en PPP78, et à les discriminer des productions intensives en PPP. Le label AB, reconnu aux échelles nationale et européenne, est bien sûr l'exemple emblématique de ce scénario. Mais il convient de rappeler que l'AB s'est développée au départ sans soutien de l'État, et que de nombreuses initiatives privées, portées par des producteurs, Rappelons que nous parlons ici des PPP pris en compte dans l'indicateur principal, ce qui inclut certaines substances utilisées en agriculture biologique, mais exclut les produits de biocontrôle. 78 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 56/208 PUBLIÉ mais aussi parfois par des transformateurs ou des distributeurs, se développent encore aujourd'hui en dehors de tout cadre public, avec un objectif de différenciation sur les marchés. La segmentation peut se faire au niveau d'une production (comme pour l'AB), d'une exploitation (comme pour la certification HVE) ou d'une filière, engageant les intermédiaires et les marques jusqu'au consommateur (avec des labels de reconnaissance ou la définition d'une échelle de performance «phytoscore »). L'efficacité de ce scénario dépend de la réalité de la différenciation entre les (deux) segments de marché. Ce scénario peut utilement être accompagné d'actions incitatives (fiscales notamment) et/ou réglementaires, pour augmenter et faciliter la différenciation des segments du marché, et notamment collecter des ressources sur les PPP pour les transférer vers les secteurs économes en PPP. Mais si ces actions fiscales ou réglementaires sont fortes et générales, on perd rapidement le bénéfice de la concentration des aides et de la différenciation de l'offre : le marché est réunifié. Alors que les deux scénarios suivants sont focalisés sur les pratiques agricoles, ce scénario « segmentation » replace la question dans un « système » plus large, qui engage la production agricole, mais aussi ses fournisseurs et son aval, collecteurs, transformateurs et distributeurs, jusqu'à la fourchette. Dans cette perspective, la responsabilité de la « résistance au changement » peut alors être appréciée de manière multiple et collective, comme l'a montré un article publié dans les Cahiers de l'agriculture en 2017 79 . Si l'agriculteur souhaite changer sa pratique, mais est confronté à des « verrous sociotechniques », il faut agir également sur ses clients et fournisseurs, et idéalement jusqu'aux consommateurs finaux des produits issus de l'agriculture. Une lecture excessive de cette complexité aboutirait à considérer chaque cas particulier comme un cas en soi. Mais on peut admettre de manière raisonnable que des ensembles d'acteurs peuvent également avoir des problématiques communes, comme de fournir une filière industrielle très concentrée sur certains marchés, et de répondre aux attentes communes de la grande distribution, par exemple. Cette stratégie consiste ainsi à éviter le cas par cas, au profit d'actions collectives amont-aval, sans pour autant vouloir entraîner d'un seul coup l'ensemble des filières dans tout le pays de manière synchronisée. L'intérêt des réseaux de pairs, un des outils privilégiés de ce scénario, et qui a fait ses preuves tant dans l'AB qu'au sein des fermes DEPHY, semble également établi dans la littérature scientifique80, même si des questions de gestion existent sur les modalités de soutien de ces réseaux, et sur l'utilité d'une simplification de réseaux parallèles (GIEE...) insuffisamment différenciés. Forces Faiblesses Le plan Écophyto de réduction d'usage des pesticides en France : décryptage d'un échec et raisons d'espérer, Laurence Guichard et alii, Cahiers de l'agriculture, 2017 79 80 Par exemple Impact of the DEPHY network on pesticide use: Evidence from French vineyards Margaux Lapierre ; ainsi que Providing technical assistance to peer networks to reduce pesticide use in Europe: Evidence from the French Écophyto plan, Margaux Lapierre, Alexandre Sauquet, Subervie Julie, Hal, 2019 V2 https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02190979v2/document Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 57/208 PUBLIÉ Diagnostic interne » Opportunités Menaces : Diagnostic externe Par ce scénario 2 « incitation », l'État souhaite inviter l'ensemble des acteurs à saisir les opportunités de réduction des PPP, en exploitant chaque gisement, à sa portée, indépendamment de sa maturité. L'hypothèse centrale de ce scénario est que la réduction des PPP n'est possible qu'avec la mise au point et l'adoption de nombreuses innovations, dont certaines sont encore à un stade de test et de démonstration, alors que d'autres sont matures et attendent les bons signaux pour être adoptées par une large fraction ­ mais pas nécessairement la totalité- des agriculteurs. Ce scénario définit ainsi une médiane que les deux autres scénarios mettront en perspective par des faces opposées. Ce scénario peut être global, l'ensemble des PPP étant visé, mais aussi différencié, en tenant compte comme aujourd'hui la RPD, de la dangerosité variable des produits. Son principe consiste non pas à interdire (c'est le scénario 3, la voie réglementaire), mais à encourager les bonnes pratiques, sans pour autant que l'État contribue à les différencier sur le marché (c'est le scénario 1, la segmentation). Ce scénario est facilité par l'existence d'un conseil actif, indépendant des ventes de PPP et rénové sur la base d'un nouveau référentiel de compétences, qui lui permet d'améliorer le diagnostic, de Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 58/208 PUBLIÉ recommander les solutions adaptées, et d'accompagner l'agriculteur, seul ou en collectif, dans son changement de pratiques. Quelques semaines après la séparation de la vente et du conseil, la question du consentement des agriculteurs à payer ce nouveau conseil indépendant reste ouverte. La méthode préconisée par la théorie économique standard, et rappelée par plusieurs des interlocuteurs rencontrés par la mission, est d'agir par le signal-prix, via la taxation des PPP, pour permettre et encourager la mobilisation de tous les « gisements d'abattements ». Ce scénario peut être approfondi avec trois variantes, mobilisant également d'autres outils incitatifs. Pour que la taxe ait un effet, elle doit être élevée, et ses hausses doivent être programmées et mises en oeuvre de manière crédible. Scénario de base : Augmenter la redevance pour pollutions diffuses Le premier véhicule de ce scénario est ainsi la redevance sur les pollutions diffuses (RPD) dont l'assiette est basée sur les ventes de PPP et dont le taux varie selon la dangerosité des produits (cf. annexe 6). En taxant l'achat de PPP, la RPD dissuade leur usage, et incite à privilégier les autres solutions de protection des plantes, toutes choses égales par ailleurs. Pour que le signal soit perçu et que la réaction des acteurs aboutisse à une réduction de l'ordre de 50% de l'utilisation des PPP, un doublement du prix est nécessaire (cf.2.2.3). C'est donc un réel choc fiscal qui doit être réalisé81 (cf. annexe 6), avec une temporalité suffisamment rapide pour enclencher, dès son annonce, des mouvements de substitution, mais aussi progressive pour permettre aux acteurs de s'adapter et rechercher les meilleures alternatives. En dernier ressort, ils peuvent continuer à user des PPP, mais à des conditions économiques dégradées. On peut penser qu'une augmentation étalée sur 5 ans serait un bon compromis. Toutefois des comportements adaptatifs seraient sans doute à gérer pendant une période aussi longue, un sur stockage temporaire serait sans doute à craindre, comme cela a été constaté avant de précédentes augmentations. Sans autre mesure, la hausse de la RPD aurait un effet négatif sur la compétitivité de l'agriculture française, mais d'ampleur limitée : le poste « PPP » ne représentant aujourd'hui que 4% de la valeur de la production agricole, et moins de 2,5% si on y ajoute les subventions reçues. 82. Cet effet pourrait néanmoins être réduit ou supprimé en activant la variante 3 suivante relative à la fiscalité globale des produits issus de l'agriculture (infra). Variante 1 : Mobiliser également le produit de la taxe pour la redistribuer vers les bonnes pratiques Idéalement, et c'est une variante par rapport à la RPD existante qui a des conséquences sur le programme, le produit supplémentaire de la taxe est également distribué, non vers l'ensemble des contribuables, pour atténuer les effets revenus de la taxe, ce qui serait contre-productif, mais au contraire pour les renforcer, en apportant des subventions uniquement à ceux qui décident d'adopter les pratiques économes en PPP. Avec ce couplage taxation des PPP/soutien aux alternatives, le taux de taxation peut être significativement diminué pour arriver à une même réduction de PPP. En situation de menace sanitaire grave et d'absence d'alternative aux PPP, les acteurs continuent à pouvoir utiliser ces produits, ils achètent une sorte de « droit à polluer », mais dès qu'ils le peuvent ils sont fortement incités à retenir les alternatives et substituts, dont le coût relatif est réduit. Ce scénario est ainsi favorable à la mise au point et à la diffusion d'innovations multiples, techniques et sociales, 81 82 En première estimation, une multiplication par 8 du produit de la RPD serait nécessaire En 2019, les achats de produits de protection des cultures représentaient 3 Md sur 45 Md de consommations intermédiaires et 76 Md de production. Source : Comptes régionaux de l'agriculture. AGRESTE Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 59/208 PUBLIÉ permettant de substituer aux PPP d'autres solutions, structurelles ou marginales. Variante 2 : Utiliser pleinement les CEPP pour mobiliser l'amont et l'aval On l'a vu plus haut, les CEPP, qui avaient été mis en avant par un précédent rapport IGF-CGEDDCGAAER, sont un outil complémentaire de la taxation des PPP, et qui peut permettre de transférer des ressources (ou droits à polluer) issues des activités utilisant les PPP au profit de pratiques plus vertueuses. Cela nécessite que le dispositif du CEPP soit consolidé et généralisé. Variante 3 : Mobiliser également la fiscalité globale pour différencier les produits issus des bonnes pratiques sur les marchés La hausse de la RPD peut aussi être accompagnée par une stratégie fiscale plus globale à l'échelle européenne avec : des droits de douane sur les produits bruts ou transformés ne répondant pas aux mêmes critères relatifs aux PPP rehaussés ; une fiscalité à la consommation plus différenciée, pour au minimum compenser le surcoût des produits AB ou sans PPP, et idéalement créer une incitation positive avec toutefois de faibles marges de manoeuvre ; des investissements nécessaires pour changer de régime, et les coûts de transition accompagnés, via des crédits d'impôt et/ou des règles d'amortissement favorables. Ces mesures, qui sont au moins en partie à négocier avec l'UE, permettraient de renforcer l'effet de la hausse de la RPD, en stimulant les volumes de productions sans PPP, et en assurant une équité des productions françaises avec les productions importées83. Ce point mériterait d'être approfondi par une mission spécifique. Ce scénario est compatible avec la répartition actuelle des rôles : à l'UE le soin d'autoriser ou d'interdire les substances, à la France d'agir sur les pratiques des acteurs, en les incitant à aller vers les alternatives aux PPP chaque fois que c'est possible et économiquement soutenable. L'UE et la France pourraient s'accorder pour apporter des conditionnalités PPP à la PAC, et le Gouvernement devrait chercher à aligner dans le même sens d'autres composantes de la politique agricole et d'alimentation, comme la transmission des exploitations, la politique foncière et l'ensemble de la politique fiscale. Mais l'agriculteur reste en dernier ressort responsable d'utiliser ou non les PPP autorisés. Dans ses variantes 2 et 3, le scénario est également mobilisateur pour les autres acteurs de la chaîne, qui peuvent trouver un intérêt économique à rechercher et promouvoir les alternatives, surtout s'il est accompagné d'une fiscalité différentielle des produits finaux. Son principal inconvénient est la sensibilité des agriculteurs à la taxation. Son acceptabilité peut sans doute être plus grande si le produit supplémentaire de la taxe est intégralement redistribué aux agriculteurs qui choisissent de diminuer le recours aux PPP (variante 1) et si la taxation est étendue aux importations des produits issus de l'agriculture, afin de protéger le marché intérieur d'un dumping aux PPP (variante 3). 83 Voir par exemple l'article récent : Comment protéger nos agriculteurs et l'environnement ? Un règlement pour stopper l'importation d'aliments issus de pratiques interdites en Europe, Fondation Nicolas Hulot-Interbev-Institut Velben, mars 2021 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 60/208 PUBLIÉ Sauf en variantes 2 et surtout 3, l'aval est faiblement impliqué : la décision de réduire les PPP est individuelle, et n'offre aucune garantie de rémunération supplémentaire. L'activation d'un levier CEPP efficace, sur le modèle des CEE, permettrait de remédier en partie à cette limite. Mais c'est la mise en place d'une fiscalité différenciée (variante 3) sur les marchés nationaux et à leurs frontières qui permet d'aller jusqu'au consommateur sans diminuer la compétitivité-prix sur le marché intérieur. Diagnostic interne Diagnostic externe Ce scénario est basé : sur le constat de la responsabilité de l'État de limiter voire d'empêcher que les PPP ne portent des atteintes irréversibles à la santé humaine et à la biodiversité, et donc qu'il lui appartient de prendre les mesures réglementaires nécessaires, quand bien même une substance aurait été approuvée par l'UE ; sur une hypothèse : beaucoup d'alternatives aux PPP sont aujourd'hui suffisamment matures pour que l'État impose leur généralisation sans détruire brutalement84 l'activité, ce qui semble Ce n'est pas la nécessité de changer y compris les pratiques culturales qui est mis en cause, mais le fait que le changement brutal de réglementation peut frapper d'obsolescence les compétences et les investissements de toute une filière. L'enjeu est de lui permettre de s'adapter avant l'interdiction des PPP. 84 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 61/208 PUBLIÉ l'avis d'au moins une partie des experts (cf. annexe 8) ; sur le levier puissant des financements de la nouvelle PAC (cf. annexe 6). Dans ce scénario, le choix de réduire les PPP n'est pas agricole, c'est une décision de société, motivée par un diagnostic sur les risques. Il est donc très important d'approfondir la connaissance de ces risques pour bien ajuster la réglementation. L'expérience montre que jusqu'à présent les diagnostics réalisés avant l'autorisation des substances et les mises sur le marché n'ont pas empêché quelques sinistres importants (exemple du chlordécone aux Antilles), justifiant, après parfois plusieurs années, la mise en cause des autorisations accordées. Par ailleurs, des interdictions très rapides, comme celles des néonicotinoïdes, peuvent obliger les pouvoirs publics à ouvrir peu après des dérogations ciblées, faute d'alternatives immédiatement disponibles. Il s'agit donc de composer avec la balance des avantages et des risques, à la fois de l'action et de l'inaction. Mais c'est à la souveraineté nationale et à l'exécutif d'apprécier le résultat du pesage et de déterminer la règle. Il est également important dans ce scénario d'éviter d'importer des produits traités par des PPP depuis des pays85 qui ne sont pas soumis aux exigences européennes d'utilisation des PPP. Il semble que ce soit ce modèle « réglementaire » qui est retenu pour le glyphosate, pour lequel le gouvernement est très actif86, après un engagement de retrait pris par le Président de la République en 2017. Dans ce scénario, la réglementation et la PAC sont les instruments principaux de réduction du recours aux PPP. Une partie majeure de cette stratégie est donc portée par l'UE, qui a la responsabilité de la réglementation des substances actives. C'est en effet à ce niveau que la réglementation est la plus efficace. Ainsi la France ne saurait réussir seule : une plus forte convergence européenne peut sembler un préalable à la mise en place de ce scénario. En dehors d'une convergence européenne, la France garde la possibilité de restreindre l'usage des produits mis sur le marché et incluant les substances autorisées : elle pourra le faire systématiquement quand existent des alternatives, en biocontrôle ou avec des produits moins dangereux, couramment utilisées 87 et que les inconvénients économique et technique ne sont pas majeurs (art 50 de R 2009 /1107). Elle pourrait également davantage vérifier que les produits sont bien utilisés « en dernier recours », dans le cadre d'une protection intégrée des cultures, ce qui n'est aujourd'hui que rarement fait, en France et en Europe, malgré la réglementation. Certaines pratiques exagérément intensives, certaines rotations trop courtes ou inexistantes, certaines mosaïques paysagères insuffisamment diversifiées pourraient progressivement être sanctionnées par des restrictions d'emploi de PPP ou en utilisant d'autres outils réglementaires ou assimilables à la réglementation (PAC...). La France, tout comme les autres pays, peut également déclarer des dérogations pour une durée inférieure à 120 jours. Une variante renforçant ce scénario pourrait préconiser non seulement un « conseil stratégique PPP » obligatoire, comme il est désormais prévu, mais une prescription des PPP « sur ordonnance », en Voir un article cité par le CEP dans sa veille de décembre 2020 qui montre les très grands écarts entre les limites maximales de résidus autorisés dans différents pays et ses conséquences : « Trade, price and quality upgrading effects of agri-food standards » Dela-Dem Doe Fiankor, Daniele Curzi, Alessandro Olper, European Review of Agricultural Economics, 2020 85 86 87 Tout comme quelques autres pays : le Mexique vient ainsi de faire l'annonce d'une interdiction dans 3 ans. Cette condition est particulièrement gênante puisqu'il faut que l'alternative soit largement diffusée avant l'interdiction : la réglementation n'est donc pas un outil d'aide à la diffusion en première phase du cycle (cf 3.1). Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 62/208 PUBLIÉ particulier sur les PPP les plus à risques. Forces Faiblesses Diagnostic interne Opportunités Menaces Diagnostic externe Les trois scénarios répondent à des préférences politiques différentes mais sont tous les trois susceptibles d'apporter une contribution forte à l'objectif d'une réduction de 50% des PPP dans un délai de l'ordre de 10 ans. Sans renier les actions soutenues dans le cadre des plans antérieurs ­ le premier date de 2006 et est antérieur au Grenelle de l'environnement-, ces scénarios proposent de manière inédite des actions de massification crédibles, avec des outils robustes. Pour éclairer la décision politique, quelques éclairages complémentaires sont proposés ci-dessous, autour des modèles agricoles et de l'organisation des pouvoirs publics. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 63/208 PUBLIÉ La France a choisi l'agroécologie par une loi adoptée en 201488. Mais derrière ce mot qui désigne une science, des pratiques et qui est donc devenu une politique, se cachent plusieurs modèles agricoles qui continuent à être en compétition. Le modèle de la grande exploitation, qui était historiquement moins développé en France que dans des pays d'Europe centrale, continue son extension. Il se transforme également avec des pratiques de travail « à façon » entièrement externalisées vers des entreprises de travaux agricoles. Parallèlement les exploitations moyennes et petites régressent et se diversifient. Certaines, notamment en maraîchage, en viticulture ou en productions fruitières, continuent à s'industrialiser, avec de plus en plus de conditions contrôlées et d'automatismes, pendant que d'autres recherchent la performance biologique par la permaculture et le travail intensif, avec des réussites parfois impressionnantes à petite échelle. La recherche et la valorisation devraient également porter sur tous ces modèles, y compris les plus disruptifs, du type de ceux qui sont soutenus par l'université de Wageningen aux Pays-Bas, avec des exploitations hors sols, à faibles intrants et relativement neutres en énergie. Les « fermes verticales » japonaises sont également des modèles intéressants : au-delà des préjugés ou des constats d'expérience sur les qualités organoleptiques des aliments en fonction de leur processus de production, la performance globale de ces systèmes mérite d'être prise en considération, notamment en matière de maraîchage : elle sert de modèle à certaines « fermes » high-tech françaises. Pour certaines régions françaises denses et pour certaines cultures comme les légumes, une intensification des productions au plus près des centres de consommation, voire la mise en place de productions à environnement contrôlé en zone urbaine, comme elles se développent au Japon, peuvent apparaître comme des solutions à diffuser. En revanche, comme l'a montré un rapport récent du CGAAER89, le modèle standard de la grande exploitation céréalière sans élevage, et très dépendant des PPP comme des apports en fertilisants chimiques, et en eau, destructeurs des haies et pollueur des rivières et des nappes, mérite d'être modifié. Il est pourtant encore en extension, notamment dans les zones « intermédiaires ». Même si elle doit évidemment se préoccuper de toutes les agricultures, on peut ainsi regretter que la politique agricole française ne fasse pas le choix de dire ce qu'elle souhaite pour chacun des modèles et ce qu'elle veut décourager. La réponse serait d'autant plus pertinente qu'elle serait inscrite dans des territoires qui ont de fortes spécificités. La mission recommande, selon le scénario retenu, l'origine de la ressource et la nature de la dépense, de choisir, dans le cas d'une taxe affectée, l'opérateur le plus adapté au regard de sa mission : dans le scénario « segmentation », où la mobilisation des filières est essentielle, le choix de FranceAgrimer paraît plus en phase avec la nature des dépenses et les acteurs concernés ; dans le scénario « incitation », la distribution des aides pourrait alimenter les canaux habituels sans passer par l'OFB (conversion à l'AB via les agences de l'eau en région comme aujourd'hui) de même que le financement national du conseil, qu'il s'agisse des instituts techniques ou des chambres d'agriculture. Une partie de l'enveloppe nationale pourrait d'ailleurs être transférée en région en vue de financer davantage d'aides directes aux agriculteurs, soit par le canal des agences de l'eau (taxe affectée), soit directement par les services déconcentrés (ressource budgétaire de l'Etat) ; 88 89 Loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt Rapport CGAAER n°18065. Zones intermédiaires. Janvier 2019. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 64/208 PUBLIÉ enfin, dans le scénario « réglementation et PAC », le financement des études peut être réalisé en direct pour certains acteurs importants (ressource budgétaire de l'Etat) ou transiter comme aujourd'hui par l'OFB (taxe affectée). Finalement, les PPP sont aussi l'occasion de distinguer plusieurs conceptions de ce que peut être un État dans l'Europe d'aujourd'hui et d'interroger l'organisation de notre État, notamment quant aux répartitions des compétences et rôles entre ministères, et entre les administrations centrales, les services déconcentrés et les collectivités territoriales. Sur le positionnement des États en Europe, les deux documents précités (rapport de la Cour européenne des comptes et communication de la Commission (2020)) mériteraient d'être prolongés par un parangonnage. Entre l'État qui forme avec, d'une part, la recherche et, d'autre part, les agriculteurs-entrepreneurs l'un des trois côtés du « triangle d'or néerlandais », et la verticalité qui fait de la réduction des PPP et de l'interdiction du glyphosate des « objets de la vie quotidienne » directement suivis depuis l'Élysée, il y a des positionnements multiples au sein de l'Europe qui mériteraient un parangonnage. Pour ce qui concerne l'organisation de l'État en France, il faut d'abord souligner que le MTE, en charge de la qualité de l'eau, de l'air et de la nature, a été l'un des premiers à prendre conscience des enjeux de la réduction des PPP (et des nitrates). Les indicateurs sur la diminution de la biodiversité, notamment l'effondrement des populations d'insectes et d'oiseaux, ont déclenché des alertes qui ont conduit à rechercher les causes, plus rapidement et plus fortement que les enjeux sur la santé humaine qui restent finalement mal connus. Du coup, le MTE (et les agences de l'eau comme l'OFB) a une réelle légitimité sur cette politique. Mais c'est bien le MAA qui a la charge de proposer les solutions alternatives aux PPP et donc doit être responsabilisé dans son rôle de coordination opérationnelle du plan. Bien sûr les PPP sont également des enjeux majeurs pour la santé publique, pour la biodiversité, et pour la recherche. Mais les trois ministères de la santé, de la transition écologique et de la recherche n'ont pas la responsabilité ni les moyens opérationnels de diffuser les alternatives aux PPP : c'est bien au MAA que cela incombe. Une difficulté qui a pu être perçue ces dernières années est que le caractère multiministériel de la politique à l'égard des PPP a pu donner l'impression d'une complexité bureaucratique doublée d'un État à plusieurs voix sans unisson. On se retrouve ainsi parfois dans la situation où ce sont des parties prenantes, des ONG notamment, qui s'efforcent de faire la synthèse et de porter un intérêt général face à des représentants ministériels calés dans leurs priorités relatives. La réponse à cette question de l'interministérialité pourrait être simple : il existe une responsabilité interministérielle, celle de s'assurer de l'alignement des politiques, que la réduction des PPP est bien une priorité effective de l'action publique, pour tous les ministères et établissements publics et à tout niveau, mais en affirmant également la responsabilité du MAA pour définir et piloter les actions de massification du plan, et en lui donnant des outils et leviers à cette fin. Cette question se retrouve à l'échelle régionale, avec un plan Écophyto qui mobilise la DREAL, la DRAAF, les agences de l'eau et dans une moindre mesure l'ARS, sous la coordination et l'autorité du Préfet de région. Les compétences sanitaires de l'État sont réparties entre la DRAAF pour la santé des plantes, les directions départementales interministérielles (DDI) pour la santé animale, et l'OFB pour la police de l'environnement. Les collectivités régionales, en charge du développement économique et de la gestion d'une partie de plus en plus importante des crédits européens, sont sollicitées sur ce plan sans en être pleinement co-responsables. Une nouvelle version du plan Écophyto devrait s'interroger sur cette répartition existante des compétences et surtout se demander quelle organisation pourrait optimiser la réussite du plan de réduction des PPP dans les territoires. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 65/208 PUBLIÉ Les scénarios et les leviers : synthèse : : : : : : : : Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 66/208 PUBLIÉ * ** Finalement, peut-on encore opposer la nécessité de « nourrir la planète », comme disent les défenseurs des PPP, à celle de « préserver la santé, quoi qu'il en coûte » et de stopper pendant qu'il est encore temps l'effondrement de la biodiversité qui met en péril notre survie comme espèce ? "Faire la paix avec la nature est la grande mission de notre siècle. Elle doit être la priorité absolue de chacun, partout dans le monde" disait le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, en janvier 2021). La France fait le choix de soutenir son agriculture en lui consacrant une grande attention et des moyens financiers importants. Mais il est clair que ce soutien a contribué ces dernières décennies à renforcer une dépendance de cette agriculture aux PPP, alors que beaucoup d'exploitations disposaient auparavant de savoir-faire. Il n'est pas réaliste de revenir à des processus de production antérieurs à la diffusion des PPP. Il s'agit donc non de restaurer, mais d'inventer des modes de production agricoles durables économes en PPP et répondant par ailleurs aux attentes économiques, sociales des marchés et des citoyens. Un levier prioritaire de ce point de vue est de continuer à réparer la contradiction qui (a) fait de certaines politiques de l'État et de la PAC les instruments de la diffusion des PPP et donc en priorité d'aligner l'ensemble des politiques publiques, dont la PAC, à ce nouvel objectif de réduction des PPP, sauf à risquer de réduire à néant les efforts de conviction apportés par des plans Écophyto dont les dotations financières sont nettement plus réduites. La mission préconise donc, soit d'utiliser massivement la réglementation et la PAC et de rendre conditionnelles les aides du premier pilier (scénario 3), soit, si ce n'est pas possible, de mobiliser massivement les autres leviers, de soutien aux filières économes en PPP (scénario 1) ou les leviers incitatifs (scénario 2) si on veut généraliser la baisse. Il serait souhaitable d'arrêter le nouveau plan Écophyto en 2023, quand la nouvelle PAC sera connue et approuvée. Cela laisse deux années pour réaliser des études de bilan plus précises, et pour choisir, après concertation, les leviers et les actions qui donneront un nouvel élan à ce plan nécessaire, mais qui s'essouffle. Un volet important du nouveau plan sera de mettre en cohérence l'ensemble des politiques publiques avec l'objectif de réduction des PPP. Cela suppose que ces préoccupations soient portées avec constance lors de la révision de la PAC pour qu'elles se traduisent par une véritable inflexion de celleci. C'est dans ce cadre qu'une nouvelle orientation d'utilisation de la part du produit de la RPD affectée à Écophyto pourra être donnée, avec un programme national et des enveloppes régionales spécialisés, agiles, additionnels et transparents. Redéfinir d'ici deux ans un plan Écophyto à 10 ans cohérent avec la nouvelle PAC, pleinement opérationnel et incluant un dispositif de massification. D'ici là approfondir avec les acteurs concernés les leviers mobilisables selon différents scénarios, mettre en cohérence les politiques publiques nationales et évaluer les apports des actions soutenues depuis 2008 à l'objectif de réduction des PPP. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 67/208 PUBLIÉ Les 7 recommandations ge ne rales du rapport sont pre sente es ici de maniere synthe tique, en distinguant celles qui relevent de la strate gie, de l'organisation et de de l'accompagnement. Le rapport comprend également un tableau comparatif des trois scénarios. QUOI Strate gie Confirmer et pre ciser le plan Ecophyto (R1) en inse rant un processus de massification des bonnes pratiques (R2) d'ici 2 ans, en cohe rence avec le nouvelle PAC (R7) Mettre en place une gouvernance interministe rielle resserre e et de finir les responsabilite s de chaque ministere et ope rateur (R4) De finir le choix des cibles, l'analyse des indicateurs et l'e valuation comme un axe autonome du plan (R6) De dier en priorite le produit de la RPD affecte e au plan a des aides directes (R3) Autour d'une direction de projet pre cise e, simplifier le processus budge taire et mettre en cohe rence les circuits financiers (R5) POURQUOI Redonner de la cre dibilite au plan QUI Interministe riel et MAA QUAND D'ici 2 ans Points d'attention Cohe rence avec les actions europe ennes et les autres politiques publiques nationales. Organisation Financement Ecophyto doit devenir une priorite pour les acteurs qui ont une responsabilite importante dans sa mise en oeuvre. Faire de l'e valuation une aide a la de cision. Ame liorer l'efficacite des actions finance es, simplifier la gestion. Services centraux et de concentre s du MTE et du MAA, ope rateurs Des que possible, et introduire les objectifs dans les COP des ope rateurs Des que possible Mobilisation du conseil aux agriculteurs, et notamment des chambres d'agriculture. De finition et suivi des indicateurs ope rationnels. MTE et MAA, ope rateurs de gestion Processus d'arbitrage. Pluri annualite des financements. Suivi des paiements. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 68/208 PUBLIÉ Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 69/208 PUBLIÉ Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 70/208 PUBLIÉ Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 71/208 PUBLIÉ Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 72/208 PUBLIÉ Organismes Prénom Nom Fonction Dates des rendez-vous 1 2 septembre et 7 décembre 2020 Coordinateur interministériel du plan Pierre-Etienne BISCH Écophyto et du plan de sortie du glyphosate Cabinet du Premier ministre Julien TURENNE Benoît FARACO Préfet de région honoraire Conseiller technique agriculture Conseiller technique écologie 16 septembre 2020 8 janvier 2021 Julien TURENNE Conseiller technique agriculture Cabinet du MTE Cédric HERMENT 11 septembre et Conseiller santé environnement risques 4 décembre 2020 24 septembre Conseillère filières végétales, sortie de la et dépendance aux produits 14 décembre phytosanitaires 2020 Directeur de l'eau et de la biodiversité Sous directrice ATAP 26 octobre Sous directrice de la protection et de la 2020 gestion de l'eau des ressources minérales et écosystèmes aquatiques Chargé de mission Sous direction de la qualité, de la santé et de la protection des végétaux cheffe de service 21 septembre Adjointe du SASPP/SDQSPV 2020 SASPP/SDQSPV/BSPIC, chef de bureau SASPP/SDQSPV/BSPIC, chargée de mission Écophyto 13 octobre 2020 Service compétitivité et performance environnementale (SCPE),chef de service) 16 octobre 2020 Sous-direction Performance Page 73/208 Cabinet du MAA Maud FAIPOUX Olivier THIBAULT Florence CLERMONTMTE Direction BROUILLET de l'eau et de la Amélie COANTIC Biodiversité Aymeric LORTHOIS Anne-Cécile COTILLON MAAF DGAL Anne-Marie MAILLOT Laurent JACQUIAU Karine BELNA Laurent JACQUIAU Karine BELNA Serge LHERMITE MAAF DGPE Eric ZUNINO Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO PUBLIÉ Organismes Prénom Nom Fonction environnementale et valorisation des territoires, sous directeur Dates des rendez-vous Antoine ROULET Ludovic BONNARD Antoine ROULET MAAF DGPE et Emmanuel STEINMANN DGAL MTE Lucile GAUCHET DGALN/DEB Karine BELNA Isabelle CHMITELIN Marion BARDY Adeline CROYERE Christophe AUBEL Audrey COREAU François OMNES Gaelle EMBS Antoine FOUILLERON Christophe AUBEL Audrey COREAU François OMNES Gaelle EMBS Antoine FOUILLERON Denis CHARISSOUX Patrick LAVARDE CGEDD DGPE/SCPE/SDPE/BDA chargé de mission (pilote réseau DEPHY côté MAA) DGPE/SCPE/SDPE/BDA DGPE/SCPE/SDPE/BDA chargé de mission (pilote réseau DEPHY côté MAA) DEB/EARM 5 Chef de bureau DEB chargée de mission copilotage du plan Écophyto DGAL/SDQSVP/BSPIC chargée de mission Écophyto Directrice Chef de bureau de la recherche et de l'innovation Sous-directrice des politiques de formation et d'éducation Directeur appui stratégies pour la biodiversité Directrice des acteurs et des citoyens Directeur adjoint des acteurs et des citoyens Cheffe du pôle administratif et financier Directeur de la stratégie et de l'intervention financière Directeur général délégué Directrice des acteurs et des citoyens Directeur adjoint des acteurs et des citoyens Cheffe du pôle administratif et financier Directeur de la stratégie et de l'intervention financière Directeur général délégué Ressources Membre du CGEDD 10 décembre 2020 MAAF DGER 22 septembre 2020 OFB 25 septembre 2020 26 novembre 2020 21 septembre 2020 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 74/208 PUBLIÉ Organismes Prénom Nom Thierry VATIN Delphine PASSE Mario LESTANI Fonction Directeur général Directrice déléguée redevances Responsable de la cellule redevances mutualisées Directeur délégué connaissance panification et programme Directeur des interventions Chef du service appui, paiement, interventions économiques Chargée de la thématique Écophyto Directeur adjoint Cheffe de mission Écophyto Chef du SRAL Directeur général Directeur scientifique technique et numérique Dates des rendez-vous Agence de l'eau Arnaud DOLLET Artois Picardie Vincent VALIN Patrice BIZAIS Nolwenn THEPAUT Thierry DUPEUBLE Elise DESSAINT Samuel CARON Jean Pierre BORDES Médhi SINE ACTA Marianne SELLAM Aymeric EMONET APCA Philippe NOYAU Eric COLLIN Jeremy DREYFUS Claudine JOLY Thibault LEROUX Philippe MAUGUIN Christian HUYGHE Christian HUYGHE 19 octobre 2020 DRAAF Hauts de France 23 octobre 2020 23 septembre Pôle protection intégrées des cultures et 2020 cheffe de projet contrat de solution, adjointe à la direction scientifique Pole agroenvironnement DEPHY ExpéEssonne Président référent 16 octobre Directeur entreprise et conseil 2020 Représentante de FNE au COS Écophyto Chargé de mission agriculture et santéenvironnement Président directeur général Directeur scientifique agriculture Directeur scientifique agriculture de l'INRAE Chercheur (économiste), ancien directeur scientifique agriculture jusqu'en 2016 Conseillère référendaire Rapporteur du rapport Conseiller maître Contre rapporteur PDG DGD Directrice du développement rural et de la pêche Directeur financier, juridique Adjoint directeur financier, juridique Chef de service agence comptable 12 octobre 2020 17 novembre 2020 21 octobre 2020 22 décembre 2020 22 octobre 2020 FNE INRAE INRAE INRAE Cour des comptes Hervé GUYOMARD Nathalie REULAND Jacques BASSET Stéphane LE MOING François PROJETTI Valérie ISABELLE Thierry Cottin Xavier Chauvin Michel Tourtourol ASP 19 novembre 2020 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 75/208 PUBLIÉ Organismes Prénom Nom Fonction Dates des rendez-vous 26 novembre 2020 FranceAgrimer Christine AVELIN Bruno HERAULT MAAF SG/SSP centre d'études et de Vincent HEBRAIL prospective CEP Estelle MIDLER Directrice générale Service de la statistique et de la prospective, Centre d'études et de prospective(CEP), sous-directeur 5 novembre CEP, Bureau de l'évaluation et de l'analyse 2020 Economique, chef de bureau CEP, chargée de mission Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 76/208 PUBLIÉ Dès 2006, la France se dote d'un « Plan interministériel de réduction des risques liés aux pesticides en 5 axes ». En 2008, sur la base du rapport de Guy Paillotin1, la France adopte le plan Écophyto 2018. Dans le mouvement du Grenelle de l'environnement, le gouvernement d'alors reprend une proposition des organisations non gouvernementales et fixe l'objectif quantitatif de réduction de 50 % de leur usage, si possible, en 20182. Le plan Écophyto 2018 constitue par la même occasion et par anticipation la réponse française à la directive 2009/128/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 instaurant un cadre d'action communautaire pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable. Devant la faiblesse des résultats documentés dans le rapport de Dominique Potier, député de Meurtheet-Moselle, en 2014, le gouvernement donne en 2015 une nouvelle impulsion et remanie le plan qui devient Écophyto 2. L'objectif de -50 % est maintenu bien que repoussé en 2025 avec un objectif intermédiaire de -25 % à horizon 2020. En 2018, le plan évolue encore une fois. Il intègre les mesures du « plan d'action sur les produits phytopharmaceutiques (PPP) et une agriculture moins dépendante aux pesticides » qui comporte notamment les mesures supplémentaires d'accompagnement des agriculteurs, ainsi que l'objectif de « sortir du glyphosate » et prend le nom d'Écophyto 2+. Le mot pesticides est communément utilisé pour désigner les produits phytosanitaires utilisés par les agriculteurs. En réalité, les pesticides recouvrent un domaine plus large que les PPP. Ils incluent également les biocides 3 (désinfectants, produits de protection et de lutte contre les nuisibles) et certains médicaments vétérinaires ou humains (utilisés pour lutter contre des mycoses ou des parasitoses externes). Les substances actives utilisées peuvent être les mêmes, mais l'objectif de l'action est différent. Ils relèvent de réglementations communautaires différentes4. Chantier 15 « agriculture écologique et productive » Rapport final du Président du Comité opérationnel « Écophyto 2018 », Guy Paillotin, 2008. 1 L'engagement n°129 prévoit l'« objectif de réduction de moitié des usages des pesticides en accélérant la diffusion des méthodes alternatives et sous réserve de leur mise au point » 2 Substance ou mélange destiné à détruire, repousser ou rendre inoffensifs les organismes nuisibles, à en prévenir l'action ou à les combattre de toute autre manière par une action autre qu'une simple action physique ou mécanique, (Règlement (UE) no 528/2012 du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2012 concernant la mise à disposition sur le marché et l'utilisation des produits biocides. 3 Règlement européen 528/2012 relatif à la mise à disposition sur le marché et à l'utilisation des produits biocides ; Règlement (CE) n° 726/2004 du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 établissant des procédures communautaires pour l'autorisation et la surveillance en ce qui concerne les médicaments à usage humain et à usage vétérinaire, et instituant une agence européenne des médicaments 4 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 77/208 PUBLIÉ La réglementation communautaire 5 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques définit les PPP : Les produits phytopharmaceutiques (PPP) sont des produits composés de substances actives, phytoprotecteurs ou synergistes, destinés à l'un des usages suivant : a) protéger les végétaux ou les produits végétaux contre tous les organismes nuisibles ou prévenir l'action de ceux-ci, sauf si ces produits sont censés être utilisés principalement pour des raisons d'hygiène plutôt que pour la protection des végétaux ou des produits végétaux ; b) exercer une action sur les processus vitaux des végétaux, telles les substances, autres que les substances nutritives, exerçant une action sur leur croissance ; c) assurer la conservation des produits végétaux, pour autant que ces substances ou produits ne fassent pas l'objet de dispositions communautaires particulières concernant les agents conservateurs ; d) détruire les végétaux ou les parties de végétaux indésirables, à l'exception des algues à moins que les produits ne soient appliqués sur le sol ou l'eau pour protéger les végétaux ; e) freiner ou prévenir une croissance indésirable des végétaux, à l'exception des algues à moins que les produits ne soient appliqués sur le sol ou l'eau pour protéger les végétaux. Les PPP sont autorisés dès lors qu'une évaluation des risques montre qu'il n'existe aucun effet nocif immédiat ou différé sur la santé de l'être humain ou de l'animal et aucun effet inacceptable sur l'environnement. Les PPP sont usuellement classés selon leurs cibles. Les 5 familles principales sont les herbicides pour lutter contre les adventices, les fongicides contre les champignons et moisissures indésirables, les insecticides contre les insectes ravageurs, les acaricides contre les acariens phytophages et les rodenticides contre les rongeurs ennemis des cultures : leurs modes d'action sont divers mais tous visent à tuer ou à inhiber a minima l'organisme visé. Certains PPP sont sélectifs, n'atteignent qu'une cible particulière de manière précise. À l'opposé, des produits dont les modalités d'action touchent de façon très large les organismes nuisibles sont des PPP totaux (c'est aujourd'hui essentiellement des herbicides) ; les produits sont dits systémiques lorsqu'ils sont capables, après pénétration dans la plante, de migrer à l'intérieur de celle-ci. Les PPP de synthèse ou chimiques sont fréquemment opposés aux PPP « naturels ». Ces deux termes n'ont pas de définition légale dans la réglementation européenne ou française. Cette dichotomie est trompeuse. Par exemple, les spécialités à base de cuivre (substance existant dans la nature) ne sont pas des PPP « naturels » car ils sont issus de la synthèse chimique. En revanche, il existe des définitions réglementaires pour : les PPP de biocontrôle, qui sont un segment particulier de PPP défini par une réglementation française6 et dont la spécificité est liée à leur caractère naturel ou leur mode d'action reposant Règlement No1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/CEE et 91/414/CEE du Conseil 5 6Les agents de biocontrôle regroupent des macro-organismes et des produits phytopharmaceutiques comprenant des micro-organismes, des médiateurs chimiques comme les phéromones et les kairomones et des substances naturelles d'origine végétale, animale ou minérale. Leur spécificité est liée à leur caractère naturel ou leur mode d'action reposant sur des mécanismes naturels. Les produits phytopharmaceutiques de biocontrôle sont, comme les autres produits phytopharmaceutiques, autorisés à l'issue d'une évaluation complète des risques pour la santé humaine, la santé animale et l'environnement et conforme aux exigences européennes. Ils figurent sur la liste établie par le ministère chargé de l'agriculture au titre des articles L.253-5 et L.253-7 du code rural et de la pêche maritime. (https://agriculture.gouv.fr/quest-ce-que-le-biocontrole). Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 78/208 PUBLIÉ sur des mécanismes naturels (ces substances naturelles peuvent être par exemple de l'acide pélargonique (herbicide), de l'huile de paraffine (insecticide et acaricide), des pyréthrines (insecticides), du soufre (fongicide), du sulfate de fer (destruction de mousses). En revanche, le sulfate de cuivre n'est pas classé dans la catégorie des substances naturelles, puisqu'il est issu de la chimie minérale), les PPP à faible risque composés avec des substances actives définies au niveau européen dans le R1107/2009 comme étant à faible risque (24 substances sont approuvées au 4/02/21 dont le phosphate ferrique). L'agriculture biologique (AB) peut avoir recours à des PPP mais uniquement si les substances actives sont autorisées dans le règlement européen relatif à la production biologique R889/2008 7 . Par ailleurs, tous les PPP utilisables en AB ne sont pas des produits de biocontrôle. C'est notamment le cas des produits à base de cuivre8. Cette substance figure d'ailleurs sur la liste européenne des substances candidates à la substitution9 car son usage répété sur les cultures conduit à une accumulation parfois excessive dans les sols, a des incidences sur les organismes aquatiques et aussi sur la composition des plantes10. L'agriculture biologique a aussi recours à des substances de base 11 qui peuvent notamment être utilisées comme insecticides, ou fongicides. Ces substances de base ne sont pas classées comme des PPP, tout en relevant de la réglementation communautaire. Une partie de ces PPP se retrouvent dans l'environnement (air, sol, eaux souterraines et de surface), en plus ou moins grandes quantités, avec des durées de vie très variables. « La part des produits phytopharmaceutiques appliqués n'atteignant pas leur cible, donc directement transférée dans l'air et/ou le sol, est à la fois élevée et extrêmement variable (de 10 à 90 %) selon les stades de la culture et les conditions d'application »12 . Ils peuvent aussi se retrouver dans l'alimentation, mais les denrées ne peuvent, selon la réglementation, être commercialisées que si la quantité de chaque substance active ou famille de substances est inférieure à une limite définie13 à l'échelle de l'UE pour les États membres. Toutefois, l'effet cumulatif n'est pas pris en compte et la recherche d'un éventuel effet cocktail en interactions avec d'autres molécules ne figure pas dans les évaluations préalables à l'autorisation l'approbation des substances, à l'échelle européenne, ou à la mise sur le marché des produits, à l'échelle nationale. Les impacts non désirés des pesticides dans leur ensemble (les PPP, les biocides et des médicaments vétérinaires) sont de mieux en mieux décrits et documentés : 7 Sur la santé humaine : des études scientifiques ont commencé à évoquer dans les années 1970, Règlement (CE) N° 889/2008 du 5 septembre 2008 portant modalités d'application du règlement (CE) no 834/2007 du Conseil relatif à la production biologique et à l'étiquetage des produits biologiques en ce qui concerne la production biologique, l'étiquetage et les contrôles (annexe II) 8 9 3 % des quantités de PPP vendus en France. Le cuivre (Cu) est un PPP majeur pour l'agriculture biologique Le terme "substitution" signifie remplacer les produits chimiques dangereux par des alternatives plus sûres. https://www.reach.lu/fr/substitution/ Peut-on se passer du cuivre en protection des cultures biologiques, expertise collective, INRAE, janvier 2018 L'article 23 du règlement (CE) n°1107/2009 définit les substances de base comme étant une substance qui : · n'est pas une substance préoccupante ; et · qui n'est pas intrinsèquement capable de provoquer des effets perturbateurs sur le système endocrinien, des effets neurotoxiques ou des effets immunotoxiques; et · dont la destination principale n'est pas d'être utilisée à des fins phytosanitaires, mais qui est néanmoins utile dans la protection phytosanitaire, soit directement, soit dans un produit constitué par la substance et un simple diluant; et · n'est pas mise sur le marché en tant que produit phytopharmaceutique. 10 11 Pesticides, agriculture et environnement. Réduire l'utilisation des pesticides et limiter leurs impacts environnementaux. Expertise scientifique collective, synthèse du rapport, Inra et Cemagref », Aubertot JN et al, 2005. 12 Le taux de non-conformité à la règlementation européenne s'élève à 2,3 % (pour les plans dit « de surveillance, représentatifs du marché). Le taux de non-conformité des produits soumis à contrôles renforcés à l'importation s'élève à 9,3 %. Source : https://www.economie.gouv.fr/dgccrf/controle-des-residus-pesticides-dans-denrees-vegetales-en2017 13 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 79/208 PUBLIÉ l'implication des pesticides dans la survenue de certaines maladies. Depuis, les connaissances se précisent : en 2013, l'INSERM a publié une expertise collective14 sur les pesticides dans laquelle elle met en évidence une augmentation du risque de survenue de certains cancers en lien avec les pesticides. Un certain nombre de pathologies sont alors reconnues comme maladies professionnelles15. Un fonds d'indemnisation des victimes de pesticides complète la prise en charge des réparations des dommages subis par les agriculteurs et leur famille16 ; en 2020, les scientifiques qui suivent la cohorte AGRICAN17 ont documenté l'augmentation de risques de survenue de certains cancers dans la population agricole associée à un grand nombre d'activités telles que l'application d'antiparasitaires aux animaux de rente (médicaments vétérinaires), l'enrobage des semences et la pulvérisation de PPP, ou encore la désinfection des bâtiments d'élevage (par des biocides)18 ; les substances classées comme cancérogènes probables sont retirées de la liste européenne des substances autorisées au fur et à mesure de leur réévaluation. Sur la biodiversité : la population mondiale d'insectes décroit de façon massive19 : 49,7% des disparitions seraient dues à la destruction des habitats par l'agriculture intensive, la déforestation (toujours pour l'agriculture) et l'urbanisation ; 25,8 % seraient dues à la pollution et en particulier les pesticides agricoles20. Le cas des néonicotinoïdes, substances insecticides systémiques très puissantes et largement utilisées est emblématique. Dès 1990, des inquiétudes se sont exprimées dans plusieurs pays d'Europe quant à leur possible impact, mais il revient à Mickael Henry, chercheur à l'INRAE d'Avignon, d'avoir mis en évidence la responsabilité des néonicotinoïdes dans la mortalité des abeilles, en identifiant le mécanisme de perturbation de leur sens de l'orientation 21. L'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) et l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) ont rendu de nombreux rapports et avis conduisant à une restriction massive de leur usage. L'impact sur les insectes est d'autant plus préoccupant qu'en Europe, 84% des espèces cultivées et 78% des espèces végétales sauvages dépendent, au moins en partie, des animaux pollinisateurs. Près de 15 milliards d'euros de la production agricole annuelle sont directement attribuables aux insectes pollinisateurs22. 14 15 Pesticides, effets sur la santé, Esco INSERM 2013 Plusieurs types de lymphomes sont considérés depuis 2015 comme maladies professionnelles pour les travailleurs au contact des pesticides et peuvent ainsi conduire à l'indemnisation des malades. Plus récemment le lien entre l'usage des pesticides par les agriculteurs et la survenue de cancers est reconnu à travers la mise en place d'un fonds d'indemnisation des victimes professionnelles des pesticides. Il vise à indemniser plus équitablement les exploitants agricoles, à indemniser, au titre de la solidarité nationale les exploitants agricoles retraités d'avant 2002 et les enfants exposés pendant la période prénatale du fait de l'activité professionnelle de leurs parents, qui n'étaient jusqu'ici pas éligibles aux réparations des régimes accidents du travail maladies professionnelles. Le fonds d'indemnisation a été créé par l'article 70 de la Loi de financement de la Sécurité sociale pour 2020. Sa mise en place répond à une volonté de garantir la réparation forfaitaire des dommages subis par l'ensemble des personnes concernées dont la maladie est liée à une exposition professionnelle aux pesticides. Son fonctionnement, son organisation et les modalités d'indemnisation des victimes de pesticides sont définis par le Décret N°2020-1463 du 27 novembre 2020 publié le 29 novembre 2020 16 17 18 19 http://www.inma.fr/wp-content/uploads/2020/01/AGRICAN_7fevrier2020.pdf Les agriculteurs surexposés à certains cancers, Stéphane Foucart, Le monde, 27 novembre 2020 More than 75 percent decline over 27 years in total flying insect biomass in protected areas,Caspar A. Hallmann, Martin Sorg, Eelke Jongejans, Henk Siepel, Nick Hofland, Heinz Schwan, Werner Stenmans, Andreas Müller, Pos one; octobre 2017 20 21 22 Worldwide decline of the entomofauna, Sanchez-Bayo & al., Elsivier, 2019. A Common Pesticide Decreases Foraging Success and Survival in Honey Bees. Article March 2012 Science https://www.europarl.europa.eu/news/fr/press-room/20191212IPR68921/reduire-l-utilisation-des-pesticidespour-sauver-les-abeilles Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 80/208 PUBLIÉ Vu la multiplicité des substances et de leurs dérivés, la complexité de leurs réactions potentielles et celle des interactions éventuelles avec d'autres polluants, les possibilités de rapporter les risques à une substance particulière ou à un groupe de substances s'avèrent, sauf exception, très complexes. Aussi, l'orientation politique s'est efforcée d'en raisonner l'usage et d'interdire les substances et les produits les plus à risques. C'est l'orientation de la réglementation européenne actuelle, la directive 2009/128 qui promeut la « protection intégrée des cultures » » laquelle vise « la prise en considération attentive de toutes les méthodes de protection des plantes disponibles et, par conséquent, l'intégration des mesures appropriées qui découragent le développement des populations d'organismes nuisibles et maintiennent le recours aux produits phytopharmaceutiques et à d'autres types d'interventions à des niveaux justifiés des points de vue économique et environnemental, et réduisent ou limitent au maximum les risques pour la santé humaine et l'environnement ». Figure 1: Principe de la protection intégrée des cultures : les agriculteurs 10: Principe de la protection intégrée des cultures : les agriculteurs n'utilisent des PPP chimiques que si cela s'avère nécessaire, après avoir fait le tour des méthodes préventives, physiques, biologiques ou d'autres méthodes non chimiques permettant la régulation des ennemis des cultures Ainsi le principe de la protection intégrée des cultures invite à n'user des PPP qu'en dernier recours. Mais, comme l'indique la Cour des comptes de l'UE (2020) « Bien que la Commission et les États membres encouragent la lutte intégrée contre les ennemis des cultures, celle-ci reste peu appliquée ». La chimie minérale s'est développée au XIXe siècle, fournissant de nombreux pesticides à base de sels de cuivre pour lutter contre les invasions fongiques de la vigne et de la pomme de terre. L'essor des PPP est lié au développement de la chimie organique de synthèse à partir des années 1930. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 81/208 PUBLIÉ Associé aux progrès mécaniques, à l'apport d'engrais issus de la chimie, à l'irrigation, ces PPP ont permis d'accroître fortement les rendements et ainsi de sécuriser l'approvisionnement alimentaire. Outre leur bénéfice sur les rendements, ils contribuent à la qualité sanitaire des produits en évitant leur contamination par des graines toxiques (ex. : datura) ou des mycotoxines (ex. : ergot de seigle). Leur usage s'est fortement développé pour aboutir à 76 701 tonnes en moyenne triennale 2018 en France. Figure 2: Évolution des ventes de substances actives par type d'usage. Source Dat lab, avril 2019 Au niveau européen, la France figure au premier rang pour la vente des PPP avec 84 970 tonnes 23 et le 6e si on rapporte cette consommation à la surface agricole utile (SAU), derrière l'Italie, mais avant l'Allemagne et l'Espagne : 23 Il s'agit là de la quantité vendue en 2018 et non de la moyenne triennale vue précédemment (76701 tonnes) Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 82/208 PUBLIÉ PPP SAU PPP/ SAU PPP (tonnes vendues) SAU PPP/ SAU (en (tonnes milliers ( t/1 000ha) vendues) d'ha ) (en milliers ( t/1 000ha) d'ha ) 3 523 1 920 1 486 2 633 5 030 5 288 17 357 13 414 1 938 2 947 985 3 000 4 516 132 1,47 1,3 1,14 1,01 1 0,92 0,89 0,83 0,82 0,7 0,65 0,62 0,59 0,48 Chypre Malte Pays-Bas Belgique Italie France Allemagne Espagne Slovénie Portugal Finlande Autriche Hongrie Pologne 1 184 90 9 383 6 635 132 12 1 822 1 356 8,94 7,77 5,15 4,89 4,19 2,93 2,7 2,53 2,45 2,24 2,16 1,99 1,6 1,59 54 039 12 909 84 970 29 020 44 923 16 645 61 343 24 202 1 171 8 057 4 902 5 280 8 535 478 3 591 2 272 2 654 5 344 23 157 14 540 Tchéquie Slovaquie Croatie Danemark Bulgarie Grèce Royaume-Uni Roumanie Lettonie Lituanie Estonie Suède Irlande Luxembourg 5 178 2 490 1 698 2 646 5 044 4 860 15 516 11 108 1 587 2 049 636 1 871 2 651 63 Tableau 3 : Tonnages de PPP dans l'UE en 2018 (source : Eurostat) Le classement 2018 ne préjuge en rien du classement 2019 car les quantités vendues en France ont fortement diminuées (les statistiques européennes pour 2019 sont encore incomplètes). Le recours toujours plus massif à ces produits bon marché en regard du gain de productivité et de leur efficacité certaine, a conduit les agriculteurs, dans le contexte de la PAC, à systématiser leur utilisation comme assurance de rendement. Cela s'est fait au détriment de pratiques agronomiques plus respectueuses de l'environnement et de la biodiversité, avec pour conséquence l'apparition de résistances et une dégradation de l'environnement comme en témoigne la pollution des eaux par les pesticides. Il faut reconnaître que les alternatives aux PPP ne présentent pas aujourd'hui les mêmes ratios coûts/avantages. Elles supposent une combinaison de différentes techniques à visée prophylactique (usage de variétés résistantes, pratiques agronomiques, utilisation d'auxiliaires de culture) et à visée curative (lutte mécanique, biocontrôle et plantes de service), qui doivent être adaptées à chaque situation particulière. Le résultat est plus aléatoire que l'usage d'un PPP. Le coût de mise en oeuvre est généralement plus élevé. C'est par exemple le cas du glyphosate, herbicide total et systémique, dont la facilité d'usage et son coût très compétitif (environ 7 à l'hectare) l'ont hissé au premier rang des herbicides dans le monde et en France (8 831 tonnes vendues en 2017). Dans le cadre du plan de sortie du glyphosate, l'INRAE a étudié les conséquences de sa suppression. En conclusion de leur étude sur les grandes cultures, les auteurs indiquent « Dans la grande majorité des situations, nous avons pu calculer un surcoût en comparant chaque parcelle avec une parcelle sans glyphosate. Dans le scénario de référence, les surcoûts obtenus varient proches de 80 /ha pour les situations en semis direct à 6,5/ha pour les situations en labour fréquent. On identifie des cas de parcelles en semis direct (en général appartenant à de grandes exploitations sur sols superficiels et/ou caillouteux) pour lesquelles on ne trouve pas de parcelles aux caractéristiques semblables qui n'utilisent pas de glyphosate et on identifie des situations difficiles engendrées par un faible nombre de jours disponibles pour intervenir mécaniquement (sols argileux ou hydromorphes). Enfin ce travail, du fait la méthodologie retenue, ne traite pas de la question de la transition entre pratiques et des coûts et difficultés spécifiques de cette transition, et a contrario ne mobilisent pas non plus les éléments de progrès agronomique qui pourront Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 83/208 PUBLIÉ être mis en place (couverts végétaux complexes, agroéquipements) »24. La France s'est donné un objectif quantitatif de réduction de 50% de l'usage des PPP, dans un délai de 10 ans, bien qu'assorti de deux réserves : le « si possible » et la nécessité « de maintenir le revenu des exploitations agricoles ainsi qu'une production agricole élevée, adaptée aux demandes du marché ». En complément du retrait des substances les plus préoccupantes, la réduction du recours aux produits phytopharmaceutiques est considérée comme étant « le moyen le plus efficace pour réduire l'exposition de la population et de l'environnement face à ces produits dangereux » 25. La stratégie de cette politique publique a été assez constante dans le temps. Les axes portent principalement sur les outils de persuasion et de promotion de bonnes pratiques en zone agricole. Le volet réglementaire a été activé en zone non agricole pour y interdire l'usage de PPP autres que de biocontrôle dès 201426 avec effet au 1er janvier 2020 puis modifié pour une application en 2017 et enfin renforcé en janvier 2021 par extension des lieux concernés. Il est aussi activé à travers la réglementation des produits phytosanitaires qui par exemple restreint les conditions d'usages à proximité des lieux abritant des personnes vulnérables, ou en interdit certains. Alternatives au glyphosate en grandes cultures, Evaluation économique, Résumé exécutif, Carpentier A., Fadhuile A., Roignant M., Blanck M., Reboud X., Jacquet F., Huyghe C. 24 L'INRAE a conduit quatre analyses pour étudier l'impact de l'interdiction du glyphosate. Toutes les solutions alternatives à mettre en oeuvre présentent des inconvénients en termes d'efficacité (par exemple : le débit de chantier avec un désherbeur mécanique est moindre que le passage d'un pulvérisateur et donc nécessite plus de travail là où la main d'oeuvre est déjà difficile à trouver), de rentabilité et au final une perte de l'excédent brut d'exploitation (EBE) pour un travail augmenté. Hors agriculture, Réseau ferré de France a chiffré à 110M annuel le coût du basculement du glyphosate vers d'autres produits chimiques. 25 26 Plan Écophyto 2018 Loi n° 2014-110 du 6 février 2014 visant à mieux encadrer l'utilisation des produits phytosanitaires sur le territoire national (loi Labbé) Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 84/208 PUBLIÉ Tableau 2: D'un plan à l'autre continuité des objectifs et des axes Pour ce faire, le programme porte essentiellement sur les mesures suivantes : la sélection des fermes pilotes pour démontrer que les baisses d'usage sont possibles sans perte économique pour l'agriculteur. Elle mise sur le « regard par-dessus la haie » pour que les pratiques identifiées percolent dans l'ensemble de la profession. Le réseau DEPHY voit ainsi le jour ; la mise à disposition de tous les agriculteurs d'un outil d'information objectif sur la santé des productions : le bulletin sanitaire du végétal (BSV). La diffusion d'une situation factuelle sans préconisation de traitement est censée déclencher de bonnes pratiques : ne pas traiter en l'absence de risque avéré, mais en présence d'un risque identifié, déclencher une visite au champ et s'assurer d'un risque réel avant de décider le traitement ; la mobilisation la recherche et la formation, pour identifier, inventer et promouvoir les alternatives les plus efficaces. D'autres actions notamment réglementaires peuvent être mises en oeuvre au titre du plan. Les plans d'action nationaux imposés par la directive 2009/128 doivent fixer des objectifs quantitatifs, des cibles, des mesures, des calendriers et des indicateurs en vue de réduire les risques et les effets de l'utilisation des pesticides sur la santé humaine et l'environnement. Mais l'objectif de réduction de l'usage des PPP n'est pas quantifié globalement par l'UE. « Sur les 15 plans nationaux communiqués à la Commission au 31 mars 2019, 13 pays27 se concentrent sur la réduction des risques, tandis que la France et le Luxembourg se concentrent sur la réduction globale de la consommation comme moyen de réduire les risques » 28. Le Luxembourg a fixé un objectif de réduction de l'utilisation des PPP de 50 % d'ici 2030. Il paraît toutefois difficile de mettre sur le même plan la France et ses 29 M d'ha de surface agricole utile (SAU) et le Luxembourg qui dispose de seulement 132 000 ha et, est déjà le plus faible consommateur de PPP de l'UE et dont le revenu par habitant est le plus élevé de l'UE. Autriche, Belgique, République tchèque, Chypre, Danemark, Finlande, Irlande, Lituanie, Malte, Pologne, Portugal, Slovénie et Espagne 27 Rapport de la Commission au Parlement européen et au Conseil sur l'expérience acquise par les États membres dans la mise en oeuvre des objectifs nationaux fixés dans leurs plans d'action nationaux et sur les progrès réalisés dans la mise en oeuvre de la directive 2009/128/CE sur une utilisation des pesticides compatible, 20 mai 2020. https://ec.europa.eu/food/plant/pesticides/sustainable_use_pesticides_en 28 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 85/208 PUBLIÉ La Cour des comptes européenne constate de son côté des insuffisances dans la fixation des objectifs par les États membres (EM) et par l'UE pour suivre les effets et les risques et mesurer les conséquences des politiques mises en oeuvre « notre examen de 18 plans d'action nationaux révisés a montré que 12 d'entre eux comprennent des objectifs quantitatifs et des cibles concernant des actions concrètes ou la conformité aux règles. Peu d'entre eux (2 sur 18) disposent d'objectifs globaux et quantifiés ou de cibles visant à réduire l'utilisation des PPP ou les risques y relatifs », les 2 indicateurs de risques harmonisés définis après la publication de la directive29, l'un sur les statistiques de vente, l'autre sur les procédures d'autorisation d'urgence dites « dérogations 120 jours » 30 seraient scientifiquement discutables. La Cour estime de toute façon que l'indicateur de risques sur les ventes ne « montre pas dans quelle mesure la directive a permis d'atteindre l'objectif de l'UE en matière d'utilisation durable des PPP ». Son constat peut probablement être étendu à l'indicateur national français (cf. 1.2) construit lui aussi sur les ventes. La Cour recommande de tenir compte pour l'indicateur basé sur les ventes de l'utilisation qui est faite des PPP et pour celui sur les dérogations des surfaces agricoles concernées et des volumes de substances actives. Le 20 mai 2020, dans le cadre de la stratégie « de la ferme à la table », la Commission a déclaré qu'elle « prendra des mesures supplémentaires pour réduire l'utilisation et le risque globaux des pesticides chimiques de 50 % et l'utilisation des pesticides plus dangereux de 50 % d'ici à 2030 ». Des incertitudes demeurent sur cette intention et sa traduction pratique. Cette annonce est une vision à long terme qui couvre toute la chaîne alimentaire et laisse la place aux discussions pour assurer une acceptabilité maximale de toutes les parties. Les objectifs chiffrés ne sont pas gravés dans le marbre et le 50% reste à négocier (ce 50% est d'ailleurs entre crochets dans le tableau ci-dessous. De plus, la réduction de 50% ne semble concerner que les PPP chimiques à risque et les PPP à haut risque, alors que ces 2 notions ne sont actuellement pas définies par les diverses réglementations UE. 29 Directive 30 (UE) 2019/782 de la Commission du 15 mai 2019 modifiant la directive 2009/128/CE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne l'établissement d'indicateurs de risques harmonisés. Le premier est basé sur les quantités de produits phytopharmaceutiques vendues dans chaque État membre, tandis que le second s'appuie sur le nombre d'autorisations d'urgence délivrées au titre de l'article 53 du règlement (CE) nº 1107/2009 par chaque État membre. Les deux indicateurs prévoient une pondération afin de tenir compte des propriétés dangereuses intrinsèques de la substance active. https://agriculture.gouv.fr/reduction-des-pesticides-les-indicateurs-de-risque-harmonises-etablis-au-niveaueuropeen. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 86/208 PUBLIÉ Tableau 4: Extrait de la présentation de Pierre BASCOU, DG AGRI, Commission européenne à l'Académie d'agriculture, le 13 janvier Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 87/208 PUBLIÉ La quantité totale de substances actives (QSA) est un indicateur relativement simple à calculer. Elle est d'ailleurs retenue à l'échelle européenne pour suivre les politiques publiques relatives à l'usage durable des produits phytopharmaceutiques. Elle est calculée à partir des données de ventes enregistrées dans la BNVD1. Les données sur les quantités réellement appliquées sur le terrain sont réglementairement consignées par les agriculteurs dans leur « carnet de plaine », mais ces données privées ne sont pas accessibles pour le pilotage du plan Écophyto sauf à travers des enquêtes de pratiques culturales ponctuelles. Figure 1 : évolution des ventes de substances actives. Source : FB, SDES, 2020 La QSA est disponible sur data.gouv au niveau des départements (ventes) et des communes (achats). Il présente l'inconvénient de ne pas prendre en compte l'effet dose. En effet, pour maîtriser l'oïdium sur vigne par exemple, un producteur peut employer un PPP demandant une dose de plusieurs kilogrammes par hectare, ou bien un autre PPP à quelques grammes par hectare : les produits qui s'utilisent à des doses élevées à l'hectare comme le soufre (pourtant un produit « naturel ») représentent une part importante de la QSA totale. Les produits très efficaces, mais utilisés à dose très La banque nationale des ventes de produits phytopharmaceutiques par les distributeurs agréés est alimentée depuis 2009 par les déclarations des bilans annuels des ventes de produits phytosanitaires (https://bnvd.ineris.fr/). Les données saisies par les distributeurs en quantités de produits vendus sont ainsi transformées en quantités de substances actives grâce à un référentiel de données fournissant la composition de produits. 1 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 88/208 PUBLIÉ faible comme certains insecticides n'influent qu'à la marge. Pour ce motif, la QSA n'est pas l'indicateur principal du plan Écophyto 20182, qui lui a été préféré le nombre de doses unité (NODU) pour éliminer ce biais. Le nombre de doses unité (NODU) est un indicateur complexe. Il fait intervenir en plus de la QSA, les usages des produits PPP et les surfaces potentiellement traitées, à travers une dose unité (DU) exprimée en kg/ha. Il peut être calculé pour différents segments d'utilisation3, mais le NODU qui sert de référence pour le plan Écophyto est le NODU Il est comme la QSA calculé à partir des ventes de PPP, et non de leur usage. Ainsi, le NODU permet de tenir compte des poids très différents entre les substances actives en les exprimant sous la forme d'un nombre d'applications. Le NODU est une grandeur qui s'exprime en hectares. Il correspond au cumul des hectares que les quantités vendues permettent de traiter par une dose unité de substance active. Rapporté à la surface agricole utile, le NODU permet d'apprécier le niveau calculé d'intensité d'utilisation des produits phytopharmaceutiques. Il peut être décliné notamment en fonction de la cible (insecticide, herbicide, fongicide). La note de suivi 2018-2019 publiée en janvier 20204 indique un NODU de 126 millions équivalents ha, soit 6,5 traitements à pleine dose 5 sur l'ensemble de la SAU hors prairie permanente, mais incluant la SAU de l'agriculture biologique. Le respect de l'objectif initial (- 50%) aurait supposé d'atteindre en 2018 un NODU à 44 millions d'ha soit 4,6 traitements pleine dose sur l'ensemble de la SAU. En revanche, il n'existe pas de possibilité de déclinaison de cet indicateur à une échelle plus fine que le niveau national si bien que les agriculteurs volontaires utilisent un autre outil : l'indicateur de fréquence de traitement (IFT). L'IFT comptabilise les quantités de PPP (normalisées à travers leur dose homologuée standard) pour une culture donnée. Il représente le nombre de doses de référence utilisées par hectare au cours d'une campagne culturale. Cet indicateur peut être calculé pour un ensemble de parcelles, une exploitation ou un territoire. Il peut également être décliné par grandes catégories de produits (herbicides ; fongicides ; insecticides et acaricides ; autres produits). Le NODU présente l'avantage de prendre en compte les concentrations des PPP et les doses auxquelles ils peuvent être appliqués sur les cultures (doses homologuées). Le biais lié aux poids relatifs des substances (celles pondéreuses efficaces à fortes doses à l'hectare versus des substances efficaces à des doses très faibles) est ainsi annihilé. Il a l'inconvénient de varier en fonction de l'évolution des paramètres entrant dans son calcul, en 2 Extrait du plan Écophyto : Suivre annuellement l'usage des pesticides sur l'ensemble des surfaces cultivées L'efficacité des actions mises en place pour atteindre l'objectif de diminution de moitié de l'utilisation des pesticides peut être mesurée grâce à l'évaluation de leur pression quantitative, mesurée grâce aux données recueillies conformément au point 1,1, éventuellement lissées selon une méthode définie en associant les parties prenantes. Une batterie d'indicateurs de pression sera donc définie, et l'indicateur de référence, le NODU, permettra de montrer aux citoyens l'effort accompli. · usages agricoles classiques ou foliaires, hors produits de traitement de semences et hors produits de biocontrôle : contient tous les produits ayant uniquement des usages autorisés agricoles (comprend également les usages pour le traitement post récolte en vue de leur conservation). 3 · usages non agricoles amateurs : contient tous les produits comportant la mention « emploi autorisé dans les jardins » · usages non agricoles professionnels : contient tous les produits n'ayant que des usages autorisés non agricoles et ne comportant pas la mention « emploi autorisé dans les jardins » 4 5 https://agriculture.gouv.fr/le-plan-Écophyto -qu'est-ce-que-c'est Les 126 M d'ha sont rapportés à 19,6 M d'ha de SAU hors prairies permanentes (Pour 2008, les 88,9 M d'ha de NODU sont rapportés à 19,4 M d'ha de SAU hors prairies permanentes). Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 89/208 PUBLIÉ particulier, les quantités utilisées lesquelles sont fonction de la pression parasitaire de l'année et des surfaces traitées qui varient selon l'assolement6. On peut aussi s'interroger sur les conséquences du retrait de molécules les plus préoccupantes (CMR1 et CMR2) qui pourraient conduire paradoxalement à augmenter le NODU du fait de la multiplication des traitements de substitution. Les Doses unités ne sont pas calculées pour les produits d'enrobage de semences (tel que les néonicotinoïdes) si bien que le NODU agricole ne comporte pas ces produits. Les produits de biocontrôle7 sont suivis à travers la QSA des PPP de biocontrôle vendue et déclarée8, le soufre représentant 66% du total. A contrario, les produits utilisables en AB qui n'entrent pas dans la catégorie de biocontrôle sont pris en compte dans le NODU. C'est le cas du cuivre. La QSA ne peut donc traduire une amélioration de la protection de l'environnement ou de la santé puisque sa construction ne comporte pas de pondération entre les PPP au regard du risque pour la santé humaine (profil toxicologique) et pour l'environnement (profil écotoxicologique). Le NODU corrige partiellement ce défaut à travers les DU (basées sur les doses homologuées déterminées pour minimiser les risques) mais insuffisamment. Le Danemark a introduit dans son propre indicateur trois sous-indicateurs pour la santé humaine, l'écotoxicologie et le devenir dans l'environnement qui permettent de mieux prendre en considération les risques réels des PPP9. Usage des pesticides en agriculture : effets des changements d'usage des sols sur les variations de l'indicateur NODU, NESE n° 39, Avril 2015, Nicolas Urruty, Jean Boiffin, Hervé Guyomard, Tanguy Deveaud 6 Les agents de biocontrôle regroupent des macro-organismes et des produits phytopharmaceutiques comprenant des micro-organismes, des médiateurs chimiques comme les phéromones et les kairomones et des substances naturelles d'origine végétale, animale ou minérale. Leur spécificité est liée à leur caractère naturel ou leur mode d'action reposant sur des mécanismes naturels. Les produits phytopharmaceutiques de biocontrôle sont, comme les autres produits phytopharmaceutiques, autorisés à l'issue d'une évaluation complète des risques pour la santé humaine, la santé animale et l'environnement et conforme aux exigences européennes. Ils figurent sur la liste établie par le ministère chargé de l'agriculture au titre des articles L.253-5 et L.253-7 du code rural et de la pêche maritime. (https://agriculture.gouv.fr/quest-ce-que-le-biocontrole 7 8 9 Ces substances non soumises à la redevance des pollutions diffuses pourraient être sous déclarées par les vendeurs ¨Pesticide Load--A new Danish pesticide risk indicator with multiple applications. Kudsk, P., Jørgensen, L.N., Ørum, J.E., 2018. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 90/208 PUBLIÉ Le NODU agricole évolue tendanciellement à la hausse (+20% entre 2009 et 2017). Il a particulièrement cru en 2018 en lien avec les augmentations d'achats anticipant la hausse significative de la redevance sur les pollutions diffuses qui affecte ces produits en 2019. Figure 2 : Evolution du NODU agricole. Source note de suivi 2018-2019 Le NODU 2019 n'est pas encore publié, mais s'il suit les évolutions des QSA annoncées10, il devrait baisser. La figure 3 montre l'écart important entre le NODU agricole constaté et les objectifs même réévalués des plans Écophyto. 10 https://agriculture.gouv.fr/en-2019-baisse-sensible-des-ventes-des-produits-phytosanitaires Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 91/208 PUBLIÉ Figure 3 : Évolution du NODU agricole (Source : origine des données MAA, d'après la BNVD) Par ailleurs, la disponibilité tardive de cet indicateur (le NODU 2019 n'était pas connu de la mission en mars 2021) nuit à l'ajustement des politiques mises en oeuvre. L'évolution du NODU agricole répond à de multiples facteurs, si bien qu'elle ne suffit pas à traduire les effets d'une politique publique, sauf exception comme vu ci-dessus avec l'anticipation de l'augmentation de la redevance. Ainsi, des résultats positifs en matière de réduction des risques ne sont pas toujours perçus par l'opinion publique comme des avancées du plan : la suppression régulière des molécules les plus dangereuses soit à la suite du nonrenouvellement par l'Europe de la substance active soit par décision française (cf.1.3.1) réduit concrètement le risque ; la suppression d'usage et de vente, par voie réglementaire, des PPP hors les PPP de biocontrôle pour les jardiniers amateurs au 1er janvier 2019 après les restrictions imposées aux professionnels au 1er janvier 201711, a permis de réduire le NODU de ce segment de manière drastique, montrant à cette occasion l'efficacité 12 de la voie réglementaire, quand elle est La loi Labbé modifiée interdit à partir du 01/01/2017 aux personnes publiques d'utiliser/faire utiliser des produits phytosanitaires pour l'entretien des espaces verts, forêts, promenades et voiries (sauf pour des raisons de sécurité...) accessibles ou ouverts au public. Au 1er janvier 2019, l'interdiction s'étend aux particuliers qui ne peuvent plus utiliser ou détenir de produits phytosanitaires sauf ceux de biocontrôle, à faibles risques et autorisés sont interdits à la vente. L'arrêté du 15 janvier 2021 relatif aux mesures de protection des personnes lors de l'utilisation de produits phytopharmaceutiques dans les propriétés privées, les lieux fréquentés par le public et dans les lieux à usage collectif et modifiant l'arrêté du 4 mai 2017 relatif à la mise sur le marché et à l'utilisation des produits phytopharmaceutiques et de leurs adjuvants visés à l'article L. 253-1 du code rural et de la pêche maritime, est venu compléter ces interdictions 11 L'efficacité est appréhendée à travers la baisse de l'indicateur choisi : celui des PPP vendus. La source d'approvisionnement étant tarie, l'absence effective d'utilisation devrait suivre mais le risque d'usage des stocks audelà de la date d'interdiction demeure. 12 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 92/208 PUBLIÉ possible ; Figure 4 : Évolution du NODU en zone non agricole (source: Écophyto note de suivi 2018-2019, janvier 2020) le développement de l'agriculture biologique (AB)13 : Le nombre d'exploitations engagées en agriculture biologique a augmenté de 13% entre 2017 et 2018 pour atteindre 41 600 exploitations fin 2018 et 8,5% de la SAU. Ces surfaces recevant un minimum de PPP, et lorsque nécessaire seulement ceux autorisés en AB contribuent massivement à la réduction du risque (exception faite des conséquences de l'usage des PPP à base de cuivre), ce qui justifie leur soutien financier par Écophyto. 2004 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 Nombre d'opérateurs ayant une activité certifiée de production Surfaces en mode de production biologique (ha) 11 070 25 468 26 465 28 884 32 266 36 691 41 623 47 196 534 086 1 069 883 1 117 980 1 314 164 1 540 128 1 746 486 1 981 853 2 241 345 Pa rt des s urfa ces en mode de production bi o da ns l a SAU Pa rt des expl oi tations bi o da ns l 'ens embl e des expl oi tations a gri col es 1,94% 3,96% 4,14% 4,88% 5,70% 6,46% 7,34% 8,31% 1,78% 5,34% 5,79% 6,33% 7,09% 8,06% 9,14% 10,36% Tableau 1 : Évolution des exploitations et surfaces en AB. Source : Agence BIO / OC, Agreste 2019 13 la progression importante des produits de biocontrôle (+20% entre 2017 et 2018) témoigne L'agriculture biologique fait partie des méthodes de lutte contre les ennemis des cultures à faible apport en pesticides prônées par la Directive Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 93/208 PUBLIÉ d'une utilisation qui s'intensifie. La mise à disposition d'une offre qui se développe grâce à un fort engagement de l'État matérialisé avec la publication d'une stratégie nationale de déploiement en novembre 202014. Cet engagement est reconnu par les professionnels :« Avec les Pays-Bas, la France est le pays qui recourt le plus aux produits de biocontrôle »15 ;, La France est aussi engagée pour faire évoluer le règlement 1107/2009 visant une meilleure sécurité sanitaire, et soutenir le développement de solutions alternatives en particulier celui des substances de base16. Autant d'avancées qui pâtissent de l'évolution défavorable du NODU alors qu'elles portent en elles une réelle diminution de l'impact des PPP sur la santé et l'environnement. Le site gouvernemental https://agriculture.gouv.fr/ecophyto (tout comme le site ECOPHYTO PIC, centre de ressources sur la Protection Intégrée des Cultures, pourtant subventionné par le programme Écophyto) fournit un certain nombre d'informations sur le plan, mais les indicateurs disponibles ayant un rapport avec la réduction des PPP ne sont pas mis en valeur voire même peu accessibles. Quatre notes de suivi du plan de 30 à 50 pages rendent compte de la politique Écophyto entre 2016 et 2020 17 , mais les actions présentées sont dénuées d'indicateurs de suivi, et celles financées par le programme ne disposent ni d'indicateurs d'objectifs ni d'indicateurs d'impact18. À titre d'exemple, dans l'annexe du rapport interministériel sur l'utilisation des produits phytopharmaceutiques de 2017 19 , il était suggéré d'actualiser l'indicateur de risque de santé et sécurité au travail (ISST)20 au motif que « des substances non incluses dans « le Top 15 » de 2011, ont pu voir leur tonnage de vente fortement augmenter, par effet de substitution à une substance retirée, et avoir ainsi un indicateur ISST fortement augmenté ». Cet indicateur ne semble pas avoir été mis à jour. Ainsi, malgré les efforts déployés lors du premier plan, Écophyto n'est toujours pas doté d'indicateurs d'impacts qui prendraient en compte la santé des agriculteurs et des personnes exposées aux PPP, les effets sur la biodiversité (et plus particulièrement les insectes et les oiseaux) ou la qualité de l'eau. 14 15 Stratégie nationale de déploiement du biocontrôle, novembre 2020 https://www.usinenouvelle.com/article/la-france-en-pointe-sur-le-biocontrole-une-solution-qui-monte-poursortir-des-pesticides.N1000869 16 Note des autorités françaises à la présidence du Conseil de l'Union européenne : projet de conclusions du Conseil sur le rapport de la Commission au Parlement européen et au Conseil sur l'évaluation du règlement (CE) n°1107/2009 sur la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et du règlement (CE) n° 396/2005 concernant les teneurs maximales en résidus de pesticides, 13 octobre 2020 ; Note des autorités françaises à la Commission européenne : Encadrement réglementaire des substances de base du 25 novembre 2020. 17 https://agriculture.gouv.fr/le-plan-Écophyto-quest-ce-que-cest 18 D'autres 19 20 risques inhérents à un moindre recours aux PPP devraient aussi être pris en compte dans un souci de cohérence, telle que l'augmentation du risque lié aux mycotoxines lorsque l'on réduit l'usage des PPP Rapport CGAAER/IGAS/CGEDD Utilisation des produits phytopharmaceutiques, décembre 2017 Cet indicateur élaboré par l'ANSES vise à permettre de suivre dans le temps et de façon globale l'évolution de l'impact de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques sur la santé des travailleurs Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 94/208 PUBLIÉ Progressivement le plan a été doté d'une boîte à outils assez complète, voire complexe, mais le bilan de la mise en oeuvre des actions réalisées montre qu'aucune des actions n'a constitué le levier espéré de massification des bonnes pratiques en zone agricole. La réglementation sur les produits : des marges de manoeuvre limitées du fait de la réglementation européenne sur les substances actives Le règlement 1107/2009 1en précise les modalités d'évaluation et d'autorisation. Les États membres ont la responsabilité des autorisations et retraits de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques contenant ces substances. L'autorisation des produits phytopharmaceutiques se fait après qu'une évaluation scientifique a montré que leur utilisation n'a aucun effet nocif sur la santé humaine ou animale ni aucun effet inacceptable sur l'environnement. Celleci prend en compte la connaissance des substances actives, les conditions d'application et les conséquences sur la santé et l'environnement et l'efficacité des produits pour les usages proposés par le demandeur de l'autorisation de mise sur le marché (AMM). Ces règles d'autorisation sont définies par des lignes directrices fixées au niveau européen. Toutefois, l'effet cumulatif de l'usage de nombreuses substances n'est pas encore pris en compte dans les évaluations. Chaque État membre garde la capacité d'appliquer des conditions plus restrictives liées aux conditions techniques, pédologiques ou climatiques. Ils délivrent les autorisations de mise sur le marché (AMM) des PPP contenant une ou plusieurs substances autorisées. Cette réglementation laisse peu de marges de manoeuvre aux États membres pour interdire sur leur territoire des produits contenant des substances autorisées 2 . Il faut démontrer qu'il existe des solutions alternatives satisfaisant à des conditions cumulatives très exigeantes, prévues par l'article 50 du règlement, pour pouvoir les interdire. Le cas récent du glyphosate démontre toute la complexité du processus à mettre en oeuvre3. La réglementation européenne restreint de plus en plus le nombre de substances actives approuvées et la réglementation nationale les produits autorisés, qui sont en nette diminution : respectivement 24% et -46% depuis 2008. Ils ont été retirés car ne répondant plus à un ou plusieurs des critères requis précisés à l'article 4 du règlement n° 1107/2009. En 2018 et 2019, 38 substances ont été retirées4. Règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/CEE et 91/414/CEE du Conseil. 1 2 Rapport CGAAER/IGAS/CGEDD Utilisation des produits phytopharmaceutiques, décembre 2017. 3https://www.anses.fr/fr/content/glyphosate-l%E2%80%99anses-publie-les-r%C3%A9sultats-de- son-%C3%A9valuation-comparative-avec-les-alternatives. 4 Note de suivi Écophyto 208 2019 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 95/208 PUBLIÉ Figure 1 : Évolution du nombre de substances actives et de produits autorisés en France entre 2008 et 2019. Source : ANSES La part des substances « cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction » (les CMR1 (caractère avéré ou présumé) et les CMR2 (caractère suspecté) sont en diminution : Figure 2 : part des substances « cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction » dans le NODU usage agricole. Source : note de suivi Écophyto 2018-2019 La formation et l'information des professionnels ont été dès le départ un axe clé du plan. Des actions majeures ont été mises en place pour former à la réduction et sécuriser l'usage des PPP : Initié avec le premier plan, le dispositif Certiphyto, certification individuelle obligatoire, depuis l'applicateur au distributeur, pour pouvoir acheter ou vendre des PPP, est maintenant mature. La formation initiale de 14 h pour les agriculteurs avec un contenu adapté et sans cesse renouvelé aborde les questions réglementaires, la santé, les alternatives aux produits phytopharmaceutiques. La délivrance du premier certificat est basée sur un QCM avec des questions aléatoires issues d'une base de données très riche. Après 10 ans, les agriculteurs détenteurs des premiers certificats renouvellent leur formation sur une base de 7 h, mais sans QCM5. L'évaluation réelle des connaissances est probablement moins bien appréhendée. En 5 Moins de la moitié des agriculteurs initiaux demandent ce renouvellement. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 96/208 PUBLIÉ tout cas, leur bonne application terrain peut être interrogée lorsque l'on regarde les résultats des contrôles ; A partir du 1er janvier 2020, un conseil stratégique à l'utilisation de PPP, individualisé qui doit orienter au mieux l'agriculteur pour réduire sa consommation de produits phytopharmaceutiques : tout professionnel devra être en mesure de justifier de la délivrance de deux conseils par période de 5 ans. Ce dispositif justifie la séparation capitalistique entre vente/ conseil 6 pour prévenir tout risque de conflit d'intérêts qui pourrait résulter de la coexistence des deux activités dans une même entreprise. Les agriculteurs devront justifier à partir de 2023 de ce conseil pour accéder au Certiphyto. Il est donc probable que le bénéfice de cette obligation ne se traduise pas immédiatement en économie de PPP. De plus, la mission s'interroge sur la portée de ce conseil s'il ne concerne que la question des PPP et n'aborde pas de façon très approfondie l'ensemble des choix techniques, économiques et sociaux de l'exploitation, qui déterminent largement l'usage des PPP ; Les lycées agricoles ont développé, depuis 2014, dans le cadre du projet agroenvironnemental le projet « produire autrement » qui contribue à diffuser les méthodes alternatives au tout chimique aux jeunes en formation. Sur une proposition inscrite dans un rapport de l'INRA7 puis développée dans un rapport conjoint IGFCGEDD-CGAAER8, le dispositif de certificat d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) a été inscrit dans Écophyto 2 dont il se veut une action majeure. Institué à titre expérimental en 2015, ce dispositif transpose les principes des certificats d'économie d'énergie à celui des produits phytopharmaceutiques. Il s'agit de faire promouvoir des solutions alternatives par ceux-là mêmes qui vendent ou prescrivent l'usage de PPP. L'arrêté ministériel du 27 avril 2017 définit la méthodologie d'évaluation des solutions alternatives dénommées « actions standardisées d'économie de produits phytopharmaceutiques » ouvrant droit à des certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP). Cette évaluation est confiée à un groupe d'expertise présidé par le directeur scientifique « agriculture » de l'INRAE. Chaque action, en fonction de 3 critères (effet sur la réduction d'usage d'impact, potentiel et facilité de déploiement, bilan économique), donne droit à un certain nombre d'équivalences en CEPP. La mise en oeuvre de ces CEPP doit logiquement se traduire par une baisse du NODU. Les vendeurs se voient attribuer un objectif en termes de certificats calculé en fonction d'une référence de leurs ventes de PPP exprimée en NODU. En avril 2019, l'expérimentation a été généralisée sans avoir fait l'objet de l'évaluation initialement prévue. De plus, la pénalité financière (5 par certificat manquant) que devaient acquitter les vendeurs a été supprimée. À partir de 2021, les entreprises de vente et les conseillers stratégiques de métropole ont l'obligation Ordonnance no 2019-361 du 24 avril 2019 relative à l'indépendance des activités de conseil à l'utilisation des produits phytopharmaceutiques et au dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques, prise en application de la loi n°2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous. 6 Le projet agro-écologique : Vers des agricultures doublement performantes pour concilier compétitivité et respect de l'environnement. Marion Guillou, Hervé Guyomard, Christian Huyghe, Jean-Louis Peyraud, mai 2013 7 8 Préfiguration de la mise en oeuvre des CEPP, mission d'appui, mars 2014 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 97/208 PUBLIÉ de promouvoir l'équivalent de 20% de leurs ventes de PPP9 soit 16,6 Millions de CEPP. Les Outre-mer ne seront soumises à ces obligations qu'en 2023, pour prendre en compte la spécificité de leurs territoires, comme le préconisait un rapport CGAAER/CGEDD10. Fin décembre 2020, 68 fiches standardisées sont disponibles pour atteindre cet objectif. Les leviers concernent la mise en oeuvre de nouvelles pratiques agronomiques comme l'association de cultures, l'utilisation de variétés résistantes ou tolérantes aux maladies, l'abonnement à des outils d'aide à la décision, le recours à des méthodes alternatives, dont les produits de biocontrôle et des actions permettant de réduire les quantités utilisées telles que le recours à des équipements performants. Des travaux sur d'autres actions comme une valorisation de la diversification et le HVE sont en cours de réflexion pour étendre les possibilités de valoriser les bonnes pratiques en matière de réduction des usages. Le succès est fortement dépendant de l'implication des distributeurs des PPP pour inclure, dans leur stratégie, la valorisation des solutions qui réduisent la vente des produits dont ils tirent un bénéfice. Le nombre de CEPP a progressé entre 2017 et 2019, mais n'atteint que 15% de l'objectif alors que le nombre de fiches standardisées a presque doublé pour arriver à 55 fin 201911 . 28 fiches standardisées ont enrichi les possibilités en 2020. Figure 3 : répartition des actions par levier. Source bilan CEPP 2019 Cette obligation est calculée sur la base des ventes de produits phytopharmaceutiques déclarées à la « banque nationale des ventes réalisées par les distributeurs de produits phytosanitaires » (BNV-D) sur 5 ans. 9 Les quantités déclarées de produits sont converties en nombre de doses. Une moyenne des ventes exprimée en doses unités est ensuite réalisée en excluant l'année au cours de laquelle les ventes ont été les plus faibles et l'année au cours de laquelle elles ont été les plus élevées. L'obligation de réalisation d'actions, fixée en nombre de certificats, est égale à 20 % de cette moyenne. Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer, Rapport CGEDD n° 012594-01, CGAAER n° 18133, juin 2019. 10 11 https://alim.agriculture.gouv.fr/cepp/content/ap_fiches_action (site consulté le 26/02/21) Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 98/208 PUBLIÉ Ce dispositif ne fait pas consensus. Certains dénoncent une « usine à gaz franco-française »12, d'autres y voient un potentiel très prometteur pour réduire l'usage des produits phytopharmaceutiques. Nombre d'interlocuteurs rencontrés, rejoignant la position du député Dominique Potier13, estiment que sa portée a été fortement amoindrie dès lors que les sanctions financières pour non-réalisation des objectifs, qui étaient un signal particulièrement fort, ont été supprimées par le parlement. Les services de l'État et de ses opérateurs assurent le contrôle du bon usage des PPP. La multiplication des réglementations se heurte à des difficultés pratiques. Les règles sont nombreuses (celles relatives aux produits, aux pulvérisateurs et aux conditions d'épandage en fonction des heures et conditions climatiques, mais aussi des distances par rapport aux habitations) et les moyens humains sont limités. En 2019, les services régionaux de l'alimentation (SRAL) des directions régionales de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt (DRAAF) ont réalisé 6500 inspections dont près de 3500 chez les agriculteurs bénéficiaires des aides de la PAC. Ces contrôles révèlent que près de 20% des exploitants ont encore des pulvérisateurs non conformes et que près de 15% détiennent des PPP sans AMM valide. Une centaine de procès-verbaux ont été dressés, avec des suites variables sans que l'on dispose à ce stade des suites données par les procureurs de la République. Le faible nombre de contrôles en ce domaine (chaque année seulement 1% des bénéficiaires des aides de la PAC) est faible. Les agriculteurs contrôlés disposent d'un délai de 4 mois pour mettre en conformité le matériel et échapper ainsi à des sanctions financières. La Cour des Comptes européenne relève que le contrôle de la protection intégrée des cultures est déficient : « en France, les inspections dans le domaine des PPP portent sur l'utilisation de méthodes et d'outils de surveillance et consistent à examiner si les agriculteurs utilisent des PPP biologiques et des méthodes visant à réduire l'utilisation des PPP chimiques, mais aucune sanction n'a été définie en cas de non-conformité ». L'agriculteur de bonne foi peut certes se retrouver en non-conformité en regard de règles cumulatives et nombreuses, mais celui de mauvaise foi peut compter sur la faiblesse de la probabilité d'un contrôle, et la probabilité encore plus faible qu'une sanction soit prise et mise en oeuvre14. Le ministère de l'agriculture et de l'alimentation (MAA) a prévu de nouvelles dispositions pour améliorer l'efficacité des contrôles, en meilleure adéquation avec les exigences de la directive 2009/128 CE (modification de l'article D.256-13 du CRPM, enregistrement obligatoire des pulvérisateurs, classification des pulvérisateurs selon leur performance agro-environnementale, en vue d'une labellisation). L'incidence de ces mesures sur le NODU n'est pas chiffrée. Ainsi la fréquence et la portée des contrôles ne sont que faiblement dissuasives. L'usine à gaz des CEPP expliquée en 3 minutes, https://www.youtube.com/channel/UCxooxCiflBsJJ3PnGRg69jA 12 13 agriculture et environnement, avril 2017 Le député Dominique Potier, qui a préfiguré le plan Écophyto 2 a indiqué le 22 mai 2019 qu'il formait un recours pour excès de pouvoir contre l'ordonnance du 24 avril 2019 dans la mesure où « A contrario des engagements exprimés à plusieurs reprises dans l'hémicycle, l'ordonnance, en supprimant toute sanction, renonce de fait aux CEPP, sans que cela ait fait l'objet d'un débat par le Parlement ». Ces éléments sur l'activité des services spécialisés des DRAAF, les SRAL, figurent dans un rapport du CGAAER « 7 DRAAF, 5 ans après la réforme de 2015 » en attente de publication. 14 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 99/208 PUBLIÉ Dès Écophyto 2018, un dispositif d'accompagnement des agriculteurs pour adopter des pratiques économes en intrants a été mis en place. Il est dénommé DEPHY (pour Démontrer Expérimenter et Produire des références sur les systèmes économes en pHYtosanitaires). Il se compose d'un réseau de fermes de démonstration et d'un réseau d'expérimentation coordonnés localement et nationalement, et d'un système d'information (AGROSYST) Figure 4 : les acteurs du réseau DEPHY. Source : Vers un plan stratégique pluriannuel pour le réseau DEPHY, CAN, mai 2018 Ce dispositif phare est le mieux doté du programme Écophyto au niveau national (15 M annuel). Des résultats significatifs obtenus pour des agriculteurs motivés et accompagnés Le réseau fermes a démontré l'existence de solutions pour réduire l'usage des PPP15, affichant des baisses de l'Indice de fréquence de traitement (IFT) qualifiées de significatives dans les filières de production de : 15 Le réseau DEPHY FERME, 3 000 agriculteurs engagés dans la réduction des phytos, Écophyto, Novembre 2018. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 100/208 PUBLIÉ 14% dans la filière grandes cultures polyculture-élevage, 17% dans la filière viticulture 25% dans la filière arboriculture, 37% dans la filière cultures tropicales 38% dans la filière légumes, 43% dans la filière horticulture Ces résultats sont calculés entre les IFT initiaux à l'entrée dans le réseau et l'IFT moyen calculé sur les années 2015-2016-2017. Des travaux de recherche tendent à confirmer qu'un accompagnement des agriculteurs entraîne effectivement une baisse des IFT16 sans avoir nécessairement de baisse sur la rentabilité17. Dans cette étude, ils estiment que le programme génère une réduction de l'usage des PPP de 8 à 20%, pour un coût annuel de 150/ha. Mais ces résultats peuvent apparaître décevants : ils ne sont obtenus que sur certaines cultures et pas forcément à l'échelle de toute l'exploitation, et ces moyennes sont toutes inférieures à l'objectif assigné d'une réduction d'usage de 50%. De plus, ces pratiques culturales économes en intrants ont été obtenues par un accompagnement très important (1/2 ingénieur par groupe de 10 à 12 fermes). Elles peinent à essaimer auprès l'ensemble des agriculteurs (cf. § suivant). Des objectifs antagonistes donnés au réseau, les activités qui sont demandées aux ingénieurs et l'absence de plan stratégique en seraient les causes. De plus, la démultiplication du réseau n'a été pensée que sous la forme d'une diffusion « par-dessus la haie »18 alors que les dimensions territoriales et économiques constituent des freins aux développements de pratiques innovantes. L'enregistrement des données dans la base unique Agrosyst constitue un gisement d'informations précieuses19, mais qui reste peu exploitée. Ces résultats, chez quelques agriculteurs motivés et accompagnés et qui ne concernent qu'une partie de leur production, sont bien insuffisants au regard de l'objectif général de -50% de réduction de l'usage des PPP. Aussi, la DGPE a entrepris dès 2019 une consultation20, pour établir un plan stratégique et faire évoluer le système DEPHY à la faveur de l'échéance du cycle actuel, en décembre 2021. La nécessité de pérenniser l'outil fait consensus au sein du réseau21 car il : « constitue une base fondatrice permettant d'assumer politiquement et techniquement le plan ; répond aux besoins de connaissances encore importants pour rechercher et documenter les solutions vers la baisse des phytos ; répond à un besoin de capitalisation et de transmission des savoirs et expériences sur la manière d'accompagner les agriculteurs dans le changement ». 16 Providing technical assistance to peer networks to reduce pesticide use in Europe: Evidence from the French Écophyto plan Margaux Lapierre, Alexandre Sauquet, Subervie Julie Hal, 2019 V2 17 Le plan Écophyto de réduction d'usage des pesticides en France : décryptage d'un échec et raisons d'espérer, Guichard et al, EDP Sciences, 2017 18 Le SI Agrosyst est néanmoins perfectible. Beaucoup d'informations sont inexploitées, d'autres font cruellement défaut (ex données économiques). Les données manquent de « généricité » 19 Réflexion stratégique Dephy 2019-2020, Synthèse de la concertation et premières orientations, Version du 21/02/2020, projet transmis aux membres du CS Dephy. 20 21 MTE, MAA, OFB, Instituts techniques, ONG, APCA, CRA, INRAE, CNRS, Terre Innovia, ONVAR Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 101/208 PUBLIÉ L'outil doit cependant évoluer pour sortir du couple agriculteur/conseiller, faire participer des filières et territoires ; plusieurs pistes sont évoquées dont celle de laboratoires d'innovation territoriale. La production de références visant la reconception des systèmes est considérée comme fondamentale ; deux axes de travail se dégagent l'un pour caractériser les systèmes à bas intrants et qualifier leur transférabilité et l'autre pour caractériser des systèmes moins performants pour identifier les leviers et les freins. Sur les bases de ce travail, un nouvel appel à candidature a été lancé en janvier 2021 pour renouveler le réseau22avec des exploitations explicitement engagées dans les principes de la protection intégrée des cultures. L'animation des fermes DEPHY souffre d'une insuffisante articulation avec le conseil agricole La mission souhaite ici mettre l'accent sur les ingénieurs réseaux dont 54 % relèvent des chambres d'agriculture, leur lien avec les conseillers et la formation de ces derniers, sujets fréquemment abordés lors des auditions. Les modalités de financements de DEPHY conduisent à recruter des ingénieurs réseaux en CDD. Ces postes sont pourvus en général par de jeunes ingénieurs et leur taux de rotation est particulièrement élevé (22% annuel en moyenne annuelle). Il conduit à renouveler quasiment ¼ du réseau tous les ans. Leur formation est chronophage pour le réseau. L'implication des conseillers « traditionnels » en place pour promouvoir dans la mise en oeuvre des objectifs du plan Écophyto est, d'après plusieurs témoignages, jugée trop faible. Ce n'est que très récemment qu'a été initié un plan de formation des conseillers des chambres d'agriculture pour accompagner les agriculteurs dans le diagnostic stratégique à l'utilisation des PPP (150 conseillers formés à ce jour). Et les chambres d'agriculture, opérateurs de l'État, ont inscrit les formations de leurs conseillers dans un calendrier avec un pas de temps qui semble être de cinq ans, ce qui paraît encore très long pour une politique prioritaire du gouvernement engagée depuis maintenant plus de 10 ans et dans laquelle elles ont revendiqué un rôle leader. D'autres acteurs peuvent aussi s'emparer de ce conseil 23 . En l'absence de référentiel de compétences, il n'y a aucune garantie sur la qualité du conseil délivré. Or, nombre de nos interlocuteurs estiment absolument nécessaire de faire monter en compétences l'ensemble des conseillers si on veut obtenir des résultats. Ces facteurs prennent leur part dans les origines d'un manque de massification des acquis de DEPHY auprès de la population générale des agriculteurs. Finalement, bien que la DGPE en prolonge l'expérience (nouvel appel à candidatures paru le 20 janvier 2021), le bilan objectif de cette action emblématique du plan Écophyto, les fermes DEPHY, reste à faire. En recrutant des chefs d'exploitation volontaires et motivés, et en les accompagnant par des conseillers dédiés, le plan et le programme national Écophyto ont démontré des éléments de faisabilité de l'objectif de réduction de 50% des PPP. Mais les résultats obtenus ne permettent en aucun cas de démontrer que cette réduction est faisable partout, et elle n'a pas suffi à entraîner derrière elle la majorité des agriculteurs dans une trajectoire de réduction forte de l'usage des PPP. C'est l'ambition d'une action nouvelle définie avec Écophyto 2 : le réseau 30.000. 22 23 Instruction technique DGPE/SDPE/2021-5525/01/2021 Conseiller autrement l'utilisation des pesticides pour produire autrement, rapport CGAAER 13057, juin 2013 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 102/208 PUBLIÉ En 2014, le rapport Potier a proposé de faire rayonner les fermes DEPHY. Dans la droite ligne du projet agroécologique pour la France 24 , le plan Écophyto 2 a repris l'idée de développer un dispositif spécifique d'accompagnement vers la réduction des PPP. L'objectif est de diffuser les résultats des fermes DEPHY et de passer à une application concrète à plus grande échelle. Cette démarche concerne des collectifs d'agriculteurs autour d'un projet de réduction des PPP, qui sont alors accompagnés pour la mise en oeuvre. Il visait l'adhésion de 30 000 agriculteurs en 2021, soit environ 8 à 10% des exploitations, un seuil audelà duquel la diffusion « par-dessus la haie » serait naturelle25. Le financement est prévu sur la part de la redevance pour pollutions diffuses régionale et a représenté 9 M d'AE et 3,5 M de CP en 2019. L'outil n'est pas très différencié de celui des Groupements d'intérêt économique et environnemental (GIEE) lancés en 201526. D'ailleurs, les appels à projets annuels sont communs depuis début 201927 bien que les sources de financement soient différentes (CASDAR par les DRAAF pour les GIEE et RPD par les agences de l'eau pour les 30 000). La disparité des taux d'aide entre les 2deux dispositifs (jusqu'à 80% pour les GIEE, mais limité à 50% pour les 30 000) et leur variabilité selon les agences de l'eau en complique l'articulation et la mise en oeuvre. Elle peut en outre orienter le choix des agriculteurs. Il serait opportun de poursuivre la convergence et d'opérer une fusion opérationnelle commune au moins sur tout le territoire métropolitain, comme le comité des financeurs de la région Haut de France l'a initié. Considérant que 50% des GIEE ont comme orientation première le thème des PPP, qu'une réduction significative des PPP suppose la mobilisation de pratiques agroécologiques, et que la réduction des PPP doit concerner tous les agriculteurs, le maintien de ces deux dispositifs interroge. Ceci est d'autant plus vrai qu'avec seulement 6000 agriculteurs en 5 ans (2016-2020), le résultat des groupes 30 000 est loin d'être atteint et est même considéré comme un échec pour bon nombre de nos interlocuteurs. Quand bien même les 30 000 exploitations aidées et les 3000 fermes DEPHY arriveraient à réduire de 50% leur consommation, leur poids dans l'ensemble des exploitations agricoles (7%), resterait limité et le résultat conduirait à une réduction pour l'ensemble des exploitations de l'ordre de 4 % (en faisant l'hypothèse que les surfaces des exploitations engagées soient représentatives de la moyenne de la Ferme France). Figure 5 : Évolution du nombre d'agriculteurs engagés. Source : Direction générale de la 24 25 Projet agro-écologique pour la France, Stéphane Le Foll, 2012 « Une telle mesure permettra d'atteindre la taille critique à partir de laquelle la suite du processus de transformation de l'agriculture française se fera par des mécanismes plus classiques de « diffusion par-dessus la haie ». Rapport de Dominique Potier Groupements d'agriculteurs qui s'engagent dans un projet de modification ou de consolidation de leurs pratiques en visant à la fois des objectifs économiques, environnementaux et sociaux. 26 27 Voir à titre d'exemple: https://draaf.hauts-de-france.agriculture.gouv.fr/Appel-a-projets-Emergence-et-mise Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 103/208 PUBLIÉ Performance économique et environnementale des entreprises (MAA) Le nombre d'agriculteurs engagés dans ces dispositifs reste trop modeste, 12 ans après le lancement du plan. Le bulletin sanitaire du végétal (BSV) est un bulletin gratuit pour ses lecteurs qui présente de façon « neutre » l'état sanitaire des cultures. Il est le produit de sortie d'un vaste réseau d'épidémiosurveillance constitué par des observations hebdomadaires sur 15 000 parcelles de cultures et piloté par les chambres régionales d'agriculture, avec des contributions de nombreux partenaires et des agriculteurs. Le ministère de l'Agriculture a initié la surveillance de la santé des cultures dès 1941 et produit des avertissements agricoles jusqu'en 2010. En 2005, constatant que d'autres acteurs fournissaient également ce service, et sous la pression d`une réduction des moyens de l'État, il a commencé à envisager le transfert de cette activité, encouragé par la directive 2009/128, laquelle prévoit que les États « établissent ou soutiennent la création des conditions nécessaires à la mise en oeuvre de la lutte intégrée contre les ennemis des cultures. Ils s'assurent en particulier que les utilisateurs professionnels aient à leur disposition l'information et les outils de surveillance des ennemis des cultures et de prise de décision, ainsi que des services de conseil sur la lutte intégrée contre les ennemis des cultures ». En mettant en avant que la surveillance est une stratégie efficace pour raisonner les itinéraires techniques de protection des végétaux et peut permettre de réduire l'usage des pesticides 28 ,. le ministère chargé de l'agriculture a pu justifier de transférer le financement de cette mission sur le programme Écophyto et en confier l'organisation à l'APCA. La Direction générale de l'alimentation pilote cette action et organise l'animation régionale dont la mise en oeuvre effective est confiée aux chambres régionales de l'agriculture, avec le concours de nombreux partenaires. Écophyto 2008-2018 prévoit ainsi la mise en place d'une organisation partenariale permettant le transfert systématique des informations par le réseau d'épidémiosurveillance vers le système d'information mutualisé. La diffusion des données traitées est réalisée sous la forme de « bulletins de santé du végétal » et gratuitement mis à disposition du public notamment des agriculteurs. Écophyto 2 et 2+ ajustent l'objectif avec l'amélioration du BSV qui devient une action de l'axe 1 « changement des pratiques ». Ce réseau fait l'objet de suggestion d'améliorations. Pour la DGAl, le réseau doit mieux contribuer à la surveillance des organismes nuisibles réglementés et émergents. Selon L. Guichard28, « faire du BSV un outil au service de la réduction d'usage impliquerait un réseau de surveillance différent, dont l'échantillon de parcelles serait choisi pour explorer et suivre une diversité de situations agronomiques, à même d'induire des pressions de bioagresseurs différentes, qu'il viserait à expliquer ». Un très récent rapport CGAAER/CGEDD29 dresse un panorama particulièrement étoffé de ce dispositif, de ses avantages, mais aussi des réorientations à opérer. Au titre des avantages, cet outil est une composante indispensable du dispositif plus large de la surveillance biologique du territoire. Il permet de soutenir les exportations pour apporter les garanties sanitaires requises dans les pays tiers pour des organismes nuisibles non réglementés, la surveillance des organismes réglementés étant exercée Guichard L, Dedieu F, Jeuffroy M-H, Meynard J-M, Reau R, Savini I. 2017. Le plan Écophyto de réduction d'usage des pesticides en France : décryptage d'un échec et raisons d'espérer. Cah. Agric. 26: 14002. 28 Le réseau d'épidémiosurveillance financé par le plan Écophyto : Réorientations à opérer. Rapport CGEDD n° 01257701, CGAAER n° 18129, Décembre 2019 29 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 104/208 PUBLIÉ par les services de l'État. Toutefois, il n'est pas possible d'établir un lien de causalité entre l'existence du BSV et l'évolution des usages des produits phytopharmaceutiques. Il n'existe pas d'indicateurs d'impact permettant de juger de son efficacité. De plus, les BSV couvrent essentiellement les ravageurs et les maladies, mais très peu les adventices alors que les herbicides représentent plus de 40% du NODU. En conséquence, son intérêt est affirmé, mais tout en préconisant des améliorations dans le fonctionnement technique et la gouvernance, les auteurs recommandent de revoir les modalités de son financement. À court terme, ils suggèrent qu'une part des crédits soit gérée au niveau national au bénéfice d'actions d'ampleur nationale et, à moyen terme, de rechercher d'autres sources de financements. Pour celles-ci, ils évoquent la possibilité de rendre cette mission obligatoire par les chambres d'agriculture et les instituts techniques, ou encore de mettre à contribution des exportateurs via l'augmentation de la redevance sanitaire. L'APCA estime quant à elle que cette surveillance est de la responsabilité de l'État et que s'il leur revenait d'assurer cette surveillance, il faudrait « le facturer aux agriculteurs ». Depuis le premier plan Écophyto, la nécessité de développer la connaissance fondamentale et appliquée pour identifier des alternatives aux PPP est bien identifiée et constitue un des axes importants du plan. Une recherche de plus en plus fondamentale ? Son intitulé a changé au cours du temps, comme l'a montré le tableau 1 : le plan de 2006 affichait la nécessité de renforcer la connaissance sur les impacts des PPP. En 2008, Écophyto 1 met l'accent sur les innovations dans la conception et la mise au point des itinéraires techniques ou systèmes de culture économes en PPP. Écophyto 2 et 2+ souhaitent amplifier les efforts de recherche, développement et innovation : cette évolution sémantique semble montrer qu'on se pose des questions de plus en plus fondamentales ! La prise de conscience que la réduction des PPP pose des questions de recherche, et pas seulement de transfert et de diffusion d'innovations matures, s'est traduite dans le rapport Potier (2014) à l'origine du plan Écophyto 2 (2015) qui ouvre sa gouvernance aux deux ministères chargés de la recherche et de la santé. Écophyto 2+ permet également d'apporter de la visibilité plus globale. Les enjeux des PPP sont ainsi insérés explicitement dans la stratégie nationale de la recherche, qui définit les priorités nationales que l'ANR, qui dispose des crédits, attribue par appel à projets. L'INRAE, organisme de recherche finalisé sur les questions d'agriculture, d'alimentation et d'environnement, mais aussi le CNRS et l'INSERM et quelques universités et écoles sont depuis longtemps engagés dans des travaux de recherche sur les PPP et leurs alternatives. Avec un budget annuel de près d'1Md dont 75% de subvention pour charge de service public, l'INRAE a des possibilités importantes de mobilisation sur ces sujets qui sont au coeur de sa mission statutaire. Il entretient ainsi au long cours plusieurs dispositifs expérimentaux bas intrants, en élevage, grandes cultures ou arboriculture, pour certains d'entre eux depuis plus de 40 ans, et joue un rôle clé dans le pilotage scientifique du plan Écophyto, en même temps qu'il est un des premiers bénéficiaires des actions financées par le programme sur l'axe 2 recherche du plan. Des financements Écophyto complémentaires des autres sources de financement ? Pour la période récente, la réduction des PPP fait également l'objet de plusieurs types de financements dédiés. Dans le cadre de la stratégie nationale de la recherche, un montant de 30 M a été attribué (hors Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 105/208 PUBLIÉ programme Écophyto), sur le programme des investissements d'avenir, pour le programme prioritaire de recherche « Cultiver et protéger autrement » porté par l'Inra et l'ANR. L'INRAE (ainsi que l'ACTA et l'APCA pour certains projets) est également impliqué dans plusieurs projets de recherche européens retenus dans le cadre du programme H2020 : H2020 IPMWorks vise la mise en place d'un réseau européen de démonstration sur le modèle des fermes DEPHY ; ReMIX cherche à promouvoir les cultures associées (5M sur 4 ans) ; DiverIMPACTS s'intéresse à la diversification des cultures et la mobilisation des acteurs, notamment par des approches agronomiques, mais aussi de sciences économiques et sociales. D'autres sources de financement sont également mobilisées, notamment le CASDAR. Par ailleurs, l'ANR a lancé un premier appel à projets « Écophyto-Maturation » orienté biocontrôle et outils d'aide à la décision, avec des projets déjà assez avancés (TRL30 de 5). Un deuxième appel est en cours sur « les leviers mobilisables pour une transition vers un changement de systèmes » Il vise des projets d'un TRL de 3 ou 4, à amener à un TRL 5 en fin de projet. Ces AAP sont financés sur le programme national. La dynamique de la mobilisation est ainsi en train de changer d'échelle : alors que 16,3 M de crédits Écophyto avaient été mobilisés entre 2009 et 2016 pour 220 projets labellisés, soit environ 2M/an, 5,3 M ont été mobilisés en 2017 pour 36 projets, et à nouveau 7,5 M en 2018-2019. Et la maquette 2020 prévoit 7 M sur cet axe 2, dont 0,5 d'actions structurantes. Finalement, on peut s'interroger sur ces évolutions qui peuvent paraître paradoxales par rapport à la trajectoire initiale : Alors que le plan initial était fondé sur l'idée qu'il suffirait d'identifier les innovations et d'aider leur diffusion, les modifications du plan l'ont progressivement orienté sur des questions plus fondamentales et amont, justifiant une augmentation de la part du programme consacrée à ces travaux ; Parallèlement, l'UE, avec le programme européen H2020, et la France, avec sa stratégie nationale de la recherche, ont intégré explicitement les enjeux de la réduction des PPP, et ont commencé depuis 3 ans à mobiliser des financements beaucoup plus importants que ceux qui étaient possibles avec le programme Écophyto et/ou le CASDAR. Ce constat est rassurant : des équipes plus nombreuses, avec davantage de moyens, sont mobilisées sur les enjeux dont la difficulté avait manifestement été sous-estimée. Mais il est aussi inquiétant : la recherche a des temporalités longues, et donc la part des ressources du programme Écophyto qui est affectée à ces actions risque de n'avoir que des impacts assez faibles sur la durée prévue du plan : alors que le plan peine à atteindre ses objectifs, une partie significative de ses rares financements dédiés est utilisée pour financer des projets dont l'impact probable est au-delà des échéances du plan ! On peut aussi considérer que le programme Écophyto a permis d'initier ou de soutenir, on pourrait dire amorcer, des travaux de recherche qui devraient désormais trouver leurs moyens de financement dans les canaux ordinaires, notamment via l'Agence nationale pour la recherche (ANR). Ces ressources du programme pourraient ainsi, le cas échéant, être progressivement redéployées vers d'autres actions. L'échelle TRL (Technology readiness level) évalue le niveau de maturité d'une technologie jusqu'à son intégration dans un système complet et son industrialisation. Elle compte 9 niveaux, depuis l'observation des principes de base (1) jusqu'à la validation du système dans un environnement réel (9). Un niveau 5 correspond à une validation de la technologie en environnement représentatif. 30 https://www.cea.fr/multimedia/Documents/infographies/Defis-du-CEA-infographie-echelle-trl.pdf Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 106/208 PUBLIÉ Cette orientation pourrait être différenciée selon la maturité sur l'échelle TRL, l'actuel AAP ÉcophytoMaturation, de TRL élevé, pouvant constituer un modèle sur lequel le programme pourrait se concentrer. Les agroéquipements (matériel de précision, matériel pour l'épandage ou encore matériel de substitution à l'usage de PPP) sont un levier majeur pour atteindre l'objectif de réduction de l'utilisation, des risques et des impacts des produits phytopharmaceutiques. Pour favoriser l'investissement des agriculteurs, le programme Écophyto 2 subventionne sur la part régionale du matériel performant sur les plans économique, environnemental et social tout en renforçant le contrôle des pulvérisateurs. Plus des 2/3 de l'enveloppe régionale d'Écophyto y sont consacrés. Depuis mai 2020, un dispositif national complémentaire de 30 millions d'euros est mobilisé pour renforcer la protection des riverains et accompagner les agriculteurs « dans la mise en place de zones de non-traitement à accompagner les agriculteurs qui investissent dans des matériels permettant de limiter les distances de traitement et de mettre en place des itinéraires techniques plus économes en produits phytosanitaires ». Dans le cadre du plan de relance, 215 millions d'euros sont consacrés aux aides à la conversion vers des équipements permettant de réduire l'usage des intrants : buses permettant de réduire la dérive, équipements d'application des produits phytopharmaceutiques permettant de réduire la dérive de pulvérisation, certains équipements de substitution à l'usage de produits phytopharmaceutiques, matériel de précision, ainsi que les matériels bénéficiant de la labellisation « Performance Pulvé ». En contrepartie de l'aide, l'exploitant s'engage notamment à « retirer un ancien matériel ». Ce plan a rencontré un véritable succès : lancé le 4 janvier 2021, plus de 14 000 demandes ont été déposées moins d'un mois plus tard entraînant la fermeture du guichet. Près de 75 % des demandes portent sur du matériel de substitution (matériel de désherbage mécanique par exemple) et 1,4% seulement sur du matériel de pulvérisation. Dans ces conditions, la poursuite du financement de ces outils via le programme Écophyto régional est clairement questionnée. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 107/208 PUBLIÉ Cette annexe est la version détaillée de la section 2.2, relative aux leviers du plan Écophyto. Elle cherche à identifier et décrire les conditions d'emploi des actions susceptibles de contribuer de manière efficace et efficiente aux objectifs fixés par le plan Écophyto, en s'appuyant sur des travaux théoriques et les compte-rendu d'observations disponibles, en France et en Europe. La mission s'est en particulier appuyée sur plusieurs travaux de synthèse récemment publiés (notamment Lee & alii, 2019) 1 . Cette annexe suppose que la plus grande partie des solutions alternatives aux PPP sont disponibles dans la plupart des situations de production (Lechenet & alii, 2017) 23 , mais que leur diffusion se heurte à l'organisation du marché (idem) ou à des effets de « verrouillage sociotechnique » (Guichard & alii, 2017) 4 . L'action doit donc viser l'agriculture, mais aussi ses fournisseurs et clients, idéalement jusqu'au consommateur, et en prenant en compte l'ensemble des enjeux et externalités, dans une approche à la fois One Health, incorporant la biodiversité et les enjeux de santé, et de la ferme à la fourchette (Möhring, 2020)5. Quatre groupes d'actions, persuasion, segmentation, incitation et réglementation, sont ici distingués, sur une échelle de contrainte croissante : La communication, le conseil et l'animation de réseau cherchent à persuader les acteurs d'abandonner les pratiques intensives en PPP (levier 1) ; La labellisation sur une base volontaire des pratiques économes en PPP, permet de les distinguer des pratiques plus intensives en PPP (levier 2) ; La politique incitative, fiscale notamment, agit sur l'ensemble des acteurs, mais sans les contraindre (levier 3) ; La réglementation, associée à la PAC, limite les possibilités d'usage des produits ou encadre les pratiques (levier 4). Depuis 2008, le plan Écophyto a conduit des actions relevant de ces quatre groupes, mais pour l'instant sans succès apparent, à l'exception de l'essor encore limité mais incontestable de l'AB. Nous détaillerons à quelles conditions elles peuvent pourtant contribuer à (et devenir des leviers de) la massification de pratiques de réduction de l'usage des PPP, restées pour l'instant trop confidentielles, de manière à se donner toutes les chances d'atteindre dans un délai de 10 ans une réduction de 50% de l'usage des PPP. Nous verrons également, en dernière section, comment ces leviers peuvent être combinés ou être utilisés de manière alternative. Notamment : Assessment of policy instruments for pesticide use reduction in Europe; Learning from a systematic literature review, Rhiannon Lee, Roos den Uyl, Hens Runhaar, Crop Protection 11 Volume 126, December 2019, 104929. Cet article, dont les conclusions sont résumées plus bas, est intéressant mais il a le défaut de ne retenir que les leviers touchant directement les agriculteurs. 2 Reducing pesticide use while preserving crop productivity and profitability on arable farms, Martin Lechenet, Fabrice Dessaint, Guillaume Py, David Makowski & Nicolas Munier-Jolain, Nature Plants volume 3, Article number: 17008 (2017) 3 Le plan Écophyto de réduction d'usage des pesticides en France : décryptage d'un échec et raisons d'espérer, Laurence Guichard, François Dedieu, Marie-Hélène Jeuffroy, Jean-Marc Meynard, Raymond Reau, Isabelle Savin, Cahiers de l'agriculture n°26, 2017 4 Pathways for advancing pesticide policies, Niklas Möhring, Karin Ingold, Per Kudsk, Fabrice Martin-Laurent, Urs Niggli, Michael Siegrist, Bruno Studer, Achim Walter & Robert Finger, Nature Food volume 1, pages 535­540(2020) 5 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 108/208 PUBLIÉ Levier 1 : La persuasion, un « levier » qui s'avère insuffisant Le plan se donne un objectif quantitatif (non impératif, sous conditions) de réduction de l'utilisation des PPP : c'est en première approche un moyen simple de tracer une perspective commune, et d'engager chacun à y participer. Moins 50%, pour qui ? Mais, l'objectif est en réalité une contrainte quantitative assez arbitraire, avec un objectif défini « en moyenne » et dont chacun peut se sentir exonéré dans son activité propre, ce qui ne forme pas dans la durée une perspective positive fédératrice des énergies. Par exemple pourquoi ceux (exploitants, filières) qui font depuis longtemps des efforts seraient-ils encore autant concernés par cet objectif de réduction de 50% que ceux qui, dans la même période, ont augmenté leur recours aux PPP ? Un objectif non de baisse de l'usage moyen, mais de réduction des usages intensifs, pourrait ainsi paraître plus judicieux. De surcroît la déclinaison régionale et sectorielle de l'objectif est calculée ex-post, mais n'est pas pilotée par des cibles ex ante, avec des responsables déconcentrés bien identifiés et ayant la main sur les leviers (l'analyse des feuilles de route régionales du plan Écophyto a confirmé ce constat6). Finalement l'objectif de réduction de 50% des PPP apparaît ainsi comme l'expression d'un souhait, mais qui n'a pas de valeur persuasive pour ceux qui ne veulent pas la recevoir, et qui n'est pas décliné de manière opérationnelle. Piloter par les risques ? Au contraire, les autres pays audités par la Cour des comptes de l'UE (2020), à l'exception du Luxembourg, ont choisi de piloter leur plan par les risques des PPP et non pas par les quantités. Cette exception française est-elle tenable dans la durée ? La motivation du plan est l'existence de risques majeurs liés à l'usage des PPP, comme vu en première partie du rapport, et rappelé par une décision du Conseil d'État. Les études sur l'effondrement de la biodiversité (dans les sols, insectes, oiseaux) et sur la dégradation de la qualité de l'eau sont nombreuses, mais ne sont qu'exceptionnellement prises en compte pour justifier les actions du plan Écophyto, et les enjeux relatifs à la santé humaine encore moins. Les sinistres liés à la survenance des risques ne sont pas suffisamment décrits7. On pourrait prendre l'exemple des actions pour réduire les accidents de la route ou la tabagie : les réussites indéniables de ces plans, chiffrés en nombre de victimes potentielles épargnées, ont permis de réduire les risques dans des proportions supérieures aux objectifs d'Écophyto. En termes économiques, l'enjeu collectif du plan ­ pas seulement pour les agriculteurs, mais pour l'ensemble de la société -, on pourrait dire son « sens8 », est d'estimer et prendre en compte, pour les réduire ou les compenser 9 , l'ensemble des « externalités » positives 10 et négatives générées par l'utilisation des PPP et des autres produits biocides aux effets comparables. Certes les PPP sont soumis 6 7 Analyse des feuilles de route Écophyto régionales par la mission Bisch (été 2020) Ainsi l'expertise collective menée par l'INSERM en 2013, et dont l'actualisation était annoncée depuis plusieurs mois, n'établit pas de risques par substances ou produits. Le sens de l'action publique tel que perçu et ressenti par ceux dont leur succès dépend est une question clé. On peut lire par exemple la philosophe Corine PELLUCHON « Réparons le monde », Rivages poche, 2020 8 Ainsi un nouveau plan « Chlordécone » vient d'être annoncé, pour un montant de plus de 90 M pour les seuls départements de la Martinique et de la Guadeloupe. On peut aisément extrapoler le coût d'un éventuel sinistre d'État (il a été reconnu responsable) s'il concernait un produit plus largement utilisé, par exemple sur les pommes et non les bananes. 9 10 Comme la réduction du nombre des moustiques et aux autres insectes porteurs de maladies très répandues. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 109/208 PUBLIÉ à AMM, et depuis peu les biocides, mais une approche par les risques conduirait à mener de front des actions sur l'ensemble des pratiques conduisant aux mêmes risques, et permettrait d'arrêter de stigmatiser le seul monde agricole. Donner les ordres de grandeur À chaque publication du NODU ou des QSA surgit une polémique sur le sens des indicateurs, et sur l'interprétation légitime à leur évolution. Les externalités négatives des PPP sont certes multiples et difficiles à quantifier, mais les ordres de grandeur des impacts des PPP sont bien supérieurs au produit actuel de la taxe sur les pollutions diffuses, et même au chiffre d'affaires de l'industrie des PPP. Encadré : quelques ordres de grandeurs monétaires sur les risques liés aux pesticides Pour la France, une étude souvent citée de 201111 a estimé les coûts liés à la seule pollution de l'eau potable par les pesticides « entre 260 et 360M par an » soit le même ordre de grandeur que celui de la pollution de l'eau par les engrais azotés. 12 Un deuxième ordre de grandeur est fixé par cette étude : le coût de traitement des apports annuels de pesticides aux eaux de surface et côtières se situerait dans une fourchette de 4,4 à 14,8 milliards d'euros, alors que la mise aux normes de potabilité des eaux souterraines est estimée entre 32 et 105 milliards d'13. Ces montants sont très importants, mais ils concernent seulement le traitement de l'eau. Ils n'intègrent pas l'impact des pesticides sur la biodiversité.14 L'étude dirigée par Bernard Chevassus-au-Louis il y a déjà plus de dix ans (2009)15 a donné des ordres de grandeur de la valeur de la biodiversité, notamment emblématique, et celle des « services écosystémiques » qu'elle permet. Alors que la biodiversité s'effondre, on peut penser que sa valeur augmente. Le coût des maladies et de la diminution de l'espérance de vie lié aux PPP ne semble pas non plus avoir été estimé, d'autant que certains effets de PPP, notamment les effets perturbateurs endocriniens et toxiques de la reproduction, sont diffus et à long terme. Mais là encore, on dispose de quelques ordres de grandeur. Ainsi, Bayer a annoncé 10,9 Md$, près de 5 fois le chiffre d'affaires annuel des PPP en France, pour indemniser les plaignants américains dans 100.000 litiges relatifs au Roundup©, soit environ 100.000 d'indemnité par plaignant. Les PPP sont devenus un sujet de controverse et un marqueur culturel et sociétal 11 « Coûts des principales pollutions agricoles de l'eau », Bommelaer et Devaux, études et documents n°52, CGDD, septembre 2011 12 « Les pollutions par les engrais azotés et les produits phytosanitaires : coûts et solutions » études et documents n°136, CGEDD, décembre 2015 13 Par ailleurs le coût de dépollution pour les nitrates est chiffré à 490/742 Md par cette étude. 14 Selon Bommelaer et Devaux (2011) l'hypothèse retenue pour les pesticides est que les traitements de potabilisation visent un abaissement moyen en concentration de 1 µg par litre. Ceci revient à devoir traiter 1 million de m3 d'eau contaminée pour en retirer 1 kilogramme de pesticides. On peut alors déduire des coûts unitaires précédents (fournis par le Commission eau potable de l'ASTEE et par l'étude de l'Agence de l'eau SeineNormandie de 2008) la fourchette des coûts d'élimination d'un kilogramme de pesticide, est comprise entre 60 000 et 200 000 . Or si 76.000 tonnes de substances actives sont utilisées chaque année, 74 tonnes se retrouvent dilués dans les eaux des rivières et écoulés des nappes à la mer. Le coût de traitement de ces apports annuels de pesticides aux eaux de surface et côtières se situerait dans une fourchette de 4,4 à 14,8 Md. 15 « Approche économique de la biodiversité et des services liés aux écosystèmes » centre d'analyse stratégique, avril 2009 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 110/208 PUBLIÉ En France, comme dans de nombreux pays, la presse se fait désormais régulièrement l'écho du long combat d'agriculteurs ou de leurs proches pour faire reconnaître le caractère professionnel de leur maladie et la responsabilité de certains produits 16 , mais loin de présenter une synthèse des connaissances scientifiques sur une question, il s'agit souvent de construire un scénario de confrontation pour alimenter une controverse, parfois exposée dans les médias avant de l'être au sein même de la communauté scientifique17. Faute d'indicateurs d'impact au sein du plan Écophyto, chaque acteur garde la possibilité de tirer dans le hasard de ses rencontres, ou de son expérience personnelle et sensible, les éléments qui viendront conforter sa position. Par ailleurs, pour certains, la puissance des quelques firmes internationales qui produisent et vendent la plus grande part des PPP est grande et contribue à alimenter un sentiment de complot, où l'État apparaît parfois en situation de faiblesse face à l'influence de ces groupes et lobby. Plus qu'une question importante mais pragmatique de santé publique ou de biodiversité, le lien aux pesticides est aussi aujourd'hui en France un « marqueur culturel » d'appartenance à des classes ou des groupes sociaux, au sein du monde rural mais aussi de la société et du monde politique. Et ce marqueur s'installe même parfois dans les familles d'exploitants : une illustration est l'influence déterminante de certains conjoints non agriculteurs dans la décision d'exploitants de changer de système18. L'échec du plan depuis 2008, en ne permettant pas un infléchissement significatif et visible de l'usage des PPP, est au moins en partie responsable de cette radicalisation ; faute de pouvoir réduire de façon significative l'usage de PPP, a prospéré l'idée que seule une interdiction complète serait efficace. Alors que le sens est une clé majeure de l'action publique, le plan Écophyto échoue à communiquer dans une perspective positive vers un large public. Finalement, alors que le plan Écophyto a beaucoup misé sur la communication comme levier de diffusion des bonnes pratiques, on peut constater un réel échec. Certes il est relatif : les adhérents des groupements d'agriculteurs volontaires ont permis de démontrer la faisabilité de la réduction de l'usage des PPP, mais aucun des responsables rencontrés par la mission ne considère que ce levier de communication et d'accompagnement pourra apporter une contribution significative à la réduction des PPP. DEPHY et les réseaux de pairs L'accompagnement des réseaux de pairs, comme démontré par l'expérience du réseau DEPHY, est un bon outil d'accompagnement des innovateurs et des « early adopter », voire de certaines filières, comme souligné par plusieurs études. L'insertion dans le réseau DEPHY d'exploitations viticoles aurait ainsi été un élément décisif pour déclencher le passage des pesticides chimiques aux produits de lutte biologique (notamment de biocontrôle) des exploitations engagées, ainsi qu'à obtenir une diminution dans l'utilisation totale de PPP à un coût d'accompagnement technique qu'on peut finalement considérer comme assez faible (Lapierre, 2019)19. Mais, on l'a vu plus haut, les résultats des fermes DEPHY ne sont que rarement à hauteur de l'objectif de réduction de 50% des PPP en 10 ans, et le nombre des fermes engagées, et a fortiori la part de la 16 17 Par exemple « Pesticides et corps malade », les pieds sur terre, France culture, 14/09/2018 On se rappelle ce que doit la mobilisation contre le glyphosate à une spectaculaire étude dirigée par Gilles-Eric Séralini et dont la critique des méthodes a abouti au retrait de publication. Le plan Écophyto de réduction d'usage des pesticides en France : décryptage d'un échec et raisons d'espérer, Laurence Guichard et alii, Cahiers de l'agriculture, 2017 18 Providing technical assistance to peer networks to reduce pesticide use in Europe: Evidence from the French Ecophyto plan, Margaux Lapierre, Alexandre Sauquet, Subervie Julie, Hal, 2019 V2,https://hal.archives-ouvertes.fr/hal02190979v2/document 19 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 111/208 PUBLIÉ SAU, restent très en deçà des objectifs. On l'a vu dans la première partie du rapport, l'extension à 30.000, soit moins de 10% des exploitations, du nombre des exploitations engagées ne serait très probablement pas atteint à l'échéance d'Écophyto 2+, en 2025. Un conseil agricole à réformer Au-delà des fermes DEPHY, qui sont une forme de conseil agricole collectif, encouragées dès le premier plan, le plan Écophyto 2+ a aussi promu la séparation du conseil et de la vente des PPP, effective en 2021, ainsi que l'obligation de mise en place d'un conseil stratégique phyto, comme vu en 1e partie. Mais plusieurs interlocuteurs de la mission ont indiqué qu'une réforme plus profonde du conseil agricole était nécessaire. Alors que cette prestation aux agriculteurs était organisée pour assurer la promotion de pratiques standardisées et éprouvées, les démarches de réduction des PPP et les chemins de l'agroécologie sont multiples et spécifiques à leur contexte. Par ailleurs l'accès à l'information a été révolutionné par internet et les nombreuses applications. Le conseiller a perdu son monopole, et certains considèrent que son référentiel de compétences doit être redéfini. On peut donc retenir que c'est un objectif urgent, préalable à la massification, car si la fraction la plus avancée des agriculteurs peut se passer de l'avis convergent du conseiller agricole, il ne faudrait pas que ce conseil devienne un frein à la nécessaire transition qui arrive20. L'augmentation du risque, réelle ou supposée, un frein à la diffusion spontanée ? Les caractères bon-marché et simple d'utilisation des PPP sont des freins à l'adoption d'alternatives. Un autre frein s'exprime dans les études des motivations des agriculteurs : le risque de pertes de production importantes dues aux ravageurs (Chèze, 2020)21. Cette question est discutée, une partie des analystes affirmant au contraire l'agroécologie comme davantage résiliente que l'agriculture conventionnelle. Il n'empêche qu'elle semble bien un frein au moins pendant la transition. La mission n'a pas pu explorer cette question comme il aurait été nécessaire, et alors même que ce risque n'a donné lieu à aucune action significative dans le cadre du plan Écophyto. Les actions de communications (incluant l'animation de réseau de pairs et le conseil agricole) ne sont pas un levier de massification. Ces actions sont utiles, mais elles ne peuvent qu'accompagner d'autres leviers, utilisant les pouvoirs de régulation, d'action économique, et de réglementation de l'État, et valorisant les initiatives des acteurs organisés. Levier 2 : la segmentation des marchés par la labellisation des pratiques économes en PPP La stratégie de labellisation vise à opérer une différenciation des produits au sein des marchés, de production et idéalement jusqu'à la fourchette, pour essayer de capter davantage de valeur et ainsi couvrir des surcoûts liés à la mise en place d'un cahier des charges contraignant. La France dispose déjà de nombreux outils qui doivent mieux être mis au service de la réduction des PPP : Soutenir le développement de l'agriculture biologique Le label AB est plus général, et donc plus exigeant, que les seuls PPP. Il engage sur le moyen et le long terme, et pas seulement sur le temps de la culture labellisée. Et il ne s'agit pas de réduire l'usage des PPP mais de supprimer les PPP de synthèse, quitte à utiliser massivement des produits autorisés à base de cuivre. 