Rapprocher légitimité et légalité : vers l'abolition des cinquante pas géométriques aux Antilles
TOUCHEFEU, Jacques ;LEFORT, François
Auteur moral
France. Conseil général de l'environnement et du développement durable
Auteur secondaire
Résumé
<div style="text-align: justify;">Après avoir rappelé l'historique des cinquante pas géométriques, (liés à l'émancipation des esclaves), tentant de concilier à la fois des principes d'inaliénabilité mais aussi de possibilité de cession de manière très ambivalente, la situation reste actuellement encore confuse au moment où les zones urbanisées des cinquante pas n'ayant pas encore fait l'objet d'aliénation devraient être transférées aux collectivités de niveau régional de la Collectivité territoriale de Martinique et de la Région de Guadeloupe. Les travaux indispensables à la définition de ce foncier n'ayant pas été opérés dans les délais fixés par la loi de 2015, celui-ci ne pourra pas être effectué d'ici fin 2021 comme prévu. La mission propose d'installer jusqu'au 1er janvier 2025 une nouvelle période préparatoire au transfert, en rénovant les dispositions pour les rendre efficaces, et de projeter et organiser, pendant cette période de transition, une sortie définitive du statut désormais anachronique des cinquante pas aux Antilles. Notamment, les situations de risques menaçant gravement les vies humaines qui relèvent des « Mesures de sauvegarde des populations menacées par certains risques naturels majeurs » (articles L.561 et suivants du code de l'environnement) et qui mobilisent à ce titre les financements du fonds Barnier, doivent être traitées de toute urgence. Elles ont à distinguer des situations qui relèvent des « Plan de prévention des risques naturels prévisibles » (articles L.562 et suivants du code de l'environnement) visant la protection des biens et de personnes et qui doivent pouvoir être régularisées. Cette distinction est opérationnellement importante, et politiquement essentielle, car le rapport numérique est de 1 à 10 entre ces constructions (la centaine pour le millier). Un programme de relogement/démolition devra, dans les meilleurs délais, être monté par l'État avec les agences comme opérateurs. Afin d'installer cette nouvelle période préparatoire, il est urgent de promulguer, dès le premier semestre 2020, une loi corrective ainsi que les décrets nécessaires. La loi devra également corriger différentes anomalies et introduire les évolutions nécessaires aux dispositions d'action rénovées dans les lois de 1996 et de 2015 comme dans le code général de la propriété des personnes publiques. Parallèlement, la mission propose que soit préparée une loi d'abolition définitive de la réserve des cinquante pas aux Antilles, c'est-à-dire l'intégration de cette « réserve » dans le droit commun de la gestion des territoires. Ainsi la notion des cinquante pas disparaîtrait de l'ensemble du corpus législatif et réglementaire. Deux questions devront en outre être tranchées : le niveau adéquat des collectivités bénéficiaires du transfert compte tenu de la répartition des compétences d'aménagement opérationnel, aujourd'hui positionnées au niveau du bloc communal ; la nécessité de conserver un opérateur d'aménagement d'Etat compte tenu des enjeux majeurs d'aménagement du littoral dans les décennies à venir. Enfin, un pilotage national pro-actif devra être mis en place. Pour cela, la mission propose que soit mandaté(e) dès le premier semestre 2020 un(e) haut(e) fonctionnaire en charge d'une direction de projet interministérielle dédiée au sujet. La rupture au fond - le retour de la réserve des cinquante pas dans le droit commun - ne pourra en effet voir le jour que grâce à une rupture de méthode - un pilotage interministériel intégré en mode projet - pour garantir la mise en oeuvre complète et coordonnée des mesures qui seront décidées.</div>
Editeur
CGEDD
Descripteur Urbamet
cadre juridique
;règles d'utilisation du sol
;littoral
;suppression
;aliénation
;transfert de propriété
;collectivité locale
;risques naturels
;code de l'environnement
;démolition
;relogement
;loi
;transfert de compétence
;zone à risque
;zone urbanisée
Descripteur écoplanete
inaliénabilité
;protection de l'environnement
Thème
Aménagement urbain
;Foncier - Propriété
;Environnement - Paysage
Texte intégral
MINISTÈRÈ DÈ LA TRANSITION ÈCOLOGIQUÈ ÈT SOLIDAIRÈ
MINISTÈRÈ DÈ LA COHÈSION DÈS TÈRRITOIRÈS ÈT DÈS RÈLATIONS AVÈC LÈS COLLÈCTIVITÈS TÈRRITORIALÈS
MINISTÈRÈ DÈS OUTRÈ-MÈR
MINISTÈRÈ ÈN CHARGÈ DÈ LA VILLÈ ÈT DU LOGÈMÈNT
Rapport n° 012883-01
P
U
B
établi par François LEFORT et Jacques TOUCHEFEU
LI
Janvier 2020
Rapprocher légitimité et légalité : vers l'abolition des cinquante pas géométriques aux Antilles
É
PUBLIÉ
Sommaire
Résumé ........................................................................................................................................................ 6 Liste des recommandations................................................................................................................. 9 Calendrier des mesures proposées................................................................................................. 11 Introduction ............................................................................................................................................ 13 1 Quand la légitimité prévaut sur la légalité : des valeurs sociales d'occupation des terres profondément différentes dans les départements antillais ..................................... 15 1.1 Des pratiques d'installation sans titre de propriété ancrées dans la mémoire collective depuis l'ancien régime, renforcées à la fin de l'esclavage et confirmées lors des crises sucrières ...................................................................................................................................................16 1.2 Un attachement au lieu d'installation extrêmement fort, même en situation de risque avéré .......................................................................................................................................................................18 1.3 Des règles sociales du rapport au sol qui ne rencontrent pas le contrat social fondant les règles hexagonales .....................................................................................................................................19 1.4 Une sensibilité toujours vive aux inégalités de traitement, vécues comme des injustices et des survivances de l'esclavage............................................................................................21 2 Les avancées mitigées d'une politique publique semée de lacunes et d'incohérences graves ......................................................................................................................... 24 2.1 Une instabilité chronique du dispositif ..........................................................................................24 2.1.1 Un calendrier sans cesse repoussé, compromettant la mise en place d'une stratégie d'action pluriannuelle ..............................................................................................................24 2.1.2 Des agences soumises à des missions changeantes et à des horizons temporels peu compatibles avec celles-ci..........................................................................................................................25 2.1.3 Une absence constante de pilotage par la tutelle .................................................................26 2.2 Des procédures non optimisées et émaillées d'incohérences et de lacunes, conduisant à des formes d'impuissance ..........................................................................................................................28 2.2.1 Une complexité certaine de la chaîne de régularisation due à son émiettement ....28 2.2.2 Des lenteurs dans la régularisation dues aux manques de moyens de l'Ètat et à la précarité des occupants..............................................................................................................................29 2.2.3 Un dispositif incomplet qui conduit à l'absence de sanction des occupations illicites................................................................................................................................................................29 2.2.4 Des dispositifs d'action publique non dépourvus de contradictions ...........................30 2.2.5 Depuis bientôt 10 ans, une approximation chronique dans l'appréhension et la gestion des risques, qui a paralysé l'action publique .....................................................................32
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2.3 Un cadre législatif, dérogatoire du droit commun métropolitain, et plus restrictif, faisant perdurer artificiellement une notion archaïque ....................................................................34 2.3.1 Une loi « littoral » spécifique, hors du droit commun métropolitain ...........................34 2.3.2 Les cinquante pas géométriques et le domaine public (maritime) : une longue (inco)errance ..................................................................................................................................................35 2.4 Une mise en oeuvre de la loi de 1996 ayant atteint malgré tout certains résultats ......36 2.4.1 La mission confiée aux agences au service de la régularisation, accomplie avec succès .................................................................................................................................................................36 2.4.2 La mission d'équipement et d'amélioration, partagée entre les collectivités du bloc communal et les agences, très partiellement avancée ...................................................................38 2.4.3 Une unanime reconnaissance du travail des agences et de l'implication de leurs salariés, malgré la grande précarité des conditions de leur intervention..............................39 2.4.4 Les grandes faiblesses locales de l'aménagement opérationnel ....................................40 3 Une indispensable période de transition dans la perspective d'une abolition des cinquante pas aux Antilles ................................................................................................................. 41 3.1 Administrer la préparation du transfert........................................................................................41 3.1.1 Délimiter la partie à vocation urbaine des cinquante pas par déduction des espaces naturels à protéger, en organisant les moyens de leur protection ..........................41 3.1.2 Définir la consistance du DPM résiduel des zones urbaines en vérifiant, à la parcelle, l'absence de titre de propriété recevable..........................................................................43 3.1.3 Traiter les habitations soumises à un risque imminent pour les personnes ............44 3.2 Rénover et libérer l'action opérationnelle de terrain pendant la période de transition . ........................................................................................................................................................................45 3.2.1 Accélérer et faciliter la régularisation ......................................................................................45 3.2.2 Traiter le relogement des occupants des constructions non régularisables situées sur les tracés des voiries et réseaux nécessaires à l'équipement des quartiers informels .. ..................................................................................................................................................................49 3.2.3 Donner aux agences une véritable capacité opérationnelle d'aménagement ..........50 3.3 Modifier de toute urgence le cadre législatif de la phase de préparation du transfert : repousser la date du 1er janvier 2021 à 2025 et opérer les ajustements indispensables ....51 3.3.1 Dépasser le blocage politique actuel au sujet des zones de menace grave et imminente pour les vies humaines ........................................................................................................52 3.3.2 Prendre acte de délais devenus techniquement impossibles à tenir ...........................52 3.3.3 Ajuster « techniquement » la loi ADOM : reporter le délai du transfert et corriger ses anomalies ..................................................................................................................................................53 3.3.4 Ajuster les dispositions de la loi de 1996 et du CG3P relatives à la régularisation et au cadre d'intervention des agences .....................................................................................................54 3.4 Prévoir par voie législative l'abolition de la réserve des cinquante pas aux Antilles
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pour rapprocher la légalité et les valeurs et normes sociales dans ces territoires, dans un contexte de besoins importants et de faiblesse des capacités locales d'aménagement........55 3.4.1 Dans les espaces urbains, prévoir le déclassement global du domaine public et préciser le niveau le plus adéquat de collectivités territoriales bénéficiaires du transfert . ..................................................................................................................................................................56 3.4.2 S'organiser pour prendre en compte les très forts enjeux d'aménagement pour les décennies qui viennent, dans un contexte de fragilité des capacités opérationnelles locales ................................................................................................................................................................57 3.4.3 Mettre fin à l'ensemble des dispositions d'exception à la loi « littoral » au titre de la réserve des cinquante pas ....................................................................................................................58 3.5 Instaurer un pilotage interministériel dédié ...............................................................................59 Conclusion................................................................................................................................................ 61 Annexes ..................................................................................................................................................... 63 1 2 3 4 Lettre de mission ........................................................................................................................... 64 Liste des personnes rencontrées ............................................................................................. 66 Florilège photographique des cinquante pas géométriques ......................................... 68 Glossaire des sigles et acronymes ........................................................................................... 84
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Résumé
La reserve des « cinquante pas du Roi » instauree des le debut de la colonisation des Antilles au XVIIeme siecle a, depuis son origine, oscille entre la preoccupation de maintenir une fonction premiere « au service du Roi ou du public » et, en meme temps, la possibilite d'octroyer des « permissions » d'occupation, necessaires aux besoins de vie et a l'economie de ces îles. Ces occupations sans titre ont d'ailleurs tres tot abouti a des appropriations « abusives » au regard des regles de precarite fixees par les autorites en place. Historiquement, la prise de possession, en dehors de tout cadre legal, de ces espaces qui n'appartenaient « a personne en particulier », a constitue un temps fort de l'emancipation des esclaves affranchis, puis liberes massivement en 1848 apres l'abolition de l'esclavage. Dans des departements ou la pauvrete est aujourd'hui encore bien plus presente que dans l'hexagone, la memoire collective de cette histoire chargee conduit les societes antillaises a faire toujours primer la notion de legitimite sur celle de legalite. Du point de vue du droit, cela s'est traduit par une sedimentation de textes depuis bientot deux siecles qui ont tente de concilier a la fois des principes d'inalienabilite mais aussi de possibilite de cession, de maniere tres ambivalente et finalement peu satisfaisante compte tenu du contrat social local. Le dernier avatar de ces oscillations a ete, apres trente ans passes sous statut de domaine prive de l'Ètat, la reincorporation de la reserve des cinquante pas geometriques dans le domaine public, maritime en l'occurrence, en 1986 par la loi « littoral ». Ces dispositions d'exception, tout a fait derogatoires par rapport a la regle metropolitaine, maintenaient neanmoins en meme temps la possibilite de cession aux occupants sous conditions, faisant ainsi perdurer les ambiguîtes, venant meme les renforcer. Dans les annees 90, plus de 10 000 constructions etaient installees sur les cinquante pas. Sans reprendre les principes mis en place par la loi « littoral », la loi de 1996 est venue faire evoluer les conditions de cession et installer, specifiquement aux Antilles, des agences etablissements publics de l'Ètat - chargees d'apporter leur contribution a la gestion de la situation. Bien qu'elles aient connu une inversion dans leur ordre de priorite en 2010, les missions des agences se situent au croisement des questions de regularisation des occupations illicites et de l'equipement en voirie et reseaux de ces quartiers informels construits sans structure viaire. 25 ans plus tard, apres pas moins de 6 lois modificatives de ces dispositifs, la situation reste encore confuse au moment ou les zones urbanisees des cinquante pas n'ayant pas encore fait l'objet d'alienation devraient etre transferees aux collectivites de niveau regional de ces deux îles (Collectivite territoriale de Martinique et Region de Guadeloupe). Les travaux indispensables a la definition de ce foncier n'ayant pas ete operes dans les delais fixes par la loi de 2015 qui a organise la methode et les etapes de ce transfert, celui-ci ne pourra pas etre effectue d'ici fin 2021 comme prevu. Une loi modificative doit donc imperativement etre prise pour adapter les voies et echeances operationnelles du transfert. La mission a ete chargee d'en proposer les orientations. Outre l'instabilite structurelle liee a l'histoire, qui vient d'etre rappelee, les composantes du cadre juridique mises en place etaient loin d'etre denuees de contradictions, de lacunes, d'absence de mecanismes de regulation, d'incapacites a agir, auxquelles s'ajoute une absence constante de pilotage, confinant cette politique dans une forme d'impuissance quand il aurait fallu l'outiller au service d'une action organisee et determinee, mais qui soit compatible avec les valeurs sociales de la societe antillaise. Neanmoins, grace a la presence d'un operateur dedie et a la mobilisation de ses personnels, et malgre ce contexte d'instabilite permanente, les regularisations ont bien avance, puisque les agences ont traite plus de 90 % des demandes. Toutefois, 60 % des constructions seulement sont baties sur une assise
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titree en bonne et due forme en Martinique, 45 % en Guadeloupe, meme si s'ajoutent 20 % supplementaires sont en cours de regularisation effective dans chacune des deux îles. L'ecart entre le resultat obtenu par les agences et l'avancement de la regularisation tient a l'absence d'obligation de regularisation, a la complexite de procedure une fois le principe de la cession acte et a la difficulte des occupants a payer le montant de la cession. Il faut rappeler que le taux de pauvrete est compris entre 30 et 40 % aux Antilles (14 % en metropole) et que les cinquante pas la concentrent encore nettement davantage en regle generale (60 % des menages relevent du premier quartile de revenus dans les quartiers etudies par l'agence de Guadeloupe). Quant a l'avancement des programmes d'equipement pour installer les voiries et reseaux et traiter les questions d'insalubrite, les resultats sont beaucoup plus modestes : 15 % en ordre de grandeur dans les deux departements. Cela tient a deux facteurs principaux : les hesitations de la politique des cinquante pas a conferer aux agences une veritable mission d'amenageur et les difficultes financieres des collectivites du bloc communal qui viennent renforcer une faible appetence pour les projets d'amenagement d'ensemble. Cependant, le role des agences en la matiere est unanimement reconnu par les elus, du bloc communal comme du niveau regional, qui saluent leur competences et expertises et temoignent de l'utilite et de la necessite de preserver celles-ci dans un cadre de gouvernance partagee entre les differentes collectivites publiques. Afin de rompre la serie des instabilites et des incapacites, la mission propose d'installer jusqu'au 1er janvier 2025 une nouvelle periode preparatoire au transfert, en renovant les dispositions pour les rendre efficaces, et de projeter et organiser, pendant cette periode de transition, une sortie definitive du statut desormais anachronique des cinquante pas aux Antilles. La phase de transition aura vocation a preparer le transfert de maniere rigoureuse. Les espaces naturels a preserver, hors objet du transfert, devront etre definitivement arretes et affectes en totalite aux gestionnaires dedies que sont le Conservatoire du littoral et l'Office national des forets. Dans les zones non naturelles, susceptibles en consequence de recevoir des constructions en espaces urbains ou secteurs d'urbanisation diffuse, la delimitation des terrains restes domaniaux devra etre effectuee a la parcelle pour verifier l'absence de titre en bonne et due forme. Les services deconcentres en charge du domaine devront en consequence pouvoir recevoir les renforts indispensables a ces travaux. Parallelement, les situations de risques menaçant gravement les vies humaines doivent etre traitees de toute urgence. Il s'agit des situations de menace grave pour la vie des personnes qui relevent des « Mesures de sauvegarde des populations menacees par certains risques naturels majeurs » (articles L561 et suivants du code de l'environnement) et mobilisent a ce titre les financements du fonds Barnier. Il s'agit correlativement de les distinguer des situations qui relevent des « Plan de prevention des risques naturels previsibles » (articles L562 et suivants du code de l'environnement) visant la protection des biens et de personnes. Les constructions situees dans les zonages de ces plans ont vocation a etre traitees de la meme maniere, qu'elles soient titrees ou non. Èn consequence celles qui sont situees dans les zones rouges des PPR, voire dans les zones d'aleas forts et tres forts, mais ne representent pas une menace grave pour des vies humaines, doivent pouvoir etre regularisees. Cette distinction est operationnellement importante, et politiquement essentielle, car le rapport numerique est de 1 a 10 entre ces constructions (la centaine pour le millier). Èn consequence, afin d'assurer la securite physique des personnes dont la vie est gravement menacee par des risques naturels, un programme de relogement/demolition devra, dans les meilleurs delais, etre monte par l'Ètat dans chacun des deux departements. Les agences ont vocation a en etre les operateurs. Pour cela, elles devront disposer de capacites operationnelles d'amenagement renforcees : une duree de 10 ans pour leur fonction d'amenageur (jusqu'au 1er janvier 2031), la capacite d'initiative telle qu'elle est accordee aux etablissements publics d'amenagement d'Ètat (article L321-14 du code de l'urbanisme), une competence etendue aux territoires des communes littorales (la bande etroite de 81,20 m n'etant pas pertinente pour cette echelle d'intervention dans le continuum urbain du littoral). Les agences devront egalement pouvoir beneficier de la cession gratuite des terrains de l'Ètat dans les
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cinquante pas, a l'instar des communes, et s'appuyer sur le fonds « Barnier » pour financer ces relogements, notamment en menant prioritairement des operations d'accession tres sociale. Afin de securiser du mieux possible les occupants sans titre avant le transfert, diverses dispositions seraient de nature a inciter et accelerer la regularisation, notamment une gratuite sous conditions de ressources, et l'institution des agences comme « guichet unique » de la regularisation et comme « gestionnaire » du domaine. Afin d'installer cette nouvelle periode preparatoire au transfert dans des dispositions renovees, il est urgent de promulguer, des le premier semestre 2020, une loi corrective ainsi que les decrets necessaires (aide exceptionnelle pour installer la gratuite, statuts des agences). Cette loi doit permettre de revoir les dates du transfert et des etapes intermediaires y conduisant (decret en Conseil d'Ètat de delimitation des espaces naturels). Èlle devra egalement corriger differentes anomalies et introduire les evolutions necessaires aux dispositions d'action renovees dans les lois de 1996 et de 2015 comme dans le code general de la propriete des personnes publiques (en particulier, clarifier la notion de zones de risques menaçant gravement la vie humaine, renforcer les capacites operationnelles des agences). Parallelement, la mission propose que soit preparee une loi d'abolition definitive de la reserve des cinquante pas aux Antilles, c'est-a-dire l'integration de cette « reserve » dans le droit commun de la gestion des territoires. Ainsi la notion des cinquante pas disparaîtrait de l'ensemble du corpus legislatif et reglementaire. Èn particulier : le transfert des terrains devrait etre effectue, apres declassement du domaine public, dans le domaine prive des collectivites beneficiaires ; la loi « littoral » devrait reprendre aux Antilles les dispositions du droit commun metropolitain. Deux questions devront en outre etre tranchees a l'occasion de la loi d'abolition : · le niveau adequat des collectivites beneficiaires du transfert compte tenu de la repartition des competences d'amenagement operationnel (resorption de l'habitat insalubre, relogement/demolition, amenagement urbain, gestion des milieux aquatiques et prevention des inondations), aujourd'hui positionnees au niveau du bloc communal ; la necessite de conserver un operateur d'amenagement d'Ètat compte tenu des enjeux majeurs d'amenagement du littoral dans les decennies a venir compte tenu des situations massives d'insalubrite et des risques naturels demultiplies du fait du changement climatique.
·
La mission considere que cette loi d'abolition devrait etre promulguee au plus tard le 1er janvier 2023, soit deux ans avant la date butoir du transfert, permettant ainsi a celui-ci d'etre conçu et organise dans cette pleine perspective d'un retour complet au droit commun. Ènfin, constatant la faiblesse du pilotage national de la politique des cinquante pas installee depuis bientot 25 ans, et le nombre de rapports d'inspection ou de controle ayant deja propose les mesures correctives qui s'imposaient, sans que des suites leur soient donnees, un pilotage pro-actif et vigoureux devra etre mis en place. Pour cela, la mission propose que soit mandate(e) des le premier semestre 2020 un(e) haut(e) fonctionnaire en charge d'une direction de projet interministerielle dediee au sujet. La rupture au fond - le retour de la reserve des cinquante pas dans le droit commun - ne pourra en effet voir le jour que grace a une rupture de methode - un pilotage interministeriel integre en mode projet pour garantir la mise en oeuvre complete et coordonnee des mesures qui seront decidees.
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Liste des recommandations
Compte tenu des valeurs et normes sociales spécifiques de la société antillaise héritées de son histoire coloniale et de son passé esclavagiste, il faut reconsidérer le cadre d'action publique sur les cinquante pas. Pour cela, il sera fondamental de veiller à ce que la légitimité sociale et la légalité républicaine puissent se rapprocher au plus vite. ...................................................................................................................................................................... 23 Recommandation 1. Délimiter les parties urbaines à partir d'une stratégie de protection des écosystèmes antillais, en affectant en totalité les zones naturelles des cinquante pas au Conservatoire du littoral et des rivages lacustres et à l'Office national des forêts. Organiser pour cela au sein de l'Etat et de ses opérateurs (ONF, Conservatoire, Agences des cinquante pas) un travail coopératif en mode projet. Veiller à ce que le Conservatoire et l'ONF continuent de disposer des moyens leur permettant d'assurer leurs fonctions d'animation, conservation et protection de ces zones naturelles. ................................................................................................................................................ 43 Recommandation 2. Définir la consistance parcellaire des terrains des zones urbaines et d'urbanisation future à transférer. Mandater, en lien avec la direction de l'immobilier de l'Etat, les DRFiP pour procéder dans les délais à la vérification des terrains domaniaux éligibles au transfert. .................................................................................. 44 Recommandation 3. Identifier sans délai les secteurs de menaces graves pour des vies humaines et mettre en place un programme d'opérations de démolition des habitations correspondantes et de relogement de leurs habitants dans des conditions équivalentes, financé dans le cadre du fonds Barnier. Concevoir ces opérations dans le quartier ou à proximité immédiate et en accession très sociale avec un coût du foncier analogue à celui de la régularisation. Rendre les agences des cinquante pas, qui en seront les opérateurs, directement bénéficiaires des financements du fonds Barnier. Ré-instruire les demandes de régularisation des occupations situées en zones rouges des PPR et non concernées par ce programme. ......................................................................... 45 Recommandation 4. Accélérer et faciliter la régularisation en prévoyant la cession gratuite aux occupants dont le revenu les situe dans les trois premiers quartiles de revenus des ménages, dès lors qu'il s'agit de leur résidence principale. Organiser une récupération de plus-value dégressive avec le temps en cas de vente gratuite par l'Etat. Rendre éligible à la régularisation les constructions de plus de dix ans à la date de la demande. Recouvrer d'office une redevance d'occupation en cas d'absence de demande de régularisation. Instaurer les agences comme guichet unique y compris dans la phase postérieure à l'avis favorable de l'Etat par délégation des responsabilités des DRFiP en matière de gestion du domaine, leur conférer le pouvoir de police et prolonger leur mission de régularisation jusqu'au transfert. ............................................................................. 49 Recommandation 5. Monter et réaliser, à l'initiative des agences, les opérations de relogement des occupants des habitations non régularisables car situées sur l'emprise des voiries et réseaux nécessaires à la desserte des quartiers informels. Concevoir ces opérations dans les mêmes conditions que le relogement des habitations soumises à
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menace grave pour les vies humaines. Ré-instruire les demandes de régularisations ayant fait l'objet d'un sursis à statuer au motif de l'incompatibilité avec un futur programme d'équipement. ................................................................................................................ 50 Recommandation 6. Donner aux agences la capacité opérationnelle d'aménagement : prolonger de dix ans leur durée de vie pour leurs seules missions d'aménagement, étendre leur compétence d'aménagement au territoire communal des communes littorales, leur donner une capacité d'initiative équivalente à celle des établissements publics d'aménagement dans le cadre d'une gouvernance partagée entre l'État et les collectivités.............................................................................................................................................. 51 Recommandation 7. Prévoir par voie législative, au premier semestre 2020, une période de préparation du transfert. Prendre en compte les délais indispensables aux travaux de transfert et fixer la date limite de celui-ci au 1er janvier 2025 en modifiant en conséquence la loi ADOM, la loi de 1996 et le CG3P. Arrêter l'ensemble des dispositions législatives et réglementaires permettant de mettre en oeuvre les recommandations n° 1 à 6.................................................................................................................. 55 Recommandation 8. Abolir par la loi avant le 1er janvier 2023 la zone des cinquante pas aux Antilles en supprimant toute référence à cette réserve de 81,20 m dans le corpus de droit français. Notamment, déclasser en bloc dans le domaine privé de l'Etat les terrains restés domaniaux au sein des zones U & UD et les transférer dans le domaine privé des collectivités. Déterminer le niveau de collectivité le plus pertinent pour bénéficier du transfert, en fonction de ses compétences institutionnelles en matière d'aménagement opérationnel. Examiner les besoins d'outils d'aménagement de l'Etat pour faire face aux enjeux massifs de résorption de l'insalubrité et d'adaptation structurelle du littoral antillais aux dérèglements climatiques. ......................................... 59 Recommandation 9. Mandater dès le premier semestre 2020 un(e) haut(e) fonctionnaire en charge d'une direction de projet interministérielle (MOM, MCTRCT, MLV, MTES, MACP) pour piloter la période transitoire de mise en oeuvre du transfert comme la préparation de la loi d'abolition. ................................................................................. 60
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Calendrier des mesures proposées
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Introduction
Par lettre du 16 mai 2019, le directeur general de l'amenagement, du logement et de la nature et le directeur general des Outre-mer ont confie au Conseil general de l'environnement et du developpement durable (CGÈDD) une mission de reflexion et de propositions sur le devenir de la zone des cinquante pas geometriques en Guadeloupe et en Martinique, dans le contexte des difficultes de mise en oeuvre de la loi « ADOM » n°2015-1268 du 14 octobre 2015 d'actualisation du droit des outremer. Par lettre du 25 octobre 2019 (cf. annexe 1), la ministre de la transition ecologique et solidaire, la Ministre de la cohesion des territoires et des relations avec les collectivites territoriales, la ministre des outre-mer et le ministre delegue charge de la ville et du logement ont demande au CGÈDD de diligenter une mission pour eclairer les decisions du Gouvernement en matiere d'organisation et de moyens a mobiliser, afin d'assurer a terme une destination definitive des terrains geres actuellement par les agences des cinquante pas geometriques en dehors du domaine public ou prive de l'Ètat. La mission s'est rendue en Martinique du 13 au 19 octobre 2019, puis en Guadeloupe du 20 au 26 octobre. Èlle a pu a cette occasion rencontrer les principaux acteurs concernes, se rendre compte de la realite de l'occupation licite ou illicite de la reserve des cinquante pas geometrique et mesurer l'ampleur des difficultes qui s'opposent a la normalisation du statut de cette zone et de la situation juridique au regard de la propriete fonciere des femmes et des hommes qui y vivent.
Les cinquante pas géométriques, quelle réalité historique et physique ? Quels dispositifs de gestion ?
Les cinquante pas « du Roi » ont ete institues au XVIIeme siecle des le debut de la colonisation des îles d'outre-mer (cf. chapitre 1 infra), pour reserver la possibilite de se defendre contre les invasions ennemies, notamment en edifiant des fortifications. Dans leur version actuelle, les cinquante pas sont definis par le code general de la propriete des personnes publiques (CG3P) comme une bande de 81,20 m comptee a partir de la limite du rivage de la mer et faisant partie du domaine public maritime de l'Ètat1.
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L5111-1 & 2
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Il est important de noter que la limite superieure est figee, ayant ete determinee une fois pour toutes a partir de la limite du rivage telle qu'elle existait a la date de la delimitation. La limite inferieure, proche du rivage, peut quant a elle evoluer, soit vers la mer, en s'eloignant de la limite superieure lorsque des terrains autrefois immerges se retrouvent « exondes » naturellement ou par remblaiement artificiel la bande est alors plus large -, soit vers la terre, en se rapprochant de la limite superieure lorsque le trait de cote recule sous l'action de l'erosion la bande est alors moins large -, voire en depassant cette limite la bande alors n'existe plus. Èn outre, en Martinique et Guadeloupe, des dispositions legislatives et reglementaires specifiques, instaurees par la loi « fondatrice » de 19962, organisent la gestion des cinquante pas. Èlles fixent un corpus de regles organisant la possibilite de cession de terrains sous diverses conditions au sein de la zone, aux communes ou organismes a caractere public, et aux particuliers pour des motifs professionnels ou d'habitation. Èlles ont egalement mis en place, specifiquement dans chacun de ces deux departements, un etablissement public d'Ètat denomme « Agence pour la mise en valeur des espaces urbains de la zone dite des cinquante pas géométriques ».
Contenu du rapport
Le rapport s'attache dans une premiere partie a decrire comment la perception sociale de cette bande de territoire, qui n'appartient a personne en particulier et dont l'occupation, meme illegale, est encore aujourd'hui consideree comme profondement legitime, a pu etre façonnee par l'histoire des Antilles, fortement marquee par trois siecles de colonialisme dont deux d'esclavagisme, et en particulier l'histoire de la reserve des cinquante pas et de son occupation dans chacune de ces deux îles. Dans une deuxieme partie, la mission s'attache a faire le bilan de la politique menee depuis quelques decennies pour tenter de normaliser la situation des constructions edifiees dans la reserve des cinquante pas et le statut lui-meme de cette zone. La troisieme partie du rapport est consacree a l'enonce des propositions de la mission pour enfin parvenir a une normalisation de la reserve des cinquante pas, sanctionnee par un retour definitif dans le droit commun.
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Loi n° 96-1241 du 30 décembre 1996 relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur de la zone dite des cinquante pas géométriques dans les départements d'outre-mer.
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1 Quand la légitimité prévaut sur la légalité : des valeurs sociales d'occupation des terres profondément différentes dans les départements antillais
Par l'edit de St-Germain, Louis XIV dissolvait la Compagnie des Indes occidentales en decembre 1674, entraînant le passage de la Guadeloupe et la Martinique sous l'autorite directe du roi de France. La bande des cinquante pas, dont l'existence remonte aux debuts de la colonisation, etait alors integree dans le « domaine du Roy ». Quelques mois auparavant, dans un rapport a son ministre Colbert, Jean-Charles de Baas, gouverneur general « des Isles et Terre Ferme de l'Amerique », lui exposait les principales raisons d'etre des cinquante pas (cf. encadre). Parmi celles-ci, « La cinquieme et la plus essentielle » etait selon lui « de donner moyen aux artisans de se loger, car ils n'ont aucun fonds pour acheter des habitations ». Depuis cette epoque, les installations sans titre n'ont jamais cesse.
Rapport de Jean-Charles de Baas, Gouverneur général des Isles et Terre Ferme de l'Amérique à Jean-Baptiste Colbert, Contrôleur général des finances et secrétaire d'État de la Marine 08 février 1674
Je ne sais pas, Monseigneur, si quelqu'un vous a jamais expliqué pourquoi les cinquante pas du Roi ont été réservés dans les isles françaises de l'Amérique, c'est-à-dire pourquoi les concessions des premiers étages n'ont été accordées aux habitants qu'à condition qu'elles commenceront à 50 pas du bord de la mer et que cette ceinture intérieure qui fait le contour de l'isle peut être donnée en propre à aucun habitant pour plusieurs raisons judicieuses et avantageuses au bien des Colonies. La première a été pour rendre plus difficile l'abord des isles ailleurs que dans les rades où les bords sont bâtis, car 50 pas de terre en bois debout très épais et difficiles à percer est un grand empêchement contre les descentes de l'ennemi. Secondement, les 50 pas sont réservés pour y faire des fortifications, s'il est nécessaire, afin de s'opposer aux descentes des ennemis et on a réservé cette terre pour ne rien prendre sur celle des habitants qui autrement auraient pu demander des dédommagements. En troisième lieu cette réserve est faite afin que chacun ait un passage libre au long de la mer, car sans cela, les habitants l'auraient empêché par des clôtures et par des oppositions qui, tous les jours, auraient causé des procès et des querelles parmi eux. En quatrième lieu, pour donner moyen aux capitaines de navires qui viennent aux isles d'aller couper du bois dans les 50 pas du Roi, pour leur nécessité car sans cela les habitants ne leur permettraient d'en prendre qu'en payant. La cinquième et la plus essentielle raison est celle de donner moyen aux artisans de se loger, car ils n'ont aucun fonds pour acheter des habitations, et qu'ils n'ont pour tout bien que leurs outils pour gagner leur vie. On leur donne aux uns plus, aux autres moins, des terres pour y bâtir des maisons mais c'est toujours à condition que, si le Roi a besoin du fonds sur lequel ils doivent bâtir, ils transporteront ailleurs leurs bâtiments. Or, sur ces 50 pas sont logés les pêcheurs, les maçons, les charpentiers etc., personnes nécessaires au maintien des colonies.
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1.1 Des pratiques d'installation sans titre de propriété ancrées dans la mémoire collective depuis l'ancien régime, renforcées à la fin de l'esclavage et confirmées lors des crises sucrières
Au XVIIe siècle, déjà ...
Comme en atteste le rapport du Gouverneur general de Baas, les installations en statut precaire sur la bande des cinquante pas etaient, des la colonisation des Antilles dans la premiere moitie du XVIIe siecle3, une pratique courante pour accueillir les travailleurs et artisans contribuant a l'economie de ces îles. Pres d'un siecle plus tard, le secretaire d'Ètat de la Marine de Louis XV, François Marie Peyrenc de Moras, rappelait dans une depeche ministerielle du 3 decembre 1757 « les principes relatifs à la réserve de ce qu'on appelle les cinquante pas du Roi », a savoir que « L'objet de cette réserve était d'avoir de quoi établir, dans le contour des îles, les bourgs, paroisses, forts, retranchemens batteries et autres ouvrages publics nécessaires, tant pour leur décoration que pour leur défense ». Il rappelait egalement le principe de permissions donnees gratuitement sur les terrains non consommes pour cet usage, « sous la réserve de reprendre les terreins lorsqu'on en aurait besoin pour le service du Roi ou du public ».
Au XVIIIe, des droits d'occupation reconnus par Louis XV malgré des abus d'appropriation
Mais le ministre deplorait par la meme occasion le fait que « cette grâce a causé depuis plusieurs abus de la part de ceux qui l'ont obtenue ». « Ils ont regardé les terreins comme chose qui leur était devenue propre ; les uns les ont compris dans les ventes du reste de leurs habitations, d'autres les ont partagés dans les succesions, et il y en a qui les ont cédés à rentes : en un mot, les cinquante pas du Roi ont presque toujours suivi le sort des habitations aux propriétaires desquelles il avait été permis de les défricher ». Èn conclusion, le ministre evoquait le souhait du Roi « que [l'on profite] de toutes les occasions pour ne pas oublier son droit, de manière que les Habitans sachent toujours à quoi s'en tenir à cet égard », mais precisait que le Roi « trouve bon en même temps que [l'on suive] l'usage de concéder les terreins dont il s'agit pour la jouissance seulement, et [qu'il] n'entend point que l'on puisse inquiéter les concessionnaires actuels dans cette jouissance, tant que les portions de terrein comprises dans leurs concessions ne seront pas nécessaires pour s'en servir relativement aux objets de la réserve faite par le Domaine. »
Au XIXe, un afflux massif d'esclaves libérés en 1848, les premières cessions possibles dès 1882
L'abolition definitive de l`esclavage en 1848 constitue un temps particulierement fort des installations illicites avec l'afflux des nouveaux affranchis : plus de 87 000 esclaves sont liberes en Guadeloupe, pres de 75 000 en Martinique 4 . Pour une majorite d'entre eux, l'installation hors de « l'habitation » (la propriete agricole du « Beke ») est un acte symbolique fort de leur liberation. Ne
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Le premier débarquement de colons français en Martinique a lieu le 1er septembre 1635, leur installation se faisant au compte de la couronne de la France et de la Compagnie des îles d'Amérique. 4 Source : Wikipedia - Décret d'abolition de l'esclavage du 27 avril 1848.
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disposant pas des moyens necessaires, ils s'etablissent massivement sur des terrains publics ou prives qui ne sont pas exploites par leur proprietaire, et en particulier sur la bande des cinquante pas5. Apres la parenthese du Second Èmpire qui se borne a ne pas modifier les prerogatives du pouvoir royal reinstitue par la Restauration, la Troisieme Republique ouvre, une douzaine d'annees apres son avenement, des possibilites de regularisation par cession des terrains aux occupants de la reserve des cinquante pas. Un decret en Conseil d'Ètat signe du president de la Republique Jules Grevy modifie les ordonnances prises en 1827 par Charles X6 et en 1833 par Louis-Philippe7, qui stipulaient qu' « Aucune portion des cinquante pas géométriques réservés sur le littoral ne peut être échangée ni aliénée ». Desormais, « Les détenteurs de terrains bâtis dans les villes, bourgs et villages, sur la zone des cinquante pas géométriques réservée à l'Etat recevront des titres de propriété définitifs et incommutables : 1° Pour ceux desdits terrains occupés antérieurement au 9 février 1827 et détenus publiquement et paisiblement depuis cette époque ; 2° Pour ceux desdits terrains occupés depuis le 9 février 1827 en vertu de permissions administratives dont les conditions auront été remplies.»8
Au XXe, l'exode rural continue d'alimenter les installations illégales
L'exode rural constaté aux Antilles comme sur l'ensemble du territoire français, a connu des vagues ponctuées par les crises sucrières. C'est à cette occasion qu'a par exemple vu le jour en Martinique le quartier d'habitat spontané de « Volga-Plage », vers 1960, dans un contexte social explosif dont se souviennent les anciens : « Poursuivis par le service des domaines, un petit groupe de gens, au lendemain des fermetures d'usines en communes vinrent s'installer sur les lieux. Ils en furent expulsés manu militari. Mais arrive l'explosion sociale de Décembre 1959. A cette époque, l'effort fait par la municipalité n'avait pas permis de résoudre la grave crise du logement qui sévissait dans la ville. Cette crise s'était encore aggravée avec l'exode rural. C'est dans une atmosphère de révolte que près de 300 personnes allèrent s'y installer au mois d'Avril 1960. L'autorité préfectorale envoya de nouveau des ordres de « déguerpissement », mais les premiers occupants résistèrent à toutes les pressions. Un comité de soutien y est même créé, avec le soutien de la municipalité foyalaise. Aussitôt après, les occupants entreprirent l'assainissement des lieux et procédèrent à des travaux de remblai. Les personnes finalement demeurèrent sur les lieux. »9 Volga-Plage, quartier enclavé derrière le port industriel et la centrale EDF au sud de Fort-de-France, aujourd'hui inscrit dans les procédures de politique de la ville, compte aujourd'hui 3 200 habitants installés sur la bande des cinquante pas et au-delà.
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L'urbanisation illégale en Guadeloupe, le cas des quartiers d'habitat spontané de la zone des cinquante pas géométriques Audrey Millet, 2006, mémoire de recherche Ecole polytechnique de l'université de Tours. 6 Ordonnance du Roi du 9 février 1827 concernant le gouvernement de la Martinique et celui de la Guadeloupe et de ses dépendances ; Art. 34, §2. 7 Ordonnance du Roi du 22 août 1833 sur le gouvernement de la Martinique et de la Guadeloupe ; Art. 34, §5 8 Le décret du 21 mars 1882 « fixe l'étendue de la Zone réservée à l'Etat sur le littoral dans la colonie de la Guadeloupe ». Ce décret a été rendu applicable à la Martinique par un décret du 4 juin 1887 (et modifié par un décret du 23 février 1936). 9 Marie-Michèle Darsières, in « Politiques publiques.com » - mars 2015.
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Au XXIe, l'importance de la pauvreté explique la persistance d'une pratique désormais ancestrale, tandis que la protection de l'environnement et contre les risques naturels s'invite dans le débat, introduisant un degré supplémentaire de complexité
Aujourd'hui encore, les Antilles accusent un retard très significatif de développement économique et de niveau de vie par rapport à la situation hexagonale : La médiane de niveau de vie par unité de consommation (la moitié des habitants se situent en-dessous) est de 1 228 /mois par unité de consommation en Guadeloupe et 1 329 /mois en Martinique, soit respectivement 73 % et 79 % de la valeur nationale (1 672 /mois) 10 ; La part des très bas niveaux de vie est particulièrement élevée dans ces deux départements : le quart des habitants (1er quartile) vivant avec moins de 724 /mois en Guadeloupe et 808 en Martinique, soit 59,8 % et 66,8 % des 1210 au plan national ; un habitant sur dix se contente de moins de 416 /mois en Guadeloupe et 466 /mois en Martinique (respectivement 52,7 % et 59,0 % des 790 nationaux).
Ainsi, plus du tiers des habitants vivent encore aujourd'hui aux Antilles sous le seuil de pauvreté11, avec des possibilités extrêmement réduites d'accéder au logement. Cette situation de pauvreté contribue sans aucun doute à renforcer le sentiment de légitimité à s'installer sur des terres qui « n'appartiennent à personne ».
1.2 Un attachement au lieu d'installation extrêmement fort, même en situation de risque avéré
L'ancrage local de la population est significativement superieur dans les departements antillais, comme en attestent les taux de personnes residant dans le departement parmi ceux qui en sont natifs12 de l'ordre de 82% en Guadeloupe et 85% en Martinique, pour 51% en metropole. Cet attachement a la terre d'origine l'est egalement a la commune et au lieu d'installation. D'apres la maire d'une commune guadeloupeenne (et ancienne deputee), « les gens ne partiront jamais de leur maison tant que la maison ne sera pas partie elle-même », propos qui synthetisent bien le discours general des elus rencontres. Cette edile parlait en connaissance de cause : voulant faire deblayer, six ans apres le passage du cyclone Hugo de 1989, les ruines de maisons abandonnees par leurs occupants (reloges ailleurs), elle s'etait heurtee a la resistance active de ces derniers, n'y parvenant finalement que 10 ans plus tard apres le passage de Lenny, autre cyclone particulierement destructeur qui n'avait laisse que des miettes. Lors des visites de terrain effectuees dans des secteurs particulierement exposes aux risques de mouvements de terrains, la mission a pu constater cet attachement visceral chez des habitants qui preferent se refugier dans le deni que dans un lieu moins expose. Un couple dont la terrasse surplombait dangereusement une falaise manifestement victime de l'erosion, et a qui nous avons manifeste nos craintes, nous a repondu, contre toute evidence (realite confirmee par le representant du BRGM) « Mais non, ça ne bouge pas ... ».
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Source : CGEDD, d'après l'enquête nationale logement de 2013. Source Insee. Seuil de pauvreté calculé sur la base de 60% du revenu médian national. 12 Accession et amélioration très sociales dans les départements d'outre-mer - Conséquences de la suppression de l'allocation de logement accession », rapport n° 012416-01 du CGEDD, avril 2019.
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« Vous n'avez pas peur de rester ? ». « Mais non, ça ne bouge pas ... » : affirmation des occupants en réponse à une question de
la mission. Capesterre-Belle-eau/Bananiers, Guadeloupe
Quand la chambre de cette maison (alors habitée) est tombée dans la mer, les occupants se trouvaient fort heureusement dans le séjour. Capesterre Belle-Eau/Ste-Marie_Four à chaux, Guadeloupe
1.3 Des règles sociales du rapport au sol qui ne rencontrent pas le contrat social fondant les règles hexagonales
La continuite historique, depuis le 17e siecle, des installations sur la reserve des cinquante pas, considerees par les habitants en quelque sorte comme un avantage acquis, se combine aux Antilles avec la persistance d'une culture de « la debrouille », rendue necessaire compte tenu de la situation sociale et economique. Comme mentionne au § 1.1, si le niveau de vie des menages a hauts revenus est
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peu different aux Antilles et en metropole (le neuvieme decile de niveau de vie antillais se situe entre 90 et 95% du neuvieme decile France entiere)13, il n'en va pas de meme de celui des tres bas revenus (le 1er decile antillais represente entre 50 et 60% seulement du 1er decile France entiere) 14 . Cette situation de pauvrete contribue a legitimer et a normaliser des comportements qui peuvent au contraire etre perçus comme deviants dans l'hexagone : par exemple, le cumul d'une activite professionnelle « au noir » avec un emploi salarie a plein temps (notamment dans la fonction publique) et la pratique du « coup de main » pour construire une maison, ou encore l'installation sur un terrain dont personne n'a l'usage et qui n'appartient a personne (ou, appartenant a l'Ètat, n'appartient a personne en particulier). Èt le respect des regles d'urbanisme est egalement concerne15, de meme que celui des regles de construction. Cette « normalite » differente du standard metropolitain est d'abord integree par les couches sociales pour lesquelles necessite fait loi, mais elle l'est egalement chez les elus qui, par construction democratique, representent leurs electeurs selon leur poids electoral. Or, comme evoque ci-dessus, un tiers de la population antillaise se situe en-dessous du seuil de pauvrete. Au-dela des elus de proximite, cet ecart de normalite est egalement integre par les representants de l'ordre public, censes faire respecter la loi et reprimer les infractions. A cet egard, la chaîne de traitement des occupations illegales du domaine public maritime de la bande des cinquante pas est particulierement revelatrice de la dissonance entre regle legale et regle sociale : en Guadeloupe, pour 65 procès-verbaux de contravention de grande voirie dressés par des agents assermentés de la DEAL, dénombrés depuis 2007, et portant sur 12 des 32 communes, seulement 3 ont abouti à ce jour selon la DEAL. en Martinique, pour 194 PV dressés, dénombrés depuis 2010, et portant sur 21 des 34 communes, seulement 5 démolitions ont été réalisées, dont 2 l'ont été « d'office ».
Ce qui fait ici norme, « contrat social », est profondement ancre dans la mentalite antillaise, resultant de l'histoire tres particuliere des Antilles, avec sa dimension coloniale et esclavagiste. La consequence en est que ni les elus, ni in fine le representant de l'Ètat, n'exercent reellement un pouvoir de police, du domaine comme de l'urbanisme, qui irait a l'encontre de la representation sociale dominante. Les populations, et d'abord les plus modestes d'entre elles, s'autorisent a construire sans titre ni conformite avec les reglements d'urbanisme ou de construction, sous le regard passif des institutions locales. C'est la norme sociale, meme si elle n'est pas legale. La loi de 1996, dediee a cette problematique de regularisation fonciere et de normalisation du statut juridique de la bande des cinquante pas, tablait sur un arret des nouvelles constructions. L'agence de Martinique evalue le nombre de constructions sur la zone entre 1996 et 2016 a environ 1 300, soit plus de 20% d'accroissement du stock present fin 1995, estime a 6 300 unites a regulariser sous le regime de la loi de 1996. Èn revanche, la Guadeloupe semble avoir mieux resiste avec « seulement » moins de 200 installations depuis 1995, d'apres l'agence des cinquante pas.
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Id. Id. 15 En Guadeloupe, 11 communes sur 32 n'étaient pas dotées de PLU en juin 2019 (1 POS et 10 RNU), soit 1/3 ; la proportion est moindre en Martinique (7 communes sur 34, soit 1/5), ce qui tend à montrer que le rapport distancié aux règles d'urbanisme n'est pas que le fait des administrés...
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1.4 Une sensibilité toujours vive aux inégalités de traitement, vécues comme des injustices et des survivances de l'esclavage
Le 10 mai 2001, le Parlement adoptait definitivement la loi nº 2001-434 du 21 mai 2001, dite Loi Taubira « tendant à la reconnaissance de la traite et de l'esclavage en tant que crime contre l'humanité ». Moins de deux cents ans apres l'abolition de l'esclavage en 1848, les societes antillaises sont toujours hantees par les conditions de leur avenement au XVIIIe siecle et leur histoire marquee par deux siecles de traitre negriere et d'esclavagisme, que l'on reproche a la Republique d'avoir un peu rapidement « mis sous le boisseau ». S'il fallait se convaincre de la remanence de la periode esclavagiste et des antagonismes tres forts qu'elle a durablement engendres, on peut relire les propos de la ministre de la Justice, Christiane Taubira qui, en 2013, dans un entretien accorde au Journal du dimanche, evoquait l'idee de permettre aux « descendants d'esclaves » d'acquerir des terres a vocation agricole, tout en reconnaissant la difficulte de le faire aux Antilles ou « c'est surtout les descendants des "maîtres" qui ont conservé les terres »16. Le fait est qu'en Martinique, quelques familles de « bekes », apres avoir obtenu de l'Ètat une solide indemnisation lors de l'abolition de l'esclavage et alors que les esclaves ne beneficiaient dans le meme temps d'aucun pecule d'installation, sont parvenues jusqu'a nos jours a conserver la grande propriete fonciere et les principaux leviers de l'economie locale. L'histoire de l'île est d'ailleurs, depuis la fin de l'esclavage, emaillee de conflits sociaux souvent violents, parfois sanglants, opposant les travailleurs agricoles aux grands patrons Bekes. Au debut du vingtieme siecle, les premiers conflits sociaux nes de la greve marchante de 1900, qui fit de nombreuses victimes, concernaient les relations entre les salaries agricoles (nes esclaves pour certains ou descendants d'esclaves de premiere ou deuxieme generation) et les grands proprietaires fonciers17. Cette greve marque le debut du mouvement ouvrier a la Martinique. Auparavant, « l'insurrection du Sud », evenement resultant d'un incident raciste et premiere grande revolte en Martinique depuis l'abolition de l'esclavage, avait ete ecrasee dans le sang en septembre 1870, malgre la proclamation de la Troisieme Republique quelques jours plus tot. D'apres la transmission orale de ces evenements, les insurges arboraient en signe de ralliement un drapeau a trois couleurs : le noir, le rouge et le vert18. Du cote de la Guadeloupe, l'histoire differe sensiblement en raison de la disparition des familles de nobles bekes a la Revolution (la Guadeloupe, contrairement a la Martinique, etait française a cette periode et n'a donc pas ete epargnee par l'epuration revolutionnaire). Èn revanche, l'abolition de l'esclavage y ayant ete proclamee en 1794, le retour a l'ordre esclavagiste instaure en mai 1802 par Bonaparte, devenu premier consul apres le coup d'Ètat du 18 brumaire, a constitue un episode violent et marquant pour l'identite Guadeloupeenne face au pouvoir central issu de la Revolution. La rebellion
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https://www.lejdd.fr/Societe/Justice/Taubira-Rendre-leurs-terres-aux-descendants-d-esclaves-606805-3202133 In Les origines du mouvement ouvrier en Martinique 1870-1900, Jacques ADELAIDE-MERLANDE, Collection Monde Caribéen, Karthala, 2000. 18 Intervention de Marie-Christine PERMAL le 25 septembre 2009 à la maison des syndicats de Fort-de-France http://www.cgt-martinique.fr/syndicat-cgt-martinique-dates-historiques-exposes-debats.asp#I0002266c
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des officiers creoles, matee dans le sang par une armee de 4 000 hommes depechee depuis Paris, a constitue un traumatisme que n'a pas vecu la Martinique sous domination anglaise.
Dans la société post-esclavagiste, la répression sanglante des conflits sociaux perpétue symboliquement l'asservissement de la population par la puissance dominante
Durant le XXe siecle, de multiples conflits violents melangeant les questions sociales et raciales, et generalement perçus par la population comme resultant de la situation post-esclavagiste et postcoloniale, ont eclate dans les deux îles. Èncore tres recemment, les grandes greves generales contre la vie chere qui ont paralyse la Guyane et les Antilles, chacune pendant plus d'un mois entre novembre 2008 (Guyane) et mars 2009 (Guadeloupe et Martinique), ont marque la societe française par leur ampleur. Il est interessant de noter que le drapeau noir, rouge et vert etait tres present dans les manifestations organisees pendant ce conflit, faisant ainsi le lien avec le passe postesclavagiste19. Cette histoire chargee explique l'extreme sensibilite de nombreux Antillais dans leur relation avec le pouvoir central et tout ce qui peut evoquer la figure de l'esclavagiste.20 D'une maniere generale, la mission a pu constater a l'occasion de ses deplacements aux Antilles la persistance d'un fort sentiment d'injustice face a l'inegalite de traitement, qu'elle soit reelle ou ressentie, entre pauvres gens, generalement a la peau foncee, et riches proprietaires blancs creoles. La zone des 50 pas presente une sensibilite particuliere sur cette question : un certain nombre de belles proprietes y sont implantees, beneficiant de titres ou d'autorisations diverses (concessions, conventions, ...) qui les mettent a l'abri des decisions de justice. L'Assaupamar (Association pour la sauvegarde du patrimoine martiniquais) n'a pas manque d'insister lors d'un entretien avec la mission, comme elle le fait dans ses prises de position publiques, sur le caractere partial de ces decisions de justice selon qu'elles concernent l'une ou l'autre population (« deux poids, deux mesures »). Èlle a notamment brandi cet etendard apres la demolition par l'Office national des forets (ONF) en 2018 d'une maison construite sans autorisation en zone naturelle de la bande des 50 pas, dont elle a fermement defendu le proprietaire. Cette vive sensibilite rend encore plus complexe la normalisation des situations sur la reserve des cinquante pas.
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Dans un fascicule paru en 1997 intitulé « Rouge Vert noir - Trois couleurs pour un drapeau » et co-signé par 76 personnalités dont les écrivains Edouard Glissant, Patrick Chamoiseau et Raphaël Confiant, et dans un texte « un signe pour la Martinique », paru à la même période, on peut lire que l'association des trois couleurs rouge, vert et noir en Martinique « comme symbole de résistance face à l'oppression coloniale des Français » est apparue dès le début de l'esclavage. Toutefois, ces affirmations ne paraissant pas scientifiquement établies. Mythe ou réalité, l'imaginaire collectif s'est bel et bien emparé de ce symbole, le conseil municipal de Fort-de-France ayant délibéré à l'unanimité le 26 février 2019 de déployer ce drapeau au fronton de ses édifices. 20 De nombreux écrits en témoignent, notamment ceux des grands écrivains antillais et de leaders politiques d'exception tel Aimé Césaire. Les communiqués de presse de la Ligue des Droits de l'Homme (section de Guadeloupe et instance nationale) à l'occasion des graves incidents pendant la grève générale de 2009 illustrent de manière très significative cette mentalité.
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***** Les difficultes massives auxquelles se heurtent les dispositions d'action publique sur les cinquante pas trouvent leur origine dans cette histoire coloniale et esclavagiste propre aux Antilles. La renovation de ce dispositif trouvera son efficacite, et d'abord son applicabilite, a condition que les schemas de pensee de l'action publique nationale integrent ce referentiel des valeurs et normes sociales qui animent la societe antillaise, dans le souci constant que la legitimite sociale et la legalite republicaine puissent progressivement se rapprocher. C'est precisement en ces termes, « entre légitimité et légalité », qu'un elu rencontre par la mission a campe avec precision la problematique des cinquante pas. Compte tenu des valeurs et normes sociales spécifiques de la société antillaise héritées de son histoire coloniale et de son passé esclavagiste, il faut reconsidérer le cadre d'action publique sur les cinquante pas. Pour cela, il sera fondamental de veiller à ce que la légitimité sociale et la légalité républicaine puissent se rapprocher au plus vite.
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2 Les avancées mitigées d'une politique publique semée de lacunes et d'incohérences graves
2.1 Une instabilité chronique du dispositif
2.1.1 Un calendrier sans cesse repoussé, compromettant la mise en place d'une stratégie d'action pluriannuelle
La date de forclusion pour le depot des demandes de regularisation a ete reportee a trois reprises successives. La loi fondatrice de 1996 n'avait pas fixe de delai limite. La loi ÈNÈ de 2010, dite « Grenelle II », (article 32) 21 a instaure une date de forclusion fixee a fin 2012. La loi du 17 octobre 201322 l'a repoussee a fin 2014, puis la loi ALUR23 a fin 2015. Ènfin, la loi ADOM a edicte fin 2020 comme nouvelle date limite de depot des dossiers de regularisation. Èn ce qui concerne les agences creees par loi fondatrice pour contribuer a la gestion de la reserve des cinquante pas, leur duree de vie, initialement fixee a dix ans pour une fermeture a fin 2006, a ete quant a elle prolongee pas moins de six fois. La loi de programme pour l'outre-mer de 2003 (article 52)24 l'a tout d'abord repoussee a fin 2011, en passant la duree a 15 ans. Èn 2009, la loi LODÈOM (article 45)25 ouvrait la possibilite d'une duree prolongee par decret pour une duree de cinq ans renouvelables deux fois, soit au plus tard un fermeture a fin 2026. La loi ÈNÈ sus-citee est venue recadrer, un an apres, la duree a deux ans maximum, soit a fin 2013. Sur le constat d'inachevement de travaux de regularisation, la loi du 17 octobre 2013 sus-citee a repousse encore de deux ans l'echeance, soit a fin 2015. Ènfin, la loi ADOM (article 27)26 a stipule une duree ne pouvant exceder fin 2020. Ces « stop and go » permanents se sont averes tres prejudiciables a l'installation d'une strategie d'action pro-active des agences, en ce qui concerne tant la regularisation, processus s'etalant sur plusieurs annees27, en bloquant les campagnes d'information et d'incitation, que le lancement et la conduite d'operations d'equipement et de resorption d'habitat insalubre qui s'inscrivent necessairement dans des durees de l'ordre de cinq a dix ans au moins. Comme l'ecrit la Cour des Comptes28 dans son paragraphe intitule « L'incertitude sur la durée de vie des agences : source de déstabilisation », « loin d'accélérer les régularisations, ces atermoiements ont contribué à un certain attentisme des habitants et ont été préjudiciables à une action efficace des agences ».
21 22
Loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement. Loi n° 2013-922 du 17 octobre 2013 visant à prolonger la durée de vie des agences pour la mise en valeur des espaces urbains de la zone dite des cinquante pas géométriques et à faciliter la reconstitution des titres de propriété en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion, à Mayotte et à Saint-Martin. 23 Loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové. 24 Loi n° 2003-660 du 21 juillet 2003 de programme pour l'outre-mer. 25 Loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer. 26 Loi n° 2015-1268 du 14 octobre 2015 d'actualisation du droit des outre-mer. 27 Les agences n'ont logiquement plus lancé de campagnes d'information et d'incitation à la régularisation lorsque leur durée de vie résiduelle ne leur permettait pas de garantir un suivi des dossiers. 28 Cour des Comptes, contrôles portant sur les comptes et la gestion des EPIC Agences des cinquante pas en Martinique et en Guadeloupe pour les exercices 2001 à 2013, octobre 2015.
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2.1.2 Des agences soumises à des missions changeantes et à des horizons temporels peu compatibles avec celles-ci
Moins de dix ans apres leur installation, les missions des agences ont ete radicalement transformees. Alors que la loi fondatrice de 1996 leur a donne la mission prioritaire d'etablissement des programmes d'equipement et de viabilisation, comme le stipule tres clairement la circulaire du 25 juillet 200229, la loi ÈNÈ recentre en 2010 l'activite des agences sur la regularisation des occupants sans titre, devenue leur mission prioritaire, au detriment de l'amenagement. Ainsi, elle transforme les agences en « guichet unique » dans le processus de « cessions-regularisations » des terrains de sa zone de competence, la conception et la conduite de travaux n'etant plus prevues qu'a titre secondaire. Au titre de cet objectif desormais premier, les agences ont aussi reçu pour mission de contribuer « à la libération des terrains dont l'occupation sans titre ne peut être régularisée et au relogement des occupants ». La responsabilite de ces operations de relogement leur confere des lors des fonctions qui relevent de l'amenagement, qui sont encore plus complexes que des travaux d'equipement et de viabilisation, tant du point de vue de l'accompagnement des populations que dans la maîtrise de terrains disponibles susceptibles d'accueillir les nouveaux logements de substitution. Èt parallelement, alors qu'il s'agit la d'operations necessitant des durees significatives, la meme loi fixe un horizon de travail des agences limite a trois ans. Ainsi, la Cour des Comptes note que « depuis l'entrée en vigueur de la loi ENE, les agences se préoccupent de leur avenir incertain ». Èlle evoque la lettre du prefet de Martinique au President de la Republique en date du 25 aout 2010. Lettre du préfet de Martinique au Président de la République en date du 25 août 2010 Le prefet regrette que l'activite de l'agence n'ait pas ete prolongee jusqu'en 2026, conformement aux dispositions de la loi LODÈOM, au lieu du 31 decembre 2013, soulignant qu'au-dela de cette date, des missions assurees par l'agence risquent de ne plus etre executees, notamment celle relatives a l'amenagement : « Sur cette portion du territoire, et vu le profil socio-économique des occupants, l'aménagement est un élément déterminant de la régularisation et les agences présentes sur le terrain ont un rôle fédérateur et d'accompagnement très important ». Le prefet juge la loi de 2010 source de confusion, entre les orientations prises par le legislateur et la situation de grande incertitude de l'agence, pour laquelle il sera difficile, dans ce nouveau cadre, « d'engager la totalité des actions et d'établir les projections qu'impliquent la mise en oeuvre le financement de ces nouvelles missions ». Il se fait le relais de l'incomprehension des membres du conseil d'administration, en particulier les elus : « Les élus estiment que la loi de 2010 organise « la disparition d'un outil jugé majoritairement comme étant performant et le mieux à même de traiter des problèmes complexes du littoral martiniquais ». Èt la Cour des comptes poursuit : « depuis 2008, date à laquelle la question de la suppression des agences a été soulevée, des dispositions contradictoires ont été prises, sur sa durée de vie, la laissant ainsi accomplir sa mission dans l'incertitude totale de son avenir ». « L'année 2013 aura été pour l'agence entièrement consacrée à la question de sa survie. Ce n'est que le 23 décembre 2013 que sera pris de décret reportant la date de liquidation de deux ans ». Sous un autre angle de vue, les delegues du personnel de l'agence, en Martinique comme en Guadeloupe, ont sollicite un entretien aupres de la mission afin de lui exprimer la difficulte eprouvee
29
Circulaire UHC/IUH 3/21 n° 2002-49 du 25 juillet 2002 relative aux modalités d'intervention des agences pour la mise en valeur des espaces urbains de la zone des Cinquante-Pas-Géométriques des départements de la Guadeloupe et de la Martinique.
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depuis des annees par l'ensemble des salaries a effectuer sereinement leur travail dans un contexte aussi peu securisant, faisant etat d'agents en difficulte pour certains ou, pour d'autres, ayant prefere quitter l'Agence etant donne le manque de perspective30.
2.1.3 Une absence constante de pilotage par la tutelle
L'absence récurrente d'instructions de la part des administrations centrales
Comme evoque precedemment (cf. 2.1.2 supra), le cadre d'action des agences des cinquante pas aura ete marque par des basculements de leur mission et de leurs perspectives. Or, une seule instruction ministerielle a ete adressee : la circulaire du 25 juillet 2002 sus-citee. A la suite de la loi ÈNÈ, aucune circulaire, ou note d'instruction ministerielle n'a ete produite, alors que le changement de mission etait radical. Comme le souligne la Cour des comptes, « l'absence de dispositif d'application de la loi de 2010 [...]31, a freiné la dynamique des agences ». Èn 2015, la loi ADOM a fixe un nouvel horizon pour la politique des cinquante pas aux Antilles, adoptant le principe d'un transfert aux collectivites de niveau regional 32 en installant un ensemble d'etapes successives pour une echeance globale au 1er janvier 2021 : Au plus tard le 1er janvier 2018, « l'adoption conjointe par l'Etat et par les collectivités bénéficiaires du transfert d'un « document stratégique d'aménagement et de mise en valeur de la zone des cinquante pas géométriques » ; Au plus tard le 1er janvier 2019, « l'Etat délimite par décret en Conseil d'Etat [...] à l'intérieur de la zone des cinquante pas géométriques, d'une part, les espaces urbains et les secteurs occupés par une urbanisation diffuse, d'autre part, les espaces naturels » ; Au plus tard le 1er janvier 2020, « le représentant de l'Etat remet [aux présidents des collectivités bénéficiaires] un rapport comportant un état des cessions et des enjeux d'aménagement qui y sont liés, une évaluation des charges liées à ce transfert ainsi qu'un bilan de l'activité de chacune des deux agences » ; Au plus tard le 1er janvier 2021, « les espaces urbains et les secteurs occupés par une urbanisation diffuse [...] sont transférés, par arrêté du représentant de l'Etat, en pleine propriété dans le domaine public » des collectivites beneficiaires.
Cette evolution majeure du cadre d'intervention sur les cinquante pas necessitait, dans la perspective du transfert, des travaux specifiques et la tenue des echeances. Or, aucune instruction ministerielle, ni a l'attention des services de l'Ètat, ni a celle des agences, n'a ete formalisee. Èn outre, bien que le processus de transfert ait ete clairement scande par la loi avec des delais raisonnables, a aucun moment les constats de depassement des delais impartis aux premieres etapes du processus de transfert n'ont conduit la tutelle a se preoccuper d'un recadrage. Aujourd'hui, l'echeance globale ne pourra pas etre tenue puisqu'aucune des trois etapes preparatoires ne l'aura ete (cf. chapitre 3 infra). La lettre du prefet de Guadeloupe en date du 9 avril 2018 a l'attention du ministere des outre-mer evoquait la non-tenue des deux premieres echeances et les raisons techniques qui l'expliquaient, mais sans qu'a la connaissance de la mission, l'administration centrale ait reagi. Èn
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En complément de cet entretien, le comité social d'entreprise de l'Agence, mandaté par le personnel, a transmis le 31 décembre 2019 aux missionnés et aux ministères commanditaires un document de 24 pages intitulé « Quel avenir pour les cinquante pas géométriques de la Guadeloupe ? » qui établit un bilan de la situation et propose des pistes de progrès. 31 « quant à la détermination du mode de calcul de la participation aux travaux par les résidents solvables et à l'organisation de la mission des agences dans les zones à risques, notamment l'impossibilité de mobiliser le Fonds Barnier pour prendre les mesures d'urgence dans ces zones ». 32 La Région Guadeloupe et la Collectivité territoriale de Martinique (CTM).
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l'absence d'eclaircissement apportes par celle-ci, les difficultes qui s'opposent a la mise en oeuvre de la loi ADOM sont encore aujourd'hui dans la meme situation de non-resolution. Ènfin, la loi ADOM avait prevu « qu'un décret en Conseil d'Etat précise les conditions de la dissolution de ces agences et prononce, le cas échéant, le transfert des biens, droits et obligations des agences après concertation entre les agences, l'Etat et le bénéficiaire. » A un an de la fermeture putative des agences, le decret n'existe toujours pas. La succession de reports des dates limites de depot des dossiers de regularisation comme des delais de fermeture des agences est une autre manifestation de l'indecision politique et de l'absence recurrente de pilotage de cette politique des cinquante pas. Èn 2013, la decision de prorogation des agences, sept jours seulement avant la date reglementaire de leur fermeture, revele de maniere paroxystique le deficit de gestion de la tutelle vis-a-vis de ces deux etablissements, comme le defaut d'attention a leurs salaries.
De nombreux rapports des corps d'inspection et de contrôle, sans véritable prise en compte de leurs conclusions
La Cour des comptes, dans ses rapports de 2015 (cf. § 2.1.1 supra), note aussi « le relatif immobilisme de la tutelle face aux questions soulevées dans les divers rapports d'audit ». Trois rapports des corps d'inspection jalonnent la periode de 2004 a 2013, auxquels on peut ajouter deux notes d'alerte du controleur economique et financier 33 . La Cour constatait en 2015, pour la mission de 2004 34 , « qu'aucune suite ne lui a été réservée », pour celle de 2008 35 , « qu'aucune suite n'a été donnée à la recommandation du rapport visant à accélérer le processus de régularisation » et pour celle de 201336, « qu'à ce jour, aucune ligne directrice n'a été dégagée à la suite du rapport de 2013 ». Ènfin, la Cour constate : « les retards dans les décisions des ministères de tutelle témoignent des défaillances répétées de la gouvernance des agences : décret fixant l'organisation administrative des agences pris deux ans après la loi les créant ; nomination du premier directeur cinq ans après ; vacances récurrentes des portes de président et de directeur ; décret du 23 décembre 2013 reportant la date de liquidation quelques jours seulement avant l'échéance ». Une tentative d'explication par la Cour dans le rapport de controle de l'agence de Martinique serait la meconnaissance de la situation reelle des agences par l'administration centrale : « l'immobilisme des administrations de tutelle face aux urgences, notamment en 2010, au moment de la création projetée d'un EPF d'Etat, que la création des EPFL37 avait rendue caduque, et en 2013, où la décision de prolonger la durée de vie des agences au-delà du 31 décembre 2013 n'a été prise que le 17 octobre [par la loi, puis par le décret du 23 décembre], illustre la méconnaissance des difficultés rencontrées par les agences de la part des administrations de tutelle, d'où résulte l'insuffisance de son pilotage ». La mission avance une deuxieme explication qui trouve sa source dans les propos qu'elle a entendus de la part des directions regionales des finances publiques (DRFiP), et qui est certainement applicable aussi a l'ensemble des services deconcentres comme centraux : « parmi le million de choses à faire, compte tenu du faible effectif qui nous est alloué, nous n'avons pas de moyens à consacrer à ce sujet ». Mais la mission avance une autre hypothese qui serait le grand ecart entre, d'une part, les pratiques d'occupation et les valeurs sociales qui les sous-tendent (cf. chapitre 1 supra) et, d'autre part, les
33 34
Des 18 février et 10 décembre 2014. Mission IGA-CGEDD sur les cinquante pas géométriques en Guadeloupe et en Martinique, février 2004. 35 Mission IGF-IGA-CGEDD sur la zone dite des cinquante pas géométriques aux Antilles, juillet 2008. 36 Mission CGEDD-IGA relative aux problématiques foncières et au rôle des différents opérateurs aux Antilles, novembre 2013. 37 EPF : établissement public foncier ; EPFL : établissement public foncier local.
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dispositifs conçus selon des paradigmes hexagonaux. Cet ecart les rend en effet inoperants et rend impuissante une politique d'action publique fondee de cette maniere.
2.2 Des procédures non optimisées et émaillées d'incohérences et de lacunes, conduisant à des formes d'impuissance
Outre les ecarts avec les pratiques sociales, les dispositifs eux-memes, dans leur conception, presentent complexite, lacunes et incoherences.
2.2.1 Une complexité certaine de la chaîne de régularisation due à son émiettement
Avant la loi ÈNÈ, les agences n'intervenaient au titre de la regularisation que par l'emission d'un avis sur la compatibilite de la cession avec le programme d'equipement et de viabilisation, les services de l'Ètat etant seuls en responsabilite de l'instruction et de la mise oeuvre de la cession. Dix ans apres, en instituant les agences comme « guichet unique », la loi ÈNÈ a contribue a simplifier la chaîne de traitement. Par ailleurs, une mobilisation plus integree des differents services s'est mise en place au sein de l'Ètat avec la creation des commissions interservices (« CommIS ») se reunissant de maniere tres reguliere sous la presidence d'un membre du corps prefectoral. Cependant, la chaîne de traitement necessite encore une multiplicite d'allers et retours entre les agences et les services de l'Ètat dans la phase posterieure a la decision favorable prise par l'Ètat.
Schema de la procedure d'instruction des dossiers de regularisation 38
Ainsi, en Martinique, si en moyenne une annee est necessaire a l'accord de l'Ètat, sous l'egide de l'instruction par l'Agence en tant que guichet unique, il faut en moyenne encore deux ans et demi pour
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Source : document stratégique d'aménagement des cinquante pas de Martinique, septembre 2018.
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la finalisation de la cession. Èn effet, sans compter les temps de reaction des habitants (accord sur l'offre de cession, puis paiement complet de celle-ci), la concretisation de la decision favorable de l'Ètat suppose une serie d'iterations entre l'Agence, les services prefectoraux et la DRFiP, qui tient surtout a l'absence de delegation des responsabilites du Domaine, les DRFiP campant sur leurs prerogatives en la matiere.
2.2.2 Des lenteurs dans la régularisation dues aux manques de moyens de l'Etat et à la précarité des occupants
Si les lenteurs de regularisation proviennent en partie de la complexite de la chaîne de traitement, elles s'expliquent aussi par le manque de moyens. Ainsi, s'agissant des services de l'Ètat, les DRFiP indiquent qu'au sein de leur effectif autorise, juge fort contraint, aucun agent ne peut etre affecte a la redaction des actes de cession, cette mission n'apparaissant pas prioritaire parmi l'ensemble de celles qu'elles doivent accomplir. Ainsi, ce sont des salaries des agences qui effectuent ce travail par mise a disposition. Par ailleurs, et cela vaut pour tous types d'actes, le delai de publication par le service de la publicite fonciere avoisine les 300 jours. Du cote des beneficiaires des cessions, leurs faibles revenus peuvent conduire a echelonner leur paiement sur de nombreux mois, voire plusieurs annees, reculant d'autant la delivrance du titre de propriete. Il a ete rapporte a la mission qu'il n'est pas rare que la personne verse a ce titre 50 par mois. Il convient de rappeler que le taux de pauvrete aux Antilles se situe autour de 40 % (23 % en Seine-Saint-Denis et 14 % en Metropole) 39 , les cinquante pas concentrant encore davantage les situations de precarite. Le recensement des revenus des menages au sein de la vingtaine de secteurs ayant fait l'objet d'etudes prealables conduites par l'agence de Guadeloupe indique un taux moyen de 59% de menages aux revenus inferieurs a 1 000 , correspondant au premier quartile de revenus en Guadeloupe. Pour eviter un etalement des paiements sur une trop longue duree, la DRFiP de Martinique envisage que le paiement ne puisse etre effectue qu'en une fois ou deux maximum. Toutefois, la consequence d'une telle disposition pourrait bien conduite a bloquer le processus de cession.
2.2.3 Un dispositif incomplet qui conduit à l'absence de sanction des occupations illicites
La loi de 1996 avait pose des conditions a la regularisation : la localisation des constructions dans les espaces urbains et les secteurs d'urbanisation diffuse (U et UD), non dans les espaces naturels (N), apres delimitation de ces zones par arretes prefectoraux, et pour les constructions dont l'edification etait anterieure au 1er janvier 1995. La regularisation n'ayant pas ete rendue obligatoire par le dispositif legislatif (a supposer qu'une obligation ait ete applicable), de l'ordre de 2 000 a 2 500 constructions n'ont pas a ce jour fait l'objet d'une demande en Guadeloupe, ce qui represente entre un quart et un cinquieme des constructions des zones U et UD dans ce departement. Les constructions illicites, qu'elles n'aient pas ete titrees a ce jour par defaut de demande, qu'elles ne soient pas regularisables car de construction posterieure au 1er janvier 1995, ou qu'elles aient reçu un avis defavorable a la regularisation, sont toujours presentes, sans sanctions veritables, aucune demolition n'etant effectuee. Cette situation n'incite aucunement, et de moins en moins, les occupants a demander et obtenir la regularisation.
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Mission CGEDD « Accession et amélioration très sociales dans les départements d'outre-mer. Conséquences de la suppression de l'allocation de logement accession », avril 2019.
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Par ailleurs, les agences n'ont pas ete dotees de pouvoir de police, comme le sont les directions de l'environnement, de l'amenagement et du logement (DÈAL), le Conservatoire du littoral ou l'ONF. Alors que leur presence sur le terrain leur permet de suivre les nouvelles constructions illicites en temps reel, elles doivent en referer aux DÈAL pour dresser les proces-verbaux, circuit qui, compte tenu des moyens dont disposent ces dernieres, manque veritablement de reactivite. La voie contentieuse ne s'avere de toutes façons pas veritablement operante pour resoudre l'occupation sans titre, compte tenu des pratiques sociales d'occupation de l'espace rappelees au chapitre 1. Par contre, il aurait pu etre recouru a la mise en paiement d'une redevance d'occupation, sans delivrance d'autorisation d'occupation temporaire (AOT), en application du L2125-1 du CG3P qui stipule que « toute occupation ou utilisation du domaine public d'une personne publique donne lieu au paiement d'une redevance ». Le rapport IGF-IGA-CGÈDD de 2008 en faisait la recommandation, tout comme les rapports de controle de la Cour des comptes de 2015 qui invitaient le ministere du logement et les autres ministeres concernes « à veiller à l'application stricte des dispositions des articles L2125-1 et suivants du CG3P ».
2.2.4 Des dispositifs d'action publique non dépourvus de contradictions
La coexistence de deux dispositifs de régularisation distincts
Pendant de nombreuses annees, deux dispositifs de regularisation ont coexiste : celui introduit par la loi « littoral »40 permettant la cession des constructions edifiees anterieurement au 1er janvier 1986, puis celui introduit par la loi de 1996. Alors que les conditions de regularisation fixees par ces deux dispositifs n'etaient identiques41, ni pour les communes (cession onereuse pour l'un, gratuite pour l'autre), ni pour les particuliers (sans limite de taille de parcelle pour l'un, limite a 500 m² pour l'autre), ces deux voies ont cohabite pendant vingt ans jusqu'a l'abrogation des dispositions en la matiere de la loi littoral en 201442.
Un horizon temporel et un périmètre d'intervention trop restreints, ainsi qu'une absence de capacité à agir directement, peu compatibles avec une pratique active de l'aménagement par les agences
Les agences, pendant leur premiere decennie d'existence, etaient prioritairement mobilisees sur l'equipement de la zone des cinquante pas et les sorties d'insalubrite, c'est-a-dire sur des actions relevant de l'amenagement. Meme si cette mission est devenue secondaire a partir de 2010, elle faisait egalement partie de leur fonction principale de regularisation au titre de leur contribution « à la libération des terrains dont l'occupation sans titre ne pouvait être régularisée et au relogement de leurs occupants ». Cependant, elles n'ont jamais eu veritablement les moyens d'exercer ces fonctions d'amenagement, que ce soit sous l'angle de leur horizon de vie, de leur aire de competence et de leur capacite d'initiative. Alors qu'il s'agissait de conduire des operations sur des pas de temps de l'ordre de la dizaine d'annee, qu'elles soient d'amenagement et de viabilisation ou de resorption de l'habitat indigne (RHI), l'horizon de vie de l'operateur n'a jamais depasse six ans, excepte en 2009 ou il avait ete porte a plus de quinze ans, mais immediatement raccourci des 2010 a deux ans. Par une sorte de deni du temps long necessaire a l'amenagement, les agences ont subi une forme de paralysie. Celle-ci a meme ete renforcee en Guadeloupe par la position des services de l'Ètat n'accordant pas a l'agence, pour cette raison
40 41
Loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral. Cf. les tableaux comparatifs des deux dispositifs des pages 15 et 16 du Document stratégique d'aménagement des cinquante pas en de Martinique. 42 Décret n° 2014-930 du 19 août 2014 relatif aux livres Ier et II de la cinquième partie réglementaire du code général de la propriété des personnes publiques et modifiant ce code et divers textes réglementaires.
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precisement, le role et les financements lui permettant de conduire ces operations ; c'est ainsi que l'agence de Guadeloupe n'a pas ete operateur de RHI. L'aire de competence des agences, limitee a une epaisseur de 81,20 m de profondeur du tissu construit, ne leur permettait pas non plus de raisonner veritablement les projets a l'echelle des quartiers, en integrant l'ensemble des terrains necessaires. Le rapport IGA-CGÈDD de 2004 notait deja que « le déploiement [...] de l'ambition stratégique de la loi », portee par les agences, etait « bridé par [la] contrainte géographique [...] à cause de la minceur et du positionnement de la zone des cinquante pas. Comment y mener des actions cohérentes sans intervenir au-delà ? ». Le rapport constatait en effet que « la coordination des réflexions et des projets avec le quartier environnant est essentielle » et prenait l'exemple de « la prise en considération des plans de prévention des risques [qui] peut conduire les agences à devoir préconiser le relogement d'occupants sans titre hors de leur implantation actuelle dans la zone des cinquante pas géométriques ». La loi ÈNÈ a ouvert la possibilite pour les agences « d'exercer leurs missions dans les zones immédiatement contigües à [leurs] territoires [de compétence] » mais « à titre exceptionnel, après autorisation du représentant de l'Etat dans le département ». Ènfin, en 1996, la loi fondatrice des agences les a instituees comme « instrument de coopération entre l'Etat et les communes ». Cependant, elles ne possedent pas la capacite d'initiative d'operations d'amenagement a l'instar des etablissements publics d'amenagement (ÈPA) relevant du L321-14 du code de l'urbanisme43. Pour agir, les agences doivent imperativement etablir des conventions avec les collectivites locales qui restent seules en capacite d'initier et de conduire les programmes d'amenagement. Ainsi, la Cour des comptes releve dans le rapport de controle de 2015 pour la Martinique que « dans le cadre des lois de 1996 et 2010 [...] l'Agence ne peut s'engager dans le montage d'opérations complexes de RHI ou de RHS44 (de type Volga Plage à Fort-de-France [...]), hors maîtrise d'ouvrage de la collectivité locale. »
Un droit de préemption très spécial...
Èn dernier lieu, la mission releve les dispositions regissant un droit de preemption specifique destine a eviter les strategies speculatives des particuliers dans les dix ans qui suivent la cession-regularisation. Si l'objectif etait eminemment louable sur ces territoires convoites, la conception du dispositif le rendait congenitalement inoperant. L'article L5112-9 du CG3P prevoit en effet que « pendant un délai de six mois à compter de la date de [publication], les communes et, à défaut, les agences, peuvent exercer un droit de préemption lors de la vente de terrains ayant été cédés en application des [dispositions de régularisation] en offrant de verser à l'acquéreur une indemnité égale au prix de cession du terrain par l'Etat majoré du coût des aménagements réalisés par le propriétaire [...]. Aucune vente [...] ne peut valablement être conclue avant que celui qui souhaite acquérir n'ait été informé par le vendeur du montant de l'indemnité de préemption ». De maniere concrete, la preemption ne s'opere pas avant la vente, mais une fois celle-ci effectuee et enregistree au service de la publicite fonciere. Il appartient au vendeur d'indiquer a son acheteur, avant la vente, le montant auquel ce dernier serait susceptible d'etre indemnise par la puissance publique en cas de preemption. Ce mecanisme de preemption, tout a fait derogatoire du droit commun de la preemption, conçu comme intervenant a posteriori de la vente en faisant peser l'effet de la preemption sur l'acheteur et non sur le vendeur, n'est pas operable.
43 44
Les agences sont, comme les EPA, des établissements publics d'Etat à caractère industriel et commercial (EPIC). Résorption de l'habitat spontané.
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2.2.5 Depuis bientôt 10 ans, une approximation chronique dans l'appréhension et la gestion des risques, qui a paralysé l'action publique
Une loi Letchimy conçue pour permettre d'indemniser le relogement des occupants en danger, mais sans titre
La loi dite « Letchimy »45 a prevu en son article 6 le versement d'une aide financiere visant a compenser la perte de domicile aux occupants de bonne foi de locaux a usage d'habitation edifies sans droit ni titre en cas de decision de demolition par l'autorite administrative, lorsque ceux-ci sont situes dans une « zone exposée à un risque naturel prévisible menaçant gravement des vies humaines ». Cet article stipulait que « l'aide financière et les frais de démolition sont imputés sur le fonds de prévention des risques naturels majeurs mentionné à l'article L561-3 du code de l'environnement. » Ainsi, de maniere tres claire, tant dans la denomination du risque « prévisible [...] menaçant gravement des vies humaines » des articles L561-1 et L561-3 du code de l'environnement que dans la reference au fonds « Barnier » du meme article L561-3, les dispositions de la loi Letchimy ressortissent parfaitement a cette categorie de situations de menace imminente pour les vies humaines qui appellent exclusivement des mesures de mise en securite des personnes. Ces dispositions concernent les situations visees par les articles L561 et suivants du code de l'environnement, « Mesures de sauvegarde des populations menacées par certains risques naturels majeurs » et non des demarches de prevention des risques au travers des « Plans de prévention des risques naturels prévisibles » (PPR), objets des articles L562 du meme code. Ces derniers couvrent les territoires les plus exposes par la voie d'une servitude d'utilite publique annexee au plan local d'urbanisme. Ils visent plus globalement la securite des biens et des personnes, et notamment a « réduire le coût économique, environnemental, social et patrimonial des dommages d'éventuelles catastrophes, et [...] permettre un rétablissement rapide, mais plus durable, une fois l'événement passé ».46 Le meme article 6 de la loi Letchimy prevoyait que, pour la securite des personnes occupant ces locaux d'habitation soumis a une menace grave pour des vies humaines, « le maire et le représentant de l'Etat identifient conjointement, à l'initiative de l'un ou de l'autre, les situations justifiant la démolition des locaux concernés ». Force est de constater que depuis 2011, cette identification n'a pas ete effectuee.
Une loi ADOM qui introduit une dérive implicite sur la question des risques et induit des pratiques locales trop largement restrictives vis-à-vis de la régularisation
Èn 2015, lors de la premiere lecture a l'Assemblee Nationale, a ete vote l'amendement du depute Letchimy conduisant a exclure les cessions au sein des cinquante pas « à des personnes privées [...] lorsque la construction est située dans une zone exposée à un risque naturel prévisible menaçant gravement des vies humaines ou dans les zones d'aléas forts dans lesquelles les constructions sont incompatibles avec le risque ». Cet amendement avait pour objet de preciser le champ d'application des L5112-5 et L5112-6 du CG3P en excluant de ceux-ci les locaux professionnels et les habitations situes dans des zones a risque naturel menaçant gravement des vies humaines. Èt pour la gestion des situations d'habitation, l'article L5112-6 renvoie en outre a l'article 6 de la loi Letchimy de 2011 prevoyant une aide financiere aux occupants concernes dont les constructions devront etre demolies.
45
Loi n°2011-725 du 23 juin 2011 portant dispositions particulières relatives aux quartiers d'habitat informel et à la lutte contre l'habitat indigne dans les départements et régions d'outre-mer. 46 Instruction du Gouvernement du 6 février 2019 relative aux thèmes prioritaires d'actions en matière de prévention des risques naturels et hydrauliques pour 2019 à 2021 (NOR : TREP1901711J, texte non paru au journal officiel).
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Bien que les situations visees aient ete celles du risque imminent pour la vie humaine, la redaction de l'article introduisait aussi la notion de zones d'aleas forts. Au final, la version adoptee en commission mixte paritaire, plus synthetique, mais non denuee d'ambiguite, a ete votee telle quelle en seconde lecture, a savoir : « La cession du terrain à des personnes privées ne peut être effectuée lorsque la construction est située dans une zone exposée à un risque naturel grave et prévisible menaçant des vies humaines ». Ainsi, en rapportant la gravite au risque previsible et non plus a la seule menace aux vies humaines, la loi introduit, probablement sans que cela ait bien ete cerne, une confusion entre les situations qui relevent du fonds Barnier, et celles qui relevent des plans de prevention des risques. La derive ainsi introduite, en elargissant les cas d'incessibilite aux risques naturels graves, conduit aujourd'hui l'Ètat a opposer un refus de regularisation pour toutes les constructions des cinquante pas situees en zones rouges des PPR. Ceci elargit considerablement la quantite de ce qui, par assimilations successives, est designe comme devant faire l'objet de demolition. Rien qu'en Guadeloupe, cela representerait pour la seule bande des cinquante pas, 1 500 constructions, 2 000 si l'on tenait compte des aleas forts et tres forts (respectivement 250 et 1 100 en Martinique). Cette evaluation est sans compter le fait que les aleas pris en compte dans les PPR existants remontent aux annees 2000 et que les revisions qui s'ouvrent actuellement vont conduire a revoir a la hausse les aleas lies a des risques littoraux47. Mais il n'y aurait aucune raison de pratiquer differemment dans la reserve des cinquante pas et en dehors de cette zone, a niveau de risque equivalent. La totalite des zones rouges devrait alors etre concernee par cette necessite de demolition dans les departements antillais, mais aussi en France entiere. Or, il n'est pas dans la logique des PPR que l'ensemble des habitations situees en zones rouges doivent etre demolies.
Des travaux techniques non régulés en fonction d'une stratégie d'action publique
L'elargissement abusif de cette acception des habitations soumises a risque pour la vie humaine n'a malheureusement pas ete conjure en temps et en heure, ni en identifiant des 2011 les zones definies par la loi Letchimy, ni en validant au niveau central les methodologies que les acteurs locaux, face au probleme, ont tente de mettre en place. Èn effet, depuis quelques annees l'agence des cinquante pas de Guadeloupe, en lien avec la DÈAL, a conduit un travail de definition de ces zones, en mandatant le Bureau de recherches geologiques et minieres (BRGM). Le premier resultat sur quatre sites-test a conduit a poser une delimitation qui au final est plus large que les zones rouges des PPR actuels. L'examen plus precis des propositions du BRGM, dont la methodologie n'a pas a ce jour ete validee par la direction generale de la prevention des risques (DGPR) malgre les demandes recurrentes qui lui ont ete faites par les services deconcentres, revele plusieurs criteres qui sont discutables, non pas du point de vue de l'expertise du BRGM, mais du point de vue de la conception de la politique publique menee sur les cinquante pas. Ces criteres sont aussi le resultat du glissement introduit par la loi ADOM. Le BRGM se fonde en effet sur une analyse semantique qui le conduit a attacher desormais le caractere de gravite qui doit mener a la demolition au risque plutot qu'a la menace aux vies humaines.48
47
Ces révisions s'appuieront sur des travaux en cours commandés en particulier au BRGM, qui intègrent l'augmentation des phénomènes cycloniques observée depuis quelques années et anticipent sur les évolutions à venir. Elle se baseront également sur une approche cumulative des risques d'inondation par ruissellement et submersion marine, qui conduira à faire passer certains secteurs cumulant zone bleue inondation et zone bleue submersion en zone rouge. 48 Une analyse sémantique détaillée des deux notions a été réalisée par le BRGM, à 5 ans d'écart, dans deux rapports d'étude rédigés « dans le cadre des opérations de Service public » de cette agence : - Expertise des études d'aléas réalisées pour l'Agence des cinquante pas géométriques de Guadeloupe et applicabilité de la loi Letchimy - Rapport final - BRGM/RP-62204- FR - juillet 2015 ; - Présentation préliminaire de la méthodologie développée pour caractériser les zones présentant un Risque Naturel Grave et Prévisible Menaçant les Vies Humaines (RNGPMVH) - Rapport final BRGM/RP-69111-FR - Juillet 2019.
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Des lors, la methodologie qu'il propose en 2019 part des aleas forts et tres forts comme condition necessaire : les risques previsibles graves. Ainsi, et a titre d'illustration, des situations de chute de blocs ont ete indiquees a la mission comme menaçant gravement les vies humaines alors qu'elles se trouvent en zone d'alea moyen, et ne sont de ce fait pas prises en compte par la methodologie proposee. Èn outre, la houle cyclonique, alea fort et tres destructeur des constructions, quelle que soit la qualite du bati, est consideree dans cette methodologie comme irremediable pour les vies humaines, mais parce qu'il est considere que les personnes doivent etre protegees par leur construction pendant l'evenement, ce qui ne serait pas possible. Mais c'est sans compter qu'en cas de cyclone, personne ne reste chez soi car les puissances publiques et les solidarites sociales y veillent de tres pres. Ènfin, pour d'autres risques, comme mouvement de terrains ou inondation/submersion, la qualite du bati (fondations, presence d'un etage par exemple), est prise en compte, ce qui ne conduit plus a la notion de zones, mais a un semis de parcelles non regularisables au milieu d'autres qui le sont, non pas pour des raisons intrinseques mais par la bonne qualite du bati qu'elles accueillent. Ce qui, du point de vue de l'amenagement urbain, perd toute coherence. Il est en consequence urgent de valider une methode de designation des situations de menace grave pour les vies humaines, en revenant a la notion initiale posee dans la loi Letchimy, coherente avec celle du fonds Barnier, et clairement dissociee des PPR. Les habitations situees en bord de falaises sur la cote atlantique de la Basse Terre en Guadeloupe, de Petit Bourg a Capesterre, en sont des illustrations flagrantes, dont certaines sont deja en cours de traitement (cf. photos annexe 3 page 76). Independamment de cette question, la revision des PPR qui s'ouvre conduira surement a des zones majorees d'aleas forts et tres forts et se posera, a plus long terme, la question de la migration en arriere du littoral des urbanisations tres menacees par le changement climatique (cf. 3.4.2 infra).
2.3 Un cadre législatif, dérogatoire du droit commun métropolitain, et plus restrictif, faisant perdurer artificiellement une notion archaïque
2.3.1 Une loi « littoral » spécifique, hors du droit commun métropolitain
La loi « littoral » introduit deux types de dispositions specifiques ultra-marines dans son titre III intitule « Dispositions particulieres aux departements d'outre-mer ». Le premier registre consiste en une ecriture specifique des regles d'occupation des sols dans les communes littorales ultra-marines. L'esprit reste cependant le meme dans les grandes lignes, dans la logique de protection du littoral par les regles d'urbanisme. La specificite est surtout de s'appuyer sur la zone des cinquante pas geometriques pour instituer la bande littorale, au lieu des cent metres en metropole. Mais de surcroît, considerant selon toute vraisemblance que la capacite a « tenir » l'urbanisation par les seuls documents de planification urbaine aux abords d'un littoral particulierement convoite ne serait pas suffisamment operante, la loi « littoral » ajoute un autre registre de protection de la bande des cinquante pas : son incorporation dans le domaine public maritime (DPM). Èn effet, par son article 37, la loi stipule que « la zone comprise entre la limite du rivage de la mer et la limite supérieure de la zone dite des cinquante pas géométriques [...] fait partie du domaine public maritime ». Par ce second registre de specificite, la loi « littoral » introduit une veritable distorsion avec le droit metropolitain, cherchant ainsi a renforcer la protection du littoral par la domanialite publique, au-dela des regles de l'urbanisme.
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2.3.2 Les cinquante pas géométriques et le domaine public (maritime) : une longue (inco)errance
Le decret de 195549 avait integre la bande des cinquante pas dans le domaine prive de l'Ètat, faisant le constat de l'anachronisme du statut de cette zone, de l'extreme complexite du regime applicable « du fait, notamment, de nombreux empiétements commis par des particulières depuis deux siècles » et de la necessite de permettre un developpement economique, agricole et touristique dans ces departements decolonises. Extraits de l'exposé des motifs du décret n° 55-885 du 30 juin 1955 [...] La réserve domaniale, dite « zone des cinquante pas géométriques » [...], constituée par une bande de terrain d'une largeur de 81,20 m située en bordure du rivage de la mer, dépend du domaine public maritime. L'institution de la zone, qui remonte au début de l'établissement de la France dans les anciennes colonies, fut motivée principalement par les nécessités de la défense des côtes basée sur des conceptions depuis longtemps périmées. Son régime, extrêmement complexe du fait, notamment, des nombreux empiètements commis par des particuliers depuis plus de deux siècles, constitue de toute évidence un anachronisme. [...] Mais, dès l'instant qu'elle constitue juridiquement une dépendance du domaine public national, la réserve domaniale est inaliénable et imprescriptible. Sans doute, des décrets intervenus sous le régime colonial ont-ils dérogé à cette règle et autorisé, sous diverses conditions, l'aliénation de certaines de ses dépendances. Mais, bien qu'ils n'aient pas été abrogés explicitement, ces textes sont devenus pratiquement inapplicables, en raison des modifications intervenues dans le régime administratif des anciennes colonies transformées en départements. En fait, la réserve ne peut, actuellement, faire l'objet que d'autorisations d'occupation temporaire dont le caractère essentiellement précaire et révocable ne saurait permettre ni la création d'établissement industriels ou agricoles, ni l'édification de constructions. [...] Ces constations amènent à conclure que le statut actuel de la réserve constitue un obstacle certain au développement économique, agricole et touristique des départements d'outre-mer. Pour remédier à cette situation, il est indispensable, d'une part, de définir d'une façon précise l'étendue de la zone des cinquante pas géométriques et d'en prononcer le déclassement du domaine public, à l'exception toutefois des immeubles qui, par leur nature ou leur destination relèvent de cette domanialité publique à un autre titre (routes, ports, ouvrages de défense...), d'autre part, de fixer le nouveau régime auquel seront soumis les immeubles transférés dans le domaine privé de l'Etat. Le présent décret a pour objet de réaliser cette réforme. [...] La decision prise par ce decret en ce qui concerne la zone des cinquante pas, qui s'inscrit dans le ligne de l'application du droit metropolitain aux anciennes colonies devenues departements par la loi de 1946 50 et auxquelles ont ete appliquees les legislation et reglementation domaniales 51 , est d'une coherence absolue.