20 21 Le rapport CGAAER 19070 traite notamment de cette question du lien entre le conseil agricole et l'agroécologie. Understanding farmers' reluctance to reduce pesticide use: A choice experiment, Benoît Chèze, Maia David, Vincent Martinet, Ecological Economics, volume 167, janvier 2020 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 112/208 PUBLIÉ Loin d'être aujourd'hui une activité confidentielle, l'AB s'impose de plus en plus dans les magasins et les assiettes, et un peu plus difficilement dans les campagnes françaises, alors que la demande du consommateur est telle que l'importation de produits issus de l'AB crée un déficit annuel du commerce extérieur de l'ordre du milliard d'euros. Or le développement de l'AB au détriment de l'agriculture conventionnelle est un moyen efficace de réduire l'usage global de PPP. La conversion de 25% des exploitations et des surfaces agricoles aujourd'hui conventionnelles, les autres ne changeant pas leurs pratiques, permettrait d'atteindre la moitié de l'objectif d'une réduction moyenne de 50% des PPP. Bien sûr, il n'est pas souhaitable que l'agriculture conventionnelle s'exonère de sa propre responsabilité. Mais en revanche, c'est à juste titre que des fonds publics importants destinés à la réduction des PPP sont consacrés au développement de l'AB et il est légitime de considérer que, le cas échéant, des ressources complémentaires pourraient lui être consacrées. Crédibiliser un label sans PPP Alors que l'attention de certains exploitants se porte en priorité sur les PPP, sans qu'ils ne souhaitent s'engager vers l'AB, on notera que ces productions ne sont pas valorisées aujourd'hui de manière spécifique sur le marché. C'est une voie qui mériterait d'être creusée, tant l'objectif de réduction des PPP peut paraître prioritaire sur les autres enjeux portés par l'AB, dont l'absence d'engrais de synthèse ou de cultures hors sols. Depuis quelques années, certaines marques comportent des logos « sans résidu de pesticides » ou « cultivé sans pesticides ». Si une première enquête de la DGCCRF, en 2018, relayée par le magazine Que choisir, pour qui « la méfiance s'impose », a pu mettre en doute que ces produits comportaient moins de résidus que les alternatives sans label, il semble bien que cette tendance nouvelle s'installe et soit prometteuse, dès lors qu'elle témoigne d'une réelle diminution de l'usage de PPP. Tout comme pour l'AB, la production économe en PPP a besoin d'une différenciation dès lors que ses coûts sont significativement supérieurs à ceux des productions conventionnelles, toutes choses étant égales par ailleurs, ce qui semble être un cas assez général. C'est ce qu'ont engagé certains grands distributeurs, mais avec leur propre référentiel et système de labélisation. Durcir les contraintes PPP dans la certification environnementale La certification environnementale, notamment son niveau 3 dit « Haute valeur environnementale » (HVE), encourage l'amélioration des pratiques à l'échelle de l'exploitation sur de nombreux enjeux dont les PPP. Avec son ambition globale, sur tous les enjeux de l'agroécologie et pour l'ensemble de l'exploitation, mais moyennant un durcissement de son volet PPP, cette certification peut être utile, par exemple pour conditionner des soutiens directs à l'exploitation (crédits d'impôts, taux augmenté de subventions, possibilité d'accéder à des aides conditionnelles PAC...). Mais elle ne paraît que difficilement valorisable jusqu'au consommateur. Durcir les cahiers des charges PPP dans les SIQO 22 La France a su développer de longue date un dispositif d'appellation d'origine, qui trouve désormais des prolongements européens et internationaux. Un encouragement à l'insertion de cahiers des charges plus restrictifs en matière de PPP dans les appellations d'origine serait un autre moyen de promouvoir la réduction des PPP. 22 Ou Signe d'Identification de la Qualité et de l'Origine (SIQO) selon la terminologie de l'INAO Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 113/208 PUBLIÉ Les labels sont de bons leviers, qui répondent à de nombreuses attentes. Les soutiens apportés par le plan à l'AB constituent l'un des rares leviers de massification activé depuis le début du plan, et dont on peut prouver qu'il a contribué à une réduction de l'ordre de 10% de la consommation globale de PPP hors ceux autorisées en AB en France. Une extension de ce soutien aux exploitations qui respectent le cahier des charges de l'AB uniquement en matière de PPP pourrait utilement être étudiée. Le développement des exigences (relatives aux PPP) associées à la norme HVE pourrait également permettre d'augmenter le soutien apporté à leurs bénéficiaires. Enfin, le gouvernement et l'INAO devrait demander l'insertion de conditions relatives aux PPP dans l'ensemble des signes d'identification de la qualité et de l'origine. Levier 3 : Les politiques incitatives générales : fiscalité, CEPP et redistribution active Par politique incitative, on entend ici la politique fiscale et les « marchés de droits », tel le certificat d'économie de produits phytosanitaires (CEPP). Une politique incitative est générale, elle vise à encourager ou décourager, principalement par le « signal-prix ». La fiscalité « écologique » sur les PPP est un outil puissant, qui reste aujourd'hui à un niveau trop bas pour avoir un effet significatif sur la consommation de PPP Face à des risques ou des effets indésirables que les économistes appellent souvent des « externalités », c'est-à-dire des effets non pris en compte par le marché, la mise en place d'une fiscalité incitative23 est considérée comme le moyen efficace d'orienter les choix de production et de consommation. Plusieurs travaux conduits sous l'égide du Conseil économique pour le développement durable (CEDD), et notamment le rapport « Un pacte fiscal écologique pour accélérer la transition écologique et solidaire » publié en mai 2018, expriment l'intérêt d'agir par ce biais sur le prix : « la fiscalité incitative, si elle s'applique uniformément à chaque pollution, assure que tous les gisements d'abattements à faible coût seront mobilisés, en laissant à chacun la liberté des moyens pour s'adapter et en stimulant la capacité entrepreneuriale du privé pour trouver les solutions ; celle-ci fonctionnant aussi comme un taux libératoire pour ceux qui n'en ont pas ou seulement à des coûts prohibitifs » 24 « Contrairement à la réglementation et aux normes, elle laisse à chacun sa liberté de choix, dans un cadre régulé. Elle incite à mobiliser ces efforts par ordre de mérite et, par son caractère libératoire, évite d'imposer à des agents des coûts excessifs par rapport aux bénéfices attendus pour la collectivité. » 25 L'efficacité d'une fiscalité incitative peut se mesurer à l'élasticité-prix de la demande d'un bien ou d'un service. Faisant le constat de résultats décevants du premier plan, le gouvernement s'était interrogé en 2013 sur « la mise en place d'une fiscalité qui incite à abandonner ou à réduire fortement l'usage des pesticides », et « les dispositifs de redistribution au profit des professionnels qui s'engagent dans des démarches vertueuses ». Un rapport de mission interministériel IGF-CGEDD-CGAAER (2013) concluait au faible impact de la redevance sur le comportement d'achat. Ou taxe « pigouvienne » du nom de l'inventeur de la notion d'externalité Arthur Cecil Pigou (1877-1959). Une taxe de ce type vise à corriger une défaillance du marché (externalité) et non pas à alimenter le budget de l'Etat. 23 CEDD, Références économiques pour le développement durable n°39, Décembre 2018. Voir également les rapports « Comment concilier développement économique et environnement ? » Philippe Aghion et alii, CEDD « les économistes et la croissance verte », CEDD, mai 2012 et « Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? » 24 « Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? » sous l'égide du Comité pour l'économie verte, Bénédicte Peyrol, Dominique Bureau, 2018 25 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 114/208 PUBLIÉ Ainsi en 2012, la RPD avec un prélèvement de 103 M représentait 0,65 % du résultat courant des exploitations agricoles toutes filières confondues (de 0,63 pour la viticulture à 1,34 pour l'arboriculture). La mission préconisait cependant un élargissement de l'assiette pour mieux prendre en compte la dangerosité des substances (ce qui a été fait avec les CMR) et considérer toutes les substances dangereuses des PPP ; elle proposait de tripler le montant de la RPD, pour atteindre 350 M) considérant que cela aurait un impact mesuré sur le revenu agricole, (passant de 0,65 % avec les taux de l'époque à 2,2 % du résultat courant des exploitations agricoles). On notera qu'en 2012, le chiffre d'affaires des PPP en France était estimé à 2 Md. Plus récemment, le rapport Potier estimait que le poids de la redevance en 2014 était faible dans l'équilibre économique des exploitations, (estimée à moins de 5 /ha en grande culture et 17 /ha en arboriculture-viticulture). Elle représentait 3,5 % des dépenses de produits phytosanitaires, soit 0,18 % du chiffre d'affaires et 0,65 % du résultat (se référant au rapport cité ci-dessus). Le rapport prévoyait d'accompagner la montée en puissance des actions proposées avec l'augmentation des recettes liées à l'élargissement de la redevance, envisagé dès 2015, aux CMR de catégorie 2. Le rapport IGF-CGEDD-CGAAER (2013) avait conclu à la nécessité de développer un autre levier : les CEPP. On peut toutefois réinterroger cette question, ce que ne se privent pas de faire plusieurs experts rencontrés par la mission, qui considère que le levier fiscal est indispensable à la réussite du plan. Pour diminuer de 50% la consommation de PPP, il conviendrait au moins de doubler leur prix comme les gouvernements successifs ont su le faire pour le tabac ou pour les produits pétroliers, qui ont une fiscalité de cet ordre de grandeur. Et même cette hausse ne garantit pas le résultat dans le cas des céréaliers norvégiens (Vatn, 2020) 26. En revanche, une augmentation trop brutale est susceptible de se heurter à des résistances importantes, qui ont dans le passé mis en échec des projets de taxe sur les transports, par exemple. Le taux moyen actuel de la RPD (de l'ordre de 5% du CA des PPP), même après les augmentations décidées avec Écophyto 2, n'est pas de nature à influer significativement sur la décision d'utiliser les PPP. La mise en place d'une incitation via un marché de droit, les CEPP, a été stérilisée par l'absence de sanction, et son intérêt a été diminué avec la séparation entre les activités de vente et de conseil (Écophyto 2+) Il est intéressant de montrer ici qu'il s'agit potentiellement, comme la taxation, d'une méthode permettant de collecter des droits sur les utilisateurs ou les vendeurs de PPP et de les redistribuer pour réaliser des économies de PPP. Ce système, qualifié par les économistes de « marché de droits », a fait l'objet de nombreuses initiatives pour favoriser une économie décarbonnée. S'il est mis en oeuvre dans le domaine des PPP et obligatoire, il permettrait ainsi de renchérir le coût relatif d'usage des PPP et de diminuer celui de leurs alternatives. Comme la taxation, il faut que le dispositif soit suffisamment contraignant pour qu'il amène progressivement les acteurs à changer leurs pratiques, surtout si les dépenses éligibles pour bénéficier de ces certificats sont largement définies, et un « marché » organisé, pour que les bénéficiaires puissent accéder à une ressource produite dans un autre secteur et dans une autre région. Mais l'outil CEPP, on l'a vu plus haut, a été singulièrement bridé par rapport au projet initial, ou à son modèle, les certificats d'économie d'énergie. Par ailleurs son actualité semble atténuée par la mise en Pesticide taxes or voluntary action? An analysis of responses among Norwegian grain farmers, Arild Vatn, Valborg Kvakkestad, Åsmund Lægreid Steiro, IanHodge, Journal of Environmental Management, Volume 276, 15 December 2020, 111074 26 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 115/208 PUBLIÉ place de la séparation de la vente et du conseil des produits PPP. Il est trop tôt pour tirer des conclusions sur ce dispositif CEPP, qui se met tout juste en place, mais il apparaît à certains comme un dispositif accessoire, que seules des modifications substantielles permettraient de revigorer pour en faire un levier à l'échelle de la massification souhaitée. Plusieurs interlocuteurs de la mission ont regretté une remise en question prématurée du dispositif initial alors même qu'il avait été qualifié d'expérimental et devait faire l'objet d'une évaluation avant d'éventuels ajustements. « Afin que les agents payent les « vrais » prix de ces biens ou de ces maux c'est-à-dire intègrent toutes les dimensions de leur coût social, deux solutions techniques sont envisageables : soit l'instauration de taxes pigouviennes ; soit l'allocation de licences d'émission qui peuvent ensuite être échangés sur un marché. La taxe carbone constitue un exemple de taxe pigouvienne, le marché européen du carbone où les grandes entreprises européennes peuvent s'échanger des quotas d'émissions constitue un exemple de la seconde formule, malheureusement mise en oeuvre dans des conditions très imparfaites. (...) Par ailleurs, ces différents outils suscitent des controverses de nature idéologique. Les antilibéraux sont allergiques aux marchés de droits, ne comprenant pas comment la création d'un marché peut corriger une imperfection de marché. De leur côté, les personnes qui éprouvent de l'aversion pour des taxes accepteront avec difficulté la taxe pigouvienne, alors même qu'il ne s'agit que de modifier les prix relatifs comme la solution bonus malus l'illustre parfaitement. Ainsi, les aversions traditionnelles vont resurgir et imprimer leurs marques au moment d'indiquer une préférence pour l'un ou l'autre des instruments et on comprend pourquoi ces solutions incitatives bousculent les schémas de pensée. Il faut donc déployer des talents pédagogiques importants pour vendre ce type de réforme fiscale à l'opinion. » (CEDD 2018 « Un pacte fiscal écologique pour accélérer la transition écologique et solidaire »). Pour renforcer l'incitation, le produit de la RPD pourrait également contribuer plus directement à la massification Au cours des entretiens, la mission a perçu que la programmation ­ l'utilisation prévisionnelle de ces ressources - résulte au moins en partie d'une gouvernance très large, qui a incité à répondre aux sollicitations multiples des parties prenantes, sans nécessairement identifier la contribution des actions aux objectifs du plan. Et certains de ces financements sont progressivement devenus récurrents, jusqu'à capter une large part des enveloppes disponibles. La lettre de commande demande à la mission de déterminer la valeur ajoutée des actions financées par le programme et les enveloppes régionales. Ce travail important ne peut pas être conduit par la mission dans les délais impartis en l'absence de toute évaluation externe de ces actions, même si les fermes DEPHY et le BSV, par exemple, ont fait l'objet de réflexions stratégiques partagées. En revanche, la mission a acquis la conviction que les actions financées par le programme ne permettent pas à elles seules d'atteindre la cible souhaitée. La mission a donc étudié l'intérêt d'une réorientation radicale du produit de la RPD destinée à Écophyto, vers des actions à l'effet plus direct. Ce n'est pas parce qu'une taxe sur les PPP est instituée que son produit doit financer des actions réduisant les PPP. Le rapport27 « Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022? » sous l'égide du Comité pour l'économie verte, distingue ainsi « plusieurs options, non exclusives les unes des autres » : utilisation des recettes en faveur de la transition écologique, ou leur allocation au budget général de l'État en vue de réduire d'autres impôts, ou encore le financement des mesures de compensation pour le maintien du pouvoir d'achat. Selon le principe « pollueur-payeur », le bénéfice de la RPD peut viser prioritairement la Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? » Comité pour l'économie verte, Bénédicte Peyrol, Dominique Bureau, 2018 27 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 116/208 PUBLIÉ réparation des externalités négatives engendrées par l'usage des PPP. Le financement du fonds nouvellement créé d'indemnisation des victimes, un concours aux dépenses de santé, d'une part, des mesures en faveur de la qualité de l'eau ou la préservation ou la restauration de la biodiversité, d'autre part, pourraient ainsi être privilégiés. Mais une alternative économique intéressante est la redistribution incitative, qui permet d'augmenter les effets de la taxe en redistribuant son produit vers les contribuables les plus méritants, qui réduisent le plus ou qui utilisent le moins de PPP. « Sur un plan distributif, la solution avec marché de droits conduit à des résultats qui dépendent de leur allocation, et la solution pigouvienne dépend de l'utilisation des recettes engendrées par la taxe. A qui doit-on les redistribuer, sur une base bien évidemment forfaitaire, afin de ne pas perdre les vertus incitatives du dispositif ? Compte-tenu de cette marge de manoeuvre, il n'existe aucune difficulté économique insurmontable à concilier équité et efficacité dans ce domaine. En revanche, si l'on désire que cette taxe pigouvienne soit, de plus, une source de revenus importante pour l'État, on risque de se heurter à la quadrature du cercle. » (CEDD 2018 « Un pacte fiscal écologique pour accélérer la transition écologique et solidaire »). Illustration Soit 2 agriculteurs qui dépensaient 100 en PPP. Après taxation, l'agriculteur A, qui ne change pas ses pratiques, dépense 200 en PPP. L'agriculteur B, qui passe à 0 PPP (hors ceux autorisés en AB), dépense 0 et reçoit 100 de subvention. L'écart entre les 2 agriculteurs devient 300 : de quoi financer des alternatives aux PPP significativement plus coûteuses que la situation originelle. Cet écart n'est que de 200 si le produit de la taxation est utilisé à d'autres usages : il faut augmenter de 50% la taxe pour obtenir le même écart entre les deux solutions. En particulier une partie de la RPD contribue à compléter les financements de l'AB, dont l'essor concourt à la réduction des PPP. Ce financement pourrait utilement être étendu aux pratiques respectant le même cahier des charges sur les PPP, mais sans le label AB, dont le cahier des charges porte d'autres enjeux. Le consentement à payer la RPD est aujourd'hui fragile, parce qu'une partie des taxes payées semble échapper à la redistribution ; Les financements d'actions collectives à partir de la RPD n'ont pas fait la preuve de leur efficience ; Au contraire, certaines actions qui étaient auparavant prises en charge autrement, ou qui pourraient l'être sur les ressources disponibles, sont réorientées vers les financements RPD, avec le concours des autorités responsables, soucieuses de « dépenser leurs crédits » ; Enfin les procédures actuelles ignorent plusieurs des bonnes pratiques identifiées par exemple par le comité pour l'économie verte : Cette affectation du produit de la taxe répondrait à plusieurs préoccupations : « (...) l'essor de la fiscalité environnementale nécessite de respecter les cinq principes suivants : Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 117/208 PUBLIÉ · définition d'une trajectoire de long terme crédible pour donner de la lisibilité aux acteurs économiques et les accompagner ainsi vers le changement ; · évaluation de ses impacts économiques et sociaux, pour qu'elle ne pèse pas excessivement sur le pouvoir d'achat et la compétitivité, les mesures d'accompagnement pour s'en assurer et l'utilisation qui sera faite des recettes faisant donc partie intégrante de sa construction et devant être annoncées en même temps que les trajectoires. Plus généralement, l'utilisation des recettes de toute nouvelle réforme de la fiscalité environnementale détermine ses effets macroéconomiques et sociaux, et peut favoriser la transition des secteurs économiques vers la performance environnementale. Elle doit être justifiée au cas par cas. Les choix en ce domaine doivent être effectués en s'assurant de l'adhésion de l'ensemble des acteurs concernés ; · nécessité que la fiscalité écologique couvre effectivement l'ensemble des pollutions concernées, en évitant les exemptions qui nuisent à son efficacité ; · mise en oeuvre des orientations du quinquennat en matière de finances publiques : baisser d'un point les prélèvements obligatoires, ramener en cinq ans le déficit public à un niveau proche de l'équilibre, réduire la dépense publique de plus de trois points de PIB, le développement de la fiscalité environnementale s'inscrivant dans un processus général de réduction des distorsions fiscales ; · recherche des combinaisons les plus efficaces pour les politiques environnementales avec la question de la pertinence des outils utilisées et de la bonne articulation entre les mesures de fiscalité environnementale, les mesures réglementaires et les normes. Rapport Peyrol-Bureau, Comité pour l'économie verte, septembre 2018 » À un niveau suffisamment élevé pour être sensible, la taxation du recours aux PPP est un moyen simple et efficace pour envoyer le bon message aux agriculteurs. Mais on peut aussi envisager d'augmenter ce signal-prix en utilisant le produit de la taxe pour subventionner les meilleures pratiques, économes en PPP. Cela permet de réduire le taux de la taxe pour atteindre la réduction souhaitée, ce qui rend la mesure moins douloureuse à effet égal. C'est déjà le cas quand la RPD contribue à financer l'AB, mais avec toutefois la réserve que l'AB vise aussi d'autres objectifs et qu'il est donc légitime de lui rechercher d'autres financements, par exemple issus des taxes sur l'eau ou sur les fertilisants chimiques, comme le font les agences de l'eau. Dimensionnement de la mesure Pour dimensionner cette proposition et estimer son coût, on peut réaliser une simulation simple, en faisant l'hypothèse d'attribuer aux exploitations respectant le cahier des charges PPP de l'AB, mais pas les autres critères, la moitié des avantages accordés à l'AB. Pour mémoire : aides à l'agriculture biologique La nouvelle mesure sans PPP Coût de la mesure pour 10% de la SAU et des exploitations Page 118/208 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO PUBLIÉ Crédit d'impôt 3500/exploitation 1750/exploitation 30.000 exploitations 52,5 M 435 M Conversion (3 ans) 300/ha 150/ha Maintien 160/ha 80/ha 232 M Sur ces hypothèses certes très simplifiées, mais qui pourraient être affinées en faisant des hypothèses plus précises sur les surfaces et productions concernées, on peut déterminer un coût annuel pour la montée en charge du dispositif à hauteur de 10% des exploitations par an pendant 3 ans, jusqu'à atteindre le palier de 30% des exploitations avec 0 PPP (hors ceux autorisés en AB). Année 1 2 3 4 5 6 % d'exploitations concernées 10% 20% 30% 30% 30% 30% Crédits d'impôts 52,5 105 157,5 157,5 157,5 157,5 Conversion 435 870 1305 870 435 0 Maintien 0 0 0 232 464 696 Coût total 487,5 975 1462,5 1259,5 1056,5 853,5 La RPD est actuellement de 180 M, pour une valeur de PPP soumise à la RPD de 2,3 Md (Cour des comptes). Si la nouvelle RPD doublait le prix des PPP, le volume des PPP diminuerait de 50% en faisant l'hypothèse d'une élasticité prix de -0,5. Le chiffre d'affaires des PPP taxes comprises resterait sensiblement identique, et la RPD rapporterait de l'ordre de 1,15+0,18=1,31 Md/an, à terme : de quoi couvrir la mesure d'aide. On peut donc considérer, sous réserve d'études plus approfondies pour approcher une mesure équilibrée, qu'une RPD fixée à peu près au même niveau que la taxation des produits pétroliers (elle représente environ 60% du prix final des produits pétroliers et environ 80% des ventes de tabac) permettrait d'apporter durablement aux 30% d'exploitations qui accepteraient de respecter le cahier des charges de réduction des PPP une aide égale à la moitié de celle qui est apportée à l'AB et de financer d'autres actions d'accompagnement. Levier 4 : La réglementation et la PAC Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 119/208 PUBLIÉ Au « sommet » de l'outillage des politiques publiques, par son caractère impératif, il y a la réglementation, et le contrôle de son respect. Même si c'est un dispositif de financement, les aides de la PAC sont en réalité un outil réglementaire, puisque les aides répondent à un double régime, européen et national, d'affectation et son usage est strictement contrôlé par l'UE. Le durcissement de la réglementation a des effets qu'il faut anticiper Même si la production de règles et de normes est une activité spontanée de l'administration, il est pertinent et nécessaire d'interroger l'efficacité de ces mesures sur l'objectif poursuivi en matière de PPP. Une synthèse des travaux d'évaluation de la « réglementation écologique » est présente dans une étude du CEDD de 201828 : « Cette action par la contrainte, qui demeure dominante, est évidemment coûteuse en termes de liberté individuelle. Mais cette intervention à caractère paternaliste peut permettre d'atteindre la cible si l'administration a les moyens d'effectuer les contrôles pour rendre effective l'application de la législation. Les solutions normatives peuvent également avoir l'avantage, si elles sont annoncées suffisamment à l'avance en faisant précéder la période où les sanctions s'appliquent d'une période probatoire, de contribuer à faire changer les préférences des agents économiques. Toutefois, les solutions normatives lorsqu'elles sont envisagées sans bourses d'échanges ont l'inconvénient de ne pas minimiser les coûts globaux de la transition verte pour la société dans son ensemble. C'est le grand reproche fait par les micro-économistes à ce type de solution, celui de ne pas être efficace économiquement et d'entraîner des gaspillages de ressources. Cette inefficacité économique peut engendrer une inefficacité écologique : sachant que certains agents vont être amenés à supporter des coûts très élevés pour satisfaire les normes, celles-ci peuvent alors être placées à un niveau trop bas, pour ne pas les mettre en trop grande difficulté. » Plusieurs experts ont souligné certains effets négatifs de la réglementation sur les PPP, notamment des allers-retours interdiction/dérogation qui peuvent donner le tournis. Ainsi l'interdiction rapide des néonicotinoïdes aurait abouti à une impasse29 dans la maîtrise de la jaunisse sur la betterave, justifiant, fin 2020, une ré-autorisation provisoire de l'emploi de ses substances de manière préventive, par enrobage des graines (Yves et Pierre Guy, 2020). Dans ce cas d'espèce, ce n'est pas tant l'objectif de retrait de produits accusés d'avoir largement contribué au déclin des populations d'abeilles qui est mis en cause, que la rapidité de ce retrait, non anticipé par les acteurs, qui n'a pas permis d'adopter des pratiques plus structurelles que la simple substitution de PPP, les nouveaux s'avérant moins efficaces que les précédents pour réduire les populations de pucerons porteurs du virus de la jaunisse. Finalement la réglementation peut être l'outil de l'urgence ou de la maturité, mais elle s'accommode mal de l'entre-deux : quand l'urgence sanitaire ou environnementale est avérée, la réglementation est le bon outil, mais il convient d'apprécier la proportionnalité du risque évité et de l'effet provoqué, sous forme d'un bilan coût/avantage et d'une étude d'impact : c'est la réglementation-prévention ; cela vaut également pour les dérogations apportées dont l'analyse coût- avantage n'a pas été davantage réalisée ; quand une question a été correctement instruite, que les effets indésirables d'un produit sont bien identifiés et que les substitutions sont connues, et leurs effets également, la réglementation vient obliger les acteurs à tous adopter une meilleure solution alors qu'une fraction tarderait à le faire : c'est la réglementation-généralisation ; 28 29 CEDD 2018 « Un pacte fiscal écologique pour accélérer la transition écologique et solidaire » C'est en particulier l'Institut technique betteravier qui a relayé cette opinion de l'absence de solution alternative, et en effet il semble que cet organisme n'ait jusqu'en 2020 pas réellement conduit de travaux visant à prévenir cette maladie, qui était correctement prise en charge par les PPP. Il faut dire que la culture de la betterave se heurte également à d'autres défis, dont la rhizomanie, une autre maladie virale, dont l'utilisation de variétés résistantes est la seule solution de lutte. Mais la résistance de ces nouvelles variétés est déjà contournée dans certaines régions. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 120/208 PUBLIÉ mais dans la situation de double incertitude, sur les effets négatifs des PPP à retirer, qui peuvent être mal documentés, et sur les impacts de leurs solutions de substitutions, qui peuvent être très peu génériques et impliquer des changements de pratiques plus profonds, la réglementation amène des contestations et des dérogations, qui en affaiblissent la portée et l'acceptabilité, et freine l'innovation. Il est donc important d'avoir une connaissance précise de l'usage des PPP et de leurs substituts, pour ne pas réglementer « en double aveugle ». On peut à ce titre regretter la sous-exploitation des bases de données, sous formes d'enquêtes sur les pratiques de protection des cultures par filières et par territoires30, alors que cela pourrait être une priorité plus forte des services spécialisés du MAA et des DRAAF, en lien avec leurs homologues du MTE, des DREAL et des agences de l'eau. L'impact de la réglementation des PPP sur le NODU est incertain C'est un point d'ordre 2 par rapport à la question des risques, mais qui a son importance dans le pilotage du plan Écophyto : rien ne prouve qu'interdire certains PPP diminuerait la quantité globale utilisée, et l'indicateur choisi, le NODU, même si cela contribue à réduire l'usage des molécules les plus dangereuses. L'interdiction des substances et des produits les plus actifs n'est pas synonyme de baisse des usages de PPP. Elle peut avoir un effet inverse, puisqu'il faut souvent épandre de plus grandes quantités de substances pour atteindre le même effet ou un effet moindre (ex : traitements des betteraves en plein champs en l'absence de traitement des semences : les traitements viennent alimenter le NODU alors que les traitements des semences sont hors NODU). Actuellement, le prix relatif des PPP continue à être très attractif, notamment si on la compare au coût du travail et à celui de l'énergie, deux paramètres auxquels sont particulièrement sensibles de nombreuses alternatives aux PPP (désherbage mécanique vs glyphosate, par exemple, ou silos ventilés vs insecticides), et un plus grand recours aux PPP résulte également de l'extension de certaines pratiques agricoles, ainsi que de certaines cultures, moins intensives en travail. Le levier PAC n'est pas assez mobilisé En revanche, et cela est souligné par de nombreux experts, la réglementation relative à la PAC est un levier particulièrement puissant : en injectant chaque année près de 9Md, entre 4 et 5 fois le marché des PPP en France, dans l'agriculture française, la PAC détermine une partie significative de ses choix. Mais c'est aujourd'hui un levier potentiel : très peu de mesures de l'actuelle PAC visent les réductions de PPP (soutien à l'AB, MAEC). Au contraire, une communication récente31 semble montrer que les financements du premier pilier ont favorisé l'usage des PPP, à la différence des financements du second pilier. C'est donc un enjeu fort d'augmenter significativement la conditionnalité des prochaines aides. À défaut, cette réglementation PAC contribuera à ralentir les changements souhaités. Mais il faut noter que le processus de détermination de la PAC est désormais très fortement ascendant : les plans stratégiques nationaux conduisent les États à faire des choix différenciés, et donc à se mettre en concurrence sur la façon d'utiliser les ressources de la PAC, en choisissant des arbitrages différents. Il est donc souhaitable que la France, qui aura donc davantage de latitude pour conditionner les aides de la PAC, cherche une plus grande convergence de la PAC et des plans de réduction des PPP avec les autres grands pays agricoles. 30 La mission a repéré un faible nombre d'études territoriales depuis 2015. 31 Are EU subsidies a springboard to the reduction of pesticide use? M. Aubert; G. Enjolras, Communication Vancouver 2018, https://hal.inrae.fr/hal-02734754/document Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 121/208 PUBLIÉ Alors que l'agriculture est une activité entrepreneuriale et concurrentielle, inscrite dans des territoires et des filières, l'excès de réglementation est un risque aussi grand que son insuffisance, deux écueils à éviter en adoptant une approche pragmatique et proportionnée. Et les plans Écophyto seraient sages de ne pas trop compter sur des durcissements futurs, tant ceux-ci sont européens-dépendants. On peut toutefois souhaiter, comme le référé de la Cour des comptes et de nombreux experts, que l'occasion de la nouvelle PAC soit saisie pour que les autorités européennes et françaises (c'est à elles de la faire, pas aux agriculteurs) conditionnent davantage les financements apportés à l'agriculture par la société au respect de l'objectif sociétal de protection de la santé et de l'environnement par la réduction des PPP. Des leviers complémentaires ou alternatifs ? Les trois leviers efficaces - segmentation, incitation, réglementation - ont leurs partisans. Le premier levier « segmentation » s'appuie exclusivement sur le volontariat individuel et collectif et débouche sur une segmentation des marchés, via un label. On a vu que le label le plus connu et désormais le plus répandu, l'AB, a pu monter en charge en bénéficiant d'un soutien public important. Un financement public est donc nécessaire. Un rapport récent du CGAAER 32 chiffre à 3,5 Md l'extension de l'AB à 30 % de la SAU : c'est un montant qu'on peut comparer aux 2 Md de chiffre d'affaires des PPP, ou des 9 Md de la PAC. Un financement pour moitié par doublement du prix des PPP, pour une autre moitié mobilisant des aides du 1er et du 2° piliers de la PAC pourrait rapidement être mobilisé : il semble à la portée des pouvoirs publics, même s'il supposerait des arbitrages délicats. Le second levier « incitatif » peut reposer sur plusieurs outils : fiscaux (taxe sur les PPP), marché de droit (CEPP), et redistribution active, renforçant l'effet incitatif de la fiscalité. Ce levier est le moins coûteux pour les pouvoirs publics, il recueille donc la préférence des économistes « libéraux », surtout dans sa version fiscale, le recours à un marché de droit pouvant apparaître comme bureaucratique. Au contraire, outre qu'elle renchérit le coût des PPP, la hausse des taxes apporte des ressources nouvelles. Si elles sont utilisées pour renforcer l'action de soutien aux bonnes pratiques, ces ressources renforcent l'efficacité de la mesure fiscale et donc permettent une moindre hausse des taux. Le troisième levier « réglementation » est souvent celui qui, en France, est préféré par les pouvoirs publics. Son coût d'administration ne doit pas être sous-estimé, alors que les services de contrôle ont des effectifs fortement réduits. Et s'il a fait la preuve de son efficacité sur les JEVI (jardins, espaces verts et infrastructures), un secteur peu ou pas soumis à des enjeux de compétitivité, avec en ce mois de janvier un nouveau durcissement des interdictions des PPP dans les cimetières ou les stades, la réglementation crée des distorsions de concurrence, et peut aussi provoquer des impasses techniques, au moins à court/moyen terme, à gérer par des dérogations difficiles à réguler. Néanmoins on peut penser que chacun de ces leviers peut apporter une forte contribution à l'objectif de réduction des PPP. Est-il néanmoins préférable de les associer ? Cette question a fait l'objet d'une synthèse de 78 articles de recherche publiés entre 1967 et 2017, (Rhiannon Lee & alii, 2019) concluant à la plus grande efficacité des combinaisons de deux ou trois instruments parmi les instruments publics (fiscalité, prescription (AMM) et réglementation) et privés (labels, transfert de technologie, assistance technique). Les auteurs distinguent trois « Governance resource » et 12 instruments : 32 Déterminants de la prise de décision par l'exploitant agricole d'une transition vers l'agroécologie, CGAAER n°19070 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 122/208 PUBLIÉ Tableau 1, (mission, d'après R. Lee et alii 2019), en orange « carotte » en rouge « bâton » Levier Régulation Instrument Prescriptions Contrats et alliances Interdictions Zonage Pilotage Pénalités Economie Subventions Taxes Information Certification Formation Conseil Campagne d'information Exemples dans Écophyto Restriction dans les AMM Contrat d'approvisionnement Interdictions de substances et de produits Protection des zones de captage Outils d'aide à la décision Si non respect du contrôle des pulvérisateurs Aides à l'AB RPD Produits : AB, exploitation : HVE Certiphyto DEPHY Axe 7 du plan Écophyto 2+ Quatre mélanges d'instruments ont été signalés à l'issue de l'examen comme étant bénéfiques pour réduire l'utilisation de pesticides : Alliances et subventions (notre levier 2 plus haut) ; Prescriptions et subventions (notre levier 4 plus haut) ; Prescriptions et services de conseil (réglementation et communication) ; Prescriptions, suivi, taxes, formation et services de conseil (leviers 3 et 4 plus haut). En revanche, cet article indique que le levier réglementaire seul s'est avéré inefficace. Il termine par la conclusion suivante33 : « Pour l'avenir, il ne faut pas se concentrer uniquement sur la compréhension de la manière dont les instruments politiques ciblent des individus ou des groupes d'acteurs spécifiques, car souvent les pratiques ciblées ne dépendent pas seulement d'actions et de décisions individuelles, mais sont façonnées par un contexte plus large (...). Dans le cas d'une agriculture durable, cela signifierait comprendre comment les combinaisons d'instruments politiques peuvent interagir avec le contexte des pratiques agricoles. Par exemple, comprendre le contexte économique façonné par les groupes d'acteurs de la chaîne de valeur; comprendre le contexte social façonné par les réseaux sociaux autour des agriculteurs et les groupes influençant le discours tels que les ONG vertes et les groupes d'intérêt; et comprendre le contexte d'innovation largement façonné par l'interaction avec les instituts de recherche. » 33 Traduction mission avec l'aide de Google translate Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 123/208 PUBLIÉ Finalement, on peut constater que le plan Écophyto a, depuis son origine, multiplié les actions, utilisant toute la palette des instruments à la disposition des pouvoirs publics. Mais ces actions agissent en réalité sur un faible nombre de leviers ­ on en a identifié trois ­ et n'ont jusqu'à présent été opérés qu'à faible intensité, les autorités ayant finalement cherché à « persuader » les agriculteurs, ou ayant fait l'hypothèse que « la bonne pratique agronomique chasse la mauvaise », pour parodier un adage économique. Sauf que l'histoire économique a souvent montré que « c'est « la mauvaise monnaie qui chasse la bonne » : rien ne montre aujourd'hui qu'un mouvement massif de transfert de pratiques serait déjà initié. Il est donc temps d'essayer d'utiliser les instruments non comme des prototypes, mais comme de réels instruments de massification, en y mettant la force nécessaire pour qu'un effet levier ait lieu. En conclusion et résumé de cette annexe un approfondissement de la question des leviers de massification est nécessaire, en veillant à leur bonne adaptation à la pluralité des modèles agricoles de notre pays : - à côté de l'encouragement à la certification AB, qui peut encore être développé, un soutien à la labellisation pérenne sans ou à bas niveau de PPP (autres que ceux autorisés en AB)devrait être encouragé, notamment dans les labels déjà existants ; l'augmentation de la fiscalité directe sur les PPP et la création d'une fiscalité incitant à la consommation de produits bas intrants (à l'échelle européenne ?) sont des leviers qui n'ont pas été utilisés avec la bonne intensité ; la réglementation de l'usage des produits est nécessaire, mais doit être proportionnée à ses coûts et avantages, et dans un soucis d'équité de traitement avec les autres pays européens ; elle suppose un alignement préalable des politiques publiques, dont la PAC. Même si les premiers plans Écophyto ont pu en faire l'hypothèse, la communication, dont le conseil individuel et le soutien aux groupes de pairs, n'est pas à elle seule un levier efficace du plan. À force de cibler presque exclusivement les agriculteurs, et de promouvoir un seul modèle officiel, l'agroécologie, la communication publique a pu alimenter une vision négative des producteurs tout en exonérant de leurs responsabilités les transformateurs, les consommateurs, et les pouvoirs publics. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 124/208 PUBLIÉ Si la principale critique du Plan Écophyto formulée par la Cour des comptes est l'insuffisance de résultats par rapport à l'objectif principal de réduction de la consommation de produits phytopharmaceutiques, celle-ci a également conclu à la nécessité de simplifier la gouvernance du Plan et d'en améliorer la gestion financière. Dans son relevé 1, la Cour des comptes soulignait la multiplicité des acteurs et la confusion entre l'élaboration du plan pluriannuel, qui nécessite une large concertation des acteurs, et sa mise en oeuvre annuelle qui, compte tenu du caractère majoritairement récurrent de 70 % des actions, pourrait être allégée. Elle distinguait le volet national du plan, à la main des instances de l'État, et le volet régional, tributaire d'autres financeurs. Enfin, elle recommandait « de mettre rapidement en place un dispositif de suivi et de pilotage de l'ensemble des crédits nationaux et régionaux, avoisinant 400 M par an, quelle que soit leur origine ». Tant la gouvernance stratégique du plan pluriannuel que le pilotage opérationnel du programme annuel ou la mobilisation des acteurs clés du programme sont perfectibles. La tutelle stratégique du plan Écophyto (2008) a été confiée à l'origine au ministre chargé de l'agriculture, auquel s'est adjoint le ministre chargé de l'environnement dans le plan Écophyto II (2015), puis les ministres chargés de la santé et de la recherche dans le plan Écophyto II+ (2018). Le plan pluriannuel est arrêté après avis d'une instance de concertation et de suivi qui était, dans le plan Écophyto 2018, le comité consultatif de gouvernance puis, dans le plan Écophyto II, le comité d'orientation stratégique et de suivi (COS), dont la composition est fixée par le décret n°2009-1352 du 2 novembre 2009, complété, pour la désignation des personnes ne siégeant pas ès qualités, par un arrêté conjoint des ministres chargés de l'agriculture et de l'environnement. Elle comprend des représentants des organisations professionnelles concernées, des organismes publics intéressés, des associations nationales de protection de l'environnement agréées, des organisations syndicales représentatives et des associations nationales de défense des consommateurs agréées. La même instance était chargée, en vertu des dispositions des articles L. 213-4-1 puis L. 131-15 du code de l'environnement, de donner un avis sur la programmation des crédits du plan Écophyto annuel, suivant des modalités qui ont varié dans le temps. Autour de cette instance principale sont censées graviter deux structures à vocation scientifique et technique : Un comité d'experts, devenu comité d'orientation stratégique recherche et innovation (COSRI) qui détermine la politique de recherche au moyen d'une stratégie nationale recherche 1 Cour des comptes. Relevé d'observations définitives S2019-2326 relatif au bilan des plans Écophyto Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 125/208 PUBLIÉ et innovation (SNRI) et assure la coordination de groupes techniques thématiques qu'il crée2. Ce comité a été mis en place avec Écophyto 2 ; un comité scientifique et technique (CST) chargé d'un rôle de suivi, de conseil et de prospective. Si la responsabilité s'est interministérialisée, nécessitant des arbitrages auprès du cabinet du Premier ministre, sa vision porte seulement sur le seul volet national du Plan Écophyto, et non sur l'ensemble des politiques concourant à la réduction des produits phytopharmaceutiques, ce qui a conduit à solliciter la mission du Préfet Bisch3 en 2020, pour apprécier la globalité des crédits mobilisés. Comme le soulignait la Cour des comptes, « le plan Écophyto est l'un des dix plans constitutifs du projet agroécologique pour la France et d'autres plans nationaux comportent des développements conséquents concernant l'utilisation des pesticides : Programme national de développement agricole et rural (PNDAR), Plan national santé au travail (PNST), Plan national santé environnement (PNSE), Stratégie nationale pour la biodiversité (SNB), Plans chlordécone ». Elle concluait que « ces plans ne sont pas articulés, et les bilans annuels du Plan Écophyto ne les intègrent pas, de sorte que la vision macroéconomique fait défaut et est difficile à communique ». La mission du coordinateur précitée a produit fin 2020 une première consolidation des financements concourant à la réduction de la consommation des produits phytopharmaceutiques. Dans sa conception, le plan présente les actions à grands traits sans les assortir des précisions et instruments utiles au pilotage. Ainsi, le suivi du plan d'action national Écophyto se matérialise-t-il par un document couvrant, sur une soixantaine de pages, l'ensemble des champs prévus par la directive 2009/128/CE, mais présente ce faisant chacune des actions avec un certain niveau de généralité et sans l'assortir des moyens nécessaires à sa mise en oeuvre, d'objectifs cibles chiffrés et d'indicateurs. Si l'ensemble des actions ainsi rassemblées donne une représentation de la dynamique d'ensemble, cette présentation ne permet pas d'apprécier la portée effective d'une action, son réalisme et son utilité. La déclinaison qui en est faite dans les régions sous la forme d'une feuille de route régionale, souffre des mêmes limites, comme l'a montré le travail d'analyse précité réalisé par la mission Bisch, à l'été 2020. Le comité d'orientation stratégique (COS) se réunit une fois par an, et aux dires de nombreux interlocuteurs, peine à contribuer aux orientations du plan. Cette situation résulte en partie d'une absence d'évaluation des différentes actions du plan, mais également de la posture institutionnelle de certains de ses membres. A cet égard, un changement important est intervenu en 2018 avec la suppression de l'approbation par le COS de la maquette budgétaire annuelle dans le cadre de la loi EGALIM4. Si cette simplification de la procédure est bienvenue, car elle a permis de conserver à cette instance sa vocation purement stratégique en évitant que chacun de ses membres ne sollicite sa part de subvention, elle n'a pas eu d'effet positif sur la durée de ladite procédure. 2Pour définir, piloter et mettre en oeuvre l'ensemble de ces actions, l'axe 2 du Plan Écophyto 2 s'appuiera sur un nouveau cadre collectif d'orientation, de programmation et d'incitation, le Comité Scientifique d'Orientation « Recherche ­ Innovation » (CSO R&I) (cf. action 28.1), issu des expériences acquises dans le cadre du programme « Pesticides » du ministère chargé de l'écologie, et du « Groupe Experts Recherche » (GER) du plan Écophyto I. Ce Comité sera piloté conjointement par le MAAF et le MEDDE, et sa composition inclura des experts du monde agricole. Coordinateur interministériel du plan de sortie du glyphosate et de réduction des produits phytopharmaceutiques nommé le 1er décembre 2018 3 Cet avis a été supprimé par l'article 89 de la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous 4 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 126/208 PUBLIÉ Néanmoins, la mission considère que le COS constitue une instance de concertation utile, pour peu que ses réunions soient documentées (bilan des actions, évaluations régulières, débat sur les évolutions du Plan). Enfin, le comité scientifique et technique n'était toujours pas été installé à fin 2020. Le plan Écophyto II+ prévoit : « Un comité scientifique et technique composé de membres nommés intuitu personae en concertation entre les quatre ministères pilotes, en raison de leur expertise personnelle, est installé. Il a en charge l'évaluation des réalisations, des résultats et des impacts du Plan. Il peut proposer des études permettant de documenter cette évaluation ou des actions de parangonnage. Il formule des propositions en matière d'indicateurs et de suivi. Il assure également un rôle de conseil et de prospective auprès des pilotes du Plan afin d'adapter ce dernier aux connaissances récemment acquises ou aux évolutions prospectives envisageables. Des membres du CST participent aux instances de pilotage de l'axe 2 ». Pour autant, la décision fait suite au comité d'orientation stratégique du plan Écophyto 2+ du 7 janvier 2020. Cette situation est préjudiciable dans la mesure où ce comité a « vocation à assurer le suivi régulier des indicateurs du plan Écophyto 2+ et à apporter une interprétation plus complète de leur évolution dans le temps, en fonction du type de produit et de culture. La création de ce comité sera aussi l'occasion de mieux évaluer l'efficacité des actions du plan en termes de réduction de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques. A ce titre, il pourra proposer des recommandations sur d'éventuelles actions complémentaires à mettre en oeuvre ou leviers d'actions à mobiliser pour atteindre les objectifs du plan ». Il pourrait éclairer le débat autour des indicateurs de suivi du plan. Ainsi la gouvernance stratégique du plan ne dispose que récemment d'une vision globale des financements dédiés, et pèche encore par l'insuffisance d'évaluations validées par un comité scientifique et technique absent. On peut regretter que cette gouvernance ne soit pas suffisamment concentrée sur la mise en cohérence des politiques publiques, une action stratégique pourtant mise en avant par Écophyto 2, et que sa composante scientifique reste incomplète. Cette gouvernance paraît finalement inutilement complexe à la mission. Cette section porte sur le pilotage du programme dans ses composantes nationale (41 M) et régionale (30 M). La conduite opérationnelle du programme annuel Écophyto s'appuie sur : · le comité interministériel (COS), cité plus haut, rassemblant les ministres chargés de l'environnement, de la santé, du travail, de la consommation et de la recherche ; · un « club » des référents Écophyto présents dans les principaux services de l'État concernés par la mise en oeuvre du plan, qui comprend la direction générale de l'alimentation (DGAL), la direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises (DGPE), la direction générale de l'enseignement et de la recherche (DGER), le secrétariat général du ministère de l'agriculture et de l'alimentation (SG MAA), la délégation à l'information et à la communication du même ministère (DICOM), la direction de la recherche et de l'innovation (DRI), le commissariat général au développement durable (CGDD), la direction de l'eau et de la biodiversité (DEB), la direction Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 127/208 PUBLIÉ générale de la prévention des risques (DGPR) la direction générale de la santé (DGS), la direction générale des outre-mer (DGOM), auxquels s'ajoutent l'Anses, l'Office français pour la biodiversité (OFB) et la cellule d'animation DEPHY, rattachée à l'assemblée permanente des chambres d'agriculture (APCA). Ces référents sont nommément chargés, individuellement ou collectivement, de la mise en oeuvre et du suivi de chacune des actions du plan Écophyto ; · un « club » des responsables Écophyto régionaux en poste dans chacune des DRAAF et DREAL. La coordination de ces différents acteurs est assurée au niveau national par les responsables des actions du programme. C'est principalement la DGAL qui dispose de la vision la plus globale, car ses services participent aux comités de pilotage de l'ensemble des actions ; cependant, sans mandat, toutes les informations utiles à la synthèse ne lui remontent pas. Aussi, la réalisation du bilan annuel du programme est complexe, de même que le pilotage opérationnel quotidien du programme. Le rapport de M. Potier 5 , député, avait déjà fait ce constat en 2014 ce qui avait conduit à des propositions structurantes en matière de gouvernance du projet Écophyto. La mission propose un nouveau dispositif pour la gouvernance nationale du plan Écophyto : - un chef de projet garant de la cohérence d'ensemble ayant le statut de délégué interministériel ; - une instance politique : la conférence d'orientation et de suivi (COS) ; - une instance chargée de prendre les décisions sur les actions à mener : le comité de pilotage opérationnel (CPO) ; - une instance experte chargée de rendre des avis : le conseil scientifique et technique (CST). Encadré 1 : Rappel des propositions du rapport Potier de 2014 (pages 185 à 190) Comme l'avait suggéré le rapport Potier, mais 4 ans après, les pouvoirs publics ont nommé, en décembre 2018, un coordinateur interministériel du plan de sortie du glyphosate et de réduction des produits phytopharmaceutiques, intégre au plan Écophyto II+6, arrête le 10 avril 2019, par le Comite d'orientation stratégique et de suivi (COS). Une des principales missions du coordinateur interministériel est de s'assurer du maintien de la dynamique engagée, qu'il s'agisse des services de l'État ou de l'ensemble des acteurs, de l'amont jusqu'a l'aval, dans un objectif de responsabilisation de chacun. Pour autant, le coordinateur interministériel n'est pas « un chef de projet » - il n'en a d'ailleurs pas le mandat - car il n'anime pas au quotidien le « comité de pilotage opérationnel » constitué des responsables de chaque action du programme. Il n'assure donc pas les arbitrages courants et ne joue aucun rôle officiel aujourd'hui dans l'élaboration de la maquette budgétaire annuelle. Si elle reste nécessaire, cette fonction de « chef de projet » fait donc toujours défaut. Enfin, d'après plusieurs interlocuteurs, la coordination des responsables régionaux avec les pilotes d'action nationaux est défaillante, faute d'être organisée d'une part, et parce que les crédits du programme régional sont gérés au sein des agences de l'eau d'autre part. Le pilotage est donc Rapport de Dominique Potier, député de Meurthe-et-Moselle au Premier ministre sur « Pesticides et agroécologie, les champs du possible ». Novembre 2014 5 Mission initialement exclusivement dédiée à la sortie du glyphosate et élargie trois mois après au plan Écophyto ; pour autant la task-force que préside le préfet Bisch ne concerne que le glyphosate ; cela montre les hésitations du gouvernement... 6 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 128/208 PUBLIÉ incomplet. L'exemple de la possible réorientation des crédits du programme en région dédiés au financement des pulvérisateurs, désormais pris en charge par le plan de relance, montre la nécessité d'un arbitrage très réactif et d'une mise en oeuvre rapide. En conclusion, il n'existe pas de responsable opérationnel du programme en capacité d'assurer la synthèse et d'arbitrer, ce qui conduit à solliciter indument le cabinet du Premier ministre pour des mesures de faible montant, entraînant ainsi l'approbation tardive de la programmation annuelle et un décalage dans le temps de sa mise en oeuvre. La coordination des responsables d'actions du programme annuel (et de son enveloppe régionale) et la mise en cohérence des dites actions ne sont pas organisées et ne permettent pas de disposer d'une vision globale et partagée par l'ensemble des acteurs (objectifs, mesures, bilans, résultats). Comme le rapportait l'un de nos interlocuteurs, « le premier plan Écophyto était structuré (8 axes), disposait de groupes de suivi par axe, qui discutaient des moyens et des financements. On savait déjà qu'il fallait une révision complète du système agricole. L'absence d'obligation a conduit au délitement du projet ». Il précisait : « il n'y a plus de visibilité de l'ensemble du plan, ni l'impression de construire ensemble (fin de la concertation), et l'idée de réduire les PPP est moins affirmée ». Les remontées d'information sont insuffisantes (consommation des autorisations d'engagement, pas des crédits de paiement ; absence de reporting sur l'atteinte des objectifs des actions), dispersées (chaque pilote central d'une mesure conserve les données, seule la DGAL dispose d'une vision d'ensemble des crédits nationaux ­ mais pas territoriaux - sans en réaliser une synthèse ni avoir la légitimité d'en tirer des leçons) et inexploitées (les fiches bilan OFB restent au sein de l'établissement). Pour la Cour, les documents de programmation et de suivi ne sont en outre pas suffisamment précis. Le programme pourrait donc être utilement complété par des documents synthétiques détaillant le contenu concret des actions et les moyens humains, financiers ou fonctionnels nécessaires à leur mise en oeuvre et par des objectifs chiffrés et des indicateurs. Les acteurs clés du programme annuel ne sont pas mobilisés à la hauteur des enjeux. L'OFB comme les agences de l'Eau participent à la réalisation du plan, mais cette activité n'est que l'un des axes de leur mission, la biodiversité pour le premier, la gestion de la ressource en eau et de sa qualité pour les secondes. Les DRAAF disposent de très faibles moyens consacrés au plan Écophyto, dont la mission ne transparaît pas dans les organigrammes. Le positionnement du chargé de mission Écophyto au sein d'un service (généralement le service régional de l'alimentation- SRAL), ne confère pas toujours à ce « chef de projet » la transversalité et l'autorité au sein de la direction. De même, les chambres d'agriculture n'ont pas intégré dans les faits l'objectif de réduire pour tous les agriculteurs l'usage des PPP, et proposent aux agriculteurs un réseau de conseillers agricoles non Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 129/208 PUBLIÉ adaptés à l'enjeu. L'absence de contrat d'objectif et de performance ne permet pas à l'État de fixer des objectifs clairs et contraignants dans ce domaine aux chambres d'agriculture, pourtant indispensables à la mise en oeuvre du plan. Dans son relevé, la Cour des comptes recommande « de simplifier les processus annuels d'allocation des ressources afin que les acteurs disposent de davantage de visibilité pour agir ». Les administrations centrales consultées ont alerté la mission sur les difficultés rencontrées : Des procédures propres à l'OFB ou aux agences de l'Eau et liées à la spécificité de leurs programmes pluriannuels d'interventions7 qui conduisent, dans le premier cas à remettre en cause les décisions d'affectation des crédits, dans le second à interroger leur légitimité à conduire certaines actions du programme Écophyto (par exemple les actions relatives à la santé humaine ne rentrent pas dans le champ d'action des agences de l'Eau) ; le caractère tardif de la programmation disponible en mi-année N, ne laissant que peu de temps pour la mise à disposition des crédits et leur consommation ; l'absence de visibilité quant à la consommation mensuelle des crédits en Autorisations d'Engagement (AE) et Crédits de Paiement (CP). De fait, le choix des opérateurs est davantage lié à des considérations historiques et aux équilibres entre ministères qu'à la recherche du circuit financier le mieux adapté à la politique menée. La lourdeur de la procédure budgétaire nuit à la mise à disposition des crédits, qui ne sont pas intégralement consommés alors qu'ils sont financés par une taxe affectée. Les circuits financiers sont complexes et font intervenir des acteurs dont la mission n'est pas principalement la réduction de la consommation des produits phytopharmaceutiques : la redevance pour pollution diffuse (RPD) est recouvrée intégralement et par commodité par l'agence de l'eau Artois-Picardie, pour le compte des six agences de l'eau, qui s'acquitte très bien de cette tâche, pour la redistribuer aux acteurs (OFB, agences de l'eau) en charge de la mise en oeuvre du programme annuel ; l'OFB est affectataire d'un montant de 41 M fixé par la loi de finances provenant des recettes de la RPD pour le volet national du programme annuel qu'elle engage selon la maquette budgétaire arbitrée. Cependant cet opérateur a pour principale mission la préservation, la gestion et la restauration de la biodiversité ainsi que la gestion équilibrée et durable de l'eau8 ; En application des lettres de cadrage de la tutelle (MTE) et cohérents avec les contrats d'objectifs passés entre ces opérateurs et l'État, pour la durée de ces programmes 7 L'Office français de la biodiversité est un établissement public de l'État, créé par la loi 2019-773 du 24 juillet 2019, qui contribue, s'agissant des milieux terrestres, aquatiques et marins, à la surveillance, la préservation, la gestion et la restauration de la biodiversité ainsi qu'à la gestion équilibrée et durable de l'eau en coordination avec la politique nationale de lutte contre le réchauffement climatique 8 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 130/208 PUBLIÉ les agences de l'eau consacrent une part fixe de 30 M de la RPD (dite enveloppe régionale), spécifiquement dans le cadre de leur programme d'intervention à des mesures relatives au Plan Écophyto, mais leurs missions sont plus vastes. Certains acteurs clés, par ailleurs opérateurs de l'État (exemple des chambres d'agriculture et de l'APCA), se voient financés par l'intermédiaire de l'OFB et non directement, ce qui alourdit encore le processus de contractualisation et de mise à disposition des crédits. Cette situation dans laquelle les décideurs ne sont pas les payeurs génère des pesanteurs liées notamment aux contraintes des établissements publics, qu'elles soient propres à leur statut ou à leurs procédures internes. A l'inverse, les administrations centrales concernées, comme les administrations régionales (DRAAF, DREAL principalement), ne disposent d'aucun crédit spécifique. Elles doivent en conséquence s'appuyer sur les opérateurs précités pour la mise en oeuvre concrète du programme (appels d'offre, contractualisation, mise à disposition des crédits, reporting). A l'origine le choix de l'opérateur ONEMA, ancêtre de l'AFB devenue OFB, résulte d'une décision du Parlement prise lors de l'examen du projet de loi de finances 20099. Le rôle de l'ONEMA a longtemps été circonscrit à la gestion administrative et financière du programme. Depuis la création de l'AFB, devenue responsable de la mise en oeuvre du volet national du programme financier dédié spécifiquement au plan Écophyto, l'opérateur n'a eu de cesse de renforcer son positionnement dans la gouvernance opérationnelle du programme. Enfin, l'OFB, créé en 2020 par transformation successive de l'ONEMA puis de l'AFB, désormais sous double tutelle MTES et MAA, considère de sa responsabilité de procéder à l'instruction des appels à projets qu'il finance, dans un cadre défini par ses tutelles. L'AFB, désormais intégré dans l'OFB, dispose d'un programme d'intervention pour la période 2019 2020, adopté par son conseil d'administration le 15 mars 2019. Le domaine n°5 concerne la mise en oeuvre du programme Écophyto. Ce programme d'intervention définit le cadre, les priorités et modalités générales de mise en oeuvre des concours financiers apportés par l'établissement. À l'intérieur de l'enveloppe globale d'interventions, de l'ordre de 120 M, une partie très significative de ces subventions (41 M) est « fléchée » par la loi sur l'appui à la mise en oeuvre du volet national du Plan Écophyto. Le type de projets finançables, au sens des grands objectifs, est défini dans le cadre de la gouvernance particulière à ce plan, et l'Office attribue ses aides dans les limites d'une « maquette financière générale » qui lui est notifiée chaque année par les ministères chargés de l'agriculture et de l'environnement 10. Dans le projet de PLF 2009, le gouvernement avait initialement proposé que la gestion de la part de redevance destinée au plan Écophyto soit affectée à FranceAgriMer. Cette imputation avait été fortement contestée par les instances de gouvernance du secteur de l'eau d'où in fine la décision prise par le Parlement d'affectation à l'ONEMA financé par ailleurs en totalité par un prélèvement sur l'ensemble des redevances perçues par les agences de l'eau conformément à la loi sur l'eau du 30 décembre 2006 9 Article R.131343 du code de l'environnement : « Le ministre chargé de l'agriculture et le ministre chargé de l'environnement arrêtent chaque année le programme national [...]. Ils peuvent modifier ce programme en cours d'année pour tenir compte des recettes effectivement affectées à l'agence ou des enseignements tirés de la mise en oeuvre du programme par l'agence ». 10 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 131/208 PUBLIÉ Le Conseil d'administration de l'OFB se prononce, comme pour les autres domaines d'intervention de l'OFB, sur : l'attribution de subventions d'un montant supérieur à 500 000 (pour mémoire, les aides de montant inférieur faisant l'objet de décisions du directeur général de l'Office, par délégation), après avis de la Commission des interventions ; depuis 2018, sur le lancement des appels à projets dans le cadre du programme Écophyto. Si ce processus est conforme au statut de l'établissement public, il pose quelques difficultés aux tutelles de l'établissement en charge du programme Écophyto : l'OFB dispose d'un conseil d'administration qui ne comprend que 16 représentants de l'État sur 43 membres. Or, les orientations du programme Écophyto ne sont pas toujours en concordance avec la mission de l'opérateur en matière de défense de la biodiversité. Il n'est par exemple pas possible d'utiliser les crédits Écophyto provenant d'une taxe affectée, à d'autres usages ; les règles internes de l'OFB fixent notamment un plafond de subventionnement de 75 % des dépenses d'un projet, là où l'État peut estimer nécessaire de porter ce taux à 100 %. Cette règle a conduit à des débats sérieux entre le conseil d'administration de l'opérateur et ses tutelles. Certes, le recours à un opérateur national avait pour but d'alléger la charge de travail des administrations centrales. En effet, la mise en oeuvre du plan a donné lieu à la conclusion annuelle et à la gestion pluriannuelle d'un très grand nombre de conventions (149 conventions conclues annuellement en 2018, 134 en 2019 et 91 en 2020, et autour de 250 suivies simultanément). Mais, dans la mesure où la majorité des conventions annuelles lient l'agence française pour la biodiversité (AFB)/OFB et les chambres régionales d'agriculture pour la mise en oeuvre de la surveillance biologique du territoire ainsi que l'APCA pour la mise en oeuvre du dispositif DEPHY, il est permis de s'interroger sur la nécessite de passer par un opérateur tiers pour contractualiser avec d'autres opérateurs de l'État. La coordination entre les administrations centrales et l'OFB pour l'enveloppe nationale du programme (41 M) se heurte aux contraintes d'un EPA dont ce n'est pas la mission principale (la réduction des PPP n'est pas la préservation de la biodiversité - ex santé humaine), dont l'État ne détient pas la majorité au conseil d'administration, et qui impose des règles de gestion internes inadaptées (plafond de 75 % de subvention). Le plan Écophyto II (action 30.2) prévoyait la mobilisation de 30 M par an pour financer les actions déterminées par la commission agroécologie de chaque région. Ce montant a été estimé comme le supplément relatif à l'augmentation de redevance portant sur les substances les plus nocives. Ce montant est fongible avec les autres crédits en provenance de la RPD, car celle-ci, à l'exclusion des crédits nationaux pour 41 M, reste affectée aux agences de l'eau. La mission du préfet Bisch a constaté que l'investissement des agences dans la réduction des produits phytopharmaceutiques dépassait largement les 30 M chaque année, ne serait-ce que dans la conversion à l'agriculture biologique. Pour autant, les agences de l'eau ne sont pas pilotées par le niveau national du plan qui ne fournit pas de vision globale du programme, dans ses deux dimensions, nationale et régionale. La DRAAF n'est pas le pilote du plan Écophyto au niveau régional, mais le coordonnateur du comité des financeurs. A l'inverse, les agences de l'eau n'ont aucun rôle dans la stratégie nationale et les 41 M. Il n'y a pas de retour sur les actions nationales, ni au niveau des agences de l'eau, ni au comité régional. On constate Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 132/208 PUBLIÉ une réelle déconnexion entre le niveau régional et le niveau national. Selon la Cour des comptes, au plan régional, le dispositif souffre de faiblesses comparables à celles décrites au niveau national et qui tiennent « à l'architecture initiale du dispositif, au nombre d'interlocuteurs, au flottement de la gouvernance et au caractère complexe et fluctuant des financements ». Si les conseils régionaux ont accepté de participer, comme les textes leur en offrent la possibilité, au copilotage du plan, ces collectivités conservent la faculté de déployer de nombreuses actions en marge du cadre fixé par la feuille de route régionale et des actions financées dans le cadre du comité des financeurs. La coordination avec les agences de l'eau est inexistante, au plan national, et ne concerne que la part régionale (30 M) au niveau régional via le comité des financeurs, les DRAAF n'étant pas associées territorialement au pilotage national, bien qu'elles président le comité des financeurs. Ainsi, le manque d'articulation entre les volets national et territorial du programme est unanimement reconnu. Comme pour le programme national, la gouvernance et la gestion des enveloppes régionales n'ont pas fait la preuve de leur efficacité globale, même si l'intérêt des actions financées peut sembler assuré par le caractère partenarial des décisions. La mission recommande aux administrations centrales d'assurer un pilotage plus ferme de leurs opérateurs et de coordonner l'action de leurs services déconcentrés, sans nécessairement réviser les circuits financiers, compte tenu des sommes en cause. Si des scénarios alternatifs conduisaient à réformer le plan Écophyto, deux alternatives pourraient être explorées (voir partie 3 du rapport) : affecter certains crédits directement aux opérateurs publics dont la mission principale est en adéquation avec les actions à financer. Dans ce cas, il conviendrait de modifier les textes relatifs à l'affectation des crédits à l'OFB ; attribuer à l'Etat, pour chacun des ministères en charge, les budgets nécessaires à la mise en oeuvre des dites actions. Dans cette hypothèse, les recettes de la RPD viendraient abonder le budget de l'Etat, et il conviendrait alors de modifier les textes pour supprimer le caractère « d'affectation » de ladite redevance, pour la part relative au plan Écophyto. Le processus budgétaire relatif aux crédits du programme national (41 M) conduit à décaler d'un an la mise à disposition des crédits (les notifications de crédits à l'OFB datent pour 2020 de début novembre 2020 ; les crédits consommés en 2020, pour 13,1 M et 91 conventions, concernent tous des enveloppes budgétaires des années 2018 et 2019). Le caractère tardif de la programmation disponible en mi-année N ne laisse que peu de temps pour la mise à disposition des crédits et leur consommation. Comme l'a souligné la Cour des comptes, les 41 M de crédits définis au niveau national issus annuellement de la redevance pour pollution diffuse et sanctuarisés par la loi de finances se répartissent entre dépenses structurantes (70 %) et actions financées sur appels à projet (30 %), et entre les différents axes et actions du plan. Ainsi, en 2018, 28,88 M de crédits sont attribués à l'APCA et aux chambres d'agriculture, soit 72 % du total national. Deux catégories d'actions mobilisent la grande majorité des crédits : la surveillance biologique du territoire et le réseau des Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 133/208 PUBLIÉ fermes DEPHY destinées à tester et mettre en oeuvre des procédés culturaux économes en produits phytopharmaceutiques. La mission considère, comme la Cour des comptes, que le processus annuel d'allocation des crédits du plan est inutilement chronophage, dans la mesure où les crédits disponibles sont pour l'essentiel connus et que près de 70 % de ces crédits sont destinés à financer des actions pérennes. Il serait pertinent d'informer les administrations des moyens récurrents déjà alloués et/ou reconduits et de ne développer le processus budgétaire que pour les nouveaux crédits. La Cour déduisait également de la multiplicité des acteurs « une mobilisation des services sur des tâches administratives dépourvues d'intérêt opérationnel au regard des objectifs à atteindre (notamment conception du plan mobilisant un nombre élevé de réunions et de participants, conception de maquettes financières nouvelles rouvrant des questions susceptibles de nécessiter de longues négociations ou de nouveaux arbitrages) alors même que la consistance des actions n'est pas fondamentalement modifiée ». La Cour des comptes préconisait, « afin d'ancrer dans la continuité des mesures et des actions dont la mise en oeuvre et les effets exigent plusieurs années, de concevoir pour la mise en oeuvre, le financement et le suivi d'actions pour l'essentiel pluriannuelles, des instruments de gestion publique adaptés permettant de fixer, dans un cadre pluriannuel d'une durée pertinente et raisonnable (3 ou 5 ans), des missions et des moyens prévisionnels, assorti d'un mécanisme annuel allégé de mise à disposition des crédits et de rendu compte ». Cette préconisation pourrait être mise en oeuvre dès la prochaine maquette budgétaire, en fixant la pluriannualité à trois ans, ce qui correspond à la durée moyenne des conventions et de leurs avenants. La consommation des CP nationaux ne fait pas l'objet d'un encadrement par la tutelle, l'OFB précisant qu'en moyenne 85 % des AE nationaux étaient consommés en CP. Tableau 5 : Situation à la date de la mission En Année 2016 2017 2018 2019 Total AE budgétés 41 393 458 40 910 000 41 000 000 41 000 000 AE consommés 37 677 586 40 904 877 40 991 606 36 567 702 AE disponibles 3 715 872 5 123 8 394 4 432 298 CP décaissés 35 643 812 34 912 723 32 023 219 29 882 435 Ecart AE budgétés ­ CP décaissés 5 749 646 5 997 277 8 976 781 11 117 565 31 841 269 Source OFB S'il est probable que des crédits de paiement seront consommés en 2020 concernant des AE des années 2018 et 2019, la mission retient qu'en moyenne 6 M, soit près de 15 % des AE budgétés annuellement, ne sont pas consommés. Sur la période 2016 ­ 2019, sur 24 M ainsi non dépensés, seuls 4 M relatifs à des AE disponibles en 2019 ont été à nouveau programmés en 2020. Ce sont donc environ 20 M qui sont venus abonder le fonds de roulement de l'opérateur sur la période, sans qu'à aucun moment les Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 134/208 PUBLIÉ tutelles n'aient jugé utile de reprogrammer des AE, ni l'opérateur d'ailleurs. Ces informations ont pourtant été portées à leur connaissance. Même si la mission n'a pas de doute sur l'intérêt de l'ensemble des actions conduites par l'OFB, l'utilisation non tracée de fonds issu d'une taxe affectée est critiquable et pénalisante pour le programme Écophyto. Les orientations du plan Écophyto sont du ressort des ministres, appuyés par le COS, dont la vocation doit rester d'ordre stratégique. Il est pertinent pour la mission d'avoir supprimé le visa du COS sur le programme annuel. Néanmoins, le COS doit disposer d'une information pertinente, composée d'un bilan annuel du programme, mais aussi d'avis scientifiques éclairés et d'évaluations sérieuses. Pour ce faire, la mission recommande de nommer sans plus tarder les membres du CST. Elle recommande également de consolider la gouvernance stratégique du plan en confirmant le rôle du délégué interministériel dans la mise en cohérence des politiques en faveur de la réduction des PPP. Il importe de désigner clairement le pilote en charge de la conduite des opérations et de leur mise en cohérence. La mission propose deux voies possibles : soit l'élargissement des compétences du délégué interministériel au volet opérationnel, qui devrait alors s'accompagner de moyens humains en conséquence ; soit la désignation de l'un des directeurs généraux du ministère de l'agriculture par délégation des quatre ministres, la mission considérant que la DGPE ou le DGAL pourrait remplir cette fonction. Dans ce registre, il conviendrait de veiller à ce que ce pilotage opérationnel soit en capacité d'arbitrer l'essentiel des questions liées au bon fonctionnement du programme, y compris au niveau régional. Ces mesures sont indépendantes du scénario retenu. La gestion financière du programme soufre de lenteurs et de lourdeurs liées en premier lieu à la procédure budgétaire. Outre l'apport d'un pilote opérationnel, l'élaboration d'un budget pluriannuel permettrait de limiter les ajustements annuels à la portion congrue. La mission suggère une période de trois ans, tant il est ardu de se projeter à un horizon plus lointain, mais également une actualisation régulière par le biais d'un programme triennal glissant. En tout état de cause, cela autorise une révision à mi-parcours des orientations budgétaires. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 135/208 PUBLIÉ Certaines conventions peuvent avoir une durée plus longue, car la mise en oeuvre de certains projets nécessite plus de temps (5 à 6 ans). La mission maintient l'idée d'un programme triennal, et propose, afin de ne pas limiter inutilement la mise en place des autorisations d'engagement : soit de limiter la part des conventions d'une durée supérieure à trois ans, à 50 % au plus des budgets annuels ; soit d'échelonner les AE en fonction de la maturité des projets. Enfin, la mission préconise de consommer l'intégralité des crédits de paiement issus de la part de la taxe affectée à Écophyto, en reprogrammant systématiquement chaque année les CP non consommés. Elle préconise le suivi au premier euro des crédits de paiements. La mission ne recommande pas de changer d'opérateur pour le recouvrement des recettes de la RPD. S'agissant des dépenses dans le dispositif de taxe affectée qu'est la RPD, le choix de l'opérateur a été davantage lié à des raisons historiques et au périmètre des ministères concernés qu'à la nature des dépenses et à leur adéquation avec la mission centrale d'un opérateur. Cela peut conduire à des divergences dans le choix des projets lors de la mise en oeuvre. Cela a aussi pour inconvénient de ne pas attribuer au décideur les moyens de son action, ce qui n'est pas en phase avec les principes de la LOLF. Aussi, si l'on souhaite recourir à d'autres opérateurs, le principe de la taxe affectée peut être maintenu, l'affectation devant être modifiée selon le nouvel opérateur choisi. En revanche, si l'on retient l'idée d'un pilotage direct par les ministères en charge (administrations centrales et services déconcentrés), il convient de revenir à une ressource sur budget de l'Etat et modifier les textes en conséquence. Enfin, la mission s'est rapprochée de FranceAgriMer et de l'agence de services et de paiement (ASP) dont le principal avantage, selon les administrations centrales, est de procéder aux paiements sans examen en opportunité des décisions prises. Cette dernière a clairement précisé qu'avant tout transfert d'activité, une simplification du plan Écophyto serait nécessaire, tant le nombre de mesures de nature différente est important au regard des 41 M à administrer. La mission considère par ailleurs qu'il y aurait des inconvénients à ne pas utiliser les services d'un opérateur de l'Etat sous tutelle des ministères en charge du plan Écophyto dont la mission est proche de la nature des dépenses engagées. La mission considère également que le financement régional pourrait être le fait des DRAAF, ce qui assoirait leur position au sein du comité des financeurs tout en les mobilisant sur le thème Écophyto. Cette option se situe dans le cadre d'une ressource sur budget de l'Etat. Il conviendrait alors d'affecter l'enveloppe régionale au réseau déconcentré via FranceAgriMer, et d'en assurer le pilotage national via la DGAL. La réorientation des crédits en serait facilitée. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 136/208 PUBLIÉ La première partie de ce rapport a présenté les principales actions du plan et leurs contributions à ses résultats. La seconde partie a analysé les principales caractéristiques du plan et a formulé des recommandations générales pour l'améliorer, dont certaines avaient été déjà proposées par la Cour des comptes. La troisième partie propose des évolutions plus profondes, sous la forme de scénarios incluant des processus de massification à l'échelle des objectifs du plan. Cette annexe est la version complète de cette troisième partie. La section 1 expose la méthode qui a été retenue pour construire les trois scénarios. Les sections 2, 3 et 4 décrivent les trois scénarios choisis. Chaque scénario se conclut par un tableau « forces, faiblesses, opportunités, menaces » que le lecteur pressé peut directement aller consulter. La section 5 fournit des clés d'aide à la décision, notamment quant au modèle d'agriculture souhaité, ainsi qu'au positionnement et à l'organisation de l'État. Elle se conclut par un tableau comparatif des trois scénarios et une recommandation méthodologique. Au cours des entretiens qu'elle a pu mener, la mission a constaté une perte de confiance dans l'adéquation entre les objectifs du plan et les actions qui sont aujourd'hui déployées. En particulier, aucune des mesures financées dans le cadre du programme national et des enveloppes régionales ne semble en mesure d'entraîner un mouvement suffisant des agriculteurs, de leurs fournisseurs et des transformateurs et distributeurs pour atteindre les réductions de PPP souhaitées, ce qui semble engendrer un certain fatalisme. Ne pas compter que sur la nouvelle PAC, ni sur la seule agroécologie Certaines améliorations de gouvernance et de fonctionnement sont certes attendues ou ont été enclenchées, notamment à la suite du référé de la Cour des comptes, mais si elles sont nécessaires, et décrites plus haut, elles ne suffiront pas à redonner de la crédibilité au plan Écophyto. Et il serait bien malavisé de ne compter que sur la réforme de la PAC, en cours d'arbitrage, pour redonner de la crédibilité à la cible fixée par Écophyto. Certes, par la masse financière qu'elle représente, et par le couplage avec les politiques publiques qu'elle autorise, à travers le second pilier et au moins dans une proportion de 20 à 30% des actions du premier pilier, la nouvelle PAC est une opportunité, comme l'a en particulier souligné la Cour des comptes (2020). Mais s'il faut essayer de la saisir, il est tout aussi indispensable d'identifier d'autres voies de massification, avec des prérequis européens moins exigeants, et tenant compte des acquis et des réalisations depuis 2008. Tout comme il serait imprudent de ne miser que sur un seul modèle agricole : il existe aujourd'hui Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 137/208 PUBLIÉ plusieurs types d'agriculture, répondant à des besoins complémentaires, et l'intérêt public commande de tous les faire progresser, sur la question des PPP, bien sûr, c'est la priorité du plan Écophyto, mais également sur l'eau, les nitrates et les gaz à effets de serre... A cette fin, et c'est un mouvement déjà bien entamé depuis les états-généraux de l'alimentation, les politiques agricoles incorporent de plus en plus les enjeux de l'alimentation, voire de la nutrition et les attentes des consommateurs peuvent aussi être un levier de la transformation agricole. C'est dans cette perspective, plus large que celle du premier plan Écophyto, que les enjeux de la massification des bonnes pratiques en matière de protection des cultures doivent aujourd'hui être envisagés. Continuité ou rupture ? Certes Écophyto a un bilan bien meilleur que ce que l'évolution des indicateurs QSA et NODU ne le montre1. Écophyto a sensibilisé assez largement aux risques associés à l'usage des PPP et a engagé la recherche et une partie de la profession agricole dans la mise au point et la diffusion d'alternatives. Certaines pratiques en matière de PPP ont changé, et le plan Écophyto peut en être crédité, mais ni les résultats obtenus ni le contenu et l'organisation du plan ne sont aujourd'hui satisfaisants. Face à ce constat très partagé et à ces analyses, une démarche sinon de « rupture » - il ne faut pas tout jeter dans Écophyto - au moins de « nouvel élan » semble indispensable. Si nécessaire, deux arguments supplémentaires peuvent être apportés et justifier la méthode des scénarios : En premier lieu, la mission considère que le plan actuel ne peut pas réussir. Sa poursuite en l'état pose la question de la crédibilité de l'action publique. Écophyto a 12 ans d'âge, et devrait donc avoir fini de produire les résultats escomptés en 2008, lors de sa création. Or l'indicateur de référence, le NODU, est sensiblement au même niveau qu'en 2008. Les principales actions ont été conçues au début du plan, pour démontrer la faisabilité de la réduction des PPP. Hormis les CEPP, qui ne sont aujourd'hui qu'une promesse, et dont le potentiel a été bridé, et la séparation entre la vente et le conseil en PPP, qui entre en vigueur en 2021, aucune action nouvelle susceptible de contribuer à une réduction plus forte n'a été définie depuis, notamment avec Écophyto 2 et Écophyto 2+. L'action la plus probante sur la réduction de l'usage des PPP, le développement de l'agriculture biologique, n'était pas identifiée comme prioritaire dans le plan initial, et son ampleur d'ici 2028 restera insuffisante pour atteindre l'objectif du plan Écophyto 2°+. On ne connaît pas les résultats 2020, mais on sait déjà que la première des échéances redéfinies avec Écophyto 2 ­ la baisse de 25% d'ici 2020 ­ ne sera pas atteinte, au moins en moyenne sur 3 ans (2018, avec des achats très élevés, 2019 avec des achats en baisse, et 2020). Une mise en cohérence des leviers et des ambitions est donc nécessaire. Elle est une condition de rétablissement de la crédibilité de la parole publique dans le domaine des PPP et de la réhabilitation des agriculteurs dans leur fonction positive, sociale et économique, et pas seulement comme « pollueurs » qu'on ne veut seulement pas voir dans son jardin2. En second lieu, la perception des enjeux et des risques est aujourd'hui variée et détermine des attitudes politiques multiples. Il convient d'appréhender l'impact des PPP sur la santé humaine et la biodiversité, mais aussi les enjeux associés à la qualité de l'alimentation, à la compétitivité et à l'autonomie de l'agriculture française. L'examen simultané de ces enjeux peut donc aboutir à des arbitrages politiques multiples. L'apparente continuité des plans Écophyto ne doit pas laisser croire à Cf par exemple l'article déjà cité Le plan Écophyto de réduction d'usage des pesticides en France : décryptage d'un échec et raisons d'espérer, Laurence Guichard & alii, 2017 1 2 Not in my back yard. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 138/208 PUBLIÉ un consensus : certes l'objectif d'une réduction de 50% a été maintenu, mais son échéance a été repoussée, et la mission a pu constater qu'une part significative des acteurs concernés, y compris au sein des administrations et opérateurs de l'État, n'était pas déterminée à en assurer la réussite, attitude que certains acteurs de l'agriculture et de l'alimentation et certaines parties prenantes ont perçue et intégrée dans leurs propres comportements. Quelques acteurs présents au début du plan, alors confiants voire optimistes, dans l'élan du Grenelle de l'environnement, déclarent s'être radicalisés en plaidant désormais non pour la réduction, mais pour l'interdiction des PPP de synthèse. D'autres au contraire ont perçu les hésitations successives des gouvernements à mettre en place des leviers contraignants, et considèrent ainsi que l'objectif de réduction des PPP ne concernera que leurs successeurs. En attendant, la pression de la profession agricole, incluant fabricants et revendeurs, pour maintenir la possibilité d'user des PPP semble supérieure à celle des ONG, de certains élus et des citoyens pour obtenir leur retrait. Parallèlement, les questions de la sécurité alimentaire et de la compétitivité de l'agriculture et des activités agro-alimentaires, industrielles ou artisanales, restent des enjeux importants, et que la crise de la Covid 19 a rehaussés. Mais alors que le plan Écophyto est clairement porté à une échelle interministérielle, le MAA peut parfois sembler seul à porter les enjeux de sécurité alimentaire et de compétitivité, tout comme le MTE porte les enjeux des écosystèmes et le MSS l'enjeu de santé des populations, donnant l'impression d'une parole multiple de l'État, à l'échelle nationale comme à l'échelle déconcentrée. La mission s'est donc considérée comme légitime à décrire plusieurs horizons crédibles pour Écophyto, tous fondés sur la recherche de l'intérêt général, mais réservant à la concertation avec les professionnels et les parties prenantes d'une part, à la décision politique d'autre part, le soin de définir et choisir les voies à privilégier entre plusieurs scénarios. Puisqu'ils visent une massification des bonnes pratiques, les différents scénarios peuvent être construits à partir d'une question centrale : si l'on considère que l'abandon progressif des PPP obéit aux « lois » de la diffusion des innovations, où est-on situé aujourd'hui sur la trajectoire de diffusion de l'innovation ? Et quelle sera sa forme dans les années à venir ? La question de la diffusion des innovations a fait l'objet d'études et de travaux de recherche nombreux y compris pour ce qui concerne le monde agricole. Conformément à la représentation très répandue initiée par Rogers3 en 1962, on peut par exemple supposer que l'adoption des alternatives aux PPP s'étale dans le temps avec une courbe en S (en jaune sur la figure) issue d'une gaussienne (en bleu sur la figure). 3 Everett Mitchell Rogers, 1962 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 139/208 PUBLIÉ Figure 11 : représentation simplifiée de l'adoption des innovations Une très faible proportion des agriculteurs innove lentement, avec un début de diffusion concave, animé par les « early adopter » puis une majorité se décide et la courbe d'adoption devient convexe, une fraction des agriculteurs étant résistante et ne s'adaptant que tardivement. Certains auteurs croient pouvoir déceler dans cette trajectoire un « gouffre » 4 sur cette trajectoire (figure de droite) : après sa mise au point et son adoption par une fraction limitée des agents, l'innovation tarde à trouver son marché et à se généraliser, du fait de verrous culturels ou sociotechniques. Bien sûr, il s'agit là de représentations simplifiées de phénomènes beaucoup plus complexes dans la réalité. Au cas d'espèce, la question est rendue encore plus difficile à appréhender du fait qu'il ne s'agit pas de comprendre la diffusion d'UNE innovation, mais d'analyser l'impact de l'abandon d'une technologie très fortement diffusée, les PPP de synthèse, dont les substituts peuvent être représentés comme de multiples innovations5 éventuellement reliées en une « grappe d'innovation ». Si on peut admettre que la diffusion de chaque innovation de substitution suit une trajectoire standard (une courbe de Gauss), l'adoption des dizaines ou des centaines d'innovations indépendantes les unes des autres, mais toutes nécessaires pour réduire l'usage des PPP, suit probablement une courbe beaucoup plus chaotique, et assez imprévisible, comme beaucoup d'innovations de « rupture ». Or l'efficacité des actions de soutien n'est très probablement pas la même selon l'endroit où on se situe dans la dynamique de « destruction créatrice »6. Ainsi le repérage de la position actuelle du monde agricole dans son processus d'abandon des PPP et d'adoption des alternatives est un point clé pour déterminer les priorités du plan et du programme Écophyto. L'identification des solutions a mis plus de temps que prévu. Le premier plan Écophyto s'est en priorité attaché à regarder la disponibilité des innovations de substitution aux PPP : c'était en effet un préalable nécessaire. Cette première phase d'identification a pris quelques années et, à certains égards, se prolonge encore, comme des travaux récents de l'INRAE sur les alternatives au glyphosate l'illustrent7 . Elle a permis d'identifier des actions permettant de réduire les PPP de quelques % (par l'amélioration des pulvérisateurs) à quelques dizaines de % (par la mise au point d'un assolement sur 6 ou 8 ans). L'identification et la mise au point de changements de systèmes, capables de réduire davantage l'usage des PPP, a été beaucoup plus long et si ces changements ont bien été réalisés dans un nombre significatif d'exploitations, par exemple au sein du 4 5 6 7 Crossing the chasm, Geoffrey Moore 1991 Joseph Schumpeter en a décrit les principales variétés. Idem. Cités supra Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 140/208 PUBLIÉ réseau DEPHY, on a vu que ce réseau pouvait être considéré comme une avant-garde, qu'il a bénéficié d'un accompagnement important8 et que ces résultats, par exemple en grandes cultures (IFT en baisse de 14%)9, restent très inférieurs à l'objectif. Les temps de diffusion des innovations à la masse des exploitations n'ont pas été intégrés alors qu'ils peuvent être très longs dans le domaine de l'agriculture Mais au-delà de la phase préalable d'identification des innovations de substitution, le plan fait ensuite des hypothèses implicites très peu réalistes quant à leur diffusion à une large fraction des agriculteurs. En particulier les actions du programme en première phase de ce plan ciblaient les innovateurs et les early adopter engagés notamment dans les fermes DEPHY. Comment aurait-on pu aboutir à une diffusion suffisamment large de ces innovations pour obtenir ainsi une réduction de 20 ou 25% en moins de 5 ans ? De même, la deuxième étape, le délai de 5 ans pour repérer les modifications plus structurelles, les changements de système, était sans doute envisageable, mais une extension suffisante de ces changements de systèmes pour atteindre la réduction de 50% aurait supposé un délai réaliste beaucoup plus long que 5 nouvelles années. La diffusion des innovations dans les domaines de l'agriculture, de l'alimentation et de l'environnement est une question qui intéresse les chercheurs10. L'INRAE conduit au long cours un programme désigné « ASIRPA11 » visant à décrire et mesurer selon une méthode normalisée l'impact sociétal de la recherche agronomique : les études réalisées, disponibles sur le site de l'INRAE, montrent des durées d'impact importantes, souvent supérieures à 15 années, pour des travaux clairement délimités, comme la mise au point d'une alternative de biocontrôle utilisable dans la culture des pommiers. En 2014, cette méthode ASIRPA a également été adoptée pour mesurer l'impact de l'étude Écophyto R&D. Ces études montrent que certains résultats ont été produits grâce à des projets de recherche et des dispositifs conçus dans les années 1990 : on est plus près du rythme de la recherche spatiale, quand une vie de chercheur peut se dérouler entre la définition d'un protocole d'observation et l'exploitation des données d'un satellite envoyé aux confins du système solaire, que des nouvelles technologies numériques ! Certes des résultats intermédiaires sont disponibles, mais on n'est clairement pas dans un temps politique, avec une attente de « résultats » avant l'échéance d'un mandat présidentiel. Si le temps des travaux de recherche proprement dit est long, celui de certaines études réalisées par des chercheurs, mais visant à faire le point sur l'état de la recherche ou des pratiques, sans produire de nouvelles connaissances, est plus rapide. On l'observe avec le glyphosate : les travaux préalables à la décision conduits par l'INRAE ont permis de recenser des possibilités de substitution variables, et d'adapter les évolutions de la réglementation souhaitées (la promesse d'une interdiction exprimée par le Président de la République) à des contextes multiples. Ces études préalables à la réglementation sont elles-mêmes coûteuses en expertise et en temps, mais elles sont nécessaires pour sécuriser l'action publique et bien anticiper son impact. Dès qu'on abandonne l'idée naïve d'une diffusion spontanée des alternatives aux PPP, on voit que le plan a sous-estimé non pas les délais d'identifications des bonnes pratiques ­ certaines n'ont d'ailleurs jamais cessé d'être connues12-, mais les délais de diffusion des pratiques susceptibles d'être considérées comme des innovations intéressantes dans un domaine aussi multifactoriel que 8 9 Lechenet &alii, 2017 Colloque national Dephy, 2 février 2021 Par exemple : Le plan Écophyto de réduction d'usage des pesticides en France : décryptage d'un échec et raisons d'espérer, Laurence Guichard et alii, Cahiers de l'agriculture, 2017 10 11 12 Analyse Socio-économique des Impacts de la Recherche Publique Agricole Comme le dit Marc Dufumier supra Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 141/208 PUBLIÉ l'agriculture. Au lieu de supposer la diffusion spontanée des alternatives aux PPP, plusieurs hypothèses peuvent être formulées. On peut ainsi distinguer trois hypothèses différentes quant à la maturité des alternatives aux PPP et par conséquent aux priorités pour Écophyto : Les alternatives aux PPP ne sont globalement pas matures, il faut alors continuer à les définir et à les assembler (à gauche du « gouffre ») avant d'essayer de généraliser13 ; Les alternatives aux PPP sont matures, l'enjeu est de massifier (à droite du « gouffre »)14 ; C'est variable selon les sites, les exploitations agricoles et les cultures : l'enjeu est d'aider chaque acteur à exploiter au mieux sa capacité à agir dans le bon sens15. Avant de décrire certaines conséquences de ces hypothèses sur l'instrumentation adéquate d'Écophyto, voyons les avis des experts sur leur crédibilité. L'avis des experts16 lus ou rencontrés par la mission se répartit entre ces trois hypothèses, dont aucune ne semble faire l'unanimité, mais chacune trouve des défenseurs autorisés. Les alternatives aux PPP sont matures ! Ainsi, Marc Dufumier, connu pour être un précurseur de l'agroécologie, a réagi dans une tribune publiée par le journal Le Monde le 2 janvier 2021 à la validation d'une autorisation des néonicotinoïdes, en affirmant qu'il existe déjà des alternatives à l'emploi du glyphosate et des néonicotinoïdes notamment l'allongement des rotations et la diversification des cultures, au bénéfice des légumineuses et aux dépens des cultures d'exportations... Pour lui la responsabilité revient à « l'incompétence des technocrates » et aux « pressions de puissants lobbys ». Une partie de la littérature scientifique confirme la disponibilité des alternatives: par exemple Martin Lechenet &alii, dans un article paru dans Nature Plants (2017)17 estiment que l'utilisation totale de pesticides pourrait être réduite de 42% sans aucun effet négatif sur la productivité et la rentabilité dans 59% des fermes d'un réseau national de 946 fermes. Cela correspond à une réduction moyenne de 37, 47 et 60% de l'utilisation d'herbicides, de fongicides et d'insecticides, respectivement. Le potentiel de réduction de l'utilisation de pesticides est apparu plus élevé dans les exploitations où l'utilisation de pesticides est actuellement élevée que dans les exploitations à faible utilisation de pesticides. Les alternatives existent, mais leur diffusion se heurte à des freins et verrous ! On peut classer dans ce groupe les analystes des « verrous socio-techniques », par exemple Le plan Écophyto de réduction d'usage des pesticides en France : décryptage d'un échec et raisons d'espérer, Laurence Guichard et alii, Cahiers de l'agriculture, 2017 13 Voir par exemple ­ il n'est pas seul- l'ITW de Marc Dufumier, journal Le Monde, 3 janvier 2021, qui met en cause la détermination de l'Etat sur les néonicotinoïdes et le glyphosate, alors que des alternatives existent selon lui. 14 C'est l'hypothèse des partisans des CEPP et de l'augmentation de la fiscalité, leviers défendus par plusieurs chercheurs de l'INRAE rencontrés par la mission. 15 La mission n'a ni les compétences ni le temps pour réaliser une revue complète de cette question, elle a donc sélectionné des prises de position récentes illustrant la diversité des points de vue. 16 Reducing pesticide use while preserving crop productivity and profitability on arable farms, Martin Lechenet, Fabrice Dessaint, Guillaume Py, David Makowski & Nicolas Munier-Jolain, Nature Plants volume 3, Article number: 17008 (2017). Traduction mission. 17 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 142/208 PUBLIÉ Sans nier l'existence de « puissants lobbys ni de la bêtise humaine » Yves et Pierre Guy ont publié récemment un article 18 de synthèse répondant à la question : Pourquoi l'usage de produits phytosanitaires augmente-t-il en France ? Ils distinguent plusieurs causes : Moins de surface agricole, mais davantage de grandes cultures ; Des extensions géographiques de pratiques phytosanitaires ; La pression des acheteurs ; La démographie agricole ; Un progrès technique à la peine ; Une sous-estimation du temps nécessaire pour faire, et notamment mettre au point les alternatives. Ils concluent leur analyse ainsi « En particulier, privilégier l'interdiction de molécules plutôt que la réduction des usages semble une erreur de stratégie. » Certains chercheurs, notamment Jean-Marc Maynard et les signataires de l'article des cahiers de l'agriculture déjà cité, cherchent depuis longtemps à décrire les raisons pour lesquelles les alternatives aux PPP peinent à se répandre. Pour les signataires de cet article, un grand nombre d'acteurs contribuent à un « verrouillage » autour des pesticides : « au plan économique, l'amortissement des installations industrielles pousse à la spécialisation régionale des productions et au rejet des solutions techniques qui pourraient entraîner une baisse de la production, comme les itinéraires techniques à bas intrants ; au plan social, aucune organisation n'a de légitimité pour organiser, au niveau des territoires, la gestion collective que requièrent certaines alternatives aux pesticides (lutte biologique par conservation, gestion durable des résistances génétiques...) ; et il est plus risqué, pour la crédibilité d'un conseiller agricole, de se tromper en disant de ne pas traiter alors que ce serait nécessaire, qu'en conseillant de traiter alors que ce ne serait pas nécessaire (erreur qui passera souvent inaperçue) ; au plan cognitif, la familiarité des solutions simples (à chaque problème, son intrant) n'incite pas agriculteurs et conseillers à s'approprier les méthodes agronomiques préventives, vécues comme plus hasardeuses ­ et conduit de fait à une perte de compétences sur les solutions traditionnelles (rotations, semis différé...) ; au plan culturel, le prestige du rendement élevé et la représentation collective du « beau champ » (très vert et homogène) chez les agriculteurs, et l'image du « beau fruit » (sans défauts extérieurs) chez les consommateurs, renforcent la dépendance aux pesticides ; au plan réglementaire, les autorisations de vente, accordées essentiellement aux variétés pures, font qu'un agriculteur ne peut trouver sur le marché des semences d'associations variétales ; la normalisation de la qualité des fruits privilégie une absence de défauts de l'épiderme impossible à atteindre sans pesticides ». Les alternatives aux PPP existent, mais elles ne sont ni moins chères, ni moins risquées, ni moins pratiques ! Plus général, le rapport du CESE « L'innovation en agriculture » 19 formule 12 préconisations pour que les innovations « répondent au mieux à l'intérêt général, aux besoins des professionnels et aux attentes sociétales » : dans cet esprit les questions de gouvernance collective sont évidemment majeures. Mais 18 19 Revue Sésame (INRAE) n°8 novembre 2020 L'innovation en agriculture, Betty Hervé et Anne-Claire Vial, CESE janvier 2019 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 143/208 PUBLIÉ le même rapport, quelques paragraphes plus loin, rend compte d'un sondage 20 sur les principales attentes des Français en matière d'innovation, dont les trois principales sont : me simplifier la vie (49%), préserver l'environnement (42%), être accessible au plus grand nombre (41 %). Si, et il n'y a pas de raisons de supposer le contraire, les agriculteurs ont les mêmes attentes que la société dans son ensemble, on comprend que les alternatives aux PPP peuvent répondre à la seconde attente, mais la plupart des innovations alternatives aux PPP semblent clairement complexifier le travail de l'agriculteur, et ont des prérequis qui les rendent encore assez peu accessibles à tous les agriculteurs : pourquoi les adopteraient-ils spontanément, juste en regardant « par-dessus la haie » ? Il ne suffit pas que les innovations soient disponibles pour que tous les exploitants agricoles les adoptent, mais aussi qu'elles soient efficaces dans leur situation : on peut constater que cette condition ne semble pas réalisée aux yeux de nombreux agriculteurs, ni même de leurs conseillers. Ces écarts de perception sur la maturité des alternatives aux PPP et sur leur modèle de diffusion ont des conséquences pratiques sur les objectifs prioritaires que doit poursuivre le plan Écophyto et sur les leviers à utiliser : Si les substitutions sont encore à concevoir (c'est la notion d'« impasse technique»), l'interdiction d'une substance, d'un produit ou d'un usage peut avoir un effet dévastateur sur l'activité, entraînant une baisse de marge qui peut mettre en péril la poursuite d'activité. L'effort de la politique publique doit dans ce cas plutôt porter sur la R&D et les circuits de diffusion des innovations (réseaux, formation, information...) voire un accompagnement du risque. Le soutien aux filières et pratiques matures, comme l'AB, est également une voie efficace. À la maturité ou si la balance bénéfices/risques est manifestement déséquilibrée, l'outil majeur est la réglementation. L'interdiction d'une substance ou d'un produit oblige les agriculteurs à adopter sans délai une solution de substitution, et à progressivement ajuster son projet d'exploitation pour l'optimiser. Mais cette interdiction peut provoquer la fin d'une culture ou d'un type d'exploitation. Si on est dans une situation intermédiaire et complexe, avec une forte disparité de situations ­par exemple une forte influence des paramètres pédoclimatiques - l'outil mis en avant par la théorie économique est le prix, via la fiscalité et/ou un marché de droits comme le CEPP, qui permet d'adresser à tous un signal invitant à la recherche d'alternatives et d'innovations, sans pour autant créer d'impasses agronomiques La nécessité d'engager l'aval et de s'appuyer sur les signaux de marché Fondés sur des hypothèses différentes, les trois scénarios présentés plus bas ont en commun de ne pas se contenter de changements à la marge et dans les exploitations : une réduction de 50% des PPP n'est réalisable qu'avec des changements structurels dans les exploitations, ce qui est bien établi depuis les premières années du plan Écophyto, mais des changements importants, voire structurels, sont également nécessaires chez tous les fournisseurs et clients des agriculteurs, jusqu'au portefeuille des consommateurs et aux assiettes, ce qui a été moins bien repéré alors que là se joue une grande partie de la réussite du plan. 20 Etude OpinionWay, 2016, Cité lors de son audition par Marc Giget Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 144/208 PUBLIÉ En rupture avec l'hypothèse antagoniste d'une diffusion spontanée des alternatives aux PPP 21 , qui semble avoir prévalu dans les plans Écophyto, l'hypothèse centrale de ces scénarios est que le recours aux PPP est aujourd'hui choisi par les agriculteurs (et les conseillers agricoles) parce que ce sont des méthodes efficaces et économes qui leur ont été proposées, sous les contraintes de leur exploitation : ce n'est pas la décision de l'exploitant agricole qu'il faut changer, mais l'offre qui lui est faite et les conditions et contraintes de sa décision. La mission ne sous-estime pas l'importance des producteurs de PPP, à la fois comme influenceur de la décision des agriculteurs, et comme puissance organisée, notamment via l'UIPP en France, capable de défendre ses intérêts. Il faut aussi prendre en compte le poids de la vente des PPP dans l'équilibre économique et dans la stratégie des coopératives et négociants : même si les volumes de PPP vendus sont faibles, les marges sont beaucoup plus élevées que sur les produits bruts et peuvent contribuer de manière importante aux résultats comptables de certaines coopératives, par exemple. C'est en effet l'aval qui peut transformer la contrainte sanitaire et de biodiversité en opportunité valorisable en termes de chiffre d'affaires et de débouchés, ainsi que l'État, qui contribue également à la définition du cadre administratif, fiscal, juridique de l'exploitation, tous éléments qui ont un impact direct sur l'exploitation. L'État exemplaire ? Consentement, études préalables d'impact et alignement des politiques En France, historiquement, l'État et ses agents s'installent aisément dans un rôle surplombant, mais sans balayer leur cour. C'est cette tendance qui est combattue avec la notion d'État exemplaire 22 souvent mise en avant depuis le Grenelle de l'environnement (2007) notamment, et qui inspire le mode de gouvernement de plusieurs pays scandinaves. L'État exemplaire a en particulier un devoir d'alignement des politiques publiques, de manière à supprimer ses demandes paradoxales, qui perturbent les citoyens comme les marchés. Cet objectif d'alignement est désormais inscrit dans Écophyto 2+ (action 25), mais il est peu décliné de manière opérationnelle alors qu'il pourrait concerner de nombreux aspects des politiques de l'agriculture et de l'alimentation. En particulier, un débat est ouvert, mais jusqu'à présent sans résultat, sur la différenciation du taux de TVA de l'AB et du conventionnel, alors qu'aujourd'hui les taxes perçues sur l'AB seraient en moyenne 30 % supérieures, compte tenu des prix HT plus élevés. Dans le domaine de l'énergie et du bâtiment, la différenciation des taux est réalisée depuis longtemps, mais pas dans les domaines de l'agriculture et de l'alimentation. La question de l'égalité de « traitement » entre pays de l'UE, et des PPP importés et exportés hors UE est également fondamentale pour crédibiliser l'objectif. À ce titre, l'exportation par des pays de l'UE de produits contenant des substances interdites en Europe23 est un exemple de ce qui pourrait apparaître comme du cynisme ­ on peut fabriquer et vendre des produits interdits, dès lors qu'ils ne sont pas épandus dans notre jardin - et surtout une politique allant à l'encontre du plan Écophyto, puisqu'il dote les concurrents de l'agriculture française de moyens interdits à nos agriculteurs, sans protéger les Ainsi, lors du colloque national Dephy du 2 février 2020, un conseiller déclare souhaiter « inspirer d'autres agriculteurs » 21 22 L'État exemplaire, slogan ou nouveau principe ? Emmanuelle Deschamps, RFAP 2012/3 23 Plus de 81600 tonnes, selon l'article « Faites ce que je dis, pas ce que je fais », Pour la science hors-série n°110, février-mars 2021. Les deux figures sont issues de http://www.martingrandjean.ch d'après les données Public Eye. Cité dans la revue Pour la science HS n°110 février-mars 2021 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 145/208 PUBLIÉ consommateurs français qui trouvent ces produits cultivés avec des PPP interdits dans leurs assiettes. Figure 12 : Exportations européennes de pesticides interdits en Europe La France elle-même exporte ces produits interdits d'utilisation sur son territoire, produits qui sont ensuite utilisés pour des cultures qui reviennent en France sous forme de produits agricoles ou alimentaires importés. Figure 13 : Exportations française de pesticides interdits en Europe Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 146/208 PUBLIÉ Pesticides et droits de l'homme Bien évidemment, la question des PPP est également présente dans les pays non UE et au sein des organisations internationales comme la FAO. On peut en particulier citer l'intéressante perspective développée par un rapport de 2017 mettant en relation les « droits humains et pesticides » (AG de l'ONU, 2017) « Bien que certains traités multilatéraux et d'autres initiatives non contraignantes offrent un certain nombre de garanties limitées, il n'existe pas de traité global portant réglementation des pesticides très dangereux, ce qui constitue toujours une grave lacune dans le cadre de la protection des droits de l'homme. » La question du consentement aux politiques publiques Autre élément, et c'est également un aspect très important pour la pérennité de son action, l'État doit s'efforcer de maintenir un certain niveau de consentement des forces sociales en présence, sauf à être mis en situation d'échec. Les outils de la politique de réduction des PPP doivent veiller à développer ce consentement (action 28 du plan Écophyto 2+), mais ce n'est possible qu'avec un signal cohérent porté par l'ensemble des politiques publiques et des ministères. Les contraintes doivent ainsi être correctement proportionnées aux enjeux pour être acceptables par les parties prenantes. La responsabilité de l'État du fait de son action et de son inaction Enfin, l'État et les collectivités publiques peuvent montrer l'exemple, par exemple en ouvrant leurs marchés publics à des offres locales performantes en matière d'impact environnemental. Mais d'un autre côté, on l'a vu avec les retards pris dans l'interdiction du chlordécone sur les bananiers dans les Antilles, la responsabilité de l'État est susceptible d'être engagée en cas de sinistre issu de PPP dangereux. Il convient de noter que le juge administratif est également susceptible de mettre en cause la responsabilité de l'État, au motif qu'il ne respecte pas la trajectoire qu'il s'est donnée, comme dans « L'affaire du siècle » à propos des objectifs de lutte contre le changement climatique. Le positionnement sociétal du plan Écophyto et la responsabilité propre de l'État dans ce plan ont des réponses différentes selon les scénarios proposés. Les scénarios présentés s'appuient chacun sur des leviers et outils privilégiés, en usant au mieux de leurs avantages et en se gardant de leurs inconvénients, et sans s'interdire d'un usage plus modéré des autres leviers disponibles. Comme on l'a vu (voir 2.2) trois leviers principaux seront distingués : La réglementation sur les substances, les produits, les pulvérisateurs, les conditions d'usage et de conservation des PPP... On associe à ce levier la PAC et ses conditionnalités. Il s'agit de mesures générales et obligatoires. La fiscalité et les autres méthodes « incitatives » pour agir sur le « signal-prix » absolu et relatif des PPP et de leurs alternatives. La redistribution de la taxe vers les pratiques vertueuses et les CEPP sont des outils complémentaires incitatifs. Il s'agit de mesures qui n'interdisent pas les PPP, mais incitent à éviter leur usage. La segmentation du marché, via un label ou un contrat associant filière et territoire et mobilisant jusqu'au consommateur. Le soutien apporté à l'AB va dans ce sens. Un label « sans PPP hors ceux autorisées en AB », avec un cahier des charges égal à celui de l'AB24 sur les PPP, mais sans les autres exigences de cette certification (notamment sur le « hors sol » et les 24 Ou le HVE voir infra. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 147/208 PUBLIÉ fertilisants) et des aides à la conversion et au maintien, mais à un taux plus faible que l'AB, pourrait sans doute être défendu. D'autres propositions peuvent remonter, dans une démarche ascendante. Il s'agit de mesures qui permettent de distinguer les pratiques et les produits qui en sont issus. Les trois scénarios qui suivent correspondent à des postulats ou des anticipations qui varient sur trois plans : Positionnement dans la dynamique de l'innovation, Paramètres d'environnement, Pression sur les trois principaux leviers d'action. Ces scénarios définissent également des positionnements différents de l'État. Ils induisent une gouvernance et des modalités de gestion distinctes, pour le plan comme pour le programme. Un enjeu pour la mission a été d'identifier pour chaque scénario des moyens correctement proportionnés aux résultats souhaités, mais avec des forces et faiblesses différentes, ainsi que des variations sur leur capacité à saisir les opportunités et à affronter les menaces. Ils visent chacun à proposer une trajectoire cohérente, à partir d'un diagnostic initial sur le niveau de maturité des innovations de substitution aux PPP de synthèse. Ces scénarios seront ensuite comparés, pour aider à la décision. Ils peuvent sans doute se succéder dans le temps (segmentation, puis incitation et enfin réglementation), mais ils ne peuvent que difficilement être associés dans les mêmes zones géographiques pour les mêmes activités agricoles, sauf à en réduire le sens et à en neutraliser l'efficacité. Ainsi l'établissement d'une norme réglementaire généralisant le cahier des charges de l'AB pour les PPP réduirait à néant la capacité de différenciation de l'AB qui lui permet de capter une surrémunération. De même, pour qu'une action soit incitative, il ne faut pas qu'elle soit obligatoire. Pour qu'elle soit spécialisée, elle ne peut pas être générale. Par souci de simplification on résumera les scénarios en fonction de la stratégie principale que porte l'État pour réduire les PPP : Segmentation des productions agricoles et de leur aval, permettant de distinguer les pratiques conventionnelles des pratiques économes en PPP, de la ferme à l'assiette ; Incitation à une baisse générale, avec recours aux interdictions en dernier ressort ; Réglementation des produits, des usages et des financements, notamment ceux de la PAC, avec développement des contrôles. Chacun de ces scénarios comporte un levier de massification principal, activé à un niveau suffisant pour approcher ou atteindre l'objectif de réduction de 50%. : Vu de l'État, le scénario consiste à soutenir en priorité les productions économes en PPP25, et à les Rappelons que nous parlons ici des PPP pris en compte dans l'indicateur principal, ce qui inclut certaines substances utilisées en agriculture biologique, mais exclut les produits de biocontrôle. 25 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 148/208 PUBLIÉ discriminer des productions intensives en PPP. Le label AB, reconnu aux échelles nationales et européennes, est bien sûr l'exemple emblématique de ce scénario. Mais il convient de rappeler que l'AB s'est développée avant tout soutien de l'État, et que de nombreuses initiatives privées, portées par des producteurs, mais aussi parfois par des transformateurs ou des distributeurs, se développent encore aujourd'hui en-dehors de tout cadre public, avec un objectif de différenciation sur les marchés. La segmentation peut se faire au niveau d'une production (comme pour l'AB), d'une exploitation (comme pour la certification HVE) ou d'une filière, engageant les intermédiaires et les marques jusqu'au consommateur (avec des labels de reconnaissance). L'efficacité de ce scénario dépend de la réalité de la différenciation entre les (deux) segments de marché. Ce premier scénario repose sur : Une hypothèse de faible maturité ou de coûts plus élevés des alternatives à certains usages de PPP, ce qui empêche leur diffusion spontanée à l'ensemble des exploitations ; Une démarche volontaire des agents, certifiée par un organisme extérieur, et qui leur donne un avantage (fiscal, subvention, possibilité de vendre plus cher...) ; Une mobilisation conjointe des financeurs, pour apporter un soutien différencié aux filières économes en PPP par rapport aux autres. Il peut être accompagné d'une étude spécifique des risques qui peut permettre d'orienter les priorités : l'enjeu d'efficience de la politique publique de prévention des risques relatifs aux PPP est de concentrer ses efforts là où les risques sont élevés et les possibilités de les réduire sont fortes. Alors que les scénarios 2 et 3 visent l'ensemble des pratiques et territoires, ce scénario 1 peut être sélectif et procéder par appel d'offre, afin de repérer les acteurs volontaires, territoires, filières ou réseaux d'exploitations, et les encourager, en sélectionnant parmi eux ceux qui sont à l'origine des risques les plus importants. Il peut ainsi concentrer les efforts de l'État ­ les ressources sont rares -, mais aussi rechercher le concours de partenaires importants et les engager dans une voie contractuelle sur des objectifs partagés. La carte des risques peut être approchée à partir du graphique et du tableau suivant réalisés par le CGAAER et repris par la Cour des comptes (2020) : Tableau 6 : Usage des PPP en fonction des cultures Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 149/208 PUBLIÉ On voit ainsi que la pomme de terre, la vigne et les pommes sont des candidats prioritaires pour faire l'objet d'une action ciblée, mais que l'enjeu de massification porte en priorité sur les grandes cultures, qui consomment les 2/3 du chiffre d'affaires annuel des PPP sur 48% de la SAU. L'approche peut également être géographique : les indicateurs de fréquence des traitements (IFT) connaissent des variations importantes, de l'ordre du simple au double, entre les régions et au sein des régions. Une approche qui cible les territoires et les cultures qui excèdent les moyennes nationales et régionales permettrait de définir des priorités mieux circonscrites. L'État pourrait également identifier des objectifs spécifiques relatifs à la biodiversité ou la qualité des eaux. Les Régions pourraient ainsi être mobilisées, ainsi que les autres collectivités et acteurs engagés dans des plans alimentaires territoriaux (PAT). Certains acteurs de la transformation et de la distribution sont particulièrement motivés, notamment parmi les coopératives et les distributeurs.... Des responsables de l'INRAE nous ont signalé une action qui pourrait concerner l'usage des PPP dans les silos, tant chez les exploitants que dans le négoce (encadré joint). Encadré : Réduire l'usage des insecticides dans le stockage des grains Dans un article paru en septembre 2019 dans PHYTOMA26, les auteurs détaillent le gain potentiel en termes d'économie d'usage de produits phytopharmaceutiques si l'ensemble des mesures de prophylaxie était collectivement mis en oeuvre. Selon leurs calculs, le stockage de grains représente un NODU équivalent à 3,8 M d'ha (soit 3,1% du NODU total de 120 M d'ha). Ce montant pourrait être drastiquement réduit par les mesures alternatives, mais sous réserve qu'elles soient déployées à tous les échelons de la chaîne de façon coordonnée. Celles-ci sont traduites en 6 fiches action standardisées en 2020 concernant toutes les étapes de la récolte au stockage27. Un impact majeur n'est possible que par l'organisation collective, depuis l'agriculteur jusqu'à l'utilisation ou l'exportation, en passant par les différentes étapes de stockage. Les auteurs voient dans la mise en oeuvre de ces méthodes alternatives sur une grande échelle une opportunité pour gagner des marchés et gagner en compétitivité. La demande en céréales sans traitement de stockage est croissante28. Le nombre de molécules disponible baisse régulièrement et Fiches action CEPP et pratiques de stockage : Les pratiques de protection antiparasitaire intégrée au stockage sont dotées de valeurs différentes dans le cadre du dispositif des certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques, Maud Blanck et Christian Huyghe, Inra, Phytoma, septembre 2019. 26 De son côté, le site ÉcophytoPic a mis en ligne en septembre un ensemble d'informations : https://Écophytopic.fr/pour-aller-plus-loin/insectes-ravageurs-lors-du-stockage-des-grains-prevention-etsurveillance-sont (20/09/20). 27 28 Comment stocker les grains sans insecticides RIA, 14 mars 2019 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 150/208 PUBLIÉ leur usage se restreint avec des limites maximales de résidus abaissées. L'action publique pourrait également se concentrer sur les reprises et transmissions d'exploitation, moment privilégié pour un changement de système, là également en ciblant en priorité les exploitations intensives en PPP et en utilisant les leviers existants pour privilégier leur transmission à un porteur de projet d'exploitation économe en PPP. Ce scénario peut utilement être accompagné d'actions incitatives (fiscales notamment) et/ou réglementaires, pour augmenter et faciliter la différenciation des segments du marché, et notamment collecter des ressources sur les PPP pour les transférer vers les secteurs économes en PPP. Mais si ces actions fiscales ou réglementaires sont fortes et générales, on perd rapidement le bénéfice de la concentration des aides et de la différenciation de l'offre : le marché est réunifié. Alors que les deux scénarios suivants sont focalisés sur les pratiques agricoles, ce scénario « segmentation » replace la question dans un « système » plus large, qui engage la production agricole, mais aussi ses fournisseurs et son aval, collecteurs, transformateurs et distributeurs, jusqu'à la fourchette. Dans cette perspective, la responsabilité de la « résistance au changement » peut alors être appréciée de manière multiple et collective, comme l'a montré un article publié dans les Cahiers de l'agriculture en 2017 29 . Si l'agriculteur souhaite changer sa pratique, mais est confronté à des « verrous sociotechniques », il faut agir également sur ses clients et fournisseurs, et idéalement jusqu'aux consommateurs finaux des produits issus de l'agriculture. Une lecture excessive de cette complexité aboutirait à considérer chaque cas particulier comme un cas en soi. Mais on peut admettre de manière raisonnable que des ensembles d'acteurs peuvent également avoir des problématiques communes, comme par exemple de fournir une filière industrielle très concentrée sur certains marchés, et de répondre aux attentes communes de la grande distribution, par exemple. Cette stratégie consiste ainsi à éviter le cas par cas, au profit d'actions collectives amont-aval, sans pour autant vouloir entrainer d'un seul coup l'ensemble des filières dans tout le pays de manière synchronisée. L'intérêt des réseaux de pairs, un des outils privilégiés de ce scénario, et qui a fait ses preuves tant dans l'AB qu'au sein des fermes DEPHY, semble également établi dans la littérature scientifique30, même si des questions de gestion existent sur les modalités de soutien de ces réseaux, et sur l'utilité d'une simplification de réseaux parallèles (GIEE...) insuffisamment différenciés. Dans ce scénario, l'enjeu est de créer un réseau organisé d'acteurs volontaires : depuis les fournisseurs d'intrants et de semences, jusqu'aux consommateurs. En tant que gardien des signes de qualité et d'origine (SIQO), les clés officielles de la segmentation du Le plan Écophyto de réduction d'usage des pesticides en France : décryptage d'un échec et raisons d'espérer, Laurence Guichard et alii, Cahiers de l'agriculture, 2017 29 30 Par exemple Impact of the DEPHY network on pesticide use: Evidence from French vineyards Margaux Lapierre ; ainsi que Providing technical assistance to peer networks to reduce pesticide use in Europe: Evidence from the French Écophyto plan, Margaux Lapierre, Alexandre Sauquet, Subervie Julie, Hal, 2019 V2 https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02190979v2/document Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 151/208 PUBLIÉ marché, l'INAO est un acteur-clé, qui doit garantir la solidité de la segmentation mise en place. Pour l'INAO, l'enjeu du scénario serait d'inciter les acteurs déjà engagés dans ces démarches de qualité à approfondir leur cahier des charges PPP, s'il existe, et de la créer dans tous les autres cas, pour qu'aucune marque de qualité en France ne puisse être promue par les pouvoirs publics sans porter un engagement sur les PPP. FranceAgriMer (FAM), qui contribue à l'animation des filières, pourrait également jouer un rôle important, y compris en gérant certaines aides. Pour FAM et le MAA, il serait nécessaire d'animer davantage la question des PPP dans les relations avec les filières, en ciblant en priorité les filières qui sont aujourd'hui les moins vertueuses, pour les faire évoluer en bloc. Actions-clés Trois actions complémentaires sont candidates à un soutien accru : la filière AB, la labellisation sans PPP, et le contrat de filière. Développer la filière AB, une action efficace pour réduire l'usage des PPP Cela pourrait paraître un paradoxe : alors que l'AB a réellement pris son essor depuis 10 ans, les soutiens à l'ITAB, l'Institut technique de l'agriculture biologique, sont restés stables et à bas niveau : Figure 14 : Evolution de l'agriculture biologique en surface et en nombre de producteurs (Source ITAB) Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 152/208 PUBLIÉ Une partie importante de la RPD alimente désormais les aides individuelles à l'AB (conversion et maintien) mais l'ITAB n'en a pas bénéficié, ni d'un redéploiement du Casdar à son bénéfice compte tenu de l'extension de la part de l'AB dans la SAU, mais a connu une crise financière grave en 2018-19. Figure 15 : Evolution de la dotation Casdar de l'ITAB (source ITAB) L'agence bio a également des moyens, et notamment un fonds avenir bio, doté de 8 M en 2019, pour aider à la structuration des filières biologiques. Même en augmentation, on voit que ce fonds est loin de pouvoir peser significativement. On a réalisé plus haut une simulation : la conversion de 25% des exploitations (et de la SAU) actuellement conventionnelles en agriculture biologique permettrait d'atteindre la moitié de l'objectif de réduction de 50% des PPP. Depuis le début d'Écophyto, plus de 5% de la SAU conventionnelle a déjà basculé dans l'AB, entraînant mécaniquement une baisse théorique de 10 points des indicateurs nationaux. Si cette baisse théorique ne s'est pas concrétisée, c'est que l'agriculture conventionnelle, dans le même temps, a augmenté son recours aux PPP. Compte tenu des tendances en cours, les actions de développement de la filière AB au détriment de la filière conventionnelle doivent ainsi être considérées comme particulièrement efficaces pour Écophyto. Mais elles ne sont pas suffisantes, il peut donc être intéressant d'envisager comment élargir ces actions vers d'autres systèmes qui ont la même ambition en matière de PPP sans partager l'ensemble du cahier des charges de l'AB. La labellisation d'une agriculture et de produits issus de l'agriculture sans ou avec peu de PPP On l'a vu, le cahier des charges de l'AB est exigeant sur d'autres questions que les PPP. Il peut donc être intéressant de soutenir également les producteurs qui s'engagent dans une réduction Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 153/208 PUBLIÉ des PPP, sans vouloir respecter l'ensemble du cahier des charges. On a vu plus haut qu'une partie de la RPD et d'autres financements, notamment européens et régionaux, pourrait ainsi être mobilisée vers un nouveau label, équivalent au cahier des charges de l'AB pour les PPP, mais sans le respect d'autres contraintes. Ce label pourrait ainsi être attribué à des productions hors sols, ou utilisant de manière raisonnée des fertilisants non agréés en AB. Certaines marques cherchent aujourd'hui à communiquer sur l'absence de résidus de PPP dans le produit final : c'est évidemment une information intéressante pour le consommateur, mais qui n'est pas nécessairement le résultat d'une réduction de l'usage des PPP pendant la production. On a vu également que la certification HVE, qui concerne non pas une production mais une exploitation, est un signe d'engagement dans une démarche agroécologique, mais qui n'offre pas de garantie élevée au consommateur quant à l'usage des PPP. Ce label HVE pourrait néanmoins être intéressant s'il était modifié pour porter une exigence équivalente à l'AB en matière de PPP. Contrat de filière Une grande part de l'activité agricole est aujourd'hui insérée dans des filières organisées, regroupant producteurs, transformateurs et consommateurs, avec des stratégies et des contrats formalisés. Très récemment, le plan de relance a permis d'aider à la structuration des filières, d'une part, et d'apporter des réponses opérationnelles sur la betterave sucrière, confrontée à la jaunisse et à d'autres maladies difficiles à contrôler, avec l'aide de l'institut technique betteravier et de l'INRAE. Des plans de même nature pourraient certainement être engagés avec d'autres filières fortement consommatrices de PPP, à leur demande, et compte tenu de l'impact potentiel sur la réduction des PPP. Dans ce scénario, l'ensemble des ressources, et notamment la RPD, mais aussi le FEADER ou la PAC, doivent être mis à contribution pour favoriser la différenciation entre les secteurs économes et non économes en PPP. C'est donc le cas en particulier du programme national (41 M) et des enveloppes régionales (30 M) financés par la RPD. Sur le modèle des « investissements d'avenir » ou plus récemment de certaines actions du « plan de relance », les pouvoirs publics pourraient utiliser ces enveloppes pour mobiliser les acteurs sur la base d'appels à manifestation d'intérêt ou d'appels à projet. La formation de collectifs organisés en « consortiums » pourrait réunir agriculteurs, négociants, industriels de la transformation et distributeurs, invités à franchir ensemble une transition vers moins ou sans PPP. Avec une préférence pour les groupes déjà organisés en SIQO, ou via une coopérative, voire à l'échelle d'une filière dans son ensemble.31 Enveloppes nationale et régionales pourraient être mobilisées de manière complémentaire ou conjointe, pour financer des études, de l'animation et de la formation, voire de la mise à niveau d'équipements, ainsi que de la communication aussi une fois le résultat atteint ! Vu les montants nécessaires, le financement direct des opérations de conversion et de maintien ne pourrait être envisagé sur la RPD qu'avec une forte augmentation de celle-ci : on rejoint alors le scénario 2. Mais dans ce scénario, il est indispensable de porter la politique à une échelle territoriale, et en associant les services de l'État mais aussi les collectivités régionales et locales. Pour l'État, les DRAAF Certains consortiums existent déjà : par exemple autour de Chaunat, en Isère, sont réunis des acteurs multiples d'une filière « pain de qualité », agriculteurs et boulangers... 31 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 154/208 PUBLIÉ devraient assumer une responsabilité plus grande de coordination à la fois dans la définition des priorités, dans le repérage des acteurs et consortium volontaires, et dans la mise en point des contrats de réduction des PPP impliquant l'ensemble des acteurs. Ce rôle d'animation pourrait utilement être complété par une plus grande capacité des DRAAF à coordonner les financements mobilisables (Casdar, PAC, FEADER, RPD agences de l'eau) et notamment ceux qui sont intégrés dans le plan Écophyto, voire à leur confier directement ou via FAM une partie de certains de ces financements. L'identification rapide d'un nouveau label, aligné sur le cahier des charges PPP de l'AB, pourrait être une condition préalable de mise en place du scénario, mais elle est aisée à réaliser. Son financement pourrait mobiliser à la fois la PAC, des financements régionaux et locaux, et une partie de la RPD dans des proportions à déterminer. L'objectif quantitatif pourrait être de passer de 10 à 35% des exploitations en AB ou équivalent AB pour les PPP sur une période de 10 ans : cette action permettrait de réduire d'un quart les PPP non autorisés en AB, soit la moitié de l'objectif général. Aux taux actuels la conversion de 10% de la SAU à l'AB coûte 2,61 Md, étalés sur 3 ans, et son maintien 0,464Md/an. On peut supposer qu'un cahier des charges ne portant que sur les PPP pourrait bénéficier d'une aide réduite de 50%. Il devrait donc être accompagné d'un objectif de réduction des PPP dans le secteur conventionnel, qui devrait réduire d'environ 35% son usage des PPP pour que l'objectif général de -50% soit atteint : on voit que c'est un effort important, supérieur à ce qu'ont réussi à réaliser la plupart des fermes DEPHY jusqu'à présent. Cette stratégie de soutien de la filière économe en PPP doit donc être accompagnée par des actions de découragement de l'usage des PPP hors label, par la réglementation, la PAC et la fiscalité. On peut donc penser que ce scénario 1 a l'avantage de pouvoir être rapidement engagé, et de s'appuyer sur des démarches volontaires, mais qu'il ne pourra pas suffire à lui seul à atteindre l'objectif de réduction des PPP. En revanche, toute mesure fiscale ou réglementaire générale tend à diminuer son attractivité relative : il est un scénario d'attente, qui permet de continuer à mettre au point les innovations nécessaires, et à laisser le temps nécessaire à leur diffusion. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 155/208 PUBLIÉ Forces Faiblesses Diagnostic interne » Opportunités Menaces : Diagnostic externe : Par ce scénario 2 « incitation », l'État souhaite inviter l'ensemble des acteurs à saisir les opportunités de réduction des PPP, en exploitant chaque gisement, à sa portée, indépendamment de sa maturité. L'hypothèse centrale de ce scénario est que la réduction des PPP n'est possible qu'avec la mise au point et l'adoption de nombreuses innovations, dont certaines sont encore à un stade de test et de démonstration, alors que d'autres sont matures et attendent les bons signaux pour être adoptées par une large fraction ­ mais pas nécessairement la totalité- des agriculteurs. Ce scénario définit ainsi une médiane que les deux autres scénarios mettront en perspective par des faces opposées. Ce scénario peut être global, l'ensemble des PPP étant visés, mais aussi différencié, en tenant compte comme aujourd'hui la RPD, de la dangerosité variable des produits. Son principe consiste non pas à interdire (c'est le scénario 3, la voie réglementaire), mais à encourager les bonnes pratiques, sans pour autant que l'État contribue à les différencier sur le marché (c'est le scénario 1, la segmentation). Ce scénario est facilité par l'existence d'un conseil actif, indépendant des ventes de PPP et rénové sur la base d'un nouveau référentiel de compétences, qui lui permet d'améliorer le diagnostic, de Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 156/208 PUBLIÉ recommander les solutions adaptées, et d'accompagner l'agriculteur, seul ou en collectif, dans son changement de pratiques. La méthode préconisée par la théorie économique standard, et rappelée par plusieurs des interlocuteurs rencontrés par la mission, est d'agir par le signal-prix, via la taxation des produits incriminés, pour permettre et encourager la mobilisation de tous les « gisements d'abattements ». Ce scénario peut être approfondi avec trois variantes, mobilisant également d'autres outils incitatifs. Pour que la taxe ait un effet, elle doit être élevée, et ses hausses doivent être programmées et mises en oeuvre de manière crédible. Scénario de base : Augmenter la redevance pour pollutions diffuses Le premier véhicule de ce scénario est ainsi la redevance sur les pollutions diffuses (RPD) dont l'assiette est basée sur les ventes de PPP et dont le taux varie selon la dangerosité des produits. En taxant l'achat de PPP, la RPD dissuade leur usage, et incite à privilégier les autres solutions de protection des plantes, toutes choses égales par ailleurs. Pour que le signal soit perçu et que la réaction des acteurs aboutisse à une réduction de l'ordre de 50% de l'utilisation des PPP, et alors que l'élasticité prix est de l'ordre de -0,4 ou -0,5, un doublement du prix est nécessaire32. C'est donc un réel choc fiscal qui doit être réalisé, avec une temporalité qui doit être suffisamment rapide pour enclencher, dès son annonce, des mouvements de substitution, mais aussi progressive pour permettre aux acteurs de s'adapter et rechercher les meilleures alternatives. En dernier ressort ils peuvent continuer à user des PPP, mais à des conditions économiques dégradées. On peut penser qu'une augmentation étalée sur 5 ans serait un bon compromis. Toutefois des comportements adaptatifs seraient sans doute à gérer pendant une période aussi longue, un sur stockage temporaire serait sans doute à craindre, comme cela a été constaté avant de précédentes augmentations. Sans autre mesure, la hausse de la RPD aurait un effet négatif sur la compétitivité de l'agriculture française, mais d'ampleur limité : le poste « PPP » ne représentant aujourd'hui que 4% de la valeur de la production agricole, et moins de 2,5% si on y ajoute les subventions reçues.33. Cet effet pourrait néanmoins être réduit ou supprimé en activant les variantes 3 et 4 suivantes : Variante 1 : Mobiliser également le produit de la taxe pour la redistribuer vers les bonnes pratiques Idéalement, et c'est une variante par rapport à la RPD existante qui a des conséquences sur le programme, le produit supplémentaire de la taxe est également distribué, non vers l'ensemble des contribuables, pour atténuer les effets revenus de la taxe, ce qui serait contre-productif, mais au contraire pour les renforcer, en apportant des subventions uniquement à ceux qui décident d'adopter les pratiques économes en PPP. Avec ce couplage taxation des PPP/soutien aux alternatives, le taux de taxation peut être significativement diminué pour arriver à une même réduction de PPP. En situation de menace sanitaire grave et d'absence d'alternative aux PPP, les acteurs continuent à pouvoir utiliser ces produits, ils achètent une sorte de « droit à polluer », mais dès qu'ils le peuvent ils sont fortement incités à retenir les alternatives et substituts, dont le coût relatif est réduit. Ce scénario est ainsi favorable à la mise au point et à la diffusion d'innovations multiples, techniques et sociales, permettant de substituer aux PPP d'autres solutions, structurelles ou marginales. 32 33 Cet ordre de grandeur nous a été exprimé de manière indépendante par plusieurs experts. En 2019, les achats de produits de protection des cultures représentaient 3 Md sur 45 Md de consommations intermédiaires et 76 Md de production. Source : Comptes régionaux de l'agriculture. AGRESTE Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 157/208 PUBLIÉ Variante 2 : mobiliser parallèlement les CEPP pour mobiliser l'amont et l'aval On l'a vu plus haut, les CEPP, qui avaient été mis en avant par un précédent rapport IGF-CGEDDCGAAER, sont un outil complémentaire de la taxation des PPP, et qui peut permettre de transférer des ressources (ou droits à polluer) issues des activités utilisant les PPP vers des activités de substitution, vers l'amont, l'aval, ou vers d'autres productions. Il y a fort à craindre que le dispositif finalement décidé n'ait pas l'efficacité souhaitée, mais de nouvelles modifications pourront être introduites si nécessaire, en s'inspirant du dispositif des CEE qui, quant à lui, semble efficace. Variante 3 : Mobiliser également la fiscalité globale pour différencier les produits issus des bonnes pratiques sur les marchés La hausse de la RPD peut aussi être accompagnée par une stratégie fiscale plus globale : Les droits de douane sur les produits bruts ou transformés ne répondant pas aux mêmes critères relatifs aux PPP devraient être rehaussés ; La fiscalité à la consommation devrait être différenciée, pour au minimum compenser le surcoût des produits AB ou sans PPP, et idéalement créer une incitation positive ; Les investissements nécessaires pour changer de régime, et les coûts de transition pourraient utilement être accompagnés, via des crédits d'impôt et/ou des règles d'amortissement favorables. Ces mesures, qui sont au moins en partie à négocier avec l'UE, permettraient de renforcer l'effet de la hausse de la RPD, en stimulant les volumes de productions sans PPP, et en assurant une équité des productions françaises avec les productions importées. Ce scénario est compatible avec la répartition actuelle des rôles : à l'UE le soin d'autoriser ou d'interdire les substances. La France cherche à agir sur les pratiques des acteurs, en les incitant à aller vers les alternatives aux PPP chaque fois que c'est possible et économiquement soutenable. L'UE et la France pourraient s'accorder pour apporter des conditionnalités PPP à la PAC, et le Gouvernement devrait chercher à aligner dans le même sens d'autres composantes de la politique agricole et d'alimentation, comme la transmission des exploitations, la politique foncière et l'ensemble de la politique fiscale. Mais l'agriculteur reste en dernier ressort responsable d'utiliser ou non les PPP autorisés. Dans ses variantes 2 et 3, le scénario est également mobilisateur pour les autres acteurs de la chaîne, qui peuvent trouver un intérêt économique à rechercher et promouvoir les alternatives, surtout s'il est accompagné d'une fiscalité différentielle des produits finaux. Son principal inconvénient est la sensibilité des agriculteurs à la taxation. Son acceptabilité peut sans doute être plus grande si le produit supplémentaire de la taxe est intégralement redistribué aux agriculteurs qui choisissent de diminuer le recours aux PPP (variante 1) et si la taxation est étendue aux importations, afin de protéger le marché intérieur des produits issus de l'agriculture d'un dumping aux PPP (variante 3). Sauf en variantes 2 et surtout 3, l'aval est faiblement impliqué : la décision de réduire les PPP est individuelle, et n'offre aucune garantie de rémunération supplémentaire. L'activation d'un levier CEPP efficace, sur le modèle des CEE, permettrait de remédier en partie à cette limite. Mais c'est la mise en place d'une fiscalité différenciée (variante 3) sur les marchés nationaux et à leurs frontières qui permet d'aller jusqu'au consommateur sans diminuer la compétitivité-prix sur le marché intérieur. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 158/208 PUBLIÉ Acteurs-clés Les agriculteurs et leurs conseillers sont les acteurs clés de ce scénario. Il est aujourd'hui envisageable, parce que les plans Écophyto précédents ont largement démontré la faisabilité d'une baisse importante de l'usage des PPP, dans certaines conditions, mais aussi qu'il était parfois très difficile de s'en passer. Ce scénario permet à l'agriculteur de continuer à recourir aux PPP en dernier ressort ­ ils continuent à être disponibles même si c'est à un coût augmenté - et la hausse anticipée de la fiscalité encourage l'ensemble des acteurs à innover pour trouver de nouvelles solutions ou adopter les innovations économiquement performantes. Le conseil agricole, dans ses différentes formes, adossé aux instituts techniques, est un acteur-clé de cette stratégie. Il doit connaître et promouvoir les bonnes pratiques dans une relation de confiance avec l'agriculteur. Alors que les ingénieurs DEPHY, par leur statut et leur positionnement, se situent aux marges du conseil, c'est cette fois l'ensemble des conseillers agricoles « ordinaires » qui orientent et accompagnent les nouvelles méthodes de protection des cultures économes en PPP, non pas pour des raisons expérimentales, idéologiques ou morales, mais pour des raisons économiques et agronomiques. La séparation entre la vente et le conseil qui se met en place à partir de 2021 est l'occasion d'apporter une plus grande clarté au sein du conseil, qui sera désormais strictement distincte de la vente des produits PPP. L'enjeu, souligné par plusieurs acteurs rencontrés par la mission, est de réussir à transformer le conseil agricole sur la base d'un nouveau référentiel pour qu'il porte ce changement, ce qui semble loin d'être acquis aujourd'hui et suppose un engagement fort des élus en charge de la gouvernance des organisations professionnelles. Actions-clés L'augmentation de la RPD pour doubler le prix des PPP et la redistribution du produit supplémentaire de la RPD vers les agriculteurs porteurs des meilleures pratiques, au-delà de l'AB, mais sur son modèle, par le versement de subventions type conversion et maintien. La construction d'un nouveau référentiel de compétences et la formation continue des conseillers sur la base de ce nouveau référentiel. En variante 1 est mis en place un nouveau régime d'aides, sur le modèle des soutiens à la conversion et au maintien à l'AB, et qui peut être délivré dans les mêmes conditions par les mêmes acteurs. En variante 2, les CEPP complètent la taxation, pour aider à répartir les ressources (les droits à polluer) vers les actions qui ont des besoins de financement. Dans une variante 3, plus ambitieuse d'alignement des politiques publiques, mais plus difficile à mettre en oeuvre, il serait légitime de taxer également les produits importés ne respectant pas les mêmes normes, afin d'éviter une distorsion de concurrence. Et de taxer davantage à la consommation (TVA) les produits non alimentaires issus de l'agriculture conventionnelle, ou, mais il y a peu de marges avec un taux actuel de 5,5%, de réduire la TVA des produits alimentaires AB ou sans PPP. L'obligation depuis le 1er janvier 2021 de solliciter un conseil stratégique à l'utilisation des produits phytopharmaceutiques est une promesse intéressante, qui permettra à l'exploitant de bénéficier d'un diagnostic, à renouveler régulièrement, et d'un plan d'action. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 159/208 PUBLIÉ Figure 16 : Extrait du Guide Phytosanitaire pour tout savoir sur la réglementation - Edition 2021 Les2021Les chambres d'agriculture Dans ce scénario la mission propose de cesser rapidement de financer des actions pérennes sur la RPD pour progressivement affecter en totalité l'augmentation à un complément de revenu pour les agriculteurs économes en PPP (dont l'AB). Pendant une phase transitoire, le programme national pourrait en particulier aider à la transformation et à la formation du conseil agricole dans ces différentes formes (Chambres, Instituts techniques, outils d'information et de communication sur les PPP, réseaux de pratiques). Dans ce scénario, il ne suffit pas d'aider les agents volontaires (scénario 1), ni de durcir la réglementation (scénario 3). L'enjeu est de crédibiliser l'objectif de réduction des PPP et donc de placer cet objectif au coeur du pilotage de l'agriculture et de sa transformation. Les chambres d'agriculture et les ITA, qui reçoivent directement des ressources publiques, mais aussi les réseaux de collecte et les acteurs de la transformation, dont l'État détermine l'environnement fiscal, doivent être incités à accompagner et même déclencher les décisions favorables des agriculteurs. Les financements aux agriculteurs pourraient être apportés par l'ASP ou FranceAgriMer avec le concours des services déconcentrés de l'État (Directions départementales des territoires), mais un contrôle de l'État et d'organismes de certification sera nécessaire. Le dimensionnement des principales mesures a été réalisé plus haut et en annexe. Plusieurs outils peuvent être combinés : la hausse de la RPD pour doubler le prix des PPP ; ou une hausse de 66% du prix des PPP et redistribution du produit vers les bonnes pratiques ; ou une hausse de 50% du prix des PPP, avec la redistribution du produit vers les bonnes pratiques complétée d'une différenciation de la TVA sur l'AB et les 0 PPP ((hors ceux autorisés en AB) d'une part, les autres produits alimentaires d'autre part. transparence dans l'emploi de la RPD ; rythme adapté de la transition ; adhésion des chambres d'agriculture et des ITA ; et une réforme en profondeur du conseil agricole. Certaines conditions de succès peuvent être identifiées : Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 160/208 PUBLIÉ Ce scénario peut être rapidement initié, avec des paliers de progression à définir sur 10 ans, et la possibilité d'adapter les taux de fiscalité à la réalité des pratiques. Diagnostic interne Diagnostic externe : Ce scénario est basé : sur le constat de la responsabilité de l'État de limiter voire d'empêcher que les PPP ne portent des atteintes irréversibles à la santé humaine et à la biodiversité, et donc qu'il lui appartient de prendre les mesures réglementaires nécessaires, quand bien même une substance aurait été approuvée par l'UE ; et sur une hypothèse : beaucoup d'alternatives aux PPP sont aujourd'hui suffisamment matures pour que l'État impose leur généralisation sans détruire brutalement34 l'activité, ce qui semble l'avis d'au moins une partie des experts (supra 3.1). Dans ce scénario, le choix de réduire les PPP n'est pas agricole, c'est une décision de société, motivée Ce n'est pas la nécessité de changer y compris les pratiques culturales qui est mis en cause, mais le fait que le changement brutal de réglementation peut frapper d'obsolescence les compétences et les investissements de toute une filière. L'enjeu est de lui permettre de s'adapter avant l'interdiction des PPP. 34 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 161/208 PUBLIÉ par un diagnostic sur les risques. Il est donc très important d'approfondir la connaissance de ces risques pour bien ajuster la réglementation. L'expérience montre que jusqu'à présent les diagnostics réalisés avant l'autorisation des substances et les mises sur le marché n'ont pas empêché quelques sinistres importants (exemple du chlordécone aux Antilles), justifiant, après parfois plusieurs années, la mise en cause des autorisations accordées. Par ailleurs, des interdictions très rapides, comme celles des néonicotinoïdes, peuvent obliger les pouvoirs publics à ouvrir peu après des dérogations ciblées, faute d'alternatives immédiatement disponibles. Il s'agit donc de composer avec la balance des avantages et des risques, à la fois de l'action et de l'inaction. Mais c'est à la souveraineté nationale et à l'exécutif d'apprécier le résultat du pesage, et de déterminer la règle. Il est également important dans ce scénario d'éviter d'importer des produits traités par des PPP, depuis des pays35 qui ne respecteraient pas les mêmes réglementations. Il semble que ce soit ce modèle « réglementaire » qui a été utilisé pour les usages non agricoles et est retenu pour le glyphosate, pour lequel le gouvernement est très actif36, après un engagement de retrait pris par l'actuel Président de la République en 2017. Dans ce scénario, la réglementation est l'instrument principal de réduction du recours aux PPP. Une partie majeure de cette stratégie est donc portée par l'UE, qui a la responsabilité de la réglementation des substances actives. La France devra être beaucoup plus vigilante pour bien documenter les demandes d'autorisation et de renouvellement, et veiller à ce que les études soient réalisées avec la rigueur nécessaire. C'est en effet à ce niveau que la réglementation est la plus efficace. Ainsi la France ne saurait réussir seule : une plus forte convergence européenne peut sembler un préalable à la mise en place de ce scénario. En dehors d'une convergence européenne, la France garde la possibilité de restreindre l'usage des produits mis sur le marché et incluant les substances autorisées : elle pourra le faire systématiquement quand existent des alternatives, en biocontrôle ou avec des produits moins dangereux, couramment utilisées 37 et que les inconvénients économique et technique ne sont pas majeurs (art 50 de R 2009 /1107). Elle pourrait également davantage vérifier que les produits sont bien utilisés « en dernier recours », dans le cadre d'une protection intégrée des cultures, ce qui n'est aujourd'hui que rarement fait, en France et en Europe, malgré la réglementation. Certaines pratiques exagérément intensives, certaines rotations trop courtes ou inexistantes, certaines mosaïques paysagères insuffisamment diversifiées pourraient progressivement être sanctionnées par des restrictions d'emploi de PPP ou en utilisant d'autres outils réglementaires ou assimilables à la réglementation (PAC...). La France, tout comme les autres pays, peut également déclarer des dérogations pour une durée inférieure à 120 jours. Une variante renforçant ce scénario pourrait préconiser non seulement un « conseil stratégique PPP » obligatoire, comme il est désormais prévu, mais une prescription des PPP « sur ordonnance », comme pour les antibiotiques animaux et la plupart des médicaments sur l'homme. Mais on a vu avec les médicaments qu'une telle obligation ne garantit pas l'absence d'augmentation de l'utilisation. Voir un article cité par le CEP dans sa veille de décembre 2020 qui montre les très grands écarts entre les limites maximales de résidus autorisés dans différents pays et ses conséquences : « Trade, price and quality upgrading effects of agri-food standards » Dela-Dem Doe Fiankor, Daniele Curzi, Alessandro Olper, European Review of Agricultural Economics, 2020 35 36 37 Tout comme quelques autres pays : le Mexique vient ainsi de faire l'annonce d'une interdiction dans 3 ans ? Cette condition est particulièrement gênante puisqu'il faut que l'alternative soit largement diffusée avant l'interdiction : la réglementation n'est donc pas un outil d'aide à la diffusion en première phase du cycle (cf 3.1). Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 162/208 PUBLIÉ L'administration, et notamment les services sanitaires régionaux (au sein des DRAAF), sont les acteurs-clés pour veiller au respect de la réglementation. L'OFB pour la police de l'environnement, les DDCCRF pour le contrôle des résidus, ont un rôle à jouer. On le voit : le contrôle sanitaire des végétaux et des produits qui en sont issus impliquent une chaîne d'acteurs, incluant les parquets, la justice administrative, et le système judiciaire, qui peut sembler difficile à actionner et devrait sans doute être simplifiée pour exercer un réel effet dissuasif. Les instituts techniques et l'INRAE pour bien évaluer en amont de la réglementation les conséquences pratiques des interdictions, ont montré l'intérêt de leurs apports dans le cas des néonicotinoïdes et du glyphosate. Le scénario s'appuie principalement sur la réglementation directe en matière de PPP, avec une correcte appréciation des avantages et des risques, et la possibilité d'une réglementation fine, avec notamment une protection accrue des bassins versants, des aires de captage et des zones proches des habitations, et des restrictions sur l'usage des produits, par exemple dans certaines conditions climatiques. Mais l'enjeu est également la réglementation générale ou l'ensemble des politiques publiques qui, d'une manière ou d'une autre, apportent des contributions significatives aux décisions des agriculteurs de recourir aux PPP. Ainsi, la PAC, par son poids dans les ressources des exploitations, mais aussi les dispositifs relatifs à l'installation des jeunes agriculteurs, la politique foncière, les règles relatives à la sole et à l'assolement, à l'irrigation, aux autres intrants... peuvent avoir une importance : il importe de vérifier la cohérence de l'ensemble des politiques publiques avec l'objectif de réduction des PPP, et de ne pas s'appuyer seulement sur la réglementation relative aux produits PPP, aux pulvérisateurs ou aux zones de protection. On peut également citer ici le « contrat de solutions » proposé par 40 organisations agricoles et de recherche38 avec un objectif et un slogan affichés « pas d'interdictions sans solutions ! ». 38 Dont les chambres d'agriculture, l'ACTA, l'UIPP, le GNIS, la FNSEA, la MSA, des coopératives... Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 163/208 PUBLIÉ Figure 17 : Extrait du Guide Phytosanitaire pour tout savoir sur la réglementation - Edition 2021 - Les chambres d'agriculture Le slogan de « ce contrat de solutions » est à double sens. Il demande à l'État de ne pas interdire avant d'avoir identifié les solutions. Mais c'est aussi un moyen pour l'État et l'UE de constater l'existence de solutions ou de bouquets de solutions acceptées et dès lors de prendre les mesures d'interdiction des substances et des produits dangereux dont il est désormais admis qu'ils ne sont plus indispensables. Dans ce scénario, les ressources issues de la RPD peuvent aider l'État et ses opérateurs à exercer leurs missions. Le programme national peut ainsi financer en priorité les études d'évaluation des risques des PPP et de leurs alternatives (études prospectives amont, études d'évaluation en aval), des campagnes de formation et d'information, et le contrôle du respect de la réglementation, qui peut être confié à des organismes certificateurs externes à l'administration comme c'est déjà le cas pour les programmes européens ou l'AB. Des enveloppes régionales peuvent toujours être mobilisées par les agences de l'eau pour accompagner des mesures de réglementation locales, pour étendre la protection et l'amélioration des captages et de la biodiversité, par exemple. Le programme national est décidé par l'État, qui affirme sa responsabilité, mais la base technique et économique des interdictions et des alternatives doit être approfondie en amont des décisions avec les professionnels et autres parties prenantes. Le programme peut financer en priorité ces travaux préparatoires aux évolutions de la réglementation. La gestion du programme est confiée soit aux services de l'État, soit à un opérateur neutre de gestion, comme l'ASP. Les agences de l'eau restent bénéficiaires d'une partie de la taxe, et initient ou soutiennent des actions Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 164/208 PUBLIÉ à leur échelle. L'acceptabilité de ce scénario repose largement sur la clarté des objectifs sanitaires et la proportionnalité des mesures d'interdiction aux enjeux et risques. Ce scénario est d'autant plus crédible qu'il est fortement adossé à une mobilisation européenne, et que ses moyens sont coordonnés à cette échelle. Sa cible et son indicateur de référence mériteraient d'être redéfinis, le durcissement de la réglementation sur les produits les plus efficaces pouvant se traduire par une très forte augmentation de produits moins efficaces (et moins dangereux). Forces Faiblesses Diagnostic interne Opportunités Menaces Diagnostic externe Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 165/208 PUBLIÉ On l'a dit, notre avis d'expert est que les trois scénarios sont susceptibles d'apporter une contribution forte à l'objectif d'une réduction de 50% des PPP dans un délai de l'ordre de 10 ans. Sans renier les actions soutenues dans le cadre des plans antérieurs depuis 2006 ­ avant le Grenelle de l'environnement -, ces scénarios proposent de manière inédite des actions de massification crédibles, avec des outils robustes. Pour éclairer la décision, il ne s'agit donc pas ici de choisir entre les trois scénarios ­ au sein de la mission, des préférences personnelles se sont exprimées mais la mission n'a pas de scénario préférentiel - mais d'offrir quelques éclairages complémentaires pour faciliter la décision politique, autour des deux thèmes cités dans le titre de cette section. Trop souvent, les « pesticides » sont d'abord vus comme un sujet de controverse, comme l'ont été un temps les « OGM ». Et cette controverse intéresse : médias et sondages d'opinion en témoignent39. Pour être audible dans le cadre de la controverse, il peut paraître opportun d'adopter un ton radical, afin d'être le porte-parole d'un camp contre un autre camp. Il est intéressant et nécessaire d'essayer de comprendre les mécanismes en jeu dans cette controverse, pour faciliter la décision de l'État. D'un côté, il y a des intérêts économiques et d'un « modèle agronomiques » évidents : les PPP sont redoutablement efficaces pour assurer une protection immédiate des cultures, et leurs alternatives, quand elles sont identifiées, sont plus complexes, plus coûteuses et ont des effets moins sûrs40. Parallèlement, le processus de concentration et d'industrialisation d'une partie des activités agricoles se poursuit, pendant que des alternatives se maintiennent durablement dans le paysage sans redevenir dominantes. Ces deux41 modèles d'agriculture alternatifs reflètent des modèles de société différents, mais les pratiques réelles au sein de chaque modèle peuvent parfois être significativement différentes des pratiques imaginées et revendiquées. Ainsi la généralisation de l'AB sous et sur bâches plastiques permet en effet d'économiser des PPP, au prix de travaux pénibles et d'une forte dépendance au plastique, qui sont deux faiblesses par rapport à l'agriculture conventionnelle. La « vision » de l'État et en son sein celle du MAA par rapport à ces évolutions n'est pas toujours évidente à déceler. Au-delà d'un soutien affiché, quoique par intermittence, à « l'agroécologie », terme d'autant plus fédératif qu'il est mal défini, on peut avoir parfois l'impression qu'un soutien est apporté, mais un peu honteux, non revendiqué, aux processus continus d'industrialisation de l'agriculture. D'un autre côté, il y a des effets directs, sur la santé des utilisateurs et sur la biodiversité, et des effets plus diffus, par dissémination dans les milieux, par concentration dans la chaîne biotique et par effets cocktail avec d'autres réactifs présents dans l'air, l'eau ou les sols, pas nécessairement des PPP. Ces différents aspects sont étudiés à la fois par la recherche privée issue des industries chimiques, et par Par exemple Le papier le plus consulté de la revue électronique Sésame en 2020 est celui, cité infra, qui cherche à comprendre pourquoi l'usage des produits phytos augmente en France. 39 Chacun des éléments de cet énoncé peut se voir opposé des contre-exemples, mais ils ne sont pas de nature à en modifier la pertinence globale. 40 41 C'est une simplification, il en existe en réalité de nombreux autres. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 166/208 PUBLIÉ la recherche publique, et des publications scientifiques apparemment contradictoires ­ c'est ainsi que se construit la science ! - peuvent apporter un certain trouble aux yeux du grand public et du personnel politique et administratif, qui attend des certitudes. Il est donc nécessaire de réaliser régulièrement des synthèses de l'état de la science. Une actualisation de l'expertise collective de l'INSERM (2013) sur l'impact des PPP sur la santé humaine est ainsi annoncée depuis près d'un an42 . Il faut également souligner les efforts de l'ANSES pour rendre accessibles les données et informations qui fondent ses décisions. Mais les controverses scientifiques sont normales, et sur un sujet porteur d'autant d'intérêt économique, un soutien constant à la recherche publique, à son intégrité, et aux dispositifs de veille en matière de santé publique est indispensable. Derrière la controverse se pose la question des modèles agricoles désirables. La France a choisi l'agroécologie par une loi adoptée en 201443 l'agroécologie. Mais derrière ce mot qui désigne une science, des pratiques et qui est donc devenu une politique, se cachent plusieurs modèles agricoles qui continuent à être en compétition. Le modèle de la grande exploitation, qui était historiquement moins développé en France que dans des pays d'Europe centrale, continue son extension. Il se transforme également avec des pratiques de travail « à façon », entièrement externalisé vers des entreprises de travaux agricoles. Parallèlement les exploitations moyennes et petites régressent et se diversifient. Certaines, notamment en maraichage, en viticulture ou en productions fruitières, continuent à s'industrialiser, avec de plus en plus de conditions contrôlées et d'automatismes, pendant que d'autres recherchent la performance biologique par la permaculture et le travail manuel, avec des réussites parfois impressionnantes à petite échelle. Loin d'être entièrement dédiées à l'agroécologie, comme semblent le vouloir certains de ses responsables, la recherche et la valorisation devraient également porter sur tous ces modèles, y compris les plus disruptifs, du type de ceux qui sont soutenus par l'université de Wageningen aux PaysBas, avec des exploitations hors sols, à faibles intrants et relativement neutres en énergie. Les « fermes verticales » japonaises, sont également des modèles intéressants : au-delà des préjugés ou des constats d'expérience sur les qualités organoleptiques des aliments en fonction de leur processus de production, la performance globale de ces systèmes mérite d'être prise en considération, notamment en matière de maraîchage. De même, la France offre plus qu'une possibilité de réduction de la dépendance aux PPP. Pour certaines régions françaises denses et pour certaines cultures comme les légumes, une intensification des productions au plus près des centres de consommation, voire la mise en place de productions à environnement contrôlé en zone urbaine, comme elles se développent au Japon, peuvent apparaître comme des solutions non pas d'avenir ­ elles existent déjà et ont fait la preuve de leur capacité à fonctionner quasiment sans PPP- mais comme des solutions à diffuser ! En revanche le modèle de la grande exploitation céréalière sans élevage, et très dépendant des PPP comme des apports en fertilisants chimiques, et en eau, destructeurs des haies et pollueur des rivières et des nappes, mériterait d'être réexaminé. Il est pourtant encore en extension dans certaines campagnes françaises dites « intermédiaires ». Non seulement ce modèle d'exploitation n'apporte pas la preuve de sa capacité à maîtriser la dissémination de ses externalités négatives, mais il contribue à appauvrir la biodiversité, les paysages, et il alimente des marchés mondiaux de matière première dont les prix sont spéculatifs et déstabilisants. La PAC doit-elle continuer à soutenir ce modèle, par exemple par des subventions permettant de diminuer l'écart de productivité entre les zones intermédiaires 44 et les zones plus favorisées par les conditions pédoclimatiques ? Ou au contraire à assumer dans ces zones la mise en place d'une agriculture plus extensive, moins gourmande en intrants, voire à un retour 42 43 44 A notre connaissance, elle n'a pas eu d'équivalent pour évaluer l'impact des PPP sur la biodiversité Loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt Voir le rapport sur l'agriculture des zones intermédiaires, CGAAER n°18065, janvier 2019 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 167/208 PUBLIÉ organisé45 vers la forêt, pour capter davantage de carbone, ou encore pour développer les sanctuaires nécessaires à la biodiversité ? Il semble que ce débat existe aujourd'hui au sein même de la FNSEA46 et avec les autres organisations professionnelles, mais tous les acteurs seront attentifs aux messages que les arbitrages de la nouvelle PAC vont adresser. Même si elle doit évidemment se préoccuper de toutes les agricultures, on peut ainsi regretter que la politique agricole française ne fasse pas le choix de dire ce qu'elle souhaite pour chacun des modèles, et ce qu'elle veut décourager. La réponse serait d'autant plus pertinente qu'elle serait inscrite dans des territoires qui ont de fortes spécificités. Finalement, les PPP sont aussi l'occasion de distinguer plusieurs conceptions de ce que peut être un État dans l'Europe d'aujourd'hui, et d'interroger l'organisation de notre État, notamment quant aux répartitions des compétences et rôles entre ministères, et entre les administrations centrales, les services déconcentrés et les collectivités territoriales. Sur le positionnement des États en Europe, les deux documents précités (rapport de la Cour européenne des comptes et communication de la Commission (2020) mériteraient d'être prolongés par un parangonnage. Entre l'État qui forme, avec d'une part la recherche et d'autre part les agriculteurs-entrepreneurs l'un des trois côtés du triangle d'or néerlandais, et la verticalité qui fait de la réduction des PPP et de l'interdiction du glyphosate des « objets de la vie quotidienne » directement suivis depuis l'Élysée, il y a des positionnements multiples au sein de l'Europe, et qui mériteraient un parangonnage. Pour ce qui concerne l'organisation de l'État en France, il faut d'abord souligner que le MTE, en charge de la qualité de l'eau, de l'air et de la nature, a été l'un des premiers à prendre conscience des enjeux de la réduction des PPP (et des nitrates). Les indicateurs sur la diminution de la biodiversité, notamment l'écroulement des populations d'insectes et d'oiseaux, ont déclenché des alertes qui ont conduit à rechercher les causes, plus rapidement et plus fortement que les enjeux sur la santé humaine, qui restent finalement mal connus. Du coup, le MTE (et les agences de l'eau comme l'OFB) a une réelle légitimité sur cette politique. Mais c'est bien le MAA qui a la charge de proposer les solutions alternatives aux PPP et donc doit être responsabilisé dans son rôle de coordination opérationnelle du plan. Bien sûr les PPP sont également des enjeux majeurs pour la santé publique, pour la biodiversité, et pour la recherche. Mais les trois ministères de la santé, de la transition écologique et de la recherche n'ont pas la responsabilité ni les moyens opérationnels de diffuser les alternatives aux PPP : c'est bien au MAA que cela incombe. Une difficulté qui a pu être perçue ces dernières années est que le caractère multiministériel de la politique à l'égard des PPP a pu donner l'impression d'une complexité bureaucratique doublée d'un État à plusieurs voix sans unisson. On se retrouve ainsi parfois dans la situation où ce sont des parties prenantes, des ONG notamment, qui s'efforcent de faire la synthèse et de porter un intérêt général face à des représentants ministériels calés dans leurs priorités relatives. La réponse à cette question de l'interministérialité pourrait être simple : Il existe une responsabilité interministérielle, celle de s'assurer de l'alignement des politiques, que la réduction des PPP est bien une priorité effective de l'action publique, pour tous les ministères et établissements publics et à tout niveau, mais en affirmant La forêt progresse spontanément en France, du fait des déprises agricoles dans ces zones, mais une sylviculture intelligente, comme l'a fait historiquement l'administration puis l'office des forêts, permet d'optimiser à la fois la fixation du carbone, la valeur probable du bois, et les aménités. 