49
Décret n° 55-885 du 30 juin 1955 relatif à l'introduction dans les départements de la Guadeloupe, de la Guyane française, de la Martinique et de la Réunion, de la législation et de la réglementation métropolitaines concernant le domaine public maritime et l'exécution des travaux mixtes, et modifiant le statut de la zone dite « des cinquante pas géométriques » existant dans ces départements. 50 Loi du 19 mars 1946 tendant au classement, comme départements français, des colonies de la Guadeloupe, de la Guyane française, de la Martinique, de La Réunion. 51 Décrets n° 48-557 et 48-558 du 30 mars 1948, relatifs à l'introduction, dans lesdits départements, de la législation et de la réglementation domaniales.
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Integrant la caracteristique premiere du domaine public d'etre inalienable et imprescriptible, et constatant neanmoins, sous l'application de diverses dispositions en vigueur dans les colonies, les empietements et occupations commis par des particuliers depuis plus de deux siecles, le decret prend acte d'une situation « anachronique » relevant d'une « conception perimee »52. Trente ans plus tard, nonobstant cet argumentaire imparable et les cessions nouvelles operees tout au long de ces trois decennies en application des possibilites ouvertes par ces dispositions, la loi « littoral » reintroduit en 1986 l'anachronisme constate par le decret de 1955 et retablit l'ensemble des complexites et difficultes de gestion de ce domaine, en contradiction avec la vocation qui qualifie intrinsequement le domaine public : « [...] le domaine public d'une personne publique [...] est constitué des biens lui appartenant qui sont soit affectés à l'usage direct du public, soit affectés à un service public pourvu qu'en ce cas ils fassent l'objet d'un aménagement indispensable à l'exécution des missions de ce service public » en vertu du L2111-1 du CG3P. Les cinquante pas ne se pretaient aucunement a une telle vocation et faisaient deja l'objet d'occupations privatives massives. Cette decision, de conception metropolitaine peu soucieuse des realites ultramarines et a rebours d'une evolution raisonnee au moment de l'integration des colonies comme departements et de leur rattachement au droit metropolitain, a introduit d'insurmontables difficultes qui, plus de vingt ans plus tard, sont loin d'etre resolues, malgre la succession de lois et de rapports d'inspection et de controle. Ènfin, il est a relever que certaines dispositions, comme les clauses resolutoires prevues a l'article L5112-4 du CG3P en cas de non-realisation dans les dix ans des projets d'amenagement ayant justifie la cession gratuite aux communes, ou comme le droit de preemption specifique dans les dix ans qui suivent une cession par l'Ètat a un particulier instaure par l'article L5112-9 du meme CG3P (cf § 2.2.4 infra), font retour des biens vers les personnes ou etablissements publics, mais hors de leur domaine public : dans le domaine prive de l'Ètat dans le premier cas, dans celui de la commune ou de l'agence des cinquante pas dans le second, ce qui constitue une incoherence supplementaire.
2.4 Une mise en oeuvre de la loi de 1996 ayant atteint malgré tout certains résultats
2.4.1 La mission confiée aux agences au service de la régularisation, accomplie avec succès
La mission a souhaite dans un premier temps objectiver les resultats de la mise en oeuvre de la loi de 1996. Èlle a tente pour cela de rassembler les donnees quantifiees necessaires detenues par les agences et des DÈAL, ou de leur demander de les produire. Èlle n'a obtenu qu'un succes tres partiel malgre une veritable mobilisation des agences. Le tableau ci-dessous illustre ces difficultes a jauger les quantites en montrant des chiffres de mesure des cinquante pas, variables d'un acteur a l'autre, avec des convergences (vert) et des divergences (rouge).
52
Il convient malgré tout de noter que la possibilité de prescription acquisitive en application des dispositions du Code civil qu'ouvrait ce décret n'a de fait jamais été mise en oeuvre par défaut d'une décision ministérielle de délimitation que l'Etat n'a jamais prise.
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La mesure des superficies concernees apparaît plus stable que le denombrement des batis. L'approche exploree a la demande de la mission par le systeme d'information geographique (SIG) de la DÈAL de Martinique, en utilisant la « BD topo »53 de 2017 a l'avantage d'etre plus a jour mais ne distingue pas le type de bati en dur ou leger (terrasses, piscines, garages, abris de jardin...). Pour ce departement, il a en consequence ete prefere de s'en tenir au travail de l'agence des cinquante pas qui a consiste a mobiliser la base Èdigeo 2019 (donnees cadastrales numerisees) pour decompter les batis en dur. Èn Guadeloupe, les travaux de chiffrage de l'agence et de la DÈAL sont davantage convergents. Il est surtout a noter l'absence d'objectif commun au sein des services de l'Ètat et de ses operateurs de disposer d'une connaissance globale mesuree du territoire des cinquante pas par croisement des differents systemes de mesure ou d'information geographique lorsqu'ils existent. Ceci paraît etre une des consequences des difficultes de gestion en mode projet au sein des services de l'Ètat et des defauts de cooperation entre les services de l'Ètat et les agences, pourtant operateurs de l'Ètat mais non consideres veritablement comme tels. Ce phenomene est plus accentue en Guadeloupe qu'en Martinique. La mise en place de procedures d'echanges formalisees devrait permettre dans les deux cas de regler le probleme. Dans un deuxieme temps, la mission s'est attachee a apprecier les resultats obtenus en matiere de regularisation, en application de la loi de 1996. Les chiffres qui suivent, malgre leur apparente precision, ne sont pas exacts a l'unite, mais permettent, grace au travail important des agences a la demande de la mission, d'avoir une representation en ordre de grandeur des resultats obtenus.
53
Institut national de l'information géographique et forestière (IGN)
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Globalement, la regularisation s'approche de 65% a 80 % si l'on compte les decisions favorables en cours de paiement par les occupants, meme si le titre n'est pas encore delivre (cf. tableau ci-dessus). Èlle est de l'ordre de la moitie si l'on compte uniquement les titres publies. Mais il faut noter que 15% a 30% restent a ce jour sans titre dans une situation en quelque sorte bloquee puisque, soit l'occupant n'a pas effectue la demarche qui n'est pas obligatoire-, soit la regularisation n'est pas possible mais sans pour autant que la construction soit demolie-. Èn ce qui concerne la mission de regularisation des agences, il convient de rappeler que celles-ci ne sont en responsabilite reelle qu'en partie « amont », avant la reunion de commission interservices et la decision de l'Ètat. Dans la phase posterieure a cette derniere, leur role n'est par contre que celui de « boîte aux lettres » entre DRFiP, services prefectoraux et beneficiaires des cessions, les delais de cette phase etant principalement entre les mains de la DRFiP et des beneficiaires (cf. § 2.2.2 supra).
Sous cet angle, la mission a apprecie les resultats du travail accompli par les agences et constate qu'en proportion des batis potentiellement regularisables car anterieurs a 1995 et pour lesquelles une demande de regularisation a ete effectuee, les agences ont traite, jusqu'a la decision de l'Ètat, autour de 90 % des demandes (cf. tableau ci-dessus). Les agences ont donc a ce jour accompli leur mission au service de la regularisation, meme si le stock potentiel reste encore important en Guadeloupe : plus de 2 000 batis non traites mais pour lesquels aucune demande n'a ete deposee. L'horizon de vie des agences, qui, depuis qu'elles ont la mission de regularisation, a ete constamment limite, a conduit inevitablement a renoncer a relancer des campagnes actives de regularisation. Il est a noter que les avis defavorables a la regularisation sont principalement motives par un defaut d'eligibilite (bati edifie apres 1995, titre deja valide, etc.), par la localisation dans les zones rouges des PPR ou la non-compatibilite avec un programme de viabilisation54. Ainsi, en Martinique, sur les 501 refus, 162 relevent de la situation en zones rouges et 159 de l'incompatibilite avec un futur reseau de desserte. Èn Guadeloupe, cela represente respectivement 626 et 101 sur les 825 refus.
2.4.2 La mission d'équipement et d'amélioration, partagée entre les collectivités du bloc communal et les agences, très partiellement avancée
La mission s'est attachee egalement a jauger l'intervention des agences dans le champ de l'amenagement, en lien avec les besoins de viabilisation et d'equipement, ainsi que de traitement des quartiers insalubres (cf. nombreuses photos en annexe 3). Dans le cadre de leur mission principale initiale, les deux agences ont etabli des estimations en ordre de grandeur des couts d'intervention en equipement et amenagement sur les quartiers qui leur sont apparus prioritaires, puis elles y ont conduit des interventions dans une partie d'entre eux, ou en preparent. Ces estimations concernent deux tiers des batis en zone U & UD en Martinique, soit plus de 9 000 habitations, pour un cout d'equipement global de l'ordre de 200 M, et un tiers en Guadeloupe,
54
Les sursis à statuer étant quant à eux principalement fondés sur ce dernier motif de l'incompatibilité avec un futur réseau de desserte.
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approchant les 4 000 habitations et representant de l'ordre de 100 M. Dans les deux cas, les travaux deja realises par les agences s'approchent des 15 % de ces estimations (cf. tableau ci-dessous).
Ce chiffre peu eleve est la consequence directe des defauts de capacite a agir des agences, lies a leurs statuts, a leurs missions et aux conditions restrictives de leur exercice (cf. § 2.2.4 supra), notamment une duree de vie incompatible avec des operations qui demandent de l'ordre de dix ans ainsi que l'absence de pouvoir d'initiative. La mission a cependant constate, aussi bien en Martinique qu'en Guadeloupe, que les quartiers dont la viabilisation a ete effectuee, couplee a la regularisation, connaissent une veritable transformation qui permet ensuite aux habitants de regenerer leur bati et impulse ainsi une veritable dynamique de reinvestissement (cf. photos annexe 3 pages 68 a 73). Par ailleurs, les agences identifient que 20% a 25% du bati de ces zones relevent d'interventions de type RHI/RHS, au-dela des questions d'insalubrite collective rendant necessaires des programmes d'equipement. L'agence de Martinique intervient sur un certain nombre de RHI, ce qui n'est pas le cas de celle de Guadeloupe (cf. § 2.2.4 supra).
2.4.3 Une unanime reconnaissance du travail des agences et de l'implication de leurs salariés, malgré la grande précarité des conditions de leur intervention
A travers l'ensemble des entretiens qu'elle a menes sur place, la mission constate chez les partenaires des agences au sein des collectivites une reconnaissance unanime de leur travail, que ce soit du cote des maires qui conduisent avec elles des projets ou du cote des collectivites de niveau regional : la region de Guadeloupe et la collectivite territoriale de Martinique. Toutes ces collectivites rencontrees par la mission, et leurs elus en particulier, tiennent des propos tres positifs a l'egard des agences et de leurs personnels : « qualité de l'expertise », « compétences techniques », « équipes de personnels performants », « accumulation d'expérience opérationnelle » leur permettant de « discuter avec les occupants et préparer ainsi les projets d'aménagement ». Ils constatent que « la mission n'est pas terminée », mais que les agences sont des acteurs « repérés », « les compétences sont là », et qu'il convient de « valoriser leur savoir-faire ». Ils en deduisent qu'il est « important de ne pas changer d'interlocuteur [et que les agences] continuent leur mission », et affirment qu'il serait « absurde de réinventer de toute pièce une nouvelle administration ». Èn outre, tous les maires, ou leurs adjoints, rencontres par la mission, sans exception, saluent l'implication des agences dans la realisation de projets « importants pour la commune ». Mais au-dela de leur appreciation des competences mises en oeuvre, ils reconnaissent l'utilite de faire appel a un operateur « a-politique, qui travaille pour tout le monde » car n'etant relie a aucune collectivite en
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particulier. Ils constatent en effet l'importance des « rivalités entre les structures », « chacun pensant les choses de son côté » dans un contexte de « relations politiques très compliquées ». Ils affirment en consequence avoir besoin « d'organes coordonnateurs pour l'intérêt général » que sont les agences pour depasser ces difficultes et conduire des « projets plus complets et plus intégrés ».
2.4.4 Les grandes faiblesses locales de l'aménagement opérationnel
Le recent rapport du CGÈDD relatif a l'accession tres sociale dans les departements d'outre-mer constatait « la quasi-absence de stratégies [opérationnelles] d'aménagement visant à préparer un foncier doté d'une structure viaire et desservi par les réseaux et en conséquence prêt à recevoir les constructions. Celles-ci s'opèrent en fonction du parcellaire existant et des opportunités foncières. [...] La question des réseaux viaires, d'eau et d'assainissement ne se pose [le plus souvent] qu'a posteriori, une fois les constructions réalisées et occupées, avec toutes les difficultés induites, [comme] c'est aussi le cas aux Antilles où les questions d'insalubrité se posent à l'échelle de quartiers entiers. [...] Les logiques d'aménagement, sous forme d'opérations de résorption de l'habitat insalubre ou d'opérations d'aménagement, ZAC55 ou lotissements, ne sont pas au centre des préoccupations des municipalités. [...] Il en est de même pour les opérations programmées d'intervention sur l'habitat dans une approche globale. À titre d'exemple il n'y a qu'une seule ZAC et une seule OPAH56 en Guadeloupe. » Dans les cinquante pas geometriques, les constructions se sont historiquement concentrees de maniere informelle et la reorganisation a posteriori de ces tissus spontanes necessite un travail de « dentelle » pour faire passer les reseaux et resorber l'insalubrite des habitations. Les communes, et maintenant les etablissements publics de cooperation intercommunale (ÈPCI), en competence institutionnelle sur ces sujets, sont encore moins rompu(e)s a assurer la maîtrise d'ouvrage de ce type d'operations que d'operations plus classiques. Les amenageurs locaux, dont on constate deja le retrait des operations d'amenagement courantes, sont de la meme maniere peu enclins a s'engager dans ce genre de projets complexes. On peut noter a titre d'exemple que la RHI de Grand Baie a Gosier, en Guadeloupe, aura « epuise », depuis son demarrage en 2005, non seulement son premier amenageur, la SÈMAG 57 , mais egalement le second qui lui avait succede, la SÈMSAMAR 58 . La ville se retourne aujourd'hui vers l'agence pour reprendre la suite operationnelle dans le contexte du retour des terrains a l'Ètat, en application de la clause resolutoire de la cession initiale lorsque l'operation n'est pas realisee dans les dix ans. Èn Guadeloupe, les operations de RHI s'eternisent, voire s'eteignent, alors qu'il reste fort a faire. Bien que l'importance des enjeux d'amenagement soit fortement averee, la faiblesse de leur portage par les collectivites du bloc communal est encore renforcee par leur situation financiere de plus en plus critique dans ces deux departements d'outre-mer, reduisant au minimum leur participation financiere a ces operations. C'est ainsi par exemple que sur l'ensemble des projets d'equipement menes par l'agence de Guadeloupe, celle-ci en aura finance presque les trois quarts sur ses propres ressources. Par ailleurs, bien que la competence soit maintenant celle des ÈPCI, ces structures sont encore tres jeunes et sont loin de federer les communes sur des projets communs, celles-ci restant soucieuses de preserver leurs prerogatives pour la maîtrise de leur territoire, tout particulierement en Guadeloupe.
55 56
Zone d'aménagement concerté. Opération programmée d'amélioration de l'habitat. 57 Société d'économie mixte d'aménagement de la Guadeloupe. 58 Société d'économie mixte de Saint-Martin.
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3 Une indispensable période de transition dans la perspective d'une abolition des cinquante pas aux Antilles
3.1 Administrer la préparation du transfert
La loi ADOM avait prevu cinq annees pour la mise en oeuvre du transfert. Differents travaux preparatoires ont permis de mieux cerner les difficultes - documents strategiques d'amenagement, meme non adoptes ; lettre du prefet de Guadeloupe du 9 avril 2018 (cf. § 2.1.3 supra) ; analyse conjointe effectuee par la DÈAL et la collectivite territoriale de Martinique des besoins d'actualisation du zonage U & UD versus N ; analyse effectuee par l'ONF de Martinique (cf. § 3.1.1 infra) -, mais sans pour autant proposer de solutions de resolution. L'enchainement prevu par la loi des etapes et decisions concretes menant au transfert n'est a ce jour pas entame. Il convient donc de se donner a compter d'aujourd'hui le temps necessaire pour y parvenir, que la mission estime a plusieurs annees, afin d'administrer de maniere efficace cette periode de transition.
3.1.1 Délimiter la partie à vocation urbaine des cinquante pas par déduction des espaces naturels à protéger, en organisant les moyens de leur protection
L'article L5112-1 du CG3P stipule que « l'Etat délimite par décret en Conseil d'Etat, au plus tard le 1er janvier 2019, après avis des collectivités territoriales ou de leurs groupements, à l'intérieur de la zone des cinquante pas géométriques, d'une part, les espaces urbains et les secteurs occupés par une urbanisation diffuse, d'autre part, les espaces naturels ». Le meme article precise que « cette délimitation prend en compte l'état d'occupation du sol [...] ».
Délimiter les zones U et UD à partir de l'enjeu de protection durable des zones naturelles
Avant meme la loi ADOM, la mission IGA-CGÈDD de 2013 insistait sur l'enjeux de preservation du littoral et de l'ecosysteme antillais, en constatant le role majeur joue par le Conservatoire du littoral et l'ONF et recommandait « qu'un décret en Conseil d'Etat fixe le périmètre transférable en excluant les espaces naturels, les coupures d'urbanisation [...] » et considerait pour cela que « la cartographie des espaces naturels devra être revue afin de correspondre pleinement à la réalité humaine et écologique ». La presente mission confirme que les arretes de delimitation pris par l'autorite prefectorale au debut des annees 2000 en application de la loi de 1996 meritent une revision59, au regard : de l'evolution des tissus batis, et notamment des noyaux qui se sont constitues dans certains espaces naturels ; de l'importance que revet en 2020 la question de la preservation ecologique et de la biodiversite.
Contrairement a la Martinique, ou le Conservatoire du littoral n'a pas souhaite recuperer les zones baties bien que classees N par l'arrete prefectoral, l'integration des cinquante pas en application de la loi de 1996 dans le domaine du Conservatoire en Guadeloupe a fait entrer dans son perimetre un ensemble non negligeable d'occupations illicites, dont 230 habitations. Le Conservatoire met en place depuis 2015 une strategie de reconquete visant a une demolition, en developpant sensibilisation,
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Des révisions ont été effectuées depuis ces arrêtés initiaux pris au début des années 2000 (y compris postérieurement à la promulgation de la loi ADOM qui a renvoyé en 2015 les modifications à un décret en Conseil d'Etat), mais ces révisions ont été faites à l'initiative et sur demande de quelques communes, et ne couvrent qu'une part minoritaire des cinquante pas.
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negociation et accord amiable, ou, a defaut, mise en demeure, proces-verbal de grande voirie, decision judiciaire de demolition et demolition. Actuellement, 70 % des situations sont re glees par la negociation. Des demolitions ont deja ete operees.
Source : Conservatoire du littoral de Guadeloupe ; rapport d'activité - bilan 2017-2018 et perspectives 2019
Du cote de l'ONF, en Martinique, l'Office exerce une surveillance tres reguliere (tournee en helicoptere une fois par mois) et intervient au titre de la preservation des bois pour detruire immediatement tout debut de travaux. L'Office a « herite » au moment de l'incorporation des zones des cinquante pas au sein de la foret du littoral (FDL) de certaines occupations « historiques », qui font l'objet de concessions aux termes d'un accord passe en 2014 entre l'Office et l'Union des associations du littoral de la Martinique. Selon cet accord, pour les constructions plus « récentes », considerees comme ayant ete edifiees « illégalement en toute connaissance de cause [...], la règle générale est l'expulsion et la démolition. » La difficulte a laquelle est confrontee l'ONF dans les deux departements antillais, dans sa capacite a poursuivre son action de protection de la FDL, tient aux objectifs poses par le niveau central de l'ONF de viser a l'equilibre financier des delegations d'outre-mer, alors que le modele economique generique de financement par la vente des bois ne fonctionne pas aux Antilles. La mission considere neanmoins que, dans le but de proteger ces espaces naturels, la delimitation doit etre arretee de maniere a ce qu'a l'issue de l'exercice, l'ensemble des zones naturelles soit affecte, soit au Conservatoire du littoral, soit a l'ONF dans le cadre du regime forestier de la foret du littoral. Ces deux operateurs de l'Ètat, malgre des moyens resserres, sont en effet en capacite d'organiser l'animation, la pedagogie et la police necessaires a la preservation du domaine. A l'inverse, les secteurs actuellement classes naturels de la zone des cinquante pas et places sous la responsabilite directe de l'Ètat, via la DÈAL, ne peuvent pas etre correctement surveilles, par manque de moyens. Ce travail de delimitation et d'affectation des espaces naturels a un gestionnaire dedie, Conservatoire du littoral ou ONF, portera egalement sur les terrains exondes en application du L5112-2 du CG3P. Èn Guadeloupe, les cartographies de delimitation des zones U, UD et N par les arretes prefectoraux revelent des interferences avec un « domaine public lacustre », au statut non stabilise d'apres les services de l'Ètat. A l'occasion de ces travaux de delimitation prealables a la prise du decret en Conseil d'Ètat, le statut et la geographie de ces terrains devront etre elucides et leur classement arrete dans les categories adequates.
Mettre en place un travail en mode projet au sein des services de l'Etat et de ses opérateurs
Le travail de repartition des cinquante pas entre zones naturelles et zones urbaines doit en consequence etre effectue en lien etroit avec ces deux operateurs. Le directeur de l'ONF de Martinique, dans un premier courrier du 4 mai 2018 a l'attention du directeur de la DÈAL, constatait que « ce
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transfert est l'occasion de retrouver des zonages cohérents avec la réalité de terrain et de gestion. [Notre] analyse rapide du foncier de la zone des cinquante pas a ainsi permis d'identifier plusieurs cas de figure : des parcelles U et UD situées en FDL qui pourrait faire l'objet d'une distraction (18 ha) ; des parcelles U et UD situées en FDL qui pourraient l'objet d'un reclassement en N (13 ha) ; des parcelles U et UD contenant des zones naturelles qui mériteraient d'être classées N (44 ha) ; des parcelles N non situées en FDL qui le mériteraient (180 ha) ; des parcelles privées qui pourraient faire l'objet d'une acquisition par le Conservatoire du littoral (environ 30 ha). »
Dans un second courrier du 28 decembre 2018, il completait en constatant « les difficultés concernant les bases de données cadastrales » et faisait une proposition de travail collectif au sein de l'Ètat : « Il est indispensable et urgent de clarifier la notion de propriété sur le littoral et d'assurer son opposabilité aux tiers. La mise en place d'un projet porté par la DRFiP avec le soutien des acteurs du foncier, dont nous faisons partie, me semble être la meilleure solution. Un début pourrait être un travail collectif, peut être sous l'égide du SGAR, afin de clarifier les enjeux et les procédures et définir les rôles de chacun. » La mission soutient ces propositions de travail en mode projet au sein de l'Ètat qui lui parait tout a fait indispensable en l'espece, le systeme d'acteurs etant tres compartimente et cloisonne, comme elle a pu le constater dans ces departements d'outre-mer. Au sein des services de l'Ètat, la cooperation est cependant d'autant plus bridee que ceux-ci sont confrontes a des difficultes particulieres, avec tres peu de moyens pour y repondre, mais l'appui sur les operateurs de l'Ètat (Conservatoire, ONF et agences) et leurs outils, permettra une meilleure efficacite. Ce travail de clarification au sein de l'Ètat et de ses operateurs devrait egalement etre partage avec les collectivites, en veillant a associer les occupants selon des modes a definir. Recommandation 1. Délimiter les parties urbaines à partir d'une stratégie de protection des écosystèmes antillais, en affectant en totalité les zones naturelles des cinquante pas au Conservatoire du littoral et des rivages lacustres et à l'Office national des forêts. Organiser pour cela au sein de l'Etat et de ses opérateurs (ONF, Conservatoire, Agences des cinquante pas) un travail coopératif en mode projet. Veiller à ce que le Conservatoire et l'ONF continuent de disposer des moyens leur permettant d'assurer leurs fonctions d'animation, conservation et protection de ces zones naturelles.
3.1.2 Définir la consistance du DPM résiduel des zones urbaines en vérifiant, à la parcelle, l'absence de titre de propriété recevable
Une fois les zones U et UD delimitees, il sera indispensable de definir precisement la consistance du transfert de propriete prevu par la loi. Èn effet, seules les parcelles non titrees, c'est-a-dire pour lesquelles aucun titre de propriete ne pourra valablement etre oppose, feront l'objet du transfert. Ceci suppose un examen a la parcelle, sur l'ensemble de ces zones U et UD. Ce travail de verification n'est pas entame aujourd'hui. Une fois le contour des zones U et UD arrete, il pourra etre finalise. Èn Guadeloupe, la DRFiP precise que cela mobilisera au minimum un equivalent temps plein sur une annee entiere. Èlle precise en outre qu'elle n'en dispose aucunement dans l'etat actuel du resserrement de ses effectifs.
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Recommandation 2. Définir la consistance parcellaire des terrains des zones urbaines et d'urbanisation future à transférer. Mandater, en lien avec la direction de l'immobilier de l'Etat, les DRFiP pour procéder dans les délais à la vérification des terrains domaniaux éligibles au transfert.
3.1.3 Traiter les habitations soumises à un risque imminent pour les personnes
Derniere dimension qui conditionne tres directement le transfert : le traitement des constructions situees dans des zones soumises a un risque menaçant gravement les vies humaines. De maniere convergente, la region Guadeloupe et la collectivite territoriale de Martinique posent en effet comme prealable au transfert des cinquante pas que l'Ètat soustraie aux perimetres transferes ces zones representant un nombre tres eleve d'habitations qui seraient a demolir et a reconstruire ailleurs en contradiction frontale avec toute acceptabilite sociale (cf. chapitre 1). Le transfert est donc bloque, politiquement, et meme techniquement puisque la loi ne prevoit pas cette exclusion, ce que ces collectivites ne peuvent tout a fait ignorer. Comme il a ete developpe supra (cf. § 2.2.5), il est imperatif aujourd'hui de distinguer rigoureusement les situations qui relevent de l'urgence absolue pour les vies des personnes, de celles bien plus importantes numeriquement qui relevent d'un dispositif de protection des biens et des personnes par les servitudes de prevention contre les risques naturels. Èn d'autres termes, il convient de distinguer les situations a traiter dans le cadre du fonds Barnier, article L561-1 et suivants du code de l'environnement, de celles qui relevent des PPR, articles L562-1 et suivants du meme code. Ainsi, il appartient maintenant a l'Ètat, en lien avec les collectivites, comme la loi Letchimy de 2011 en faisait l'obligation, d'identifier dans les meilleurs delais l'ensemble de ces habitations dont la situation constitue un risque imminent pour la vie des habitants. Ces situations sont de l'ordre de plusieurs dizaines, voire de la centaine, mais ne sont pas du tout a l'echelle du millier comme le sont celles situees dans les zones rouges des PPR au sein des cinquante pas. L'identification doit s'accompagner de la mise sur pied par l'Ètat d'un programme operationnel de relogement et demolition par des operations d'amenagement ad hoc. Il est essentiel que ces operations soient menees de maniere efficace et tenue dans les temps. L'experience montre en effet des delais de realisation excessivement longs 60. Outre la difficulte intrinseque de telles operations, compte tenu de l'ancrage affectif et symbolique des familles a leurs lieux d'habitation, meme soumis a des risques averes, la difficulte a livrer rapidement de telles operations tient non seulement au defaut de capacite operationnelle d'amenagement mais aussi au type de solution la plus couramment retenue pour le relogement, en logement locatif social et en dehors du quartier. Il est essentiel en effet pour les occupants de pouvoir beneficier de solutions de remplacement dans des conditions d'usage et financiere de meme ordre de celles dont ils auraient beneficie dans une regularisation « courante ». C'est bien parce que les solutions proposees par l'amenageur ne remplissaient pas ces principes que l'operation de Grand Baie au Gosier en Guadeloupe a echoue (cf. § 2.4.4). Concretement, ceci suppose un terrain de relogement, en pleine propriete, situe dans le quartier ou dans sa proximite immediate et une construction en accession tres sociale, voir en auto-construction encadree. Ce programme de relogement des populations soumises a un risque naturel menaçant gravement les vies humaines devra faire l'objet, a la hauteur de ces besoins d'urgence, d'un financement assure dans le cadre du fonds Barnier et de programmes d'accession tres sociale. L'Ètat s'appuiera en outre sur ses
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A titre d'exemple, l'opération de relogement démolition du quartier Bovis à Petit Bourg en Guadeloupe est en cours depuis plus de dix ans et n'est pas achevée. L'agence n'en était pas l'opérateur.
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operateurs que sont les agences pour le conduire. Il conviendra en particulier que celles-ci soient renforcees en tant que maître d'ouvrage et qu'elles disposent d'un horizon temporel de dix ans indispensable a la conduite de ces operations (cf. § 3.2.3 infra). Èlles devront egalement etre directement beneficiaires des financements du fonds Barnier. La mission rejoint les propositions de la mission IGA-CGÈDD de 2013 qui recommandait de « privilégier dans le plan de charge des agences, les travaux d'aménagement permettant de réduire le périmètre des zones à risque. A cette fin, elles doivent pouvoir mobiliser le fonds Barnier ». Èlle souscrit egalement a celle de la Cour des comptes en 2015 : « fixer aux agences comme priorité le traitement des zones à risque, en les rendant éligibles au fonds Barnier ». Correlativement au traitement de ces situations de risque imminent pour les personnes, et en dehors de ces situations, les avis defavorables a la regularisation pris au motif de la localisation dans la zone rouge du PPR devront faire l'objet d'une nouvelle instruction61. Recommandation 3. Identifier sans délai les secteurs de menaces graves pour des vies humaines et mettre en place un programme d'opérations de démolition des habitations correspondantes et de relogement de leurs habitants dans des conditions équivalentes, financé dans le cadre du fonds Barnier. Concevoir ces opérations dans le quartier ou à proximité immédiate et en accession très sociale avec un coût du foncier analogue à celui de la régularisation. Rendre les agences des cinquante pas, qui en seront les opérateurs, directement bénéficiaires des financements du fonds Barnier. Ré-instruire les demandes de régularisation des occupations situées en zones rouges des PPR et non concernées par ce programme.
3.2 Rénover et libérer l'action opérationnelle de terrain pendant la période de transition
Pendant que s'operent les travaux preparatoires au transfert, les interventions et operations sur les cinquante pas ont vocation a se poursuivre. Il serait legitime que, pendant cette periode, un ensemble de dispositions puissent etre prises pour ameliorer et faire progresser l'efficacite de l'action publique. Les propositions de la mission visent a retrouver un caractere tres operatoire aux dispositifs de gestion de la zone des cinquante pas avant le transfert pour permettre autant que possible de « sortir du cercle de l'impuissance », comme l'evoquait ainsi un des acteurs qu'elle a auditionnes.
3.2.1 Accélérer et faciliter la régularisation
Pendant la periode de transition, la gestion de la regularisation au sein de la bande des cinquante pas doit necessairement se poursuivre sous l'egide des agences dont la mission doit automatiquement perdurer jusqu'a l'effectivite du transfert. La mission propose differentes voies pour faciliter les regularisations et resorber autant que possible le stock d'occupations sans titre avant le transfert.
Ouvrir la possibilité de cession gratuite
Comme cela a deja ete evoque, les ressources des menages installes sur la zone des cinquante pas sont le plus souvent faibles, voire tres faibles, et le prix de la cession peut leur apparaître redhibitoire pour formuler une demande la regularisation. Les delais de paiement du prix peuvent egalement etre tres longs comme evoque precedemment (nombreux mois, voire plusieurs annees ; cf. § 2.2.2 supra).
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Soit 162 sur les 501 avis défavorables en Martinique et 626 sur les 825 en Guadeloupe (cf. § 2.4.1 supra).
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La mission propose en consequence d'ouvrir la possibilite d'une cession gratuite. La possibilite en a deja ete ouverte en Guyane par l'article L5144-1 a 3 du CG3P pour la cession des fonciers de l'Ètat. Le principe d'une cession gratuite, applicable en Guyane, peut l'etre de la meme maniere aux Antilles. La mission IGA-CGÈDD de 2013 le recommandait deja : « céder à titre gratuit à tous les occupants qui répondent à des critères de ressources ». Dans son article 3, la loi de 1996 avait prevu que les cessions des terrains accueillant des constructions a usage d'habitation fassent « l'objet d'une aide exceptionnelle de l'Etat lorsque les personnes qui demandent à en bénéficier remplissent des conditions de ressources [...] ». Le decret definissant ces modalites62 devrait alors etre modifie pour installer une decote a 100 %. La mission propose de prevoir une condition de ressources : les menages eligibles a cette decote seraient ceux dont le revenu les situe dans les trois premiers quartiles63. La mission considere en outre que cette disposition de gratuite devrait etre reservee aux residences principales. Il conviendrait egalement, dans cette logique, d'appliquer ce meme principe a toutes les regularisations ayant reçu un avis favorable de l'Ètat, et notamment celles pour lesquelles le reglement du prix n'est pas encore acheve. Celui-ci serait alors interrompu definitivement et la cession immediatement prononcee par acte. La pauvrete des populations a conduit egalement les agences a prendre en charge les frais de geometres. Pour celles qui releveront de la decote a 100 %, les agences poursuivront cette prise en charge. Ènfin, un des freins a la regularisation, outre le prix a payer, reside egalement dans le fait que bon nombre d'occupants considerent que le terrain leur « appartient », non seulement en fonction des valeurs sociales evoquees au chapitre 1, mais aussi parce qu'ils sont soumis au paiement de la taxe fonciere. Certains acteurs evoquent que 80 % sont ainsi recouvres sur les cinquante pas et qu'un tiers du produit fiscal concerne des occupations sans titre, ce qui n'est pas legal. L'acceleration des regularisations induites par la gratuite permettrait alors de recouvrer les taxes foncieres et d'alimenter les ressources des collectivites publiques en toute legalite. La necessite de mettre en place une parade a la speculation qui a pu etre constatee dans certains cas apres une cession avantageuse par l'Ètat, est reelle. Èlle pourrait etre traitee par l'application d'un bareme d'imposition de la plus-value comme le recommandait le rapport de 2013 precite : « Prévoir des conditions de reversement du prix du terrain en cas de revente ultérieure » sous forme de recuperation partielle des plus-values.
Définir le critère d'éligibilité à la régularisation en fonction de l'âge du bâti et non plus par référence à la date du 1er janvier 1995
Èn ce qui concerne l'anteriorite de la construction pour pouvoir pretendre a la regularisation, la loi de 1996 fixait le 1er janvier 1995, soit dorenavant 25 ans au minimum d'anciennete alors que, de fait, de nouvelles constructions ont ete edifiees depuis cette date 64 . Or, comme le mettait en evidence la mission IGA-CGÈDD de 2013, « [...] la loi Letchimy de 2011 indemnise les occupants sans droit ni titre justifiant d'une occupation [...] continue [...] depuis plus de dix ans dont la maison d'habitation ou le local
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Décret n° 2000-1188 du 30 novembre 2000 relatif à l'aide exceptionnelle de l'Etat instituée par l'article 3 de la loi n° 961241 du 30 décembre 1996. 63 Soit un revenu par ménage ne dépassant pas 3 500 en Martinique et 3 250 en Guadeloupe (référence : enquête nationale logement de 2013). 64 De l'ordre de 1300 en Martinique et moins de 200 en Guadeloupe (cf. tableau § 2.3.1 supra).
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professionnel est destiné à être démoli à la suite d'une opération d'aménagement, d'équipement public ou dans une zone exposée à un risque naturel prévisible menaçant gravement des vies humaines. » La mission fait sienne la recommandation formulee par cette precedente mission « d'aligner les délais pour prétendre à la régularisation sur ceux de la loi Letchimy ». Ainsi, les constructions regularisables seraient toutes celles edifiees au moins dix ans avant la demande de regularisation.
Inciter à la demande de régularisation
Si la mise en place de la gratuite rendrait plus attractive la demarche de formuler une demande, il n'en reste pas moins que la regularisation reste subordonnee a l'expression d'une demande par les occupants. A defaut d'obligation, qui du reste risquerait d'etre difficile a faire appliquer, il pourrait etre recouvre d'office une redevance pour occupation aupres des occupants sans titre n'ayant pas depose une demande de regularisation, comme plusieurs missions d'inspection et de controle l'ont recommande (cf. § 2.2.3 supra). Tout comme l'ONF, l'agence, egalement ÈPIC de l'Ètat dote d'un comptable public, pourrait elle-meme notifier la mise en recouvrement de cette redevance aupres des particuliers. Il s'agirait alors de fixer un bareme de redevance suffisamment eleve pour inciter a la demande de regularisation. Celui-ci pourrait etre fixe d'un commun accord avec la DRFiP et applique directement par l'agence. Èn outre, comme les redevances d'occupation des cinquante pas sont parties integrantes des ressources financieres des agences, leur perception directe apres recouvrement par leur soin eviterait des allers et retours avec les DRFiP65.
Simplifier le circuit de régularisation postérieur à la décision favorable
Actuellement, la DRFiP intervient trois fois dans la phase posterieure a la decision favorable de regularisation : pour l'estimation financiere de l'offre de cession, pour la mise en recouvrement une fois l'offre acceptee et pour l'acte de cession une fois le paiement total effectue. Tout d'abord, comme evoque precedemment (cf. § 2.2.2 supra) les actes de cession ne sont deja pas rediges par les personnels de la DRFiP, mais par des agents salaries de l'agence et remuneres par elle, mis a disposition de la DRFiP. Èn outre, dans les cas tres majoritaires ou la cession se ferait a titre gratuit, l'evaluation deviendrait plus formelle et elle pourrait etre effectuee par l'agence directement sur le bareme deja etabli et pratique par la DRFiP. La mission propose en consequence, afin de simplifier et de raccourcir les delais de regularisation, que les DRFiP deleguent leurs responsabilites domaniales d'evaluation et de redaction des actes administratifs de cession aux agences, en tant qu'etablissements publics de l'Ètat. Cette proposition permettrait ainsi de donner aux agences un role complet de « guichet unique » tout au long du processus de regularisation. Ènfin, l'acceleration des cessions attendue de ces differentes voies de facilitation va venir augmenter le flux des decoupages cadastraux. Il conviendra, afin d'eviter le blocage des divisions successives de grandes parcelles domaniales que le service de la publicite fonciere traite en temps reel les « numerotations cadastrales sans mutation » necessaires a l'etablissement des documents d'arpentage.
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La responsabilité des décisions d'AOT devraient également leur être déléguée, ainsi que leur mise en recouvrement, ce qui éviterait la complexité, voire l'impossibilité, d'honorer le retour financier vers les agences lorsque ce sont les DRFIP qui en gardent la responsabilité.
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Aujourd'hui, elles sont traitees, comme les actes de mutation, dans l'ordre d'arrivee au service de la publicite fonciere, dans un delai qui est d'environ 300 jours.
Doter les agences d'un pouvoir de police
Des lors que les conditions de regularisation seraient facilitees pour les occupants, la legitimite de la puissance publique a faire respecter la propriete du domaine serait plus acceptable, si une police attentive et de proximite etait exercee. De par leur presence sur le terrain, les agences seraient le mieux a meme de l'exercer. C'est pourquoi il serait utile et necessaire de les doter du pouvoir de police. Une voie similaire aux competences de garderie du domaine conferees au conservatoire du littoral et des rivages lacustres pourrait etre mise en place par la loi en prevoyant le commissionnement des agents des agences dans des termes analogues66. Èn outre, les dispositions specifiques introduites par la loi ÈNÈ (article 32) au L2133-1 du CG3P pour exercer une police du domaine en temps reel sur les cinquante pas pourraient reellement etre pratiquees : « Les installations ou les constructions non autorisées en cours de réalisation sur la zone des cinquante pas géométriques peuvent, sur autorisation administrative et après établissement d'un procès-verbal constatant l'état des lieux, faire l'objet d'une saisie des matériaux de construction en vue de leur destruction. » Toutefois, la mission alerte sur la necessite d'un exercice raisonne de ce pouvoir de police. Celui-ci devra etre exerce avec un maximum de parcimonie et de discernement, sous peine de mettre a mal le role essentiel de soutien aux habitants que developpent les agences, tant dans les processus de regularisation que d'amelioration de leurs conditions de vie a travers les operations d'amenagement. Ce pouvoir devra etre exerce comme un outil de pedagogie au service de l'egalite de traitement parmi les occupants de la zone des cinquante pas, entre ceux qui s'inscrivent dans la rationalisation progressive de la situation et ceux qui cherchent plutot a s'en abstraire. ***** L'ensemble des conditions de facilitation des regularisations que propose la mission permettra ainsi d'approcher au mieux le titrement global des cinquante pas avant le transfert. Un fois ce dernier prononce, l'achevement definitif des regularisations pourra, le cas echeant, etre repris par les ÈPF locaux, a l'initiative des collectivites. Pendant la periode transitoire, les agences devront poursuivre leur mission de regularisation fonciere grace aux recettes de la taxe speciale d'equipement (TSÈ), des retours de cessions ainsi que des redevances d'occupation.
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Le L322-10-4 du Code de l'environnement stipule que « Sans préjudice des sanctions pénales encourues, toute atteinte à l'intégrité et à la conservation du domaine public relevant du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres, ou de nature à compromettre son usage, constitue une contravention de grande voirie constatée, réprimée et poursuivie par voie administrative. Elle est constatée par les agents visés à l'article L. 322-10-1 [gardes du littoral], sans préjudice des compétences des officiers et agents de police judiciaire et des autres agents spécialement habilités. [...] Le directeur du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres et, sur délégation, les délégués des rivages du conservatoire, ont compétence pour saisir le tribunal administratif, dans les conditions et suivant les procédures prévues par le code de justice administrative. » Le L322-10-1 et les articles réglementaires correspondants du même Code organisent les conditions de commissionnement des gardes du littoral.
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Recommandation 4. Accélérer et faciliter la régularisation en prévoyant la cession gratuite aux occupants dont le revenu les situe dans les trois premiers quartiles de revenus des ménages, dès lors qu'il s'agit de leur résidence principale. Organiser une récupération de plus-value dégressive avec le temps en cas de vente gratuite par l'Etat. Rendre éligible à la régularisation les constructions de plus de dix ans à la date de la demande. Recouvrer d'office une redevance d'occupation en cas d'absence de demande de régularisation. Instaurer les agences comme guichet unique y compris dans la phase postérieure à l'avis favorable de l'Etat par délégation des responsabilités des DRFiP en matière de gestion du domaine, leur conférer le pouvoir de police et prolonger leur mission de régularisation jusqu'au transfert.
3.2.2 Traiter le relogement des occupants des constructions non régularisables situées sur les tracés des voiries et réseaux nécessaires à l'équipement des quartiers informels
Les chiffres d'avancement des programmes d'equipement montrent que seulement 15 % sont realises et 10 a 20 % a l'etude ou en cours (cf. § 2.3.2 supra). Si l'on compte de maniere large, cela signifie que seulement un quart des habitations presentant un defaut d'equipement collectif de voirie et reseaux recense par les agences est ou va etre prochainement desservi. Parallelement, un peu plus de 200 demandes ont fait respectivement en Martinique et en Guadeloupe l'objet d'un refus ou d'un sursis a statuer au motif de la non-compatibilite avec un programme d'equipement a venir (cf. § 2.4.1 supra), sur les 4 350 et 2 850 regularisations effectuees ou en cours de paiement (cf. § 2.3.1 supra). Ainsi, la mission constate que seulement 5 % des demandes ont ete refusees ou suspendues au motif de la necessite de reserver le passage des reseaux devant equiper le quartier. S'il est effectivement plus satisfaisant de coupler equipement et regularisation, il n'en demeure pas moins que la lenteur de realisation des programmes d'equipement du fait du rythme des collectivites conduit a laisser pendant de tres longues annees les occupants dans une situation irreguliere, sans qu'ils aient les moyens d'agir en tant que proprietaires, en beneficiant le cas echeant des aides publiques en matiere d'accession tres sociale. Sur la base de ces constats, la mission considere qu'il est necessaire d'apporter une reponse operationnelle a ces familles dans des operations de relogement respectant les memes principes de conception que pour le relogement des habitations situees dans les zones de menace grave pour les vies humaines (cf. § 3.1.3). Ceci suppose, qu'a l'initiative des agences, soient developpees les operations d'amenagement et d'accession tres sociales necessaires. La gratuite de la regularisation proposee par la mission (cf. § 3.2.1 precedent), qui devrait egalement s'appliquer au foncier dedie a ces operations de relogement en ce qui concerne le cout du foncier, ce qui serait plus favorable tant pour l'acceptation sociale que pour la faisabilite du montage economique. Èn consequence, l'instruction des dossiers ayant reçu un avis defavorable, ou surtout un sursis a statuer, en raison de l'incompatibilite avec de futurs reseaux, devra etre reprise de façon a determiner precisement les operations de relogement a initier et a mettre en route la regularisation de celles qui pourront l'etre. Èn outre, afin d'assurer la realisation de futurs programmes d'equipement dans des voies conformes aux normes de droit commun, il convient d'instituer des emplacements reserves dans les documents d'urbanisme. Mais ceci suppose correlativement que s'installe une veritable police de l'occupation (cf. § 3.2.1 precedent) en meme temps que l'acceptation par le corps social.
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Recommandation 5. Monter et réaliser, à l'initiative des agences, les opérations de relogement des occupants des habitations non régularisables car situées sur l'emprise des voiries et réseaux nécessaires à la desserte des quartiers informels. Concevoir ces opérations dans les mêmes conditions que le relogement des habitations soumises à menace grave pour les vies humaines. Ré-instruire les demandes de régularisations ayant fait l'objet d'un sursis à statuer au motif de l'incompatibilité avec un futur programme d'équipement.
3.2.3 Donner aux agences d'aménagement
une
véritable
capacité
opérationnelle
Pendant la periode de transition, les agences ont vocation a poursuivre les operations engagees d'equipement, voire de RHI, et a conduire les projets de relocalisation des habitations situees dans des zones de menace grave pour les vies humaines (cf. § 3.1.3 supra) et sur l'emprise des futurs voiries et reseaux (cf. § 3.2.2 supra). Pour cela, elles ont besoin que leur capacite institutionnelle d'intervention soit renforcee.
Garantir aux agences un horizon temporel de dix ans pour mener les opérations de relogement/démolition et leur permettre d'agir en dehors de la zone des cinquante pas stricto sensu
Les agences des cinquante pas ont besoin en premier lieu d'un horizon de temps leur permettant de finaliser ces projets d'intervention, necessairement longs (10 a 15 ans). A cet egard, la loi LODÈOM de 2009, leur octroyant une duree de vie de cinq ans renouvelables deux fois, etait la seule prevoir une perspective d'action coherente avec les operations a conduire. La mission propose de prolonger la duree de vie des agences de dix ans pour qu'elle puisse assumer ces fonctions d'amenageur. Èn tout etat de cause, la mission de regularisation a conduire par les agences s'achevera quant a elle naturellement au moment du transfert. Èn deuxieme lieu, conformement au constat expose precedemment (cf. § 2.2.4 supra), il convient de permettre aux agences d'agir au-dela de la bande des cinquante pas, tout particulierement lorsqu'elles ont a traiter des situations de relogement, par exemple des personnes dont la vie est menacee par des risques naturels. Une possibilite leur avait ete ouverte par la loi ÈNÈ de 2010, mais de maniere tres parcimonieuse, « à titre exceptionnel, après autorisation du représentant de l'Etat [...] dans les zones immédiatement contiguës ». La mission propose d'aller au-dela, en etendant le perimetre de competence des agences aux communes littorales lorsqu'elles conduisent des operations s'etendant au moins en partie a la zone des cinquante pas. Cette extension concernerait leur mission d'amenagement, la mission de regularisation des occupations sans titres continuant quant a elle a etre conduite dans les seules zones U et UD de la zone des cinquante pas.