45 46 Agra-Presse 18 janvier 2021 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 168/208 PUBLIÉ également la responsabilité du MAA pour définir et piloter les actions de massification du plan, et en lui donnant des outils et leviers à cette fin. Cette question se retrouve à l'échelle régionale, avec un plan Écophyto qui mobilise la DREAL, la DRAAF, les agences de l'eau et dans une moindre mesure l'ARS, sous la coordination et l'autorité du Préfet de région. Les compétences sanitaires de l'État sont réparties entre la DRAAF pour la santé des plantes, les DDI pour la santé animale, et l'OFB pour la police de l'environnement. Les collectivités régionales, en charge du développement économique et de la gestion d'une partie de plus en plus importante des crédits européens, sont sollicitées sur ce plan sans en être pleinement co-responsables. Une nouvelle version du plan Écophyto devrait s'interroger sur cette répartition existante des compétences et surtout se demander quelle organisation pourrait optimiser la réussite du plan de réduction des PPP dans les territoires. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 169/208 PUBLIÉ Les scénarios et les leviers : synthèse : : : : : : : : Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 170/208 PUBLIÉ * ** Finalement, peut-on encore opposer la nécessité de « nourrir la planète », comme disent les défenseurs des PPP, à celle de « préserver la santé, quoiqu'il en coûte » et de stopper pendant qu'il est encore temps l'effondrement de la biodiversité qui met en péril notre survie comme espèce ? "Faire la paix avec la nature est la grande mission de notre siècle. Elle doit être la priorité absolue de chacun, partout dans le monde" disait le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, en janvier 2021). La France fait le choix de soutenir son agriculture, en lui consacrant une grande attention et des moyens financiers importants. Mais il est clair que ce soutien a contribué ces dernières décennies à renforcer une dépendance de cette agriculture aux PPP, alors que beaucoup d'exploitations disposaient auparavant de savoir-faire alternatifs qui ont été disqualifiés. Il n'est pas réaliste de revenir à des processus de production antérieurs à la diffusion des PPP. Il s'agit donc non de restaurer, mais d'inventer des modes de production agricoles durables économes en PPP et répondant par ailleurs aux attentes économiques, sociales des marchés et des citoyens. Un levier prioritaire de ce point de vue est de continuer à réparer la contradiction qui (a) fait de certaines politiques de l'État et de la PAC les instruments de la diffusion des PPP et donc en priorité d'aligner l'ensemble des politiques publiques, dont la PAC, à ce nouvel objectif de réduction des PPP, sauf à risquer de réduire à néant les efforts de conviction apportés par des plans Écophyto dont les dotations financières sont nettement plus réduites. La mission propose donc, soit d'utiliser massivement la réglementation et la PAC et de rendre conditionnelles les aides du premier pilier (scénario 3), soit, si ce n'est pas possible, de mobiliser massivement les autres leviers, de soutien aux filières économes en PPP (scénario 1) ou les leviers incitatifs (scénario 2) si on veut généraliser la baisse. Il serait souhaitable d'arrêter le nouveau plan Écophyto en 2023, quand la nouvelle PAC sera connue et approuvée. Cela laisse deux années pour réaliser des études de bilan plus précises, et pour choisir après concertation les leviers et les actions qui donneront un nouvel élan à ce plan nécessaire, mais qui s'essouffle. Un volet important du nouveau plan sera de mettre en cohérence l'ensemble des politiques publiques avec l'objectif de réduction des PPP. Cela suppose que ces préoccupations soient portées avec constance lors de la révision de la PAC pour qu'elles se traduisent par une véritable inflexion de celleci. C'est dans ce cadre qu'une nouvelle orientation d'utilisation de la part du produit de la RPD affectée à Écophyto pourra être donnée, avec un programme national et des enveloppes régionales spécialisés, agiles, additionnels et transparents. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 171/208 PUBLIÉ Cour des comptes Référé S2019-2659 du 4 février 2020 de la Cour des comptes sur le bilan des plans Écophyto Réponse du Premier ministre à la Cour des comptes relative au bilan des plans Écophyto le 3 février 2020 Le bilan des plans Écophyto ­ Cour des comptes - Relevé d'observations définitives S2019-0191 (non diffusé) Différents plans Plan Écophyto 2018 du 10 septembre 2008 Plan Écophyto II du 20 octobre 2015 Plan d'actions sur les PPP et une agriculture moins dépendante aux pesticides du 25 avril 2018 Plan Écophyto II+ publication avril 2019 Rapports Chantier 15 « agriculture écologique et productive » Rapport final du Président du Comité opérationnel « Écophyto 2018 » Guy Paillotin, Secrétaire perpétuel de l'Académie d'Agriculture de France, 17 juin 2008 Pesticides et agroécologie ­ Les champs du possible. Rapport de Dominique Potier, député de Meurtheet-Moselle, au Premier ministre Manuel Valls, novembre 2014 Mission de coordination de la feuille de route relative aux produits phytosanitaires et au plan de sortie du glyphosate Note d'étape (partie 1) et Synthèse des entretiens en régions (partie 2) ; Pierre-Etienne Bisch, coordinateur interministériel Conseiller autrement l'utilisation des pesticides pour produire autrement, rapport CGAAER 13057, juin 2013 Déterminants de la prise de décision par l'exploitant agricole d'une transition vers l'agroécologie, CGAAER n°19070 La fiscalité des produits phytosanitaires. Rapport n°2013-M-044-03 pour l'IGF, n°13065 pour le CGAAER et n°008976-01 pour le CGEDD, juillet 2013 Utilisation des produits phytopharmaceutiques. Rapport CGEDD n°011624-01 / IGAS n°2017-124R / CGAAER n°17096, décembre 2017 Préfiguration de la mise en oeuvre des certificats d'économie de produits phytosanitaires (CEPP) mission d'appui (n°2013-M-122-01 pour l'IGF, n°2013-13146 pour le CGAAER, n°009393-01 pour le CGEDD) ­ Juillet 2014 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 172/208 PUBLIÉ Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-Mer, Rapport CGEDD n° 012594-01, CGAAER n° 18133, juin 2019. Evaluation du dispositif de délivrance du certificat individuel phytopharmaceutique (Certiphyto) ­ Rapport CGEDD n°00 9375-01 et CGAAER n°13132 ­ 2014 Le réseau d'épidémiosurveillance financé par le plan Écophyto : Réorientations à opérer. Rapport CGEDD n° 012577-01, CGAAER n° 18129, décembre 2019 Rapporteuse spéciale sur le droit à l'alimentation Assemblée générale, Nations unies, 24 janvier 2017 Rapport spécial de la Cour des comptes Européenne, Utilisation durable des produits phytopharmaceutiques : des progrès limités en matière de mesure et de réduction des risques, janvier 2020 Rapport de la Commission au Parlement européen et au Conseil sur l'expérience acquise par les États membres dans la mise en oeuvre des objectifs nationaux fixés dans leurs plans d'action nationaux et sur les progrès réalisés dans la mise en oeuvre de la directive 2009/128/CE sur une utilisation des pesticides compatible, 20 mai 2020. Principaux textes réglementaires de l'UE en matière de PPP (classement chronologique) Directive 2009/128/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 instaurant un cadre d'action communautaire pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable Directive (UE) 2019/782 de la Commission du 15 mai 2019 modifiant la directive 2009/128/CE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne l'établissement d'indicateurs de risques harmonisés. Directive 2009/127/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 modifiant la directive 2006/42/CE en ce qui concerne les machines destinées à l'application des pesticides Règlement (CE) n° 396/2005 du Parlement européen et du Conseil du 23 février 2005 concernant les limites maximales applicables aux résidus de pesticides présents dans ou sur les denrées alimentaires et les aliments pour animaux d'origine végétale et animale Règlement (CE) N 889/2008 de la commission du 5 septembre 2008 portant modalités d'application du règlement (CE) no 834/2007 du Conseil relatif à la production biologique et à l'étiquetage des produits biologiques en ce qui concerne la production biologique, l'étiquetage et les contrôles. annexe II. Règlement (CE) n° 1272/2008 dit « règlement CLP » du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relatif à la classification, à l'étiquetage et à l'emballage des substances et des mélanges, modifiant et abrogeant les directives 67/548/CEE et 1999/45/CE et modifiant le règlement (CE) n° 1907/200 Règlement (CE) n° 1185/2009 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 relatif aux statistiques sur les pesticides Règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/CEE et 91/414/CEE du Conseil Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 173/208 PUBLIÉ Règlement (UE) no 528/2012 du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2012 concernant la mise à disposition sur le marché et l'utilisation des produits biocides. Articles de synthèse Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? sous l'égide du Comité pour l'économie verte, Bénédicte Peyrol, Dominique Bureau, 2018 Reducing pesticide use while preserving crop productivity and profitability on arable farms, Martin Lechenet, Fabrice Dessaint, Guillaume Py, David Makowski & Nicolas Munier-Jolain, Nature Plants volume 3, Article number: 17008 (2017). Traduction mission. Le Plan Écophyto de réduction d'usage des pesticides en France : décryptage d'un échec et raisons d'espérer, Laurence Guichard, François Dedieu, Marie-Hélène Jeuffroy, Jean-Marc Meynard, Raymond Réau et Isabelle Savini. (Cah. Agric. 2017, 26, 14002) Le projet agroécologique: Vers des agricultures doublement performantes pour concilier compétitivité et respect de l'environnement. Marion Guillou, Hervé Guyomard, Christian Huyghe, Jean-Louis Peyraud, mai 2013. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 174/208 PUBLIÉ Acronyme Signification AB AE AJE ACTA AFB AMM ANR ANSES APCA ASP BNVD BOP BSV CAE CASDAR CE CEE CEPP CF CGAAER CGEDD CIRC CMR COREAMR COS COS RI CP CROS DEB DEPHY DGAL DGALN DGPE DGER DRAAF DREAL EFSA EGA FEADER FNSEA GIEE IFT Agriculture Biologique Autorisation d'engagement Apport Journalier Estimé Association de Coordination Technique des instituts Agricoles Agence Française pour la Biodiversité Autorisation de Mise sur le Marché Agence Nationale de la Recherche Agence Nationale de Sécurité Alimentaire, de l'Environnement et du Travail Assemblée Permanente des Chambres d'Agriculture Agence de Service des paiements Banque Nationale des Ventes pour les Distributeurs Budget Opérationnel de Programme Bulletin de Surveillance du Végétal Commission AgroÉcologie Compte d'Affectation Spéciale Développement Agricole et Rural Commission Européenne Certificat d'Économie d'Énergie Certificat d'Économie de Produit Phytopharmaceutique Comité des Financeurs Conseil général de l'Alimentation, de l'Agriculture et des Espaces Ruraux Conseil Général de l'Environnement et du Développement Durable Centre International de Recherche sur le Cancer Cancérogène, Mutagène et Reprotoxique Commission Régionale de l'Économie Agricole et du Monde Rural Comité Opérationnel et de Suivi Comité Opérationnel et de Suivi Recherche et Innovation Crédits de paiement Comité Régional d'Orientation et de Suivi Direction de l'Eau et de la Biodiversité DEmonstration et Production de références sur les systèmes économes en pHYtosanitaires Direction Générale de l'Alimentation Direction Générale de l'aménagement, du Logement et de la Nature Direction Générale de la Performance Économique et Environnementale des Entreprises Direction Générale de l'Enseignement et de la Recherche Direction Régionale de l'Alimentation, de l'Agriculture et de la Forêt Direction Régionale de l'Environnement, de l'Aménagement et de l'Environnement Autorité Européenne de Sécurité des Aliments États Généraux de l'Alimentation Fonds Européen Agricole pour le développement Rural Fédération Nationale des syndicats d'Exploitants Agricoles Groupement d'Intérêt Économique et Environnemental Indice de Fréquence de Traitement Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 175/208 PUBLIÉ Acronyme Signification INERIS INRAE ITA MAA MAEC MTE NODU OAD OFB PAC PAEC PAT PPP QSA R&D RPD SAU SBT SDQPV SRAL UE ZNA Institut National de l'Environnement Industriel et des Risques Institut National de la recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement Institut Technique Agricole Ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation Mesures Agro-Environnementales et Climatiques Ministère de la Transition Écologique Nombre de Doses Unité Outil d'Aide à la Décision Office Français de la Biodiversité Politique Agricole Commune Projet Agro-Environnemental et Climatique Projet Alimentaire Territorial Produits PhytoPharmaceutiques Quantité de Substance Active Recherche et Développement Redevance pour Pollution Diffuse Surface Agricole Utile Surveillance Biologique du Territoire Sous-Direction de la Qualité et de la Protection des Végétaux Service Régional de l'Alimentation Union Européenne Zone Non Agricole Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 176/208 PUBLIÉ La redevance pour pollutions diffuses (RPD) a été instaurée par la loi n°2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l'eau et les milieux aquatiques (art.84) et codifié à articles L.213-10-8 du code de l'environnement, qui en détermine son assiette et son taux. L'article L131-15 du code de l'environnement (modifié par la loi n°2020-1721 du 29 décembre 2020 - art. 82 (V)) précise que « les ressources du programme confié à l'Office français de la biodiversité dans le cadre du plan d'action national défini à l'article L. 253-6 du code rural et de la pêche maritime incluent la part de contribution mentionnée à ce titre à l'article 135 de la loi n° 2017-1837 de finances pour 2018 et sont dépensées, pour un montant au moins égal, sous la forme d'aides apportées par l'office au titre de ce programme ». L'article R.213-48-13 du code de l'environnement relatif aux redevances des agences de l'eau et aux modalités de déclaration et de recouvrement de certaines de ces redevances, précise la nature des substances concernées. Elles le sont : 1° Soit en raison de leur toxicité aiguë de catégories 1,2 ou 3 ; 2° Soit en raison de leur toxicité spécifique pour certains organes cibles, de catégorie 1, à la suite d'une exposition unique ou après une exposition répétée ; 3° Soit cancérogène de catégorie 1A ou 1B, mutagène de catégorie 1A ou 1B ou toxique pour la reproduction de catégorie 1A ou 1B ; 4° Soit cancérogène de catégorie 2, mutagène de catégorie 2 ou toxique pour la reproduction de catégorie 2 ; 5° Soit en raison de leurs effets sur ou via l'allaitement ; 6° Soit en raison de leur danger pour l'environnement. Un arrêté conjoint des ministres chargés de l'environnement et de l'agriculture définit, chaque année1, la liste des substances figurant dans chaque catégorie mentionnée au II de l'article L. 213-10-8 . L'article R. 213-48-27-1 du code de l'environnement prévoit que les redevables de l'ensemble des agences de l'eau adressent leur déclaration à l'agence de l'eau Artois-Picardie, qui est désignée pour l'établissement du titre de recettes et le recouvrement de la redevance auprès de ces redevables. L'article 135 de la loi de finance pour 2018 n°2017-1837 (Modifié par loi n°2020-1721 du 29 décembre 2020 - art. 82 (V)) « I.- A compter de 2020, il est institué une contribution annuelle des agences de l'eau mentionnées à l'article L. 213-8-1 du code de l'environnement au profit de l'Office français de la biodiversité à hauteur d'un montant compris entre 362,6 millions d'euros et 389,6 millions d'euros, qui intègre une dotation de 41 millions d'euros dédiée au financement du programme mentionné à l'article L. 131-15 du même code. Arrêté du 7 décembre 2020 établissant la liste des substances définies à l'article L. 213-10-8 du code de l'environnement relatif à la redevance pour pollutions diffuses 1 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 177/208 PUBLIÉ Cette contribution est liquidée, ordonnancée et recouvrée selon les modalités prévues pour les recettes des établissements publics administratifs de l'Etat. Chaque année, un arrêté conjoint des ministres chargés de l'écologie et du budget fixe le montant de cette contribution et la répartit entre les agences de l'eau en fonction du potentiel économique du bassin hydrographique pondéré par l'importance relative de sa population rurale. Le potentiel économique du bassin hydrographique est déterminé pour 20 % à partir du produit intérieur brut des régions relevant de chaque bassin et pour 80 % à partir du revenu des ménages des régions relevant de chaque bassin. Pour chaque bassin, un coefficient de modulation rurale définit l'importance relative de la population rurale. Ce coefficient, compris entre 75 % et 115 %, est déterminé de façon linéaire selon la part de population du bassin habitant des communes non incluses dans des aires urbaines. Cet arrêté détermine également les modalités de versement de cette contribution. « Pour l'année 2020, il a été pris le 28 janvier 2021. Les ressources du programme confié à l'Office français de la biodiversité dans le cadre du plan d'action national défini à l'article L. 253-6 du code rural et de la pêche maritime incluent la part de contribution mentionnée à ce titre à l'article 135 de la loi n° 2017-1837 de finances pour 2018 et sont dépensées, pour un montant au moins égal, sous la forme d'aides apportées par l'office au titre de ce programme. 2006 Depuis la loi sur l'eau et les milieux aquatiques du 30 décembre 2006, les distributeurs de produits phytopharmaceutiques sont tenus de transmettre à l'agence de l'Eau Artois-Picardie2 une déclaration annuelle de leurs ventes de produits au titre de la redevance pour pollutions diffuses. Le bilan des achats effectués à l'étranger doit également être déclaré par les utilisateurs professionnels. 2009 En application du principe pollueur-payeur et de la loi de finances pour 2009, la redevance sert à financer : les programmes d'intervention des agences et offices de l'eau ; le plan Écophyto, qui vise à limiter l'usage des pesticides et la contamination associée des milieux. 2010 La loi de finances rectificative pour 2010 a intégré dans le dispositif des redevances les ventes de semences traitées au moyen des produits phytosanitaires à compter de l'année d'activité 2012. De plus, en cas d'achats de produits ou de semences traitées à l'étranger, les trieurs à façon et les 2 Procédure mutualisée depuis 2010 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 178/208 PUBLIÉ agriculteurs deviennent également redevables et sont soumis dans ce cadre à une obligation de transmission d'un bilan de leurs achats à l'étranger. 2019 La loi de finances pour 2019 a modifié le régime de la redevance, dans un objectif de transparence sur le niveau de dangerosité des différentes substances au travers d'une plus grande discrimination des taux incluant un renforcement de ceux portant sur les substances qui seront à terme interdites en Europe, conformément au règlement 1107/2009 en ce qui concerne les substances candidates à substitution ou exclusion. 2021 Une modification a été introduite par la loi de finance pour 2021 (article 82 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 abrogeant le V. de l'article L.213-10-8 qui prévoyait le prélèvement au profit de l'OFB) : la mise sous plafond de la part de la redevance pour pollutions diffuses perçue par les agences de l'eau, affectée au programme Écophyto. Jusqu'à présent, la part de la redevance pollution diffuse était directement versée à l'OFB pour financer le volet national d'Écophyto. Désormais le produit (41 M) reviendra aux agences et, en contrepartie, celles-ci versent une contribution plus importante à l'OFB, chacune selon la clef de répartition fixée (arrêté interministériel du 28 janvier 2021). Dans le même temps, le plafond des redevances perçues par les agences a été augmenté en proportion. Ce dernier s'élèvera ainsi à 2,197 milliards d'euros en 2021. Les dispositions concernent les produits phytopharmaceutiques et les semences traitées au moyen des produits (cf. l'article L 253-1 du code rural). Ces produits servent à détruire les végétaux indésirables (herbicides), à protéger les plantes (fongicides, insecticides), à agir sur leurs processus vitaux sans être des substances nutritives (régulateurs de croissance) et à conserver les récoltes. Pour pouvoir être vendus et utilisés en France, ces produits doivent faire l'objet d'une autorisation de mise sur le marché (AMM). Un produit phytopharmaceutique peut contenir des substances dangereuses. Les substances soumises à la redevance pour pollutions diffuses sont définies au II de l'article L.213-10-8 du code de l'environnement. Le montant de cette redevance est fonction de la dangerosité de ces substances et des quantités présentes dans les produits. Tous les acteurs sont concernés par ces dispositions : les distributeurs, les consommateurs, les industriels responsables de la mise sur le marché des produits phytosanitaires ainsi que les utilisateurs qui se fournissent auprès de distributeurs situés à l'étranger. 1. Les distributeurs et, par incidence, les industriels Les distributeurs sont au coeur du dispositif, dans la mesure où ils peuvent à la fois informer les consommateurs et orienter leur politique d'achat auprès des producteurs. Ils permettent une connaissance fine des quantités et des produits phytosanitaires achetés, via l'établissement de leur déclaration annuelle des ventes. Afin de cibler l'action de suivi de l'utilisation des pesticides sur les territoires ou les parcelles sur lesquels peut être porté en priorité l'effort de réduction, les distributeurs à des professionnels sont tenus depuis 2015 de déclarer les ventes agrégées par codes postaux des utilisateurs, sous forme de registre des ventes. Cette connaissance est indispensable pour cibler efficacement l'action publique. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 179/208 PUBLIÉ 2. Les consommateurs Le montant de la redevance propre à chaque produit phytopharmaceutique acheté figure sur la facture d'achat sauf pour les produits portant la mention " Emploi Autorisé dans les Jardins ". Les consommateurs, désormais informés, seront en mesure de modifier leurs comportements d'achat : réduire prioritairement leur usage des substances les plus dangereuses et recourir à des alternatives. Les achats effectués auprès d'un distributeur dont le siège est situé à l'étranger, aujourd'hui intégrés dans le dispositif, ne doivent pas être considérés comme une alternative. En application de la loi de finances rectificative pour 2010, l'agence de l'eau Artois-Picardie a été désignée afin de prendre en charge la gestion mutualisée de la redevance pour le compte de toutes les agences de l'eau, à compter du 1er janvier 2012 : tous les redevables dont le siège est situé en métropole lui adressent désormais leur déclaration. Elle tient donc une place particulière dans le dispositif Écophyto au plan national en assurant la gestion mutualisée et centralisée de la collecte de la RPD. En revanche, dans les outre-mer la RPD reste recouvrée par chacun des offices de l'eau. L'agence AP conserve 1,1 % des sommes qu'elle reverse aux autres agences ; elle y consacre l'équivalent de 7 emplois à plein temps. 1. Collecte, montants perçus, montants versés i. La déclaration doit être effectuée avant le 1er avril N+1 La déclaration consiste à transmettre le bilan ou le registre annuel des ventes de l'année précédente à l'agence de l'eau Artois-Picardie pour la métropole, ou à l'office de l'eau pour les distributeurs dont le siège est situé dans un département ou région d'outre-mer. Sont concernés les acquéreurs de produits phytopharmaceutiques, de semences traitées et les commanditaires d'une prestation de traitement de semences s'ils se fournissent auprès d'une personne n'étant pas déjà redevable. Les produits disposant d'une autorisation de mise sur le marché français mais achetés à l'étranger, et les produits d'enrobage de semences achetés directement à une firme, sans passer par un point de distribution, sont soumis à la redevance. Tout utilisateur de produits ou de semences achetés à l'étranger doit donc tenir un registre et déclarer ses achats annuels. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 180/208 PUBLIÉ Qui est assujetti ? (celui qui supporte le coût de la redevance) Qui redevable ? est Qui déclare a l'agence de l'eau ? Quelle l'échéance ? est (celui qui reverse la redevance) ?Qui a l'obligation de tenir le registre ? Le distributeur DISTRIBUTEUR DE PRODUITS PHYTOPHARMACEUTIQUES établi en France à des utilisateurs non professionnels AGRICULTEUR IMPORTATEUR DE PRODUITSPHYTOPHARMACEUTIQUES en France DISTRIBUTEUR DE SEMENCES TRAITEES établi en France à des utilisateurs non professionnels TRIEUR A FACON (applicateur en prestation de service) établi en France L'agriculteur Le distributeur Pour le 31 mars N+1 sur ses ventes N L'agriculteur Pour le 31 mars N+1sur ses achats N Le distributeur Pour le 31 mars N+1 sur ses ventes N Le trieur à façon Pour le 31 mars N+1 sur les produits appliqués en N L'agriculteur Pour le 31 mars N+1 sur ses achats N L'agriculteur L'agriculteur L'agriculteur Le distributeur de semences traitées L'agriculteur Le trieur à façon AGRICULTEUR IMPORTATEUR DE SEMENCES TRAITEES (ou commande d'un traitement de semences auprès d'un prestataire établi en France) L'agriculteur L'agriculteur ii. Évolution des taux au cours du temps Avant la rénovation de la redevance : REDEVANCE POUR POLLUTIONS DIFFUSES (/kg) 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 Substances classées en raison de leur danger pour l'environnement Substances classées en raison de leur danger pour l'environnement, relevant de la famille chimique minérale Substances classées en raison de leur toxicité aiguë ou spécifique, cancérogénicité, mutagénicité, reprotoxicité Substances classées en raison de leur danger pour l'environnement (2ème semestre) Substances classées en raison de leur danger pour l'environnement, relevant de la famille chimique minérale (2ème semestre) Substances classées en raison de leur toxicité aiguë ou spécifique, cancérogénicité, mutagénicité, reprotoxicité (2ème semestre) 0,900 1,200 1,700 2,000 2,000 2,000 2,000 2,000 2,000 2,000 2,000 0,380 0,500 0,700 0,900 0,900 0,900 0,900 0,900 0,900 0,900 0,900 2,250 3,000 4,400 5,100 5,100 5,100 5,100 5,100 5,100 5,100 5,100 1,500 0,600 3,700 À compter de la rénovation de la redevance (2019) : Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 181/208 PUBLIÉ REDEVANCE POUR POLLUTIONS DIFFUSES (/kg) 1° Substances classées, en application du règlement (CE) n° 1272/2008, en raison de leur cancérogénicité, ou de leur mutagénicité sur les cellules germinales, ou de leur toxicité pour la reproduction 2° Substances classées, en application du règlement (CE) n° 1272/2008, en raison de leur toxicité aiguë de catégorie 1,2 ou 3 ou en raison de leur toxicité spécifique pour certains organes cibles, de catégorie 1, à la suite d'une exposition unique ou après une exposition répétée, soit en réseau de leurs effets sur ou via l'allaitement 3° Substances classées, en application du règlement (CE) n° 1272/2008, en raison de leur danger de par leur toxicité aiguë pour le milieu aquatique de catégorie 1 ou de leur toxicité chronique pour le milieu aquatique de catégorie 1 ou 2 4° Substances classées, en application du règlement (CE) n° 1272/2008, en raison de leur de leur toxicité chronique pour le milieu aquatique de catégories 3 ou 4 5° Substances qui ne répondent pas aux critères des paragraphes 3.6 et 3.7 de l'annexe II du règlement (CE) n° 1107/2009 mais qui sont encore commercialisées A partir de 2019 9,000 5,100 2,000 0,900 5,000 6° Substances dont on envisage la substitution au sens de l'article 24 du règlement (CE) n° 1107/2009 2,500 Lorsqu'une substance relève d'une ou de plusieurs catégories mentionnées au 1° à 4° et au 5° à 6° du II, le taux retenu est la somme des taux calculés en application des deux précédents alinéas. Les taux des catégories 1 à 4 peuvent donc être sommés avec : soit le taux de la catégorie 5 soit le taux de la catégorie 6. iii. Évolution du montant perçu au cours du temps Les fluctuations de ventes/achats de produits phytopharmaceutiques sont liées aux facteurs suivants : les conditions météo et la "pression maladie" varient d'une année sur l'autre ; les arrivées sur le marché de nouveaux produits, de même que les interdictions, surviennent de manière inopinée et produisent parfois des variations sensibles, (comme les produits contenant du metam sodium interdits en 2018) ; les filières techniques peuvent changer en raison de produits plus efficaces, plus ou moins taxés ; le marketing peut influer : certains produits peuvent être plus fortement mis en avant par les conseillers ; les pratiques commerciales peuvent accentuer les effets de hausse comme celle de fin 2018, née de l'anticipation de l'augmentation de la redevance mais accrue par les ristournes proposées par les fabricants et les distributeurs ; Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 182/208 PUBLIÉ le niveau du cours des céréales incite à garantir des rendements élevés ; enfin, l'arrêté substances fait évoluer chaque année les substances en catégories et donc en taux ; il est publié entre septembre et fin décembre. Le produit de la redevance pour pollutions diffuses est retracé, depuis 2012, dans le tableau qui suit. Quantités de Quantités de Quantités de substances substances non substances totales soumises à soumises à (Tonnes) redevance (Tonnes) redevance (Tonnes) 44824 46290 52891 46027 47945 46367 56474 32 014 19932 21338 23227 21 543 24 551 24 476 29 016 25 177 64756 67628 76118 67570 72496 70843 85490 57 191 Montant de redevance par année de ventes (M) 103,08 108,08 123,36 138,32 146,93 135,76 169,89 146,50 Montant correspondant perçu (en année de ventes + 1) (M) 104,12 110,76 129,72 144,72 151,17 131,41 182,88 138,14 Année de ventes 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 Tableau 7 : Produit de la redevance pour pollution diffuse perçue par les agences de l'eau (source Agence de l'Eau Artois Picardie) Le produit de la redevance pour pollution diffuse (RPD) perçue par les agences de l'eau, détaillé dans le tableau ci-dessus, est de l'ordre de 136M par an ; 41 M sont individualisés par la loi à l'OFB pour financer le programme Écophyto au niveau national et 30 M constitue l'enveloppe régionale d'Écophyto. Le solde de la RPD (de l'ordre de 60M) vient alimenter le programme pluriannuel des agences de l'eau. iv. Comment sont versés les 41 M (article L213-10-8 du code de l'environnement) à l'OFB et les 30 M aux agences de l'eau (calendrier) ? Les 41 M constituant la part OFB faisait l'objet, jusqu'en 2020, d'un versement unique en juin-juillet de chaque année, la date limite étant fixée au 1er septembre. La part de la RPD est versée à chaque agence en fonction des ventes et achats sur chaque bassin. Les versements aux agences sont effectués par un acompte en août/septembre et un solde en décembre. 2. Quels sont les avantages et inconvénients de cette collecte centralisée et versements ? La gestion mutualisée et centralisée a permis le développement d'une expertise spécifique au domaine car le service en charge de la redevance traite tous les aspects de cette gestion en tant que mission centrale : les relations avec les redevables et avec les membres d'un groupe de travail national RPD ; l'administration du rôle des interlocuteurs ; Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 183/208 PUBLIÉ la liquidation de la redevance : consultation, instruction, traitement des réclamations, émission des titres de recette... ; la maîtrise d'ouvrage des logiciels : le site de déclaration « redevance phyto » et la BNV-D ; la participation aux réflexions sur les indicateurs phyto, en tant que producteur de données ; la participation à la politique nationale de réduction de l'utilisation des phytos et à la lutte contre l'usage illégal de ceux-ci. Les services du MTE sont ainsi en relation avec un opérateur qui met en oeuvre la fiscalité environnementale d'une manière harmonisée sur tout le territoire. D'autres administrations centrales ont également établi une coopération avec l'agence : La Direction nationale de recherches et d'enquêtes douanières : un protocole de coopération a été signé par les directeurs généraux afin d'établir une synergie entre les services, dans la lutte contre les fraudes à l'importation des produits phytosanitaires d'une part, dans la recherche des acheteurs de produits à l'étranger d'autre part ; La DGAL du MAA : la gestion de la démarche de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) s'appuie en partie sur des données provenant de la BNV-D ; l'agence fournit également des informations sur les événements juridiques affectant les redevables de la RPD qui sont aussi des obligés au CEPP ; la DGAL fournissant à l'agence la liste des agréés à la distribution. En corollaire les usagers ont un seul interlocuteur qui déploie des procédures uniques. Un inconvénient mineur est lié à l'éloignement géographique par rapport à certains usagers, qui empêche les réunions en présentiel, mais qui ne freine ni la communication ni les contrôles fiscaux, opérés par un prestataire sur consignes de l'agence. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 184/208 PUBLIÉ PUBLIÉ Tableaux financiers Année 2019 Seules des données de synthèses sont reprises, les données brutes des crédits mobilisés au niveau national ou régional (pour chaque région et par action et financeur) sont disponibles auprès de la mission Bisch ou de la DGAL. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO PUBLIÉ Page 186/208 Crédits mobilisés au niveau national : synthèse par financeurs (Année 2019) Financeur Montants engagés sur l'année 2019 (mise en oeuvre nationale) Financement fléché Écophyto (enveloppe nationale) Financement nonfléché Écophyto MAA OFB UE Agence Bio ANSES TOTAL 32 378 733 20 920 693 15 828 000 7 900 868 4 253 238 81 281 532 20 920 693 32 378 733 CASDAR (AAP R&I et pgm annuels APCA et ONVAR), Certiphyto et crédit impôt AB enveloppe de 41M programmes opérationnels fonds avenir Bio dispositif PPV 15 828 000 7 900 868 4 253 238 Montants engagés sur l'année 2019 (mise en oeuvre au niveau national) 35000 000 30000 000 25000 000 20000 000 15000 000 10000 000 5000 000 0 1 2 3 4 5 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO PUBLIÉ Page 187/208 Crédits mobilisés en régions : synthèses par financeurs (2019) Montants engagés sur l'année 2019 (mise en oeuvre au niveau régional) Financement fléché Écophyto (enveloppe régionale ou enveloppe nationale) Financement nonfléché Écophyto Financeur agence de l'eau (AE) UE MAA Conseil Régional CDC OFB (DEPHY, SBT, Animation et communication régionales) ADEME État D(R)AAF Conseil Départemental FAM Collectivités D(R)EAL (vides) Office de l'eau (ODE) ARS Partenaires régionaux CRA ASP MTES MOM MSA ODEADOM GNIS TOTAL 228 852 211 161 646 338 72 509 437 31 267 472 28 200 000 17 058 204 9 073 557 5 597 323 1 869 416 1 436 813 1 355 357 868 640 353 434 342 399 282 662 241 622 236 211 153 500 148 300 68 660 35 000 21 917 21 516 3 900 561 643 889 40 809 103 188 043 108 161 646 338 72 509 437 31 267 472 28 200 000 17 058 204 9 073 557 5 597 323 1 869 416 1 436 813 1 355 357 868 640 353 434 342 399 282 662 241 622 236 211 153 500 148 300 68 660 35 000 21 917 21 516 3 900 57 867 307 503 776 582 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO PUBLIÉ Page 188/208 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO PUBLIÉ Page 189/208 Crédits mobilisés en régions : synthèse par région (2019) AE 2019 par région AURA BFC Breiz Corse CVL G-Est Guad Guyan HdF IdF Martiniq Mayotte Norm NvAq Occi PACA PDL Reu 29 088 013 46 928 274 36 848 497 3 912 361 26 577 879 78 089 248 2 004 126 1 070 861 33 787 893 33 264 002 4 103 776 171 643 29 168 720 102 437 238 85 288 500 14 915 800 33 552 937 434 120 CP 3 523 396 2 104 477 37 063 825 117 694 563 484 2 594 168 229 106 493 880 279 840 2 996 774 227 589 103 038 436 169 7 878 538 9 802 092 721 395 5 417 977 89 530 SAU - STH 1 241 537 1 324 328 1 472 370 25 906 2 024 271 2 281 151 20 652 18 674 1 839 372 543 191 14 569 19 979 1 263 093 2 928 785 2 033 798 317 582 1 653 431 31 619 19 054 308 AE 2019 rapportées à la (SAU-STH) 23,4 35,4 25,0 151,0 13,1 34,2 97,0 57,3 18,4 61,2 281,7 8,6 23,1 35,0 41,9 47,0 20,3 13,7 561 643 889 74 642 971 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO PUBLIÉ Page 190/208 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO PUBLIÉ Page 191/208 tableaux financiers Année 2018 Seules des données de synthèses sont reprises, les données brutes des crédits mobilisés au niveau national ou régional (pour chaque région et par action et financeur) sont disponibles auprès de la mission Bisch ou de la DGAL. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO PUBLIÉ Page 192/208 Crédits mobilisés au niveau national : synthèse par financeurs (Année 2018) Montants engagés sur l'année 2018 (mise en oeuvre nationale) Financement fléché Écophyto (enveloppe nationale) Financeur Financement non-fléché Écophyto MAA OFB UE Agence Bio ANSES TOTAL 44 971 696 20 028 202 0 4 099 902 4 434 015 73 533 815 20 028 202 44 971 696 0 4 099 902 4 434 015 CASDAR (AAP R&I et pgm annuels APCA et ONVAR), Certiphyto et crédit impôt AB enveloppe de 41M programmes opérationnels fonds avenir Bio dispositif PPV Montants engagés sur l'année 2018 (mise en oeuvre au niveau national) 50 000 000 45 000 000 40 000 000 35 000 000 30 000 000 25 000 000 20 000 000 15 000 000 10 000 000 5 000 000 0 MAA OFB UE Agence Bio ANSES Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO PUBLIÉ Page 193/208 Crédits mobilisés en régions : synthèses par financeurs (2018) Montants engagés sur l'année 2018 (mise en oeuvre au niveau régional) Financement fléché Écophyto (enveloppe régionale ou enveloppe nationale) Financeur Financement non-fléché Écophyto agence de l'eau (AE) UE MAA Conseil Régional OFB (DEPHY, SBT, animation et communication régionales) BPI France ADEME État D(R)AAF Collectivités Conseil Départemental ARS D(R)EAL Office de l'eau (ODE) MSA CRA FranceAgriMer MOM MTES DIRECCTE FREDON (vides) TOTAL 249 445 938 119 367 508 38 855 179 29 340 060 21 478 580 4 008 985 2 016 000 1 276 872 1 949 063 1 038 463 909 699 241 448 201 626 165 726 38 708 17 000 16 800 15 000 14 000 8 568 5 000 219 454 470 629 677 28 350 121 221 095 817 119 367 508 38 855 179 29 340 060 21 478 580 4 008 985 2 016 000 1 276 872 1 949 063 1 038 463 909 699 241 448 201 626 165 726 38 708 17 000 16 800 15 000 14 000 8 568 5 000 219 454 49 828 701 420 800 976 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 194/208 PUBLIÉ Montants engagés sur l'année 2018 (mise en oeuvre au niveau régional) 300 000 000 250 000 000 200 000 000 150 000 000 100 000 000 50 000 000 0 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 195/208 PUBLIÉ Crédits mobilisés en régions : synthèse par région (2018) AE 2018 par région AURA BFC Breiz Corse CVL G-Est Guad Guyan HdF IdF Martiniq Mayotte Norm NvAq Occi PACA PDL Reu (vides) 25 143 302 39 269 037 26 002 439 1 581 326 28 089 476 61 058 754 865 781 588 786 44 659 925 23 676 772 744 907 147 843 34 318 823 64 788 924 78 448 271 12 382 085 28 335 279 527 946 0 CP 7 538 198 2 582 548 12 436 788 269 996 1 814 404 2 244 467 634 557 524 748 1 543 280 732 643 306 433 106 403 1 055 138 9 136 326 10 400 222 1 364 573 5 280 119 220 884 0 SAU - STH AE 2018 rapportées à la (SAU-STH) 20,3 29,7 17,7 61,0 13,9 26,8 41,9 31,5 24,3 43,6 51,1 7,4 27,2 22,1 38,6 39,0 17,1 16,7 1 241 537 1 324 328 1 472 370 25 906 2 024 271 2 281 151 20 652 18 674 1 839 372 543 191 14 569 19 979 1 263 093 2 928 785 2 033 798 317 582 1 653 431 31 619 470 629 677 58 191 726 19 054 308 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 196/208 PUBLIÉ AE 2018 par région 90 000 000 80 000 000 70 000 000 60 000 000 50 000 000 40 000 000 30 000 000 20 000 000 10 000 000 0 AE 2018 rapportées à la (SAU-STH) 70,0 60,0 50,0 40,0 30,0 20,0 10,0 0,0 AE 2018 rapportées à la (SAU-STH) Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 197/208 PUBLIÉ 250 000 000 200 000 000 150 000 000 100 000 000 50 000 000 Montants engagés sur l'année 2018 par action (mise en oeuvre au niveau régional) 0 1.2 1.3 AB MAEC PSE 2 4 5 6 8 9 11 12 13.1 13.2 13.3 14 15 17 18.1 18.2 18.3 19 20 21 22 23.1 23.2 27.1 27.5 foncier 28 29 Note de présentation des tableaux financiers « Écophyto »(Note établie par Louis Hubert et Didier Pinçonnet le 23/10/2020, avec la collaboration active de Karine Belna, Aymeric Lorthois et Laure Clairac) Note revue LH le 17/12/2020 après correction de quelques erreurs mineures sur les tableaux financiers et avec la terminologie261 adoptée par la mission financière sur le plan Écophyto. Les travaux engagés par le préfet coordinateur du plan Écophyto 2+, il y a tout juste un an, avec l'aide de Louis Hubert et Didier Pinçonnet ont pour objectif de : Répondre à une demande des ministres de construire une cartographie et un tableau de suivi financier avec pour objectif de réaliser une cartographie des financements et des flux financiers, au niveau national et régional ; donner à la mission les outils permettant un suivi de l'exécution du programme Écophyto ; oordonner le travail demandé aux services de l'État en régions par l'instruction du 2 mai 2019; contribuer à la réponse au référé de la Cour des comptes de 2019 sur le plan Écophyto, et permettre d'avoir une vision plus complète des moyens engagés en faveur de la réduction des produits phytopharmaceutiques, quel que soit le dispositif mobilisé. Dans son référé du 27/11/2019 au Premier Ministre, la Cour des comptes émet une recommandation n°3 au MAA et MTES et leur demande d'« élaborer, tenir à jour et rendre public à compter de l'exercice 2020, à l'échelon national et à l'échelon régional, un tableau de l'ensemble des ressources financières mobilisées pour mettre en oeuvre le plan Écophyto pluriannuel ». Cette commande a été anticipée par la mission qui avait proposé à ces deux ministères de préparer une maquette permettant de saisir les différents gestionnaires de fonds publics et de construire ce tableau de suivi. 261 Distinguant le plan Écophyto (641M) du programme (41M) et de l'enveloppe régionale (30M) Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 198/208 PUBLIÉ Cette maquette a été mise au point, par la mission, en lien avec les administrations centrales, testée auprès d'une région (BFC) avant d'être diffusée par courrier du 26 février 2020, signé des deux directeurs de cabinets (MAA et MTES), aux préfets de région (DRAAF), agences de l'eau, et différents services des administrations centrales et établissements publics gestionnaires de dispositifs en lien avec Écophyto. Les délais ayant été adaptés, une réponse était attendue pour fin mai, soit il faut bien le noter, un an après le délai initial. Les 13 régions métropolitaines ont répondu : 3 régions d'outre-mer et Mayotte ont répondu (manque la Réunion) ; toutes les agences de l'eau ont répondu ; les administrations centrales ont également répondu, mais il a fallu les relancer. Le travail de compilation a été réalisé entre mai et juillet 2020, avec l'aide d'une stagiaire d'AgroParisTech, et en lien avec les membres du groupe de travail qui avaient aidé à la mise au point du format des tableaux. Il a été complété et ajusté par la suite avec quelques retours tardifs et mis en forme. On peut d'ores et déjà en tirer quelques enseignements : Le fait d'avoir élaboré une maquette unique (notamment avec une nomenclature des actions calée sur celle du plan Écophyto) pour mobiliser l'information en facilite la compilation à l'échelle nationale. Pour autant, la diversité des dispositifs et des procédures conduit à un foisonnement de la nomenclature et des modalités d'aides, qui nécessitent une grande rigueur pour éviter les oublis (contrepartie européennes ou régionales), pour apprécier la quotepart de crédits correspondant strictement à notre champ pour des actions servant plusieurs objectifs (par exemple la réduction des pollutions par les nitrates et celle des PPP), les doubles-comptes (entre niveau national et régional, ou bassin hydrographique et région); pour assurer la cohérence des données entre crédits programmés (AE) ou dépensés (CP), dont la définition peut fluctuer selon la nature des actions, les dispositifs d'aides et les règles comptables des gestionnaires. Cette complexité intrinsèque, liée à la diversité des actions, est exacerbée par la multiplicité des dispositifs et organismes chargés de leur mise en oeuvre. Les dispositifs, actions, financeurs se superposent, s'entrecroisent, si bien qu'il y a rarement un ensemble constitué d'un seul dispositif- action- financeur. Il est en effet important de rappeler que le travail porte sur la totalité des financements publics qui concourent à l'objectif de réduction de l'usage des PPP, et va bien au-delà du seul dispositif Écophyto. 1- Des moyens financiers bien supérieurs à l'enveloppe du programme Écophyto Le travail fait ressortir, comme l'avait montré le rapport de la Cour des comptes, l'importance des financements qui concourent à la politique de réduction des PPP, sans relever au sens strict du programme Écophyto II + (et vont bien au-delà des 71M) ; Au total, en 2019 (et 2018), la mission a recensé 643 M (respectivement 544M en 2018) dont 81M (73M) mobilisés au niveau central et 562 M (470M) au niveau régional. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 199/208 PUBLIÉ Le programme et l'enveloppe régionale Écophyto 2+ représentent donc environ 11 à 12% du total engagé ; au niveau régional cette part est encore plus faible : 10% des crédits mobilisés en région. 2- Le poids déterminant des Agences de l'eau dans le financement de cette politique, au niveau régional : Une vingtaine d'organismes se répartissent pour le financement de cette politique, mais les six premiers (agence de l'eau, fonds européens, ministère de l'agriculture, conseils régionaux, OFB) représentent 99% des crédits mobilisés au niveau régional. Les agences de l'eau mobilisent un financement total de 229M en 2019, dont 41M relèvent de l'enveloppe régionale d'Écophyto (250 M dont 29 M en 2018) le reste d'autres dispositifs gérés par les agences, dans le cadre de leurs programmes pluriannuels ; Les Agences représentent donc 40% (53% en 2018) du total des moyens engagés en région. La part de l'enveloppe régionale d'Écophyto représente 18% (12%) des montants engagés par les agences. Les fonds européens mobilisés par les régions s'élèvent à 161M (119 M en 2018). 3- Une connaissance lacunaire des crédits de paiement. Malgré une certaine insistance de la mission, il n'a pas été possible d'avoir connaissance exhaustive des crédits de paiements ; les résultats lacunaires, exception faite pour certains opérateurs ne permettent pas de tirer des enseignements sur la réalité des consommations de crédits et leur rythme. L'OFB est en mesure de faire ce suivi pour les opérations qu'il gère en rattachant les CP soit à la convention d'origine, soit à l'année de dépense effective. Cela explique en partie le moindre décalage entre les AE et les CP recensées eu niveau national. Cette question a été évoquée avec les DRAAF, chargés de la compilation des données au niveau régional (se reporter à l'annexe correspondante). 4- Une concentration forte des financements sur un nombre limité d'actions mais un foisonnement de dispositifs et de lignes de crédits. Si la nomenclature du plan et des actions semble très foisonnante, les cinq premières actions mobilisées en région représentent un total de 465 M, soit 86% des montants engagés en région (2019). Le premier poste est celui de l'agriculture biologique (320 M, soit 57%), dont les aides à la conversion ­hors Écophyto- représentent 297 M, et le renforcement du développement ­ action 23.1 de l'objectif 23 axe 5 du plan Écophyto- 23 M. Vient ensuite le soutien à l'agroéquipement ­ action 1.2 de l'objectif 1 de l'axe 1 du plan Écophyto, avec 74 M, soit 13% Puis les MAEC, hors Écophyto, avec 58,5 M soit 10% des montants mobilisés en région. L'action 21 de l'axe 5 du plan qui concerne le soutien aux collectifs (PIA) pèse 56 M, soit 10%, et enfin l'objectif 4 de l'axe 1 (G 30 000) représente 9 M, soit 1,6% Le dispositif du PIA concerne trois actions (1.2 agroéquipement, 1.3 biocontrôle, 2.1 territoires) et relève de quatre financeurs (CDC, BPI, Ademe, FAM), si bien qu'il est difficile de l'individualiser tant au titre des financeurs que des actions ; il figure malgré tout parmi les six premiers dispositifs les plus importants. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 200/208 PUBLIÉ Il ressort que les financements principaux concourant à la réduction des PPP (aides à l'AB, MAEC, PIA...) relèvent de décisions échappant à la gouvernance Écophyto (faites dans le cadre de la programmation du second pilier de la PAC notamment). Cela questionne sur la véritable capacité d'inflexion de l'intervention publique en matière de réduction des PPP. 5- Une répartition très variable selon les régions : De la Nouvelle-Aquitaine qui émarge à hauteur de 102 M, suivie par l'Occitanie (85 M) puis le Grand-Est (78 M) à PACA (15 M) pour ne citer que les régions métropolitaines, l'écart est important. Rapporté à la surface agricole utile hors prairies permanentes (SAU-STH), le classement met les DOM262 et la Corse en tête, puis l'Île-de-France en tête suivie de Paca, de l'Occitanie, de BFC, de la Nouvelle Aquitaine, du Grand Est. Nous avons tenté une analyse à partir du ratio /ha de SAU et au regard de la BNVD ; il est difficile d'en tirer des conclusions (annexe 2) Ce travail trouvera une suite dans la mission interministérielle d'évaluation des actions financières du programme Écophyto que les trois ministres (MAA, MTES et MESRI) ont confié aux inspections (CGAAER, CGEDD, IGF). La réunion des correspondants régionaux des DRAAF en septembre 2020 a été l'occasion de revenir sur les conditions de réalisation de cet exercice et de proposer des améliorations pour la prochaine édition, en 2021. Celles-ci figurent en annexe 1 Les points à approfondir : 1- Compléter avec les régions et services de centrale qui n'ont pas répondu 2- Compléter les lignes non renseignées par certaines régions et services centraux 3- Compléter les crédits de paiement 4- La colonne K destinée à connaître le bénéficiaire final de l'aide n'a pas été suffisamment renseignée pour estimer la part des financements allant « dans la cour de ferme » ; une estimation des aides allant directement aux agriculteurs peut néanmoins être faite en fonction de la nature des actions ; c'est le cas des aides àl'AB, à l'acquisition d'agroéquipements, aux G30 000 ... qui représentent les plus gros budgets. 5- Analyser l'efficience des crédits selon la nature et le montant des opérations financées (mais il faut établir au préalable une grille d'analyse avec des indicateurs de résultats, même de façon très globale : AB, HVE, viticulture,...) 6- Identifier les circuits existants et réaliser un diagramme des procédures dans la perspective d'une simplification (mission financière) Pour conclure, ce travail permet de répondre à la commande initiale des cabinets, même incomplètement. La mobilisation des services et plus particulièrement des DRAAF et Agences de l'eau a également permis de tester un outil de rapportage commun, de l'améliorer en cours d'exercice et 262 Ceux pour lesquels les données recueillies sont les plus complètes, à savoir : Martinique, Guadeloupe et Guyane Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 201/208 PUBLIÉ d'en tirer les enseignements pour le prochain exercice, dont on peut penser qu'il ne nécessitera plus l'appui de la mission. Enfin, il apporte des éléments utiles pour répondre aux observations de la Cour des comptes et plus particulièrement à la recommandation n°3 de son référé du 27 novembre 2019. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 202/208 PUBLIÉ Addendum n°1 à la note de présentation des tableaux financiers Réunion du 17 septembre 2020 sur le reporting financier Écophyto Relevé de décisions Participants : chefs de projet Écophyto en DRAAF, correspondants Écophyto en DREAL, DGAL et DEB Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 203/208 PUBLIÉ Constat partagé Proposition de suites à donner Source du reporting Dans l'idéal, un tableau pré-rempli serait adressé aux DRAAF pour remplissage complémentaire. Si problème de calendrier, et nécessité d'un remplissage en parallèle, alors expliciter encore mieux « qui remplit quoi » afin qu'il n'y ait pas de double remplissage. [DGAL/mission examine les calendriers et flèchent les lignes] Les DRAAF rempliraient les lignes « résiduelles » concernant : les financements régionaux des DRAAF, DREAL, ARS, collectivités, autres structures et les financements PDR hors MAEC, AB et PCAE. Des consignes claires additionnelles seront fournies aux DRAAF sur comment renseigner les AE, CP (si maintenus), année d'attribution des aides ou année de paiement - Il est difficile de renseigner les montants des aides Le niveau central (DGPE/BFE ? ASP ?) allouées aux investissements matériels du 2ème pilier de renseigne les investissements en matière de la PAC (notamment Plan de compétitivité et réduction des PP, contribuant donc à d'adaptation) et ce pour plusieurs raisons : les Écophyto. [DGAL/mission Bisch contacte la investissements de réduction de PP ne sont pas DGPE et l'ASP le cas échéant] spécifiquement identifiés au moment de l'instruction Le niveau central (DGPE ou FAM) des dossiers dans les outils de saisie, ce sont les renseigne les aides de FAM concourant à la Conseils régionaux qui sont autorités de gestion... Le réduction des PP (30 M en 2020, 250 M statut et le périmètre de la donnée remontée par les en 2021/2022). [DGAL/mission Bisch DRAAF est hétérogène d'une région à l'autre. contacte la DGPE/FAM le cas échéant] Idem pour les aides d'État, envisager Par ailleurs, FAM/DGPE tiennent à jour un reporting de un remplissage par la DGPE [DGAL/mission grain régional pour leurs aides en matière de réduction contacte la DGPE et l'ASP le cas échéant] des PP (30M de crédits en 2020 et 250 M sur 2021/2022). Les solliciter pour qu'ils transmettent ces informations (pertinent à compter de 2020). Appréciable que le niveau central prenne à sa charge le remplissage de certaines lignes (le maximum) : même méthodologie pour toutes les région, travail facilité pour les DRAAF... A ce stade, est rempli par le niveau central (le cas échéant en se fondant sur les retours des agences de l'eau) : les MAEC, les aides à l'AB, les crédits Écophyto mis en oeuvre en région issus de l'enveloppe de 41 M, l'enveloppe régionale Écophyto gérée par les agences de l'eau, les autres crédits des agences de l'eau (par région et par financeur). Il est demandé que soient renseignés en plus : les aides aux investissements dans le cadre du développement rural, les aides aux investissements en matière de réduction des PP de FAM (30M de crédits en 2020 et 250 M sur 2021/2022) et les aides d'État notifiées à la DGPE (cf. point suivant). De même il y aurait un intérêt à ce que la DGPE renseigne les aides d'État en faveur de la réduction des PP dont elle est normalement systématiquement informée (D-minimis...) Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 204/208 PUBLIÉ Moindre importance de certaines lignes / colonnes Le détail au niveau « sous ­ actions » n'est pas pertinent pour plusieurs actions. Certaines colonnes sont très faiblement ou partiellement renseignées. En effet, les DRAAF, les agences de l'eau et les bureaux d'administration centrale n'ont pas accès à cette information ou ont de véritables difficultés à la fournir (au niveau de détail de reporting demandé). Le peu d'information in-fine disponible est inexploitable / difficilement exploitable. Ne pas solliciter cette information auprès des DRAAF, en particulier la colonne CP. Fusionner les sous-actions des actions: 13, 17, 18, 27 Solliciter les bureaux ou organismes gestionnaires des crédits pour le remplissage de la colonne N (crédits de paiement) l'ASP pour les aides de la PAC ou pour le CASDAR, les CR pour les aides du conseil régional... Raccourcir le contenu de la colonne G et ne pas conserver les colonnes : F (obj. Strat nat), I? (intitulé de l'action au plan régional), J (filière), K (bénéficiaire direct de la subv) et Pertinence du recensement de certains financements Les avis divergent quant à la pertinence de recenser, dans ce cadre, les financements à l'AB (CAB et MAB). Pour certaines DRAAF, ils relèvent du plan Ambition Bio et devraient être recensés dans le cadre de la politique de l'agriculture biologique d'autant qu'au vu de leur ampleur, ils masquent d'autres financements plus modestes spécifiquement mobilisés dans le cadre d'Écophyto. Par ailleurs, les aides au maintien dans certains territoires n'ont pas d'effet direct sur la réduction des PP. Pour d'autres DRAAF, il est pertinent de les prendre en compte dans l'exercice, dès lors que les analyses réalisées à partir des tableaux font des focus plus spécifiques sur les financements réduction des phyto et en particulier ceux sur lesquels la gouvernance Écophyto a la main. Intérêt manifesté de recenser les crédits orientés vers la formation aux pratiques économes (enseignement agricole et formation au certiphyto) Il est demandé à ce que les agences de l'eau rapportent également les crédits associés à l'animation agricole dans les zones de captage La DGAL partage le point de vue de la pertinence de recenser les financements CAB/MAB dans le cadre de cet exercice. Formuler la demande auprès de la DGER Le MTE convient avec les agences de l'eau des modalités de reporting de l'animation agricole dans les zones de captages pour pour le reporting Écophyto Intérêt pour certaines enveloppes (notamment 30 000) Ne pas ajouter de colonne à cette fin d'avoir le montant de l'enveloppe programmé pour mais plutôt conduire l'analyse ciblée pour la pouvoir ensuite le comparer au montant engagé politique 30 000 Harmonisation des méthodologies de reporting Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 205/208 PUBLIÉ Pour les financements CASDAR pour les GIEE travaillant chaque DRAAF identifie les GIEE « phyto » à la réduction des PP, la clé de répartition diffère d'une (GIEE dont l'objet central du projet est la région à l'autre (quels GIEE prendre en compte ? réduction des PP) et affecte la totalité du comptabiliser la totalité de la subvention CASDAR qu'il financement reçoit ou seulement une partie dès lors que son projet n'est pas exclusivement centré sur la réduction des PP) Besoin de clarifier la règle de décision pour les aides Affecter la totalité d'une aide pluripluri-annuelles : affectation de la totalité en année 1 annuelle à la première année d'engagement d'engagement ? Analyse et valorisation des données collectées Les ordres de grandeur de financement sont très variables. Les efforts de reporting des DRAAF pour des financements de modeste volume peuvent passer inaperçus face à d'autres grandes masses de financement (aides à l'AB, aux agroéquipements...). La pertinence de déployer beaucoup d'efforts pour recenser ces financements mineurs est questionnée. Interrogation sur la finalité mais surtout l'usage qui sera fait de ce reporting. Quels types d'analyse ? Quel grain d'analyse ? A ce stade, les DRAAF n'ont pas reçu de tableaux finalisés ni d'analyses associées. Des analyses rapportant certaines valeurs à la SAU seraient notamment appréciées. Il n'y a pas non plus eu de retour sur les colonnes à remplir pour apprécier la facilité ou la difficulté de remplissage Avis de la DGAL : les analyses issues des tableaux doivent permettre de rendre compte des différents postes de financement et de faire des focus sur des postes plus modestes. Mission Bisch fait un retour aux DRAAF Mission Bisch / DGAL fait un retour courant octobre aux DRAAF (tableaux compilés + analyses) DGAL fournit les tableaux sources issus des services d'administration centrale et des agences de l'eau (plus facilement exploitables par les régions) Faire retour sur les colonnes qualifiant la difficulté de remplissage du tableau et ne pas reconduire cette colonne à l'avenir Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 206/208 PUBLIÉ PUBLIÉ Site internet du CGEDD : « Les derniers rapports » Site internet de l'IGF « Accueil » Site internet du CGAAER « Organisation et publications » PUBLIÉ (ATTENTION: OPTION eaux systèmes de production viables permettant d'aller plus loin dans la réduction (axe 3). Écophyto 2 en 2015, maintient cette distinction, mais la reformule : « L'objectif de réduction de 50 % du recours aux produits phytopharmaceutiques en France en dix ans est réaffirmé, avec une trajectoire en deux temps. D'abord, à l'horizon 2020, une réduction de 25 % est visée, par la généralisation et l'optimisation des techniques actuellement Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 34/208 PUBLIÉ disponibles. Ensuite, une réduction de 50 % à l'horizon 2025, qui reposera sur des mutations profondes des systèmes de production et des filières soutenues par des déterminants politiques de moyen et long terme et par les avancées de la science et de la technique. La transition entre ces deux périodes, dans cinq ans, sera l'occasion d'une nouvelle révision du Plan, conformément aux exigences de la directive 2009/128 ». On peut s'interroger sur cette structuration du plan « en deux temps » sur des objectifs peu réalistes : La généralisation et l'optimisation des techniques disponibles économes en PPP sont-elles réalisables en un délai de 5 ans alors que les 5 années précédentes sont loin de l'objectif ? Et sont-elles en mesure de déclencher une réduction de 25% des PPP ? Quels sont les « déterminants politiques » qui déclencheront les mutations profondes à l'horizon des 5 années suivantes, et qui permettraient d'atteindre l'objectif de 50% en 2025 ? N'est-ce pas un horizon trop proche pour des mutations structurelles qui restent largement indéfinies ? Les études d'impact « ASIRPA48 » réalisées par l'institut national de la recherche agronomique (INRAE) montrent plutôt des durées de l'ordre de 15 ans pour qu'une innovation arrive sur son marché. Si elle pouvait avoir initialement un intérêt pédagogique, cette distinction est assez peu fondée et au final maladroite laissant croire qu'on travaillerait d'abord sur une optimisation de pratiques les cinq premières années pour laisser place aux changements de pratiques les cinq années suivantes. Or, certains systèmes de culture faisant appel à des mutations profondes sont déjà bien définis au début du plan, notamment l'AB tandis que les délais de généralisation des innovations de substitutions aux PPP ont été nettement sous-estimés. Si la mission reconnait l'intérêt de fixer des objectifs intermédiaires dans un plan à 10 ans, le maintien de formulations conduisant à atténuer l'objectif poursuivi et à différer les mesures structurelles contribue à réduire l'effet mobilisateur du plan. Le gouvernement gagnerait à fixer un cap ferme réaliste, des étapes ponctuant la trajectoire et à vérifier que tous les acteurs se mobilisent pour le tenir et que les résultats sont au rendez-vous à chaque étape. 3° défaut : Les indicateurs du plan ne mesurent pas l impact des PPP, et ne sont pas d clin s de mani re op rationnelle Les deux indicateurs, QSA et NODU, mesurent les quantités de substances achetées et, indirectement, en mettant en relation ces quantités avec les surfaces agricoles, la pression d'usage des PPP, et non pas les risques associés à l'usage des PPP et à leur large dispersion avec des impacts sur la santé humaine et la biodiversité (cf. 1.1). Le NODU et la QSA sont suivis à l'échelle nationale, mais il est également nécessaire de définir des objectifs et de suivre leur réalisation à une échelle pertinente par filières, par petites zones agricoles, voire à l'échelle d'une exploitation et d'une parcelle pour une appropriation au plus près du terrain. La mission recommande donc de retravailler la question des indicateurs consolidés à l'échelle nationale pour en faire une boussole crédible du plan, et surtout à déterminer des objectifs moins agrégés, assortis d'indicateurs robustes, faciles à calculer, opérationnels. 4° défaut : Le plan Écophyto ne comprend pas de stratégie explicite de massification Avec le premier plan Écophyto, les outils de la généralisation des pratiques économes en PPP sont l'identification des bonnes pratiques et leur diffusion, notamment via les réseaux et les chambres d'agriculture. C'est sans doute ce mécanisme « spontané » que décrivent implicitement plusieurs 48 Analyse Socio-économique des Impacts de la Recherche Publique Agricole Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 35/208 PUBLIÉ experts, sous la forme de l'expression « diffusion par-dessus la haie ». La construction de nouveaux systèmes de production viables permettant d'aller plus loin dans la réduction est bien adressée à la recherche, mais le processus de valorisation future des travaux n'est pas décrit. Écophyto 2 est plus précis dans la description des actions, avec notamment l'action 4 « La diffusion et la généralisation des pratiques et systèmes économes s'appuieront sur le déploiement de collectifs d'agriculteurs accompagnés dans la transition vers l'agroécologie à bas niveau de produits phytopharmaceutiques, les groupes 30 000 ». Mais 30.000, c'est un peu moins de 10 % des fermes françaises. Soit sensiblement la part de l'agriculture biologique (AB) en France. Si 30.000 fermes avaient accepté de s'engager dans ce processus dans le délai prévu, en 2021, rien n'indique que ces 30.000 fermes auraient pu réduire dans ce délai leurs PPP de 25 %, puisqu'il semble que peu de fermes DEPHY ont atteint cet objectif en 5 années. Et il n'y a pas de raison de faire l'hypothèse que les autres exploitations, qui ne s'engagent pas dans DEPHY ou dans les 30.000 auraient fait mieux en matière de réduction de PPP pour permettre d'atteindre l'objectif commun d'une réduction de 25 % en 2021. 5° défaut : Les déterminants du recours aux PPP à l'échelle de l'exploitation sont techniques, mais aussi économiques et sociaux 49 , ce qui n'est pas assez pris en considération dans le plan Cela a été rappelé : le recours aux PPP n'est pas une fin, mais un moyen pour protéger les cultures et les récoltes et donc sécuriser les rendements. Pour les exploitants confrontés à une menace, l'enjeu est d'agir au moindre coût et avec la meilleure performance. Certaines actions sont préventives et visent à diminuer le risque. D'autres actions sont curatives. Les moyens de lutte contre les agresseurs des cultures sont en principe très variés. Le rapport Guyomard et coll.50 distingue cinq types de mesures de protection phytosanitaire des cultures : mesures prophylactiques ; mesures agronomiques préventives ; lutte chimique ; lutte physique ; lutte biologique et mesures de biocontrôle. Mais face à une menace particulière, il n'y a parfois que très peu de solutions disponibles. L'exploitant cherche naturellement à optimiser ses décisions en fonction de ses objectifs et contraintes propres. Le rapport précité ou, plus récemment, les études sur les alternatives au glyphosate le montrent : dans beaucoup de cas, le choix du recours à la molécule chimique autorisée permet d'optimiser le temps passé et le coût et donc assure une double performance économique et sociale. Localement, c'est souvent le climat qui arbitre : faute de pouvoir labourer du fait d'une pluviométrie importante en fin d'automne et au début du printemps, les exploitants ont un recours accru les années pluvieuses au désherbage chimique. Autre élément, le prix du gazole non routier, élément important du désherbage mécanique, connaît de fortes variations : il est passé de 0,88/l en 2014 à 0,66 en 2016, pour revenir à 0,93 en 2019 : cette augmentation de près de 50% ces trois dernières années a pu motiver certains agriculteurs à opter pour le sans labour, et à répandre ainsi davantage d'herbicides et, c'est un effet favorable, à réduire Voir « Les pratiques agricoles à la loupe - Vers des agricultures multiperformantes » Hervé Guyomard & alii. Quae 2017 49 50 idem Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 36/208 PUBLIÉ leurs émissions de carbone51. C'est cet arbitrage rationnel qui conduit beaucoup d'exploitants à recourir aux PPP surtout dans un contexte où les exploitations s'agrandissent et nécessitent une simplification des pratiques. L'enquête Agreste sur les pratiques culturales permet d'aller plus loin, en montrant l'importance de l'expérience, d'une part, et du conseil des fournisseurs, d'autre part, dans le déclenchement des interventions phytosanitaires 52 , selon plus de 70% des répondants. Si beaucoup déclarent avoir consulté le BSV (de l'ordre de 60%), ils sont moins nombreux à avoir réalisé des observations en cours de culture, et encore moins à réaliser un comptage des bioagresseurs pour évaluer la nécessité ou non de traiter. Pour contrer ce recours trop fréquent aux PPP, des évolutions du BSV sont recommandées par la mission CGAAER-CGEDD sur le réseau d'épidémiosurveillance. Le gouvernement a aussi imposé la séparation entre la vente de PPP et le conseil en ce début de l'année 2021. Cette mesure va sans doute avoir un effet positif sur les objectifs du plan, mais il est trop tôt pour en évaluer l'effet, et il est peu probable que cet effet soit massif. Tableau 1 : Facteurs de prise de décision dans le déclenchement des interventions phytosanitaires (plusieurs réponses possibles), part de surface en %. En conclusion et résumé de ce point 2.1.1., les adaptations futures du plan Écophyto devraient remédier à ces 5 « défauts » : Le plan devrait mieux intégrer l'ensemble des enjeux relatifs aux PPP, incluant les projets d'évolution des autorisations de substances et de produits, pour en vérifier la cohérence et la complétude, et davantage valoriser cette action ; Plusieurs études montrent que la technique du sans labour est souvent alternée avec d'autres itinéraires de travail du sol. Par exemple : Perspectives agricoles n°437, octobre 2016 51 52 Agreste chiffres et données octobre 2020 n°9 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 37/208 PUBLIÉ Plutôt qu'un double horizon, à 5 et 10 ans, assorti de mentions restrictives, le plan devrait chercher à déclencher dès maintenant des changements structurels, tout en incitant à des substitutions quand elles sont possibles, par des engagements fermes comme il le fait en matière de réduction des gaz à effet de serre (GES) ; et prévoir des étapes permettant de réajuster, non pas les ambitions, mais les moyens pour les atteindre ; Le plan doit inclure des objectifs facilement mesurables aux différentes échelles, et tenant compte des efforts déjà faits et des potentiels de baisse ; le plan doit être décliné en stratégie territoriale et de filières, de manière à déconcentrer la responsabilité de sa réalisation opérationnelle ; Le plan doit agir précisément sur les déterminants de la décision des agriculteurs, en veillant à la prise en compte par les signaux de marché ­ le prix des PPP, en particulier, mais aussi celui des productions économes en PPP - de l'ensemble des éléments de la multi performance agricole ; Enfin des leviers et instruments de massification crédibles doivent être décrits dans le plan et progressivement mis en oeuvre avec la bonne intensité. Mais ces modifications, qu'on pourrait qualifier de techniques, peuvent également être accompagnées de changements plus profonds. La cible du plan devrait être reformulée et viser la diminution des risques. La réduction des PPP est un moyen. Les finalités sont la protection des cultures, d'une part, la santé humaine et la biodiversité, d'autre part. Même si les évolutions sont lentes, l'amélioration de la santé humaine, de la qualité de l'eau ou de la biodiversité peut être mesurée. Certes, il sera plus difficile d'établir la responsabilité des activités agricoles et a fortiori des PPP dans ces évolutions. Mais 13 pays sur les 15 ayant produit un plan du type Écophyto ont choisi un indicateur d'évolution des risques. Le plan Écophyto devrait en permanence rappeler l'importance de l'impact des PPP sur la santé humaine et sur la biodiversité, avec les indicateurs adéquats. Par ailleurs, s'il est utile de retenir un indicateur opérationnel unique pour piloter le plan, il est indispensable de pouvoir mesurer cet indicateur aux différentes échelles. L'objectif de baisse de 50% de l'indicateur est simple et pertinent pour un horizon à 10 ans, mais il ne devrait pas être appliqué de manière uniforme ­ la réduction est plus facile quand l'usage est intensif - et indépendamment des efforts de baisse déjà réalisés53. Une approche plus intégrée, non seulement de la ferme à l'assiette, mais dans une approche de cycle de vie des produits, et prenant en compte les territoires, peut aider à lever certains verrous à la réduction des PPP. Un autre point important est la grande focalisation des plans Écophyto sur les activités de production agricole, dans les fermes, et la faible implication de l'amont comme de l'aval. 53 Lechenet et alii, 2017 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 38/208 PUBLIÉ En amont, des changements sont en cours. Ainsi, le biocontrôle prend une part de plus en plus importante dans la production des entreprises phytopharmaceutiques adhérentes de l'union des industries de la protection des plantes (UIPP), certaines entreprises du secteur ayant désormais un clair intérêt à son développement. Figure 8 : Evolution du tonnage des substances actives et part des produits de biocontrôle vendu - Source : UIPP, communiqué de presse, janvier 2021 Mais l'enjeu est également en aval des exploitations, avec notamment la question des débouchés de nombreux « nouveaux » produits agricoles ou encore la nécessité pour les entreprises de l'aval de trier les livraisons qui s'avèrent moins pures et homogènes, du fait de la réduction de l'usage des PPP. L'autre enjeu est celui de la valorisation de la qualité, qui suppose l'existence d'une filière différenciée, et de signes fiables adressés aux consommateurs. Tout comme la santé humaine, celle des animaux et celle des végétaux forment un tout interdépendant pris en compte dans une démarche « Une seule santé (One Health) », tout comme la Commission européenne affirme une stratégie « de la ferme à la fourchette », une plus forte intégration des enjeux d'agriculture, d'alimentation et d'environnement s'impose dans un plan visant à un usage durable des PPP. Avec les États généraux de l'alimentation et ses suites, dont la loi EGALIM, le gouvernement français a initié une démarche importante en ce sens. La réalisation d'un projet alimentaire territorial, un des moyens de mettre en cohérence les enjeux de l'agriculture, de la transformation et de l'alimentation, mobilise ainsi des acteurs plus nombreux et diversifiés, qui peuvent entraîner les agriculteurs vers une trajectoire plus économe en PPP. Confirmer le plan Écophyto comme un axe majeur de transformation de l'agriculture, mais préciser les cibles en termes de santé et de biodiversité, élargir les contours du plan pour intégrer l'amont et surtout l'aval de l'agriculture, incluant l'alimentation, et mobiliser de manière opérationnelle l'ensemble des acteurs concernés, des fournisseurs aux consommateurs. C'est avec cette perspective que nous allons maintenant examiner les leviers mobilisables pour parvenir à l'objectif assigné au plan. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 39/208 PUBLIÉ La section 2.1 a montré l'intérêt de ne pas se contenter d'une (bonne) intention, mais d'accompagner l'objectif de réduction des PPP d'un plan, mobilisant suffisamment les acteurs et les leviers pertinents pour orienter les pratiques vers l'objectif. Cette section 2.2 passe en revue à la fois le contenu du plan et les leviers, utilisés ou utilisables, afin d'identifier les actions susceptibles d'atteindre de manière efficace et efficiente les objectifs fixés. Quatre leviers sont utilisés : persuasion, labellisation, incitation fiscale et réglementation. L'intérêt et les limites de chaque levier et de leur mobilisation combinée sont analysés en annexe 6. On se contentera ici de résumer les principaux résultats de cette annexe. Plusieurs acteurs expérimentés d'Écophyto l'ont rappelé à la mission : l'hypothèse initiale implicite du plan est celle d'une diffusion spontanée des alternatives aux PPP, soutenue par des actions de persuasion. Cette hypothèse pouvait être soutenue par le consensus qui a prévalu au moment du Grenelle de l'environnement, mais aussi par la diffusion très rapide dans le monde agricole de nombreuses innovations techniques au cours des précédentes décennies. Cette stratégie était d'autant plus justifiée qu'elle entraînait de nombreux acteurs, et notamment les instituts techniques et les chambres d'agriculture, partenaires de plusieurs projets importants, comme DEPHY, le BSV, Écophyto PIC54... La mise en réseau entre pairs, autour d'un ingénieur, de collectifs d'agriculteurs relève bien de cette catégorie. Les comptes rendus d'expérience, mais aussi des travaux de chercheurs concluent à l'intérêt de cette méthode55. Cette stratégie a, en effet, permis de mobiliser les agriculteurs les plus volontaires, quelques milliers, réalisant ainsi une « preuve de concept » partielle (en moyenne, les fermes ont réduit leur IFT sans atteindre 50 % de réduction56) mais en vraie grandeur. Toutefois le début de la massification envisagée via les 30.000 (qui pourtant représentaient moins de 10% des exploitations) ou les groupements d'intérêt économique et environnemental (GIEE) tarde à produire ses effets. A l'échéance d'Écophyto 2+, ces réseaux n'apporteront qu'une faible contribution à la réduction globale de l'usage des PPP. Par ailleurs la diabolisation globale des PPP résultant de la communication générale sur le plan EcophytoPIC est un centre de ressources sur la Protection Intégrée des Cultures (PIC) 54 55 Providing technical assistance to peer networks to reduce pesticide use in Europe: Evidence from the French Ecophyto plan, Margaux Lapierre, Alexandre Sauquet, Subervie Julie, Hal, 2019 V2,https://hal.archives-ouvertes.fr/hal02190979v2/document L'indicateur de fréquence de traitement (IFT) comptabilise les quantités de PPP (normalisées à travers leur dose homologuée standard) pour une culture donnée. Il représente le nombre de doses de référence utilisées par hectare au cours d'une campagne culturale. Cet indicateur peut être calculé pour un ensemble de parcelles, une exploitation ou un territoire. Il peut également être décliné par grandes catégories de produits (herbicides ; fongicides ; insecticides et acaricides ; autres produits). 56 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 40/208 PUBLIÉ Écophyto, largement centrée sur les pratiques agricoles, a contribué à dégrader l'image de l'ensemble de la profession agricole, et à mettre également les agriculteurs au coeur d'attentes paradoxales, « avec une demande explicite de produits non traités, et une exigence implicite de fruits d'apparence irréprochable et bon marché dans les rayons des magasins »57. Il convient donc de rechercher d'autres leviers. En certifiant une bonne pratique, la labellisation va un cran plus loin que la communication et la mise en réseau : elle permet non pas seulement de s'assurer d'une intention, comme dans les réseaux de pairs, mais le cahier des charges fixe des règles dont le respect conditionne la labellisation. Cette conformité fait l'objet de contrôle externe. L'exemple de l'agriculture biologique (AB) montre que le respect du cahier des charges a un coût significatif pour les exploitations concernées, mais qu'il peut également être valorisé par un prix supérieur par l'aval, jusqu'au consommateur. La montée en charge de l'AB, accompagnée par le plan et le programme Écophyto, apporte une contribution directe à la réduction des PPP : si 25% de la SAU passait du conventionnel à l'AB, près de la moitié de l'objectif d'une réduction de 50% des PPP serait atteinte, toutes choses étant égales par ailleurs. Rappelons également que le déficit de la balance commerciale du secteur de l'AB est de 1,7 Md/an58, et que son soutien permettrait sans doute de le réduire. La labellisation est donc bien un levier de massification et son extension est de nature à réduire très significativement l'usage des PPP en France. Outre l'AB, la labellisation59 de pratiques sans PPP hors ceux autorisées en AB, mais sans les autres éléments du cahier des charges de l'AB60, semble une piste prometteuse, que poussent aujourd'hui certaines marques. Le label zéro résidu de PPP lancé en avril 2017 par une organisation de producteurs, promeut une moindre utilisation de PPP de telle sorte que les résultats d'analyses sur les produits commercialisés donnent des résultats inférieurs aux limites de détection. Si ce label traduit un moindre usage de PPP, il n'indique pas l'absence d'utilisation de PPP (autres que ceux utilisables en AB) qui demeurent autorisés. La certification haute valeur environnementale (HVE) est le troisième niveau de la certification environnementale des exploitations agricoles, instaurée en 2010 par le gouvernement pour reconnaitre les exploitations plus engagées sur la protection de l'environnement. Elle apporte des Biocontrôle, éléments pour une protection agroécologique des cultures, Quae, préface de Christian Lannou, coordinateur. 57 58 59 Source : Agence Bio, données 2019. Le marché alimentaire bio en 2019 (édition 2020) Les labels de qualité dans l'alimentation garantissent l'origine d'un produit alimentaire, respectant un certain nombre de critères définis dans un cahier des charges. Ce respect peut faire l'objet d'une certification garantie par la réglementation, européenne et française. La certification AB comporte outre un volet sur les PPP (interdiction des PPP hors ceux autorisés), l'interdiction d'organismes génétiquement modifiés, des exigences en matière de gestion et fertilisation des sols (interdiction de 'utilisation d'engrais minéraux azotés), des règles de conduite des cultures. Source : Règlement UE du 28 juin 2007 relatif à la production biologique et à l'étiquetage des produits biologiques (article 12). 60 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 41/208 PUBLIÉ garanties sur l'usage des PPP mais le niveau exigé fait l'objet de controverses61 : une des voies d'accès (voie B) serait facilement atteignable sans modifier ses pratiques par exemple lorsque le ratio chiffre d'affaires sur intrants est structurellement faible ; l'autre voie (voie A) permettrait l'obtenir la certification sans que la réduction de l'usage des PPP soit très significative par rapport à l'objectif général de réduction de 50% de leur usage. Sous l'égide de l'institut national de l'origine et de la qualité (INAO), qui gère les signes de qualité et d'origine, une démarche intéressante consisterait à durcir les obligations en matière de PPP portés par les labels existants : appellations d'origine, ou label rouge, par exemple. Ces démarches de labellisation ont toutefois un principal inconvénient : elles ne réduisent pas les risques dans les zones qui resteraient extérieures à ces démarches volontaires. Les deux volets suivants ont en commun un caractère plus général. La fiscalité « écologique » sur les PPP est potentiellement un outil puissant, mais qui reste aujourd'hui à un niveau trop bas pour avoir un effet significatif sur la consommation de PPP. Face à des risques ou des effets indésirables que les économistes appellent des « externalités négatives », c'est-à-dire des effets non pris en compte par le marché, la mise en place d'une fiscalité incitative 62 est considérée comme le moyen efficace d'orienter les choix de production et de consommation. Le renchérissement du prix relatif des PPP inciterait en effet à la recherche d'alternatives, et à exploiter tous les gisements en ce sens. L'efficacité d'une fiscalité incitative peut se mesurer à l'élasticité-prix de la demande d'un bien ou d'un service. Le rapport IGF-CGEDD-CGAAER (2013) cite une valeur pour les PPP de -0,4 ou -0,5, c'est-àdire qu'une hausse de 100% du prix (son doublement) diminue la consommation de ce produit de 40 ou 50%. Cette mission avait estimé cette élasticité trop faible 63 et avait conclu à la nécessité de développer un autre levier : les CEPP (cf. 1.1.2 et 2.1.1). Avec une élasticité de cet ordre de grandeur, il est clair que le taux moyen actuel de la RPD (de l'ordre de 5% du CA des PPP), même après les augmentations décidées avec Écophyto 2, n'est pas de nature à influer significativement sur la décision d'utiliser les PPP. Pour avoir un effet significatif, il conviendrait de doubler le prix des PPP, et même dans ces conditions, certains PPP resteraient moins coûteux que leurs solutions de substitution. L'effet de la taxation sur les PPP peut être renforcé de trois manières : Des articles ont été publiés sur ce sujet, par exemple : La certification Haute Valeur Environnementale dans la PAC : enjeux pour une transition agroécologique réelle, IDRRI, 4 mars 2021 ; Pourquoi le label HVE n'apporterait-il aucune solution dans la PAC post 2020, site « Pour une autre PAC », note d'octobre 2020. 61 Ou taxe « pigouvienne » du nom de l'inventeur de la notion d'externalité Arthur Cecil Pigou (1877-1959). Une taxe de ce type vise à corriger une défaillance du marché (externalité) et non pas à alimenter le budget de l'État. 62 63 Cette conclusion mérite d'être rediscutée : voir annexe 6 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 42/208 PUBLIÉ en affectant le produit de la taxe aux aides directes à ceux qui ont réduit leur usage des PPP ; en complétant la taxe par un marché de droit contraignant, tels les certificats d'économie d'énergie (CEE), mais il faudra évaluer le dispositif CEPP tel qu'il a finalement été mis en place ; en prolongeant la fiscalité sur les PPP d'une fiscalité différentielle jusqu'au consommateur, de manière à réduire les écarts de prix des produits sans PPP par rapport aux produits conventionnels. Finalement, ces leviers incitatifs semblent prometteurs, mais ils n'auront des effets tangibles sur la réduction des PPP qu'à la condition d'être activés beaucoup plus vigoureusement, ce qui posera rapidement la question de leur acceptabilité politique et de leur adoption dans un cadre européen pour limiter les distorsions de concurrence au sein du marché intérieur. La réglementation comporte trois niveaux pour encadrer l'usage agricole des PPP : les substances, avec une compétence européenne pour leur approbation ; les préparations commerciales, instruites par l'ANSES pour la délivrance des AMM ; les conditions d'emploi spécifiques (bassins versants, proximité des habitations, météo...) déterminées par les autorités nationales et déconcentrées de l'État. Le durcissement de la réglementation a des effets qu'il faut anticiper Même si la production de règles et de normes est une activité spontanée de l'administration, il est pertinent et nécessaire d'interroger l'efficacité de ces mesures sur l'objectif poursuivi en matière de PPP dans une activité économique marchande comme l'agriculture : plusieurs experts ont souligné certains effets négatifs de la réglementation sur les PPP, notamment des allers-retours interdiction/dérogation qui peuvent donner le tournis. La réglementation peut être l'outil de l'urgence ou de la maturité, mais elle s'accommode mal de l'entre-deux ; quand l'urgence sanitaire ou environnementale est avérée, la réglementation (dont la dérogation à une interdiction) est le bon outil, mais il convient d'apprécier la proportionnalité du risque évité et de l'effet provoqué, sous forme d'un bilan coût/avantage et d'une étude d'impact ; quand une question a été correctement instruite, que les effets indésirables d'un produit sont bien identifiés et que les substitutions sont connues, et leurs effets également, la réglementation vient obliger les acteurs à tous adopter une meilleure solution alors qu'une fraction tarderait à le faire : c'est la réglementation-généralisation ; mais dans la situation de double incertitude, sur les effets négatifs des PPP à retirer, qui peuvent être mal documentés, et sur les impacts de leurs solutions de substitutions, qui peuvent être très peu génériques et impliquer des changements de pratiques plus profonds, la réglementation amène des contestations et des dérogations, qui en affaiblissent la portée et l'acceptabilité, et freine l'innovation (cf. 3.1). L'impact de la réglementation sur le NODU est incertain Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 43/208 PUBLIÉ C'est un point de second ordre par rapport à la question des risques, mais qui a son importance dans le pilotage du plan Écophyto : rien ne prouve qu'interdire certains PPP diminuerait la quantité globale utilisée en agriculture, et l'indicateur choisi, le NODU, même si cela contribue à réduire l'usage des molécules les plus dangereuses. Au contraire l'interdiction d'une substance active ­ les néonicotinoïdes en enrobé sur des semences de betterave, par exemple ­ peut conduire à l'application d'un PPP de substitution en plus grande quantité et avec une plus forte fréquence. Finalement, alors que l'agriculture est une activité entrepreneuriale et concurrentielle, inscrite dans des territoires et des filières, l'excès de réglementation est un risque aussi grand que son insuffisance, deux écueils à éviter en adoptant une approche pragmatique et proportionnée : on peut considérer que les travaux de recherche sur les alternatives au glyphosate et les impacts sur les différentes cultures de son interdiction constituent une démarche à suivre, certes perfectible, mais beaucoup plus documentée que les mesures réglementaires précédentes64 . Le levier PAC n'est pas assez mobilisé En revanche, et cela est souligné par de nombreux experts, la réglementation relative à la PAC est un levier particulièrement puissant : en injectant chaque année près de 9 Md, la PAC détermine une partie significative des choix des agriculteurs. Mais c'est aujourd'hui un levier potentiel : un faible nombre de mesures de l'actuelle PAC vise les réductions de PPP (soutien à l'AB, MAEC). Au contraire, une communication récente 65 semble montrer que les financements du premier pilier ont favorisé l'usage des PPP, à la différence des financements du second pilier. C'est donc un enjeu fort d'augmenter significativement la conditionnalité des prochaines aides. Mais il faut noter que le processus de détermination de la PAC est désormais très fortement « bottom up » : les plans stratégiques nationaux conduisent les États à faire des choix différenciés, et donc à se mettre en concurrence sur la façon d'utiliser les ressources de la PAC, en choisissant des arbitrages différents. Il est donc souhaitable que la France, qui aura donc davantage de latitude pour conditionner les aides de la PAC, cherche une plus grande convergence de la PAC et des plans de réduction des PPP avec les autres grands pays agricoles. Insérer dans le plan Écophyto un processus de massification des bonnes pratiques mobilisant - dans des proportions à déterminer mais avec l'intensité nécessaire pour atteindre l'objectif d'une réduction de 50% de l'usage des PPP - les trois leviers efficaces : labellisation, incitation fiscale, réglementation et PAC. Ces leviers seront mobilisés dans des conditions différenciées dans trois scénarios présentés en partie 3. Mais ils nécessitent au préalable un approfondissement de ce qui peut être obtenu par un changement de vision sur l'usage de la RPD. Compte tenu de la faible efficacité des actions financées au titre du programme national et des enveloppes régionales (cf. partie 1), la mission a étudié l'intérêt d'une réorientation radicale du levier fiscal et de son utilisation, vers des actions à effet plus direct. Rapports de l'INRAE sur l'évaluation économique des alternatives au glyphosate : en viticulture (2019), en grandes cultures (2020) et en arboriculture (2020). 64 Are EU subsidies a springboard to the reduction of pesticide use? M. Aubert; G. Enjolras, Communication Vancouver 2018, https://hal.inrae.fr/hal-02734754/document 65 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 44/208 PUBLIÉ Le produit de la fiscalité pourrait utilement être mobilisé pour renforcer son effet de signal Ce n'est pas parce qu'une taxe sur les PPP est instituée que son produit doit financer des actions réduisant les PPP. Selon le principe « pollueur-payeur », le bénéfice de la RPD peut viser prioritairement la réparation des externalités négatives engendrées par l'usage des PPP. Mais une alternative économique intéressante est la redistribution incitative, qui permet d'augmenter les effets de la taxe en redistribuant son produit vers les contribuables qui réduisent le plus ou qui utilisent le moins de PPP. D'ores et déjà, une partie importante de la RPD contribue au financement de l'AB. Ce financement pourrait utilement être étendu aux pratiques respectant le même cahier des charges sur les PPP, mais sans la certification AB, dont le cahier des charges porte d'autres enjeux. Dimensionnement de la mesure Selon les hypothèses décrites en annexe 6, une RPD fixée à peu près au même niveau que la taxation des produits pétroliers (soit 60 % du prix final des produits pétroliers) rapporterait de l'ordre de 1,3 Md et permettrait ainsi d'apporter durablement aux 30 % d'exploitations qui accepteraient de respecter le cahier des charges de réduction des PPP une aide égale à la moitié de celle qui est apportée à l'AB et de financer d'autres actions d'accompagnement (soit 80 /ha en grande culture, alors que le maintien en AB est financé à hauteur de 160 /ha). Dans une phase intermédiaire, il serait souhaitable de définir des principes restrictifs pour l'emploi des ressources du programme national et des enveloppes régionales. La mission propose trois principes : spécialisation, agilité et additionnalité Compte tenu de la nécessité de laisser le temps aux actions de produire leur impact, et aux financeurs de déclencher les actions d'évaluation indispensables, il peut paraître raisonnable de maintenir, dans l'attente de ces évaluations, des enveloppes financières issues de la RPD aux niveaux national et régional, pour des priorités à déterminer selon les scénarios (cf. partie 3) et en fonction des évaluations à venir. Mais afin de permettre sa réorientation progressive vers des aides directes, la mission propose trois principes quant à l'usage de ces enveloppes : spécialisation, agilité, additionnalité. 1er principe : spécialisation Le programme devrait financer des actions dont la contribution aux objectifs du plan est identifiable, directe et à court/moyen terme. Cette condition incite à écarter les projets de recherche 66 , finançables par ailleurs notamment via l'Agence nationale de la recherche (ANR), ainsi que les actions qui ont des objectifs multiples ou trop lointains. Plus généralement, faut-il considérer que tous les financements publics recensés par la Cour des comptes ou par la mission Bisch qui concourent d'une manière ou d'une autre au plan Écophyto devraient être consolidés et suivis par la gouvernance et les équipes opérationnelles Écophyto ? Mais alors quel est l'objectif ? Ces actions peuvent en effet avoir un effet sur la réduction des PPP, mais chaque financement a sa propre logique. Bien que mis bout à bout, ils ne forment pas ensemble un En revanche, on comprend que les ministères, dont le MAA, puissent solliciter les organismes de recherche et les chercheurs afin de réaliser les « études » qui leur sont nécessaires et pour lesquelles les compétences sont disponibles. Mais cette activité, bien repérée au sein d'un organisme de recherche comme l'INRAE, ne doit pas être confondue avec un travail de recherche. 66 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 45/208 PUBLIÉ levier mobilisable pour assurer la massification souhaitée, comme le montre le constat. Le plan Écophyto doit évidemment tenir compte des financements mobilisables au titre des différentes politiques publiques, mais il a également besoin de financements spécialisés, mobilisés dans le cadre de sa propre gouvernance. 2e principe : agilité Le programme devrait généraliser le financement de projet67, avec un engagement pluriannuel ferme et non renouvelable avec une AE unique et des versements de CP conditionnés à l'avancement, voire au résultat pour le solde, au lieu d'une programmation annuelle, avec de nombreuses reconductions d'une année sur l'autre, qui de facto embolisent une grosse part du programme national (c'est moins vrai aujourd'hui pour les enveloppes régionales qui semblent plus agiles). La nécessité d'un réseau d'épidémiosurveillance et d'un moyen de diffusion tel que le BVS sont reconnus (cf. 1.2). Pour autant, ce dispositif qui n'est pas un projet et ne contribue pas à la réduction d'usage des PPP, n'a ainsi pas vocation à être financé par la RPD. 3e principe : additionnalité Le programme devrait financer des acteurs qui font la preuve par la mobilisation de leurs autres ressources que la réduction des PPP est leur priorité. Ce point vise à éviter l'effet de guichet : les bénéficiaires se refinancent grâce au programme, qui paie désormais des services ou des actions auparavant financées sur leurs ressources. Ce point concerne en particulier les chambres d'agriculture et les instituts techniques : leur mobilisation sur les objectifs Écophyto devrait être assurée à titre principal par leur stratégie, leurs projets d'établissements et leurs financements ordinaires. Mais aussi les ministères qui font financer des actions auparavant prises sur leur budget, tels les « avertissements agricoles » désormais remplacés par le BSV. Dédier en priorité le produit de la RPD au plan Écophyto à des aides directes aux pratiques faiblement utilisatrices de PPP et financer sur le programme national et les enveloppes régionales des actions concourant directement à l'objectif, pour une durée déterminée, et en vérifiant que les acteurs mobilisent prioritairement leurs autres ressources. On peut rechercher l'origine des difficultés d'Écophyto dans la construction initiale du plan, suite au Grenelle de l'environnement, qui a été très inclusive, associant dès son origine de nombreuses « parties prenantes »68. Certes, le plan envoie un message clair de réduction des PPP, et c'est à mettre à son actif, mais il se présente comme un énoncé performatif, c'est-à-dire qui réalise une action par le fait même de son énonciation. Ensemble finalisé d'activités et d'actions entreprises par une « équipe projet » sous la responsabilité d'un chef de projet dans le but de répondre à un besoin défini par un contrat dans des délais fixés et dans la limite d'une enveloppe budgétaire allouée. Source Wikipédia 67 On peut s'étonner de l'absence d'écart significatif entre le plan du gouvernement du 10 septembre 2008 et la proposition de plan de travail du 17 juin 2008 issue du groupe de travail avec les parties-prenantes présidé par Guy Paillotin. 68 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 46/208 PUBLIÉ Si la prise de conscience a bien été élargie avec Écophyto, quel économiste peut s'étonner des faibles impacts d'Écophyto en termes de massification ? Aucun des leviers économiques efficaces n'a été suffisamment mobilisé jusqu'à présent : les agriculteurs ­ tout comme les fournisseurs et les filières aval -n'ont pas reçu d'incitation prix significative, et n'ont donc que marginalement changé leurs pratiques, tout comme, il faut le souligner, de nombreux consommateurs, qui expriment volontiers des injonctions « sociétales » de réduction des PPP, mais sans toujours consentir à payer davantage, pour une alimentation avec moins de résidus de PPP. À certains égards, le plan s'exprime même par « incitations morales », pour reprendre une expression utilisée par l'économiste Jacques WEBER 69 , sans pour autant chercher à culpabiliser l'agriculteur autant que les cibles de certaines campagnes anti-tabac ou de prévention de la route osent le faire70. En reposant sur une certaine culpabilisation des agriculteurs, le plan Écophyto alimenterait ainsi un « agribashing » - l'agriculteur qui n'a pas répondu à la demande de la société de réduire ses PPP est désigné comme pollueur - sans offrir de réelles solutions à cet agriculteur très dépendant de son environnement professionnel et qui cumule des difficultés techniques, une précarité économique et un isolement culturel, parfois y compris au sein de la cellule familiale. C'est un enjeu important pour l'avenir que de s'appuyer, non pas sur une culpabilisation, mais sur une responsabilisation, en identifiant bien ce qui relève des agriculteurs, de leurs fournisseurs, des filières, des consommateurs et de l'État, avec l'UE et les collectivités territoriales (cf. 3.5). Les orientations du plan Écophyto sont du ressort des ministres, appuyés par le COS, dont la vocation doit rester d'ordre stratégique. Il est pertinent pour la mission d'avoir supprimé le visa du COS sur le programme annuel. Néanmoins, le COS doit disposer d'une information pertinente, composée d'un bilan annuel du programme, mais aussi d'avis scientifiques éclairés et d'évaluations sérieuses (voir 2.4.). Pour ce faire, la mission recommande de nommer sans plus tarder les membres du CST. Elle recommande également de consolider la gouvernance stratégique du plan en confirmant le rôle du délégué interministériel dans la mise en cohérence des politiques en faveur de la réduction des PPP. Il importe de désigner clairement le pilote en charge de la conduite des opérations et de leur mise en cohérence. La mission propose deux voies : 69 70 soit l'élargissement des compétences du délégué interministériel au volet opérationnel, qui devrait alors s'accompagner de moyens humains en conséquence ; soit la désignation de l'un des directeurs généraux du ministère de l'agriculture par délégation Les économistes et la croissance verte CEDD, 2012 Beaucoup de campus universitaires nord-américains présentent à leur entrée/sortie un véhicule gravement accidenté. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 47/208 PUBLIÉ des quatre ministres, la mission considérant que la direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises (DGPE) ou la DGAL pourrait remplir cette fonction. Dans ce registre, il conviendrait de veiller à ce que ce pilotage opérationnel soit en capacité d'arbitrer l'essentiel des questions liées au bon fonctionnement du programme, y compris au niveau régional. Les principales actions et cibles (évolution des pratiques des agriculteurs et des filières) étant sous la responsabilité du MAA, le succès du plan Écophyto dépend largement de sa capacité à conduire le projet. Il importe donc que ce ministère soit en capacité de piloter efficacement ses opérateurs et ses services déconcentrés. Si des directives à l'adresse des DRAAF peuvent contribuer à revaloriser le plan Écophyto au sein de leurs actions, il est nécessaire de veiller à bien contractualiser avec les opérateurs choisis comme avec les principaux relais, les résultats attendus au regard des budgets alloués, ainsi que les éléments d'un reporting infra-annuel. A cet égard, les contrats d'objectifs et de moyens pourraient intégrer la conditionnalité des financements aux contributions des acteurs les plus importants, notamment pour le réseau des chambres d'agriculture et des instituts techniques. C'est à ce prix que la crédibilité du plan sera assurée. Ces mesures sont indépendantes du scénario retenu. Mettre en place une gouvernance interministérielle resserrée du plan Écophyto, coordonnée par le délégué interministériel, et définir les responsabilités de chaque ministère, direction et opérateur dans la mise en oeuvre du plan. La gestion financière du programme soufre de lenteurs et de lourdeurs liées en premier lieu à la procédure budgétaire. Outre l'apport d'un pilote opérationnel, l'élaboration d'un budget pluriannuel permettrait de limiter les ajustements annuels à la portion congrue. La mission suggère une période de trois ans, tant il est ardu de se projeter à un horizon plus lointain, mais également une actualisation régulière par le biais d'un programme triennal glissant. En tout état de cause, cela autorise une révision à mi-parcours des orientations budgétaires. Certaines conventions peuvent avoir une durée plus longue, car la mise en oeuvre de certains projets nécessite plus de temps (5 à 6 ans). La mission maintient l'idée d'un programme triennal, et propose, afin de ne pas limiter inutilement la mise en place des autorisations d'engagement : soit de limiter la part des conventions d'une durée supérieure à trois ans, à 50 % au plus des budgets annuels ; soit d'échelonner les AE en fonction de la maturité des projets. Enfin, la mission préconise de consommer l'intégralité des crédits de paiement issus de la part de la taxe affectée à Écophyto, en reprogrammant systématiquement chaque année les CP non consommés. Elle préconise le suivi au premier euro des crédits de paiements. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 48/208 PUBLIÉ La mission ne recommande pas de changer d'opérateur pour le recouvrement des recettes de la RPD. S'agissant des dépenses dans le dispositif de taxe affectée qu'est la RPD, le choix de l'opérateur a été davantage lié à des raisons historiques et au périmètre des ministères concernés qu'à la nature des dépenses et à leur adéquation avec la mission centrale d'un opérateur. Cela peut conduire à des divergences dans le choix des projets lors de la mise en oeuvre. Cela a aussi pour inconvénient de ne pas attribuer au décideur les moyens de son action, ce qui n'est pas en phase avec les principes de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). Aussi, si l'on souhaite recourir à d'autres opérateurs, le principe de la taxe affectée peut être maintenu, l'affectation devant être modifiée selon le nouvel opérateur choisi. En revanche, si l'on retient l'idée d'un pilotage direct par les ministères en charge (administrations centrales et services déconcentrés), il convient de revenir à une ressource sur budget de l'Etat et modifier les textes en conséquence. Enfin, la mission a auditionné FranceAgriMer et l'Agence de services et de paiement (ASP). Cette dernière, dont le principal avantage est de procéder aux paiements sans examen en opportunité des décisions prises, a clairement précisé qu'avant tout transfert d'activité, une simplification du plan Écophyto serait nécessaire, tant le nombre de mesures de nature différente est important au regard des 41 M du programme national. La mission considère par ailleurs qu'il y aurait des inconvénients à ne pas utiliser les services d'un opérateur de l'Etat sous tutelle des ministères en charge du plan Écophyto dont la mission est proche de la nature des dépenses engagées. La mission considère également que le financement régional pourrait être le fait des DRAAF, ce qui assoirait leur position au sein du comité des financeurs tout en les mobilisant sur le thème Écophyto. Cette option se situe dans le cadre d'une ressource sur budget de l'Etat. Il conviendrait alors d'affecter l'enveloppe régionale au réseau déconcentré via FranceAgriMer71, et d'en assurer le pilotage national via la DGAL. La réorientation des crédits en serait facilitée. Dans l'immédiat, autour d'une direction de projet précisée, simplifier le processus budgétaire par la mise en oeuvre sans délai de la pluriannualité des dépenses et l'amélioration de la consommation des crédits par la reprogrammation systématique des crédits de paiements non consommés du programme. A terme, mettre en cohérence les circuits financiers avec l'origine des financements, les missions des administrations et les statuts des opérateurs en charge des politiques concernées, aux échelles nationale et déconcentrée. Alors que le plan Écophyto est né en 2008 et qu'il a subi une modification majeure en 2015, et des modifications substantielles en 2018, il n'a fait l'objet d'aucune évaluation d'ensemble, selon les standards72 de l'évaluation des politiques publiques : Le rapport Potier (2014) est un document d'analyse et de proposition utile, qui a servi de base 71 72 FranceAgriMer dispose d'un service dans chaque DRAAF. Pour la France, ces standards ont notamment été définis par le SGMAP en 2015. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 49/208 PUBLIÉ pour l'élaboration du plan Écophyto 2, mais ce n'est pas un document d'évaluation ; le référé de la Cour des comptes de 2019 et plus encore les observations définitives de la Cour sur le plan Écophyto donnent également des éléments de réponse sur la manière, très perfectible, dont les dépenses Écophyto ont été gérées, mais il ne donne pas d'informations sur l'efficience ou l'efficacité, ni sur l'utilité du plan et du programme. Figure 9: Évaluation d'une politique publique. Source : portail de la transformation publique La conséquence est importante : comme les deux indicateurs retenus, la QSA et le NODU, n'ont pas diminué significativement depuis 2009, sauf en toute fin de période, il est légitime de s'interroger sur l'efficacité des dépenses publiques importantes qui ont été consacrées à Écophyto, directement ou indirectement. Ce travail d'évaluation est d'autant plus nécessaire que les résultats positifs d'Écophyto tardent à se concrétiser. Mais il se heurte à des difficultés méthodologiques que la présente mission n'a pas pu résoudre : le besoin auquel répond Écophyto est exclusivement formulé en termes de risques pour la santé et l'environnement, alors que les PPP répondent à une obligation, celui de la protection des cultures, indispensable à la sécurité alimentaire. Depuis la directive 2009/128/CE, cette protection doit respecter les principes de lutte intégrée des cultures, mais le respect de cette obligation n'est pas contrôlé (cf. 1.2) ; les axes stratégiques, ou rubriques, du plan n'ont que progressivement incorporé l'ensemble des actions publiques relatives aux PPP, et de manière incomplète. Ainsi les évolutions de la réglementation sur les substances et les produits ne sont pas des actions du premier plan Écophyto, mais des données externes à ce plan, alors que leur impact sur les indicateurs du plan est évidemment majeur. Ce n'est qu'avec Écophyto 2 et surtout 2+ que la question de l'impact du retrait des substances et des restrictions des produits est intégrée, notamment à propos du glyphosate ; Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 50/208 PUBLIÉ le plan a également mal appréhendé la question des ressources, en s'appuyant sur une taxe centrée sur l'achat des PPP, et affectée aux agences de l'eau. Pourtant, les PPP exercent des pressions sur l'ensemble des milieux, ce qui conduit à de nombreux transferts vers d'autres établissements publics : les chambres d'agriculture, l'association de coordination technique agricole (ACTA) et les instituts techniques, l'INRAE, y compris en cascade sur certaines actions... En revanche cette taxe affectée ne peut pas être transférée aux administrations de l'Etat, alors qu'elles auraient vocation à porter certaines actions ; du fait d'une gouvernance très ouverte à des parties prenantes bénéficiaires de financement, le plan et le programme ont financé des actions très diversifiées, sans qu'aucune action ne soit en mesure à elle seule de contribuer significativement aux résultats attendus, et au prix de certains effets d'aubaine : o la mesure des résultats ­ des « progrès » disait le premier plan ­ a été considérée comme un axe important ­ le premier ­ par Écophyto 1, mais ce travail a été abandonné en cours de route et ne figure plus comme un axe d'Écophyto 2 et 2+. Or l'indicateur totem qui a été choisi, le NODU, n'a pas été décliné à l'échelle territoriale et par filière. Abstrait et « éloigné du terrain » les acteurs ne se le sont pas approprié. Son calcul n'est ni intuitif ni sans biais, et la gouvernance n'a pas su construire une communication globale donnant le « sens » de l'action (à la fois la direction, mais aussi les raisons d'agir) ; enfin, Écophyto ne s'est pas doté d'indicateurs d'impact, ni sur la santé humaine, ni sur la biodiversité, ni sur la santé des plantes. Certes, certains indicateurs d'impact figurent dans le plan agroécologie, mais ils ne sont pas systématiquement liés au plan Écophyto, quand bien même les PPP sont un facteur important de leur évolution. o Tableau 2: Indicateurs d'impact de l'agroécologie. Source : Rapport d'avancement du Comité d'évaluation de la politique agroécologique ­ Décembre 2016 En l'état, l'évaluation du plan Écophyto selon la méthode du secrétariat général pour la modernisation de l'action publique (SGMAP) développée en 2015 se trouve bien difficile à réaliser. C'est d'autant plus Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 51/208 PUBLIÉ dommageable qu'existent de nombreuses questions évaluatives, dont certaines sont incluses dans la lettre de commande de la présente mission : Les actions financées par le programme national et les enveloppes régionales sont-elles utiles ? Sont-elles efficaces ? Quelle est leur valeur ajoutée ? Quel a été l'effet de la RPD et quel serait l'effet de son augmentation ? L'organisation de la gouvernance et de la gestion du programme national est-elle efficiente ? La France n'est pas seule à peiner dans l'évaluation de son plan répondant à la directive 2009/128/CE : la synthèse réalisée par la Commission européenne (2020) le rappelle 73 . En revanche d'assez nombreux travaux scientifiques ont été publiés ces dernières années en France, en Europe et dans le monde. Plusieurs projets européens (annexe 5), grâce en particulier à l'activité de l'INRAE, permettent d'envisager de nouveaux apports au cours des prochaines années. Les travaux scientifiques disponibles ont été largement consultés pour réaliser la présente mission et il est souhaitable qu'ils puissent être portés à la connaissance des administrations et des acteurs intéressés, par toutes les voies disponibles (OpenEdition, conférences, synthèses...). La mise en place effective d'une instance capable d'analyser ces résultats, de les hiérarchiser et de les interpréter faciliterait ce transfert indispensable. La compréhension des enjeux relatifs aux PPP et l'optimisation des actions visant à limiter les risques associés à leur usage mobilisent des compétences et des connaissances multiples nécessaires à la gouvernance du plan. Le choix des cibles, l'analyse des indicateurs et l'évaluation des actions devraient constituer un axe particulier du plan Écophyto, autonome et animé par des acteurs indépendants, capables de conseiller les décisions politiques et d'évaluer leur mise en oeuvre. 73 Citée plus haut. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 52/208 PUBLIÉ La première partie de ce rapport a présenté les principales actions du plan et leurs contributions à ses résultats. La deuxième partie a analysé les principales caractéristiques du plan et a formulé des recommandations générales pour l'améliorer, dont certaines avaient été déjà proposées par la Cour des comptes. Cette troisième partie propose des évolutions plus profondes du plan Écophyto et de ses principaux éléments, sous la forme de scénarios incluant des processus de massification à l'échelle des objectifs de réduction des risques associés à l'emploi des PPP dans l'agriculture. La section 3.1 expose la méthode qui a été retenue pour construire les trois scénarios. Les sections 3.2, 3.3 et 3.4 décrivent les trois scénarios choisis. Chaque scénario se conclut par un tableau « forces, faiblesses, opportunités, menaces » que le lecteur pressé peut directement consulter. La section 3.5 fournit des clés d'aide à la décision, notamment quant au modèle d'agriculture souhaité, ainsi qu'au positionnement et à l'organisation de l'État. Elle se conclut par un tableau comparatif des trois scénarios et une recommandation méthodologique. Une version développée de cette partie constitue l'annexe 8. La méthode des scénarios permet de mettre en évidence plusieurs chemins pour arriver à une même fin : la réduction massive des risques associés à l'usage agricole des PPP. L'apparente continuité des plans Écophyto depuis 2008 cache en effet plusieurs malentendus ou dissensus relatifs à : l'impact des PPP sur la santé humaine et la biodiversité, le poids qu'il faut leur accorder, et la stratégie suivie (précaution, atténuation, compensation) ; la maturité des techniques de substitution économiquement soutenables ; les modalités de diffusion de ces techniques ; les délais nécessaires aux changements de pratiques et de systèmes ; le rôle de l'Etat et de ses établissements publics, ainsi que l'organisation dont il se dote. Ces écarts de perception ont des conséquences pratiques sur les objectifs prioritaires que doit poursuivre le plan Écophyto et sur les leviers à utiliser : si les substitutions sont encore à concevoir (c'est la notion d'« impasse technique»), l'interdiction d'une substance, d'un produit ou d'un usage peut avoir un effet dévastateur sur l'activité, entraînant une baisse de marge qui peut mettre en péril la poursuite d'activité. L'effort de la politique publique doit dans ce cas plutôt porter sur la R&D et les circuits de diffusion des innovations (réseaux, formation, information...) voire un accompagnement du risque ; Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 53/208 PUBLIÉ à la maturité ou si le bilan bénéfices/risques est manifestement déséquilibré, l'outil majeur est la réglementation. L'interdiction d'une substance ou d'un produit oblige les agriculteurs à adopter sans délai une solution de substitution, et à progressivement ajuster leur projet d'exploitation pour l'optimiser. Mais cette interdiction peut provoquer la fin d'une culture ou d'un type d'exploitation ; si on est dans une situation intermédiaire et complexe, avec une forte disparité de situations ­ par exemple une forte influence des paramètres pédoclimatiques - l'outil mis en avant par la théorie économique est le prix, via la fiscalité et/ou un marché de droits comme le CEPP, qui permet d'adresser à tous un signal invitant à la recherche d'alternatives et d'innovations, sans pour autant créer d'impasses agronomiques. Le soutien aux filières et pratiques matures, comme l'AB, est également une voie efficace. La nécessité d'engager l'aval et de s'appuyer sur les signaux de marché Fondés sur des hypothèses différentes, les trois scénarios présentés plus bas ont en commun de ne pas se contenter de changements à la marge et dans les exploitations : une réduction de 50% des PPP n'est réalisable qu'avec des changements structurels dans les exploitations, ce qui est bien établi depuis les premières années du plan Écophyto, mais des changements importants, voire structurels, sont également nécessaires chez tous les fournisseurs et clients des agriculteurs, jusqu'au portefeuille des consommateurs, ce qui a été moins bien repéré alors que là se joue une grande partie de la réussite du plan. En rupture avec l'hypothèse antagoniste d'une diffusion spontanée des alternatives aux PPP 74 , qui semble avoir prévalu dans les plans Écophyto, l'hypothèse centrale de ces scénarios est que le recours aux PPP est aujourd'hui choisi par les agriculteurs (et les conseillers agricoles) parce que ce sont des méthodes efficaces et économes qui leur ont été proposées, sous les contraintes de leur exploitation : ce n'est pas la décision de l'exploitant agricole qu'il faut changer, mais l'offre qui lui est faite et les conditions et contraintes de sa décision. La mission ne sous-estime pas l'importance des producteurs de PPP, à la fois comme influenceur de la décision des agriculteurs, et comme puissance organisée, notamment via l'UIPP en France, capable de défendre ses intérêts. Il faut aussi prendre en compte le poids de la vente des PPP dans l'équilibre économique et dans la stratégie des coopératives et négociants : même si les volumes de PPP vendus sont faibles, les marges sont beaucoup plus élevées que sur les produits bruts et peuvent contribuer de manière importante aux résultats comptables de certaines coopératives, par exemple. C'est en effet l'aval qui peut transformer la contrainte sanitaire et de biodiversité en opportunité valorisable en termes de chiffre d'affaires et de débouchés, ainsi que l'État, qui contribue également à la définition du cadre administratif, fiscal, juridique de l'exploitation, tous éléments qui ont un impact direct sur l'exploitation. L'État exemplaire ? Consentement, études préalables d'impact et alignement des politiques L'État exemplaire75 a un devoir d'alignement des politiques publiques, de manière à supprimer ses demandes paradoxales, qui perturbent les citoyens comme les marchés. Cet objectif d'alignement est désormais inscrit dans Écophyto 2+ (action 25), mais il est peu décliné de manière opérationnelle alors qu'il pourrait concerner de nombreux aspects des politiques de l'agriculture et de l'alimentation. Ainsi, lors du colloque national Dephy du 2 février 2020, un conseiller déclare souhaiter « inspirer d'autres agriculteurs » 74 75 L'État exemplaire, slogan ou nouveau principe ? Emmanuelle Deschamps, RFAP 2012/3 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 54/208 PUBLIÉ La question de l'égalité de « traitement » entre pays de l'UE, et des PPP importés et exportés hors UE est également fondamentale pour crédibiliser l'objectif. À ce titre, l'exportation par des pays de l'UE, dont la France, de produits contenant des substances interdites en Europe76 est un exemple de ce qui pourrait apparaître comme du cynisme ­ on peut fabriquer et vendre des produits interdits, dès lors qu'ils ne sont pas épandus dans notre jardin - et surtout une politique allant à l'encontre du plan Écophyto, puisqu'il dote les concurrents de l'agriculture française de moyens interdits à nos agriculteurs, sans protéger les consommateurs français qui trouvent ces produits cultivés avec des PPP interdits dans les denrées importées. La question du consentement aux politiques publiques Autre élément, et c'est également un aspect très important pour la pérennité de son action, l'État doit s'efforcer de maintenir un certain niveau de consentement des forces sociales en présence, sauf à être mis en situation d'échec. Les outils de la politique de réduction des PPP doivent veiller à développer ce consentement (action 28 du plan Écophyto 2+), mais ce n'est possible qu'avec un signal cohérent porté par l'ensemble des politiques publiques et des ministères. Les contraintes doivent ainsi être correctement proportionnées aux enjeux pour être acceptables par les parties prenantes. La responsabilité de l'État et des collectivités publiques du fait de leur action et de leur inaction Enfin, l'État et les collectivités publiques peuvent montrer l'exemple, par exemple en ouvrant leurs marchés publics à des offres locales performantes en matière d'impact environnemental. La responsabilité de l'État est susceptible d'être engagée en cas de sinistre issu de PPP dangereux ; on l'a vu avec les retards pris dans l'interdiction du chlordécone sur les bananiers dans les Antilles. Le juge administratif est également susceptible de mettre en cause la responsabilité de l'État, au motif qu'il ne respecte pas la trajectoire qu'il s'est donnée, comme dans « L'affaire du siècle » à propos des objectifs de lutte contre le changement climatique. Pour conclure ce point, la mission engage à prolonger et approfondir la réflexion sur le positionnement sociétal du plan Écophyto, et sur la responsabilité propre de l'État dans ce plan. Ces deux questions ont des réponses différentes dans les scénarios proposés. Les scénarios présentés s'appuient chacun sur des leviers et outils privilégiés, en usant au mieux de leurs avantages et en se gardant de leurs inconvénients, sans s'interdire d'un usage plus modéré des autres leviers disponibles. Comme on l'a vu (cf. 2.2 et annexe 6), trois leviers principaux seront distingués : La segmentation du marché, via un label ou un contrat associant filière et territoire et mobilisant jusqu'au consommateur. Le soutien apporté à l'AB va dans ce sens. Un label « sans PPP hors ceux autorisées en AB », avec un cahier des charges égal à celui de l'AB77 sur les PPP, mais sans les autres exigences de cette certification (notamment sur le « hors sol » et les fertilisants) et des aides à la conversion et au maintien, mais à un taux plus faible que l'AB, pourrait sans doute être défendu (cf. annexe 6). Il s'agit de mesures qui permettent de distinguer les pratiques et les produits qui en sont issus. La fiscalité et les autres méthodes « incitatives » pour agir sur le « signal-prix » absolu et relatif des PPP et de leurs alternatives. La redistribution de la taxe vers les pratiques vertueuses et 76 Plus de 81600 tonnes, selon l'article « Faites ce que je dis, pas ce que je fais », Pour la science hors-série n°110, février-mars 2021. Les deux figures sont issues de http://www.martingrandjean.ch d'après les données Public Eye. Cité dans la revue Pour la science HS n°110 février-mars 2021 77 Ou le HVE voir infra. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 55/208 PUBLIÉ les CEPP sont des outils complémentaires incitatifs. Il s'agit de mesures qui n'interdisent pas les PPP, mais incitent à éviter leur usage. La réglementation sur les substances, les produits, les pulvérisateurs, les conditions d'usage et de conservation des PPP... On associe à ce levier la PAC et ses conditionnalités. Il s'agit de mesures générales et obligatoires. Ces scénarios définissent également des positionnements différents de l'État par rapport à la société et l'économie : en ce sens, ils relèvent de préférences politiques différentes, avec une forte dimension contractuelle pour le premier, une vision plus individuelle et économique pour le second, et une approche plus autoritaire de l'Etat pour le troisième. Ils nécessitent une gouvernance et des modalités de gestion distinctes, pour le plan comme pour le programme. Un enjeu pour la mission a été d'identifier pour chaque scénario des moyens correctement proportionnés aux résultats souhaités, mais avec des forces et faiblesses différentes, ainsi que des variations sur leur capacité à saisir les opportunités et à affronter les menaces. Ils visent chacun à proposer une trajectoire cohérente, à partir d'un diagnostic initial sur le niveau de maturité des innovations de substitution aux PPP hors ceux autorisées en AB. Ces scénarios seront ensuite comparés, pour aider à la décision. Ils peuvent sans doute se succéder dans le temps (segmentation, puis incitation et enfin réglementation), mais ils ne peuvent que difficilement être associés dans les mêmes zones géographiques pour les mêmes activités agricoles, sauf à en réduire le sens et à en neutraliser l'efficacité. Ainsi l'établissement d'une norme réglementaire généralisant le cahier des charges de l'AB pour les PPP réduirait à néant la capacité de différenciation de l'AB qui lui permet de capter une surrémunération. De même, pour qu'une action soit incitative, il ne faut pas qu'elle soit obligatoire. Pour qu'elle soit spécialisée, elle ne peut pas être générale. Par souci de simplification on résumera les scénarios en fonction de la stratégie principale que porte l'État pour réduire les PPP : Segmentation des productions agricoles et de leur aval, permettant de distinguer les pratiques conventionnelles des pratiques économes en PPP, de la ferme à l'assiette ; Incitation à une baisse générale, avec recours aux interdictions en dernier ressort ; Réglementation des produits, des usages et des financements, notamment ceux de la PAC, avec développement des contrôles. Chacun de ces scénarios comporte un levier de massification principal, activé à un niveau suffisant pour approcher ou atteindre l'objectif de réduction de 50% fixé depuis 2008 par le plan Écophyto. Le scénario consiste à soutenir en priorité les productions économes en PPP78, et à les discriminer des productions intensives en PPP. Le label AB, reconnu aux échelles nationale et européenne, est bien sûr l'exemple emblématique de ce scénario. Mais il convient de rappeler que l'AB s'est développée au départ sans soutien de l'État, et que de nombreuses initiatives privées, portées par des producteurs, Rappelons que nous parlons ici des PPP pris en compte dans l'indicateur principal, ce qui inclut certaines substances utilisées en agriculture biologique, mais exclut les produits de biocontrôle. 78 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 56/208 PUBLIÉ mais aussi parfois par des transformateurs ou des distributeurs, se développent encore aujourd'hui en dehors de tout cadre public, avec un objectif de différenciation sur les marchés. La segmentation peut se faire au niveau d'une production (comme pour l'AB), d'une exploitation (comme pour la certification HVE) ou d'une filière, engageant les intermédiaires et les marques jusqu'au consommateur (avec des labels de reconnaissance ou la définition d'une échelle de performance «phytoscore »). L'efficacité de ce scénario dépend de la réalité de la différenciation entre les (deux) segments de marché. Ce scénario peut utilement être accompagné d'actions incitatives (fiscales notamment) et/ou réglementaires, pour augmenter et faciliter la différenciation des segments du marché, et notamment collecter des ressources sur les PPP pour les transférer vers les secteurs économes en PPP. Mais si ces actions fiscales ou réglementaires sont fortes et générales, on perd rapidement le bénéfice de la concentration des aides et de la différenciation de l'offre : le marché est réunifié. Alors que les deux scénarios suivants sont focalisés sur les pratiques agricoles, ce scénario « segmentation » replace la question dans un « système » plus large, qui engage la production agricole, mais aussi ses fournisseurs et son aval, collecteurs, transformateurs et distributeurs, jusqu'à la fourchette. Dans cette perspective, la responsabilité de la « résistance au changement » peut alors être appréciée de manière multiple et collective, comme l'a montré un article publié dans les Cahiers de l'agriculture en 2017 79 . Si l'agriculteur souhaite changer sa pratique, mais est confronté à des « verrous sociotechniques », il faut agir également sur ses clients et fournisseurs, et idéalement jusqu'aux consommateurs finaux des produits issus de l'agriculture. Une lecture excessive de cette complexité aboutirait à considérer chaque cas particulier comme un cas en soi. Mais on peut admettre de manière raisonnable que des ensembles d'acteurs peuvent également avoir des problématiques communes, comme de fournir une filière industrielle très concentrée sur certains marchés, et de répondre aux attentes communes de la grande distribution, par exemple. Cette stratégie consiste ainsi à éviter le cas par cas, au profit d'actions collectives amont-aval, sans pour autant vouloir entraîner d'un seul coup l'ensemble des filières dans tout le pays de manière synchronisée. L'intérêt des réseaux de pairs, un des outils privilégiés de ce scénario, et qui a fait ses preuves tant dans l'AB qu'au sein des fermes DEPHY, semble également établi dans la littérature scientifique80, même si des questions de gestion existent sur les modalités de soutien de ces réseaux, et sur l'utilité d'une simplification de réseaux parallèles (GIEE...) insuffisamment différenciés. Forces Faiblesses Le plan Écophyto de réduction d'usage des pesticides en France : décryptage d'un échec et raisons d'espérer, Laurence Guichard et alii, Cahiers de l'agriculture, 2017 79 80 Par exemple Impact of the DEPHY network on pesticide use: Evidence from French vineyards Margaux Lapierre ; ainsi que Providing technical assistance to peer networks to reduce pesticide use in Europe: Evidence from the French Écophyto plan, Margaux Lapierre, Alexandre Sauquet, Subervie Julie, Hal, 2019 V2 https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02190979v2/document Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 57/208 PUBLIÉ Diagnostic interne » Opportunités Menaces : Diagnostic externe Par ce scénario 2 « incitation », l'État souhaite inviter l'ensemble des acteurs à saisir les opportunités de réduction des PPP, en exploitant chaque gisement, à sa portée, indépendamment de sa maturité. L'hypothèse centrale de ce scénario est que la réduction des PPP n'est possible qu'avec la mise au point et l'adoption de nombreuses innovations, dont certaines sont encore à un stade de test et de démonstration, alors que d'autres sont matures et attendent les bons signaux pour être adoptées par une large fraction ­ mais pas nécessairement la totalité- des agriculteurs. Ce scénario définit ainsi une médiane que les deux autres scénarios mettront en perspective par des faces opposées. Ce scénario peut être global, l'ensemble des PPP étant visé, mais aussi différencié, en tenant compte comme aujourd'hui la RPD, de la dangerosité variable des produits. Son principe consiste non pas à interdire (c'est le scénario 3, la voie réglementaire), mais à encourager les bonnes pratiques, sans pour autant que l'État contribue à les différencier sur le marché (c'est le scénario 1, la segmentation). Ce scénario est facilité par l'existence d'un conseil actif, indépendant des ventes de PPP et rénové sur la base d'un nouveau référentiel de compétences, qui lui permet d'améliorer le diagnostic, de Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 58/208 PUBLIÉ recommander les solutions adaptées, et d'accompagner l'agriculteur, seul ou en collectif, dans son changement de pratiques. Quelques semaines après la séparation de la vente et du conseil, la question du consentement des agriculteurs à payer ce nouveau conseil indépendant reste ouverte. La méthode préconisée par la théorie économique standard, et rappelée par plusieurs des interlocuteurs rencontrés par la mission, est d'agir par le signal-prix, via la taxation des PPP, pour permettre et encourager la mobilisation de tous les « gisements d'abattements ». Ce scénario peut être approfondi avec trois variantes, mobilisant également d'autres outils incitatifs. Pour que la taxe ait un effet, elle doit être élevée, et ses hausses doivent être programmées et mises en oeuvre de manière crédible. Scénario de base : Augmenter la redevance pour pollutions diffuses Le premier véhicule de ce scénario est ainsi la redevance sur les pollutions diffuses (RPD) dont l'assiette est basée sur les ventes de PPP et dont le taux varie selon la dangerosité des produits (cf. annexe 6). En taxant l'achat de PPP, la RPD dissuade leur usage, et incite à privilégier les autres solutions de protection des plantes, toutes choses égales par ailleurs. Pour que le signal soit perçu et que la réaction des acteurs aboutisse à une réduction de l'ordre de 50% de l'utilisation des PPP, un doublement du prix est nécessaire (cf.2.2.3). C'est donc un réel choc fiscal qui doit être réalisé81 (cf. annexe 6), avec une temporalité suffisamment rapide pour enclencher, dès son annonce, des mouvements de substitution, mais aussi progressive pour permettre aux acteurs de s'adapter et rechercher les meilleures alternatives. En dernier ressort, ils peuvent continuer à user des PPP, mais à des conditions économiques dégradées. On peut penser qu'une augmentation étalée sur 5 ans serait un bon compromis. Toutefois des comportements adaptatifs seraient sans doute à gérer pendant une période aussi longue, un sur stockage temporaire serait sans doute à craindre, comme cela a été constaté avant de précédentes augmentations. Sans autre mesure, la hausse de la RPD aurait un effet négatif sur la compétitivité de l'agriculture française, mais d'ampleur limitée : le poste « PPP » ne représentant aujourd'hui que 4% de la valeur de la production agricole, et moins de 2,5% si on y ajoute les subventions reçues. 82. Cet effet pourrait néanmoins être réduit ou supprimé en activant la variante 3 suivante relative à la fiscalité globale des produits issus de l'agriculture (infra). Variante 1 : Mobiliser également le produit de la taxe pour la redistribuer vers les bonnes pratiques Idéalement, et c'est une variante par rapport à la RPD existante qui a des conséquences sur le programme, le produit supplémentaire de la taxe est également distribué, non vers l'ensemble des contribuables, pour atténuer les effets revenus de la taxe, ce qui serait contre-productif, mais au contraire pour les renforcer, en apportant des subventions uniquement à ceux qui décident d'adopter les pratiques économes en PPP. Avec ce couplage taxation des PPP/soutien aux alternatives, le taux de taxation peut être significativement diminué pour arriver à une même réduction de PPP. En situation de menace sanitaire grave et d'absence d'alternative aux PPP, les acteurs continuent à pouvoir utiliser ces produits, ils achètent une sorte de « droit à polluer », mais dès qu'ils le peuvent ils sont fortement incités à retenir les alternatives et substituts, dont le coût relatif est réduit. Ce scénario est ainsi favorable à la mise au point et à la diffusion d'innovations multiples, techniques et sociales, 81 82 En première estimation, une multiplication par 8 du produit de la RPD serait nécessaire En 2019, les achats de produits de protection des cultures représentaient 3 Md sur 45 Md de consommations intermédiaires et 76 Md de production. Source : Comptes régionaux de l'agriculture. AGRESTE Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 59/208 PUBLIÉ permettant de substituer aux PPP d'autres solutions, structurelles ou marginales. Variante 2 : Utiliser pleinement les CEPP pour mobiliser l'amont et l'aval On l'a vu plus haut, les CEPP, qui avaient été mis en avant par un précédent rapport IGF-CGEDDCGAAER, sont un outil complémentaire de la taxation des PPP, et qui peut permettre de transférer des ressources (ou droits à polluer) issues des activités utilisant les PPP au profit de pratiques plus vertueuses. Cela nécessite que le dispositif du CEPP soit consolidé et généralisé. Variante 3 : Mobiliser également la fiscalité globale pour différencier les produits issus des bonnes pratiques sur les marchés La hausse de la RPD peut aussi être accompagnée par une stratégie fiscale plus globale à l'échelle européenne avec : des droits de douane sur les produits bruts ou transformés ne répondant pas aux mêmes critères relatifs aux PPP rehaussés ; une fiscalité à la consommation plus différenciée, pour au minimum compenser le surcoût des produits AB ou sans PPP, et idéalement créer une incitation positive avec toutefois de faibles marges de manoeuvre ; des investissements nécessaires pour changer de régime, et les coûts de transition accompagnés, via des crédits d'impôt et/ou des règles d'amortissement favorables. Ces mesures, qui sont au moins en partie à négocier avec l'UE, permettraient de renforcer l'effet de la hausse de la RPD, en stimulant les volumes de productions sans PPP, et en assurant une équité des productions françaises avec les productions importées83. Ce point mériterait d'être approfondi par une mission spécifique. Ce scénario est compatible avec la répartition actuelle des rôles : à l'UE le soin d'autoriser ou d'interdire les substances, à la France d'agir sur les pratiques des acteurs, en les incitant à aller vers les alternatives aux PPP chaque fois que c'est possible et économiquement soutenable. L'UE et la France pourraient s'accorder pour apporter des conditionnalités PPP à la PAC, et le Gouvernement devrait chercher à aligner dans le même sens d'autres composantes de la politique agricole et d'alimentation, comme la transmission des exploitations, la politique foncière et l'ensemble de la politique fiscale. Mais l'agriculteur reste en dernier ressort responsable d'utiliser ou non les PPP autorisés. Dans ses variantes 2 et 3, le scénario est également mobilisateur pour les autres acteurs de la chaîne, qui peuvent trouver un intérêt économique à rechercher et promouvoir les alternatives, surtout s'il est accompagné d'une fiscalité différentielle des produits finaux. Son principal inconvénient est la sensibilité des agriculteurs à la taxation. Son acceptabilité peut sans doute être plus grande si le produit supplémentaire de la taxe est intégralement redistribué aux agriculteurs qui choisissent de diminuer le recours aux PPP (variante 1) et si la taxation est étendue aux importations des produits issus de l'agriculture, afin de protéger le marché intérieur d'un dumping aux PPP (variante 3). 83 Voir par exemple l'article récent : Comment protéger nos agriculteurs et l'environnement ? Un règlement pour stopper l'importation d'aliments issus de pratiques interdites en Europe, Fondation Nicolas Hulot-Interbev-Institut Velben, mars 2021 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 60/208 PUBLIÉ Sauf en variantes 2 et surtout 3, l'aval est faiblement impliqué : la décision de réduire les PPP est individuelle, et n'offre aucune garantie de rémunération supplémentaire. L'activation d'un levier CEPP efficace, sur le modèle des CEE, permettrait de remédier en partie à cette limite. Mais c'est la mise en place d'une fiscalité différenciée (variante 3) sur les marchés nationaux et à leurs frontières qui permet d'aller jusqu'au consommateur sans diminuer la compétitivité-prix sur le marché intérieur. Diagnostic interne Diagnostic externe Ce scénario est basé : sur le constat de la responsabilité de l'État de limiter voire d'empêcher que les PPP ne portent des atteintes irréversibles à la santé humaine et à la biodiversité, et donc qu'il lui appartient de prendre les mesures réglementaires nécessaires, quand bien même une substance aurait été approuvée par l'UE ; sur une hypothèse : beaucoup d'alternatives aux PPP sont aujourd'hui suffisamment matures pour que l'État impose leur généralisation sans détruire brutalement84 l'activité, ce qui semble Ce n'est pas la nécessité de changer y compris les pratiques culturales qui est mis en cause, mais le fait que le changement brutal de réglementation peut frapper d'obsolescence les compétences et les investissements de toute une filière. L'enjeu est de lui permettre de s'adapter avant l'interdiction des PPP. 84 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 61/208 PUBLIÉ l'avis d'au moins une partie des experts (cf. annexe 8) ; sur le levier puissant des financements de la nouvelle PAC (cf. annexe 6). Dans ce scénario, le choix de réduire les PPP n'est pas agricole, c'est une décision de société, motivée par un diagnostic sur les risques. Il est donc très important d'approfondir la connaissance de ces risques pour bien ajuster la réglementation. L'expérience montre que jusqu'à présent les diagnostics réalisés avant l'autorisation des substances et les mises sur le marché n'ont pas empêché quelques sinistres importants (exemple du chlordécone aux Antilles), justifiant, après parfois plusieurs années, la mise en cause des autorisations accordées. Par ailleurs, des interdictions très rapides, comme celles des néonicotinoïdes, peuvent obliger les pouvoirs publics à ouvrir peu après des dérogations ciblées, faute d'alternatives immédiatement disponibles. Il s'agit donc de composer avec la balance des avantages et des risques, à la fois de l'action et de l'inaction. Mais c'est à la souveraineté nationale et à l'exécutif d'apprécier le résultat du pesage et de déterminer la règle. Il est également important dans ce scénario d'éviter d'importer des produits traités par des PPP depuis des pays85 qui ne sont pas soumis aux exigences européennes d'utilisation des PPP. Il semble que ce soit ce modèle « réglementaire » qui est retenu pour le glyphosate, pour lequel le gouvernement est très actif86, après un engagement de retrait pris par le Président de la République en 2017. Dans ce scénario, la réglementation et la PAC sont les instruments principaux de réduction du recours aux PPP. Une partie majeure de cette stratégie est donc portée par l'UE, qui a la responsabilité de la réglementation des substances actives. C'est en effet à ce niveau que la réglementation est la plus efficace. Ainsi la France ne saurait réussir seule : une plus forte convergence européenne peut sembler un préalable à la mise en place de ce scénario. En dehors d'une convergence européenne, la France garde la possibilité de restreindre l'usage des produits mis sur le marché et incluant les substances autorisées : elle pourra le faire systématiquement quand existent des alternatives, en biocontrôle ou avec des produits moins dangereux, couramment utilisées 87 et que les inconvénients économique et technique ne sont pas majeurs (art 50 de R 2009 /1107). Elle pourrait également davantage vérifier que les produits sont bien utilisés « en dernier recours », dans le cadre d'une protection intégrée des cultures, ce qui n'est aujourd'hui que rarement fait, en France et en Europe, malgré la réglementation. Certaines pratiques exagérément intensives, certaines rotations trop courtes ou inexistantes, certaines mosaïques paysagères insuffisamment diversifiées pourraient progressivement être sanctionnées par des restrictions d'emploi de PPP ou en utilisant d'autres outils réglementaires ou assimilables à la réglementation (PAC...). La France, tout comme les autres pays, peut également déclarer des dérogations pour une durée inférieure à 120 jours. Une variante renforçant ce scénario pourrait préconiser non seulement un « conseil stratégique PPP » obligatoire, comme il est désormais prévu, mais une prescription des PPP « sur ordonnance », en Voir un article cité par le CEP dans sa veille de décembre 2020 qui montre les très grands écarts entre les limites maximales de résidus autorisés dans différents pays et ses conséquences : « Trade, price and quality upgrading effects of agri-food standards » Dela-Dem Doe Fiankor, Daniele Curzi, Alessandro Olper, European Review of Agricultural Economics, 2020 85 86 87 Tout comme quelques autres pays : le Mexique vient ainsi de faire l'annonce d'une interdiction dans 3 ans. Cette condition est particulièrement gênante puisqu'il faut que l'alternative soit largement diffusée avant l'interdiction : la réglementation n'est donc pas un outil d'aide à la diffusion en première phase du cycle (cf 3.1). Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 62/208 PUBLIÉ particulier sur les PPP les plus à risques. Forces Faiblesses Diagnostic interne Opportunités Menaces Diagnostic externe Les trois scénarios répondent à des préférences politiques différentes mais sont tous les trois susceptibles d'apporter une contribution forte à l'objectif d'une réduction de 50% des PPP dans un délai de l'ordre de 10 ans. Sans renier les actions soutenues dans le cadre des plans antérieurs ­ le premier date de 2006 et est antérieur au Grenelle de l'environnement-, ces scénarios proposent de manière inédite des actions de massification crédibles, avec des outils robustes. Pour éclairer la décision politique, quelques éclairages complémentaires sont proposés ci-dessous, autour des modèles agricoles et de l'organisation des pouvoirs publics. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 63/208 PUBLIÉ La France a choisi l'agroécologie par une loi adoptée en 201488. Mais derrière ce mot qui désigne une science, des pratiques et qui est donc devenu une politique, se cachent plusieurs modèles agricoles qui continuent à être en compétition. Le modèle de la grande exploitation, qui était historiquement moins développé en France que dans des pays d'Europe centrale, continue son extension. Il se transforme également avec des pratiques de travail « à façon » entièrement externalisées vers des entreprises de travaux agricoles. Parallèlement les exploitations moyennes et petites régressent et se diversifient. Certaines, notamment en maraîchage, en viticulture ou en productions fruitières, continuent à s'industrialiser, avec de plus en plus de conditions contrôlées et d'automatismes, pendant que d'autres recherchent la performance biologique par la permaculture et le travail intensif, avec des réussites parfois impressionnantes à petite échelle. La recherche et la valorisation devraient également porter sur tous ces modèles, y compris les plus disruptifs, du type de ceux qui sont soutenus par l'université de Wageningen aux Pays-Bas, avec des exploitations hors sols, à faibles intrants et relativement neutres en énergie. Les « fermes verticales » japonaises sont également des modèles intéressants : au-delà des préjugés ou des constats d'expérience sur les qualités organoleptiques des aliments en fonction de leur processus de production, la performance globale de ces systèmes mérite d'être prise en considération, notamment en matière de maraîchage : elle sert de modèle à certaines « fermes » high-tech françaises. Pour certaines régions françaises denses et pour certaines cultures comme les légumes, une intensification des productions au plus près des centres de consommation, voire la mise en place de productions à environnement contrôlé en zone urbaine, comme elles se développent au Japon, peuvent apparaître comme des solutions à diffuser. En revanche, comme l'a montré un rapport récent du CGAAER89, le modèle standard de la grande exploitation céréalière sans élevage, et très dépendant des PPP comme des apports en fertilisants chimiques, et en eau, destructeurs des haies et pollueur des rivières et des nappes, mérite d'être modifié. Il est pourtant encore en extension, notamment dans les zones « intermédiaires ». Même si elle doit évidemment se préoccuper de toutes les agricultures, on peut ainsi regretter que la politique agricole française ne fasse pas le choix de dire ce qu'elle souhaite pour chacun des modèles et ce qu'elle veut décourager. La réponse serait d'autant plus pertinente qu'elle serait inscrite dans des territoires qui ont de fortes spécificités. La mission recommande, selon le scénario retenu, l'origine de la ressource et la nature de la dépense, de choisir, dans le cas d'une taxe affectée, l'opérateur le plus adapté au regard de sa mission : dans le scénario « segmentation », où la mobilisation des filières est essentielle, le choix de FranceAgrimer paraît plus en phase avec la nature des dépenses et les acteurs concernés ; dans le scénario « incitation », la distribution des aides pourrait alimenter les canaux habituels sans passer par l'OFB (conversion à l'AB via les agences de l'eau en région comme aujourd'hui) de même que le financement national du conseil, qu'il s'agisse des instituts techniques ou des chambres d'agriculture. Une partie de l'enveloppe nationale pourrait d'ailleurs être transférée en région en vue de financer davantage d'aides directes aux agriculteurs, soit par le canal des agences de l'eau (taxe affectée), soit directement par les services déconcentrés (ressource budgétaire de l'Etat) ; 88 89 Loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt Rapport CGAAER n°18065. Zones intermédiaires. Janvier 2019. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 64/208 PUBLIÉ enfin, dans le scénario « réglementation et PAC », le financement des études peut être réalisé en direct pour certains acteurs importants (ressource budgétaire de l'Etat) ou transiter comme aujourd'hui par l'OFB (taxe affectée). Finalement, les PPP sont aussi l'occasion de distinguer plusieurs conceptions de ce que peut être un État dans l'Europe d'aujourd'hui et d'interroger l'organisation de notre État, notamment quant aux répartitions des compétences et rôles entre ministères, et entre les administrations centrales, les services déconcentrés et les collectivités territoriales. Sur le positionnement des États en Europe, les deux documents précités (rapport de la Cour européenne des comptes et communication de la Commission (2020)) mériteraient d'être prolongés par un parangonnage. Entre l'État qui forme avec, d'une part, la recherche et, d'autre part, les agriculteurs-entrepreneurs l'un des trois côtés du « triangle d'or néerlandais », et la verticalité qui fait de la réduction des PPP et de l'interdiction du glyphosate des « objets de la vie quotidienne » directement suivis depuis l'Élysée, il y a des positionnements multiples au sein de l'Europe qui mériteraient un parangonnage. Pour ce qui concerne l'organisation de l'État en France, il faut d'abord souligner que le MTE, en charge de la qualité de l'eau, de l'air et de la nature, a été l'un des premiers à prendre conscience des enjeux de la réduction des PPP (et des nitrates). Les indicateurs sur la diminution de la biodiversité, notamment l'effondrement des populations d'insectes et d'oiseaux, ont déclenché des alertes qui ont conduit à rechercher les causes, plus rapidement et plus fortement que les enjeux sur la santé humaine qui restent finalement mal connus. Du coup, le MTE (et les agences de l'eau comme l'OFB) a une réelle légitimité sur cette politique. Mais c'est bien le MAA qui a la charge de proposer les solutions alternatives aux PPP et donc doit être responsabilisé dans son rôle de coordination opérationnelle du plan. Bien sûr les PPP sont également des enjeux majeurs pour la santé publique, pour la biodiversité, et pour la recherche. Mais les trois ministères de la santé, de la transition écologique et de la recherche n'ont pas la responsabilité ni les moyens opérationnels de diffuser les alternatives aux PPP : c'est bien au MAA que cela incombe. Une difficulté qui a pu être perçue ces dernières années est que le caractère multiministériel de la politique à l'égard des PPP a pu donner l'impression d'une complexité bureaucratique doublée d'un État à plusieurs voix sans unisson. On se retrouve ainsi parfois dans la situation où ce sont des parties prenantes, des ONG notamment, qui s'efforcent de faire la synthèse et de porter un intérêt général face à des représentants ministériels calés dans leurs priorités relatives. La réponse à cette question de l'interministérialité pourrait être simple : il existe une responsabilité interministérielle, celle de s'assurer de l'alignement des politiques, que la réduction des PPP est bien une priorité effective de l'action publique, pour tous les ministères et établissements publics et à tout niveau, mais en affirmant également la responsabilité du MAA pour définir et piloter les actions de massification du plan, et en lui donnant des outils et leviers à cette fin. Cette question se retrouve à l'échelle régionale, avec un plan Écophyto qui mobilise la DREAL, la DRAAF, les agences de l'eau et dans une moindre mesure l'ARS, sous la coordination et l'autorité du Préfet de région. Les compétences sanitaires de l'État sont réparties entre la DRAAF pour la santé des plantes, les directions départementales interministérielles (DDI) pour la santé animale, et l'OFB pour la police de l'environnement. Les collectivités régionales, en charge du développement économique et de la gestion d'une partie de plus en plus importante des crédits européens, sont sollicitées sur ce plan sans en être pleinement co-responsables. Une nouvelle version du plan Écophyto devrait s'interroger sur cette répartition existante des compétences et surtout se demander quelle organisation pourrait optimiser la réussite du plan de réduction des PPP dans les territoires. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 65/208 PUBLIÉ Les scénarios et les leviers : synthèse : : : : : : : : Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 66/208 PUBLIÉ * ** Finalement, peut-on encore opposer la nécessité de « nourrir la planète », comme disent les défenseurs des PPP, à celle de « préserver la santé, quoi qu'il en coûte » et de stopper pendant qu'il est encore temps l'effondrement de la biodiversité qui met en péril notre survie comme espèce ? "Faire la paix avec la nature est la grande mission de notre siècle. Elle doit être la priorité absolue de chacun, partout dans le monde" disait le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, en janvier 2021). La France fait le choix de soutenir son agriculture en lui consacrant une grande attention et des moyens financiers importants. Mais il est clair que ce soutien a contribué ces dernières décennies à renforcer une dépendance de cette agriculture aux PPP, alors que beaucoup d'exploitations disposaient auparavant de savoir-faire. Il n'est pas réaliste de revenir à des processus de production antérieurs à la diffusion des PPP. Il s'agit donc non de restaurer, mais d'inventer des modes de production agricoles durables économes en PPP et répondant par ailleurs aux attentes économiques, sociales des marchés et des citoyens. Un levier prioritaire de ce point de vue est de continuer à réparer la contradiction qui (a) fait de certaines politiques de l'État et de la PAC les instruments de la diffusion des PPP et donc en priorité d'aligner l'ensemble des politiques publiques, dont la PAC, à ce nouvel objectif de réduction des PPP, sauf à risquer de réduire à néant les efforts de conviction apportés par des plans Écophyto dont les dotations financières sont nettement plus réduites. La mission préconise donc, soit d'utiliser massivement la réglementation et la PAC et de rendre conditionnelles les aides du premier pilier (scénario 3), soit, si ce n'est pas possible, de mobiliser massivement les autres leviers, de soutien aux filières économes en PPP (scénario 1) ou les leviers incitatifs (scénario 2) si on veut généraliser la baisse. Il serait souhaitable d'arrêter le nouveau plan Écophyto en 2023, quand la nouvelle PAC sera connue et approuvée. Cela laisse deux années pour réaliser des études de bilan plus précises, et pour choisir, après concertation, les leviers et les actions qui donneront un nouvel élan à ce plan nécessaire, mais qui s'essouffle. Un volet important du nouveau plan sera de mettre en cohérence l'ensemble des politiques publiques avec l'objectif de réduction des PPP. Cela suppose que ces préoccupations soient portées avec constance lors de la révision de la PAC pour qu'elles se traduisent par une véritable inflexion de celleci. C'est dans ce cadre qu'une nouvelle orientation d'utilisation de la part du produit de la RPD affectée à Écophyto pourra être donnée, avec un programme national et des enveloppes régionales spécialisés, agiles, additionnels et transparents. Redéfinir d'ici deux ans un plan Écophyto à 10 ans cohérent avec la nouvelle PAC, pleinement opérationnel et incluant un dispositif de massification. D'ici là approfondir avec les acteurs concernés les leviers mobilisables selon différents scénarios, mettre en cohérence les politiques publiques nationales et évaluer les apports des actions soutenues depuis 2008 à l'objectif de réduction des PPP. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 67/208 PUBLIÉ Les 7 recommandations ge ne rales du rapport sont pre sente es ici de maniere synthe tique, en distinguant celles qui relevent de la strate gie, de l'organisation et de de l'accompagnement. Le rapport comprend également un tableau comparatif des trois scénarios. QUOI Strate gie Confirmer et pre ciser le plan Ecophyto (R1) en inse rant un processus de massification des bonnes pratiques (R2) d'ici 2 ans, en cohe rence avec le nouvelle PAC (R7) Mettre en place une gouvernance interministe rielle resserre e et de finir les responsabilite s de chaque ministere et ope rateur (R4) De finir le choix des cibles, l'analyse des indicateurs et l'e valuation comme un axe autonome du plan (R6) De dier en priorite le produit de la RPD affecte e au plan a des aides directes (R3) Autour d'une direction de projet pre cise e, simplifier le processus budge taire et mettre en cohe rence les circuits financiers (R5) POURQUOI Redonner de la cre dibilite au plan QUI Interministe riel et MAA QUAND D'ici 2 ans Points d'attention Cohe rence avec les actions europe ennes et les autres politiques publiques nationales. Organisation Financement Ecophyto doit devenir une priorite pour les acteurs qui ont une responsabilite importante dans sa mise en oeuvre. Faire de l'e valuation une aide a la de cision. Ame liorer l'efficacite des actions finance es, simplifier la gestion. Services centraux et de concentre s du MTE et du MAA, ope rateurs Des que possible, et introduire les objectifs dans les COP des ope rateurs Des que possible Mobilisation du conseil aux agriculteurs, et notamment des chambres d'agriculture. De finition et suivi des indicateurs ope rationnels. MTE et MAA, ope rateurs de gestion Processus d'arbitrage. Pluri annualite des financements. Suivi des paiements. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 68/208 PUBLIÉ Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 69/208 PUBLIÉ Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 70/208 PUBLIÉ Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 71/208 PUBLIÉ Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 72/208 PUBLIÉ Organismes Prénom Nom Fonction Dates des rendez-vous 1 2 septembre et 7 décembre 2020 Coordinateur interministériel du plan Pierre-Etienne BISCH Écophyto et du plan de sortie du glyphosate Cabinet du Premier ministre Julien TURENNE Benoît FARACO Préfet de région honoraire Conseiller technique agriculture Conseiller technique écologie 16 septembre 2020 8 janvier 2021 Julien TURENNE Conseiller technique agriculture Cabinet du MTE Cédric HERMENT 11 septembre et Conseiller santé environnement risques 4 décembre 2020 24 septembre Conseillère filières végétales, sortie de la et dépendance aux produits 14 décembre phytosanitaires 2020 Directeur de l'eau et de la biodiversité Sous directrice ATAP 26 octobre Sous directrice de la protection et de la 2020 gestion de l'eau des ressources minérales et écosystèmes aquatiques Chargé de mission Sous direction de la qualité, de la santé et de la protection des végétaux cheffe de service 21 septembre Adjointe du SASPP/SDQSPV 2020 SASPP/SDQSPV/BSPIC, chef de bureau SASPP/SDQSPV/BSPIC, chargée de mission Écophyto 13 octobre 2020 Service compétitivité et performance environnementale (SCPE),chef de service) 16 octobre 2020 Sous-direction Performance Page 73/208 Cabinet du MAA Maud FAIPOUX Olivier THIBAULT Florence CLERMONTMTE Direction BROUILLET de l'eau et de la Amélie COANTIC Biodiversité Aymeric LORTHOIS Anne-Cécile COTILLON MAAF DGAL Anne-Marie MAILLOT Laurent JACQUIAU Karine BELNA Laurent JACQUIAU Karine BELNA Serge LHERMITE MAAF DGPE Eric ZUNINO Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO PUBLIÉ Organismes Prénom Nom Fonction environnementale et valorisation des territoires, sous directeur Dates des rendez-vous Antoine ROULET Ludovic BONNARD Antoine ROULET MAAF DGPE et Emmanuel STEINMANN DGAL MTE Lucile GAUCHET DGALN/DEB Karine BELNA Isabelle CHMITELIN Marion BARDY Adeline CROYERE Christophe AUBEL Audrey COREAU François OMNES Gaelle EMBS Antoine FOUILLERON Christophe AUBEL Audrey COREAU François OMNES Gaelle EMBS Antoine FOUILLERON Denis CHARISSOUX Patrick LAVARDE CGEDD DGPE/SCPE/SDPE/BDA chargé de mission (pilote réseau DEPHY côté MAA) DGPE/SCPE/SDPE/BDA DGPE/SCPE/SDPE/BDA chargé de mission (pilote réseau DEPHY côté MAA) DEB/EARM 5 Chef de bureau DEB chargée de mission copilotage du plan Écophyto DGAL/SDQSVP/BSPIC chargée de mission Écophyto Directrice Chef de bureau de la recherche et de l'innovation Sous-directrice des politiques de formation et d'éducation Directeur appui stratégies pour la biodiversité Directrice des acteurs et des citoyens Directeur adjoint des acteurs et des citoyens Cheffe du pôle administratif et financier Directeur de la stratégie et de l'intervention financière Directeur général délégué Directrice des acteurs et des citoyens Directeur adjoint des acteurs et des citoyens Cheffe du pôle administratif et financier Directeur de la stratégie et de l'intervention financière Directeur général délégué Ressources Membre du CGEDD 10 décembre 2020 MAAF DGER 22 septembre 2020 OFB 25 septembre 2020 26 novembre 2020 21 septembre 2020 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 74/208 PUBLIÉ Organismes Prénom Nom Thierry VATIN Delphine PASSE Mario LESTANI Fonction Directeur général Directrice déléguée redevances Responsable de la cellule redevances mutualisées Directeur délégué connaissance panification et programme Directeur des interventions Chef du service appui, paiement, interventions économiques Chargée de la thématique Écophyto Directeur adjoint Cheffe de mission Écophyto Chef du SRAL Directeur général Directeur scientifique technique et numérique Dates des rendez-vous Agence de l'eau Arnaud DOLLET Artois Picardie Vincent VALIN Patrice BIZAIS Nolwenn THEPAUT Thierry DUPEUBLE Elise DESSAINT Samuel CARON Jean Pierre BORDES Médhi SINE ACTA Marianne SELLAM Aymeric EMONET APCA Philippe NOYAU Eric COLLIN Jeremy DREYFUS Claudine JOLY Thibault LEROUX Philippe MAUGUIN Christian HUYGHE Christian HUYGHE 19 octobre 2020 DRAAF Hauts de France 23 octobre 2020 23 septembre Pôle protection intégrées des cultures et 2020 cheffe de projet contrat de solution, adjointe à la direction scientifique Pole agroenvironnement DEPHY ExpéEssonne Président référent 16 octobre Directeur entreprise et conseil 2020 Représentante de FNE au COS Écophyto Chargé de mission agriculture et santéenvironnement Président directeur général Directeur scientifique agriculture Directeur scientifique agriculture de l'INRAE Chercheur (économiste), ancien directeur scientifique agriculture jusqu'en 2016 Conseillère référendaire Rapporteur du rapport Conseiller maître Contre rapporteur PDG DGD Directrice du développement rural et de la pêche Directeur financier, juridique Adjoint directeur financier, juridique Chef de service agence comptable 12 octobre 2020 17 novembre 2020 21 octobre 2020 22 décembre 2020 22 octobre 2020 FNE INRAE INRAE INRAE Cour des comptes Hervé GUYOMARD Nathalie REULAND Jacques BASSET Stéphane LE MOING François PROJETTI Valérie ISABELLE Thierry Cottin Xavier Chauvin Michel Tourtourol ASP 19 novembre 2020 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 75/208 PUBLIÉ Organismes Prénom Nom Fonction Dates des rendez-vous 26 novembre 2020 FranceAgrimer Christine AVELIN Bruno HERAULT MAAF SG/SSP centre d'études et de Vincent HEBRAIL prospective CEP Estelle MIDLER Directrice générale Service de la statistique et de la prospective, Centre d'études et de prospective(CEP), sous-directeur 5 novembre CEP, Bureau de l'évaluation et de l'analyse 2020 Economique, chef de bureau CEP, chargée de mission Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 76/208 PUBLIÉ Dès 2006, la France se dote d'un « Plan interministériel de réduction des risques liés aux pesticides en 5 axes ». En 2008, sur la base du rapport de Guy Paillotin1, la France adopte le plan Écophyto 2018. Dans le mouvement du Grenelle de l'environnement, le gouvernement d'alors reprend une proposition des organisations non gouvernementales et fixe l'objectif quantitatif de réduction de 50 % de leur usage, si possible, en 20182. Le plan Écophyto 2018 constitue par la même occasion et par anticipation la réponse française à la directive 2009/128/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 instaurant un cadre d'action communautaire pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable. Devant la faiblesse des résultats documentés dans le rapport de Dominique Potier, député de Meurtheet-Moselle, en 2014, le gouvernement donne en 2015 une nouvelle impulsion et remanie le plan qui devient Écophyto 2. L'objectif de -50 % est maintenu bien que repoussé en 2025 avec un objectif intermédiaire de -25 % à horizon 2020. En 2018, le plan évolue encore une fois. Il intègre les mesures du « plan d'action sur les produits phytopharmaceutiques (PPP) et une agriculture moins dépendante aux pesticides » qui comporte notamment les mesures supplémentaires d'accompagnement des agriculteurs, ainsi que l'objectif de « sortir du glyphosate » et prend le nom d'Écophyto 2+. Le mot pesticides est communément utilisé pour désigner les produits phytosanitaires utilisés par les agriculteurs. En réalité, les pesticides recouvrent un domaine plus large que les PPP. Ils incluent également les biocides 3 (désinfectants, produits de protection et de lutte contre les nuisibles) et certains médicaments vétérinaires ou humains (utilisés pour lutter contre des mycoses ou des parasitoses externes). Les substances actives utilisées peuvent être les mêmes, mais l'objectif de l'action est différent. Ils relèvent de réglementations communautaires différentes4. Chantier 15 « agriculture écologique et productive » Rapport final du Président du Comité opérationnel « Écophyto 2018 », Guy Paillotin, 2008. 1 L'engagement n°129 prévoit l'« objectif de réduction de moitié des usages des pesticides en accélérant la diffusion des méthodes alternatives et sous réserve de leur mise au point » 2 Substance ou mélange destiné à détruire, repousser ou rendre inoffensifs les organismes nuisibles, à en prévenir l'action ou à les combattre de toute autre manière par une action autre qu'une simple action physique ou mécanique, (Règlement (UE) no 528/2012 du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2012 concernant la mise à disposition sur le marché et l'utilisation des produits biocides. 3 Règlement européen 528/2012 relatif à la mise à disposition sur le marché et à l'utilisation des produits biocides ; Règlement (CE) n° 726/2004 du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 établissant des procédures communautaires pour l'autorisation et la surveillance en ce qui concerne les médicaments à usage humain et à usage vétérinaire, et instituant une agence européenne des médicaments 4 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 77/208 PUBLIÉ La réglementation communautaire 5 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques définit les PPP : Les produits phytopharmaceutiques (PPP) sont des produits composés de substances actives, phytoprotecteurs ou synergistes, destinés à l'un des usages suivant : a) protéger les végétaux ou les produits végétaux contre tous les organismes nuisibles ou prévenir l'action de ceux-ci, sauf si ces produits sont censés être utilisés principalement pour des raisons d'hygiène plutôt que pour la protection des végétaux ou des produits végétaux ; b) exercer une action sur les processus vitaux des végétaux, telles les substances, autres que les substances nutritives, exerçant une action sur leur croissance ; c) assurer la conservation des produits végétaux, pour autant que ces substances ou produits ne fassent pas l'objet de dispositions communautaires particulières concernant les agents conservateurs ; d) détruire les végétaux ou les parties de végétaux indésirables, à l'exception des algues à moins que les produits ne soient appliqués sur le sol ou l'eau pour protéger les végétaux ; e) freiner ou prévenir une croissance indésirable des végétaux, à l'exception des algues à moins que les produits ne soient appliqués sur le sol ou l'eau pour protéger les végétaux. Les PPP sont autorisés dès lors qu'une évaluation des risques montre qu'il n'existe aucun effet nocif immédiat ou différé sur la santé de l'être humain ou de l'animal et aucun effet inacceptable sur l'environnement. Les PPP sont usuellement classés selon leurs cibles. Les 5 familles principales sont les herbicides pour lutter contre les adventices, les fongicides contre les champignons et moisissures indésirables, les insecticides contre les insectes ravageurs, les acaricides contre les acariens phytophages et les rodenticides contre les rongeurs ennemis des cultures : leurs modes d'action sont divers mais tous visent à tuer ou à inhiber a minima l'organisme visé. Certains PPP sont sélectifs, n'atteignent qu'une cible particulière de manière précise. À l'opposé, des produits dont les modalités d'action touchent de façon très large les organismes nuisibles sont des PPP totaux (c'est aujourd'hui essentiellement des herbicides) ; les produits sont dits systémiques lorsqu'ils sont capables, après pénétration dans la plante, de migrer à l'intérieur de celle-ci. Les PPP de synthèse ou chimiques sont fréquemment opposés aux PPP « naturels ». Ces deux termes n'ont pas de définition légale dans la réglementation européenne ou française. Cette dichotomie est trompeuse. Par exemple, les spécialités à base de cuivre (substance existant dans la nature) ne sont pas des PPP « naturels » car ils sont issus de la synthèse chimique. En revanche, il existe des définitions réglementaires pour : les PPP de biocontrôle, qui sont un segment particulier de PPP défini par une réglementation française6 et dont la spécificité est liée à leur caractère naturel ou leur mode d'action reposant Règlement No1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/CEE et 91/414/CEE du Conseil 5 6Les agents de biocontrôle regroupent des macro-organismes et des produits phytopharmaceutiques comprenant des micro-organismes, des médiateurs chimiques comme les phéromones et les kairomones et des substances naturelles d'origine végétale, animale ou minérale. Leur spécificité est liée à leur caractère naturel ou leur mode d'action reposant sur des mécanismes naturels. Les produits phytopharmaceutiques de biocontrôle sont, comme les autres produits phytopharmaceutiques, autorisés à l'issue d'une évaluation complète des risques pour la santé humaine, la santé animale et l'environnement et conforme aux exigences européennes. Ils figurent sur la liste établie par le ministère chargé de l'agriculture au titre des articles L.253-5 et L.253-7 du code rural et de la pêche maritime. (https://agriculture.gouv.fr/quest-ce-que-le-biocontrole). Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 78/208 PUBLIÉ sur des mécanismes naturels (ces substances naturelles peuvent être par exemple de l'acide pélargonique (herbicide), de l'huile de paraffine (insecticide et acaricide), des pyréthrines (insecticides), du soufre (fongicide), du sulfate de fer (destruction de mousses). En revanche, le sulfate de cuivre n'est pas classé dans la catégorie des substances naturelles, puisqu'il est issu de la chimie minérale), les PPP à faible risque composés avec des substances actives définies au niveau européen dans le R1107/2009 comme étant à faible risque (24 substances sont approuvées au 4/02/21 dont le phosphate ferrique). L'agriculture biologique (AB) peut avoir recours à des PPP mais uniquement si les substances actives sont autorisées dans le règlement européen relatif à la production biologique R889/2008 7 . Par ailleurs, tous les PPP utilisables en AB ne sont pas des produits de biocontrôle. C'est notamment le cas des produits à base de cuivre8. Cette substance figure d'ailleurs sur la liste européenne des substances candidates à la substitution9 car son usage répété sur les cultures conduit à une accumulation parfois excessive dans les sols, a des incidences sur les organismes aquatiques et aussi sur la composition des plantes10. L'agriculture biologique a aussi recours à des substances de base 11 qui peuvent notamment être utilisées comme insecticides, ou fongicides. Ces substances de base ne sont pas classées comme des PPP, tout en relevant de la réglementation communautaire. Une partie de ces PPP se retrouvent dans l'environnement (air, sol, eaux souterraines et de surface), en plus ou moins grandes quantités, avec des durées de vie très variables. « La part des produits phytopharmaceutiques appliqués n'atteignant pas leur cible, donc directement transférée dans l'air et/ou le sol, est à la fois élevée et extrêmement variable (de 10 à 90 %) selon les stades de la culture et les conditions d'application »12 . Ils peuvent aussi se retrouver dans l'alimentation, mais les denrées ne peuvent, selon la réglementation, être commercialisées que si la quantité de chaque substance active ou famille de substances est inférieure à une limite définie13 à l'échelle de l'UE pour les États membres. Toutefois, l'effet cumulatif n'est pas pris en compte et la recherche d'un éventuel effet cocktail en interactions avec d'autres molécules ne figure pas dans les évaluations préalables à l'autorisation l'approbation des substances, à l'échelle européenne, ou à la mise sur le marché des produits, à l'échelle nationale. Les impacts non désirés des pesticides dans leur ensemble (les PPP, les biocides et des médicaments vétérinaires) sont de mieux en mieux décrits et documentés : 7 Sur la santé humaine : des études scientifiques ont commencé à évoquer dans les années 1970, Règlement (CE) N° 889/2008 du 5 septembre 2008 portant modalités d'application du règlement (CE) no 834/2007 du Conseil relatif à la production biologique et à l'étiquetage des produits biologiques en ce qui concerne la production biologique, l'étiquetage et les contrôles (annexe II) 8 9 3 % des quantités de PPP vendus en France. Le cuivre (Cu) est un PPP majeur pour l'agriculture biologique Le terme "substitution" signifie remplacer les produits chimiques dangereux par des alternatives plus sûres. https://www.reach.lu/fr/substitution/ Peut-on se passer du cuivre en protection des cultures biologiques, expertise collective, INRAE, janvier 2018 L'article 23 du règlement (CE) n°1107/2009 définit les substances de base comme étant une substance qui : · n'est pas une substance préoccupante ; et · qui n'est pas intrinsèquement capable de provoquer des effets perturbateurs sur le système endocrinien, des effets neurotoxiques ou des effets immunotoxiques; et · dont la destination principale n'est pas d'être utilisée à des fins phytosanitaires, mais qui est néanmoins utile dans la protection phytosanitaire, soit directement, soit dans un produit constitué par la substance et un simple diluant; et · n'est pas mise sur le marché en tant que produit phytopharmaceutique. 10 11 Pesticides, agriculture et environnement. Réduire l'utilisation des pesticides et limiter leurs impacts environnementaux. Expertise scientifique collective, synthèse du rapport, Inra et Cemagref », Aubertot JN et al, 2005. 12 Le taux de non-conformité à la règlementation européenne s'élève à 2,3 % (pour les plans dit « de surveillance, représentatifs du marché). Le taux de non-conformité des produits soumis à contrôles renforcés à l'importation s'élève à 9,3 %. Source : https://www.economie.gouv.fr/dgccrf/controle-des-residus-pesticides-dans-denrees-vegetales-en2017 13 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 79/208 PUBLIÉ l'implication des pesticides dans la survenue de certaines maladies. Depuis, les connaissances se précisent : en 2013, l'INSERM a publié une expertise collective14 sur les pesticides dans laquelle elle met en évidence une augmentation du risque de survenue de certains cancers en lien avec les pesticides. Un certain nombre de pathologies sont alors reconnues comme maladies professionnelles15. Un fonds d'indemnisation des victimes de pesticides complète la prise en charge des réparations des dommages subis par les agriculteurs et leur famille16 ; en 2020, les scientifiques qui suivent la cohorte AGRICAN17 ont documenté l'augmentation de risques de survenue de certains cancers dans la population agricole associée à un grand nombre d'activités telles que l'application d'antiparasitaires aux animaux de rente (médicaments vétérinaires), l'enrobage des semences et la pulvérisation de PPP, ou encore la désinfection des bâtiments d'élevage (par des biocides)18 ; les substances classées comme cancérogènes probables sont retirées de la liste européenne des substances autorisées au fur et à mesure de leur réévaluation. Sur la biodiversité : la population mondiale d'insectes décroit de façon massive19 : 49,7% des disparitions seraient dues à la destruction des habitats par l'agriculture intensive, la déforestation (toujours pour l'agriculture) et l'urbanisation ; 25,8 % seraient dues à la pollution et en particulier les pesticides agricoles20. Le cas des néonicotinoïdes, substances insecticides systémiques très puissantes et largement utilisées est emblématique. Dès 1990, des inquiétudes se sont exprimées dans plusieurs pays d'Europe quant à leur possible impact, mais il revient à Mickael Henry, chercheur à l'INRAE d'Avignon, d'avoir mis en évidence la responsabilité des néonicotinoïdes dans la mortalité des abeilles, en identifiant le mécanisme de perturbation de leur sens de l'orientation 21. L'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) et l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) ont rendu de nombreux rapports et avis conduisant à une restriction massive de leur usage. L'impact sur les insectes est d'autant plus préoccupant qu'en Europe, 84% des espèces cultivées et 78% des espèces végétales sauvages dépendent, au moins en partie, des animaux pollinisateurs. Près de 15 milliards d'euros de la production agricole annuelle sont directement attribuables aux insectes pollinisateurs22. 14 15 Pesticides, effets sur la santé, Esco INSERM 2013 Plusieurs types de lymphomes sont considérés depuis 2015 comme maladies professionnelles pour les travailleurs au contact des pesticides et peuvent ainsi conduire à l'indemnisation des malades. Plus récemment le lien entre l'usage des pesticides par les agriculteurs et la survenue de cancers est reconnu à travers la mise en place d'un fonds d'indemnisation des victimes professionnelles des pesticides. Il vise à indemniser plus équitablement les exploitants agricoles, à indemniser, au titre de la solidarité nationale les exploitants agricoles retraités d'avant 2002 et les enfants exposés pendant la période prénatale du fait de l'activité professionnelle de leurs parents, qui n'étaient jusqu'ici pas éligibles aux réparations des régimes accidents du travail maladies professionnelles. Le fonds d'indemnisation a été créé par l'article 70 de la Loi de financement de la Sécurité sociale pour 2020. Sa mise en place répond à une volonté de garantir la réparation forfaitaire des dommages subis par l'ensemble des personnes concernées dont la maladie est liée à une exposition professionnelle aux pesticides. Son fonctionnement, son organisation et les modalités d'indemnisation des victimes de pesticides sont définis par le Décret N°2020-1463 du 27 novembre 2020 publié le 29 novembre 2020 16 17 18 19 http://www.inma.fr/wp-content/uploads/2020/01/AGRICAN_7fevrier2020.pdf Les agriculteurs surexposés à certains cancers, Stéphane Foucart, Le monde, 27 novembre 2020 More than 75 percent decline over 27 years in total flying insect biomass in protected areas,Caspar A. Hallmann, Martin Sorg, Eelke Jongejans, Henk Siepel, Nick Hofland, Heinz Schwan, Werner Stenmans, Andreas Müller, Pos one; octobre 2017 20 21 22 Worldwide decline of the entomofauna, Sanchez-Bayo & al., Elsivier, 2019. A Common Pesticide Decreases Foraging Success and Survival in Honey Bees. Article March 2012 Science https://www.europarl.europa.eu/news/fr/press-room/20191212IPR68921/reduire-l-utilisation-des-pesticidespour-sauver-les-abeilles Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 80/208 PUBLIÉ Vu la multiplicité des substances et de leurs dérivés, la complexité de leurs réactions potentielles et celle des interactions éventuelles avec d'autres polluants, les possibilités de rapporter les risques à une substance particulière ou à un groupe de substances s'avèrent, sauf exception, très complexes. Aussi, l'orientation politique s'est efforcée d'en raisonner l'usage et d'interdire les substances et les produits les plus à risques. C'est l'orientation de la réglementation européenne actuelle, la directive 2009/128 qui promeut la « protection intégrée des cultures » » laquelle vise « la prise en considération attentive de toutes les méthodes de protection des plantes disponibles et, par conséquent, l'intégration des mesures appropriées qui découragent le développement des populations d'organismes nuisibles et maintiennent le recours aux produits phytopharmaceutiques et à d'autres types d'interventions à des niveaux justifiés des points de vue économique et environnemental, et réduisent ou limitent au maximum les risques pour la santé humaine et l'environnement ». Figure 1: Principe de la protection intégrée des cultures : les agriculteurs 10: Principe de la protection intégrée des cultures : les agriculteurs n'utilisent des PPP chimiques que si cela s'avère nécessaire, après avoir fait le tour des méthodes préventives, physiques, biologiques ou d'autres méthodes non chimiques permettant la régulation des ennemis des cultures Ainsi le principe de la protection intégrée des cultures invite à n'user des PPP qu'en dernier recours. Mais, comme l'indique la Cour des comptes de l'UE (2020) « Bien que la Commission et les États membres encouragent la lutte intégrée contre les ennemis des cultures, celle-ci reste peu appliquée ». La chimie minérale s'est développée au XIXe siècle, fournissant de nombreux pesticides à base de sels de cuivre pour lutter contre les invasions fongiques de la vigne et de la pomme de terre. L'essor des PPP est lié au développement de la chimie organique de synthèse à partir des années 1930. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 81/208 PUBLIÉ Associé aux progrès mécaniques, à l'apport d'engrais issus de la chimie, à l'irrigation, ces PPP ont permis d'accroître fortement les rendements et ainsi de sécuriser l'approvisionnement alimentaire. Outre leur bénéfice sur les rendements, ils contribuent à la qualité sanitaire des produits en évitant leur contamination par des graines toxiques (ex. : datura) ou des mycotoxines (ex. : ergot de seigle). Leur usage s'est fortement développé pour aboutir à 76 701 tonnes en moyenne triennale 2018 en France. Figure 2: Évolution des ventes de substances actives par type d'usage. Source Dat lab, avril 2019 Au niveau européen, la France figure au premier rang pour la vente des PPP avec 84 970 tonnes 23 et le 6e si on rapporte cette consommation à la surface agricole utile (SAU), derrière l'Italie, mais avant l'Allemagne et l'Espagne : 23 Il s'agit là de la quantité vendue en 2018 et non de la moyenne triennale vue précédemment (76701 tonnes) Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 82/208 PUBLIÉ PPP SAU PPP/ SAU PPP (tonnes vendues) SAU PPP/ SAU (en (tonnes milliers ( t/1 000ha) vendues) d'ha ) (en milliers ( t/1 000ha) d'ha ) 3 523 1 920 1 486 2 633 5 030 5 288 17 357 13 414 1 938 2 947 985 3 000 4 516 132 1,47 1,3 1,14 1,01 1 0,92 0,89 0,83 0,82 0,7 0,65 0,62 0,59 0,48 Chypre Malte Pays-Bas Belgique Italie France Allemagne Espagne Slovénie Portugal Finlande Autriche Hongrie Pologne 1 184 90 9 383 6 635 132 12 1 822 1 356 8,94 7,77 5,15 4,89 4,19 2,93 2,7 2,53 2,45 2,24 2,16 1,99 1,6 1,59 54 039 12 909 84 970 29 020 44 923 16 645 61 343 24 202 1 171 8 057 4 902 5 280 8 535 478 3 591 2 272 2 654 5 344 23 157 14 540 Tchéquie Slovaquie Croatie Danemark Bulgarie Grèce Royaume-Uni Roumanie Lettonie Lituanie Estonie Suède Irlande Luxembourg 5 178 2 490 1 698 2 646 5 044 4 860 15 516 11 108 1 587 2 049 636 1 871 2 651 63 Tableau 3 : Tonnages de PPP dans l'UE en 2018 (source : Eurostat) Le classement 2018 ne préjuge en rien du classement 2019 car les quantités vendues en France ont fortement diminuées (les statistiques européennes pour 2019 sont encore incomplètes). Le recours toujours plus massif à ces produits bon marché en regard du gain de productivité et de leur efficacité certaine, a conduit les agriculteurs, dans le contexte de la PAC, à systématiser leur utilisation comme assurance de rendement. Cela s'est fait au détriment de pratiques agronomiques plus respectueuses de l'environnement et de la biodiversité, avec pour conséquence l'apparition de résistances et une dégradation de l'environnement comme en témoigne la pollution des eaux par les pesticides. Il faut reconnaître que les alternatives aux PPP ne présentent pas aujourd'hui les mêmes ratios coûts/avantages. Elles supposent une combinaison de différentes techniques à visée prophylactique (usage de variétés résistantes, pratiques agronomiques, utilisation d'auxiliaires de culture) et à visée curative (lutte mécanique, biocontrôle et plantes de service), qui doivent être adaptées à chaque situation particulière. Le résultat est plus aléatoire que l'usage d'un PPP. Le coût de mise en oeuvre est généralement plus élevé. C'est par exemple le cas du glyphosate, herbicide total et systémique, dont la facilité d'usage et son coût très compétitif (environ 7 à l'hectare) l'ont hissé au premier rang des herbicides dans le monde et en France (8 831 tonnes vendues en 2017). Dans le cadre du plan de sortie du glyphosate, l'INRAE a étudié les conséquences de sa suppression. En conclusion de leur étude sur les grandes cultures, les auteurs indiquent « Dans la grande majorité des situations, nous avons pu calculer un surcoût en comparant chaque parcelle avec une parcelle sans glyphosate. Dans le scénario de référence, les surcoûts obtenus varient proches de 80 /ha pour les situations en semis direct à 6,5/ha pour les situations en labour fréquent. On identifie des cas de parcelles en semis direct (en général appartenant à de grandes exploitations sur sols superficiels et/ou caillouteux) pour lesquelles on ne trouve pas de parcelles aux caractéristiques semblables qui n'utilisent pas de glyphosate et on identifie des situations difficiles engendrées par un faible nombre de jours disponibles pour intervenir mécaniquement (sols argileux ou hydromorphes). Enfin ce travail, du fait la méthodologie retenue, ne traite pas de la question de la transition entre pratiques et des coûts et difficultés spécifiques de cette transition, et a contrario ne mobilisent pas non plus les éléments de progrès agronomique qui pourront Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 83/208 PUBLIÉ être mis en place (couverts végétaux complexes, agroéquipements) »24. La France s'est donné un objectif quantitatif de réduction de 50% de l'usage des PPP, dans un délai de 10 ans, bien qu'assorti de deux réserves : le « si possible » et la nécessité « de maintenir le revenu des exploitations agricoles ainsi qu'une production agricole élevée, adaptée aux demandes du marché ». En complément du retrait des substances les plus préoccupantes, la réduction du recours aux produits phytopharmaceutiques est considérée comme étant « le moyen le plus efficace pour réduire l'exposition de la population et de l'environnement face à ces produits dangereux » 25. La stratégie de cette politique publique a été assez constante dans le temps. Les axes portent principalement sur les outils de persuasion et de promotion de bonnes pratiques en zone agricole. Le volet réglementaire a été activé en zone non agricole pour y interdire l'usage de PPP autres que de biocontrôle dès 201426 avec effet au 1er janvier 2020 puis modifié pour une application en 2017 et enfin renforcé en janvier 2021 par extension des lieux concernés. Il est aussi activé à travers la réglementation des produits phytosanitaires qui par exemple restreint les conditions d'usages à proximité des lieux abritant des personnes vulnérables, ou en interdit certains. Alternatives au glyphosate en grandes cultures, Evaluation économique, Résumé exécutif, Carpentier A., Fadhuile A., Roignant M., Blanck M., Reboud X., Jacquet F., Huyghe C. 24 L'INRAE a conduit quatre analyses pour étudier l'impact de l'interdiction du glyphosate. Toutes les solutions alternatives à mettre en oeuvre présentent des inconvénients en termes d'efficacité (par exemple : le débit de chantier avec un désherbeur mécanique est moindre que le passage d'un pulvérisateur et donc nécessite plus de travail là où la main d'oeuvre est déjà difficile à trouver), de rentabilité et au final une perte de l'excédent brut d'exploitation (EBE) pour un travail augmenté. Hors agriculture, Réseau ferré de France a chiffré à 110M annuel le coût du basculement du glyphosate vers d'autres produits chimiques. 25 26 Plan Écophyto 2018 Loi n° 2014-110 du 6 février 2014 visant à mieux encadrer l'utilisation des produits phytosanitaires sur le territoire national (loi Labbé) Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 84/208 PUBLIÉ Tableau 2: D'un plan à l'autre continuité des objectifs et des axes Pour ce faire, le programme porte essentiellement sur les mesures suivantes : la sélection des fermes pilotes pour démontrer que les baisses d'usage sont possibles sans perte économique pour l'agriculteur. Elle mise sur le « regard par-dessus la haie » pour que les pratiques identifiées percolent dans l'ensemble de la profession. Le réseau DEPHY voit ainsi le jour ; la mise à disposition de tous les agriculteurs d'un outil d'information objectif sur la santé des productions : le bulletin sanitaire du végétal (BSV). La diffusion d'une situation factuelle sans préconisation de traitement est censée déclencher de bonnes pratiques : ne pas traiter en l'absence de risque avéré, mais en présence d'un risque identifié, déclencher une visite au champ et s'assurer d'un risque réel avant de décider le traitement ; la mobilisation la recherche et la formation, pour identifier, inventer et promouvoir les alternatives les plus efficaces. D'autres actions notamment réglementaires peuvent être mises en oeuvre au titre du plan. Les plans d'action nationaux imposés par la directive 2009/128 doivent fixer des objectifs quantitatifs, des cibles, des mesures, des calendriers et des indicateurs en vue de réduire les risques et les effets de l'utilisation des pesticides sur la santé humaine et l'environnement. Mais l'objectif de réduction de l'usage des PPP n'est pas quantifié globalement par l'UE. « Sur les 15 plans nationaux communiqués à la Commission au 31 mars 2019, 13 pays27 se concentrent sur la réduction des risques, tandis que la France et le Luxembourg se concentrent sur la réduction globale de la consommation comme moyen de réduire les risques » 28. Le Luxembourg a fixé un objectif de réduction de l'utilisation des PPP de 50 % d'ici 2030. Il paraît toutefois difficile de mettre sur le même plan la France et ses 29 M d'ha de surface agricole utile (SAU) et le Luxembourg qui dispose de seulement 132 000 ha et, est déjà le plus faible consommateur de PPP de l'UE et dont le revenu par habitant est le plus élevé de l'UE. Autriche, Belgique, République tchèque, Chypre, Danemark, Finlande, Irlande, Lituanie, Malte, Pologne, Portugal, Slovénie et Espagne 27 Rapport de la Commission au Parlement européen et au Conseil sur l'expérience acquise par les États membres dans la mise en oeuvre des objectifs nationaux fixés dans leurs plans d'action nationaux et sur les progrès réalisés dans la mise en oeuvre de la directive 2009/128/CE sur une utilisation des pesticides compatible, 20 mai 2020. https://ec.europa.eu/food/plant/pesticides/sustainable_use_pesticides_en 28 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 85/208 PUBLIÉ La Cour des comptes européenne constate de son côté des insuffisances dans la fixation des objectifs par les États membres (EM) et par l'UE pour suivre les effets et les risques et mesurer les conséquences des politiques mises en oeuvre « notre examen de 18 plans d'action nationaux révisés a montré que 12 d'entre eux comprennent des objectifs quantitatifs et des cibles concernant des actions concrètes ou la conformité aux règles. Peu d'entre eux (2 sur 18) disposent d'objectifs globaux et quantifiés ou de cibles visant à réduire l'utilisation des PPP ou les risques y relatifs », les 2 indicateurs de risques harmonisés définis après la publication de la directive29, l'un sur les statistiques de vente, l'autre sur les procédures d'autorisation d'urgence dites « dérogations 120 jours » 30 seraient scientifiquement discutables. La Cour estime de toute façon que l'indicateur de risques sur les ventes ne « montre pas dans quelle mesure la directive a permis d'atteindre l'objectif de l'UE en matière d'utilisation durable des PPP ». Son constat peut probablement être étendu à l'indicateur national français (cf. 1.2) construit lui aussi sur les ventes. La Cour recommande de tenir compte pour l'indicateur basé sur les ventes de l'utilisation qui est faite des PPP et pour celui sur les dérogations des surfaces agricoles concernées et des volumes de substances actives. Le 20 mai 2020, dans le cadre de la stratégie « de la ferme à la table », la Commission a déclaré qu'elle « prendra des mesures supplémentaires pour réduire l'utilisation et le risque globaux des pesticides chimiques de 50 % et l'utilisation des pesticides plus dangereux de 50 % d'ici à 2030 ». Des incertitudes demeurent sur cette intention et sa traduction pratique. Cette annonce est une vision à long terme qui couvre toute la chaîne alimentaire et laisse la place aux discussions pour assurer une acceptabilité maximale de toutes les parties. Les objectifs chiffrés ne sont pas gravés dans le marbre et le 50% reste à négocier (ce 50% est d'ailleurs entre crochets dans le tableau ci-dessous. De plus, la réduction de 50% ne semble concerner que les PPP chimiques à risque et les PPP à haut risque, alors que ces 2 notions ne sont actuellement pas définies par les diverses réglementations UE. 29 Directive 30 (UE) 2019/782 de la Commission du 15 mai 2019 modifiant la directive 2009/128/CE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne l'établissement d'indicateurs de risques harmonisés. Le premier est basé sur les quantités de produits phytopharmaceutiques vendues dans chaque État membre, tandis que le second s'appuie sur le nombre d'autorisations d'urgence délivrées au titre de l'article 53 du règlement (CE) nº 1107/2009 par chaque État membre. Les deux indicateurs prévoient une pondération afin de tenir compte des propriétés dangereuses intrinsèques de la substance active. https://agriculture.gouv.fr/reduction-des-pesticides-les-indicateurs-de-risque-harmonises-etablis-au-niveaueuropeen. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 86/208 PUBLIÉ Tableau 4: Extrait de la présentation de Pierre BASCOU, DG AGRI, Commission européenne à l'Académie d'agriculture, le 13 janvier Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 87/208 PUBLIÉ La quantité totale de substances actives (QSA) est un indicateur relativement simple à calculer. Elle est d'ailleurs retenue à l'échelle européenne pour suivre les politiques publiques relatives à l'usage durable des produits phytopharmaceutiques. Elle est calculée à partir des données de ventes enregistrées dans la BNVD1. Les données sur les quantités réellement appliquées sur le terrain sont réglementairement consignées par les agriculteurs dans leur « carnet de plaine », mais ces données privées ne sont pas accessibles pour le pilotage du plan Écophyto sauf à travers des enquêtes de pratiques culturales ponctuelles. Figure 1 : évolution des ventes de substances actives. Source : FB, SDES, 2020 La QSA est disponible sur data.gouv au niveau des départements (ventes) et des communes (achats). Il présente l'inconvénient de ne pas prendre en compte l'effet dose. En effet, pour maîtriser l'oïdium sur vigne par exemple, un producteur peut employer un PPP demandant une dose de plusieurs kilogrammes par hectare, ou bien un autre PPP à quelques grammes par hectare : les produits qui s'utilisent à des doses élevées à l'hectare comme le soufre (pourtant un produit « naturel ») représentent une part importante de la QSA totale. Les produits très efficaces, mais utilisés à dose très La banque nationale des ventes de produits phytopharmaceutiques par les distributeurs agréés est alimentée depuis 2009 par les déclarations des bilans annuels des ventes de produits phytosanitaires (https://bnvd.ineris.fr/). Les données saisies par les distributeurs en quantités de produits vendus sont ainsi transformées en quantités de substances actives grâce à un référentiel de données fournissant la composition de produits. 1 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 88/208 PUBLIÉ faible comme certains insecticides n'influent qu'à la marge. Pour ce motif, la QSA n'est pas l'indicateur principal du plan Écophyto 20182, qui lui a été préféré le nombre de doses unité (NODU) pour éliminer ce biais. Le nombre de doses unité (NODU) est un indicateur complexe. Il fait intervenir en plus de la QSA, les usages des produits PPP et les surfaces potentiellement traitées, à travers une dose unité (DU) exprimée en kg/ha. Il peut être calculé pour différents segments d'utilisation3, mais le NODU qui sert de référence pour le plan Écophyto est le NODU Il est comme la QSA calculé à partir des ventes de PPP, et non de leur usage. Ainsi, le NODU permet de tenir compte des poids très différents entre les substances actives en les exprimant sous la forme d'un nombre d'applications. Le NODU est une grandeur qui s'exprime en hectares. Il correspond au cumul des hectares que les quantités vendues permettent de traiter par une dose unité de substance active. Rapporté à la surface agricole utile, le NODU permet d'apprécier le niveau calculé d'intensité d'utilisation des produits phytopharmaceutiques. Il peut être décliné notamment en fonction de la cible (insecticide, herbicide, fongicide). La note de suivi 2018-2019 publiée en janvier 20204 indique un NODU de 126 millions équivalents ha, soit 6,5 traitements à pleine dose 5 sur l'ensemble de la SAU hors prairie permanente, mais incluant la SAU de l'agriculture biologique. Le respect de l'objectif initial (- 50%) aurait supposé d'atteindre en 2018 un NODU à 44 millions d'ha soit 4,6 traitements pleine dose sur l'ensemble de la SAU. En revanche, il n'existe pas de possibilité de déclinaison de cet indicateur à une échelle plus fine que le niveau national si bien que les agriculteurs volontaires utilisent un autre outil : l'indicateur de fréquence de traitement (IFT). L'IFT comptabilise les quantités de PPP (normalisées à travers leur dose homologuée standard) pour une culture donnée. Il représente le nombre de doses de référence utilisées par hectare au cours d'une campagne culturale. Cet indicateur peut être calculé pour un ensemble de parcelles, une exploitation ou un territoire. Il peut également être décliné par grandes catégories de produits (herbicides ; fongicides ; insecticides et acaricides ; autres produits). Le NODU présente l'avantage de prendre en compte les concentrations des PPP et les doses auxquelles ils peuvent être appliqués sur les cultures (doses homologuées). Le biais lié aux poids relatifs des substances (celles pondéreuses efficaces à fortes doses à l'hectare versus des substances efficaces à des doses très faibles) est ainsi annihilé. Il a l'inconvénient de varier en fonction de l'évolution des paramètres entrant dans son calcul, en 2 Extrait du plan Écophyto : Suivre annuellement l'usage des pesticides sur l'ensemble des surfaces cultivées L'efficacité des actions mises en place pour atteindre l'objectif de diminution de moitié de l'utilisation des pesticides peut être mesurée grâce à l'évaluation de leur pression quantitative, mesurée grâce aux données recueillies conformément au point 1,1, éventuellement lissées selon une méthode définie en associant les parties prenantes. Une batterie d'indicateurs de pression sera donc définie, et l'indicateur de référence, le NODU, permettra de montrer aux citoyens l'effort accompli. · usages agricoles classiques ou foliaires, hors produits de traitement de semences et hors produits de biocontrôle : contient tous les produits ayant uniquement des usages autorisés agricoles (comprend également les usages pour le traitement post récolte en vue de leur conservation). 3 · usages non agricoles amateurs : contient tous les produits comportant la mention « emploi autorisé dans les jardins » · usages non agricoles professionnels : contient tous les produits n'ayant que des usages autorisés non agricoles et ne comportant pas la mention « emploi autorisé dans les jardins » 4 5 https://agriculture.gouv.fr/le-plan-Écophyto -qu'est-ce-que-c'est Les 126 M d'ha sont rapportés à 19,6 M d'ha de SAU hors prairies permanentes (Pour 2008, les 88,9 M d'ha de NODU sont rapportés à 19,4 M d'ha de SAU hors prairies permanentes). Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 89/208 PUBLIÉ particulier, les quantités utilisées lesquelles sont fonction de la pression parasitaire de l'année et des surfaces traitées qui varient selon l'assolement6. On peut aussi s'interroger sur les conséquences du retrait de molécules les plus préoccupantes (CMR1 et CMR2) qui pourraient conduire paradoxalement à augmenter le NODU du fait de la multiplication des traitements de substitution. Les Doses unités ne sont pas calculées pour les produits d'enrobage de semences (tel que les néonicotinoïdes) si bien que le NODU agricole ne comporte pas ces produits. Les produits de biocontrôle7 sont suivis à travers la QSA des PPP de biocontrôle vendue et déclarée8, le soufre représentant 66% du total. A contrario, les produits utilisables en AB qui n'entrent pas dans la catégorie de biocontrôle sont pris en compte dans le NODU. C'est le cas du cuivre. La QSA ne peut donc traduire une amélioration de la protection de l'environnement ou de la santé puisque sa construction ne comporte pas de pondération entre les PPP au regard du risque pour la santé humaine (profil toxicologique) et pour l'environnement (profil écotoxicologique). Le NODU corrige partiellement ce défaut à travers les DU (basées sur les doses homologuées déterminées pour minimiser les risques) mais insuffisamment. Le Danemark a introduit dans son propre indicateur trois sous-indicateurs pour la santé humaine, l'écotoxicologie et le devenir dans l'environnement qui permettent de mieux prendre en considération les risques réels des PPP9. Usage des pesticides en agriculture : effets des changements d'usage des sols sur les variations de l'indicateur NODU, NESE n° 39, Avril 2015, Nicolas Urruty, Jean Boiffin, Hervé Guyomard, Tanguy Deveaud 6 Les agents de biocontrôle regroupent des macro-organismes et des produits phytopharmaceutiques comprenant des micro-organismes, des médiateurs chimiques comme les phéromones et les kairomones et des substances naturelles d'origine végétale, animale ou minérale. Leur spécificité est liée à leur caractère naturel ou leur mode d'action reposant sur des mécanismes naturels. Les produits phytopharmaceutiques de biocontrôle sont, comme les autres produits phytopharmaceutiques, autorisés à l'issue d'une évaluation complète des risques pour la santé humaine, la santé animale et l'environnement et conforme aux exigences européennes. Ils figurent sur la liste établie par le ministère chargé de l'agriculture au titre des articles L.253-5 et L.253-7 du code rural et de la pêche maritime. (https://agriculture.gouv.fr/quest-ce-que-le-biocontrole 7 8 9 Ces substances non soumises à la redevance des pollutions diffuses pourraient être sous déclarées par les vendeurs ¨Pesticide Load--A new Danish pesticide risk indicator with multiple applications. Kudsk, P., Jørgensen, L.N., Ørum, J.E., 2018. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 90/208 PUBLIÉ Le NODU agricole évolue tendanciellement à la hausse (+20% entre 2009 et 2017). Il a particulièrement cru en 2018 en lien avec les augmentations d'achats anticipant la hausse significative de la redevance sur les pollutions diffuses qui affecte ces produits en 2019. Figure 2 : Evolution du NODU agricole. Source note de suivi 2018-2019 Le NODU 2019 n'est pas encore publié, mais s'il suit les évolutions des QSA annoncées10, il devrait baisser. La figure 3 montre l'écart important entre le NODU agricole constaté et les objectifs même réévalués des plans Écophyto. 10 https://agriculture.gouv.fr/en-2019-baisse-sensible-des-ventes-des-produits-phytosanitaires Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 91/208 PUBLIÉ Figure 3 : Évolution du NODU agricole (Source : origine des données MAA, d'après la BNVD) Par ailleurs, la disponibilité tardive de cet indicateur (le NODU 2019 n'était pas connu de la mission en mars 2021) nuit à l'ajustement des politiques mises en oeuvre. L'évolution du NODU agricole répond à de multiples facteurs, si bien qu'elle ne suffit pas à traduire les effets d'une politique publique, sauf exception comme vu ci-dessus avec l'anticipation de l'augmentation de la redevance. Ainsi, des résultats positifs en matière de réduction des risques ne sont pas toujours perçus par l'opinion publique comme des avancées du plan : la suppression régulière des molécules les plus dangereuses soit à la suite du nonrenouvellement par l'Europe de la substance active soit par décision française (cf.1.3.1) réduit concrètement le risque ; la suppression d'usage et de vente, par voie réglementaire, des PPP hors les PPP de biocontrôle pour les jardiniers amateurs au 1er janvier 2019 après les restrictions imposées aux professionnels au 1er janvier 201711, a permis de réduire le NODU de ce segment de manière drastique, montrant à cette occasion l'efficacité 12 de la voie réglementaire, quand elle est La loi Labbé modifiée interdit à partir du 01/01/2017 aux personnes publiques d'utiliser/faire utiliser des produits phytosanitaires pour l'entretien des espaces verts, forêts, promenades et voiries (sauf pour des raisons de sécurité...) accessibles ou ouverts au public. Au 1er janvier 2019, l'interdiction s'étend aux particuliers qui ne peuvent plus utiliser ou détenir de produits phytosanitaires sauf ceux de biocontrôle, à faibles risques et autorisés sont interdits à la vente. L'arrêté du 15 janvier 2021 relatif aux mesures de protection des personnes lors de l'utilisation de produits phytopharmaceutiques dans les propriétés privées, les lieux fréquentés par le public et dans les lieux à usage collectif et modifiant l'arrêté du 4 mai 2017 relatif à la mise sur le marché et à l'utilisation des produits phytopharmaceutiques et de leurs adjuvants visés à l'article L. 253-1 du code rural et de la pêche maritime, est venu compléter ces interdictions 11 L'efficacité est appréhendée à travers la baisse de l'indicateur choisi : celui des PPP vendus. La source d'approvisionnement étant tarie, l'absence effective d'utilisation devrait suivre mais le risque d'usage des stocks audelà de la date d'interdiction demeure. 12 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 92/208 PUBLIÉ possible ; Figure 4 : Évolution du NODU en zone non agricole (source: Écophyto note de suivi 2018-2019, janvier 2020) le développement de l'agriculture biologique (AB)13 : Le nombre d'exploitations engagées en agriculture biologique a augmenté de 13% entre 2017 et 2018 pour atteindre 41 600 exploitations fin 2018 et 8,5% de la SAU. Ces surfaces recevant un minimum de PPP, et lorsque nécessaire seulement ceux autorisés en AB contribuent massivement à la réduction du risque (exception faite des conséquences de l'usage des PPP à base de cuivre), ce qui justifie leur soutien financier par Écophyto. 2004 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 Nombre d'opérateurs ayant une activité certifiée de production Surfaces en mode de production biologique (ha) 11 070 25 468 26 465 28 884 32 266 36 691 41 623 47 196 534 086 1 069 883 1 117 980 1 314 164 1 540 128 1 746 486 1 981 853 2 241 345 Pa rt des s urfa ces en mode de production bi o da ns l a SAU Pa rt des expl oi tations bi o da ns l 'ens embl e des expl oi tations a gri col es 1,94% 3,96% 4,14% 4,88% 5,70% 6,46% 7,34% 8,31% 1,78% 5,34% 5,79% 6,33% 7,09% 8,06% 9,14% 10,36% Tableau 1 : Évolution des exploitations et surfaces en AB. Source : Agence BIO / OC, Agreste 2019 13 la progression importante des produits de biocontrôle (+20% entre 2017 et 2018) témoigne L'agriculture biologique fait partie des méthodes de lutte contre les ennemis des cultures à faible apport en pesticides prônées par la Directive Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 93/208 PUBLIÉ d'une utilisation qui s'intensifie. La mise à disposition d'une offre qui se développe grâce à un fort engagement de l'État matérialisé avec la publication d'une stratégie nationale de déploiement en novembre 202014. Cet engagement est reconnu par les professionnels :« Avec les Pays-Bas, la France est le pays qui recourt le plus aux produits de biocontrôle »15 ;, La France est aussi engagée pour faire évoluer le règlement 1107/2009 visant une meilleure sécurité sanitaire, et soutenir le développement de solutions alternatives en particulier celui des substances de base16. Autant d'avancées qui pâtissent de l'évolution défavorable du NODU alors qu'elles portent en elles une réelle diminution de l'impact des PPP sur la santé et l'environnement. Le site gouvernemental https://agriculture.gouv.fr/ecophyto (tout comme le site ECOPHYTO PIC, centre de ressources sur la Protection Intégrée des Cultures, pourtant subventionné par le programme Écophyto) fournit un certain nombre d'informations sur le plan, mais les indicateurs disponibles ayant un rapport avec la réduction des PPP ne sont pas mis en valeur voire même peu accessibles. Quatre notes de suivi du plan de 30 à 50 pages rendent compte de la politique Écophyto entre 2016 et 2020 17 , mais les actions présentées sont dénuées d'indicateurs de suivi, et celles financées par le programme ne disposent ni d'indicateurs d'objectifs ni d'indicateurs d'impact18. À titre d'exemple, dans l'annexe du rapport interministériel sur l'utilisation des produits phytopharmaceutiques de 2017 19 , il était suggéré d'actualiser l'indicateur de risque de santé et sécurité au travail (ISST)20 au motif que « des substances non incluses dans « le Top 15 » de 2011, ont pu voir leur tonnage de vente fortement augmenter, par effet de substitution à une substance retirée, et avoir ainsi un indicateur ISST fortement augmenté ». Cet indicateur ne semble pas avoir été mis à jour. Ainsi, malgré les efforts déployés lors du premier plan, Écophyto n'est toujours pas doté d'indicateurs d'impacts qui prendraient en compte la santé des agriculteurs et des personnes exposées aux PPP, les effets sur la biodiversité (et plus particulièrement les insectes et les oiseaux) ou la qualité de l'eau. 14 15 Stratégie nationale de déploiement du biocontrôle, novembre 2020 https://www.usinenouvelle.com/article/la-france-en-pointe-sur-le-biocontrole-une-solution-qui-monte-poursortir-des-pesticides.N1000869 16 Note des autorités françaises à la présidence du Conseil de l'Union européenne : projet de conclusions du Conseil sur le rapport de la Commission au Parlement européen et au Conseil sur l'évaluation du règlement (CE) n°1107/2009 sur la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et du règlement (CE) n° 396/2005 concernant les teneurs maximales en résidus de pesticides, 13 octobre 2020 ; Note des autorités françaises à la Commission européenne : Encadrement réglementaire des substances de base du 25 novembre 2020. 17 https://agriculture.gouv.fr/le-plan-Écophyto-quest-ce-que-cest 18 D'autres 19 20 risques inhérents à un moindre recours aux PPP devraient aussi être pris en compte dans un souci de cohérence, telle que l'augmentation du risque lié aux mycotoxines lorsque l'on réduit l'usage des PPP Rapport CGAAER/IGAS/CGEDD Utilisation des produits phytopharmaceutiques, décembre 2017 Cet indicateur élaboré par l'ANSES vise à permettre de suivre dans le temps et de façon globale l'évolution de l'impact de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques sur la santé des travailleurs Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 94/208 PUBLIÉ Progressivement le plan a été doté d'une boîte à outils assez complète, voire complexe, mais le bilan de la mise en oeuvre des actions réalisées montre qu'aucune des actions n'a constitué le levier espéré de massification des bonnes pratiques en zone agricole. La réglementation sur les produits : des marges de manoeuvre limitées du fait de la réglementation européenne sur les substances actives Le règlement 1107/2009 1en précise les modalités d'évaluation et d'autorisation. Les États membres ont la responsabilité des autorisations et retraits de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques contenant ces substances. L'autorisation des produits phytopharmaceutiques se fait après qu'une évaluation scientifique a montré que leur utilisation n'a aucun effet nocif sur la santé humaine ou animale ni aucun effet inacceptable sur l'environnement. Celleci prend en compte la connaissance des substances actives, les conditions d'application et les conséquences sur la santé et l'environnement et l'efficacité des produits pour les usages proposés par le demandeur de l'autorisation de mise sur le marché (AMM). Ces règles d'autorisation sont définies par des lignes directrices fixées au niveau européen. Toutefois, l'effet cumulatif de l'usage de nombreuses substances n'est pas encore pris en compte dans les évaluations. Chaque État membre garde la capacité d'appliquer des conditions plus restrictives liées aux conditions techniques, pédologiques ou climatiques. Ils délivrent les autorisations de mise sur le marché (AMM) des PPP contenant une ou plusieurs substances autorisées. Cette réglementation laisse peu de marges de manoeuvre aux États membres pour interdire sur leur territoire des produits contenant des substances autorisées 2 . Il faut démontrer qu'il existe des solutions alternatives satisfaisant à des conditions cumulatives très exigeantes, prévues par l'article 50 du règlement, pour pouvoir les interdire. Le cas récent du glyphosate démontre toute la complexité du processus à mettre en oeuvre3. La réglementation européenne restreint de plus en plus le nombre de substances actives approuvées et la réglementation nationale les produits autorisés, qui sont en nette diminution : respectivement 24% et -46% depuis 2008. Ils ont été retirés car ne répondant plus à un ou plusieurs des critères requis précisés à l'article 4 du règlement n° 1107/2009. En 2018 et 2019, 38 substances ont été retirées4. Règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/CEE et 91/414/CEE du Conseil. 1 2 Rapport CGAAER/IGAS/CGEDD Utilisation des produits phytopharmaceutiques, décembre 2017. 3https://www.anses.fr/fr/content/glyphosate-l%E2%80%99anses-publie-les-r%C3%A9sultats-de- son-%C3%A9valuation-comparative-avec-les-alternatives. 4 Note de suivi Écophyto 208 2019 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 95/208 PUBLIÉ Figure 1 : Évolution du nombre de substances actives et de produits autorisés en France entre 2008 et 2019. Source : ANSES La part des substances « cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction » (les CMR1 (caractère avéré ou présumé) et les CMR2 (caractère suspecté) sont en diminution : Figure 2 : part des substances « cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction » dans le NODU usage agricole. Source : note de suivi Écophyto 2018-2019 La formation et l'information des professionnels ont été dès le départ un axe clé du plan. Des actions majeures ont été mises en place pour former à la réduction et sécuriser l'usage des PPP : Initié avec le premier plan, le dispositif Certiphyto, certification individuelle obligatoire, depuis l'applicateur au distributeur, pour pouvoir acheter ou vendre des PPP, est maintenant mature. La formation initiale de 14 h pour les agriculteurs avec un contenu adapté et sans cesse renouvelé aborde les questions réglementaires, la santé, les alternatives aux produits phytopharmaceutiques. La délivrance du premier certificat est basée sur un QCM avec des questions aléatoires issues d'une base de données très riche. Après 10 ans, les agriculteurs détenteurs des premiers certificats renouvellent leur formation sur une base de 7 h, mais sans QCM5. L'évaluation réelle des connaissances est probablement moins bien appréhendée. En 5 Moins de la moitié des agriculteurs initiaux demandent ce renouvellement. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 96/208 PUBLIÉ tout cas, leur bonne application terrain peut être interrogée lorsque l'on regarde les résultats des contrôles ; A partir du 1er janvier 2020, un conseil stratégique à l'utilisation de PPP, individualisé qui doit orienter au mieux l'agriculteur pour réduire sa consommation de produits phytopharmaceutiques : tout professionnel devra être en mesure de justifier de la délivrance de deux conseils par période de 5 ans. Ce dispositif justifie la séparation capitalistique entre vente/ conseil 6 pour prévenir tout risque de conflit d'intérêts qui pourrait résulter de la coexistence des deux activités dans une même entreprise. Les agriculteurs devront justifier à partir de 2023 de ce conseil pour accéder au Certiphyto. Il est donc probable que le bénéfice de cette obligation ne se traduise pas immédiatement en économie de PPP. De plus, la mission s'interroge sur la portée de ce conseil s'il ne concerne que la question des PPP et n'aborde pas de façon très approfondie l'ensemble des choix techniques, économiques et sociaux de l'exploitation, qui déterminent largement l'usage des PPP ; Les lycées agricoles ont développé, depuis 2014, dans le cadre du projet agroenvironnemental le projet « produire autrement » qui contribue à diffuser les méthodes alternatives au tout chimique aux jeunes en formation. Sur une proposition inscrite dans un rapport de l'INRA7 puis développée dans un rapport conjoint IGFCGEDD-CGAAER8, le dispositif de certificat d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) a été inscrit dans Écophyto 2 dont il se veut une action majeure. Institué à titre expérimental en 2015, ce dispositif transpose les principes des certificats d'économie d'énergie à celui des produits phytopharmaceutiques. Il s'agit de faire promouvoir des solutions alternatives par ceux-là mêmes qui vendent ou prescrivent l'usage de PPP. L'arrêté ministériel du 27 avril 2017 définit la méthodologie d'évaluation des solutions alternatives dénommées « actions standardisées d'économie de produits phytopharmaceutiques » ouvrant droit à des certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP). Cette évaluation est confiée à un groupe d'expertise présidé par le directeur scientifique « agriculture » de l'INRAE. Chaque action, en fonction de 3 critères (effet sur la réduction d'usage d'impact, potentiel et facilité de déploiement, bilan économique), donne droit à un certain nombre d'équivalences en CEPP. La mise en oeuvre de ces CEPP doit logiquement se traduire par une baisse du NODU. Les vendeurs se voient attribuer un objectif en termes de certificats calculé en fonction d'une référence de leurs ventes de PPP exprimée en NODU. En avril 2019, l'expérimentation a été généralisée sans avoir fait l'objet de l'évaluation initialement prévue. De plus, la pénalité financière (5 par certificat manquant) que devaient acquitter les vendeurs a été supprimée. À partir de 2021, les entreprises de vente et les conseillers stratégiques de métropole ont l'obligation Ordonnance no 2019-361 du 24 avril 2019 relative à l'indépendance des activités de conseil à l'utilisation des produits phytopharmaceutiques et au dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques, prise en application de la loi n°2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous. 6 Le projet agro-écologique : Vers des agricultures doublement performantes pour concilier compétitivité et respect de l'environnement. Marion Guillou, Hervé Guyomard, Christian Huyghe, Jean-Louis Peyraud, mai 2013 7 8 Préfiguration de la mise en oeuvre des CEPP, mission d'appui, mars 2014 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 97/208 PUBLIÉ de promouvoir l'équivalent de 20% de leurs ventes de PPP9 soit 16,6 Millions de CEPP. Les Outre-mer ne seront soumises à ces obligations qu'en 2023, pour prendre en compte la spécificité de leurs territoires, comme le préconisait un rapport CGAAER/CGEDD10. Fin décembre 2020, 68 fiches standardisées sont disponibles pour atteindre cet objectif. Les leviers concernent la mise en oeuvre de nouvelles pratiques agronomiques comme l'association de cultures, l'utilisation de variétés résistantes ou tolérantes aux maladies, l'abonnement à des outils d'aide à la décision, le recours à des méthodes alternatives, dont les produits de biocontrôle et des actions permettant de réduire les quantités utilisées telles que le recours à des équipements performants. Des travaux sur d'autres actions comme une valorisation de la diversification et le HVE sont en cours de réflexion pour étendre les possibilités de valoriser les bonnes pratiques en matière de réduction des usages. Le succès est fortement dépendant de l'implication des distributeurs des PPP pour inclure, dans leur stratégie, la valorisation des solutions qui réduisent la vente des produits dont ils tirent un bénéfice. Le nombre de CEPP a progressé entre 2017 et 2019, mais n'atteint que 15% de l'objectif alors que le nombre de fiches standardisées a presque doublé pour arriver à 55 fin 201911 . 28 fiches standardisées ont enrichi les possibilités en 2020. Figure 3 : répartition des actions par levier. Source bilan CEPP 2019 Cette obligation est calculée sur la base des ventes de produits phytopharmaceutiques déclarées à la « banque nationale des ventes réalisées par les distributeurs de produits phytosanitaires » (BNV-D) sur 5 ans. 9 Les quantités déclarées de produits sont converties en nombre de doses. Une moyenne des ventes exprimée en doses unités est ensuite réalisée en excluant l'année au cours de laquelle les ventes ont été les plus faibles et l'année au cours de laquelle elles ont été les plus élevées. L'obligation de réalisation d'actions, fixée en nombre de certificats, est égale à 20 % de cette moyenne. Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer, Rapport CGEDD n° 012594-01, CGAAER n° 18133, juin 2019. 10 11 https://alim.agriculture.gouv.fr/cepp/content/ap_fiches_action (site consulté le 26/02/21) Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 98/208 PUBLIÉ Ce dispositif ne fait pas consensus. Certains dénoncent une « usine à gaz franco-française »12, d'autres y voient un potentiel très prometteur pour réduire l'usage des produits phytopharmaceutiques. Nombre d'interlocuteurs rencontrés, rejoignant la position du député Dominique Potier13, estiment que sa portée a été fortement amoindrie dès lors que les sanctions financières pour non-réalisation des objectifs, qui étaient un signal particulièrement fort, ont été supprimées par le parlement. Les services de l'État et de ses opérateurs assurent le contrôle du bon usage des PPP. La multiplication des réglementations se heurte à des difficultés pratiques. Les règles sont nombreuses (celles relatives aux produits, aux pulvérisateurs et aux conditions d'épandage en fonction des heures et conditions climatiques, mais aussi des distances par rapport aux habitations) et les moyens humains sont limités. En 2019, les services régionaux de l'alimentation (SRAL) des directions régionales de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt (DRAAF) ont réalisé 6500 inspections dont près de 3500 chez les agriculteurs bénéficiaires des aides de la PAC. Ces contrôles révèlent que près de 20% des exploitants ont encore des pulvérisateurs non conformes et que près de 15% détiennent des PPP sans AMM valide. Une centaine de procès-verbaux ont été dressés, avec des suites variables sans que l'on dispose à ce stade des suites données par les procureurs de la République. Le faible nombre de contrôles en ce domaine (chaque année seulement 1% des bénéficiaires des aides de la PAC) est faible. Les agriculteurs contrôlés disposent d'un délai de 4 mois pour mettre en conformité le matériel et échapper ainsi à des sanctions financières. La Cour des Comptes européenne relève que le contrôle de la protection intégrée des cultures est déficient : « en France, les inspections dans le domaine des PPP portent sur l'utilisation de méthodes et d'outils de surveillance et consistent à examiner si les agriculteurs utilisent des PPP biologiques et des méthodes visant à réduire l'utilisation des PPP chimiques, mais aucune sanction n'a été définie en cas de non-conformité ». L'agriculteur de bonne foi peut certes se retrouver en non-conformité en regard de règles cumulatives et nombreuses, mais celui de mauvaise foi peut compter sur la faiblesse de la probabilité d'un contrôle, et la probabilité encore plus faible qu'une sanction soit prise et mise en oeuvre14. Le ministère de l'agriculture et de l'alimentation (MAA) a prévu de nouvelles dispositions pour améliorer l'efficacité des contrôles, en meilleure adéquation avec les exigences de la directive 2009/128 CE (modification de l'article D.256-13 du CRPM, enregistrement obligatoire des pulvérisateurs, classification des pulvérisateurs selon leur performance agro-environnementale, en vue d'une labellisation). L'incidence de ces mesures sur le NODU n'est pas chiffrée. Ainsi la fréquence et la portée des contrôles ne sont que faiblement dissuasives. L'usine à gaz des CEPP expliquée en 3 minutes, https://www.youtube.com/channel/UCxooxCiflBsJJ3PnGRg69jA 12 13 agriculture et environnement, avril 2017 Le député Dominique Potier, qui a préfiguré le plan Écophyto 2 a indiqué le 22 mai 2019 qu'il formait un recours pour excès de pouvoir contre l'ordonnance du 24 avril 2019 dans la mesure où « A contrario des engagements exprimés à plusieurs reprises dans l'hémicycle, l'ordonnance, en supprimant toute sanction, renonce de fait aux CEPP, sans que cela ait fait l'objet d'un débat par le Parlement ». Ces éléments sur l'activité des services spécialisés des DRAAF, les SRAL, figurent dans un rapport du CGAAER « 7 DRAAF, 5 ans après la réforme de 2015 » en attente de publication. 14 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 99/208 PUBLIÉ Dès Écophyto 2018, un dispositif d'accompagnement des agriculteurs pour adopter des pratiques économes en intrants a été mis en place. Il est dénommé DEPHY (pour Démontrer Expérimenter et Produire des références sur les systèmes économes en pHYtosanitaires). Il se compose d'un réseau de fermes de démonstration et d'un réseau d'expérimentation coordonnés localement et nationalement, et d'un système d'information (AGROSYST) Figure 4 : les acteurs du réseau DEPHY. Source : Vers un plan stratégique pluriannuel pour le réseau DEPHY, CAN, mai 2018 Ce dispositif phare est le mieux doté du programme Écophyto au niveau national (15 M annuel). Des résultats significatifs obtenus pour des agriculteurs motivés et accompagnés Le réseau fermes a démontré l'existence de solutions pour réduire l'usage des PPP15, affichant des baisses de l'Indice de fréquence de traitement (IFT) qualifiées de significatives dans les filières de production de : 15 Le réseau DEPHY FERME, 3 000 agriculteurs engagés dans la réduction des phytos, Écophyto, Novembre 2018. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 100/208 PUBLIÉ 14% dans la filière grandes cultures polyculture-élevage, 17% dans la filière viticulture 25% dans la filière arboriculture, 37% dans la filière cultures tropicales 38% dans la filière légumes, 43% dans la filière horticulture Ces résultats sont calculés entre les IFT initiaux à l'entrée dans le réseau et l'IFT moyen calculé sur les années 2015-2016-2017. Des travaux de recherche tendent à confirmer qu'un accompagnement des agriculteurs entraîne effectivement une baisse des IFT16 sans avoir nécessairement de baisse sur la rentabilité17. Dans cette étude, ils estiment que le programme génère une réduction de l'usage des PPP de 8 à 20%, pour un coût annuel de 150/ha. Mais ces résultats peuvent apparaître décevants : ils ne sont obtenus que sur certaines cultures et pas forcément à l'échelle de toute l'exploitation, et ces moyennes sont toutes inférieures à l'objectif assigné d'une réduction d'usage de 50%. De plus, ces pratiques culturales économes en intrants ont été obtenues par un accompagnement très important (1/2 ingénieur par groupe de 10 à 12 fermes). Elles peinent à essaimer auprès l'ensemble des agriculteurs (cf. § suivant). Des objectifs antagonistes donnés au réseau, les activités qui sont demandées aux ingénieurs et l'absence de plan stratégique en seraient les causes. De plus, la démultiplication du réseau n'a été pensée que sous la forme d'une diffusion « par-dessus la haie »18 alors que les dimensions territoriales et économiques constituent des freins aux développements de pratiques innovantes. L'enregistrement des données dans la base unique Agrosyst constitue un gisement d'informations précieuses19, mais qui reste peu exploitée. Ces résultats, chez quelques agriculteurs motivés et accompagnés et qui ne concernent qu'une partie de leur production, sont bien insuffisants au regard de l'objectif général de -50% de réduction de l'usage des PPP. Aussi, la DGPE a entrepris dès 2019 une consultation20, pour établir un plan stratégique et faire évoluer le système DEPHY à la faveur de l'échéance du cycle actuel, en décembre 2021. La nécessité de pérenniser l'outil fait consensus au sein du réseau21 car il : « constitue une base fondatrice permettant d'assumer politiquement et techniquement le plan ; répond aux besoins de connaissances encore importants pour rechercher et documenter les solutions vers la baisse des phytos ; répond à un besoin de capitalisation et de transmission des savoirs et expériences sur la manière d'accompagner les agriculteurs dans le changement ». 16 Providing technical assistance to peer networks to reduce pesticide use in Europe: Evidence from the French Écophyto plan Margaux Lapierre, Alexandre Sauquet, Subervie Julie Hal, 2019 V2 17 Le plan Écophyto de réduction d'usage des pesticides en France : décryptage d'un échec et raisons d'espérer, Guichard et al, EDP Sciences, 2017 18 Le SI Agrosyst est néanmoins perfectible. Beaucoup d'informations sont inexploitées, d'autres font cruellement défaut (ex données économiques). Les données manquent de « généricité » 19 Réflexion stratégique Dephy 2019-2020, Synthèse de la concertation et premières orientations, Version du 21/02/2020, projet transmis aux membres du CS Dephy. 20 21 MTE, MAA, OFB, Instituts techniques, ONG, APCA, CRA, INRAE, CNRS, Terre Innovia, ONVAR Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 101/208 PUBLIÉ L'outil doit cependant évoluer pour sortir du couple agriculteur/conseiller, faire participer des filières et territoires ; plusieurs pistes sont évoquées dont celle de laboratoires d'innovation territoriale. La production de références visant la reconception des systèmes est considérée comme fondamentale ; deux axes de travail se dégagent l'un pour caractériser les systèmes à bas intrants et qualifier leur transférabilité et l'autre pour caractériser des systèmes moins performants pour identifier les leviers et les freins. Sur les bases de ce travail, un nouvel appel à candidature a été lancé en janvier 2021 pour renouveler le réseau22avec des exploitations explicitement engagées dans les principes de la protection intégrée des cultures. L'animation des fermes DEPHY souffre d'une insuffisante articulation avec le conseil agricole La mission souhaite ici mettre l'accent sur les ingénieurs réseaux dont 54 % relèvent des chambres d'agriculture, leur lien avec les conseillers et la formation de ces derniers, sujets fréquemment abordés lors des auditions. Les modalités de financements de DEPHY conduisent à recruter des ingénieurs réseaux en CDD. Ces postes sont pourvus en général par de jeunes ingénieurs et leur taux de rotation est particulièrement élevé (22% annuel en moyenne annuelle). Il conduit à renouveler quasiment ¼ du réseau tous les ans. Leur formation est chronophage pour le réseau. L'implication des conseillers « traditionnels » en place pour promouvoir dans la mise en oeuvre des objectifs du plan Écophyto est, d'après plusieurs témoignages, jugée trop faible. Ce n'est que très récemment qu'a été initié un plan de formation des conseillers des chambres d'agriculture pour accompagner les agriculteurs dans le diagnostic stratégique à l'utilisation des PPP (150 conseillers formés à ce jour). Et les chambres d'agriculture, opérateurs de l'État, ont inscrit les formations de leurs conseillers dans un calendrier avec un pas de temps qui semble être de cinq ans, ce qui paraît encore très long pour une politique prioritaire du gouvernement engagée depuis maintenant plus de 10 ans et dans laquelle elles ont revendiqué un rôle leader. D'autres acteurs peuvent aussi s'emparer de ce conseil 23 . En l'absence de référentiel de compétences, il n'y a aucune garantie sur la qualité du conseil délivré. Or, nombre de nos interlocuteurs estiment absolument nécessaire de faire monter en compétences l'ensemble des conseillers si on veut obtenir des résultats. Ces facteurs prennent leur part dans les origines d'un manque de massification des acquis de DEPHY auprès de la population générale des agriculteurs. Finalement, bien que la DGPE en prolonge l'expérience (nouvel appel à candidatures paru le 20 janvier 2021), le bilan objectif de cette action emblématique du plan Écophyto, les fermes DEPHY, reste à faire. En recrutant des chefs d'exploitation volontaires et motivés, et en les accompagnant par des conseillers dédiés, le plan et le programme national Écophyto ont démontré des éléments de faisabilité de l'objectif de réduction de 50% des PPP. Mais les résultats obtenus ne permettent en aucun cas de démontrer que cette réduction est faisable partout, et elle n'a pas suffi à entraîner derrière elle la majorité des agriculteurs dans une trajectoire de réduction forte de l'usage des PPP. C'est l'ambition d'une action nouvelle définie avec Écophyto 2 : le réseau 30.000. 22 23 Instruction technique DGPE/SDPE/2021-5525/01/2021 Conseiller autrement l'utilisation des pesticides pour produire autrement, rapport CGAAER 13057, juin 2013 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 102/208 PUBLIÉ En 2014, le rapport Potier a proposé de faire rayonner les fermes DEPHY. Dans la droite ligne du projet agroécologique pour la France 24 , le plan Écophyto 2 a repris l'idée de développer un dispositif spécifique d'accompagnement vers la réduction des PPP. L'objectif est de diffuser les résultats des fermes DEPHY et de passer à une application concrète à plus grande échelle. Cette démarche concerne des collectifs d'agriculteurs autour d'un projet de réduction des PPP, qui sont alors accompagnés pour la mise en oeuvre. Il visait l'adhésion de 30 000 agriculteurs en 2021, soit environ 8 à 10% des exploitations, un seuil audelà duquel la diffusion « par-dessus la haie » serait naturelle25. Le financement est prévu sur la part de la redevance pour pollutions diffuses régionale et a représenté 9 M d'AE et 3,5 M de CP en 2019. L'outil n'est pas très différencié de celui des Groupements d'intérêt économique et environnemental (GIEE) lancés en 201526. D'ailleurs, les appels à projets annuels sont communs depuis début 201927 bien que les sources de financement soient différentes (CASDAR par les DRAAF pour les GIEE et RPD par les agences de l'eau pour les 30 000). La disparité des taux d'aide entre les 2deux dispositifs (jusqu'à 80% pour les GIEE, mais limité à 50% pour les 30 000) et leur variabilité selon les agences de l'eau en complique l'articulation et la mise en oeuvre. Elle peut en outre orienter le choix des agriculteurs. Il serait opportun de poursuivre la convergence et d'opérer une fusion opérationnelle commune au moins sur tout le territoire métropolitain, comme le comité des financeurs de la région Haut de France l'a initié. Considérant que 50% des GIEE ont comme orientation première le thème des PPP, qu'une réduction significative des PPP suppose la mobilisation de pratiques agroécologiques, et que la réduction des PPP doit concerner tous les agriculteurs, le maintien de ces deux dispositifs interroge. Ceci est d'autant plus vrai qu'avec seulement 6000 agriculteurs en 5 ans (2016-2020), le résultat des groupes 30 000 est loin d'être atteint et est même considéré comme un échec pour bon nombre de nos interlocuteurs. Quand bien même les 30 000 exploitations aidées et les 3000 fermes DEPHY arriveraient à réduire de 50% leur consommation, leur poids dans l'ensemble des exploitations agricoles (7%), resterait limité et le résultat conduirait à une réduction pour l'ensemble des exploitations de l'ordre de 4 % (en faisant l'hypothèse que les surfaces des exploitations engagées soient représentatives de la moyenne de la Ferme France). Figure 5 : Évolution du nombre d'agriculteurs engagés. Source : Direction générale de la 24 25 Projet agro-écologique pour la France, Stéphane Le Foll, 2012 « Une telle mesure permettra d'atteindre la taille critique à partir de laquelle la suite du processus de transformation de l'agriculture française se fera par des mécanismes plus classiques de « diffusion par-dessus la haie ». Rapport de Dominique Potier Groupements d'agriculteurs qui s'engagent dans un projet de modification ou de consolidation de leurs pratiques en visant à la fois des objectifs économiques, environnementaux et sociaux. 26 27 Voir à titre d'exemple: https://draaf.hauts-de-france.agriculture.gouv.fr/Appel-a-projets-Emergence-et-mise Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 103/208 PUBLIÉ Performance économique et environnementale des entreprises (MAA) Le nombre d'agriculteurs engagés dans ces dispositifs reste trop modeste, 12 ans après le lancement du plan. Le bulletin sanitaire du végétal (BSV) est un bulletin gratuit pour ses lecteurs qui présente de façon « neutre » l'état sanitaire des cultures. Il est le produit de sortie d'un vaste réseau d'épidémiosurveillance constitué par des observations hebdomadaires sur 15 000 parcelles de cultures et piloté par les chambres régionales d'agriculture, avec des contributions de nombreux partenaires et des agriculteurs. Le ministère de l'Agriculture a initié la surveillance de la santé des cultures dès 1941 et produit des avertissements agricoles jusqu'en 2010. En 2005, constatant que d'autres acteurs fournissaient également ce service, et sous la pression d`une réduction des moyens de l'État, il a commencé à envisager le transfert de cette activité, encouragé par la directive 2009/128, laquelle prévoit que les États « établissent ou soutiennent la création des conditions nécessaires à la mise en oeuvre de la lutte intégrée contre les ennemis des cultures. Ils s'assurent en particulier que les utilisateurs professionnels aient à leur disposition l'information et les outils de surveillance des ennemis des cultures et de prise de décision, ainsi que des services de conseil sur la lutte intégrée contre les ennemis des cultures ». En mettant en avant que la surveillance est une stratégie efficace pour raisonner les itinéraires techniques de protection des végétaux et peut permettre de réduire l'usage des pesticides 28 ,. le ministère chargé de l'agriculture a pu justifier de transférer le financement de cette mission sur le programme Écophyto et en confier l'organisation à l'APCA. La Direction générale de l'alimentation pilote cette action et organise l'animation régionale dont la mise en oeuvre effective est confiée aux chambres régionales de l'agriculture, avec le concours de nombreux partenaires. Écophyto 2008-2018 prévoit ainsi la mise en place d'une organisation partenariale permettant le transfert systématique des informations par le réseau d'épidémiosurveillance vers le système d'information mutualisé. La diffusion des données traitées est réalisée sous la forme de « bulletins de santé du végétal » et gratuitement mis à disposition du public notamment des agriculteurs. Écophyto 2 et 2+ ajustent l'objectif avec l'amélioration du BSV qui devient une action de l'axe 1 « changement des pratiques ». Ce réseau fait l'objet de suggestion d'améliorations. Pour la DGAl, le réseau doit mieux contribuer à la surveillance des organismes nuisibles réglementés et émergents. Selon L. Guichard28, « faire du BSV un outil au service de la réduction d'usage impliquerait un réseau de surveillance différent, dont l'échantillon de parcelles serait choisi pour explorer et suivre une diversité de situations agronomiques, à même d'induire des pressions de bioagresseurs différentes, qu'il viserait à expliquer ». Un très récent rapport CGAAER/CGEDD29 dresse un panorama particulièrement étoffé de ce dispositif, de ses avantages, mais aussi des réorientations à opérer. Au titre des avantages, cet outil est une composante indispensable du dispositif plus large de la surveillance biologique du territoire. Il permet de soutenir les exportations pour apporter les garanties sanitaires requises dans les pays tiers pour des organismes nuisibles non réglementés, la surveillance des organismes réglementés étant exercée Guichard L, Dedieu F, Jeuffroy M-H, Meynard J-M, Reau R, Savini I. 2017. Le plan Écophyto de réduction d'usage des pesticides en France : décryptage d'un échec et raisons d'espérer. Cah. Agric. 26: 14002. 28 Le réseau d'épidémiosurveillance financé par le plan Écophyto : Réorientations à opérer. Rapport CGEDD n° 01257701, CGAAER n° 18129, Décembre 2019 29 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 104/208 PUBLIÉ par les services de l'État. Toutefois, il n'est pas possible d'établir un lien de causalité entre l'existence du BSV et l'évolution des usages des produits phytopharmaceutiques. Il n'existe pas d'indicateurs d'impact permettant de juger de son efficacité. De plus, les BSV couvrent essentiellement les ravageurs et les maladies, mais très peu les adventices alors que les herbicides représentent plus de 40% du NODU. En conséquence, son intérêt est affirmé, mais tout en préconisant des améliorations dans le fonctionnement technique et la gouvernance, les auteurs recommandent de revoir les modalités de son financement. À court terme, ils suggèrent qu'une part des crédits soit gérée au niveau national au bénéfice d'actions d'ampleur nationale et, à moyen terme, de rechercher d'autres sources de financements. Pour celles-ci, ils évoquent la possibilité de rendre cette mission obligatoire par les chambres d'agriculture et les instituts techniques, ou encore de mettre à contribution des exportateurs via l'augmentation de la redevance sanitaire. L'APCA estime quant à elle que cette surveillance est de la responsabilité de l'État et que s'il leur revenait d'assurer cette surveillance, il faudrait « le facturer aux agriculteurs ». Depuis le premier plan Écophyto, la nécessité de développer la connaissance fondamentale et appliquée pour identifier des alternatives aux PPP est bien identifiée et constitue un des axes importants du plan. Une recherche de plus en plus fondamentale ? Son intitulé a changé au cours du temps, comme l'a montré le tableau 1 : le plan de 2006 affichait la nécessité de renforcer la connaissance sur les impacts des PPP. En 2008, Écophyto 1 met l'accent sur les innovations dans la conception et la mise au point des itinéraires techniques ou systèmes de culture économes en PPP. Écophyto 2 et 2+ souhaitent amplifier les efforts de recherche, développement et innovation : cette évolution sémantique semble montrer qu'on se pose des questions de plus en plus fondamentales ! La prise de conscience que la réduction des PPP pose des questions de recherche, et pas seulement de transfert et de diffusion d'innovations matures, s'est traduite dans le rapport Potier (2014) à l'origine du plan Écophyto 2 (2015) qui ouvre sa gouvernance aux deux ministères chargés de la recherche et de la santé. Écophyto 2+ permet également d'apporter de la visibilité plus globale. Les enjeux des PPP sont ainsi insérés explicitement dans la stratégie nationale de la recherche, qui définit les priorités nationales que l'ANR, qui dispose des crédits, attribue par appel à projets. L'INRAE, organisme de recherche finalisé sur les questions d'agriculture, d'alimentation et d'environnement, mais aussi le CNRS et l'INSERM et quelques universités et écoles sont depuis longtemps engagés dans des travaux de recherche sur les PPP et leurs alternatives. Avec un budget annuel de près d'1Md dont 75% de subvention pour charge de service public, l'INRAE a des possibilités importantes de mobilisation sur ces sujets qui sont au coeur de sa mission statutaire. Il entretient ainsi au long cours plusieurs dispositifs expérimentaux bas intrants, en élevage, grandes cultures ou arboriculture, pour certains d'entre eux depuis plus de 40 ans, et joue un rôle clé dans le pilotage scientifique du plan Écophyto, en même temps qu'il est un des premiers bénéficiaires des actions financées par le programme sur l'axe 2 recherche du plan. Des financements Écophyto complémentaires des autres sources de financement ? Pour la période récente, la réduction des PPP fait également l'objet de plusieurs types de financements dédiés. Dans le cadre de la stratégie nationale de la recherche, un montant de 30 M a été attribué (hors Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 105/208 PUBLIÉ programme Écophyto), sur le programme des investissements d'avenir, pour le programme prioritaire de recherche « Cultiver et protéger autrement » porté par l'Inra et l'ANR. L'INRAE (ainsi que l'ACTA et l'APCA pour certains projets) est également impliqué dans plusieurs projets de recherche européens retenus dans le cadre du programme H2020 : H2020 IPMWorks vise la mise en place d'un réseau européen de démonstration sur le modèle des fermes DEPHY ; ReMIX cherche à promouvoir les cultures associées (5M sur 4 ans) ; DiverIMPACTS s'intéresse à la diversification des cultures et la mobilisation des acteurs, notamment par des approches agronomiques, mais aussi de sciences économiques et sociales. D'autres sources de financement sont également mobilisées, notamment le CASDAR. Par ailleurs, l'ANR a lancé un premier appel à projets « Écophyto-Maturation » orienté biocontrôle et outils d'aide à la décision, avec des projets déjà assez avancés (TRL30 de 5). Un deuxième appel est en cours sur « les leviers mobilisables pour une transition vers un changement de systèmes » Il vise des projets d'un TRL de 3 ou 4, à amener à un TRL 5 en fin de projet. Ces AAP sont financés sur le programme national. La dynamique de la mobilisation est ainsi en train de changer d'échelle : alors que 16,3 M de crédits Écophyto avaient été mobilisés entre 2009 et 2016 pour 220 projets labellisés, soit environ 2M/an, 5,3 M ont été mobilisés en 2017 pour 36 projets, et à nouveau 7,5 M en 2018-2019. Et la maquette 2020 prévoit 7 M sur cet axe 2, dont 0,5 d'actions structurantes. Finalement, on peut s'interroger sur ces évolutions qui peuvent paraître paradoxales par rapport à la trajectoire initiale : Alors que le plan initial était fondé sur l'idée qu'il suffirait d'identifier les innovations et d'aider leur diffusion, les modifications du plan l'ont progressivement orienté sur des questions plus fondamentales et amont, justifiant une augmentation de la part du programme consacrée à ces travaux ; Parallèlement, l'UE, avec le programme européen H2020, et la France, avec sa stratégie nationale de la recherche, ont intégré explicitement les enjeux de la réduction des PPP, et ont commencé depuis 3 ans à mobiliser des financements beaucoup plus importants que ceux qui étaient possibles avec le programme Écophyto et/ou le CASDAR. Ce constat est rassurant : des équipes plus nombreuses, avec davantage de moyens, sont mobilisées sur les enjeux dont la difficulté avait manifestement été sous-estimée. Mais il est aussi inquiétant : la recherche a des temporalités longues, et donc la part des ressources du programme Écophyto qui est affectée à ces actions risque de n'avoir que des impacts assez faibles sur la durée prévue du plan : alors que le plan peine à atteindre ses objectifs, une partie significative de ses rares financements dédiés est utilisée pour financer des projets dont l'impact probable est au-delà des échéances du plan ! On peut aussi considérer que le programme Écophyto a permis d'initier ou de soutenir, on pourrait dire amorcer, des travaux de recherche qui devraient désormais trouver leurs moyens de financement dans les canaux ordinaires, notamment via l'Agence nationale pour la recherche (ANR). Ces ressources du programme pourraient ainsi, le cas échéant, être progressivement redéployées vers d'autres actions. L'échelle TRL (Technology readiness level) évalue le niveau de maturité d'une technologie jusqu'à son intégration dans un système complet et son industrialisation. Elle compte 9 niveaux, depuis l'observation des principes de base (1) jusqu'à la validation du système dans un environnement réel (9). Un niveau 5 correspond à une validation de la technologie en environnement représentatif. 30 https://www.cea.fr/multimedia/Documents/infographies/Defis-du-CEA-infographie-echelle-trl.pdf Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 106/208 PUBLIÉ Cette orientation pourrait être différenciée selon la maturité sur l'échelle TRL, l'actuel AAP ÉcophytoMaturation, de TRL élevé, pouvant constituer un modèle sur lequel le programme pourrait se concentrer. Les agroéquipements (matériel de précision, matériel pour l'épandage ou encore matériel de substitution à l'usage de PPP) sont un levier majeur pour atteindre l'objectif de réduction de l'utilisation, des risques et des impacts des produits phytopharmaceutiques. Pour favoriser l'investissement des agriculteurs, le programme Écophyto 2 subventionne sur la part régionale du matériel performant sur les plans économique, environnemental et social tout en renforçant le contrôle des pulvérisateurs. Plus des 2/3 de l'enveloppe régionale d'Écophyto y sont consacrés. Depuis mai 2020, un dispositif national complémentaire de 30 millions d'euros est mobilisé pour renforcer la protection des riverains et accompagner les agriculteurs « dans la mise en place de zones de non-traitement à accompagner les agriculteurs qui investissent dans des matériels permettant de limiter les distances de traitement et de mettre en place des itinéraires techniques plus économes en produits phytosanitaires ». Dans le cadre du plan de relance, 215 millions d'euros sont consacrés aux aides à la conversion vers des équipements permettant de réduire l'usage des intrants : buses permettant de réduire la dérive, équipements d'application des produits phytopharmaceutiques permettant de réduire la dérive de pulvérisation, certains équipements de substitution à l'usage de produits phytopharmaceutiques, matériel de précision, ainsi que les matériels bénéficiant de la labellisation « Performance Pulvé ». En contrepartie de l'aide, l'exploitant s'engage notamment à « retirer un ancien matériel ». Ce plan a rencontré un véritable succès : lancé le 4 janvier 2021, plus de 14 000 demandes ont été déposées moins d'un mois plus tard entraînant la fermeture du guichet. Près de 75 % des demandes portent sur du matériel de substitution (matériel de désherbage mécanique par exemple) et 1,4% seulement sur du matériel de pulvérisation. Dans ces conditions, la poursuite du financement de ces outils via le programme Écophyto régional est clairement questionnée. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 107/208 PUBLIÉ Cette annexe est la version détaillée de la section 2.2, relative aux leviers du plan Écophyto. Elle cherche à identifier et décrire les conditions d'emploi des actions susceptibles de contribuer de manière efficace et efficiente aux objectifs fixés par le plan Écophyto, en s'appuyant sur des travaux théoriques et les compte-rendu d'observations disponibles, en France et en Europe. La mission s'est en particulier appuyée sur plusieurs travaux de synthèse récemment publiés (notamment Lee & alii, 2019) 1 . Cette annexe suppose que la plus grande partie des solutions alternatives aux PPP sont disponibles dans la plupart des situations de production (Lechenet & alii, 2017) 23 , mais que leur diffusion se heurte à l'organisation du marché (idem) ou à des effets de « verrouillage sociotechnique » (Guichard & alii, 2017) 4 . L'action doit donc viser l'agriculture, mais aussi ses fournisseurs et clients, idéalement jusqu'au consommateur, et en prenant en compte l'ensemble des enjeux et externalités, dans une approche à la fois One Health, incorporant la biodiversité et les enjeux de santé, et de la ferme à la fourchette (Möhring, 2020)5. Quatre groupes d'actions, persuasion, segmentation, incitation et réglementation, sont ici distingués, sur une échelle de contrainte croissante : La communication, le conseil et l'animation de réseau cherchent à persuader les acteurs d'abandonner les pratiques intensives en PPP (levier 1) ; La labellisation sur une base volontaire des pratiques économes en PPP, permet de les distinguer des pratiques plus intensives en PPP (levier 2) ; La politique incitative, fiscale notamment, agit sur l'ensemble des acteurs, mais sans les contraindre (levier 3) ; La réglementation, associée à la PAC, limite les possibilités d'usage des produits ou encadre les pratiques (levier 4). Depuis 2008, le plan Écophyto a conduit des actions relevant de ces quatre groupes, mais pour l'instant sans succès apparent, à l'exception de l'essor encore limité mais incontestable de l'AB. Nous détaillerons à quelles conditions elles peuvent pourtant contribuer à (et devenir des leviers de) la massification de pratiques de réduction de l'usage des PPP, restées pour l'instant trop confidentielles, de manière à se donner toutes les chances d'atteindre dans un délai de 10 ans une réduction de 50% de l'usage des PPP. Nous verrons également, en dernière section, comment ces leviers peuvent être combinés ou être utilisés de manière alternative. Notamment : Assessment of policy instruments for pesticide use reduction in Europe; Learning from a systematic literature review, Rhiannon Lee, Roos den Uyl, Hens Runhaar, Crop Protection 11 Volume 126, December 2019, 104929. Cet article, dont les conclusions sont résumées plus bas, est intéressant mais il a le défaut de ne retenir que les leviers touchant directement les agriculteurs. 2 Reducing pesticide use while preserving crop productivity and profitability on arable farms, Martin Lechenet, Fabrice Dessaint, Guillaume Py, David Makowski & Nicolas Munier-Jolain, Nature Plants volume 3, Article number: 17008 (2017) 3 Le plan Écophyto de réduction d'usage des pesticides en France : décryptage d'un échec et raisons d'espérer, Laurence Guichard, François Dedieu, Marie-Hélène Jeuffroy, Jean-Marc Meynard, Raymond Reau, Isabelle Savin, Cahiers de l'agriculture n°26, 2017 4 Pathways for advancing pesticide policies, Niklas Möhring, Karin Ingold, Per Kudsk, Fabrice Martin-Laurent, Urs Niggli, Michael Siegrist, Bruno Studer, Achim Walter & Robert Finger, Nature Food volume 1, pages 535­540(2020) 5 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 108/208 PUBLIÉ Levier 1 : La persuasion, un « levier » qui s'avère insuffisant Le plan se donne un objectif quantitatif (non impératif, sous conditions) de réduction de l'utilisation des PPP : c'est en première approche un moyen simple de tracer une perspective commune, et d'engager chacun à y participer. Moins 50%, pour qui ? Mais, l'objectif est en réalité une contrainte quantitative assez arbitraire, avec un objectif défini « en moyenne » et dont chacun peut se sentir exonéré dans son activité propre, ce qui ne forme pas dans la durée une perspective positive fédératrice des énergies. Par exemple pourquoi ceux (exploitants, filières) qui font depuis longtemps des efforts seraient-ils encore autant concernés par cet objectif de réduction de 50% que ceux qui, dans la même période, ont augmenté leur recours aux PPP ? Un objectif non de baisse de l'usage moyen, mais de réduction des usages intensifs, pourrait ainsi paraître plus judicieux. De surcroît la déclinaison régionale et sectorielle de l'objectif est calculée ex-post, mais n'est pas pilotée par des cibles ex ante, avec des responsables déconcentrés bien identifiés et ayant la main sur les leviers (l'analyse des feuilles de route régionales du plan Écophyto a confirmé ce constat6). Finalement l'objectif de réduction de 50% des PPP apparaît ainsi comme l'expression d'un souhait, mais qui n'a pas de valeur persuasive pour ceux qui ne veulent pas la recevoir, et qui n'est pas décliné de manière opérationnelle. Piloter par les risques ? Au contraire, les autres pays audités par la Cour des comptes de l'UE (2020), à l'exception du Luxembourg, ont choisi de piloter leur plan par les risques des PPP et non pas par les quantités. Cette exception française est-elle tenable dans la durée ? La motivation du plan est l'existence de risques majeurs liés à l'usage des PPP, comme vu en première partie du rapport, et rappelé par une décision du Conseil d'État. Les études sur l'effondrement de la biodiversité (dans les sols, insectes, oiseaux) et sur la dégradation de la qualité de l'eau sont nombreuses, mais ne sont qu'exceptionnellement prises en compte pour justifier les actions du plan Écophyto, et les enjeux relatifs à la santé humaine encore moins. Les sinistres liés à la survenance des risques ne sont pas suffisamment décrits7. On pourrait prendre l'exemple des actions pour réduire les accidents de la route ou la tabagie : les réussites indéniables de ces plans, chiffrés en nombre de victimes potentielles épargnées, ont permis de réduire les risques dans des proportions supérieures aux objectifs d'Écophyto. En termes économiques, l'enjeu collectif du plan ­ pas seulement pour les agriculteurs, mais pour l'ensemble de la société -, on pourrait dire son « sens8 », est d'estimer et prendre en compte, pour les réduire ou les compenser 9 , l'ensemble des « externalités » positives 10 et négatives générées par l'utilisation des PPP et des autres produits biocides aux effets comparables. Certes les PPP sont soumis 6 7 Analyse des feuilles de route Écophyto régionales par la mission Bisch (été 2020) Ainsi l'expertise collective menée par l'INSERM en 2013, et dont l'actualisation était annoncée depuis plusieurs mois, n'établit pas de risques par substances ou produits. Le sens de l'action publique tel que perçu et ressenti par ceux dont leur succès dépend est une question clé. On peut lire par exemple la philosophe Corine PELLUCHON « Réparons le monde », Rivages poche, 2020 8 Ainsi un nouveau plan « Chlordécone » vient d'être annoncé, pour un montant de plus de 90 M pour les seuls départements de la Martinique et de la Guadeloupe. On peut aisément extrapoler le coût d'un éventuel sinistre d'État (il a été reconnu responsable) s'il concernait un produit plus largement utilisé, par exemple sur les pommes et non les bananes. 9 10 Comme la réduction du nombre des moustiques et aux autres insectes porteurs de maladies très répandues. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 109/208 PUBLIÉ à AMM, et depuis peu les biocides, mais une approche par les risques conduirait à mener de front des actions sur l'ensemble des pratiques conduisant aux mêmes risques, et permettrait d'arrêter de stigmatiser le seul monde agricole. Donner les ordres de grandeur À chaque publication du NODU ou des QSA surgit une polémique sur le sens des indicateurs, et sur l'interprétation légitime à leur évolution. Les externalités négatives des PPP sont certes multiples et difficiles à quantifier, mais les ordres de grandeur des impacts des PPP sont bien supérieurs au produit actuel de la taxe sur les pollutions diffuses, et même au chiffre d'affaires de l'industrie des PPP. Encadré : quelques ordres de grandeurs monétaires sur les risques liés aux pesticides Pour la France, une étude souvent citée de 201111 a estimé les coûts liés à la seule pollution de l'eau potable par les pesticides « entre 260 et 360M par an » soit le même ordre de grandeur que celui de la pollution de l'eau par les engrais azotés. 12 Un deuxième ordre de grandeur est fixé par cette étude : le coût de traitement des apports annuels de pesticides aux eaux de surface et côtières se situerait dans une fourchette de 4,4 à 14,8 milliards d'euros, alors que la mise aux normes de potabilité des eaux souterraines est estimée entre 32 et 105 milliards d'13. Ces montants sont très importants, mais ils concernent seulement le traitement de l'eau. Ils n'intègrent pas l'impact des pesticides sur la biodiversité.14 L'étude dirigée par Bernard Chevassus-au-Louis il y a déjà plus de dix ans (2009)15 a donné des ordres de grandeur de la valeur de la biodiversité, notamment emblématique, et celle des « services écosystémiques » qu'elle permet. Alors que la biodiversité s'effondre, on peut penser que sa valeur augmente. Le coût des maladies et de la diminution de l'espérance de vie lié aux PPP ne semble pas non plus avoir été estimé, d'autant que certains effets de PPP, notamment les effets perturbateurs endocriniens et toxiques de la reproduction, sont diffus et à long terme. Mais là encore, on dispose de quelques ordres de grandeur. Ainsi, Bayer a annoncé 10,9 Md$, près de 5 fois le chiffre d'affaires annuel des PPP en France, pour indemniser les plaignants américains dans 100.000 litiges relatifs au Roundup©, soit environ 100.000 d'indemnité par plaignant. Les PPP sont devenus un sujet de controverse et un marqueur culturel et sociétal 11 « Coûts des principales pollutions agricoles de l'eau », Bommelaer et Devaux, études et documents n°52, CGDD, septembre 2011 12 « Les pollutions par les engrais azotés et les produits phytosanitaires : coûts et solutions » études et documents n°136, CGEDD, décembre 2015 13 Par ailleurs le coût de dépollution pour les nitrates est chiffré à 490/742 Md par cette étude. 14 Selon Bommelaer et Devaux (2011) l'hypothèse retenue pour les pesticides est que les traitements de potabilisation visent un abaissement moyen en concentration de 1 µg par litre. Ceci revient à devoir traiter 1 million de m3 d'eau contaminée pour en retirer 1 kilogramme de pesticides. On peut alors déduire des coûts unitaires précédents (fournis par le Commission eau potable de l'ASTEE et par l'étude de l'Agence de l'eau SeineNormandie de 2008) la fourchette des coûts d'élimination d'un kilogramme de pesticide, est comprise entre 60 000 et 200 000 . Or si 76.000 tonnes de substances actives sont utilisées chaque année, 74 tonnes se retrouvent dilués dans les eaux des rivières et écoulés des nappes à la mer. Le coût de traitement de ces apports annuels de pesticides aux eaux de surface et côtières se situerait dans une fourchette de 4,4 à 14,8 Md. 15 « Approche économique de la biodiversité et des services liés aux écosystèmes » centre d'analyse stratégique, avril 2009 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 110/208 PUBLIÉ En France, comme dans de nombreux pays, la presse se fait désormais régulièrement l'écho du long combat d'agriculteurs ou de leurs proches pour faire reconnaître le caractère professionnel de leur maladie et la responsabilité de certains produits 16 , mais loin de présenter une synthèse des connaissances scientifiques sur une question, il s'agit souvent de construire un scénario de confrontation pour alimenter une controverse, parfois exposée dans les médias avant de l'être au sein même de la communauté scientifique17. Faute d'indicateurs d'impact au sein du plan Écophyto, chaque acteur garde la possibilité de tirer dans le hasard de ses rencontres, ou de son expérience personnelle et sensible, les éléments qui viendront conforter sa position. Par ailleurs, pour certains, la puissance des quelques firmes internationales qui produisent et vendent la plus grande part des PPP est grande et contribue à alimenter un sentiment de complot, où l'État apparaît parfois en situation de faiblesse face à l'influence de ces groupes et lobby. Plus qu'une question importante mais pragmatique de santé publique ou de biodiversité, le lien aux pesticides est aussi aujourd'hui en France un « marqueur culturel » d'appartenance à des classes ou des groupes sociaux, au sein du monde rural mais aussi de la société et du monde politique. Et ce marqueur s'installe même parfois dans les familles d'exploitants : une illustration est l'influence déterminante de certains conjoints non agriculteurs dans la décision d'exploitants de changer de système18. L'échec du plan depuis 2008, en ne permettant pas un infléchissement significatif et visible de l'usage des PPP, est au moins en partie responsable de cette radicalisation ; faute de pouvoir réduire de façon significative l'usage de PPP, a prospéré l'idée que seule une interdiction complète serait efficace. Alors que le sens est une clé majeure de l'action publique, le plan Écophyto échoue à communiquer dans une perspective positive vers un large public. Finalement, alors que le plan Écophyto a beaucoup misé sur la communication comme levier de diffusion des bonnes pratiques, on peut constater un réel échec. Certes il est relatif : les adhérents des groupements d'agriculteurs volontaires ont permis de démontrer la faisabilité de la réduction de l'usage des PPP, mais aucun des responsables rencontrés par la mission ne considère que ce levier de communication et d'accompagnement pourra apporter une contribution significative à la réduction des PPP. DEPHY et les réseaux de pairs L'accompagnement des réseaux de pairs, comme démontré par l'expérience du réseau DEPHY, est un bon outil d'accompagnement des innovateurs et des « early adopter », voire de certaines filières, comme souligné par plusieurs études. L'insertion dans le réseau DEPHY d'exploitations viticoles aurait ainsi été un élément décisif pour déclencher le passage des pesticides chimiques aux produits de lutte biologique (notamment de biocontrôle) des exploitations engagées, ainsi qu'à obtenir une diminution dans l'utilisation totale de PPP à un coût d'accompagnement technique qu'on peut finalement considérer comme assez faible (Lapierre, 2019)19. Mais, on l'a vu plus haut, les résultats des fermes DEPHY ne sont que rarement à hauteur de l'objectif de réduction de 50% des PPP en 10 ans, et le nombre des fermes engagées, et a fortiori la part de la 16 17 Par exemple « Pesticides et corps malade », les pieds sur terre, France culture, 14/09/2018 On se rappelle ce que doit la mobilisation contre le glyphosate à une spectaculaire étude dirigée par Gilles-Eric Séralini et dont la critique des méthodes a abouti au retrait de publication. Le plan Écophyto de réduction d'usage des pesticides en France : décryptage d'un échec et raisons d'espérer, Laurence Guichard et alii, Cahiers de l'agriculture, 2017 18 Providing technical assistance to peer networks to reduce pesticide use in Europe: Evidence from the French Ecophyto plan, Margaux Lapierre, Alexandre Sauquet, Subervie Julie, Hal, 2019 V2,https://hal.archives-ouvertes.fr/hal02190979v2/document 19 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 111/208 PUBLIÉ SAU, restent très en deçà des objectifs. On l'a vu dans la première partie du rapport, l'extension à 30.000, soit moins de 10% des exploitations, du nombre des exploitations engagées ne serait très probablement pas atteint à l'échéance d'Écophyto 2+, en 2025. Un conseil agricole à réformer Au-delà des fermes DEPHY, qui sont une forme de conseil agricole collectif, encouragées dès le premier plan, le plan Écophyto 2+ a aussi promu la séparation du conseil et de la vente des PPP, effective en 2021, ainsi que l'obligation de mise en place d'un conseil stratégique phyto, comme vu en 1e partie. Mais plusieurs interlocuteurs de la mission ont indiqué qu'une réforme plus profonde du conseil agricole était nécessaire. Alors que cette prestation aux agriculteurs était organisée pour assurer la promotion de pratiques standardisées et éprouvées, les démarches de réduction des PPP et les chemins de l'agroécologie sont multiples et spécifiques à leur contexte. Par ailleurs l'accès à l'information a été révolutionné par internet et les nombreuses applications. Le conseiller a perdu son monopole, et certains considèrent que son référentiel de compétences doit être redéfini. On peut donc retenir que c'est un objectif urgent, préalable à la massification, car si la fraction la plus avancée des agriculteurs peut se passer de l'avis convergent du conseiller agricole, il ne faudrait pas que ce conseil devienne un frein à la nécessaire transition qui arrive20. L'augmentation du risque, réelle ou supposée, un frein à la diffusion spontanée ? Les caractères bon-marché et simple d'utilisation des PPP sont des freins à l'adoption d'alternatives. Un autre frein s'exprime dans les études des motivations des agriculteurs : le risque de pertes de production importantes dues aux ravageurs (Chèze, 2020)21. Cette question est discutée, une partie des analystes affirmant au contraire l'agroécologie comme davantage résiliente que l'agriculture conventionnelle. Il n'empêche qu'elle semble bien un frein au moins pendant la transition. La mission n'a pas pu explorer cette question comme il aurait été nécessaire, et alors même que ce risque n'a donné lieu à aucune action significative dans le cadre du plan Écophyto. Les actions de communications (incluant l'animation de réseau de pairs et le conseil agricole) ne sont pas un levier de massification. Ces actions sont utiles, mais elles ne peuvent qu'accompagner d'autres leviers, utilisant les pouvoirs de régulation, d'action économique, et de réglementation de l'État, et valorisant les initiatives des acteurs organisés. Levier 2 : la segmentation des marchés par la labellisation des pratiques économes en PPP La stratégie de labellisation vise à opérer une différenciation des produits au sein des marchés, de production et idéalement jusqu'à la fourchette, pour essayer de capter davantage de valeur et ainsi couvrir des surcoûts liés à la mise en place d'un cahier des charges contraignant. La France dispose déjà de nombreux outils qui doivent mieux être mis au service de la réduction des PPP : Soutenir le développement de l'agriculture biologique Le label AB est plus général, et donc plus exigeant, que les seuls PPP. Il engage sur le moyen et le long terme, et pas seulement sur le temps de la culture labellisée. Et il ne s'agit pas de réduire l'usage des PPP mais de supprimer les PPP de synthèse, quitte à utiliser massivement des produits autorisés à base de cuivre. 20 21 Le rapport CGAAER 19070 traite notamment de cette question du lien entre le conseil agricole et l'agroécologie. Understanding farmers' reluctance to reduce pesticide use: A choice experiment, Benoît Chèze, Maia David, Vincent Martinet, Ecological Economics, volume 167, janvier 2020 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 112/208 PUBLIÉ Loin d'être aujourd'hui une activité confidentielle, l'AB s'impose de plus en plus dans les magasins et les assiettes, et un peu plus difficilement dans les campagnes françaises, alors que la demande du consommateur est telle que l'importation de produits issus de l'AB crée un déficit annuel du commerce extérieur de l'ordre du milliard d'euros. Or le développement de l'AB au détriment de l'agriculture conventionnelle est un moyen efficace de réduire l'usage global de PPP. La conversion de 25% des exploitations et des surfaces agricoles aujourd'hui conventionnelles, les autres ne changeant pas leurs pratiques, permettrait d'atteindre la moitié de l'objectif d'une réduction moyenne de 50% des PPP. Bien sûr, il n'est pas souhaitable que l'agriculture conventionnelle s'exonère de sa propre responsabilité. Mais en revanche, c'est à juste titre que des fonds publics importants destinés à la réduction des PPP sont consacrés au développement de l'AB et il est légitime de considérer que, le cas échéant, des ressources complémentaires pourraient lui être consacrées. Crédibiliser un label sans PPP Alors que l'attention de certains exploitants se porte en priorité sur les PPP, sans qu'ils ne souhaitent s'engager vers l'AB, on notera que ces productions ne sont pas valorisées aujourd'hui de manière spécifique sur le marché. C'est une voie qui mériterait d'être creusée, tant l'objectif de réduction des PPP peut paraître prioritaire sur les autres enjeux portés par l'AB, dont l'absence d'engrais de synthèse ou de cultures hors sols. Depuis quelques années, certaines marques comportent des logos « sans résidu de pesticides » ou « cultivé sans pesticides ». Si une première enquête de la DGCCRF, en 2018, relayée par le magazine Que choisir, pour qui « la méfiance s'impose », a pu mettre en doute que ces produits comportaient moins de résidus que les alternatives sans label, il semble bien que cette tendance nouvelle s'installe et soit prometteuse, dès lors qu'elle témoigne d'une réelle diminution de l'usage de PPP. Tout comme pour l'AB, la production économe en PPP a besoin d'une différenciation dès lors que ses coûts sont significativement supérieurs à ceux des productions conventionnelles, toutes choses étant égales par ailleurs, ce qui semble être un cas assez général. C'est ce qu'ont engagé certains grands distributeurs, mais avec leur propre référentiel et système de labélisation. Durcir les contraintes PPP dans la certification environnementale La certification environnementale, notamment son niveau 3 dit « Haute valeur environnementale » (HVE), encourage l'amélioration des pratiques à l'échelle de l'exploitation sur de nombreux enjeux dont les PPP. Avec son ambition globale, sur tous les enjeux de l'agroécologie et pour l'ensemble de l'exploitation, mais moyennant un durcissement de son volet PPP, cette certification peut être utile, par exemple pour conditionner des soutiens directs à l'exploitation (crédits d'impôts, taux augmenté de subventions, possibilité d'accéder à des aides conditionnelles PAC...). Mais elle ne paraît que difficilement valorisable jusqu'au consommateur. Durcir les cahiers des charges PPP dans les SIQO 22 La France a su développer de longue date un dispositif d'appellation d'origine, qui trouve désormais des prolongements européens et internationaux. Un encouragement à l'insertion de cahiers des charges plus restrictifs en matière de PPP dans les appellations d'origine serait un autre moyen de promouvoir la réduction des PPP. 22 Ou Signe d'Identification de la Qualité et de l'Origine (SIQO) selon la terminologie de l'INAO Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 113/208 PUBLIÉ Les labels sont de bons leviers, qui répondent à de nombreuses attentes. Les soutiens apportés par le plan à l'AB constituent l'un des rares leviers de massification activé depuis le début du plan, et dont on peut prouver qu'il a contribué à une réduction de l'ordre de 10% de la consommation globale de PPP hors ceux autorisées en AB en France. Une extension de ce soutien aux exploitations qui respectent le cahier des charges de l'AB uniquement en matière de PPP pourrait utilement être étudiée. Le développement des exigences (relatives aux PPP) associées à la norme HVE pourrait également permettre d'augmenter le soutien apporté à leurs bénéficiaires. Enfin, le gouvernement et l'INAO devrait demander l'insertion de conditions relatives aux PPP dans l'ensemble des signes d'identification de la qualité et de l'origine. Levier 3 : Les politiques incitatives générales : fiscalité, CEPP et redistribution active Par politique incitative, on entend ici la politique fiscale et les « marchés de droits », tel le certificat d'économie de produits phytosanitaires (CEPP). Une politique incitative est générale, elle vise à encourager ou décourager, principalement par le « signal-prix ». La fiscalité « écologique » sur les PPP est un outil puissant, qui reste aujourd'hui à un niveau trop bas pour avoir un effet significatif sur la consommation de PPP Face à des risques ou des effets indésirables que les économistes appellent souvent des « externalités », c'est-à-dire des effets non pris en compte par le marché, la mise en place d'une fiscalité incitative23 est considérée comme le moyen efficace d'orienter les choix de production et de consommation. Plusieurs travaux conduits sous l'égide du Conseil économique pour le développement durable (CEDD), et notamment le rapport « Un pacte fiscal écologique pour accélérer la transition écologique et solidaire » publié en mai 2018, expriment l'intérêt d'agir par ce biais sur le prix : « la fiscalité incitative, si elle s'applique uniformément à chaque pollution, assure que tous les gisements d'abattements à faible coût seront mobilisés, en laissant à chacun la liberté des moyens pour s'adapter et en stimulant la capacité entrepreneuriale du privé pour trouver les solutions ; celle-ci fonctionnant aussi comme un taux libératoire pour ceux qui n'en ont pas ou seulement à des coûts prohibitifs » 24 « Contrairement à la réglementation et aux normes, elle laisse à chacun sa liberté de choix, dans un cadre régulé. Elle incite à mobiliser ces efforts par ordre de mérite et, par son caractère libératoire, évite d'imposer à des agents des coûts excessifs par rapport aux bénéfices attendus pour la collectivité. » 25 L'efficacité d'une fiscalité incitative peut se mesurer à l'élasticité-prix de la demande d'un bien ou d'un service. Faisant le constat de résultats décevants du premier plan, le gouvernement s'était interrogé en 2013 sur « la mise en place d'une fiscalité qui incite à abandonner ou à réduire fortement l'usage des pesticides », et « les dispositifs de redistribution au profit des professionnels qui s'engagent dans des démarches vertueuses ». Un rapport de mission interministériel IGF-CGEDD-CGAAER (2013) concluait au faible impact de la redevance sur le comportement d'achat. Ou taxe « pigouvienne » du nom de l'inventeur de la notion d'externalité Arthur Cecil Pigou (1877-1959). Une taxe de ce type vise à corriger une défaillance du marché (externalité) et non pas à alimenter le budget de l'Etat. 23 CEDD, Références économiques pour le développement durable n°39, Décembre 2018. Voir également les rapports « Comment concilier développement économique et environnement ? » Philippe Aghion et alii, CEDD « les économistes et la croissance verte », CEDD, mai 2012 et « Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? » 24 « Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? » sous l'égide du Comité pour l'économie verte, Bénédicte Peyrol, Dominique Bureau, 2018 25 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 114/208 PUBLIÉ Ainsi en 2012, la RPD avec un prélèvement de 103 M représentait 0,65 % du résultat courant des exploitations agricoles toutes filières confondues (de 0,63 pour la viticulture à 1,34 pour l'arboriculture). La mission préconisait cependant un élargissement de l'assiette pour mieux prendre en compte la dangerosité des substances (ce qui a été fait avec les CMR) et considérer toutes les substances dangereuses des PPP ; elle proposait de tripler le montant de la RPD, pour atteindre 350 M) considérant que cela aurait un impact mesuré sur le revenu agricole, (passant de 0,65 % avec les taux de l'époque à 2,2 % du résultat courant des exploitations agricoles). On notera qu'en 2012, le chiffre d'affaires des PPP en France était estimé à 2 Md. Plus récemment, le rapport Potier estimait que le poids de la redevance en 2014 était faible dans l'équilibre économique des exploitations, (estimée à moins de 5 /ha en grande culture et 17 /ha en arboriculture-viticulture). Elle représentait 3,5 % des dépenses de produits phytosanitaires, soit 0,18 % du chiffre d'affaires et 0,65 % du résultat (se référant au rapport cité ci-dessus). Le rapport prévoyait d'accompagner la montée en puissance des actions proposées avec l'augmentation des recettes liées à l'élargissement de la redevance, envisagé dès 2015, aux CMR de catégorie 2. Le rapport IGF-CGEDD-CGAAER (2013) avait conclu à la nécessité de développer un autre levier : les CEPP. On peut toutefois réinterroger cette question, ce que ne se privent pas de faire plusieurs experts rencontrés par la mission, qui considère que le levier fiscal est indispensable à la réussite du plan. Pour diminuer de 50% la consommation de PPP, il conviendrait au moins de doubler leur prix comme les gouvernements successifs ont su le faire pour le tabac ou pour les produits pétroliers, qui ont une fiscalité de cet ordre de grandeur. Et même cette hausse ne garantit pas le résultat dans le cas des céréaliers norvégiens (Vatn, 2020) 26. En revanche, une augmentation trop brutale est susceptible de se heurter à des résistances importantes, qui ont dans le passé mis en échec des projets de taxe sur les transports, par exemple. Le taux moyen actuel de la RPD (de l'ordre de 5% du CA des PPP), même après les augmentations décidées avec Écophyto 2, n'est pas de nature à influer significativement sur la décision d'utiliser les PPP. La mise en place d'une incitation via un marché de droit, les CEPP, a été stérilisée par l'absence de sanction, et son intérêt a été diminué avec la séparation entre les activités de vente et de conseil (Écophyto 2+) Il est intéressant de montrer ici qu'il s'agit potentiellement, comme la taxation, d'une méthode permettant de collecter des droits sur les utilisateurs ou les vendeurs de PPP et de les redistribuer pour réaliser des économies de PPP. Ce système, qualifié par les économistes de « marché de droits », a fait l'objet de nombreuses initiatives pour favoriser une économie décarbonnée. S'il est mis en oeuvre dans le domaine des PPP et obligatoire, il permettrait ainsi de renchérir le coût relatif d'usage des PPP et de diminuer celui de leurs alternatives. Comme la taxation, il faut que le dispositif soit suffisamment contraignant pour qu'il amène progressivement les acteurs à changer leurs pratiques, surtout si les dépenses éligibles pour bénéficier de ces certificats sont largement définies, et un « marché » organisé, pour que les bénéficiaires puissent accéder à une ressource produite dans un autre secteur et dans une autre région. Mais l'outil CEPP, on l'a vu plus haut, a été singulièrement bridé par rapport au projet initial, ou à son modèle, les certificats d'économie d'énergie. Par ailleurs son actualité semble atténuée par la mise en Pesticide taxes or voluntary action? An analysis of responses among Norwegian grain farmers, Arild Vatn, Valborg Kvakkestad, Åsmund Lægreid Steiro, IanHodge, Journal of Environmental Management, Volume 276, 15 December 2020, 111074 26 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 115/208 PUBLIÉ place de la séparation de la vente et du conseil des produits PPP. Il est trop tôt pour tirer des conclusions sur ce dispositif CEPP, qui se met tout juste en place, mais il apparaît à certains comme un dispositif accessoire, que seules des modifications substantielles permettraient de revigorer pour en faire un levier à l'échelle de la massification souhaitée. Plusieurs interlocuteurs de la mission ont regretté une remise en question prématurée du dispositif initial alors même qu'il avait été qualifié d'expérimental et devait faire l'objet d'une évaluation avant d'éventuels ajustements. « Afin que les agents payent les « vrais » prix de ces biens ou de ces maux c'est-à-dire intègrent toutes les dimensions de leur coût social, deux solutions techniques sont envisageables : soit l'instauration de taxes pigouviennes ; soit l'allocation de licences d'émission qui peuvent ensuite être échangés sur un marché. La taxe carbone constitue un exemple de taxe pigouvienne, le marché européen du carbone où les grandes entreprises européennes peuvent s'échanger des quotas d'émissions constitue un exemple de la seconde formule, malheureusement mise en oeuvre dans des conditions très imparfaites. (...) Par ailleurs, ces différents outils suscitent des controverses de nature idéologique. Les antilibéraux sont allergiques aux marchés de droits, ne comprenant pas comment la création d'un marché peut corriger une imperfection de marché. De leur côté, les personnes qui éprouvent de l'aversion pour des taxes accepteront avec difficulté la taxe pigouvienne, alors même qu'il ne s'agit que de modifier les prix relatifs comme la solution bonus malus l'illustre parfaitement. Ainsi, les aversions traditionnelles vont resurgir et imprimer leurs marques au moment d'indiquer une préférence pour l'un ou l'autre des instruments et on comprend pourquoi ces solutions incitatives bousculent les schémas de pensée. Il faut donc déployer des talents pédagogiques importants pour vendre ce type de réforme fiscale à l'opinion. » (CEDD 2018 « Un pacte fiscal écologique pour accélérer la transition écologique et solidaire »). Pour renforcer l'incitation, le produit de la RPD pourrait également contribuer plus directement à la massification Au cours des entretiens, la mission a perçu que la programmation ­ l'utilisation prévisionnelle de ces ressources - résulte au moins en partie d'une gouvernance très large, qui a incité à répondre aux sollicitations multiples des parties prenantes, sans nécessairement identifier la contribution des actions aux objectifs du plan. Et certains de ces financements sont progressivement devenus récurrents, jusqu'à capter une large part des enveloppes disponibles. La lettre de commande demande à la mission de déterminer la valeur ajoutée des actions financées par le programme et les enveloppes régionales. Ce travail important ne peut pas être conduit par la mission dans les délais impartis en l'absence de toute évaluation externe de ces actions, même si les fermes DEPHY et le BSV, par exemple, ont fait l'objet de réflexions stratégiques partagées. En revanche, la mission a acquis la conviction que les actions financées par le programme ne permettent pas à elles seules d'atteindre la cible souhaitée. La mission a donc étudié l'intérêt d'une réorientation radicale du produit de la RPD destinée à Écophyto, vers des actions à l'effet plus direct. Ce n'est pas parce qu'une taxe sur les PPP est instituée que son produit doit financer des actions réduisant les PPP. Le rapport27 « Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022? » sous l'égide du Comité pour l'économie verte, distingue ainsi « plusieurs options, non exclusives les unes des autres » : utilisation des recettes en faveur de la transition écologique, ou leur allocation au budget général de l'État en vue de réduire d'autres impôts, ou encore le financement des mesures de compensation pour le maintien du pouvoir d'achat. Selon le principe « pollueur-payeur », le bénéfice de la RPD peut viser prioritairement la Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? » Comité pour l'économie verte, Bénédicte Peyrol, Dominique Bureau, 2018 27 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 116/208 PUBLIÉ réparation des externalités négatives engendrées par l'usage des PPP. Le financement du fonds nouvellement créé d'indemnisation des victimes, un concours aux dépenses de santé, d'une part, des mesures en faveur de la qualité de l'eau ou la préservation ou la restauration de la biodiversité, d'autre part, pourraient ainsi être privilégiés. Mais une alternative économique intéressante est la redistribution incitative, qui permet d'augmenter les effets de la taxe en redistribuant son produit vers les contribuables les plus méritants, qui réduisent le plus ou qui utilisent le moins de PPP. « Sur un plan distributif, la solution avec marché de droits conduit à des résultats qui dépendent de leur allocation, et la solution pigouvienne dépend de l'utilisation des recettes engendrées par la taxe. A qui doit-on les redistribuer, sur une base bien évidemment forfaitaire, afin de ne pas perdre les vertus incitatives du dispositif ? Compte-tenu de cette marge de manoeuvre, il n'existe aucune difficulté économique insurmontable à concilier équité et efficacité dans ce domaine. En revanche, si l'on désire que cette taxe pigouvienne soit, de plus, une source de revenus importante pour l'État, on risque de se heurter à la quadrature du cercle. » (CEDD 2018 « Un pacte fiscal écologique pour accélérer la transition écologique et solidaire »). Illustration Soit 2 agriculteurs qui dépensaient 100 en PPP. Après taxation, l'agriculteur A, qui ne change pas ses pratiques, dépense 200 en PPP. L'agriculteur B, qui passe à 0 PPP (hors ceux autorisés en AB), dépense 0 et reçoit 100 de subvention. L'écart entre les 2 agriculteurs devient 300 : de quoi financer des alternatives aux PPP significativement plus coûteuses que la situation originelle. Cet écart n'est que de 200 si le produit de la taxation est utilisé à d'autres usages : il faut augmenter de 50% la taxe pour obtenir le même écart entre les deux solutions. En particulier une partie de la RPD contribue à compléter les financements de l'AB, dont l'essor concourt à la réduction des PPP. Ce financement pourrait utilement être étendu aux pratiques respectant le même cahier des charges sur les PPP, mais sans le label AB, dont le cahier des charges porte d'autres enjeux. Le consentement à payer la RPD est aujourd'hui fragile, parce qu'une partie des taxes payées semble échapper à la redistribution ; Les financements d'actions collectives à partir de la RPD n'ont pas fait la preuve de leur efficience ; Au contraire, certaines actions qui étaient auparavant prises en charge autrement, ou qui pourraient l'être sur les ressources disponibles, sont réorientées vers les financements RPD, avec le concours des autorités responsables, soucieuses de « dépenser leurs crédits » ; Enfin les procédures actuelles ignorent plusieurs des bonnes pratiques identifiées par exemple par le comité pour l'économie verte : Cette affectation du produit de la taxe répondrait à plusieurs préoccupations : « (...) l'essor de la fiscalité environnementale nécessite de respecter les cinq principes suivants : Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 117/208 PUBLIÉ · définition d'une trajectoire de long terme crédible pour donner de la lisibilité aux acteurs économiques et les accompagner ainsi vers le changement ; · évaluation de ses impacts économiques et sociaux, pour qu'elle ne pèse pas excessivement sur le pouvoir d'achat et la compétitivité, les mesures d'accompagnement pour s'en assurer et l'utilisation qui sera faite des recettes faisant donc partie intégrante de sa construction et devant être annoncées en même temps que les trajectoires. Plus généralement, l'utilisation des recettes de toute nouvelle réforme de la fiscalité environnementale détermine ses effets macroéconomiques et sociaux, et peut favoriser la transition des secteurs économiques vers la performance environnementale. Elle doit être justifiée au cas par cas. Les choix en ce domaine doivent être effectués en s'assurant de l'adhésion de l'ensemble des acteurs concernés ; · nécessité que la fiscalité écologique couvre effectivement l'ensemble des pollutions concernées, en évitant les exemptions qui nuisent à son efficacité ; · mise en oeuvre des orientations du quinquennat en matière de finances publiques : baisser d'un point les prélèvements obligatoires, ramener en cinq ans le déficit public à un niveau proche de l'équilibre, réduire la dépense publique de plus de trois points de PIB, le développement de la fiscalité environnementale s'inscrivant dans un processus général de réduction des distorsions fiscales ; · recherche des combinaisons les plus efficaces pour les politiques environnementales avec la question de la pertinence des outils utilisées et de la bonne articulation entre les mesures de fiscalité environnementale, les mesures réglementaires et les normes. Rapport Peyrol-Bureau, Comité pour l'économie verte, septembre 2018 » À un niveau suffisamment élevé pour être sensible, la taxation du recours aux PPP est un moyen simple et efficace pour envoyer le bon message aux agriculteurs. Mais on peut aussi envisager d'augmenter ce signal-prix en utilisant le produit de la taxe pour subventionner les meilleures pratiques, économes en PPP. Cela permet de réduire le taux de la taxe pour atteindre la réduction souhaitée, ce qui rend la mesure moins douloureuse à effet égal. C'est déjà le cas quand la RPD contribue à financer l'AB, mais avec toutefois la réserve que l'AB vise aussi d'autres objectifs et qu'il est donc légitime de lui rechercher d'autres financements, par exemple issus des taxes sur l'eau ou sur les fertilisants chimiques, comme le font les agences de l'eau. Dimensionnement de la mesure Pour dimensionner cette proposition et estimer son coût, on peut réaliser une simulation simple, en faisant l'hypothèse d'attribuer aux exploitations respectant le cahier des charges PPP de l'AB, mais pas les autres critères, la moitié des avantages accordés à l'AB. Pour mémoire : aides à l'agriculture biologique La nouvelle mesure sans PPP Coût de la mesure pour 10% de la SAU et des exploitations Page 118/208 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO PUBLIÉ Crédit d'impôt 3500/exploitation 1750/exploitation 30.000 exploitations 52,5 M 435 M Conversion (3 ans) 300/ha 150/ha Maintien 160/ha 80/ha 232 M Sur ces hypothèses certes très simplifiées, mais qui pourraient être affinées en faisant des hypothèses plus précises sur les surfaces et productions concernées, on peut déterminer un coût annuel pour la montée en charge du dispositif à hauteur de 10% des exploitations par an pendant 3 ans, jusqu'à atteindre le palier de 30% des exploitations avec 0 PPP (hors ceux autorisés en AB). Année 1 2 3 4 5 6 % d'exploitations concernées 10% 20% 30% 30% 30% 30% Crédits d'impôts 52,5 105 157,5 157,5 157,5 157,5 Conversion 435 870 1305 870 435 0 Maintien 0 0 0 232 464 696 Coût total 487,5 975 1462,5 1259,5 1056,5 853,5 La RPD est actuellement de 180 M, pour une valeur de PPP soumise à la RPD de 2,3 Md (Cour des comptes). Si la nouvelle RPD doublait le prix des PPP, le volume des PPP diminuerait de 50% en faisant l'hypothèse d'une élasticité prix de -0,5. Le chiffre d'affaires des PPP taxes comprises resterait sensiblement identique, et la RPD rapporterait de l'ordre de 1,15+0,18=1,31 Md/an, à terme : de quoi couvrir la mesure d'aide. On peut donc considérer, sous réserve d'études plus approfondies pour approcher une mesure équilibrée, qu'une RPD fixée à peu près au même niveau que la taxation des produits pétroliers (elle représente environ 60% du prix final des produits pétroliers et environ 80% des ventes de tabac) permettrait d'apporter durablement aux 30% d'exploitations qui accepteraient de respecter le cahier des charges de réduction des PPP une aide égale à la moitié de celle qui est apportée à l'AB et de financer d'autres actions d'accompagnement. Levier 4 : La réglementation et la PAC Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 119/208 PUBLIÉ Au « sommet » de l'outillage des politiques publiques, par son caractère impératif, il y a la réglementation, et le contrôle de son respect. Même si c'est un dispositif de financement, les aides de la PAC sont en réalité un outil réglementaire, puisque les aides répondent à un double régime, européen et national, d'affectation et son usage est strictement contrôlé par l'UE. Le durcissement de la réglementation a des effets qu'il faut anticiper Même si la production de règles et de normes est une activité spontanée de l'administration, il est pertinent et nécessaire d'interroger l'efficacité de ces mesures sur l'objectif poursuivi en matière de PPP. Une synthèse des travaux d'évaluation de la « réglementation écologique » est présente dans une étude du CEDD de 201828 : « Cette action par la contrainte, qui demeure dominante, est évidemment coûteuse en termes de liberté individuelle. Mais cette intervention à caractère paternaliste peut permettre d'atteindre la cible si l'administration a les moyens d'effectuer les contrôles pour rendre effective l'application de la législation. Les solutions normatives peuvent également avoir l'avantage, si elles sont annoncées suffisamment à l'avance en faisant précéder la période où les sanctions s'appliquent d'une période probatoire, de contribuer à faire changer les préférences des agents économiques. Toutefois, les solutions normatives lorsqu'elles sont envisagées sans bourses d'échanges ont l'inconvénient de ne pas minimiser les coûts globaux de la transition verte pour la société dans son ensemble. C'est le grand reproche fait par les micro-économistes à ce type de solution, celui de ne pas être efficace économiquement et d'entraîner des gaspillages de ressources. Cette inefficacité économique peut engendrer une inefficacité écologique : sachant que certains agents vont être amenés à supporter des coûts très élevés pour satisfaire les normes, celles-ci peuvent alors être placées à un niveau trop bas, pour ne pas les mettre en trop grande difficulté. » Plusieurs experts ont souligné certains effets négatifs de la réglementation sur les PPP, notamment des allers-retours interdiction/dérogation qui peuvent donner le tournis. Ainsi l'interdiction rapide des néonicotinoïdes aurait abouti à une impasse29 dans la maîtrise de la jaunisse sur la betterave, justifiant, fin 2020, une ré-autorisation provisoire de l'emploi de ses substances de manière préventive, par enrobage des graines (Yves et Pierre Guy, 2020). Dans ce cas d'espèce, ce n'est pas tant l'objectif de retrait de produits accusés d'avoir largement contribué au déclin des populations d'abeilles qui est mis en cause, que la rapidité de ce retrait, non anticipé par les acteurs, qui n'a pas permis d'adopter des pratiques plus structurelles que la simple substitution de PPP, les nouveaux s'avérant moins efficaces que les précédents pour réduire les populations de pucerons porteurs du virus de la jaunisse. Finalement la réglementation peut être l'outil de l'urgence ou de la maturité, mais elle s'accommode mal de l'entre-deux : quand l'urgence sanitaire ou environnementale est avérée, la réglementation est le bon outil, mais il convient d'apprécier la proportionnalité du risque évité et de l'effet provoqué, sous forme d'un bilan coût/avantage et d'une étude d'impact : c'est la réglementation-prévention ; cela vaut également pour les dérogations apportées dont l'analyse coût- avantage n'a pas été davantage réalisée ; quand une question a été correctement instruite, que les effets indésirables d'un produit sont bien identifiés et que les substitutions sont connues, et leurs effets également, la réglementation vient obliger les acteurs à tous adopter une meilleure solution alors qu'une fraction tarderait à le faire : c'est la réglementation-généralisation ; 28 29 CEDD 2018 « Un pacte fiscal écologique pour accélérer la transition écologique et solidaire » C'est en particulier l'Institut technique betteravier qui a relayé cette opinion de l'absence de solution alternative, et en effet il semble que cet organisme n'ait jusqu'en 2020 pas réellement conduit de travaux visant à prévenir cette maladie, qui était correctement prise en charge par les PPP. Il faut dire que la culture de la betterave se heurte également à d'autres défis, dont la rhizomanie, une autre maladie virale, dont l'utilisation de variétés résistantes est la seule solution de lutte. Mais la résistance de ces nouvelles variétés est déjà contournée dans certaines régions. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 120/208 PUBLIÉ mais dans la situation de double incertitude, sur les effets négatifs des PPP à retirer, qui peuvent être mal documentés, et sur les impacts de leurs solutions de substitutions, qui peuvent être très peu génériques et impliquer des changements de pratiques plus profonds, la réglementation amène des contestations et des dérogations, qui en affaiblissent la portée et l'acceptabilité, et freine l'innovation. Il est donc important d'avoir une connaissance précise de l'usage des PPP et de leurs substituts, pour ne pas réglementer « en double aveugle ». On peut à ce titre regretter la sous-exploitation des bases de données, sous formes d'enquêtes sur les pratiques de protection des cultures par filières et par territoires30, alors que cela pourrait être une priorité plus forte des services spécialisés du MAA et des DRAAF, en lien avec leurs homologues du MTE, des DREAL et des agences de l'eau. L'impact de la réglementation des PPP sur le NODU est incertain C'est un point d'ordre 2 par rapport à la question des risques, mais qui a son importance dans le pilotage du plan Écophyto : rien ne prouve qu'interdire certains PPP diminuerait la quantité globale utilisée, et l'indicateur choisi, le NODU, même si cela contribue à réduire l'usage des molécules les plus dangereuses. L'interdiction des substances et des produits les plus actifs n'est pas synonyme de baisse des usages de PPP. Elle peut avoir un effet inverse, puisqu'il faut souvent épandre de plus grandes quantités de substances pour atteindre le même effet ou un effet moindre (ex : traitements des betteraves en plein champs en l'absence de traitement des semences : les traitements viennent alimenter le NODU alors que les traitements des semences sont hors NODU). Actuellement, le prix relatif des PPP continue à être très attractif, notamment si on la compare au coût du travail et à celui de l'énergie, deux paramètres auxquels sont particulièrement sensibles de nombreuses alternatives aux PPP (désherbage mécanique vs glyphosate, par exemple, ou silos ventilés vs insecticides), et un plus grand recours aux PPP résulte également de l'extension de certaines pratiques agricoles, ainsi que de certaines cultures, moins intensives en travail. Le levier PAC n'est pas assez mobilisé En revanche, et cela est souligné par de nombreux experts, la réglementation relative à la PAC est un levier particulièrement puissant : en injectant chaque année près de 9Md, entre 4 et 5 fois le marché des PPP en France, dans l'agriculture française, la PAC détermine une partie significative de ses choix. Mais c'est aujourd'hui un levier potentiel : très peu de mesures de l'actuelle PAC visent les réductions de PPP (soutien à l'AB, MAEC). Au contraire, une communication récente31 semble montrer que les financements du premier pilier ont favorisé l'usage des PPP, à la différence des financements du second pilier. C'est donc un enjeu fort d'augmenter significativement la conditionnalité des prochaines aides. À défaut, cette réglementation PAC contribuera à ralentir les changements souhaités. Mais il faut noter que le processus de détermination de la PAC est désormais très fortement ascendant : les plans stratégiques nationaux conduisent les États à faire des choix différenciés, et donc à se mettre en concurrence sur la façon d'utiliser les ressources de la PAC, en choisissant des arbitrages différents. Il est donc souhaitable que la France, qui aura donc davantage de latitude pour conditionner les aides de la PAC, cherche une plus grande convergence de la PAC et des plans de réduction des PPP avec les autres grands pays agricoles. 30 La mission a repéré un faible nombre d'études territoriales depuis 2015. 31 Are EU subsidies a springboard to the reduction of pesticide use? M. Aubert; G. Enjolras, Communication Vancouver 2018, https://hal.inrae.fr/hal-02734754/document Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 121/208 PUBLIÉ Alors que l'agriculture est une activité entrepreneuriale et concurrentielle, inscrite dans des territoires et des filières, l'excès de réglementation est un risque aussi grand que son insuffisance, deux écueils à éviter en adoptant une approche pragmatique et proportionnée. Et les plans Écophyto seraient sages de ne pas trop compter sur des durcissements futurs, tant ceux-ci sont européens-dépendants. On peut toutefois souhaiter, comme le référé de la Cour des comptes et de nombreux experts, que l'occasion de la nouvelle PAC soit saisie pour que les autorités européennes et françaises (c'est à elles de la faire, pas aux agriculteurs) conditionnent davantage les financements apportés à l'agriculture par la société au respect de l'objectif sociétal de protection de la santé et de l'environnement par la réduction des PPP. Des leviers complémentaires ou alternatifs ? Les trois leviers efficaces - segmentation, incitation, réglementation - ont leurs partisans. Le premier levier « segmentation » s'appuie exclusivement sur le volontariat individuel et collectif et débouche sur une segmentation des marchés, via un label. On a vu que le label le plus connu et désormais le plus répandu, l'AB, a pu monter en charge en bénéficiant d'un soutien public important. Un financement public est donc nécessaire. Un rapport récent du CGAAER 32 chiffre à 3,5 Md l'extension de l'AB à 30 % de la SAU : c'est un montant qu'on peut comparer aux 2 Md de chiffre d'affaires des PPP, ou des 9 Md de la PAC. Un financement pour moitié par doublement du prix des PPP, pour une autre moitié mobilisant des aides du 1er et du 2° piliers de la PAC pourrait rapidement être mobilisé : il semble à la portée des pouvoirs publics, même s'il supposerait des arbitrages délicats. Le second levier « incitatif » peut reposer sur plusieurs outils : fiscaux (taxe sur les PPP), marché de droit (CEPP), et redistribution active, renforçant l'effet incitatif de la fiscalité. Ce levier est le moins coûteux pour les pouvoirs publics, il recueille donc la préférence des économistes « libéraux », surtout dans sa version fiscale, le recours à un marché de droit pouvant apparaître comme bureaucratique. Au contraire, outre qu'elle renchérit le coût des PPP, la hausse des taxes apporte des ressources nouvelles. Si elles sont utilisées pour renforcer l'action de soutien aux bonnes pratiques, ces ressources renforcent l'efficacité de la mesure fiscale et donc permettent une moindre hausse des taux. Le troisième levier « réglementation » est souvent celui qui, en France, est préféré par les pouvoirs publics. Son coût d'administration ne doit pas être sous-estimé, alors que les services de contrôle ont des effectifs fortement réduits. Et s'il a fait la preuve de son efficacité sur les JEVI (jardins, espaces verts et infrastructures), un secteur peu ou pas soumis à des enjeux de compétitivité, avec en ce mois de janvier un nouveau durcissement des interdictions des PPP dans les cimetières ou les stades, la réglementation crée des distorsions de concurrence, et peut aussi provoquer des impasses techniques, au moins à court/moyen terme, à gérer par des dérogations difficiles à réguler. Néanmoins on peut penser que chacun de ces leviers peut apporter une forte contribution à l'objectif de réduction des PPP. Est-il néanmoins préférable de les associer ? Cette question a fait l'objet d'une synthèse de 78 articles de recherche publiés entre 1967 et 2017, (Rhiannon Lee & alii, 2019) concluant à la plus grande efficacité des combinaisons de deux ou trois instruments parmi les instruments publics (fiscalité, prescription (AMM) et réglementation) et privés (labels, transfert de technologie, assistance technique). Les auteurs distinguent trois « Governance resource » et 12 instruments : 32 Déterminants de la prise de décision par l'exploitant agricole d'une transition vers l'agroécologie, CGAAER n°19070 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 122/208 PUBLIÉ Tableau 1, (mission, d'après R. Lee et alii 2019), en orange « carotte » en rouge « bâton » Levier Régulation Instrument Prescriptions Contrats et alliances Interdictions Zonage Pilotage Pénalités Economie Subventions Taxes Information Certification Formation Conseil Campagne d'information Exemples dans Écophyto Restriction dans les AMM Contrat d'approvisionnement Interdictions de substances et de produits Protection des zones de captage Outils d'aide à la décision Si non respect du contrôle des pulvérisateurs Aides à l'AB RPD Produits : AB, exploitation : HVE Certiphyto DEPHY Axe 7 du plan Écophyto 2+ Quatre mélanges d'instruments ont été signalés à l'issue de l'examen comme étant bénéfiques pour réduire l'utilisation de pesticides : Alliances et subventions (notre levier 2 plus haut) ; Prescriptions et subventions (notre levier 4 plus haut) ; Prescriptions et services de conseil (réglementation et communication) ; Prescriptions, suivi, taxes, formation et services de conseil (leviers 3 et 4 plus haut). En revanche, cet article indique que le levier réglementaire seul s'est avéré inefficace. Il termine par la conclusion suivante33 : « Pour l'avenir, il ne faut pas se concentrer uniquement sur la compréhension de la manière dont les instruments politiques ciblent des individus ou des groupes d'acteurs spécifiques, car souvent les pratiques ciblées ne dépendent pas seulement d'actions et de décisions individuelles, mais sont façonnées par un contexte plus large (...). Dans le cas d'une agriculture durable, cela signifierait comprendre comment les combinaisons d'instruments politiques peuvent interagir avec le contexte des pratiques agricoles. Par exemple, comprendre le contexte économique façonné par les groupes d'acteurs de la chaîne de valeur; comprendre le contexte social façonné par les réseaux sociaux autour des agriculteurs et les groupes influençant le discours tels que les ONG vertes et les groupes d'intérêt; et comprendre le contexte d'innovation largement façonné par l'interaction avec les instituts de recherche. » 33 Traduction mission avec l'aide de Google translate Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 123/208 PUBLIÉ Finalement, on peut constater que le plan Écophyto a, depuis son origine, multiplié les actions, utilisant toute la palette des instruments à la disposition des pouvoirs publics. Mais ces actions agissent en réalité sur un faible nombre de leviers ­ on en a identifié trois ­ et n'ont jusqu'à présent été opérés qu'à faible intensité, les autorités ayant finalement cherché à « persuader » les agriculteurs, ou ayant fait l'hypothèse que « la bonne pratique agronomique chasse la mauvaise », pour parodier un adage économique. Sauf que l'histoire économique a souvent montré que « c'est « la mauvaise monnaie qui chasse la bonne » : rien ne montre aujourd'hui qu'un mouvement massif de transfert de pratiques serait déjà initié. Il est donc temps d'essayer d'utiliser les instruments non comme des prototypes, mais comme de réels instruments de massification, en y mettant la force nécessaire pour qu'un effet levier ait lieu. En conclusion et résumé de cette annexe un approfondissement de la question des leviers de massification est nécessaire, en veillant à leur bonne adaptation à la pluralité des modèles agricoles de notre pays : - à côté de l'encouragement à la certification AB, qui peut encore être développé, un soutien à la labellisation pérenne sans ou à bas niveau de PPP (autres que ceux autorisés en AB)devrait être encouragé, notamment dans les labels déjà existants ; l'augmentation de la fiscalité directe sur les PPP et la création d'une fiscalité incitant à la consommation de produits bas intrants (à l'échelle européenne ?) sont des leviers qui n'ont pas été utilisés avec la bonne intensité ; la réglementation de l'usage des produits est nécessaire, mais doit être proportionnée à ses coûts et avantages, et dans un soucis d'équité de traitement avec les autres pays européens ; elle suppose un alignement préalable des politiques publiques, dont la PAC. Même si les premiers plans Écophyto ont pu en faire l'hypothèse, la communication, dont le conseil individuel et le soutien aux groupes de pairs, n'est pas à elle seule un levier efficace du plan. À force de cibler presque exclusivement les agriculteurs, et de promouvoir un seul modèle officiel, l'agroécologie, la communication publique a pu alimenter une vision négative des producteurs tout en exonérant de leurs responsabilités les transformateurs, les consommateurs, et les pouvoirs publics. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 124/208 PUBLIÉ Si la principale critique du Plan Écophyto formulée par la Cour des comptes est l'insuffisance de résultats par rapport à l'objectif principal de réduction de la consommation de produits phytopharmaceutiques, celle-ci a également conclu à la nécessité de simplifier la gouvernance du Plan et d'en améliorer la gestion financière. Dans son relevé 1, la Cour des comptes soulignait la multiplicité des acteurs et la confusion entre l'élaboration du plan pluriannuel, qui nécessite une large concertation des acteurs, et sa mise en oeuvre annuelle qui, compte tenu du caractère majoritairement récurrent de 70 % des actions, pourrait être allégée. Elle distinguait le volet national du plan, à la main des instances de l'État, et le volet régional, tributaire d'autres financeurs. Enfin, elle recommandait « de mettre rapidement en place un dispositif de suivi et de pilotage de l'ensemble des crédits nationaux et régionaux, avoisinant 400 M par an, quelle que soit leur origine ». Tant la gouvernance stratégique du plan pluriannuel que le pilotage opérationnel du programme annuel ou la mobilisation des acteurs clés du programme sont perfectibles. La tutelle stratégique du plan Écophyto (2008) a été confiée à l'origine au ministre chargé de l'agriculture, auquel s'est adjoint le ministre chargé de l'environnement dans le plan Écophyto II (2015), puis les ministres chargés de la santé et de la recherche dans le plan Écophyto II+ (2018). Le plan pluriannuel est arrêté après avis d'une instance de concertation et de suivi qui était, dans le plan Écophyto 2018, le comité consultatif de gouvernance puis, dans le plan Écophyto II, le comité d'orientation stratégique et de suivi (COS), dont la composition est fixée par le décret n°2009-1352 du 2 novembre 2009, complété, pour la désignation des personnes ne siégeant pas ès qualités, par un arrêté conjoint des ministres chargés de l'agriculture et de l'environnement. Elle comprend des représentants des organisations professionnelles concernées, des organismes publics intéressés, des associations nationales de protection de l'environnement agréées, des organisations syndicales représentatives et des associations nationales de défense des consommateurs agréées. La même instance était chargée, en vertu des dispositions des articles L. 213-4-1 puis L. 131-15 du code de l'environnement, de donner un avis sur la programmation des crédits du plan Écophyto annuel, suivant des modalités qui ont varié dans le temps. Autour de cette instance principale sont censées graviter deux structures à vocation scientifique et technique : Un comité d'experts, devenu comité d'orientation stratégique recherche et innovation (COSRI) qui détermine la politique de recherche au moyen d'une stratégie nationale recherche 1 Cour des comptes. Relevé d'observations définitives S2019-2326 relatif au bilan des plans Écophyto Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 125/208 PUBLIÉ et innovation (SNRI) et assure la coordination de groupes techniques thématiques qu'il crée2. Ce comité a été mis en place avec Écophyto 2 ; un comité scientifique et technique (CST) chargé d'un rôle de suivi, de conseil et de prospective. Si la responsabilité s'est interministérialisée, nécessitant des arbitrages auprès du cabinet du Premier ministre, sa vision porte seulement sur le seul volet national du Plan Écophyto, et non sur l'ensemble des politiques concourant à la réduction des produits phytopharmaceutiques, ce qui a conduit à solliciter la mission du Préfet Bisch3 en 2020, pour apprécier la globalité des crédits mobilisés. Comme le soulignait la Cour des comptes, « le plan Écophyto est l'un des dix plans constitutifs du projet agroécologique pour la France et d'autres plans nationaux comportent des développements conséquents concernant l'utilisation des pesticides : Programme national de développement agricole et rural (PNDAR), Plan national santé au travail (PNST), Plan national santé environnement (PNSE), Stratégie nationale pour la biodiversité (SNB), Plans chlordécone ». Elle concluait que « ces plans ne sont pas articulés, et les bilans annuels du Plan Écophyto ne les intègrent pas, de sorte que la vision macroéconomique fait défaut et est difficile à communique ». La mission du coordinateur précitée a produit fin 2020 une première consolidation des financements concourant à la réduction de la consommation des produits phytopharmaceutiques. Dans sa conception, le plan présente les actions à grands traits sans les assortir des précisions et instruments utiles au pilotage. Ainsi, le suivi du plan d'action national Écophyto se matérialise-t-il par un document couvrant, sur une soixantaine de pages, l'ensemble des champs prévus par la directive 2009/128/CE, mais présente ce faisant chacune des actions avec un certain niveau de généralité et sans l'assortir des moyens nécessaires à sa mise en oeuvre, d'objectifs cibles chiffrés et d'indicateurs. Si l'ensemble des actions ainsi rassemblées donne une représentation de la dynamique d'ensemble, cette présentation ne permet pas d'apprécier la portée effective d'une action, son réalisme et son utilité. La déclinaison qui en est faite dans les régions sous la forme d'une feuille de route régionale, souffre des mêmes limites, comme l'a montré le travail d'analyse précité réalisé par la mission Bisch, à l'été 2020. Le comité d'orientation stratégique (COS) se réunit une fois par an, et aux dires de nombreux interlocuteurs, peine à contribuer aux orientations du plan. Cette situation résulte en partie d'une absence d'évaluation des différentes actions du plan, mais également de la posture institutionnelle de certains de ses membres. A cet égard, un changement important est intervenu en 2018 avec la suppression de l'approbation par le COS de la maquette budgétaire annuelle dans le cadre de la loi EGALIM4. Si cette simplification de la procédure est bienvenue, car elle a permis de conserver à cette instance sa vocation purement stratégique en évitant que chacun de ses membres ne sollicite sa part de subvention, elle n'a pas eu d'effet positif sur la durée de ladite procédure. 