Donner aux agences les moyens d'une maîtrise d'ouvrage opérationnelle directe dans un cadre de gouvernance partagée entre l'Etat et les collectivités
Èn troisieme lieu, il s'agit de donner aux agences la faculte d'initier et de conduire en compte propre des actions d'amenagement. Cette capacite de maîtrise d'ouvrage directe des operations d'amenagement permet de depasser les difficultes rencontrees par les collectivites du bloc communal pour lancer de telles operations, compte tenu en particulier de leur situation financiere, le plus souvent fragile dans les Antilles. La mission propose de s'inspirer de ce principe d'intervention que prevoit l'article L321-14 du code de l'urbanisme pour les etablissements publics d'amenagement de l'Ètat.
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Ènfin, en quatrieme lieu, la capacite a agir des agences pourrait etre grandement facilitee si l'Ètat ouvrait la possibilite de ceder aux agences les terrains dependant du domaine public maritime situes au sein de leurs operations, apres declassement et a titre gratuit, de la meme façon que les communes et les organismes de logement social peuvent en beneficier. La Cour des comptes dans ses deux rapports de controle de 2015 recommandait en effet : « Afin de faciliter certaines opérations d'aménagement d'urgence [...] que soit envisagée la possibilité d'un déclassement des terrains au bénéfice de l'agence, en l'ajoutant à la liste des organismes visés par l'article L5112-4 du CG3P ». Èlle visait en particulier les terrains nus constituant des dents creuses qui pourraient etre utilement amenagees pour repondre aux besoins d'urgence de relogement provisoire ou definitif. La mission fait sienne cette recommandation en l'appliquant d'une maniere plus globale aux operations menees par les agences. La consolidation de la capacite des agences a agir sur des projets majoritairement finances par l'Ètat, pourra etre admise par les elus dans le cadre de la gouvernance de ces etablissements partagee entre l'Ètat et les collectivites. Leur role de « tiers federateur », apprecie et salue par les elus (cf. § 2.3.3 supra), leur permet de conduire les operations en pleine cooperation avec les collectivites, qui restent en tout etat de cause responsables de leur document d'urbanisme. La gouvernance de ces etablissements pourrait aussi etre amelioree dans ce registre, pour s'approcher de celle des ÈPA en instaurant l'election du president du conseil d'administration par le conseil, parmi les administrateurs representants elus des collectivites territoriales en lieu et place d'un president nomme par l'Ètat. Ceci supposerait une modification du decret portant organisation des agences67. Son article 5 prevoit que « Le président du conseil d'administration est nommé parmi les membres du conseil d'administration par décret pris sur proposition des ministres chargés de l'urbanisme et de l'outre-mer ». Cette disposition pourrait etre remplacee par : « Le conseil d'administration élit en son sein un président parmi les membres mentionnés au 2° de l'article 3 ». Recommandation 6. Donner aux agences la capacité opérationnelle d'aménagement : prolonger de dix ans leur durée de vie pour leurs seules missions d'aménagement, étendre leur compétence d'aménagement au territoire communal des communes littorales, leur donner une capacité d'initiative équivalente à celle des établissements publics d'aménagement dans le cadre d'une gouvernance partagée entre l'État et les collectivités.
3.3 Modifier de toute urgence le cadre législatif de la phase de préparation du transfert : repousser la date du 1er janvier 2021 à 2025 et opérer les ajustements indispensables
Le cadre renove indispensable a l'administration de la periode transitoire passe par plusieurs dispositions legislatives d'ajustement. Compte tenu de l'echeance, aujourd'hui intenable, du transfert fixe par la loi ADOM au 1er janvier 2021, avec une fermeture concomitante des agences, il est imperatif que la loi rectificative soit promulguee dans le courant du premier semestre 2020. Face a cette urgence, les modifications legislatives a apporter se limiteront a l'ordre technique sans chercher a bouger des principes qui relevent davantage de negociations et d'arbitrages strategiques et politiques.
67
Décret n°98-1081 du 30 novembre 1998 pris pour l'application des articles 4 à 7 de la loi n° 96-1241 du 30 décembre 1996 relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur des espaces urbains de la zone dite des cinquante pas géométriques dans les départements d'outre-mer.
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3.3.1 Dépasser le blocage politique actuel au sujet des zones de menace grave et imminente pour les vies humaines
Les presidents de la collectivite territoriale de Martinique et de la region de Guadeloupe ont saisi le President de la Republique par une lettre en date du 13 mai 2019 ayant pour objet : « Transfert de compétence et de domanialité des cinquante pas géométriques : modification de l'article 27 de la loi n° 2015-1268 du 14 octobre 2015 d'actualisation des outre-mer ». Face aux difficultes auxquelles est confronte cet espace des cinquante pas, les deux collectivites expriment trois « conditions » au transfert : « La délimitation préalable par l'Etat des zones exposées aux risques naturels graves et prévisibles menaçant les vies humaines », constatant qu'en « Guadeloupe 2 000 habitations et en Martinique 3 500 sont localisées dans des zones à risque fort et présentant potentiellement une menace grave pour les vies humaines ». « Pour ces zones, il conviendra d'arrêter en commun et d'organiser les mesures permettant de soustraire les populations aux risques pour leur vie ». « La requalification du transfert de domanialité des zones U et UD aux collectivités, en transfert de compétence. En effet [...], il convient d'accompagner le transfert de la remise des moyens financiers mis en oeuvre par l'Etat (notamment grâce à la TSE) et de l'expertise humaine mobilisée par l'Etat au travers des agences. Les besoins en matière d'aménagement, notamment en matière d'assainissement, supposent la mobilisation de ressources exceptionnelles de l'Etat (FEI) ou de contributions du FEDER (priorité du prochain PO). » « La poursuite de l'activité des agences au travers d'un établissement doté de moyens stables et sous contrôle [de nos] collectivités. »
« Dans ces conditions », ils poursuivent en demandant « de mettre en oeuvre le processus devant aboutir à la modification de l'article 27 de la loi [ADOM]. Cette réforme législative devrait permettre, d'une part d'instaurer un processus de délimitation des espaces à transférer conforme à [leurs] attentes, d'autre part, de pérenniser la recette de la TSE afin de financer les actions d'intérêt public et général conduites par nos établissements, et enfin, de bâtir un calendrier réaliste mais resserré aboutissant à une prise de compétence raisonnée de nos collectivités. » La difficulte la plus centrale pour les elus concerne la question des zones de menace grave pour les vies humaines, qui suspend completement le processus de delimitation et donc de transfert. La proposition que fait precedemment la mission (cf. § 3.1.3 supra) de retablir la question a sa juste mesure en recentrant sur secteurs de menaces imminentes pour les seules vies humaines est de nature a lever cet obstacle. Mais elle suppose le temps necessaire a sa definition et a l'organisation de sa mise en oeuvre operationnelle. La loi rectificative que la mission propose viendra repondre a la demande exprimee par les presidents de la CTM et de la region de Guadeloupe, de modifier la loi ADOM et de fixer un nouveau calendrier raisonne.
3.3.2 Prendre acte de délais devenus techniquement impossibles à tenir
L'ensemble des travaux de delimitation evoques precedemment (cf. § 3.1.1 et 3.1.2 supra) necessitent raisonnablement deux a trois ans. La delimitation des zones U et UD, par difference avec les zones N naturelles, necessite de croiser les points de vue non seulement au sein de l'Ètat entre ses services et ses operateurs (ONF, Conservatoire du littoral, Agence), mais aussi avec ceux des communes et bien sur des collectivites de niveau regional. L'article L5112-1 stipule en effet que la delimitation en Conseil
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d'Ètat prendra en compte « les orientations du document stratégique d'aménagement » et les documents d'urbanisme prevus par le code de l'urbanisme, du SAR aux plans locaux d'urbanisme. A ce jour, la CTM comme la Region Guadeloupe n'ont pas encore entame de concertation avec les communes sur ces delimitations, meme si en Martinique un examen tres detaille a deja ete effectue entre la CTM et la DÈAL. Ce travail prealable de concertation sera d'autant facilitant que le decret en Conseil d'Ètat portant delimitation des zones U et UD doit etre pris « après avis des collectivités territoriales et leurs groupements » (II 1° a) de l'article 27 de la loi ADOM). Ènfin, il sera d'autant plus indispensable de conduire ce travail avec soin, en particulier dans une cooperation etroite au sein de l'Ètat entre ses services et ses operateurs (cf. § 3.1.1 supra) que la sanction par un decret en Conseil d'Ètat necessite imperativement de justifier les criteres conduisant a classer les differents secteurs des cinquante pas en U et UD plutot qu'en N et reciproquement. L'instruction de ce decret au niveau central pourrait elle-meme prendre jusqu'a une annee. Pour toutes ces raisons, la mission considere que pour permettre un travail technique et politique de concertation avec les collectivites qui soit suffisamment abouti, la date limite pour la prise du decret doit etre fixee au 1er janvier 2024.
3.3.3 Ajuster « techniquement » la loi ADOM : reporter le délai du transfert et corriger ses anomalies
Tout d'abord, la mention, au III de l'article de 27 de la loi ADOM de la date du « 1er janvier 2021 » pour le transfert, est a remplacer par celle du « 1er janvier 2025 ». Correlativement, au V du meme article, la mention du « 1er janvier 2020 » sera a decaler au « 1er janvier 2024 » pour la remise par le representant de l'Ètat aux presidents de la CTM et de la Region de Guadeloupe du « rapport comportant l'état des cessions et des enjeux d'aménagement qui y sont liés, une évaluation des charges liées à ce transfert ainsi qu'un bilan de l'activité de chacune des deux agences ». Ènfin, le IV du meme article sera a abroger en considerant que les documents strategiques d'amenagement existent deja. Sur ce meme article, il convient egalement de preciser que le transfert aux collectivites de niveau regional se limite aux seuls terrains du DPM au sein de zones U et UD alors que la loi stipule aujourd'hui que le transfert porte sur les zones U et UD, quand nombre des terrains qui s'y trouvent sont deja proprietes privees. La loi ADOM transfere aux collectivites de niveau regional, non seulement les terrains des zones U et UD appartenant a l'Ètat, mais egalement la competence des agences prevue au huitieme alinea de l'article 5 de la loi de 1996 : « A titre secondaire, elles peuvent réaliser les travaux de voies d'accès, de réseaux d'eau potable et d'assainissement lorsque les communes n'en assurent pas la conduite 68. » Cette disposition confere ainsi aux collectivites de niveau regional la competence d'amenageur alors que la maîtrise d'ouvrage operationnelle releve aujourd'hui des ÈPCI. Comme elle ne s'applique par construction que dans la bande de 81,20 m des cinquante pas, cette disposition se heurte a la difficulte operationnelle de devoir traiter des situations necessitant des projets sur des emprises plus larges, dans des continuites urbaines et de reseaux qui depassent cette bande etroite (Cf. § 3.4.1 supra). La mission propose que la loi rectificative annule cette disposition en supprimant au 1° et 2° du III de l'article 27 la mention « et de la faculté mentionnée au huitième alinéa de l'article 5 de la loi [de 1996] ».
68
« Dans ce cas, les voies et réseaux divers peuvent être cédés à la commune sur le territoire de laquelle ils sont situés. Une convention établie entre l'agence et la commune précise le programme d'équipement en voies et réseaux divers des terrains situés dans un périmètre qu'elle délimite ; cette convention prévoit également les mesures techniques, juridiques et financières nécessaires pour rendre les opérations de cession et d'équipement possibles. Elle fixe les contributions financières respectives de l'agence et de la commune nécessaires à la réalisation des opérations prévues. »
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Ènfin, a l'article 28, la mention « exposée à un risque naturel prévisible menaçant gravement des vies humaines », viendra remplacer « exposée à un risque naturel grave et prévisible menaçant des vies humaines ».
3.3.4 Ajuster les dispositions de la loi de 1996 et du CG3P relatives à la régularisation et au cadre d'intervention des agences
Èn ce qui concerne les dates d'echeance et les delais, il s'agit en premier lieu d'ajuster la date de forclusion des demandes de regularisation en lien avec la nouvelle date du transfert (1er janvier 2025), a savoir le 1er janvier 2024, aux deuxieme alinea du L5112-5 et troisieme alinea du L5112-6 du CG3P. Afin d'aligner les conditions d'anciennete du bati pour pretendre a la regularisation sur celles de la loi Letchimy (cf. § 3.2.2 supra), la mention « depuis plus de dix ans à la date de la demande » remplacera aux premiers alineas des L5112-5 et L5112-6 du CG3P la mention « avant le 1er janvier 1995 ». Ènfin, le « 1er janvier 2019 » pour la date butoir de delimitation des zones U et UD par decret en Conseil d'Ètat devra etre remplace par « 1er janvier 2024 » au premier alinea du L5112-1 du CG3P. La necessite de mettre en place une parade a la speculation en cas de cession avantageuse pourrait etre traitee par l'application d'un dispositif de recuperation partielle des plus-values (cf. § 3.2.2 supra). La mission propose en outre d'abroger l'article L5112-9 du CG3P instaurant un droit de preemption specifique et inoperable (cf. § 2.2.4 supra) et les articles reglementaires correspondants. Les communes pourront en tout etat de cause mobiliser, ou le mettre en place, leur droit de preemption urbain, voire le deleguer au cas par cas par convention aux agences. Èn ce qui concerne l'objectif de donner aux agences la capacite a agir en matiere d'amenagement, pour reloger en particulier les populations soumises a risque imminent pour les vies humaines et celles dont les habitations sont situees sur les emprises des futurs reseaux de desserte, des dispositions devront completer celles de la loi 1996 : Afin de mettre en coherence la duree de vie de l'operateur avec celles des projets, remplacer au premier alinea de l'article 4, la mention « 1er janvier 2021 » par « 1er janvier 2031 ». La precision que la mission principale de regularisation prendra fin au moment du transfert se traduira en ajoutant au premier alinea de l'article 5, apres « prioritairement », « jusqu'au 1er janvier 2025 ». Afin de leur permettre de prendre l'initiative et d'assurer la maîtrise d'ouvrage d'operations d'amenagement en agissant si necessaire au-dela de la limite etroite des cinquante pas, inserer, a l'article 5 definissant les missions des agences, apres le huitieme alinea, un nouvel alinea stipulant : « À cet effet, les agences sont compétentes pour réaliser pour leur compte ou, par voie de convention passée avec elles, pour celui de l'Etat, des collectivités territoriales et de leurs groupements ou d'un autre établissement public, et pour faire réaliser les opérations d'aménagement prévues par le Code de l'urbanisme et les acquisitions foncières et immobilières nécessaires à ces opérations. Dans ce cadre d'intervention et par dérogation au troisième alinéa de l'article 4, les agences peuvent intervenir dans le périmètre des communes littorales dès lors que lesdites opérations s'étendent au moins en partie dans la zone dite des cinquante pas géométriques ». Afin de leur permettre de disposer directement des fonciers de l'Ètat, inserer au premier alinea de l'article L5112-4 du CG3P, apres « d'habitat social », «, les agences pour la mise en valeur des espaces urbains de la zone dite des cinquante pas géométriques mentionnées à l'article 4 de la loi n°96-1241 du 96-1241 du 30 décembre 1996 relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur de la zone dite des cinquante pas géométriques dans les départements d'outre-mer ».
Il convient enfin de conferer aux agences par voie legislative le pouvoir de police du domaine et la capacite de dresser directement les contraventions de grande voirie (cf. § 3.2.1 supra).
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Recommandation 7. Prévoir par voie législative, au premier semestre 2020, une période de préparation du transfert. Prendre en compte les délais indispensables aux travaux de transfert et fixer la date limite de celui-ci au 1er janvier 2025 en modifiant en conséquence la loi ADOM, la loi de 1996 et le CG3P. Arrêter l'ensemble des dispositions législatives et réglementaires permettant de mettre en oeuvre les recommandations n° 1 à 6.
3.4 Prévoir par voie législative l'abolition de la réserve des cinquante pas aux Antilles pour rapprocher la légalité et les valeurs et normes sociales dans ces territoires, dans un contexte de besoins importants et de faiblesse des capacités locales d'aménagement
Apres la succession quasi-historique d'atermoiements sur le statut et la gestion des cinquante pas, d'avancees et de retours en arriere, la mission considere qu'il est temps que la zone des cinquante pas soit totalement banalisee dans les Antilles et qu'elle ne se distingue plus en aucune maniere de ce qui existe en dehors des 81,20m. Ainsi, les situations d'occupations sans titre releveront des memes regimes de traitement que l'ensemble des occupations sans titre et sans autorisation de construire qui existent aussi en dehors des cinquante pas sur les terrains communaux, departementaux, ou aussi sur ceux des societes d'amenagement foncier et d'equipement rural (SAFÈR). Les responsabilites enchevetrees de l'Ètat et des collectivites locales sur les cinquante pas ne responsabilisent ni les uns ni les autres. Il est important que les situations relevant de cette zone de conception archaîque soient gerees au plus vite au sein du corps social antillais et de ses ediles. Èn tout etat de cause, l'Ètat, en instituant sur les cinquante pas des dispositions d'exception et selon un paradigme metropolitain, n'a pas non plus demontre sa capacite a garantir le retour a la legalite ni a installer les garde-fous empechant de nouvelles derives. Le rapport d'information senatorial sur le foncier de l'Ètat proposant « 30 propositions pour mettre fin à une gestion jalouse et stérile » 69 , evoque « l'épineuse question des régularisations dans la zone des cinquante pas géométriques, vestige archaïque de la période coloniale, [qui] attend toujours sa solution définitive » et developpe deux positions. Extraits du rapport sénatorial sur le foncier de l'Etat en outre-mer (juin 2015) « Il est désormais grand temps de refermer la phase postcoloniale du traitement de la ZPG et de renverser la logique à laquelle elle obéissait. Il ne convient plus de considérer comme normale et nécessairement légitime l'appropriation de la bande côtière par l'État [...]. Le principe directeur doit devenir l'autonomisation foncière des collectivités en leur garantissant la maîtrise des espaces urbains et urbanisables de la ZPG. [...] Ainsi le paysage foncier antillais se rapprochera-t-il du régime de droit commun, en mettant fin à des exceptions exorbitantes qui ne servent pas le développement des territoires ultramarins. » « En ce qui concerne les équipements et l'aménagement, les agences devraient [donner] une priorité [...] à ceux des travaux d'aménagement qui permettent d'ouvrir de nouvelles possibilités de cessionrégularisation en sécurisant les zones concernées contre les aléas naturels. À cet effet, autant que faire se peut, il faut tirer parti du fonds spécial, dit « Barnier » prévu à l'article L. 561-3 du code de l'environnement en matière de prévention des risques, qui en l'état demande que la maîtrise d'ouvrage des travaux revienne aux communes. »
69
Sénat, rapport d'information fait au nom de la délégation sénatoriale à l'outre-mer « Domaines public et privé de l'État en outre-mer, 30 propositions pour mettre fin à une gestion jalouse et stérile », juin 2015.
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Les propositions de la mission, en ce qui concerne tant les dispositions a mettre en oeuvre pendant la phase de transition que celles visant a mettre definitivement fin a la reserve des cinquante pas, s'inscrivent dans cette vision de coherence proposee par le rapport senatorial.
3.4.1 Dans les espaces urbains, prévoir le déclassement global du domaine public et préciser le niveau le plus adéquat de collectivités territoriales bénéficiaires du transfert
Comme evoque (cf. § 3.1.1 supra), la delimitation des zones U et UD d'une part et N d'autre part, qui doit etre formalisee depuis la loi ADOM de 2015 par un decret en Conseil d'Ètat, vise a proteger les parties naturelles des cinquante pas qui auront des lors vocation a etre affectees, dans leur totalite, aux operateurs de l'Ètat que sont l'ONF et le Conservatoire du littoral et des rivages lacustres. A l'inverse, les secteurs urbains et d'urbanisation diffuse ont vocation a reintegrer la gestion de droit commun des zones urbaines. Pour cela le statut de domaine public (maritime) doit etre abroge definitivement dans les zones U & UD. La mission propose en consequence que l'ensemble des terrains de ces memes zones, construits et non construits relevant du domaine de l'Ètat, donc depourvus au moment du transfert de titres de propriete opposables, soit declasse en bloc pour etre integre dans le domaine prive de l'Ètat70. L'Ètat n'ayant pas vocation a continuer a detenir du foncier dans les zones U & UD au sein de cette bande de 81,20 m, celui-ci doit revenir aux collectivites, dans leur domaine prive. La mission propose en consequence une premiere evolution par rapport a la loi ADOM qui prevoyait le transfert dans le domaine public des collectivites. Le declassement en bloc du domaine public et le transfert aux collectivites auront vocation a s'operer en meme temps. Il est a noter qu'entre les batis, qu'ils soient titres ou non titres, il reste des « dents creuses » ou des espaces non batis. Ceux-ci constituent un potentiel de densification utilisable notamment pour le relogement des occupants des zones de risques menaçant gravement les vies humaines, mais aussi dans les cas ou une construction doit etre demolie pour permettre la realisation d'un projet de viabilisation et d'amenagement. Le transfert de ces terrains non batis a la collectivite permettra de simplifier la question fonciere de ces operations. Aujourd'hui, la loi prevoit le transfert de propriete aux collectivites de niveau regional. Cependant, d'un point de vue operationnel, comme evoque precedemment (cf. § 2.2.4 et 3.2.3 supra), l'etroitesse de la bande de 81,20 m des cinquante pas constitue un obstacle pour concevoir les operations d'amenagement sur un perimetre pertinent, la plupart du temps bien plus large. Lorsque des terrains communaux jouxtent les cinquante pas, le transfert a la commune eviterait de reintroduire des complexites foncieres inutiles. Par ailleurs, comme evoque plus haut (cf. § 3.3.3), les competences institutionnelles d'amenagement sont du ressort des ÈPCI. Certes, les collectivites de niveau regional ont la competence d'amenagement du territoire sous l'angle de la planification, le schema d'amenagement regional (SAR), mais non de l'amenagement operationnel. Les responsabilites des collectivites du bloc communal couvrent meme tous les champs en jeu dans les operations a mener sur le littoral : le traitement de l'insalubrite, l'amenagement operationnel ou la gestion des milieux aquatiques et la prevention des inondations (GÈMAPI). Certes, les collectivites de niveau regional peuvent conduire des politiques financieres de soutien a ces operations, comme dans le cadre de leur fonction d'autorite de gestion des programmes
70
Ce principe pourrait s'appliquer de la même manière pour la Guyane et Mayotte, avec application des même règles et dispositions de gestion que l'ensemble du domaine privé de l'Etat existant dans ces deux départements.
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operationnels europeens, mais elles ne disposent pas pour autant de la competence de maîtrise d'ouvrage. Pour ces differentes raisons, la mission fait sienne la recommandation de la mission IGA-CGÈDD de 2013 : « transférer préférentiellement la propriété de la zone urbanisée et semi-urbanisée de la zone des cinquante pas géométriques à titre gratuit aux EPCI en associant les conseils régionaux aux conventions de transfert. A défaut, envisager un transfert au conseil régional de Guadeloupe et à la collectivité [territoriale] de Martinique en prévoyant un conventionnement obligatoire avec les intercommunalités. » Èn tout etat de cause, cette option concernant les collectivites beneficiaires du transfert, necessite une seconde evolution de la loi ADOM qui devra etre instruite dans le cadre de la preparation du projet de loi d'abolition.
3.4.2 S'organiser pour prendre en compte les très forts enjeux d'aménagement pour les décennies qui viennent, dans un contexte de fragilité des capacités opérationnelles locales
Des lors que la notion de reserve des cinquante pas disparaît, la fermeture des agences en tant qu'intrinsequement liees a cette zone, va de soi. Èn revanche, la question de l'utilite ou de la necessite de maintenir leur fonction d'operateur d'amenagement, en tant qu'etablissement public de l'Ètat, reste ouverte. Dans les decennies a venir, les besoins d'amenagement et de restructuration urbaine resteront massifs aux Antilles, aussi bien en matiere de resorption de l'insalubrite que vis-a-vis des changements climatiques qui vont impacter de façon frontale les condensations urbaines du littoral. Dans la seule bande des cinquante pas, les agences ont denombre de l'ordre de 9 000 constructions en Martinique et pres de 4 000 en Guadeloupe presentant une insalubrite collective par defaut de viabilisation et de reseaux d'assainissement et de l'ordre de 2 500 a 3 000 constructions des operations plus globales de RHI/RHS (cf. § 2.3.2 supra). Le reamenagement du littoral dans le contexte du dereglement climatique doit etre anticipe des maintenant. Il necessitera en effet de replacer et reconstruire plus a l'abri un ensemble de zones habitees aujourd'hui particulierement exposees. Des reflexions et actions sont deja amorcees, comme celle conduite par la ville du Precheur en Martinique avec l'accompagnement du plan construction urbanisme et architecture (PUCA), ou bien la strategie d'anticipation fonciere impulsee par l'etablissement public foncier local de Guadeloupe, ou bien encore les travaux de projection du SAR dans le cadre de sa revision prochaine en Guadeloupe. Ces grands projets de long terme vont necessiter des besoins massifs d'interventions operationnelles d'amenagement71. Dans le contexte decentralise de la Republique, la logique voudrait que les fonctions d'amenageur soient remplies comme en metropole par des operateurs locaux mandates par les autorites competentes en la matiere - les ÈPCI -, pour mettre en oeuvre des projets operationnels. Cependant, comme la mission le releve (cf. § 2.3.4 supra), les capacites locales actuelles sont fragiles. Dans ce contexte de besoins massifs, la question d'un operateur d'Ètat, de type ÈPA, reste donc clairement
71
La révision des PPR est en cours avec des évolutions vraisemblablement importantes concernant les zones d'aléas forts et très forts (cf. § 2.2.5 supra). L'importance massive aux Antilles des urbanisations confrontées à des risques majeurs d'aléas forts et très forts constitue une véritable difficulté technique et politique de gestion, tant en matière d'acceptation par les populations et leurs édiles que d'un point de vue technique et opérationnel. En témoignent les violents événements survenus à Saint-Martin en 2019. Il est vraisemblable qu'un bon aboutissement de la révision des PPR aux Antilles passera alors par divers travaux permettant de visualiser, expérimenter et mettre en oeuvre des opérations pilotes de réagencement du littoral, afin d'apporter des démonstrations de ce qui pourra être réalisé.
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posee. Il n'aurait pas vocation a etre l'intervenant exclusif en la matiere, mais y apporterait ses forces supplementaires. Bien au contraire, l'emulation en la matiere avec des operateurs locaux ne peut qu'etre fructueuse, a condition qu'ils puissent etre serieusement regeneres. Ce sujet devra etre instruit dans le cadre de la preparation du projet de loi d'abolition. La phase transitoire pendant laquelle les agences conduiront des operations de relogement pour repondre aux situations de risques imminent pour les vies humaines ou pour preserver le passage des voiries et reseaux, permettra d'experimenter l'efficacite de pratiques operationnelles d'intervention d'un etablissement d'Ètat de gouvernance partagee entre l'Ètat et les collectivites, dans le cadre renove propose par la mission. Un ÈPA d'Ètat, qui pourrait etre cree au moment de l'abolition de la reserve des cinquante pas, reprendrait bien evidemment ces principes de gouvernance et d'action. Il aurait vocation a reprendre et poursuivre les operations menees par les agences dans le cadre de leur mission d'amenageur prorogee jusqu'en 2031 (cf. § 3.2.3 supra). La mission souhaite insister sur l'importance qui s'attache a gerer ces evolutions structurelles de maniere aussi anticipee que possible, afin qu'elles s'operent de la maniere la plus fluide en tirant tout le benefice des competences acquises et des ressources humaines disponibles, et dans le respect des individus qui en sont porteurs.
3.4.3 Mettre fin à l'ensemble des dispositions d'exception à la loi « littoral » au titre de la réserve des cinquante pas
La disparition definitive de la zone des cinquante pas conduit, comme evoque precedemment (§ 3.4.1 supra), a abroger la disposition de la loi « littoral » incluant cette zone dans le domaine public maritime. Les dispositions de protection du littoral releveraient alors des principes prevalant en metropole, en s'appuyant sur l'ensemble des documents de planification urbaine, a toutes les echelles emboîtees (SAR, SCoT72 et PLUi73) ainsi que sur les servitudes longitudinales et transversales. Il conviendra alors de revenir a la definition metropolitaine de la bande littorale : « cent mètres à compter de la limite haute du rivage » (L121-16 du code de l'urbanisme) en effaçant toute reference a la zone des cinquante pas geometriques74. La loi pourrait aussi etre reprise de façon a ce qu'il n'y ait plus de disposition specifique concernant les Antilles en la matiere. Les fondements legislatifs et reglementaires des servitudes littorales, longitudinales et transversales, auraient ainsi une ecriture identique en metropole et aux Antilles. Ceci mettrait definitivement fin aux atermoiements qui par exemple ont conduit a n'installer la servitude transversale qu'en 201075. Plus globalement, toutes les dispositions legislatives et reglementaires designant ou concernant la zone des cinquante pas aux Antilles seront a abroger. Ce sera notamment le cas de la loi de 1996 comme des articles du CG3P qu'elle a generes, notamment les L5112 (et R5112 subsequents). L'article 27 de la loi ADOM sera aussi a reprendre. ***** Par souci de simplification, il aurait ete souhaitable que l'ensemble des evolutions legislatives proposees par la mission fasse l'objet d'un seul et meme texte. Cependant, alors que l'urgence de deplacer la date butoir du 1er janvier 2021 necessite une promulgation tres rapide des dispositions correspondantes, la preparation des dispositions d'abolition necessite quant a elle un travail rigoureux
72 73
Schéma de cohérence territoriale. Plan local d'urbanisme intercommunal. 74 Ce principe pourrait s'appliquer de la même manière pour la Guyane et Mayotte. 75 Loi ENE (article 32, et codifié au L121-51 du code de l'urbanisme).
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de balayage du corpus legislatif et reglementaire ainsi que differentes consultations et negociations d'ordre politique qu'il convient de mener a bien en leur accordant les temps necessaires. Recommandation 8. Abolir par la loi avant le 1er janvier 2023 la zone des cinquante pas aux Antilles en supprimant toute référence à cette réserve de 81,20 m dans le corpus de droit français. Notamment, déclasser en bloc dans le domaine privé de l'Etat les terrains restés domaniaux au sein des zones U & UD et les transférer dans le domaine privé des collectivités. Déterminer le niveau de collectivité le plus pertinent pour bénéficier du transfert, en fonction de ses compétences institutionnelles en matière d'aménagement opérationnel. Examiner les besoins d'outils d'aménagement de l'Etat pour faire face aux enjeux massifs de résorption de l'insalubrité et d'adaptation structurelle du littoral antillais aux dérèglements climatiques.
3.5 Instaurer un pilotage interministériel dédié
Le delai supplementaire de quatre annees pour la periode transitoire de preparation du transfert et l'abolition de la reserve des cinquante pas aux Antilles devra imperativement etre tenu. Cette nouvelle periode devra en consequence etre en rupture avec l'absence de pilotage central telle qu'elle a ete relevee dans tous les rapports : il conviendra imperativement de s'assurer que, contrairement au passe, les objectifs annonces sont effectivement atteints. La diversite des sujets a gerer et la charge de travail necessaire requierent un pilotage et une animation en mode projet a un haut niveau. C'est pourquoi la mission recommande instamment la nomination d'un(e) haut(e) fonctionnaire assurant la direction interministerielle de projet mandatee par au moins les cinq ministeres en charge des outre-mer, de la cohesion des territoires et de la relation avec les collectivites territoriales, de la ville et du logement, de la transition ecologique et solidaire et de l'action et des comptes publics. Dans le cadre de son mandat interministeriel et des dispositions legislatives et reglementaires de preparation du transfert, la direction de projet aura a charge d'une part, de piloter la mise en place concrete de la periode transitoire et l'accomplissement de ses differents volets, et d'autre part, de preparer la loi d'abolition. L'entree en vigueur de cette seconde loi devrait en tout etat de cause preceder d'au moins deux ans la date de fin de la periode de transition, en particulier de façon a ce que les regles du jeu du transfert aux collectivites comme de la fermeture des agences soient definitivement posees dans un laps de temps suffisant pour que les organisations puissent gerer leurs evolutions. Cette loi d'abolition devrait en consequence etre promulguee avant le 1er janvier 2023. La loi corrective de 2020 pourrait s'intituler « Loi de transition en vue de l'abolition de la reserve des cinquante pas geometriques aux Antilles » afin de viser des maintenant de maniere explicite l'abolition et pourrait meme comporter un article instaurant l'echeance de promulgation de cette seconde loi. Le(la) directeur(trice) de projet interministeriel(le) aura en particulier a charge de s'assurer que le corpus legislatif et reglementaire qui sera issu de la loi d'abolition sera bien complet et coherent. L'experience sur les cinquante pas montre qu'il n'en pas vraiment ete ainsi dans ces dernieres decennies. Le delai du 1er janvier 2023 permet en consequence d'explorer, analyser et concevoir l'ensemble des modifications et evolutions des textes concernes par les cinquante pas aux Antilles afin d'eviter les precipitations legislatives, sources d'approximations susceptibles d'entrainer des blocages lors de la mise en oeuvre au moment de la confrontation avec les realites concretes.
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La question des moyens du transfert (TSÈ des agences notamment) et la devolution des actifs des agences a leur fermeture devra en particulier y etre traitee. Sous l'egide d'un pilotage interministeriel, le(a) haut(e) fonctionnaire aura la responsabilite de coordonner les actions des differents ministeres au niveau central et, en cooperation etroite avec les prefets de Martinique et Guadeloupe, d'assurer la mise en oeuvre au niveau local de la strategie de transfert par l'ensemble des acteurs concernes. Èn conduisant son action en mode projet, il(elle) mobilisera, sous ses instructions, les responsabilites de chacun des acteurs concernes et veillera a ce qu'ils cooperent entre eux ; il(elle) agencera les calendriers de travail assurant la progression des etapes du transfert en vue de son echeance finale du 1er janvier 2025. Il(elle) veillera ainsi a l'articulation et a la coherence des actions et conceptions sectorielles relevant des differents departements ministeriels mobilises. Il(elle) pourra utilement s'appuyer sur le corpus de reflexions et de propositions des rapports emanant de differents corps d'inspection et de controle ou du parlement identifies par la mission et qui sont largement convergentes avec ses propres recommandations. La personne chargee de cette mission devra, en tout etat de cause, de par son parcours anterieur, disposer d'une legitimite suffisante aupres de ses futurs interlocuteurs, tant par son expertise sur les questions d'amenagement et de foncier, que par une pratique des relations avec les collectivites territoriales et par une connaissance fine des problematiques outre-mer. Une lettre de mission adressee par l'ensemble des ministres concernes au (a la) haut(e) fonctionnaire permettra de legitimer pleinement cette fonction interministerielle, d'en fixer les modalites de pilotage et de preciser sa feuille de route. Recommandation 9. Mandater dès le premier semestre 2020 un(e) haut(e) fonctionnaire en charge d'une direction de projet interministérielle (MOM, MCTRCT, MLV, MTES, MACP) pour piloter la période transitoire de mise en oeuvre du transfert comme la préparation de la loi d'abolition.
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Conclusion
De memoire des missionnes, l'objet de cette mission etait de loin le plus complexe de tous ceux abordes jusqu'a present. Complexe de par l'historique charge de ces societes antillaises, façonnees par un systeme esclavagiste pendant un temps plus long que celui ecoule depuis l'abolition de 1848 : ce passe a profondement et durablement impregne les mentalites locales, au point de rendre parfois difficilement comprehensible a travers un prisme metropolitain la perception aigue, par ces populations, de l'injustice entre possedants et « possedes » - ou leurs descendants et la primaute qu'elles accordent a la legitimite sur une legalite decidee depuis l'hexagone. C'est pourquoi la mission insiste, en preambule de ses recommandations, sur l'importance de prendre en compte les valeurs et normes sociales specifiques aux Antilles pour assurer l'efficacite d'une politique renovee de gestion des cinquante pas. Complexe egalement en raison de la multitude des sujets a traiter sur cette etroite bande de territoire littoral : la question fonciere, au coeur de la problematique des cinquante pas et de leur occupation massive sans droit ni titre ; la question de l'organisation des pouvoirs publics, notamment l'articulation entre les differents niveaux de collectivites et les competences qui leur sont devolues, et entre ces collectivites antillaises et l'Ètat central ; la question du logement, social et tres social, dont le manque est la cause premiere de la « colonisation » des cinquante pas par des populations tres modestes la question des risques, etant donnee la presence dans ces îles d'un cocktail inegale de risques naturels majeurs, et la situation surexposee de la bande littorale a certains d'entre eux ; enfin, la question de l'amenagement, capitale aussi bien pour pallier les lacunes de l'habitat spontane en matiere d'organisation urbaine que pour terminer de combler le retard d'equipement, en particulier d'assainissement, observe dans ces regions, mais aussi pour resorber l'habitat insalubre encore trop present ou encore pour anticiper les changements climatiques en preparant la mise a l'abri les populations exposees.
Complexe enfin par l'ampleur des dispositions legislatives et reglementaires, due en partie a la quantite de sujets traites, mais aussi a la sedimentation dans le temps des tentatives successives et parfois contradictoires de regler le probleme, chacune survenant sur le constat de l'echec de la precedente. Face a cette complexite, la faiblesse numerique de ces îles ou territoires lointain(e)s que sont les departements et regions d'outre-mer ils representent a eux tous moins de 3% de la population française, et a peine plus de 1% pour la Guadeloupe et la Martinique se traduit par une allocation de moyens a due proportion alors qu'il s'agit pour l'Ètat de definir des regles et appliquer des textes repondant a des situations tres specifiques ne relevant pas du droit commun generique. La mission espere bien entendu que les propositions contenues dans ce rapport, qui se veulent exigeantes et en rupture par rapport a l'inertie constatee, seront retenues par les commanditaires. Au cas ou elles le seraient, il faudrait eviter, compte tenu de la complexite evoquee ci-dessus, que leur mise en oeuvre peine a etre effective et a produire les resultats attendus, pour des raisons qui seraient uniquement liees a l'insuffisance des moyens alloues.
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Cela justifie la presence dans ce rapport, apres huit recommandations portant sur le fond, d'une derniere - mais non la moindre - relative a la mise en place d'une direction de projet interministerielle dediee, condition sine qua non aux yeux de la mission pour parvenir a mener de front les differents aspects de la reforme et coordonner les differents acteurs concernes par la multiplicite des sujets a traiter. La mission a pu constater en effet que nombre de propositions effectuees depuis 15 ans dans les rapports de corps d'inspection ou de controle, ou du Parlement, sont largement convergentes et sont en phase avec ses propres recommandations. Tout est maintenant ecrit ; la question est desormais de faire.
François LEFORT
Jacques TOUCHEFEU
Inspecteur de l'administration du developpement durable
Ingenieur general des ponts, des eaux et des forets
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Annexes
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1 Lettre de mission
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2 Liste des personnes rencontrées
National
DGALN/DHUP François ADAM Marie-Christine ROGER Jean-Baptiste BUTLEN Christophe SUCHEL Jean-Christophe FRANCHI Kathleen MONOD Emmanuel BERTHIER Etienne DESPLANQUES Stanislas ALFONSI Hélène CAPLAT LANCRY Laure TOURJANSKY Katy NARCY Dimitri CHAILLOU Lucie SOLIGNAC Emmanuelle DURANDAU Serge LETCHIMY Directeur Chargée de mission outre-mer auprès du directeur Sous-directeur de l'aménagement durable (AD) Adjoint au sous-directeur AD Adjoint au chef du bureau des politiques foncières (AD3) Cheffe du bureau de la gestion des espaces maritimes et littoraux (ELM2) Directeur général Sous-directeur des politiques publiques Adjoint au sous-directeur des politiques publiques Cheffe du bureau BELDAD Cheffe du service des risques naturels et hydrauliques (SRNH) Adjointe à la cheffe du SRNH Chargé de mission au bureau de l'action territoriale (BAT) Chargée de mission au bureau des risques inondation et littoraux (BRIL) Secrétaire permanente adjointe Député
DGALN/DEB Administrations DGOM
DGPR
PUCA Parlementaire
Guadeloupe
Président Directrice générale Agence des 50 pas Cadres et personnel Camille PELAGE Myriam ROCH-BERGOPSOM Philippe BIKHI Rony SAINT-CHARLES Claire LESCOUT Keniatha LEBRERE Rivard JASAWANT Philippe HURGON Préfet Philippe GUSTIN Jean-François BOYER Nicolas ROUGIER Anne-Laure BARBEROUSSE Administrations DEAL Jean-François GUÉRIN Gauthier GRIENCHE Frantz DELANNAY Franck MAZÉAS Patricia LÉPINE Ywenn DE LA TORRE Yoann LEGENDRE Marie-Aurore ADROVER-MALNOURY Jean-Louis PESTOUR Corinne VINGATARAMIN Directeur Directeur-adjoint Cheffe du service Prospective, Aménagement et Connaissance du Territoire (PACT) Chef du service Risques, Energie, Déchets (RED) Chef du service Habitat et Bâtiment Durable (HBD) Responsable SIG Chef du pôle Risques naturels Responsable du Pôle domanial et stratégie immobilière de l'Etat Directeur régional Géologue Déléguée adjointe de rivages d'outre-mer en charge des rivages français d'Amérique, responsable de l'antenne Guadeloupe Directeur régional Directrice générale Chef du département technique Chef du département administratif et financier Urbaniste Délégués du personnel
DRFiP BRGM direction régionale Etablissements publics Conservatoire du littoral ONF Guadeloupe EPFL de Guadeloupe Collectivités Deshaies
Jeanny MARC José SÉVÉRIEN
Maire, ancienne députée et ancienne présidente de l'agence des 50 pas 1er adjoint au Maire DGA aménagement urba Directrice urbanisme Maire Adjoints au Maire Membre du bureau exécutif, Président de la commission des affaires financières Directeur de cabinet adjoint de la présidente Élu, Président de la commission aménagement et rééquilibrage du territoire Élu, Vice-Président (également maire-adjoint du Gosier) Conseiller du président Directrice générale adjointe aménagement logement transports Directeur de l'aménagement
Communes
Le Gosier
Jean-Emile ARBAU Emma GELARD-THOMACHOT Luc ADEMAR 4 élus Daniel DULAC Michaël CERIVAL Camille PELAGE
Gourbeyre
Département
Conseil départemental
Région
Conseil régional
Jean-Claude CHRISTOPHE Richard SAMUEL Monique APPAT Patrick RILCI
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Chambres consulaires
Chambre des géomètres experts
Emilie AIROLA Jean-Marie ALLÈS Louis CAUDRELIER Harold MOURILLON Jean-Luc CAFOURNET José MARAGNES Directeur Ingénieur « social » (MOUS)
Bureau d'études urbain et social
URBIS
Martinique
Présidente Directeur Agence des 50 pas Cadres et personnel Nadia LIMIER Hervé EMONIDES Didier YOKESSA Alain ALEXANDRE Emeline CLAIR Lovely CINAUR Joanne AUGUSTIN Préfet DEAL Franck ROBINE Nadine CHEVASSUS Eric BATAILLER Bruno LAZZARINI Gisèle MONDÉSIR Administrations Isabelle GERGON Charles CAILLET Clémentine MONTANÉ Jean ROGISTER Myriam Le DUFF DRFiP BRGM Conservatoire du littoral Etablissements publics et assimilés ONF Martinique EPFL Martinique ADUAM Parlementaire Anne EL-GHAZI-ALVES Claire RENÉ DIT ROUSSEAU Benoît VITTECOQ Marie-Michèle MOREAU Pierre VERRY Ivan SOBESKY Joëlle TAÏLAMÉ Anne PETERMANN Serge LETCHIMY Directrice Adjointe, chargée de l'intérim du directeur Directeur Adjoint Chef du pôle biodiversité nature et paysages au service paysages, eau et biodiversité (PEB/BNP) Cheffe de l'unité littoral (PEB/UL) Cheffe du service risques énergie climat (REC) Chef du pôle risques naturels (REC/RN) Responsable de l'unité risques naturels Chef de l'unité SIG au Service connaissance, prospective et développement territorial (PACT/SIG) Cheffe de la mission enquêtes publiques affaires juridiques (EPAJ) Directrice du pôle gestion publique Adjointe à la directrice du pôle gestion publique Directeur régional Responsable de l'antenne Martinique Directeur général Directeur général Directrice Architecte, Chargé d'opération Chargé d'opération, Responsable Pôle Aménagement, adjoint au directeur Urbaniste Délégués du personnel Conseillère territoriale
Député, ancien président de la Région, ancien maire de Fort de France
Collectivités
Fort-de-France Sainte-Marie Communes Schoelcher Le Vauclin Intercommunalité CAP Nord Emile GONIER Raymond OCCOLIER Priscilla BORNE Pierre-Yves LAURENCE Didier LAGUERRE Elisabeth LÉONIDAS Roger BONIFACE Maire Cheffe du service Médiation et régularisations d'occupations Adjoint au Maire Adjoint au Maire, également vice-président de la communauté d'agglomération du Centre de la Martinique (CACEM) et président de la commission aménagement Maire Chargée de mission urbanisme et aménagement du territoire Directeur Général Adjoint Aménagement, Transports et Environnement Élu, Membre du Conseil Exécutif de la CTM, en charge de l'aménagement, du "PADMA" (SAR) et environnement-transports DGS Chargé de mission "Padma" (SAR) Vice-présidente Président d'honneur (ancien pdt) Responsable de la commission juridique Membre de la commission juridique
Collectivité territoriale de Martinique (CTM)
Louis BOUTRIN Guy MERCAN Philippe JANVIER
Chambres consulaires Associations
Chambre des géomètres experts ASSAUPAMAR (Association pour la sauvegarde du patrimoine martiniquais)
Emmanuelle Onfray Henri LOUIS-RÉGIS Pascal TOURBILLON Pierre GALLET de SAINT-AURIN
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3 Florilège photographique des cinquante pas géométriques
Zones U et Ud non (encore) aménagées
Sur les 25 000 constructions situées en zones U et Ud dans les deux départements, les agences en ont recensé environ 13 000 nécessitant une opération d'aménagement76, pour un montant total qu'elles ont estimé à 300 M. Le taux de réalisation de ces travaux voisinait 15% à la fin 2019. La grande majorité des constructions concernées n'a donc pas bénéficié à ce jour des aménagements nécessaires, ou seulement de manière très partielle.
« Petite rivière salée », la Trinité (Martinique)
Constructions de tôle et de planches posées sans cohérence.
Certaines finissent en ruines.
La barque témoigne ici d'une activité de pêche que l'on retrouve fréquemment pour les constructions situées en bordure immédiate du rivage.
La discrétion est souvent recherchée lorsque l'habitat est diffus. Cela contribue au moins à réduire l'impact négatif sur le paysage ...
76
Cf. corps du rapport, § 2.4.2
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Zones U et Ud non (encore) aménagées (Suite)
« Pointe Jean-Claude », Le Robert (Martinique)
Construction sans permis, de piètre qualité et sans droit de propriété
.... qui ne respecte pas forcément l'environnement naturel
Clôtures, grillages, palissades, murs, ...
... marquent la propriété privée ...
... qui s'affiche ostensiblement.
Certains ont même obtenu une autorisation d'occupation temporaire.
Cette zone urbanisée de fait (45 maisons accueillant 115 habitants), isolée au sein d'une zone naturelle, à vocation à faire l'objet d'un aménagement complet.
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Zones U et Ud traitées ou en cours de projet
Les aménagements peuvent être modestes et ne sont pas tous visibles (notamment l'assainissement. Mais, couplés à la régularisation, ils sont un levier pour inciter les occupants à investir dans l'amélioration de leur maison, et peuvent avoir des effets spectaculaires.
« Pointe Rouge », Le Robert (Martinique)
Le quartier est maintenant desservi par une voirie et l'ensemble des réseaux.