2Pour définir, piloter et mettre en oeuvre l'ensemble de ces actions, l'axe 2 du Plan Écophyto 2 s'appuiera sur un nouveau cadre collectif d'orientation, de programmation et d'incitation, le Comité Scientifique d'Orientation « Recherche ­ Innovation » (CSO R&I) (cf. action 28.1), issu des expériences acquises dans le cadre du programme « Pesticides » du ministère chargé de l'écologie, et du « Groupe Experts Recherche » (GER) du plan Écophyto I. Ce Comité sera piloté conjointement par le MAAF et le MEDDE, et sa composition inclura des experts du monde agricole. Coordinateur interministériel du plan de sortie du glyphosate et de réduction des produits phytopharmaceutiques nommé le 1er décembre 2018 3 Cet avis a été supprimé par l'article 89 de la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous 4 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 126/208 PUBLIÉ Néanmoins, la mission considère que le COS constitue une instance de concertation utile, pour peu que ses réunions soient documentées (bilan des actions, évaluations régulières, débat sur les évolutions du Plan). Enfin, le comité scientifique et technique n'était toujours pas été installé à fin 2020. Le plan Écophyto II+ prévoit : « Un comité scientifique et technique composé de membres nommés intuitu personae en concertation entre les quatre ministères pilotes, en raison de leur expertise personnelle, est installé. Il a en charge l'évaluation des réalisations, des résultats et des impacts du Plan. Il peut proposer des études permettant de documenter cette évaluation ou des actions de parangonnage. Il formule des propositions en matière d'indicateurs et de suivi. Il assure également un rôle de conseil et de prospective auprès des pilotes du Plan afin d'adapter ce dernier aux connaissances récemment acquises ou aux évolutions prospectives envisageables. Des membres du CST participent aux instances de pilotage de l'axe 2 ». Pour autant, la décision fait suite au comité d'orientation stratégique du plan Écophyto 2+ du 7 janvier 2020. Cette situation est préjudiciable dans la mesure où ce comité a « vocation à assurer le suivi régulier des indicateurs du plan Écophyto 2+ et à apporter une interprétation plus complète de leur évolution dans le temps, en fonction du type de produit et de culture. La création de ce comité sera aussi l'occasion de mieux évaluer l'efficacité des actions du plan en termes de réduction de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques. A ce titre, il pourra proposer des recommandations sur d'éventuelles actions complémentaires à mettre en oeuvre ou leviers d'actions à mobiliser pour atteindre les objectifs du plan ». Il pourrait éclairer le débat autour des indicateurs de suivi du plan. Ainsi la gouvernance stratégique du plan ne dispose que récemment d'une vision globale des financements dédiés, et pèche encore par l'insuffisance d'évaluations validées par un comité scientifique et technique absent. On peut regretter que cette gouvernance ne soit pas suffisamment concentrée sur la mise en cohérence des politiques publiques, une action stratégique pourtant mise en avant par Écophyto 2, et que sa composante scientifique reste incomplète. Cette gouvernance paraît finalement inutilement complexe à la mission. Cette section porte sur le pilotage du programme dans ses composantes nationale (41 M) et régionale (30 M). La conduite opérationnelle du programme annuel Écophyto s'appuie sur : · le comité interministériel (COS), cité plus haut, rassemblant les ministres chargés de l'environnement, de la santé, du travail, de la consommation et de la recherche ; · un « club » des référents Écophyto présents dans les principaux services de l'État concernés par la mise en oeuvre du plan, qui comprend la direction générale de l'alimentation (DGAL), la direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises (DGPE), la direction générale de l'enseignement et de la recherche (DGER), le secrétariat général du ministère de l'agriculture et de l'alimentation (SG MAA), la délégation à l'information et à la communication du même ministère (DICOM), la direction de la recherche et de l'innovation (DRI), le commissariat général au développement durable (CGDD), la direction de l'eau et de la biodiversité (DEB), la direction Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 127/208 PUBLIÉ générale de la prévention des risques (DGPR) la direction générale de la santé (DGS), la direction générale des outre-mer (DGOM), auxquels s'ajoutent l'Anses, l'Office français pour la biodiversité (OFB) et la cellule d'animation DEPHY, rattachée à l'assemblée permanente des chambres d'agriculture (APCA). Ces référents sont nommément chargés, individuellement ou collectivement, de la mise en oeuvre et du suivi de chacune des actions du plan Écophyto ; · un « club » des responsables Écophyto régionaux en poste dans chacune des DRAAF et DREAL. La coordination de ces différents acteurs est assurée au niveau national par les responsables des actions du programme. C'est principalement la DGAL qui dispose de la vision la plus globale, car ses services participent aux comités de pilotage de l'ensemble des actions ; cependant, sans mandat, toutes les informations utiles à la synthèse ne lui remontent pas. Aussi, la réalisation du bilan annuel du programme est complexe, de même que le pilotage opérationnel quotidien du programme. Le rapport de M. Potier 5 , député, avait déjà fait ce constat en 2014 ce qui avait conduit à des propositions structurantes en matière de gouvernance du projet Écophyto. La mission propose un nouveau dispositif pour la gouvernance nationale du plan Écophyto : - un chef de projet garant de la cohérence d'ensemble ayant le statut de délégué interministériel ; - une instance politique : la conférence d'orientation et de suivi (COS) ; - une instance chargée de prendre les décisions sur les actions à mener : le comité de pilotage opérationnel (CPO) ; - une instance experte chargée de rendre des avis : le conseil scientifique et technique (CST). Encadré 1 : Rappel des propositions du rapport Potier de 2014 (pages 185 à 190) Comme l'avait suggéré le rapport Potier, mais 4 ans après, les pouvoirs publics ont nommé, en décembre 2018, un coordinateur interministériel du plan de sortie du glyphosate et de réduction des produits phytopharmaceutiques, intégre au plan Écophyto II+6, arrête le 10 avril 2019, par le Comite d'orientation stratégique et de suivi (COS). Une des principales missions du coordinateur interministériel est de s'assurer du maintien de la dynamique engagée, qu'il s'agisse des services de l'État ou de l'ensemble des acteurs, de l'amont jusqu'a l'aval, dans un objectif de responsabilisation de chacun. Pour autant, le coordinateur interministériel n'est pas « un chef de projet » - il n'en a d'ailleurs pas le mandat - car il n'anime pas au quotidien le « comité de pilotage opérationnel » constitué des responsables de chaque action du programme. Il n'assure donc pas les arbitrages courants et ne joue aucun rôle officiel aujourd'hui dans l'élaboration de la maquette budgétaire annuelle. Si elle reste nécessaire, cette fonction de « chef de projet » fait donc toujours défaut. Enfin, d'après plusieurs interlocuteurs, la coordination des responsables régionaux avec les pilotes d'action nationaux est défaillante, faute d'être organisée d'une part, et parce que les crédits du programme régional sont gérés au sein des agences de l'eau d'autre part. Le pilotage est donc Rapport de Dominique Potier, député de Meurthe-et-Moselle au Premier ministre sur « Pesticides et agroécologie, les champs du possible ». Novembre 2014 5 Mission initialement exclusivement dédiée à la sortie du glyphosate et élargie trois mois après au plan Écophyto ; pour autant la task-force que préside le préfet Bisch ne concerne que le glyphosate ; cela montre les hésitations du gouvernement... 6 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 128/208 PUBLIÉ incomplet. L'exemple de la possible réorientation des crédits du programme en région dédiés au financement des pulvérisateurs, désormais pris en charge par le plan de relance, montre la nécessité d'un arbitrage très réactif et d'une mise en oeuvre rapide. En conclusion, il n'existe pas de responsable opérationnel du programme en capacité d'assurer la synthèse et d'arbitrer, ce qui conduit à solliciter indument le cabinet du Premier ministre pour des mesures de faible montant, entraînant ainsi l'approbation tardive de la programmation annuelle et un décalage dans le temps de sa mise en oeuvre. La coordination des responsables d'actions du programme annuel (et de son enveloppe régionale) et la mise en cohérence des dites actions ne sont pas organisées et ne permettent pas de disposer d'une vision globale et partagée par l'ensemble des acteurs (objectifs, mesures, bilans, résultats). Comme le rapportait l'un de nos interlocuteurs, « le premier plan Écophyto était structuré (8 axes), disposait de groupes de suivi par axe, qui discutaient des moyens et des financements. On savait déjà qu'il fallait une révision complète du système agricole. L'absence d'obligation a conduit au délitement du projet ». Il précisait : « il n'y a plus de visibilité de l'ensemble du plan, ni l'impression de construire ensemble (fin de la concertation), et l'idée de réduire les PPP est moins affirmée ». Les remontées d'information sont insuffisantes (consommation des autorisations d'engagement, pas des crédits de paiement ; absence de reporting sur l'atteinte des objectifs des actions), dispersées (chaque pilote central d'une mesure conserve les données, seule la DGAL dispose d'une vision d'ensemble des crédits nationaux ­ mais pas territoriaux - sans en réaliser une synthèse ni avoir la légitimité d'en tirer des leçons) et inexploitées (les fiches bilan OFB restent au sein de l'établissement). Pour la Cour, les documents de programmation et de suivi ne sont en outre pas suffisamment précis. Le programme pourrait donc être utilement complété par des documents synthétiques détaillant le contenu concret des actions et les moyens humains, financiers ou fonctionnels nécessaires à leur mise en oeuvre et par des objectifs chiffrés et des indicateurs. Les acteurs clés du programme annuel ne sont pas mobilisés à la hauteur des enjeux. L'OFB comme les agences de l'Eau participent à la réalisation du plan, mais cette activité n'est que l'un des axes de leur mission, la biodiversité pour le premier, la gestion de la ressource en eau et de sa qualité pour les secondes. Les DRAAF disposent de très faibles moyens consacrés au plan Écophyto, dont la mission ne transparaît pas dans les organigrammes. Le positionnement du chargé de mission Écophyto au sein d'un service (généralement le service régional de l'alimentation- SRAL), ne confère pas toujours à ce « chef de projet » la transversalité et l'autorité au sein de la direction. De même, les chambres d'agriculture n'ont pas intégré dans les faits l'objectif de réduire pour tous les agriculteurs l'usage des PPP, et proposent aux agriculteurs un réseau de conseillers agricoles non Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 129/208 PUBLIÉ adaptés à l'enjeu. L'absence de contrat d'objectif et de performance ne permet pas à l'État de fixer des objectifs clairs et contraignants dans ce domaine aux chambres d'agriculture, pourtant indispensables à la mise en oeuvre du plan. Dans son relevé, la Cour des comptes recommande « de simplifier les processus annuels d'allocation des ressources afin que les acteurs disposent de davantage de visibilité pour agir ». Les administrations centrales consultées ont alerté la mission sur les difficultés rencontrées : Des procédures propres à l'OFB ou aux agences de l'Eau et liées à la spécificité de leurs programmes pluriannuels d'interventions7 qui conduisent, dans le premier cas à remettre en cause les décisions d'affectation des crédits, dans le second à interroger leur légitimité à conduire certaines actions du programme Écophyto (par exemple les actions relatives à la santé humaine ne rentrent pas dans le champ d'action des agences de l'Eau) ; le caractère tardif de la programmation disponible en mi-année N, ne laissant que peu de temps pour la mise à disposition des crédits et leur consommation ; l'absence de visibilité quant à la consommation mensuelle des crédits en Autorisations d'Engagement (AE) et Crédits de Paiement (CP). De fait, le choix des opérateurs est davantage lié à des considérations historiques et aux équilibres entre ministères qu'à la recherche du circuit financier le mieux adapté à la politique menée. La lourdeur de la procédure budgétaire nuit à la mise à disposition des crédits, qui ne sont pas intégralement consommés alors qu'ils sont financés par une taxe affectée. Les circuits financiers sont complexes et font intervenir des acteurs dont la mission n'est pas principalement la réduction de la consommation des produits phytopharmaceutiques : la redevance pour pollution diffuse (RPD) est recouvrée intégralement et par commodité par l'agence de l'eau Artois-Picardie, pour le compte des six agences de l'eau, qui s'acquitte très bien de cette tâche, pour la redistribuer aux acteurs (OFB, agences de l'eau) en charge de la mise en oeuvre du programme annuel ; l'OFB est affectataire d'un montant de 41 M fixé par la loi de finances provenant des recettes de la RPD pour le volet national du programme annuel qu'elle engage selon la maquette budgétaire arbitrée. Cependant cet opérateur a pour principale mission la préservation, la gestion et la restauration de la biodiversité ainsi que la gestion équilibrée et durable de l'eau8 ; En application des lettres de cadrage de la tutelle (MTE) et cohérents avec les contrats d'objectifs passés entre ces opérateurs et l'État, pour la durée de ces programmes 7 L'Office français de la biodiversité est un établissement public de l'État, créé par la loi 2019-773 du 24 juillet 2019, qui contribue, s'agissant des milieux terrestres, aquatiques et marins, à la surveillance, la préservation, la gestion et la restauration de la biodiversité ainsi qu'à la gestion équilibrée et durable de l'eau en coordination avec la politique nationale de lutte contre le réchauffement climatique 8 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 130/208 PUBLIÉ les agences de l'eau consacrent une part fixe de 30 M de la RPD (dite enveloppe régionale), spécifiquement dans le cadre de leur programme d'intervention à des mesures relatives au Plan Écophyto, mais leurs missions sont plus vastes. Certains acteurs clés, par ailleurs opérateurs de l'État (exemple des chambres d'agriculture et de l'APCA), se voient financés par l'intermédiaire de l'OFB et non directement, ce qui alourdit encore le processus de contractualisation et de mise à disposition des crédits. Cette situation dans laquelle les décideurs ne sont pas les payeurs génère des pesanteurs liées notamment aux contraintes des établissements publics, qu'elles soient propres à leur statut ou à leurs procédures internes. A l'inverse, les administrations centrales concernées, comme les administrations régionales (DRAAF, DREAL principalement), ne disposent d'aucun crédit spécifique. Elles doivent en conséquence s'appuyer sur les opérateurs précités pour la mise en oeuvre concrète du programme (appels d'offre, contractualisation, mise à disposition des crédits, reporting). A l'origine le choix de l'opérateur ONEMA, ancêtre de l'AFB devenue OFB, résulte d'une décision du Parlement prise lors de l'examen du projet de loi de finances 20099. Le rôle de l'ONEMA a longtemps été circonscrit à la gestion administrative et financière du programme. Depuis la création de l'AFB, devenue responsable de la mise en oeuvre du volet national du programme financier dédié spécifiquement au plan Écophyto, l'opérateur n'a eu de cesse de renforcer son positionnement dans la gouvernance opérationnelle du programme. Enfin, l'OFB, créé en 2020 par transformation successive de l'ONEMA puis de l'AFB, désormais sous double tutelle MTES et MAA, considère de sa responsabilité de procéder à l'instruction des appels à projets qu'il finance, dans un cadre défini par ses tutelles. L'AFB, désormais intégré dans l'OFB, dispose d'un programme d'intervention pour la période 2019 2020, adopté par son conseil d'administration le 15 mars 2019. Le domaine n°5 concerne la mise en oeuvre du programme Écophyto. Ce programme d'intervention définit le cadre, les priorités et modalités générales de mise en oeuvre des concours financiers apportés par l'établissement. À l'intérieur de l'enveloppe globale d'interventions, de l'ordre de 120 M, une partie très significative de ces subventions (41 M) est « fléchée » par la loi sur l'appui à la mise en oeuvre du volet national du Plan Écophyto. Le type de projets finançables, au sens des grands objectifs, est défini dans le cadre de la gouvernance particulière à ce plan, et l'Office attribue ses aides dans les limites d'une « maquette financière générale » qui lui est notifiée chaque année par les ministères chargés de l'agriculture et de l'environnement 10. Dans le projet de PLF 2009, le gouvernement avait initialement proposé que la gestion de la part de redevance destinée au plan Écophyto soit affectée à FranceAgriMer. Cette imputation avait été fortement contestée par les instances de gouvernance du secteur de l'eau d'où in fine la décision prise par le Parlement d'affectation à l'ONEMA financé par ailleurs en totalité par un prélèvement sur l'ensemble des redevances perçues par les agences de l'eau conformément à la loi sur l'eau du 30 décembre 2006 9 Article R.131343 du code de l'environnement : « Le ministre chargé de l'agriculture et le ministre chargé de l'environnement arrêtent chaque année le programme national [...]. Ils peuvent modifier ce programme en cours d'année pour tenir compte des recettes effectivement affectées à l'agence ou des enseignements tirés de la mise en oeuvre du programme par l'agence ». 10 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 131/208 PUBLIÉ Le Conseil d'administration de l'OFB se prononce, comme pour les autres domaines d'intervention de l'OFB, sur : l'attribution de subventions d'un montant supérieur à 500 000 (pour mémoire, les aides de montant inférieur faisant l'objet de décisions du directeur général de l'Office, par délégation), après avis de la Commission des interventions ; depuis 2018, sur le lancement des appels à projets dans le cadre du programme Écophyto. Si ce processus est conforme au statut de l'établissement public, il pose quelques difficultés aux tutelles de l'établissement en charge du programme Écophyto : l'OFB dispose d'un conseil d'administration qui ne comprend que 16 représentants de l'État sur 43 membres. Or, les orientations du programme Écophyto ne sont pas toujours en concordance avec la mission de l'opérateur en matière de défense de la biodiversité. Il n'est par exemple pas possible d'utiliser les crédits Écophyto provenant d'une taxe affectée, à d'autres usages ; les règles internes de l'OFB fixent notamment un plafond de subventionnement de 75 % des dépenses d'un projet, là où l'État peut estimer nécessaire de porter ce taux à 100 %. Cette règle a conduit à des débats sérieux entre le conseil d'administration de l'opérateur et ses tutelles. Certes, le recours à un opérateur national avait pour but d'alléger la charge de travail des administrations centrales. En effet, la mise en oeuvre du plan a donné lieu à la conclusion annuelle et à la gestion pluriannuelle d'un très grand nombre de conventions (149 conventions conclues annuellement en 2018, 134 en 2019 et 91 en 2020, et autour de 250 suivies simultanément). Mais, dans la mesure où la majorité des conventions annuelles lient l'agence française pour la biodiversité (AFB)/OFB et les chambres régionales d'agriculture pour la mise en oeuvre de la surveillance biologique du territoire ainsi que l'APCA pour la mise en oeuvre du dispositif DEPHY, il est permis de s'interroger sur la nécessite de passer par un opérateur tiers pour contractualiser avec d'autres opérateurs de l'État. La coordination entre les administrations centrales et l'OFB pour l'enveloppe nationale du programme (41 M) se heurte aux contraintes d'un EPA dont ce n'est pas la mission principale (la réduction des PPP n'est pas la préservation de la biodiversité - ex santé humaine), dont l'État ne détient pas la majorité au conseil d'administration, et qui impose des règles de gestion internes inadaptées (plafond de 75 % de subvention). Le plan Écophyto II (action 30.2) prévoyait la mobilisation de 30 M par an pour financer les actions déterminées par la commission agroécologie de chaque région. Ce montant a été estimé comme le supplément relatif à l'augmentation de redevance portant sur les substances les plus nocives. Ce montant est fongible avec les autres crédits en provenance de la RPD, car celle-ci, à l'exclusion des crédits nationaux pour 41 M, reste affectée aux agences de l'eau. La mission du préfet Bisch a constaté que l'investissement des agences dans la réduction des produits phytopharmaceutiques dépassait largement les 30 M chaque année, ne serait-ce que dans la conversion à l'agriculture biologique. Pour autant, les agences de l'eau ne sont pas pilotées par le niveau national du plan qui ne fournit pas de vision globale du programme, dans ses deux dimensions, nationale et régionale. La DRAAF n'est pas le pilote du plan Écophyto au niveau régional, mais le coordonnateur du comité des financeurs. A l'inverse, les agences de l'eau n'ont aucun rôle dans la stratégie nationale et les 41 M. Il n'y a pas de retour sur les actions nationales, ni au niveau des agences de l'eau, ni au comité régional. On constate Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 132/208 PUBLIÉ une réelle déconnexion entre le niveau régional et le niveau national. Selon la Cour des comptes, au plan régional, le dispositif souffre de faiblesses comparables à celles décrites au niveau national et qui tiennent « à l'architecture initiale du dispositif, au nombre d'interlocuteurs, au flottement de la gouvernance et au caractère complexe et fluctuant des financements ». Si les conseils régionaux ont accepté de participer, comme les textes leur en offrent la possibilité, au copilotage du plan, ces collectivités conservent la faculté de déployer de nombreuses actions en marge du cadre fixé par la feuille de route régionale et des actions financées dans le cadre du comité des financeurs. La coordination avec les agences de l'eau est inexistante, au plan national, et ne concerne que la part régionale (30 M) au niveau régional via le comité des financeurs, les DRAAF n'étant pas associées territorialement au pilotage national, bien qu'elles président le comité des financeurs. Ainsi, le manque d'articulation entre les volets national et territorial du programme est unanimement reconnu. Comme pour le programme national, la gouvernance et la gestion des enveloppes régionales n'ont pas fait la preuve de leur efficacité globale, même si l'intérêt des actions financées peut sembler assuré par le caractère partenarial des décisions. La mission recommande aux administrations centrales d'assurer un pilotage plus ferme de leurs opérateurs et de coordonner l'action de leurs services déconcentrés, sans nécessairement réviser les circuits financiers, compte tenu des sommes en cause. Si des scénarios alternatifs conduisaient à réformer le plan Écophyto, deux alternatives pourraient être explorées (voir partie 3 du rapport) : affecter certains crédits directement aux opérateurs publics dont la mission principale est en adéquation avec les actions à financer. Dans ce cas, il conviendrait de modifier les textes relatifs à l'affectation des crédits à l'OFB ; attribuer à l'Etat, pour chacun des ministères en charge, les budgets nécessaires à la mise en oeuvre des dites actions. Dans cette hypothèse, les recettes de la RPD viendraient abonder le budget de l'Etat, et il conviendrait alors de modifier les textes pour supprimer le caractère « d'affectation » de ladite redevance, pour la part relative au plan Écophyto. Le processus budgétaire relatif aux crédits du programme national (41 M) conduit à décaler d'un an la mise à disposition des crédits (les notifications de crédits à l'OFB datent pour 2020 de début novembre 2020 ; les crédits consommés en 2020, pour 13,1 M et 91 conventions, concernent tous des enveloppes budgétaires des années 2018 et 2019). Le caractère tardif de la programmation disponible en mi-année N ne laisse que peu de temps pour la mise à disposition des crédits et leur consommation. Comme l'a souligné la Cour des comptes, les 41 M de crédits définis au niveau national issus annuellement de la redevance pour pollution diffuse et sanctuarisés par la loi de finances se répartissent entre dépenses structurantes (70 %) et actions financées sur appels à projet (30 %), et entre les différents axes et actions du plan. Ainsi, en 2018, 28,88 M de crédits sont attribués à l'APCA et aux chambres d'agriculture, soit 72 % du total national. Deux catégories d'actions mobilisent la grande majorité des crédits : la surveillance biologique du territoire et le réseau des Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 133/208 PUBLIÉ fermes DEPHY destinées à tester et mettre en oeuvre des procédés culturaux économes en produits phytopharmaceutiques. La mission considère, comme la Cour des comptes, que le processus annuel d'allocation des crédits du plan est inutilement chronophage, dans la mesure où les crédits disponibles sont pour l'essentiel connus et que près de 70 % de ces crédits sont destinés à financer des actions pérennes. Il serait pertinent d'informer les administrations des moyens récurrents déjà alloués et/ou reconduits et de ne développer le processus budgétaire que pour les nouveaux crédits. La Cour déduisait également de la multiplicité des acteurs « une mobilisation des services sur des tâches administratives dépourvues d'intérêt opérationnel au regard des objectifs à atteindre (notamment conception du plan mobilisant un nombre élevé de réunions et de participants, conception de maquettes financières nouvelles rouvrant des questions susceptibles de nécessiter de longues négociations ou de nouveaux arbitrages) alors même que la consistance des actions n'est pas fondamentalement modifiée ». La Cour des comptes préconisait, « afin d'ancrer dans la continuité des mesures et des actions dont la mise en oeuvre et les effets exigent plusieurs années, de concevoir pour la mise en oeuvre, le financement et le suivi d'actions pour l'essentiel pluriannuelles, des instruments de gestion publique adaptés permettant de fixer, dans un cadre pluriannuel d'une durée pertinente et raisonnable (3 ou 5 ans), des missions et des moyens prévisionnels, assorti d'un mécanisme annuel allégé de mise à disposition des crédits et de rendu compte ». Cette préconisation pourrait être mise en oeuvre dès la prochaine maquette budgétaire, en fixant la pluriannualité à trois ans, ce qui correspond à la durée moyenne des conventions et de leurs avenants. La consommation des CP nationaux ne fait pas l'objet d'un encadrement par la tutelle, l'OFB précisant qu'en moyenne 85 % des AE nationaux étaient consommés en CP. Tableau 5 : Situation à la date de la mission En Année 2016 2017 2018 2019 Total AE budgétés 41 393 458 40 910 000 41 000 000 41 000 000 AE consommés 37 677 586 40 904 877 40 991 606 36 567 702 AE disponibles 3 715 872 5 123 8 394 4 432 298 CP décaissés 35 643 812 34 912 723 32 023 219 29 882 435 Ecart AE budgétés ­ CP décaissés 5 749 646 5 997 277 8 976 781 11 117 565 31 841 269 Source OFB S'il est probable que des crédits de paiement seront consommés en 2020 concernant des AE des années 2018 et 2019, la mission retient qu'en moyenne 6 M, soit près de 15 % des AE budgétés annuellement, ne sont pas consommés. Sur la période 2016 ­ 2019, sur 24 M ainsi non dépensés, seuls 4 M relatifs à des AE disponibles en 2019 ont été à nouveau programmés en 2020. Ce sont donc environ 20 M qui sont venus abonder le fonds de roulement de l'opérateur sur la période, sans qu'à aucun moment les Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 134/208 PUBLIÉ tutelles n'aient jugé utile de reprogrammer des AE, ni l'opérateur d'ailleurs. Ces informations ont pourtant été portées à leur connaissance. Même si la mission n'a pas de doute sur l'intérêt de l'ensemble des actions conduites par l'OFB, l'utilisation non tracée de fonds issu d'une taxe affectée est critiquable et pénalisante pour le programme Écophyto. Les orientations du plan Écophyto sont du ressort des ministres, appuyés par le COS, dont la vocation doit rester d'ordre stratégique. Il est pertinent pour la mission d'avoir supprimé le visa du COS sur le programme annuel. Néanmoins, le COS doit disposer d'une information pertinente, composée d'un bilan annuel du programme, mais aussi d'avis scientifiques éclairés et d'évaluations sérieuses. Pour ce faire, la mission recommande de nommer sans plus tarder les membres du CST. Elle recommande également de consolider la gouvernance stratégique du plan en confirmant le rôle du délégué interministériel dans la mise en cohérence des politiques en faveur de la réduction des PPP. Il importe de désigner clairement le pilote en charge de la conduite des opérations et de leur mise en cohérence. La mission propose deux voies possibles : soit l'élargissement des compétences du délégué interministériel au volet opérationnel, qui devrait alors s'accompagner de moyens humains en conséquence ; soit la désignation de l'un des directeurs généraux du ministère de l'agriculture par délégation des quatre ministres, la mission considérant que la DGPE ou le DGAL pourrait remplir cette fonction. Dans ce registre, il conviendrait de veiller à ce que ce pilotage opérationnel soit en capacité d'arbitrer l'essentiel des questions liées au bon fonctionnement du programme, y compris au niveau régional. Ces mesures sont indépendantes du scénario retenu. La gestion financière du programme soufre de lenteurs et de lourdeurs liées en premier lieu à la procédure budgétaire. Outre l'apport d'un pilote opérationnel, l'élaboration d'un budget pluriannuel permettrait de limiter les ajustements annuels à la portion congrue. La mission suggère une période de trois ans, tant il est ardu de se projeter à un horizon plus lointain, mais également une actualisation régulière par le biais d'un programme triennal glissant. En tout état de cause, cela autorise une révision à mi-parcours des orientations budgétaires. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 135/208 PUBLIÉ Certaines conventions peuvent avoir une durée plus longue, car la mise en oeuvre de certains projets nécessite plus de temps (5 à 6 ans). La mission maintient l'idée d'un programme triennal, et propose, afin de ne pas limiter inutilement la mise en place des autorisations d'engagement : soit de limiter la part des conventions d'une durée supérieure à trois ans, à 50 % au plus des budgets annuels ; soit d'échelonner les AE en fonction de la maturité des projets. Enfin, la mission préconise de consommer l'intégralité des crédits de paiement issus de la part de la taxe affectée à Écophyto, en reprogrammant systématiquement chaque année les CP non consommés. Elle préconise le suivi au premier euro des crédits de paiements. La mission ne recommande pas de changer d'opérateur pour le recouvrement des recettes de la RPD. S'agissant des dépenses dans le dispositif de taxe affectée qu'est la RPD, le choix de l'opérateur a été davantage lié à des raisons historiques et au périmètre des ministères concernés qu'à la nature des dépenses et à leur adéquation avec la mission centrale d'un opérateur. Cela peut conduire à des divergences dans le choix des projets lors de la mise en oeuvre. Cela a aussi pour inconvénient de ne pas attribuer au décideur les moyens de son action, ce qui n'est pas en phase avec les principes de la LOLF. Aussi, si l'on souhaite recourir à d'autres opérateurs, le principe de la taxe affectée peut être maintenu, l'affectation devant être modifiée selon le nouvel opérateur choisi. En revanche, si l'on retient l'idée d'un pilotage direct par les ministères en charge (administrations centrales et services déconcentrés), il convient de revenir à une ressource sur budget de l'Etat et modifier les textes en conséquence. Enfin, la mission s'est rapprochée de FranceAgriMer et de l'agence de services et de paiement (ASP) dont le principal avantage, selon les administrations centrales, est de procéder aux paiements sans examen en opportunité des décisions prises. Cette dernière a clairement précisé qu'avant tout transfert d'activité, une simplification du plan Écophyto serait nécessaire, tant le nombre de mesures de nature différente est important au regard des 41 M à administrer. La mission considère par ailleurs qu'il y aurait des inconvénients à ne pas utiliser les services d'un opérateur de l'Etat sous tutelle des ministères en charge du plan Écophyto dont la mission est proche de la nature des dépenses engagées. La mission considère également que le financement régional pourrait être le fait des DRAAF, ce qui assoirait leur position au sein du comité des financeurs tout en les mobilisant sur le thème Écophyto. Cette option se situe dans le cadre d'une ressource sur budget de l'Etat. Il conviendrait alors d'affecter l'enveloppe régionale au réseau déconcentré via FranceAgriMer, et d'en assurer le pilotage national via la DGAL. La réorientation des crédits en serait facilitée. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 136/208 PUBLIÉ La première partie de ce rapport a présenté les principales actions du plan et leurs contributions à ses résultats. La seconde partie a analysé les principales caractéristiques du plan et a formulé des recommandations générales pour l'améliorer, dont certaines avaient été déjà proposées par la Cour des comptes. La troisième partie propose des évolutions plus profondes, sous la forme de scénarios incluant des processus de massification à l'échelle des objectifs du plan. Cette annexe est la version complète de cette troisième partie. La section 1 expose la méthode qui a été retenue pour construire les trois scénarios. Les sections 2, 3 et 4 décrivent les trois scénarios choisis. Chaque scénario se conclut par un tableau « forces, faiblesses, opportunités, menaces » que le lecteur pressé peut directement aller consulter. La section 5 fournit des clés d'aide à la décision, notamment quant au modèle d'agriculture souhaité, ainsi qu'au positionnement et à l'organisation de l'État. Elle se conclut par un tableau comparatif des trois scénarios et une recommandation méthodologique. Au cours des entretiens qu'elle a pu mener, la mission a constaté une perte de confiance dans l'adéquation entre les objectifs du plan et les actions qui sont aujourd'hui déployées. En particulier, aucune des mesures financées dans le cadre du programme national et des enveloppes régionales ne semble en mesure d'entraîner un mouvement suffisant des agriculteurs, de leurs fournisseurs et des transformateurs et distributeurs pour atteindre les réductions de PPP souhaitées, ce qui semble engendrer un certain fatalisme. Ne pas compter que sur la nouvelle PAC, ni sur la seule agroécologie Certaines améliorations de gouvernance et de fonctionnement sont certes attendues ou ont été enclenchées, notamment à la suite du référé de la Cour des comptes, mais si elles sont nécessaires, et décrites plus haut, elles ne suffiront pas à redonner de la crédibilité au plan Écophyto. Et il serait bien malavisé de ne compter que sur la réforme de la PAC, en cours d'arbitrage, pour redonner de la crédibilité à la cible fixée par Écophyto. Certes, par la masse financière qu'elle représente, et par le couplage avec les politiques publiques qu'elle autorise, à travers le second pilier et au moins dans une proportion de 20 à 30% des actions du premier pilier, la nouvelle PAC est une opportunité, comme l'a en particulier souligné la Cour des comptes (2020). Mais s'il faut essayer de la saisir, il est tout aussi indispensable d'identifier d'autres voies de massification, avec des prérequis européens moins exigeants, et tenant compte des acquis et des réalisations depuis 2008. Tout comme il serait imprudent de ne miser que sur un seul modèle agricole : il existe aujourd'hui Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 137/208 PUBLIÉ plusieurs types d'agriculture, répondant à des besoins complémentaires, et l'intérêt public commande de tous les faire progresser, sur la question des PPP, bien sûr, c'est la priorité du plan Écophyto, mais également sur l'eau, les nitrates et les gaz à effets de serre... A cette fin, et c'est un mouvement déjà bien entamé depuis les états-généraux de l'alimentation, les politiques agricoles incorporent de plus en plus les enjeux de l'alimentation, voire de la nutrition et les attentes des consommateurs peuvent aussi être un levier de la transformation agricole. C'est dans cette perspective, plus large que celle du premier plan Écophyto, que les enjeux de la massification des bonnes pratiques en matière de protection des cultures doivent aujourd'hui être envisagés. Continuité ou rupture ? Certes Écophyto a un bilan bien meilleur que ce que l'évolution des indicateurs QSA et NODU ne le montre1. Écophyto a sensibilisé assez largement aux risques associés à l'usage des PPP et a engagé la recherche et une partie de la profession agricole dans la mise au point et la diffusion d'alternatives. Certaines pratiques en matière de PPP ont changé, et le plan Écophyto peut en être crédité, mais ni les résultats obtenus ni le contenu et l'organisation du plan ne sont aujourd'hui satisfaisants. Face à ce constat très partagé et à ces analyses, une démarche sinon de « rupture » - il ne faut pas tout jeter dans Écophyto - au moins de « nouvel élan » semble indispensable. Si nécessaire, deux arguments supplémentaires peuvent être apportés et justifier la méthode des scénarios : En premier lieu, la mission considère que le plan actuel ne peut pas réussir. Sa poursuite en l'état pose la question de la crédibilité de l'action publique. Écophyto a 12 ans d'âge, et devrait donc avoir fini de produire les résultats escomptés en 2008, lors de sa création. Or l'indicateur de référence, le NODU, est sensiblement au même niveau qu'en 2008. Les principales actions ont été conçues au début du plan, pour démontrer la faisabilité de la réduction des PPP. Hormis les CEPP, qui ne sont aujourd'hui qu'une promesse, et dont le potentiel a été bridé, et la séparation entre la vente et le conseil en PPP, qui entre en vigueur en 2021, aucune action nouvelle susceptible de contribuer à une réduction plus forte n'a été définie depuis, notamment avec Écophyto 2 et Écophyto 2+. L'action la plus probante sur la réduction de l'usage des PPP, le développement de l'agriculture biologique, n'était pas identifiée comme prioritaire dans le plan initial, et son ampleur d'ici 2028 restera insuffisante pour atteindre l'objectif du plan Écophyto 2°+. On ne connaît pas les résultats 2020, mais on sait déjà que la première des échéances redéfinies avec Écophyto 2 ­ la baisse de 25% d'ici 2020 ­ ne sera pas atteinte, au moins en moyenne sur 3 ans (2018, avec des achats très élevés, 2019 avec des achats en baisse, et 2020). Une mise en cohérence des leviers et des ambitions est donc nécessaire. Elle est une condition de rétablissement de la crédibilité de la parole publique dans le domaine des PPP et de la réhabilitation des agriculteurs dans leur fonction positive, sociale et économique, et pas seulement comme « pollueurs » qu'on ne veut seulement pas voir dans son jardin2. En second lieu, la perception des enjeux et des risques est aujourd'hui variée et détermine des attitudes politiques multiples. Il convient d'appréhender l'impact des PPP sur la santé humaine et la biodiversité, mais aussi les enjeux associés à la qualité de l'alimentation, à la compétitivité et à l'autonomie de l'agriculture française. L'examen simultané de ces enjeux peut donc aboutir à des arbitrages politiques multiples. L'apparente continuité des plans Écophyto ne doit pas laisser croire à Cf par exemple l'article déjà cité Le plan Écophyto de réduction d'usage des pesticides en France : décryptage d'un échec et raisons d'espérer, Laurence Guichard & alii, 2017 1 2 Not in my back yard. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 138/208 PUBLIÉ un consensus : certes l'objectif d'une réduction de 50% a été maintenu, mais son échéance a été repoussée, et la mission a pu constater qu'une part significative des acteurs concernés, y compris au sein des administrations et opérateurs de l'État, n'était pas déterminée à en assurer la réussite, attitude que certains acteurs de l'agriculture et de l'alimentation et certaines parties prenantes ont perçue et intégrée dans leurs propres comportements. Quelques acteurs présents au début du plan, alors confiants voire optimistes, dans l'élan du Grenelle de l'environnement, déclarent s'être radicalisés en plaidant désormais non pour la réduction, mais pour l'interdiction des PPP de synthèse. D'autres au contraire ont perçu les hésitations successives des gouvernements à mettre en place des leviers contraignants, et considèrent ainsi que l'objectif de réduction des PPP ne concernera que leurs successeurs. En attendant, la pression de la profession agricole, incluant fabricants et revendeurs, pour maintenir la possibilité d'user des PPP semble supérieure à celle des ONG, de certains élus et des citoyens pour obtenir leur retrait. Parallèlement, les questions de la sécurité alimentaire et de la compétitivité de l'agriculture et des activités agro-alimentaires, industrielles ou artisanales, restent des enjeux importants, et que la crise de la Covid 19 a rehaussés. Mais alors que le plan Écophyto est clairement porté à une échelle interministérielle, le MAA peut parfois sembler seul à porter les enjeux de sécurité alimentaire et de compétitivité, tout comme le MTE porte les enjeux des écosystèmes et le MSS l'enjeu de santé des populations, donnant l'impression d'une parole multiple de l'État, à l'échelle nationale comme à l'échelle déconcentrée. La mission s'est donc considérée comme légitime à décrire plusieurs horizons crédibles pour Écophyto, tous fondés sur la recherche de l'intérêt général, mais réservant à la concertation avec les professionnels et les parties prenantes d'une part, à la décision politique d'autre part, le soin de définir et choisir les voies à privilégier entre plusieurs scénarios. Puisqu'ils visent une massification des bonnes pratiques, les différents scénarios peuvent être construits à partir d'une question centrale : si l'on considère que l'abandon progressif des PPP obéit aux « lois » de la diffusion des innovations, où est-on situé aujourd'hui sur la trajectoire de diffusion de l'innovation ? Et quelle sera sa forme dans les années à venir ? La question de la diffusion des innovations a fait l'objet d'études et de travaux de recherche nombreux y compris pour ce qui concerne le monde agricole. Conformément à la représentation très répandue initiée par Rogers3 en 1962, on peut par exemple supposer que l'adoption des alternatives aux PPP s'étale dans le temps avec une courbe en S (en jaune sur la figure) issue d'une gaussienne (en bleu sur la figure). 3 Everett Mitchell Rogers, 1962 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 139/208 PUBLIÉ Figure 11 : représentation simplifiée de l'adoption des innovations Une très faible proportion des agriculteurs innove lentement, avec un début de diffusion concave, animé par les « early adopter » puis une majorité se décide et la courbe d'adoption devient convexe, une fraction des agriculteurs étant résistante et ne s'adaptant que tardivement. Certains auteurs croient pouvoir déceler dans cette trajectoire un « gouffre » 4 sur cette trajectoire (figure de droite) : après sa mise au point et son adoption par une fraction limitée des agents, l'innovation tarde à trouver son marché et à se généraliser, du fait de verrous culturels ou sociotechniques. Bien sûr, il s'agit là de représentations simplifiées de phénomènes beaucoup plus complexes dans la réalité. Au cas d'espèce, la question est rendue encore plus difficile à appréhender du fait qu'il ne s'agit pas de comprendre la diffusion d'UNE innovation, mais d'analyser l'impact de l'abandon d'une technologie très fortement diffusée, les PPP de synthèse, dont les substituts peuvent être représentés comme de multiples innovations5 éventuellement reliées en une « grappe d'innovation ». Si on peut admettre que la diffusion de chaque innovation de substitution suit une trajectoire standard (une courbe de Gauss), l'adoption des dizaines ou des centaines d'innovations indépendantes les unes des autres, mais toutes nécessaires pour réduire l'usage des PPP, suit probablement une courbe beaucoup plus chaotique, et assez imprévisible, comme beaucoup d'innovations de « rupture ». Or l'efficacité des actions de soutien n'est très probablement pas la même selon l'endroit où on se situe dans la dynamique de « destruction créatrice »6. Ainsi le repérage de la position actuelle du monde agricole dans son processus d'abandon des PPP et d'adoption des alternatives est un point clé pour déterminer les priorités du plan et du programme Écophyto. L'identification des solutions a mis plus de temps que prévu. Le premier plan Écophyto s'est en priorité attaché à regarder la disponibilité des innovations de substitution aux PPP : c'était en effet un préalable nécessaire. Cette première phase d'identification a pris quelques années et, à certains égards, se prolonge encore, comme des travaux récents de l'INRAE sur les alternatives au glyphosate l'illustrent7 . Elle a permis d'identifier des actions permettant de réduire les PPP de quelques % (par l'amélioration des pulvérisateurs) à quelques dizaines de % (par la mise au point d'un assolement sur 6 ou 8 ans). L'identification et la mise au point de changements de systèmes, capables de réduire davantage l'usage des PPP, a été beaucoup plus long et si ces changements ont bien été réalisés dans un nombre significatif d'exploitations, par exemple au sein du 4 5 6 7 Crossing the chasm, Geoffrey Moore 1991 Joseph Schumpeter en a décrit les principales variétés. Idem. Cités supra Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 140/208 PUBLIÉ réseau DEPHY, on a vu que ce réseau pouvait être considéré comme une avant-garde, qu'il a bénéficié d'un accompagnement important8 et que ces résultats, par exemple en grandes cultures (IFT en baisse de 14%)9, restent très inférieurs à l'objectif. Les temps de diffusion des innovations à la masse des exploitations n'ont pas été intégrés alors qu'ils peuvent être très longs dans le domaine de l'agriculture Mais au-delà de la phase préalable d'identification des innovations de substitution, le plan fait ensuite des hypothèses implicites très peu réalistes quant à leur diffusion à une large fraction des agriculteurs. En particulier les actions du programme en première phase de ce plan ciblaient les innovateurs et les early adopter engagés notamment dans les fermes DEPHY. Comment aurait-on pu aboutir à une diffusion suffisamment large de ces innovations pour obtenir ainsi une réduction de 20 ou 25% en moins de 5 ans ? De même, la deuxième étape, le délai de 5 ans pour repérer les modifications plus structurelles, les changements de système, était sans doute envisageable, mais une extension suffisante de ces changements de systèmes pour atteindre la réduction de 50% aurait supposé un délai réaliste beaucoup plus long que 5 nouvelles années. La diffusion des innovations dans les domaines de l'agriculture, de l'alimentation et de l'environnement est une question qui intéresse les chercheurs10. L'INRAE conduit au long cours un programme désigné « ASIRPA11 » visant à décrire et mesurer selon une méthode normalisée l'impact sociétal de la recherche agronomique : les études réalisées, disponibles sur le site de l'INRAE, montrent des durées d'impact importantes, souvent supérieures à 15 années, pour des travaux clairement délimités, comme la mise au point d'une alternative de biocontrôle utilisable dans la culture des pommiers. En 2014, cette méthode ASIRPA a également été adoptée pour mesurer l'impact de l'étude Écophyto R&D. Ces études montrent que certains résultats ont été produits grâce à des projets de recherche et des dispositifs conçus dans les années 1990 : on est plus près du rythme de la recherche spatiale, quand une vie de chercheur peut se dérouler entre la définition d'un protocole d'observation et l'exploitation des données d'un satellite envoyé aux confins du système solaire, que des nouvelles technologies numériques ! Certes des résultats intermédiaires sont disponibles, mais on n'est clairement pas dans un temps politique, avec une attente de « résultats » avant l'échéance d'un mandat présidentiel. Si le temps des travaux de recherche proprement dit est long, celui de certaines études réalisées par des chercheurs, mais visant à faire le point sur l'état de la recherche ou des pratiques, sans produire de nouvelles connaissances, est plus rapide. On l'observe avec le glyphosate : les travaux préalables à la décision conduits par l'INRAE ont permis de recenser des possibilités de substitution variables, et d'adapter les évolutions de la réglementation souhaitées (la promesse d'une interdiction exprimée par le Président de la République) à des contextes multiples. Ces études préalables à la réglementation sont elles-mêmes coûteuses en expertise et en temps, mais elles sont nécessaires pour sécuriser l'action publique et bien anticiper son impact. Dès qu'on abandonne l'idée naïve d'une diffusion spontanée des alternatives aux PPP, on voit que le plan a sous-estimé non pas les délais d'identifications des bonnes pratiques ­ certaines n'ont d'ailleurs jamais cessé d'être connues12-, mais les délais de diffusion des pratiques susceptibles d'être considérées comme des innovations intéressantes dans un domaine aussi multifactoriel que 8 9 Lechenet &alii, 2017 Colloque national Dephy, 2 février 2021 Par exemple : Le plan Écophyto de réduction d'usage des pesticides en France : décryptage d'un échec et raisons d'espérer, Laurence Guichard et alii, Cahiers de l'agriculture, 2017 10 11 12 Analyse Socio-économique des Impacts de la Recherche Publique Agricole Comme le dit Marc Dufumier supra Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 141/208 PUBLIÉ l'agriculture. Au lieu de supposer la diffusion spontanée des alternatives aux PPP, plusieurs hypothèses peuvent être formulées. On peut ainsi distinguer trois hypothèses différentes quant à la maturité des alternatives aux PPP et par conséquent aux priorités pour Écophyto : Les alternatives aux PPP ne sont globalement pas matures, il faut alors continuer à les définir et à les assembler (à gauche du « gouffre ») avant d'essayer de généraliser13 ; Les alternatives aux PPP sont matures, l'enjeu est de massifier (à droite du « gouffre »)14 ; C'est variable selon les sites, les exploitations agricoles et les cultures : l'enjeu est d'aider chaque acteur à exploiter au mieux sa capacité à agir dans le bon sens15. Avant de décrire certaines conséquences de ces hypothèses sur l'instrumentation adéquate d'Écophyto, voyons les avis des experts sur leur crédibilité. L'avis des experts16 lus ou rencontrés par la mission se répartit entre ces trois hypothèses, dont aucune ne semble faire l'unanimité, mais chacune trouve des défenseurs autorisés. Les alternatives aux PPP sont matures ! Ainsi, Marc Dufumier, connu pour être un précurseur de l'agroécologie, a réagi dans une tribune publiée par le journal Le Monde le 2 janvier 2021 à la validation d'une autorisation des néonicotinoïdes, en affirmant qu'il existe déjà des alternatives à l'emploi du glyphosate et des néonicotinoïdes notamment l'allongement des rotations et la diversification des cultures, au bénéfice des légumineuses et aux dépens des cultures d'exportations... Pour lui la responsabilité revient à « l'incompétence des technocrates » et aux « pressions de puissants lobbys ». Une partie de la littérature scientifique confirme la disponibilité des alternatives: par exemple Martin Lechenet &alii, dans un article paru dans Nature Plants (2017)17 estiment que l'utilisation totale de pesticides pourrait être réduite de 42% sans aucun effet négatif sur la productivité et la rentabilité dans 59% des fermes d'un réseau national de 946 fermes. Cela correspond à une réduction moyenne de 37, 47 et 60% de l'utilisation d'herbicides, de fongicides et d'insecticides, respectivement. Le potentiel de réduction de l'utilisation de pesticides est apparu plus élevé dans les exploitations où l'utilisation de pesticides est actuellement élevée que dans les exploitations à faible utilisation de pesticides. Les alternatives existent, mais leur diffusion se heurte à des freins et verrous ! On peut classer dans ce groupe les analystes des « verrous socio-techniques », par exemple Le plan Écophyto de réduction d'usage des pesticides en France : décryptage d'un échec et raisons d'espérer, Laurence Guichard et alii, Cahiers de l'agriculture, 2017 13 Voir par exemple ­ il n'est pas seul- l'ITW de Marc Dufumier, journal Le Monde, 3 janvier 2021, qui met en cause la détermination de l'Etat sur les néonicotinoïdes et le glyphosate, alors que des alternatives existent selon lui. 14 C'est l'hypothèse des partisans des CEPP et de l'augmentation de la fiscalité, leviers défendus par plusieurs chercheurs de l'INRAE rencontrés par la mission. 15 La mission n'a ni les compétences ni le temps pour réaliser une revue complète de cette question, elle a donc sélectionné des prises de position récentes illustrant la diversité des points de vue. 16 Reducing pesticide use while preserving crop productivity and profitability on arable farms, Martin Lechenet, Fabrice Dessaint, Guillaume Py, David Makowski & Nicolas Munier-Jolain, Nature Plants volume 3, Article number: 17008 (2017). Traduction mission. 17 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 142/208 PUBLIÉ Sans nier l'existence de « puissants lobbys ni de la bêtise humaine » Yves et Pierre Guy ont publié récemment un article 18 de synthèse répondant à la question : Pourquoi l'usage de produits phytosanitaires augmente-t-il en France ? Ils distinguent plusieurs causes : Moins de surface agricole, mais davantage de grandes cultures ; Des extensions géographiques de pratiques phytosanitaires ; La pression des acheteurs ; La démographie agricole ; Un progrès technique à la peine ; Une sous-estimation du temps nécessaire pour faire, et notamment mettre au point les alternatives. Ils concluent leur analyse ainsi « En particulier, privilégier l'interdiction de molécules plutôt que la réduction des usages semble une erreur de stratégie. » Certains chercheurs, notamment Jean-Marc Maynard et les signataires de l'article des cahiers de l'agriculture déjà cité, cherchent depuis longtemps à décrire les raisons pour lesquelles les alternatives aux PPP peinent à se répandre. Pour les signataires de cet article, un grand nombre d'acteurs contribuent à un « verrouillage » autour des pesticides : « au plan économique, l'amortissement des installations industrielles pousse à la spécialisation régionale des productions et au rejet des solutions techniques qui pourraient entraîner une baisse de la production, comme les itinéraires techniques à bas intrants ; au plan social, aucune organisation n'a de légitimité pour organiser, au niveau des territoires, la gestion collective que requièrent certaines alternatives aux pesticides (lutte biologique par conservation, gestion durable des résistances génétiques...) ; et il est plus risqué, pour la crédibilité d'un conseiller agricole, de se tromper en disant de ne pas traiter alors que ce serait nécessaire, qu'en conseillant de traiter alors que ce ne serait pas nécessaire (erreur qui passera souvent inaperçue) ; au plan cognitif, la familiarité des solutions simples (à chaque problème, son intrant) n'incite pas agriculteurs et conseillers à s'approprier les méthodes agronomiques préventives, vécues comme plus hasardeuses ­ et conduit de fait à une perte de compétences sur les solutions traditionnelles (rotations, semis différé...) ; au plan culturel, le prestige du rendement élevé et la représentation collective du « beau champ » (très vert et homogène) chez les agriculteurs, et l'image du « beau fruit » (sans défauts extérieurs) chez les consommateurs, renforcent la dépendance aux pesticides ; au plan réglementaire, les autorisations de vente, accordées essentiellement aux variétés pures, font qu'un agriculteur ne peut trouver sur le marché des semences d'associations variétales ; la normalisation de la qualité des fruits privilégie une absence de défauts de l'épiderme impossible à atteindre sans pesticides ». Les alternatives aux PPP existent, mais elles ne sont ni moins chères, ni moins risquées, ni moins pratiques ! Plus général, le rapport du CESE « L'innovation en agriculture » 19 formule 12 préconisations pour que les innovations « répondent au mieux à l'intérêt général, aux besoins des professionnels et aux attentes sociétales » : dans cet esprit les questions de gouvernance collective sont évidemment majeures. Mais 18 19 Revue Sésame (INRAE) n°8 novembre 2020 L'innovation en agriculture, Betty Hervé et Anne-Claire Vial, CESE janvier 2019 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 143/208 PUBLIÉ le même rapport, quelques paragraphes plus loin, rend compte d'un sondage 20 sur les principales attentes des Français en matière d'innovation, dont les trois principales sont : me simplifier la vie (49%), préserver l'environnement (42%), être accessible au plus grand nombre (41 %). Si, et il n'y a pas de raisons de supposer le contraire, les agriculteurs ont les mêmes attentes que la société dans son ensemble, on comprend que les alternatives aux PPP peuvent répondre à la seconde attente, mais la plupart des innovations alternatives aux PPP semblent clairement complexifier le travail de l'agriculteur, et ont des prérequis qui les rendent encore assez peu accessibles à tous les agriculteurs : pourquoi les adopteraient-ils spontanément, juste en regardant « par-dessus la haie » ? Il ne suffit pas que les innovations soient disponibles pour que tous les exploitants agricoles les adoptent, mais aussi qu'elles soient efficaces dans leur situation : on peut constater que cette condition ne semble pas réalisée aux yeux de nombreux agriculteurs, ni même de leurs conseillers. Ces écarts de perception sur la maturité des alternatives aux PPP et sur leur modèle de diffusion ont des conséquences pratiques sur les objectifs prioritaires que doit poursuivre le plan Écophyto et sur les leviers à utiliser : Si les substitutions sont encore à concevoir (c'est la notion d'« impasse technique»), l'interdiction d'une substance, d'un produit ou d'un usage peut avoir un effet dévastateur sur l'activité, entraînant une baisse de marge qui peut mettre en péril la poursuite d'activité. L'effort de la politique publique doit dans ce cas plutôt porter sur la R&D et les circuits de diffusion des innovations (réseaux, formation, information...) voire un accompagnement du risque. Le soutien aux filières et pratiques matures, comme l'AB, est également une voie efficace. À la maturité ou si la balance bénéfices/risques est manifestement déséquilibrée, l'outil majeur est la réglementation. L'interdiction d'une substance ou d'un produit oblige les agriculteurs à adopter sans délai une solution de substitution, et à progressivement ajuster son projet d'exploitation pour l'optimiser. Mais cette interdiction peut provoquer la fin d'une culture ou d'un type d'exploitation. Si on est dans une situation intermédiaire et complexe, avec une forte disparité de situations ­par exemple une forte influence des paramètres pédoclimatiques - l'outil mis en avant par la théorie économique est le prix, via la fiscalité et/ou un marché de droits comme le CEPP, qui permet d'adresser à tous un signal invitant à la recherche d'alternatives et d'innovations, sans pour autant créer d'impasses agronomiques La nécessité d'engager l'aval et de s'appuyer sur les signaux de marché Fondés sur des hypothèses différentes, les trois scénarios présentés plus bas ont en commun de ne pas se contenter de changements à la marge et dans les exploitations : une réduction de 50% des PPP n'est réalisable qu'avec des changements structurels dans les exploitations, ce qui est bien établi depuis les premières années du plan Écophyto, mais des changements importants, voire structurels, sont également nécessaires chez tous les fournisseurs et clients des agriculteurs, jusqu'au portefeuille des consommateurs et aux assiettes, ce qui a été moins bien repéré alors que là se joue une grande partie de la réussite du plan. 20 Etude OpinionWay, 2016, Cité lors de son audition par Marc Giget Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 144/208 PUBLIÉ En rupture avec l'hypothèse antagoniste d'une diffusion spontanée des alternatives aux PPP 21 , qui semble avoir prévalu dans les plans Écophyto, l'hypothèse centrale de ces scénarios est que le recours aux PPP est aujourd'hui choisi par les agriculteurs (et les conseillers agricoles) parce que ce sont des méthodes efficaces et économes qui leur ont été proposées, sous les contraintes de leur exploitation : ce n'est pas la décision de l'exploitant agricole qu'il faut changer, mais l'offre qui lui est faite et les conditions et contraintes de sa décision. La mission ne sous-estime pas l'importance des producteurs de PPP, à la fois comme influenceur de la décision des agriculteurs, et comme puissance organisée, notamment via l'UIPP en France, capable de défendre ses intérêts. Il faut aussi prendre en compte le poids de la vente des PPP dans l'équilibre économique et dans la stratégie des coopératives et négociants : même si les volumes de PPP vendus sont faibles, les marges sont beaucoup plus élevées que sur les produits bruts et peuvent contribuer de manière importante aux résultats comptables de certaines coopératives, par exemple. C'est en effet l'aval qui peut transformer la contrainte sanitaire et de biodiversité en opportunité valorisable en termes de chiffre d'affaires et de débouchés, ainsi que l'État, qui contribue également à la définition du cadre administratif, fiscal, juridique de l'exploitation, tous éléments qui ont un impact direct sur l'exploitation. L'État exemplaire ? Consentement, études préalables d'impact et alignement des politiques En France, historiquement, l'État et ses agents s'installent aisément dans un rôle surplombant, mais sans balayer leur cour. C'est cette tendance qui est combattue avec la notion d'État exemplaire 22 souvent mise en avant depuis le Grenelle de l'environnement (2007) notamment, et qui inspire le mode de gouvernement de plusieurs pays scandinaves. L'État exemplaire a en particulier un devoir d'alignement des politiques publiques, de manière à supprimer ses demandes paradoxales, qui perturbent les citoyens comme les marchés. Cet objectif d'alignement est désormais inscrit dans Écophyto 2+ (action 25), mais il est peu décliné de manière opérationnelle alors qu'il pourrait concerner de nombreux aspects des politiques de l'agriculture et de l'alimentation. En particulier, un débat est ouvert, mais jusqu'à présent sans résultat, sur la différenciation du taux de TVA de l'AB et du conventionnel, alors qu'aujourd'hui les taxes perçues sur l'AB seraient en moyenne 30 % supérieures, compte tenu des prix HT plus élevés. Dans le domaine de l'énergie et du bâtiment, la différenciation des taux est réalisée depuis longtemps, mais pas dans les domaines de l'agriculture et de l'alimentation. La question de l'égalité de « traitement » entre pays de l'UE, et des PPP importés et exportés hors UE est également fondamentale pour crédibiliser l'objectif. À ce titre, l'exportation par des pays de l'UE de produits contenant des substances interdites en Europe23 est un exemple de ce qui pourrait apparaître comme du cynisme ­ on peut fabriquer et vendre des produits interdits, dès lors qu'ils ne sont pas épandus dans notre jardin - et surtout une politique allant à l'encontre du plan Écophyto, puisqu'il dote les concurrents de l'agriculture française de moyens interdits à nos agriculteurs, sans protéger les Ainsi, lors du colloque national Dephy du 2 février 2020, un conseiller déclare souhaiter « inspirer d'autres agriculteurs » 21 22 L'État exemplaire, slogan ou nouveau principe ? Emmanuelle Deschamps, RFAP 2012/3 23 Plus de 81600 tonnes, selon l'article « Faites ce que je dis, pas ce que je fais », Pour la science hors-série n°110, février-mars 2021. Les deux figures sont issues de http://www.martingrandjean.ch d'après les données Public Eye. Cité dans la revue Pour la science HS n°110 février-mars 2021 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 145/208 PUBLIÉ consommateurs français qui trouvent ces produits cultivés avec des PPP interdits dans leurs assiettes. Figure 12 : Exportations européennes de pesticides interdits en Europe La France elle-même exporte ces produits interdits d'utilisation sur son territoire, produits qui sont ensuite utilisés pour des cultures qui reviennent en France sous forme de produits agricoles ou alimentaires importés. Figure 13 : Exportations française de pesticides interdits en Europe Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 146/208 PUBLIÉ Pesticides et droits de l'homme Bien évidemment, la question des PPP est également présente dans les pays non UE et au sein des organisations internationales comme la FAO. On peut en particulier citer l'intéressante perspective développée par un rapport de 2017 mettant en relation les « droits humains et pesticides » (AG de l'ONU, 2017) « Bien que certains traités multilatéraux et d'autres initiatives non contraignantes offrent un certain nombre de garanties limitées, il n'existe pas de traité global portant réglementation des pesticides très dangereux, ce qui constitue toujours une grave lacune dans le cadre de la protection des droits de l'homme. » La question du consentement aux politiques publiques Autre élément, et c'est également un aspect très important pour la pérennité de son action, l'État doit s'efforcer de maintenir un certain niveau de consentement des forces sociales en présence, sauf à être mis en situation d'échec. Les outils de la politique de réduction des PPP doivent veiller à développer ce consentement (action 28 du plan Écophyto 2+), mais ce n'est possible qu'avec un signal cohérent porté par l'ensemble des politiques publiques et des ministères. Les contraintes doivent ainsi être correctement proportionnées aux enjeux pour être acceptables par les parties prenantes. La responsabilité de l'État du fait de son action et de son inaction Enfin, l'État et les collectivités publiques peuvent montrer l'exemple, par exemple en ouvrant leurs marchés publics à des offres locales performantes en matière d'impact environnemental. Mais d'un autre côté, on l'a vu avec les retards pris dans l'interdiction du chlordécone sur les bananiers dans les Antilles, la responsabilité de l'État est susceptible d'être engagée en cas de sinistre issu de PPP dangereux. Il convient de noter que le juge administratif est également susceptible de mettre en cause la responsabilité de l'État, au motif qu'il ne respecte pas la trajectoire qu'il s'est donnée, comme dans « L'affaire du siècle » à propos des objectifs de lutte contre le changement climatique. Le positionnement sociétal du plan Écophyto et la responsabilité propre de l'État dans ce plan ont des réponses différentes selon les scénarios proposés. Les scénarios présentés s'appuient chacun sur des leviers et outils privilégiés, en usant au mieux de leurs avantages et en se gardant de leurs inconvénients, et sans s'interdire d'un usage plus modéré des autres leviers disponibles. Comme on l'a vu (voir 2.2) trois leviers principaux seront distingués : La réglementation sur les substances, les produits, les pulvérisateurs, les conditions d'usage et de conservation des PPP... On associe à ce levier la PAC et ses conditionnalités. Il s'agit de mesures générales et obligatoires. La fiscalité et les autres méthodes « incitatives » pour agir sur le « signal-prix » absolu et relatif des PPP et de leurs alternatives. La redistribution de la taxe vers les pratiques vertueuses et les CEPP sont des outils complémentaires incitatifs. Il s'agit de mesures qui n'interdisent pas les PPP, mais incitent à éviter leur usage. La segmentation du marché, via un label ou un contrat associant filière et territoire et mobilisant jusqu'au consommateur. Le soutien apporté à l'AB va dans ce sens. Un label « sans PPP hors ceux autorisées en AB », avec un cahier des charges égal à celui de l'AB24 sur les PPP, mais sans les autres exigences de cette certification (notamment sur le « hors sol » et les 24 Ou le HVE voir infra. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 147/208 PUBLIÉ fertilisants) et des aides à la conversion et au maintien, mais à un taux plus faible que l'AB, pourrait sans doute être défendu. D'autres propositions peuvent remonter, dans une démarche ascendante. Il s'agit de mesures qui permettent de distinguer les pratiques et les produits qui en sont issus. Les trois scénarios qui suivent correspondent à des postulats ou des anticipations qui varient sur trois plans : Positionnement dans la dynamique de l'innovation, Paramètres d'environnement, Pression sur les trois principaux leviers d'action. Ces scénarios définissent également des positionnements différents de l'État. Ils induisent une gouvernance et des modalités de gestion distinctes, pour le plan comme pour le programme. Un enjeu pour la mission a été d'identifier pour chaque scénario des moyens correctement proportionnés aux résultats souhaités, mais avec des forces et faiblesses différentes, ainsi que des variations sur leur capacité à saisir les opportunités et à affronter les menaces. Ils visent chacun à proposer une trajectoire cohérente, à partir d'un diagnostic initial sur le niveau de maturité des innovations de substitution aux PPP de synthèse. Ces scénarios seront ensuite comparés, pour aider à la décision. Ils peuvent sans doute se succéder dans le temps (segmentation, puis incitation et enfin réglementation), mais ils ne peuvent que difficilement être associés dans les mêmes zones géographiques pour les mêmes activités agricoles, sauf à en réduire le sens et à en neutraliser l'efficacité. Ainsi l'établissement d'une norme réglementaire généralisant le cahier des charges de l'AB pour les PPP réduirait à néant la capacité de différenciation de l'AB qui lui permet de capter une surrémunération. De même, pour qu'une action soit incitative, il ne faut pas qu'elle soit obligatoire. Pour qu'elle soit spécialisée, elle ne peut pas être générale. Par souci de simplification on résumera les scénarios en fonction de la stratégie principale que porte l'État pour réduire les PPP : Segmentation des productions agricoles et de leur aval, permettant de distinguer les pratiques conventionnelles des pratiques économes en PPP, de la ferme à l'assiette ; Incitation à une baisse générale, avec recours aux interdictions en dernier ressort ; Réglementation des produits, des usages et des financements, notamment ceux de la PAC, avec développement des contrôles. Chacun de ces scénarios comporte un levier de massification principal, activé à un niveau suffisant pour approcher ou atteindre l'objectif de réduction de 50%. : Vu de l'État, le scénario consiste à soutenir en priorité les productions économes en PPP25, et à les Rappelons que nous parlons ici des PPP pris en compte dans l'indicateur principal, ce qui inclut certaines substances utilisées en agriculture biologique, mais exclut les produits de biocontrôle. 25 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 148/208 PUBLIÉ discriminer des productions intensives en PPP. Le label AB, reconnu aux échelles nationales et européennes, est bien sûr l'exemple emblématique de ce scénario. Mais il convient de rappeler que l'AB s'est développée avant tout soutien de l'État, et que de nombreuses initiatives privées, portées par des producteurs, mais aussi parfois par des transformateurs ou des distributeurs, se développent encore aujourd'hui en-dehors de tout cadre public, avec un objectif de différenciation sur les marchés. La segmentation peut se faire au niveau d'une production (comme pour l'AB), d'une exploitation (comme pour la certification HVE) ou d'une filière, engageant les intermédiaires et les marques jusqu'au consommateur (avec des labels de reconnaissance). L'efficacité de ce scénario dépend de la réalité de la différenciation entre les (deux) segments de marché. Ce premier scénario repose sur : Une hypothèse de faible maturité ou de coûts plus élevés des alternatives à certains usages de PPP, ce qui empêche leur diffusion spontanée à l'ensemble des exploitations ; Une démarche volontaire des agents, certifiée par un organisme extérieur, et qui leur donne un avantage (fiscal, subvention, possibilité de vendre plus cher...) ; Une mobilisation conjointe des financeurs, pour apporter un soutien différencié aux filières économes en PPP par rapport aux autres. Il peut être accompagné d'une étude spécifique des risques qui peut permettre d'orienter les priorités : l'enjeu d'efficience de la politique publique de prévention des risques relatifs aux PPP est de concentrer ses efforts là où les risques sont élevés et les possibilités de les réduire sont fortes. Alors que les scénarios 2 et 3 visent l'ensemble des pratiques et territoires, ce scénario 1 peut être sélectif et procéder par appel d'offre, afin de repérer les acteurs volontaires, territoires, filières ou réseaux d'exploitations, et les encourager, en sélectionnant parmi eux ceux qui sont à l'origine des risques les plus importants. Il peut ainsi concentrer les efforts de l'État ­ les ressources sont rares -, mais aussi rechercher le concours de partenaires importants et les engager dans une voie contractuelle sur des objectifs partagés. La carte des risques peut être approchée à partir du graphique et du tableau suivant réalisés par le CGAAER et repris par la Cour des comptes (2020) : Tableau 6 : Usage des PPP en fonction des cultures Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 149/208 PUBLIÉ On voit ainsi que la pomme de terre, la vigne et les pommes sont des candidats prioritaires pour faire l'objet d'une action ciblée, mais que l'enjeu de massification porte en priorité sur les grandes cultures, qui consomment les 2/3 du chiffre d'affaires annuel des PPP sur 48% de la SAU. L'approche peut également être géographique : les indicateurs de fréquence des traitements (IFT) connaissent des variations importantes, de l'ordre du simple au double, entre les régions et au sein des régions. Une approche qui cible les territoires et les cultures qui excèdent les moyennes nationales et régionales permettrait de définir des priorités mieux circonscrites. L'État pourrait également identifier des objectifs spécifiques relatifs à la biodiversité ou la qualité des eaux. Les Régions pourraient ainsi être mobilisées, ainsi que les autres collectivités et acteurs engagés dans des plans alimentaires territoriaux (PAT). Certains acteurs de la transformation et de la distribution sont particulièrement motivés, notamment parmi les coopératives et les distributeurs.... Des responsables de l'INRAE nous ont signalé une action qui pourrait concerner l'usage des PPP dans les silos, tant chez les exploitants que dans le négoce (encadré joint). Encadré : Réduire l'usage des insecticides dans le stockage des grains Dans un article paru en septembre 2019 dans PHYTOMA26, les auteurs détaillent le gain potentiel en termes d'économie d'usage de produits phytopharmaceutiques si l'ensemble des mesures de prophylaxie était collectivement mis en oeuvre. Selon leurs calculs, le stockage de grains représente un NODU équivalent à 3,8 M d'ha (soit 3,1% du NODU total de 120 M d'ha). Ce montant pourrait être drastiquement réduit par les mesures alternatives, mais sous réserve qu'elles soient déployées à tous les échelons de la chaîne de façon coordonnée. Celles-ci sont traduites en 6 fiches action standardisées en 2020 concernant toutes les étapes de la récolte au stockage27. Un impact majeur n'est possible que par l'organisation collective, depuis l'agriculteur jusqu'à l'utilisation ou l'exportation, en passant par les différentes étapes de stockage. Les auteurs voient dans la mise en oeuvre de ces méthodes alternatives sur une grande échelle une opportunité pour gagner des marchés et gagner en compétitivité. La demande en céréales sans traitement de stockage est croissante28. Le nombre de molécules disponible baisse régulièrement et Fiches action CEPP et pratiques de stockage : Les pratiques de protection antiparasitaire intégrée au stockage sont dotées de valeurs différentes dans le cadre du dispositif des certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques, Maud Blanck et Christian Huyghe, Inra, Phytoma, septembre 2019. 26 De son côté, le site ÉcophytoPic a mis en ligne en septembre un ensemble d'informations : https://Écophytopic.fr/pour-aller-plus-loin/insectes-ravageurs-lors-du-stockage-des-grains-prevention-etsurveillance-sont (20/09/20). 27 28 Comment stocker les grains sans insecticides RIA, 14 mars 2019 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 150/208 PUBLIÉ leur usage se restreint avec des limites maximales de résidus abaissées. L'action publique pourrait également se concentrer sur les reprises et transmissions d'exploitation, moment privilégié pour un changement de système, là également en ciblant en priorité les exploitations intensives en PPP et en utilisant les leviers existants pour privilégier leur transmission à un porteur de projet d'exploitation économe en PPP. Ce scénario peut utilement être accompagné d'actions incitatives (fiscales notamment) et/ou réglementaires, pour augmenter et faciliter la différenciation des segments du marché, et notamment collecter des ressources sur les PPP pour les transférer vers les secteurs économes en PPP. Mais si ces actions fiscales ou réglementaires sont fortes et générales, on perd rapidement le bénéfice de la concentration des aides et de la différenciation de l'offre : le marché est réunifié. Alors que les deux scénarios suivants sont focalisés sur les pratiques agricoles, ce scénario « segmentation » replace la question dans un « système » plus large, qui engage la production agricole, mais aussi ses fournisseurs et son aval, collecteurs, transformateurs et distributeurs, jusqu'à la fourchette. Dans cette perspective, la responsabilité de la « résistance au changement » peut alors être appréciée de manière multiple et collective, comme l'a montré un article publié dans les Cahiers de l'agriculture en 2017 29 . Si l'agriculteur souhaite changer sa pratique, mais est confronté à des « verrous sociotechniques », il faut agir également sur ses clients et fournisseurs, et idéalement jusqu'aux consommateurs finaux des produits issus de l'agriculture. Une lecture excessive de cette complexité aboutirait à considérer chaque cas particulier comme un cas en soi. Mais on peut admettre de manière raisonnable que des ensembles d'acteurs peuvent également avoir des problématiques communes, comme par exemple de fournir une filière industrielle très concentrée sur certains marchés, et de répondre aux attentes communes de la grande distribution, par exemple. Cette stratégie consiste ainsi à éviter le cas par cas, au profit d'actions collectives amont-aval, sans pour autant vouloir entrainer d'un seul coup l'ensemble des filières dans tout le pays de manière synchronisée. L'intérêt des réseaux de pairs, un des outils privilégiés de ce scénario, et qui a fait ses preuves tant dans l'AB qu'au sein des fermes DEPHY, semble également établi dans la littérature scientifique30, même si des questions de gestion existent sur les modalités de soutien de ces réseaux, et sur l'utilité d'une simplification de réseaux parallèles (GIEE...) insuffisamment différenciés. Dans ce scénario, l'enjeu est de créer un réseau organisé d'acteurs volontaires : depuis les fournisseurs d'intrants et de semences, jusqu'aux consommateurs. En tant que gardien des signes de qualité et d'origine (SIQO), les clés officielles de la segmentation du Le plan Écophyto de réduction d'usage des pesticides en France : décryptage d'un échec et raisons d'espérer, Laurence Guichard et alii, Cahiers de l'agriculture, 2017 29 30 Par exemple Impact of the DEPHY network on pesticide use: Evidence from French vineyards Margaux Lapierre ; ainsi que Providing technical assistance to peer networks to reduce pesticide use in Europe: Evidence from the French Écophyto plan, Margaux Lapierre, Alexandre Sauquet, Subervie Julie, Hal, 2019 V2 https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02190979v2/document Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 151/208 PUBLIÉ marché, l'INAO est un acteur-clé, qui doit garantir la solidité de la segmentation mise en place. Pour l'INAO, l'enjeu du scénario serait d'inciter les acteurs déjà engagés dans ces démarches de qualité à approfondir leur cahier des charges PPP, s'il existe, et de la créer dans tous les autres cas, pour qu'aucune marque de qualité en France ne puisse être promue par les pouvoirs publics sans porter un engagement sur les PPP. FranceAgriMer (FAM), qui contribue à l'animation des filières, pourrait également jouer un rôle important, y compris en gérant certaines aides. Pour FAM et le MAA, il serait nécessaire d'animer davantage la question des PPP dans les relations avec les filières, en ciblant en priorité les filières qui sont aujourd'hui les moins vertueuses, pour les faire évoluer en bloc. Actions-clés Trois actions complémentaires sont candidates à un soutien accru : la filière AB, la labellisation sans PPP, et le contrat de filière. Développer la filière AB, une action efficace pour réduire l'usage des PPP Cela pourrait paraître un paradoxe : alors que l'AB a réellement pris son essor depuis 10 ans, les soutiens à l'ITAB, l'Institut technique de l'agriculture biologique, sont restés stables et à bas niveau : Figure 14 : Evolution de l'agriculture biologique en surface et en nombre de producteurs (Source ITAB) Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 152/208 PUBLIÉ Une partie importante de la RPD alimente désormais les aides individuelles à l'AB (conversion et maintien) mais l'ITAB n'en a pas bénéficié, ni d'un redéploiement du Casdar à son bénéfice compte tenu de l'extension de la part de l'AB dans la SAU, mais a connu une crise financière grave en 2018-19. Figure 15 : Evolution de la dotation Casdar de l'ITAB (source ITAB) L'agence bio a également des moyens, et notamment un fonds avenir bio, doté de 8 M en 2019, pour aider à la structuration des filières biologiques. Même en augmentation, on voit que ce fonds est loin de pouvoir peser significativement. On a réalisé plus haut une simulation : la conversion de 25% des exploitations (et de la SAU) actuellement conventionnelles en agriculture biologique permettrait d'atteindre la moitié de l'objectif de réduction de 50% des PPP. Depuis le début d'Écophyto, plus de 5% de la SAU conventionnelle a déjà basculé dans l'AB, entraînant mécaniquement une baisse théorique de 10 points des indicateurs nationaux. Si cette baisse théorique ne s'est pas concrétisée, c'est que l'agriculture conventionnelle, dans le même temps, a augmenté son recours aux PPP. Compte tenu des tendances en cours, les actions de développement de la filière AB au détriment de la filière conventionnelle doivent ainsi être considérées comme particulièrement efficaces pour Écophyto. Mais elles ne sont pas suffisantes, il peut donc être intéressant d'envisager comment élargir ces actions vers d'autres systèmes qui ont la même ambition en matière de PPP sans partager l'ensemble du cahier des charges de l'AB. La labellisation d'une agriculture et de produits issus de l'agriculture sans ou avec peu de PPP On l'a vu, le cahier des charges de l'AB est exigeant sur d'autres questions que les PPP. Il peut donc être intéressant de soutenir également les producteurs qui s'engagent dans une réduction Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 153/208 PUBLIÉ des PPP, sans vouloir respecter l'ensemble du cahier des charges. On a vu plus haut qu'une partie de la RPD et d'autres financements, notamment européens et régionaux, pourrait ainsi être mobilisée vers un nouveau label, équivalent au cahier des charges de l'AB pour les PPP, mais sans le respect d'autres contraintes. Ce label pourrait ainsi être attribué à des productions hors sols, ou utilisant de manière raisonnée des fertilisants non agréés en AB. Certaines marques cherchent aujourd'hui à communiquer sur l'absence de résidus de PPP dans le produit final : c'est évidemment une information intéressante pour le consommateur, mais qui n'est pas nécessairement le résultat d'une réduction de l'usage des PPP pendant la production. On a vu également que la certification HVE, qui concerne non pas une production mais une exploitation, est un signe d'engagement dans une démarche agroécologique, mais qui n'offre pas de garantie élevée au consommateur quant à l'usage des PPP. Ce label HVE pourrait néanmoins être intéressant s'il était modifié pour porter une exigence équivalente à l'AB en matière de PPP. Contrat de filière Une grande part de l'activité agricole est aujourd'hui insérée dans des filières organisées, regroupant producteurs, transformateurs et consommateurs, avec des stratégies et des contrats formalisés. Très récemment, le plan de relance a permis d'aider à la structuration des filières, d'une part, et d'apporter des réponses opérationnelles sur la betterave sucrière, confrontée à la jaunisse et à d'autres maladies difficiles à contrôler, avec l'aide de l'institut technique betteravier et de l'INRAE. Des plans de même nature pourraient certainement être engagés avec d'autres filières fortement consommatrices de PPP, à leur demande, et compte tenu de l'impact potentiel sur la réduction des PPP. Dans ce scénario, l'ensemble des ressources, et notamment la RPD, mais aussi le FEADER ou la PAC, doivent être mis à contribution pour favoriser la différenciation entre les secteurs économes et non économes en PPP. C'est donc le cas en particulier du programme national (41 M) et des enveloppes régionales (30 M) financés par la RPD. Sur le modèle des « investissements d'avenir » ou plus récemment de certaines actions du « plan de relance », les pouvoirs publics pourraient utiliser ces enveloppes pour mobiliser les acteurs sur la base d'appels à manifestation d'intérêt ou d'appels à projet. La formation de collectifs organisés en « consortiums » pourrait réunir agriculteurs, négociants, industriels de la transformation et distributeurs, invités à franchir ensemble une transition vers moins ou sans PPP. Avec une préférence pour les groupes déjà organisés en SIQO, ou via une coopérative, voire à l'échelle d'une filière dans son ensemble.31 Enveloppes nationale et régionales pourraient être mobilisées de manière complémentaire ou conjointe, pour financer des études, de l'animation et de la formation, voire de la mise à niveau d'équipements, ainsi que de la communication aussi une fois le résultat atteint ! Vu les montants nécessaires, le financement direct des opérations de conversion et de maintien ne pourrait être envisagé sur la RPD qu'avec une forte augmentation de celle-ci : on rejoint alors le scénario 2. Mais dans ce scénario, il est indispensable de porter la politique à une échelle territoriale, et en associant les services de l'État mais aussi les collectivités régionales et locales. Pour l'État, les DRAAF Certains consortiums existent déjà : par exemple autour de Chaunat, en Isère, sont réunis des acteurs multiples d'une filière « pain de qualité », agriculteurs et boulangers... 31 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 154/208 PUBLIÉ devraient assumer une responsabilité plus grande de coordination à la fois dans la définition des priorités, dans le repérage des acteurs et consortium volontaires, et dans la mise en point des contrats de réduction des PPP impliquant l'ensemble des acteurs. Ce rôle d'animation pourrait utilement être complété par une plus grande capacité des DRAAF à coordonner les financements mobilisables (Casdar, PAC, FEADER, RPD agences de l'eau) et notamment ceux qui sont intégrés dans le plan Écophyto, voire à leur confier directement ou via FAM une partie de certains de ces financements. L'identification rapide d'un nouveau label, aligné sur le cahier des charges PPP de l'AB, pourrait être une condition préalable de mise en place du scénario, mais elle est aisée à réaliser. Son financement pourrait mobiliser à la fois la PAC, des financements régionaux et locaux, et une partie de la RPD dans des proportions à déterminer. L'objectif quantitatif pourrait être de passer de 10 à 35% des exploitations en AB ou équivalent AB pour les PPP sur une période de 10 ans : cette action permettrait de réduire d'un quart les PPP non autorisés en AB, soit la moitié de l'objectif général. Aux taux actuels la conversion de 10% de la SAU à l'AB coûte 2,61 Md, étalés sur 3 ans, et son maintien 0,464Md/an. On peut supposer qu'un cahier des charges ne portant que sur les PPP pourrait bénéficier d'une aide réduite de 50%. Il devrait donc être accompagné d'un objectif de réduction des PPP dans le secteur conventionnel, qui devrait réduire d'environ 35% son usage des PPP pour que l'objectif général de -50% soit atteint : on voit que c'est un effort important, supérieur à ce qu'ont réussi à réaliser la plupart des fermes DEPHY jusqu'à présent. Cette stratégie de soutien de la filière économe en PPP doit donc être accompagnée par des actions de découragement de l'usage des PPP hors label, par la réglementation, la PAC et la fiscalité. On peut donc penser que ce scénario 1 a l'avantage de pouvoir être rapidement engagé, et de s'appuyer sur des démarches volontaires, mais qu'il ne pourra pas suffire à lui seul à atteindre l'objectif de réduction des PPP. En revanche, toute mesure fiscale ou réglementaire générale tend à diminuer son attractivité relative : il est un scénario d'attente, qui permet de continuer à mettre au point les innovations nécessaires, et à laisser le temps nécessaire à leur diffusion. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 155/208 PUBLIÉ Forces Faiblesses Diagnostic interne » Opportunités Menaces : Diagnostic externe : Par ce scénario 2 « incitation », l'État souhaite inviter l'ensemble des acteurs à saisir les opportunités de réduction des PPP, en exploitant chaque gisement, à sa portée, indépendamment de sa maturité. L'hypothèse centrale de ce scénario est que la réduction des PPP n'est possible qu'avec la mise au point et l'adoption de nombreuses innovations, dont certaines sont encore à un stade de test et de démonstration, alors que d'autres sont matures et attendent les bons signaux pour être adoptées par une large fraction ­ mais pas nécessairement la totalité- des agriculteurs. Ce scénario définit ainsi une médiane que les deux autres scénarios mettront en perspective par des faces opposées. Ce scénario peut être global, l'ensemble des PPP étant visés, mais aussi différencié, en tenant compte comme aujourd'hui la RPD, de la dangerosité variable des produits. Son principe consiste non pas à interdire (c'est le scénario 3, la voie réglementaire), mais à encourager les bonnes pratiques, sans pour autant que l'État contribue à les différencier sur le marché (c'est le scénario 1, la segmentation). Ce scénario est facilité par l'existence d'un conseil actif, indépendant des ventes de PPP et rénové sur la base d'un nouveau référentiel de compétences, qui lui permet d'améliorer le diagnostic, de Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 156/208 PUBLIÉ recommander les solutions adaptées, et d'accompagner l'agriculteur, seul ou en collectif, dans son changement de pratiques. La méthode préconisée par la théorie économique standard, et rappelée par plusieurs des interlocuteurs rencontrés par la mission, est d'agir par le signal-prix, via la taxation des produits incriminés, pour permettre et encourager la mobilisation de tous les « gisements d'abattements ». Ce scénario peut être approfondi avec trois variantes, mobilisant également d'autres outils incitatifs. Pour que la taxe ait un effet, elle doit être élevée, et ses hausses doivent être programmées et mises en oeuvre de manière crédible. Scénario de base : Augmenter la redevance pour pollutions diffuses Le premier véhicule de ce scénario est ainsi la redevance sur les pollutions diffuses (RPD) dont l'assiette est basée sur les ventes de PPP et dont le taux varie selon la dangerosité des produits. En taxant l'achat de PPP, la RPD dissuade leur usage, et incite à privilégier les autres solutions de protection des plantes, toutes choses égales par ailleurs. Pour que le signal soit perçu et que la réaction des acteurs aboutisse à une réduction de l'ordre de 50% de l'utilisation des PPP, et alors que l'élasticité prix est de l'ordre de -0,4 ou -0,5, un doublement du prix est nécessaire32. C'est donc un réel choc fiscal qui doit être réalisé, avec une temporalité qui doit être suffisamment rapide pour enclencher, dès son annonce, des mouvements de substitution, mais aussi progressive pour permettre aux acteurs de s'adapter et rechercher les meilleures alternatives. En dernier ressort ils peuvent continuer à user des PPP, mais à des conditions économiques dégradées. On peut penser qu'une augmentation étalée sur 5 ans serait un bon compromis. Toutefois des comportements adaptatifs seraient sans doute à gérer pendant une période aussi longue, un sur stockage temporaire serait sans doute à craindre, comme cela a été constaté avant de précédentes augmentations. Sans autre mesure, la hausse de la RPD aurait un effet négatif sur la compétitivité de l'agriculture française, mais d'ampleur limité : le poste « PPP » ne représentant aujourd'hui que 4% de la valeur de la production agricole, et moins de 2,5% si on y ajoute les subventions reçues.33. Cet effet pourrait néanmoins être réduit ou supprimé en activant les variantes 3 et 4 suivantes : Variante 1 : Mobiliser également le produit de la taxe pour la redistribuer vers les bonnes pratiques Idéalement, et c'est une variante par rapport à la RPD existante qui a des conséquences sur le programme, le produit supplémentaire de la taxe est également distribué, non vers l'ensemble des contribuables, pour atténuer les effets revenus de la taxe, ce qui serait contre-productif, mais au contraire pour les renforcer, en apportant des subventions uniquement à ceux qui décident d'adopter les pratiques économes en PPP. Avec ce couplage taxation des PPP/soutien aux alternatives, le taux de taxation peut être significativement diminué pour arriver à une même réduction de PPP. En situation de menace sanitaire grave et d'absence d'alternative aux PPP, les acteurs continuent à pouvoir utiliser ces produits, ils achètent une sorte de « droit à polluer », mais dès qu'ils le peuvent ils sont fortement incités à retenir les alternatives et substituts, dont le coût relatif est réduit. Ce scénario est ainsi favorable à la mise au point et à la diffusion d'innovations multiples, techniques et sociales, permettant de substituer aux PPP d'autres solutions, structurelles ou marginales. 32 33 Cet ordre de grandeur nous a été exprimé de manière indépendante par plusieurs experts. En 2019, les achats de produits de protection des cultures représentaient 3 Md sur 45 Md de consommations intermédiaires et 76 Md de production. Source : Comptes régionaux de l'agriculture. AGRESTE Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 157/208 PUBLIÉ Variante 2 : mobiliser parallèlement les CEPP pour mobiliser l'amont et l'aval On l'a vu plus haut, les CEPP, qui avaient été mis en avant par un précédent rapport IGF-CGEDDCGAAER, sont un outil complémentaire de la taxation des PPP, et qui peut permettre de transférer des ressources (ou droits à polluer) issues des activités utilisant les PPP vers des activités de substitution, vers l'amont, l'aval, ou vers d'autres productions. Il y a fort à craindre que le dispositif finalement décidé n'ait pas l'efficacité souhaitée, mais de nouvelles modifications pourront être introduites si nécessaire, en s'inspirant du dispositif des CEE qui, quant à lui, semble efficace. Variante 3 : Mobiliser également la fiscalité globale pour différencier les produits issus des bonnes pratiques sur les marchés La hausse de la RPD peut aussi être accompagnée par une stratégie fiscale plus globale : Les droits de douane sur les produits bruts ou transformés ne répondant pas aux mêmes critères relatifs aux PPP devraient être rehaussés ; La fiscalité à la consommation devrait être différenciée, pour au minimum compenser le surcoût des produits AB ou sans PPP, et idéalement créer une incitation positive ; Les investissements nécessaires pour changer de régime, et les coûts de transition pourraient utilement être accompagnés, via des crédits d'impôt et/ou des règles d'amortissement favorables. Ces mesures, qui sont au moins en partie à négocier avec l'UE, permettraient de renforcer l'effet de la hausse de la RPD, en stimulant les volumes de productions sans PPP, et en assurant une équité des productions françaises avec les productions importées. Ce scénario est compatible avec la répartition actuelle des rôles : à l'UE le soin d'autoriser ou d'interdire les substances. La France cherche à agir sur les pratiques des acteurs, en les incitant à aller vers les alternatives aux PPP chaque fois que c'est possible et économiquement soutenable. L'UE et la France pourraient s'accorder pour apporter des conditionnalités PPP à la PAC, et le Gouvernement devrait chercher à aligner dans le même sens d'autres composantes de la politique agricole et d'alimentation, comme la transmission des exploitations, la politique foncière et l'ensemble de la politique fiscale. Mais l'agriculteur reste en dernier ressort responsable d'utiliser ou non les PPP autorisés. Dans ses variantes 2 et 3, le scénario est également mobilisateur pour les autres acteurs de la chaîne, qui peuvent trouver un intérêt économique à rechercher et promouvoir les alternatives, surtout s'il est accompagné d'une fiscalité différentielle des produits finaux. Son principal inconvénient est la sensibilité des agriculteurs à la taxation. Son acceptabilité peut sans doute être plus grande si le produit supplémentaire de la taxe est intégralement redistribué aux agriculteurs qui choisissent de diminuer le recours aux PPP (variante 1) et si la taxation est étendue aux importations, afin de protéger le marché intérieur des produits issus de l'agriculture d'un dumping aux PPP (variante 3). Sauf en variantes 2 et surtout 3, l'aval est faiblement impliqué : la décision de réduire les PPP est individuelle, et n'offre aucune garantie de rémunération supplémentaire. L'activation d'un levier CEPP efficace, sur le modèle des CEE, permettrait de remédier en partie à cette limite. Mais c'est la mise en place d'une fiscalité différenciée (variante 3) sur les marchés nationaux et à leurs frontières qui permet d'aller jusqu'au consommateur sans diminuer la compétitivité-prix sur le marché intérieur. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 158/208 PUBLIÉ Acteurs-clés Les agriculteurs et leurs conseillers sont les acteurs clés de ce scénario. Il est aujourd'hui envisageable, parce que les plans Écophyto précédents ont largement démontré la faisabilité d'une baisse importante de l'usage des PPP, dans certaines conditions, mais aussi qu'il était parfois très difficile de s'en passer. Ce scénario permet à l'agriculteur de continuer à recourir aux PPP en dernier ressort ­ ils continuent à être disponibles même si c'est à un coût augmenté - et la hausse anticipée de la fiscalité encourage l'ensemble des acteurs à innover pour trouver de nouvelles solutions ou adopter les innovations économiquement performantes. Le conseil agricole, dans ses différentes formes, adossé aux instituts techniques, est un acteur-clé de cette stratégie. Il doit connaître et promouvoir les bonnes pratiques dans une relation de confiance avec l'agriculteur. Alors que les ingénieurs DEPHY, par leur statut et leur positionnement, se situent aux marges du conseil, c'est cette fois l'ensemble des conseillers agricoles « ordinaires » qui orientent et accompagnent les nouvelles méthodes de protection des cultures économes en PPP, non pas pour des raisons expérimentales, idéologiques ou morales, mais pour des raisons économiques et agronomiques. La séparation entre la vente et le conseil qui se met en place à partir de 2021 est l'occasion d'apporter une plus grande clarté au sein du conseil, qui sera désormais strictement distincte de la vente des produits PPP. L'enjeu, souligné par plusieurs acteurs rencontrés par la mission, est de réussir à transformer le conseil agricole sur la base d'un nouveau référentiel pour qu'il porte ce changement, ce qui semble loin d'être acquis aujourd'hui et suppose un engagement fort des élus en charge de la gouvernance des organisations professionnelles. Actions-clés L'augmentation de la RPD pour doubler le prix des PPP et la redistribution du produit supplémentaire de la RPD vers les agriculteurs porteurs des meilleures pratiques, au-delà de l'AB, mais sur son modèle, par le versement de subventions type conversion et maintien. La construction d'un nouveau référentiel de compétences et la formation continue des conseillers sur la base de ce nouveau référentiel. En variante 1 est mis en place un nouveau régime d'aides, sur le modèle des soutiens à la conversion et au maintien à l'AB, et qui peut être délivré dans les mêmes conditions par les mêmes acteurs. En variante 2, les CEPP complètent la taxation, pour aider à répartir les ressources (les droits à polluer) vers les actions qui ont des besoins de financement. Dans une variante 3, plus ambitieuse d'alignement des politiques publiques, mais plus difficile à mettre en oeuvre, il serait légitime de taxer également les produits importés ne respectant pas les mêmes normes, afin d'éviter une distorsion de concurrence. Et de taxer davantage à la consommation (TVA) les produits non alimentaires issus de l'agriculture conventionnelle, ou, mais il y a peu de marges avec un taux actuel de 5,5%, de réduire la TVA des produits alimentaires AB ou sans PPP. L'obligation depuis le 1er janvier 2021 de solliciter un conseil stratégique à l'utilisation des produits phytopharmaceutiques est une promesse intéressante, qui permettra à l'exploitant de bénéficier d'un diagnostic, à renouveler régulièrement, et d'un plan d'action. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 159/208 PUBLIÉ Figure 16 : Extrait du Guide Phytosanitaire pour tout savoir sur la réglementation - Edition 2021 Les2021Les chambres d'agriculture Dans ce scénario la mission propose de cesser rapidement de financer des actions pérennes sur la RPD pour progressivement affecter en totalité l'augmentation à un complément de revenu pour les agriculteurs économes en PPP (dont l'AB). Pendant une phase transitoire, le programme national pourrait en particulier aider à la transformation et à la formation du conseil agricole dans ces différentes formes (Chambres, Instituts techniques, outils d'information et de communication sur les PPP, réseaux de pratiques). Dans ce scénario, il ne suffit pas d'aider les agents volontaires (scénario 1), ni de durcir la réglementation (scénario 3). L'enjeu est de crédibiliser l'objectif de réduction des PPP et donc de placer cet objectif au coeur du pilotage de l'agriculture et de sa transformation. Les chambres d'agriculture et les ITA, qui reçoivent directement des ressources publiques, mais aussi les réseaux de collecte et les acteurs de la transformation, dont l'État détermine l'environnement fiscal, doivent être incités à accompagner et même déclencher les décisions favorables des agriculteurs. Les financements aux agriculteurs pourraient être apportés par l'ASP ou FranceAgriMer avec le concours des services déconcentrés de l'État (Directions départementales des territoires), mais un contrôle de l'État et d'organismes de certification sera nécessaire. Le dimensionnement des principales mesures a été réalisé plus haut et en annexe. Plusieurs outils peuvent être combinés : la hausse de la RPD pour doubler le prix des PPP ; ou une hausse de 66% du prix des PPP et redistribution du produit vers les bonnes pratiques ; ou une hausse de 50% du prix des PPP, avec la redistribution du produit vers les bonnes pratiques complétée d'une différenciation de la TVA sur l'AB et les 0 PPP ((hors ceux autorisés en AB) d'une part, les autres produits alimentaires d'autre part. transparence dans l'emploi de la RPD ; rythme adapté de la transition ; adhésion des chambres d'agriculture et des ITA ; et une réforme en profondeur du conseil agricole. Certaines conditions de succès peuvent être identifiées : Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 160/208 PUBLIÉ Ce scénario peut être rapidement initié, avec des paliers de progression à définir sur 10 ans, et la possibilité d'adapter les taux de fiscalité à la réalité des pratiques. Diagnostic interne Diagnostic externe : Ce scénario est basé : sur le constat de la responsabilité de l'État de limiter voire d'empêcher que les PPP ne portent des atteintes irréversibles à la santé humaine et à la biodiversité, et donc qu'il lui appartient de prendre les mesures réglementaires nécessaires, quand bien même une substance aurait été approuvée par l'UE ; et sur une hypothèse : beaucoup d'alternatives aux PPP sont aujourd'hui suffisamment matures pour que l'État impose leur généralisation sans détruire brutalement34 l'activité, ce qui semble l'avis d'au moins une partie des experts (supra 3.1). Dans ce scénario, le choix de réduire les PPP n'est pas agricole, c'est une décision de société, motivée Ce n'est pas la nécessité de changer y compris les pratiques culturales qui est mis en cause, mais le fait que le changement brutal de réglementation peut frapper d'obsolescence les compétences et les investissements de toute une filière. L'enjeu est de lui permettre de s'adapter avant l'interdiction des PPP. 34 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 161/208 PUBLIÉ par un diagnostic sur les risques. Il est donc très important d'approfondir la connaissance de ces risques pour bien ajuster la réglementation. L'expérience montre que jusqu'à présent les diagnostics réalisés avant l'autorisation des substances et les mises sur le marché n'ont pas empêché quelques sinistres importants (exemple du chlordécone aux Antilles), justifiant, après parfois plusieurs années, la mise en cause des autorisations accordées. Par ailleurs, des interdictions très rapides, comme celles des néonicotinoïdes, peuvent obliger les pouvoirs publics à ouvrir peu après des dérogations ciblées, faute d'alternatives immédiatement disponibles. Il s'agit donc de composer avec la balance des avantages et des risques, à la fois de l'action et de l'inaction. Mais c'est à la souveraineté nationale et à l'exécutif d'apprécier le résultat du pesage, et de déterminer la règle. Il est également important dans ce scénario d'éviter d'importer des produits traités par des PPP, depuis des pays35 qui ne respecteraient pas les mêmes réglementations. Il semble que ce soit ce modèle « réglementaire » qui a été utilisé pour les usages non agricoles et est retenu pour le glyphosate, pour lequel le gouvernement est très actif36, après un engagement de retrait pris par l'actuel Président de la République en 2017. Dans ce scénario, la réglementation est l'instrument principal de réduction du recours aux PPP. Une partie majeure de cette stratégie est donc portée par l'UE, qui a la responsabilité de la réglementation des substances actives. La France devra être beaucoup plus vigilante pour bien documenter les demandes d'autorisation et de renouvellement, et veiller à ce que les études soient réalisées avec la rigueur nécessaire. C'est en effet à ce niveau que la réglementation est la plus efficace. Ainsi la France ne saurait réussir seule : une plus forte convergence européenne peut sembler un préalable à la mise en place de ce scénario. En dehors d'une convergence européenne, la France garde la possibilité de restreindre l'usage des produits mis sur le marché et incluant les substances autorisées : elle pourra le faire systématiquement quand existent des alternatives, en biocontrôle ou avec des produits moins dangereux, couramment utilisées 37 et que les inconvénients économique et technique ne sont pas majeurs (art 50 de R 2009 /1107). Elle pourrait également davantage vérifier que les produits sont bien utilisés « en dernier recours », dans le cadre d'une protection intégrée des cultures, ce qui n'est aujourd'hui que rarement fait, en France et en Europe, malgré la réglementation. Certaines pratiques exagérément intensives, certaines rotations trop courtes ou inexistantes, certaines mosaïques paysagères insuffisamment diversifiées pourraient progressivement être sanctionnées par des restrictions d'emploi de PPP ou en utilisant d'autres outils réglementaires ou assimilables à la réglementation (PAC...). La France, tout comme les autres pays, peut également déclarer des dérogations pour une durée inférieure à 120 jours. Une variante renforçant ce scénario pourrait préconiser non seulement un « conseil stratégique PPP » obligatoire, comme il est désormais prévu, mais une prescription des PPP « sur ordonnance », comme pour les antibiotiques animaux et la plupart des médicaments sur l'homme. Mais on a vu avec les médicaments qu'une telle obligation ne garantit pas l'absence d'augmentation de l'utilisation. Voir un article cité par le CEP dans sa veille de décembre 2020 qui montre les très grands écarts entre les limites maximales de résidus autorisés dans différents pays et ses conséquences : « Trade, price and quality upgrading effects of agri-food standards » Dela-Dem Doe Fiankor, Daniele Curzi, Alessandro Olper, European Review of Agricultural Economics, 2020 35 36 37 Tout comme quelques autres pays : le Mexique vient ainsi de faire l'annonce d'une interdiction dans 3 ans ? Cette condition est particulièrement gênante puisqu'il faut que l'alternative soit largement diffusée avant l'interdiction : la réglementation n'est donc pas un outil d'aide à la diffusion en première phase du cycle (cf 3.1). Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 162/208 PUBLIÉ L'administration, et notamment les services sanitaires régionaux (au sein des DRAAF), sont les acteurs-clés pour veiller au respect de la réglementation. L'OFB pour la police de l'environnement, les DDCCRF pour le contrôle des résidus, ont un rôle à jouer. On le voit : le contrôle sanitaire des végétaux et des produits qui en sont issus impliquent une chaîne d'acteurs, incluant les parquets, la justice administrative, et le système judiciaire, qui peut sembler difficile à actionner et devrait sans doute être simplifiée pour exercer un réel effet dissuasif. Les instituts techniques et l'INRAE pour bien évaluer en amont de la réglementation les conséquences pratiques des interdictions, ont montré l'intérêt de leurs apports dans le cas des néonicotinoïdes et du glyphosate. Le scénario s'appuie principalement sur la réglementation directe en matière de PPP, avec une correcte appréciation des avantages et des risques, et la possibilité d'une réglementation fine, avec notamment une protection accrue des bassins versants, des aires de captage et des zones proches des habitations, et des restrictions sur l'usage des produits, par exemple dans certaines conditions climatiques. Mais l'enjeu est également la réglementation générale ou l'ensemble des politiques publiques qui, d'une manière ou d'une autre, apportent des contributions significatives aux décisions des agriculteurs de recourir aux PPP. Ainsi, la PAC, par son poids dans les ressources des exploitations, mais aussi les dispositifs relatifs à l'installation des jeunes agriculteurs, la politique foncière, les règles relatives à la sole et à l'assolement, à l'irrigation, aux autres intrants... peuvent avoir une importance : il importe de vérifier la cohérence de l'ensemble des politiques publiques avec l'objectif de réduction des PPP, et de ne pas s'appuyer seulement sur la réglementation relative aux produits PPP, aux pulvérisateurs ou aux zones de protection. On peut également citer ici le « contrat de solutions » proposé par 40 organisations agricoles et de recherche38 avec un objectif et un slogan affichés « pas d'interdictions sans solutions ! ». 38 Dont les chambres d'agriculture, l'ACTA, l'UIPP, le GNIS, la FNSEA, la MSA, des coopératives... Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 163/208 PUBLIÉ Figure 17 : Extrait du Guide Phytosanitaire pour tout savoir sur la réglementation - Edition 2021 - Les chambres d'agriculture Le slogan de « ce contrat de solutions » est à double sens. Il demande à l'État de ne pas interdire avant d'avoir identifié les solutions. Mais c'est aussi un moyen pour l'État et l'UE de constater l'existence de solutions ou de bouquets de solutions acceptées et dès lors de prendre les mesures d'interdiction des substances et des produits dangereux dont il est désormais admis qu'ils ne sont plus indispensables. Dans ce scénario, les ressources issues de la RPD peuvent aider l'État et ses opérateurs à exercer leurs missions. Le programme national peut ainsi financer en priorité les études d'évaluation des risques des PPP et de leurs alternatives (études prospectives amont, études d'évaluation en aval), des campagnes de formation et d'information, et le contrôle du respect de la réglementation, qui peut être confié à des organismes certificateurs externes à l'administration comme c'est déjà le cas pour les programmes européens ou l'AB. Des enveloppes régionales peuvent toujours être mobilisées par les agences de l'eau pour accompagner des mesures de réglementation locales, pour étendre la protection et l'amélioration des captages et de la biodiversité, par exemple. Le programme national est décidé par l'État, qui affirme sa responsabilité, mais la base technique et économique des interdictions et des alternatives doit être approfondie en amont des décisions avec les professionnels et autres parties prenantes. Le programme peut financer en priorité ces travaux préparatoires aux évolutions de la réglementation. La gestion du programme est confiée soit aux services de l'État, soit à un opérateur neutre de gestion, comme l'ASP. Les agences de l'eau restent bénéficiaires d'une partie de la taxe, et initient ou soutiennent des actions Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 164/208 PUBLIÉ à leur échelle. L'acceptabilité de ce scénario repose largement sur la clarté des objectifs sanitaires et la proportionnalité des mesures d'interdiction aux enjeux et risques. Ce scénario est d'autant plus crédible qu'il est fortement adossé à une mobilisation européenne, et que ses moyens sont coordonnés à cette échelle. Sa cible et son indicateur de référence mériteraient d'être redéfinis, le durcissement de la réglementation sur les produits les plus efficaces pouvant se traduire par une très forte augmentation de produits moins efficaces (et moins dangereux). Forces Faiblesses Diagnostic interne Opportunités Menaces Diagnostic externe Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 165/208 PUBLIÉ On l'a dit, notre avis d'expert est que les trois scénarios sont susceptibles d'apporter une contribution forte à l'objectif d'une réduction de 50% des PPP dans un délai de l'ordre de 10 ans. Sans renier les actions soutenues dans le cadre des plans antérieurs depuis 2006 ­ avant le Grenelle de l'environnement -, ces scénarios proposent de manière inédite des actions de massification crédibles, avec des outils robustes. Pour éclairer la décision, il ne s'agit donc pas ici de choisir entre les trois scénarios ­ au sein de la mission, des préférences personnelles se sont exprimées mais la mission n'a pas de scénario préférentiel - mais d'offrir quelques éclairages complémentaires pour faciliter la décision politique, autour des deux thèmes cités dans le titre de cette section. Trop souvent, les « pesticides » sont d'abord vus comme un sujet de controverse, comme l'ont été un temps les « OGM ». Et cette controverse intéresse : médias et sondages d'opinion en témoignent39. Pour être audible dans le cadre de la controverse, il peut paraître opportun d'adopter un ton radical, afin d'être le porte-parole d'un camp contre un autre camp. Il est intéressant et nécessaire d'essayer de comprendre les mécanismes en jeu dans cette controverse, pour faciliter la décision de l'État. D'un côté, il y a des intérêts économiques et d'un « modèle agronomiques » évidents : les PPP sont redoutablement efficaces pour assurer une protection immédiate des cultures, et leurs alternatives, quand elles sont identifiées, sont plus complexes, plus coûteuses et ont des effets moins sûrs40. Parallèlement, le processus de concentration et d'industrialisation d'une partie des activités agricoles se poursuit, pendant que des alternatives se maintiennent durablement dans le paysage sans redevenir dominantes. Ces deux41 modèles d'agriculture alternatifs reflètent des modèles de société différents, mais les pratiques réelles au sein de chaque modèle peuvent parfois être significativement différentes des pratiques imaginées et revendiquées. Ainsi la généralisation de l'AB sous et sur bâches plastiques permet en effet d'économiser des PPP, au prix de travaux pénibles et d'une forte dépendance au plastique, qui sont deux faiblesses par rapport à l'agriculture conventionnelle. La « vision » de l'État et en son sein celle du MAA par rapport à ces évolutions n'est pas toujours évidente à déceler. Au-delà d'un soutien affiché, quoique par intermittence, à « l'agroécologie », terme d'autant plus fédératif qu'il est mal défini, on peut avoir parfois l'impression qu'un soutien est apporté, mais un peu honteux, non revendiqué, aux processus continus d'industrialisation de l'agriculture. D'un autre côté, il y a des effets directs, sur la santé des utilisateurs et sur la biodiversité, et des effets plus diffus, par dissémination dans les milieux, par concentration dans la chaîne biotique et par effets cocktail avec d'autres réactifs présents dans l'air, l'eau ou les sols, pas nécessairement des PPP. Ces différents aspects sont étudiés à la fois par la recherche privée issue des industries chimiques, et par Par exemple Le papier le plus consulté de la revue électronique Sésame en 2020 est celui, cité infra, qui cherche à comprendre pourquoi l'usage des produits phytos augmente en France. 39 Chacun des éléments de cet énoncé peut se voir opposé des contre-exemples, mais ils ne sont pas de nature à en modifier la pertinence globale. 40 41 C'est une simplification, il en existe en réalité de nombreux autres. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 166/208 PUBLIÉ la recherche publique, et des publications scientifiques apparemment contradictoires ­ c'est ainsi que se construit la science ! - peuvent apporter un certain trouble aux yeux du grand public et du personnel politique et administratif, qui attend des certitudes. Il est donc nécessaire de réaliser régulièrement des synthèses de l'état de la science. Une actualisation de l'expertise collective de l'INSERM (2013) sur l'impact des PPP sur la santé humaine est ainsi annoncée depuis près d'un an42 . Il faut également souligner les efforts de l'ANSES pour rendre accessibles les données et informations qui fondent ses décisions. Mais les controverses scientifiques sont normales, et sur un sujet porteur d'autant d'intérêt économique, un soutien constant à la recherche publique, à son intégrité, et aux dispositifs de veille en matière de santé publique est indispensable. Derrière la controverse se pose la question des modèles agricoles désirables. La France a choisi l'agroécologie par une loi adoptée en 201443 l'agroécologie. Mais derrière ce mot qui désigne une science, des pratiques et qui est donc devenu une politique, se cachent plusieurs modèles agricoles qui continuent à être en compétition. Le modèle de la grande exploitation, qui était historiquement moins développé en France que dans des pays d'Europe centrale, continue son extension. Il se transforme également avec des pratiques de travail « à façon », entièrement externalisé vers des entreprises de travaux agricoles. Parallèlement les exploitations moyennes et petites régressent et se diversifient. Certaines, notamment en maraichage, en viticulture ou en productions fruitières, continuent à s'industrialiser, avec de plus en plus de conditions contrôlées et d'automatismes, pendant que d'autres recherchent la performance biologique par la permaculture et le travail manuel, avec des réussites parfois impressionnantes à petite échelle. Loin d'être entièrement dédiées à l'agroécologie, comme semblent le vouloir certains de ses responsables, la recherche et la valorisation devraient également porter sur tous ces modèles, y compris les plus disruptifs, du type de ceux qui sont soutenus par l'université de Wageningen aux PaysBas, avec des exploitations hors sols, à faibles intrants et relativement neutres en énergie. Les « fermes verticales » japonaises, sont également des modèles intéressants : au-delà des préjugés ou des constats d'expérience sur les qualités organoleptiques des aliments en fonction de leur processus de production, la performance globale de ces systèmes mérite d'être prise en considération, notamment en matière de maraîchage. De même, la France offre plus qu'une possibilité de réduction de la dépendance aux PPP. Pour certaines régions françaises denses et pour certaines cultures comme les légumes, une intensification des productions au plus près des centres de consommation, voire la mise en place de productions à environnement contrôlé en zone urbaine, comme elles se développent au Japon, peuvent apparaître comme des solutions non pas d'avenir ­ elles existent déjà et ont fait la preuve de leur capacité à fonctionner quasiment sans PPP- mais comme des solutions à diffuser ! En revanche le modèle de la grande exploitation céréalière sans élevage, et très dépendant des PPP comme des apports en fertilisants chimiques, et en eau, destructeurs des haies et pollueur des rivières et des nappes, mériterait d'être réexaminé. Il est pourtant encore en extension dans certaines campagnes françaises dites « intermédiaires ». Non seulement ce modèle d'exploitation n'apporte pas la preuve de sa capacité à maîtriser la dissémination de ses externalités négatives, mais il contribue à appauvrir la biodiversité, les paysages, et il alimente des marchés mondiaux de matière première dont les prix sont spéculatifs et déstabilisants. La PAC doit-elle continuer à soutenir ce modèle, par exemple par des subventions permettant de diminuer l'écart de productivité entre les zones intermédiaires 44 et les zones plus favorisées par les conditions pédoclimatiques ? Ou au contraire à assumer dans ces zones la mise en place d'une agriculture plus extensive, moins gourmande en intrants, voire à un retour 42 43 44 A notre connaissance, elle n'a pas eu d'équivalent pour évaluer l'impact des PPP sur la biodiversité Loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt Voir le rapport sur l'agriculture des zones intermédiaires, CGAAER n°18065, janvier 2019 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 167/208 PUBLIÉ organisé45 vers la forêt, pour capter davantage de carbone, ou encore pour développer les sanctuaires nécessaires à la biodiversité ? Il semble que ce débat existe aujourd'hui au sein même de la FNSEA46 et avec les autres organisations professionnelles, mais tous les acteurs seront attentifs aux messages que les arbitrages de la nouvelle PAC vont adresser. Même si elle doit évidemment se préoccuper de toutes les agricultures, on peut ainsi regretter que la politique agricole française ne fasse pas le choix de dire ce qu'elle souhaite pour chacun des modèles, et ce qu'elle veut décourager. La réponse serait d'autant plus pertinente qu'elle serait inscrite dans des territoires qui ont de fortes spécificités. Finalement, les PPP sont aussi l'occasion de distinguer plusieurs conceptions de ce que peut être un État dans l'Europe d'aujourd'hui, et d'interroger l'organisation de notre État, notamment quant aux répartitions des compétences et rôles entre ministères, et entre les administrations centrales, les services déconcentrés et les collectivités territoriales. Sur le positionnement des États en Europe, les deux documents précités (rapport de la Cour européenne des comptes et communication de la Commission (2020) mériteraient d'être prolongés par un parangonnage. Entre l'État qui forme, avec d'une part la recherche et d'autre part les agriculteurs-entrepreneurs l'un des trois côtés du triangle d'or néerlandais, et la verticalité qui fait de la réduction des PPP et de l'interdiction du glyphosate des « objets de la vie quotidienne » directement suivis depuis l'Élysée, il y a des positionnements multiples au sein de l'Europe, et qui mériteraient un parangonnage. Pour ce qui concerne l'organisation de l'État en France, il faut d'abord souligner que le MTE, en charge de la qualité de l'eau, de l'air et de la nature, a été l'un des premiers à prendre conscience des enjeux de la réduction des PPP (et des nitrates). Les indicateurs sur la diminution de la biodiversité, notamment l'écroulement des populations d'insectes et d'oiseaux, ont déclenché des alertes qui ont conduit à rechercher les causes, plus rapidement et plus fortement que les enjeux sur la santé humaine, qui restent finalement mal connus. Du coup, le MTE (et les agences de l'eau comme l'OFB) a une réelle légitimité sur cette politique. Mais c'est bien le MAA qui a la charge de proposer les solutions alternatives aux PPP et donc doit être responsabilisé dans son rôle de coordination opérationnelle du plan. Bien sûr les PPP sont également des enjeux majeurs pour la santé publique, pour la biodiversité, et pour la recherche. Mais les trois ministères de la santé, de la transition écologique et de la recherche n'ont pas la responsabilité ni les moyens opérationnels de diffuser les alternatives aux PPP : c'est bien au MAA que cela incombe. Une difficulté qui a pu être perçue ces dernières années est que le caractère multiministériel de la politique à l'égard des PPP a pu donner l'impression d'une complexité bureaucratique doublée d'un État à plusieurs voix sans unisson. On se retrouve ainsi parfois dans la situation où ce sont des parties prenantes, des ONG notamment, qui s'efforcent de faire la synthèse et de porter un intérêt général face à des représentants ministériels calés dans leurs priorités relatives. La réponse à cette question de l'interministérialité pourrait être simple : Il existe une responsabilité interministérielle, celle de s'assurer de l'alignement des politiques, que la réduction des PPP est bien une priorité effective de l'action publique, pour tous les ministères et établissements publics et à tout niveau, mais en affirmant La forêt progresse spontanément en France, du fait des déprises agricoles dans ces zones, mais une sylviculture intelligente, comme l'a fait historiquement l'administration puis l'office des forêts, permet d'optimiser à la fois la fixation du carbone, la valeur probable du bois, et les aménités. 45 46 Agra-Presse 18 janvier 2021 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 168/208 PUBLIÉ également la responsabilité du MAA pour définir et piloter les actions de massification du plan, et en lui donnant des outils et leviers à cette fin. Cette question se retrouve à l'échelle régionale, avec un plan Écophyto qui mobilise la DREAL, la DRAAF, les agences de l'eau et dans une moindre mesure l'ARS, sous la coordination et l'autorité du Préfet de région. Les compétences sanitaires de l'État sont réparties entre la DRAAF pour la santé des plantes, les DDI pour la santé animale, et l'OFB pour la police de l'environnement. Les collectivités régionales, en charge du développement économique et de la gestion d'une partie de plus en plus importante des crédits européens, sont sollicitées sur ce plan sans en être pleinement co-responsables. Une nouvelle version du plan Écophyto devrait s'interroger sur cette répartition existante des compétences et surtout se demander quelle organisation pourrait optimiser la réussite du plan de réduction des PPP dans les territoires. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 169/208 PUBLIÉ Les scénarios et les leviers : synthèse : : : : : : : : Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 170/208 PUBLIÉ * ** Finalement, peut-on encore opposer la nécessité de « nourrir la planète », comme disent les défenseurs des PPP, à celle de « préserver la santé, quoiqu'il en coûte » et de stopper pendant qu'il est encore temps l'effondrement de la biodiversité qui met en péril notre survie comme espèce ? "Faire la paix avec la nature est la grande mission de notre siècle. Elle doit être la priorité absolue de chacun, partout dans le monde" disait le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, en janvier 2021). La France fait le choix de soutenir son agriculture, en lui consacrant une grande attention et des moyens financiers importants. Mais il est clair que ce soutien a contribué ces dernières décennies à renforcer une dépendance de cette agriculture aux PPP, alors que beaucoup d'exploitations disposaient auparavant de savoir-faire alternatifs qui ont été disqualifiés. Il n'est pas réaliste de revenir à des processus de production antérieurs à la diffusion des PPP. Il s'agit donc non de restaurer, mais d'inventer des modes de production agricoles durables économes en PPP et répondant par ailleurs aux attentes économiques, sociales des marchés et des citoyens. Un levier prioritaire de ce point de vue est de continuer à réparer la contradiction qui (a) fait de certaines politiques de l'État et de la PAC les instruments de la diffusion des PPP et donc en priorité d'aligner l'ensemble des politiques publiques, dont la PAC, à ce nouvel objectif de réduction des PPP, sauf à risquer de réduire à néant les efforts de conviction apportés par des plans Écophyto dont les dotations financières sont nettement plus réduites. La mission propose donc, soit d'utiliser massivement la réglementation et la PAC et de rendre conditionnelles les aides du premier pilier (scénario 3), soit, si ce n'est pas possible, de mobiliser massivement les autres leviers, de soutien aux filières économes en PPP (scénario 1) ou les leviers incitatifs (scénario 2) si on veut généraliser la baisse. Il serait souhaitable d'arrêter le nouveau plan Écophyto en 2023, quand la nouvelle PAC sera connue et approuvée. Cela laisse deux années pour réaliser des études de bilan plus précises, et pour choisir après concertation les leviers et les actions qui donneront un nouvel élan à ce plan nécessaire, mais qui s'essouffle. Un volet important du nouveau plan sera de mettre en cohérence l'ensemble des politiques publiques avec l'objectif de réduction des PPP. Cela suppose que ces préoccupations soient portées avec constance lors de la révision de la PAC pour qu'elles se traduisent par une véritable inflexion de celleci. C'est dans ce cadre qu'une nouvelle orientation d'utilisation de la part du produit de la RPD affectée à Écophyto pourra être donnée, avec un programme national et des enveloppes régionales spécialisés, agiles, additionnels et transparents. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 171/208 PUBLIÉ Cour des comptes Référé S2019-2659 du 4 février 2020 de la Cour des comptes sur le bilan des plans Écophyto Réponse du Premier ministre à la Cour des comptes relative au bilan des plans Écophyto le 3 février 2020 Le bilan des plans Écophyto ­ Cour des comptes - Relevé d'observations définitives S2019-0191 (non diffusé) Différents plans Plan Écophyto 2018 du 10 septembre 2008 Plan Écophyto II du 20 octobre 2015 Plan d'actions sur les PPP et une agriculture moins dépendante aux pesticides du 25 avril 2018 Plan Écophyto II+ publication avril 2019 Rapports Chantier 15 « agriculture écologique et productive » Rapport final du Président du Comité opérationnel « Écophyto 2018 » Guy Paillotin, Secrétaire perpétuel de l'Académie d'Agriculture de France, 17 juin 2008 Pesticides et agroécologie ­ Les champs du possible. Rapport de Dominique Potier, député de Meurtheet-Moselle, au Premier ministre Manuel Valls, novembre 2014 Mission de coordination de la feuille de route relative aux produits phytosanitaires et au plan de sortie du glyphosate Note d'étape (partie 1) et Synthèse des entretiens en régions (partie 2) ; Pierre-Etienne Bisch, coordinateur interministériel Conseiller autrement l'utilisation des pesticides pour produire autrement, rapport CGAAER 13057, juin 2013 Déterminants de la prise de décision par l'exploitant agricole d'une transition vers l'agroécologie, CGAAER n°19070 La fiscalité des produits phytosanitaires. Rapport n°2013-M-044-03 pour l'IGF, n°13065 pour le CGAAER et n°008976-01 pour le CGEDD, juillet 2013 Utilisation des produits phytopharmaceutiques. Rapport CGEDD n°011624-01 / IGAS n°2017-124R / CGAAER n°17096, décembre 2017 Préfiguration de la mise en oeuvre des certificats d'économie de produits phytosanitaires (CEPP) mission d'appui (n°2013-M-122-01 pour l'IGF, n°2013-13146 pour le CGAAER, n°009393-01 pour le CGEDD) ­ Juillet 2014 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 172/208 PUBLIÉ Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-Mer, Rapport CGEDD n° 012594-01, CGAAER n° 18133, juin 2019. Evaluation du dispositif de délivrance du certificat individuel phytopharmaceutique (Certiphyto) ­ Rapport CGEDD n°00 9375-01 et CGAAER n°13132 ­ 2014 Le réseau d'épidémiosurveillance financé par le plan Écophyto : Réorientations à opérer. Rapport CGEDD n° 012577-01, CGAAER n° 18129, décembre 2019 Rapporteuse spéciale sur le droit à l'alimentation Assemblée générale, Nations unies, 24 janvier 2017 Rapport spécial de la Cour des comptes Européenne, Utilisation durable des produits phytopharmaceutiques : des progrès limités en matière de mesure et de réduction des risques, janvier 2020 Rapport de la Commission au Parlement européen et au Conseil sur l'expérience acquise par les États membres dans la mise en oeuvre des objectifs nationaux fixés dans leurs plans d'action nationaux et sur les progrès réalisés dans la mise en oeuvre de la directive 2009/128/CE sur une utilisation des pesticides compatible, 20 mai 2020. Principaux textes réglementaires de l'UE en matière de PPP (classement chronologique) Directive 2009/128/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 instaurant un cadre d'action communautaire pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable Directive (UE) 2019/782 de la Commission du 15 mai 2019 modifiant la directive 2009/128/CE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne l'établissement d'indicateurs de risques harmonisés. Directive 2009/127/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 modifiant la directive 2006/42/CE en ce qui concerne les machines destinées à l'application des pesticides Règlement (CE) n° 396/2005 du Parlement européen et du Conseil du 23 février 2005 concernant les limites maximales applicables aux résidus de pesticides présents dans ou sur les denrées alimentaires et les aliments pour animaux d'origine végétale et animale Règlement (CE) N 889/2008 de la commission du 5 septembre 2008 portant modalités d'application du règlement (CE) no 834/2007 du Conseil relatif à la production biologique et à l'étiquetage des produits biologiques en ce qui concerne la production biologique, l'étiquetage et les contrôles. annexe II. Règlement (CE) n° 1272/2008 dit « règlement CLP » du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relatif à la classification, à l'étiquetage et à l'emballage des substances et des mélanges, modifiant et abrogeant les directives 67/548/CEE et 1999/45/CE et modifiant le règlement (CE) n° 1907/200 Règlement (CE) n° 1185/2009 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 relatif aux statistiques sur les pesticides Règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/CEE et 91/414/CEE du Conseil Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 173/208 PUBLIÉ Règlement (UE) no 528/2012 du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2012 concernant la mise à disposition sur le marché et l'utilisation des produits biocides. Articles de synthèse Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? sous l'égide du Comité pour l'économie verte, Bénédicte Peyrol, Dominique Bureau, 2018 Reducing pesticide use while preserving crop productivity and profitability on arable farms, Martin Lechenet, Fabrice Dessaint, Guillaume Py, David Makowski & Nicolas Munier-Jolain, Nature Plants volume 3, Article number: 17008 (2017). Traduction mission. Le Plan Écophyto de réduction d'usage des pesticides en France : décryptage d'un échec et raisons d'espérer, Laurence Guichard, François Dedieu, Marie-Hélène Jeuffroy, Jean-Marc Meynard, Raymond Réau et Isabelle Savini. (Cah. Agric. 2017, 26, 14002) Le projet agroécologique: Vers des agricultures doublement performantes pour concilier compétitivité et respect de l'environnement. Marion Guillou, Hervé Guyomard, Christian Huyghe, Jean-Louis Peyraud, mai 2013. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 174/208 PUBLIÉ Acronyme Signification AB AE AJE ACTA AFB AMM ANR ANSES APCA ASP BNVD BOP BSV CAE CASDAR CE CEE CEPP CF CGAAER CGEDD CIRC CMR COREAMR COS COS RI CP CROS DEB DEPHY DGAL DGALN DGPE DGER DRAAF DREAL EFSA EGA FEADER FNSEA GIEE IFT Agriculture Biologique Autorisation d'engagement Apport Journalier Estimé Association de Coordination Technique des instituts Agricoles Agence Française pour la Biodiversité Autorisation de Mise sur le Marché Agence Nationale de la Recherche Agence Nationale de Sécurité Alimentaire, de l'Environnement et du Travail Assemblée Permanente des Chambres d'Agriculture Agence de Service des paiements Banque Nationale des Ventes pour les Distributeurs Budget Opérationnel de Programme Bulletin de Surveillance du Végétal Commission AgroÉcologie Compte d'Affectation Spéciale Développement Agricole et Rural Commission Européenne Certificat d'Économie d'Énergie Certificat d'Économie de Produit Phytopharmaceutique Comité des Financeurs Conseil général de l'Alimentation, de l'Agriculture et des Espaces Ruraux Conseil Général de l'Environnement et du Développement Durable Centre International de Recherche sur le Cancer Cancérogène, Mutagène et Reprotoxique Commission Régionale de l'Économie Agricole et du Monde Rural Comité Opérationnel et de Suivi Comité Opérationnel et de Suivi Recherche et Innovation Crédits de paiement Comité Régional d'Orientation et de Suivi Direction de l'Eau et de la Biodiversité DEmonstration et Production de références sur les systèmes économes en pHYtosanitaires Direction Générale de l'Alimentation Direction Générale de l'aménagement, du Logement et de la Nature Direction Générale de la Performance Économique et Environnementale des Entreprises Direction Générale de l'Enseignement et de la Recherche Direction Régionale de l'Alimentation, de l'Agriculture et de la Forêt Direction Régionale de l'Environnement, de l'Aménagement et de l'Environnement Autorité Européenne de Sécurité des Aliments États Généraux de l'Alimentation Fonds Européen Agricole pour le développement Rural Fédération Nationale des syndicats d'Exploitants Agricoles Groupement d'Intérêt Économique et Environnemental Indice de Fréquence de Traitement Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 175/208 PUBLIÉ Acronyme Signification INERIS INRAE ITA MAA MAEC MTE NODU OAD OFB PAC PAEC PAT PPP QSA R&D RPD SAU SBT SDQPV SRAL UE ZNA Institut National de l'Environnement Industriel et des Risques Institut National de la recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement Institut Technique Agricole Ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation Mesures Agro-Environnementales et Climatiques Ministère de la Transition Écologique Nombre de Doses Unité Outil d'Aide à la Décision Office Français de la Biodiversité Politique Agricole Commune Projet Agro-Environnemental et Climatique Projet Alimentaire Territorial Produits PhytoPharmaceutiques Quantité de Substance Active Recherche et Développement Redevance pour Pollution Diffuse Surface Agricole Utile Surveillance Biologique du Territoire Sous-Direction de la Qualité et de la Protection des Végétaux Service Régional de l'Alimentation Union Européenne Zone Non Agricole Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 176/208 PUBLIÉ La redevance pour pollutions diffuses (RPD) a été instaurée par la loi n°2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l'eau et les milieux aquatiques (art.84) et codifié à articles L.213-10-8 du code de l'environnement, qui en détermine son assiette et son taux. L'article L131-15 du code de l'environnement (modifié par la loi n°2020-1721 du 29 décembre 2020 - art. 82 (V)) précise que « les ressources du programme confié à l'Office français de la biodiversité dans le cadre du plan d'action national défini à l'article L. 253-6 du code rural et de la pêche maritime incluent la part de contribution mentionnée à ce titre à l'article 135 de la loi n° 2017-1837 de finances pour 2018 et sont dépensées, pour un montant au moins égal, sous la forme d'aides apportées par l'office au titre de ce programme ». L'article R.213-48-13 du code de l'environnement relatif aux redevances des agences de l'eau et aux modalités de déclaration et de recouvrement de certaines de ces redevances, précise la nature des substances concernées. Elles le sont : 1° Soit en raison de leur toxicité aiguë de catégories 1,2 ou 3 ; 2° Soit en raison de leur toxicité spécifique pour certains organes cibles, de catégorie 1, à la suite d'une exposition unique ou après une exposition répétée ; 3° Soit cancérogène de catégorie 1A ou 1B, mutagène de catégorie 1A ou 1B ou toxique pour la reproduction de catégorie 1A ou 1B ; 4° Soit cancérogène de catégorie 2, mutagène de catégorie 2 ou toxique pour la reproduction de catégorie 2 ; 5° Soit en raison de leurs effets sur ou via l'allaitement ; 6° Soit en raison de leur danger pour l'environnement. Un arrêté conjoint des ministres chargés de l'environnement et de l'agriculture définit, chaque année1, la liste des substances figurant dans chaque catégorie mentionnée au II de l'article L. 213-10-8 . L'article R. 213-48-27-1 du code de l'environnement prévoit que les redevables de l'ensemble des agences de l'eau adressent leur déclaration à l'agence de l'eau Artois-Picardie, qui est désignée pour l'établissement du titre de recettes et le recouvrement de la redevance auprès de ces redevables. L'article 135 de la loi de finance pour 2018 n°2017-1837 (Modifié par loi n°2020-1721 du 29 décembre 2020 - art. 82 (V)) « I.- A compter de 2020, il est institué une contribution annuelle des agences de l'eau mentionnées à l'article L. 213-8-1 du code de l'environnement au profit de l'Office français de la biodiversité à hauteur d'un montant compris entre 362,6 millions d'euros et 389,6 millions d'euros, qui intègre une dotation de 41 millions d'euros dédiée au financement du programme mentionné à l'article L. 131-15 du même code. Arrêté du 7 décembre 2020 établissant la liste des substances définies à l'article L. 213-10-8 du code de l'environnement relatif à la redevance pour pollutions diffuses 1 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 177/208 PUBLIÉ Cette contribution est liquidée, ordonnancée et recouvrée selon les modalités prévues pour les recettes des établissements publics administratifs de l'Etat. Chaque année, un arrêté conjoint des ministres chargés de l'écologie et du budget fixe le montant de cette contribution et la répartit entre les agences de l'eau en fonction du potentiel économique du bassin hydrographique pondéré par l'importance relative de sa population rurale. Le potentiel économique du bassin hydrographique est déterminé pour 20 % à partir du produit intérieur brut des régions relevant de chaque bassin et pour 80 % à partir du revenu des ménages des régions relevant de chaque bassin. Pour chaque bassin, un coefficient de modulation rurale définit l'importance relative de la population rurale. Ce coefficient, compris entre 75 % et 115 %, est déterminé de façon linéaire selon la part de population du bassin habitant des communes non incluses dans des aires urbaines. Cet arrêté détermine également les modalités de versement de cette contribution. « Pour l'année 2020, il a été pris le 28 janvier 2021. Les ressources du programme confié à l'Office français de la biodiversité dans le cadre du plan d'action national défini à l'article L. 253-6 du code rural et de la pêche maritime incluent la part de contribution mentionnée à ce titre à l'article 135 de la loi n° 2017-1837 de finances pour 2018 et sont dépensées, pour un montant au moins égal, sous la forme d'aides apportées par l'office au titre de ce programme. 2006 Depuis la loi sur l'eau et les milieux aquatiques du 30 décembre 2006, les distributeurs de produits phytopharmaceutiques sont tenus de transmettre à l'agence de l'Eau Artois-Picardie2 une déclaration annuelle de leurs ventes de produits au titre de la redevance pour pollutions diffuses. Le bilan des achats effectués à l'étranger doit également être déclaré par les utilisateurs professionnels. 2009 En application du principe pollueur-payeur et de la loi de finances pour 2009, la redevance sert à financer : les programmes d'intervention des agences et offices de l'eau ; le plan Écophyto, qui vise à limiter l'usage des pesticides et la contamination associée des milieux. 2010 La loi de finances rectificative pour 2010 a intégré dans le dispositif des redevances les ventes de semences traitées au moyen des produits phytosanitaires à compter de l'année d'activité 2012. De plus, en cas d'achats de produits ou de semences traitées à l'étranger, les trieurs à façon et les 2 Procédure mutualisée depuis 2010 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 178/208 PUBLIÉ agriculteurs deviennent également redevables et sont soumis dans ce cadre à une obligation de transmission d'un bilan de leurs achats à l'étranger. 2019 La loi de finances pour 2019 a modifié le régime de la redevance, dans un objectif de transparence sur le niveau de dangerosité des différentes substances au travers d'une plus grande discrimination des taux incluant un renforcement de ceux portant sur les substances qui seront à terme interdites en Europe, conformément au règlement 1107/2009 en ce qui concerne les substances candidates à substitution ou exclusion. 2021 Une modification a été introduite par la loi de finance pour 2021 (article 82 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 abrogeant le V. de l'article L.213-10-8 qui prévoyait le prélèvement au profit de l'OFB) : la mise sous plafond de la part de la redevance pour pollutions diffuses perçue par les agences de l'eau, affectée au programme Écophyto. Jusqu'à présent, la part de la redevance pollution diffuse était directement versée à l'OFB pour financer le volet national d'Écophyto. Désormais le produit (41 M) reviendra aux agences et, en contrepartie, celles-ci versent une contribution plus importante à l'OFB, chacune selon la clef de répartition fixée (arrêté interministériel du 28 janvier 2021). Dans le même temps, le plafond des redevances perçues par les agences a été augmenté en proportion. Ce dernier s'élèvera ainsi à 2,197 milliards d'euros en 2021. Les dispositions concernent les produits phytopharmaceutiques et les semences traitées au moyen des produits (cf. l'article L 253-1 du code rural). Ces produits servent à détruire les végétaux indésirables (herbicides), à protéger les plantes (fongicides, insecticides), à agir sur leurs processus vitaux sans être des substances nutritives (régulateurs de croissance) et à conserver les récoltes. Pour pouvoir être vendus et utilisés en France, ces produits doivent faire l'objet d'une autorisation de mise sur le marché (AMM). Un produit phytopharmaceutique peut contenir des substances dangereuses. Les substances soumises à la redevance pour pollutions diffuses sont définies au II de l'article L.213-10-8 du code de l'environnement. Le montant de cette redevance est fonction de la dangerosité de ces substances et des quantités présentes dans les produits. Tous les acteurs sont concernés par ces dispositions : les distributeurs, les consommateurs, les industriels responsables de la mise sur le marché des produits phytosanitaires ainsi que les utilisateurs qui se fournissent auprès de distributeurs situés à l'étranger. 1. Les distributeurs et, par incidence, les industriels Les distributeurs sont au coeur du dispositif, dans la mesure où ils peuvent à la fois informer les consommateurs et orienter leur politique d'achat auprès des producteurs. Ils permettent une connaissance fine des quantités et des produits phytosanitaires achetés, via l'établissement de leur déclaration annuelle des ventes. Afin de cibler l'action de suivi de l'utilisation des pesticides sur les territoires ou les parcelles sur lesquels peut être porté en priorité l'effort de réduction, les distributeurs à des professionnels sont tenus depuis 2015 de déclarer les ventes agrégées par codes postaux des utilisateurs, sous forme de registre des ventes. Cette connaissance est indispensable pour cibler efficacement l'action publique. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 179/208 PUBLIÉ 2. Les consommateurs Le montant de la redevance propre à chaque produit phytopharmaceutique acheté figure sur la facture d'achat sauf pour les produits portant la mention " Emploi Autorisé dans les Jardins ". Les consommateurs, désormais informés, seront en mesure de modifier leurs comportements d'achat : réduire prioritairement leur usage des substances les plus dangereuses et recourir à des alternatives. Les achats effectués auprès d'un distributeur dont le siège est situé à l'étranger, aujourd'hui intégrés dans le dispositif, ne doivent pas être considérés comme une alternative. En application de la loi de finances rectificative pour 2010, l'agence de l'eau Artois-Picardie a été désignée afin de prendre en charge la gestion mutualisée de la redevance pour le compte de toutes les agences de l'eau, à compter du 1er janvier 2012 : tous les redevables dont le siège est situé en métropole lui adressent désormais leur déclaration. Elle tient donc une place particulière dans le dispositif Écophyto au plan national en assurant la gestion mutualisée et centralisée de la collecte de la RPD. En revanche, dans les outre-mer la RPD reste recouvrée par chacun des offices de l'eau. L'agence AP conserve 1,1 % des sommes qu'elle reverse aux autres agences ; elle y consacre l'équivalent de 7 emplois à plein temps. 1. Collecte, montants perçus, montants versés i. La déclaration doit être effectuée avant le 1er avril N+1 La déclaration consiste à transmettre le bilan ou le registre annuel des ventes de l'année précédente à l'agence de l'eau Artois-Picardie pour la métropole, ou à l'office de l'eau pour les distributeurs dont le siège est situé dans un département ou région d'outre-mer. Sont concernés les acquéreurs de produits phytopharmaceutiques, de semences traitées et les commanditaires d'une prestation de traitement de semences s'ils se fournissent auprès d'une personne n'étant pas déjà redevable. Les produits disposant d'une autorisation de mise sur le marché français mais achetés à l'étranger, et les produits d'enrobage de semences achetés directement à une firme, sans passer par un point de distribution, sont soumis à la redevance. Tout utilisateur de produits ou de semences achetés à l'étranger doit donc tenir un registre et déclarer ses achats annuels. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 180/208 PUBLIÉ Qui est assujetti ? (celui qui supporte le coût de la redevance) Qui redevable ? est Qui déclare a l'agence de l'eau ? Quelle l'échéance ? est (celui qui reverse la redevance) ?Qui a l'obligation de tenir le registre ? Le distributeur DISTRIBUTEUR DE PRODUITS PHYTOPHARMACEUTIQUES établi en France à des utilisateurs non professionnels AGRICULTEUR IMPORTATEUR DE PRODUITSPHYTOPHARMACEUTIQUES en France DISTRIBUTEUR DE SEMENCES TRAITEES établi en France à des utilisateurs non professionnels TRIEUR A FACON (applicateur en prestation de service) établi en France L'agriculteur Le distributeur Pour le 31 mars N+1 sur ses ventes N L'agriculteur Pour le 31 mars N+1sur ses achats N Le distributeur Pour le 31 mars N+1 sur ses ventes N Le trieur à façon Pour le 31 mars N+1 sur les produits appliqués en N L'agriculteur Pour le 31 mars N+1 sur ses achats N L'agriculteur L'agriculteur L'agriculteur Le distributeur de semences traitées L'agriculteur Le trieur à façon AGRICULTEUR IMPORTATEUR DE SEMENCES TRAITEES (ou commande d'un traitement de semences auprès d'un prestataire établi en France) L'agriculteur L'agriculteur ii. Évolution des taux au cours du temps Avant la rénovation de la redevance : REDEVANCE POUR POLLUTIONS DIFFUSES (/kg) 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 Substances classées en raison de leur danger pour l'environnement Substances classées en raison de leur danger pour l'environnement, relevant de la famille chimique minérale Substances classées en raison de leur toxicité aiguë ou spécifique, cancérogénicité, mutagénicité, reprotoxicité Substances classées en raison de leur danger pour l'environnement (2ème semestre) Substances classées en raison de leur danger pour l'environnement, relevant de la famille chimique minérale (2ème semestre) Substances classées en raison de leur toxicité aiguë ou spécifique, cancérogénicité, mutagénicité, reprotoxicité (2ème semestre) 0,900 1,200 1,700 2,000 2,000 2,000 2,000 2,000 2,000 2,000 2,000 0,380 0,500 0,700 0,900 0,900 0,900 0,900 0,900 0,900 0,900 0,900 2,250 3,000 4,400 5,100 5,100 5,100 5,100 5,100 5,100 5,100 5,100 1,500 0,600 3,700 À compter de la rénovation de la redevance (2019) : Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 181/208 PUBLIÉ REDEVANCE POUR POLLUTIONS DIFFUSES (/kg) 1° Substances classées, en application du règlement (CE) n° 1272/2008, en raison de leur cancérogénicité, ou de leur mutagénicité sur les cellules germinales, ou de leur toxicité pour la reproduction 2° Substances classées, en application du règlement (CE) n° 1272/2008, en raison de leur toxicité aiguë de catégorie 1,2 ou 3 ou en raison de leur toxicité spécifique pour certains organes cibles, de catégorie 1, à la suite d'une exposition unique ou après une exposition répétée, soit en réseau de leurs effets sur ou via l'allaitement 3° Substances classées, en application du règlement (CE) n° 1272/2008, en raison de leur danger de par leur toxicité aiguë pour le milieu aquatique de catégorie 1 ou de leur toxicité chronique pour le milieu aquatique de catégorie 1 ou 2 4° Substances classées, en application du règlement (CE) n° 1272/2008, en raison de leur de leur toxicité chronique pour le milieu aquatique de catégories 3 ou 4 5° Substances qui ne répondent pas aux critères des paragraphes 3.6 et 3.7 de l'annexe II du règlement (CE) n° 1107/2009 mais qui sont encore commercialisées A partir de 2019 9,000 5,100 2,000 0,900 5,000 6° Substances dont on envisage la substitution au sens de l'article 24 du règlement (CE) n° 1107/2009 2,500 Lorsqu'une substance relève d'une ou de plusieurs catégories mentionnées au 1° à 4° et au 5° à 6° du II, le taux retenu est la somme des taux calculés en application des deux précédents alinéas. Les taux des catégories 1 à 4 peuvent donc être sommés avec : soit le taux de la catégorie 5 soit le taux de la catégorie 6. iii. Évolution du montant perçu au cours du temps Les fluctuations de ventes/achats de produits phytopharmaceutiques sont liées aux facteurs suivants : les conditions météo et la "pression maladie" varient d'une année sur l'autre ; les arrivées sur le marché de nouveaux produits, de même que les interdictions, surviennent de manière inopinée et produisent parfois des variations sensibles, (comme les produits contenant du metam sodium interdits en 2018) ; les filières techniques peuvent changer en raison de produits plus efficaces, plus ou moins taxés ; le marketing peut influer : certains produits peuvent être plus fortement mis en avant par les conseillers ; les pratiques commerciales peuvent accentuer les effets de hausse comme celle de fin 2018, née de l'anticipation de l'augmentation de la redevance mais accrue par les ristournes proposées par les fabricants et les distributeurs ; Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 182/208 PUBLIÉ le niveau du cours des céréales incite à garantir des rendements élevés ; enfin, l'arrêté substances fait évoluer chaque année les substances en catégories et donc en taux ; il est publié entre septembre et fin décembre. Le produit de la redevance pour pollutions diffuses est retracé, depuis 2012, dans le tableau qui suit. Quantités de Quantités de Quantités de substances substances non substances totales soumises à soumises à (Tonnes) redevance (Tonnes) redevance (Tonnes) 44824 46290 52891 46027 47945 46367 56474 32 014 19932 21338 23227 21 543 24 551 24 476 29 016 25 177 64756 67628 76118 67570 72496 70843 85490 57 191 Montant de redevance par année de ventes (M) 103,08 108,08 123,36 138,32 146,93 135,76 169,89 146,50 Montant correspondant perçu (en année de ventes + 1) (M) 104,12 110,76 129,72 144,72 151,17 131,41 182,88 138,14 Année de ventes 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 Tableau 7 : Produit de la redevance pour pollution diffuse perçue par les agences de l'eau (source Agence de l'Eau Artois Picardie) Le produit de la redevance pour pollution diffuse (RPD) perçue par les agences de l'eau, détaillé dans le tableau ci-dessus, est de l'ordre de 136M par an ; 41 M sont individualisés par la loi à l'OFB pour financer le programme Écophyto au niveau national et 30 M constitue l'enveloppe régionale d'Écophyto. Le solde de la RPD (de l'ordre de 60M) vient alimenter le programme pluriannuel des agences de l'eau. iv. Comment sont versés les 41 M (article L213-10-8 du code de l'environnement) à l'OFB et les 30 M aux agences de l'eau (calendrier) ? Les 41 M constituant la part OFB faisait l'objet, jusqu'en 2020, d'un versement unique en juin-juillet de chaque année, la date limite étant fixée au 1er septembre. La part de la RPD est versée à chaque agence en fonction des ventes et achats sur chaque bassin. Les versements aux agences sont effectués par un acompte en août/septembre et un solde en décembre. 