Des maisons trop dégradées ou trop exposées à la submersion ont été démolies et remplacées par des cabanons destinés aux pêcheurs ou autres artisans
Extrait de la fiche réalisée par l'agence des 50 pas
Opération montée en collaboration avec l'ONF afin de résorber l'insalubrité et le saccage d'une zone sensible à Pointe-Rouge. Travaux de viabilisation et de valorisation paysagère dans le but de régulariser les occupants sans titres et le cas échéant les délocaliser dans les parties aménagées afin de préserver les zones naturellement sensibles, libérer la Forêt Domaniale Littorale ou les soustraire aux risques naturels. ETAT DES LIEUX Superficie : 8 hectares, 66 constructions dont 35 en zone ONF Pas de réseau d'assainissement collectif de la zone d'étude Les systèmes individuels quand ils existent sont anciens et défectueux Rapport n° 012883-01 Rapprocher légitimité et légalité : vers l'abolition des cinquante pas géométriques aux Antilles Page 70/86
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Rejet direct dans la mer à proximité de la mangrove et d'un site de baignade (fond blanc) Chemins d'accès empierrés, en mauvais état Des constructions anciennes, en ruines, insalubres ou abandonnées qui côtoient des villas cossues Des constructions à délocaliser, implantées soit sur la plage, soit en dessous de la ligne de surcote cyclonique (exposition aux risques littoraux) Un quartier ouvert sur l'océan atlantique Un quartier isolé, à l'écart du bruit mais mal desservi
LES ENJEUX ET ELEMENTS DE PROGRAMME Une idée forte : équiper et valoriser Optimiser l'assainissement (dispositif individuels aux normes ou collectif) Améliorer l'accessibilité interne, les déplacements et le stationnement Réaliser un réseau durable de voiries et trottoirs Requalifier les espaces publics existants et en créer de nouveaux Mettre en valeur la plage Régularisation du foncier projet de parcellaire Canaliser les eaux de ruissellement Optimiser l'ensemble des réseaux secs (enfouissements, sous--marin ou aérien) Créer des espaces publics Répondre au besoin de relogements en dégageant du foncier viabilisé Traitements paysagers
LES TRAVAUX D'AMENAGEMENT 1. Actions sur le bâti Relocalisation des habitations situées sur la plage et en dessous de la ligne de surcote, ou encore exposées aux risques naturels littoraux 2. Actions sur les voiries Régularisation de l'emprise foncière de la voie d'accès principale au quartier (voie privée) Réalisation voieries et de trottoirs Réorganisation d'espaces de stationnement Actions sur les réseaux Amélioration des branchements pour l'alimentation en eau potable Réalisation d'un réseau d'assainissement (Station d'épuration 400 Eq Hab et pompes de refoulement) Reprise des E P Optimisation de l'organisation des réseaux aériens (basse tension, téléphone et éclairage public) Actions sur les équipements Aménagement d'un espace dédié à l'activité pêche (abris et espace de travail) Aménagement du sentier littoral Aménagements paysagers Plantations Mobilier urbain Espace ludique
3.
4.
5.
ÉLÉMENTS FINANCIERS BILAN PRÉVISIONNEL TTC ENGAGÉ CE JOUR PAYÉ CE JOUR AE 2019 CP 2019 5 708 000 4 789 764 4 564 536 225 228 27 938
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Zones U et Ud traitées ou en cours de projet (Suite)
« Mansarde Rancée », Le François (Martinique)
A la suite de cette opération importante, aujourd'hui clôturée, les occupants ont complètement rénové leur maison une fois régularisés.
Celle-ci, qui dispose d'une armoire électrique, du tout-à-l'égout et dont la parcelle a été bornée, a également été régularisée et connaîtra peut-être le même sort.
Une partie des constructions, vouées à la démolition dans le projet, demeurent aujourd'hui dans le paysage, pour diverses raisons. La dynamique créée par l'opération se poursuivra au rythme des initiatives des occupants.
Des logements sociaux ont été construits pour reloger une partie des occupants de maisons démolies.
Extrait de la fiche réalisée par l'agence des 50 pas
ETAT DES LIEUX Superficie : 17 hectares 68 constructions Pas de réseau d'assainissement collectif de la zone d'étude Les systèmes individuels quand ils existent sont anciens et défectueux Rejet direct dans la mer Chemins d'accès empierrés, en mauvais état Des constructions, anciennes, pour certaines en ruines, insalubres ou abandonnées Des constructions à délocaliser, implantées en dessous de la ligne de surcote cyclonique (exposition aux risques littoraux) Une vue sur la baie une ouverture sur l'océan atlantique Un quartier isolé, à l'écart du bruit mais mal desservi Rapport n° 012883-01 Rapprocher légitimité et légalité : vers l'abolition des cinquante pas géométriques aux Antilles Page 72/86
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LES ENJEUX ET ELEMENTS DE PROGRAMME Une idée forte : équiper et valoriser Optimiser l'assainissement (dispositif individuels aux normes ou collectif) Améliorer l'accessibilité interne, les déplacements et le stationnement Réaliser un réseau durable de voirie et trottoirs Requalifier les espaces publics existants et en créer de nouveaux Mettre en valeur la plage Régularisation du foncier projet de parcellaire Canaliser les eaux de ruissellement Optimiser l'ensemble des réseaux secs (enfouissements, sous--marin ou aérien) Créer des espaces publics Répondre au besoin de relogements en dégageant du foncier viabilisé Traitements paysagers LES TRAVAUX D'AMENAGEMENT 6. 7.
Cout de l'opération : 8 300 000 (travaux réceptionnés en septembre 2011)
Actions sur le bâti Relocalisation des habitations situées sur la plage et en dessous de la ligne de surcote, ou encore exposées aux risques naturels littoraux Actions sur les voiries Régularisation de l'emprise foncière de la voie d'accès principale au quartier (voie privée) Réalisation voieries et de trottoirs Réorganisation d'espaces de stationnement Marquer l'entrée de quartier Actions sur les réseaux Amélioration des branchements pour l'alimentation en eau potable Réalisation d'un réseau d'assainissement Reprise des E P Optimisation de l'organisation des réseaux aériens (basse tension, téléphone et éclairage public) Actions sur les équipements Aménagement d'espace dédié à la pêche Aménagement du sentier littoral
8.
9.
10.
11. Aménagements paysagers Plantations Mobilier urbain Espace ludique
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Zones U et Ud traitées ou en cours de projet (Suite)
« Rivière Sens », Gourbeyre (Guadeloupe)
Cette maison située au niveau de la mer (zone verte hachurée sur le plan d'aménagement) sera démolie.
Celle-ci également (zone vert foncé), au bord de la falaise.
Celle-ci également ...
Il ne reste plus qu'à lancer l'opération.
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Zones U et Ud traitées ou en cours de projet (Fin)
« Pointe ouest de la Batterie », Trois-Rivières (Guadeloupe)
Voirie de desserte réalisée dans le cadre de l'opération
Cheminement piéton et espace de détente
... valorisant l'espace vert
Aménagement réalisé par l'agence des cinquante pas, comprenant : régularisation de 21 parcelles, démolition de 15 habitations et 7 annexes, sécurisation de l'accès aux constructions (création de voies de desserte), création d'un cheminement en bordure littorale, mise en valeur de points de vue, valorisation d'un espace naturel, aménagement d'un espace de détente. Rapport n° 012883-01 Rapprocher légitimité et légalité : vers l'abolition des cinquante pas géométriques aux Antilles Page 75/86
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Des zones N comportant des regroupements de constructions
Quartier « Citerne », le François (Martinique)
Des habitations ...
...et une activité de tourisme
Au total 20 bâtis répartis dans 3 secteurs, pour une occupation familiale comprenant 12 résidences principales, 6 résidences secondaires, 1 hangar et 1 local professionnel (35 à 40 personnes au total)
... sur le site exceptionnel d'une ancienne « habitation » (plantation de canne Monnerot) Rapport n° 012883-01 Rapprocher légitimité et légalité : vers l'abolition des cinquante pas géométriques aux Antilles Page 76/86
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Des zones N comportant des regroupements de constructions (suite)
« Pointe Théogène », le Vauclin (Martinique)
D'après le maire, quelques pêcheurs se sont installés au bord de la mer dans cette zone naturelle en 1977, et s'y maintiennent encore aujourd'hui ...
malgré les propositions de relogement du maire, qui avait négocié avec un
investisseur la construction de bungalows dans un secteur à vocation touristique.
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Des cas (limités) de péril imminent menaçant les vies humaines, qui appellent une démolition
Des maisons victimes de l'érosion de la falaise côté mer...
... Capesterre-Belle-Eau, quartier Ste-Marie Four à chaux (Guadeloupe)
Petit-Bourg (Guadeloupe)
Capesterre-Belle-Eau, quartier Doyon poirier (Guadeloupe)
... érosion du talus côté terre,
effondrement des maisons, Basse-Terre (Guadeloupe)
Une maison qui couvre la ravine Trois-Rivières (Guadeloupe)
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Des atteintes importantes à l'environnement, elles-mêmes génératrices d'insalubrité
Les installations illicites portent, d'une façon générale, atteinte aux espaces naturels en les polluant notamment par des rejets directs d'eaux usées et de déchets divers (déchets ménagers, véhicules hors d'usage, etc.) et le stockage de matériaux dangereux. Elles contribuent également la plupart du temps à la dégradation du paysage. Plus particulièrement, les remblais sauvages effectués pour gagner sur les milieux humides (rivages de la mer, mangrove, bords de rivières), les dégradent en les grignotant, ce qui a en même temps pour effet d'exposer les occupants à des situations d'insalubrité due à la présence d'eaux plus ou moins stagnantes et d'humidité.
Maison empiétant sur la mangrove, les pieds dans l'eau à marée haute - Le Robert (Martinique)
Remblai au bord d'une rivière Capesterre-Belle-Eau (Guadeloupe)
Terrain gagné sur la mer avec des matériaux « divers » Le Robert (Martinique)
Remblais à l'embouchure de la rivière Le Robert (Martinique)
Capesterre-Belle-Eau (Guadeloupe) Rapport n° 012883-01
Le Robert (Martinique) Page 79/86
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Des atteintes importantes à l'environnement, elles-mêmes génératrices d'insalubrité (Suite)
Les pieds dans l'eau Capesterre-Belle-Eau (Guadeloupe)
Les pieds dans l'eau Le Robert (Martinique)
Les pieds dans l'eau - Le Robert (Martinique
3-en-1 : Arrivée d'eau potable, évacuation eaux usées, stagnation d'eau croupie
Capesterre-Belle-Eau (Guadeloupe)
Cette maison menacée par l'effondrement au bord de la falaise ...
... rejette directement ses eaux sur celle-ci, contribuant ainsi à son délitement !
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Des atteintes importantes à l'environnement, elles-mêmes génératrices d'insalubrité (Fin)
Le Robert (Martinique)
Cette maison a été construite au milieu de la mangrove, remblayée à cet effet ... Le Robert (Martinique)
La petite maison dans la mangrove ...
... Tous les moyens sont bons pour ...
... y accéder au sec ... (Suite)
(Fin)
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L'alimentation en eau potable
Ici, la collectivité apporte l'eau à l'entrée du quartier. Les piquages individuels courent sur le sol. Trois-Rivières - Grande-Anse (Guadeloupe)
Gourbeyre Rivière Sens (Guadeloupe)
Basse-Terre Calebassier (Guadeloupe)
Presqu'île de la pointe Thalémont, Le François (Martinique) Rapport n° 012883-01 Rapprocher légitimité et légalité : vers l'abolition des cinquante pas géométriques aux Antilles Page 82/86
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Diverses curiosités
Face à face sur le même site, ces deux constructions de qualité inégale (Capesterre-belle-eau, Guadeloupe)
Une construction illégale en pleine construction dans un quartier dont le projet d'aménagement est bien avancé
La folie des grandeurs, aussi dans la zone des 50 pas, en toute illégalité.
Raccordement électrique en pleine mangrove ... Rapport n° 012883-01
Pas sûr que le facteur arrive jusque ...
... là. « Rivière Sens »Gourbeyre (Guadeloupe) Page 83/86
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4 Glossaire des sigles et acronymes
(Loi) ADOM (Loi) ALUR AOT ASSAUPAMAR BRGM CGEDD CTM DEAL DGPR DRFiP DPM (Loi) ENE EPA EPCI EPF EPFL EPIC FDL FEI FEDER CG3P GEMAPI IGA IGF IGN LODEOM MACP MCTRCT MOM MLV MTES N ONF OPAH PLUi PO PPR PUCA RHI RHS SAFER SAR SIG SCoT SEMAG SEMSAMAR TSE U UD ZAC ZPG Loi d'actualisation des outre-mer Loi pour l'accès au logement et à un urbanisme rénové Autorisation d'occupation temporaire Association pour la sauvegarde du patrimoine martiniquais Bureau de recherches géologiques et minières Conseil général de l'environnement et du développement durable Collectivité territoriale de Martinique Direction de l'environnement, de l'aménagement et du logement Direction générale de la prévention des risques Direction régionale des finances publiques Domaine public maritime Loi portant engagement national pour l'environnement (Grenelle II) Etablissement public d'aménagement Etablissement public de coopération intercommunale Etablissement public foncier Etablissement public foncier local Etablissement public à caractère industriel et commercial Forêt du littoral Fonds européen d'investissement Fonds européen de développement régional Code général de la propriété des personnes publiques Gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations Inspection général de l'administration Inspection générale des finances Institut national de l'information géographique et forestière Loi pour le développement économique des outre-mer Ministère de l'action et des comptes publics Ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales Ministère des outre-mer Ministère du logement et de la ville Ministère de la transition écologique et solidaire Espaces naturels Office national des forêts Opération programmée d'amélioration de l'habitat Plan local d'urbanisme intercommunal Programme opérationnel (fonds européens) Plan de prévention des risques naturels Plan construction, urbanisme et architecture Résoprtion de l'habitat insalubre Résoprtion de l'habitat spontané Société d'aménagement foncier et d'équipement rural Schéma d'aménagement régional Système d'information géographique Schéma de cohérence territoriale Société d'économie mixte d'aménagement de la Guadeloupe Société d'économie mixte de Saint-Martin Taxe spéciale d'équipement Espaces urbains Secteurs d'urbanisation diffuse Zone d'aménagement concerté Zone des cinquante pas géométriques
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Credits photographiques : mission CGÈDD, sauf mention contraire en legende et photos aeriennes pages 76 et 81 (Google maps)
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Site internet du CGÈDD : « Les derniers rapports »
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(ATTENTION: OPTION nde en effet sur une analyse semantique qui le conduit a attacher desormais le caractere de gravite qui doit mener a la demolition au risque plutot qu'a la menace aux vies humaines.48
47
Ces révisions s'appuieront sur des travaux en cours commandés en particulier au BRGM, qui intègrent l'augmentation des phénomènes cycloniques observée depuis quelques années et anticipent sur les évolutions à venir. Elle se baseront également sur une approche cumulative des risques d'inondation par ruissellement et submersion marine, qui conduira à faire passer certains secteurs cumulant zone bleue inondation et zone bleue submersion en zone rouge. 48 Une analyse sémantique détaillée des deux notions a été réalisée par le BRGM, à 5 ans d'écart, dans deux rapports d'étude rédigés « dans le cadre des opérations de Service public » de cette agence : - Expertise des études d'aléas réalisées pour l'Agence des cinquante pas géométriques de Guadeloupe et applicabilité de la loi Letchimy - Rapport final - BRGM/RP-62204- FR - juillet 2015 ; - Présentation préliminaire de la méthodologie développée pour caractériser les zones présentant un Risque Naturel Grave et Prévisible Menaçant les Vies Humaines (RNGPMVH) - Rapport final BRGM/RP-69111-FR - Juillet 2019.
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Des lors, la methodologie qu'il propose en 2019 part des aleas forts et tres forts comme condition necessaire : les risques previsibles graves. Ainsi, et a titre d'illustration, des situations de chute de blocs ont ete indiquees a la mission comme menaçant gravement les vies humaines alors qu'elles se trouvent en zone d'alea moyen, et ne sont de ce fait pas prises en compte par la methodologie proposee. Èn outre, la houle cyclonique, alea fort et tres destructeur des constructions, quelle que soit la qualite du bati, est consideree dans cette methodologie comme irremediable pour les vies humaines, mais parce qu'il est considere que les personnes doivent etre protegees par leur construction pendant l'evenement, ce qui ne serait pas possible. Mais c'est sans compter qu'en cas de cyclone, personne ne reste chez soi car les puissances publiques et les solidarites sociales y veillent de tres pres. Ènfin, pour d'autres risques, comme mouvement de terrains ou inondation/submersion, la qualite du bati (fondations, presence d'un etage par exemple), est prise en compte, ce qui ne conduit plus a la notion de zones, mais a un semis de parcelles non regularisables au milieu d'autres qui le sont, non pas pour des raisons intrinseques mais par la bonne qualite du bati qu'elles accueillent. Ce qui, du point de vue de l'amenagement urbain, perd toute coherence. Il est en consequence urgent de valider une methode de designation des situations de menace grave pour les vies humaines, en revenant a la notion initiale posee dans la loi Letchimy, coherente avec celle du fonds Barnier, et clairement dissociee des PPR. Les habitations situees en bord de falaises sur la cote atlantique de la Basse Terre en Guadeloupe, de Petit Bourg a Capesterre, en sont des illustrations flagrantes, dont certaines sont deja en cours de traitement (cf. photos annexe 3 page 76). Independamment de cette question, la revision des PPR qui s'ouvre conduira surement a des zones majorees d'aleas forts et tres forts et se posera, a plus long terme, la question de la migration en arriere du littoral des urbanisations tres menacees par le changement climatique (cf. 3.4.2 infra).
2.3 Un cadre législatif, dérogatoire du droit commun métropolitain, et plus restrictif, faisant perdurer artificiellement une notion archaïque
2.3.1 Une loi « littoral » spécifique, hors du droit commun métropolitain
La loi « littoral » introduit deux types de dispositions specifiques ultra-marines dans son titre III intitule « Dispositions particulieres aux departements d'outre-mer ». Le premier registre consiste en une ecriture specifique des regles d'occupation des sols dans les communes littorales ultra-marines. L'esprit reste cependant le meme dans les grandes lignes, dans la logique de protection du littoral par les regles d'urbanisme. La specificite est surtout de s'appuyer sur la zone des cinquante pas geometriques pour instituer la bande littorale, au lieu des cent metres en metropole. Mais de surcroît, considerant selon toute vraisemblance que la capacite a « tenir » l'urbanisation par les seuls documents de planification urbaine aux abords d'un littoral particulierement convoite ne serait pas suffisamment operante, la loi « littoral » ajoute un autre registre de protection de la bande des cinquante pas : son incorporation dans le domaine public maritime (DPM). Èn effet, par son article 37, la loi stipule que « la zone comprise entre la limite du rivage de la mer et la limite supérieure de la zone dite des cinquante pas géométriques [...] fait partie du domaine public maritime ». Par ce second registre de specificite, la loi « littoral » introduit une veritable distorsion avec le droit metropolitain, cherchant ainsi a renforcer la protection du littoral par la domanialite publique, au-dela des regles de l'urbanisme.
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2.3.2 Les cinquante pas géométriques et le domaine public (maritime) : une longue (inco)errance
Le decret de 195549 avait integre la bande des cinquante pas dans le domaine prive de l'Ètat, faisant le constat de l'anachronisme du statut de cette zone, de l'extreme complexite du regime applicable « du fait, notamment, de nombreux empiétements commis par des particulières depuis deux siècles » et de la necessite de permettre un developpement economique, agricole et touristique dans ces departements decolonises. Extraits de l'exposé des motifs du décret n° 55-885 du 30 juin 1955 [...] La réserve domaniale, dite « zone des cinquante pas géométriques » [...], constituée par une bande de terrain d'une largeur de 81,20 m située en bordure du rivage de la mer, dépend du domaine public maritime. L'institution de la zone, qui remonte au début de l'établissement de la France dans les anciennes colonies, fut motivée principalement par les nécessités de la défense des côtes basée sur des conceptions depuis longtemps périmées. Son régime, extrêmement complexe du fait, notamment, des nombreux empiètements commis par des particuliers depuis plus de deux siècles, constitue de toute évidence un anachronisme. [...] Mais, dès l'instant qu'elle constitue juridiquement une dépendance du domaine public national, la réserve domaniale est inaliénable et imprescriptible. Sans doute, des décrets intervenus sous le régime colonial ont-ils dérogé à cette règle et autorisé, sous diverses conditions, l'aliénation de certaines de ses dépendances. Mais, bien qu'ils n'aient pas été abrogés explicitement, ces textes sont devenus pratiquement inapplicables, en raison des modifications intervenues dans le régime administratif des anciennes colonies transformées en départements. En fait, la réserve ne peut, actuellement, faire l'objet que d'autorisations d'occupation temporaire dont le caractère essentiellement précaire et révocable ne saurait permettre ni la création d'établissement industriels ou agricoles, ni l'édification de constructions. [...] Ces constations amènent à conclure que le statut actuel de la réserve constitue un obstacle certain au développement économique, agricole et touristique des départements d'outre-mer. Pour remédier à cette situation, il est indispensable, d'une part, de définir d'une façon précise l'étendue de la zone des cinquante pas géométriques et d'en prononcer le déclassement du domaine public, à l'exception toutefois des immeubles qui, par leur nature ou leur destination relèvent de cette domanialité publique à un autre titre (routes, ports, ouvrages de défense...), d'autre part, de fixer le nouveau régime auquel seront soumis les immeubles transférés dans le domaine privé de l'Etat. Le présent décret a pour objet de réaliser cette réforme. [...] La decision prise par ce decret en ce qui concerne la zone des cinquante pas, qui s'inscrit dans le ligne de l'application du droit metropolitain aux anciennes colonies devenues departements par la loi de 1946 50 et auxquelles ont ete appliquees les legislation et reglementation domaniales 51 , est d'une coherence absolue.
49
Décret n° 55-885 du 30 juin 1955 relatif à l'introduction dans les départements de la Guadeloupe, de la Guyane française, de la Martinique et de la Réunion, de la législation et de la réglementation métropolitaines concernant le domaine public maritime et l'exécution des travaux mixtes, et modifiant le statut de la zone dite « des cinquante pas géométriques » existant dans ces départements. 50 Loi du 19 mars 1946 tendant au classement, comme départements français, des colonies de la Guadeloupe, de la Guyane française, de la Martinique, de La Réunion. 51 Décrets n° 48-557 et 48-558 du 30 mars 1948, relatifs à l'introduction, dans lesdits départements, de la législation et de la réglementation domaniales.
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Integrant la caracteristique premiere du domaine public d'etre inalienable et imprescriptible, et constatant neanmoins, sous l'application de diverses dispositions en vigueur dans les colonies, les empietements et occupations commis par des particuliers depuis plus de deux siecles, le decret prend acte d'une situation « anachronique » relevant d'une « conception perimee »52. Trente ans plus tard, nonobstant cet argumentaire imparable et les cessions nouvelles operees tout au long de ces trois decennies en application des possibilites ouvertes par ces dispositions, la loi « littoral » reintroduit en 1986 l'anachronisme constate par le decret de 1955 et retablit l'ensemble des complexites et difficultes de gestion de ce domaine, en contradiction avec la vocation qui qualifie intrinsequement le domaine public : « [...] le domaine public d'une personne publique [...] est constitué des biens lui appartenant qui sont soit affectés à l'usage direct du public, soit affectés à un service public pourvu qu'en ce cas ils fassent l'objet d'un aménagement indispensable à l'exécution des missions de ce service public » en vertu du L2111-1 du CG3P. Les cinquante pas ne se pretaient aucunement a une telle vocation et faisaient deja l'objet d'occupations privatives massives. Cette decision, de conception metropolitaine peu soucieuse des realites ultramarines et a rebours d'une evolution raisonnee au moment de l'integration des colonies comme departements et de leur rattachement au droit metropolitain, a introduit d'insurmontables difficultes qui, plus de vingt ans plus tard, sont loin d'etre resolues, malgre la succession de lois et de rapports d'inspection et de controle. Ènfin, il est a relever que certaines dispositions, comme les clauses resolutoires prevues a l'article L5112-4 du CG3P en cas de non-realisation dans les dix ans des projets d'amenagement ayant justifie la cession gratuite aux communes, ou comme le droit de preemption specifique dans les dix ans qui suivent une cession par l'Ètat a un particulier instaure par l'article L5112-9 du meme CG3P (cf § 2.2.4 infra), font retour des biens vers les personnes ou etablissements publics, mais hors de leur domaine public : dans le domaine prive de l'Ètat dans le premier cas, dans celui de la commune ou de l'agence des cinquante pas dans le second, ce qui constitue une incoherence supplementaire.
2.4 Une mise en oeuvre de la loi de 1996 ayant atteint malgré tout certains résultats
2.4.1 La mission confiée aux agences au service de la régularisation, accomplie avec succès
La mission a souhaite dans un premier temps objectiver les resultats de la mise en oeuvre de la loi de 1996. Èlle a tente pour cela de rassembler les donnees quantifiees necessaires detenues par les agences et des DÈAL, ou de leur demander de les produire. Èlle n'a obtenu qu'un succes tres partiel malgre une veritable mobilisation des agences. Le tableau ci-dessous illustre ces difficultes a jauger les quantites en montrant des chiffres de mesure des cinquante pas, variables d'un acteur a l'autre, avec des convergences (vert) et des divergences (rouge).
52
Il convient malgré tout de noter que la possibilité de prescription acquisitive en application des dispositions du Code civil qu'ouvrait ce décret n'a de fait jamais été mise en oeuvre par défaut d'une décision ministérielle de délimitation que l'Etat n'a jamais prise.
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La mesure des superficies concernees apparaît plus stable que le denombrement des batis. L'approche exploree a la demande de la mission par le systeme d'information geographique (SIG) de la DÈAL de Martinique, en utilisant la « BD topo »53 de 2017 a l'avantage d'etre plus a jour mais ne distingue pas le type de bati en dur ou leger (terrasses, piscines, garages, abris de jardin...). Pour ce departement, il a en consequence ete prefere de s'en tenir au travail de l'agence des cinquante pas qui a consiste a mobiliser la base Èdigeo 2019 (donnees cadastrales numerisees) pour decompter les batis en dur. Èn Guadeloupe, les travaux de chiffrage de l'agence et de la DÈAL sont davantage convergents. Il est surtout a noter l'absence d'objectif commun au sein des services de l'Ètat et de ses operateurs de disposer d'une connaissance globale mesuree du territoire des cinquante pas par croisement des differents systemes de mesure ou d'information geographique lorsqu'ils existent. Ceci paraît etre une des consequences des difficultes de gestion en mode projet au sein des services de l'Ètat et des defauts de cooperation entre les services de l'Ètat et les agences, pourtant operateurs de l'Ètat mais non consideres veritablement comme tels. Ce phenomene est plus accentue en Guadeloupe qu'en Martinique. La mise en place de procedures d'echanges formalisees devrait permettre dans les deux cas de regler le probleme. Dans un deuxieme temps, la mission s'est attachee a apprecier les resultats obtenus en matiere de regularisation, en application de la loi de 1996. Les chiffres qui suivent, malgre leur apparente precision, ne sont pas exacts a l'unite, mais permettent, grace au travail important des agences a la demande de la mission, d'avoir une representation en ordre de grandeur des resultats obtenus.
53
Institut national de l'information géographique et forestière (IGN)
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Globalement, la regularisation s'approche de 65% a 80 % si l'on compte les decisions favorables en cours de paiement par les occupants, meme si le titre n'est pas encore delivre (cf. tableau ci-dessus). Èlle est de l'ordre de la moitie si l'on compte uniquement les titres publies. Mais il faut noter que 15% a 30% restent a ce jour sans titre dans une situation en quelque sorte bloquee puisque, soit l'occupant n'a pas effectue la demarche qui n'est pas obligatoire-, soit la regularisation n'est pas possible mais sans pour autant que la construction soit demolie-. Èn ce qui concerne la mission de regularisation des agences, il convient de rappeler que celles-ci ne sont en responsabilite reelle qu'en partie « amont », avant la reunion de commission interservices et la decision de l'Ètat. Dans la phase posterieure a cette derniere, leur role n'est par contre que celui de « boîte aux lettres » entre DRFiP, services prefectoraux et beneficiaires des cessions, les delais de cette phase etant principalement entre les mains de la DRFiP et des beneficiaires (cf. § 2.2.2 supra).
Sous cet angle, la mission a apprecie les resultats du travail accompli par les agences et constate qu'en proportion des batis potentiellement regularisables car anterieurs a 1995 et pour lesquelles une demande de regularisation a ete effectuee, les agences ont traite, jusqu'a la decision de l'Ètat, autour de 90 % des demandes (cf. tableau ci-dessus). Les agences ont donc a ce jour accompli leur mission au service de la regularisation, meme si le stock potentiel reste encore important en Guadeloupe : plus de 2 000 batis non traites mais pour lesquels aucune demande n'a ete deposee. L'horizon de vie des agences, qui, depuis qu'elles ont la mission de regularisation, a ete constamment limite, a conduit inevitablement a renoncer a relancer des campagnes actives de regularisation. Il est a noter que les avis defavorables a la regularisation sont principalement motives par un defaut d'eligibilite (bati edifie apres 1995, titre deja valide, etc.), par la localisation dans les zones rouges des PPR ou la non-compatibilite avec un programme de viabilisation54. Ainsi, en Martinique, sur les 501 refus, 162 relevent de la situation en zones rouges et 159 de l'incompatibilite avec un futur reseau de desserte. Èn Guadeloupe, cela represente respectivement 626 et 101 sur les 825 refus.
2.4.2 La mission d'équipement et d'amélioration, partagée entre les collectivités du bloc communal et les agences, très partiellement avancée
La mission s'est attachee egalement a jauger l'intervention des agences dans le champ de l'amenagement, en lien avec les besoins de viabilisation et d'equipement, ainsi que de traitement des quartiers insalubres (cf. nombreuses photos en annexe 3). Dans le cadre de leur mission principale initiale, les deux agences ont etabli des estimations en ordre de grandeur des couts d'intervention en equipement et amenagement sur les quartiers qui leur sont apparus prioritaires, puis elles y ont conduit des interventions dans une partie d'entre eux, ou en preparent. Ces estimations concernent deux tiers des batis en zone U & UD en Martinique, soit plus de 9 000 habitations, pour un cout d'equipement global de l'ordre de 200 M, et un tiers en Guadeloupe,
54
Les sursis à statuer étant quant à eux principalement fondés sur ce dernier motif de l'incompatibilité avec un futur réseau de desserte.
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approchant les 4 000 habitations et representant de l'ordre de 100 M. Dans les deux cas, les travaux deja realises par les agences s'approchent des 15 % de ces estimations (cf. tableau ci-dessous).
Ce chiffre peu eleve est la consequence directe des defauts de capacite a agir des agences, lies a leurs statuts, a leurs missions et aux conditions restrictives de leur exercice (cf. § 2.2.4 supra), notamment une duree de vie incompatible avec des operations qui demandent de l'ordre de dix ans ainsi que l'absence de pouvoir d'initiative. La mission a cependant constate, aussi bien en Martinique qu'en Guadeloupe, que les quartiers dont la viabilisation a ete effectuee, couplee a la regularisation, connaissent une veritable transformation qui permet ensuite aux habitants de regenerer leur bati et impulse ainsi une veritable dynamique de reinvestissement (cf. photos annexe 3 pages 68 a 73). Par ailleurs, les agences identifient que 20% a 25% du bati de ces zones relevent d'interventions de type RHI/RHS, au-dela des questions d'insalubrite collective rendant necessaires des programmes d'equipement. L'agence de Martinique intervient sur un certain nombre de RHI, ce qui n'est pas le cas de celle de Guadeloupe (cf. § 2.2.4 supra).
2.4.3 Une unanime reconnaissance du travail des agences et de l'implication de leurs salariés, malgré la grande précarité des conditions de leur intervention
A travers l'ensemble des entretiens qu'elle a menes sur place, la mission constate chez les partenaires des agences au sein des collectivites une reconnaissance unanime de leur travail, que ce soit du cote des maires qui conduisent avec elles des projets ou du cote des collectivites de niveau regional : la region de Guadeloupe et la collectivite territoriale de Martinique. Toutes ces collectivites rencontrees par la mission, et leurs elus en particulier, tiennent des propos tres positifs a l'egard des agences et de leurs personnels : « qualité de l'expertise », « compétences techniques », « équipes de personnels performants », « accumulation d'expérience opérationnelle » leur permettant de « discuter avec les occupants et préparer ainsi les projets d'aménagement ». Ils constatent que « la mission n'est pas terminée », mais que les agences sont des acteurs « repérés », « les compétences sont là », et qu'il convient de « valoriser leur savoir-faire ». Ils en deduisent qu'il est « important de ne pas changer d'interlocuteur [et que les agences] continuent leur mission », et affirment qu'il serait « absurde de réinventer de toute pièce une nouvelle administration ». Èn outre, tous les maires, ou leurs adjoints, rencontres par la mission, sans exception, saluent l'implication des agences dans la realisation de projets « importants pour la commune ». Mais au-dela de leur appreciation des competences mises en oeuvre, ils reconnaissent l'utilite de faire appel a un operateur « a-politique, qui travaille pour tout le monde » car n'etant relie a aucune collectivite en
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particulier. Ils constatent en effet l'importance des « rivalités entre les structures », « chacun pensant les choses de son côté » dans un contexte de « relations politiques très compliquées ». Ils affirment en consequence avoir besoin « d'organes coordonnateurs pour l'intérêt général » que sont les agences pour depasser ces difficultes et conduire des « projets plus complets et plus intégrés ».
2.4.4 Les grandes faiblesses locales de l'aménagement opérationnel
Le recent rapport du CGÈDD relatif a l'accession tres sociale dans les departements d'outre-mer constatait « la quasi-absence de stratégies [opérationnelles] d'aménagement visant à préparer un foncier doté d'une structure viaire et desservi par les réseaux et en conséquence prêt à recevoir les constructions. Celles-ci s'opèrent en fonction du parcellaire existant et des opportunités foncières. [...] La question des réseaux viaires, d'eau et d'assainissement ne se pose [le plus souvent] qu'a posteriori, une fois les constructions réalisées et occupées, avec toutes les difficultés induites, [comme] c'est aussi le cas aux Antilles où les questions d'insalubrité se posent à l'échelle de quartiers entiers. [...] Les logiques d'aménagement, sous forme d'opérations de résorption de l'habitat insalubre ou d'opérations d'aménagement, ZAC55 ou lotissements, ne sont pas au centre des préoccupations des municipalités. [...] Il en est de même pour les opérations programmées d'intervention sur l'habitat dans une approche globale. À titre d'exemple il n'y a qu'une seule ZAC et une seule OPAH56 en Guadeloupe. » Dans les cinquante pas geometriques, les constructions se sont historiquement concentrees de maniere informelle et la reorganisation a posteriori de ces tissus spontanes necessite un travail de « dentelle » pour faire passer les reseaux et resorber l'insalubrite des habitations. Les communes, et maintenant les etablissements publics de cooperation intercommunale (ÈPCI), en competence institutionnelle sur ces sujets, sont encore moins rompu(e)s a assurer la maîtrise d'ouvrage de ce type d'operations que d'operations plus classiques. Les amenageurs locaux, dont on constate deja le retrait des operations d'amenagement courantes, sont de la meme maniere peu enclins a s'engager dans ce genre de projets complexes. On peut noter a titre d'exemple que la RHI de Grand Baie a Gosier, en Guadeloupe, aura « epuise », depuis son demarrage en 2005, non seulement son premier amenageur, la SÈMAG 57 , mais egalement le second qui lui avait succede, la SÈMSAMAR 58 . La ville se retourne aujourd'hui vers l'agence pour reprendre la suite operationnelle dans le contexte du retour des terrains a l'Ètat, en application de la clause resolutoire de la cession initiale lorsque l'operation n'est pas realisee dans les dix ans. Èn Guadeloupe, les operations de RHI s'eternisent, voire s'eteignent, alors qu'il reste fort a faire. Bien que l'importance des enjeux d'amenagement soit fortement averee, la faiblesse de leur portage par les collectivites du bloc communal est encore renforcee par leur situation financiere de plus en plus critique dans ces deux departements d'outre-mer, reduisant au minimum leur participation financiere a ces operations. C'est ainsi par exemple que sur l'ensemble des projets d'equipement menes par l'agence de Guadeloupe, celle-ci en aura finance presque les trois quarts sur ses propres ressources. Par ailleurs, bien que la competence soit maintenant celle des ÈPCI, ces structures sont encore tres jeunes et sont loin de federer les communes sur des projets communs, celles-ci restant soucieuses de preserver leurs prerogatives pour la maîtrise de leur territoire, tout particulierement en Guadeloupe.
55 56
Zone d'aménagement concerté. Opération programmée d'amélioration de l'habitat. 57 Société d'économie mixte d'aménagement de la Guadeloupe. 58 Société d'économie mixte de Saint-Martin.
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3 Une indispensable période de transition dans la perspective d'une abolition des cinquante pas aux Antilles
3.1 Administrer la préparation du transfert
La loi ADOM avait prevu cinq annees pour la mise en oeuvre du transfert. Differents travaux preparatoires ont permis de mieux cerner les difficultes - documents strategiques d'amenagement, meme non adoptes ; lettre du prefet de Guadeloupe du 9 avril 2018 (cf. § 2.1.3 supra) ; analyse conjointe effectuee par la DÈAL et la collectivite territoriale de Martinique des besoins d'actualisation du zonage U & UD versus N ; analyse effectuee par l'ONF de Martinique (cf. § 3.1.1 infra) -, mais sans pour autant proposer de solutions de resolution. L'enchainement prevu par la loi des etapes et decisions concretes menant au transfert n'est a ce jour pas entame. Il convient donc de se donner a compter d'aujourd'hui le temps necessaire pour y parvenir, que la mission estime a plusieurs annees, afin d'administrer de maniere efficace cette periode de transition.
3.1.1 Délimiter la partie à vocation urbaine des cinquante pas par déduction des espaces naturels à protéger, en organisant les moyens de leur protection
L'article L5112-1 du CG3P stipule que « l'Etat délimite par décret en Conseil d'Etat, au plus tard le 1er janvier 2019, après avis des collectivités territoriales ou de leurs groupements, à l'intérieur de la zone des cinquante pas géométriques, d'une part, les espaces urbains et les secteurs occupés par une urbanisation diffuse, d'autre part, les espaces naturels ». Le meme article precise que « cette délimitation prend en compte l'état d'occupation du sol [...] ».
Délimiter les zones U et UD à partir de l'enjeu de protection durable des zones naturelles
Avant meme la loi ADOM, la mission IGA-CGÈDD de 2013 insistait sur l'enjeux de preservation du littoral et de l'ecosysteme antillais, en constatant le role majeur joue par le Conservatoire du littoral et l'ONF et recommandait « qu'un décret en Conseil d'Etat fixe le périmètre transférable en excluant les espaces naturels, les coupures d'urbanisation [...] » et considerait pour cela que « la cartographie des espaces naturels devra être revue afin de correspondre pleinement à la réalité humaine et écologique ». La presente mission confirme que les arretes de delimitation pris par l'autorite prefectorale au debut des annees 2000 en application de la loi de 1996 meritent une revision59, au regard : de l'evolution des tissus batis, et notamment des noyaux qui se sont constitues dans certains espaces naturels ; de l'importance que revet en 2020 la question de la preservation ecologique et de la biodiversite.
Contrairement a la Martinique, ou le Conservatoire du littoral n'a pas souhaite recuperer les zones baties bien que classees N par l'arrete prefectoral, l'integration des cinquante pas en application de la loi de 1996 dans le domaine du Conservatoire en Guadeloupe a fait entrer dans son perimetre un ensemble non negligeable d'occupations illicites, dont 230 habitations. Le Conservatoire met en place depuis 2015 une strategie de reconquete visant a une demolition, en developpant sensibilisation,
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Des révisions ont été effectuées depuis ces arrêtés initiaux pris au début des années 2000 (y compris postérieurement à la promulgation de la loi ADOM qui a renvoyé en 2015 les modifications à un décret en Conseil d'Etat), mais ces révisions ont été faites à l'initiative et sur demande de quelques communes, et ne couvrent qu'une part minoritaire des cinquante pas.
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negociation et accord amiable, ou, a defaut, mise en demeure, proces-verbal de grande voirie, decision judiciaire de demolition et demolition. Actuellement, 70 % des situations sont re glees par la negociation. Des demolitions ont deja ete operees.
Source : Conservatoire du littoral de Guadeloupe ; rapport d'activité - bilan 2017-2018 et perspectives 2019
Du cote de l'ONF, en Martinique, l'Office exerce une surveillance tres reguliere (tournee en helicoptere une fois par mois) et intervient au titre de la preservation des bois pour detruire immediatement tout debut de travaux. L'Office a « herite » au moment de l'incorporation des zones des cinquante pas au sein de la foret du littoral (FDL) de certaines occupations « historiques », qui font l'objet de concessions aux termes d'un accord passe en 2014 entre l'Office et l'Union des associations du littoral de la Martinique. Selon cet accord, pour les constructions plus « récentes », considerees comme ayant ete edifiees « illégalement en toute connaissance de cause [...], la règle générale est l'expulsion et la démolition. » La difficulte a laquelle est confrontee l'ONF dans les deux departements antillais, dans sa capacite a poursuivre son action de protection de la FDL, tient aux objectifs poses par le niveau central de l'ONF de viser a l'equilibre financier des delegations d'outre-mer, alors que le modele economique generique de financement par la vente des bois ne fonctionne pas aux Antilles. La mission considere neanmoins que, dans le but de proteger ces espaces naturels, la delimitation doit etre arretee de maniere a ce qu'a l'issue de l'exercice, l'ensemble des zones naturelles soit affecte, soit au Conservatoire du littoral, soit a l'ONF dans le cadre du regime forestier de la foret du littoral. Ces deux operateurs de l'Ètat, malgre des moyens resserres, sont en effet en capacite d'organiser l'animation, la pedagogie et la police necessaires a la preservation du domaine. A l'inverse, les secteurs actuellement classes naturels de la zone des cinquante pas et places sous la responsabilite directe de l'Ètat, via la DÈAL, ne peuvent pas etre correctement surveilles, par manque de moyens. Ce travail de delimitation et d'affectation des espaces naturels a un gestionnaire dedie, Conservatoire du littoral ou ONF, portera egalement sur les terrains exondes en application du L5112-2 du CG3P. Èn Guadeloupe, les cartographies de delimitation des zones U, UD et N par les arretes prefectoraux revelent des interferences avec un « domaine public lacustre », au statut non stabilise d'apres les services de l'Ètat. A l'occasion de ces travaux de delimitation prealables a la prise du decret en Conseil d'Ètat, le statut et la geographie de ces terrains devront etre elucides et leur classement arrete dans les categories adequates.
Mettre en place un travail en mode projet au sein des services de l'Etat et de ses opérateurs
Le travail de repartition des cinquante pas entre zones naturelles et zones urbaines doit en consequence etre effectue en lien etroit avec ces deux operateurs. Le directeur de l'ONF de Martinique, dans un premier courrier du 4 mai 2018 a l'attention du directeur de la DÈAL, constatait que « ce
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transfert est l'occasion de retrouver des zonages cohérents avec la réalité de terrain et de gestion. [Notre] analyse rapide du foncier de la zone des cinquante pas a ainsi permis d'identifier plusieurs cas de figure : des parcelles U et UD situées en FDL qui pourrait faire l'objet d'une distraction (18 ha) ; des parcelles U et UD situées en FDL qui pourraient l'objet d'un reclassement en N (13 ha) ; des parcelles U et UD contenant des zones naturelles qui mériteraient d'être classées N (44 ha) ; des parcelles N non situées en FDL qui le mériteraient (180 ha) ; des parcelles privées qui pourraient faire l'objet d'une acquisition par le Conservatoire du littoral (environ 30 ha). »
Dans un second courrier du 28 decembre 2018, il completait en constatant « les difficultés concernant les bases de données cadastrales » et faisait une proposition de travail collectif au sein de l'Ètat : « Il est indispensable et urgent de clarifier la notion de propriété sur le littoral et d'assurer son opposabilité aux tiers. La mise en place d'un projet porté par la DRFiP avec le soutien des acteurs du foncier, dont nous faisons partie, me semble être la meilleure solution. Un début pourrait être un travail collectif, peut être sous l'égide du SGAR, afin de clarifier les enjeux et les procédures et définir les rôles de chacun. » La mission soutient ces propositions de travail en mode projet au sein de l'Ètat qui lui parait tout a fait indispensable en l'espece, le systeme d'acteurs etant tres compartimente et cloisonne, comme elle a pu le constater dans ces departements d'outre-mer. Au sein des services de l'Ètat, la cooperation est cependant d'autant plus bridee que ceux-ci sont confrontes a des difficultes particulieres, avec tres peu de moyens pour y repondre, mais l'appui sur les operateurs de l'Ètat (Conservatoire, ONF et agences) et leurs outils, permettra une meilleure efficacite. Ce travail de clarification au sein de l'Ètat et de ses operateurs devrait egalement etre partage avec les collectivites, en veillant a associer les occupants selon des modes a definir. Recommandation 1. Délimiter les parties urbaines à partir d'une stratégie de protection des écosystèmes antillais, en affectant en totalité les zones naturelles des cinquante pas au Conservatoire du littoral et des rivages lacustres et à l'Office national des forêts. Organiser pour cela au sein de l'Etat et de ses opérateurs (ONF, Conservatoire, Agences des cinquante pas) un travail coopératif en mode projet. Veiller à ce que le Conservatoire et l'ONF continuent de disposer des moyens leur permettant d'assurer leurs fonctions d'animation, conservation et protection de ces zones naturelles.
3.1.2 Définir la consistance du DPM résiduel des zones urbaines en vérifiant, à la parcelle, l'absence de titre de propriété recevable
Une fois les zones U et UD delimitees, il sera indispensable de definir precisement la consistance du transfert de propriete prevu par la loi. Èn effet, seules les parcelles non titrees, c'est-a-dire pour lesquelles aucun titre de propriete ne pourra valablement etre oppose, feront l'objet du transfert. Ceci suppose un examen a la parcelle, sur l'ensemble de ces zones U et UD. Ce travail de verification n'est pas entame aujourd'hui. Une fois le contour des zones U et UD arrete, il pourra etre finalise. Èn Guadeloupe, la DRFiP precise que cela mobilisera au minimum un equivalent temps plein sur une annee entiere. Èlle precise en outre qu'elle n'en dispose aucunement dans l'etat actuel du resserrement de ses effectifs.
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Recommandation 2. Définir la consistance parcellaire des terrains des zones urbaines et d'urbanisation future à transférer. Mandater, en lien avec la direction de l'immobilier de l'Etat, les DRFiP pour procéder dans les délais à la vérification des terrains domaniaux éligibles au transfert.
3.1.3 Traiter les habitations soumises à un risque imminent pour les personnes
Derniere dimension qui conditionne tres directement le transfert : le traitement des constructions situees dans des zones soumises a un risque menaçant gravement les vies humaines. De maniere convergente, la region Guadeloupe et la collectivite territoriale de Martinique posent en effet comme prealable au transfert des cinquante pas que l'Ètat soustraie aux perimetres transferes ces zones representant un nombre tres eleve d'habitations qui seraient a demolir et a reconstruire ailleurs en contradiction frontale avec toute acceptabilite sociale (cf. chapitre 1). Le transfert est donc bloque, politiquement, et meme techniquement puisque la loi ne prevoit pas cette exclusion, ce que ces collectivites ne peuvent tout a fait ignorer. Comme il a ete developpe supra (cf. § 2.2.5), il est imperatif aujourd'hui de distinguer rigoureusement les situations qui relevent de l'urgence absolue pour les vies des personnes, de celles bien plus importantes numeriquement qui relevent d'un dispositif de protection des biens et des personnes par les servitudes de prevention contre les risques naturels. Èn d'autres termes, il convient de distinguer les situations a traiter dans le cadre du fonds Barnier, article L561-1 et suivants du code de l'environnement, de celles qui relevent des PPR, articles L562-1 et suivants du meme code. Ainsi, il appartient maintenant a l'Ètat, en lien avec les collectivites, comme la loi Letchimy de 2011 en faisait l'obligation, d'identifier dans les meilleurs delais l'ensemble de ces habitations dont la situation constitue un risque imminent pour la vie des habitants. Ces situations sont de l'ordre de plusieurs dizaines, voire de la centaine, mais ne sont pas du tout a l'echelle du millier comme le sont celles situees dans les zones rouges des PPR au sein des cinquante pas. L'identification doit s'accompagner de la mise sur pied par l'Ètat d'un programme operationnel de relogement et demolition par des operations d'amenagement ad hoc. Il est essentiel que ces operations soient menees de maniere efficace et tenue dans les temps. L'experience montre en effet des delais de realisation excessivement longs 60. Outre la difficulte intrinseque de telles operations, compte tenu de l'ancrage affectif et symbolique des familles a leurs lieux d'habitation, meme soumis a des risques averes, la difficulte a livrer rapidement de telles operations tient non seulement au defaut de capacite operationnelle d'amenagement mais aussi au type de solution la plus couramment retenue pour le relogement, en logement locatif social et en dehors du quartier. Il est essentiel en effet pour les occupants de pouvoir beneficier de solutions de remplacement dans des conditions d'usage et financiere de meme ordre de celles dont ils auraient beneficie dans une regularisation « courante ». C'est bien parce que les solutions proposees par l'amenageur ne remplissaient pas ces principes que l'operation de Grand Baie au Gosier en Guadeloupe a echoue (cf. § 2.4.4). Concretement, ceci suppose un terrain de relogement, en pleine propriete, situe dans le quartier ou dans sa proximite immediate et une construction en accession tres sociale, voir en auto-construction encadree. Ce programme de relogement des populations soumises a un risque naturel menaçant gravement les vies humaines devra faire l'objet, a la hauteur de ces besoins d'urgence, d'un financement assure dans le cadre du fonds Barnier et de programmes d'accession tres sociale. L'Ètat s'appuiera en outre sur ses
60
A titre d'exemple, l'opération de relogement démolition du quartier Bovis à Petit Bourg en Guadeloupe est en cours depuis plus de dix ans et n'est pas achevée. L'agence n'en était pas l'opérateur.