2. Quels sont les avantages et inconvénients de cette collecte centralisée et versements ? La gestion mutualisée et centralisée a permis le développement d'une expertise spécifique au domaine car le service en charge de la redevance traite tous les aspects de cette gestion en tant que mission centrale : les relations avec les redevables et avec les membres d'un groupe de travail national RPD ; l'administration du rôle des interlocuteurs ; Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 183/208 PUBLIÉ la liquidation de la redevance : consultation, instruction, traitement des réclamations, émission des titres de recette... ; la maîtrise d'ouvrage des logiciels : le site de déclaration « redevance phyto » et la BNV-D ; la participation aux réflexions sur les indicateurs phyto, en tant que producteur de données ; la participation à la politique nationale de réduction de l'utilisation des phytos et à la lutte contre l'usage illégal de ceux-ci. Les services du MTE sont ainsi en relation avec un opérateur qui met en oeuvre la fiscalité environnementale d'une manière harmonisée sur tout le territoire. D'autres administrations centrales ont également établi une coopération avec l'agence : La Direction nationale de recherches et d'enquêtes douanières : un protocole de coopération a été signé par les directeurs généraux afin d'établir une synergie entre les services, dans la lutte contre les fraudes à l'importation des produits phytosanitaires d'une part, dans la recherche des acheteurs de produits à l'étranger d'autre part ; La DGAL du MAA : la gestion de la démarche de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) s'appuie en partie sur des données provenant de la BNV-D ; l'agence fournit également des informations sur les événements juridiques affectant les redevables de la RPD qui sont aussi des obligés au CEPP ; la DGAL fournissant à l'agence la liste des agréés à la distribution. En corollaire les usagers ont un seul interlocuteur qui déploie des procédures uniques. Un inconvénient mineur est lié à l'éloignement géographique par rapport à certains usagers, qui empêche les réunions en présentiel, mais qui ne freine ni la communication ni les contrôles fiscaux, opérés par un prestataire sur consignes de l'agence. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 184/208 PUBLIÉ PUBLIÉ Tableaux financiers Année 2019 Seules des données de synthèses sont reprises, les données brutes des crédits mobilisés au niveau national ou régional (pour chaque région et par action et financeur) sont disponibles auprès de la mission Bisch ou de la DGAL. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO PUBLIÉ Page 186/208 Crédits mobilisés au niveau national : synthèse par financeurs (Année 2019) Financeur Montants engagés sur l'année 2019 (mise en oeuvre nationale) Financement fléché Écophyto (enveloppe nationale) Financement nonfléché Écophyto MAA OFB UE Agence Bio ANSES TOTAL 32 378 733 20 920 693 15 828 000 7 900 868 4 253 238 81 281 532 20 920 693 32 378 733 CASDAR (AAP R&I et pgm annuels APCA et ONVAR), Certiphyto et crédit impôt AB enveloppe de 41M programmes opérationnels fonds avenir Bio dispositif PPV 15 828 000 7 900 868 4 253 238 Montants engagés sur l'année 2019 (mise en oeuvre au niveau national) 35000 000 30000 000 25000 000 20000 000 15000 000 10000 000 5000 000 0 1 2 3 4 5 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO PUBLIÉ Page 187/208 Crédits mobilisés en régions : synthèses par financeurs (2019) Montants engagés sur l'année 2019 (mise en oeuvre au niveau régional) Financement fléché Écophyto (enveloppe régionale ou enveloppe nationale) Financement nonfléché Écophyto Financeur agence de l'eau (AE) UE MAA Conseil Régional CDC OFB (DEPHY, SBT, Animation et communication régionales) ADEME État D(R)AAF Conseil Départemental FAM Collectivités D(R)EAL (vides) Office de l'eau (ODE) ARS Partenaires régionaux CRA ASP MTES MOM MSA ODEADOM GNIS TOTAL 228 852 211 161 646 338 72 509 437 31 267 472 28 200 000 17 058 204 9 073 557 5 597 323 1 869 416 1 436 813 1 355 357 868 640 353 434 342 399 282 662 241 622 236 211 153 500 148 300 68 660 35 000 21 917 21 516 3 900 561 643 889 40 809 103 188 043 108 161 646 338 72 509 437 31 267 472 28 200 000 17 058 204 9 073 557 5 597 323 1 869 416 1 436 813 1 355 357 868 640 353 434 342 399 282 662 241 622 236 211 153 500 148 300 68 660 35 000 21 917 21 516 3 900 57 867 307 503 776 582 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO PUBLIÉ Page 188/208 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO PUBLIÉ Page 189/208 Crédits mobilisés en régions : synthèse par région (2019) AE 2019 par région AURA BFC Breiz Corse CVL G-Est Guad Guyan HdF IdF Martiniq Mayotte Norm NvAq Occi PACA PDL Reu 29 088 013 46 928 274 36 848 497 3 912 361 26 577 879 78 089 248 2 004 126 1 070 861 33 787 893 33 264 002 4 103 776 171 643 29 168 720 102 437 238 85 288 500 14 915 800 33 552 937 434 120 CP 3 523 396 2 104 477 37 063 825 117 694 563 484 2 594 168 229 106 493 880 279 840 2 996 774 227 589 103 038 436 169 7 878 538 9 802 092 721 395 5 417 977 89 530 SAU - STH 1 241 537 1 324 328 1 472 370 25 906 2 024 271 2 281 151 20 652 18 674 1 839 372 543 191 14 569 19 979 1 263 093 2 928 785 2 033 798 317 582 1 653 431 31 619 19 054 308 AE 2019 rapportées à la (SAU-STH) 23,4 35,4 25,0 151,0 13,1 34,2 97,0 57,3 18,4 61,2 281,7 8,6 23,1 35,0 41,9 47,0 20,3 13,7 561 643 889 74 642 971 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO PUBLIÉ Page 190/208 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO PUBLIÉ Page 191/208 tableaux financiers Année 2018 Seules des données de synthèses sont reprises, les données brutes des crédits mobilisés au niveau national ou régional (pour chaque région et par action et financeur) sont disponibles auprès de la mission Bisch ou de la DGAL. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO PUBLIÉ Page 192/208 Crédits mobilisés au niveau national : synthèse par financeurs (Année 2018) Montants engagés sur l'année 2018 (mise en oeuvre nationale) Financement fléché Écophyto (enveloppe nationale) Financeur Financement non-fléché Écophyto MAA OFB UE Agence Bio ANSES TOTAL 44 971 696 20 028 202 0 4 099 902 4 434 015 73 533 815 20 028 202 44 971 696 0 4 099 902 4 434 015 CASDAR (AAP R&I et pgm annuels APCA et ONVAR), Certiphyto et crédit impôt AB enveloppe de 41M programmes opérationnels fonds avenir Bio dispositif PPV Montants engagés sur l'année 2018 (mise en oeuvre au niveau national) 50 000 000 45 000 000 40 000 000 35 000 000 30 000 000 25 000 000 20 000 000 15 000 000 10 000 000 5 000 000 0 MAA OFB UE Agence Bio ANSES Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO PUBLIÉ Page 193/208 Crédits mobilisés en régions : synthèses par financeurs (2018) Montants engagés sur l'année 2018 (mise en oeuvre au niveau régional) Financement fléché Écophyto (enveloppe régionale ou enveloppe nationale) Financeur Financement non-fléché Écophyto agence de l'eau (AE) UE MAA Conseil Régional OFB (DEPHY, SBT, animation et communication régionales) BPI France ADEME État D(R)AAF Collectivités Conseil Départemental ARS D(R)EAL Office de l'eau (ODE) MSA CRA FranceAgriMer MOM MTES DIRECCTE FREDON (vides) TOTAL 249 445 938 119 367 508 38 855 179 29 340 060 21 478 580 4 008 985 2 016 000 1 276 872 1 949 063 1 038 463 909 699 241 448 201 626 165 726 38 708 17 000 16 800 15 000 14 000 8 568 5 000 219 454 470 629 677 28 350 121 221 095 817 119 367 508 38 855 179 29 340 060 21 478 580 4 008 985 2 016 000 1 276 872 1 949 063 1 038 463 909 699 241 448 201 626 165 726 38 708 17 000 16 800 15 000 14 000 8 568 5 000 219 454 49 828 701 420 800 976 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 194/208 PUBLIÉ Montants engagés sur l'année 2018 (mise en oeuvre au niveau régional) 300 000 000 250 000 000 200 000 000 150 000 000 100 000 000 50 000 000 0 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 195/208 PUBLIÉ Crédits mobilisés en régions : synthèse par région (2018) AE 2018 par région AURA BFC Breiz Corse CVL G-Est Guad Guyan HdF IdF Martiniq Mayotte Norm NvAq Occi PACA PDL Reu (vides) 25 143 302 39 269 037 26 002 439 1 581 326 28 089 476 61 058 754 865 781 588 786 44 659 925 23 676 772 744 907 147 843 34 318 823 64 788 924 78 448 271 12 382 085 28 335 279 527 946 0 CP 7 538 198 2 582 548 12 436 788 269 996 1 814 404 2 244 467 634 557 524 748 1 543 280 732 643 306 433 106 403 1 055 138 9 136 326 10 400 222 1 364 573 5 280 119 220 884 0 SAU - STH AE 2018 rapportées à la (SAU-STH) 20,3 29,7 17,7 61,0 13,9 26,8 41,9 31,5 24,3 43,6 51,1 7,4 27,2 22,1 38,6 39,0 17,1 16,7 1 241 537 1 324 328 1 472 370 25 906 2 024 271 2 281 151 20 652 18 674 1 839 372 543 191 14 569 19 979 1 263 093 2 928 785 2 033 798 317 582 1 653 431 31 619 470 629 677 58 191 726 19 054 308 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 196/208 PUBLIÉ AE 2018 par région 90 000 000 80 000 000 70 000 000 60 000 000 50 000 000 40 000 000 30 000 000 20 000 000 10 000 000 0 AE 2018 rapportées à la (SAU-STH) 70,0 60,0 50,0 40,0 30,0 20,0 10,0 0,0 AE 2018 rapportées à la (SAU-STH) Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 197/208 PUBLIÉ 250 000 000 200 000 000 150 000 000 100 000 000 50 000 000 Montants engagés sur l'année 2018 par action (mise en oeuvre au niveau régional) 0 1.2 1.3 AB MAEC PSE 2 4 5 6 8 9 11 12 13.1 13.2 13.3 14 15 17 18.1 18.2 18.3 19 20 21 22 23.1 23.2 27.1 27.5 foncier 28 29 Note de présentation des tableaux financiers « Écophyto »(Note établie par Louis Hubert et Didier Pinçonnet le 23/10/2020, avec la collaboration active de Karine Belna, Aymeric Lorthois et Laure Clairac) Note revue LH le 17/12/2020 après correction de quelques erreurs mineures sur les tableaux financiers et avec la terminologie261 adoptée par la mission financière sur le plan Écophyto. Les travaux engagés par le préfet coordinateur du plan Écophyto 2+, il y a tout juste un an, avec l'aide de Louis Hubert et Didier Pinçonnet ont pour objectif de : Répondre à une demande des ministres de construire une cartographie et un tableau de suivi financier avec pour objectif de réaliser une cartographie des financements et des flux financiers, au niveau national et régional ; donner à la mission les outils permettant un suivi de l'exécution du programme Écophyto ; oordonner le travail demandé aux services de l'État en régions par l'instruction du 2 mai 2019; contribuer à la réponse au référé de la Cour des comptes de 2019 sur le plan Écophyto, et permettre d'avoir une vision plus complète des moyens engagés en faveur de la réduction des produits phytopharmaceutiques, quel que soit le dispositif mobilisé. Dans son référé du 27/11/2019 au Premier Ministre, la Cour des comptes émet une recommandation n°3 au MAA et MTES et leur demande d'« élaborer, tenir à jour et rendre public à compter de l'exercice 2020, à l'échelon national et à l'échelon régional, un tableau de l'ensemble des ressources financières mobilisées pour mettre en oeuvre le plan Écophyto pluriannuel ». Cette commande a été anticipée par la mission qui avait proposé à ces deux ministères de préparer une maquette permettant de saisir les différents gestionnaires de fonds publics et de construire ce tableau de suivi. 261 Distinguant le plan Écophyto (641M) du programme (41M) et de l'enveloppe régionale (30M) Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 198/208 PUBLIÉ Cette maquette a été mise au point, par la mission, en lien avec les administrations centrales, testée auprès d'une région (BFC) avant d'être diffusée par courrier du 26 février 2020, signé des deux directeurs de cabinets (MAA et MTES), aux préfets de région (DRAAF), agences de l'eau, et différents services des administrations centrales et établissements publics gestionnaires de dispositifs en lien avec Écophyto. Les délais ayant été adaptés, une réponse était attendue pour fin mai, soit il faut bien le noter, un an après le délai initial. Les 13 régions métropolitaines ont répondu : 3 régions d'outre-mer et Mayotte ont répondu (manque la Réunion) ; toutes les agences de l'eau ont répondu ; les administrations centrales ont également répondu, mais il a fallu les relancer. Le travail de compilation a été réalisé entre mai et juillet 2020, avec l'aide d'une stagiaire d'AgroParisTech, et en lien avec les membres du groupe de travail qui avaient aidé à la mise au point du format des tableaux. Il a été complété et ajusté par la suite avec quelques retours tardifs et mis en forme. On peut d'ores et déjà en tirer quelques enseignements : Le fait d'avoir élaboré une maquette unique (notamment avec une nomenclature des actions calée sur celle du plan Écophyto) pour mobiliser l'information en facilite la compilation à l'échelle nationale. Pour autant, la diversité des dispositifs et des procédures conduit à un foisonnement de la nomenclature et des modalités d'aides, qui nécessitent une grande rigueur pour éviter les oublis (contrepartie européennes ou régionales), pour apprécier la quotepart de crédits correspondant strictement à notre champ pour des actions servant plusieurs objectifs (par exemple la réduction des pollutions par les nitrates et celle des PPP), les doubles-comptes (entre niveau national et régional, ou bassin hydrographique et région); pour assurer la cohérence des données entre crédits programmés (AE) ou dépensés (CP), dont la définition peut fluctuer selon la nature des actions, les dispositifs d'aides et les règles comptables des gestionnaires. Cette complexité intrinsèque, liée à la diversité des actions, est exacerbée par la multiplicité des dispositifs et organismes chargés de leur mise en oeuvre. Les dispositifs, actions, financeurs se superposent, s'entrecroisent, si bien qu'il y a rarement un ensemble constitué d'un seul dispositif- action- financeur. Il est en effet important de rappeler que le travail porte sur la totalité des financements publics qui concourent à l'objectif de réduction de l'usage des PPP, et va bien au-delà du seul dispositif Écophyto. 1- Des moyens financiers bien supérieurs à l'enveloppe du programme Écophyto Le travail fait ressortir, comme l'avait montré le rapport de la Cour des comptes, l'importance des financements qui concourent à la politique de réduction des PPP, sans relever au sens strict du programme Écophyto II + (et vont bien au-delà des 71M) ; Au total, en 2019 (et 2018), la mission a recensé 643 M (respectivement 544M en 2018) dont 81M (73M) mobilisés au niveau central et 562 M (470M) au niveau régional. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 199/208 PUBLIÉ Le programme et l'enveloppe régionale Écophyto 2+ représentent donc environ 11 à 12% du total engagé ; au niveau régional cette part est encore plus faible : 10% des crédits mobilisés en région. 2- Le poids déterminant des Agences de l'eau dans le financement de cette politique, au niveau régional : Une vingtaine d'organismes se répartissent pour le financement de cette politique, mais les six premiers (agence de l'eau, fonds européens, ministère de l'agriculture, conseils régionaux, OFB) représentent 99% des crédits mobilisés au niveau régional. Les agences de l'eau mobilisent un financement total de 229M en 2019, dont 41M relèvent de l'enveloppe régionale d'Écophyto (250 M dont 29 M en 2018) le reste d'autres dispositifs gérés par les agences, dans le cadre de leurs programmes pluriannuels ; Les Agences représentent donc 40% (53% en 2018) du total des moyens engagés en région. La part de l'enveloppe régionale d'Écophyto représente 18% (12%) des montants engagés par les agences. Les fonds européens mobilisés par les régions s'élèvent à 161M (119 M en 2018). 3- Une connaissance lacunaire des crédits de paiement. Malgré une certaine insistance de la mission, il n'a pas été possible d'avoir connaissance exhaustive des crédits de paiements ; les résultats lacunaires, exception faite pour certains opérateurs ne permettent pas de tirer des enseignements sur la réalité des consommations de crédits et leur rythme. L'OFB est en mesure de faire ce suivi pour les opérations qu'il gère en rattachant les CP soit à la convention d'origine, soit à l'année de dépense effective. Cela explique en partie le moindre décalage entre les AE et les CP recensées eu niveau national. Cette question a été évoquée avec les DRAAF, chargés de la compilation des données au niveau régional (se reporter à l'annexe correspondante). 4- Une concentration forte des financements sur un nombre limité d'actions mais un foisonnement de dispositifs et de lignes de crédits. Si la nomenclature du plan et des actions semble très foisonnante, les cinq premières actions mobilisées en région représentent un total de 465 M, soit 86% des montants engagés en région (2019). Le premier poste est celui de l'agriculture biologique (320 M, soit 57%), dont les aides à la conversion ­hors Écophyto- représentent 297 M, et le renforcement du développement ­ action 23.1 de l'objectif 23 axe 5 du plan Écophyto- 23 M. Vient ensuite le soutien à l'agroéquipement ­ action 1.2 de l'objectif 1 de l'axe 1 du plan Écophyto, avec 74 M, soit 13% Puis les MAEC, hors Écophyto, avec 58,5 M soit 10% des montants mobilisés en région. L'action 21 de l'axe 5 du plan qui concerne le soutien aux collectifs (PIA) pèse 56 M, soit 10%, et enfin l'objectif 4 de l'axe 1 (G 30 000) représente 9 M, soit 1,6% Le dispositif du PIA concerne trois actions (1.2 agroéquipement, 1.3 biocontrôle, 2.1 territoires) et relève de quatre financeurs (CDC, BPI, Ademe, FAM), si bien qu'il est difficile de l'individualiser tant au titre des financeurs que des actions ; il figure malgré tout parmi les six premiers dispositifs les plus importants. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 200/208 PUBLIÉ Il ressort que les financements principaux concourant à la réduction des PPP (aides à l'AB, MAEC, PIA...) relèvent de décisions échappant à la gouvernance Écophyto (faites dans le cadre de la programmation du second pilier de la PAC notamment). Cela questionne sur la véritable capacité d'inflexion de l'intervention publique en matière de réduction des PPP. 5- Une répartition très variable selon les régions : De la Nouvelle-Aquitaine qui émarge à hauteur de 102 M, suivie par l'Occitanie (85 M) puis le Grand-Est (78 M) à PACA (15 M) pour ne citer que les régions métropolitaines, l'écart est important. Rapporté à la surface agricole utile hors prairies permanentes (SAU-STH), le classement met les DOM262 et la Corse en tête, puis l'Île-de-France en tête suivie de Paca, de l'Occitanie, de BFC, de la Nouvelle Aquitaine, du Grand Est. Nous avons tenté une analyse à partir du ratio /ha de SAU et au regard de la BNVD ; il est difficile d'en tirer des conclusions (annexe 2) Ce travail trouvera une suite dans la mission interministérielle d'évaluation des actions financières du programme Écophyto que les trois ministres (MAA, MTES et MESRI) ont confié aux inspections (CGAAER, CGEDD, IGF). La réunion des correspondants régionaux des DRAAF en septembre 2020 a été l'occasion de revenir sur les conditions de réalisation de cet exercice et de proposer des améliorations pour la prochaine édition, en 2021. Celles-ci figurent en annexe 1 Les points à approfondir : 1- Compléter avec les régions et services de centrale qui n'ont pas répondu 2- Compléter les lignes non renseignées par certaines régions et services centraux 3- Compléter les crédits de paiement 4- La colonne K destinée à connaître le bénéficiaire final de l'aide n'a pas été suffisamment renseignée pour estimer la part des financements allant « dans la cour de ferme » ; une estimation des aides allant directement aux agriculteurs peut néanmoins être faite en fonction de la nature des actions ; c'est le cas des aides àl'AB, à l'acquisition d'agroéquipements, aux G30 000 ... qui représentent les plus gros budgets. 5- Analyser l'efficience des crédits selon la nature et le montant des opérations financées (mais il faut établir au préalable une grille d'analyse avec des indicateurs de résultats, même de façon très globale : AB, HVE, viticulture,...) 6- Identifier les circuits existants et réaliser un diagramme des procédures dans la perspective d'une simplification (mission financière) Pour conclure, ce travail permet de répondre à la commande initiale des cabinets, même incomplètement. La mobilisation des services et plus particulièrement des DRAAF et Agences de l'eau a également permis de tester un outil de rapportage commun, de l'améliorer en cours d'exercice et 262 Ceux pour lesquels les données recueillies sont les plus complètes, à savoir : Martinique, Guadeloupe et Guyane Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 201/208 PUBLIÉ d'en tirer les enseignements pour le prochain exercice, dont on peut penser qu'il ne nécessitera plus l'appui de la mission. Enfin, il apporte des éléments utiles pour répondre aux observations de la Cour des comptes et plus particulièrement à la recommandation n°3 de son référé du 27 novembre 2019. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 202/208 PUBLIÉ Addendum n°1 à la note de présentation des tableaux financiers Réunion du 17 septembre 2020 sur le reporting financier Écophyto Relevé de décisions Participants : chefs de projet Écophyto en DRAAF, correspondants Écophyto en DREAL, DGAL et DEB Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 203/208 PUBLIÉ Constat partagé Proposition de suites à donner Source du reporting Dans l'idéal, un tableau pré-rempli serait adressé aux DRAAF pour remplissage complémentaire. Si problème de calendrier, et nécessité d'un remplissage en parallèle, alors expliciter encore mieux « qui remplit quoi » afin qu'il n'y ait pas de double remplissage. [DGAL/mission examine les calendriers et flèchent les lignes] Les DRAAF rempliraient les lignes « résiduelles » concernant : les financements régionaux des DRAAF, DREAL, ARS, collectivités, autres structures et les financements PDR hors MAEC, AB et PCAE. Des consignes claires additionnelles seront fournies aux DRAAF sur comment renseigner les AE, CP (si maintenus), année d'attribution des aides ou année de paiement - Il est difficile de renseigner les montants des aides Le niveau central (DGPE/BFE ? ASP ?) allouées aux investissements matériels du 2ème pilier de renseigne les investissements en matière de la PAC (notamment Plan de compétitivité et réduction des PP, contribuant donc à d'adaptation) et ce pour plusieurs raisons : les Écophyto. [DGAL/mission Bisch contacte la investissements de réduction de PP ne sont pas DGPE et l'ASP le cas échéant] spécifiquement identifiés au moment de l'instruction Le niveau central (DGPE ou FAM) des dossiers dans les outils de saisie, ce sont les renseigne les aides de FAM concourant à la Conseils régionaux qui sont autorités de gestion... Le réduction des PP (30 M en 2020, 250 M statut et le périmètre de la donnée remontée par les en 2021/2022). [DGAL/mission Bisch DRAAF est hétérogène d'une région à l'autre. contacte la DGPE/FAM le cas échéant] Idem pour les aides d'État, envisager Par ailleurs, FAM/DGPE tiennent à jour un reporting de un remplissage par la DGPE [DGAL/mission grain régional pour leurs aides en matière de réduction contacte la DGPE et l'ASP le cas échéant] des PP (30M de crédits en 2020 et 250 M sur 2021/2022). Les solliciter pour qu'ils transmettent ces informations (pertinent à compter de 2020). Appréciable que le niveau central prenne à sa charge le remplissage de certaines lignes (le maximum) : même méthodologie pour toutes les région, travail facilité pour les DRAAF... A ce stade, est rempli par le niveau central (le cas échéant en se fondant sur les retours des agences de l'eau) : les MAEC, les aides à l'AB, les crédits Écophyto mis en oeuvre en région issus de l'enveloppe de 41 M, l'enveloppe régionale Écophyto gérée par les agences de l'eau, les autres crédits des agences de l'eau (par région et par financeur). Il est demandé que soient renseignés en plus : les aides aux investissements dans le cadre du développement rural, les aides aux investissements en matière de réduction des PP de FAM (30M de crédits en 2020 et 250 M sur 2021/2022) et les aides d'État notifiées à la DGPE (cf. point suivant). De même il y aurait un intérêt à ce que la DGPE renseigne les aides d'État en faveur de la réduction des PP dont elle est normalement systématiquement informée (D-minimis...) Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 204/208 PUBLIÉ Moindre importance de certaines lignes / colonnes Le détail au niveau « sous ­ actions » n'est pas pertinent pour plusieurs actions. Certaines colonnes sont très faiblement ou partiellement renseignées. En effet, les DRAAF, les agences de l'eau et les bureaux d'administration centrale n'ont pas accès à cette information ou ont de véritables difficultés à la fournir (au niveau de détail de reporting demandé). Le peu d'information in-fine disponible est inexploitable / difficilement exploitable. Ne pas solliciter cette information auprès des DRAAF, en particulier la colonne CP. Fusionner les sous-actions des actions: 13, 17, 18, 27 Solliciter les bureaux ou organismes gestionnaires des crédits pour le remplissage de la colonne N (crédits de paiement) l'ASP pour les aides de la PAC ou pour le CASDAR, les CR pour les aides du conseil régional... Raccourcir le contenu de la colonne G et ne pas conserver les colonnes : F (obj. Strat nat), I? (intitulé de l'action au plan régional), J (filière), K (bénéficiaire direct de la subv) et Pertinence du recensement de certains financements Les avis divergent quant à la pertinence de recenser, dans ce cadre, les financements à l'AB (CAB et MAB). Pour certaines DRAAF, ils relèvent du plan Ambition Bio et devraient être recensés dans le cadre de la politique de l'agriculture biologique d'autant qu'au vu de leur ampleur, ils masquent d'autres financements plus modestes spécifiquement mobilisés dans le cadre d'Écophyto. Par ailleurs, les aides au maintien dans certains territoires n'ont pas d'effet direct sur la réduction des PP. Pour d'autres DRAAF, il est pertinent de les prendre en compte dans l'exercice, dès lors que les analyses réalisées à partir des tableaux font des focus plus spécifiques sur les financements réduction des phyto et en particulier ceux sur lesquels la gouvernance Écophyto a la main. Intérêt manifesté de recenser les crédits orientés vers la formation aux pratiques économes (enseignement agricole et formation au certiphyto) Il est demandé à ce que les agences de l'eau rapportent également les crédits associés à l'animation agricole dans les zones de captage La DGAL partage le point de vue de la pertinence de recenser les financements CAB/MAB dans le cadre de cet exercice. Formuler la demande auprès de la DGER Le MTE convient avec les agences de l'eau des modalités de reporting de l'animation agricole dans les zones de captages pour pour le reporting Écophyto Intérêt pour certaines enveloppes (notamment 30 000) Ne pas ajouter de colonne à cette fin d'avoir le montant de l'enveloppe programmé pour mais plutôt conduire l'analyse ciblée pour la pouvoir ensuite le comparer au montant engagé politique 30 000 Harmonisation des méthodologies de reporting Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 205/208 PUBLIÉ Pour les financements CASDAR pour les GIEE travaillant chaque DRAAF identifie les GIEE « phyto » à la réduction des PP, la clé de répartition diffère d'une (GIEE dont l'objet central du projet est la région à l'autre (quels GIEE prendre en compte ? réduction des PP) et affecte la totalité du comptabiliser la totalité de la subvention CASDAR qu'il financement reçoit ou seulement une partie dès lors que son projet n'est pas exclusivement centré sur la réduction des PP) Besoin de clarifier la règle de décision pour les aides Affecter la totalité d'une aide pluripluri-annuelles : affectation de la totalité en année 1 annuelle à la première année d'engagement d'engagement ? Analyse et valorisation des données collectées Les ordres de grandeur de financement sont très variables. Les efforts de reporting des DRAAF pour des financements de modeste volume peuvent passer inaperçus face à d'autres grandes masses de financement (aides à l'AB, aux agroéquipements...). La pertinence de déployer beaucoup d'efforts pour recenser ces financements mineurs est questionnée. Interrogation sur la finalité mais surtout l'usage qui sera fait de ce reporting. Quels types d'analyse ? Quel grain d'analyse ? A ce stade, les DRAAF n'ont pas reçu de tableaux finalisés ni d'analyses associées. Des analyses rapportant certaines valeurs à la SAU seraient notamment appréciées. Il n'y a pas non plus eu de retour sur les colonnes à remplir pour apprécier la facilité ou la difficulté de remplissage Avis de la DGAL : les analyses issues des tableaux doivent permettre de rendre compte des différents postes de financement et de faire des focus sur des postes plus modestes. Mission Bisch fait un retour aux DRAAF Mission Bisch / DGAL fait un retour courant octobre aux DRAAF (tableaux compilés + analyses) DGAL fournit les tableaux sources issus des services d'administration centrale et des agences de l'eau (plus facilement exploitables par les régions) Faire retour sur les colonnes qualifiant la difficulté de remplissage du tableau et ne pas reconduire cette colonne à l'avenir Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 206/208 PUBLIÉ PUBLIÉ Site internet du CGEDD : « Les derniers rapports » Site internet de l'IGF « Accueil » Site internet du CGAAER « Organisation et publications » PUBLIÉ INVALIDE) (ATTENTION: OPTION du recours aux produits phytopharmaceutiques en France en dix ans est réaffirmé, avec une trajectoire en deux temps. D'abord, à l'horizon 2020, une réduction de 25 % est visée, par la généralisation et l'optimisation des techniques actuellement Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 34/208 PUBLIÉ disponibles. Ensuite, une réduction de 50 % à l'horizon 2025, qui reposera sur des mutations profondes des systèmes de production et des filières soutenues par des déterminants politiques de moyen et long terme et par les avancées de la science et de la technique. La transition entre ces deux périodes, dans cinq ans, sera l'occasion d'une nouvelle révision du Plan, conformément aux exigences de la directive 2009/128 ». On peut s'interroger sur cette structuration du plan « en deux temps » sur des objectifs peu réalistes : La généralisation et l'optimisation des techniques disponibles économes en PPP sont-elles réalisables en un délai de 5 ans alors que les 5 années précédentes sont loin de l'objectif ? Et sont-elles en mesure de déclencher une réduction de 25% des PPP ? Quels sont les « déterminants politiques » qui déclencheront les mutations profondes à l'horizon des 5 années suivantes, et qui permettraient d'atteindre l'objectif de 50% en 2025 ? N'est-ce pas un horizon trop proche pour des mutations structurelles qui restent largement indéfinies ? Les études d'impact « ASIRPA48 » réalisées par l'institut national de la recherche agronomique (INRAE) montrent plutôt des durées de l'ordre de 15 ans pour qu'une innovation arrive sur son marché. Si elle pouvait avoir initialement un intérêt pédagogique, cette distinction est assez peu fondée et au final maladroite laissant croire qu'on travaillerait d'abord sur une optimisation de pratiques les cinq premières années pour laisser place aux changements de pratiques les cinq années suivantes. Or, certains systèmes de culture faisant appel à des mutations profondes sont déjà bien définis au début du plan, notamment l'AB tandis que les délais de généralisation des innovations de substitutions aux PPP ont été nettement sous-estimés. Si la mission reconnait l'intérêt de fixer des objectifs intermédiaires dans un plan à 10 ans, le maintien de formulations conduisant à atténuer l'objectif poursuivi et à différer les mesures structurelles contribue à réduire l'effet mobilisateur du plan. Le gouvernement gagnerait à fixer un cap ferme réaliste, des étapes ponctuant la trajectoire et à vérifier que tous les acteurs se mobilisent pour le tenir et que les résultats sont au rendez-vous à chaque étape. 3° défaut : Les indicateurs du plan ne mesurent pas l impact des PPP, et ne sont pas d clin s de mani re op rationnelle Les deux indicateurs, QSA et NODU, mesurent les quantités de substances achetées et, indirectement, en mettant en relation ces quantités avec les surfaces agricoles, la pression d'usage des PPP, et non pas les risques associés à l'usage des PPP et à leur large dispersion avec des impacts sur la santé humaine et la biodiversité (cf. 1.1). Le NODU et la QSA sont suivis à l'échelle nationale, mais il est également nécessaire de définir des objectifs et de suivre leur réalisation à une échelle pertinente par filières, par petites zones agricoles, voire à l'échelle d'une exploitation et d'une parcelle pour une appropriation au plus près du terrain. La mission recommande donc de retravailler la question des indicateurs consolidés à l'échelle nationale pour en faire une boussole crédible du plan, et surtout à déterminer des objectifs moins agrégés, assortis d'indicateurs robustes, faciles à calculer, opérationnels. 4° défaut : Le plan Écophyto ne comprend pas de stratégie explicite de massification Avec le premier plan Écophyto, les outils de la généralisation des pratiques économes en PPP sont l'identification des bonnes pratiques et leur diffusion, notamment via les réseaux et les chambres d'agriculture. C'est sans doute ce mécanisme « spontané » que décrivent implicitement plusieurs 48 Analyse Socio-économique des Impacts de la Recherche Publique Agricole Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 35/208 PUBLIÉ experts, sous la forme de l'expression « diffusion par-dessus la haie ». La construction de nouveaux systèmes de production viables permettant d'aller plus loin dans la réduction est bien adressée à la recherche, mais le processus de valorisation future des travaux n'est pas décrit. Écophyto 2 est plus précis dans la description des actions, avec notamment l'action 4 « La diffusion et la généralisation des pratiques et systèmes économes s'appuieront sur le déploiement de collectifs d'agriculteurs accompagnés dans la transition vers l'agroécologie à bas niveau de produits phytopharmaceutiques, les groupes 30 000 ». Mais 30.000, c'est un peu moins de 10 % des fermes françaises. Soit sensiblement la part de l'agriculture biologique (AB) en France. Si 30.000 fermes avaient accepté de s'engager dans ce processus dans le délai prévu, en 2021, rien n'indique que ces 30.000 fermes auraient pu réduire dans ce délai leurs PPP de 25 %, puisqu'il semble que peu de fermes DEPHY ont atteint cet objectif en 5 années. Et il n'y a pas de raison de faire l'hypothèse que les autres exploitations, qui ne s'engagent pas dans DEPHY ou dans les 30.000 auraient fait mieux en matière de réduction de PPP pour permettre d'atteindre l'objectif commun d'une réduction de 25 % en 2021. 5° défaut : Les déterminants du recours aux PPP à l'échelle de l'exploitation sont techniques, mais aussi économiques et sociaux 49 , ce qui n'est pas assez pris en considération dans le plan Cela a été rappelé : le recours aux PPP n'est pas une fin, mais un moyen pour protéger les cultures et les récoltes et donc sécuriser les rendements. Pour les exploitants confrontés à une menace, l'enjeu est d'agir au moindre coût et avec la meilleure performance. Certaines actions sont préventives et visent à diminuer le risque. D'autres actions sont curatives. Les moyens de lutte contre les agresseurs des cultures sont en principe très variés. Le rapport Guyomard et coll.50 distingue cinq types de mesures de protection phytosanitaire des cultures : mesures prophylactiques ; mesures agronomiques préventives ; lutte chimique ; lutte physique ; lutte biologique et mesures de biocontrôle. Mais face à une menace particulière, il n'y a parfois que très peu de solutions disponibles. L'exploitant cherche naturellement à optimiser ses décisions en fonction de ses objectifs et contraintes propres. Le rapport précité ou, plus récemment, les études sur les alternatives au glyphosate le montrent : dans beaucoup de cas, le choix du recours à la molécule chimique autorisée permet d'optimiser le temps passé et le coût et donc assure une double performance économique et sociale. Localement, c'est souvent le climat qui arbitre : faute de pouvoir labourer du fait d'une pluviométrie importante en fin d'automne et au début du printemps, les exploitants ont un recours accru les années pluvieuses au désherbage chimique. Autre élément, le prix du gazole non routier, élément important du désherbage mécanique, connaît de fortes variations : il est passé de 0,88/l en 2014 à 0,66 en 2016, pour revenir à 0,93 en 2019 : cette augmentation de près de 50% ces trois dernières années a pu motiver certains agriculteurs à opter pour le sans labour, et à répandre ainsi davantage d'herbicides et, c'est un effet favorable, à réduire Voir « Les pratiques agricoles à la loupe - Vers des agricultures multiperformantes » Hervé Guyomard & alii. Quae 2017 49 50 idem Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 36/208 PUBLIÉ leurs émissions de carbone51. C'est cet arbitrage rationnel qui conduit beaucoup d'exploitants à recourir aux PPP surtout dans un contexte où les exploitations s'agrandissent et nécessitent une simplification des pratiques. L'enquête Agreste sur les pratiques culturales permet d'aller plus loin, en montrant l'importance de l'expérience, d'une part, et du conseil des fournisseurs, d'autre part, dans le déclenchement des interventions phytosanitaires 52 , selon plus de 70% des répondants. Si beaucoup déclarent avoir consulté le BSV (de l'ordre de 60%), ils sont moins nombreux à avoir réalisé des observations en cours de culture, et encore moins à réaliser un comptage des bioagresseurs pour évaluer la nécessité ou non de traiter. Pour contrer ce recours trop fréquent aux PPP, des évolutions du BSV sont recommandées par la mission CGAAER-CGEDD sur le réseau d'épidémiosurveillance. Le gouvernement a aussi imposé la séparation entre la vente de PPP et le conseil en ce début de l'année 2021. Cette mesure va sans doute avoir un effet positif sur les objectifs du plan, mais il est trop tôt pour en évaluer l'effet, et il est peu probable que cet effet soit massif. Tableau 1 : Facteurs de prise de décision dans le déclenchement des interventions phytosanitaires (plusieurs réponses possibles), part de surface en %. En conclusion et résumé de ce point 2.1.1., les adaptations futures du plan Écophyto devraient remédier à ces 5 « défauts » : Le plan devrait mieux intégrer l'ensemble des enjeux relatifs aux PPP, incluant les projets d'évolution des autorisations de substances et de produits, pour en vérifier la cohérence et la complétude, et davantage valoriser cette action ; Plusieurs études montrent que la technique du sans labour est souvent alternée avec d'autres itinéraires de travail du sol. Par exemple : Perspectives agricoles n°437, octobre 2016 51 52 Agreste chiffres et données octobre 2020 n°9 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 37/208 PUBLIÉ Plutôt qu'un double horizon, à 5 et 10 ans, assorti de mentions restrictives, le plan devrait chercher à déclencher dès maintenant des changements structurels, tout en incitant à des substitutions quand elles sont possibles, par des engagements fermes comme il le fait en matière de réduction des gaz à effet de serre (GES) ; et prévoir des étapes permettant de réajuster, non pas les ambitions, mais les moyens pour les atteindre ; Le plan doit inclure des objectifs facilement mesurables aux différentes échelles, et tenant compte des efforts déjà faits et des potentiels de baisse ; le plan doit être décliné en stratégie territoriale et de filières, de manière à déconcentrer la responsabilité de sa réalisation opérationnelle ; Le plan doit agir précisément sur les déterminants de la décision des agriculteurs, en veillant à la prise en compte par les signaux de marché ­ le prix des PPP, en particulier, mais aussi celui des productions économes en PPP - de l'ensemble des éléments de la multi performance agricole ; Enfin des leviers et instruments de massification crédibles doivent être décrits dans le plan et progressivement mis en oeuvre avec la bonne intensité. Mais ces modifications, qu'on pourrait qualifier de techniques, peuvent également être accompagnées de changements plus profonds. La cible du plan devrait être reformulée et viser la diminution des risques. La réduction des PPP est un moyen. Les finalités sont la protection des cultures, d'une part, la santé humaine et la biodiversité, d'autre part. Même si les évolutions sont lentes, l'amélioration de la santé humaine, de la qualité de l'eau ou de la biodiversité peut être mesurée. Certes, il sera plus difficile d'établir la responsabilité des activités agricoles et a fortiori des PPP dans ces évolutions. Mais 13 pays sur les 15 ayant produit un plan du type Écophyto ont choisi un indicateur d'évolution des risques. Le plan Écophyto devrait en permanence rappeler l'importance de l'impact des PPP sur la santé humaine et sur la biodiversité, avec les indicateurs adéquats. Par ailleurs, s'il est utile de retenir un indicateur opérationnel unique pour piloter le plan, il est indispensable de pouvoir mesurer cet indicateur aux différentes échelles. L'objectif de baisse de 50% de l'indicateur est simple et pertinent pour un horizon à 10 ans, mais il ne devrait pas être appliqué de manière uniforme ­ la réduction est plus facile quand l'usage est intensif - et indépendamment des efforts de baisse déjà réalisés53. Une approche plus intégrée, non seulement de la ferme à l'assiette, mais dans une approche de cycle de vie des produits, et prenant en compte les territoires, peut aider à lever certains verrous à la réduction des PPP. Un autre point important est la grande focalisation des plans Écophyto sur les activités de production agricole, dans les fermes, et la faible implication de l'amont comme de l'aval. 53 Lechenet et alii, 2017 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 38/208 PUBLIÉ En amont, des changements sont en cours. Ainsi, le biocontrôle prend une part de plus en plus importante dans la production des entreprises phytopharmaceutiques adhérentes de l'union des industries de la protection des plantes (UIPP), certaines entreprises du secteur ayant désormais un clair intérêt à son développement. Figure 8 : Evolution du tonnage des substances actives et part des produits de biocontrôle vendu - Source : UIPP, communiqué de presse, janvier 2021 Mais l'enjeu est également en aval des exploitations, avec notamment la question des débouchés de nombreux « nouveaux » produits agricoles ou encore la nécessité pour les entreprises de l'aval de trier les livraisons qui s'avèrent moins pures et homogènes, du fait de la réduction de l'usage des PPP. L'autre enjeu est celui de la valorisation de la qualité, qui suppose l'existence d'une filière différenciée, et de signes fiables adressés aux consommateurs. Tout comme la santé humaine, celle des animaux et celle des végétaux forment un tout interdépendant pris en compte dans une démarche « Une seule santé (One Health) », tout comme la Commission européenne affirme une stratégie « de la ferme à la fourchette », une plus forte intégration des enjeux d'agriculture, d'alimentation et d'environnement s'impose dans un plan visant à un usage durable des PPP. Avec les États généraux de l'alimentation et ses suites, dont la loi EGALIM, le gouvernement français a initié une démarche importante en ce sens. La réalisation d'un projet alimentaire territorial, un des moyens de mettre en cohérence les enjeux de l'agriculture, de la transformation et de l'alimentation, mobilise ainsi des acteurs plus nombreux et diversifiés, qui peuvent entraîner les agriculteurs vers une trajectoire plus économe en PPP. Confirmer le plan Écophyto comme un axe majeur de transformation de l'agriculture, mais préciser les cibles en termes de santé et de biodiversité, élargir les contours du plan pour intégrer l'amont et surtout l'aval de l'agriculture, incluant l'alimentation, et mobiliser de manière opérationnelle l'ensemble des acteurs concernés, des fournisseurs aux consommateurs. C'est avec cette perspective que nous allons maintenant examiner les leviers mobilisables pour parvenir à l'objectif assigné au plan. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 39/208 PUBLIÉ La section 2.1 a montré l'intérêt de ne pas se contenter d'une (bonne) intention, mais d'accompagner l'objectif de réduction des PPP d'un plan, mobilisant suffisamment les acteurs et les leviers pertinents pour orienter les pratiques vers l'objectif. Cette section 2.2 passe en revue à la fois le contenu du plan et les leviers, utilisés ou utilisables, afin d'identifier les actions susceptibles d'atteindre de manière efficace et efficiente les objectifs fixés. Quatre leviers sont utilisés : persuasion, labellisation, incitation fiscale et réglementation. L'intérêt et les limites de chaque levier et de leur mobilisation combinée sont analysés en annexe 6. On se contentera ici de résumer les principaux résultats de cette annexe. Plusieurs acteurs expérimentés d'Écophyto l'ont rappelé à la mission : l'hypothèse initiale implicite du plan est celle d'une diffusion spontanée des alternatives aux PPP, soutenue par des actions de persuasion. Cette hypothèse pouvait être soutenue par le consensus qui a prévalu au moment du Grenelle de l'environnement, mais aussi par la diffusion très rapide dans le monde agricole de nombreuses innovations techniques au cours des précédentes décennies. Cette stratégie était d'autant plus justifiée qu'elle entraînait de nombreux acteurs, et notamment les instituts techniques et les chambres d'agriculture, partenaires de plusieurs projets importants, comme DEPHY, le BSV, Écophyto PIC54... La mise en réseau entre pairs, autour d'un ingénieur, de collectifs d'agriculteurs relève bien de cette catégorie. Les comptes rendus d'expérience, mais aussi des travaux de chercheurs concluent à l'intérêt de cette méthode55. Cette stratégie a, en effet, permis de mobiliser les agriculteurs les plus volontaires, quelques milliers, réalisant ainsi une « preuve de concept » partielle (en moyenne, les fermes ont réduit leur IFT sans atteindre 50 % de réduction56) mais en vraie grandeur. Toutefois le début de la massification envisagée via les 30.000 (qui pourtant représentaient moins de 10% des exploitations) ou les groupements d'intérêt économique et environnemental (GIEE) tarde à produire ses effets. A l'échéance d'Écophyto 2+, ces réseaux n'apporteront qu'une faible contribution à la réduction globale de l'usage des PPP. Par ailleurs la diabolisation globale des PPP résultant de la communication générale sur le plan EcophytoPIC est un centre de ressources sur la Protection Intégrée des Cultures (PIC) 54 55 Providing technical assistance to peer networks to reduce pesticide use in Europe: Evidence from the French Ecophyto plan, Margaux Lapierre, Alexandre Sauquet, Subervie Julie, Hal, 2019 V2,https://hal.archives-ouvertes.fr/hal02190979v2/document L'indicateur de fréquence de traitement (IFT) comptabilise les quantités de PPP (normalisées à travers leur dose homologuée standard) pour une culture donnée. Il représente le nombre de doses de référence utilisées par hectare au cours d'une campagne culturale. Cet indicateur peut être calculé pour un ensemble de parcelles, une exploitation ou un territoire. Il peut également être décliné par grandes catégories de produits (herbicides ; fongicides ; insecticides et acaricides ; autres produits). 56 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 40/208 PUBLIÉ Écophyto, largement centrée sur les pratiques agricoles, a contribué à dégrader l'image de l'ensemble de la profession agricole, et à mettre également les agriculteurs au coeur d'attentes paradoxales, « avec une demande explicite de produits non traités, et une exigence implicite de fruits d'apparence irréprochable et bon marché dans les rayons des magasins »57. Il convient donc de rechercher d'autres leviers. En certifiant une bonne pratique, la labellisation va un cran plus loin que la communication et la mise en réseau : elle permet non pas seulement de s'assurer d'une intention, comme dans les réseaux de pairs, mais le cahier des charges fixe des règles dont le respect conditionne la labellisation. Cette conformité fait l'objet de contrôle externe. L'exemple de l'agriculture biologique (AB) montre que le respect du cahier des charges a un coût significatif pour les exploitations concernées, mais qu'il peut également être valorisé par un prix supérieur par l'aval, jusqu'au consommateur. La montée en charge de l'AB, accompagnée par le plan et le programme Écophyto, apporte une contribution directe à la réduction des PPP : si 25% de la SAU passait du conventionnel à l'AB, près de la moitié de l'objectif d'une réduction de 50% des PPP serait atteinte, toutes choses étant égales par ailleurs. Rappelons également que le déficit de la balance commerciale du secteur de l'AB est de 1,7 Md/an58, et que son soutien permettrait sans doute de le réduire. La labellisation est donc bien un levier de massification et son extension est de nature à réduire très significativement l'usage des PPP en France. Outre l'AB, la labellisation59 de pratiques sans PPP hors ceux autorisées en AB, mais sans les autres éléments du cahier des charges de l'AB60, semble une piste prometteuse, que poussent aujourd'hui certaines marques. Le label zéro résidu de PPP lancé en avril 2017 par une organisation de producteurs, promeut une moindre utilisation de PPP de telle sorte que les résultats d'analyses sur les produits commercialisés donnent des résultats inférieurs aux limites de détection. Si ce label traduit un moindre usage de PPP, il n'indique pas l'absence d'utilisation de PPP (autres que ceux utilisables en AB) qui demeurent autorisés. La certification haute valeur environnementale (HVE) est le troisième niveau de la certification environnementale des exploitations agricoles, instaurée en 2010 par le gouvernement pour reconnaitre les exploitations plus engagées sur la protection de l'environnement. Elle apporte des Biocontrôle, éléments pour une protection agroécologique des cultures, Quae, préface de Christian Lannou, coordinateur. 57 58 59 Source : Agence Bio, données 2019. Le marché alimentaire bio en 2019 (édition 2020) Les labels de qualité dans l'alimentation garantissent l'origine d'un produit alimentaire, respectant un certain nombre de critères définis dans un cahier des charges. Ce respect peut faire l'objet d'une certification garantie par la réglementation, européenne et française. La certification AB comporte outre un volet sur les PPP (interdiction des PPP hors ceux autorisés), l'interdiction d'organismes génétiquement modifiés, des exigences en matière de gestion et fertilisation des sols (interdiction de 'utilisation d'engrais minéraux azotés), des règles de conduite des cultures. Source : Règlement UE du 28 juin 2007 relatif à la production biologique et à l'étiquetage des produits biologiques (article 12). 60 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 41/208 PUBLIÉ garanties sur l'usage des PPP mais le niveau exigé fait l'objet de controverses61 : une des voies d'accès (voie B) serait facilement atteignable sans modifier ses pratiques par exemple lorsque le ratio chiffre d'affaires sur intrants est structurellement faible ; l'autre voie (voie A) permettrait l'obtenir la certification sans que la réduction de l'usage des PPP soit très significative par rapport à l'objectif général de réduction de 50% de leur usage. Sous l'égide de l'institut national de l'origine et de la qualité (INAO), qui gère les signes de qualité et d'origine, une démarche intéressante consisterait à durcir les obligations en matière de PPP portés par les labels existants : appellations d'origine, ou label rouge, par exemple. Ces démarches de labellisation ont toutefois un principal inconvénient : elles ne réduisent pas les risques dans les zones qui resteraient extérieures à ces démarches volontaires. Les deux volets suivants ont en commun un caractère plus général. La fiscalité « écologique » sur les PPP est potentiellement un outil puissant, mais qui reste aujourd'hui à un niveau trop bas pour avoir un effet significatif sur la consommation de PPP. Face à des risques ou des effets indésirables que les économistes appellent des « externalités négatives », c'est-à-dire des effets non pris en compte par le marché, la mise en place d'une fiscalité incitative 62 est considérée comme le moyen efficace d'orienter les choix de production et de consommation. Le renchérissement du prix relatif des PPP inciterait en effet à la recherche d'alternatives, et à exploiter tous les gisements en ce sens. L'efficacité d'une fiscalité incitative peut se mesurer à l'élasticité-prix de la demande d'un bien ou d'un service. Le rapport IGF-CGEDD-CGAAER (2013) cite une valeur pour les PPP de -0,4 ou -0,5, c'est-àdire qu'une hausse de 100% du prix (son doublement) diminue la consommation de ce produit de 40 ou 50%. Cette mission avait estimé cette élasticité trop faible 63 et avait conclu à la nécessité de développer un autre levier : les CEPP (cf. 1.1.2 et 2.1.1). Avec une élasticité de cet ordre de grandeur, il est clair que le taux moyen actuel de la RPD (de l'ordre de 5% du CA des PPP), même après les augmentations décidées avec Écophyto 2, n'est pas de nature à influer significativement sur la décision d'utiliser les PPP. Pour avoir un effet significatif, il conviendrait de doubler le prix des PPP, et même dans ces conditions, certains PPP resteraient moins coûteux que leurs solutions de substitution. L'effet de la taxation sur les PPP peut être renforcé de trois manières : Des articles ont été publiés sur ce sujet, par exemple : La certification Haute Valeur Environnementale dans la PAC : enjeux pour une transition agroécologique réelle, IDRRI, 4 mars 2021 ; Pourquoi le label HVE n'apporterait-il aucune solution dans la PAC post 2020, site « Pour une autre PAC », note d'octobre 2020. 61 Ou taxe « pigouvienne » du nom de l'inventeur de la notion d'externalité Arthur Cecil Pigou (1877-1959). Une taxe de ce type vise à corriger une défaillance du marché (externalité) et non pas à alimenter le budget de l'État. 62 63 Cette conclusion mérite d'être rediscutée : voir annexe 6 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 42/208 PUBLIÉ en affectant le produit de la taxe aux aides directes à ceux qui ont réduit leur usage des PPP ; en complétant la taxe par un marché de droit contraignant, tels les certificats d'économie d'énergie (CEE), mais il faudra évaluer le dispositif CEPP tel qu'il a finalement été mis en place ; en prolongeant la fiscalité sur les PPP d'une fiscalité différentielle jusqu'au consommateur, de manière à réduire les écarts de prix des produits sans PPP par rapport aux produits conventionnels. Finalement, ces leviers incitatifs semblent prometteurs, mais ils n'auront des effets tangibles sur la réduction des PPP qu'à la condition d'être activés beaucoup plus vigoureusement, ce qui posera rapidement la question de leur acceptabilité politique et de leur adoption dans un cadre européen pour limiter les distorsions de concurrence au sein du marché intérieur. La réglementation comporte trois niveaux pour encadrer l'usage agricole des PPP : les substances, avec une compétence européenne pour leur approbation ; les préparations commerciales, instruites par l'ANSES pour la délivrance des AMM ; les conditions d'emploi spécifiques (bassins versants, proximité des habitations, météo...) déterminées par les autorités nationales et déconcentrées de l'État. Le durcissement de la réglementation a des effets qu'il faut anticiper Même si la production de règles et de normes est une activité spontanée de l'administration, il est pertinent et nécessaire d'interroger l'efficacité de ces mesures sur l'objectif poursuivi en matière de PPP dans une activité économique marchande comme l'agriculture : plusieurs experts ont souligné certains effets négatifs de la réglementation sur les PPP, notamment des allers-retours interdiction/dérogation qui peuvent donner le tournis. La réglementation peut être l'outil de l'urgence ou de la maturité, mais elle s'accommode mal de l'entre-deux ; quand l'urgence sanitaire ou environnementale est avérée, la réglementation (dont la dérogation à une interdiction) est le bon outil, mais il convient d'apprécier la proportionnalité du risque évité et de l'effet provoqué, sous forme d'un bilan coût/avantage et d'une étude d'impact ; quand une question a été correctement instruite, que les effets indésirables d'un produit sont bien identifiés et que les substitutions sont connues, et leurs effets également, la réglementation vient obliger les acteurs à tous adopter une meilleure solution alors qu'une fraction tarderait à le faire : c'est la réglementation-généralisation ; mais dans la situation de double incertitude, sur les effets négatifs des PPP à retirer, qui peuvent être mal documentés, et sur les impacts de leurs solutions de substitutions, qui peuvent être très peu génériques et impliquer des changements de pratiques plus profonds, la réglementation amène des contestations et des dérogations, qui en affaiblissent la portée et l'acceptabilité, et freine l'innovation (cf. 3.1). L'impact de la réglementation sur le NODU est incertain Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 43/208 PUBLIÉ C'est un point de second ordre par rapport à la question des risques, mais qui a son importance dans le pilotage du plan Écophyto : rien ne prouve qu'interdire certains PPP diminuerait la quantité globale utilisée en agriculture, et l'indicateur choisi, le NODU, même si cela contribue à réduire l'usage des molécules les plus dangereuses. Au contraire l'interdiction d'une substance active ­ les néonicotinoïdes en enrobé sur des semences de betterave, par exemple ­ peut conduire à l'application d'un PPP de substitution en plus grande quantité et avec une plus forte fréquence. Finalement, alors que l'agriculture est une activité entrepreneuriale et concurrentielle, inscrite dans des territoires et des filières, l'excès de réglementation est un risque aussi grand que son insuffisance, deux écueils à éviter en adoptant une approche pragmatique et proportionnée : on peut considérer que les travaux de recherche sur les alternatives au glyphosate et les impacts sur les différentes cultures de son interdiction constituent une démarche à suivre, certes perfectible, mais beaucoup plus documentée que les mesures réglementaires précédentes64 . Le levier PAC n'est pas assez mobilisé En revanche, et cela est souligné par de nombreux experts, la réglementation relative à la PAC est un levier particulièrement puissant : en injectant chaque année près de 9 Md, la PAC détermine une partie significative des choix des agriculteurs. Mais c'est aujourd'hui un levier potentiel : un faible nombre de mesures de l'actuelle PAC vise les réductions de PPP (soutien à l'AB, MAEC). Au contraire, une communication récente 65 semble montrer que les financements du premier pilier ont favorisé l'usage des PPP, à la différence des financements du second pilier. C'est donc un enjeu fort d'augmenter significativement la conditionnalité des prochaines aides. Mais il faut noter que le processus de détermination de la PAC est désormais très fortement « bottom up » : les plans stratégiques nationaux conduisent les États à faire des choix différenciés, et donc à se mettre en concurrence sur la façon d'utiliser les ressources de la PAC, en choisissant des arbitrages différents. Il est donc souhaitable que la France, qui aura donc davantage de latitude pour conditionner les aides de la PAC, cherche une plus grande convergence de la PAC et des plans de réduction des PPP avec les autres grands pays agricoles. Insérer dans le plan Écophyto un processus de massification des bonnes pratiques mobilisant - dans des proportions à déterminer mais avec l'intensité nécessaire pour atteindre l'objectif d'une réduction de 50% de l'usage des PPP - les trois leviers efficaces : labellisation, incitation fiscale, réglementation et PAC. Ces leviers seront mobilisés dans des conditions différenciées dans trois scénarios présentés en partie 3. Mais ils nécessitent au préalable un approfondissement de ce qui peut être obtenu par un changement de vision sur l'usage de la RPD. Compte tenu de la faible efficacité des actions financées au titre du programme national et des enveloppes régionales (cf. partie 1), la mission a étudié l'intérêt d'une réorientation radicale du levier fiscal et de son utilisation, vers des actions à effet plus direct. Rapports de l'INRAE sur l'évaluation économique des alternatives au glyphosate : en viticulture (2019), en grandes cultures (2020) et en arboriculture (2020). 64 Are EU subsidies a springboard to the reduction of pesticide use? M. Aubert; G. Enjolras, Communication Vancouver 2018, https://hal.inrae.fr/hal-02734754/document 65 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 44/208 PUBLIÉ Le produit de la fiscalité pourrait utilement être mobilisé pour renforcer son effet de signal Ce n'est pas parce qu'une taxe sur les PPP est instituée que son produit doit financer des actions réduisant les PPP. Selon le principe « pollueur-payeur », le bénéfice de la RPD peut viser prioritairement la réparation des externalités négatives engendrées par l'usage des PPP. Mais une alternative économique intéressante est la redistribution incitative, qui permet d'augmenter les effets de la taxe en redistribuant son produit vers les contribuables qui réduisent le plus ou qui utilisent le moins de PPP. D'ores et déjà, une partie importante de la RPD contribue au financement de l'AB. Ce financement pourrait utilement être étendu aux pratiques respectant le même cahier des charges sur les PPP, mais sans la certification AB, dont le cahier des charges porte d'autres enjeux. Dimensionnement de la mesure Selon les hypothèses décrites en annexe 6, une RPD fixée à peu près au même niveau que la taxation des produits pétroliers (soit 60 % du prix final des produits pétroliers) rapporterait de l'ordre de 1,3 Md et permettrait ainsi d'apporter durablement aux 30 % d'exploitations qui accepteraient de respecter le cahier des charges de réduction des PPP une aide égale à la moitié de celle qui est apportée à l'AB et de financer d'autres actions d'accompagnement (soit 80 /ha en grande culture, alors que le maintien en AB est financé à hauteur de 160 /ha). Dans une phase intermédiaire, il serait souhaitable de définir des principes restrictifs pour l'emploi des ressources du programme national et des enveloppes régionales. La mission propose trois principes : spécialisation, agilité et additionnalité Compte tenu de la nécessité de laisser le temps aux actions de produire leur impact, et aux financeurs de déclencher les actions d'évaluation indispensables, il peut paraître raisonnable de maintenir, dans l'attente de ces évaluations, des enveloppes financières issues de la RPD aux niveaux national et régional, pour des priorités à déterminer selon les scénarios (cf. partie 3) et en fonction des évaluations à venir. Mais afin de permettre sa réorientation progressive vers des aides directes, la mission propose trois principes quant à l'usage de ces enveloppes : spécialisation, agilité, additionnalité. 1er principe : spécialisation Le programme devrait financer des actions dont la contribution aux objectifs du plan est identifiable, directe et à court/moyen terme. Cette condition incite à écarter les projets de recherche 66 , finançables par ailleurs notamment via l'Agence nationale de la recherche (ANR), ainsi que les actions qui ont des objectifs multiples ou trop lointains. Plus généralement, faut-il considérer que tous les financements publics recensés par la Cour des comptes ou par la mission Bisch qui concourent d'une manière ou d'une autre au plan Écophyto devraient être consolidés et suivis par la gouvernance et les équipes opérationnelles Écophyto ? Mais alors quel est l'objectif ? Ces actions peuvent en effet avoir un effet sur la réduction des PPP, mais chaque financement a sa propre logique. Bien que mis bout à bout, ils ne forment pas ensemble un En revanche, on comprend que les ministères, dont le MAA, puissent solliciter les organismes de recherche et les chercheurs afin de réaliser les « études » qui leur sont nécessaires et pour lesquelles les compétences sont disponibles. Mais cette activité, bien repérée au sein d'un organisme de recherche comme l'INRAE, ne doit pas être confondue avec un travail de recherche. 66 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 45/208 PUBLIÉ levier mobilisable pour assurer la massification souhaitée, comme le montre le constat. Le plan Écophyto doit évidemment tenir compte des financements mobilisables au titre des différentes politiques publiques, mais il a également besoin de financements spécialisés, mobilisés dans le cadre de sa propre gouvernance. 2e principe : agilité Le programme devrait généraliser le financement de projet67, avec un engagement pluriannuel ferme et non renouvelable avec une AE unique et des versements de CP conditionnés à l'avancement, voire au résultat pour le solde, au lieu d'une programmation annuelle, avec de nombreuses reconductions d'une année sur l'autre, qui de facto embolisent une grosse part du programme national (c'est moins vrai aujourd'hui pour les enveloppes régionales qui semblent plus agiles). La nécessité d'un réseau d'épidémiosurveillance et d'un moyen de diffusion tel que le BVS sont reconnus (cf. 1.2). Pour autant, ce dispositif qui n'est pas un projet et ne contribue pas à la réduction d'usage des PPP, n'a ainsi pas vocation à être financé par la RPD. 3e principe : additionnalité Le programme devrait financer des acteurs qui font la preuve par la mobilisation de leurs autres ressources que la réduction des PPP est leur priorité. Ce point vise à éviter l'effet de guichet : les bénéficiaires se refinancent grâce au programme, qui paie désormais des services ou des actions auparavant financées sur leurs ressources. Ce point concerne en particulier les chambres d'agriculture et les instituts techniques : leur mobilisation sur les objectifs Écophyto devrait être assurée à titre principal par leur stratégie, leurs projets d'établissements et leurs financements ordinaires. Mais aussi les ministères qui font financer des actions auparavant prises sur leur budget, tels les « avertissements agricoles » désormais remplacés par le BSV. Dédier en priorité le produit de la RPD au plan Écophyto à des aides directes aux pratiques faiblement utilisatrices de PPP et financer sur le programme national et les enveloppes régionales des actions concourant directement à l'objectif, pour une durée déterminée, et en vérifiant que les acteurs mobilisent prioritairement leurs autres ressources. On peut rechercher l'origine des difficultés d'Écophyto dans la construction initiale du plan, suite au Grenelle de l'environnement, qui a été très inclusive, associant dès son origine de nombreuses « parties prenantes »68. Certes, le plan envoie un message clair de réduction des PPP, et c'est à mettre à son actif, mais il se présente comme un énoncé performatif, c'est-à-dire qui réalise une action par le fait même de son énonciation. Ensemble finalisé d'activités et d'actions entreprises par une « équipe projet » sous la responsabilité d'un chef de projet dans le but de répondre à un besoin défini par un contrat dans des délais fixés et dans la limite d'une enveloppe budgétaire allouée. Source Wikipédia 67 On peut s'étonner de l'absence d'écart significatif entre le plan du gouvernement du 10 septembre 2008 et la proposition de plan de travail du 17 juin 2008 issue du groupe de travail avec les parties-prenantes présidé par Guy Paillotin. 68 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 46/208 PUBLIÉ Si la prise de conscience a bien été élargie avec Écophyto, quel économiste peut s'étonner des faibles impacts d'Écophyto en termes de massification ? Aucun des leviers économiques efficaces n'a été suffisamment mobilisé jusqu'à présent : les agriculteurs ­ tout comme les fournisseurs et les filières aval -n'ont pas reçu d'incitation prix significative, et n'ont donc que marginalement changé leurs pratiques, tout comme, il faut le souligner, de nombreux consommateurs, qui expriment volontiers des injonctions « sociétales » de réduction des PPP, mais sans toujours consentir à payer davantage, pour une alimentation avec moins de résidus de PPP. À certains égards, le plan s'exprime même par « incitations morales », pour reprendre une expression utilisée par l'économiste Jacques WEBER 69 , sans pour autant chercher à culpabiliser l'agriculteur autant que les cibles de certaines campagnes anti-tabac ou de prévention de la route osent le faire70. En reposant sur une certaine culpabilisation des agriculteurs, le plan Écophyto alimenterait ainsi un « agribashing » - l'agriculteur qui n'a pas répondu à la demande de la société de réduire ses PPP est désigné comme pollueur - sans offrir de réelles solutions à cet agriculteur très dépendant de son environnement professionnel et qui cumule des difficultés techniques, une précarité économique et un isolement culturel, parfois y compris au sein de la cellule familiale. C'est un enjeu important pour l'avenir que de s'appuyer, non pas sur une culpabilisation, mais sur une responsabilisation, en identifiant bien ce qui relève des agriculteurs, de leurs fournisseurs, des filières, des consommateurs et de l'État, avec l'UE et les collectivités territoriales (cf. 3.5). Les orientations du plan Écophyto sont du ressort des ministres, appuyés par le COS, dont la vocation doit rester d'ordre stratégique. Il est pertinent pour la mission d'avoir supprimé le visa du COS sur le programme annuel. Néanmoins, le COS doit disposer d'une information pertinente, composée d'un bilan annuel du programme, mais aussi d'avis scientifiques éclairés et d'évaluations sérieuses (voir 2.4.). Pour ce faire, la mission recommande de nommer sans plus tarder les membres du CST. Elle recommande également de consolider la gouvernance stratégique du plan en confirmant le rôle du délégué interministériel dans la mise en cohérence des politiques en faveur de la réduction des PPP. Il importe de désigner clairement le pilote en charge de la conduite des opérations et de leur mise en cohérence. La mission propose deux voies : 69 70 soit l'élargissement des compétences du délégué interministériel au volet opérationnel, qui devrait alors s'accompagner de moyens humains en conséquence ; soit la désignation de l'un des directeurs généraux du ministère de l'agriculture par délégation Les économistes et la croissance verte CEDD, 2012 Beaucoup de campus universitaires nord-américains présentent à leur entrée/sortie un véhicule gravement accidenté. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 47/208 PUBLIÉ des quatre ministres, la mission considérant que la direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises (DGPE) ou la DGAL pourrait remplir cette fonction. Dans ce registre, il conviendrait de veiller à ce que ce pilotage opérationnel soit en capacité d'arbitrer l'essentiel des questions liées au bon fonctionnement du programme, y compris au niveau régional. Les principales actions et cibles (évolution des pratiques des agriculteurs et des filières) étant sous la responsabilité du MAA, le succès du plan Écophyto dépend largement de sa capacité à conduire le projet. Il importe donc que ce ministère soit en capacité de piloter efficacement ses opérateurs et ses services déconcentrés. Si des directives à l'adresse des DRAAF peuvent contribuer à revaloriser le plan Écophyto au sein de leurs actions, il est nécessaire de veiller à bien contractualiser avec les opérateurs choisis comme avec les principaux relais, les résultats attendus au regard des budgets alloués, ainsi que les éléments d'un reporting infra-annuel. A cet égard, les contrats d'objectifs et de moyens pourraient intégrer la conditionnalité des financements aux contributions des acteurs les plus importants, notamment pour le réseau des chambres d'agriculture et des instituts techniques. C'est à ce prix que la crédibilité du plan sera assurée. Ces mesures sont indépendantes du scénario retenu. Mettre en place une gouvernance interministérielle resserrée du plan Écophyto, coordonnée par le délégué interministériel, et définir les responsabilités de chaque ministère, direction et opérateur dans la mise en oeuvre du plan. La gestion financière du programme soufre de lenteurs et de lourdeurs liées en premier lieu à la procédure budgétaire. Outre l'apport d'un pilote opérationnel, l'élaboration d'un budget pluriannuel permettrait de limiter les ajustements annuels à la portion congrue. La mission suggère une période de trois ans, tant il est ardu de se projeter à un horizon plus lointain, mais également une actualisation régulière par le biais d'un programme triennal glissant. En tout état de cause, cela autorise une révision à mi-parcours des orientations budgétaires. Certaines conventions peuvent avoir une durée plus longue, car la mise en oeuvre de certains projets nécessite plus de temps (5 à 6 ans). La mission maintient l'idée d'un programme triennal, et propose, afin de ne pas limiter inutilement la mise en place des autorisations d'engagement : soit de limiter la part des conventions d'une durée supérieure à trois ans, à 50 % au plus des budgets annuels ; soit d'échelonner les AE en fonction de la maturité des projets. Enfin, la mission préconise de consommer l'intégralité des crédits de paiement issus de la part de la taxe affectée à Écophyto, en reprogrammant systématiquement chaque année les CP non consommés. Elle préconise le suivi au premier euro des crédits de paiements. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 48/208 PUBLIÉ La mission ne recommande pas de changer d'opérateur pour le recouvrement des recettes de la RPD. S'agissant des dépenses dans le dispositif de taxe affectée qu'est la RPD, le choix de l'opérateur a été davantage lié à des raisons historiques et au périmètre des ministères concernés qu'à la nature des dépenses et à leur adéquation avec la mission centrale d'un opérateur. Cela peut conduire à des divergences dans le choix des projets lors de la mise en oeuvre. Cela a aussi pour inconvénient de ne pas attribuer au décideur les moyens de son action, ce qui n'est pas en phase avec les principes de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). Aussi, si l'on souhaite recourir à d'autres opérateurs, le principe de la taxe affectée peut être maintenu, l'affectation devant être modifiée selon le nouvel opérateur choisi. En revanche, si l'on retient l'idée d'un pilotage direct par les ministères en charge (administrations centrales et services déconcentrés), il convient de revenir à une ressource sur budget de l'Etat et modifier les textes en conséquence. Enfin, la mission a auditionné FranceAgriMer et l'Agence de services et de paiement (ASP). Cette dernière, dont le principal avantage est de procéder aux paiements sans examen en opportunité des décisions prises, a clairement précisé qu'avant tout transfert d'activité, une simplification du plan Écophyto serait nécessaire, tant le nombre de mesures de nature différente est important au regard des 41 M du programme national. La mission considère par ailleurs qu'il y aurait des inconvénients à ne pas utiliser les services d'un opérateur de l'Etat sous tutelle des ministères en charge du plan Écophyto dont la mission est proche de la nature des dépenses engagées. La mission considère également que le financement régional pourrait être le fait des DRAAF, ce qui assoirait leur position au sein du comité des financeurs tout en les mobilisant sur le thème Écophyto. Cette option se situe dans le cadre d'une ressource sur budget de l'Etat. Il conviendrait alors d'affecter l'enveloppe régionale au réseau déconcentré via FranceAgriMer71, et d'en assurer le pilotage national via la DGAL. La réorientation des crédits en serait facilitée. Dans l'immédiat, autour d'une direction de projet précisée, simplifier le processus budgétaire par la mise en oeuvre sans délai de la pluriannualité des dépenses et l'amélioration de la consommation des crédits par la reprogrammation systématique des crédits de paiements non consommés du programme. A terme, mettre en cohérence les circuits financiers avec l'origine des financements, les missions des administrations et les statuts des opérateurs en charge des politiques concernées, aux échelles nationale et déconcentrée. Alors que le plan Écophyto est né en 2008 et qu'il a subi une modification majeure en 2015, et des modifications substantielles en 2018, il n'a fait l'objet d'aucune évaluation d'ensemble, selon les standards72 de l'évaluation des politiques publiques : Le rapport Potier (2014) est un document d'analyse et de proposition utile, qui a servi de base 71 72 FranceAgriMer dispose d'un service dans chaque DRAAF. Pour la France, ces standards ont notamment été définis par le SGMAP en 2015. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 49/208 PUBLIÉ pour l'élaboration du plan Écophyto 2, mais ce n'est pas un document d'évaluation ; le référé de la Cour des comptes de 2019 et plus encore les observations définitives de la Cour sur le plan Écophyto donnent également des éléments de réponse sur la manière, très perfectible, dont les dépenses Écophyto ont été gérées, mais il ne donne pas d'informations sur l'efficience ou l'efficacité, ni sur l'utilité du plan et du programme. Figure 9: Évaluation d'une politique publique. Source : portail de la transformation publique La conséquence est importante : comme les deux indicateurs retenus, la QSA et le NODU, n'ont pas diminué significativement depuis 2009, sauf en toute fin de période, il est légitime de s'interroger sur l'efficacité des dépenses publiques importantes qui ont été consacrées à Écophyto, directement ou indirectement. Ce travail d'évaluation est d'autant plus nécessaire que les résultats positifs d'Écophyto tardent à se concrétiser. Mais il se heurte à des difficultés méthodologiques que la présente mission n'a pas pu résoudre : le besoin auquel répond Écophyto est exclusivement formulé en termes de risques pour la santé et l'environnement, alors que les PPP répondent à une obligation, celui de la protection des cultures, indispensable à la sécurité alimentaire. Depuis la directive 2009/128/CE, cette protection doit respecter les principes de lutte intégrée des cultures, mais le respect de cette obligation n'est pas contrôlé (cf. 1.2) ; les axes stratégiques, ou rubriques, du plan n'ont que progressivement incorporé l'ensemble des actions publiques relatives aux PPP, et de manière incomplète. Ainsi les évolutions de la réglementation sur les substances et les produits ne sont pas des actions du premier plan Écophyto, mais des données externes à ce plan, alors que leur impact sur les indicateurs du plan est évidemment majeur. Ce n'est qu'avec Écophyto 2 et surtout 2+ que la question de l'impact du retrait des substances et des restrictions des produits est intégrée, notamment à propos du glyphosate ; Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 50/208 PUBLIÉ le plan a également mal appréhendé la question des ressources, en s'appuyant sur une taxe centrée sur l'achat des PPP, et affectée aux agences de l'eau. Pourtant, les PPP exercent des pressions sur l'ensemble des milieux, ce qui conduit à de nombreux transferts vers d'autres établissements publics : les chambres d'agriculture, l'association de coordination technique agricole (ACTA) et les instituts techniques, l'INRAE, y compris en cascade sur certaines actions... En revanche cette taxe affectée ne peut pas être transférée aux administrations de l'Etat, alors qu'elles auraient vocation à porter certaines actions ; du fait d'une gouvernance très ouverte à des parties prenantes bénéficiaires de financement, le plan et le programme ont financé des actions très diversifiées, sans qu'aucune action ne soit en mesure à elle seule de contribuer significativement aux résultats attendus, et au prix de certains effets d'aubaine : o la mesure des résultats ­ des « progrès » disait le premier plan ­ a été considérée comme un axe important ­ le premier ­ par Écophyto 1, mais ce travail a été abandonné en cours de route et ne figure plus comme un axe d'Écophyto 2 et 2+. Or l'indicateur totem qui a été choisi, le NODU, n'a pas été décliné à l'échelle territoriale et par filière. Abstrait et « éloigné du terrain » les acteurs ne se le sont pas approprié. Son calcul n'est ni intuitif ni sans biais, et la gouvernance n'a pas su construire une communication globale donnant le « sens » de l'action (à la fois la direction, mais aussi les raisons d'agir) ; enfin, Écophyto ne s'est pas doté d'indicateurs d'impact, ni sur la santé humaine, ni sur la biodiversité, ni sur la santé des plantes. Certes, certains indicateurs d'impact figurent dans le plan agroécologie, mais ils ne sont pas systématiquement liés au plan Écophyto, quand bien même les PPP sont un facteur important de leur évolution. o Tableau 2: Indicateurs d'impact de l'agroécologie. Source : Rapport d'avancement du Comité d'évaluation de la politique agroécologique ­ Décembre 2016 En l'état, l'évaluation du plan Écophyto selon la méthode du secrétariat général pour la modernisation de l'action publique (SGMAP) développée en 2015 se trouve bien difficile à réaliser. C'est d'autant plus Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 51/208 PUBLIÉ dommageable qu'existent de nombreuses questions évaluatives, dont certaines sont incluses dans la lettre de commande de la présente mission : Les actions financées par le programme national et les enveloppes régionales sont-elles utiles ? Sont-elles efficaces ? Quelle est leur valeur ajoutée ? Quel a été l'effet de la RPD et quel serait l'effet de son augmentation ? L'organisation de la gouvernance et de la gestion du programme national est-elle efficiente ? La France n'est pas seule à peiner dans l'évaluation de son plan répondant à la directive 2009/128/CE : la synthèse réalisée par la Commission européenne (2020) le rappelle 73 . En revanche d'assez nombreux travaux scientifiques ont été publiés ces dernières années en France, en Europe et dans le monde. Plusieurs projets européens (annexe 5), grâce en particulier à l'activité de l'INRAE, permettent d'envisager de nouveaux apports au cours des prochaines années. Les travaux scientifiques disponibles ont été largement consultés pour réaliser la présente mission et il est souhaitable qu'ils puissent être portés à la connaissance des administrations et des acteurs intéressés, par toutes les voies disponibles (OpenEdition, conférences, synthèses...). La mise en place effective d'une instance capable d'analyser ces résultats, de les hiérarchiser et de les interpréter faciliterait ce transfert indispensable. La compréhension des enjeux relatifs aux PPP et l'optimisation des actions visant à limiter les risques associés à leur usage mobilisent des compétences et des connaissances multiples nécessaires à la gouvernance du plan. Le choix des cibles, l'analyse des indicateurs et l'évaluation des actions devraient constituer un axe particulier du plan Écophyto, autonome et animé par des acteurs indépendants, capables de conseiller les décisions politiques et d'évaluer leur mise en oeuvre. 73 Citée plus haut. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 52/208 PUBLIÉ La première partie de ce rapport a présenté les principales actions du plan et leurs contributions à ses résultats. La deuxième partie a analysé les principales caractéristiques du plan et a formulé des recommandations générales pour l'améliorer, dont certaines avaient été déjà proposées par la Cour des comptes. Cette troisième partie propose des évolutions plus profondes du plan Écophyto et de ses principaux éléments, sous la forme de scénarios incluant des processus de massification à l'échelle des objectifs de réduction des risques associés à l'emploi des PPP dans l'agriculture. La section 3.1 expose la méthode qui a été retenue pour construire les trois scénarios. Les sections 3.2, 3.3 et 3.4 décrivent les trois scénarios choisis. Chaque scénario se conclut par un tableau « forces, faiblesses, opportunités, menaces » que le lecteur pressé peut directement consulter. La section 3.5 fournit des clés d'aide à la décision, notamment quant au modèle d'agriculture souhaité, ainsi qu'au positionnement et à l'organisation de l'État. Elle se conclut par un tableau comparatif des trois scénarios et une recommandation méthodologique. Une version développée de cette partie constitue l'annexe 8. La méthode des scénarios permet de mettre en évidence plusieurs chemins pour arriver à une même fin : la réduction massive des risques associés à l'usage agricole des PPP. L'apparente continuité des plans Écophyto depuis 2008 cache en effet plusieurs malentendus ou dissensus relatifs à : l'impact des PPP sur la santé humaine et la biodiversité, le poids qu'il faut leur accorder, et la stratégie suivie (précaution, atténuation, compensation) ; la maturité des techniques de substitution économiquement soutenables ; les modalités de diffusion de ces techniques ; les délais nécessaires aux changements de pratiques et de systèmes ; le rôle de l'Etat et de ses établissements publics, ainsi que l'organisation dont il se dote. Ces écarts de perception ont des conséquences pratiques sur les objectifs prioritaires que doit poursuivre le plan Écophyto et sur les leviers à utiliser : si les substitutions sont encore à concevoir (c'est la notion d'« impasse technique»), l'interdiction d'une substance, d'un produit ou d'un usage peut avoir un effet dévastateur sur l'activité, entraînant une baisse de marge qui peut mettre en péril la poursuite d'activité. L'effort de la politique publique doit dans ce cas plutôt porter sur la R&D et les circuits de diffusion des innovations (réseaux, formation, information...) voire un accompagnement du risque ; Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 53/208 PUBLIÉ à la maturité ou si le bilan bénéfices/risques est manifestement déséquilibré, l'outil majeur est la réglementation. L'interdiction d'une substance ou d'un produit oblige les agriculteurs à adopter sans délai une solution de substitution, et à progressivement ajuster leur projet d'exploitation pour l'optimiser. Mais cette interdiction peut provoquer la fin d'une culture ou d'un type d'exploitation ; si on est dans une situation intermédiaire et complexe, avec une forte disparité de situations ­ par exemple une forte influence des paramètres pédoclimatiques - l'outil mis en avant par la théorie économique est le prix, via la fiscalité et/ou un marché de droits comme le CEPP, qui permet d'adresser à tous un signal invitant à la recherche d'alternatives et d'innovations, sans pour autant créer d'impasses agronomiques. Le soutien aux filières et pratiques matures, comme l'AB, est également une voie efficace. La nécessité d'engager l'aval et de s'appuyer sur les signaux de marché Fondés sur des hypothèses différentes, les trois scénarios présentés plus bas ont en commun de ne pas se contenter de changements à la marge et dans les exploitations : une réduction de 50% des PPP n'est réalisable qu'avec des changements structurels dans les exploitations, ce qui est bien établi depuis les premières années du plan Écophyto, mais des changements importants, voire structurels, sont également nécessaires chez tous les fournisseurs et clients des agriculteurs, jusqu'au portefeuille des consommateurs, ce qui a été moins bien repéré alors que là se joue une grande partie de la réussite du plan. En rupture avec l'hypothèse antagoniste d'une diffusion spontanée des alternatives aux PPP 74 , qui semble avoir prévalu dans les plans Écophyto, l'hypothèse centrale de ces scénarios est que le recours aux PPP est aujourd'hui choisi par les agriculteurs (et les conseillers agricoles) parce que ce sont des méthodes efficaces et économes qui leur ont été proposées, sous les contraintes de leur exploitation : ce n'est pas la décision de l'exploitant agricole qu'il faut changer, mais l'offre qui lui est faite et les conditions et contraintes de sa décision. La mission ne sous-estime pas l'importance des producteurs de PPP, à la fois comme influenceur de la décision des agriculteurs, et comme puissance organisée, notamment via l'UIPP en France, capable de défendre ses intérêts. Il faut aussi prendre en compte le poids de la vente des PPP dans l'équilibre économique et dans la stratégie des coopératives et négociants : même si les volumes de PPP vendus sont faibles, les marges sont beaucoup plus élevées que sur les produits bruts et peuvent contribuer de manière importante aux résultats comptables de certaines coopératives, par exemple. C'est en effet l'aval qui peut transformer la contrainte sanitaire et de biodiversité en opportunité valorisable en termes de chiffre d'affaires et de débouchés, ainsi que l'État, qui contribue également à la définition du cadre administratif, fiscal, juridique de l'exploitation, tous éléments qui ont un impact direct sur l'exploitation. L'État exemplaire ? Consentement, études préalables d'impact et alignement des politiques L'État exemplaire75 a un devoir d'alignement des politiques publiques, de manière à supprimer ses demandes paradoxales, qui perturbent les citoyens comme les marchés. Cet objectif d'alignement est désormais inscrit dans Écophyto 2+ (action 25), mais il est peu décliné de manière opérationnelle alors qu'il pourrait concerner de nombreux aspects des politiques de l'agriculture et de l'alimentation. Ainsi, lors du colloque national Dephy du 2 février 2020, un conseiller déclare souhaiter « inspirer d'autres agriculteurs » 74 75 L'État exemplaire, slogan ou nouveau principe ? Emmanuelle Deschamps, RFAP 2012/3 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 54/208 PUBLIÉ La question de l'égalité de « traitement » entre pays de l'UE, et des PPP importés et exportés hors UE est également fondamentale pour crédibiliser l'objectif. À ce titre, l'exportation par des pays de l'UE, dont la France, de produits contenant des substances interdites en Europe76 est un exemple de ce qui pourrait apparaître comme du cynisme ­ on peut fabriquer et vendre des produits interdits, dès lors qu'ils ne sont pas épandus dans notre jardin - et surtout une politique allant à l'encontre du plan Écophyto, puisqu'il dote les concurrents de l'agriculture française de moyens interdits à nos agriculteurs, sans protéger les consommateurs français qui trouvent ces produits cultivés avec des PPP interdits dans les denrées importées. La question du consentement aux politiques publiques Autre élément, et c'est également un aspect très important pour la pérennité de son action, l'État doit s'efforcer de maintenir un certain niveau de consentement des forces sociales en présence, sauf à être mis en situation d'échec. Les outils de la politique de réduction des PPP doivent veiller à développer ce consentement (action 28 du plan Écophyto 2+), mais ce n'est possible qu'avec un signal cohérent porté par l'ensemble des politiques publiques et des ministères. Les contraintes doivent ainsi être correctement proportionnées aux enjeux pour être acceptables par les parties prenantes. La responsabilité de l'État et des collectivités publiques du fait de leur action et de leur inaction Enfin, l'État et les collectivités publiques peuvent montrer l'exemple, par exemple en ouvrant leurs marchés publics à des offres locales performantes en matière d'impact environnemental. La responsabilité de l'État est susceptible d'être engagée en cas de sinistre issu de PPP dangereux ; on l'a vu avec les retards pris dans l'interdiction du chlordécone sur les bananiers dans les Antilles. Le juge administratif est également susceptible de mettre en cause la responsabilité de l'État, au motif qu'il ne respecte pas la trajectoire qu'il s'est donnée, comme dans « L'affaire du siècle » à propos des objectifs de lutte contre le changement climatique. Pour conclure ce point, la mission engage à prolonger et approfondir la réflexion sur le positionnement sociétal du plan Écophyto, et sur la responsabilité propre de l'État dans ce plan. Ces deux questions ont des réponses différentes dans les scénarios proposés. Les scénarios présentés s'appuient chacun sur des leviers et outils privilégiés, en usant au mieux de leurs avantages et en se gardant de leurs inconvénients, sans s'interdire d'un usage plus modéré des autres leviers disponibles. Comme on l'a vu (cf. 2.2 et annexe 6), trois leviers principaux seront distingués : La segmentation du marché, via un label ou un contrat associant filière et territoire et mobilisant jusqu'au consommateur. Le soutien apporté à l'AB va dans ce sens. Un label « sans PPP hors ceux autorisées en AB », avec un cahier des charges égal à celui de l'AB77 sur les PPP, mais sans les autres exigences de cette certification (notamment sur le « hors sol » et les fertilisants) et des aides à la conversion et au maintien, mais à un taux plus faible que l'AB, pourrait sans doute être défendu (cf. annexe 6). Il s'agit de mesures qui permettent de distinguer les pratiques et les produits qui en sont issus. La fiscalité et les autres méthodes « incitatives » pour agir sur le « signal-prix » absolu et relatif des PPP et de leurs alternatives. La redistribution de la taxe vers les pratiques vertueuses et 76 Plus de 81600 tonnes, selon l'article « Faites ce que je dis, pas ce que je fais », Pour la science hors-série n°110, février-mars 2021. Les deux figures sont issues de http://www.martingrandjean.ch d'après les données Public Eye. Cité dans la revue Pour la science HS n°110 février-mars 2021 77 Ou le HVE voir infra. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 55/208 PUBLIÉ les CEPP sont des outils complémentaires incitatifs. Il s'agit de mesures qui n'interdisent pas les PPP, mais incitent à éviter leur usage. La réglementation sur les substances, les produits, les pulvérisateurs, les conditions d'usage et de conservation des PPP... On associe à ce levier la PAC et ses conditionnalités. Il s'agit de mesures générales et obligatoires. Ces scénarios définissent également des positionnements différents de l'État par rapport à la société et l'économie : en ce sens, ils relèvent de préférences politiques différentes, avec une forte dimension contractuelle pour le premier, une vision plus individuelle et économique pour le second, et une approche plus autoritaire de l'Etat pour le troisième. Ils nécessitent une gouvernance et des modalités de gestion distinctes, pour le plan comme pour le programme. Un enjeu pour la mission a été d'identifier pour chaque scénario des moyens correctement proportionnés aux résultats souhaités, mais avec des forces et faiblesses différentes, ainsi que des variations sur leur capacité à saisir les opportunités et à affronter les menaces. Ils visent chacun à proposer une trajectoire cohérente, à partir d'un diagnostic initial sur le niveau de maturité des innovations de substitution aux PPP hors ceux autorisées en AB. Ces scénarios seront ensuite comparés, pour aider à la décision. Ils peuvent sans doute se succéder dans le temps (segmentation, puis incitation et enfin réglementation), mais ils ne peuvent que difficilement être associés dans les mêmes zones géographiques pour les mêmes activités agricoles, sauf à en réduire le sens et à en neutraliser l'efficacité. Ainsi l'établissement d'une norme réglementaire généralisant le cahier des charges de l'AB pour les PPP réduirait à néant la capacité de différenciation de l'AB qui lui permet de capter une surrémunération. De même, pour qu'une action soit incitative, il ne faut pas qu'elle soit obligatoire. Pour qu'elle soit spécialisée, elle ne peut pas être générale. Par souci de simplification on résumera les scénarios en fonction de la stratégie principale que porte l'État pour réduire les PPP : Segmentation des productions agricoles et de leur aval, permettant de distinguer les pratiques conventionnelles des pratiques économes en PPP, de la ferme à l'assiette ; Incitation à une baisse générale, avec recours aux interdictions en dernier ressort ; Réglementation des produits, des usages et des financements, notamment ceux de la PAC, avec développement des contrôles. Chacun de ces scénarios comporte un levier de massification principal, activé à un niveau suffisant pour approcher ou atteindre l'objectif de réduction de 50% fixé depuis 2008 par le plan Écophyto. Le scénario consiste à soutenir en priorité les productions économes en PPP78, et à les discriminer des productions intensives en PPP. Le label AB, reconnu aux échelles nationale et européenne, est bien sûr l'exemple emblématique de ce scénario. Mais il convient de rappeler que l'AB s'est développée au départ sans soutien de l'État, et que de nombreuses initiatives privées, portées par des producteurs, Rappelons que nous parlons ici des PPP pris en compte dans l'indicateur principal, ce qui inclut certaines substances utilisées en agriculture biologique, mais exclut les produits de biocontrôle. 78 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 56/208 PUBLIÉ mais aussi parfois par des transformateurs ou des distributeurs, se développent encore aujourd'hui en dehors de tout cadre public, avec un objectif de différenciation sur les marchés. La segmentation peut se faire au niveau d'une production (comme pour l'AB), d'une exploitation (comme pour la certification HVE) ou d'une filière, engageant les intermédiaires et les marques jusqu'au consommateur (avec des labels de reconnaissance ou la définition d'une échelle de performance «phytoscore »). L'efficacité de ce scénario dépend de la réalité de la différenciation entre les (deux) segments de marché. Ce scénario peut utilement être accompagné d'actions incitatives (fiscales notamment) et/ou réglementaires, pour augmenter et faciliter la différenciation des segments du marché, et notamment collecter des ressources sur les PPP pour les transférer vers les secteurs économes en PPP. Mais si ces actions fiscales ou réglementaires sont fortes et générales, on perd rapidement le bénéfice de la concentration des aides et de la différenciation de l'offre : le marché est réunifié. Alors que les deux scénarios suivants sont focalisés sur les pratiques agricoles, ce scénario « segmentation » replace la question dans un « système » plus large, qui engage la production agricole, mais aussi ses fournisseurs et son aval, collecteurs, transformateurs et distributeurs, jusqu'à la fourchette. Dans cette perspective, la responsabilité de la « résistance au changement » peut alors être appréciée de manière multiple et collective, comme l'a montré un article publié dans les Cahiers de l'agriculture en 2017 79 . Si l'agriculteur souhaite changer sa pratique, mais est confronté à des « verrous sociotechniques », il faut agir également sur ses clients et fournisseurs, et idéalement jusqu'aux consommateurs finaux des produits issus de l'agriculture. Une lecture excessive de cette complexité aboutirait à considérer chaque cas particulier comme un cas en soi. Mais on peut admettre de manière raisonnable que des ensembles d'acteurs peuvent également avoir des problématiques communes, comme de fournir une filière industrielle très concentrée sur certains marchés, et de répondre aux attentes communes de la grande distribution, par exemple. Cette stratégie consiste ainsi à éviter le cas par cas, au profit d'actions collectives amont-aval, sans pour autant vouloir entraîner d'un seul coup l'ensemble des filières dans tout le pays de manière synchronisée. L'intérêt des réseaux de pairs, un des outils privilégiés de ce scénario, et qui a fait ses preuves tant dans l'AB qu'au sein des fermes DEPHY, semble également établi dans la littérature scientifique80, même si des questions de gestion existent sur les modalités de soutien de ces réseaux, et sur l'utilité d'une simplification de réseaux parallèles (GIEE...) insuffisamment différenciés. Forces Faiblesses Le plan Écophyto de réduction d'usage des pesticides en France : décryptage d'un échec et raisons d'espérer, Laurence Guichard et alii, Cahiers de l'agriculture, 2017 79 80 Par exemple Impact of the DEPHY network on pesticide use: Evidence from French vineyards Margaux Lapierre ; ainsi que Providing technical assistance to peer networks to reduce pesticide use in Europe: Evidence from the French Écophyto plan, Margaux Lapierre, Alexandre Sauquet, Subervie Julie, Hal, 2019 V2 https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02190979v2/document Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 57/208 PUBLIÉ Diagnostic interne » Opportunités Menaces : Diagnostic externe Par ce scénario 2 « incitation », l'État souhaite inviter l'ensemble des acteurs à saisir les opportunités de réduction des PPP, en exploitant chaque gisement, à sa portée, indépendamment de sa maturité. L'hypothèse centrale de ce scénario est que la réduction des PPP n'est possible qu'avec la mise au point et l'adoption de nombreuses innovations, dont certaines sont encore à un stade de test et de démonstration, alors que d'autres sont matures et attendent les bons signaux pour être adoptées par une large fraction ­ mais pas nécessairement la totalité- des agriculteurs. Ce scénario définit ainsi une médiane que les deux autres scénarios mettront en perspective par des faces opposées. Ce scénario peut être global, l'ensemble des PPP étant visé, mais aussi différencié, en tenant compte comme aujourd'hui la RPD, de la dangerosité variable des produits. Son principe consiste non pas à interdire (c'est le scénario 3, la voie réglementaire), mais à encourager les bonnes pratiques, sans pour autant que l'État contribue à les différencier sur le marché (c'est le scénario 1, la segmentation). Ce scénario est facilité par l'existence d'un conseil actif, indépendant des ventes de PPP et rénové sur la base d'un nouveau référentiel de compétences, qui lui permet d'améliorer le diagnostic, de Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 58/208 PUBLIÉ recommander les solutions adaptées, et d'accompagner l'agriculteur, seul ou en collectif, dans son changement de pratiques. Quelques semaines après la séparation de la vente et du conseil, la question du consentement des agriculteurs à payer ce nouveau conseil indépendant reste ouverte. La méthode préconisée par la théorie économique standard, et rappelée par plusieurs des interlocuteurs rencontrés par la mission, est d'agir par le signal-prix, via la taxation des PPP, pour permettre et encourager la mobilisation de tous les « gisements d'abattements ». Ce scénario peut être approfondi avec trois variantes, mobilisant également d'autres outils incitatifs. Pour que la taxe ait un effet, elle doit être élevée, et ses hausses doivent être programmées et mises en oeuvre de manière crédible. Scénario de base : Augmenter la redevance pour pollutions diffuses Le premier véhicule de ce scénario est ainsi la redevance sur les pollutions diffuses (RPD) dont l'assiette est basée sur les ventes de PPP et dont le taux varie selon la dangerosité des produits (cf. annexe 6). En taxant l'achat de PPP, la RPD dissuade leur usage, et incite à privilégier les autres solutions de protection des plantes, toutes choses égales par ailleurs. Pour que le signal soit perçu et que la réaction des acteurs aboutisse à une réduction de l'ordre de 50% de l'utilisation des PPP, un doublement du prix est nécessaire (cf.2.2.3). C'est donc un réel choc fiscal qui doit être réalisé81 (cf. annexe 6), avec une temporalité suffisamment rapide pour enclencher, dès son annonce, des mouvements de substitution, mais aussi progressive pour permettre aux acteurs de s'adapter et rechercher les meilleures alternatives. En dernier ressort, ils peuvent continuer à user des PPP, mais à des conditions économiques dégradées. On peut penser qu'une augmentation étalée sur 5 ans serait un bon compromis. Toutefois des comportements adaptatifs seraient sans doute à gérer pendant une période aussi longue, un sur stockage temporaire serait sans doute à craindre, comme cela a été constaté avant de précédentes augmentations. Sans autre mesure, la hausse de la RPD aurait un effet négatif sur la compétitivité de l'agriculture française, mais d'ampleur limitée : le poste « PPP » ne représentant aujourd'hui que 4% de la valeur de la production agricole, et moins de 2,5% si on y ajoute les subventions reçues. 82. Cet effet pourrait néanmoins être réduit ou supprimé en activant la variante 3 suivante relative à la fiscalité globale des produits issus de l'agriculture (infra). Variante 1 : Mobiliser également le produit de la taxe pour la redistribuer vers les bonnes pratiques Idéalement, et c'est une variante par rapport à la RPD existante qui a des conséquences sur le programme, le produit supplémentaire de la taxe est également distribué, non vers l'ensemble des contribuables, pour atténuer les effets revenus de la taxe, ce qui serait contre-productif, mais au contraire pour les renforcer, en apportant des subventions uniquement à ceux qui décident d'adopter les pratiques économes en PPP. Avec ce couplage taxation des PPP/soutien aux alternatives, le taux de taxation peut être significativement diminué pour arriver à une même réduction de PPP. En situation de menace sanitaire grave et d'absence d'alternative aux PPP, les acteurs continuent à pouvoir utiliser ces produits, ils achètent une sorte de « droit à polluer », mais dès qu'ils le peuvent ils sont fortement incités à retenir les alternatives et substituts, dont le coût relatif est réduit. Ce scénario est ainsi favorable à la mise au point et à la diffusion d'innovations multiples, techniques et sociales, 81 82 En première estimation, une multiplication par 8 du produit de la RPD serait nécessaire En 2019, les achats de produits de protection des cultures représentaient 3 Md sur 45 Md de consommations intermédiaires et 76 Md de production. Source : Comptes régionaux de l'agriculture. AGRESTE Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 59/208 PUBLIÉ permettant de substituer aux PPP d'autres solutions, structurelles ou marginales. Variante 2 : Utiliser pleinement les CEPP pour mobiliser l'amont et l'aval On l'a vu plus haut, les CEPP, qui avaient été mis en avant par un précédent rapport IGF-CGEDDCGAAER, sont un outil complémentaire de la taxation des PPP, et qui peut permettre de transférer des ressources (ou droits à polluer) issues des activités utilisant les PPP au profit de pratiques plus vertueuses. Cela nécessite que le dispositif du CEPP soit consolidé et généralisé. Variante 3 : Mobiliser également la fiscalité globale pour différencier les produits issus des bonnes pratiques sur les marchés La hausse de la RPD peut aussi être accompagnée par une stratégie fiscale plus globale à l'échelle européenne avec : des droits de douane sur les produits bruts ou transformés ne répondant pas aux mêmes critères relatifs aux PPP rehaussés ; une fiscalité à la consommation plus différenciée, pour au minimum compenser le surcoût des produits AB ou sans PPP, et idéalement créer une incitation positive avec toutefois de faibles marges de manoeuvre ; des investissements nécessaires pour changer de régime, et les coûts de transition accompagnés, via des crédits d'impôt et/ou des règles d'amortissement favorables. Ces mesures, qui sont au moins en partie à négocier avec l'UE, permettraient de renforcer l'effet de la hausse de la RPD, en stimulant les volumes de productions sans PPP, et en assurant une équité des productions françaises avec les productions importées83. Ce point mériterait d'être approfondi par une mission spécifique. Ce scénario est compatible avec la répartition actuelle des rôles : à l'UE le soin d'autoriser ou d'interdire les substances, à la France d'agir sur les pratiques des acteurs, en les incitant à aller vers les alternatives aux PPP chaque fois que c'est possible et économiquement soutenable. L'UE et la France pourraient s'accorder pour apporter des conditionnalités PPP à la PAC, et le Gouvernement devrait chercher à aligner dans le même sens d'autres composantes de la politique agricole et d'alimentation, comme la transmission des exploitations, la politique foncière et l'ensemble de la politique fiscale. Mais l'agriculteur reste en dernier ressort responsable d'utiliser ou non les PPP autorisés. Dans ses variantes 2 et 3, le scénario est également mobilisateur pour les autres acteurs de la chaîne, qui peuvent trouver un intérêt économique à rechercher et promouvoir les alternatives, surtout s'il est accompagné d'une fiscalité différentielle des produits finaux. Son principal inconvénient est la sensibilité des agriculteurs à la taxation. Son acceptabilité peut sans doute être plus grande si le produit supplémentaire de la taxe est intégralement redistribué aux agriculteurs qui choisissent de diminuer le recours aux PPP (variante 1) et si la taxation est étendue aux importations des produits issus de l'agriculture, afin de protéger le marché intérieur d'un dumping aux PPP (variante 3). 83 Voir par exemple l'article récent : Comment protéger nos agriculteurs et l'environnement ? Un règlement pour stopper l'importation d'aliments issus de pratiques interdites en Europe, Fondation Nicolas Hulot-Interbev-Institut Velben, mars 2021 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 60/208 PUBLIÉ Sauf en variantes 2 et surtout 3, l'aval est faiblement impliqué : la décision de réduire les PPP est individuelle, et n'offre aucune garantie de rémunération supplémentaire. L'activation d'un levier CEPP efficace, sur le modèle des CEE, permettrait de remédier en partie à cette limite. Mais c'est la mise en place d'une fiscalité différenciée (variante 3) sur les marchés nationaux et à leurs frontières qui permet d'aller jusqu'au consommateur sans diminuer la compétitivité-prix sur le marché intérieur. Diagnostic interne Diagnostic externe Ce scénario est basé : sur le constat de la responsabilité de l'État de limiter voire d'empêcher que les PPP ne portent des atteintes irréversibles à la santé humaine et à la biodiversité, et donc qu'il lui appartient de prendre les mesures réglementaires nécessaires, quand bien même une substance aurait été approuvée par l'UE ; sur une hypothèse : beaucoup d'alternatives aux PPP sont aujourd'hui suffisamment matures pour que l'État impose leur généralisation sans détruire brutalement84 l'activité, ce qui semble Ce n'est pas la nécessité de changer y compris les pratiques culturales qui est mis en cause, mais le fait que le changement brutal de réglementation peut frapper d'obsolescence les compétences et les investissements de toute une filière. L'enjeu est de lui permettre de s'adapter avant l'interdiction des PPP. 84 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 61/208 PUBLIÉ l'avis d'au moins une partie des experts (cf. annexe 8) ; sur le levier puissant des financements de la nouvelle PAC (cf. annexe 6). Dans ce scénario, le choix de réduire les PPP n'est pas agricole, c'est une décision de société, motivée par un diagnostic sur les risques. Il est donc très important d'approfondir la connaissance de ces risques pour bien ajuster la réglementation. L'expérience montre que jusqu'à présent les diagnostics réalisés avant l'autorisation des substances et les mises sur le marché n'ont pas empêché quelques sinistres importants (exemple du chlordécone aux Antilles), justifiant, après parfois plusieurs années, la mise en cause des autorisations accordées. Par ailleurs, des interdictions très rapides, comme celles des néonicotinoïdes, peuvent obliger les pouvoirs publics à ouvrir peu après des dérogations ciblées, faute d'alternatives immédiatement disponibles. Il s'agit donc de composer avec la balance des avantages et des risques, à la fois de l'action et de l'inaction. Mais c'est à la souveraineté nationale et à l'exécutif d'apprécier le résultat du pesage et de déterminer la règle. Il est également important dans ce scénario d'éviter d'importer des produits traités par des PPP depuis des pays85 qui ne sont pas soumis aux exigences européennes d'utilisation des PPP. Il semble que ce soit ce modèle « réglementaire » qui est retenu pour le glyphosate, pour lequel le gouvernement est très actif86, après un engagement de retrait pris par le Président de la République en 2017. Dans ce scénario, la réglementation et la PAC sont les instruments principaux de réduction du recours aux PPP. Une partie majeure de cette stratégie est donc portée par l'UE, qui a la responsabilité de la réglementation des substances actives. C'est en effet à ce niveau que la réglementation est la plus efficace. Ainsi la France ne saurait réussir seule : une plus forte convergence européenne peut sembler un préalable à la mise en place de ce scénario. En dehors d'une convergence européenne, la France garde la possibilité de restreindre l'usage des produits mis sur le marché et incluant les substances autorisées : elle pourra le faire systématiquement quand existent des alternatives, en biocontrôle ou avec des produits moins dangereux, couramment utilisées 87 et que les inconvénients économique et technique ne sont pas majeurs (art 50 de R 2009 /1107). Elle pourrait également davantage vérifier que les produits sont bien utilisés « en dernier recours », dans le cadre d'une protection intégrée des cultures, ce qui n'est aujourd'hui que rarement fait, en France et en Europe, malgré la réglementation. Certaines pratiques exagérément intensives, certaines rotations trop courtes ou inexistantes, certaines mosaïques paysagères insuffisamment diversifiées pourraient progressivement être sanctionnées par des restrictions d'emploi de PPP ou en utilisant d'autres outils réglementaires ou assimilables à la réglementation (PAC...). La France, tout comme les autres pays, peut également déclarer des dérogations pour une durée inférieure à 120 jours. Une variante renforçant ce scénario pourrait préconiser non seulement un « conseil stratégique PPP » obligatoire, comme il est désormais prévu, mais une prescription des PPP « sur ordonnance », en Voir un article cité par le CEP dans sa veille de décembre 2020 qui montre les très grands écarts entre les limites maximales de résidus autorisés dans différents pays et ses conséquences : « Trade, price and quality upgrading effects of agri-food standards » Dela-Dem Doe Fiankor, Daniele Curzi, Alessandro Olper, European Review of Agricultural Economics, 2020 85 86 87 Tout comme quelques autres pays : le Mexique vient ainsi de faire l'annonce d'une interdiction dans 3 ans. Cette condition est particulièrement gênante puisqu'il faut que l'alternative soit largement diffusée avant l'interdiction : la réglementation n'est donc pas un outil d'aide à la diffusion en première phase du cycle (cf 3.1). Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 62/208 PUBLIÉ particulier sur les PPP les plus à risques. Forces Faiblesses Diagnostic interne Opportunités Menaces Diagnostic externe Les trois scénarios répondent à des préférences politiques différentes mais sont tous les trois susceptibles d'apporter une contribution forte à l'objectif d'une réduction de 50% des PPP dans un délai de l'ordre de 10 ans. Sans renier les actions soutenues dans le cadre des plans antérieurs ­ le premier date de 2006 et est antérieur au Grenelle de l'environnement-, ces scénarios proposent de manière inédite des actions de massification crédibles, avec des outils robustes. Pour éclairer la décision politique, quelques éclairages complémentaires sont proposés ci-dessous, autour des modèles agricoles et de l'organisation des pouvoirs publics. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 63/208 PUBLIÉ La France a choisi l'agroécologie par une loi adoptée en 201488. Mais derrière ce mot qui désigne une science, des pratiques et qui est donc devenu une politique, se cachent plusieurs modèles agricoles qui continuent à être en compétition. Le modèle de la grande exploitation, qui était historiquement moins développé en France que dans des pays d'Europe centrale, continue son extension. Il se transforme également avec des pratiques de travail « à façon » entièrement externalisées vers des entreprises de travaux agricoles. Parallèlement les exploitations moyennes et petites régressent et se diversifient. Certaines, notamment en maraîchage, en viticulture ou en productions fruitières, continuent à s'industrialiser, avec de plus en plus de conditions contrôlées et d'automatismes, pendant que d'autres recherchent la performance biologique par la permaculture et le travail intensif, avec des réussites parfois impressionnantes à petite échelle. La recherche et la valorisation devraient également porter sur tous ces modèles, y compris les plus disruptifs, du type de ceux qui sont soutenus par l'université de Wageningen aux Pays-Bas, avec des exploitations hors sols, à faibles intrants et relativement neutres en énergie. Les « fermes verticales » japonaises sont également des modèles intéressants : au-delà des préjugés ou des constats d'expérience sur les qualités organoleptiques des aliments en fonction de leur processus de production, la performance globale de ces systèmes mérite d'être prise en considération, notamment en matière de maraîchage : elle sert de modèle à certaines « fermes » high-tech françaises. Pour certaines régions françaises denses et pour certaines cultures comme les légumes, une intensification des productions au plus près des centres de consommation, voire la mise en place de productions à environnement contrôlé en zone urbaine, comme elles se développent au Japon, peuvent apparaître comme des solutions à diffuser. En revanche, comme l'a montré un rapport récent du CGAAER89, le modèle standard de la grande exploitation céréalière sans élevage, et très dépendant des PPP comme des apports en fertilisants chimiques, et en eau, destructeurs des haies et pollueur des rivières et des nappes, mérite d'être modifié. Il est pourtant encore en extension, notamment dans les zones « intermédiaires ». Même si elle doit évidemment se préoccuper de toutes les agricultures, on peut ainsi regretter que la politique agricole française ne fasse pas le choix de dire ce qu'elle souhaite pour chacun des modèles et ce qu'elle veut décourager. La réponse serait d'autant plus pertinente qu'elle serait inscrite dans des territoires qui ont de fortes spécificités. La mission recommande, selon le scénario retenu, l'origine de la ressource et la nature de la dépense, de choisir, dans le cas d'une taxe affectée, l'opérateur le plus adapté au regard de sa mission : dans le scénario « segmentation », où la mobilisation des filières est essentielle, le choix de FranceAgrimer paraît plus en phase avec la nature des dépenses et les acteurs concernés ; dans le scénario « incitation », la distribution des aides pourrait alimenter les canaux habituels sans passer par l'OFB (conversion à l'AB via les agences de l'eau en région comme aujourd'hui) de même que le financement national du conseil, qu'il s'agisse des instituts techniques ou des chambres d'agriculture. Une partie de l'enveloppe nationale pourrait d'ailleurs être transférée en région en vue de financer davantage d'aides directes aux agriculteurs, soit par le canal des agences de l'eau (taxe affectée), soit directement par les services déconcentrés (ressource budgétaire de l'Etat) ; 88 89 Loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt Rapport CGAAER n°18065. Zones intermédiaires. Janvier 2019. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 64/208 PUBLIÉ enfin, dans le scénario « réglementation et PAC », le financement des études peut être réalisé en direct pour certains acteurs importants (ressource budgétaire de l'Etat) ou transiter comme aujourd'hui par l'OFB (taxe affectée). Finalement, les PPP sont aussi l'occasion de distinguer plusieurs conceptions de ce que peut être un État dans l'Europe d'aujourd'hui et d'interroger l'organisation de notre État, notamment quant aux répartitions des compétences et rôles entre ministères, et entre les administrations centrales, les services déconcentrés et les collectivités territoriales. Sur le positionnement des États en Europe, les deux documents précités (rapport de la Cour européenne des comptes et communication de la Commission (2020)) mériteraient d'être prolongés par un parangonnage. Entre l'État qui forme avec, d'une part, la recherche et, d'autre part, les agriculteurs-entrepreneurs l'un des trois côtés du « triangle d'or néerlandais », et la verticalité qui fait de la réduction des PPP et de l'interdiction du glyphosate des « objets de la vie quotidienne » directement suivis depuis l'Élysée, il y a des positionnements multiples au sein de l'Europe qui mériteraient un parangonnage. Pour ce qui concerne l'organisation de l'État en France, il faut d'abord souligner que le MTE, en charge de la qualité de l'eau, de l'air et de la nature, a été l'un des premiers à prendre conscience des enjeux de la réduction des PPP (et des nitrates). Les indicateurs sur la diminution de la biodiversité, notamment l'effondrement des populations d'insectes et d'oiseaux, ont déclenché des alertes qui ont conduit à rechercher les causes, plus rapidement et plus fortement que les enjeux sur la santé humaine qui restent finalement mal connus. Du coup, le MTE (et les agences de l'eau comme l'OFB) a une réelle légitimité sur cette politique. Mais c'est bien le MAA qui a la charge de proposer les solutions alternatives aux PPP et donc doit être responsabilisé dans son rôle de coordination opérationnelle du plan. Bien sûr les PPP sont également des enjeux majeurs pour la santé publique, pour la biodiversité, et pour la recherche. Mais les trois ministères de la santé, de la transition écologique et de la recherche n'ont pas la responsabilité ni les moyens opérationnels de diffuser les alternatives aux PPP : c'est bien au MAA que cela incombe. Une difficulté qui a pu être perçue ces dernières années est que le caractère multiministériel de la politique à l'égard des PPP a pu donner l'impression d'une complexité bureaucratique doublée d'un État à plusieurs voix sans unisson. On se retrouve ainsi parfois dans la situation où ce sont des parties prenantes, des ONG notamment, qui s'efforcent de faire la synthèse et de porter un intérêt général face à des représentants ministériels calés dans leurs priorités relatives. La réponse à cette question de l'interministérialité pourrait être simple : il existe une responsabilité interministérielle, celle de s'assurer de l'alignement des politiques, que la réduction des PPP est bien une priorité effective de l'action publique, pour tous les ministères et établissements publics et à tout niveau, mais en affirmant également la responsabilité du MAA pour définir et piloter les actions de massification du plan, et en lui donnant des outils et leviers à cette fin. Cette question se retrouve à l'échelle régionale, avec un plan Écophyto qui mobilise la DREAL, la DRAAF, les agences de l'eau et dans une moindre mesure l'ARS, sous la coordination et l'autorité du Préfet de région. Les compétences sanitaires de l'État sont réparties entre la DRAAF pour la santé des plantes, les directions départementales interministérielles (DDI) pour la santé animale, et l'OFB pour la police de l'environnement. Les collectivités régionales, en charge du développement économique et de la gestion d'une partie de plus en plus importante des crédits européens, sont sollicitées sur ce plan sans en être pleinement co-responsables. Une nouvelle version du plan Écophyto devrait s'interroger sur cette répartition existante des compétences et surtout se demander quelle organisation pourrait optimiser la réussite du plan de réduction des PPP dans les territoires. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 65/208 PUBLIÉ Les scénarios et les leviers : synthèse : : : : : : : : Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 66/208 PUBLIÉ * ** Finalement, peut-on encore opposer la nécessité de « nourrir la planète », comme disent les défenseurs des PPP, à celle de « préserver la santé, quoi qu'il en coûte » et de stopper pendant qu'il est encore temps l'effondrement de la biodiversité qui met en péril notre survie comme espèce ? "Faire la paix avec la nature est la grande mission de notre siècle. Elle doit être la priorité absolue de chacun, partout dans le monde" disait le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, en janvier 2021). La France fait le choix de soutenir son agriculture en lui consacrant une grande attention et des moyens financiers importants. Mais il est clair que ce soutien a contribué ces dernières décennies à renforcer une dépendance de cette agriculture aux PPP, alors que beaucoup d'exploitations disposaient auparavant de savoir-faire. Il n'est pas réaliste de revenir à des processus de production antérieurs à la diffusion des PPP. Il s'agit donc non de restaurer, mais d'inventer des modes de production agricoles durables économes en PPP et répondant par ailleurs aux attentes économiques, sociales des marchés et des citoyens. Un levier prioritaire de ce point de vue est de continuer à réparer la contradiction qui (a) fait de certaines politiques de l'État et de la PAC les instruments de la diffusion des PPP et donc en priorité d'aligner l'ensemble des politiques publiques, dont la PAC, à ce nouvel objectif de réduction des PPP, sauf à risquer de réduire à néant les efforts de conviction apportés par des plans Écophyto dont les dotations financières sont nettement plus réduites. La mission préconise donc, soit d'utiliser massivement la réglementation et la PAC et de rendre conditionnelles les aides du premier pilier (scénario 3), soit, si ce n'est pas possible, de mobiliser massivement les autres leviers, de soutien aux filières économes en PPP (scénario 1) ou les leviers incitatifs (scénario 2) si on veut généraliser la baisse. Il serait souhaitable d'arrêter le nouveau plan Écophyto en 2023, quand la nouvelle PAC sera connue et approuvée. Cela laisse deux années pour réaliser des études de bilan plus précises, et pour choisir, après concertation, les leviers et les actions qui donneront un nouvel élan à ce plan nécessaire, mais qui s'essouffle. Un volet important du nouveau plan sera de mettre en cohérence l'ensemble des politiques publiques avec l'objectif de réduction des PPP. Cela suppose que ces préoccupations soient portées avec constance lors de la révision de la PAC pour qu'elles se traduisent par une véritable inflexion de celleci. C'est dans ce cadre qu'une nouvelle orientation d'utilisation de la part du produit de la RPD affectée à Écophyto pourra être donnée, avec un programme national et des enveloppes régionales spécialisés, agiles, additionnels et transparents. Redéfinir d'ici deux ans un plan Écophyto à 10 ans cohérent avec la nouvelle PAC, pleinement opérationnel et incluant un dispositif de massification. D'ici là approfondir avec les acteurs concernés les leviers mobilisables selon différents scénarios, mettre en cohérence les politiques publiques nationales et évaluer les apports des actions soutenues depuis 2008 à l'objectif de réduction des PPP. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 67/208 PUBLIÉ Les 7 recommandations ge ne rales du rapport sont pre sente es ici de maniere synthe tique, en distinguant celles qui relevent de la strate gie, de l'organisation et de de l'accompagnement. Le rapport comprend également un tableau comparatif des trois scénarios. QUOI Strate gie Confirmer et pre ciser le plan Ecophyto (R1) en inse rant un processus de massification des bonnes pratiques (R2) d'ici 2 ans, en cohe rence avec le nouvelle PAC (R7) Mettre en place une gouvernance interministe rielle resserre e et de finir les responsabilite s de chaque ministere et ope rateur (R4) De finir le choix des cibles, l'analyse des indicateurs et l'e valuation comme un axe autonome du plan (R6) De dier en priorite le produit de la RPD affecte e au plan a des aides directes (R3) Autour d'une direction de projet pre cise e, simplifier le processus budge taire et mettre en cohe rence les circuits financiers (R5) POURQUOI Redonner de la cre dibilite au plan QUI Interministe riel et MAA QUAND D'ici 2 ans Points d'attention Cohe rence avec les actions europe ennes et les autres politiques publiques nationales. Organisation Financement Ecophyto doit devenir une priorite pour les acteurs qui ont une responsabilite importante dans sa mise en oeuvre. Faire de l'e valuation une aide a la de cision. Ame liorer l'efficacite des actions finance es, simplifier la gestion. Services centraux et de concentre s du MTE et du MAA, ope rateurs Des que possible, et introduire les objectifs dans les COP des ope rateurs Des que possible Mobilisation du conseil aux agriculteurs, et notamment des chambres d'agriculture. De finition et suivi des indicateurs ope rationnels. MTE et MAA, ope rateurs de gestion Processus d'arbitrage. Pluri annualite des financements. Suivi des paiements. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 68/208 PUBLIÉ Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 69/208 PUBLIÉ Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 70/208 PUBLIÉ Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 71/208 PUBLIÉ Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 72/208 PUBLIÉ Organismes Prénom Nom Fonction Dates des rendez-vous 1 2 septembre et 7 décembre 2020 Coordinateur interministériel du plan Pierre-Etienne BISCH Écophyto et du plan de sortie du glyphosate Cabinet du Premier ministre Julien TURENNE Benoît FARACO Préfet de région honoraire Conseiller technique agriculture Conseiller technique écologie 16 septembre 2020 8 janvier 2021 Julien TURENNE Conseiller technique agriculture Cabinet du MTE Cédric HERMENT 11 septembre et Conseiller santé environnement risques 4 décembre 2020 24 septembre Conseillère filières végétales, sortie de la et dépendance aux produits 14 décembre phytosanitaires 2020 Directeur de l'eau et de la biodiversité Sous directrice ATAP 26 octobre Sous directrice de la protection et de la 2020 gestion de l'eau des ressources minérales et écosystèmes aquatiques Chargé de mission Sous direction de la qualité, de la santé et de la protection des végétaux cheffe de service 21 septembre Adjointe du SASPP/SDQSPV 2020 SASPP/SDQSPV/BSPIC, chef de bureau SASPP/SDQSPV/BSPIC, chargée de mission Écophyto 13 octobre 2020 Service compétitivité et performance environnementale (SCPE),chef de service) 16 octobre 2020 Sous-direction Performance Page 73/208 Cabinet du MAA Maud FAIPOUX Olivier THIBAULT Florence CLERMONTMTE Direction BROUILLET de l'eau et de la Amélie COANTIC Biodiversité Aymeric LORTHOIS Anne-Cécile COTILLON MAAF DGAL Anne-Marie MAILLOT Laurent JACQUIAU Karine BELNA Laurent JACQUIAU Karine BELNA Serge LHERMITE MAAF DGPE Eric ZUNINO Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO PUBLIÉ Organismes Prénom Nom Fonction environnementale et valorisation des territoires, sous directeur Dates des rendez-vous Antoine ROULET Ludovic BONNARD Antoine ROULET MAAF DGPE et Emmanuel STEINMANN DGAL MTE Lucile GAUCHET DGALN/DEB Karine BELNA Isabelle CHMITELIN Marion BARDY Adeline CROYERE Christophe AUBEL Audrey COREAU François OMNES Gaelle EMBS Antoine FOUILLERON Christophe AUBEL Audrey COREAU François OMNES Gaelle EMBS Antoine FOUILLERON Denis CHARISSOUX Patrick LAVARDE CGEDD DGPE/SCPE/SDPE/BDA chargé de mission (pilote réseau DEPHY côté MAA) DGPE/SCPE/SDPE/BDA DGPE/SCPE/SDPE/BDA chargé de mission (pilote réseau DEPHY côté MAA) DEB/EARM 5 Chef de bureau DEB chargée de mission copilotage du plan Écophyto DGAL/SDQSVP/BSPIC chargée de mission Écophyto Directrice Chef de bureau de la recherche et de l'innovation Sous-directrice des politiques de formation et d'éducation Directeur appui stratégies pour la biodiversité Directrice des acteurs et des citoyens Directeur adjoint des acteurs et des citoyens Cheffe du pôle administratif et financier Directeur de la stratégie et de l'intervention financière Directeur général délégué Directrice des acteurs et des citoyens Directeur adjoint des acteurs et des citoyens Cheffe du pôle administratif et financier Directeur de la stratégie et de l'intervention financière Directeur général délégué Ressources Membre du CGEDD 10 décembre 2020 MAAF DGER 22 septembre 2020 OFB 25 septembre 2020 26 novembre 2020 21 septembre 2020 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 74/208 PUBLIÉ Organismes Prénom Nom Thierry VATIN Delphine PASSE Mario LESTANI Fonction Directeur général Directrice déléguée redevances Responsable de la cellule redevances mutualisées Directeur délégué connaissance panification et programme Directeur des interventions Chef du service appui, paiement, interventions économiques Chargée de la thématique Écophyto Directeur adjoint Cheffe de mission Écophyto Chef du SRAL Directeur général Directeur scientifique technique et numérique Dates des rendez-vous Agence de l'eau Arnaud DOLLET Artois Picardie Vincent VALIN Patrice BIZAIS Nolwenn THEPAUT Thierry DUPEUBLE Elise DESSAINT Samuel CARON Jean Pierre BORDES Médhi SINE ACTA Marianne SELLAM Aymeric EMONET APCA Philippe NOYAU Eric COLLIN Jeremy DREYFUS Claudine JOLY Thibault LEROUX Philippe MAUGUIN Christian HUYGHE Christian HUYGHE 19 octobre 2020 DRAAF Hauts de France 23 octobre 2020 23 septembre Pôle protection intégrées des cultures et 2020 cheffe de projet contrat de solution, adjointe à la direction scientifique Pole agroenvironnement DEPHY ExpéEssonne Président référent 16 octobre Directeur entreprise et conseil 2020 Représentante de FNE au COS Écophyto Chargé de mission agriculture et santéenvironnement Président directeur général Directeur scientifique agriculture Directeur scientifique agriculture de l'INRAE Chercheur (économiste), ancien directeur scientifique agriculture jusqu'en 2016 Conseillère référendaire Rapporteur du rapport Conseiller maître Contre rapporteur PDG DGD Directrice du développement rural et de la pêche Directeur financier, juridique Adjoint directeur financier, juridique Chef de service agence comptable 12 octobre 2020 17 novembre 2020 21 octobre 2020 22 décembre 2020 22 octobre 2020 FNE INRAE INRAE INRAE Cour des comptes Hervé GUYOMARD Nathalie REULAND Jacques BASSET Stéphane LE MOING François PROJETTI Valérie ISABELLE Thierry Cottin Xavier Chauvin Michel Tourtourol ASP 19 novembre 2020 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 75/208 PUBLIÉ Organismes Prénom Nom Fonction Dates des rendez-vous 26 novembre 2020 FranceAgrimer Christine AVELIN Bruno HERAULT MAAF SG/SSP centre d'études et de Vincent HEBRAIL prospective CEP Estelle MIDLER Directrice générale Service de la statistique et de la prospective, Centre d'études et de prospective(CEP), sous-directeur 5 novembre CEP, Bureau de l'évaluation et de l'analyse 2020 Economique, chef de bureau CEP, chargée de mission Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 76/208 PUBLIÉ Dès 2006, la France se dote d'un « Plan interministériel de réduction des risques liés aux pesticides en 5 axes ». En 2008, sur la base du rapport de Guy Paillotin1, la France adopte le plan Écophyto 2018. Dans le mouvement du Grenelle de l'environnement, le gouvernement d'alors reprend une proposition des organisations non gouvernementales et fixe l'objectif quantitatif de réduction de 50 % de leur usage, si possible, en 20182. Le plan Écophyto 2018 constitue par la même occasion et par anticipation la réponse française à la directive 2009/128/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 instaurant un cadre d'action communautaire pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable. Devant la faiblesse des résultats documentés dans le rapport de Dominique Potier, député de Meurtheet-Moselle, en 2014, le gouvernement donne en 2015 une nouvelle impulsion et remanie le plan qui devient Écophyto 2. L'objectif de -50 % est maintenu bien que repoussé en 2025 avec un objectif intermédiaire de -25 % à horizon 2020. En 2018, le plan évolue encore une fois. Il intègre les mesures du « plan d'action sur les produits phytopharmaceutiques (PPP) et une agriculture moins dépendante aux pesticides » qui comporte notamment les mesures supplémentaires d'accompagnement des agriculteurs, ainsi que l'objectif de « sortir du glyphosate » et prend le nom d'Écophyto 2+. Le mot pesticides est communément utilisé pour désigner les produits phytosanitaires utilisés par les agriculteurs. En réalité, les pesticides recouvrent un domaine plus large que les PPP. Ils incluent également les biocides 3 (désinfectants, produits de protection et de lutte contre les nuisibles) et certains médicaments vétérinaires ou humains (utilisés pour lutter contre des mycoses ou des parasitoses externes). Les substances actives utilisées peuvent être les mêmes, mais l'objectif de l'action est différent. Ils relèvent de réglementations communautaires différentes4. Chantier 15 « agriculture écologique et productive » Rapport final du Président du Comité opérationnel « Écophyto 2018 », Guy Paillotin, 2008. 1 L'engagement n°129 prévoit l'« objectif de réduction de moitié des usages des pesticides en accélérant la diffusion des méthodes alternatives et sous réserve de leur mise au point » 2 Substance ou mélange destiné à détruire, repousser ou rendre inoffensifs les organismes nuisibles, à en prévenir l'action ou à les combattre de toute autre manière par une action autre qu'une simple action physique ou mécanique, (Règlement (UE) no 528/2012 du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2012 concernant la mise à disposition sur le marché et l'utilisation des produits biocides. 3 Règlement européen 528/2012 relatif à la mise à disposition sur le marché et à l'utilisation des produits biocides ; Règlement (CE) n° 726/2004 du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 établissant des procédures communautaires pour l'autorisation et la surveillance en ce qui concerne les médicaments à usage humain et à usage vétérinaire, et instituant une agence européenne des médicaments 4 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 77/208 PUBLIÉ La réglementation communautaire 5 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques définit les PPP : Les produits phytopharmaceutiques (PPP) sont des produits composés de substances actives, phytoprotecteurs ou synergistes, destinés à l'un des usages suivant : a) protéger les végétaux ou les produits végétaux contre tous les organismes nuisibles ou prévenir l'action de ceux-ci, sauf si ces produits sont censés être utilisés principalement pour des raisons d'hygiène plutôt que pour la protection des végétaux ou des produits végétaux ; b) exercer une action sur les processus vitaux des végétaux, telles les substances, autres que les substances nutritives, exerçant une action sur leur croissance ; c) assurer la conservation des produits végétaux, pour autant que ces substances ou produits ne fassent pas l'objet de dispositions communautaires particulières concernant les agents conservateurs ; d) détruire les végétaux ou les parties de végétaux indésirables, à l'exception des algues à moins que les produits ne soient appliqués sur le sol ou l'eau pour protéger les végétaux ; e) freiner ou prévenir une croissance indésirable des végétaux, à l'exception des algues à moins que les produits ne soient appliqués sur le sol ou l'eau pour protéger les végétaux. Les PPP sont autorisés dès lors qu'une évaluation des risques montre qu'il n'existe aucun effet nocif immédiat ou différé sur la santé de l'être humain ou de l'animal et aucun effet inacceptable sur l'environnement. Les PPP sont usuellement classés selon leurs cibles. Les 5 familles principales sont les herbicides pour lutter contre les adventices, les fongicides contre les champignons et moisissures indésirables, les insecticides contre les insectes ravageurs, les acaricides contre les acariens phytophages et les rodenticides contre les rongeurs ennemis des cultures : leurs modes d'action sont divers mais tous visent à tuer ou à inhiber a minima l'organisme visé. Certains PPP sont sélectifs, n'atteignent qu'une cible particulière de manière précise. À l'opposé, des produits dont les modalités d'action touchent de façon très large les organismes nuisibles sont des PPP totaux (c'est aujourd'hui essentiellement des herbicides) ; les produits sont dits systémiques lorsqu'ils sont capables, après pénétration dans la plante, de migrer à l'intérieur de celle-ci. Les PPP de synthèse ou chimiques sont fréquemment opposés aux PPP « naturels ». Ces deux termes n'ont pas de définition légale dans la réglementation européenne ou française. Cette dichotomie est trompeuse. Par exemple, les spécialités à base de cuivre (substance existant dans la nature) ne sont pas des PPP « naturels » car ils sont issus de la synthèse chimique. En revanche, il existe des définitions réglementaires pour : les PPP de biocontrôle, qui sont un segment particulier de PPP défini par une réglementation française6 et dont la spécificité est liée à leur caractère naturel ou leur mode d'action reposant Règlement No1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/CEE et 91/414/CEE du Conseil 5 6Les agents de biocontrôle regroupent des macro-organismes et des produits phytopharmaceutiques comprenant des micro-organismes, des médiateurs chimiques comme les phéromones et les kairomones et des substances naturelles d'origine végétale, animale ou minérale. Leur spécificité est liée à leur caractère naturel ou leur mode d'action reposant sur des mécanismes naturels. Les produits phytopharmaceutiques de biocontrôle sont, comme les autres produits phytopharmaceutiques, autorisés à l'issue d'une évaluation complète des risques pour la santé humaine, la santé animale et l'environnement et conforme aux exigences européennes. Ils figurent sur la liste établie par le ministère chargé de l'agriculture au titre des articles L.253-5 et L.253-7 du code rural et de la pêche maritime. (https://agriculture.gouv.fr/quest-ce-que-le-biocontrole). Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 78/208 PUBLIÉ sur des mécanismes naturels (ces substances naturelles peuvent être par exemple de l'acide pélargonique (herbicide), de l'huile de paraffine (insecticide et acaricide), des pyréthrines (insecticides), du soufre (fongicide), du sulfate de fer (destruction de mousses). En revanche, le sulfate de cuivre n'est pas classé dans la catégorie des substances naturelles, puisqu'il est issu de la chimie minérale), les PPP à faible risque composés avec des substances actives définies au niveau européen dans le R1107/2009 comme étant à faible risque (24 substances sont approuvées au 4/02/21 dont le phosphate ferrique). L'agriculture biologique (AB) peut avoir recours à des PPP mais uniquement si les substances actives sont autorisées dans le règlement européen relatif à la production biologique R889/2008 7 . Par ailleurs, tous les PPP utilisables en AB ne sont pas des produits de biocontrôle. C'est notamment le cas des produits à base de cuivre8. Cette substance figure d'ailleurs sur la liste européenne des substances candidates à la substitution9 car son usage répété sur les cultures conduit à une accumulation parfois excessive dans les sols, a des incidences sur les organismes aquatiques et aussi sur la composition des plantes10. L'agriculture biologique a aussi recours à des substances de base 11 qui peuvent notamment être utilisées comme insecticides, ou fongicides. Ces substances de base ne sont pas classées comme des PPP, tout en relevant de la réglementation communautaire. Une partie de ces PPP se retrouvent dans l'environnement (air, sol, eaux souterraines et de surface), en plus ou moins grandes quantités, avec des durées de vie très variables. « La part des produits phytopharmaceutiques appliqués n'atteignant pas leur cible, donc directement transférée dans l'air et/ou le sol, est à la fois élevée et extrêmement variable (de 10 à 90 %) selon les stades de la culture et les conditions d'application »12 . Ils peuvent aussi se retrouver dans l'alimentation, mais les denrées ne peuvent, selon la réglementation, être commercialisées que si la quantité de chaque substance active ou famille de substances est inférieure à une limite définie13 à l'échelle de l'UE pour les États membres. Toutefois, l'effet cumulatif n'est pas pris en compte et la recherche d'un éventuel effet cocktail en interactions avec d'autres molécules ne figure pas dans les évaluations préalables à l'autorisation l'approbation des substances, à l'échelle européenne, ou à la mise sur le marché des produits, à l'échelle nationale. Les impacts non désirés des pesticides dans leur ensemble (les PPP, les biocides et des médicaments vétérinaires) sont de mieux en mieux décrits et documentés : 7 Sur la santé humaine : des études scientifiques ont commencé à évoquer dans les années 1970, Règlement (CE) N° 889/2008 du 5 septembre 2008 portant modalités d'application du règlement (CE) no 834/2007 du Conseil relatif à la production biologique et à l'étiquetage des produits biologiques en ce qui concerne la production biologique, l'étiquetage et les contrôles (annexe II) 8 9 3 % des quantités de PPP vendus en France. Le cuivre (Cu) est un PPP majeur pour l'agriculture biologique Le terme "substitution" signifie remplacer les produits chimiques dangereux par des alternatives plus sûres. https://www.reach.lu/fr/substitution/ Peut-on se passer du cuivre en protection des cultures biologiques, expertise collective, INRAE, janvier 2018 L'article 23 du règlement (CE) n°1107/2009 définit les substances de base comme étant une substance qui : · n'est pas une substance préoccupante ; et · qui n'est pas intrinsèquement capable de provoquer des effets perturbateurs sur le système endocrinien, des effets neurotoxiques ou des effets immunotoxiques; et · dont la destination principale n'est pas d'être utilisée à des fins phytosanitaires, mais qui est néanmoins utile dans la protection phytosanitaire, soit directement, soit dans un produit constitué par la substance et un simple diluant; et · n'est pas mise sur le marché en tant que produit phytopharmaceutique. 10 11 Pesticides, agriculture et environnement. Réduire l'utilisation des pesticides et limiter leurs impacts environnementaux. Expertise scientifique collective, synthèse du rapport, Inra et Cemagref », Aubertot JN et al, 2005. 12 Le taux de non-conformité à la règlementation européenne s'élève à 2,3 % (pour les plans dit « de surveillance, représentatifs du marché). Le taux de non-conformité des produits soumis à contrôles renforcés à l'importation s'élève à 9,3 %. Source : https://www.economie.gouv.fr/dgccrf/controle-des-residus-pesticides-dans-denrees-vegetales-en2017 13 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 79/208 PUBLIÉ l'implication des pesticides dans la survenue de certaines maladies. Depuis, les connaissances se précisent : en 2013, l'INSERM a publié une expertise collective14 sur les pesticides dans laquelle elle met en évidence une augmentation du risque de survenue de certains cancers en lien avec les pesticides. Un certain nombre de pathologies sont alors reconnues comme maladies professionnelles15. Un fonds d'indemnisation des victimes de pesticides complète la prise en charge des réparations des dommages subis par les agriculteurs et leur famille16 ; en 2020, les scientifiques qui suivent la cohorte AGRICAN17 ont documenté l'augmentation de risques de survenue de certains cancers dans la population agricole associée à un grand nombre d'activités telles que l'application d'antiparasitaires aux animaux de rente (médicaments vétérinaires), l'enrobage des semences et la pulvérisation de PPP, ou encore la désinfection des bâtiments d'élevage (par des biocides)18 ; les substances classées comme cancérogènes probables sont retirées de la liste européenne des substances autorisées au fur et à mesure de leur réévaluation. Sur la biodiversité : la population mondiale d'insectes décroit de façon massive19 : 49,7% des disparitions seraient dues à la destruction des habitats par l'agriculture intensive, la déforestation (toujours pour l'agriculture) et l'urbanisation ; 25,8 % seraient dues à la pollution et en particulier les pesticides agricoles20. Le cas des néonicotinoïdes, substances insecticides systémiques très puissantes et largement utilisées est emblématique. Dès 1990, des inquiétudes se sont exprimées dans plusieurs pays d'Europe quant à leur possible impact, mais il revient à Mickael Henry, chercheur à l'INRAE d'Avignon, d'avoir mis en évidence la responsabilité des néonicotinoïdes dans la mortalité des abeilles, en identifiant le mécanisme de perturbation de leur sens de l'orientation 21. L'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) et l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) ont rendu de nombreux rapports et avis conduisant à une restriction massive de leur usage. L'impact sur les insectes est d'autant plus préoccupant qu'en Europe, 84% des espèces cultivées et 78% des espèces végétales sauvages dépendent, au moins en partie, des animaux pollinisateurs. Près de 15 milliards d'euros de la production agricole annuelle sont directement attribuables aux insectes pollinisateurs22. 14 15 Pesticides, effets sur la santé, Esco INSERM 2013 Plusieurs types de lymphomes sont considérés depuis 2015 comme maladies professionnelles pour les travailleurs au contact des pesticides et peuvent ainsi conduire à l'indemnisation des malades. Plus récemment le lien entre l'usage des pesticides par les agriculteurs et la survenue de cancers est reconnu à travers la mise en place d'un fonds d'indemnisation des victimes professionnelles des pesticides. Il vise à indemniser plus équitablement les exploitants agricoles, à indemniser, au titre de la solidarité nationale les exploitants agricoles retraités d'avant 2002 et les enfants exposés pendant la période prénatale du fait de l'activité professionnelle de leurs parents, qui n'étaient jusqu'ici pas éligibles aux réparations des régimes accidents du travail maladies professionnelles. Le fonds d'indemnisation a été créé par l'article 70 de la Loi de financement de la Sécurité sociale pour 2020. Sa mise en place répond à une volonté de garantir la réparation forfaitaire des dommages subis par l'ensemble des personnes concernées dont la maladie est liée à une exposition professionnelle aux pesticides. Son fonctionnement, son organisation et les modalités d'indemnisation des victimes de pesticides sont définis par le Décret N°2020-1463 du 27 novembre 2020 publié le 29 novembre 2020 16 17 18 19 http://www.inma.fr/wp-content/uploads/2020/01/AGRICAN_7fevrier2020.pdf Les agriculteurs surexposés à certains cancers, Stéphane Foucart, Le monde, 27 novembre 2020 More than 75 percent decline over 27 years in total flying insect biomass in protected areas,Caspar A. Hallmann, Martin Sorg, Eelke Jongejans, Henk Siepel, Nick Hofland, Heinz Schwan, Werner Stenmans, Andreas Müller, Pos one; octobre 2017 20 21 22 Worldwide decline of the entomofauna, Sanchez-Bayo & al., Elsivier, 2019. A Common Pesticide Decreases Foraging Success and Survival in Honey Bees. Article March 2012 Science https://www.europarl.europa.eu/news/fr/press-room/20191212IPR68921/reduire-l-utilisation-des-pesticidespour-sauver-les-abeilles Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 80/208 PUBLIÉ Vu la multiplicité des substances et de leurs dérivés, la complexité de leurs réactions potentielles et celle des interactions éventuelles avec d'autres polluants, les possibilités de rapporter les risques à une substance particulière ou à un groupe de substances s'avèrent, sauf exception, très complexes. Aussi, l'orientation politique s'est efforcée d'en raisonner l'usage et d'interdire les substances et les produits les plus à risques. C'est l'orientation de la réglementation européenne actuelle, la directive 2009/128 qui promeut la « protection intégrée des cultures » » laquelle vise « la prise en considération attentive de toutes les méthodes de protection des plantes disponibles et, par conséquent, l'intégration des mesures appropriées qui découragent le développement des populations d'organismes nuisibles et maintiennent le recours aux produits phytopharmaceutiques et à d'autres types d'interventions à des niveaux justifiés des points de vue économique et environnemental, et réduisent ou limitent au maximum les risques pour la santé humaine et l'environnement ». Figure 1: Principe de la protection intégrée des cultures : les agriculteurs 10: Principe de la protection intégrée des cultures : les agriculteurs n'utilisent des PPP chimiques que si cela s'avère nécessaire, après avoir fait le tour des méthodes préventives, physiques, biologiques ou d'autres méthodes non chimiques permettant la régulation des ennemis des cultures Ainsi le principe de la protection intégrée des cultures invite à n'user des PPP qu'en dernier recours. Mais, comme l'indique la Cour des comptes de l'UE (2020) « Bien que la Commission et les États membres encouragent la lutte intégrée contre les ennemis des cultures, celle-ci reste peu appliquée ». La chimie minérale s'est développée au XIXe siècle, fournissant de nombreux pesticides à base de sels de cuivre pour lutter contre les invasions fongiques de la vigne et de la pomme de terre. L'essor des PPP est lié au développement de la chimie organique de synthèse à partir des années 1930. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 81/208 PUBLIÉ Associé aux progrès mécaniques, à l'apport d'engrais issus de la chimie, à l'irrigation, ces PPP ont permis d'accroître fortement les rendements et ainsi de sécuriser l'approvisionnement alimentaire. Outre leur bénéfice sur les rendements, ils contribuent à la qualité sanitaire des produits en évitant leur contamination par des graines toxiques (ex. : datura) ou des mycotoxines (ex. : ergot de seigle). Leur usage s'est fortement développé pour aboutir à 76 701 tonnes en moyenne triennale 2018 en France. Figure 2: Évolution des ventes de substances actives par type d'usage. Source Dat lab, avril 2019 Au niveau européen, la France figure au premier rang pour la vente des PPP avec 84 970 tonnes 23 et le 6e si on rapporte cette consommation à la surface agricole utile (SAU), derrière l'Italie, mais avant l'Allemagne et l'Espagne : 23 Il s'agit là de la quantité vendue en 2018 et non de la moyenne triennale vue précédemment (76701 tonnes) Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 82/208 PUBLIÉ PPP SAU PPP/ SAU PPP (tonnes vendues) SAU PPP/ SAU (en (tonnes milliers ( t/1 000ha) vendues) d'ha ) (en milliers ( t/1 000ha) d'ha ) 3 523 1 920 1 486 2 633 5 030 5 288 17 357 13 414 1 938 2 947 985 3 000 4 516 132 1,47 1,3 1,14 1,01 1 0,92 0,89 0,83 0,82 0,7 0,65 0,62 0,59 0,48 Chypre Malte Pays-Bas Belgique Italie France Allemagne Espagne Slovénie Portugal Finlande Autriche Hongrie Pologne 1 184 90 9 383 6 635 132 12 1 822 1 356 8,94 7,77 5,15 4,89 4,19 2,93 2,7 2,53 2,45 2,24 2,16 1,99 1,6 1,59 54 039 12 909 84 970 29 020 44 923 16 645 61 343 24 202 1 171 8 057 4 902 5 280 8 535 478 3 591 2 272 2 654 5 344 23 157 14 540 Tchéquie Slovaquie Croatie Danemark Bulgarie Grèce Royaume-Uni Roumanie Lettonie Lituanie Estonie Suède Irlande Luxembourg 5 178 2 490 1 698 2 646 5 044 4 860 15 516 11 108 1 587 2 049 636 1 871 2 651 63 Tableau 3 : Tonnages de PPP dans l'UE en 2018 (source : Eurostat) Le classement 2018 ne préjuge en rien du classement 2019 car les quantités vendues en France ont fortement diminuées (les statistiques européennes pour 2019 sont encore incomplètes). Le recours toujours plus massif à ces produits bon marché en regard du gain de productivité et de leur efficacité certaine, a conduit les agriculteurs, dans le contexte de la PAC, à systématiser leur utilisation comme assurance de rendement. Cela s'est fait au détriment de pratiques agronomiques plus respectueuses de l'environnement et de la biodiversité, avec pour conséquence l'apparition de résistances et une dégradation de l'environnement comme en témoigne la pollution des eaux par les pesticides. Il faut reconnaître que les alternatives aux PPP ne présentent pas aujourd'hui les mêmes ratios coûts/avantages. Elles supposent une combinaison de différentes techniques à visée prophylactique (usage de variétés résistantes, pratiques agronomiques, utilisation d'auxiliaires de culture) et à visée curative (lutte mécanique, biocontrôle et plantes de service), qui doivent être adaptées à chaque situation particulière. Le résultat est plus aléatoire que l'usage d'un PPP. Le coût de mise en oeuvre est généralement plus élevé. C'est par exemple le cas du glyphosate, herbicide total et systémique, dont la facilité d'usage et son coût très compétitif (environ 7 à l'hectare) l'ont hissé au premier rang des herbicides dans le monde et en France (8 831 tonnes vendues en 2017). Dans le cadre du plan de sortie du glyphosate, l'INRAE a étudié les conséquences de sa suppression. En conclusion de leur étude sur les grandes cultures, les auteurs indiquent « Dans la grande majorité des situations, nous avons pu calculer un surcoût en comparant chaque parcelle avec une parcelle sans glyphosate. Dans le scénario de référence, les surcoûts obtenus varient proches de 80 /ha pour les situations en semis direct à 6,5/ha pour les situations en labour fréquent. On identifie des cas de parcelles en semis direct (en général appartenant à de grandes exploitations sur sols superficiels et/ou caillouteux) pour lesquelles on ne trouve pas de parcelles aux caractéristiques semblables qui n'utilisent pas de glyphosate et on identifie des situations difficiles engendrées par un faible nombre de jours disponibles pour intervenir mécaniquement (sols argileux ou hydromorphes). Enfin ce travail, du fait la méthodologie retenue, ne traite pas de la question de la transition entre pratiques et des coûts et difficultés spécifiques de cette transition, et a contrario ne mobilisent pas non plus les éléments de progrès agronomique qui pourront Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 83/208 PUBLIÉ être mis en place (couverts végétaux complexes, agroéquipements) »24. La France s'est donné un objectif quantitatif de réduction de 50% de l'usage des PPP, dans un délai de 10 ans, bien qu'assorti de deux réserves : le « si possible » et la nécessité « de maintenir le revenu des exploitations agricoles ainsi qu'une production agricole élevée, adaptée aux demandes du marché ». En complément du retrait des substances les plus préoccupantes, la réduction du recours aux produits phytopharmaceutiques est considérée comme étant « le moyen le plus efficace pour réduire l'exposition de la population et de l'environnement face à ces produits dangereux » 25. La stratégie de cette politique publique a été assez constante dans le temps. Les axes portent principalement sur les outils de persuasion et de promotion de bonnes pratiques en zone agricole. Le volet réglementaire a été activé en zone non agricole pour y interdire l'usage de PPP autres que de biocontrôle dès 201426 avec effet au 1er janvier 2020 puis modifié pour une application en 2017 et enfin renforcé en janvier 2021 par extension des lieux concernés. Il est aussi activé à travers la réglementation des produits phytosanitaires qui par exemple restreint les conditions d'usages à proximité des lieux abritant des personnes vulnérables, ou en interdit certains. Alternatives au glyphosate en grandes cultures, Evaluation économique, Résumé exécutif, Carpentier A., Fadhuile A., Roignant M., Blanck M., Reboud X., Jacquet F., Huyghe C. 24 L'INRAE a conduit quatre analyses pour étudier l'impact de l'interdiction du glyphosate. Toutes les solutions alternatives à mettre en oeuvre présentent des inconvénients en termes d'efficacité (par exemple : le débit de chantier avec un désherbeur mécanique est moindre que le passage d'un pulvérisateur et donc nécessite plus de travail là où la main d'oeuvre est déjà difficile à trouver), de rentabilité et au final une perte de l'excédent brut d'exploitation (EBE) pour un travail augmenté. Hors agriculture, Réseau ferré de France a chiffré à 110M annuel le coût du basculement du glyphosate vers d'autres produits chimiques. 