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operateurs que sont les agences pour le conduire. Il conviendra en particulier que celles-ci soient renforcees en tant que maître d'ouvrage et qu'elles disposent d'un horizon temporel de dix ans indispensable a la conduite de ces operations (cf. § 3.2.3 infra). Èlles devront egalement etre directement beneficiaires des financements du fonds Barnier. La mission rejoint les propositions de la mission IGA-CGÈDD de 2013 qui recommandait de « privilégier dans le plan de charge des agences, les travaux d'aménagement permettant de réduire le périmètre des zones à risque. A cette fin, elles doivent pouvoir mobiliser le fonds Barnier ». Èlle souscrit egalement a celle de la Cour des comptes en 2015 : « fixer aux agences comme priorité le traitement des zones à risque, en les rendant éligibles au fonds Barnier ». Correlativement au traitement de ces situations de risque imminent pour les personnes, et en dehors de ces situations, les avis defavorables a la regularisation pris au motif de la localisation dans la zone rouge du PPR devront faire l'objet d'une nouvelle instruction61. Recommandation 3. Identifier sans délai les secteurs de menaces graves pour des vies humaines et mettre en place un programme d'opérations de démolition des habitations correspondantes et de relogement de leurs habitants dans des conditions équivalentes, financé dans le cadre du fonds Barnier. Concevoir ces opérations dans le quartier ou à proximité immédiate et en accession très sociale avec un coût du foncier analogue à celui de la régularisation. Rendre les agences des cinquante pas, qui en seront les opérateurs, directement bénéficiaires des financements du fonds Barnier. Ré-instruire les demandes de régularisation des occupations situées en zones rouges des PPR et non concernées par ce programme.
3.2 Rénover et libérer l'action opérationnelle de terrain pendant la période de transition
Pendant que s'operent les travaux preparatoires au transfert, les interventions et operations sur les cinquante pas ont vocation a se poursuivre. Il serait legitime que, pendant cette periode, un ensemble de dispositions puissent etre prises pour ameliorer et faire progresser l'efficacite de l'action publique. Les propositions de la mission visent a retrouver un caractere tres operatoire aux dispositifs de gestion de la zone des cinquante pas avant le transfert pour permettre autant que possible de « sortir du cercle de l'impuissance », comme l'evoquait ainsi un des acteurs qu'elle a auditionnes.
3.2.1 Accélérer et faciliter la régularisation
Pendant la periode de transition, la gestion de la regularisation au sein de la bande des cinquante pas doit necessairement se poursuivre sous l'egide des agences dont la mission doit automatiquement perdurer jusqu'a l'effectivite du transfert. La mission propose differentes voies pour faciliter les regularisations et resorber autant que possible le stock d'occupations sans titre avant le transfert.
Ouvrir la possibilité de cession gratuite
Comme cela a deja ete evoque, les ressources des menages installes sur la zone des cinquante pas sont le plus souvent faibles, voire tres faibles, et le prix de la cession peut leur apparaître redhibitoire pour formuler une demande la regularisation. Les delais de paiement du prix peuvent egalement etre tres longs comme evoque precedemment (nombreux mois, voire plusieurs annees ; cf. § 2.2.2 supra).
61
Soit 162 sur les 501 avis défavorables en Martinique et 626 sur les 825 en Guadeloupe (cf. § 2.4.1 supra).
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La mission propose en consequence d'ouvrir la possibilite d'une cession gratuite. La possibilite en a deja ete ouverte en Guyane par l'article L5144-1 a 3 du CG3P pour la cession des fonciers de l'Ètat. Le principe d'une cession gratuite, applicable en Guyane, peut l'etre de la meme maniere aux Antilles. La mission IGA-CGÈDD de 2013 le recommandait deja : « céder à titre gratuit à tous les occupants qui répondent à des critères de ressources ». Dans son article 3, la loi de 1996 avait prevu que les cessions des terrains accueillant des constructions a usage d'habitation fassent « l'objet d'une aide exceptionnelle de l'Etat lorsque les personnes qui demandent à en bénéficier remplissent des conditions de ressources [...] ». Le decret definissant ces modalites62 devrait alors etre modifie pour installer une decote a 100 %. La mission propose de prevoir une condition de ressources : les menages eligibles a cette decote seraient ceux dont le revenu les situe dans les trois premiers quartiles63. La mission considere en outre que cette disposition de gratuite devrait etre reservee aux residences principales. Il conviendrait egalement, dans cette logique, d'appliquer ce meme principe a toutes les regularisations ayant reçu un avis favorable de l'Ètat, et notamment celles pour lesquelles le reglement du prix n'est pas encore acheve. Celui-ci serait alors interrompu definitivement et la cession immediatement prononcee par acte. La pauvrete des populations a conduit egalement les agences a prendre en charge les frais de geometres. Pour celles qui releveront de la decote a 100 %, les agences poursuivront cette prise en charge. Ènfin, un des freins a la regularisation, outre le prix a payer, reside egalement dans le fait que bon nombre d'occupants considerent que le terrain leur « appartient », non seulement en fonction des valeurs sociales evoquees au chapitre 1, mais aussi parce qu'ils sont soumis au paiement de la taxe fonciere. Certains acteurs evoquent que 80 % sont ainsi recouvres sur les cinquante pas et qu'un tiers du produit fiscal concerne des occupations sans titre, ce qui n'est pas legal. L'acceleration des regularisations induites par la gratuite permettrait alors de recouvrer les taxes foncieres et d'alimenter les ressources des collectivites publiques en toute legalite. La necessite de mettre en place une parade a la speculation qui a pu etre constatee dans certains cas apres une cession avantageuse par l'Ètat, est reelle. Èlle pourrait etre traitee par l'application d'un bareme d'imposition de la plus-value comme le recommandait le rapport de 2013 precite : « Prévoir des conditions de reversement du prix du terrain en cas de revente ultérieure » sous forme de recuperation partielle des plus-values.
Définir le critère d'éligibilité à la régularisation en fonction de l'âge du bâti et non plus par référence à la date du 1er janvier 1995
Èn ce qui concerne l'anteriorite de la construction pour pouvoir pretendre a la regularisation, la loi de 1996 fixait le 1er janvier 1995, soit dorenavant 25 ans au minimum d'anciennete alors que, de fait, de nouvelles constructions ont ete edifiees depuis cette date 64 . Or, comme le mettait en evidence la mission IGA-CGÈDD de 2013, « [...] la loi Letchimy de 2011 indemnise les occupants sans droit ni titre justifiant d'une occupation [...] continue [...] depuis plus de dix ans dont la maison d'habitation ou le local
62
Décret n° 2000-1188 du 30 novembre 2000 relatif à l'aide exceptionnelle de l'Etat instituée par l'article 3 de la loi n° 961241 du 30 décembre 1996. 63 Soit un revenu par ménage ne dépassant pas 3 500 en Martinique et 3 250 en Guadeloupe (référence : enquête nationale logement de 2013). 64 De l'ordre de 1300 en Martinique et moins de 200 en Guadeloupe (cf. tableau § 2.3.1 supra).
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professionnel est destiné à être démoli à la suite d'une opération d'aménagement, d'équipement public ou dans une zone exposée à un risque naturel prévisible menaçant gravement des vies humaines. » La mission fait sienne la recommandation formulee par cette precedente mission « d'aligner les délais pour prétendre à la régularisation sur ceux de la loi Letchimy ». Ainsi, les constructions regularisables seraient toutes celles edifiees au moins dix ans avant la demande de regularisation.
Inciter à la demande de régularisation
Si la mise en place de la gratuite rendrait plus attractive la demarche de formuler une demande, il n'en reste pas moins que la regularisation reste subordonnee a l'expression d'une demande par les occupants. A defaut d'obligation, qui du reste risquerait d'etre difficile a faire appliquer, il pourrait etre recouvre d'office une redevance pour occupation aupres des occupants sans titre n'ayant pas depose une demande de regularisation, comme plusieurs missions d'inspection et de controle l'ont recommande (cf. § 2.2.3 supra). Tout comme l'ONF, l'agence, egalement ÈPIC de l'Ètat dote d'un comptable public, pourrait elle-meme notifier la mise en recouvrement de cette redevance aupres des particuliers. Il s'agirait alors de fixer un bareme de redevance suffisamment eleve pour inciter a la demande de regularisation. Celui-ci pourrait etre fixe d'un commun accord avec la DRFiP et applique directement par l'agence. Èn outre, comme les redevances d'occupation des cinquante pas sont parties integrantes des ressources financieres des agences, leur perception directe apres recouvrement par leur soin eviterait des allers et retours avec les DRFiP65.
Simplifier le circuit de régularisation postérieur à la décision favorable
Actuellement, la DRFiP intervient trois fois dans la phase posterieure a la decision favorable de regularisation : pour l'estimation financiere de l'offre de cession, pour la mise en recouvrement une fois l'offre acceptee et pour l'acte de cession une fois le paiement total effectue. Tout d'abord, comme evoque precedemment (cf. § 2.2.2 supra) les actes de cession ne sont deja pas rediges par les personnels de la DRFiP, mais par des agents salaries de l'agence et remuneres par elle, mis a disposition de la DRFiP. Èn outre, dans les cas tres majoritaires ou la cession se ferait a titre gratuit, l'evaluation deviendrait plus formelle et elle pourrait etre effectuee par l'agence directement sur le bareme deja etabli et pratique par la DRFiP. La mission propose en consequence, afin de simplifier et de raccourcir les delais de regularisation, que les DRFiP deleguent leurs responsabilites domaniales d'evaluation et de redaction des actes administratifs de cession aux agences, en tant qu'etablissements publics de l'Ètat. Cette proposition permettrait ainsi de donner aux agences un role complet de « guichet unique » tout au long du processus de regularisation. Ènfin, l'acceleration des cessions attendue de ces differentes voies de facilitation va venir augmenter le flux des decoupages cadastraux. Il conviendra, afin d'eviter le blocage des divisions successives de grandes parcelles domaniales que le service de la publicite fonciere traite en temps reel les « numerotations cadastrales sans mutation » necessaires a l'etablissement des documents d'arpentage.
65
La responsabilité des décisions d'AOT devraient également leur être déléguée, ainsi que leur mise en recouvrement, ce qui éviterait la complexité, voire l'impossibilité, d'honorer le retour financier vers les agences lorsque ce sont les DRFIP qui en gardent la responsabilité.
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Aujourd'hui, elles sont traitees, comme les actes de mutation, dans l'ordre d'arrivee au service de la publicite fonciere, dans un delai qui est d'environ 300 jours.
Doter les agences d'un pouvoir de police
Des lors que les conditions de regularisation seraient facilitees pour les occupants, la legitimite de la puissance publique a faire respecter la propriete du domaine serait plus acceptable, si une police attentive et de proximite etait exercee. De par leur presence sur le terrain, les agences seraient le mieux a meme de l'exercer. C'est pourquoi il serait utile et necessaire de les doter du pouvoir de police. Une voie similaire aux competences de garderie du domaine conferees au conservatoire du littoral et des rivages lacustres pourrait etre mise en place par la loi en prevoyant le commissionnement des agents des agences dans des termes analogues66. Èn outre, les dispositions specifiques introduites par la loi ÈNÈ (article 32) au L2133-1 du CG3P pour exercer une police du domaine en temps reel sur les cinquante pas pourraient reellement etre pratiquees : « Les installations ou les constructions non autorisées en cours de réalisation sur la zone des cinquante pas géométriques peuvent, sur autorisation administrative et après établissement d'un procès-verbal constatant l'état des lieux, faire l'objet d'une saisie des matériaux de construction en vue de leur destruction. » Toutefois, la mission alerte sur la necessite d'un exercice raisonne de ce pouvoir de police. Celui-ci devra etre exerce avec un maximum de parcimonie et de discernement, sous peine de mettre a mal le role essentiel de soutien aux habitants que developpent les agences, tant dans les processus de regularisation que d'amelioration de leurs conditions de vie a travers les operations d'amenagement. Ce pouvoir devra etre exerce comme un outil de pedagogie au service de l'egalite de traitement parmi les occupants de la zone des cinquante pas, entre ceux qui s'inscrivent dans la rationalisation progressive de la situation et ceux qui cherchent plutot a s'en abstraire. ***** L'ensemble des conditions de facilitation des regularisations que propose la mission permettra ainsi d'approcher au mieux le titrement global des cinquante pas avant le transfert. Un fois ce dernier prononce, l'achevement definitif des regularisations pourra, le cas echeant, etre repris par les ÈPF locaux, a l'initiative des collectivites. Pendant la periode transitoire, les agences devront poursuivre leur mission de regularisation fonciere grace aux recettes de la taxe speciale d'equipement (TSÈ), des retours de cessions ainsi que des redevances d'occupation.
66
Le L322-10-4 du Code de l'environnement stipule que « Sans préjudice des sanctions pénales encourues, toute atteinte à l'intégrité et à la conservation du domaine public relevant du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres, ou de nature à compromettre son usage, constitue une contravention de grande voirie constatée, réprimée et poursuivie par voie administrative. Elle est constatée par les agents visés à l'article L. 322-10-1 [gardes du littoral], sans préjudice des compétences des officiers et agents de police judiciaire et des autres agents spécialement habilités. [...] Le directeur du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres et, sur délégation, les délégués des rivages du conservatoire, ont compétence pour saisir le tribunal administratif, dans les conditions et suivant les procédures prévues par le code de justice administrative. » Le L322-10-1 et les articles réglementaires correspondants du même Code organisent les conditions de commissionnement des gardes du littoral.
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Recommandation 4. Accélérer et faciliter la régularisation en prévoyant la cession gratuite aux occupants dont le revenu les situe dans les trois premiers quartiles de revenus des ménages, dès lors qu'il s'agit de leur résidence principale. Organiser une récupération de plus-value dégressive avec le temps en cas de vente gratuite par l'Etat. Rendre éligible à la régularisation les constructions de plus de dix ans à la date de la demande. Recouvrer d'office une redevance d'occupation en cas d'absence de demande de régularisation. Instaurer les agences comme guichet unique y compris dans la phase postérieure à l'avis favorable de l'Etat par délégation des responsabilités des DRFiP en matière de gestion du domaine, leur conférer le pouvoir de police et prolonger leur mission de régularisation jusqu'au transfert.
3.2.2 Traiter le relogement des occupants des constructions non régularisables situées sur les tracés des voiries et réseaux nécessaires à l'équipement des quartiers informels
Les chiffres d'avancement des programmes d'equipement montrent que seulement 15 % sont realises et 10 a 20 % a l'etude ou en cours (cf. § 2.3.2 supra). Si l'on compte de maniere large, cela signifie que seulement un quart des habitations presentant un defaut d'equipement collectif de voirie et reseaux recense par les agences est ou va etre prochainement desservi. Parallelement, un peu plus de 200 demandes ont fait respectivement en Martinique et en Guadeloupe l'objet d'un refus ou d'un sursis a statuer au motif de la non-compatibilite avec un programme d'equipement a venir (cf. § 2.4.1 supra), sur les 4 350 et 2 850 regularisations effectuees ou en cours de paiement (cf. § 2.3.1 supra). Ainsi, la mission constate que seulement 5 % des demandes ont ete refusees ou suspendues au motif de la necessite de reserver le passage des reseaux devant equiper le quartier. S'il est effectivement plus satisfaisant de coupler equipement et regularisation, il n'en demeure pas moins que la lenteur de realisation des programmes d'equipement du fait du rythme des collectivites conduit a laisser pendant de tres longues annees les occupants dans une situation irreguliere, sans qu'ils aient les moyens d'agir en tant que proprietaires, en beneficiant le cas echeant des aides publiques en matiere d'accession tres sociale. Sur la base de ces constats, la mission considere qu'il est necessaire d'apporter une reponse operationnelle a ces familles dans des operations de relogement respectant les memes principes de conception que pour le relogement des habitations situees dans les zones de menace grave pour les vies humaines (cf. § 3.1.3). Ceci suppose, qu'a l'initiative des agences, soient developpees les operations d'amenagement et d'accession tres sociales necessaires. La gratuite de la regularisation proposee par la mission (cf. § 3.2.1 precedent), qui devrait egalement s'appliquer au foncier dedie a ces operations de relogement en ce qui concerne le cout du foncier, ce qui serait plus favorable tant pour l'acceptation sociale que pour la faisabilite du montage economique. Èn consequence, l'instruction des dossiers ayant reçu un avis defavorable, ou surtout un sursis a statuer, en raison de l'incompatibilite avec de futurs reseaux, devra etre reprise de façon a determiner precisement les operations de relogement a initier et a mettre en route la regularisation de celles qui pourront l'etre. Èn outre, afin d'assurer la realisation de futurs programmes d'equipement dans des voies conformes aux normes de droit commun, il convient d'instituer des emplacements reserves dans les documents d'urbanisme. Mais ceci suppose correlativement que s'installe une veritable police de l'occupation (cf. § 3.2.1 precedent) en meme temps que l'acceptation par le corps social.
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Recommandation 5. Monter et réaliser, à l'initiative des agences, les opérations de relogement des occupants des habitations non régularisables car situées sur l'emprise des voiries et réseaux nécessaires à la desserte des quartiers informels. Concevoir ces opérations dans les mêmes conditions que le relogement des habitations soumises à menace grave pour les vies humaines. Ré-instruire les demandes de régularisations ayant fait l'objet d'un sursis à statuer au motif de l'incompatibilité avec un futur programme d'équipement.
3.2.3 Donner aux agences d'aménagement
une
véritable
capacité
opérationnelle
Pendant la periode de transition, les agences ont vocation a poursuivre les operations engagees d'equipement, voire de RHI, et a conduire les projets de relocalisation des habitations situees dans des zones de menace grave pour les vies humaines (cf. § 3.1.3 supra) et sur l'emprise des futurs voiries et reseaux (cf. § 3.2.2 supra). Pour cela, elles ont besoin que leur capacite institutionnelle d'intervention soit renforcee.
Garantir aux agences un horizon temporel de dix ans pour mener les opérations de relogement/démolition et leur permettre d'agir en dehors de la zone des cinquante pas stricto sensu
Les agences des cinquante pas ont besoin en premier lieu d'un horizon de temps leur permettant de finaliser ces projets d'intervention, necessairement longs (10 a 15 ans). A cet egard, la loi LODÈOM de 2009, leur octroyant une duree de vie de cinq ans renouvelables deux fois, etait la seule prevoir une perspective d'action coherente avec les operations a conduire. La mission propose de prolonger la duree de vie des agences de dix ans pour qu'elle puisse assumer ces fonctions d'amenageur. Èn tout etat de cause, la mission de regularisation a conduire par les agences s'achevera quant a elle naturellement au moment du transfert. Èn deuxieme lieu, conformement au constat expose precedemment (cf. § 2.2.4 supra), il convient de permettre aux agences d'agir au-dela de la bande des cinquante pas, tout particulierement lorsqu'elles ont a traiter des situations de relogement, par exemple des personnes dont la vie est menacee par des risques naturels. Une possibilite leur avait ete ouverte par la loi ÈNÈ de 2010, mais de maniere tres parcimonieuse, « à titre exceptionnel, après autorisation du représentant de l'Etat [...] dans les zones immédiatement contiguës ». La mission propose d'aller au-dela, en etendant le perimetre de competence des agences aux communes littorales lorsqu'elles conduisent des operations s'etendant au moins en partie a la zone des cinquante pas. Cette extension concernerait leur mission d'amenagement, la mission de regularisation des occupations sans titres continuant quant a elle a etre conduite dans les seules zones U et UD de la zone des cinquante pas.
Donner aux agences les moyens d'une maîtrise d'ouvrage opérationnelle directe dans un cadre de gouvernance partagée entre l'Etat et les collectivités
Èn troisieme lieu, il s'agit de donner aux agences la faculte d'initier et de conduire en compte propre des actions d'amenagement. Cette capacite de maîtrise d'ouvrage directe des operations d'amenagement permet de depasser les difficultes rencontrees par les collectivites du bloc communal pour lancer de telles operations, compte tenu en particulier de leur situation financiere, le plus souvent fragile dans les Antilles. La mission propose de s'inspirer de ce principe d'intervention que prevoit l'article L321-14 du code de l'urbanisme pour les etablissements publics d'amenagement de l'Ètat.
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Ènfin, en quatrieme lieu, la capacite a agir des agences pourrait etre grandement facilitee si l'Ètat ouvrait la possibilite de ceder aux agences les terrains dependant du domaine public maritime situes au sein de leurs operations, apres declassement et a titre gratuit, de la meme façon que les communes et les organismes de logement social peuvent en beneficier. La Cour des comptes dans ses deux rapports de controle de 2015 recommandait en effet : « Afin de faciliter certaines opérations d'aménagement d'urgence [...] que soit envisagée la possibilité d'un déclassement des terrains au bénéfice de l'agence, en l'ajoutant à la liste des organismes visés par l'article L5112-4 du CG3P ». Èlle visait en particulier les terrains nus constituant des dents creuses qui pourraient etre utilement amenagees pour repondre aux besoins d'urgence de relogement provisoire ou definitif. La mission fait sienne cette recommandation en l'appliquant d'une maniere plus globale aux operations menees par les agences. La consolidation de la capacite des agences a agir sur des projets majoritairement finances par l'Ètat, pourra etre admise par les elus dans le cadre de la gouvernance de ces etablissements partagee entre l'Ètat et les collectivites. Leur role de « tiers federateur », apprecie et salue par les elus (cf. § 2.3.3 supra), leur permet de conduire les operations en pleine cooperation avec les collectivites, qui restent en tout etat de cause responsables de leur document d'urbanisme. La gouvernance de ces etablissements pourrait aussi etre amelioree dans ce registre, pour s'approcher de celle des ÈPA en instaurant l'election du president du conseil d'administration par le conseil, parmi les administrateurs representants elus des collectivites territoriales en lieu et place d'un president nomme par l'Ètat. Ceci supposerait une modification du decret portant organisation des agences67. Son article 5 prevoit que « Le président du conseil d'administration est nommé parmi les membres du conseil d'administration par décret pris sur proposition des ministres chargés de l'urbanisme et de l'outre-mer ». Cette disposition pourrait etre remplacee par : « Le conseil d'administration élit en son sein un président parmi les membres mentionnés au 2° de l'article 3 ». Recommandation 6. Donner aux agences la capacité opérationnelle d'aménagement : prolonger de dix ans leur durée de vie pour leurs seules missions d'aménagement, étendre leur compétence d'aménagement au territoire communal des communes littorales, leur donner une capacité d'initiative équivalente à celle des établissements publics d'aménagement dans le cadre d'une gouvernance partagée entre l'État et les collectivités.
3.3 Modifier de toute urgence le cadre législatif de la phase de préparation du transfert : repousser la date du 1er janvier 2021 à 2025 et opérer les ajustements indispensables
Le cadre renove indispensable a l'administration de la periode transitoire passe par plusieurs dispositions legislatives d'ajustement. Compte tenu de l'echeance, aujourd'hui intenable, du transfert fixe par la loi ADOM au 1er janvier 2021, avec une fermeture concomitante des agences, il est imperatif que la loi rectificative soit promulguee dans le courant du premier semestre 2020. Face a cette urgence, les modifications legislatives a apporter se limiteront a l'ordre technique sans chercher a bouger des principes qui relevent davantage de negociations et d'arbitrages strategiques et politiques.
67
Décret n°98-1081 du 30 novembre 1998 pris pour l'application des articles 4 à 7 de la loi n° 96-1241 du 30 décembre 1996 relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur des espaces urbains de la zone dite des cinquante pas géométriques dans les départements d'outre-mer.
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3.3.1 Dépasser le blocage politique actuel au sujet des zones de menace grave et imminente pour les vies humaines
Les presidents de la collectivite territoriale de Martinique et de la region de Guadeloupe ont saisi le President de la Republique par une lettre en date du 13 mai 2019 ayant pour objet : « Transfert de compétence et de domanialité des cinquante pas géométriques : modification de l'article 27 de la loi n° 2015-1268 du 14 octobre 2015 d'actualisation des outre-mer ». Face aux difficultes auxquelles est confronte cet espace des cinquante pas, les deux collectivites expriment trois « conditions » au transfert : « La délimitation préalable par l'Etat des zones exposées aux risques naturels graves et prévisibles menaçant les vies humaines », constatant qu'en « Guadeloupe 2 000 habitations et en Martinique 3 500 sont localisées dans des zones à risque fort et présentant potentiellement une menace grave pour les vies humaines ». « Pour ces zones, il conviendra d'arrêter en commun et d'organiser les mesures permettant de soustraire les populations aux risques pour leur vie ». « La requalification du transfert de domanialité des zones U et UD aux collectivités, en transfert de compétence. En effet [...], il convient d'accompagner le transfert de la remise des moyens financiers mis en oeuvre par l'Etat (notamment grâce à la TSE) et de l'expertise humaine mobilisée par l'Etat au travers des agences. Les besoins en matière d'aménagement, notamment en matière d'assainissement, supposent la mobilisation de ressources exceptionnelles de l'Etat (FEI) ou de contributions du FEDER (priorité du prochain PO). » « La poursuite de l'activité des agences au travers d'un établissement doté de moyens stables et sous contrôle [de nos] collectivités. »
« Dans ces conditions », ils poursuivent en demandant « de mettre en oeuvre le processus devant aboutir à la modification de l'article 27 de la loi [ADOM]. Cette réforme législative devrait permettre, d'une part d'instaurer un processus de délimitation des espaces à transférer conforme à [leurs] attentes, d'autre part, de pérenniser la recette de la TSE afin de financer les actions d'intérêt public et général conduites par nos établissements, et enfin, de bâtir un calendrier réaliste mais resserré aboutissant à une prise de compétence raisonnée de nos collectivités. » La difficulte la plus centrale pour les elus concerne la question des zones de menace grave pour les vies humaines, qui suspend completement le processus de delimitation et donc de transfert. La proposition que fait precedemment la mission (cf. § 3.1.3 supra) de retablir la question a sa juste mesure en recentrant sur secteurs de menaces imminentes pour les seules vies humaines est de nature a lever cet obstacle. Mais elle suppose le temps necessaire a sa definition et a l'organisation de sa mise en oeuvre operationnelle. La loi rectificative que la mission propose viendra repondre a la demande exprimee par les presidents de la CTM et de la region de Guadeloupe, de modifier la loi ADOM et de fixer un nouveau calendrier raisonne.
3.3.2 Prendre acte de délais devenus techniquement impossibles à tenir
L'ensemble des travaux de delimitation evoques precedemment (cf. § 3.1.1 et 3.1.2 supra) necessitent raisonnablement deux a trois ans. La delimitation des zones U et UD, par difference avec les zones N naturelles, necessite de croiser les points de vue non seulement au sein de l'Ètat entre ses services et ses operateurs (ONF, Conservatoire du littoral, Agence), mais aussi avec ceux des communes et bien sur des collectivites de niveau regional. L'article L5112-1 stipule en effet que la delimitation en Conseil
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d'Ètat prendra en compte « les orientations du document stratégique d'aménagement » et les documents d'urbanisme prevus par le code de l'urbanisme, du SAR aux plans locaux d'urbanisme. A ce jour, la CTM comme la Region Guadeloupe n'ont pas encore entame de concertation avec les communes sur ces delimitations, meme si en Martinique un examen tres detaille a deja ete effectue entre la CTM et la DÈAL. Ce travail prealable de concertation sera d'autant facilitant que le decret en Conseil d'Ètat portant delimitation des zones U et UD doit etre pris « après avis des collectivités territoriales et leurs groupements » (II 1° a) de l'article 27 de la loi ADOM). Ènfin, il sera d'autant plus indispensable de conduire ce travail avec soin, en particulier dans une cooperation etroite au sein de l'Ètat entre ses services et ses operateurs (cf. § 3.1.1 supra) que la sanction par un decret en Conseil d'Ètat necessite imperativement de justifier les criteres conduisant a classer les differents secteurs des cinquante pas en U et UD plutot qu'en N et reciproquement. L'instruction de ce decret au niveau central pourrait elle-meme prendre jusqu'a une annee. Pour toutes ces raisons, la mission considere que pour permettre un travail technique et politique de concertation avec les collectivites qui soit suffisamment abouti, la date limite pour la prise du decret doit etre fixee au 1er janvier 2024.
3.3.3 Ajuster « techniquement » la loi ADOM : reporter le délai du transfert et corriger ses anomalies
Tout d'abord, la mention, au III de l'article de 27 de la loi ADOM de la date du « 1er janvier 2021 » pour le transfert, est a remplacer par celle du « 1er janvier 2025 ». Correlativement, au V du meme article, la mention du « 1er janvier 2020 » sera a decaler au « 1er janvier 2024 » pour la remise par le representant de l'Ètat aux presidents de la CTM et de la Region de Guadeloupe du « rapport comportant l'état des cessions et des enjeux d'aménagement qui y sont liés, une évaluation des charges liées à ce transfert ainsi qu'un bilan de l'activité de chacune des deux agences ». Ènfin, le IV du meme article sera a abroger en considerant que les documents strategiques d'amenagement existent deja. Sur ce meme article, il convient egalement de preciser que le transfert aux collectivites de niveau regional se limite aux seuls terrains du DPM au sein de zones U et UD alors que la loi stipule aujourd'hui que le transfert porte sur les zones U et UD, quand nombre des terrains qui s'y trouvent sont deja proprietes privees. La loi ADOM transfere aux collectivites de niveau regional, non seulement les terrains des zones U et UD appartenant a l'Ètat, mais egalement la competence des agences prevue au huitieme alinea de l'article 5 de la loi de 1996 : « A titre secondaire, elles peuvent réaliser les travaux de voies d'accès, de réseaux d'eau potable et d'assainissement lorsque les communes n'en assurent pas la conduite 68. » Cette disposition confere ainsi aux collectivites de niveau regional la competence d'amenageur alors que la maîtrise d'ouvrage operationnelle releve aujourd'hui des ÈPCI. Comme elle ne s'applique par construction que dans la bande de 81,20 m des cinquante pas, cette disposition se heurte a la difficulte operationnelle de devoir traiter des situations necessitant des projets sur des emprises plus larges, dans des continuites urbaines et de reseaux qui depassent cette bande etroite (Cf. § 3.4.1 supra). La mission propose que la loi rectificative annule cette disposition en supprimant au 1° et 2° du III de l'article 27 la mention « et de la faculté mentionnée au huitième alinéa de l'article 5 de la loi [de 1996] ».
68
« Dans ce cas, les voies et réseaux divers peuvent être cédés à la commune sur le territoire de laquelle ils sont situés. Une convention établie entre l'agence et la commune précise le programme d'équipement en voies et réseaux divers des terrains situés dans un périmètre qu'elle délimite ; cette convention prévoit également les mesures techniques, juridiques et financières nécessaires pour rendre les opérations de cession et d'équipement possibles. Elle fixe les contributions financières respectives de l'agence et de la commune nécessaires à la réalisation des opérations prévues. »
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Ènfin, a l'article 28, la mention « exposée à un risque naturel prévisible menaçant gravement des vies humaines », viendra remplacer « exposée à un risque naturel grave et prévisible menaçant des vies humaines ».
3.3.4 Ajuster les dispositions de la loi de 1996 et du CG3P relatives à la régularisation et au cadre d'intervention des agences
Èn ce qui concerne les dates d'echeance et les delais, il s'agit en premier lieu d'ajuster la date de forclusion des demandes de regularisation en lien avec la nouvelle date du transfert (1er janvier 2025), a savoir le 1er janvier 2024, aux deuxieme alinea du L5112-5 et troisieme alinea du L5112-6 du CG3P. Afin d'aligner les conditions d'anciennete du bati pour pretendre a la regularisation sur celles de la loi Letchimy (cf. § 3.2.2 supra), la mention « depuis plus de dix ans à la date de la demande » remplacera aux premiers alineas des L5112-5 et L5112-6 du CG3P la mention « avant le 1er janvier 1995 ». Ènfin, le « 1er janvier 2019 » pour la date butoir de delimitation des zones U et UD par decret en Conseil d'Ètat devra etre remplace par « 1er janvier 2024 » au premier alinea du L5112-1 du CG3P. La necessite de mettre en place une parade a la speculation en cas de cession avantageuse pourrait etre traitee par l'application d'un dispositif de recuperation partielle des plus-values (cf. § 3.2.2 supra). La mission propose en outre d'abroger l'article L5112-9 du CG3P instaurant un droit de preemption specifique et inoperable (cf. § 2.2.4 supra) et les articles reglementaires correspondants. Les communes pourront en tout etat de cause mobiliser, ou le mettre en place, leur droit de preemption urbain, voire le deleguer au cas par cas par convention aux agences. Èn ce qui concerne l'objectif de donner aux agences la capacite a agir en matiere d'amenagement, pour reloger en particulier les populations soumises a risque imminent pour les vies humaines et celles dont les habitations sont situees sur les emprises des futurs reseaux de desserte, des dispositions devront completer celles de la loi 1996 : Afin de mettre en coherence la duree de vie de l'operateur avec celles des projets, remplacer au premier alinea de l'article 4, la mention « 1er janvier 2021 » par « 1er janvier 2031 ». La precision que la mission principale de regularisation prendra fin au moment du transfert se traduira en ajoutant au premier alinea de l'article 5, apres « prioritairement », « jusqu'au 1er janvier 2025 ». Afin de leur permettre de prendre l'initiative et d'assurer la maîtrise d'ouvrage d'operations d'amenagement en agissant si necessaire au-dela de la limite etroite des cinquante pas, inserer, a l'article 5 definissant les missions des agences, apres le huitieme alinea, un nouvel alinea stipulant : « À cet effet, les agences sont compétentes pour réaliser pour leur compte ou, par voie de convention passée avec elles, pour celui de l'Etat, des collectivités territoriales et de leurs groupements ou d'un autre établissement public, et pour faire réaliser les opérations d'aménagement prévues par le Code de l'urbanisme et les acquisitions foncières et immobilières nécessaires à ces opérations. Dans ce cadre d'intervention et par dérogation au troisième alinéa de l'article 4, les agences peuvent intervenir dans le périmètre des communes littorales dès lors que lesdites opérations s'étendent au moins en partie dans la zone dite des cinquante pas géométriques ». Afin de leur permettre de disposer directement des fonciers de l'Ètat, inserer au premier alinea de l'article L5112-4 du CG3P, apres « d'habitat social », «, les agences pour la mise en valeur des espaces urbains de la zone dite des cinquante pas géométriques mentionnées à l'article 4 de la loi n°96-1241 du 96-1241 du 30 décembre 1996 relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur de la zone dite des cinquante pas géométriques dans les départements d'outre-mer ».
Il convient enfin de conferer aux agences par voie legislative le pouvoir de police du domaine et la capacite de dresser directement les contraventions de grande voirie (cf. § 3.2.1 supra).
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Recommandation 7. Prévoir par voie législative, au premier semestre 2020, une période de préparation du transfert. Prendre en compte les délais indispensables aux travaux de transfert et fixer la date limite de celui-ci au 1er janvier 2025 en modifiant en conséquence la loi ADOM, la loi de 1996 et le CG3P. Arrêter l'ensemble des dispositions législatives et réglementaires permettant de mettre en oeuvre les recommandations n° 1 à 6.
3.4 Prévoir par voie législative l'abolition de la réserve des cinquante pas aux Antilles pour rapprocher la légalité et les valeurs et normes sociales dans ces territoires, dans un contexte de besoins importants et de faiblesse des capacités locales d'aménagement
Apres la succession quasi-historique d'atermoiements sur le statut et la gestion des cinquante pas, d'avancees et de retours en arriere, la mission considere qu'il est temps que la zone des cinquante pas soit totalement banalisee dans les Antilles et qu'elle ne se distingue plus en aucune maniere de ce qui existe en dehors des 81,20m. Ainsi, les situations d'occupations sans titre releveront des memes regimes de traitement que l'ensemble des occupations sans titre et sans autorisation de construire qui existent aussi en dehors des cinquante pas sur les terrains communaux, departementaux, ou aussi sur ceux des societes d'amenagement foncier et d'equipement rural (SAFÈR). Les responsabilites enchevetrees de l'Ètat et des collectivites locales sur les cinquante pas ne responsabilisent ni les uns ni les autres. Il est important que les situations relevant de cette zone de conception archaîque soient gerees au plus vite au sein du corps social antillais et de ses ediles. Èn tout etat de cause, l'Ètat, en instituant sur les cinquante pas des dispositions d'exception et selon un paradigme metropolitain, n'a pas non plus demontre sa capacite a garantir le retour a la legalite ni a installer les garde-fous empechant de nouvelles derives. Le rapport d'information senatorial sur le foncier de l'Ètat proposant « 30 propositions pour mettre fin à une gestion jalouse et stérile » 69 , evoque « l'épineuse question des régularisations dans la zone des cinquante pas géométriques, vestige archaïque de la période coloniale, [qui] attend toujours sa solution définitive » et developpe deux positions. Extraits du rapport sénatorial sur le foncier de l'Etat en outre-mer (juin 2015) « Il est désormais grand temps de refermer la phase postcoloniale du traitement de la ZPG et de renverser la logique à laquelle elle obéissait. Il ne convient plus de considérer comme normale et nécessairement légitime l'appropriation de la bande côtière par l'État [...]. Le principe directeur doit devenir l'autonomisation foncière des collectivités en leur garantissant la maîtrise des espaces urbains et urbanisables de la ZPG. [...] Ainsi le paysage foncier antillais se rapprochera-t-il du régime de droit commun, en mettant fin à des exceptions exorbitantes qui ne servent pas le développement des territoires ultramarins. » « En ce qui concerne les équipements et l'aménagement, les agences devraient [donner] une priorité [...] à ceux des travaux d'aménagement qui permettent d'ouvrir de nouvelles possibilités de cessionrégularisation en sécurisant les zones concernées contre les aléas naturels. À cet effet, autant que faire se peut, il faut tirer parti du fonds spécial, dit « Barnier » prévu à l'article L. 561-3 du code de l'environnement en matière de prévention des risques, qui en l'état demande que la maîtrise d'ouvrage des travaux revienne aux communes. »
69
Sénat, rapport d'information fait au nom de la délégation sénatoriale à l'outre-mer « Domaines public et privé de l'État en outre-mer, 30 propositions pour mettre fin à une gestion jalouse et stérile », juin 2015.
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Les propositions de la mission, en ce qui concerne tant les dispositions a mettre en oeuvre pendant la phase de transition que celles visant a mettre definitivement fin a la reserve des cinquante pas, s'inscrivent dans cette vision de coherence proposee par le rapport senatorial.
3.4.1 Dans les espaces urbains, prévoir le déclassement global du domaine public et préciser le niveau le plus adéquat de collectivités territoriales bénéficiaires du transfert
Comme evoque (cf. § 3.1.1 supra), la delimitation des zones U et UD d'une part et N d'autre part, qui doit etre formalisee depuis la loi ADOM de 2015 par un decret en Conseil d'Ètat, vise a proteger les parties naturelles des cinquante pas qui auront des lors vocation a etre affectees, dans leur totalite, aux operateurs de l'Ètat que sont l'ONF et le Conservatoire du littoral et des rivages lacustres. A l'inverse, les secteurs urbains et d'urbanisation diffuse ont vocation a reintegrer la gestion de droit commun des zones urbaines. Pour cela le statut de domaine public (maritime) doit etre abroge definitivement dans les zones U & UD. La mission propose en consequence que l'ensemble des terrains de ces memes zones, construits et non construits relevant du domaine de l'Ètat, donc depourvus au moment du transfert de titres de propriete opposables, soit declasse en bloc pour etre integre dans le domaine prive de l'Ètat70. L'Ètat n'ayant pas vocation a continuer a detenir du foncier dans les zones U & UD au sein de cette bande de 81,20 m, celui-ci doit revenir aux collectivites, dans leur domaine prive. La mission propose en consequence une premiere evolution par rapport a la loi ADOM qui prevoyait le transfert dans le domaine public des collectivites. Le declassement en bloc du domaine public et le transfert aux collectivites auront vocation a s'operer en meme temps. Il est a noter qu'entre les batis, qu'ils soient titres ou non titres, il reste des « dents creuses » ou des espaces non batis. Ceux-ci constituent un potentiel de densification utilisable notamment pour le relogement des occupants des zones de risques menaçant gravement les vies humaines, mais aussi dans les cas ou une construction doit etre demolie pour permettre la realisation d'un projet de viabilisation et d'amenagement. Le transfert de ces terrains non batis a la collectivite permettra de simplifier la question fonciere de ces operations. Aujourd'hui, la loi prevoit le transfert de propriete aux collectivites de niveau regional. Cependant, d'un point de vue operationnel, comme evoque precedemment (cf. § 2.2.4 et 3.2.3 supra), l'etroitesse de la bande de 81,20 m des cinquante pas constitue un obstacle pour concevoir les operations d'amenagement sur un perimetre pertinent, la plupart du temps bien plus large. Lorsque des terrains communaux jouxtent les cinquante pas, le transfert a la commune eviterait de reintroduire des complexites foncieres inutiles. Par ailleurs, comme evoque plus haut (cf. § 3.3.3), les competences institutionnelles d'amenagement sont du ressort des ÈPCI. Certes, les collectivites de niveau regional ont la competence d'amenagement du territoire sous l'angle de la planification, le schema d'amenagement regional (SAR), mais non de l'amenagement operationnel. Les responsabilites des collectivites du bloc communal couvrent meme tous les champs en jeu dans les operations a mener sur le littoral : le traitement de l'insalubrite, l'amenagement operationnel ou la gestion des milieux aquatiques et la prevention des inondations (GÈMAPI). Certes, les collectivites de niveau regional peuvent conduire des politiques financieres de soutien a ces operations, comme dans le cadre de leur fonction d'autorite de gestion des programmes
70
Ce principe pourrait s'appliquer de la même manière pour la Guyane et Mayotte, avec application des même règles et dispositions de gestion que l'ensemble du domaine privé de l'Etat existant dans ces deux départements.
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operationnels europeens, mais elles ne disposent pas pour autant de la competence de maîtrise d'ouvrage. Pour ces differentes raisons, la mission fait sienne la recommandation de la mission IGA-CGÈDD de 2013 : « transférer préférentiellement la propriété de la zone urbanisée et semi-urbanisée de la zone des cinquante pas géométriques à titre gratuit aux EPCI en associant les conseils régionaux aux conventions de transfert. A défaut, envisager un transfert au conseil régional de Guadeloupe et à la collectivité [territoriale] de Martinique en prévoyant un conventionnement obligatoire avec les intercommunalités. » Èn tout etat de cause, cette option concernant les collectivites beneficiaires du transfert, necessite une seconde evolution de la loi ADOM qui devra etre instruite dans le cadre de la preparation du projet de loi d'abolition.
3.4.2 S'organiser pour prendre en compte les très forts enjeux d'aménagement pour les décennies qui viennent, dans un contexte de fragilité des capacités opérationnelles locales
Des lors que la notion de reserve des cinquante pas disparaît, la fermeture des agences en tant qu'intrinsequement liees a cette zone, va de soi. Èn revanche, la question de l'utilite ou de la necessite de maintenir leur fonction d'operateur d'amenagement, en tant qu'etablissement public de l'Ètat, reste ouverte. Dans les decennies a venir, les besoins d'amenagement et de restructuration urbaine resteront massifs aux Antilles, aussi bien en matiere de resorption de l'insalubrite que vis-a-vis des changements climatiques qui vont impacter de façon frontale les condensations urbaines du littoral. Dans la seule bande des cinquante pas, les agences ont denombre de l'ordre de 9 000 constructions en Martinique et pres de 4 000 en Guadeloupe presentant une insalubrite collective par defaut de viabilisation et de reseaux d'assainissement et de l'ordre de 2 500 a 3 000 constructions des operations plus globales de RHI/RHS (cf. § 2.3.2 supra). Le reamenagement du littoral dans le contexte du dereglement climatique doit etre anticipe des maintenant. Il necessitera en effet de replacer et reconstruire plus a l'abri un ensemble de zones habitees aujourd'hui particulierement exposees. Des reflexions et actions sont deja amorcees, comme celle conduite par la ville du Precheur en Martinique avec l'accompagnement du plan construction urbanisme et architecture (PUCA), ou bien la strategie d'anticipation fonciere impulsee par l'etablissement public foncier local de Guadeloupe, ou bien encore les travaux de projection du SAR dans le cadre de sa revision prochaine en Guadeloupe. Ces grands projets de long terme vont necessiter des besoins massifs d'interventions operationnelles d'amenagement71. Dans le contexte decentralise de la Republique, la logique voudrait que les fonctions d'amenageur soient remplies comme en metropole par des operateurs locaux mandates par les autorites competentes en la matiere - les ÈPCI -, pour mettre en oeuvre des projets operationnels. Cependant, comme la mission le releve (cf. § 2.3.4 supra), les capacites locales actuelles sont fragiles. Dans ce contexte de besoins massifs, la question d'un operateur d'Ètat, de type ÈPA, reste donc clairement
71
La révision des PPR est en cours avec des évolutions vraisemblablement importantes concernant les zones d'aléas forts et très forts (cf. § 2.2.5 supra). L'importance massive aux Antilles des urbanisations confrontées à des risques majeurs d'aléas forts et très forts constitue une véritable difficulté technique et politique de gestion, tant en matière d'acceptation par les populations et leurs édiles que d'un point de vue technique et opérationnel. En témoignent les violents événements survenus à Saint-Martin en 2019. Il est vraisemblable qu'un bon aboutissement de la révision des PPR aux Antilles passera alors par divers travaux permettant de visualiser, expérimenter et mettre en oeuvre des opérations pilotes de réagencement du littoral, afin d'apporter des démonstrations de ce qui pourra être réalisé.
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posee. Il n'aurait pas vocation a etre l'intervenant exclusif en la matiere, mais y apporterait ses forces supplementaires. Bien au contraire, l'emulation en la matiere avec des operateurs locaux ne peut qu'etre fructueuse, a condition qu'ils puissent etre serieusement regeneres. Ce sujet devra etre instruit dans le cadre de la preparation du projet de loi d'abolition. La phase transitoire pendant laquelle les agences conduiront des operations de relogement pour repondre aux situations de risques imminent pour les vies humaines ou pour preserver le passage des voiries et reseaux, permettra d'experimenter l'efficacite de pratiques operationnelles d'intervention d'un etablissement d'Ètat de gouvernance partagee entre l'Ètat et les collectivites, dans le cadre renove propose par la mission. Un ÈPA d'Ètat, qui pourrait etre cree au moment de l'abolition de la reserve des cinquante pas, reprendrait bien evidemment ces principes de gouvernance et d'action. Il aurait vocation a reprendre et poursuivre les operations menees par les agences dans le cadre de leur mission d'amenageur prorogee jusqu'en 2031 (cf. § 3.2.3 supra). La mission souhaite insister sur l'importance qui s'attache a gerer ces evolutions structurelles de maniere aussi anticipee que possible, afin qu'elles s'operent de la maniere la plus fluide en tirant tout le benefice des competences acquises et des ressources humaines disponibles, et dans le respect des individus qui en sont porteurs.
3.4.3 Mettre fin à l'ensemble des dispositions d'exception à la loi « littoral » au titre de la réserve des cinquante pas
La disparition definitive de la zone des cinquante pas conduit, comme evoque precedemment (§ 3.4.1 supra), a abroger la disposition de la loi « littoral » incluant cette zone dans le domaine public maritime. Les dispositions de protection du littoral releveraient alors des principes prevalant en metropole, en s'appuyant sur l'ensemble des documents de planification urbaine, a toutes les echelles emboîtees (SAR, SCoT72 et PLUi73) ainsi que sur les servitudes longitudinales et transversales. Il conviendra alors de revenir a la definition metropolitaine de la bande littorale : « cent mètres à compter de la limite haute du rivage » (L121-16 du code de l'urbanisme) en effaçant toute reference a la zone des cinquante pas geometriques74. La loi pourrait aussi etre reprise de façon a ce qu'il n'y ait plus de disposition specifique concernant les Antilles en la matiere. Les fondements legislatifs et reglementaires des servitudes littorales, longitudinales et transversales, auraient ainsi une ecriture identique en metropole et aux Antilles. Ceci mettrait definitivement fin aux atermoiements qui par exemple ont conduit a n'installer la servitude transversale qu'en 201075. Plus globalement, toutes les dispositions legislatives et reglementaires designant ou concernant la zone des cinquante pas aux Antilles seront a abroger. Ce sera notamment le cas de la loi de 1996 comme des articles du CG3P qu'elle a generes, notamment les L5112 (et R5112 subsequents). L'article 27 de la loi ADOM sera aussi a reprendre. ***** Par souci de simplification, il aurait ete souhaitable que l'ensemble des evolutions legislatives proposees par la mission fasse l'objet d'un seul et meme texte. Cependant, alors que l'urgence de deplacer la date butoir du 1er janvier 2021 necessite une promulgation tres rapide des dispositions correspondantes, la preparation des dispositions d'abolition necessite quant a elle un travail rigoureux
72 73
Schéma de cohérence territoriale. Plan local d'urbanisme intercommunal. 74 Ce principe pourrait s'appliquer de la même manière pour la Guyane et Mayotte. 75 Loi ENE (article 32, et codifié au L121-51 du code de l'urbanisme).
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de balayage du corpus legislatif et reglementaire ainsi que differentes consultations et negociations d'ordre politique qu'il convient de mener a bien en leur accordant les temps necessaires. Recommandation 8. Abolir par la loi avant le 1er janvier 2023 la zone des cinquante pas aux Antilles en supprimant toute référence à cette réserve de 81,20 m dans le corpus de droit français. Notamment, déclasser en bloc dans le domaine privé de l'Etat les terrains restés domaniaux au sein des zones U & UD et les transférer dans le domaine privé des collectivités. Déterminer le niveau de collectivité le plus pertinent pour bénéficier du transfert, en fonction de ses compétences institutionnelles en matière d'aménagement opérationnel. Examiner les besoins d'outils d'aménagement de l'Etat pour faire face aux enjeux massifs de résorption de l'insalubrité et d'adaptation structurelle du littoral antillais aux dérèglements climatiques.
3.5 Instaurer un pilotage interministériel dédié
Le delai supplementaire de quatre annees pour la periode transitoire de preparation du transfert et l'abolition de la reserve des cinquante pas aux Antilles devra imperativement etre tenu. Cette nouvelle periode devra en consequence etre en rupture avec l'absence de pilotage central telle qu'elle a ete relevee dans tous les rapports : il conviendra imperativement de s'assurer que, contrairement au passe, les objectifs annonces sont effectivement atteints. La diversite des sujets a gerer et la charge de travail necessaire requierent un pilotage et une animation en mode projet a un haut niveau. C'est pourquoi la mission recommande instamment la nomination d'un(e) haut(e) fonctionnaire assurant la direction interministerielle de projet mandatee par au moins les cinq ministeres en charge des outre-mer, de la cohesion des territoires et de la relation avec les collectivites territoriales, de la ville et du logement, de la transition ecologique et solidaire et de l'action et des comptes publics. Dans le cadre de son mandat interministeriel et des dispositions legislatives et reglementaires de preparation du transfert, la direction de projet aura a charge d'une part, de piloter la mise en place concrete de la periode transitoire et l'accomplissement de ses differents volets, et d'autre part, de preparer la loi d'abolition. L'entree en vigueur de cette seconde loi devrait en tout etat de cause preceder d'au moins deux ans la date de fin de la periode de transition, en particulier de façon a ce que les regles du jeu du transfert aux collectivites comme de la fermeture des agences soient definitivement posees dans un laps de temps suffisant pour que les organisations puissent gerer leurs evolutions. Cette loi d'abolition devrait en consequence etre promulguee avant le 1er janvier 2023. La loi corrective de 2020 pourrait s'intituler « Loi de transition en vue de l'abolition de la reserve des cinquante pas geometriques aux Antilles » afin de viser des maintenant de maniere explicite l'abolition et pourrait meme comporter un article instaurant l'echeance de promulgation de cette seconde loi. Le(la) directeur(trice) de projet interministeriel(le) aura en particulier a charge de s'assurer que le corpus legislatif et reglementaire qui sera issu de la loi d'abolition sera bien complet et coherent. L'experience sur les cinquante pas montre qu'il n'en pas vraiment ete ainsi dans ces dernieres decennies. Le delai du 1er janvier 2023 permet en consequence d'explorer, analyser et concevoir l'ensemble des modifications et evolutions des textes concernes par les cinquante pas aux Antilles afin d'eviter les precipitations legislatives, sources d'approximations susceptibles d'entrainer des blocages lors de la mise en oeuvre au moment de la confrontation avec les realites concretes.
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La question des moyens du transfert (TSÈ des agences notamment) et la devolution des actifs des agences a leur fermeture devra en particulier y etre traitee. Sous l'egide d'un pilotage interministeriel, le(a) haut(e) fonctionnaire aura la responsabilite de coordonner les actions des differents ministeres au niveau central et, en cooperation etroite avec les prefets de Martinique et Guadeloupe, d'assurer la mise en oeuvre au niveau local de la strategie de transfert par l'ensemble des acteurs concernes. Èn conduisant son action en mode projet, il(elle) mobilisera, sous ses instructions, les responsabilites de chacun des acteurs concernes et veillera a ce qu'ils cooperent entre eux ; il(elle) agencera les calendriers de travail assurant la progression des etapes du transfert en vue de son echeance finale du 1er janvier 2025. Il(elle) veillera ainsi a l'articulation et a la coherence des actions et conceptions sectorielles relevant des differents departements ministeriels mobilises. Il(elle) pourra utilement s'appuyer sur le corpus de reflexions et de propositions des rapports emanant de differents corps d'inspection et de controle ou du parlement identifies par la mission et qui sont largement convergentes avec ses propres recommandations. La personne chargee de cette mission devra, en tout etat de cause, de par son parcours anterieur, disposer d'une legitimite suffisante aupres de ses futurs interlocuteurs, tant par son expertise sur les questions d'amenagement et de foncier, que par une pratique des relations avec les collectivites territoriales et par une connaissance fine des problematiques outre-mer. Une lettre de mission adressee par l'ensemble des ministres concernes au (a la) haut(e) fonctionnaire permettra de legitimer pleinement cette fonction interministerielle, d'en fixer les modalites de pilotage et de preciser sa feuille de route. Recommandation 9. Mandater dès le premier semestre 2020 un(e) haut(e) fonctionnaire en charge d'une direction de projet interministérielle (MOM, MCTRCT, MLV, MTES, MACP) pour piloter la période transitoire de mise en oeuvre du transfert comme la préparation de la loi d'abolition.
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Conclusion
De memoire des missionnes, l'objet de cette mission etait de loin le plus complexe de tous ceux abordes jusqu'a present. Complexe de par l'historique charge de ces societes antillaises, façonnees par un systeme esclavagiste pendant un temps plus long que celui ecoule depuis l'abolition de 1848 : ce passe a profondement et durablement impregne les mentalites locales, au point de rendre parfois difficilement comprehensible a travers un prisme metropolitain la perception aigue, par ces populations, de l'injustice entre possedants et « possedes » - ou leurs descendants et la primaute qu'elles accordent a la legitimite sur une legalite decidee depuis l'hexagone. C'est pourquoi la mission insiste, en preambule de ses recommandations, sur l'importance de prendre en compte les valeurs et normes sociales specifiques aux Antilles pour assurer l'efficacite d'une politique renovee de gestion des cinquante pas. Complexe egalement en raison de la multitude des sujets a traiter sur cette etroite bande de territoire littoral : la question fonciere, au coeur de la problematique des cinquante pas et de leur occupation massive sans droit ni titre ; la question de l'organisation des pouvoirs publics, notamment l'articulation entre les differents niveaux de collectivites et les competences qui leur sont devolues, et entre ces collectivites antillaises et l'Ètat central ; la question du logement, social et tres social, dont le manque est la cause premiere de la « colonisation » des cinquante pas par des populations tres modestes la question des risques, etant donnee la presence dans ces îles d'un cocktail inegale de risques naturels majeurs, et la situation surexposee de la bande littorale a certains d'entre eux ; enfin, la question de l'amenagement, capitale aussi bien pour pallier les lacunes de l'habitat spontane en matiere d'organisation urbaine que pour terminer de combler le retard d'equipement, en particulier d'assainissement, observe dans ces regions, mais aussi pour resorber l'habitat insalubre encore trop present ou encore pour anticiper les changements climatiques en preparant la mise a l'abri les populations exposees.
Complexe enfin par l'ampleur des dispositions legislatives et reglementaires, due en partie a la quantite de sujets traites, mais aussi a la sedimentation dans le temps des tentatives successives et parfois contradictoires de regler le probleme, chacune survenant sur le constat de l'echec de la precedente. Face a cette complexite, la faiblesse numerique de ces îles ou territoires lointain(e)s que sont les departements et regions d'outre-mer ils representent a eux tous moins de 3% de la population française, et a peine plus de 1% pour la Guadeloupe et la Martinique se traduit par une allocation de moyens a due proportion alors qu'il s'agit pour l'Ètat de definir des regles et appliquer des textes repondant a des situations tres specifiques ne relevant pas du droit commun generique. La mission espere bien entendu que les propositions contenues dans ce rapport, qui se veulent exigeantes et en rupture par rapport a l'inertie constatee, seront retenues par les commanditaires. Au cas ou elles le seraient, il faudrait eviter, compte tenu de la complexite evoquee ci-dessus, que leur mise en oeuvre peine a etre effective et a produire les resultats attendus, pour des raisons qui seraient uniquement liees a l'insuffisance des moyens alloues.
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Cela justifie la presence dans ce rapport, apres huit recommandations portant sur le fond, d'une derniere - mais non la moindre - relative a la mise en place d'une direction de projet interministerielle dediee, condition sine qua non aux yeux de la mission pour parvenir a mener de front les differents aspects de la reforme et coordonner les differents acteurs concernes par la multiplicite des sujets a traiter. La mission a pu constater en effet que nombre de propositions effectuees depuis 15 ans dans les rapports de corps d'inspection ou de controle, ou du Parlement, sont largement convergentes et sont en phase avec ses propres recommandations. Tout est maintenant ecrit ; la question est desormais de faire.
François LEFORT
Jacques TOUCHEFEU
Inspecteur de l'administration du developpement durable
Ingenieur general des ponts, des eaux et des forets
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Annexes
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1 Lettre de mission
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2 Liste des personnes rencontrées
National
DGALN/DHUP François ADAM Marie-Christine ROGER Jean-Baptiste BUTLEN Christophe SUCHEL Jean-Christophe FRANCHI Kathleen MONOD Emmanuel BERTHIER Etienne DESPLANQUES Stanislas ALFONSI Hélène CAPLAT LANCRY Laure TOURJANSKY Katy NARCY Dimitri CHAILLOU Lucie SOLIGNAC Emmanuelle DURANDAU Serge LETCHIMY Directeur Chargée de mission outre-mer auprès du directeur Sous-directeur de l'aménagement durable (AD) Adjoint au sous-directeur AD Adjoint au chef du bureau des politiques foncières (AD3) Cheffe du bureau de la gestion des espaces maritimes et littoraux (ELM2) Directeur général Sous-directeur des politiques publiques Adjoint au sous-directeur des politiques publiques Cheffe du bureau BELDAD Cheffe du service des risques naturels et hydrauliques (SRNH) Adjointe à la cheffe du SRNH Chargé de mission au bureau de l'action territoriale (BAT) Chargée de mission au bureau des risques inondation et littoraux (BRIL) Secrétaire permanente adjointe Député
DGALN/DEB Administrations DGOM
DGPR
PUCA Parlementaire
Guadeloupe
Président Directrice générale Agence des 50 pas Cadres et personnel Camille PELAGE Myriam ROCH-BERGOPSOM Philippe BIKHI Rony SAINT-CHARLES Claire LESCOUT Keniatha LEBRERE Rivard JASAWANT Philippe HURGON Préfet Philippe GUSTIN Jean-François BOYER Nicolas ROUGIER Anne-Laure BARBEROUSSE Administrations DEAL Jean-François GUÉRIN Gauthier GRIENCHE Frantz DELANNAY Franck MAZÉAS Patricia LÉPINE Ywenn DE LA TORRE Yoann LEGENDRE Marie-Aurore ADROVER-MALNOURY Jean-Louis PESTOUR Corinne VINGATARAMIN Directeur Directeur-adjoint Cheffe du service Prospective, Aménagement et Connaissance du Territoire (PACT) Chef du service Risques, Energie, Déchets (RED) Chef du service Habitat et Bâtiment Durable (HBD) Responsable SIG Chef du pôle Risques naturels Responsable du Pôle domanial et stratégie immobilière de l'Etat Directeur régional Géologue Déléguée adjointe de rivages d'outre-mer en charge des rivages français d'Amérique, responsable de l'antenne Guadeloupe Directeur régional Directrice générale Chef du département technique Chef du département administratif et financier Urbaniste Délégués du personnel
DRFiP BRGM direction régionale Etablissements publics Conservatoire du littoral ONF Guadeloupe EPFL de Guadeloupe Collectivités Deshaies
Jeanny MARC José SÉVÉRIEN
Maire, ancienne députée et ancienne présidente de l'agence des 50 pas 1er adjoint au Maire DGA aménagement urba Directrice urbanisme Maire Adjoints au Maire Membre du bureau exécutif, Président de la commission des affaires financières Directeur de cabinet adjoint de la présidente Élu, Président de la commission aménagement et rééquilibrage du territoire Élu, Vice-Président (également maire-adjoint du Gosier) Conseiller du président Directrice générale adjointe aménagement logement transports Directeur de l'aménagement
Communes
Le Gosier
Jean-Emile ARBAU Emma GELARD-THOMACHOT Luc ADEMAR 4 élus Daniel DULAC Michaël CERIVAL Camille PELAGE
Gourbeyre
Département
Conseil départemental
Région
Conseil régional
Jean-Claude CHRISTOPHE Richard SAMUEL Monique APPAT Patrick RILCI
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Chambres consulaires
Chambre des géomètres experts
Emilie AIROLA Jean-Marie ALLÈS Louis CAUDRELIER Harold MOURILLON Jean-Luc CAFOURNET José MARAGNES Directeur Ingénieur « social » (MOUS)
Bureau d'études urbain et social
URBIS
Martinique
Présidente Directeur Agence des 50 pas Cadres et personnel Nadia LIMIER Hervé EMONIDES Didier YOKESSA Alain ALEXANDRE Emeline CLAIR Lovely CINAUR Joanne AUGUSTIN Préfet DEAL Franck ROBINE Nadine CHEVASSUS Eric BATAILLER Bruno LAZZARINI Gisèle MONDÉSIR Administrations Isabelle GERGON Charles CAILLET Clémentine MONTANÉ Jean ROGISTER Myriam Le DUFF DRFiP BRGM Conservatoire du littoral Etablissements publics et assimilés ONF Martinique EPFL Martinique ADUAM Parlementaire Anne EL-GHAZI-ALVES Claire RENÉ DIT ROUSSEAU Benoît VITTECOQ Marie-Michèle MOREAU Pierre VERRY Ivan SOBESKY Joëlle TAÏLAMÉ Anne PETERMANN Serge LETCHIMY Directrice Adjointe, chargée de l'intérim du directeur Directeur Adjoint Chef du pôle biodiversité nature et paysages au service paysages, eau et biodiversité (PEB/BNP) Cheffe de l'unité littoral (PEB/UL) Cheffe du service risques énergie climat (REC) Chef du pôle risques naturels (REC/RN) Responsable de l'unité risques naturels Chef de l'unité SIG au Service connaissance, prospective et développement territorial (PACT/SIG) Cheffe de la mission enquêtes publiques affaires juridiques (EPAJ) Directrice du pôle gestion publique Adjointe à la directrice du pôle gestion publique Directeur régional Responsable de l'antenne Martinique Directeur général Directeur général Directrice Architecte, Chargé d'opération Chargé d'opération, Responsable Pôle Aménagement, adjoint au directeur Urbaniste Délégués du personnel Conseillère territoriale
Député, ancien président de la Région, ancien maire de Fort de France
Collectivités
Fort-de-France Sainte-Marie Communes Schoelcher Le Vauclin Intercommunalité CAP Nord Emile GONIER Raymond OCCOLIER Priscilla BORNE Pierre-Yves LAURENCE Didier LAGUERRE Elisabeth LÉONIDAS Roger BONIFACE Maire Cheffe du service Médiation et régularisations d'occupations Adjoint au Maire Adjoint au Maire, également vice-président de la communauté d'agglomération du Centre de la Martinique (CACEM) et président de la commission aménagement Maire Chargée de mission urbanisme et aménagement du territoire Directeur Général Adjoint Aménagement, Transports et Environnement Élu, Membre du Conseil Exécutif de la CTM, en charge de l'aménagement, du "PADMA" (SAR) et environnement-transports DGS Chargé de mission "Padma" (SAR) Vice-présidente Président d'honneur (ancien pdt) Responsable de la commission juridique Membre de la commission juridique
Collectivité territoriale de Martinique (CTM)
Louis BOUTRIN Guy MERCAN Philippe JANVIER
Chambres consulaires Associations
Chambre des géomètres experts ASSAUPAMAR (Association pour la sauvegarde du patrimoine martiniquais)
Emmanuelle Onfray Henri LOUIS-RÉGIS Pascal TOURBILLON Pierre GALLET de SAINT-AURIN
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3 Florilège photographique des cinquante pas géométriques
Zones U et Ud non (encore) aménagées
Sur les 25 000 constructions situées en zones U et Ud dans les deux départements, les agences en ont recensé environ 13 000 nécessitant une opération d'aménagement76, pour un montant total qu'elles ont estimé à 300 M. Le taux de réalisation de ces travaux voisinait 15% à la fin 2019. La grande majorité des constructions concernées n'a donc pas bénéficié à ce jour des aménagements nécessaires, ou seulement de manière très partielle.
« Petite rivière salée », la Trinité (Martinique)
Constructions de tôle et de planches posées sans cohérence.
Certaines finissent en ruines.
La barque témoigne ici d'une activité de pêche que l'on retrouve fréquemment pour les constructions situées en bordure immédiate du rivage.
La discrétion est souvent recherchée lorsque l'habitat est diffus. Cela contribue au moins à réduire l'impact négatif sur le paysage ...
76
Cf. corps du rapport, § 2.4.2
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Zones U et Ud non (encore) aménagées (Suite)
« Pointe Jean-Claude », Le Robert (Martinique)
Construction sans permis, de piètre qualité et sans droit de propriété
.... qui ne respecte pas forcément l'environnement naturel
Clôtures, grillages, palissades, murs, ...
... marquent la propriété privée ...
... qui s'affiche ostensiblement.
Certains ont même obtenu une autorisation d'occupation temporaire.
Cette zone urbanisée de fait (45 maisons accueillant 115 habitants), isolée au sein d'une zone naturelle, à vocation à faire l'objet d'un aménagement complet.
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Zones U et Ud traitées ou en cours de projet
Les aménagements peuvent être modestes et ne sont pas tous visibles (notamment l'assainissement. Mais, couplés à la régularisation, ils sont un levier pour inciter les occupants à investir dans l'amélioration de leur maison, et peuvent avoir des effets spectaculaires.
« Pointe Rouge », Le Robert (Martinique)
Le quartier est maintenant desservi par une voirie et l'ensemble des réseaux.
Des maisons trop dégradées ou trop exposées à la submersion ont été démolies et remplacées par des cabanons destinés aux pêcheurs ou autres artisans
Extrait de la fiche réalisée par l'agence des 50 pas
Opération montée en collaboration avec l'ONF afin de résorber l'insalubrité et le saccage d'une zone sensible à Pointe-Rouge. Travaux de viabilisation et de valorisation paysagère dans le but de régulariser les occupants sans titres et le cas échéant les délocaliser dans les parties aménagées afin de préserver les zones naturellement sensibles, libérer la Forêt Domaniale Littorale ou les soustraire aux risques naturels. ETAT DES LIEUX Superficie : 8 hectares, 66 constructions dont 35 en zone ONF Pas de réseau d'assainissement collectif de la zone d'étude Les systèmes individuels quand ils existent sont anciens et défectueux Rapport n° 012883-01 Rapprocher légitimité et légalité : vers l'abolition des cinquante pas géométriques aux Antilles Page 70/86
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Rejet direct dans la mer à proximité de la mangrove et d'un site de baignade (fond blanc) Chemins d'accès empierrés, en mauvais état Des constructions anciennes, en ruines, insalubres ou abandonnées qui côtoient des villas cossues Des constructions à délocaliser, implantées soit sur la plage, soit en dessous de la ligne de surcote cyclonique (exposition aux risques littoraux) Un quartier ouvert sur l'océan atlantique Un quartier isolé, à l'écart du bruit mais mal desservi
LES ENJEUX ET ELEMENTS DE PROGRAMME Une idée forte : équiper et valoriser Optimiser l'assainissement (dispositif individuels aux normes ou collectif) Améliorer l'accessibilité interne, les déplacements et le stationnement Réaliser un réseau durable de voiries et trottoirs Requalifier les espaces publics existants et en créer de nouveaux Mettre en valeur la plage Régularisation du foncier projet de parcellaire Canaliser les eaux de ruissellement Optimiser l'ensemble des réseaux secs (enfouissements, sous--marin ou aérien) Créer des espaces publics Répondre au besoin de relogements en dégageant du foncier viabilisé Traitements paysagers
LES TRAVAUX D'AMENAGEMENT 1. Actions sur le bâti Relocalisation des habitations situées sur la plage et en dessous de la ligne de surcote, ou encore exposées aux risques naturels littoraux 2. Actions sur les voiries Régularisation de l'emprise foncière de la voie d'accès principale au quartier (voie privée) Réalisation voieries et de trottoirs Réorganisation d'espaces de stationnement Actions sur les réseaux Amélioration des branchements pour l'alimentation en eau potable Réalisation d'un réseau d'assainissement (Station d'épuration 400 Eq Hab et pompes de refoulement) Reprise des E P Optimisation de l'organisation des réseaux aériens (basse tension, téléphone et éclairage public) Actions sur les équipements Aménagement d'un espace dédié à l'activité pêche (abris et espace de travail) Aménagement du sentier littoral Aménagements paysagers Plantations Mobilier urbain Espace ludique
3.
4.
5.
ÉLÉMENTS FINANCIERS BILAN PRÉVISIONNEL TTC ENGAGÉ CE JOUR PAYÉ CE JOUR AE 2019 CP 2019 5 708 000 4 789 764 4 564 536 225 228 27 938
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Zones U et Ud traitées ou en cours de projet (Suite)
« Mansarde Rancée », Le François (Martinique)
A la suite de cette opération importante, aujourd'hui clôturée, les occupants ont complètement rénové leur maison une fois régularisés.
Celle-ci, qui dispose d'une armoire électrique, du tout-à-l'égout et dont la parcelle a été bornée, a également été régularisée et connaîtra peut-être le même sort.
Une partie des constructions, vouées à la démolition dans le projet, demeurent aujourd'hui dans le paysage, pour diverses raisons. La dynamique créée par l'opération se poursuivra au rythme des initiatives des occupants.
Des logements sociaux ont été construits pour reloger une partie des occupants de maisons démolies.
Extrait de la fiche réalisée par l'agence des 50 pas
ETAT DES LIEUX Superficie : 17 hectares 68 constructions Pas de réseau d'assainissement collectif de la zone d'étude Les systèmes individuels quand ils existent sont anciens et défectueux Rejet direct dans la mer Chemins d'accès empierrés, en mauvais état Des constructions, anciennes, pour certaines en ruines, insalubres ou abandonnées Des constructions à délocaliser, implantées en dessous de la ligne de surcote cyclonique (exposition aux risques littoraux) Une vue sur la baie une ouverture sur l'océan atlantique Un quartier isolé, à l'écart du bruit mais mal desservi Rapport n° 012883-01 Rapprocher légitimité et légalité : vers l'abolition des cinquante pas géométriques aux Antilles Page 72/86
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LES ENJEUX ET ELEMENTS DE PROGRAMME Une idée forte : équiper et valoriser Optimiser l'assainissement (dispositif individuels aux normes ou collectif) Améliorer l'accessibilité interne, les déplacements et le stationnement Réaliser un réseau durable de voirie et trottoirs Requalifier les espaces publics existants et en créer de nouveaux Mettre en valeur la plage Régularisation du foncier projet de parcellaire Canaliser les eaux de ruissellement Optimiser l'ensemble des réseaux secs (enfouissements, sous--marin ou aérien) Créer des espaces publics Répondre au besoin de relogements en dégageant du foncier viabilisé Traitements paysagers LES TRAVAUX D'AMENAGEMENT 6. 7.
Cout de l'opération : 8 300 000 (travaux réceptionnés en septembre 2011)
Actions sur le bâti Relocalisation des habitations situées sur la plage et en dessous de la ligne de surcote, ou encore exposées aux risques naturels littoraux Actions sur les voiries Régularisation de l'emprise foncière de la voie d'accès principale au quartier (voie privée) Réalisation voieries et de trottoirs Réorganisation d'espaces de stationnement Marquer l'entrée de quartier Actions sur les réseaux Amélioration des branchements pour l'alimentation en eau potable Réalisation d'un réseau d'assainissement Reprise des E P Optimisation de l'organisation des réseaux aériens (basse tension, téléphone et éclairage public) Actions sur les équipements Aménagement d'espace dédié à la pêche Aménagement du sentier littoral
8.
9.
10.
11. Aménagements paysagers Plantations Mobilier urbain Espace ludique
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Zones U et Ud traitées ou en cours de projet (Suite)
« Rivière Sens », Gourbeyre (Guadeloupe)
Cette maison située au niveau de la mer (zone verte hachurée sur le plan d'aménagement) sera démolie.
Celle-ci également (zone vert foncé), au bord de la falaise.
Celle-ci également ...
Il ne reste plus qu'à lancer l'opération.
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Zones U et Ud traitées ou en cours de projet (Fin)
« Pointe ouest de la Batterie », Trois-Rivières (Guadeloupe)
Voirie de desserte réalisée dans le cadre de l'opération
Cheminement piéton et espace de détente
... valorisant l'espace vert
Aménagement réalisé par l'agence des cinquante pas, comprenant : régularisation de 21 parcelles, démolition de 15 habitations et 7 annexes, sécurisation de l'accès aux constructions (création de voies de desserte), création d'un cheminement en bordure littorale, mise en valeur de points de vue, valorisation d'un espace naturel, aménagement d'un espace de détente. Rapport n° 012883-01 Rapprocher légitimité et légalité : vers l'abolition des cinquante pas géométriques aux Antilles Page 75/86
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Des zones N comportant des regroupements de constructions
Quartier « Citerne », le François (Martinique)
Des habitations ...
...et une activité de tourisme
Au total 20 bâtis répartis dans 3 secteurs, pour une occupation familiale comprenant 12 résidences principales, 6 résidences secondaires, 1 hangar et 1 local professionnel (35 à 40 personnes au total)
... sur le site exceptionnel d'une ancienne « habitation » (plantation de canne Monnerot) Rapport n° 012883-01 Rapprocher légitimité et légalité : vers l'abolition des cinquante pas géométriques aux Antilles Page 76/86
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Des zones N comportant des regroupements de constructions (suite)
« Pointe Théogène », le Vauclin (Martinique)
D'après le maire, quelques pêcheurs se sont installés au bord de la mer dans cette zone naturelle en 1977, et s'y maintiennent encore aujourd'hui ...
malgré les propositions de relogement du maire, qui avait négocié avec un
investisseur la construction de bungalows dans un secteur à vocation touristique.
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Des cas (limités) de péril imminent menaçant les vies humaines, qui appellent une démolition
Des maisons victimes de l'érosion de la falaise côté mer...
... Capesterre-Belle-Eau, quartier Ste-Marie Four à chaux (Guadeloupe)
Petit-Bourg (Guadeloupe)
Capesterre-Belle-Eau, quartier Doyon poirier (Guadeloupe)
... érosion du talus côté terre,
effondrement des maisons, Basse-Terre (Guadeloupe)
Une maison qui couvre la ravine Trois-Rivières (Guadeloupe)
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Des atteintes importantes à l'environnement, elles-mêmes génératrices d'insalubrité
Les installations illicites portent, d'une façon générale, atteinte aux espaces naturels en les polluant notamment par des rejets directs d'eaux usées et de déchets divers (déchets ménagers, véhicules hors d'usage, etc.) et le stockage de matériaux dangereux. Elles contribuent également la plupart du temps à la dégradation du paysage. Plus particulièrement, les remblais sauvages effectués pour gagner sur les milieux humides (rivages de la mer, mangrove, bords de rivières), les dégradent en les grignotant, ce qui a en même temps pour effet d'exposer les occupants à des situations d'insalubrité due à la présence d'eaux plus ou moins stagnantes et d'humidité.
Maison empiétant sur la mangrove, les pieds dans l'eau à marée haute - Le Robert (Martinique)
Remblai au bord d'une rivière Capesterre-Belle-Eau (Guadeloupe)
Terrain gagné sur la mer avec des matériaux « divers » Le Robert (Martinique)
Remblais à l'embouchure de la rivière Le Robert (Martinique)
Capesterre-Belle-Eau (Guadeloupe) Rapport n° 012883-01
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Des atteintes importantes à l'environnement, elles-mêmes génératrices d'insalubrité (Suite)
Les pieds dans l'eau Capesterre-Belle-Eau (Guadeloupe)
Les pieds dans l'eau Le Robert (Martinique)
Les pieds dans l'eau - Le Robert (Martinique
3-en-1 : Arrivée d'eau potable, évacuation eaux usées, stagnation d'eau croupie
Capesterre-Belle-Eau (Guadeloupe)
Cette maison menacée par l'effondrement au bord de la falaise ...
... rejette directement ses eaux sur celle-ci, contribuant ainsi à son délitement !
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Des atteintes importantes à l'environnement, elles-mêmes génératrices d'insalubrité (Fin)
Le Robert (Martinique)
Cette maison a été construite au milieu de la mangrove, remblayée à cet effet ... Le Robert (Martinique)
La petite maison dans la mangrove ...
... Tous les moyens sont bons pour ...
... y accéder au sec ... (Suite)
(Fin)
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L'alimentation en eau potable
Ici, la collectivité apporte l'eau à l'entrée du quartier. Les piquages individuels courent sur le sol. Trois-Rivières - Grande-Anse (Guadeloupe)
Gourbeyre Rivière Sens (Guadeloupe)
Basse-Terre Calebassier (Guadeloupe)
Presqu'île de la pointe Thalémont, Le François (Martinique) Rapport n° 012883-01 Rapprocher légitimité et légalité : vers l'abolition des cinquante pas géométriques aux Antilles Page 82/86
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Diverses curiosités
Face à face sur le même site, ces deux constructions de qualité inégale (Capesterre-belle-eau, Guadeloupe)
Une construction illégale en pleine construction dans un quartier dont le projet d'aménagement est bien avancé
La folie des grandeurs, aussi dans la zone des 50 pas, en toute illégalité.
Raccordement électrique en pleine mangrove ... Rapport n° 012883-01
Pas sûr que le facteur arrive jusque ...
... là. « Rivière Sens »Gourbeyre (Guadeloupe) Page 83/86
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4 Glossaire des sigles et acronymes
(Loi) ADOM (Loi) ALUR AOT ASSAUPAMAR BRGM CGEDD CTM DEAL DGPR DRFiP DPM (Loi) ENE EPA EPCI EPF EPFL EPIC FDL FEI FEDER CG3P GEMAPI IGA IGF IGN LODEOM MACP MCTRCT MOM MLV MTES N ONF OPAH PLUi PO PPR PUCA RHI RHS SAFER SAR SIG SCoT SEMAG SEMSAMAR TSE U UD ZAC ZPG Loi d'actualisation des outre-mer Loi pour l'accès au logement et à un urbanisme rénové Autorisation d'occupation temporaire Association pour la sauvegarde du patrimoine martiniquais Bureau de recherches géologiques et minières Conseil général de l'environnement et du développement durable Collectivité territoriale de Martinique Direction de l'environnement, de l'aménagement et du logement Direction générale de la prévention des risques Direction régionale des finances publiques Domaine public maritime Loi portant engagement national pour l'environnement (Grenelle II) Etablissement public d'aménagement Etablissement public de coopération intercommunale Etablissement public foncier Etablissement public foncier local Etablissement public à caractère industriel et commercial Forêt du littoral Fonds européen d'investissement Fonds européen de développement régional Code général de la propriété des personnes publiques Gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations Inspection général de l'administration Inspection générale des finances Institut national de l'information géographique et forestière Loi pour le développement économique des outre-mer Ministère de l'action et des comptes publics Ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales Ministère des outre-mer Ministère du logement et de la ville Ministère de la transition écologique et solidaire Espaces naturels Office national des forêts Opération programmée d'amélioration de l'habitat Plan local d'urbanisme intercommunal Programme opérationnel (fonds européens) Plan de prévention des risques naturels Plan construction, urbanisme et architecture Résoprtion de l'habitat insalubre Résoprtion de l'habitat spontané Société d'aménagement foncier et d'équipement rural Schéma d'aménagement régional Système d'information géographique Schéma de cohérence territoriale Société d'économie mixte d'aménagement de la Guadeloupe Société d'économie mixte de Saint-Martin Taxe spéciale d'équipement Espaces urbains Secteurs d'urbanisation diffuse Zone d'aménagement concerté Zone des cinquante pas géométriques
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Credits photographiques : mission CGÈDD, sauf mention contraire en legende et photos aeriennes pages 76 et 81 (Google maps)
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Site internet du CGÈDD : « Les derniers rapports »
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INVALIDE) (ATTENTION: OPTION ns s'appuieront sur des travaux en cours commandés en particulier au BRGM, qui intègrent l'augmentation des phénomènes cycloniques observée depuis quelques années et anticipent sur les évolutions à venir. Elle se baseront également sur une approche cumulative des risques d'inondation par ruissellement et submersion marine, qui conduira à faire passer certains secteurs cumulant zone bleue inondation et zone bleue submersion en zone rouge. 48 Une analyse sémantique détaillée des deux notions a été réalisée par le BRGM, à 5 ans d'écart, dans deux rapports d'étude rédigés « dans le cadre des opérations de Service public » de cette agence : - Expertise des études d'aléas réalisées pour l'Agence des cinquante pas géométriques de Guadeloupe et applicabilité de la loi Letchimy - Rapport final - BRGM/RP-62204- FR - juillet 2015 ; - Présentation préliminaire de la méthodologie développée pour caractériser les zones présentant un Risque Naturel Grave et Prévisible Menaçant les Vies Humaines (RNGPMVH) - Rapport final BRGM/RP-69111-FR - Juillet 2019.
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Des lors, la methodologie qu'il propose en 2019 part des aleas forts et tres forts comme condition necessaire : les risques previsibles graves. Ainsi, et a titre d'illustration, des situations de chute de blocs ont ete indiquees a la mission comme menaçant gravement les vies humaines alors qu'elles se trouvent en zone d'alea moyen, et ne sont de ce fait pas prises en compte par la methodologie proposee. Èn outre, la houle cyclonique, alea fort et tres destructeur des constructions, quelle que soit la qualite du bati, est consideree dans cette methodologie comme irremediable pour les vies humaines, mais parce qu'il est considere que les personnes doivent etre protegees par leur construction pendant l'evenement, ce qui ne serait pas possible. Mais c'est sans compter qu'en cas de cyclone, personne ne reste chez soi car les puissances publiques et les solidarites sociales y veillent de tres pres. Ènfin, pour d'autres risques, comme mouvement de terrains ou inondation/submersion, la qualite du bati (fondations, presence d'un etage par exemple), est prise en compte, ce qui ne conduit plus a la notion de zones, mais a un semis de parcelles non regularisables au milieu d'autres qui le sont, non pas pour des raisons intrinseques mais par la bonne qualite du bati qu'elles accueillent. Ce qui, du point de vue de l'amenagement urbain, perd toute coherence. Il est en consequence urgent de valider une methode de designation des situations de menace grave pour les vies humaines, en revenant a la notion initiale posee dans la loi Letchimy, coherente avec celle du fonds Barnier, et clairement dissociee des PPR. Les habitations situees en bord de falaises sur la cote atlantique de la Basse Terre en Guadeloupe, de Petit Bourg a Capesterre, en sont des illustrations flagrantes, dont certaines sont deja en cours de traitement (cf. photos annexe 3 page 76). Independamment de cette question, la revision des PPR qui s'ouvre conduira surement a des zones majorees d'aleas forts et tres forts et se posera, a plus long terme, la question de la migration en arriere du littoral des urbanisations tres menacees par le changement climatique (cf. 3.4.2 infra).
2.3 Un cadre législatif, dérogatoire du droit commun métropolitain, et plus restrictif, faisant perdurer artificiellement une notion archaïque
2.3.1 Une loi « littoral » spécifique, hors du droit commun métropolitain
La loi « littoral » introduit deux types de dispositions specifiques ultra-marines dans son titre III intitule « Dispositions particulieres aux departements d'outre-mer ». Le premier registre consiste en une ecriture specifique des regles d'occupation des sols dans les communes littorales ultra-marines. L'esprit reste cependant le meme dans les grandes lignes, dans la logique de protection du littoral par les regles d'urbanisme. La specificite est surtout de s'appuyer sur la zone des cinquante pas geometriques pour instituer la bande littorale, au lieu des cent metres en metropole. Mais de surcroît, considerant selon toute vraisemblance que la capacite a « tenir » l'urbanisation par les seuls documents de planification urbaine aux abords d'un littoral particulierement convoite ne serait pas suffisamment operante, la loi « littoral » ajoute un autre registre de protection de la bande des cinquante pas : son incorporation dans le domaine public maritime (DPM). Èn effet, par son article 37, la loi stipule que « la zone comprise entre la limite du rivage de la mer et la limite supérieure de la zone dite des cinquante pas géométriques [...] fait partie du domaine public maritime ». Par ce second registre de specificite, la loi « littoral » introduit une veritable distorsion avec le droit metropolitain, cherchant ainsi a renforcer la protection du littoral par la domanialite publique, au-dela des regles de l'urbanisme.
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2.3.2 Les cinquante pas géométriques et le domaine public (maritime) : une longue (inco)errance
Le decret de 195549 avait integre la bande des cinquante pas dans le domaine prive de l'Ètat, faisant le constat de l'anachronisme du statut de cette zone, de l'extreme complexite du regime applicable « du fait, notamment, de nombreux empiétements commis par des particulières depuis deux siècles » et de la necessite de permettre un developpement economique, agricole et touristique dans ces departements decolonises. Extraits de l'exposé des motifs du décret n° 55-885 du 30 juin 1955 [...] La réserve domaniale, dite « zone des cinquante pas géométriques » [...], constituée par une bande de terrain d'une largeur de 81,20 m située en bordure du rivage de la mer, dépend du domaine public maritime. L'institution de la zone, qui remonte au début de l'établissement de la France dans les anciennes colonies, fut motivée principalement par les nécessités de la défense des côtes basée sur des conceptions depuis longtemps périmées. Son régime, extrêmement complexe du fait, notamment, des nombreux empiètements commis par des particuliers depuis plus de deux siècles, constitue de toute évidence un anachronisme. [...] Mais, dès l'instant qu'elle constitue juridiquement une dépendance du domaine public national, la réserve domaniale est inaliénable et imprescriptible. Sans doute, des décrets intervenus sous le régime colonial ont-ils dérogé à cette règle et autorisé, sous diverses conditions, l'aliénation de certaines de ses dépendances. Mais, bien qu'ils n'aient pas été abrogés explicitement, ces textes sont devenus pratiquement inapplicables, en raison des modifications intervenues dans le régime administratif des anciennes colonies transformées en départements. En fait, la réserve ne peut, actuellement, faire l'objet que d'autorisations d'occupation temporaire dont le caractère essentiellement précaire et révocable ne saurait permettre ni la création d'établissement industriels ou agricoles, ni l'édification de constructions. [...] Ces constations amènent à conclure que le statut actuel de la réserve constitue un obstacle certain au développement économique, agricole et touristique des départements d'outre-mer. Pour remédier à cette situation, il est indispensable, d'une part, de définir d'une façon précise l'étendue de la zone des cinquante pas géométriques et d'en prononcer le déclassement du domaine public, à l'exception toutefois des immeubles qui, par leur nature ou leur destination relèvent de cette domanialité publique à un autre titre (routes, ports, ouvrages de défense...), d'autre part, de fixer le nouveau régime auquel seront soumis les immeubles transférés dans le domaine privé de l'Etat. Le présent décret a pour objet de réaliser cette réforme. [...] La decision prise par ce decret en ce qui concerne la zone des cinquante pas, qui s'inscrit dans le ligne de l'application du droit metropolitain aux anciennes colonies devenues departements par la loi de 1946 50 et auxquelles ont ete appliquees les legislation et reglementation domaniales 51 , est d'une coherence absolue.
49
Décret n° 55-885 du 30 juin 1955 relatif à l'introduction dans les départements de la Guadeloupe, de la Guyane française, de la Martinique et de la Réunion, de la législation et de la réglementation métropolitaines concernant le domaine public maritime et l'exécution des travaux mixtes, et modifiant le statut de la zone dite « des cinquante pas géométriques » existant dans ces départements. 50 Loi du 19 mars 1946 tendant au classement, comme départements français, des colonies de la Guadeloupe, de la Guyane française, de la Martinique, de La Réunion. 51 Décrets n° 48-557 et 48-558 du 30 mars 1948, relatifs à l'introduction, dans lesdits départements, de la législation et de la réglementation domaniales.
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Integrant la caracteristique premiere du domaine public d'etre inalienable et imprescriptible, et constatant neanmoins, sous l'application de diverses dispositions en vigueur dans les colonies, les empietements et occupations commis par des particuliers depuis plus de deux siecles, le decret prend acte d'une situation « anachronique » relevant d'une « conception perimee »52. Trente ans plus tard, nonobstant cet argumentaire imparable et les cessions nouvelles operees tout au long de ces trois decennies en application des possibilites ouvertes par ces dispositions, la loi « littoral » reintroduit en 1986 l'anachronisme constate par le decret de 1955 et retablit l'ensemble des complexites et difficultes de gestion de ce domaine, en contradiction avec la vocation qui qualifie intrinsequement le domaine public : « [...] le domaine public d'une personne publique [...] est constitué des biens lui appartenant qui sont soit affectés à l'usage direct du public, soit affectés à un service public pourvu qu'en ce cas ils fassent l'objet d'un aménagement indispensable à l'exécution des missions de ce service public » en vertu du L2111-1 du CG3P. Les cinquante pas ne se pretaient aucunement a une telle vocation et faisaient deja l'objet d'occupations privatives massives. Cette decision, de conception metropolitaine peu soucieuse des realites ultramarines et a rebours d'une evolution raisonnee au moment de l'integration des colonies comme departements et de leur rattachement au droit metropolitain, a introduit d'insurmontables difficultes qui, plus de vingt ans plus tard, sont loin d'etre resolues, malgre la succession de lois et de rapports d'inspection et de controle. Ènfin, il est a relever que certaines dispositions, comme les clauses resolutoires prevues a l'article L5112-4 du CG3P en cas de non-realisation dans les dix ans des projets d'amenagement ayant justifie la cession gratuite aux communes, ou comme le droit de preemption specifique dans les dix ans qui suivent une cession par l'Ètat a un particulier instaure par l'article L5112-9 du meme CG3P (cf § 2.2.4 infra), font retour des biens vers les personnes ou etablissements publics, mais hors de leur domaine public : dans le domaine prive de l'Ètat dans le premier cas, dans celui de la commune ou de l'agence des cinquante pas dans le second, ce qui constitue une incoherence supplementaire.
2.4 Une mise en oeuvre de la loi de 1996 ayant atteint malgré tout certains résultats
2.4.1 La mission confiée aux agences au service de la régularisation, accomplie avec succès
La mission a souhaite dans un premier temps objectiver les resultats de la mise en oeuvre de la loi de 1996. Èlle a tente pour cela de rassembler les donnees quantifiees necessaires detenues par les agences et des DÈAL, ou de leur demander de les produire. Èlle n'a obtenu qu'un succes tres partiel malgre une veritable mobilisation des agences. Le tableau ci-dessous illustre ces difficultes a jauger les quantites en montrant des chiffres de mesure des cinquante pas, variables d'un acteur a l'autre, avec des convergences (vert) et des divergences (rouge).
52
Il convient malgré tout de noter que la possibilité de prescription acquisitive en application des dispositions du Code civil qu'ouvrait ce décret n'a de fait jamais été mise en oeuvre par défaut d'une décision ministérielle de délimitation que l'Etat n'a jamais prise.
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La mesure des superficies concernees apparaît plus stable que le denombrement des batis. L'approche exploree a la demande de la mission par le systeme d'information geographique (SIG) de la DÈAL de Martinique, en utilisant la « BD topo »53 de 2017 a l'avantage d'etre plus a jour mais ne distingue pas le type de bati en dur ou leger (terrasses, piscines, garages, abris de jardin...). Pour ce departement, il a en consequence ete prefere de s'en tenir au travail de l'agence des cinquante pas qui a consiste a mobiliser la base Èdigeo 2019 (donnees cadastrales numerisees) pour decompter les batis en dur. Èn Guadeloupe, les travaux de chiffrage de l'agence et de la DÈAL sont davantage convergents. Il est surtout a noter l'absence d'objectif commun au sein des services de l'Ètat et de ses operateurs de disposer d'une connaissance globale mesuree du territoire des cinquante pas par croisement des differents systemes de mesure ou d'information geographique lorsqu'ils existent. Ceci paraît etre une des consequences des difficultes de gestion en mode projet au sein des services de l'Ètat et des defauts de cooperation entre les services de l'Ètat et les agences, pourtant operateurs de l'Ètat mais non consideres veritablement comme tels. Ce phenomene est plus accentue en Guadeloupe qu'en Martinique. La mise en place de procedures d'echanges formalisees devrait permettre dans les deux cas de regler le probleme. Dans un deuxieme temps, la mission s'est attachee a apprecier les resultats obtenus en matiere de regularisation, en application de la loi de 1996. Les chiffres qui suivent, malgre leur apparente precision, ne sont pas exacts a l'unite, mais permettent, grace au travail important des agences a la demande de la mission, d'avoir une representation en ordre de grandeur des resultats obtenus.
53
Institut national de l'information géographique et forestière (IGN)
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Globalement, la regularisation s'approche de 65% a 80 % si l'on compte les decisions favorables en cours de paiement par les occupants, meme si le titre n'est pas encore delivre (cf. tableau ci-dessus). Èlle est de l'ordre de la moitie si l'on compte uniquement les titres publies. Mais il faut noter que 15% a 30% restent a ce jour sans titre dans une situation en quelque sorte bloquee puisque, soit l'occupant n'a pas effectue la demarche qui n'est pas obligatoire-, soit la regularisation n'est pas possible mais sans pour autant que la construction soit demolie-. Èn ce qui concerne la mission de regularisation des agences, il convient de rappeler que celles-ci ne sont en responsabilite reelle qu'en partie « amont », avant la reunion de commission interservices et la decision de l'Ètat. Dans la phase posterieure a cette derniere, leur role n'est par contre que celui de « boîte aux lettres » entre DRFiP, services prefectoraux et beneficiaires des cessions, les delais de cette phase etant principalement entre les mains de la DRFiP et des beneficiaires (cf. § 2.2.2 supra).
Sous cet angle, la mission a apprecie les resultats du travail accompli par les agences et constate qu'en proportion des batis potentiellement regularisables car anterieurs a 1995 et pour lesquelles une demande de regularisation a ete effectuee, les agences ont traite, jusqu'a la decision de l'Ètat, autour de 90 % des demandes (cf. tableau ci-dessus). Les agences ont donc a ce jour accompli leur mission au service de la regularisation, meme si le stock potentiel reste encore important en Guadeloupe : plus de 2 000 batis non traites mais pour lesquels aucune demande n'a ete deposee. L'horizon de vie des agences, qui, depuis qu'elles ont la mission de regularisation, a ete constamment limite, a conduit inevitablement a renoncer a relancer des campagnes actives de regularisation. Il est a noter que les avis defavorables a la regularisation sont principalement motives par un defaut d'eligibilite (bati edifie apres 1995, titre deja valide, etc.), par la localisation dans les zones rouges des PPR ou la non-compatibilite avec un programme de viabilisation54. Ainsi, en Martinique, sur les 501 refus, 162 relevent de la situation en zones rouges et 159 de l'incompatibilite avec un futur reseau de desserte. Èn Guadeloupe, cela represente respectivement 626 et 101 sur les 825 refus.