25 26 Plan Écophyto 2018 Loi n° 2014-110 du 6 février 2014 visant à mieux encadrer l'utilisation des produits phytosanitaires sur le territoire national (loi Labbé) Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 84/208 PUBLIÉ Tableau 2: D'un plan à l'autre continuité des objectifs et des axes Pour ce faire, le programme porte essentiellement sur les mesures suivantes : la sélection des fermes pilotes pour démontrer que les baisses d'usage sont possibles sans perte économique pour l'agriculteur. Elle mise sur le « regard par-dessus la haie » pour que les pratiques identifiées percolent dans l'ensemble de la profession. Le réseau DEPHY voit ainsi le jour ; la mise à disposition de tous les agriculteurs d'un outil d'information objectif sur la santé des productions : le bulletin sanitaire du végétal (BSV). La diffusion d'une situation factuelle sans préconisation de traitement est censée déclencher de bonnes pratiques : ne pas traiter en l'absence de risque avéré, mais en présence d'un risque identifié, déclencher une visite au champ et s'assurer d'un risque réel avant de décider le traitement ; la mobilisation la recherche et la formation, pour identifier, inventer et promouvoir les alternatives les plus efficaces. D'autres actions notamment réglementaires peuvent être mises en oeuvre au titre du plan. Les plans d'action nationaux imposés par la directive 2009/128 doivent fixer des objectifs quantitatifs, des cibles, des mesures, des calendriers et des indicateurs en vue de réduire les risques et les effets de l'utilisation des pesticides sur la santé humaine et l'environnement. Mais l'objectif de réduction de l'usage des PPP n'est pas quantifié globalement par l'UE. « Sur les 15 plans nationaux communiqués à la Commission au 31 mars 2019, 13 pays27 se concentrent sur la réduction des risques, tandis que la France et le Luxembourg se concentrent sur la réduction globale de la consommation comme moyen de réduire les risques » 28. Le Luxembourg a fixé un objectif de réduction de l'utilisation des PPP de 50 % d'ici 2030. Il paraît toutefois difficile de mettre sur le même plan la France et ses 29 M d'ha de surface agricole utile (SAU) et le Luxembourg qui dispose de seulement 132 000 ha et, est déjà le plus faible consommateur de PPP de l'UE et dont le revenu par habitant est le plus élevé de l'UE. Autriche, Belgique, République tchèque, Chypre, Danemark, Finlande, Irlande, Lituanie, Malte, Pologne, Portugal, Slovénie et Espagne 27 Rapport de la Commission au Parlement européen et au Conseil sur l'expérience acquise par les États membres dans la mise en oeuvre des objectifs nationaux fixés dans leurs plans d'action nationaux et sur les progrès réalisés dans la mise en oeuvre de la directive 2009/128/CE sur une utilisation des pesticides compatible, 20 mai 2020. https://ec.europa.eu/food/plant/pesticides/sustainable_use_pesticides_en 28 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 85/208 PUBLIÉ La Cour des comptes européenne constate de son côté des insuffisances dans la fixation des objectifs par les États membres (EM) et par l'UE pour suivre les effets et les risques et mesurer les conséquences des politiques mises en oeuvre « notre examen de 18 plans d'action nationaux révisés a montré que 12 d'entre eux comprennent des objectifs quantitatifs et des cibles concernant des actions concrètes ou la conformité aux règles. Peu d'entre eux (2 sur 18) disposent d'objectifs globaux et quantifiés ou de cibles visant à réduire l'utilisation des PPP ou les risques y relatifs », les 2 indicateurs de risques harmonisés définis après la publication de la directive29, l'un sur les statistiques de vente, l'autre sur les procédures d'autorisation d'urgence dites « dérogations 120 jours » 30 seraient scientifiquement discutables. La Cour estime de toute façon que l'indicateur de risques sur les ventes ne « montre pas dans quelle mesure la directive a permis d'atteindre l'objectif de l'UE en matière d'utilisation durable des PPP ». Son constat peut probablement être étendu à l'indicateur national français (cf. 1.2) construit lui aussi sur les ventes. La Cour recommande de tenir compte pour l'indicateur basé sur les ventes de l'utilisation qui est faite des PPP et pour celui sur les dérogations des surfaces agricoles concernées et des volumes de substances actives. Le 20 mai 2020, dans le cadre de la stratégie « de la ferme à la table », la Commission a déclaré qu'elle « prendra des mesures supplémentaires pour réduire l'utilisation et le risque globaux des pesticides chimiques de 50 % et l'utilisation des pesticides plus dangereux de 50 % d'ici à 2030 ». Des incertitudes demeurent sur cette intention et sa traduction pratique. Cette annonce est une vision à long terme qui couvre toute la chaîne alimentaire et laisse la place aux discussions pour assurer une acceptabilité maximale de toutes les parties. Les objectifs chiffrés ne sont pas gravés dans le marbre et le 50% reste à négocier (ce 50% est d'ailleurs entre crochets dans le tableau ci-dessous. De plus, la réduction de 50% ne semble concerner que les PPP chimiques à risque et les PPP à haut risque, alors que ces 2 notions ne sont actuellement pas définies par les diverses réglementations UE. 29 Directive 30 (UE) 2019/782 de la Commission du 15 mai 2019 modifiant la directive 2009/128/CE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne l'établissement d'indicateurs de risques harmonisés. Le premier est basé sur les quantités de produits phytopharmaceutiques vendues dans chaque État membre, tandis que le second s'appuie sur le nombre d'autorisations d'urgence délivrées au titre de l'article 53 du règlement (CE) nº 1107/2009 par chaque État membre. Les deux indicateurs prévoient une pondération afin de tenir compte des propriétés dangereuses intrinsèques de la substance active. https://agriculture.gouv.fr/reduction-des-pesticides-les-indicateurs-de-risque-harmonises-etablis-au-niveaueuropeen. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 86/208 PUBLIÉ Tableau 4: Extrait de la présentation de Pierre BASCOU, DG AGRI, Commission européenne à l'Académie d'agriculture, le 13 janvier Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 87/208 PUBLIÉ La quantité totale de substances actives (QSA) est un indicateur relativement simple à calculer. Elle est d'ailleurs retenue à l'échelle européenne pour suivre les politiques publiques relatives à l'usage durable des produits phytopharmaceutiques. Elle est calculée à partir des données de ventes enregistrées dans la BNVD1. Les données sur les quantités réellement appliquées sur le terrain sont réglementairement consignées par les agriculteurs dans leur « carnet de plaine », mais ces données privées ne sont pas accessibles pour le pilotage du plan Écophyto sauf à travers des enquêtes de pratiques culturales ponctuelles. Figure 1 : évolution des ventes de substances actives. Source : FB, SDES, 2020 La QSA est disponible sur data.gouv au niveau des départements (ventes) et des communes (achats). Il présente l'inconvénient de ne pas prendre en compte l'effet dose. En effet, pour maîtriser l'oïdium sur vigne par exemple, un producteur peut employer un PPP demandant une dose de plusieurs kilogrammes par hectare, ou bien un autre PPP à quelques grammes par hectare : les produits qui s'utilisent à des doses élevées à l'hectare comme le soufre (pourtant un produit « naturel ») représentent une part importante de la QSA totale. Les produits très efficaces, mais utilisés à dose très La banque nationale des ventes de produits phytopharmaceutiques par les distributeurs agréés est alimentée depuis 2009 par les déclarations des bilans annuels des ventes de produits phytosanitaires (https://bnvd.ineris.fr/). Les données saisies par les distributeurs en quantités de produits vendus sont ainsi transformées en quantités de substances actives grâce à un référentiel de données fournissant la composition de produits. 1 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 88/208 PUBLIÉ faible comme certains insecticides n'influent qu'à la marge. Pour ce motif, la QSA n'est pas l'indicateur principal du plan Écophyto 20182, qui lui a été préféré le nombre de doses unité (NODU) pour éliminer ce biais. Le nombre de doses unité (NODU) est un indicateur complexe. Il fait intervenir en plus de la QSA, les usages des produits PPP et les surfaces potentiellement traitées, à travers une dose unité (DU) exprimée en kg/ha. Il peut être calculé pour différents segments d'utilisation3, mais le NODU qui sert de référence pour le plan Écophyto est le NODU Il est comme la QSA calculé à partir des ventes de PPP, et non de leur usage. Ainsi, le NODU permet de tenir compte des poids très différents entre les substances actives en les exprimant sous la forme d'un nombre d'applications. Le NODU est une grandeur qui s'exprime en hectares. Il correspond au cumul des hectares que les quantités vendues permettent de traiter par une dose unité de substance active. Rapporté à la surface agricole utile, le NODU permet d'apprécier le niveau calculé d'intensité d'utilisation des produits phytopharmaceutiques. Il peut être décliné notamment en fonction de la cible (insecticide, herbicide, fongicide). La note de suivi 2018-2019 publiée en janvier 20204 indique un NODU de 126 millions équivalents ha, soit 6,5 traitements à pleine dose 5 sur l'ensemble de la SAU hors prairie permanente, mais incluant la SAU de l'agriculture biologique. Le respect de l'objectif initial (- 50%) aurait supposé d'atteindre en 2018 un NODU à 44 millions d'ha soit 4,6 traitements pleine dose sur l'ensemble de la SAU. En revanche, il n'existe pas de possibilité de déclinaison de cet indicateur à une échelle plus fine que le niveau national si bien que les agriculteurs volontaires utilisent un autre outil : l'indicateur de fréquence de traitement (IFT). L'IFT comptabilise les quantités de PPP (normalisées à travers leur dose homologuée standard) pour une culture donnée. Il représente le nombre de doses de référence utilisées par hectare au cours d'une campagne culturale. Cet indicateur peut être calculé pour un ensemble de parcelles, une exploitation ou un territoire. Il peut également être décliné par grandes catégories de produits (herbicides ; fongicides ; insecticides et acaricides ; autres produits). Le NODU présente l'avantage de prendre en compte les concentrations des PPP et les doses auxquelles ils peuvent être appliqués sur les cultures (doses homologuées). Le biais lié aux poids relatifs des substances (celles pondéreuses efficaces à fortes doses à l'hectare versus des substances efficaces à des doses très faibles) est ainsi annihilé. Il a l'inconvénient de varier en fonction de l'évolution des paramètres entrant dans son calcul, en 2 Extrait du plan Écophyto : Suivre annuellement l'usage des pesticides sur l'ensemble des surfaces cultivées L'efficacité des actions mises en place pour atteindre l'objectif de diminution de moitié de l'utilisation des pesticides peut être mesurée grâce à l'évaluation de leur pression quantitative, mesurée grâce aux données recueillies conformément au point 1,1, éventuellement lissées selon une méthode définie en associant les parties prenantes. Une batterie d'indicateurs de pression sera donc définie, et l'indicateur de référence, le NODU, permettra de montrer aux citoyens l'effort accompli. · usages agricoles classiques ou foliaires, hors produits de traitement de semences et hors produits de biocontrôle : contient tous les produits ayant uniquement des usages autorisés agricoles (comprend également les usages pour le traitement post récolte en vue de leur conservation). 3 · usages non agricoles amateurs : contient tous les produits comportant la mention « emploi autorisé dans les jardins » · usages non agricoles professionnels : contient tous les produits n'ayant que des usages autorisés non agricoles et ne comportant pas la mention « emploi autorisé dans les jardins » 4 5 https://agriculture.gouv.fr/le-plan-Écophyto -qu'est-ce-que-c'est Les 126 M d'ha sont rapportés à 19,6 M d'ha de SAU hors prairies permanentes (Pour 2008, les 88,9 M d'ha de NODU sont rapportés à 19,4 M d'ha de SAU hors prairies permanentes). Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 89/208 PUBLIÉ particulier, les quantités utilisées lesquelles sont fonction de la pression parasitaire de l'année et des surfaces traitées qui varient selon l'assolement6. On peut aussi s'interroger sur les conséquences du retrait de molécules les plus préoccupantes (CMR1 et CMR2) qui pourraient conduire paradoxalement à augmenter le NODU du fait de la multiplication des traitements de substitution. Les Doses unités ne sont pas calculées pour les produits d'enrobage de semences (tel que les néonicotinoïdes) si bien que le NODU agricole ne comporte pas ces produits. Les produits de biocontrôle7 sont suivis à travers la QSA des PPP de biocontrôle vendue et déclarée8, le soufre représentant 66% du total. A contrario, les produits utilisables en AB qui n'entrent pas dans la catégorie de biocontrôle sont pris en compte dans le NODU. C'est le cas du cuivre. La QSA ne peut donc traduire une amélioration de la protection de l'environnement ou de la santé puisque sa construction ne comporte pas de pondération entre les PPP au regard du risque pour la santé humaine (profil toxicologique) et pour l'environnement (profil écotoxicologique). Le NODU corrige partiellement ce défaut à travers les DU (basées sur les doses homologuées déterminées pour minimiser les risques) mais insuffisamment. Le Danemark a introduit dans son propre indicateur trois sous-indicateurs pour la santé humaine, l'écotoxicologie et le devenir dans l'environnement qui permettent de mieux prendre en considération les risques réels des PPP9. Usage des pesticides en agriculture : effets des changements d'usage des sols sur les variations de l'indicateur NODU, NESE n° 39, Avril 2015, Nicolas Urruty, Jean Boiffin, Hervé Guyomard, Tanguy Deveaud 6 Les agents de biocontrôle regroupent des macro-organismes et des produits phytopharmaceutiques comprenant des micro-organismes, des médiateurs chimiques comme les phéromones et les kairomones et des substances naturelles d'origine végétale, animale ou minérale. Leur spécificité est liée à leur caractère naturel ou leur mode d'action reposant sur des mécanismes naturels. Les produits phytopharmaceutiques de biocontrôle sont, comme les autres produits phytopharmaceutiques, autorisés à l'issue d'une évaluation complète des risques pour la santé humaine, la santé animale et l'environnement et conforme aux exigences européennes. Ils figurent sur la liste établie par le ministère chargé de l'agriculture au titre des articles L.253-5 et L.253-7 du code rural et de la pêche maritime. (https://agriculture.gouv.fr/quest-ce-que-le-biocontrole 7 8 9 Ces substances non soumises à la redevance des pollutions diffuses pourraient être sous déclarées par les vendeurs ¨Pesticide Load--A new Danish pesticide risk indicator with multiple applications. Kudsk, P., Jørgensen, L.N., Ørum, J.E., 2018. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 90/208 PUBLIÉ Le NODU agricole évolue tendanciellement à la hausse (+20% entre 2009 et 2017). Il a particulièrement cru en 2018 en lien avec les augmentations d'achats anticipant la hausse significative de la redevance sur les pollutions diffuses qui affecte ces produits en 2019. Figure 2 : Evolution du NODU agricole. Source note de suivi 2018-2019 Le NODU 2019 n'est pas encore publié, mais s'il suit les évolutions des QSA annoncées10, il devrait baisser. La figure 3 montre l'écart important entre le NODU agricole constaté et les objectifs même réévalués des plans Écophyto. 10 https://agriculture.gouv.fr/en-2019-baisse-sensible-des-ventes-des-produits-phytosanitaires Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 91/208 PUBLIÉ Figure 3 : Évolution du NODU agricole (Source : origine des données MAA, d'après la BNVD) Par ailleurs, la disponibilité tardive de cet indicateur (le NODU 2019 n'était pas connu de la mission en mars 2021) nuit à l'ajustement des politiques mises en oeuvre. L'évolution du NODU agricole répond à de multiples facteurs, si bien qu'elle ne suffit pas à traduire les effets d'une politique publique, sauf exception comme vu ci-dessus avec l'anticipation de l'augmentation de la redevance. Ainsi, des résultats positifs en matière de réduction des risques ne sont pas toujours perçus par l'opinion publique comme des avancées du plan : la suppression régulière des molécules les plus dangereuses soit à la suite du nonrenouvellement par l'Europe de la substance active soit par décision française (cf.1.3.1) réduit concrètement le risque ; la suppression d'usage et de vente, par voie réglementaire, des PPP hors les PPP de biocontrôle pour les jardiniers amateurs au 1er janvier 2019 après les restrictions imposées aux professionnels au 1er janvier 201711, a permis de réduire le NODU de ce segment de manière drastique, montrant à cette occasion l'efficacité 12 de la voie réglementaire, quand elle est La loi Labbé modifiée interdit à partir du 01/01/2017 aux personnes publiques d'utiliser/faire utiliser des produits phytosanitaires pour l'entretien des espaces verts, forêts, promenades et voiries (sauf pour des raisons de sécurité...) accessibles ou ouverts au public. Au 1er janvier 2019, l'interdiction s'étend aux particuliers qui ne peuvent plus utiliser ou détenir de produits phytosanitaires sauf ceux de biocontrôle, à faibles risques et autorisés sont interdits à la vente. L'arrêté du 15 janvier 2021 relatif aux mesures de protection des personnes lors de l'utilisation de produits phytopharmaceutiques dans les propriétés privées, les lieux fréquentés par le public et dans les lieux à usage collectif et modifiant l'arrêté du 4 mai 2017 relatif à la mise sur le marché et à l'utilisation des produits phytopharmaceutiques et de leurs adjuvants visés à l'article L. 253-1 du code rural et de la pêche maritime, est venu compléter ces interdictions 11 L'efficacité est appréhendée à travers la baisse de l'indicateur choisi : celui des PPP vendus. La source d'approvisionnement étant tarie, l'absence effective d'utilisation devrait suivre mais le risque d'usage des stocks audelà de la date d'interdiction demeure. 12 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 92/208 PUBLIÉ possible ; Figure 4 : Évolution du NODU en zone non agricole (source: Écophyto note de suivi 2018-2019, janvier 2020) le développement de l'agriculture biologique (AB)13 : Le nombre d'exploitations engagées en agriculture biologique a augmenté de 13% entre 2017 et 2018 pour atteindre 41 600 exploitations fin 2018 et 8,5% de la SAU. Ces surfaces recevant un minimum de PPP, et lorsque nécessaire seulement ceux autorisés en AB contribuent massivement à la réduction du risque (exception faite des conséquences de l'usage des PPP à base de cuivre), ce qui justifie leur soutien financier par Écophyto. 2004 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 Nombre d'opérateurs ayant une activité certifiée de production Surfaces en mode de production biologique (ha) 11 070 25 468 26 465 28 884 32 266 36 691 41 623 47 196 534 086 1 069 883 1 117 980 1 314 164 1 540 128 1 746 486 1 981 853 2 241 345 Pa rt des s urfa ces en mode de production bi o da ns l a SAU Pa rt des expl oi tations bi o da ns l 'ens embl e des expl oi tations a gri col es 1,94% 3,96% 4,14% 4,88% 5,70% 6,46% 7,34% 8,31% 1,78% 5,34% 5,79% 6,33% 7,09% 8,06% 9,14% 10,36% Tableau 1 : Évolution des exploitations et surfaces en AB. Source : Agence BIO / OC, Agreste 2019 13 la progression importante des produits de biocontrôle (+20% entre 2017 et 2018) témoigne L'agriculture biologique fait partie des méthodes de lutte contre les ennemis des cultures à faible apport en pesticides prônées par la Directive Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 93/208 PUBLIÉ d'une utilisation qui s'intensifie. La mise à disposition d'une offre qui se développe grâce à un fort engagement de l'État matérialisé avec la publication d'une stratégie nationale de déploiement en novembre 202014. Cet engagement est reconnu par les professionnels :« Avec les Pays-Bas, la France est le pays qui recourt le plus aux produits de biocontrôle »15 ;, La France est aussi engagée pour faire évoluer le règlement 1107/2009 visant une meilleure sécurité sanitaire, et soutenir le développement de solutions alternatives en particulier celui des substances de base16. Autant d'avancées qui pâtissent de l'évolution défavorable du NODU alors qu'elles portent en elles une réelle diminution de l'impact des PPP sur la santé et l'environnement. Le site gouvernemental https://agriculture.gouv.fr/ecophyto (tout comme le site ECOPHYTO PIC, centre de ressources sur la Protection Intégrée des Cultures, pourtant subventionné par le programme Écophyto) fournit un certain nombre d'informations sur le plan, mais les indicateurs disponibles ayant un rapport avec la réduction des PPP ne sont pas mis en valeur voire même peu accessibles. Quatre notes de suivi du plan de 30 à 50 pages rendent compte de la politique Écophyto entre 2016 et 2020 17 , mais les actions présentées sont dénuées d'indicateurs de suivi, et celles financées par le programme ne disposent ni d'indicateurs d'objectifs ni d'indicateurs d'impact18. À titre d'exemple, dans l'annexe du rapport interministériel sur l'utilisation des produits phytopharmaceutiques de 2017 19 , il était suggéré d'actualiser l'indicateur de risque de santé et sécurité au travail (ISST)20 au motif que « des substances non incluses dans « le Top 15 » de 2011, ont pu voir leur tonnage de vente fortement augmenter, par effet de substitution à une substance retirée, et avoir ainsi un indicateur ISST fortement augmenté ». Cet indicateur ne semble pas avoir été mis à jour. Ainsi, malgré les efforts déployés lors du premier plan, Écophyto n'est toujours pas doté d'indicateurs d'impacts qui prendraient en compte la santé des agriculteurs et des personnes exposées aux PPP, les effets sur la biodiversité (et plus particulièrement les insectes et les oiseaux) ou la qualité de l'eau. 14 15 Stratégie nationale de déploiement du biocontrôle, novembre 2020 https://www.usinenouvelle.com/article/la-france-en-pointe-sur-le-biocontrole-une-solution-qui-monte-poursortir-des-pesticides.N1000869 16 Note des autorités françaises à la présidence du Conseil de l'Union européenne : projet de conclusions du Conseil sur le rapport de la Commission au Parlement européen et au Conseil sur l'évaluation du règlement (CE) n°1107/2009 sur la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et du règlement (CE) n° 396/2005 concernant les teneurs maximales en résidus de pesticides, 13 octobre 2020 ; Note des autorités françaises à la Commission européenne : Encadrement réglementaire des substances de base du 25 novembre 2020. 17 https://agriculture.gouv.fr/le-plan-Écophyto-quest-ce-que-cest 18 D'autres 19 20 risques inhérents à un moindre recours aux PPP devraient aussi être pris en compte dans un souci de cohérence, telle que l'augmentation du risque lié aux mycotoxines lorsque l'on réduit l'usage des PPP Rapport CGAAER/IGAS/CGEDD Utilisation des produits phytopharmaceutiques, décembre 2017 Cet indicateur élaboré par l'ANSES vise à permettre de suivre dans le temps et de façon globale l'évolution de l'impact de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques sur la santé des travailleurs Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 94/208 PUBLIÉ Progressivement le plan a été doté d'une boîte à outils assez complète, voire complexe, mais le bilan de la mise en oeuvre des actions réalisées montre qu'aucune des actions n'a constitué le levier espéré de massification des bonnes pratiques en zone agricole. La réglementation sur les produits : des marges de manoeuvre limitées du fait de la réglementation européenne sur les substances actives Le règlement 1107/2009 1en précise les modalités d'évaluation et d'autorisation. Les États membres ont la responsabilité des autorisations et retraits de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques contenant ces substances. L'autorisation des produits phytopharmaceutiques se fait après qu'une évaluation scientifique a montré que leur utilisation n'a aucun effet nocif sur la santé humaine ou animale ni aucun effet inacceptable sur l'environnement. Celleci prend en compte la connaissance des substances actives, les conditions d'application et les conséquences sur la santé et l'environnement et l'efficacité des produits pour les usages proposés par le demandeur de l'autorisation de mise sur le marché (AMM). Ces règles d'autorisation sont définies par des lignes directrices fixées au niveau européen. Toutefois, l'effet cumulatif de l'usage de nombreuses substances n'est pas encore pris en compte dans les évaluations. Chaque État membre garde la capacité d'appliquer des conditions plus restrictives liées aux conditions techniques, pédologiques ou climatiques. Ils délivrent les autorisations de mise sur le marché (AMM) des PPP contenant une ou plusieurs substances autorisées. Cette réglementation laisse peu de marges de manoeuvre aux États membres pour interdire sur leur territoire des produits contenant des substances autorisées 2 . Il faut démontrer qu'il existe des solutions alternatives satisfaisant à des conditions cumulatives très exigeantes, prévues par l'article 50 du règlement, pour pouvoir les interdire. Le cas récent du glyphosate démontre toute la complexité du processus à mettre en oeuvre3. La réglementation européenne restreint de plus en plus le nombre de substances actives approuvées et la réglementation nationale les produits autorisés, qui sont en nette diminution : respectivement 24% et -46% depuis 2008. Ils ont été retirés car ne répondant plus à un ou plusieurs des critères requis précisés à l'article 4 du règlement n° 1107/2009. En 2018 et 2019, 38 substances ont été retirées4. Règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/CEE et 91/414/CEE du Conseil. 1 2 Rapport CGAAER/IGAS/CGEDD Utilisation des produits phytopharmaceutiques, décembre 2017. 3https://www.anses.fr/fr/content/glyphosate-l%E2%80%99anses-publie-les-r%C3%A9sultats-de- son-%C3%A9valuation-comparative-avec-les-alternatives. 4 Note de suivi Écophyto 208 2019 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 95/208 PUBLIÉ Figure 1 : Évolution du nombre de substances actives et de produits autorisés en France entre 2008 et 2019. Source : ANSES La part des substances « cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction » (les CMR1 (caractère avéré ou présumé) et les CMR2 (caractère suspecté) sont en diminution : Figure 2 : part des substances « cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction » dans le NODU usage agricole. Source : note de suivi Écophyto 2018-2019 La formation et l'information des professionnels ont été dès le départ un axe clé du plan. Des actions majeures ont été mises en place pour former à la réduction et sécuriser l'usage des PPP : Initié avec le premier plan, le dispositif Certiphyto, certification individuelle obligatoire, depuis l'applicateur au distributeur, pour pouvoir acheter ou vendre des PPP, est maintenant mature. La formation initiale de 14 h pour les agriculteurs avec un contenu adapté et sans cesse renouvelé aborde les questions réglementaires, la santé, les alternatives aux produits phytopharmaceutiques. La délivrance du premier certificat est basée sur un QCM avec des questions aléatoires issues d'une base de données très riche. Après 10 ans, les agriculteurs détenteurs des premiers certificats renouvellent leur formation sur une base de 7 h, mais sans QCM5. L'évaluation réelle des connaissances est probablement moins bien appréhendée. En 5 Moins de la moitié des agriculteurs initiaux demandent ce renouvellement. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 96/208 PUBLIÉ tout cas, leur bonne application terrain peut être interrogée lorsque l'on regarde les résultats des contrôles ; A partir du 1er janvier 2020, un conseil stratégique à l'utilisation de PPP, individualisé qui doit orienter au mieux l'agriculteur pour réduire sa consommation de produits phytopharmaceutiques : tout professionnel devra être en mesure de justifier de la délivrance de deux conseils par période de 5 ans. Ce dispositif justifie la séparation capitalistique entre vente/ conseil 6 pour prévenir tout risque de conflit d'intérêts qui pourrait résulter de la coexistence des deux activités dans une même entreprise. Les agriculteurs devront justifier à partir de 2023 de ce conseil pour accéder au Certiphyto. Il est donc probable que le bénéfice de cette obligation ne se traduise pas immédiatement en économie de PPP. De plus, la mission s'interroge sur la portée de ce conseil s'il ne concerne que la question des PPP et n'aborde pas de façon très approfondie l'ensemble des choix techniques, économiques et sociaux de l'exploitation, qui déterminent largement l'usage des PPP ; Les lycées agricoles ont développé, depuis 2014, dans le cadre du projet agroenvironnemental le projet « produire autrement » qui contribue à diffuser les méthodes alternatives au tout chimique aux jeunes en formation. Sur une proposition inscrite dans un rapport de l'INRA7 puis développée dans un rapport conjoint IGFCGEDD-CGAAER8, le dispositif de certificat d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) a été inscrit dans Écophyto 2 dont il se veut une action majeure. Institué à titre expérimental en 2015, ce dispositif transpose les principes des certificats d'économie d'énergie à celui des produits phytopharmaceutiques. Il s'agit de faire promouvoir des solutions alternatives par ceux-là mêmes qui vendent ou prescrivent l'usage de PPP. L'arrêté ministériel du 27 avril 2017 définit la méthodologie d'évaluation des solutions alternatives dénommées « actions standardisées d'économie de produits phytopharmaceutiques » ouvrant droit à des certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP). Cette évaluation est confiée à un groupe d'expertise présidé par le directeur scientifique « agriculture » de l'INRAE. Chaque action, en fonction de 3 critères (effet sur la réduction d'usage d'impact, potentiel et facilité de déploiement, bilan économique), donne droit à un certain nombre d'équivalences en CEPP. La mise en oeuvre de ces CEPP doit logiquement se traduire par une baisse du NODU. Les vendeurs se voient attribuer un objectif en termes de certificats calculé en fonction d'une référence de leurs ventes de PPP exprimée en NODU. En avril 2019, l'expérimentation a été généralisée sans avoir fait l'objet de l'évaluation initialement prévue. De plus, la pénalité financière (5 par certificat manquant) que devaient acquitter les vendeurs a été supprimée. À partir de 2021, les entreprises de vente et les conseillers stratégiques de métropole ont l'obligation Ordonnance no 2019-361 du 24 avril 2019 relative à l'indépendance des activités de conseil à l'utilisation des produits phytopharmaceutiques et au dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques, prise en application de la loi n°2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous. 6 Le projet agro-écologique : Vers des agricultures doublement performantes pour concilier compétitivité et respect de l'environnement. Marion Guillou, Hervé Guyomard, Christian Huyghe, Jean-Louis Peyraud, mai 2013 7 8 Préfiguration de la mise en oeuvre des CEPP, mission d'appui, mars 2014 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 97/208 PUBLIÉ de promouvoir l'équivalent de 20% de leurs ventes de PPP9 soit 16,6 Millions de CEPP. Les Outre-mer ne seront soumises à ces obligations qu'en 2023, pour prendre en compte la spécificité de leurs territoires, comme le préconisait un rapport CGAAER/CGEDD10. Fin décembre 2020, 68 fiches standardisées sont disponibles pour atteindre cet objectif. Les leviers concernent la mise en oeuvre de nouvelles pratiques agronomiques comme l'association de cultures, l'utilisation de variétés résistantes ou tolérantes aux maladies, l'abonnement à des outils d'aide à la décision, le recours à des méthodes alternatives, dont les produits de biocontrôle et des actions permettant de réduire les quantités utilisées telles que le recours à des équipements performants. Des travaux sur d'autres actions comme une valorisation de la diversification et le HVE sont en cours de réflexion pour étendre les possibilités de valoriser les bonnes pratiques en matière de réduction des usages. Le succès est fortement dépendant de l'implication des distributeurs des PPP pour inclure, dans leur stratégie, la valorisation des solutions qui réduisent la vente des produits dont ils tirent un bénéfice. Le nombre de CEPP a progressé entre 2017 et 2019, mais n'atteint que 15% de l'objectif alors que le nombre de fiches standardisées a presque doublé pour arriver à 55 fin 201911 . 28 fiches standardisées ont enrichi les possibilités en 2020. Figure 3 : répartition des actions par levier. Source bilan CEPP 2019 Cette obligation est calculée sur la base des ventes de produits phytopharmaceutiques déclarées à la « banque nationale des ventes réalisées par les distributeurs de produits phytosanitaires » (BNV-D) sur 5 ans. 9 Les quantités déclarées de produits sont converties en nombre de doses. Une moyenne des ventes exprimée en doses unités est ensuite réalisée en excluant l'année au cours de laquelle les ventes ont été les plus faibles et l'année au cours de laquelle elles ont été les plus élevées. L'obligation de réalisation d'actions, fixée en nombre de certificats, est égale à 20 % de cette moyenne. Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-mer, Rapport CGEDD n° 012594-01, CGAAER n° 18133, juin 2019. 10 11 https://alim.agriculture.gouv.fr/cepp/content/ap_fiches_action (site consulté le 26/02/21) Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 98/208 PUBLIÉ Ce dispositif ne fait pas consensus. Certains dénoncent une « usine à gaz franco-française »12, d'autres y voient un potentiel très prometteur pour réduire l'usage des produits phytopharmaceutiques. Nombre d'interlocuteurs rencontrés, rejoignant la position du député Dominique Potier13, estiment que sa portée a été fortement amoindrie dès lors que les sanctions financières pour non-réalisation des objectifs, qui étaient un signal particulièrement fort, ont été supprimées par le parlement. Les services de l'État et de ses opérateurs assurent le contrôle du bon usage des PPP. La multiplication des réglementations se heurte à des difficultés pratiques. Les règles sont nombreuses (celles relatives aux produits, aux pulvérisateurs et aux conditions d'épandage en fonction des heures et conditions climatiques, mais aussi des distances par rapport aux habitations) et les moyens humains sont limités. En 2019, les services régionaux de l'alimentation (SRAL) des directions régionales de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt (DRAAF) ont réalisé 6500 inspections dont près de 3500 chez les agriculteurs bénéficiaires des aides de la PAC. Ces contrôles révèlent que près de 20% des exploitants ont encore des pulvérisateurs non conformes et que près de 15% détiennent des PPP sans AMM valide. Une centaine de procès-verbaux ont été dressés, avec des suites variables sans que l'on dispose à ce stade des suites données par les procureurs de la République. Le faible nombre de contrôles en ce domaine (chaque année seulement 1% des bénéficiaires des aides de la PAC) est faible. Les agriculteurs contrôlés disposent d'un délai de 4 mois pour mettre en conformité le matériel et échapper ainsi à des sanctions financières. La Cour des Comptes européenne relève que le contrôle de la protection intégrée des cultures est déficient : « en France, les inspections dans le domaine des PPP portent sur l'utilisation de méthodes et d'outils de surveillance et consistent à examiner si les agriculteurs utilisent des PPP biologiques et des méthodes visant à réduire l'utilisation des PPP chimiques, mais aucune sanction n'a été définie en cas de non-conformité ». L'agriculteur de bonne foi peut certes se retrouver en non-conformité en regard de règles cumulatives et nombreuses, mais celui de mauvaise foi peut compter sur la faiblesse de la probabilité d'un contrôle, et la probabilité encore plus faible qu'une sanction soit prise et mise en oeuvre14. Le ministère de l'agriculture et de l'alimentation (MAA) a prévu de nouvelles dispositions pour améliorer l'efficacité des contrôles, en meilleure adéquation avec les exigences de la directive 2009/128 CE (modification de l'article D.256-13 du CRPM, enregistrement obligatoire des pulvérisateurs, classification des pulvérisateurs selon leur performance agro-environnementale, en vue d'une labellisation). L'incidence de ces mesures sur le NODU n'est pas chiffrée. Ainsi la fréquence et la portée des contrôles ne sont que faiblement dissuasives. L'usine à gaz des CEPP expliquée en 3 minutes, https://www.youtube.com/channel/UCxooxCiflBsJJ3PnGRg69jA 12 13 agriculture et environnement, avril 2017 Le député Dominique Potier, qui a préfiguré le plan Écophyto 2 a indiqué le 22 mai 2019 qu'il formait un recours pour excès de pouvoir contre l'ordonnance du 24 avril 2019 dans la mesure où « A contrario des engagements exprimés à plusieurs reprises dans l'hémicycle, l'ordonnance, en supprimant toute sanction, renonce de fait aux CEPP, sans que cela ait fait l'objet d'un débat par le Parlement ». Ces éléments sur l'activité des services spécialisés des DRAAF, les SRAL, figurent dans un rapport du CGAAER « 7 DRAAF, 5 ans après la réforme de 2015 » en attente de publication. 14 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 99/208 PUBLIÉ Dès Écophyto 2018, un dispositif d'accompagnement des agriculteurs pour adopter des pratiques économes en intrants a été mis en place. Il est dénommé DEPHY (pour Démontrer Expérimenter et Produire des références sur les systèmes économes en pHYtosanitaires). Il se compose d'un réseau de fermes de démonstration et d'un réseau d'expérimentation coordonnés localement et nationalement, et d'un système d'information (AGROSYST) Figure 4 : les acteurs du réseau DEPHY. Source : Vers un plan stratégique pluriannuel pour le réseau DEPHY, CAN, mai 2018 Ce dispositif phare est le mieux doté du programme Écophyto au niveau national (15 M annuel). Des résultats significatifs obtenus pour des agriculteurs motivés et accompagnés Le réseau fermes a démontré l'existence de solutions pour réduire l'usage des PPP15, affichant des baisses de l'Indice de fréquence de traitement (IFT) qualifiées de significatives dans les filières de production de : 15 Le réseau DEPHY FERME, 3 000 agriculteurs engagés dans la réduction des phytos, Écophyto, Novembre 2018. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 100/208 PUBLIÉ 14% dans la filière grandes cultures polyculture-élevage, 17% dans la filière viticulture 25% dans la filière arboriculture, 37% dans la filière cultures tropicales 38% dans la filière légumes, 43% dans la filière horticulture Ces résultats sont calculés entre les IFT initiaux à l'entrée dans le réseau et l'IFT moyen calculé sur les années 2015-2016-2017. Des travaux de recherche tendent à confirmer qu'un accompagnement des agriculteurs entraîne effectivement une baisse des IFT16 sans avoir nécessairement de baisse sur la rentabilité17. Dans cette étude, ils estiment que le programme génère une réduction de l'usage des PPP de 8 à 20%, pour un coût annuel de 150/ha. Mais ces résultats peuvent apparaître décevants : ils ne sont obtenus que sur certaines cultures et pas forcément à l'échelle de toute l'exploitation, et ces moyennes sont toutes inférieures à l'objectif assigné d'une réduction d'usage de 50%. De plus, ces pratiques culturales économes en intrants ont été obtenues par un accompagnement très important (1/2 ingénieur par groupe de 10 à 12 fermes). Elles peinent à essaimer auprès l'ensemble des agriculteurs (cf. § suivant). Des objectifs antagonistes donnés au réseau, les activités qui sont demandées aux ingénieurs et l'absence de plan stratégique en seraient les causes. De plus, la démultiplication du réseau n'a été pensée que sous la forme d'une diffusion « par-dessus la haie »18 alors que les dimensions territoriales et économiques constituent des freins aux développements de pratiques innovantes. L'enregistrement des données dans la base unique Agrosyst constitue un gisement d'informations précieuses19, mais qui reste peu exploitée. Ces résultats, chez quelques agriculteurs motivés et accompagnés et qui ne concernent qu'une partie de leur production, sont bien insuffisants au regard de l'objectif général de -50% de réduction de l'usage des PPP. Aussi, la DGPE a entrepris dès 2019 une consultation20, pour établir un plan stratégique et faire évoluer le système DEPHY à la faveur de l'échéance du cycle actuel, en décembre 2021. La nécessité de pérenniser l'outil fait consensus au sein du réseau21 car il : « constitue une base fondatrice permettant d'assumer politiquement et techniquement le plan ; répond aux besoins de connaissances encore importants pour rechercher et documenter les solutions vers la baisse des phytos ; répond à un besoin de capitalisation et de transmission des savoirs et expériences sur la manière d'accompagner les agriculteurs dans le changement ». 16 Providing technical assistance to peer networks to reduce pesticide use in Europe: Evidence from the French Écophyto plan Margaux Lapierre, Alexandre Sauquet, Subervie Julie Hal, 2019 V2 17 Le plan Écophyto de réduction d'usage des pesticides en France : décryptage d'un échec et raisons d'espérer, Guichard et al, EDP Sciences, 2017 18 Le SI Agrosyst est néanmoins perfectible. Beaucoup d'informations sont inexploitées, d'autres font cruellement défaut (ex données économiques). Les données manquent de « généricité » 19 Réflexion stratégique Dephy 2019-2020, Synthèse de la concertation et premières orientations, Version du 21/02/2020, projet transmis aux membres du CS Dephy. 20 21 MTE, MAA, OFB, Instituts techniques, ONG, APCA, CRA, INRAE, CNRS, Terre Innovia, ONVAR Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 101/208 PUBLIÉ L'outil doit cependant évoluer pour sortir du couple agriculteur/conseiller, faire participer des filières et territoires ; plusieurs pistes sont évoquées dont celle de laboratoires d'innovation territoriale. La production de références visant la reconception des systèmes est considérée comme fondamentale ; deux axes de travail se dégagent l'un pour caractériser les systèmes à bas intrants et qualifier leur transférabilité et l'autre pour caractériser des systèmes moins performants pour identifier les leviers et les freins. Sur les bases de ce travail, un nouvel appel à candidature a été lancé en janvier 2021 pour renouveler le réseau22avec des exploitations explicitement engagées dans les principes de la protection intégrée des cultures. L'animation des fermes DEPHY souffre d'une insuffisante articulation avec le conseil agricole La mission souhaite ici mettre l'accent sur les ingénieurs réseaux dont 54 % relèvent des chambres d'agriculture, leur lien avec les conseillers et la formation de ces derniers, sujets fréquemment abordés lors des auditions. Les modalités de financements de DEPHY conduisent à recruter des ingénieurs réseaux en CDD. Ces postes sont pourvus en général par de jeunes ingénieurs et leur taux de rotation est particulièrement élevé (22% annuel en moyenne annuelle). Il conduit à renouveler quasiment ¼ du réseau tous les ans. Leur formation est chronophage pour le réseau. L'implication des conseillers « traditionnels » en place pour promouvoir dans la mise en oeuvre des objectifs du plan Écophyto est, d'après plusieurs témoignages, jugée trop faible. Ce n'est que très récemment qu'a été initié un plan de formation des conseillers des chambres d'agriculture pour accompagner les agriculteurs dans le diagnostic stratégique à l'utilisation des PPP (150 conseillers formés à ce jour). Et les chambres d'agriculture, opérateurs de l'État, ont inscrit les formations de leurs conseillers dans un calendrier avec un pas de temps qui semble être de cinq ans, ce qui paraît encore très long pour une politique prioritaire du gouvernement engagée depuis maintenant plus de 10 ans et dans laquelle elles ont revendiqué un rôle leader. D'autres acteurs peuvent aussi s'emparer de ce conseil 23 . En l'absence de référentiel de compétences, il n'y a aucune garantie sur la qualité du conseil délivré. Or, nombre de nos interlocuteurs estiment absolument nécessaire de faire monter en compétences l'ensemble des conseillers si on veut obtenir des résultats. Ces facteurs prennent leur part dans les origines d'un manque de massification des acquis de DEPHY auprès de la population générale des agriculteurs. Finalement, bien que la DGPE en prolonge l'expérience (nouvel appel à candidatures paru le 20 janvier 2021), le bilan objectif de cette action emblématique du plan Écophyto, les fermes DEPHY, reste à faire. En recrutant des chefs d'exploitation volontaires et motivés, et en les accompagnant par des conseillers dédiés, le plan et le programme national Écophyto ont démontré des éléments de faisabilité de l'objectif de réduction de 50% des PPP. Mais les résultats obtenus ne permettent en aucun cas de démontrer que cette réduction est faisable partout, et elle n'a pas suffi à entraîner derrière elle la majorité des agriculteurs dans une trajectoire de réduction forte de l'usage des PPP. C'est l'ambition d'une action nouvelle définie avec Écophyto 2 : le réseau 30.000. 22 23 Instruction technique DGPE/SDPE/2021-5525/01/2021 Conseiller autrement l'utilisation des pesticides pour produire autrement, rapport CGAAER 13057, juin 2013 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 102/208 PUBLIÉ En 2014, le rapport Potier a proposé de faire rayonner les fermes DEPHY. Dans la droite ligne du projet agroécologique pour la France 24 , le plan Écophyto 2 a repris l'idée de développer un dispositif spécifique d'accompagnement vers la réduction des PPP. L'objectif est de diffuser les résultats des fermes DEPHY et de passer à une application concrète à plus grande échelle. Cette démarche concerne des collectifs d'agriculteurs autour d'un projet de réduction des PPP, qui sont alors accompagnés pour la mise en oeuvre. Il visait l'adhésion de 30 000 agriculteurs en 2021, soit environ 8 à 10% des exploitations, un seuil audelà duquel la diffusion « par-dessus la haie » serait naturelle25. Le financement est prévu sur la part de la redevance pour pollutions diffuses régionale et a représenté 9 M d'AE et 3,5 M de CP en 2019. L'outil n'est pas très différencié de celui des Groupements d'intérêt économique et environnemental (GIEE) lancés en 201526. D'ailleurs, les appels à projets annuels sont communs depuis début 201927 bien que les sources de financement soient différentes (CASDAR par les DRAAF pour les GIEE et RPD par les agences de l'eau pour les 30 000). La disparité des taux d'aide entre les 2deux dispositifs (jusqu'à 80% pour les GIEE, mais limité à 50% pour les 30 000) et leur variabilité selon les agences de l'eau en complique l'articulation et la mise en oeuvre. Elle peut en outre orienter le choix des agriculteurs. Il serait opportun de poursuivre la convergence et d'opérer une fusion opérationnelle commune au moins sur tout le territoire métropolitain, comme le comité des financeurs de la région Haut de France l'a initié. Considérant que 50% des GIEE ont comme orientation première le thème des PPP, qu'une réduction significative des PPP suppose la mobilisation de pratiques agroécologiques, et que la réduction des PPP doit concerner tous les agriculteurs, le maintien de ces deux dispositifs interroge. Ceci est d'autant plus vrai qu'avec seulement 6000 agriculteurs en 5 ans (2016-2020), le résultat des groupes 30 000 est loin d'être atteint et est même considéré comme un échec pour bon nombre de nos interlocuteurs. Quand bien même les 30 000 exploitations aidées et les 3000 fermes DEPHY arriveraient à réduire de 50% leur consommation, leur poids dans l'ensemble des exploitations agricoles (7%), resterait limité et le résultat conduirait à une réduction pour l'ensemble des exploitations de l'ordre de 4 % (en faisant l'hypothèse que les surfaces des exploitations engagées soient représentatives de la moyenne de la Ferme France). Figure 5 : Évolution du nombre d'agriculteurs engagés. Source : Direction générale de la 24 25 Projet agro-écologique pour la France, Stéphane Le Foll, 2012 « Une telle mesure permettra d'atteindre la taille critique à partir de laquelle la suite du processus de transformation de l'agriculture française se fera par des mécanismes plus classiques de « diffusion par-dessus la haie ». Rapport de Dominique Potier Groupements d'agriculteurs qui s'engagent dans un projet de modification ou de consolidation de leurs pratiques en visant à la fois des objectifs économiques, environnementaux et sociaux. 26 27 Voir à titre d'exemple: https://draaf.hauts-de-france.agriculture.gouv.fr/Appel-a-projets-Emergence-et-mise Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 103/208 PUBLIÉ Performance économique et environnementale des entreprises (MAA) Le nombre d'agriculteurs engagés dans ces dispositifs reste trop modeste, 12 ans après le lancement du plan. Le bulletin sanitaire du végétal (BSV) est un bulletin gratuit pour ses lecteurs qui présente de façon « neutre » l'état sanitaire des cultures. Il est le produit de sortie d'un vaste réseau d'épidémiosurveillance constitué par des observations hebdomadaires sur 15 000 parcelles de cultures et piloté par les chambres régionales d'agriculture, avec des contributions de nombreux partenaires et des agriculteurs. Le ministère de l'Agriculture a initié la surveillance de la santé des cultures dès 1941 et produit des avertissements agricoles jusqu'en 2010. En 2005, constatant que d'autres acteurs fournissaient également ce service, et sous la pression d`une réduction des moyens de l'État, il a commencé à envisager le transfert de cette activité, encouragé par la directive 2009/128, laquelle prévoit que les États « établissent ou soutiennent la création des conditions nécessaires à la mise en oeuvre de la lutte intégrée contre les ennemis des cultures. Ils s'assurent en particulier que les utilisateurs professionnels aient à leur disposition l'information et les outils de surveillance des ennemis des cultures et de prise de décision, ainsi que des services de conseil sur la lutte intégrée contre les ennemis des cultures ». En mettant en avant que la surveillance est une stratégie efficace pour raisonner les itinéraires techniques de protection des végétaux et peut permettre de réduire l'usage des pesticides 28 ,. le ministère chargé de l'agriculture a pu justifier de transférer le financement de cette mission sur le programme Écophyto et en confier l'organisation à l'APCA. La Direction générale de l'alimentation pilote cette action et organise l'animation régionale dont la mise en oeuvre effective est confiée aux chambres régionales de l'agriculture, avec le concours de nombreux partenaires. Écophyto 2008-2018 prévoit ainsi la mise en place d'une organisation partenariale permettant le transfert systématique des informations par le réseau d'épidémiosurveillance vers le système d'information mutualisé. La diffusion des données traitées est réalisée sous la forme de « bulletins de santé du végétal » et gratuitement mis à disposition du public notamment des agriculteurs. Écophyto 2 et 2+ ajustent l'objectif avec l'amélioration du BSV qui devient une action de l'axe 1 « changement des pratiques ». Ce réseau fait l'objet de suggestion d'améliorations. Pour la DGAl, le réseau doit mieux contribuer à la surveillance des organismes nuisibles réglementés et émergents. Selon L. Guichard28, « faire du BSV un outil au service de la réduction d'usage impliquerait un réseau de surveillance différent, dont l'échantillon de parcelles serait choisi pour explorer et suivre une diversité de situations agronomiques, à même d'induire des pressions de bioagresseurs différentes, qu'il viserait à expliquer ». Un très récent rapport CGAAER/CGEDD29 dresse un panorama particulièrement étoffé de ce dispositif, de ses avantages, mais aussi des réorientations à opérer. Au titre des avantages, cet outil est une composante indispensable du dispositif plus large de la surveillance biologique du territoire. Il permet de soutenir les exportations pour apporter les garanties sanitaires requises dans les pays tiers pour des organismes nuisibles non réglementés, la surveillance des organismes réglementés étant exercée Guichard L, Dedieu F, Jeuffroy M-H, Meynard J-M, Reau R, Savini I. 2017. Le plan Écophyto de réduction d'usage des pesticides en France : décryptage d'un échec et raisons d'espérer. Cah. Agric. 26: 14002. 28 Le réseau d'épidémiosurveillance financé par le plan Écophyto : Réorientations à opérer. Rapport CGEDD n° 01257701, CGAAER n° 18129, Décembre 2019 29 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 104/208 PUBLIÉ par les services de l'État. Toutefois, il n'est pas possible d'établir un lien de causalité entre l'existence du BSV et l'évolution des usages des produits phytopharmaceutiques. Il n'existe pas d'indicateurs d'impact permettant de juger de son efficacité. De plus, les BSV couvrent essentiellement les ravageurs et les maladies, mais très peu les adventices alors que les herbicides représentent plus de 40% du NODU. En conséquence, son intérêt est affirmé, mais tout en préconisant des améliorations dans le fonctionnement technique et la gouvernance, les auteurs recommandent de revoir les modalités de son financement. À court terme, ils suggèrent qu'une part des crédits soit gérée au niveau national au bénéfice d'actions d'ampleur nationale et, à moyen terme, de rechercher d'autres sources de financements. Pour celles-ci, ils évoquent la possibilité de rendre cette mission obligatoire par les chambres d'agriculture et les instituts techniques, ou encore de mettre à contribution des exportateurs via l'augmentation de la redevance sanitaire. L'APCA estime quant à elle que cette surveillance est de la responsabilité de l'État et que s'il leur revenait d'assurer cette surveillance, il faudrait « le facturer aux agriculteurs ». Depuis le premier plan Écophyto, la nécessité de développer la connaissance fondamentale et appliquée pour identifier des alternatives aux PPP est bien identifiée et constitue un des axes importants du plan. Une recherche de plus en plus fondamentale ? Son intitulé a changé au cours du temps, comme l'a montré le tableau 1 : le plan de 2006 affichait la nécessité de renforcer la connaissance sur les impacts des PPP. En 2008, Écophyto 1 met l'accent sur les innovations dans la conception et la mise au point des itinéraires techniques ou systèmes de culture économes en PPP. Écophyto 2 et 2+ souhaitent amplifier les efforts de recherche, développement et innovation : cette évolution sémantique semble montrer qu'on se pose des questions de plus en plus fondamentales ! La prise de conscience que la réduction des PPP pose des questions de recherche, et pas seulement de transfert et de diffusion d'innovations matures, s'est traduite dans le rapport Potier (2014) à l'origine du plan Écophyto 2 (2015) qui ouvre sa gouvernance aux deux ministères chargés de la recherche et de la santé. Écophyto 2+ permet également d'apporter de la visibilité plus globale. Les enjeux des PPP sont ainsi insérés explicitement dans la stratégie nationale de la recherche, qui définit les priorités nationales que l'ANR, qui dispose des crédits, attribue par appel à projets. L'INRAE, organisme de recherche finalisé sur les questions d'agriculture, d'alimentation et d'environnement, mais aussi le CNRS et l'INSERM et quelques universités et écoles sont depuis longtemps engagés dans des travaux de recherche sur les PPP et leurs alternatives. Avec un budget annuel de près d'1Md dont 75% de subvention pour charge de service public, l'INRAE a des possibilités importantes de mobilisation sur ces sujets qui sont au coeur de sa mission statutaire. Il entretient ainsi au long cours plusieurs dispositifs expérimentaux bas intrants, en élevage, grandes cultures ou arboriculture, pour certains d'entre eux depuis plus de 40 ans, et joue un rôle clé dans le pilotage scientifique du plan Écophyto, en même temps qu'il est un des premiers bénéficiaires des actions financées par le programme sur l'axe 2 recherche du plan. Des financements Écophyto complémentaires des autres sources de financement ? Pour la période récente, la réduction des PPP fait également l'objet de plusieurs types de financements dédiés. Dans le cadre de la stratégie nationale de la recherche, un montant de 30 M a été attribué (hors Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 105/208 PUBLIÉ programme Écophyto), sur le programme des investissements d'avenir, pour le programme prioritaire de recherche « Cultiver et protéger autrement » porté par l'Inra et l'ANR. L'INRAE (ainsi que l'ACTA et l'APCA pour certains projets) est également impliqué dans plusieurs projets de recherche européens retenus dans le cadre du programme H2020 : H2020 IPMWorks vise la mise en place d'un réseau européen de démonstration sur le modèle des fermes DEPHY ; ReMIX cherche à promouvoir les cultures associées (5M sur 4 ans) ; DiverIMPACTS s'intéresse à la diversification des cultures et la mobilisation des acteurs, notamment par des approches agronomiques, mais aussi de sciences économiques et sociales. D'autres sources de financement sont également mobilisées, notamment le CASDAR. Par ailleurs, l'ANR a lancé un premier appel à projets « Écophyto-Maturation » orienté biocontrôle et outils d'aide à la décision, avec des projets déjà assez avancés (TRL30 de 5). Un deuxième appel est en cours sur « les leviers mobilisables pour une transition vers un changement de systèmes » Il vise des projets d'un TRL de 3 ou 4, à amener à un TRL 5 en fin de projet. Ces AAP sont financés sur le programme national. La dynamique de la mobilisation est ainsi en train de changer d'échelle : alors que 16,3 M de crédits Écophyto avaient été mobilisés entre 2009 et 2016 pour 220 projets labellisés, soit environ 2M/an, 5,3 M ont été mobilisés en 2017 pour 36 projets, et à nouveau 7,5 M en 2018-2019. Et la maquette 2020 prévoit 7 M sur cet axe 2, dont 0,5 d'actions structurantes. Finalement, on peut s'interroger sur ces évolutions qui peuvent paraître paradoxales par rapport à la trajectoire initiale : Alors que le plan initial était fondé sur l'idée qu'il suffirait d'identifier les innovations et d'aider leur diffusion, les modifications du plan l'ont progressivement orienté sur des questions plus fondamentales et amont, justifiant une augmentation de la part du programme consacrée à ces travaux ; Parallèlement, l'UE, avec le programme européen H2020, et la France, avec sa stratégie nationale de la recherche, ont intégré explicitement les enjeux de la réduction des PPP, et ont commencé depuis 3 ans à mobiliser des financements beaucoup plus importants que ceux qui étaient possibles avec le programme Écophyto et/ou le CASDAR. Ce constat est rassurant : des équipes plus nombreuses, avec davantage de moyens, sont mobilisées sur les enjeux dont la difficulté avait manifestement été sous-estimée. Mais il est aussi inquiétant : la recherche a des temporalités longues, et donc la part des ressources du programme Écophyto qui est affectée à ces actions risque de n'avoir que des impacts assez faibles sur la durée prévue du plan : alors que le plan peine à atteindre ses objectifs, une partie significative de ses rares financements dédiés est utilisée pour financer des projets dont l'impact probable est au-delà des échéances du plan ! On peut aussi considérer que le programme Écophyto a permis d'initier ou de soutenir, on pourrait dire amorcer, des travaux de recherche qui devraient désormais trouver leurs moyens de financement dans les canaux ordinaires, notamment via l'Agence nationale pour la recherche (ANR). Ces ressources du programme pourraient ainsi, le cas échéant, être progressivement redéployées vers d'autres actions. L'échelle TRL (Technology readiness level) évalue le niveau de maturité d'une technologie jusqu'à son intégration dans un système complet et son industrialisation. Elle compte 9 niveaux, depuis l'observation des principes de base (1) jusqu'à la validation du système dans un environnement réel (9). Un niveau 5 correspond à une validation de la technologie en environnement représentatif. 30 https://www.cea.fr/multimedia/Documents/infographies/Defis-du-CEA-infographie-echelle-trl.pdf Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 106/208 PUBLIÉ Cette orientation pourrait être différenciée selon la maturité sur l'échelle TRL, l'actuel AAP ÉcophytoMaturation, de TRL élevé, pouvant constituer un modèle sur lequel le programme pourrait se concentrer. Les agroéquipements (matériel de précision, matériel pour l'épandage ou encore matériel de substitution à l'usage de PPP) sont un levier majeur pour atteindre l'objectif de réduction de l'utilisation, des risques et des impacts des produits phytopharmaceutiques. Pour favoriser l'investissement des agriculteurs, le programme Écophyto 2 subventionne sur la part régionale du matériel performant sur les plans économique, environnemental et social tout en renforçant le contrôle des pulvérisateurs. Plus des 2/3 de l'enveloppe régionale d'Écophyto y sont consacrés. Depuis mai 2020, un dispositif national complémentaire de 30 millions d'euros est mobilisé pour renforcer la protection des riverains et accompagner les agriculteurs « dans la mise en place de zones de non-traitement à accompagner les agriculteurs qui investissent dans des matériels permettant de limiter les distances de traitement et de mettre en place des itinéraires techniques plus économes en produits phytosanitaires ». Dans le cadre du plan de relance, 215 millions d'euros sont consacrés aux aides à la conversion vers des équipements permettant de réduire l'usage des intrants : buses permettant de réduire la dérive, équipements d'application des produits phytopharmaceutiques permettant de réduire la dérive de pulvérisation, certains équipements de substitution à l'usage de produits phytopharmaceutiques, matériel de précision, ainsi que les matériels bénéficiant de la labellisation « Performance Pulvé ». En contrepartie de l'aide, l'exploitant s'engage notamment à « retirer un ancien matériel ». Ce plan a rencontré un véritable succès : lancé le 4 janvier 2021, plus de 14 000 demandes ont été déposées moins d'un mois plus tard entraînant la fermeture du guichet. Près de 75 % des demandes portent sur du matériel de substitution (matériel de désherbage mécanique par exemple) et 1,4% seulement sur du matériel de pulvérisation. Dans ces conditions, la poursuite du financement de ces outils via le programme Écophyto régional est clairement questionnée. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 107/208 PUBLIÉ Cette annexe est la version détaillée de la section 2.2, relative aux leviers du plan Écophyto. Elle cherche à identifier et décrire les conditions d'emploi des actions susceptibles de contribuer de manière efficace et efficiente aux objectifs fixés par le plan Écophyto, en s'appuyant sur des travaux théoriques et les compte-rendu d'observations disponibles, en France et en Europe. La mission s'est en particulier appuyée sur plusieurs travaux de synthèse récemment publiés (notamment Lee & alii, 2019) 1 . Cette annexe suppose que la plus grande partie des solutions alternatives aux PPP sont disponibles dans la plupart des situations de production (Lechenet & alii, 2017) 23 , mais que leur diffusion se heurte à l'organisation du marché (idem) ou à des effets de « verrouillage sociotechnique » (Guichard & alii, 2017) 4 . L'action doit donc viser l'agriculture, mais aussi ses fournisseurs et clients, idéalement jusqu'au consommateur, et en prenant en compte l'ensemble des enjeux et externalités, dans une approche à la fois One Health, incorporant la biodiversité et les enjeux de santé, et de la ferme à la fourchette (Möhring, 2020)5. Quatre groupes d'actions, persuasion, segmentation, incitation et réglementation, sont ici distingués, sur une échelle de contrainte croissante : La communication, le conseil et l'animation de réseau cherchent à persuader les acteurs d'abandonner les pratiques intensives en PPP (levier 1) ; La labellisation sur une base volontaire des pratiques économes en PPP, permet de les distinguer des pratiques plus intensives en PPP (levier 2) ; La politique incitative, fiscale notamment, agit sur l'ensemble des acteurs, mais sans les contraindre (levier 3) ; La réglementation, associée à la PAC, limite les possibilités d'usage des produits ou encadre les pratiques (levier 4). Depuis 2008, le plan Écophyto a conduit des actions relevant de ces quatre groupes, mais pour l'instant sans succès apparent, à l'exception de l'essor encore limité mais incontestable de l'AB. Nous détaillerons à quelles conditions elles peuvent pourtant contribuer à (et devenir des leviers de) la massification de pratiques de réduction de l'usage des PPP, restées pour l'instant trop confidentielles, de manière à se donner toutes les chances d'atteindre dans un délai de 10 ans une réduction de 50% de l'usage des PPP. Nous verrons également, en dernière section, comment ces leviers peuvent être combinés ou être utilisés de manière alternative. Notamment : Assessment of policy instruments for pesticide use reduction in Europe; Learning from a systematic literature review, Rhiannon Lee, Roos den Uyl, Hens Runhaar, Crop Protection 11 Volume 126, December 2019, 104929. Cet article, dont les conclusions sont résumées plus bas, est intéressant mais il a le défaut de ne retenir que les leviers touchant directement les agriculteurs. 2 Reducing pesticide use while preserving crop productivity and profitability on arable farms, Martin Lechenet, Fabrice Dessaint, Guillaume Py, David Makowski & Nicolas Munier-Jolain, Nature Plants volume 3, Article number: 17008 (2017) 3 Le plan Écophyto de réduction d'usage des pesticides en France : décryptage d'un échec et raisons d'espérer, Laurence Guichard, François Dedieu, Marie-Hélène Jeuffroy, Jean-Marc Meynard, Raymond Reau, Isabelle Savin, Cahiers de l'agriculture n°26, 2017 4 Pathways for advancing pesticide policies, Niklas Möhring, Karin Ingold, Per Kudsk, Fabrice Martin-Laurent, Urs Niggli, Michael Siegrist, Bruno Studer, Achim Walter & Robert Finger, Nature Food volume 1, pages 535­540(2020) 5 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 108/208 PUBLIÉ Levier 1 : La persuasion, un « levier » qui s'avère insuffisant Le plan se donne un objectif quantitatif (non impératif, sous conditions) de réduction de l'utilisation des PPP : c'est en première approche un moyen simple de tracer une perspective commune, et d'engager chacun à y participer. Moins 50%, pour qui ? Mais, l'objectif est en réalité une contrainte quantitative assez arbitraire, avec un objectif défini « en moyenne » et dont chacun peut se sentir exonéré dans son activité propre, ce qui ne forme pas dans la durée une perspective positive fédératrice des énergies. Par exemple pourquoi ceux (exploitants, filières) qui font depuis longtemps des efforts seraient-ils encore autant concernés par cet objectif de réduction de 50% que ceux qui, dans la même période, ont augmenté leur recours aux PPP ? Un objectif non de baisse de l'usage moyen, mais de réduction des usages intensifs, pourrait ainsi paraître plus judicieux. De surcroît la déclinaison régionale et sectorielle de l'objectif est calculée ex-post, mais n'est pas pilotée par des cibles ex ante, avec des responsables déconcentrés bien identifiés et ayant la main sur les leviers (l'analyse des feuilles de route régionales du plan Écophyto a confirmé ce constat6). Finalement l'objectif de réduction de 50% des PPP apparaît ainsi comme l'expression d'un souhait, mais qui n'a pas de valeur persuasive pour ceux qui ne veulent pas la recevoir, et qui n'est pas décliné de manière opérationnelle. Piloter par les risques ? Au contraire, les autres pays audités par la Cour des comptes de l'UE (2020), à l'exception du Luxembourg, ont choisi de piloter leur plan par les risques des PPP et non pas par les quantités. Cette exception française est-elle tenable dans la durée ? La motivation du plan est l'existence de risques majeurs liés à l'usage des PPP, comme vu en première partie du rapport, et rappelé par une décision du Conseil d'État. Les études sur l'effondrement de la biodiversité (dans les sols, insectes, oiseaux) et sur la dégradation de la qualité de l'eau sont nombreuses, mais ne sont qu'exceptionnellement prises en compte pour justifier les actions du plan Écophyto, et les enjeux relatifs à la santé humaine encore moins. Les sinistres liés à la survenance des risques ne sont pas suffisamment décrits7. On pourrait prendre l'exemple des actions pour réduire les accidents de la route ou la tabagie : les réussites indéniables de ces plans, chiffrés en nombre de victimes potentielles épargnées, ont permis de réduire les risques dans des proportions supérieures aux objectifs d'Écophyto. En termes économiques, l'enjeu collectif du plan ­ pas seulement pour les agriculteurs, mais pour l'ensemble de la société -, on pourrait dire son « sens8 », est d'estimer et prendre en compte, pour les réduire ou les compenser 9 , l'ensemble des « externalités » positives 10 et négatives générées par l'utilisation des PPP et des autres produits biocides aux effets comparables. Certes les PPP sont soumis 6 7 Analyse des feuilles de route Écophyto régionales par la mission Bisch (été 2020) Ainsi l'expertise collective menée par l'INSERM en 2013, et dont l'actualisation était annoncée depuis plusieurs mois, n'établit pas de risques par substances ou produits. Le sens de l'action publique tel que perçu et ressenti par ceux dont leur succès dépend est une question clé. On peut lire par exemple la philosophe Corine PELLUCHON « Réparons le monde », Rivages poche, 2020 8 Ainsi un nouveau plan « Chlordécone » vient d'être annoncé, pour un montant de plus de 90 M pour les seuls départements de la Martinique et de la Guadeloupe. On peut aisément extrapoler le coût d'un éventuel sinistre d'État (il a été reconnu responsable) s'il concernait un produit plus largement utilisé, par exemple sur les pommes et non les bananes. 9 10 Comme la réduction du nombre des moustiques et aux autres insectes porteurs de maladies très répandues. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 109/208 PUBLIÉ à AMM, et depuis peu les biocides, mais une approche par les risques conduirait à mener de front des actions sur l'ensemble des pratiques conduisant aux mêmes risques, et permettrait d'arrêter de stigmatiser le seul monde agricole. Donner les ordres de grandeur À chaque publication du NODU ou des QSA surgit une polémique sur le sens des indicateurs, et sur l'interprétation légitime à leur évolution. Les externalités négatives des PPP sont certes multiples et difficiles à quantifier, mais les ordres de grandeur des impacts des PPP sont bien supérieurs au produit actuel de la taxe sur les pollutions diffuses, et même au chiffre d'affaires de l'industrie des PPP. Encadré : quelques ordres de grandeurs monétaires sur les risques liés aux pesticides Pour la France, une étude souvent citée de 201111 a estimé les coûts liés à la seule pollution de l'eau potable par les pesticides « entre 260 et 360M par an » soit le même ordre de grandeur que celui de la pollution de l'eau par les engrais azotés. 12 Un deuxième ordre de grandeur est fixé par cette étude : le coût de traitement des apports annuels de pesticides aux eaux de surface et côtières se situerait dans une fourchette de 4,4 à 14,8 milliards d'euros, alors que la mise aux normes de potabilité des eaux souterraines est estimée entre 32 et 105 milliards d'13. Ces montants sont très importants, mais ils concernent seulement le traitement de l'eau. Ils n'intègrent pas l'impact des pesticides sur la biodiversité.14 L'étude dirigée par Bernard Chevassus-au-Louis il y a déjà plus de dix ans (2009)15 a donné des ordres de grandeur de la valeur de la biodiversité, notamment emblématique, et celle des « services écosystémiques » qu'elle permet. Alors que la biodiversité s'effondre, on peut penser que sa valeur augmente. Le coût des maladies et de la diminution de l'espérance de vie lié aux PPP ne semble pas non plus avoir été estimé, d'autant que certains effets de PPP, notamment les effets perturbateurs endocriniens et toxiques de la reproduction, sont diffus et à long terme. Mais là encore, on dispose de quelques ordres de grandeur. Ainsi, Bayer a annoncé 10,9 Md$, près de 5 fois le chiffre d'affaires annuel des PPP en France, pour indemniser les plaignants américains dans 100.000 litiges relatifs au Roundup©, soit environ 100.000 d'indemnité par plaignant. Les PPP sont devenus un sujet de controverse et un marqueur culturel et sociétal 11 « Coûts des principales pollutions agricoles de l'eau », Bommelaer et Devaux, études et documents n°52, CGDD, septembre 2011 12 « Les pollutions par les engrais azotés et les produits phytosanitaires : coûts et solutions » études et documents n°136, CGEDD, décembre 2015 13 Par ailleurs le coût de dépollution pour les nitrates est chiffré à 490/742 Md par cette étude. 14 Selon Bommelaer et Devaux (2011) l'hypothèse retenue pour les pesticides est que les traitements de potabilisation visent un abaissement moyen en concentration de 1 µg par litre. Ceci revient à devoir traiter 1 million de m3 d'eau contaminée pour en retirer 1 kilogramme de pesticides. On peut alors déduire des coûts unitaires précédents (fournis par le Commission eau potable de l'ASTEE et par l'étude de l'Agence de l'eau SeineNormandie de 2008) la fourchette des coûts d'élimination d'un kilogramme de pesticide, est comprise entre 60 000 et 200 000 . Or si 76.000 tonnes de substances actives sont utilisées chaque année, 74 tonnes se retrouvent dilués dans les eaux des rivières et écoulés des nappes à la mer. Le coût de traitement de ces apports annuels de pesticides aux eaux de surface et côtières se situerait dans une fourchette de 4,4 à 14,8 Md. 15 « Approche économique de la biodiversité et des services liés aux écosystèmes » centre d'analyse stratégique, avril 2009 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 110/208 PUBLIÉ En France, comme dans de nombreux pays, la presse se fait désormais régulièrement l'écho du long combat d'agriculteurs ou de leurs proches pour faire reconnaître le caractère professionnel de leur maladie et la responsabilité de certains produits 16 , mais loin de présenter une synthèse des connaissances scientifiques sur une question, il s'agit souvent de construire un scénario de confrontation pour alimenter une controverse, parfois exposée dans les médias avant de l'être au sein même de la communauté scientifique17. Faute d'indicateurs d'impact au sein du plan Écophyto, chaque acteur garde la possibilité de tirer dans le hasard de ses rencontres, ou de son expérience personnelle et sensible, les éléments qui viendront conforter sa position. Par ailleurs, pour certains, la puissance des quelques firmes internationales qui produisent et vendent la plus grande part des PPP est grande et contribue à alimenter un sentiment de complot, où l'État apparaît parfois en situation de faiblesse face à l'influence de ces groupes et lobby. Plus qu'une question importante mais pragmatique de santé publique ou de biodiversité, le lien aux pesticides est aussi aujourd'hui en France un « marqueur culturel » d'appartenance à des classes ou des groupes sociaux, au sein du monde rural mais aussi de la société et du monde politique. Et ce marqueur s'installe même parfois dans les familles d'exploitants : une illustration est l'influence déterminante de certains conjoints non agriculteurs dans la décision d'exploitants de changer de système18. L'échec du plan depuis 2008, en ne permettant pas un infléchissement significatif et visible de l'usage des PPP, est au moins en partie responsable de cette radicalisation ; faute de pouvoir réduire de façon significative l'usage de PPP, a prospéré l'idée que seule une interdiction complète serait efficace. Alors que le sens est une clé majeure de l'action publique, le plan Écophyto échoue à communiquer dans une perspective positive vers un large public. Finalement, alors que le plan Écophyto a beaucoup misé sur la communication comme levier de diffusion des bonnes pratiques, on peut constater un réel échec. Certes il est relatif : les adhérents des groupements d'agriculteurs volontaires ont permis de démontrer la faisabilité de la réduction de l'usage des PPP, mais aucun des responsables rencontrés par la mission ne considère que ce levier de communication et d'accompagnement pourra apporter une contribution significative à la réduction des PPP. DEPHY et les réseaux de pairs L'accompagnement des réseaux de pairs, comme démontré par l'expérience du réseau DEPHY, est un bon outil d'accompagnement des innovateurs et des « early adopter », voire de certaines filières, comme souligné par plusieurs études. L'insertion dans le réseau DEPHY d'exploitations viticoles aurait ainsi été un élément décisif pour déclencher le passage des pesticides chimiques aux produits de lutte biologique (notamment de biocontrôle) des exploitations engagées, ainsi qu'à obtenir une diminution dans l'utilisation totale de PPP à un coût d'accompagnement technique qu'on peut finalement considérer comme assez faible (Lapierre, 2019)19. Mais, on l'a vu plus haut, les résultats des fermes DEPHY ne sont que rarement à hauteur de l'objectif de réduction de 50% des PPP en 10 ans, et le nombre des fermes engagées, et a fortiori la part de la 16 17 Par exemple « Pesticides et corps malade », les pieds sur terre, France culture, 14/09/2018 On se rappelle ce que doit la mobilisation contre le glyphosate à une spectaculaire étude dirigée par Gilles-Eric Séralini et dont la critique des méthodes a abouti au retrait de publication. Le plan Écophyto de réduction d'usage des pesticides en France : décryptage d'un échec et raisons d'espérer, Laurence Guichard et alii, Cahiers de l'agriculture, 2017 18 Providing technical assistance to peer networks to reduce pesticide use in Europe: Evidence from the French Ecophyto plan, Margaux Lapierre, Alexandre Sauquet, Subervie Julie, Hal, 2019 V2,https://hal.archives-ouvertes.fr/hal02190979v2/document 19 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 111/208 PUBLIÉ SAU, restent très en deçà des objectifs. On l'a vu dans la première partie du rapport, l'extension à 30.000, soit moins de 10% des exploitations, du nombre des exploitations engagées ne serait très probablement pas atteint à l'échéance d'Écophyto 2+, en 2025. Un conseil agricole à réformer Au-delà des fermes DEPHY, qui sont une forme de conseil agricole collectif, encouragées dès le premier plan, le plan Écophyto 2+ a aussi promu la séparation du conseil et de la vente des PPP, effective en 2021, ainsi que l'obligation de mise en place d'un conseil stratégique phyto, comme vu en 1e partie. Mais plusieurs interlocuteurs de la mission ont indiqué qu'une réforme plus profonde du conseil agricole était nécessaire. Alors que cette prestation aux agriculteurs était organisée pour assurer la promotion de pratiques standardisées et éprouvées, les démarches de réduction des PPP et les chemins de l'agroécologie sont multiples et spécifiques à leur contexte. Par ailleurs l'accès à l'information a été révolutionné par internet et les nombreuses applications. Le conseiller a perdu son monopole, et certains considèrent que son référentiel de compétences doit être redéfini. On peut donc retenir que c'est un objectif urgent, préalable à la massification, car si la fraction la plus avancée des agriculteurs peut se passer de l'avis convergent du conseiller agricole, il ne faudrait pas que ce conseil devienne un frein à la nécessaire transition qui arrive20. L'augmentation du risque, réelle ou supposée, un frein à la diffusion spontanée ? Les caractères bon-marché et simple d'utilisation des PPP sont des freins à l'adoption d'alternatives. Un autre frein s'exprime dans les études des motivations des agriculteurs : le risque de pertes de production importantes dues aux ravageurs (Chèze, 2020)21. Cette question est discutée, une partie des analystes affirmant au contraire l'agroécologie comme davantage résiliente que l'agriculture conventionnelle. Il n'empêche qu'elle semble bien un frein au moins pendant la transition. La mission n'a pas pu explorer cette question comme il aurait été nécessaire, et alors même que ce risque n'a donné lieu à aucune action significative dans le cadre du plan Écophyto. Les actions de communications (incluant l'animation de réseau de pairs et le conseil agricole) ne sont pas un levier de massification. Ces actions sont utiles, mais elles ne peuvent qu'accompagner d'autres leviers, utilisant les pouvoirs de régulation, d'action économique, et de réglementation de l'État, et valorisant les initiatives des acteurs organisés. Levier 2 : la segmentation des marchés par la labellisation des pratiques économes en PPP La stratégie de labellisation vise à opérer une différenciation des produits au sein des marchés, de production et idéalement jusqu'à la fourchette, pour essayer de capter davantage de valeur et ainsi couvrir des surcoûts liés à la mise en place d'un cahier des charges contraignant. La France dispose déjà de nombreux outils qui doivent mieux être mis au service de la réduction des PPP : Soutenir le développement de l'agriculture biologique Le label AB est plus général, et donc plus exigeant, que les seuls PPP. Il engage sur le moyen et le long terme, et pas seulement sur le temps de la culture labellisée. Et il ne s'agit pas de réduire l'usage des PPP mais de supprimer les PPP de synthèse, quitte à utiliser massivement des produits autorisés à base de cuivre. 20 21 Le rapport CGAAER 19070 traite notamment de cette question du lien entre le conseil agricole et l'agroécologie. Understanding farmers' reluctance to reduce pesticide use: A choice experiment, Benoît Chèze, Maia David, Vincent Martinet, Ecological Economics, volume 167, janvier 2020 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 112/208 PUBLIÉ Loin d'être aujourd'hui une activité confidentielle, l'AB s'impose de plus en plus dans les magasins et les assiettes, et un peu plus difficilement dans les campagnes françaises, alors que la demande du consommateur est telle que l'importation de produits issus de l'AB crée un déficit annuel du commerce extérieur de l'ordre du milliard d'euros. Or le développement de l'AB au détriment de l'agriculture conventionnelle est un moyen efficace de réduire l'usage global de PPP. La conversion de 25% des exploitations et des surfaces agricoles aujourd'hui conventionnelles, les autres ne changeant pas leurs pratiques, permettrait d'atteindre la moitié de l'objectif d'une réduction moyenne de 50% des PPP. Bien sûr, il n'est pas souhaitable que l'agriculture conventionnelle s'exonère de sa propre responsabilité. Mais en revanche, c'est à juste titre que des fonds publics importants destinés à la réduction des PPP sont consacrés au développement de l'AB et il est légitime de considérer que, le cas échéant, des ressources complémentaires pourraient lui être consacrées. Crédibiliser un label sans PPP Alors que l'attention de certains exploitants se porte en priorité sur les PPP, sans qu'ils ne souhaitent s'engager vers l'AB, on notera que ces productions ne sont pas valorisées aujourd'hui de manière spécifique sur le marché. C'est une voie qui mériterait d'être creusée, tant l'objectif de réduction des PPP peut paraître prioritaire sur les autres enjeux portés par l'AB, dont l'absence d'engrais de synthèse ou de cultures hors sols. Depuis quelques années, certaines marques comportent des logos « sans résidu de pesticides » ou « cultivé sans pesticides ». Si une première enquête de la DGCCRF, en 2018, relayée par le magazine Que choisir, pour qui « la méfiance s'impose », a pu mettre en doute que ces produits comportaient moins de résidus que les alternatives sans label, il semble bien que cette tendance nouvelle s'installe et soit prometteuse, dès lors qu'elle témoigne d'une réelle diminution de l'usage de PPP. Tout comme pour l'AB, la production économe en PPP a besoin d'une différenciation dès lors que ses coûts sont significativement supérieurs à ceux des productions conventionnelles, toutes choses étant égales par ailleurs, ce qui semble être un cas assez général. C'est ce qu'ont engagé certains grands distributeurs, mais avec leur propre référentiel et système de labélisation. Durcir les contraintes PPP dans la certification environnementale La certification environnementale, notamment son niveau 3 dit « Haute valeur environnementale » (HVE), encourage l'amélioration des pratiques à l'échelle de l'exploitation sur de nombreux enjeux dont les PPP. Avec son ambition globale, sur tous les enjeux de l'agroécologie et pour l'ensemble de l'exploitation, mais moyennant un durcissement de son volet PPP, cette certification peut être utile, par exemple pour conditionner des soutiens directs à l'exploitation (crédits d'impôts, taux augmenté de subventions, possibilité d'accéder à des aides conditionnelles PAC...). Mais elle ne paraît que difficilement valorisable jusqu'au consommateur. Durcir les cahiers des charges PPP dans les SIQO 22 La France a su développer de longue date un dispositif d'appellation d'origine, qui trouve désormais des prolongements européens et internationaux. Un encouragement à l'insertion de cahiers des charges plus restrictifs en matière de PPP dans les appellations d'origine serait un autre moyen de promouvoir la réduction des PPP. 22 Ou Signe d'Identification de la Qualité et de l'Origine (SIQO) selon la terminologie de l'INAO Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 113/208 PUBLIÉ Les labels sont de bons leviers, qui répondent à de nombreuses attentes. Les soutiens apportés par le plan à l'AB constituent l'un des rares leviers de massification activé depuis le début du plan, et dont on peut prouver qu'il a contribué à une réduction de l'ordre de 10% de la consommation globale de PPP hors ceux autorisées en AB en France. Une extension de ce soutien aux exploitations qui respectent le cahier des charges de l'AB uniquement en matière de PPP pourrait utilement être étudiée. Le développement des exigences (relatives aux PPP) associées à la norme HVE pourrait également permettre d'augmenter le soutien apporté à leurs bénéficiaires. Enfin, le gouvernement et l'INAO devrait demander l'insertion de conditions relatives aux PPP dans l'ensemble des signes d'identification de la qualité et de l'origine. Levier 3 : Les politiques incitatives générales : fiscalité, CEPP et redistribution active Par politique incitative, on entend ici la politique fiscale et les « marchés de droits », tel le certificat d'économie de produits phytosanitaires (CEPP). Une politique incitative est générale, elle vise à encourager ou décourager, principalement par le « signal-prix ». La fiscalité « écologique » sur les PPP est un outil puissant, qui reste aujourd'hui à un niveau trop bas pour avoir un effet significatif sur la consommation de PPP Face à des risques ou des effets indésirables que les économistes appellent souvent des « externalités », c'est-à-dire des effets non pris en compte par le marché, la mise en place d'une fiscalité incitative23 est considérée comme le moyen efficace d'orienter les choix de production et de consommation. Plusieurs travaux conduits sous l'égide du Conseil économique pour le développement durable (CEDD), et notamment le rapport « Un pacte fiscal écologique pour accélérer la transition écologique et solidaire » publié en mai 2018, expriment l'intérêt d'agir par ce biais sur le prix : « la fiscalité incitative, si elle s'applique uniformément à chaque pollution, assure que tous les gisements d'abattements à faible coût seront mobilisés, en laissant à chacun la liberté des moyens pour s'adapter et en stimulant la capacité entrepreneuriale du privé pour trouver les solutions ; celle-ci fonctionnant aussi comme un taux libératoire pour ceux qui n'en ont pas ou seulement à des coûts prohibitifs » 24 « Contrairement à la réglementation et aux normes, elle laisse à chacun sa liberté de choix, dans un cadre régulé. Elle incite à mobiliser ces efforts par ordre de mérite et, par son caractère libératoire, évite d'imposer à des agents des coûts excessifs par rapport aux bénéfices attendus pour la collectivité. » 25 L'efficacité d'une fiscalité incitative peut se mesurer à l'élasticité-prix de la demande d'un bien ou d'un service. Faisant le constat de résultats décevants du premier plan, le gouvernement s'était interrogé en 2013 sur « la mise en place d'une fiscalité qui incite à abandonner ou à réduire fortement l'usage des pesticides », et « les dispositifs de redistribution au profit des professionnels qui s'engagent dans des démarches vertueuses ». Un rapport de mission interministériel IGF-CGEDD-CGAAER (2013) concluait au faible impact de la redevance sur le comportement d'achat. Ou taxe « pigouvienne » du nom de l'inventeur de la notion d'externalité Arthur Cecil Pigou (1877-1959). Une taxe de ce type vise à corriger une défaillance du marché (externalité) et non pas à alimenter le budget de l'Etat. 23 CEDD, Références économiques pour le développement durable n°39, Décembre 2018. Voir également les rapports « Comment concilier développement économique et environnement ? » Philippe Aghion et alii, CEDD « les économistes et la croissance verte », CEDD, mai 2012 et « Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? » 24 « Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? » sous l'égide du Comité pour l'économie verte, Bénédicte Peyrol, Dominique Bureau, 2018 25 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 114/208 PUBLIÉ Ainsi en 2012, la RPD avec un prélèvement de 103 M représentait 0,65 % du résultat courant des exploitations agricoles toutes filières confondues (de 0,63 pour la viticulture à 1,34 pour l'arboriculture). La mission préconisait cependant un élargissement de l'assiette pour mieux prendre en compte la dangerosité des substances (ce qui a été fait avec les CMR) et considérer toutes les substances dangereuses des PPP ; elle proposait de tripler le montant de la RPD, pour atteindre 350 M) considérant que cela aurait un impact mesuré sur le revenu agricole, (passant de 0,65 % avec les taux de l'époque à 2,2 % du résultat courant des exploitations agricoles). On notera qu'en 2012, le chiffre d'affaires des PPP en France était estimé à 2 Md. Plus récemment, le rapport Potier estimait que le poids de la redevance en 2014 était faible dans l'équilibre économique des exploitations, (estimée à moins de 5 /ha en grande culture et 17 /ha en arboriculture-viticulture). Elle représentait 3,5 % des dépenses de produits phytosanitaires, soit 0,18 % du chiffre d'affaires et 0,65 % du résultat (se référant au rapport cité ci-dessus). Le rapport prévoyait d'accompagner la montée en puissance des actions proposées avec l'augmentation des recettes liées à l'élargissement de la redevance, envisagé dès 2015, aux CMR de catégorie 2. Le rapport IGF-CGEDD-CGAAER (2013) avait conclu à la nécessité de développer un autre levier : les CEPP. On peut toutefois réinterroger cette question, ce que ne se privent pas de faire plusieurs experts rencontrés par la mission, qui considère que le levier fiscal est indispensable à la réussite du plan. Pour diminuer de 50% la consommation de PPP, il conviendrait au moins de doubler leur prix comme les gouvernements successifs ont su le faire pour le tabac ou pour les produits pétroliers, qui ont une fiscalité de cet ordre de grandeur. Et même cette hausse ne garantit pas le résultat dans le cas des céréaliers norvégiens (Vatn, 2020) 26. En revanche, une augmentation trop brutale est susceptible de se heurter à des résistances importantes, qui ont dans le passé mis en échec des projets de taxe sur les transports, par exemple. Le taux moyen actuel de la RPD (de l'ordre de 5% du CA des PPP), même après les augmentations décidées avec Écophyto 2, n'est pas de nature à influer significativement sur la décision d'utiliser les PPP. La mise en place d'une incitation via un marché de droit, les CEPP, a été stérilisée par l'absence de sanction, et son intérêt a été diminué avec la séparation entre les activités de vente et de conseil (Écophyto 2+) Il est intéressant de montrer ici qu'il s'agit potentiellement, comme la taxation, d'une méthode permettant de collecter des droits sur les utilisateurs ou les vendeurs de PPP et de les redistribuer pour réaliser des économies de PPP. Ce système, qualifié par les économistes de « marché de droits », a fait l'objet de nombreuses initiatives pour favoriser une économie décarbonnée. S'il est mis en oeuvre dans le domaine des PPP et obligatoire, il permettrait ainsi de renchérir le coût relatif d'usage des PPP et de diminuer celui de leurs alternatives. Comme la taxation, il faut que le dispositif soit suffisamment contraignant pour qu'il amène progressivement les acteurs à changer leurs pratiques, surtout si les dépenses éligibles pour bénéficier de ces certificats sont largement définies, et un « marché » organisé, pour que les bénéficiaires puissent accéder à une ressource produite dans un autre secteur et dans une autre région. Mais l'outil CEPP, on l'a vu plus haut, a été singulièrement bridé par rapport au projet initial, ou à son modèle, les certificats d'économie d'énergie. Par ailleurs son actualité semble atténuée par la mise en Pesticide taxes or voluntary action? An analysis of responses among Norwegian grain farmers, Arild Vatn, Valborg Kvakkestad, Åsmund Lægreid Steiro, IanHodge, Journal of Environmental Management, Volume 276, 15 December 2020, 111074 26 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 115/208 PUBLIÉ place de la séparation de la vente et du conseil des produits PPP. Il est trop tôt pour tirer des conclusions sur ce dispositif CEPP, qui se met tout juste en place, mais il apparaît à certains comme un dispositif accessoire, que seules des modifications substantielles permettraient de revigorer pour en faire un levier à l'échelle de la massification souhaitée. Plusieurs interlocuteurs de la mission ont regretté une remise en question prématurée du dispositif initial alors même qu'il avait été qualifié d'expérimental et devait faire l'objet d'une évaluation avant d'éventuels ajustements. « Afin que les agents payent les « vrais » prix de ces biens ou de ces maux c'est-à-dire intègrent toutes les dimensions de leur coût social, deux solutions techniques sont envisageables : soit l'instauration de taxes pigouviennes ; soit l'allocation de licences d'émission qui peuvent ensuite être échangés sur un marché. La taxe carbone constitue un exemple de taxe pigouvienne, le marché européen du carbone où les grandes entreprises européennes peuvent s'échanger des quotas d'émissions constitue un exemple de la seconde formule, malheureusement mise en oeuvre dans des conditions très imparfaites. (...) Par ailleurs, ces différents outils suscitent des controverses de nature idéologique. Les antilibéraux sont allergiques aux marchés de droits, ne comprenant pas comment la création d'un marché peut corriger une imperfection de marché. De leur côté, les personnes qui éprouvent de l'aversion pour des taxes accepteront avec difficulté la taxe pigouvienne, alors même qu'il ne s'agit que de modifier les prix relatifs comme la solution bonus malus l'illustre parfaitement. Ainsi, les aversions traditionnelles vont resurgir et imprimer leurs marques au moment d'indiquer une préférence pour l'un ou l'autre des instruments et on comprend pourquoi ces solutions incitatives bousculent les schémas de pensée. Il faut donc déployer des talents pédagogiques importants pour vendre ce type de réforme fiscale à l'opinion. » (CEDD 2018 « Un pacte fiscal écologique pour accélérer la transition écologique et solidaire »). Pour renforcer l'incitation, le produit de la RPD pourrait également contribuer plus directement à la massification Au cours des entretiens, la mission a perçu que la programmation ­ l'utilisation prévisionnelle de ces ressources - résulte au moins en partie d'une gouvernance très large, qui a incité à répondre aux sollicitations multiples des parties prenantes, sans nécessairement identifier la contribution des actions aux objectifs du plan. Et certains de ces financements sont progressivement devenus récurrents, jusqu'à capter une large part des enveloppes disponibles. La lettre de commande demande à la mission de déterminer la valeur ajoutée des actions financées par le programme et les enveloppes régionales. Ce travail important ne peut pas être conduit par la mission dans les délais impartis en l'absence de toute évaluation externe de ces actions, même si les fermes DEPHY et le BSV, par exemple, ont fait l'objet de réflexions stratégiques partagées. En revanche, la mission a acquis la conviction que les actions financées par le programme ne permettent pas à elles seules d'atteindre la cible souhaitée. La mission a donc étudié l'intérêt d'une réorientation radicale du produit de la RPD destinée à Écophyto, vers des actions à l'effet plus direct. Ce n'est pas parce qu'une taxe sur les PPP est instituée que son produit doit financer des actions réduisant les PPP. Le rapport27 « Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022? » sous l'égide du Comité pour l'économie verte, distingue ainsi « plusieurs options, non exclusives les unes des autres » : utilisation des recettes en faveur de la transition écologique, ou leur allocation au budget général de l'État en vue de réduire d'autres impôts, ou encore le financement des mesures de compensation pour le maintien du pouvoir d'achat. Selon le principe « pollueur-payeur », le bénéfice de la RPD peut viser prioritairement la Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? » Comité pour l'économie verte, Bénédicte Peyrol, Dominique Bureau, 2018 27 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 116/208 PUBLIÉ réparation des externalités négatives engendrées par l'usage des PPP. Le financement du fonds nouvellement créé d'indemnisation des victimes, un concours aux dépenses de santé, d'une part, des mesures en faveur de la qualité de l'eau ou la préservation ou la restauration de la biodiversité, d'autre part, pourraient ainsi être privilégiés. Mais une alternative économique intéressante est la redistribution incitative, qui permet d'augmenter les effets de la taxe en redistribuant son produit vers les contribuables les plus méritants, qui réduisent le plus ou qui utilisent le moins de PPP. « Sur un plan distributif, la solution avec marché de droits conduit à des résultats qui dépendent de leur allocation, et la solution pigouvienne dépend de l'utilisation des recettes engendrées par la taxe. A qui doit-on les redistribuer, sur une base bien évidemment forfaitaire, afin de ne pas perdre les vertus incitatives du dispositif ? Compte-tenu de cette marge de manoeuvre, il n'existe aucune difficulté économique insurmontable à concilier équité et efficacité dans ce domaine. En revanche, si l'on désire que cette taxe pigouvienne soit, de plus, une source de revenus importante pour l'État, on risque de se heurter à la quadrature du cercle. » (CEDD 2018 « Un pacte fiscal écologique pour accélérer la transition écologique et solidaire »). Illustration Soit 2 agriculteurs qui dépensaient 100 en PPP. Après taxation, l'agriculteur A, qui ne change pas ses pratiques, dépense 200 en PPP. L'agriculteur B, qui passe à 0 PPP (hors ceux autorisés en AB), dépense 0 et reçoit 100 de subvention. L'écart entre les 2 agriculteurs devient 300 : de quoi financer des alternatives aux PPP significativement plus coûteuses que la situation originelle. Cet écart n'est que de 200 si le produit de la taxation est utilisé à d'autres usages : il faut augmenter de 50% la taxe pour obtenir le même écart entre les deux solutions. En particulier une partie de la RPD contribue à compléter les financements de l'AB, dont l'essor concourt à la réduction des PPP. Ce financement pourrait utilement être étendu aux pratiques respectant le même cahier des charges sur les PPP, mais sans le label AB, dont le cahier des charges porte d'autres enjeux. Le consentement à payer la RPD est aujourd'hui fragile, parce qu'une partie des taxes payées semble échapper à la redistribution ; Les financements d'actions collectives à partir de la RPD n'ont pas fait la preuve de leur efficience ; Au contraire, certaines actions qui étaient auparavant prises en charge autrement, ou qui pourraient l'être sur les ressources disponibles, sont réorientées vers les financements RPD, avec le concours des autorités responsables, soucieuses de « dépenser leurs crédits » ; Enfin les procédures actuelles ignorent plusieurs des bonnes pratiques identifiées par exemple par le comité pour l'économie verte : Cette affectation du produit de la taxe répondrait à plusieurs préoccupations : « (...) l'essor de la fiscalité environnementale nécessite de respecter les cinq principes suivants : Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 117/208 PUBLIÉ · définition d'une trajectoire de long terme crédible pour donner de la lisibilité aux acteurs économiques et les accompagner ainsi vers le changement ; · évaluation de ses impacts économiques et sociaux, pour qu'elle ne pèse pas excessivement sur le pouvoir d'achat et la compétitivité, les mesures d'accompagnement pour s'en assurer et l'utilisation qui sera faite des recettes faisant donc partie intégrante de sa construction et devant être annoncées en même temps que les trajectoires. Plus généralement, l'utilisation des recettes de toute nouvelle réforme de la fiscalité environnementale détermine ses effets macroéconomiques et sociaux, et peut favoriser la transition des secteurs économiques vers la performance environnementale. Elle doit être justifiée au cas par cas. Les choix en ce domaine doivent être effectués en s'assurant de l'adhésion de l'ensemble des acteurs concernés ; · nécessité que la fiscalité écologique couvre effectivement l'ensemble des pollutions concernées, en évitant les exemptions qui nuisent à son efficacité ; · mise en oeuvre des orientations du quinquennat en matière de finances publiques : baisser d'un point les prélèvements obligatoires, ramener en cinq ans le déficit public à un niveau proche de l'équilibre, réduire la dépense publique de plus de trois points de PIB, le développement de la fiscalité environnementale s'inscrivant dans un processus général de réduction des distorsions fiscales ; · recherche des combinaisons les plus efficaces pour les politiques environnementales avec la question de la pertinence des outils utilisées et de la bonne articulation entre les mesures de fiscalité environnementale, les mesures réglementaires et les normes. Rapport Peyrol-Bureau, Comité pour l'économie verte, septembre 2018 » À un niveau suffisamment élevé pour être sensible, la taxation du recours aux PPP est un moyen simple et efficace pour envoyer le bon message aux agriculteurs. Mais on peut aussi envisager d'augmenter ce signal-prix en utilisant le produit de la taxe pour subventionner les meilleures pratiques, économes en PPP. Cela permet de réduire le taux de la taxe pour atteindre la réduction souhaitée, ce qui rend la mesure moins douloureuse à effet égal. C'est déjà le cas quand la RPD contribue à financer l'AB, mais avec toutefois la réserve que l'AB vise aussi d'autres objectifs et qu'il est donc légitime de lui rechercher d'autres financements, par exemple issus des taxes sur l'eau ou sur les fertilisants chimiques, comme le font les agences de l'eau. Dimensionnement de la mesure Pour dimensionner cette proposition et estimer son coût, on peut réaliser une simulation simple, en faisant l'hypothèse d'attribuer aux exploitations respectant le cahier des charges PPP de l'AB, mais pas les autres critères, la moitié des avantages accordés à l'AB. Pour mémoire : aides à l'agriculture biologique La nouvelle mesure sans PPP Coût de la mesure pour 10% de la SAU et des exploitations Page 118/208 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO PUBLIÉ Crédit d'impôt 3500/exploitation 1750/exploitation 30.000 exploitations 52,5 M 435 M Conversion (3 ans) 300/ha 150/ha Maintien 160/ha 80/ha 232 M Sur ces hypothèses certes très simplifiées, mais qui pourraient être affinées en faisant des hypothèses plus précises sur les surfaces et productions concernées, on peut déterminer un coût annuel pour la montée en charge du dispositif à hauteur de 10% des exploitations par an pendant 3 ans, jusqu'à atteindre le palier de 30% des exploitations avec 0 PPP (hors ceux autorisés en AB). Année 1 2 3 4 5 6 % d'exploitations concernées 10% 20% 30% 30% 30% 30% Crédits d'impôts 52,5 105 157,5 157,5 157,5 157,5 Conversion 435 870 1305 870 435 0 Maintien 0 0 0 232 464 696 Coût total 487,5 975 1462,5 1259,5 1056,5 853,5 La RPD est actuellement de 180 M, pour une valeur de PPP soumise à la RPD de 2,3 Md (Cour des comptes). Si la nouvelle RPD doublait le prix des PPP, le volume des PPP diminuerait de 50% en faisant l'hypothèse d'une élasticité prix de -0,5. Le chiffre d'affaires des PPP taxes comprises resterait sensiblement identique, et la RPD rapporterait de l'ordre de 1,15+0,18=1,31 Md/an, à terme : de quoi couvrir la mesure d'aide. On peut donc considérer, sous réserve d'études plus approfondies pour approcher une mesure équilibrée, qu'une RPD fixée à peu près au même niveau que la taxation des produits pétroliers (elle représente environ 60% du prix final des produits pétroliers et environ 80% des ventes de tabac) permettrait d'apporter durablement aux 30% d'exploitations qui accepteraient de respecter le cahier des charges de réduction des PPP une aide égale à la moitié de celle qui est apportée à l'AB et de financer d'autres actions d'accompagnement. Levier 4 : La réglementation et la PAC Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 119/208 PUBLIÉ Au « sommet » de l'outillage des politiques publiques, par son caractère impératif, il y a la réglementation, et le contrôle de son respect. Même si c'est un dispositif de financement, les aides de la PAC sont en réalité un outil réglementaire, puisque les aides répondent à un double régime, européen et national, d'affectation et son usage est strictement contrôlé par l'UE. Le durcissement de la réglementation a des effets qu'il faut anticiper Même si la production de règles et de normes est une activité spontanée de l'administration, il est pertinent et nécessaire d'interroger l'efficacité de ces mesures sur l'objectif poursuivi en matière de PPP. Une synthèse des travaux d'évaluation de la « réglementation écologique » est présente dans une étude du CEDD de 201828 : « Cette action par la contrainte, qui demeure dominante, est évidemment coûteuse en termes de liberté individuelle. Mais cette intervention à caractère paternaliste peut permettre d'atteindre la cible si l'administration a les moyens d'effectuer les contrôles pour rendre effective l'application de la législation. Les solutions normatives peuvent également avoir l'avantage, si elles sont annoncées suffisamment à l'avance en faisant précéder la période où les sanctions s'appliquent d'une période probatoire, de contribuer à faire changer les préférences des agents économiques. Toutefois, les solutions normatives lorsqu'elles sont envisagées sans bourses d'échanges ont l'inconvénient de ne pas minimiser les coûts globaux de la transition verte pour la société dans son ensemble. C'est le grand reproche fait par les micro-économistes à ce type de solution, celui de ne pas être efficace économiquement et d'entraîner des gaspillages de ressources. Cette inefficacité économique peut engendrer une inefficacité écologique : sachant que certains agents vont être amenés à supporter des coûts très élevés pour satisfaire les normes, celles-ci peuvent alors être placées à un niveau trop bas, pour ne pas les mettre en trop grande difficulté. » Plusieurs experts ont souligné certains effets négatifs de la réglementation sur les PPP, notamment des allers-retours interdiction/dérogation qui peuvent donner le tournis. Ainsi l'interdiction rapide des néonicotinoïdes aurait abouti à une impasse29 dans la maîtrise de la jaunisse sur la betterave, justifiant, fin 2020, une ré-autorisation provisoire de l'emploi de ses substances de manière préventive, par enrobage des graines (Yves et Pierre Guy, 2020). Dans ce cas d'espèce, ce n'est pas tant l'objectif de retrait de produits accusés d'avoir largement contribué au déclin des populations d'abeilles qui est mis en cause, que la rapidité de ce retrait, non anticipé par les acteurs, qui n'a pas permis d'adopter des pratiques plus structurelles que la simple substitution de PPP, les nouveaux s'avérant moins efficaces que les précédents pour réduire les populations de pucerons porteurs du virus de la jaunisse. Finalement la réglementation peut être l'outil de l'urgence ou de la maturité, mais elle s'accommode mal de l'entre-deux : quand l'urgence sanitaire ou environnementale est avérée, la réglementation est le bon outil, mais il convient d'apprécier la proportionnalité du risque évité et de l'effet provoqué, sous forme d'un bilan coût/avantage et d'une étude d'impact : c'est la réglementation-prévention ; cela vaut également pour les dérogations apportées dont l'analyse coût- avantage n'a pas été davantage réalisée ; quand une question a été correctement instruite, que les effets indésirables d'un produit sont bien identifiés et que les substitutions sont connues, et leurs effets également, la réglementation vient obliger les acteurs à tous adopter une meilleure solution alors qu'une fraction tarderait à le faire : c'est la réglementation-généralisation ; 28 29 CEDD 2018 « Un pacte fiscal écologique pour accélérer la transition écologique et solidaire » C'est en particulier l'Institut technique betteravier qui a relayé cette opinion de l'absence de solution alternative, et en effet il semble que cet organisme n'ait jusqu'en 2020 pas réellement conduit de travaux visant à prévenir cette maladie, qui était correctement prise en charge par les PPP. Il faut dire que la culture de la betterave se heurte également à d'autres défis, dont la rhizomanie, une autre maladie virale, dont l'utilisation de variétés résistantes est la seule solution de lutte. Mais la résistance de ces nouvelles variétés est déjà contournée dans certaines régions. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 120/208 PUBLIÉ mais dans la situation de double incertitude, sur les effets négatifs des PPP à retirer, qui peuvent être mal documentés, et sur les impacts de leurs solutions de substitutions, qui peuvent être très peu génériques et impliquer des changements de pratiques plus profonds, la réglementation amène des contestations et des dérogations, qui en affaiblissent la portée et l'acceptabilité, et freine l'innovation. Il est donc important d'avoir une connaissance précise de l'usage des PPP et de leurs substituts, pour ne pas réglementer « en double aveugle ». On peut à ce titre regretter la sous-exploitation des bases de données, sous formes d'enquêtes sur les pratiques de protection des cultures par filières et par territoires30, alors que cela pourrait être une priorité plus forte des services spécialisés du MAA et des DRAAF, en lien avec leurs homologues du MTE, des DREAL et des agences de l'eau. L'impact de la réglementation des PPP sur le NODU est incertain C'est un point d'ordre 2 par rapport à la question des risques, mais qui a son importance dans le pilotage du plan Écophyto : rien ne prouve qu'interdire certains PPP diminuerait la quantité globale utilisée, et l'indicateur choisi, le NODU, même si cela contribue à réduire l'usage des molécules les plus dangereuses. L'interdiction des substances et des produits les plus actifs n'est pas synonyme de baisse des usages de PPP. Elle peut avoir un effet inverse, puisqu'il faut souvent épandre de plus grandes quantités de substances pour atteindre le même effet ou un effet moindre (ex : traitements des betteraves en plein champs en l'absence de traitement des semences : les traitements viennent alimenter le NODU alors que les traitements des semences sont hors NODU). Actuellement, le prix relatif des PPP continue à être très attractif, notamment si on la compare au coût du travail et à celui de l'énergie, deux paramètres auxquels sont particulièrement sensibles de nombreuses alternatives aux PPP (désherbage mécanique vs glyphosate, par exemple, ou silos ventilés vs insecticides), et un plus grand recours aux PPP résulte également de l'extension de certaines pratiques agricoles, ainsi que de certaines cultures, moins intensives en travail. Le levier PAC n'est pas assez mobilisé En revanche, et cela est souligné par de nombreux experts, la réglementation relative à la PAC est un levier particulièrement puissant : en injectant chaque année près de 9Md, entre 4 et 5 fois le marché des PPP en France, dans l'agriculture française, la PAC détermine une partie significative de ses choix. Mais c'est aujourd'hui un levier potentiel : très peu de mesures de l'actuelle PAC visent les réductions de PPP (soutien à l'AB, MAEC). Au contraire, une communication récente31 semble montrer que les financements du premier pilier ont favorisé l'usage des PPP, à la différence des financements du second pilier. C'est donc un enjeu fort d'augmenter significativement la conditionnalité des prochaines aides. À défaut, cette réglementation PAC contribuera à ralentir les changements souhaités. Mais il faut noter que le processus de détermination de la PAC est désormais très fortement ascendant : les plans stratégiques nationaux conduisent les États à faire des choix différenciés, et donc à se mettre en concurrence sur la façon d'utiliser les ressources de la PAC, en choisissant des arbitrages différents. Il est donc souhaitable que la France, qui aura donc davantage de latitude pour conditionner les aides de la PAC, cherche une plus grande convergence de la PAC et des plans de réduction des PPP avec les autres grands pays agricoles. 30 La mission a repéré un faible nombre d'études territoriales depuis 2015. 31 Are EU subsidies a springboard to the reduction of pesticide use? M. Aubert; G. Enjolras, Communication Vancouver 2018, https://hal.inrae.fr/hal-02734754/document Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 121/208 PUBLIÉ Alors que l'agriculture est une activité entrepreneuriale et concurrentielle, inscrite dans des territoires et des filières, l'excès de réglementation est un risque aussi grand que son insuffisance, deux écueils à éviter en adoptant une approche pragmatique et proportionnée. Et les plans Écophyto seraient sages de ne pas trop compter sur des durcissements futurs, tant ceux-ci sont européens-dépendants. On peut toutefois souhaiter, comme le référé de la Cour des comptes et de nombreux experts, que l'occasion de la nouvelle PAC soit saisie pour que les autorités européennes et françaises (c'est à elles de la faire, pas aux agriculteurs) conditionnent davantage les financements apportés à l'agriculture par la société au respect de l'objectif sociétal de protection de la santé et de l'environnement par la réduction des PPP. Des leviers complémentaires ou alternatifs ? Les trois leviers efficaces - segmentation, incitation, réglementation - ont leurs partisans. Le premier levier « segmentation » s'appuie exclusivement sur le volontariat individuel et collectif et débouche sur une segmentation des marchés, via un label. On a vu que le label le plus connu et désormais le plus répandu, l'AB, a pu monter en charge en bénéficiant d'un soutien public important. Un financement public est donc nécessaire. Un rapport récent du CGAAER 32 chiffre à 3,5 Md l'extension de l'AB à 30 % de la SAU : c'est un montant qu'on peut comparer aux 2 Md de chiffre d'affaires des PPP, ou des 9 Md de la PAC. Un financement pour moitié par doublement du prix des PPP, pour une autre moitié mobilisant des aides du 1er et du 2° piliers de la PAC pourrait rapidement être mobilisé : il semble à la portée des pouvoirs publics, même s'il supposerait des arbitrages délicats. Le second levier « incitatif » peut reposer sur plusieurs outils : fiscaux (taxe sur les PPP), marché de droit (CEPP), et redistribution active, renforçant l'effet incitatif de la fiscalité. Ce levier est le moins coûteux pour les pouvoirs publics, il recueille donc la préférence des économistes « libéraux », surtout dans sa version fiscale, le recours à un marché de droit pouvant apparaître comme bureaucratique. Au contraire, outre qu'elle renchérit le coût des PPP, la hausse des taxes apporte des ressources nouvelles. Si elles sont utilisées pour renforcer l'action de soutien aux bonnes pratiques, ces ressources renforcent l'efficacité de la mesure fiscale et donc permettent une moindre hausse des taux. Le troisième levier « réglementation » est souvent celui qui, en France, est préféré par les pouvoirs publics. Son coût d'administration ne doit pas être sous-estimé, alors que les services de contrôle ont des effectifs fortement réduits. Et s'il a fait la preuve de son efficacité sur les JEVI (jardins, espaces verts et infrastructures), un secteur peu ou pas soumis à des enjeux de compétitivité, avec en ce mois de janvier un nouveau durcissement des interdictions des PPP dans les cimetières ou les stades, la réglementation crée des distorsions de concurrence, et peut aussi provoquer des impasses techniques, au moins à court/moyen terme, à gérer par des dérogations difficiles à réguler. Néanmoins on peut penser que chacun de ces leviers peut apporter une forte contribution à l'objectif de réduction des PPP. Est-il néanmoins préférable de les associer ? Cette question a fait l'objet d'une synthèse de 78 articles de recherche publiés entre 1967 et 2017, (Rhiannon Lee & alii, 2019) concluant à la plus grande efficacité des combinaisons de deux ou trois instruments parmi les instruments publics (fiscalité, prescription (AMM) et réglementation) et privés (labels, transfert de technologie, assistance technique). Les auteurs distinguent trois « Governance resource » et 12 instruments : 32 Déterminants de la prise de décision par l'exploitant agricole d'une transition vers l'agroécologie, CGAAER n°19070 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 122/208 PUBLIÉ Tableau 1, (mission, d'après R. Lee et alii 2019), en orange « carotte » en rouge « bâton » Levier Régulation Instrument Prescriptions Contrats et alliances Interdictions Zonage Pilotage Pénalités Economie Subventions Taxes Information Certification Formation Conseil Campagne d'information Exemples dans Écophyto Restriction dans les AMM Contrat d'approvisionnement Interdictions de substances et de produits Protection des zones de captage Outils d'aide à la décision Si non respect du contrôle des pulvérisateurs Aides à l'AB RPD Produits : AB, exploitation : HVE Certiphyto DEPHY Axe 7 du plan Écophyto 2+ Quatre mélanges d'instruments ont été signalés à l'issue de l'examen comme étant bénéfiques pour réduire l'utilisation de pesticides : Alliances et subventions (notre levier 2 plus haut) ; Prescriptions et subventions (notre levier 4 plus haut) ; Prescriptions et services de conseil (réglementation et communication) ; Prescriptions, suivi, taxes, formation et services de conseil (leviers 3 et 4 plus haut). En revanche, cet article indique que le levier réglementaire seul s'est avéré inefficace. Il termine par la conclusion suivante33 : « Pour l'avenir, il ne faut pas se concentrer uniquement sur la compréhension de la manière dont les instruments politiques ciblent des individus ou des groupes d'acteurs spécifiques, car souvent les pratiques ciblées ne dépendent pas seulement d'actions et de décisions individuelles, mais sont façonnées par un contexte plus large (...). Dans le cas d'une agriculture durable, cela signifierait comprendre comment les combinaisons d'instruments politiques peuvent interagir avec le contexte des pratiques agricoles. Par exemple, comprendre le contexte économique façonné par les groupes d'acteurs de la chaîne de valeur; comprendre le contexte social façonné par les réseaux sociaux autour des agriculteurs et les groupes influençant le discours tels que les ONG vertes et les groupes d'intérêt; et comprendre le contexte d'innovation largement façonné par l'interaction avec les instituts de recherche. » 33 Traduction mission avec l'aide de Google translate Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 123/208 PUBLIÉ Finalement, on peut constater que le plan Écophyto a, depuis son origine, multiplié les actions, utilisant toute la palette des instruments à la disposition des pouvoirs publics. Mais ces actions agissent en réalité sur un faible nombre de leviers ­ on en a identifié trois ­ et n'ont jusqu'à présent été opérés qu'à faible intensité, les autorités ayant finalement cherché à « persuader » les agriculteurs, ou ayant fait l'hypothèse que « la bonne pratique agronomique chasse la mauvaise », pour parodier un adage économique. Sauf que l'histoire économique a souvent montré que « c'est « la mauvaise monnaie qui chasse la bonne » : rien ne montre aujourd'hui qu'un mouvement massif de transfert de pratiques serait déjà initié. Il est donc temps d'essayer d'utiliser les instruments non comme des prototypes, mais comme de réels instruments de massification, en y mettant la force nécessaire pour qu'un effet levier ait lieu. En conclusion et résumé de cette annexe un approfondissement de la question des leviers de massification est nécessaire, en veillant à leur bonne adaptation à la pluralité des modèles agricoles de notre pays : - à côté de l'encouragement à la certification AB, qui peut encore être développé, un soutien à la labellisation pérenne sans ou à bas niveau de PPP (autres que ceux autorisés en AB)devrait être encouragé, notamment dans les labels déjà existants ; l'augmentation de la fiscalité directe sur les PPP et la création d'une fiscalité incitant à la consommation de produits bas intrants (à l'échelle européenne ?) sont des leviers qui n'ont pas été utilisés avec la bonne intensité ; la réglementation de l'usage des produits est nécessaire, mais doit être proportionnée à ses coûts et avantages, et dans un soucis d'équité de traitement avec les autres pays européens ; elle suppose un alignement préalable des politiques publiques, dont la PAC. Même si les premiers plans Écophyto ont pu en faire l'hypothèse, la communication, dont le conseil individuel et le soutien aux groupes de pairs, n'est pas à elle seule un levier efficace du plan. À force de cibler presque exclusivement les agriculteurs, et de promouvoir un seul modèle officiel, l'agroécologie, la communication publique a pu alimenter une vision négative des producteurs tout en exonérant de leurs responsabilités les transformateurs, les consommateurs, et les pouvoirs publics. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 124/208 PUBLIÉ Si la principale critique du Plan Écophyto formulée par la Cour des comptes est l'insuffisance de résultats par rapport à l'objectif principal de réduction de la consommation de produits phytopharmaceutiques, celle-ci a également conclu à la nécessité de simplifier la gouvernance du Plan et d'en améliorer la gestion financière. Dans son relevé 1, la Cour des comptes soulignait la multiplicité des acteurs et la confusion entre l'élaboration du plan pluriannuel, qui nécessite une large concertation des acteurs, et sa mise en oeuvre annuelle qui, compte tenu du caractère majoritairement récurrent de 70 % des actions, pourrait être allégée. Elle distinguait le volet national du plan, à la main des instances de l'État, et le volet régional, tributaire d'autres financeurs. Enfin, elle recommandait « de mettre rapidement en place un dispositif de suivi et de pilotage de l'ensemble des crédits nationaux et régionaux, avoisinant 400 M par an, quelle que soit leur origine ». Tant la gouvernance stratégique du plan pluriannuel que le pilotage opérationnel du programme annuel ou la mobilisation des acteurs clés du programme sont perfectibles. La tutelle stratégique du plan Écophyto (2008) a été confiée à l'origine au ministre chargé de l'agriculture, auquel s'est adjoint le ministre chargé de l'environnement dans le plan Écophyto II (2015), puis les ministres chargés de la santé et de la recherche dans le plan Écophyto II+ (2018). Le plan pluriannuel est arrêté après avis d'une instance de concertation et de suivi qui était, dans le plan Écophyto 2018, le comité consultatif de gouvernance puis, dans le plan Écophyto II, le comité d'orientation stratégique et de suivi (COS), dont la composition est fixée par le décret n°2009-1352 du 2 novembre 2009, complété, pour la désignation des personnes ne siégeant pas ès qualités, par un arrêté conjoint des ministres chargés de l'agriculture et de l'environnement. Elle comprend des représentants des organisations professionnelles concernées, des organismes publics intéressés, des associations nationales de protection de l'environnement agréées, des organisations syndicales représentatives et des associations nationales de défense des consommateurs agréées. La même instance était chargée, en vertu des dispositions des articles L. 213-4-1 puis L. 131-15 du code de l'environnement, de donner un avis sur la programmation des crédits du plan Écophyto annuel, suivant des modalités qui ont varié dans le temps. Autour de cette instance principale sont censées graviter deux structures à vocation scientifique et technique : Un comité d'experts, devenu comité d'orientation stratégique recherche et innovation (COSRI) qui détermine la politique de recherche au moyen d'une stratégie nationale recherche 1 Cour des comptes. Relevé d'observations définitives S2019-2326 relatif au bilan des plans Écophyto Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 125/208 PUBLIÉ et innovation (SNRI) et assure la coordination de groupes techniques thématiques qu'il crée2. Ce comité a été mis en place avec Écophyto 2 ; un comité scientifique et technique (CST) chargé d'un rôle de suivi, de conseil et de prospective. Si la responsabilité s'est interministérialisée, nécessitant des arbitrages auprès du cabinet du Premier ministre, sa vision porte seulement sur le seul volet national du Plan Écophyto, et non sur l'ensemble des politiques concourant à la réduction des produits phytopharmaceutiques, ce qui a conduit à solliciter la mission du Préfet Bisch3 en 2020, pour apprécier la globalité des crédits mobilisés. Comme le soulignait la Cour des comptes, « le plan Écophyto est l'un des dix plans constitutifs du projet agroécologique pour la France et d'autres plans nationaux comportent des développements conséquents concernant l'utilisation des pesticides : Programme national de développement agricole et rural (PNDAR), Plan national santé au travail (PNST), Plan national santé environnement (PNSE), Stratégie nationale pour la biodiversité (SNB), Plans chlordécone ». Elle concluait que « ces plans ne sont pas articulés, et les bilans annuels du Plan Écophyto ne les intègrent pas, de sorte que la vision macroéconomique fait défaut et est difficile à communique ». La mission du coordinateur précitée a produit fin 2020 une première consolidation des financements concourant à la réduction de la consommation des produits phytopharmaceutiques. Dans sa conception, le plan présente les actions à grands traits sans les assortir des précisions et instruments utiles au pilotage. Ainsi, le suivi du plan d'action national Écophyto se matérialise-t-il par un document couvrant, sur une soixantaine de pages, l'ensemble des champs prévus par la directive 2009/128/CE, mais présente ce faisant chacune des actions avec un certain niveau de généralité et sans l'assortir des moyens nécessaires à sa mise en oeuvre, d'objectifs cibles chiffrés et d'indicateurs. Si l'ensemble des actions ainsi rassemblées donne une représentation de la dynamique d'ensemble, cette présentation ne permet pas d'apprécier la portée effective d'une action, son réalisme et son utilité. La déclinaison qui en est faite dans les régions sous la forme d'une feuille de route régionale, souffre des mêmes limites, comme l'a montré le travail d'analyse précité réalisé par la mission Bisch, à l'été 2020. Le comité d'orientation stratégique (COS) se réunit une fois par an, et aux dires de nombreux interlocuteurs, peine à contribuer aux orientations du plan. Cette situation résulte en partie d'une absence d'évaluation des différentes actions du plan, mais également de la posture institutionnelle de certains de ses membres. A cet égard, un changement important est intervenu en 2018 avec la suppression de l'approbation par le COS de la maquette budgétaire annuelle dans le cadre de la loi EGALIM4. Si cette simplification de la procédure est bienvenue, car elle a permis de conserver à cette instance sa vocation purement stratégique en évitant que chacun de ses membres ne sollicite sa part de subvention, elle n'a pas eu d'effet positif sur la durée de ladite procédure. 2Pour définir, piloter et mettre en oeuvre l'ensemble de ces actions, l'axe 2 du Plan Écophyto 2 s'appuiera sur un nouveau cadre collectif d'orientation, de programmation et d'incitation, le Comité Scientifique d'Orientation « Recherche ­ Innovation » (CSO R&I) (cf. action 28.1), issu des expériences acquises dans le cadre du programme « Pesticides » du ministère chargé de l'écologie, et du « Groupe Experts Recherche » (GER) du plan Écophyto I. Ce Comité sera piloté conjointement par le MAAF et le MEDDE, et sa composition inclura des experts du monde agricole. Coordinateur interministériel du plan de sortie du glyphosate et de réduction des produits phytopharmaceutiques nommé le 1er décembre 2018 3 Cet avis a été supprimé par l'article 89 de la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous 4 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 126/208 PUBLIÉ Néanmoins, la mission considère que le COS constitue une instance de concertation utile, pour peu que ses réunions soient documentées (bilan des actions, évaluations régulières, débat sur les évolutions du Plan). Enfin, le comité scientifique et technique n'était toujours pas été installé à fin 2020. Le plan Écophyto II+ prévoit : « Un comité scientifique et technique composé de membres nommés intuitu personae en concertation entre les quatre ministères pilotes, en raison de leur expertise personnelle, est installé. Il a en charge l'évaluation des réalisations, des résultats et des impacts du Plan. Il peut proposer des études permettant de documenter cette évaluation ou des actions de parangonnage. Il formule des propositions en matière d'indicateurs et de suivi. Il assure également un rôle de conseil et de prospective auprès des pilotes du Plan afin d'adapter ce dernier aux connaissances récemment acquises ou aux évolutions prospectives envisageables. Des membres du CST participent aux instances de pilotage de l'axe 2 ». Pour autant, la décision fait suite au comité d'orientation stratégique du plan Écophyto 2+ du 7 janvier 2020. Cette situation est préjudiciable dans la mesure où ce comité a « vocation à assurer le suivi régulier des indicateurs du plan Écophyto 2+ et à apporter une interprétation plus complète de leur évolution dans le temps, en fonction du type de produit et de culture. La création de ce comité sera aussi l'occasion de mieux évaluer l'efficacité des actions du plan en termes de réduction de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques. A ce titre, il pourra proposer des recommandations sur d'éventuelles actions complémentaires à mettre en oeuvre ou leviers d'actions à mobiliser pour atteindre les objectifs du plan ». Il pourrait éclairer le débat autour des indicateurs de suivi du plan. Ainsi la gouvernance stratégique du plan ne dispose que récemment d'une vision globale des financements dédiés, et pèche encore par l'insuffisance d'évaluations validées par un comité scientifique et technique absent. On peut regretter que cette gouvernance ne soit pas suffisamment concentrée sur la mise en cohérence des politiques publiques, une action stratégique pourtant mise en avant par Écophyto 2, et que sa composante scientifique reste incomplète. Cette gouvernance paraît finalement inutilement complexe à la mission. Cette section porte sur le pilotage du programme dans ses composantes nationale (41 M) et régionale (30 M). La conduite opérationnelle du programme annuel Écophyto s'appuie sur : · le comité interministériel (COS), cité plus haut, rassemblant les ministres chargés de l'environnement, de la santé, du travail, de la consommation et de la recherche ; · un « club » des référents Écophyto présents dans les principaux services de l'État concernés par la mise en oeuvre du plan, qui comprend la direction générale de l'alimentation (DGAL), la direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises (DGPE), la direction générale de l'enseignement et de la recherche (DGER), le secrétariat général du ministère de l'agriculture et de l'alimentation (SG MAA), la délégation à l'information et à la communication du même ministère (DICOM), la direction de la recherche et de l'innovation (DRI), le commissariat général au développement durable (CGDD), la direction de l'eau et de la biodiversité (DEB), la direction Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 127/208 PUBLIÉ générale de la prévention des risques (DGPR) la direction générale de la santé (DGS), la direction générale des outre-mer (DGOM), auxquels s'ajoutent l'Anses, l'Office français pour la biodiversité (OFB) et la cellule d'animation DEPHY, rattachée à l'assemblée permanente des chambres d'agriculture (APCA). Ces référents sont nommément chargés, individuellement ou collectivement, de la mise en oeuvre et du suivi de chacune des actions du plan Écophyto ; · un « club » des responsables Écophyto régionaux en poste dans chacune des DRAAF et DREAL. La coordination de ces différents acteurs est assurée au niveau national par les responsables des actions du programme. C'est principalement la DGAL qui dispose de la vision la plus globale, car ses services participent aux comités de pilotage de l'ensemble des actions ; cependant, sans mandat, toutes les informations utiles à la synthèse ne lui remontent pas. Aussi, la réalisation du bilan annuel du programme est complexe, de même que le pilotage opérationnel quotidien du programme. Le rapport de M. Potier 5 , député, avait déjà fait ce constat en 2014 ce qui avait conduit à des propositions structurantes en matière de gouvernance du projet Écophyto. La mission propose un nouveau dispositif pour la gouvernance nationale du plan Écophyto : - un chef de projet garant de la cohérence d'ensemble ayant le statut de délégué interministériel ; - une instance politique : la conférence d'orientation et de suivi (COS) ; - une instance chargée de prendre les décisions sur les actions à mener : le comité de pilotage opérationnel (CPO) ; - une instance experte chargée de rendre des avis : le conseil scientifique et technique (CST). Encadré 1 : Rappel des propositions du rapport Potier de 2014 (pages 185 à 190) Comme l'avait suggéré le rapport Potier, mais 4 ans après, les pouvoirs publics ont nommé, en décembre 2018, un coordinateur interministériel du plan de sortie du glyphosate et de réduction des produits phytopharmaceutiques, intégre au plan Écophyto II+6, arrête le 10 avril 2019, par le Comite d'orientation stratégique et de suivi (COS). Une des principales missions du coordinateur interministériel est de s'assurer du maintien de la dynamique engagée, qu'il s'agisse des services de l'État ou de l'ensemble des acteurs, de l'amont jusqu'a l'aval, dans un objectif de responsabilisation de chacun. Pour autant, le coordinateur interministériel n'est pas « un chef de projet » - il n'en a d'ailleurs pas le mandat - car il n'anime pas au quotidien le « comité de pilotage opérationnel » constitué des responsables de chaque action du programme. Il n'assure donc pas les arbitrages courants et ne joue aucun rôle officiel aujourd'hui dans l'élaboration de la maquette budgétaire annuelle. Si elle reste nécessaire, cette fonction de « chef de projet » fait donc toujours défaut. Enfin, d'après plusieurs interlocuteurs, la coordination des responsables régionaux avec les pilotes d'action nationaux est défaillante, faute d'être organisée d'une part, et parce que les crédits du programme régional sont gérés au sein des agences de l'eau d'autre part. Le pilotage est donc Rapport de Dominique Potier, député de Meurthe-et-Moselle au Premier ministre sur « Pesticides et agroécologie, les champs du possible ». Novembre 2014 5 Mission initialement exclusivement dédiée à la sortie du glyphosate et élargie trois mois après au plan Écophyto ; pour autant la task-force que préside le préfet Bisch ne concerne que le glyphosate ; cela montre les hésitations du gouvernement... 6 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 128/208 PUBLIÉ incomplet. L'exemple de la possible réorientation des crédits du programme en région dédiés au financement des pulvérisateurs, désormais pris en charge par le plan de relance, montre la nécessité d'un arbitrage très réactif et d'une mise en oeuvre rapide. En conclusion, il n'existe pas de responsable opérationnel du programme en capacité d'assurer la synthèse et d'arbitrer, ce qui conduit à solliciter indument le cabinet du Premier ministre pour des mesures de faible montant, entraînant ainsi l'approbation tardive de la programmation annuelle et un décalage dans le temps de sa mise en oeuvre. La coordination des responsables d'actions du programme annuel (et de son enveloppe régionale) et la mise en cohérence des dites actions ne sont pas organisées et ne permettent pas de disposer d'une vision globale et partagée par l'ensemble des acteurs (objectifs, mesures, bilans, résultats). Comme le rapportait l'un de nos interlocuteurs, « le premier plan Écophyto était structuré (8 axes), disposait de groupes de suivi par axe, qui discutaient des moyens et des financements. On savait déjà qu'il fallait une révision complète du système agricole. L'absence d'obligation a conduit au délitement du projet ». Il précisait : « il n'y a plus de visibilité de l'ensemble du plan, ni l'impression de construire ensemble (fin de la concertation), et l'idée de réduire les PPP est moins affirmée ». Les remontées d'information sont insuffisantes (consommation des autorisations d'engagement, pas des crédits de paiement ; absence de reporting sur l'atteinte des objectifs des actions), dispersées (chaque pilote central d'une mesure conserve les données, seule la DGAL dispose d'une vision d'ensemble des crédits nationaux ­ mais pas territoriaux - sans en réaliser une synthèse ni avoir la légitimité d'en tirer des leçons) et inexploitées (les fiches bilan OFB restent au sein de l'établissement). Pour la Cour, les documents de programmation et de suivi ne sont en outre pas suffisamment précis. Le programme pourrait donc être utilement complété par des documents synthétiques détaillant le contenu concret des actions et les moyens humains, financiers ou fonctionnels nécessaires à leur mise en oeuvre et par des objectifs chiffrés et des indicateurs. Les acteurs clés du programme annuel ne sont pas mobilisés à la hauteur des enjeux. L'OFB comme les agences de l'Eau participent à la réalisation du plan, mais cette activité n'est que l'un des axes de leur mission, la biodiversité pour le premier, la gestion de la ressource en eau et de sa qualité pour les secondes. Les DRAAF disposent de très faibles moyens consacrés au plan Écophyto, dont la mission ne transparaît pas dans les organigrammes. Le positionnement du chargé de mission Écophyto au sein d'un service (généralement le service régional de l'alimentation- SRAL), ne confère pas toujours à ce « chef de projet » la transversalité et l'autorité au sein de la direction. De même, les chambres d'agriculture n'ont pas intégré dans les faits l'objectif de réduire pour tous les agriculteurs l'usage des PPP, et proposent aux agriculteurs un réseau de conseillers agricoles non Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 129/208 PUBLIÉ adaptés à l'enjeu. L'absence de contrat d'objectif et de performance ne permet pas à l'État de fixer des objectifs clairs et contraignants dans ce domaine aux chambres d'agriculture, pourtant indispensables à la mise en oeuvre du plan. Dans son relevé, la Cour des comptes recommande « de simplifier les processus annuels d'allocation des ressources afin que les acteurs disposent de davantage de visibilité pour agir ». Les administrations centrales consultées ont alerté la mission sur les difficultés rencontrées : Des procédures propres à l'OFB ou aux agences de l'Eau et liées à la spécificité de leurs programmes pluriannuels d'interventions7 qui conduisent, dans le premier cas à remettre en cause les décisions d'affectation des crédits, dans le second à interroger leur légitimité à conduire certaines actions du programme Écophyto (par exemple les actions relatives à la santé humaine ne rentrent pas dans le champ d'action des agences de l'Eau) ; le caractère tardif de la programmation disponible en mi-année N, ne laissant que peu de temps pour la mise à disposition des crédits et leur consommation ; l'absence de visibilité quant à la consommation mensuelle des crédits en Autorisations d'Engagement (AE) et Crédits de Paiement (CP). De fait, le choix des opérateurs est davantage lié à des considérations historiques et aux équilibres entre ministères qu'à la recherche du circuit financier le mieux adapté à la politique menée. La lourdeur de la procédure budgétaire nuit à la mise à disposition des crédits, qui ne sont pas intégralement consommés alors qu'ils sont financés par une taxe affectée. Les circuits financiers sont complexes et font intervenir des acteurs dont la mission n'est pas principalement la réduction de la consommation des produits phytopharmaceutiques : la redevance pour pollution diffuse (RPD) est recouvrée intégralement et par commodité par l'agence de l'eau Artois-Picardie, pour le compte des six agences de l'eau, qui s'acquitte très bien de cette tâche, pour la redistribuer aux acteurs (OFB, agences de l'eau) en charge de la mise en oeuvre du programme annuel ; l'OFB est affectataire d'un montant de 41 M fixé par la loi de finances provenant des recettes de la RPD pour le volet national du programme annuel qu'elle engage selon la maquette budgétaire arbitrée. Cependant cet opérateur a pour principale mission la préservation, la gestion et la restauration de la biodiversité ainsi que la gestion équilibrée et durable de l'eau8 ; En application des lettres de cadrage de la tutelle (MTE) et cohérents avec les contrats d'objectifs passés entre ces opérateurs et l'État, pour la durée de ces programmes 7 L'Office français de la biodiversité est un établissement public de l'État, créé par la loi 2019-773 du 24 juillet 2019, qui contribue, s'agissant des milieux terrestres, aquatiques et marins, à la surveillance, la préservation, la gestion et la restauration de la biodiversité ainsi qu'à la gestion équilibrée et durable de l'eau en coordination avec la politique nationale de lutte contre le réchauffement climatique 8 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 130/208 PUBLIÉ les agences de l'eau consacrent une part fixe de 30 M de la RPD (dite enveloppe régionale), spécifiquement dans le cadre de leur programme d'intervention à des mesures relatives au Plan Écophyto, mais leurs missions sont plus vastes. Certains acteurs clés, par ailleurs opérateurs de l'État (exemple des chambres d'agriculture et de l'APCA), se voient financés par l'intermédiaire de l'OFB et non directement, ce qui alourdit encore le processus de contractualisation et de mise à disposition des crédits. Cette situation dans laquelle les décideurs ne sont pas les payeurs génère des pesanteurs liées notamment aux contraintes des établissements publics, qu'elles soient propres à leur statut ou à leurs procédures internes. A l'inverse, les administrations centrales concernées, comme les administrations régionales (DRAAF, DREAL principalement), ne disposent d'aucun crédit spécifique. Elles doivent en conséquence s'appuyer sur les opérateurs précités pour la mise en oeuvre concrète du programme (appels d'offre, contractualisation, mise à disposition des crédits, reporting). A l'origine le choix de l'opérateur ONEMA, ancêtre de l'AFB devenue OFB, résulte d'une décision du Parlement prise lors de l'examen du projet de loi de finances 20099. Le rôle de l'ONEMA a longtemps été circonscrit à la gestion administrative et financière du programme. Depuis la création de l'AFB, devenue responsable de la mise en oeuvre du volet national du programme financier dédié spécifiquement au plan Écophyto, l'opérateur n'a eu de cesse de renforcer son positionnement dans la gouvernance opérationnelle du programme. Enfin, l'OFB, créé en 2020 par transformation successive de l'ONEMA puis de l'AFB, désormais sous double tutelle MTES et MAA, considère de sa responsabilité de procéder à l'instruction des appels à projets qu'il finance, dans un cadre défini par ses tutelles. L'AFB, désormais intégré dans l'OFB, dispose d'un programme d'intervention pour la période 2019 2020, adopté par son conseil d'administration le 15 mars 2019. Le domaine n°5 concerne la mise en oeuvre du programme Écophyto. Ce programme d'intervention définit le cadre, les priorités et modalités générales de mise en oeuvre des concours financiers apportés par l'établissement. À l'intérieur de l'enveloppe globale d'interventions, de l'ordre de 120 M, une partie très significative de ces subventions (41 M) est « fléchée » par la loi sur l'appui à la mise en oeuvre du volet national du Plan Écophyto. Le type de projets finançables, au sens des grands objectifs, est défini dans le cadre de la gouvernance particulière à ce plan, et l'Office attribue ses aides dans les limites d'une « maquette financière générale » qui lui est notifiée chaque année par les ministères chargés de l'agriculture et de l'environnement 10. Dans le projet de PLF 2009, le gouvernement avait initialement proposé que la gestion de la part de redevance destinée au plan Écophyto soit affectée à FranceAgriMer. Cette imputation avait été fortement contestée par les instances de gouvernance du secteur de l'eau d'où in fine la décision prise par le Parlement d'affectation à l'ONEMA financé par ailleurs en totalité par un prélèvement sur l'ensemble des redevances perçues par les agences de l'eau conformément à la loi sur l'eau du 30 décembre 2006 9 Article R.131343 du code de l'environnement : « Le ministre chargé de l'agriculture et le ministre chargé de l'environnement arrêtent chaque année le programme national [...]. Ils peuvent modifier ce programme en cours d'année pour tenir compte des recettes effectivement affectées à l'agence ou des enseignements tirés de la mise en oeuvre du programme par l'agence ». 10 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 131/208 PUBLIÉ Le Conseil d'administration de l'OFB se prononce, comme pour les autres domaines d'intervention de l'OFB, sur : l'attribution de subventions d'un montant supérieur à 500 000 (pour mémoire, les aides de montant inférieur faisant l'objet de décisions du directeur général de l'Office, par délégation), après avis de la Commission des interventions ; depuis 2018, sur le lancement des appels à projets dans le cadre du programme Écophyto. Si ce processus est conforme au statut de l'établissement public, il pose quelques difficultés aux tutelles de l'établissement en charge du programme Écophyto : l'OFB dispose d'un conseil d'administration qui ne comprend que 16 représentants de l'État sur 43 membres. Or, les orientations du programme Écophyto ne sont pas toujours en concordance avec la mission de l'opérateur en matière de défense de la biodiversité. Il n'est par exemple pas possible d'utiliser les crédits Écophyto provenant d'une taxe affectée, à d'autres usages ; les règles internes de l'OFB fixent notamment un plafond de subventionnement de 75 % des dépenses d'un projet, là où l'État peut estimer nécessaire de porter ce taux à 100 %. Cette règle a conduit à des débats sérieux entre le conseil d'administration de l'opérateur et ses tutelles. Certes, le recours à un opérateur national avait pour but d'alléger la charge de travail des administrations centrales. En effet, la mise en oeuvre du plan a donné lieu à la conclusion annuelle et à la gestion pluriannuelle d'un très grand nombre de conventions (149 conventions conclues annuellement en 2018, 134 en 2019 et 91 en 2020, et autour de 250 suivies simultanément). Mais, dans la mesure où la majorité des conventions annuelles lient l'agence française pour la biodiversité (AFB)/OFB et les chambres régionales d'agriculture pour la mise en oeuvre de la surveillance biologique du territoire ainsi que l'APCA pour la mise en oeuvre du dispositif DEPHY, il est permis de s'interroger sur la nécessite de passer par un opérateur tiers pour contractualiser avec d'autres opérateurs de l'État. La coordination entre les administrations centrales et l'OFB pour l'enveloppe nationale du programme (41 M) se heurte aux contraintes d'un EPA dont ce n'est pas la mission principale (la réduction des PPP n'est pas la préservation de la biodiversité - ex santé humaine), dont l'État ne détient pas la majorité au conseil d'administration, et qui impose des règles de gestion internes inadaptées (plafond de 75 % de subvention). Le plan Écophyto II (action 30.2) prévoyait la mobilisation de 30 M par an pour financer les actions déterminées par la commission agroécologie de chaque région. Ce montant a été estimé comme le supplément relatif à l'augmentation de redevance portant sur les substances les plus nocives. Ce montant est fongible avec les autres crédits en provenance de la RPD, car celle-ci, à l'exclusion des crédits nationaux pour 41 M, reste affectée aux agences de l'eau. La mission du préfet Bisch a constaté que l'investissement des agences dans la réduction des produits phytopharmaceutiques dépassait largement les 30 M chaque année, ne serait-ce que dans la conversion à l'agriculture biologique. Pour autant, les agences de l'eau ne sont pas pilotées par le niveau national du plan qui ne fournit pas de vision globale du programme, dans ses deux dimensions, nationale et régionale. La DRAAF n'est pas le pilote du plan Écophyto au niveau régional, mais le coordonnateur du comité des financeurs. A l'inverse, les agences de l'eau n'ont aucun rôle dans la stratégie nationale et les 41 M. Il n'y a pas de retour sur les actions nationales, ni au niveau des agences de l'eau, ni au comité régional. On constate Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 132/208 PUBLIÉ une réelle déconnexion entre le niveau régional et le niveau national. Selon la Cour des comptes, au plan régional, le dispositif souffre de faiblesses comparables à celles décrites au niveau national et qui tiennent « à l'architecture initiale du dispositif, au nombre d'interlocuteurs, au flottement de la gouvernance et au caractère complexe et fluctuant des financements ». Si les conseils régionaux ont accepté de participer, comme les textes leur en offrent la possibilité, au copilotage du plan, ces collectivités conservent la faculté de déployer de nombreuses actions en marge du cadre fixé par la feuille de route régionale et des actions financées dans le cadre du comité des financeurs. La coordination avec les agences de l'eau est inexistante, au plan national, et ne concerne que la part régionale (30 M) au niveau régional via le comité des financeurs, les DRAAF n'étant pas associées territorialement au pilotage national, bien qu'elles président le comité des financeurs. Ainsi, le manque d'articulation entre les volets national et territorial du programme est unanimement reconnu. Comme pour le programme national, la gouvernance et la gestion des enveloppes régionales n'ont pas fait la preuve de leur efficacité globale, même si l'intérêt des actions financées peut sembler assuré par le caractère partenarial des décisions. La mission recommande aux administrations centrales d'assurer un pilotage plus ferme de leurs opérateurs et de coordonner l'action de leurs services déconcentrés, sans nécessairement réviser les circuits financiers, compte tenu des sommes en cause. Si des scénarios alternatifs conduisaient à réformer le plan Écophyto, deux alternatives pourraient être explorées (voir partie 3 du rapport) : affecter certains crédits directement aux opérateurs publics dont la mission principale est en adéquation avec les actions à financer. Dans ce cas, il conviendrait de modifier les textes relatifs à l'affectation des crédits à l'OFB ; attribuer à l'Etat, pour chacun des ministères en charge, les budgets nécessaires à la mise en oeuvre des dites actions. Dans cette hypothèse, les recettes de la RPD viendraient abonder le budget de l'Etat, et il conviendrait alors de modifier les textes pour supprimer le caractère « d'affectation » de ladite redevance, pour la part relative au plan Écophyto. Le processus budgétaire relatif aux crédits du programme national (41 M) conduit à décaler d'un an la mise à disposition des crédits (les notifications de crédits à l'OFB datent pour 2020 de début novembre 2020 ; les crédits consommés en 2020, pour 13,1 M et 91 conventions, concernent tous des enveloppes budgétaires des années 2018 et 2019). Le caractère tardif de la programmation disponible en mi-année N ne laisse que peu de temps pour la mise à disposition des crédits et leur consommation. Comme l'a souligné la Cour des comptes, les 41 M de crédits définis au niveau national issus annuellement de la redevance pour pollution diffuse et sanctuarisés par la loi de finances se répartissent entre dépenses structurantes (70 %) et actions financées sur appels à projet (30 %), et entre les différents axes et actions du plan. Ainsi, en 2018, 28,88 M de crédits sont attribués à l'APCA et aux chambres d'agriculture, soit 72 % du total national. Deux catégories d'actions mobilisent la grande majorité des crédits : la surveillance biologique du territoire et le réseau des Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 133/208 PUBLIÉ fermes DEPHY destinées à tester et mettre en oeuvre des procédés culturaux économes en produits phytopharmaceutiques. La mission considère, comme la Cour des comptes, que le processus annuel d'allocation des crédits du plan est inutilement chronophage, dans la mesure où les crédits disponibles sont pour l'essentiel connus et que près de 70 % de ces crédits sont destinés à financer des actions pérennes. Il serait pertinent d'informer les administrations des moyens récurrents déjà alloués et/ou reconduits et de ne développer le processus budgétaire que pour les nouveaux crédits. La Cour déduisait également de la multiplicité des acteurs « une mobilisation des services sur des tâches administratives dépourvues d'intérêt opérationnel au regard des objectifs à atteindre (notamment conception du plan mobilisant un nombre élevé de réunions et de participants, conception de maquettes financières nouvelles rouvrant des questions susceptibles de nécessiter de longues négociations ou de nouveaux arbitrages) alors même que la consistance des actions n'est pas fondamentalement modifiée ». La Cour des comptes préconisait, « afin d'ancrer dans la continuité des mesures et des actions dont la mise en oeuvre et les effets exigent plusieurs années, de concevoir pour la mise en oeuvre, le financement et le suivi d'actions pour l'essentiel pluriannuelles, des instruments de gestion publique adaptés permettant de fixer, dans un cadre pluriannuel d'une durée pertinente et raisonnable (3 ou 5 ans), des missions et des moyens prévisionnels, assorti d'un mécanisme annuel allégé de mise à disposition des crédits et de rendu compte ». Cette préconisation pourrait être mise en oeuvre dès la prochaine maquette budgétaire, en fixant la pluriannualité à trois ans, ce qui correspond à la durée moyenne des conventions et de leurs avenants. La consommation des CP nationaux ne fait pas l'objet d'un encadrement par la tutelle, l'OFB précisant qu'en moyenne 85 % des AE nationaux étaient consommés en CP. Tableau 5 : Situation à la date de la mission En Année 2016 2017 2018 2019 Total AE budgétés 41 393 458 40 910 000 41 000 000 41 000 000 AE consommés 37 677 586 40 904 877 40 991 606 36 567 702 AE disponibles 3 715 872 5 123 8 394 4 432 298 CP décaissés 35 643 812 34 912 723 32 023 219 29 882 435 Ecart AE budgétés ­ CP décaissés 5 749 646 5 997 277 8 976 781 11 117 565 31 841 269 Source OFB S'il est probable que des crédits de paiement seront consommés en 2020 concernant des AE des années 2018 et 2019, la mission retient qu'en moyenne 6 M, soit près de 15 % des AE budgétés annuellement, ne sont pas consommés. Sur la période 2016 ­ 2019, sur 24 M ainsi non dépensés, seuls 4 M relatifs à des AE disponibles en 2019 ont été à nouveau programmés en 2020. Ce sont donc environ 20 M qui sont venus abonder le fonds de roulement de l'opérateur sur la période, sans qu'à aucun moment les Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 134/208 PUBLIÉ tutelles n'aient jugé utile de reprogrammer des AE, ni l'opérateur d'ailleurs. Ces informations ont pourtant été portées à leur connaissance. Même si la mission n'a pas de doute sur l'intérêt de l'ensemble des actions conduites par l'OFB, l'utilisation non tracée de fonds issu d'une taxe affectée est critiquable et pénalisante pour le programme Écophyto. Les orientations du plan Écophyto sont du ressort des ministres, appuyés par le COS, dont la vocation doit rester d'ordre stratégique. Il est pertinent pour la mission d'avoir supprimé le visa du COS sur le programme annuel. Néanmoins, le COS doit disposer d'une information pertinente, composée d'un bilan annuel du programme, mais aussi d'avis scientifiques éclairés et d'évaluations sérieuses. Pour ce faire, la mission recommande de nommer sans plus tarder les membres du CST. Elle recommande également de consolider la gouvernance stratégique du plan en confirmant le rôle du délégué interministériel dans la mise en cohérence des politiques en faveur de la réduction des PPP. Il importe de désigner clairement le pilote en charge de la conduite des opérations et de leur mise en cohérence. La mission propose deux voies possibles : soit l'élargissement des compétences du délégué interministériel au volet opérationnel, qui devrait alors s'accompagner de moyens humains en conséquence ; soit la désignation de l'un des directeurs généraux du ministère de l'agriculture par délégation des quatre ministres, la mission considérant que la DGPE ou le DGAL pourrait remplir cette fonction. Dans ce registre, il conviendrait de veiller à ce que ce pilotage opérationnel soit en capacité d'arbitrer l'essentiel des questions liées au bon fonctionnement du programme, y compris au niveau régional. Ces mesures sont indépendantes du scénario retenu. La gestion financière du programme soufre de lenteurs et de lourdeurs liées en premier lieu à la procédure budgétaire. Outre l'apport d'un pilote opérationnel, l'élaboration d'un budget pluriannuel permettrait de limiter les ajustements annuels à la portion congrue. La mission suggère une période de trois ans, tant il est ardu de se projeter à un horizon plus lointain, mais également une actualisation régulière par le biais d'un programme triennal glissant. En tout état de cause, cela autorise une révision à mi-parcours des orientations budgétaires. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 135/208 PUBLIÉ Certaines conventions peuvent avoir une durée plus longue, car la mise en oeuvre de certains projets nécessite plus de temps (5 à 6 ans). La mission maintient l'idée d'un programme triennal, et propose, afin de ne pas limiter inutilement la mise en place des autorisations d'engagement : soit de limiter la part des conventions d'une durée supérieure à trois ans, à 50 % au plus des budgets annuels ; soit d'échelonner les AE en fonction de la maturité des projets. Enfin, la mission préconise de consommer l'intégralité des crédits de paiement issus de la part de la taxe affectée à Écophyto, en reprogrammant systématiquement chaque année les CP non consommés. Elle préconise le suivi au premier euro des crédits de paiements. La mission ne recommande pas de changer d'opérateur pour le recouvrement des recettes de la RPD. S'agissant des dépenses dans le dispositif de taxe affectée qu'est la RPD, le choix de l'opérateur a été davantage lié à des raisons historiques et au périmètre des ministères concernés qu'à la nature des dépenses et à leur adéquation avec la mission centrale d'un opérateur. Cela peut conduire à des divergences dans le choix des projets lors de la mise en oeuvre. Cela a aussi pour inconvénient de ne pas attribuer au décideur les moyens de son action, ce qui n'est pas en phase avec les principes de la LOLF. Aussi, si l'on souhaite recourir à d'autres opérateurs, le principe de la taxe affectée peut être maintenu, l'affectation devant être modifiée selon le nouvel opérateur choisi. En revanche, si l'on retient l'idée d'un pilotage direct par les ministères en charge (administrations centrales et services déconcentrés), il convient de revenir à une ressource sur budget de l'Etat et modifier les textes en conséquence. Enfin, la mission s'est rapprochée de FranceAgriMer et de l'agence de services et de paiement (ASP) dont le principal avantage, selon les administrations centrales, est de procéder aux paiements sans examen en opportunité des décisions prises. Cette dernière a clairement précisé qu'avant tout transfert d'activité, une simplification du plan Écophyto serait nécessaire, tant le nombre de mesures de nature différente est important au regard des 41 M à administrer. La mission considère par ailleurs qu'il y aurait des inconvénients à ne pas utiliser les services d'un opérateur de l'Etat sous tutelle des ministères en charge du plan Écophyto dont la mission est proche de la nature des dépenses engagées. La mission considère également que le financement régional pourrait être le fait des DRAAF, ce qui assoirait leur position au sein du comité des financeurs tout en les mobilisant sur le thème Écophyto. Cette option se situe dans le cadre d'une ressource sur budget de l'Etat. Il conviendrait alors d'affecter l'enveloppe régionale au réseau déconcentré via FranceAgriMer, et d'en assurer le pilotage national via la DGAL. La réorientation des crédits en serait facilitée. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 136/208 PUBLIÉ La première partie de ce rapport a présenté les principales actions du plan et leurs contributions à ses résultats. La seconde partie a analysé les principales caractéristiques du plan et a formulé des recommandations générales pour l'améliorer, dont certaines avaient été déjà proposées par la Cour des comptes. La troisième partie propose des évolutions plus profondes, sous la forme de scénarios incluant des processus de massification à l'échelle des objectifs du plan. Cette annexe est la version complète de cette troisième partie. La section 1 expose la méthode qui a été retenue pour construire les trois scénarios. Les sections 2, 3 et 4 décrivent les trois scénarios choisis. Chaque scénario se conclut par un tableau « forces, faiblesses, opportunités, menaces » que le lecteur pressé peut directement aller consulter. La section 5 fournit des clés d'aide à la décision, notamment quant au modèle d'agriculture souhaité, ainsi qu'au positionnement et à l'organisation de l'État. Elle se conclut par un tableau comparatif des trois scénarios et une recommandation méthodologique. Au cours des entretiens qu'elle a pu mener, la mission a constaté une perte de confiance dans l'adéquation entre les objectifs du plan et les actions qui sont aujourd'hui déployées. En particulier, aucune des mesures financées dans le cadre du programme national et des enveloppes régionales ne semble en mesure d'entraîner un mouvement suffisant des agriculteurs, de leurs fournisseurs et des transformateurs et distributeurs pour atteindre les réductions de PPP souhaitées, ce qui semble engendrer un certain fatalisme. Ne pas compter que sur la nouvelle PAC, ni sur la seule agroécologie Certaines améliorations de gouvernance et de fonctionnement sont certes attendues ou ont été enclenchées, notamment à la suite du référé de la Cour des comptes, mais si elles sont nécessaires, et décrites plus haut, elles ne suffiront pas à redonner de la crédibilité au plan Écophyto. Et il serait bien malavisé de ne compter que sur la réforme de la PAC, en cours d'arbitrage, pour redonner de la crédibilité à la cible fixée par Écophyto. Certes, par la masse financière qu'elle représente, et par le couplage avec les politiques publiques qu'elle autorise, à travers le second pilier et au moins dans une proportion de 20 à 30% des actions du premier pilier, la nouvelle PAC est une opportunité, comme l'a en particulier souligné la Cour des comptes (2020). Mais s'il faut essayer de la saisir, il est tout aussi indispensable d'identifier d'autres voies de massification, avec des prérequis européens moins exigeants, et tenant compte des acquis et des réalisations depuis 2008. Tout comme il serait imprudent de ne miser que sur un seul modèle agricole : il existe aujourd'hui Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 137/208 PUBLIÉ plusieurs types d'agriculture, répondant à des besoins complémentaires, et l'intérêt public commande de tous les faire progresser, sur la question des PPP, bien sûr, c'est la priorité du plan Écophyto, mais également sur l'eau, les nitrates et les gaz à effets de serre... A cette fin, et c'est un mouvement déjà bien entamé depuis les états-généraux de l'alimentation, les politiques agricoles incorporent de plus en plus les enjeux de l'alimentation, voire de la nutrition et les attentes des consommateurs peuvent aussi être un levier de la transformation agricole. C'est dans cette perspective, plus large que celle du premier plan Écophyto, que les enjeux de la massification des bonnes pratiques en matière de protection des cultures doivent aujourd'hui être envisagés. Continuité ou rupture ? Certes Écophyto a un bilan bien meilleur que ce que l'évolution des indicateurs QSA et NODU ne le montre1. Écophyto a sensibilisé assez largement aux risques associés à l'usage des PPP et a engagé la recherche et une partie de la profession agricole dans la mise au point et la diffusion d'alternatives. Certaines pratiques en matière de PPP ont changé, et le plan Écophyto peut en être crédité, mais ni les résultats obtenus ni le contenu et l'organisation du plan ne sont aujourd'hui satisfaisants. Face à ce constat très partagé et à ces analyses, une démarche sinon de « rupture » - il ne faut pas tout jeter dans Écophyto - au moins de « nouvel élan » semble indispensable. Si nécessaire, deux arguments supplémentaires peuvent être apportés et justifier la méthode des scénarios : En premier lieu, la mission considère que le plan actuel ne peut pas réussir. Sa poursuite en l'état pose la question de la crédibilité de l'action publique. Écophyto a 12 ans d'âge, et devrait donc avoir fini de produire les résultats escomptés en 2008, lors de sa création. Or l'indicateur de référence, le NODU, est sensiblement au même niveau qu'en 2008. Les principales actions ont été conçues au début du plan, pour démontrer la faisabilité de la réduction des PPP. Hormis les CEPP, qui ne sont aujourd'hui qu'une promesse, et dont le potentiel a été bridé, et la séparation entre la vente et le conseil en PPP, qui entre en vigueur en 2021, aucune action nouvelle susceptible de contribuer à une réduction plus forte n'a été définie depuis, notamment avec Écophyto 2 et Écophyto 2+. L'action la plus probante sur la réduction de l'usage des PPP, le développement de l'agriculture biologique, n'était pas identifiée comme prioritaire dans le plan initial, et son ampleur d'ici 2028 restera insuffisante pour atteindre l'objectif du plan Écophyto 2°+. On ne connaît pas les résultats 2020, mais on sait déjà que la première des échéances redéfinies avec Écophyto 2 ­ la baisse de 25% d'ici 2020 ­ ne sera pas atteinte, au moins en moyenne sur 3 ans (2018, avec des achats très élevés, 2019 avec des achats en baisse, et 2020). Une mise en cohérence des leviers et des ambitions est donc nécessaire. Elle est une condition de rétablissement de la crédibilité de la parole publique dans le domaine des PPP et de la réhabilitation des agriculteurs dans leur fonction positive, sociale et économique, et pas seulement comme « pollueurs » qu'on ne veut seulement pas voir dans son jardin2. En second lieu, la perception des enjeux et des risques est aujourd'hui variée et détermine des attitudes politiques multiples. Il convient d'appréhender l'impact des PPP sur la santé humaine et la biodiversité, mais aussi les enjeux associés à la qualité de l'alimentation, à la compétitivité et à l'autonomie de l'agriculture française. L'examen simultané de ces enjeux peut donc aboutir à des arbitrages politiques multiples. L'apparente continuité des plans Écophyto ne doit pas laisser croire à Cf par exemple l'article déjà cité Le plan Écophyto de réduction d'usage des pesticides en France : décryptage d'un échec et raisons d'espérer, Laurence Guichard & alii, 2017 1 2 Not in my back yard. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 138/208 PUBLIÉ un consensus : certes l'objectif d'une réduction de 50% a été maintenu, mais son échéance a été repoussée, et la mission a pu constater qu'une part significative des acteurs concernés, y compris au sein des administrations et opérateurs de l'État, n'était pas déterminée à en assurer la réussite, attitude que certains acteurs de l'agriculture et de l'alimentation et certaines parties prenantes ont perçue et intégrée dans leurs propres comportements. Quelques acteurs présents au début du plan, alors confiants voire optimistes, dans l'élan du Grenelle de l'environnement, déclarent s'être radicalisés en plaidant désormais non pour la réduction, mais pour l'interdiction des PPP de synthèse. D'autres au contraire ont perçu les hésitations successives des gouvernements à mettre en place des leviers contraignants, et considèrent ainsi que l'objectif de réduction des PPP ne concernera que leurs successeurs. En attendant, la pression de la profession agricole, incluant fabricants et revendeurs, pour maintenir la possibilité d'user des PPP semble supérieure à celle des ONG, de certains élus et des citoyens pour obtenir leur retrait. Parallèlement, les questions de la sécurité alimentaire et de la compétitivité de l'agriculture et des activités agro-alimentaires, industrielles ou artisanales, restent des enjeux importants, et que la crise de la Covid 19 a rehaussés. Mais alors que le plan Écophyto est clairement porté à une échelle interministérielle, le MAA peut parfois sembler seul à porter les enjeux de sécurité alimentaire et de compétitivité, tout comme le MTE porte les enjeux des écosystèmes et le MSS l'enjeu de santé des populations, donnant l'impression d'une parole multiple de l'État, à l'échelle nationale comme à l'échelle déconcentrée. La mission s'est donc considérée comme légitime à décrire plusieurs horizons crédibles pour Écophyto, tous fondés sur la recherche de l'intérêt général, mais réservant à la concertation avec les professionnels et les parties prenantes d'une part, à la décision politique d'autre part, le soin de définir et choisir les voies à privilégier entre plusieurs scénarios. Puisqu'ils visent une massification des bonnes pratiques, les différents scénarios peuvent être construits à partir d'une question centrale : si l'on considère que l'abandon progressif des PPP obéit aux « lois » de la diffusion des innovations, où est-on situé aujourd'hui sur la trajectoire de diffusion de l'innovation ? Et quelle sera sa forme dans les années à venir ? La question de la diffusion des innovations a fait l'objet d'études et de travaux de recherche nombreux y compris pour ce qui concerne le monde agricole. Conformément à la représentation très répandue initiée par Rogers3 en 1962, on peut par exemple supposer que l'adoption des alternatives aux PPP s'étale dans le temps avec une courbe en S (en jaune sur la figure) issue d'une gaussienne (en bleu sur la figure). 3 Everett Mitchell Rogers, 1962 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 139/208 PUBLIÉ Figure 11 : représentation simplifiée de l'adoption des innovations Une très faible proportion des agriculteurs innove lentement, avec un début de diffusion concave, animé par les « early adopter » puis une majorité se décide et la courbe d'adoption devient convexe, une fraction des agriculteurs étant résistante et ne s'adaptant que tardivement. Certains auteurs croient pouvoir déceler dans cette trajectoire un « gouffre » 4 sur cette trajectoire (figure de droite) : après sa mise au point et son adoption par une fraction limitée des agents, l'innovation tarde à trouver son marché et à se généraliser, du fait de verrous culturels ou sociotechniques. Bien sûr, il s'agit là de représentations simplifiées de phénomènes beaucoup plus complexes dans la réalité. Au cas d'espèce, la question est rendue encore plus difficile à appréhender du fait qu'il ne s'agit pas de comprendre la diffusion d'UNE innovation, mais d'analyser l'impact de l'abandon d'une technologie très fortement diffusée, les PPP de synthèse, dont les substituts peuvent être représentés comme de multiples innovations5 éventuellement reliées en une « grappe d'innovation ». Si on peut admettre que la diffusion de chaque innovation de substitution suit une trajectoire standard (une courbe de Gauss), l'adoption des dizaines ou des centaines d'innovations indépendantes les unes des autres, mais toutes nécessaires pour réduire l'usage des PPP, suit probablement une courbe beaucoup plus chaotique, et assez imprévisible, comme beaucoup d'innovations de « rupture ». Or l'efficacité des actions de soutien n'est très probablement pas la même selon l'endroit où on se situe dans la dynamique de « destruction créatrice »6. Ainsi le repérage de la position actuelle du monde agricole dans son processus d'abandon des PPP et d'adoption des alternatives est un point clé pour déterminer les priorités du plan et du programme Écophyto. L'identification des solutions a mis plus de temps que prévu. Le premier plan Écophyto s'est en priorité attaché à regarder la disponibilité des innovations de substitution aux PPP : c'était en effet un préalable nécessaire. Cette première phase d'identification a pris quelques années et, à certains égards, se prolonge encore, comme des travaux récents de l'INRAE sur les alternatives au glyphosate l'illustrent7 . Elle a permis d'identifier des actions permettant de réduire les PPP de quelques % (par l'amélioration des pulvérisateurs) à quelques dizaines de % (par la mise au point d'un assolement sur 6 ou 8 ans). L'identification et la mise au point de changements de systèmes, capables de réduire davantage l'usage des PPP, a été beaucoup plus long et si ces changements ont bien été réalisés dans un nombre significatif d'exploitations, par exemple au sein du 4 5 6 7 Crossing the chasm, Geoffrey Moore 1991 Joseph Schumpeter en a décrit les principales variétés. Idem. Cités supra Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 140/208 PUBLIÉ réseau DEPHY, on a vu que ce réseau pouvait être considéré comme une avant-garde, qu'il a bénéficié d'un accompagnement important8 et que ces résultats, par exemple en grandes cultures (IFT en baisse de 14%)9, restent très inférieurs à l'objectif. Les temps de diffusion des innovations à la masse des exploitations n'ont pas été intégrés alors qu'ils peuvent être très longs dans le domaine de l'agriculture Mais au-delà de la phase préalable d'identification des innovations de substitution, le plan fait ensuite des hypothèses implicites très peu réalistes quant à leur diffusion à une large fraction des agriculteurs. En particulier les actions du programme en première phase de ce plan ciblaient les innovateurs et les early adopter engagés notamment dans les fermes DEPHY. Comment aurait-on pu aboutir à une diffusion suffisamment large de ces innovations pour obtenir ainsi une réduction de 20 ou 25% en moins de 5 ans ? De même, la deuxième étape, le délai de 5 ans pour repérer les modifications plus structurelles, les changements de système, était sans doute envisageable, mais une extension suffisante de ces changements de systèmes pour atteindre la réduction de 50% aurait supposé un délai réaliste beaucoup plus long que 5 nouvelles années. La diffusion des innovations dans les domaines de l'agriculture, de l'alimentation et de l'environnement est une question qui intéresse les chercheurs10. L'INRAE conduit au long cours un programme désigné « ASIRPA11 » visant à décrire et mesurer selon une méthode normalisée l'impact sociétal de la recherche agronomique : les études réalisées, disponibles sur le site de l'INRAE, montrent des durées d'impact importantes, souvent supérieures à 15 années, pour des travaux clairement délimités, comme la mise au point d'une alternative de biocontrôle utilisable dans la culture des pommiers. En 2014, cette méthode ASIRPA a également été adoptée pour mesurer l'impact de l'étude Écophyto R&D. Ces études montrent que certains résultats ont été produits grâce à des projets de recherche et des dispositifs conçus dans les années 1990 : on est plus près du rythme de la recherche spatiale, quand une vie de chercheur peut se dérouler entre la définition d'un protocole d'observation et l'exploitation des données d'un satellite envoyé aux confins du système solaire, que des nouvelles technologies numériques ! Certes des résultats intermédiaires sont disponibles, mais on n'est clairement pas dans un temps politique, avec une attente de « résultats » avant l'échéance d'un mandat présidentiel. Si le temps des travaux de recherche proprement dit est long, celui de certaines études réalisées par des chercheurs, mais visant à faire le point sur l'état de la recherche ou des pratiques, sans produire de nouvelles connaissances, est plus rapide. On l'observe avec le glyphosate : les travaux préalables à la décision conduits par l'INRAE ont permis de recenser des possibilités de substitution variables, et d'adapter les évolutions de la réglementation souhaitées (la promesse d'une interdiction exprimée par le Président de la République) à des contextes multiples. Ces études préalables à la réglementation sont elles-mêmes coûteuses en expertise et en temps, mais elles sont nécessaires pour sécuriser l'action publique et bien anticiper son impact. Dès qu'on abandonne l'idée naïve d'une diffusion spontanée des alternatives aux PPP, on voit que le plan a sous-estimé non pas les délais d'identifications des bonnes pratiques ­ certaines n'ont d'ailleurs jamais cessé d'être connues12-, mais les délais de diffusion des pratiques susceptibles d'être considérées comme des innovations intéressantes dans un domaine aussi multifactoriel que 8 9 Lechenet &alii, 2017 Colloque national Dephy, 2 février 2021 Par exemple : Le plan Écophyto de réduction d'usage des pesticides en France : décryptage d'un échec et raisons d'espérer, Laurence Guichard et alii, Cahiers de l'agriculture, 2017 10 11 12 Analyse Socio-économique des Impacts de la Recherche Publique Agricole Comme le dit Marc Dufumier supra Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 141/208 PUBLIÉ l'agriculture. Au lieu de supposer la diffusion spontanée des alternatives aux PPP, plusieurs hypothèses peuvent être formulées. On peut ainsi distinguer trois hypothèses différentes quant à la maturité des alternatives aux PPP et par conséquent aux priorités pour Écophyto : Les alternatives aux PPP ne sont globalement pas matures, il faut alors continuer à les définir et à les assembler (à gauche du « gouffre ») avant d'essayer de généraliser13 ; Les alternatives aux PPP sont matures, l'enjeu est de massifier (à droite du « gouffre »)14 ; C'est variable selon les sites, les exploitations agricoles et les cultures : l'enjeu est d'aider chaque acteur à exploiter au mieux sa capacité à agir dans le bon sens15. Avant de décrire certaines conséquences de ces hypothèses sur l'instrumentation adéquate d'Écophyto, voyons les avis des experts sur leur crédibilité. L'avis des experts16 lus ou rencontrés par la mission se répartit entre ces trois hypothèses, dont aucune ne semble faire l'unanimité, mais chacune trouve des défenseurs autorisés. Les alternatives aux PPP sont matures ! Ainsi, Marc Dufumier, connu pour être un précurseur de l'agroécologie, a réagi dans une tribune publiée par le journal Le Monde le 2 janvier 2021 à la validation d'une autorisation des néonicotinoïdes, en affirmant qu'il existe déjà des alternatives à l'emploi du glyphosate et des néonicotinoïdes notamment l'allongement des rotations et la diversification des cultures, au bénéfice des légumineuses et aux dépens des cultures d'exportations... Pour lui la responsabilité revient à « l'incompétence des technocrates » et aux « pressions de puissants lobbys ». Une partie de la littérature scientifique confirme la disponibilité des alternatives: par exemple Martin Lechenet &alii, dans un article paru dans Nature Plants (2017)17 estiment que l'utilisation totale de pesticides pourrait être réduite de 42% sans aucun effet négatif sur la productivité et la rentabilité dans 59% des fermes d'un réseau national de 946 fermes. Cela correspond à une réduction moyenne de 37, 47 et 60% de l'utilisation d'herbicides, de fongicides et d'insecticides, respectivement. Le potentiel de réduction de l'utilisation de pesticides est apparu plus élevé dans les exploitations où l'utilisation de pesticides est actuellement élevée que dans les exploitations à faible utilisation de pesticides. Les alternatives existent, mais leur diffusion se heurte à des freins et verrous ! On peut classer dans ce groupe les analystes des « verrous socio-techniques », par exemple Le plan Écophyto de réduction d'usage des pesticides en France : décryptage d'un échec et raisons d'espérer, Laurence Guichard et alii, Cahiers de l'agriculture, 2017 13 Voir par exemple ­ il n'est pas seul- l'ITW de Marc Dufumier, journal Le Monde, 3 janvier 2021, qui met en cause la détermination de l'Etat sur les néonicotinoïdes et le glyphosate, alors que des alternatives existent selon lui. 14 C'est l'hypothèse des partisans des CEPP et de l'augmentation de la fiscalité, leviers défendus par plusieurs chercheurs de l'INRAE rencontrés par la mission. 15 La mission n'a ni les compétences ni le temps pour réaliser une revue complète de cette question, elle a donc sélectionné des prises de position récentes illustrant la diversité des points de vue. 16 Reducing pesticide use while preserving crop productivity and profitability on arable farms, Martin Lechenet, Fabrice Dessaint, Guillaume Py, David Makowski & Nicolas Munier-Jolain, Nature Plants volume 3, Article number: 17008 (2017). Traduction mission. 17 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 142/208 PUBLIÉ Sans nier l'existence de « puissants lobbys ni de la bêtise humaine » Yves et Pierre Guy ont publié récemment un article 18 de synthèse répondant à la question : Pourquoi l'usage de produits phytosanitaires augmente-t-il en France ? Ils distinguent plusieurs causes : Moins de surface agricole, mais davantage de grandes cultures ; Des extensions géographiques de pratiques phytosanitaires ; La pression des acheteurs ; La démographie agricole ; Un progrès technique à la peine ; Une sous-estimation du temps nécessaire pour faire, et notamment mettre au point les alternatives. Ils concluent leur analyse ainsi « En particulier, privilégier l'interdiction de molécules plutôt que la réduction des usages semble une erreur de stratégie. » Certains chercheurs, notamment Jean-Marc Maynard et les signataires de l'article des cahiers de l'agriculture déjà cité, cherchent depuis longtemps à décrire les raisons pour lesquelles les alternatives aux PPP peinent à se répandre. Pour les signataires de cet article, un grand nombre d'acteurs contribuent à un « verrouillage » autour des pesticides : « au plan économique, l'amortissement des installations industrielles pousse à la spécialisation régionale des productions et au rejet des solutions techniques qui pourraient entraîner une baisse de la production, comme les itinéraires techniques à bas intrants ; au plan social, aucune organisation n'a de légitimité pour organiser, au niveau des territoires, la gestion collective que requièrent certaines alternatives aux pesticides (lutte biologique par conservation, gestion durable des résistances génétiques...) ; et il est plus risqué, pour la crédibilité d'un conseiller agricole, de se tromper en disant de ne pas traiter alors que ce serait nécessaire, qu'en conseillant de traiter alors que ce ne serait pas nécessaire (erreur qui passera souvent inaperçue) ; au plan cognitif, la familiarité des solutions simples (à chaque problème, son intrant) n'incite pas agriculteurs et conseillers à s'approprier les méthodes agronomiques préventives, vécues comme plus hasardeuses ­ et conduit de fait à une perte de compétences sur les solutions traditionnelles (rotations, semis différé...) ; au plan culturel, le prestige du rendement élevé et la représentation collective du « beau champ » (très vert et homogène) chez les agriculteurs, et l'image du « beau fruit » (sans défauts extérieurs) chez les consommateurs, renforcent la dépendance aux pesticides ; au plan réglementaire, les autorisations de vente, accordées essentiellement aux variétés pures, font qu'un agriculteur ne peut trouver sur le marché des semences d'associations variétales ; la normalisation de la qualité des fruits privilégie une absence de défauts de l'épiderme impossible à atteindre sans pesticides ». Les alternatives aux PPP existent, mais elles ne sont ni moins chères, ni moins risquées, ni moins pratiques ! Plus général, le rapport du CESE « L'innovation en agriculture » 19 formule 12 préconisations pour que les innovations « répondent au mieux à l'intérêt général, aux besoins des professionnels et aux attentes sociétales » : dans cet esprit les questions de gouvernance collective sont évidemment majeures. Mais 18 19 Revue Sésame (INRAE) n°8 novembre 2020 L'innovation en agriculture, Betty Hervé et Anne-Claire Vial, CESE janvier 2019 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 143/208 PUBLIÉ le même rapport, quelques paragraphes plus loin, rend compte d'un sondage 20 sur les principales attentes des Français en matière d'innovation, dont les trois principales sont : me simplifier la vie (49%), préserver l'environnement (42%), être accessible au plus grand nombre (41 %). Si, et il n'y a pas de raisons de supposer le contraire, les agriculteurs ont les mêmes attentes que la société dans son ensemble, on comprend que les alternatives aux PPP peuvent répondre à la seconde attente, mais la plupart des innovations alternatives aux PPP semblent clairement complexifier le travail de l'agriculteur, et ont des prérequis qui les rendent encore assez peu accessibles à tous les agriculteurs : pourquoi les adopteraient-ils spontanément, juste en regardant « par-dessus la haie » ? Il ne suffit pas que les innovations soient disponibles pour que tous les exploitants agricoles les adoptent, mais aussi qu'elles soient efficaces dans leur situation : on peut constater que cette condition ne semble pas réalisée aux yeux de nombreux agriculteurs, ni même de leurs conseillers. Ces écarts de perception sur la maturité des alternatives aux PPP et sur leur modèle de diffusion ont des conséquences pratiques sur les objectifs prioritaires que doit poursuivre le plan Écophyto et sur les leviers à utiliser : Si les substitutions sont encore à concevoir (c'est la notion d'« impasse technique»), l'interdiction d'une substance, d'un produit ou d'un usage peut avoir un effet dévastateur sur l'activité, entraînant une baisse de marge qui peut mettre en péril la poursuite d'activité. L'effort de la politique publique doit dans ce cas plutôt porter sur la R&D et les circuits de diffusion des innovations (réseaux, formation, information...) voire un accompagnement du risque. Le soutien aux filières et pratiques matures, comme l'AB, est également une voie efficace. À la maturité ou si la balance bénéfices/risques est manifestement déséquilibrée, l'outil majeur est la réglementation. L'interdiction d'une substance ou d'un produit oblige les agriculteurs à adopter sans délai une solution de substitution, et à progressivement ajuster son projet d'exploitation pour l'optimiser. Mais cette interdiction peut provoquer la fin d'une culture ou d'un type d'exploitation. Si on est dans une situation intermédiaire et complexe, avec une forte disparité de situations ­par exemple une forte influence des paramètres pédoclimatiques - l'outil mis en avant par la théorie économique est le prix, via la fiscalité et/ou un marché de droits comme le CEPP, qui permet d'adresser à tous un signal invitant à la recherche d'alternatives et d'innovations, sans pour autant créer d'impasses agronomiques La nécessité d'engager l'aval et de s'appuyer sur les signaux de marché Fondés sur des hypothèses différentes, les trois scénarios présentés plus bas ont en commun de ne pas se contenter de changements à la marge et dans les exploitations : une réduction de 50% des PPP n'est réalisable qu'avec des changements structurels dans les exploitations, ce qui est bien établi depuis les premières années du plan Écophyto, mais des changements importants, voire structurels, sont également nécessaires chez tous les fournisseurs et clients des agriculteurs, jusqu'au portefeuille des consommateurs et aux assiettes, ce qui a été moins bien repéré alors que là se joue une grande partie de la réussite du plan. 20 Etude OpinionWay, 2016, Cité lors de son audition par Marc Giget Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 144/208 PUBLIÉ En rupture avec l'hypothèse antagoniste d'une diffusion spontanée des alternatives aux PPP 21 , qui semble avoir prévalu dans les plans Écophyto, l'hypothèse centrale de ces scénarios est que le recours aux PPP est aujourd'hui choisi par les agriculteurs (et les conseillers agricoles) parce que ce sont des méthodes efficaces et économes qui leur ont été proposées, sous les contraintes de leur exploitation : ce n'est pas la décision de l'exploitant agricole qu'il faut changer, mais l'offre qui lui est faite et les conditions et contraintes de sa décision. La mission ne sous-estime pas l'importance des producteurs de PPP, à la fois comme influenceur de la décision des agriculteurs, et comme puissance organisée, notamment via l'UIPP en France, capable de défendre ses intérêts. Il faut aussi prendre en compte le poids de la vente des PPP dans l'équilibre économique et dans la stratégie des coopératives et négociants : même si les volumes de PPP vendus sont faibles, les marges sont beaucoup plus élevées que sur les produits bruts et peuvent contribuer de manière importante aux résultats comptables de certaines coopératives, par exemple. C'est en effet l'aval qui peut transformer la contrainte sanitaire et de biodiversité en opportunité valorisable en termes de chiffre d'affaires et de débouchés, ainsi que l'État, qui contribue également à la définition du cadre administratif, fiscal, juridique de l'exploitation, tous éléments qui ont un impact direct sur l'exploitation. L'État exemplaire ? Consentement, études préalables d'impact et alignement des politiques En France, historiquement, l'État et ses agents s'installent aisément dans un rôle surplombant, mais sans balayer leur cour. C'est cette tendance qui est combattue avec la notion d'État exemplaire 22 souvent mise en avant depuis le Grenelle de l'environnement (2007) notamment, et qui inspire le mode de gouvernement de plusieurs pays scandinaves. L'État exemplaire a en particulier un devoir d'alignement des politiques publiques, de manière à supprimer ses demandes paradoxales, qui perturbent les citoyens comme les marchés. Cet objectif d'alignement est désormais inscrit dans Écophyto 2+ (action 25), mais il est peu décliné de manière opérationnelle alors qu'il pourrait concerner de nombreux aspects des politiques de l'agriculture et de l'alimentation. En particulier, un débat est ouvert, mais jusqu'à présent sans résultat, sur la différenciation du taux de TVA de l'AB et du conventionnel, alors qu'aujourd'hui les taxes perçues sur l'AB seraient en moyenne 30 % supérieures, compte tenu des prix HT plus élevés. Dans le domaine de l'énergie et du bâtiment, la différenciation des taux est réalisée depuis longtemps, mais pas dans les domaines de l'agriculture et de l'alimentation. La question de l'égalité de « traitement » entre pays de l'UE, et des PPP importés et exportés hors UE est également fondamentale pour crédibiliser l'objectif. À ce titre, l'exportation par des pays de l'UE de produits contenant des substances interdites en Europe23 est un exemple de ce qui pourrait apparaître comme du cynisme ­ on peut fabriquer et vendre des produits interdits, dès lors qu'ils ne sont pas épandus dans notre jardin - et surtout une politique allant à l'encontre du plan Écophyto, puisqu'il dote les concurrents de l'agriculture française de moyens interdits à nos agriculteurs, sans protéger les Ainsi, lors du colloque national Dephy du 2 février 2020, un conseiller déclare souhaiter « inspirer d'autres agriculteurs » 21 22 L'État exemplaire, slogan ou nouveau principe ? Emmanuelle Deschamps, RFAP 2012/3 23 Plus de 81600 tonnes, selon l'article « Faites ce que je dis, pas ce que je fais », Pour la science hors-série n°110, février-mars 2021. Les deux figures sont issues de http://www.martingrandjean.ch d'après les données Public Eye. Cité dans la revue Pour la science HS n°110 février-mars 2021 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 145/208 PUBLIÉ consommateurs français qui trouvent ces produits cultivés avec des PPP interdits dans leurs assiettes. Figure 12 : Exportations européennes de pesticides interdits en Europe La France elle-même exporte ces produits interdits d'utilisation sur son territoire, produits qui sont ensuite utilisés pour des cultures qui reviennent en France sous forme de produits agricoles ou alimentaires importés. Figure 13 : Exportations française de pesticides interdits en Europe Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 146/208 PUBLIÉ Pesticides et droits de l'homme Bien évidemment, la question des PPP est également présente dans les pays non UE et au sein des organisations internationales comme la FAO. On peut en particulier citer l'intéressante perspective développée par un rapport de 2017 mettant en relation les « droits humains et pesticides » (AG de l'ONU, 2017) « Bien que certains traités multilatéraux et d'autres initiatives non contraignantes offrent un certain nombre de garanties limitées, il n'existe pas de traité global portant réglementation des pesticides très dangereux, ce qui constitue toujours une grave lacune dans le cadre de la protection des droits de l'homme. » La question du consentement aux politiques publiques Autre élément, et c'est également un aspect très important pour la pérennité de son action, l'État doit s'efforcer de maintenir un certain niveau de consentement des forces sociales en présence, sauf à être mis en situation d'échec. Les outils de la politique de réduction des PPP doivent veiller à développer ce consentement (action 28 du plan Écophyto 2+), mais ce n'est possible qu'avec un signal cohérent porté par l'ensemble des politiques publiques et des ministères. Les contraintes doivent ainsi être correctement proportionnées aux enjeux pour être acceptables par les parties prenantes. La responsabilité de l'État du fait de son action et de son inaction Enfin, l'État et les collectivités publiques peuvent montrer l'exemple, par exemple en ouvrant leurs marchés publics à des offres locales performantes en matière d'impact environnemental. Mais d'un autre côté, on l'a vu avec les retards pris dans l'interdiction du chlordécone sur les bananiers dans les Antilles, la responsabilité de l'État est susceptible d'être engagée en cas de sinistre issu de PPP dangereux. Il convient de noter que le juge administratif est également susceptible de mettre en cause la responsabilité de l'État, au motif qu'il ne respecte pas la trajectoire qu'il s'est donnée, comme dans « L'affaire du siècle » à propos des objectifs de lutte contre le changement climatique. Le positionnement sociétal du plan Écophyto et la responsabilité propre de l'État dans ce plan ont des réponses différentes selon les scénarios proposés. Les scénarios présentés s'appuient chacun sur des leviers et outils privilégiés, en usant au mieux de leurs avantages et en se gardant de leurs inconvénients, et sans s'interdire d'un usage plus modéré des autres leviers disponibles. Comme on l'a vu (voir 2.2) trois leviers principaux seront distingués : La réglementation sur les substances, les produits, les pulvérisateurs, les conditions d'usage et de conservation des PPP... On associe à ce levier la PAC et ses conditionnalités. Il s'agit de mesures générales et obligatoires. La fiscalité et les autres méthodes « incitatives » pour agir sur le « signal-prix » absolu et relatif des PPP et de leurs alternatives. La redistribution de la taxe vers les pratiques vertueuses et les CEPP sont des outils complémentaires incitatifs. Il s'agit de mesures qui n'interdisent pas les PPP, mais incitent à éviter leur usage. La segmentation du marché, via un label ou un contrat associant filière et territoire et mobilisant jusqu'au consommateur. Le soutien apporté à l'AB va dans ce sens. Un label « sans PPP hors ceux autorisées en AB », avec un cahier des charges égal à celui de l'AB24 sur les PPP, mais sans les autres exigences de cette certification (notamment sur le « hors sol » et les 24 Ou le HVE voir infra. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 147/208 PUBLIÉ fertilisants) et des aides à la conversion et au maintien, mais à un taux plus faible que l'AB, pourrait sans doute être défendu. D'autres propositions peuvent remonter, dans une démarche ascendante. Il s'agit de mesures qui permettent de distinguer les pratiques et les produits qui en sont issus. Les trois scénarios qui suivent correspondent à des postulats ou des anticipations qui varient sur trois plans : Positionnement dans la dynamique de l'innovation, Paramètres d'environnement, Pression sur les trois principaux leviers d'action. Ces scénarios définissent également des positionnements différents de l'État. Ils induisent une gouvernance et des modalités de gestion distinctes, pour le plan comme pour le programme. Un enjeu pour la mission a été d'identifier pour chaque scénario des moyens correctement proportionnés aux résultats souhaités, mais avec des forces et faiblesses différentes, ainsi que des variations sur leur capacité à saisir les opportunités et à affronter les menaces. Ils visent chacun à proposer une trajectoire cohérente, à partir d'un diagnostic initial sur le niveau de maturité des innovations de substitution aux PPP de synthèse. Ces scénarios seront ensuite comparés, pour aider à la décision. Ils peuvent sans doute se succéder dans le temps (segmentation, puis incitation et enfin réglementation), mais ils ne peuvent que difficilement être associés dans les mêmes zones géographiques pour les mêmes activités agricoles, sauf à en réduire le sens et à en neutraliser l'efficacité. Ainsi l'établissement d'une norme réglementaire généralisant le cahier des charges de l'AB pour les PPP réduirait à néant la capacité de différenciation de l'AB qui lui permet de capter une surrémunération. De même, pour qu'une action soit incitative, il ne faut pas qu'elle soit obligatoire. Pour qu'elle soit spécialisée, elle ne peut pas être générale. Par souci de simplification on résumera les scénarios en fonction de la stratégie principale que porte l'État pour réduire les PPP : Segmentation des productions agricoles et de leur aval, permettant de distinguer les pratiques conventionnelles des pratiques économes en PPP, de la ferme à l'assiette ; Incitation à une baisse générale, avec recours aux interdictions en dernier ressort ; Réglementation des produits, des usages et des financements, notamment ceux de la PAC, avec développement des contrôles. Chacun de ces scénarios comporte un levier de massification principal, activé à un niveau suffisant pour approcher ou atteindre l'objectif de réduction de 50%. : Vu de l'État, le scénario consiste à soutenir en priorité les productions économes en PPP25, et à les Rappelons que nous parlons ici des PPP pris en compte dans l'indicateur principal, ce qui inclut certaines substances utilisées en agriculture biologique, mais exclut les produits de biocontrôle. 25 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 148/208 PUBLIÉ discriminer des productions intensives en PPP. Le label AB, reconnu aux échelles nationales et européennes, est bien sûr l'exemple emblématique de ce scénario. Mais il convient de rappeler que l'AB s'est développée avant tout soutien de l'État, et que de nombreuses initiatives privées, portées par des producteurs, mais aussi parfois par des transformateurs ou des distributeurs, se développent encore aujourd'hui en-dehors de tout cadre public, avec un objectif de différenciation sur les marchés. La segmentation peut se faire au niveau d'une production (comme pour l'AB), d'une exploitation (comme pour la certification HVE) ou d'une filière, engageant les intermédiaires et les marques jusqu'au consommateur (avec des labels de reconnaissance). L'efficacité de ce scénario dépend de la réalité de la différenciation entre les (deux) segments de marché. Ce premier scénario repose sur : Une hypothèse de faible maturité ou de coûts plus élevés des alternatives à certains usages de PPP, ce qui empêche leur diffusion spontanée à l'ensemble des exploitations ; Une démarche volontaire des agents, certifiée par un organisme extérieur, et qui leur donne un avantage (fiscal, subvention, possibilité de vendre plus cher...) ; Une mobilisation conjointe des financeurs, pour apporter un soutien différencié aux filières économes en PPP par rapport aux autres. Il peut être accompagné d'une étude spécifique des risques qui peut permettre d'orienter les priorités : l'enjeu d'efficience de la politique publique de prévention des risques relatifs aux PPP est de concentrer ses efforts là où les risques sont élevés et les possibilités de les réduire sont fortes. Alors que les scénarios 2 et 3 visent l'ensemble des pratiques et territoires, ce scénario 1 peut être sélectif et procéder par appel d'offre, afin de repérer les acteurs volontaires, territoires, filières ou réseaux d'exploitations, et les encourager, en sélectionnant parmi eux ceux qui sont à l'origine des risques les plus importants. Il peut ainsi concentrer les efforts de l'État ­ les ressources sont rares -, mais aussi rechercher le concours de partenaires importants et les engager dans une voie contractuelle sur des objectifs partagés. La carte des risques peut être approchée à partir du graphique et du tableau suivant réalisés par le CGAAER et repris par la Cour des comptes (2020) : Tableau 6 : Usage des PPP en fonction des cultures Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 149/208 PUBLIÉ On voit ainsi que la pomme de terre, la vigne et les pommes sont des candidats prioritaires pour faire l'objet d'une action ciblée, mais que l'enjeu de massification porte en priorité sur les grandes cultures, qui consomment les 2/3 du chiffre d'affaires annuel des PPP sur 48% de la SAU. L'approche peut également être géographique : les indicateurs de fréquence des traitements (IFT) connaissent des variations importantes, de l'ordre du simple au double, entre les régions et au sein des régions. Une approche qui cible les territoires et les cultures qui excèdent les moyennes nationales et régionales permettrait de définir des priorités mieux circonscrites. L'État pourrait également identifier des objectifs spécifiques relatifs à la biodiversité ou la qualité des eaux. Les Régions pourraient ainsi être mobilisées, ainsi que les autres collectivités et acteurs engagés dans des plans alimentaires territoriaux (PAT). Certains acteurs de la transformation et de la distribution sont particulièrement motivés, notamment parmi les coopératives et les distributeurs.... Des responsables de l'INRAE nous ont signalé une action qui pourrait concerner l'usage des PPP dans les silos, tant chez les exploitants que dans le négoce (encadré joint). Encadré : Réduire l'usage des insecticides dans le stockage des grains Dans un article paru en septembre 2019 dans PHYTOMA26, les auteurs détaillent le gain potentiel en termes d'économie d'usage de produits phytopharmaceutiques si l'ensemble des mesures de prophylaxie était collectivement mis en oeuvre. Selon leurs calculs, le stockage de grains représente un NODU équivalent à 3,8 M d'ha (soit 3,1% du NODU total de 120 M d'ha). Ce montant pourrait être drastiquement réduit par les mesures alternatives, mais sous réserve qu'elles soient déployées à tous les échelons de la chaîne de façon coordonnée. Celles-ci sont traduites en 6 fiches action standardisées en 2020 concernant toutes les étapes de la récolte au stockage27. Un impact majeur n'est possible que par l'organisation collective, depuis l'agriculteur jusqu'à l'utilisation ou l'exportation, en passant par les différentes étapes de stockage. Les auteurs voient dans la mise en oeuvre de ces méthodes alternatives sur une grande échelle une opportunité pour gagner des marchés et gagner en compétitivité. La demande en céréales sans traitement de stockage est croissante28. Le nombre de molécules disponible baisse régulièrement et Fiches action CEPP et pratiques de stockage : Les pratiques de protection antiparasitaire intégrée au stockage sont dotées de valeurs différentes dans le cadre du dispositif des certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques, Maud Blanck et Christian Huyghe, Inra, Phytoma, septembre 2019. 26 De son côté, le site ÉcophytoPic a mis en ligne en septembre un ensemble d'informations : https://Écophytopic.fr/pour-aller-plus-loin/insectes-ravageurs-lors-du-stockage-des-grains-prevention-etsurveillance-sont (20/09/20). 27 28 Comment stocker les grains sans insecticides RIA, 14 mars 2019 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 150/208 PUBLIÉ leur usage se restreint avec des limites maximales de résidus abaissées. L'action publique pourrait également se concentrer sur les reprises et transmissions d'exploitation, moment privilégié pour un changement de système, là également en ciblant en priorité les exploitations intensives en PPP et en utilisant les leviers existants pour privilégier leur transmission à un porteur de projet d'exploitation économe en PPP. Ce scénario peut utilement être accompagné d'actions incitatives (fiscales notamment) et/ou réglementaires, pour augmenter et faciliter la différenciation des segments du marché, et notamment collecter des ressources sur les PPP pour les transférer vers les secteurs économes en PPP. Mais si ces actions fiscales ou réglementaires sont fortes et générales, on perd rapidement le bénéfice de la concentration des aides et de la différenciation de l'offre : le marché est réunifié. Alors que les deux scénarios suivants sont focalisés sur les pratiques agricoles, ce scénario « segmentation » replace la question dans un « système » plus large, qui engage la production agricole, mais aussi ses fournisseurs et son aval, collecteurs, transformateurs et distributeurs, jusqu'à la fourchette. Dans cette perspective, la responsabilité de la « résistance au changement » peut alors être appréciée de manière multiple et collective, comme l'a montré un article publié dans les Cahiers de l'agriculture en 2017 29 . Si l'agriculteur souhaite changer sa pratique, mais est confronté à des « verrous sociotechniques », il faut agir également sur ses clients et fournisseurs, et idéalement jusqu'aux consommateurs finaux des produits issus de l'agriculture. Une lecture excessive de cette complexité aboutirait à considérer chaque cas particulier comme un cas en soi. Mais on peut admettre de manière raisonnable que des ensembles d'acteurs peuvent également avoir des problématiques communes, comme par exemple de fournir une filière industrielle très concentrée sur certains marchés, et de répondre aux attentes communes de la grande distribution, par exemple. Cette stratégie consiste ainsi à éviter le cas par cas, au profit d'actions collectives amont-aval, sans pour autant vouloir entrainer d'un seul coup l'ensemble des filières dans tout le pays de manière synchronisée. L'intérêt des réseaux de pairs, un des outils privilégiés de ce scénario, et qui a fait ses preuves tant dans l'AB qu'au sein des fermes DEPHY, semble également établi dans la littérature scientifique30, même si des questions de gestion existent sur les modalités de soutien de ces réseaux, et sur l'utilité d'une simplification de réseaux parallèles (GIEE...) insuffisamment différenciés. Dans ce scénario, l'enjeu est de créer un réseau organisé d'acteurs volontaires : depuis les fournisseurs d'intrants et de semences, jusqu'aux consommateurs. En tant que gardien des signes de qualité et d'origine (SIQO), les clés officielles de la segmentation du Le plan Écophyto de réduction d'usage des pesticides en France : décryptage d'un échec et raisons d'espérer, Laurence Guichard et alii, Cahiers de l'agriculture, 2017 29 30 Par exemple Impact of the DEPHY network on pesticide use: Evidence from French vineyards Margaux Lapierre ; ainsi que Providing technical assistance to peer networks to reduce pesticide use in Europe: Evidence from the French Écophyto plan, Margaux Lapierre, Alexandre Sauquet, Subervie Julie, Hal, 2019 V2 https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02190979v2/document Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 151/208 PUBLIÉ marché, l'INAO est un acteur-clé, qui doit garantir la solidité de la segmentation mise en place. Pour l'INAO, l'enjeu du scénario serait d'inciter les acteurs déjà engagés dans ces démarches de qualité à approfondir leur cahier des charges PPP, s'il existe, et de la créer dans tous les autres cas, pour qu'aucune marque de qualité en France ne puisse être promue par les pouvoirs publics sans porter un engagement sur les PPP. FranceAgriMer (FAM), qui contribue à l'animation des filières, pourrait également jouer un rôle important, y compris en gérant certaines aides. Pour FAM et le MAA, il serait nécessaire d'animer davantage la question des PPP dans les relations avec les filières, en ciblant en priorité les filières qui sont aujourd'hui les moins vertueuses, pour les faire évoluer en bloc. Actions-clés Trois actions complémentaires sont candidates à un soutien accru : la filière AB, la labellisation sans PPP, et le contrat de filière. Développer la filière AB, une action efficace pour réduire l'usage des PPP Cela pourrait paraître un paradoxe : alors que l'AB a réellement pris son essor depuis 10 ans, les soutiens à l'ITAB, l'Institut technique de l'agriculture biologique, sont restés stables et à bas niveau : Figure 14 : Evolution de l'agriculture biologique en surface et en nombre de producteurs (Source ITAB) Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 152/208 PUBLIÉ Une partie importante de la RPD alimente désormais les aides individuelles à l'AB (conversion et maintien) mais l'ITAB n'en a pas bénéficié, ni d'un redéploiement du Casdar à son bénéfice compte tenu de l'extension de la part de l'AB dans la SAU, mais a connu une crise financière grave en 2018-19. Figure 15 : Evolution de la dotation Casdar de l'ITAB (source ITAB) L'agence bio a également des moyens, et notamment un fonds avenir bio, doté de 8 M en 2019, pour aider à la structuration des filières biologiques. Même en augmentation, on voit que ce fonds est loin de pouvoir peser significativement. On a réalisé plus haut une simulation : la conversion de 25% des exploitations (et de la SAU) actuellement conventionnelles en agriculture biologique permettrait d'atteindre la moitié de l'objectif de réduction de 50% des PPP. Depuis le début d'Écophyto, plus de 5% de la SAU conventionnelle a déjà basculé dans l'AB, entraînant mécaniquement une baisse théorique de 10 points des indicateurs nationaux. Si cette baisse théorique ne s'est pas concrétisée, c'est que l'agriculture conventionnelle, dans le même temps, a augmenté son recours aux PPP. Compte tenu des tendances en cours, les actions de développement de la filière AB au détriment de la filière conventionnelle doivent ainsi être considérées comme particulièrement efficaces pour Écophyto. Mais elles ne sont pas suffisantes, il peut donc être intéressant d'envisager comment élargir ces actions vers d'autres systèmes qui ont la même ambition en matière de PPP sans partager l'ensemble du cahier des charges de l'AB. La labellisation d'une agriculture et de produits issus de l'agriculture sans ou avec peu de PPP On l'a vu, le cahier des charges de l'AB est exigeant sur d'autres questions que les PPP. Il peut donc être intéressant de soutenir également les producteurs qui s'engagent dans une réduction Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 153/208 PUBLIÉ des PPP, sans vouloir respecter l'ensemble du cahier des charges. On a vu plus haut qu'une partie de la RPD et d'autres financements, notamment européens et régionaux, pourrait ainsi être mobilisée vers un nouveau label, équivalent au cahier des charges de l'AB pour les PPP, mais sans le respect d'autres contraintes. Ce label pourrait ainsi être attribué à des productions hors sols, ou utilisant de manière raisonnée des fertilisants non agréés en AB. Certaines marques cherchent aujourd'hui à communiquer sur l'absence de résidus de PPP dans le produit final : c'est évidemment une information intéressante pour le consommateur, mais qui n'est pas nécessairement le résultat d'une réduction de l'usage des PPP pendant la production. On a vu également que la certification HVE, qui concerne non pas une production mais une exploitation, est un signe d'engagement dans une démarche agroécologique, mais qui n'offre pas de garantie élevée au consommateur quant à l'usage des PPP. Ce label HVE pourrait néanmoins être intéressant s'il était modifié pour porter une exigence équivalente à l'AB en matière de PPP. Contrat de filière Une grande part de l'activité agricole est aujourd'hui insérée dans des filières organisées, regroupant producteurs, transformateurs et consommateurs, avec des stratégies et des contrats formalisés. Très récemment, le plan de relance a permis d'aider à la structuration des filières, d'une part, et d'apporter des réponses opérationnelles sur la betterave sucrière, confrontée à la jaunisse et à d'autres maladies difficiles à contrôler, avec l'aide de l'institut technique betteravier et de l'INRAE. Des plans de même nature pourraient certainement être engagés avec d'autres filières fortement consommatrices de PPP, à leur demande, et compte tenu de l'impact potentiel sur la réduction des PPP. Dans ce scénario, l'ensemble des ressources, et notamment la RPD, mais aussi le FEADER ou la PAC, doivent être mis à contribution pour favoriser la différenciation entre les secteurs économes et non économes en PPP. C'est donc le cas en particulier du programme national (41 M) et des enveloppes régionales (30 M) financés par la RPD. Sur le modèle des « investissements d'avenir » ou plus récemment de certaines actions du « plan de relance », les pouvoirs publics pourraient utiliser ces enveloppes pour mobiliser les acteurs sur la base d'appels à manifestation d'intérêt ou d'appels à projet. La formation de collectifs organisés en « consortiums » pourrait réunir agriculteurs, négociants, industriels de la transformation et distributeurs, invités à franchir ensemble une transition vers moins ou sans PPP. Avec une préférence pour les groupes déjà organisés en SIQO, ou via une coopérative, voire à l'échelle d'une filière dans son ensemble.31 Enveloppes nationale et régionales pourraient être mobilisées de manière complémentaire ou conjointe, pour financer des études, de l'animation et de la formation, voire de la mise à niveau d'équipements, ainsi que de la communication aussi une fois le résultat atteint ! Vu les montants nécessaires, le financement direct des opérations de conversion et de maintien ne pourrait être envisagé sur la RPD qu'avec une forte augmentation de celle-ci : on rejoint alors le scénario 2. Mais dans ce scénario, il est indispensable de porter la politique à une échelle territoriale, et en associant les services de l'État mais aussi les collectivités régionales et locales. Pour l'État, les DRAAF Certains consortiums existent déjà : par exemple autour de Chaunat, en Isère, sont réunis des acteurs multiples d'une filière « pain de qualité », agriculteurs et boulangers... 31 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 154/208 PUBLIÉ devraient assumer une responsabilité plus grande de coordination à la fois dans la définition des priorités, dans le repérage des acteurs et consortium volontaires, et dans la mise en point des contrats de réduction des PPP impliquant l'ensemble des acteurs. Ce rôle d'animation pourrait utilement être complété par une plus grande capacité des DRAAF à coordonner les financements mobilisables (Casdar, PAC, FEADER, RPD agences de l'eau) et notamment ceux qui sont intégrés dans le plan Écophyto, voire à leur confier directement ou via FAM une partie de certains de ces financements. L'identification rapide d'un nouveau label, aligné sur le cahier des charges PPP de l'AB, pourrait être une condition préalable de mise en place du scénario, mais elle est aisée à réaliser. Son financement pourrait mobiliser à la fois la PAC, des financements régionaux et locaux, et une partie de la RPD dans des proportions à déterminer. L'objectif quantitatif pourrait être de passer de 10 à 35% des exploitations en AB ou équivalent AB pour les PPP sur une période de 10 ans : cette action permettrait de réduire d'un quart les PPP non autorisés en AB, soit la moitié de l'objectif général. Aux taux actuels la conversion de 10% de la SAU à l'AB coûte 2,61 Md, étalés sur 3 ans, et son maintien 0,464Md/an. On peut supposer qu'un cahier des charges ne portant que sur les PPP pourrait bénéficier d'une aide réduite de 50%. Il devrait donc être accompagné d'un objectif de réduction des PPP dans le secteur conventionnel, qui devrait réduire d'environ 35% son usage des PPP pour que l'objectif général de -50% soit atteint : on voit que c'est un effort important, supérieur à ce qu'ont réussi à réaliser la plupart des fermes DEPHY jusqu'à présent. Cette stratégie de soutien de la filière économe en PPP doit donc être accompagnée par des actions de découragement de l'usage des PPP hors label, par la réglementation, la PAC et la fiscalité. On peut donc penser que ce scénario 1 a l'avantage de pouvoir être rapidement engagé, et de s'appuyer sur des démarches volontaires, mais qu'il ne pourra pas suffire à lui seul à atteindre l'objectif de réduction des PPP. En revanche, toute mesure fiscale ou réglementaire générale tend à diminuer son attractivité relative : il est un scénario d'attente, qui permet de continuer à mettre au point les innovations nécessaires, et à laisser le temps nécessaire à leur diffusion. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 155/208 PUBLIÉ Forces Faiblesses Diagnostic interne » Opportunités Menaces : Diagnostic externe : Par ce scénario 2 « incitation », l'État souhaite inviter l'ensemble des acteurs à saisir les opportunités de réduction des PPP, en exploitant chaque gisement, à sa portée, indépendamment de sa maturité. L'hypothèse centrale de ce scénario est que la réduction des PPP n'est possible qu'avec la mise au point et l'adoption de nombreuses innovations, dont certaines sont encore à un stade de test et de démonstration, alors que d'autres sont matures et attendent les bons signaux pour être adoptées par une large fraction ­ mais pas nécessairement la totalité- des agriculteurs. Ce scénario définit ainsi une médiane que les deux autres scénarios mettront en perspective par des faces opposées. Ce scénario peut être global, l'ensemble des PPP étant visés, mais aussi différencié, en tenant compte comme aujourd'hui la RPD, de la dangerosité variable des produits. Son principe consiste non pas à interdire (c'est le scénario 3, la voie réglementaire), mais à encourager les bonnes pratiques, sans pour autant que l'État contribue à les différencier sur le marché (c'est le scénario 1, la segmentation). Ce scénario est facilité par l'existence d'un conseil actif, indépendant des ventes de PPP et rénové sur la base d'un nouveau référentiel de compétences, qui lui permet d'améliorer le diagnostic, de Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 156/208 PUBLIÉ recommander les solutions adaptées, et d'accompagner l'agriculteur, seul ou en collectif, dans son changement de pratiques. La méthode préconisée par la théorie économique standard, et rappelée par plusieurs des interlocuteurs rencontrés par la mission, est d'agir par le signal-prix, via la taxation des produits incriminés, pour permettre et encourager la mobilisation de tous les « gisements d'abattements ». Ce scénario peut être approfondi avec trois variantes, mobilisant également d'autres outils incitatifs. Pour que la taxe ait un effet, elle doit être élevée, et ses hausses doivent être programmées et mises en oeuvre de manière crédible. Scénario de base : Augmenter la redevance pour pollutions diffuses Le premier véhicule de ce scénario est ainsi la redevance sur les pollutions diffuses (RPD) dont l'assiette est basée sur les ventes de PPP et dont le taux varie selon la dangerosité des produits. En taxant l'achat de PPP, la RPD dissuade leur usage, et incite à privilégier les autres solutions de protection des plantes, toutes choses égales par ailleurs. Pour que le signal soit perçu et que la réaction des acteurs aboutisse à une réduction de l'ordre de 50% de l'utilisation des PPP, et alors que l'élasticité prix est de l'ordre de -0,4 ou -0,5, un doublement du prix est nécessaire32. C'est donc un réel choc fiscal qui doit être réalisé, avec une temporalité qui doit être suffisamment rapide pour enclencher, dès son annonce, des mouvements de substitution, mais aussi progressive pour permettre aux acteurs de s'adapter et rechercher les meilleures alternatives. En dernier ressort ils peuvent continuer à user des PPP, mais à des conditions économiques dégradées. On peut penser qu'une augmentation étalée sur 5 ans serait un bon compromis. Toutefois des comportements adaptatifs seraient sans doute à gérer pendant une période aussi longue, un sur stockage temporaire serait sans doute à craindre, comme cela a été constaté avant de précédentes augmentations. Sans autre mesure, la hausse de la RPD aurait un effet négatif sur la compétitivité de l'agriculture française, mais d'ampleur limité : le poste « PPP » ne représentant aujourd'hui que 4% de la valeur de la production agricole, et moins de 2,5% si on y ajoute les subventions reçues.33. Cet effet pourrait néanmoins être réduit ou supprimé en activant les variantes 3 et 4 suivantes : Variante 1 : Mobiliser également le produit de la taxe pour la redistribuer vers les bonnes pratiques Idéalement, et c'est une variante par rapport à la RPD existante qui a des conséquences sur le programme, le produit supplémentaire de la taxe est également distribué, non vers l'ensemble des contribuables, pour atténuer les effets revenus de la taxe, ce qui serait contre-productif, mais au contraire pour les renforcer, en apportant des subventions uniquement à ceux qui décident d'adopter les pratiques économes en PPP. Avec ce couplage taxation des PPP/soutien aux alternatives, le taux de taxation peut être significativement diminué pour arriver à une même réduction de PPP. En situation de menace sanitaire grave et d'absence d'alternative aux PPP, les acteurs continuent à pouvoir utiliser ces produits, ils achètent une sorte de « droit à polluer », mais dès qu'ils le peuvent ils sont fortement incités à retenir les alternatives et substituts, dont le coût relatif est réduit. Ce scénario est ainsi favorable à la mise au point et à la diffusion d'innovations multiples, techniques et sociales, permettant de substituer aux PPP d'autres solutions, structurelles ou marginales. 32 33 Cet ordre de grandeur nous a été exprimé de manière indépendante par plusieurs experts. En 2019, les achats de produits de protection des cultures représentaient 3 Md sur 45 Md de consommations intermédiaires et 76 Md de production. Source : Comptes régionaux de l'agriculture. AGRESTE Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 157/208 PUBLIÉ Variante 2 : mobiliser parallèlement les CEPP pour mobiliser l'amont et l'aval On l'a vu plus haut, les CEPP, qui avaient été mis en avant par un précédent rapport IGF-CGEDDCGAAER, sont un outil complémentaire de la taxation des PPP, et qui peut permettre de transférer des ressources (ou droits à polluer) issues des activités utilisant les PPP vers des activités de substitution, vers l'amont, l'aval, ou vers d'autres productions. Il y a fort à craindre que le dispositif finalement décidé n'ait pas l'efficacité souhaitée, mais de nouvelles modifications pourront être introduites si nécessaire, en s'inspirant du dispositif des CEE qui, quant à lui, semble efficace. Variante 3 : Mobiliser également la fiscalité globale pour différencier les produits issus des bonnes pratiques sur les marchés La hausse de la RPD peut aussi être accompagnée par une stratégie fiscale plus globale : Les droits de douane sur les produits bruts ou transformés ne répondant pas aux mêmes critères relatifs aux PPP devraient être rehaussés ; La fiscalité à la consommation devrait être différenciée, pour au minimum compenser le surcoût des produits AB ou sans PPP, et idéalement créer une incitation positive ; Les investissements nécessaires pour changer de régime, et les coûts de transition pourraient utilement être accompagnés, via des crédits d'impôt et/ou des règles d'amortissement favorables. Ces mesures, qui sont au moins en partie à négocier avec l'UE, permettraient de renforcer l'effet de la hausse de la RPD, en stimulant les volumes de productions sans PPP, et en assurant une équité des productions françaises avec les productions importées. Ce scénario est compatible avec la répartition actuelle des rôles : à l'UE le soin d'autoriser ou d'interdire les substances. La France cherche à agir sur les pratiques des acteurs, en les incitant à aller vers les alternatives aux PPP chaque fois que c'est possible et économiquement soutenable. L'UE et la France pourraient s'accorder pour apporter des conditionnalités PPP à la PAC, et le Gouvernement devrait chercher à aligner dans le même sens d'autres composantes de la politique agricole et d'alimentation, comme la transmission des exploitations, la politique foncière et l'ensemble de la politique fiscale. Mais l'agriculteur reste en dernier ressort responsable d'utiliser ou non les PPP autorisés. Dans ses variantes 2 et 3, le scénario est également mobilisateur pour les autres acteurs de la chaîne, qui peuvent trouver un intérêt économique à rechercher et promouvoir les alternatives, surtout s'il est accompagné d'une fiscalité différentielle des produits finaux. Son principal inconvénient est la sensibilité des agriculteurs à la taxation. Son acceptabilité peut sans doute être plus grande si le produit supplémentaire de la taxe est intégralement redistribué aux agriculteurs qui choisissent de diminuer le recours aux PPP (variante 1) et si la taxation est étendue aux importations, afin de protéger le marché intérieur des produits issus de l'agriculture d'un dumping aux PPP (variante 3). Sauf en variantes 2 et surtout 3, l'aval est faiblement impliqué : la décision de réduire les PPP est individuelle, et n'offre aucune garantie de rémunération supplémentaire. L'activation d'un levier CEPP efficace, sur le modèle des CEE, permettrait de remédier en partie à cette limite. Mais c'est la mise en place d'une fiscalité différenciée (variante 3) sur les marchés nationaux et à leurs frontières qui permet d'aller jusqu'au consommateur sans diminuer la compétitivité-prix sur le marché intérieur. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 158/208 PUBLIÉ Acteurs-clés Les agriculteurs et leurs conseillers sont les acteurs clés de ce scénario. Il est aujourd'hui envisageable, parce que les plans Écophyto précédents ont largement démontré la faisabilité d'une baisse importante de l'usage des PPP, dans certaines conditions, mais aussi qu'il était parfois très difficile de s'en passer. Ce scénario permet à l'agriculteur de continuer à recourir aux PPP en dernier ressort ­ ils continuent à être disponibles même si c'est à un coût augmenté - et la hausse anticipée de la fiscalité encourage l'ensemble des acteurs à innover pour trouver de nouvelles solutions ou adopter les innovations économiquement performantes. Le conseil agricole, dans ses différentes formes, adossé aux instituts techniques, est un acteur-clé de cette stratégie. Il doit connaître et promouvoir les bonnes pratiques dans une relation de confiance avec l'agriculteur. Alors que les ingénieurs DEPHY, par leur statut et leur positionnement, se situent aux marges du conseil, c'est cette fois l'ensemble des conseillers agricoles « ordinaires » qui orientent et accompagnent les nouvelles méthodes de protection des cultures économes en PPP, non pas pour des raisons expérimentales, idéologiques ou morales, mais pour des raisons économiques et agronomiques. La séparation entre la vente et le conseil qui se met en place à partir de 2021 est l'occasion d'apporter une plus grande clarté au sein du conseil, qui sera désormais strictement distincte de la vente des produits PPP. L'enjeu, souligné par plusieurs acteurs rencontrés par la mission, est de réussir à transformer le conseil agricole sur la base d'un nouveau référentiel pour qu'il porte ce changement, ce qui semble loin d'être acquis aujourd'hui et suppose un engagement fort des élus en charge de la gouvernance des organisations professionnelles. Actions-clés L'augmentation de la RPD pour doubler le prix des PPP et la redistribution du produit supplémentaire de la RPD vers les agriculteurs porteurs des meilleures pratiques, au-delà de l'AB, mais sur son modèle, par le versement de subventions type conversion et maintien. La construction d'un nouveau référentiel de compétences et la formation continue des conseillers sur la base de ce nouveau référentiel. En variante 1 est mis en place un nouveau régime d'aides, sur le modèle des soutiens à la conversion et au maintien à l'AB, et qui peut être délivré dans les mêmes conditions par les mêmes acteurs. En variante 2, les CEPP complètent la taxation, pour aider à répartir les ressources (les droits à polluer) vers les actions qui ont des besoins de financement. Dans une variante 3, plus ambitieuse d'alignement des politiques publiques, mais plus difficile à mettre en oeuvre, il serait légitime de taxer également les produits importés ne respectant pas les mêmes normes, afin d'éviter une distorsion de concurrence. Et de taxer davantage à la consommation (TVA) les produits non alimentaires issus de l'agriculture conventionnelle, ou, mais il y a peu de marges avec un taux actuel de 5,5%, de réduire la TVA des produits alimentaires AB ou sans PPP. L'obligation depuis le 1er janvier 2021 de solliciter un conseil stratégique à l'utilisation des produits phytopharmaceutiques est une promesse intéressante, qui permettra à l'exploitant de bénéficier d'un diagnostic, à renouveler régulièrement, et d'un plan d'action. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 159/208 PUBLIÉ Figure 16 : Extrait du Guide Phytosanitaire pour tout savoir sur la réglementation - Edition 2021 Les2021Les chambres d'agriculture Dans ce scénario la mission propose de cesser rapidement de financer des actions pérennes sur la RPD pour progressivement affecter en totalité l'augmentation à un complément de revenu pour les agriculteurs économes en PPP (dont l'AB). Pendant une phase transitoire, le programme national pourrait en particulier aider à la transformation et à la formation du conseil agricole dans ces différentes formes (Chambres, Instituts techniques, outils d'information et de communication sur les PPP, réseaux de pratiques). Dans ce scénario, il ne suffit pas d'aider les agents volontaires (scénario 1), ni de durcir la réglementation (scénario 3). L'enjeu est de crédibiliser l'objectif de réduction des PPP et donc de placer cet objectif au coeur du pilotage de l'agriculture et de sa transformation. Les chambres d'agriculture et les ITA, qui reçoivent directement des ressources publiques, mais aussi les réseaux de collecte et les acteurs de la transformation, dont l'État détermine l'environnement fiscal, doivent être incités à accompagner et même déclencher les décisions favorables des agriculteurs. Les financements aux agriculteurs pourraient être apportés par l'ASP ou FranceAgriMer avec le concours des services déconcentrés de l'État (Directions départementales des territoires), mais un contrôle de l'État et d'organismes de certification sera nécessaire. Le dimensionnement des principales mesures a été réalisé plus haut et en annexe. Plusieurs outils peuvent être combinés : la hausse de la RPD pour doubler le prix des PPP ; ou une hausse de 66% du prix des PPP et redistribution du produit vers les bonnes pratiques ; ou une hausse de 50% du prix des PPP, avec la redistribution du produit vers les bonnes pratiques complétée d'une différenciation de la TVA sur l'AB et les 0 PPP ((hors ceux autorisés en AB) d'une part, les autres produits alimentaires d'autre part. transparence dans l'emploi de la RPD ; rythme adapté de la transition ; adhésion des chambres d'agriculture et des ITA ; et une réforme en profondeur du conseil agricole. Certaines conditions de succès peuvent être identifiées : Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 160/208 PUBLIÉ Ce scénario peut être rapidement initié, avec des paliers de progression à définir sur 10 ans, et la possibilité d'adapter les taux de fiscalité à la réalité des pratiques. Diagnostic interne Diagnostic externe : Ce scénario est basé : sur le constat de la responsabilité de l'État de limiter voire d'empêcher que les PPP ne portent des atteintes irréversibles à la santé humaine et à la biodiversité, et donc qu'il lui appartient de prendre les mesures réglementaires nécessaires, quand bien même une substance aurait été approuvée par l'UE ; et sur une hypothèse : beaucoup d'alternatives aux PPP sont aujourd'hui suffisamment matures pour que l'État impose leur généralisation sans détruire brutalement34 l'activité, ce qui semble l'avis d'au moins une partie des experts (supra 3.1). Dans ce scénario, le choix de réduire les PPP n'est pas agricole, c'est une décision de société, motivée Ce n'est pas la nécessité de changer y compris les pratiques culturales qui est mis en cause, mais le fait que le changement brutal de réglementation peut frapper d'obsolescence les compétences et les investissements de toute une filière. L'enjeu est de lui permettre de s'adapter avant l'interdiction des PPP. 34 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 161/208 PUBLIÉ par un diagnostic sur les risques. Il est donc très important d'approfondir la connaissance de ces risques pour bien ajuster la réglementation. L'expérience montre que jusqu'à présent les diagnostics réalisés avant l'autorisation des substances et les mises sur le marché n'ont pas empêché quelques sinistres importants (exemple du chlordécone aux Antilles), justifiant, après parfois plusieurs années, la mise en cause des autorisations accordées. Par ailleurs, des interdictions très rapides, comme celles des néonicotinoïdes, peuvent obliger les pouvoirs publics à ouvrir peu après des dérogations ciblées, faute d'alternatives immédiatement disponibles. Il s'agit donc de composer avec la balance des avantages et des risques, à la fois de l'action et de l'inaction. Mais c'est à la souveraineté nationale et à l'exécutif d'apprécier le résultat du pesage, et de déterminer la règle. Il est également important dans ce scénario d'éviter d'importer des produits traités par des PPP, depuis des pays35 qui ne respecteraient pas les mêmes réglementations. Il semble que ce soit ce modèle « réglementaire » qui a été utilisé pour les usages non agricoles et est retenu pour le glyphosate, pour lequel le gouvernement est très actif36, après un engagement de retrait pris par l'actuel Président de la République en 2017. Dans ce scénario, la réglementation est l'instrument principal de réduction du recours aux PPP. Une partie majeure de cette stratégie est donc portée par l'UE, qui a la responsabilité de la réglementation des substances actives. La France devra être beaucoup plus vigilante pour bien documenter les demandes d'autorisation et de renouvellement, et veiller à ce que les études soient réalisées avec la rigueur nécessaire. C'est en effet à ce niveau que la réglementation est la plus efficace. Ainsi la France ne saurait réussir seule : une plus forte convergence européenne peut sembler un préalable à la mise en place de ce scénario. En dehors d'une convergence européenne, la France garde la possibilité de restreindre l'usage des produits mis sur le marché et incluant les substances autorisées : elle pourra le faire systématiquement quand existent des alternatives, en biocontrôle ou avec des produits moins dangereux, couramment utilisées 37 et que les inconvénients économique et technique ne sont pas majeurs (art 50 de R 2009 /1107). Elle pourrait également davantage vérifier que les produits sont bien utilisés « en dernier recours », dans le cadre d'une protection intégrée des cultures, ce qui n'est aujourd'hui que rarement fait, en France et en Europe, malgré la réglementation. Certaines pratiques exagérément intensives, certaines rotations trop courtes ou inexistantes, certaines mosaïques paysagères insuffisamment diversifiées pourraient progressivement être sanctionnées par des restrictions d'emploi de PPP ou en utilisant d'autres outils réglementaires ou assimilables à la réglementation (PAC...). La France, tout comme les autres pays, peut également déclarer des dérogations pour une durée inférieure à 120 jours. Une variante renforçant ce scénario pourrait préconiser non seulement un « conseil stratégique PPP » obligatoire, comme il est désormais prévu, mais une prescription des PPP « sur ordonnance », comme pour les antibiotiques animaux et la plupart des médicaments sur l'homme. Mais on a vu avec les médicaments qu'une telle obligation ne garantit pas l'absence d'augmentation de l'utilisation. Voir un article cité par le CEP dans sa veille de décembre 2020 qui montre les très grands écarts entre les limites maximales de résidus autorisés dans différents pays et ses conséquences : « Trade, price and quality upgrading effects of agri-food standards » Dela-Dem Doe Fiankor, Daniele Curzi, Alessandro Olper, European Review of Agricultural Economics, 2020 35 36 37 Tout comme quelques autres pays : le Mexique vient ainsi de faire l'annonce d'une interdiction dans 3 ans ? Cette condition est particulièrement gênante puisqu'il faut que l'alternative soit largement diffusée avant l'interdiction : la réglementation n'est donc pas un outil d'aide à la diffusion en première phase du cycle (cf 3.1). Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 162/208 PUBLIÉ L'administration, et notamment les services sanitaires régionaux (au sein des DRAAF), sont les acteurs-clés pour veiller au respect de la réglementation. L'OFB pour la police de l'environnement, les DDCCRF pour le contrôle des résidus, ont un rôle à jouer. On le voit : le contrôle sanitaire des végétaux et des produits qui en sont issus impliquent une chaîne d'acteurs, incluant les parquets, la justice administrative, et le système judiciaire, qui peut sembler difficile à actionner et devrait sans doute être simplifiée pour exercer un réel effet dissuasif. Les instituts techniques et l'INRAE pour bien évaluer en amont de la réglementation les conséquences pratiques des interdictions, ont montré l'intérêt de leurs apports dans le cas des néonicotinoïdes et du glyphosate. Le scénario s'appuie principalement sur la réglementation directe en matière de PPP, avec une correcte appréciation des avantages et des risques, et la possibilité d'une réglementation fine, avec notamment une protection accrue des bassins versants, des aires de captage et des zones proches des habitations, et des restrictions sur l'usage des produits, par exemple dans certaines conditions climatiques. Mais l'enjeu est également la réglementation générale ou l'ensemble des politiques publiques qui, d'une manière ou d'une autre, apportent des contributions significatives aux décisions des agriculteurs de recourir aux PPP. Ainsi, la PAC, par son poids dans les ressources des exploitations, mais aussi les dispositifs relatifs à l'installation des jeunes agriculteurs, la politique foncière, les règles relatives à la sole et à l'assolement, à l'irrigation, aux autres intrants... peuvent avoir une importance : il importe de vérifier la cohérence de l'ensemble des politiques publiques avec l'objectif de réduction des PPP, et de ne pas s'appuyer seulement sur la réglementation relative aux produits PPP, aux pulvérisateurs ou aux zones de protection. On peut également citer ici le « contrat de solutions » proposé par 40 organisations agricoles et de recherche38 avec un objectif et un slogan affichés « pas d'interdictions sans solutions ! ». 38 Dont les chambres d'agriculture, l'ACTA, l'UIPP, le GNIS, la FNSEA, la MSA, des coopératives... Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 163/208 PUBLIÉ Figure 17 : Extrait du Guide Phytosanitaire pour tout savoir sur la réglementation - Edition 2021 - Les chambres d'agriculture Le slogan de « ce contrat de solutions » est à double sens. Il demande à l'État de ne pas interdire avant d'avoir identifié les solutions. Mais c'est aussi un moyen pour l'État et l'UE de constater l'existence de solutions ou de bouquets de solutions acceptées et dès lors de prendre les mesures d'interdiction des substances et des produits dangereux dont il est désormais admis qu'ils ne sont plus indispensables. Dans ce scénario, les ressources issues de la RPD peuvent aider l'État et ses opérateurs à exercer leurs missions. Le programme national peut ainsi financer en priorité les études d'évaluation des risques des PPP et de leurs alternatives (études prospectives amont, études d'évaluation en aval), des campagnes de formation et d'information, et le contrôle du respect de la réglementation, qui peut être confié à des organismes certificateurs externes à l'administration comme c'est déjà le cas pour les programmes européens ou l'AB. Des enveloppes régionales peuvent toujours être mobilisées par les agences de l'eau pour accompagner des mesures de réglementation locales, pour étendre la protection et l'amélioration des captages et de la biodiversité, par exemple. Le programme national est décidé par l'État, qui affirme sa responsabilité, mais la base technique et économique des interdictions et des alternatives doit être approfondie en amont des décisions avec les professionnels et autres parties prenantes. Le programme peut financer en priorité ces travaux préparatoires aux évolutions de la réglementation. La gestion du programme est confiée soit aux services de l'État, soit à un opérateur neutre de gestion, comme l'ASP. Les agences de l'eau restent bénéficiaires d'une partie de la taxe, et initient ou soutiennent des actions Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 164/208 PUBLIÉ à leur échelle. L'acceptabilité de ce scénario repose largement sur la clarté des objectifs sanitaires et la proportionnalité des mesures d'interdiction aux enjeux et risques. Ce scénario est d'autant plus crédible qu'il est fortement adossé à une mobilisation européenne, et que ses moyens sont coordonnés à cette échelle. Sa cible et son indicateur de référence mériteraient d'être redéfinis, le durcissement de la réglementation sur les produits les plus efficaces pouvant se traduire par une très forte augmentation de produits moins efficaces (et moins dangereux). Forces Faiblesses Diagnostic interne Opportunités Menaces Diagnostic externe Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 165/208 PUBLIÉ On l'a dit, notre avis d'expert est que les trois scénarios sont susceptibles d'apporter une contribution forte à l'objectif d'une réduction de 50% des PPP dans un délai de l'ordre de 10 ans. Sans renier les actions soutenues dans le cadre des plans antérieurs depuis 2006 ­ avant le Grenelle de l'environnement -, ces scénarios proposent de manière inédite des actions de massification crédibles, avec des outils robustes. Pour éclairer la décision, il ne s'agit donc pas ici de choisir entre les trois scénarios ­ au sein de la mission, des préférences personnelles se sont exprimées mais la mission n'a pas de scénario préférentiel - mais d'offrir quelques éclairages complémentaires pour faciliter la décision politique, autour des deux thèmes cités dans le titre de cette section. Trop souvent, les « pesticides » sont d'abord vus comme un sujet de controverse, comme l'ont été un temps les « OGM ». Et cette controverse intéresse : médias et sondages d'opinion en témoignent39. Pour être audible dans le cadre de la controverse, il peut paraître opportun d'adopter un ton radical, afin d'être le porte-parole d'un camp contre un autre camp. Il est intéressant et nécessaire d'essayer de comprendre les mécanismes en jeu dans cette controverse, pour faciliter la décision de l'État. D'un côté, il y a des intérêts économiques et d'un « modèle agronomiques » évidents : les PPP sont redoutablement efficaces pour assurer une protection immédiate des cultures, et leurs alternatives, quand elles sont identifiées, sont plus complexes, plus coûteuses et ont des effets moins sûrs40. Parallèlement, le processus de concentration et d'industrialisation d'une partie des activités agricoles se poursuit, pendant que des alternatives se maintiennent durablement dans le paysage sans redevenir dominantes. Ces deux41 modèles d'agriculture alternatifs reflètent des modèles de société différents, mais les pratiques réelles au sein de chaque modèle peuvent parfois être significativement différentes des pratiques imaginées et revendiquées. Ainsi la généralisation de l'AB sous et sur bâches plastiques permet en effet d'économiser des PPP, au prix de travaux pénibles et d'une forte dépendance au plastique, qui sont deux faiblesses par rapport à l'agriculture conventionnelle. La « vision » de l'État et en son sein celle du MAA par rapport à ces évolutions n'est pas toujours évidente à déceler. Au-delà d'un soutien affiché, quoique par intermittence, à « l'agroécologie », terme d'autant plus fédératif qu'il est mal défini, on peut avoir parfois l'impression qu'un soutien est apporté, mais un peu honteux, non revendiqué, aux processus continus d'industrialisation de l'agriculture. D'un autre côté, il y a des effets directs, sur la santé des utilisateurs et sur la biodiversité, et des effets plus diffus, par dissémination dans les milieux, par concentration dans la chaîne biotique et par effets cocktail avec d'autres réactifs présents dans l'air, l'eau ou les sols, pas nécessairement des PPP. Ces différents aspects sont étudiés à la fois par la recherche privée issue des industries chimiques, et par Par exemple Le papier le plus consulté de la revue électronique Sésame en 2020 est celui, cité infra, qui cherche à comprendre pourquoi l'usage des produits phytos augmente en France. 39 Chacun des éléments de cet énoncé peut se voir opposé des contre-exemples, mais ils ne sont pas de nature à en modifier la pertinence globale. 40 41 C'est une simplification, il en existe en réalité de nombreux autres. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 166/208 PUBLIÉ la recherche publique, et des publications scientifiques apparemment contradictoires ­ c'est ainsi que se construit la science ! - peuvent apporter un certain trouble aux yeux du grand public et du personnel politique et administratif, qui attend des certitudes. Il est donc nécessaire de réaliser régulièrement des synthèses de l'état de la science. Une actualisation de l'expertise collective de l'INSERM (2013) sur l'impact des PPP sur la santé humaine est ainsi annoncée depuis près d'un an42 . Il faut également souligner les efforts de l'ANSES pour rendre accessibles les données et informations qui fondent ses décisions. Mais les controverses scientifiques sont normales, et sur un sujet porteur d'autant d'intérêt économique, un soutien constant à la recherche publique, à son intégrité, et aux dispositifs de veille en matière de santé publique est indispensable. Derrière la controverse se pose la question des modèles agricoles désirables. La France a choisi l'agroécologie par une loi adoptée en 201443 l'agroécologie. Mais derrière ce mot qui désigne une science, des pratiques et qui est donc devenu une politique, se cachent plusieurs modèles agricoles qui continuent à être en compétition. Le modèle de la grande exploitation, qui était historiquement moins développé en France que dans des pays d'Europe centrale, continue son extension. Il se transforme également avec des pratiques de travail « à façon », entièrement externalisé vers des entreprises de travaux agricoles. Parallèlement les exploitations moyennes et petites régressent et se diversifient. Certaines, notamment en maraichage, en viticulture ou en productions fruitières, continuent à s'industrialiser, avec de plus en plus de conditions contrôlées et d'automatismes, pendant que d'autres recherchent la performance biologique par la permaculture et le travail manuel, avec des réussites parfois impressionnantes à petite échelle. Loin d'être entièrement dédiées à l'agroécologie, comme semblent le vouloir certains de ses responsables, la recherche et la valorisation devraient également porter sur tous ces modèles, y compris les plus disruptifs, du type de ceux qui sont soutenus par l'université de Wageningen aux PaysBas, avec des exploitations hors sols, à faibles intrants et relativement neutres en énergie. Les « fermes verticales » japonaises, sont également des modèles intéressants : au-delà des préjugés ou des constats d'expérience sur les qualités organoleptiques des aliments en fonction de leur processus de production, la performance globale de ces systèmes mérite d'être prise en considération, notamment en matière de maraîchage. De même, la France offre plus qu'une possibilité de réduction de la dépendance aux PPP. Pour certaines régions françaises denses et pour certaines cultures comme les légumes, une intensification des productions au plus près des centres de consommation, voire la mise en place de productions à environnement contrôlé en zone urbaine, comme elles se développent au Japon, peuvent apparaître comme des solutions non pas d'avenir ­ elles existent déjà et ont fait la preuve de leur capacité à fonctionner quasiment sans PPP- mais comme des solutions à diffuser ! En revanche le modèle de la grande exploitation céréalière sans élevage, et très dépendant des PPP comme des apports en fertilisants chimiques, et en eau, destructeurs des haies et pollueur des rivières et des nappes, mériterait d'être réexaminé. Il est pourtant encore en extension dans certaines campagnes françaises dites « intermédiaires ». Non seulement ce modèle d'exploitation n'apporte pas la preuve de sa capacité à maîtriser la dissémination de ses externalités négatives, mais il contribue à appauvrir la biodiversité, les paysages, et il alimente des marchés mondiaux de matière première dont les prix sont spéculatifs et déstabilisants. La PAC doit-elle continuer à soutenir ce modèle, par exemple par des subventions permettant de diminuer l'écart de productivité entre les zones intermédiaires 44 et les zones plus favorisées par les conditions pédoclimatiques ? Ou au contraire à assumer dans ces zones la mise en place d'une agriculture plus extensive, moins gourmande en intrants, voire à un retour 42 43 44 A notre connaissance, elle n'a pas eu d'équivalent pour évaluer l'impact des PPP sur la biodiversité Loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt Voir le rapport sur l'agriculture des zones intermédiaires, CGAAER n°18065, janvier 2019 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 167/208 PUBLIÉ organisé45 vers la forêt, pour capter davantage de carbone, ou encore pour développer les sanctuaires nécessaires à la biodiversité ? Il semble que ce débat existe aujourd'hui au sein même de la FNSEA46 et avec les autres organisations professionnelles, mais tous les acteurs seront attentifs aux messages que les arbitrages de la nouvelle PAC vont adresser. Même si elle doit évidemment se préoccuper de toutes les agricultures, on peut ainsi regretter que la politique agricole française ne fasse pas le choix de dire ce qu'elle souhaite pour chacun des modèles, et ce qu'elle veut décourager. La réponse serait d'autant plus pertinente qu'elle serait inscrite dans des territoires qui ont de fortes spécificités. Finalement, les PPP sont aussi l'occasion de distinguer plusieurs conceptions de ce que peut être un État dans l'Europe d'aujourd'hui, et d'interroger l'organisation de notre État, notamment quant aux répartitions des compétences et rôles entre ministères, et entre les administrations centrales, les services déconcentrés et les collectivités territoriales. Sur le positionnement des États en Europe, les deux documents précités (rapport de la Cour européenne des comptes et communication de la Commission (2020) mériteraient d'être prolongés par un parangonnage. Entre l'État qui forme, avec d'une part la recherche et d'autre part les agriculteurs-entrepreneurs l'un des trois côtés du triangle d'or néerlandais, et la verticalité qui fait de la réduction des PPP et de l'interdiction du glyphosate des « objets de la vie quotidienne » directement suivis depuis l'Élysée, il y a des positionnements multiples au sein de l'Europe, et qui mériteraient un parangonnage. Pour ce qui concerne l'organisation de l'État en France, il faut d'abord souligner que le MTE, en charge de la qualité de l'eau, de l'air et de la nature, a été l'un des premiers à prendre conscience des enjeux de la réduction des PPP (et des nitrates). Les indicateurs sur la diminution de la biodiversité, notamment l'écroulement des populations d'insectes et d'oiseaux, ont déclenché des alertes qui ont conduit à rechercher les causes, plus rapidement et plus fortement que les enjeux sur la santé humaine, qui restent finalement mal connus. Du coup, le MTE (et les agences de l'eau comme l'OFB) a une réelle légitimité sur cette politique. Mais c'est bien le MAA qui a la charge de proposer les solutions alternatives aux PPP et donc doit être responsabilisé dans son rôle de coordination opérationnelle du plan. Bien sûr les PPP sont également des enjeux majeurs pour la santé publique, pour la biodiversité, et pour la recherche. Mais les trois ministères de la santé, de la transition écologique et de la recherche n'ont pas la responsabilité ni les moyens opérationnels de diffuser les alternatives aux PPP : c'est bien au MAA que cela incombe. Une difficulté qui a pu être perçue ces dernières années est que le caractère multiministériel de la politique à l'égard des PPP a pu donner l'impression d'une complexité bureaucratique doublée d'un État à plusieurs voix sans unisson. On se retrouve ainsi parfois dans la situation où ce sont des parties prenantes, des ONG notamment, qui s'efforcent de faire la synthèse et de porter un intérêt général face à des représentants ministériels calés dans leurs priorités relatives. La réponse à cette question de l'interministérialité pourrait être simple : Il existe une responsabilité interministérielle, celle de s'assurer de l'alignement des politiques, que la réduction des PPP est bien une priorité effective de l'action publique, pour tous les ministères et établissements publics et à tout niveau, mais en affirmant La forêt progresse spontanément en France, du fait des déprises agricoles dans ces zones, mais une sylviculture intelligente, comme l'a fait historiquement l'administration puis l'office des forêts, permet d'optimiser à la fois la fixation du carbone, la valeur probable du bois, et les aménités. 45 46 Agra-Presse 18 janvier 2021 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 168/208 PUBLIÉ également la responsabilité du MAA pour définir et piloter les actions de massification du plan, et en lui donnant des outils et leviers à cette fin. Cette question se retrouve à l'échelle régionale, avec un plan Écophyto qui mobilise la DREAL, la DRAAF, les agences de l'eau et dans une moindre mesure l'ARS, sous la coordination et l'autorité du Préfet de région. Les compétences sanitaires de l'État sont réparties entre la DRAAF pour la santé des plantes, les DDI pour la santé animale, et l'OFB pour la police de l'environnement. Les collectivités régionales, en charge du développement économique et de la gestion d'une partie de plus en plus importante des crédits européens, sont sollicitées sur ce plan sans en être pleinement co-responsables. Une nouvelle version du plan Écophyto devrait s'interroger sur cette répartition existante des compétences et surtout se demander quelle organisation pourrait optimiser la réussite du plan de réduction des PPP dans les territoires. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 169/208 PUBLIÉ Les scénarios et les leviers : synthèse : : : : : : : : Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 170/208 PUBLIÉ * ** Finalement, peut-on encore opposer la nécessité de « nourrir la planète », comme disent les défenseurs des PPP, à celle de « préserver la santé, quoiqu'il en coûte » et de stopper pendant qu'il est encore temps l'effondrement de la biodiversité qui met en péril notre survie comme espèce ? "Faire la paix avec la nature est la grande mission de notre siècle. Elle doit être la priorité absolue de chacun, partout dans le monde" disait le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, en janvier 2021). La France fait le choix de soutenir son agriculture, en lui consacrant une grande attention et des moyens financiers importants. Mais il est clair que ce soutien a contribué ces dernières décennies à renforcer une dépendance de cette agriculture aux PPP, alors que beaucoup d'exploitations disposaient auparavant de savoir-faire alternatifs qui ont été disqualifiés. Il n'est pas réaliste de revenir à des processus de production antérieurs à la diffusion des PPP. Il s'agit donc non de restaurer, mais d'inventer des modes de production agricoles durables économes en PPP et répondant par ailleurs aux attentes économiques, sociales des marchés et des citoyens. Un levier prioritaire de ce point de vue est de continuer à réparer la contradiction qui (a) fait de certaines politiques de l'État et de la PAC les instruments de la diffusion des PPP et donc en priorité d'aligner l'ensemble des politiques publiques, dont la PAC, à ce nouvel objectif de réduction des PPP, sauf à risquer de réduire à néant les efforts de conviction apportés par des plans Écophyto dont les dotations financières sont nettement plus réduites. La mission propose donc, soit d'utiliser massivement la réglementation et la PAC et de rendre conditionnelles les aides du premier pilier (scénario 3), soit, si ce n'est pas possible, de mobiliser massivement les autres leviers, de soutien aux filières économes en PPP (scénario 1) ou les leviers incitatifs (scénario 2) si on veut généraliser la baisse. Il serait souhaitable d'arrêter le nouveau plan Écophyto en 2023, quand la nouvelle PAC sera connue et approuvée. Cela laisse deux années pour réaliser des études de bilan plus précises, et pour choisir après concertation les leviers et les actions qui donneront un nouvel élan à ce plan nécessaire, mais qui s'essouffle. Un volet important du nouveau plan sera de mettre en cohérence l'ensemble des politiques publiques avec l'objectif de réduction des PPP. Cela suppose que ces préoccupations soient portées avec constance lors de la révision de la PAC pour qu'elles se traduisent par une véritable inflexion de celleci. C'est dans ce cadre qu'une nouvelle orientation d'utilisation de la part du produit de la RPD affectée à Écophyto pourra être donnée, avec un programme national et des enveloppes régionales spécialisés, agiles, additionnels et transparents. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 171/208 PUBLIÉ Cour des comptes Référé S2019-2659 du 4 février 2020 de la Cour des comptes sur le bilan des plans Écophyto Réponse du Premier ministre à la Cour des comptes relative au bilan des plans Écophyto le 3 février 2020 Le bilan des plans Écophyto ­ Cour des comptes - Relevé d'observations définitives S2019-0191 (non diffusé) Différents plans Plan Écophyto 2018 du 10 septembre 2008 Plan Écophyto II du 20 octobre 2015 Plan d'actions sur les PPP et une agriculture moins dépendante aux pesticides du 25 avril 2018 Plan Écophyto II+ publication avril 2019 Rapports Chantier 15 « agriculture écologique et productive » Rapport final du Président du Comité opérationnel « Écophyto 2018 » Guy Paillotin, Secrétaire perpétuel de l'Académie d'Agriculture de France, 17 juin 2008 Pesticides et agroécologie ­ Les champs du possible. Rapport de Dominique Potier, député de Meurtheet-Moselle, au Premier ministre Manuel Valls, novembre 2014 Mission de coordination de la feuille de route relative aux produits phytosanitaires et au plan de sortie du glyphosate Note d'étape (partie 1) et Synthèse des entretiens en régions (partie 2) ; Pierre-Etienne Bisch, coordinateur interministériel Conseiller autrement l'utilisation des pesticides pour produire autrement, rapport CGAAER 13057, juin 2013 Déterminants de la prise de décision par l'exploitant agricole d'une transition vers l'agroécologie, CGAAER n°19070 La fiscalité des produits phytosanitaires. Rapport n°2013-M-044-03 pour l'IGF, n°13065 pour le CGAAER et n°008976-01 pour le CGEDD, juillet 2013 Utilisation des produits phytopharmaceutiques. Rapport CGEDD n°011624-01 / IGAS n°2017-124R / CGAAER n°17096, décembre 2017 Préfiguration de la mise en oeuvre des certificats d'économie de produits phytosanitaires (CEPP) mission d'appui (n°2013-M-122-01 pour l'IGF, n°2013-13146 pour le CGAAER, n°009393-01 pour le CGEDD) ­ Juillet 2014 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 172/208 PUBLIÉ Préfiguration de l'application du dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) aux Outre-Mer, Rapport CGEDD n° 012594-01, CGAAER n° 18133, juin 2019. Evaluation du dispositif de délivrance du certificat individuel phytopharmaceutique (Certiphyto) ­ Rapport CGEDD n°00 9375-01 et CGAAER n°13132 ­ 2014 Le réseau d'épidémiosurveillance financé par le plan Écophyto : Réorientations à opérer. Rapport CGEDD n° 012577-01, CGAAER n° 18129, décembre 2019 Rapporteuse spéciale sur le droit à l'alimentation Assemblée générale, Nations unies, 24 janvier 2017 Rapport spécial de la Cour des comptes Européenne, Utilisation durable des produits phytopharmaceutiques : des progrès limités en matière de mesure et de réduction des risques, janvier 2020 Rapport de la Commission au Parlement européen et au Conseil sur l'expérience acquise par les États membres dans la mise en oeuvre des objectifs nationaux fixés dans leurs plans d'action nationaux et sur les progrès réalisés dans la mise en oeuvre de la directive 2009/128/CE sur une utilisation des pesticides compatible, 20 mai 2020. Principaux textes réglementaires de l'UE en matière de PPP (classement chronologique) Directive 2009/128/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 instaurant un cadre d'action communautaire pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable Directive (UE) 2019/782 de la Commission du 15 mai 2019 modifiant la directive 2009/128/CE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne l'établissement d'indicateurs de risques harmonisés. Directive 2009/127/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 modifiant la directive 2006/42/CE en ce qui concerne les machines destinées à l'application des pesticides Règlement (CE) n° 396/2005 du Parlement européen et du Conseil du 23 février 2005 concernant les limites maximales applicables aux résidus de pesticides présents dans ou sur les denrées alimentaires et les aliments pour animaux d'origine végétale et animale Règlement (CE) N 889/2008 de la commission du 5 septembre 2008 portant modalités d'application du règlement (CE) no 834/2007 du Conseil relatif à la production biologique et à l'étiquetage des produits biologiques en ce qui concerne la production biologique, l'étiquetage et les contrôles. annexe II. Règlement (CE) n° 1272/2008 dit « règlement CLP » du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relatif à la classification, à l'étiquetage et à l'emballage des substances et des mélanges, modifiant et abrogeant les directives 67/548/CEE et 1999/45/CE et modifiant le règlement (CE) n° 1907/200 Règlement (CE) n° 1185/2009 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 relatif aux statistiques sur les pesticides Règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/CEE et 91/414/CEE du Conseil Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 173/208 PUBLIÉ Règlement (UE) no 528/2012 du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2012 concernant la mise à disposition sur le marché et l'utilisation des produits biocides. Articles de synthèse Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? sous l'égide du Comité pour l'économie verte, Bénédicte Peyrol, Dominique Bureau, 2018 Reducing pesticide use while preserving crop productivity and profitability on arable farms, Martin Lechenet, Fabrice Dessaint, Guillaume Py, David Makowski & Nicolas Munier-Jolain, Nature Plants volume 3, Article number: 17008 (2017). Traduction mission. Le Plan Écophyto de réduction d'usage des pesticides en France : décryptage d'un échec et raisons d'espérer, Laurence Guichard, François Dedieu, Marie-Hélène Jeuffroy, Jean-Marc Meynard, Raymond Réau et Isabelle Savini. (Cah. Agric. 2017, 26, 14002) Le projet agroécologique: Vers des agricultures doublement performantes pour concilier compétitivité et respect de l'environnement. Marion Guillou, Hervé Guyomard, Christian Huyghe, Jean-Louis Peyraud, mai 2013. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 174/208 PUBLIÉ Acronyme Signification AB AE AJE ACTA AFB AMM ANR ANSES APCA ASP BNVD BOP BSV CAE CASDAR CE CEE CEPP CF CGAAER CGEDD CIRC CMR COREAMR COS COS RI CP CROS DEB DEPHY DGAL DGALN DGPE DGER DRAAF DREAL EFSA EGA FEADER FNSEA GIEE IFT Agriculture Biologique Autorisation d'engagement Apport Journalier Estimé Association de Coordination Technique des instituts Agricoles Agence Française pour la Biodiversité Autorisation de Mise sur le Marché Agence Nationale de la Recherche Agence Nationale de Sécurité Alimentaire, de l'Environnement et du Travail Assemblée Permanente des Chambres d'Agriculture Agence de Service des paiements Banque Nationale des Ventes pour les Distributeurs Budget Opérationnel de Programme Bulletin de Surveillance du Végétal Commission AgroÉcologie Compte d'Affectation Spéciale Développement Agricole et Rural Commission Européenne Certificat d'Économie d'Énergie Certificat d'Économie de Produit Phytopharmaceutique Comité des Financeurs Conseil général de l'Alimentation, de l'Agriculture et des Espaces Ruraux Conseil Général de l'Environnement et du Développement Durable Centre International de Recherche sur le Cancer Cancérogène, Mutagène et Reprotoxique Commission Régionale de l'Économie Agricole et du Monde Rural Comité Opérationnel et de Suivi Comité Opérationnel et de Suivi Recherche et Innovation Crédits de paiement Comité Régional d'Orientation et de Suivi Direction de l'Eau et de la Biodiversité DEmonstration et Production de références sur les systèmes économes en pHYtosanitaires Direction Générale de l'Alimentation Direction Générale de l'aménagement, du Logement et de la Nature Direction Générale de la Performance Économique et Environnementale des Entreprises Direction Générale de l'Enseignement et de la Recherche Direction Régionale de l'Alimentation, de l'Agriculture et de la Forêt Direction Régionale de l'Environnement, de l'Aménagement et de l'Environnement Autorité Européenne de Sécurité des Aliments États Généraux de l'Alimentation Fonds Européen Agricole pour le développement Rural Fédération Nationale des syndicats d'Exploitants Agricoles Groupement d'Intérêt Économique et Environnemental Indice de Fréquence de Traitement Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 175/208 PUBLIÉ Acronyme Signification INERIS INRAE ITA MAA MAEC MTE NODU OAD OFB PAC PAEC PAT PPP QSA R&D RPD SAU SBT SDQPV SRAL UE ZNA Institut National de l'Environnement Industriel et des Risques Institut National de la recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement Institut Technique Agricole Ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation Mesures Agro-Environnementales et Climatiques Ministère de la Transition Écologique Nombre de Doses Unité Outil d'Aide à la Décision Office Français de la Biodiversité Politique Agricole Commune Projet Agro-Environnemental et Climatique Projet Alimentaire Territorial Produits PhytoPharmaceutiques Quantité de Substance Active Recherche et Développement Redevance pour Pollution Diffuse Surface Agricole Utile Surveillance Biologique du Territoire Sous-Direction de la Qualité et de la Protection des Végétaux Service Régional de l'Alimentation Union Européenne Zone Non Agricole Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 176/208 PUBLIÉ La redevance pour pollutions diffuses (RPD) a été instaurée par la loi n°2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l'eau et les milieux aquatiques (art.84) et codifié à articles L.213-10-8 du code de l'environnement, qui en détermine son assiette et son taux. L'article L131-15 du code de l'environnement (modifié par la loi n°2020-1721 du 29 décembre 2020 - art. 82 (V)) précise que « les ressources du programme confié à l'Office français de la biodiversité dans le cadre du plan d'action national défini à l'article L. 253-6 du code rural et de la pêche maritime incluent la part de contribution mentionnée à ce titre à l'article 135 de la loi n° 2017-1837 de finances pour 2018 et sont dépensées, pour un montant au moins égal, sous la forme d'aides apportées par l'office au titre de ce programme ». L'article R.213-48-13 du code de l'environnement relatif aux redevances des agences de l'eau et aux modalités de déclaration et de recouvrement de certaines de ces redevances, précise la nature des substances concernées. Elles le sont : 1° Soit en raison de leur toxicité aiguë de catégories 1,2 ou 3 ; 2° Soit en raison de leur toxicité spécifique pour certains organes cibles, de catégorie 1, à la suite d'une exposition unique ou après une exposition répétée ; 3° Soit cancérogène de catégorie 1A ou 1B, mutagène de catégorie 1A ou 1B ou toxique pour la reproduction de catégorie 1A ou 1B ; 4° Soit cancérogène de catégorie 2, mutagène de catégorie 2 ou toxique pour la reproduction de catégorie 2 ; 5° Soit en raison de leurs effets sur ou via l'allaitement ; 6° Soit en raison de leur danger pour l'environnement. Un arrêté conjoint des ministres chargés de l'environnement et de l'agriculture définit, chaque année1, la liste des substances figurant dans chaque catégorie mentionnée au II de l'article L. 213-10-8 . L'article R. 213-48-27-1 du code de l'environnement prévoit que les redevables de l'ensemble des agences de l'eau adressent leur déclaration à l'agence de l'eau Artois-Picardie, qui est désignée pour l'établissement du titre de recettes et le recouvrement de la redevance auprès de ces redevables. L'article 135 de la loi de finance pour 2018 n°2017-1837 (Modifié par loi n°2020-1721 du 29 décembre 2020 - art. 82 (V)) « I.- A compter de 2020, il est institué une contribution annuelle des agences de l'eau mentionnées à l'article L. 213-8-1 du code de l'environnement au profit de l'Office français de la biodiversité à hauteur d'un montant compris entre 362,6 millions d'euros et 389,6 millions d'euros, qui intègre une dotation de 41 millions d'euros dédiée au financement du programme mentionné à l'article L. 131-15 du même code. Arrêté du 7 décembre 2020 établissant la liste des substances définies à l'article L. 213-10-8 du code de l'environnement relatif à la redevance pour pollutions diffuses 1 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 177/208 PUBLIÉ Cette contribution est liquidée, ordonnancée et recouvrée selon les modalités prévues pour les recettes des établissements publics administratifs de l'Etat. Chaque année, un arrêté conjoint des ministres chargés de l'écologie et du budget fixe le montant de cette contribution et la répartit entre les agences de l'eau en fonction du potentiel économique du bassin hydrographique pondéré par l'importance relative de sa population rurale. Le potentiel économique du bassin hydrographique est déterminé pour 20 % à partir du produit intérieur brut des régions relevant de chaque bassin et pour 80 % à partir du revenu des ménages des régions relevant de chaque bassin. Pour chaque bassin, un coefficient de modulation rurale définit l'importance relative de la population rurale. Ce coefficient, compris entre 75 % et 115 %, est déterminé de façon linéaire selon la part de population du bassin habitant des communes non incluses dans des aires urbaines. Cet arrêté détermine également les modalités de versement de cette contribution. « Pour l'année 2020, il a été pris le 28 janvier 2021. Les ressources du programme confié à l'Office français de la biodiversité dans le cadre du plan d'action national défini à l'article L. 253-6 du code rural et de la pêche maritime incluent la part de contribution mentionnée à ce titre à l'article 135 de la loi n° 2017-1837 de finances pour 2018 et sont dépensées, pour un montant au moins égal, sous la forme d'aides apportées par l'office au titre de ce programme. 2006 Depuis la loi sur l'eau et les milieux aquatiques du 30 décembre 2006, les distributeurs de produits phytopharmaceutiques sont tenus de transmettre à l'agence de l'Eau Artois-Picardie2 une déclaration annuelle de leurs ventes de produits au titre de la redevance pour pollutions diffuses. Le bilan des achats effectués à l'étranger doit également être déclaré par les utilisateurs professionnels. 2009 En application du principe pollueur-payeur et de la loi de finances pour 2009, la redevance sert à financer : les programmes d'intervention des agences et offices de l'eau ; le plan Écophyto, qui vise à limiter l'usage des pesticides et la contamination associée des milieux. 2010 La loi de finances rectificative pour 2010 a intégré dans le dispositif des redevances les ventes de semences traitées au moyen des produits phytosanitaires à compter de l'année d'activité 2012. De plus, en cas d'achats de produits ou de semences traitées à l'étranger, les trieurs à façon et les 2 Procédure mutualisée depuis 2010 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 178/208 PUBLIÉ agriculteurs deviennent également redevables et sont soumis dans ce cadre à une obligation de transmission d'un bilan de leurs achats à l'étranger. 2019 La loi de finances pour 2019 a modifié le régime de la redevance, dans un objectif de transparence sur le niveau de dangerosité des différentes substances au travers d'une plus grande discrimination des taux incluant un renforcement de ceux portant sur les substances qui seront à terme interdites en Europe, conformément au règlement 1107/2009 en ce qui concerne les substances candidates à substitution ou exclusion. 2021 Une modification a été introduite par la loi de finance pour 2021 (article 82 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 abrogeant le V. de l'article L.213-10-8 qui prévoyait le prélèvement au profit de l'OFB) : la mise sous plafond de la part de la redevance pour pollutions diffuses perçue par les agences de l'eau, affectée au programme Écophyto. Jusqu'à présent, la part de la redevance pollution diffuse était directement versée à l'OFB pour financer le volet national d'Écophyto. Désormais le produit (41 M) reviendra aux agences et, en contrepartie, celles-ci versent une contribution plus importante à l'OFB, chacune selon la clef de répartition fixée (arrêté interministériel du 28 janvier 2021). Dans le même temps, le plafond des redevances perçues par les agences a été augmenté en proportion. Ce dernier s'élèvera ainsi à 2,197 milliards d'euros en 2021. Les dispositions concernent les produits phytopharmaceutiques et les semences traitées au moyen des produits (cf. l'article L 253-1 du code rural). Ces produits servent à détruire les végétaux indésirables (herbicides), à protéger les plantes (fongicides, insecticides), à agir sur leurs processus vitaux sans être des substances nutritives (régulateurs de croissance) et à conserver les récoltes. Pour pouvoir être vendus et utilisés en France, ces produits doivent faire l'objet d'une autorisation de mise sur le marché (AMM). Un produit phytopharmaceutique peut contenir des substances dangereuses. Les substances soumises à la redevance pour pollutions diffuses sont définies au II de l'article L.213-10-8 du code de l'environnement. Le montant de cette redevance est fonction de la dangerosité de ces substances et des quantités présentes dans les produits. Tous les acteurs sont concernés par ces dispositions : les distributeurs, les consommateurs, les industriels responsables de la mise sur le marché des produits phytosanitaires ainsi que les utilisateurs qui se fournissent auprès de distributeurs situés à l'étranger. 1. Les distributeurs et, par incidence, les industriels Les distributeurs sont au coeur du dispositif, dans la mesure où ils peuvent à la fois informer les consommateurs et orienter leur politique d'achat auprès des producteurs. Ils permettent une connaissance fine des quantités et des produits phytosanitaires achetés, via l'établissement de leur déclaration annuelle des ventes. Afin de cibler l'action de suivi de l'utilisation des pesticides sur les territoires ou les parcelles sur lesquels peut être porté en priorité l'effort de réduction, les distributeurs à des professionnels sont tenus depuis 2015 de déclarer les ventes agrégées par codes postaux des utilisateurs, sous forme de registre des ventes. Cette connaissance est indispensable pour cibler efficacement l'action publique. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 179/208 PUBLIÉ 2. Les consommateurs Le montant de la redevance propre à chaque produit phytopharmaceutique acheté figure sur la facture d'achat sauf pour les produits portant la mention " Emploi Autorisé dans les Jardins ". Les consommateurs, désormais informés, seront en mesure de modifier leurs comportements d'achat : réduire prioritairement leur usage des substances les plus dangereuses et recourir à des alternatives. Les achats effectués auprès d'un distributeur dont le siège est situé à l'étranger, aujourd'hui intégrés dans le dispositif, ne doivent pas être considérés comme une alternative. En application de la loi de finances rectificative pour 2010, l'agence de l'eau Artois-Picardie a été désignée afin de prendre en charge la gestion mutualisée de la redevance pour le compte de toutes les agences de l'eau, à compter du 1er janvier 2012 : tous les redevables dont le siège est situé en métropole lui adressent désormais leur déclaration. Elle tient donc une place particulière dans le dispositif Écophyto au plan national en assurant la gestion mutualisée et centralisée de la collecte de la RPD. En revanche, dans les outre-mer la RPD reste recouvrée par chacun des offices de l'eau. L'agence AP conserve 1,1 % des sommes qu'elle reverse aux autres agences ; elle y consacre l'équivalent de 7 emplois à plein temps. 1. Collecte, montants perçus, montants versés i. La déclaration doit être effectuée avant le 1er avril N+1 La déclaration consiste à transmettre le bilan ou le registre annuel des ventes de l'année précédente à l'agence de l'eau Artois-Picardie pour la métropole, ou à l'office de l'eau pour les distributeurs dont le siège est situé dans un département ou région d'outre-mer. Sont concernés les acquéreurs de produits phytopharmaceutiques, de semences traitées et les commanditaires d'une prestation de traitement de semences s'ils se fournissent auprès d'une personne n'étant pas déjà redevable. Les produits disposant d'une autorisation de mise sur le marché français mais achetés à l'étranger, et les produits d'enrobage de semences achetés directement à une firme, sans passer par un point de distribution, sont soumis à la redevance. Tout utilisateur de produits ou de semences achetés à l'étranger doit donc tenir un registre et déclarer ses achats annuels. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 180/208 PUBLIÉ Qui est assujetti ? (celui qui supporte le coût de la redevance) Qui redevable ? est Qui déclare a l'agence de l'eau ? Quelle l'échéance ? est (celui qui reverse la redevance) ?Qui a l'obligation de tenir le registre ? Le distributeur DISTRIBUTEUR DE PRODUITS PHYTOPHARMACEUTIQUES établi en France à des utilisateurs non professionnels AGRICULTEUR IMPORTATEUR DE PRODUITSPHYTOPHARMACEUTIQUES en France DISTRIBUTEUR DE SEMENCES TRAITEES établi en France à des utilisateurs non professionnels TRIEUR A FACON (applicateur en prestation de service) établi en France L'agriculteur Le distributeur Pour le 31 mars N+1 sur ses ventes N L'agriculteur Pour le 31 mars N+1sur ses achats N Le distributeur Pour le 31 mars N+1 sur ses ventes N Le trieur à façon Pour le 31 mars N+1 sur les produits appliqués en N L'agriculteur Pour le 31 mars N+1 sur ses achats N L'agriculteur L'agriculteur L'agriculteur Le distributeur de semences traitées L'agriculteur Le trieur à façon AGRICULTEUR IMPORTATEUR DE SEMENCES TRAITEES (ou commande d'un traitement de semences auprès d'un prestataire établi en France) L'agriculteur L'agriculteur ii. Évolution des taux au cours du temps Avant la rénovation de la redevance : REDEVANCE POUR POLLUTIONS DIFFUSES (/kg) 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 Substances classées en raison de leur danger pour l'environnement Substances classées en raison de leur danger pour l'environnement, relevant de la famille chimique minérale Substances classées en raison de leur toxicité aiguë ou spécifique, cancérogénicité, mutagénicité, reprotoxicité Substances classées en raison de leur danger pour l'environnement (2ème semestre) Substances classées en raison de leur danger pour l'environnement, relevant de la famille chimique minérale (2ème semestre) Substances classées en raison de leur toxicité aiguë ou spécifique, cancérogénicité, mutagénicité, reprotoxicité (2ème semestre) 0,900 1,200 1,700 2,000 2,000 2,000 2,000 2,000 2,000 2,000 2,000 0,380 0,500 0,700 0,900 0,900 0,900 0,900 0,900 0,900 0,900 0,900 2,250 3,000 4,400 5,100 5,100 5,100 5,100 5,100 5,100 5,100 5,100 1,500 0,600 3,700 À compter de la rénovation de la redevance (2019) : Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 181/208 PUBLIÉ REDEVANCE POUR POLLUTIONS DIFFUSES (/kg) 1° Substances classées, en application du règlement (CE) n° 1272/2008, en raison de leur cancérogénicité, ou de leur mutagénicité sur les cellules germinales, ou de leur toxicité pour la reproduction 2° Substances classées, en application du règlement (CE) n° 1272/2008, en raison de leur toxicité aiguë de catégorie 1,2 ou 3 ou en raison de leur toxicité spécifique pour certains organes cibles, de catégorie 1, à la suite d'une exposition unique ou après une exposition répétée, soit en réseau de leurs effets sur ou via l'allaitement 3° Substances classées, en application du règlement (CE) n° 1272/2008, en raison de leur danger de par leur toxicité aiguë pour le milieu aquatique de catégorie 1 ou de leur toxicité chronique pour le milieu aquatique de catégorie 1 ou 2 4° Substances classées, en application du règlement (CE) n° 1272/2008, en raison de leur de leur toxicité chronique pour le milieu aquatique de catégories 3 ou 4 5° Substances qui ne répondent pas aux critères des paragraphes 3.6 et 3.7 de l'annexe II du règlement (CE) n° 1107/2009 mais qui sont encore commercialisées A partir de 2019 9,000 5,100 2,000 0,900 5,000 6° Substances dont on envisage la substitution au sens de l'article 24 du règlement (CE) n° 1107/2009 2,500 Lorsqu'une substance relève d'une ou de plusieurs catégories mentionnées au 1° à 4° et au 5° à 6° du II, le taux retenu est la somme des taux calculés en application des deux précédents alinéas. Les taux des catégories 1 à 4 peuvent donc être sommés avec : soit le taux de la catégorie 5 soit le taux de la catégorie 6. iii. Évolution du montant perçu au cours du temps Les fluctuations de ventes/achats de produits phytopharmaceutiques sont liées aux facteurs suivants : les conditions météo et la "pression maladie" varient d'une année sur l'autre ; les arrivées sur le marché de nouveaux produits, de même que les interdictions, surviennent de manière inopinée et produisent parfois des variations sensibles, (comme les produits contenant du metam sodium interdits en 2018) ; les filières techniques peuvent changer en raison de produits plus efficaces, plus ou moins taxés ; le marketing peut influer : certains produits peuvent être plus fortement mis en avant par les conseillers ; les pratiques commerciales peuvent accentuer les effets de hausse comme celle de fin 2018, née de l'anticipation de l'augmentation de la redevance mais accrue par les ristournes proposées par les fabricants et les distributeurs ; Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 182/208 PUBLIÉ le niveau du cours des céréales incite à garantir des rendements élevés ; enfin, l'arrêté substances fait évoluer chaque année les substances en catégories et donc en taux ; il est publié entre septembre et fin décembre. Le produit de la redevance pour pollutions diffuses est retracé, depuis 2012, dans le tableau qui suit. Quantités de Quantités de Quantités de substances substances non substances totales soumises à soumises à (Tonnes) redevance (Tonnes) redevance (Tonnes) 44824 46290 52891 46027 47945 46367 56474 32 014 19932 21338 23227 21 543 24 551 24 476 29 016 25 177 64756 67628 76118 67570 72496 70843 85490 57 191 Montant de redevance par année de ventes (M) 103,08 108,08 123,36 138,32 146,93 135,76 169,89 146,50 Montant correspondant perçu (en année de ventes + 1) (M) 104,12 110,76 129,72 144,72 151,17 131,41 182,88 138,14 Année de ventes 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 Tableau 7 : Produit de la redevance pour pollution diffuse perçue par les agences de l'eau (source Agence de l'Eau Artois Picardie) Le produit de la redevance pour pollution diffuse (RPD) perçue par les agences de l'eau, détaillé dans le tableau ci-dessus, est de l'ordre de 136M par an ; 41 M sont individualisés par la loi à l'OFB pour financer le programme Écophyto au niveau national et 30 M constitue l'enveloppe régionale d'Écophyto. Le solde de la RPD (de l'ordre de 60M) vient alimenter le programme pluriannuel des agences de l'eau. iv. Comment sont versés les 41 M (article L213-10-8 du code de l'environnement) à l'OFB et les 30 M aux agences de l'eau (calendrier) ? Les 41 M constituant la part OFB faisait l'objet, jusqu'en 2020, d'un versement unique en juin-juillet de chaque année, la date limite étant fixée au 1er septembre. La part de la RPD est versée à chaque agence en fonction des ventes et achats sur chaque bassin. Les versements aux agences sont effectués par un acompte en août/septembre et un solde en décembre. 2. Quels sont les avantages et inconvénients de cette collecte centralisée et versements ? La gestion mutualisée et centralisée a permis le développement d'une expertise spécifique au domaine car le service en charge de la redevance traite tous les aspects de cette gestion en tant que mission centrale : les relations avec les redevables et avec les membres d'un groupe de travail national RPD ; l'administration du rôle des interlocuteurs ; Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 183/208 PUBLIÉ la liquidation de la redevance : consultation, instruction, traitement des réclamations, émission des titres de recette... ; la maîtrise d'ouvrage des logiciels : le site de déclaration « redevance phyto » et la BNV-D ; la participation aux réflexions sur les indicateurs phyto, en tant que producteur de données ; la participation à la politique nationale de réduction de l'utilisation des phytos et à la lutte contre l'usage illégal de ceux-ci. Les services du MTE sont ainsi en relation avec un opérateur qui met en oeuvre la fiscalité environnementale d'une manière harmonisée sur tout le territoire. D'autres administrations centrales ont également établi une coopération avec l'agence : La Direction nationale de recherches et d'enquêtes douanières : un protocole de coopération a été signé par les directeurs généraux afin d'établir une synergie entre les services, dans la lutte contre les fraudes à l'importation des produits phytosanitaires d'une part, dans la recherche des acheteurs de produits à l'étranger d'autre part ; La DGAL du MAA : la gestion de la démarche de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) s'appuie en partie sur des données provenant de la BNV-D ; l'agence fournit également des informations sur les événements juridiques affectant les redevables de la RPD qui sont aussi des obligés au CEPP ; la DGAL fournissant à l'agence la liste des agréés à la distribution. En corollaire les usagers ont un seul interlocuteur qui déploie des procédures uniques. Un inconvénient mineur est lié à l'éloignement géographique par rapport à certains usagers, qui empêche les réunions en présentiel, mais qui ne freine ni la communication ni les contrôles fiscaux, opérés par un prestataire sur consignes de l'agence. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 184/208 PUBLIÉ PUBLIÉ Tableaux financiers Année 2019 Seules des données de synthèses sont reprises, les données brutes des crédits mobilisés au niveau national ou régional (pour chaque région et par action et financeur) sont disponibles auprès de la mission Bisch ou de la DGAL. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO PUBLIÉ Page 186/208 Crédits mobilisés au niveau national : synthèse par financeurs (Année 2019) Financeur Montants engagés sur l'année 2019 (mise en oeuvre nationale) Financement fléché Écophyto (enveloppe nationale) Financement nonfléché Écophyto MAA OFB UE Agence Bio ANSES TOTAL 32 378 733 20 920 693 15 828 000 7 900 868 4 253 238 81 281 532 20 920 693 32 378 733 CASDAR (AAP R&I et pgm annuels APCA et ONVAR), Certiphyto et crédit impôt AB enveloppe de 41M programmes opérationnels fonds avenir Bio dispositif PPV 15 828 000 7 900 868 4 253 238 Montants engagés sur l'année 2019 (mise en oeuvre au niveau national) 35000 000 30000 000 25000 000 20000 000 15000 000 10000 000 5000 000 0 1 2 3 4 5 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO PUBLIÉ Page 187/208 Crédits mobilisés en régions : synthèses par financeurs (2019) Montants engagés sur l'année 2019 (mise en oeuvre au niveau régional) Financement fléché Écophyto (enveloppe régionale ou enveloppe nationale) Financement nonfléché Écophyto Financeur agence de l'eau (AE) UE MAA Conseil Régional CDC OFB (DEPHY, SBT, Animation et communication régionales) ADEME État D(R)AAF Conseil Départemental FAM Collectivités D(R)EAL (vides) Office de l'eau (ODE) ARS Partenaires régionaux CRA ASP MTES MOM MSA ODEADOM GNIS TOTAL 228 852 211 161 646 338 72 509 437 31 267 472 28 200 000 17 058 204 9 073 557 5 597 323 1 869 416 1 436 813 1 355 357 868 640 353 434 342 399 282 662 241 622 236 211 153 500 148 300 68 660 35 000 21 917 21 516 3 900 561 643 889 40 809 103 188 043 108 161 646 338 72 509 437 31 267 472 28 200 000 17 058 204 9 073 557 5 597 323 1 869 416 1 436 813 1 355 357 868 640 353 434 342 399 282 662 241 622 236 211 153 500 148 300 68 660 35 000 21 917 21 516 3 900 57 867 307 503 776 582 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO PUBLIÉ Page 188/208 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO PUBLIÉ Page 189/208 Crédits mobilisés en régions : synthèse par région (2019) AE 2019 par région AURA BFC Breiz Corse CVL G-Est Guad Guyan HdF IdF Martiniq Mayotte Norm NvAq Occi PACA PDL Reu 29 088 013 46 928 274 36 848 497 3 912 361 26 577 879 78 089 248 2 004 126 1 070 861 33 787 893 33 264 002 4 103 776 171 643 29 168 720 102 437 238 85 288 500 14 915 800 33 552 937 434 120 CP 3 523 396 2 104 477 37 063 825 117 694 563 484 2 594 168 229 106 493 880 279 840 2 996 774 227 589 103 038 436 169 7 878 538 9 802 092 721 395 5 417 977 89 530 SAU - STH 1 241 537 1 324 328 1 472 370 25 906 2 024 271 2 281 151 20 652 18 674 1 839 372 543 191 14 569 19 979 1 263 093 2 928 785 2 033 798 317 582 1 653 431 31 619 19 054 308 AE 2019 rapportées à la (SAU-STH) 23,4 35,4 25,0 151,0 13,1 34,2 97,0 57,3 18,4 61,2 281,7 8,6 23,1 35,0 41,9 47,0 20,3 13,7 561 643 889 74 642 971 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO PUBLIÉ Page 190/208 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO PUBLIÉ Page 191/208 tableaux financiers Année 2018 Seules des données de synthèses sont reprises, les données brutes des crédits mobilisés au niveau national ou régional (pour chaque région et par action et financeur) sont disponibles auprès de la mission Bisch ou de la DGAL. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO PUBLIÉ Page 192/208 Crédits mobilisés au niveau national : synthèse par financeurs (Année 2018) Montants engagés sur l'année 2018 (mise en oeuvre nationale) Financement fléché Écophyto (enveloppe nationale) Financeur Financement non-fléché Écophyto MAA OFB UE Agence Bio ANSES TOTAL 44 971 696 20 028 202 0 4 099 902 4 434 015 73 533 815 20 028 202 44 971 696 0 4 099 902 4 434 015 CASDAR (AAP R&I et pgm annuels APCA et ONVAR), Certiphyto et crédit impôt AB enveloppe de 41M programmes opérationnels fonds avenir Bio dispositif PPV Montants engagés sur l'année 2018 (mise en oeuvre au niveau national) 50 000 000 45 000 000 40 000 000 35 000 000 30 000 000 25 000 000 20 000 000 15 000 000 10 000 000 5 000 000 0 MAA OFB UE Agence Bio ANSES Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO PUBLIÉ Page 193/208 Crédits mobilisés en régions : synthèses par financeurs (2018) Montants engagés sur l'année 2018 (mise en oeuvre au niveau régional) Financement fléché Écophyto (enveloppe régionale ou enveloppe nationale) Financeur Financement non-fléché Écophyto agence de l'eau (AE) UE MAA Conseil Régional OFB (DEPHY, SBT, animation et communication régionales) BPI France ADEME État D(R)AAF Collectivités Conseil Départemental ARS D(R)EAL Office de l'eau (ODE) MSA CRA FranceAgriMer MOM MTES DIRECCTE FREDON (vides) TOTAL 249 445 938 119 367 508 38 855 179 29 340 060 21 478 580 4 008 985 2 016 000 1 276 872 1 949 063 1 038 463 909 699 241 448 201 626 165 726 38 708 17 000 16 800 15 000 14 000 8 568 5 000 219 454 470 629 677 28 350 121 221 095 817 119 367 508 38 855 179 29 340 060 21 478 580 4 008 985 2 016 000 1 276 872 1 949 063 1 038 463 909 699 241 448 201 626 165 726 38 708 17 000 16 800 15 000 14 000 8 568 5 000 219 454 49 828 701 420 800 976 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 194/208 PUBLIÉ Montants engagés sur l'année 2018 (mise en oeuvre au niveau régional) 300 000 000 250 000 000 200 000 000 150 000 000 100 000 000 50 000 000 0 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 195/208 PUBLIÉ Crédits mobilisés en régions : synthèse par région (2018) AE 2018 par région AURA BFC Breiz Corse CVL G-Est Guad Guyan HdF IdF Martiniq Mayotte Norm NvAq Occi PACA PDL Reu (vides) 25 143 302 39 269 037 26 002 439 1 581 326 28 089 476 61 058 754 865 781 588 786 44 659 925 23 676 772 744 907 147 843 34 318 823 64 788 924 78 448 271 12 382 085 28 335 279 527 946 0 CP 7 538 198 2 582 548 12 436 788 269 996 1 814 404 2 244 467 634 557 524 748 1 543 280 732 643 306 433 106 403 1 055 138 9 136 326 10 400 222 1 364 573 5 280 119 220 884 0 SAU - STH AE 2018 rapportées à la (SAU-STH) 20,3 29,7 17,7 61,0 13,9 26,8 41,9 31,5 24,3 43,6 51,1 7,4 27,2 22,1 38,6 39,0 17,1 16,7 1 241 537 1 324 328 1 472 370 25 906 2 024 271 2 281 151 20 652 18 674 1 839 372 543 191 14 569 19 979 1 263 093 2 928 785 2 033 798 317 582 1 653 431 31 619 470 629 677 58 191 726 19 054 308 Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 196/208 PUBLIÉ AE 2018 par région 90 000 000 80 000 000 70 000 000 60 000 000 50 000 000 40 000 000 30 000 000 20 000 000 10 000 000 0 AE 2018 rapportées à la (SAU-STH) 70,0 60,0 50,0 40,0 30,0 20,0 10,0 0,0 AE 2018 rapportées à la (SAU-STH) Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 197/208 PUBLIÉ 250 000 000 200 000 000 150 000 000 100 000 000 50 000 000 Montants engagés sur l'année 2018 par action (mise en oeuvre au niveau régional) 0 1.2 1.3 AB MAEC PSE 2 4 5 6 8 9 11 12 13.1 13.2 13.3 14 15 17 18.1 18.2 18.3 19 20 21 22 23.1 23.2 27.1 27.5 foncier 28 29 Note de présentation des tableaux financiers « Écophyto »(Note établie par Louis Hubert et Didier Pinçonnet le 23/10/2020, avec la collaboration active de Karine Belna, Aymeric Lorthois et Laure Clairac) Note revue LH le 17/12/2020 après correction de quelques erreurs mineures sur les tableaux financiers et avec la terminologie261 adoptée par la mission financière sur le plan Écophyto. Les travaux engagés par le préfet coordinateur du plan Écophyto 2+, il y a tout juste un an, avec l'aide de Louis Hubert et Didier Pinçonnet ont pour objectif de : Répondre à une demande des ministres de construire une cartographie et un tableau de suivi financier avec pour objectif de réaliser une cartographie des financements et des flux financiers, au niveau national et régional ; donner à la mission les outils permettant un suivi de l'exécution du programme Écophyto ; oordonner le travail demandé aux services de l'État en régions par l'instruction du 2 mai 2019; contribuer à la réponse au référé de la Cour des comptes de 2019 sur le plan Écophyto, et permettre d'avoir une vision plus complète des moyens engagés en faveur de la réduction des produits phytopharmaceutiques, quel que soit le dispositif mobilisé. Dans son référé du 27/11/2019 au Premier Ministre, la Cour des comptes émet une recommandation n°3 au MAA et MTES et leur demande d'« élaborer, tenir à jour et rendre public à compter de l'exercice 2020, à l'échelon national et à l'échelon régional, un tableau de l'ensemble des ressources financières mobilisées pour mettre en oeuvre le plan Écophyto pluriannuel ». Cette commande a été anticipée par la mission qui avait proposé à ces deux ministères de préparer une maquette permettant de saisir les différents gestionnaires de fonds publics et de construire ce tableau de suivi. 261 Distinguant le plan Écophyto (641M) du programme (41M) et de l'enveloppe régionale (30M) Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 198/208 PUBLIÉ Cette maquette a été mise au point, par la mission, en lien avec les administrations centrales, testée auprès d'une région (BFC) avant d'être diffusée par courrier du 26 février 2020, signé des deux directeurs de cabinets (MAA et MTES), aux préfets de région (DRAAF), agences de l'eau, et différents services des administrations centrales et établissements publics gestionnaires de dispositifs en lien avec Écophyto. Les délais ayant été adaptés, une réponse était attendue pour fin mai, soit il faut bien le noter, un an après le délai initial. Les 13 régions métropolitaines ont répondu : 3 régions d'outre-mer et Mayotte ont répondu (manque la Réunion) ; toutes les agences de l'eau ont répondu ; les administrations centrales ont également répondu, mais il a fallu les relancer. Le travail de compilation a été réalisé entre mai et juillet 2020, avec l'aide d'une stagiaire d'AgroParisTech, et en lien avec les membres du groupe de travail qui avaient aidé à la mise au point du format des tableaux. Il a été complété et ajusté par la suite avec quelques retours tardifs et mis en forme. On peut d'ores et déjà en tirer quelques enseignements : Le fait d'avoir élaboré une maquette unique (notamment avec une nomenclature des actions calée sur celle du plan Écophyto) pour mobiliser l'information en facilite la compilation à l'échelle nationale. Pour autant, la diversité des dispositifs et des procédures conduit à un foisonnement de la nomenclature et des modalités d'aides, qui nécessitent une grande rigueur pour éviter les oublis (contrepartie européennes ou régionales), pour apprécier la quotepart de crédits correspondant strictement à notre champ pour des actions servant plusieurs objectifs (par exemple la réduction des pollutions par les nitrates et celle des PPP), les doubles-comptes (entre niveau national et régional, ou bassin hydrographique et région); pour assurer la cohérence des données entre crédits programmés (AE) ou dépensés (CP), dont la définition peut fluctuer selon la nature des actions, les dispositifs d'aides et les règles comptables des gestionnaires. Cette complexité intrinsèque, liée à la diversité des actions, est exacerbée par la multiplicité des dispositifs et organismes chargés de leur mise en oeuvre. Les dispositifs, actions, financeurs se superposent, s'entrecroisent, si bien qu'il y a rarement un ensemble constitué d'un seul dispositif- action- financeur. Il est en effet important de rappeler que le travail porte sur la totalité des financements publics qui concourent à l'objectif de réduction de l'usage des PPP, et va bien au-delà du seul dispositif Écophyto. 1- Des moyens financiers bien supérieurs à l'enveloppe du programme Écophyto Le travail fait ressortir, comme l'avait montré le rapport de la Cour des comptes, l'importance des financements qui concourent à la politique de réduction des PPP, sans relever au sens strict du programme Écophyto II + (et vont bien au-delà des 71M) ; Au total, en 2019 (et 2018), la mission a recensé 643 M (respectivement 544M en 2018) dont 81M (73M) mobilisés au niveau central et 562 M (470M) au niveau régional. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 199/208 PUBLIÉ Le programme et l'enveloppe régionale Écophyto 2+ représentent donc environ 11 à 12% du total engagé ; au niveau régional cette part est encore plus faible : 10% des crédits mobilisés en région. 2- Le poids déterminant des Agences de l'eau dans le financement de cette politique, au niveau régional : Une vingtaine d'organismes se répartissent pour le financement de cette politique, mais les six premiers (agence de l'eau, fonds européens, ministère de l'agriculture, conseils régionaux, OFB) représentent 99% des crédits mobilisés au niveau régional. Les agences de l'eau mobilisent un financement total de 229M en 2019, dont 41M relèvent de l'enveloppe régionale d'Écophyto (250 M dont 29 M en 2018) le reste d'autres dispositifs gérés par les agences, dans le cadre de leurs programmes pluriannuels ; Les Agences représentent donc 40% (53% en 2018) du total des moyens engagés en région. La part de l'enveloppe régionale d'Écophyto représente 18% (12%) des montants engagés par les agences. Les fonds européens mobilisés par les régions s'élèvent à 161M (119 M en 2018). 3- Une connaissance lacunaire des crédits de paiement. Malgré une certaine insistance de la mission, il n'a pas été possible d'avoir connaissance exhaustive des crédits de paiements ; les résultats lacunaires, exception faite pour certains opérateurs ne permettent pas de tirer des enseignements sur la réalité des consommations de crédits et leur rythme. L'OFB est en mesure de faire ce suivi pour les opérations qu'il gère en rattachant les CP soit à la convention d'origine, soit à l'année de dépense effective. Cela explique en partie le moindre décalage entre les AE et les CP recensées eu niveau national. Cette question a été évoquée avec les DRAAF, chargés de la compilation des données au niveau régional (se reporter à l'annexe correspondante). 4- Une concentration forte des financements sur un nombre limité d'actions mais un foisonnement de dispositifs et de lignes de crédits. Si la nomenclature du plan et des actions semble très foisonnante, les cinq premières actions mobilisées en région représentent un total de 465 M, soit 86% des montants engagés en région (2019). Le premier poste est celui de l'agriculture biologique (320 M, soit 57%), dont les aides à la conversion ­hors Écophyto- représentent 297 M, et le renforcement du développement ­ action 23.1 de l'objectif 23 axe 5 du plan Écophyto- 23 M. Vient ensuite le soutien à l'agroéquipement ­ action 1.2 de l'objectif 1 de l'axe 1 du plan Écophyto, avec 74 M, soit 13% Puis les MAEC, hors Écophyto, avec 58,5 M soit 10% des montants mobilisés en région. L'action 21 de l'axe 5 du plan qui concerne le soutien aux collectifs (PIA) pèse 56 M, soit 10%, et enfin l'objectif 4 de l'axe 1 (G 30 000) représente 9 M, soit 1,6% Le dispositif du PIA concerne trois actions (1.2 agroéquipement, 1.3 biocontrôle, 2.1 territoires) et relève de quatre financeurs (CDC, BPI, Ademe, FAM), si bien qu'il est difficile de l'individualiser tant au titre des financeurs que des actions ; il figure malgré tout parmi les six premiers dispositifs les plus importants. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 200/208 PUBLIÉ Il ressort que les financements principaux concourant à la réduction des PPP (aides à l'AB, MAEC, PIA...) relèvent de décisions échappant à la gouvernance Écophyto (faites dans le cadre de la programmation du second pilier de la PAC notamment). Cela questionne sur la véritable capacité d'inflexion de l'intervention publique en matière de réduction des PPP. 5- Une répartition très variable selon les régions : De la Nouvelle-Aquitaine qui émarge à hauteur de 102 M, suivie par l'Occitanie (85 M) puis le Grand-Est (78 M) à PACA (15 M) pour ne citer que les régions métropolitaines, l'écart est important. Rapporté à la surface agricole utile hors prairies permanentes (SAU-STH), le classement met les DOM262 et la Corse en tête, puis l'Île-de-France en tête suivie de Paca, de l'Occitanie, de BFC, de la Nouvelle Aquitaine, du Grand Est. Nous avons tenté une analyse à partir du ratio /ha de SAU et au regard de la BNVD ; il est difficile d'en tirer des conclusions (annexe 2) Ce travail trouvera une suite dans la mission interministérielle d'évaluation des actions financières du programme Écophyto que les trois ministres (MAA, MTES et MESRI) ont confié aux inspections (CGAAER, CGEDD, IGF). La réunion des correspondants régionaux des DRAAF en septembre 2020 a été l'occasion de revenir sur les conditions de réalisation de cet exercice et de proposer des améliorations pour la prochaine édition, en 2021. Celles-ci figurent en annexe 1 Les points à approfondir : 1- Compléter avec les régions et services de centrale qui n'ont pas répondu 2- Compléter les lignes non renseignées par certaines régions et services centraux 3- Compléter les crédits de paiement 4- La colonne K destinée à connaître le bénéficiaire final de l'aide n'a pas été suffisamment renseignée pour estimer la part des financements allant « dans la cour de ferme » ; une estimation des aides allant directement aux agriculteurs peut néanmoins être faite en fonction de la nature des actions ; c'est le cas des aides àl'AB, à l'acquisition d'agroéquipements, aux G30 000 ... qui représentent les plus gros budgets. 5- Analyser l'efficience des crédits selon la nature et le montant des opérations financées (mais il faut établir au préalable une grille d'analyse avec des indicateurs de résultats, même de façon très globale : AB, HVE, viticulture,...) 6- Identifier les circuits existants et réaliser un diagramme des procédures dans la perspective d'une simplification (mission financière) Pour conclure, ce travail permet de répondre à la commande initiale des cabinets, même incomplètement. La mobilisation des services et plus particulièrement des DRAAF et Agences de l'eau a également permis de tester un outil de rapportage commun, de l'améliorer en cours d'exercice et 262 Ceux pour lesquels les données recueillies sont les plus complètes, à savoir : Martinique, Guadeloupe et Guyane Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 201/208 PUBLIÉ d'en tirer les enseignements pour le prochain exercice, dont on peut penser qu'il ne nécessitera plus l'appui de la mission. Enfin, il apporte des éléments utiles pour répondre aux observations de la Cour des comptes et plus particulièrement à la recommandation n°3 de son référé du 27 novembre 2019. Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 202/208 PUBLIÉ Addendum n°1 à la note de présentation des tableaux financiers Réunion du 17 septembre 2020 sur le reporting financier Écophyto Relevé de décisions Participants : chefs de projet Écophyto en DRAAF, correspondants Écophyto en DREAL, DGAL et DEB Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 203/208 PUBLIÉ Constat partagé Proposition de suites à donner Source du reporting Dans l'idéal, un tableau pré-rempli serait adressé aux DRAAF pour remplissage complémentaire. Si problème de calendrier, et nécessité d'un remplissage en parallèle, alors expliciter encore mieux « qui remplit quoi » afin qu'il n'y ait pas de double remplissage. [DGAL/mission examine les calendriers et flèchent les lignes] Les DRAAF rempliraient les lignes « résiduelles » concernant : les financements régionaux des DRAAF, DREAL, ARS, collectivités, autres structures et les financements PDR hors MAEC, AB et PCAE. Des consignes claires additionnelles seront fournies aux DRAAF sur comment renseigner les AE, CP (si maintenus), année d'attribution des aides ou année de paiement - Il est difficile de renseigner les montants des aides Le niveau central (DGPE/BFE ? ASP ?) allouées aux investissements matériels du 2ème pilier de renseigne les investissements en matière de la PAC (notamment Plan de compétitivité et réduction des PP, contribuant donc à d'adaptation) et ce pour plusieurs raisons : les Écophyto. [DGAL/mission Bisch contacte la investissements de réduction de PP ne sont pas DGPE et l'ASP le cas échéant] spécifiquement identifiés au moment de l'instruction Le niveau central (DGPE ou FAM) des dossiers dans les outils de saisie, ce sont les renseigne les aides de FAM concourant à la Conseils régionaux qui sont autorités de gestion... Le réduction des PP (30 M en 2020, 250 M statut et le périmètre de la donnée remontée par les en 2021/2022). [DGAL/mission Bisch DRAAF est hétérogène d'une région à l'autre. contacte la DGPE/FAM le cas échéant] Idem pour les aides d'État, envisager Par ailleurs, FAM/DGPE tiennent à jour un reporting de un remplissage par la DGPE [DGAL/mission grain régional pour leurs aides en matière de réduction contacte la DGPE et l'ASP le cas échéant] des PP (30M de crédits en 2020 et 250 M sur 2021/2022). Les solliciter pour qu'ils transmettent ces informations (pertinent à compter de 2020). Appréciable que le niveau central prenne à sa charge le remplissage de certaines lignes (le maximum) : même méthodologie pour toutes les région, travail facilité pour les DRAAF... A ce stade, est rempli par le niveau central (le cas échéant en se fondant sur les retours des agences de l'eau) : les MAEC, les aides à l'AB, les crédits Écophyto mis en oeuvre en région issus de l'enveloppe de 41 M, l'enveloppe régionale Écophyto gérée par les agences de l'eau, les autres crédits des agences de l'eau (par région et par financeur). Il est demandé que soient renseignés en plus : les aides aux investissements dans le cadre du développement rural, les aides aux investissements en matière de réduction des PP de FAM (30M de crédits en 2020 et 250 M sur 2021/2022) et les aides d'État notifiées à la DGPE (cf. point suivant). De même il y aurait un intérêt à ce que la DGPE renseigne les aides d'État en faveur de la réduction des PP dont elle est normalement systématiquement informée (D-minimis...) Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 204/208 PUBLIÉ Moindre importance de certaines lignes / colonnes Le détail au niveau « sous ­ actions » n'est pas pertinent pour plusieurs actions. Certaines colonnes sont très faiblement ou partiellement renseignées. En effet, les DRAAF, les agences de l'eau et les bureaux d'administration centrale n'ont pas accès à cette information ou ont de véritables difficultés à la fournir (au niveau de détail de reporting demandé). Le peu d'information in-fine disponible est inexploitable / difficilement exploitable. Ne pas solliciter cette information auprès des DRAAF, en particulier la colonne CP. Fusionner les sous-actions des actions: 13, 17, 18, 27 Solliciter les bureaux ou organismes gestionnaires des crédits pour le remplissage de la colonne N (crédits de paiement) l'ASP pour les aides de la PAC ou pour le CASDAR, les CR pour les aides du conseil régional... Raccourcir le contenu de la colonne G et ne pas conserver les colonnes : F (obj. Strat nat), I? (intitulé de l'action au plan régional), J (filière), K (bénéficiaire direct de la subv) et Pertinence du recensement de certains financements Les avis divergent quant à la pertinence de recenser, dans ce cadre, les financements à l'AB (CAB et MAB). Pour certaines DRAAF, ils relèvent du plan Ambition Bio et devraient être recensés dans le cadre de la politique de l'agriculture biologique d'autant qu'au vu de leur ampleur, ils masquent d'autres financements plus modestes spécifiquement mobilisés dans le cadre d'Écophyto. Par ailleurs, les aides au maintien dans certains territoires n'ont pas d'effet direct sur la réduction des PP. Pour d'autres DRAAF, il est pertinent de les prendre en compte dans l'exercice, dès lors que les analyses réalisées à partir des tableaux font des focus plus spécifiques sur les financements réduction des phyto et en particulier ceux sur lesquels la gouvernance Écophyto a la main. Intérêt manifesté de recenser les crédits orientés vers la formation aux pratiques économes (enseignement agricole et formation au certiphyto) Il est demandé à ce que les agences de l'eau rapportent également les crédits associés à l'animation agricole dans les zones de captage La DGAL partage le point de vue de la pertinence de recenser les financements CAB/MAB dans le cadre de cet exercice. Formuler la demande auprès de la DGER Le MTE convient avec les agences de l'eau des modalités de reporting de l'animation agricole dans les zones de captages pour pour le reporting Écophyto Intérêt pour certaines enveloppes (notamment 30 000) Ne pas ajouter de colonne à cette fin d'avoir le montant de l'enveloppe programmé pour mais plutôt conduire l'analyse ciblée pour la pouvoir ensuite le comparer au montant engagé politique 30 000 Harmonisation des méthodologies de reporting Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 205/208 PUBLIÉ Pour les financements CASDAR pour les GIEE travaillant chaque DRAAF identifie les GIEE « phyto » à la réduction des PP, la clé de répartition diffère d'une (GIEE dont l'objet central du projet est la région à l'autre (quels GIEE prendre en compte ? réduction des PP) et affecte la totalité du comptabiliser la totalité de la subvention CASDAR qu'il financement reçoit ou seulement une partie dès lors que son projet n'est pas exclusivement centré sur la réduction des PP) Besoin de clarifier la règle de décision pour les aides Affecter la totalité d'une aide pluripluri-annuelles : affectation de la totalité en année 1 annuelle à la première année d'engagement d'engagement ? Analyse et valorisation des données collectées Les ordres de grandeur de financement sont très variables. Les efforts de reporting des DRAAF pour des financements de modeste volume peuvent passer inaperçus face à d'autres grandes masses de financement (aides à l'AB, aux agroéquipements...). La pertinence de déployer beaucoup d'efforts pour recenser ces financements mineurs est questionnée. Interrogation sur la finalité mais surtout l'usage qui sera fait de ce reporting. Quels types d'analyse ? Quel grain d'analyse ? A ce stade, les DRAAF n'ont pas reçu de tableaux finalisés ni d'analyses associées. Des analyses rapportant certaines valeurs à la SAU seraient notamment appréciées. Il n'y a pas non plus eu de retour sur les colonnes à remplir pour apprécier la facilité ou la difficulté de remplissage Avis de la DGAL : les analyses issues des tableaux doivent permettre de rendre compte des différents postes de financement et de faire des focus sur des postes plus modestes. Mission Bisch fait un retour aux DRAAF Mission Bisch / DGAL fait un retour courant octobre aux DRAAF (tableaux compilés + analyses) DGAL fournit les tableaux sources issus des services d'administration centrale et des agences de l'eau (plus facilement exploitables par les régions) Faire retour sur les colonnes qualifiant la difficulté de remplissage du tableau et ne pas reconduire cette colonne à l'avenir Évaluation des actions financières du programme ÉCOPHYTO Page 206/208 PUBLIÉ PUBLIÉ Site internet du CGEDD : « Les derniers rapports » Site internet de l'IGF « Accueil » Site internet du CGAAER « Organisation et publications » PUBLIÉ INVALIDE)

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