2.4.2 La mission d'équipement et d'amélioration, partagée entre les collectivités du bloc communal et les agences, très partiellement avancée
La mission s'est attachee egalement a jauger l'intervention des agences dans le champ de l'amenagement, en lien avec les besoins de viabilisation et d'equipement, ainsi que de traitement des quartiers insalubres (cf. nombreuses photos en annexe 3). Dans le cadre de leur mission principale initiale, les deux agences ont etabli des estimations en ordre de grandeur des couts d'intervention en equipement et amenagement sur les quartiers qui leur sont apparus prioritaires, puis elles y ont conduit des interventions dans une partie d'entre eux, ou en preparent. Ces estimations concernent deux tiers des batis en zone U & UD en Martinique, soit plus de 9 000 habitations, pour un cout d'equipement global de l'ordre de 200 M, et un tiers en Guadeloupe,
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Les sursis à statuer étant quant à eux principalement fondés sur ce dernier motif de l'incompatibilité avec un futur réseau de desserte.
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approchant les 4 000 habitations et representant de l'ordre de 100 M. Dans les deux cas, les travaux deja realises par les agences s'approchent des 15 % de ces estimations (cf. tableau ci-dessous).
Ce chiffre peu eleve est la consequence directe des defauts de capacite a agir des agences, lies a leurs statuts, a leurs missions et aux conditions restrictives de leur exercice (cf. § 2.2.4 supra), notamment une duree de vie incompatible avec des operations qui demandent de l'ordre de dix ans ainsi que l'absence de pouvoir d'initiative. La mission a cependant constate, aussi bien en Martinique qu'en Guadeloupe, que les quartiers dont la viabilisation a ete effectuee, couplee a la regularisation, connaissent une veritable transformation qui permet ensuite aux habitants de regenerer leur bati et impulse ainsi une veritable dynamique de reinvestissement (cf. photos annexe 3 pages 68 a 73). Par ailleurs, les agences identifient que 20% a 25% du bati de ces zones relevent d'interventions de type RHI/RHS, au-dela des questions d'insalubrite collective rendant necessaires des programmes d'equipement. L'agence de Martinique intervient sur un certain nombre de RHI, ce qui n'est pas le cas de celle de Guadeloupe (cf. § 2.2.4 supra).
2.4.3 Une unanime reconnaissance du travail des agences et de l'implication de leurs salariés, malgré la grande précarité des conditions de leur intervention
A travers l'ensemble des entretiens qu'elle a menes sur place, la mission constate chez les partenaires des agences au sein des collectivites une reconnaissance unanime de leur travail, que ce soit du cote des maires qui conduisent avec elles des projets ou du cote des collectivites de niveau regional : la region de Guadeloupe et la collectivite territoriale de Martinique. Toutes ces collectivites rencontrees par la mission, et leurs elus en particulier, tiennent des propos tres positifs a l'egard des agences et de leurs personnels : « qualité de l'expertise », « compétences techniques », « équipes de personnels performants », « accumulation d'expérience opérationnelle » leur permettant de « discuter avec les occupants et préparer ainsi les projets d'aménagement ». Ils constatent que « la mission n'est pas terminée », mais que les agences sont des acteurs « repérés », « les compétences sont là », et qu'il convient de « valoriser leur savoir-faire ». Ils en deduisent qu'il est « important de ne pas changer d'interlocuteur [et que les agences] continuent leur mission », et affirment qu'il serait « absurde de réinventer de toute pièce une nouvelle administration ». Èn outre, tous les maires, ou leurs adjoints, rencontres par la mission, sans exception, saluent l'implication des agences dans la realisation de projets « importants pour la commune ». Mais au-dela de leur appreciation des competences mises en oeuvre, ils reconnaissent l'utilite de faire appel a un operateur « a-politique, qui travaille pour tout le monde » car n'etant relie a aucune collectivite en
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particulier. Ils constatent en effet l'importance des « rivalités entre les structures », « chacun pensant les choses de son côté » dans un contexte de « relations politiques très compliquées ». Ils affirment en consequence avoir besoin « d'organes coordonnateurs pour l'intérêt général » que sont les agences pour depasser ces difficultes et conduire des « projets plus complets et plus intégrés ».
2.4.4 Les grandes faiblesses locales de l'aménagement opérationnel
Le recent rapport du CGÈDD relatif a l'accession tres sociale dans les departements d'outre-mer constatait « la quasi-absence de stratégies [opérationnelles] d'aménagement visant à préparer un foncier doté d'une structure viaire et desservi par les réseaux et en conséquence prêt à recevoir les constructions. Celles-ci s'opèrent en fonction du parcellaire existant et des opportunités foncières. [...] La question des réseaux viaires, d'eau et d'assainissement ne se pose [le plus souvent] qu'a posteriori, une fois les constructions réalisées et occupées, avec toutes les difficultés induites, [comme] c'est aussi le cas aux Antilles où les questions d'insalubrité se posent à l'échelle de quartiers entiers. [...] Les logiques d'aménagement, sous forme d'opérations de résorption de l'habitat insalubre ou d'opérations d'aménagement, ZAC55 ou lotissements, ne sont pas au centre des préoccupations des municipalités. [...] Il en est de même pour les opérations programmées d'intervention sur l'habitat dans une approche globale. À titre d'exemple il n'y a qu'une seule ZAC et une seule OPAH56 en Guadeloupe. » Dans les cinquante pas geometriques, les constructions se sont historiquement concentrees de maniere informelle et la reorganisation a posteriori de ces tissus spontanes necessite un travail de « dentelle » pour faire passer les reseaux et resorber l'insalubrite des habitations. Les communes, et maintenant les etablissements publics de cooperation intercommunale (ÈPCI), en competence institutionnelle sur ces sujets, sont encore moins rompu(e)s a assurer la maîtrise d'ouvrage de ce type d'operations que d'operations plus classiques. Les amenageurs locaux, dont on constate deja le retrait des operations d'amenagement courantes, sont de la meme maniere peu enclins a s'engager dans ce genre de projets complexes. On peut noter a titre d'exemple que la RHI de Grand Baie a Gosier, en Guadeloupe, aura « epuise », depuis son demarrage en 2005, non seulement son premier amenageur, la SÈMAG 57 , mais egalement le second qui lui avait succede, la SÈMSAMAR 58 . La ville se retourne aujourd'hui vers l'agence pour reprendre la suite operationnelle dans le contexte du retour des terrains a l'Ètat, en application de la clause resolutoire de la cession initiale lorsque l'operation n'est pas realisee dans les dix ans. Èn Guadeloupe, les operations de RHI s'eternisent, voire s'eteignent, alors qu'il reste fort a faire. Bien que l'importance des enjeux d'amenagement soit fortement averee, la faiblesse de leur portage par les collectivites du bloc communal est encore renforcee par leur situation financiere de plus en plus critique dans ces deux departements d'outre-mer, reduisant au minimum leur participation financiere a ces operations. C'est ainsi par exemple que sur l'ensemble des projets d'equipement menes par l'agence de Guadeloupe, celle-ci en aura finance presque les trois quarts sur ses propres ressources. Par ailleurs, bien que la competence soit maintenant celle des ÈPCI, ces structures sont encore tres jeunes et sont loin de federer les communes sur des projets communs, celles-ci restant soucieuses de preserver leurs prerogatives pour la maîtrise de leur territoire, tout particulierement en Guadeloupe.
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Zone d'aménagement concerté. Opération programmée d'amélioration de l'habitat. 57 Société d'économie mixte d'aménagement de la Guadeloupe. 58 Société d'économie mixte de Saint-Martin.
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3 Une indispensable période de transition dans la perspective d'une abolition des cinquante pas aux Antilles
3.1 Administrer la préparation du transfert
La loi ADOM avait prevu cinq annees pour la mise en oeuvre du transfert. Differents travaux preparatoires ont permis de mieux cerner les difficultes - documents strategiques d'amenagement, meme non adoptes ; lettre du prefet de Guadeloupe du 9 avril 2018 (cf. § 2.1.3 supra) ; analyse conjointe effectuee par la DÈAL et la collectivite territoriale de Martinique des besoins d'actualisation du zonage U & UD versus N ; analyse effectuee par l'ONF de Martinique (cf. § 3.1.1 infra) -, mais sans pour autant proposer de solutions de resolution. L'enchainement prevu par la loi des etapes et decisions concretes menant au transfert n'est a ce jour pas entame. Il convient donc de se donner a compter d'aujourd'hui le temps necessaire pour y parvenir, que la mission estime a plusieurs annees, afin d'administrer de maniere efficace cette periode de transition.
3.1.1 Délimiter la partie à vocation urbaine des cinquante pas par déduction des espaces naturels à protéger, en organisant les moyens de leur protection
L'article L5112-1 du CG3P stipule que « l'Etat délimite par décret en Conseil d'Etat, au plus tard le 1er janvier 2019, après avis des collectivités territoriales ou de leurs groupements, à l'intérieur de la zone des cinquante pas géométriques, d'une part, les espaces urbains et les secteurs occupés par une urbanisation diffuse, d'autre part, les espaces naturels ». Le meme article precise que « cette délimitation prend en compte l'état d'occupation du sol [...] ».
Délimiter les zones U et UD à partir de l'enjeu de protection durable des zones naturelles
Avant meme la loi ADOM, la mission IGA-CGÈDD de 2013 insistait sur l'enjeux de preservation du littoral et de l'ecosysteme antillais, en constatant le role majeur joue par le Conservatoire du littoral et l'ONF et recommandait « qu'un décret en Conseil d'Etat fixe le périmètre transférable en excluant les espaces naturels, les coupures d'urbanisation [...] » et considerait pour cela que « la cartographie des espaces naturels devra être revue afin de correspondre pleinement à la réalité humaine et écologique ». La presente mission confirme que les arretes de delimitation pris par l'autorite prefectorale au debut des annees 2000 en application de la loi de 1996 meritent une revision59, au regard : de l'evolution des tissus batis, et notamment des noyaux qui se sont constitues dans certains espaces naturels ; de l'importance que revet en 2020 la question de la preservation ecologique et de la biodiversite.
Contrairement a la Martinique, ou le Conservatoire du littoral n'a pas souhaite recuperer les zones baties bien que classees N par l'arrete prefectoral, l'integration des cinquante pas en application de la loi de 1996 dans le domaine du Conservatoire en Guadeloupe a fait entrer dans son perimetre un ensemble non negligeable d'occupations illicites, dont 230 habitations. Le Conservatoire met en place depuis 2015 une strategie de reconquete visant a une demolition, en developpant sensibilisation,
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Des révisions ont été effectuées depuis ces arrêtés initiaux pris au début des années 2000 (y compris postérieurement à la promulgation de la loi ADOM qui a renvoyé en 2015 les modifications à un décret en Conseil d'Etat), mais ces révisions ont été faites à l'initiative et sur demande de quelques communes, et ne couvrent qu'une part minoritaire des cinquante pas.
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negociation et accord amiable, ou, a defaut, mise en demeure, proces-verbal de grande voirie, decision judiciaire de demolition et demolition. Actuellement, 70 % des situations sont re glees par la negociation. Des demolitions ont deja ete operees.
Source : Conservatoire du littoral de Guadeloupe ; rapport d'activité - bilan 2017-2018 et perspectives 2019
Du cote de l'ONF, en Martinique, l'Office exerce une surveillance tres reguliere (tournee en helicoptere une fois par mois) et intervient au titre de la preservation des bois pour detruire immediatement tout debut de travaux. L'Office a « herite » au moment de l'incorporation des zones des cinquante pas au sein de la foret du littoral (FDL) de certaines occupations « historiques », qui font l'objet de concessions aux termes d'un accord passe en 2014 entre l'Office et l'Union des associations du littoral de la Martinique. Selon cet accord, pour les constructions plus « récentes », considerees comme ayant ete edifiees « illégalement en toute connaissance de cause [...], la règle générale est l'expulsion et la démolition. » La difficulte a laquelle est confrontee l'ONF dans les deux departements antillais, dans sa capacite a poursuivre son action de protection de la FDL, tient aux objectifs poses par le niveau central de l'ONF de viser a l'equilibre financier des delegations d'outre-mer, alors que le modele economique generique de financement par la vente des bois ne fonctionne pas aux Antilles. La mission considere neanmoins que, dans le but de proteger ces espaces naturels, la delimitation doit etre arretee de maniere a ce qu'a l'issue de l'exercice, l'ensemble des zones naturelles soit affecte, soit au Conservatoire du littoral, soit a l'ONF dans le cadre du regime forestier de la foret du littoral. Ces deux operateurs de l'Ètat, malgre des moyens resserres, sont en effet en capacite d'organiser l'animation, la pedagogie et la police necessaires a la preservation du domaine. A l'inverse, les secteurs actuellement classes naturels de la zone des cinquante pas et places sous la responsabilite directe de l'Ètat, via la DÈAL, ne peuvent pas etre correctement surveilles, par manque de moyens. Ce travail de delimitation et d'affectation des espaces naturels a un gestionnaire dedie, Conservatoire du littoral ou ONF, portera egalement sur les terrains exondes en application du L5112-2 du CG3P. Èn Guadeloupe, les cartographies de delimitation des zones U, UD et N par les arretes prefectoraux revelent des interferences avec un « domaine public lacustre », au statut non stabilise d'apres les services de l'Ètat. A l'occasion de ces travaux de delimitation prealables a la prise du decret en Conseil d'Ètat, le statut et la geographie de ces terrains devront etre elucides et leur classement arrete dans les categories adequates.
Mettre en place un travail en mode projet au sein des services de l'Etat et de ses opérateurs
Le travail de repartition des cinquante pas entre zones naturelles et zones urbaines doit en consequence etre effectue en lien etroit avec ces deux operateurs. Le directeur de l'ONF de Martinique, dans un premier courrier du 4 mai 2018 a l'attention du directeur de la DÈAL, constatait que « ce
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transfert est l'occasion de retrouver des zonages cohérents avec la réalité de terrain et de gestion. [Notre] analyse rapide du foncier de la zone des cinquante pas a ainsi permis d'identifier plusieurs cas de figure : des parcelles U et UD situées en FDL qui pourrait faire l'objet d'une distraction (18 ha) ; des parcelles U et UD situées en FDL qui pourraient l'objet d'un reclassement en N (13 ha) ; des parcelles U et UD contenant des zones naturelles qui mériteraient d'être classées N (44 ha) ; des parcelles N non situées en FDL qui le mériteraient (180 ha) ; des parcelles privées qui pourraient faire l'objet d'une acquisition par le Conservatoire du littoral (environ 30 ha). »
Dans un second courrier du 28 decembre 2018, il completait en constatant « les difficultés concernant les bases de données cadastrales » et faisait une proposition de travail collectif au sein de l'Ètat : « Il est indispensable et urgent de clarifier la notion de propriété sur le littoral et d'assurer son opposabilité aux tiers. La mise en place d'un projet porté par la DRFiP avec le soutien des acteurs du foncier, dont nous faisons partie, me semble être la meilleure solution. Un début pourrait être un travail collectif, peut être sous l'égide du SGAR, afin de clarifier les enjeux et les procédures et définir les rôles de chacun. » La mission soutient ces propositions de travail en mode projet au sein de l'Ètat qui lui parait tout a fait indispensable en l'espece, le systeme d'acteurs etant tres compartimente et cloisonne, comme elle a pu le constater dans ces departements d'outre-mer. Au sein des services de l'Ètat, la cooperation est cependant d'autant plus bridee que ceux-ci sont confrontes a des difficultes particulieres, avec tres peu de moyens pour y repondre, mais l'appui sur les operateurs de l'Ètat (Conservatoire, ONF et agences) et leurs outils, permettra une meilleure efficacite. Ce travail de clarification au sein de l'Ètat et de ses operateurs devrait egalement etre partage avec les collectivites, en veillant a associer les occupants selon des modes a definir. Recommandation 1. Délimiter les parties urbaines à partir d'une stratégie de protection des écosystèmes antillais, en affectant en totalité les zones naturelles des cinquante pas au Conservatoire du littoral et des rivages lacustres et à l'Office national des forêts. Organiser pour cela au sein de l'Etat et de ses opérateurs (ONF, Conservatoire, Agences des cinquante pas) un travail coopératif en mode projet. Veiller à ce que le Conservatoire et l'ONF continuent de disposer des moyens leur permettant d'assurer leurs fonctions d'animation, conservation et protection de ces zones naturelles.
3.1.2 Définir la consistance du DPM résiduel des zones urbaines en vérifiant, à la parcelle, l'absence de titre de propriété recevable
Une fois les zones U et UD delimitees, il sera indispensable de definir precisement la consistance du transfert de propriete prevu par la loi. Èn effet, seules les parcelles non titrees, c'est-a-dire pour lesquelles aucun titre de propriete ne pourra valablement etre oppose, feront l'objet du transfert. Ceci suppose un examen a la parcelle, sur l'ensemble de ces zones U et UD. Ce travail de verification n'est pas entame aujourd'hui. Une fois le contour des zones U et UD arrete, il pourra etre finalise. Èn Guadeloupe, la DRFiP precise que cela mobilisera au minimum un equivalent temps plein sur une annee entiere. Èlle precise en outre qu'elle n'en dispose aucunement dans l'etat actuel du resserrement de ses effectifs.
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Recommandation 2. Définir la consistance parcellaire des terrains des zones urbaines et d'urbanisation future à transférer. Mandater, en lien avec la direction de l'immobilier de l'Etat, les DRFiP pour procéder dans les délais à la vérification des terrains domaniaux éligibles au transfert.
3.1.3 Traiter les habitations soumises à un risque imminent pour les personnes
Derniere dimension qui conditionne tres directement le transfert : le traitement des constructions situees dans des zones soumises a un risque menaçant gravement les vies humaines. De maniere convergente, la region Guadeloupe et la collectivite territoriale de Martinique posent en effet comme prealable au transfert des cinquante pas que l'Ètat soustraie aux perimetres transferes ces zones representant un nombre tres eleve d'habitations qui seraient a demolir et a reconstruire ailleurs en contradiction frontale avec toute acceptabilite sociale (cf. chapitre 1). Le transfert est donc bloque, politiquement, et meme techniquement puisque la loi ne prevoit pas cette exclusion, ce que ces collectivites ne peuvent tout a fait ignorer. Comme il a ete developpe supra (cf. § 2.2.5), il est imperatif aujourd'hui de distinguer rigoureusement les situations qui relevent de l'urgence absolue pour les vies des personnes, de celles bien plus importantes numeriquement qui relevent d'un dispositif de protection des biens et des personnes par les servitudes de prevention contre les risques naturels. Èn d'autres termes, il convient de distinguer les situations a traiter dans le cadre du fonds Barnier, article L561-1 et suivants du code de l'environnement, de celles qui relevent des PPR, articles L562-1 et suivants du meme code. Ainsi, il appartient maintenant a l'Ètat, en lien avec les collectivites, comme la loi Letchimy de 2011 en faisait l'obligation, d'identifier dans les meilleurs delais l'ensemble de ces habitations dont la situation constitue un risque imminent pour la vie des habitants. Ces situations sont de l'ordre de plusieurs dizaines, voire de la centaine, mais ne sont pas du tout a l'echelle du millier comme le sont celles situees dans les zones rouges des PPR au sein des cinquante pas. L'identification doit s'accompagner de la mise sur pied par l'Ètat d'un programme operationnel de relogement et demolition par des operations d'amenagement ad hoc. Il est essentiel que ces operations soient menees de maniere efficace et tenue dans les temps. L'experience montre en effet des delais de realisation excessivement longs 60. Outre la difficulte intrinseque de telles operations, compte tenu de l'ancrage affectif et symbolique des familles a leurs lieux d'habitation, meme soumis a des risques averes, la difficulte a livrer rapidement de telles operations tient non seulement au defaut de capacite operationnelle d'amenagement mais aussi au type de solution la plus couramment retenue pour le relogement, en logement locatif social et en dehors du quartier. Il est essentiel en effet pour les occupants de pouvoir beneficier de solutions de remplacement dans des conditions d'usage et financiere de meme ordre de celles dont ils auraient beneficie dans une regularisation « courante ». C'est bien parce que les solutions proposees par l'amenageur ne remplissaient pas ces principes que l'operation de Grand Baie au Gosier en Guadeloupe a echoue (cf. § 2.4.4). Concretement, ceci suppose un terrain de relogement, en pleine propriete, situe dans le quartier ou dans sa proximite immediate et une construction en accession tres sociale, voir en auto-construction encadree. Ce programme de relogement des populations soumises a un risque naturel menaçant gravement les vies humaines devra faire l'objet, a la hauteur de ces besoins d'urgence, d'un financement assure dans le cadre du fonds Barnier et de programmes d'accession tres sociale. L'Ètat s'appuiera en outre sur ses
60
A titre d'exemple, l'opération de relogement démolition du quartier Bovis à Petit Bourg en Guadeloupe est en cours depuis plus de dix ans et n'est pas achevée. L'agence n'en était pas l'opérateur.
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operateurs que sont les agences pour le conduire. Il conviendra en particulier que celles-ci soient renforcees en tant que maître d'ouvrage et qu'elles disposent d'un horizon temporel de dix ans indispensable a la conduite de ces operations (cf. § 3.2.3 infra). Èlles devront egalement etre directement beneficiaires des financements du fonds Barnier. La mission rejoint les propositions de la mission IGA-CGÈDD de 2013 qui recommandait de « privilégier dans le plan de charge des agences, les travaux d'aménagement permettant de réduire le périmètre des zones à risque. A cette fin, elles doivent pouvoir mobiliser le fonds Barnier ». Èlle souscrit egalement a celle de la Cour des comptes en 2015 : « fixer aux agences comme priorité le traitement des zones à risque, en les rendant éligibles au fonds Barnier ». Correlativement au traitement de ces situations de risque imminent pour les personnes, et en dehors de ces situations, les avis defavorables a la regularisation pris au motif de la localisation dans la zone rouge du PPR devront faire l'objet d'une nouvelle instruction61. Recommandation 3. Identifier sans délai les secteurs de menaces graves pour des vies humaines et mettre en place un programme d'opérations de démolition des habitations correspondantes et de relogement de leurs habitants dans des conditions équivalentes, financé dans le cadre du fonds Barnier. Concevoir ces opérations dans le quartier ou à proximité immédiate et en accession très sociale avec un coût du foncier analogue à celui de la régularisation. Rendre les agences des cinquante pas, qui en seront les opérateurs, directement bénéficiaires des financements du fonds Barnier. Ré-instruire les demandes de régularisation des occupations situées en zones rouges des PPR et non concernées par ce programme.
3.2 Rénover et libérer l'action opérationnelle de terrain pendant la période de transition
Pendant que s'operent les travaux preparatoires au transfert, les interventions et operations sur les cinquante pas ont vocation a se poursuivre. Il serait legitime que, pendant cette periode, un ensemble de dispositions puissent etre prises pour ameliorer et faire progresser l'efficacite de l'action publique. Les propositions de la mission visent a retrouver un caractere tres operatoire aux dispositifs de gestion de la zone des cinquante pas avant le transfert pour permettre autant que possible de « sortir du cercle de l'impuissance », comme l'evoquait ainsi un des acteurs qu'elle a auditionnes.
3.2.1 Accélérer et faciliter la régularisation
Pendant la periode de transition, la gestion de la regularisation au sein de la bande des cinquante pas doit necessairement se poursuivre sous l'egide des agences dont la mission doit automatiquement perdurer jusqu'a l'effectivite du transfert. La mission propose differentes voies pour faciliter les regularisations et resorber autant que possible le stock d'occupations sans titre avant le transfert.
Ouvrir la possibilité de cession gratuite
Comme cela a deja ete evoque, les ressources des menages installes sur la zone des cinquante pas sont le plus souvent faibles, voire tres faibles, et le prix de la cession peut leur apparaître redhibitoire pour formuler une demande la regularisation. Les delais de paiement du prix peuvent egalement etre tres longs comme evoque precedemment (nombreux mois, voire plusieurs annees ; cf. § 2.2.2 supra).
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Soit 162 sur les 501 avis défavorables en Martinique et 626 sur les 825 en Guadeloupe (cf. § 2.4.1 supra).
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La mission propose en consequence d'ouvrir la possibilite d'une cession gratuite. La possibilite en a deja ete ouverte en Guyane par l'article L5144-1 a 3 du CG3P pour la cession des fonciers de l'Ètat. Le principe d'une cession gratuite, applicable en Guyane, peut l'etre de la meme maniere aux Antilles. La mission IGA-CGÈDD de 2013 le recommandait deja : « céder à titre gratuit à tous les occupants qui répondent à des critères de ressources ». Dans son article 3, la loi de 1996 avait prevu que les cessions des terrains accueillant des constructions a usage d'habitation fassent « l'objet d'une aide exceptionnelle de l'Etat lorsque les personnes qui demandent à en bénéficier remplissent des conditions de ressources [...] ». Le decret definissant ces modalites62 devrait alors etre modifie pour installer une decote a 100 %. La mission propose de prevoir une condition de ressources : les menages eligibles a cette decote seraient ceux dont le revenu les situe dans les trois premiers quartiles63. La mission considere en outre que cette disposition de gratuite devrait etre reservee aux residences principales. Il conviendrait egalement, dans cette logique, d'appliquer ce meme principe a toutes les regularisations ayant reçu un avis favorable de l'Ètat, et notamment celles pour lesquelles le reglement du prix n'est pas encore acheve. Celui-ci serait alors interrompu definitivement et la cession immediatement prononcee par acte. La pauvrete des populations a conduit egalement les agences a prendre en charge les frais de geometres. Pour celles qui releveront de la decote a 100 %, les agences poursuivront cette prise en charge. Ènfin, un des freins a la regularisation, outre le prix a payer, reside egalement dans le fait que bon nombre d'occupants considerent que le terrain leur « appartient », non seulement en fonction des valeurs sociales evoquees au chapitre 1, mais aussi parce qu'ils sont soumis au paiement de la taxe fonciere. Certains acteurs evoquent que 80 % sont ainsi recouvres sur les cinquante pas et qu'un tiers du produit fiscal concerne des occupations sans titre, ce qui n'est pas legal. L'acceleration des regularisations induites par la gratuite permettrait alors de recouvrer les taxes foncieres et d'alimenter les ressources des collectivites publiques en toute legalite. La necessite de mettre en place une parade a la speculation qui a pu etre constatee dans certains cas apres une cession avantageuse par l'Ètat, est reelle. Èlle pourrait etre traitee par l'application d'un bareme d'imposition de la plus-value comme le recommandait le rapport de 2013 precite : « Prévoir des conditions de reversement du prix du terrain en cas de revente ultérieure » sous forme de recuperation partielle des plus-values.
Définir le critère d'éligibilité à la régularisation en fonction de l'âge du bâti et non plus par référence à la date du 1er janvier 1995
Èn ce qui concerne l'anteriorite de la construction pour pouvoir pretendre a la regularisation, la loi de 1996 fixait le 1er janvier 1995, soit dorenavant 25 ans au minimum d'anciennete alors que, de fait, de nouvelles constructions ont ete edifiees depuis cette date 64 . Or, comme le mettait en evidence la mission IGA-CGÈDD de 2013, « [...] la loi Letchimy de 2011 indemnise les occupants sans droit ni titre justifiant d'une occupation [...] continue [...] depuis plus de dix ans dont la maison d'habitation ou le local
62
Décret n° 2000-1188 du 30 novembre 2000 relatif à l'aide exceptionnelle de l'Etat instituée par l'article 3 de la loi n° 961241 du 30 décembre 1996. 63 Soit un revenu par ménage ne dépassant pas 3 500 en Martinique et 3 250 en Guadeloupe (référence : enquête nationale logement de 2013). 64 De l'ordre de 1300 en Martinique et moins de 200 en Guadeloupe (cf. tableau § 2.3.1 supra).
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professionnel est destiné à être démoli à la suite d'une opération d'aménagement, d'équipement public ou dans une zone exposée à un risque naturel prévisible menaçant gravement des vies humaines. » La mission fait sienne la recommandation formulee par cette precedente mission « d'aligner les délais pour prétendre à la régularisation sur ceux de la loi Letchimy ». Ainsi, les constructions regularisables seraient toutes celles edifiees au moins dix ans avant la demande de regularisation.
Inciter à la demande de régularisation
Si la mise en place de la gratuite rendrait plus attractive la demarche de formuler une demande, il n'en reste pas moins que la regularisation reste subordonnee a l'expression d'une demande par les occupants. A defaut d'obligation, qui du reste risquerait d'etre difficile a faire appliquer, il pourrait etre recouvre d'office une redevance pour occupation aupres des occupants sans titre n'ayant pas depose une demande de regularisation, comme plusieurs missions d'inspection et de controle l'ont recommande (cf. § 2.2.3 supra). Tout comme l'ONF, l'agence, egalement ÈPIC de l'Ètat dote d'un comptable public, pourrait elle-meme notifier la mise en recouvrement de cette redevance aupres des particuliers. Il s'agirait alors de fixer un bareme de redevance suffisamment eleve pour inciter a la demande de regularisation. Celui-ci pourrait etre fixe d'un commun accord avec la DRFiP et applique directement par l'agence. Èn outre, comme les redevances d'occupation des cinquante pas sont parties integrantes des ressources financieres des agences, leur perception directe apres recouvrement par leur soin eviterait des allers et retours avec les DRFiP65.
Simplifier le circuit de régularisation postérieur à la décision favorable
Actuellement, la DRFiP intervient trois fois dans la phase posterieure a la decision favorable de regularisation : pour l'estimation financiere de l'offre de cession, pour la mise en recouvrement une fois l'offre acceptee et pour l'acte de cession une fois le paiement total effectue. Tout d'abord, comme evoque precedemment (cf. § 2.2.2 supra) les actes de cession ne sont deja pas rediges par les personnels de la DRFiP, mais par des agents salaries de l'agence et remuneres par elle, mis a disposition de la DRFiP. Èn outre, dans les cas tres majoritaires ou la cession se ferait a titre gratuit, l'evaluation deviendrait plus formelle et elle pourrait etre effectuee par l'agence directement sur le bareme deja etabli et pratique par la DRFiP. La mission propose en consequence, afin de simplifier et de raccourcir les delais de regularisation, que les DRFiP deleguent leurs responsabilites domaniales d'evaluation et de redaction des actes administratifs de cession aux agences, en tant qu'etablissements publics de l'Ètat. Cette proposition permettrait ainsi de donner aux agences un role complet de « guichet unique » tout au long du processus de regularisation. Ènfin, l'acceleration des cessions attendue de ces differentes voies de facilitation va venir augmenter le flux des decoupages cadastraux. Il conviendra, afin d'eviter le blocage des divisions successives de grandes parcelles domaniales que le service de la publicite fonciere traite en temps reel les « numerotations cadastrales sans mutation » necessaires a l'etablissement des documents d'arpentage.
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La responsabilité des décisions d'AOT devraient également leur être déléguée, ainsi que leur mise en recouvrement, ce qui éviterait la complexité, voire l'impossibilité, d'honorer le retour financier vers les agences lorsque ce sont les DRFIP qui en gardent la responsabilité.
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Aujourd'hui, elles sont traitees, comme les actes de mutation, dans l'ordre d'arrivee au service de la publicite fonciere, dans un delai qui est d'environ 300 jours.
Doter les agences d'un pouvoir de police
Des lors que les conditions de regularisation seraient facilitees pour les occupants, la legitimite de la puissance publique a faire respecter la propriete du domaine serait plus acceptable, si une police attentive et de proximite etait exercee. De par leur presence sur le terrain, les agences seraient le mieux a meme de l'exercer. C'est pourquoi il serait utile et necessaire de les doter du pouvoir de police. Une voie similaire aux competences de garderie du domaine conferees au conservatoire du littoral et des rivages lacustres pourrait etre mise en place par la loi en prevoyant le commissionnement des agents des agences dans des termes analogues66. Èn outre, les dispositions specifiques introduites par la loi ÈNÈ (article 32) au L2133-1 du CG3P pour exercer une police du domaine en temps reel sur les cinquante pas pourraient reellement etre pratiquees : « Les installations ou les constructions non autorisées en cours de réalisation sur la zone des cinquante pas géométriques peuvent, sur autorisation administrative et après établissement d'un procès-verbal constatant l'état des lieux, faire l'objet d'une saisie des matériaux de construction en vue de leur destruction. » Toutefois, la mission alerte sur la necessite d'un exercice raisonne de ce pouvoir de police. Celui-ci devra etre exerce avec un maximum de parcimonie et de discernement, sous peine de mettre a mal le role essentiel de soutien aux habitants que developpent les agences, tant dans les processus de regularisation que d'amelioration de leurs conditions de vie a travers les operations d'amenagement. Ce pouvoir devra etre exerce comme un outil de pedagogie au service de l'egalite de traitement parmi les occupants de la zone des cinquante pas, entre ceux qui s'inscrivent dans la rationalisation progressive de la situation et ceux qui cherchent plutot a s'en abstraire. ***** L'ensemble des conditions de facilitation des regularisations que propose la mission permettra ainsi d'approcher au mieux le titrement global des cinquante pas avant le transfert. Un fois ce dernier prononce, l'achevement definitif des regularisations pourra, le cas echeant, etre repris par les ÈPF locaux, a l'initiative des collectivites. Pendant la periode transitoire, les agences devront poursuivre leur mission de regularisation fonciere grace aux recettes de la taxe speciale d'equipement (TSÈ), des retours de cessions ainsi que des redevances d'occupation.
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Le L322-10-4 du Code de l'environnement stipule que « Sans préjudice des sanctions pénales encourues, toute atteinte à l'intégrité et à la conservation du domaine public relevant du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres, ou de nature à compromettre son usage, constitue une contravention de grande voirie constatée, réprimée et poursuivie par voie administrative. Elle est constatée par les agents visés à l'article L. 322-10-1 [gardes du littoral], sans préjudice des compétences des officiers et agents de police judiciaire et des autres agents spécialement habilités. [...] Le directeur du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres et, sur délégation, les délégués des rivages du conservatoire, ont compétence pour saisir le tribunal administratif, dans les conditions et suivant les procédures prévues par le code de justice administrative. » Le L322-10-1 et les articles réglementaires correspondants du même Code organisent les conditions de commissionnement des gardes du littoral.
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Recommandation 4. Accélérer et faciliter la régularisation en prévoyant la cession gratuite aux occupants dont le revenu les situe dans les trois premiers quartiles de revenus des ménages, dès lors qu'il s'agit de leur résidence principale. Organiser une récupération de plus-value dégressive avec le temps en cas de vente gratuite par l'Etat. Rendre éligible à la régularisation les constructions de plus de dix ans à la date de la demande. Recouvrer d'office une redevance d'occupation en cas d'absence de demande de régularisation. Instaurer les agences comme guichet unique y compris dans la phase postérieure à l'avis favorable de l'Etat par délégation des responsabilités des DRFiP en matière de gestion du domaine, leur conférer le pouvoir de police et prolonger leur mission de régularisation jusqu'au transfert.
3.2.2 Traiter le relogement des occupants des constructions non régularisables situées sur les tracés des voiries et réseaux nécessaires à l'équipement des quartiers informels
Les chiffres d'avancement des programmes d'equipement montrent que seulement 15 % sont realises et 10 a 20 % a l'etude ou en cours (cf. § 2.3.2 supra). Si l'on compte de maniere large, cela signifie que seulement un quart des habitations presentant un defaut d'equipement collectif de voirie et reseaux recense par les agences est ou va etre prochainement desservi. Parallelement, un peu plus de 200 demandes ont fait respectivement en Martinique et en Guadeloupe l'objet d'un refus ou d'un sursis a statuer au motif de la non-compatibilite avec un programme d'equipement a venir (cf. § 2.4.1 supra), sur les 4 350 et 2 850 regularisations effectuees ou en cours de paiement (cf. § 2.3.1 supra). Ainsi, la mission constate que seulement 5 % des demandes ont ete refusees ou suspendues au motif de la necessite de reserver le passage des reseaux devant equiper le quartier. S'il est effectivement plus satisfaisant de coupler equipement et regularisation, il n'en demeure pas moins que la lenteur de realisation des programmes d'equipement du fait du rythme des collectivites conduit a laisser pendant de tres longues annees les occupants dans une situation irreguliere, sans qu'ils aient les moyens d'agir en tant que proprietaires, en beneficiant le cas echeant des aides publiques en matiere d'accession tres sociale. Sur la base de ces constats, la mission considere qu'il est necessaire d'apporter une reponse operationnelle a ces familles dans des operations de relogement respectant les memes principes de conception que pour le relogement des habitations situees dans les zones de menace grave pour les vies humaines (cf. § 3.1.3). Ceci suppose, qu'a l'initiative des agences, soient developpees les operations d'amenagement et d'accession tres sociales necessaires. La gratuite de la regularisation proposee par la mission (cf. § 3.2.1 precedent), qui devrait egalement s'appliquer au foncier dedie a ces operations de relogement en ce qui concerne le cout du foncier, ce qui serait plus favorable tant pour l'acceptation sociale que pour la faisabilite du montage economique. Èn consequence, l'instruction des dossiers ayant reçu un avis defavorable, ou surtout un sursis a statuer, en raison de l'incompatibilite avec de futurs reseaux, devra etre reprise de façon a determiner precisement les operations de relogement a initier et a mettre en route la regularisation de celles qui pourront l'etre. Èn outre, afin d'assurer la realisation de futurs programmes d'equipement dans des voies conformes aux normes de droit commun, il convient d'instituer des emplacements reserves dans les documents d'urbanisme. Mais ceci suppose correlativement que s'installe une veritable police de l'occupation (cf. § 3.2.1 precedent) en meme temps que l'acceptation par le corps social.
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Recommandation 5. Monter et réaliser, à l'initiative des agences, les opérations de relogement des occupants des habitations non régularisables car situées sur l'emprise des voiries et réseaux nécessaires à la desserte des quartiers informels. Concevoir ces opérations dans les mêmes conditions que le relogement des habitations soumises à menace grave pour les vies humaines. Ré-instruire les demandes de régularisations ayant fait l'objet d'un sursis à statuer au motif de l'incompatibilité avec un futur programme d'équipement.
3.2.3 Donner aux agences d'aménagement
une
véritable
capacité
opérationnelle
Pendant la periode de transition, les agences ont vocation a poursuivre les operations engagees d'equipement, voire de RHI, et a conduire les projets de relocalisation des habitations situees dans des zones de menace grave pour les vies humaines (cf. § 3.1.3 supra) et sur l'emprise des futurs voiries et reseaux (cf. § 3.2.2 supra). Pour cela, elles ont besoin que leur capacite institutionnelle d'intervention soit renforcee.
Garantir aux agences un horizon temporel de dix ans pour mener les opérations de relogement/démolition et leur permettre d'agir en dehors de la zone des cinquante pas stricto sensu
Les agences des cinquante pas ont besoin en premier lieu d'un horizon de temps leur permettant de finaliser ces projets d'intervention, necessairement longs (10 a 15 ans). A cet egard, la loi LODÈOM de 2009, leur octroyant une duree de vie de cinq ans renouvelables deux fois, etait la seule prevoir une perspective d'action coherente avec les operations a conduire. La mission propose de prolonger la duree de vie des agences de dix ans pour qu'elle puisse assumer ces fonctions d'amenageur. Èn tout etat de cause, la mission de regularisation a conduire par les agences s'achevera quant a elle naturellement au moment du transfert. Èn deuxieme lieu, conformement au constat expose precedemment (cf. § 2.2.4 supra), il convient de permettre aux agences d'agir au-dela de la bande des cinquante pas, tout particulierement lorsqu'elles ont a traiter des situations de relogement, par exemple des personnes dont la vie est menacee par des risques naturels. Une possibilite leur avait ete ouverte par la loi ÈNÈ de 2010, mais de maniere tres parcimonieuse, « à titre exceptionnel, après autorisation du représentant de l'Etat [...] dans les zones immédiatement contiguës ». La mission propose d'aller au-dela, en etendant le perimetre de competence des agences aux communes littorales lorsqu'elles conduisent des operations s'etendant au moins en partie a la zone des cinquante pas. Cette extension concernerait leur mission d'amenagement, la mission de regularisation des occupations sans titres continuant quant a elle a etre conduite dans les seules zones U et UD de la zone des cinquante pas.
Donner aux agences les moyens d'une maîtrise d'ouvrage opérationnelle directe dans un cadre de gouvernance partagée entre l'Etat et les collectivités
Èn troisieme lieu, il s'agit de donner aux agences la faculte d'initier et de conduire en compte propre des actions d'amenagement. Cette capacite de maîtrise d'ouvrage directe des operations d'amenagement permet de depasser les difficultes rencontrees par les collectivites du bloc communal pour lancer de telles operations, compte tenu en particulier de leur situation financiere, le plus souvent fragile dans les Antilles. La mission propose de s'inspirer de ce principe d'intervention que prevoit l'article L321-14 du code de l'urbanisme pour les etablissements publics d'amenagement de l'Ètat.
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Ènfin, en quatrieme lieu, la capacite a agir des agences pourrait etre grandement facilitee si l'Ètat ouvrait la possibilite de ceder aux agences les terrains dependant du domaine public maritime situes au sein de leurs operations, apres declassement et a titre gratuit, de la meme façon que les communes et les organismes de logement social peuvent en beneficier. La Cour des comptes dans ses deux rapports de controle de 2015 recommandait en effet : « Afin de faciliter certaines opérations d'aménagement d'urgence [...] que soit envisagée la possibilité d'un déclassement des terrains au bénéfice de l'agence, en l'ajoutant à la liste des organismes visés par l'article L5112-4 du CG3P ». Èlle visait en particulier les terrains nus constituant des dents creuses qui pourraient etre utilement amenagees pour repondre aux besoins d'urgence de relogement provisoire ou definitif. La mission fait sienne cette recommandation en l'appliquant d'une maniere plus globale aux operations menees par les agences. La consolidation de la capacite des agences a agir sur des projets majoritairement finances par l'Ètat, pourra etre admise par les elus dans le cadre de la gouvernance de ces etablissements partagee entre l'Ètat et les collectivites. Leur role de « tiers federateur », apprecie et salue par les elus (cf. § 2.3.3 supra), leur permet de conduire les operations en pleine cooperation avec les collectivites, qui restent en tout etat de cause responsables de leur document d'urbanisme. La gouvernance de ces etablissements pourrait aussi etre amelioree dans ce registre, pour s'approcher de celle des ÈPA en instaurant l'election du president du conseil d'administration par le conseil, parmi les administrateurs representants elus des collectivites territoriales en lieu et place d'un president nomme par l'Ètat. Ceci supposerait une modification du decret portant organisation des agences67. Son article 5 prevoit que « Le président du conseil d'administration est nommé parmi les membres du conseil d'administration par décret pris sur proposition des ministres chargés de l'urbanisme et de l'outre-mer ». Cette disposition pourrait etre remplacee par : « Le conseil d'administration élit en son sein un président parmi les membres mentionnés au 2° de l'article 3 ». Recommandation 6. Donner aux agences la capacité opérationnelle d'aménagement : prolonger de dix ans leur durée de vie pour leurs seules missions d'aménagement, étendre leur compétence d'aménagement au territoire communal des communes littorales, leur donner une capacité d'initiative équivalente à celle des établissements publics d'aménagement dans le cadre d'une gouvernance partagée entre l'État et les collectivités.
3.3 Modifier de toute urgence le cadre législatif de la phase de préparation du transfert : repousser la date du 1er janvier 2021 à 2025 et opérer les ajustements indispensables
Le cadre renove indispensable a l'administration de la periode transitoire passe par plusieurs dispositions legislatives d'ajustement. Compte tenu de l'echeance, aujourd'hui intenable, du transfert fixe par la loi ADOM au 1er janvier 2021, avec une fermeture concomitante des agences, il est imperatif que la loi rectificative soit promulguee dans le courant du premier semestre 2020. Face a cette urgence, les modifications legislatives a apporter se limiteront a l'ordre technique sans chercher a bouger des principes qui relevent davantage de negociations et d'arbitrages strategiques et politiques.
67
Décret n°98-1081 du 30 novembre 1998 pris pour l'application des articles 4 à 7 de la loi n° 96-1241 du 30 décembre 1996 relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur des espaces urbains de la zone dite des cinquante pas géométriques dans les départements d'outre-mer.
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3.3.1 Dépasser le blocage politique actuel au sujet des zones de menace grave et imminente pour les vies humaines
Les presidents de la collectivite territoriale de Martinique et de la region de Guadeloupe ont saisi le President de la Republique par une lettre en date du 13 mai 2019 ayant pour objet : « Transfert de compétence et de domanialité des cinquante pas géométriques : modification de l'article 27 de la loi n° 2015-1268 du 14 octobre 2015 d'actualisation des outre-mer ». Face aux difficultes auxquelles est confronte cet espace des cinquante pas, les deux collectivites expriment trois « conditions » au transfert : « La délimitation préalable par l'Etat des zones exposées aux risques naturels graves et prévisibles menaçant les vies humaines », constatant qu'en « Guadeloupe 2 000 habitations et en Martinique 3 500 sont localisées dans des zones à risque fort et présentant potentiellement une menace grave pour les vies humaines ». « Pour ces zones, il conviendra d'arrêter en commun et d'organiser les mesures permettant de soustraire les populations aux risques pour leur vie ». « La requalification du transfert de domanialité des zones U et UD aux collectivités, en transfert de compétence. En effet [...], il convient d'accompagner le transfert de la remise des moyens financiers mis en oeuvre par l'Etat (notamment grâce à la TSE) et de l'expertise humaine mobilisée par l'Etat au travers des agences. Les besoins en matière d'aménagement, notamment en matière d'assainissement, supposent la mobilisation de ressources exceptionnelles de l'Etat (FEI) ou de contributions du FEDER (priorité du prochain PO). » « La poursuite de l'activité des agences au travers d'un établissement doté de moyens stables et sous contrôle [de nos] collectivités. »
« Dans ces conditions », ils poursuivent en demandant « de mettre en oeuvre le processus devant aboutir à la modification de l'article 27 de la loi [ADOM]. Cette réforme législative devrait permettre, d'une part d'instaurer un processus de délimitation des espaces à transférer conforme à [leurs] attentes, d'autre part, de pérenniser la recette de la TSE afin de financer les actions d'intérêt public et général conduites par nos établissements, et enfin, de bâtir un calendrier réaliste mais resserré aboutissant à une prise de compétence raisonnée de nos collectivités. » La difficulte la plus centrale pour les elus concerne la question des zones de menace grave pour les vies humaines, qui suspend completement le processus de delimitation et donc de transfert. La proposition que fait precedemment la mission (cf. § 3.1.3 supra) de retablir la question a sa juste mesure en recentrant sur secteurs de menaces imminentes pour les seules vies humaines est de nature a lever cet obstacle. Mais elle suppose le temps necessaire a sa definition et a l'organisation de sa mise en oeuvre operationnelle. La loi rectificative que la mission propose viendra repondre a la demande exprimee par les presidents de la CTM et de la region de Guadeloupe, de modifier la loi ADOM et de fixer un nouveau calendrier raisonne.
3.3.2 Prendre acte de délais devenus techniquement impossibles à tenir
L'ensemble des travaux de delimitation evoques precedemment (cf. § 3.1.1 et 3.1.2 supra) necessitent raisonnablement deux a trois ans. La delimitation des zones U et UD, par difference avec les zones N naturelles, necessite de croiser les points de vue non seulement au sein de l'Ètat entre ses services et ses operateurs (ONF, Conservatoire du littoral, Agence), mais aussi avec ceux des communes et bien sur des collectivites de niveau regional. L'article L5112-1 stipule en effet que la delimitation en Conseil
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d'Ètat prendra en compte « les orientations du document stratégique d'aménagement » et les documents d'urbanisme prevus par le code de l'urbanisme, du SAR aux plans locaux d'urbanisme. A ce jour, la CTM comme la Region Guadeloupe n'ont pas encore entame de concertation avec les communes sur ces delimitations, meme si en Martinique un examen tres detaille a deja ete effectue entre la CTM et la DÈAL. Ce travail prealable de concertation sera d'autant facilitant que le decret en Conseil d'Ètat portant delimitation des zones U et UD doit etre pris « après avis des collectivités territoriales et leurs groupements » (II 1° a) de l'article 27 de la loi ADOM). Ènfin, il sera d'autant plus indispensable de conduire ce travail avec soin, en particulier dans une cooperation etroite au sein de l'Ètat entre ses services et ses operateurs (cf. § 3.1.1 supra) que la sanction par un decret en Conseil d'Ètat necessite imperativement de justifier les criteres conduisant a classer les differents secteurs des cinquante pas en U et UD plutot qu'en N et reciproquement. L'instruction de ce decret au niveau central pourrait elle-meme prendre jusqu'a une annee. Pour toutes ces raisons, la mission considere que pour permettre un travail technique et politique de concertation avec les collectivites qui soit suffisamment abouti, la date limite pour la prise du decret doit etre fixee au 1er janvier 2024.
3.3.3 Ajuster « techniquement » la loi ADOM : reporter le délai du transfert et corriger ses anomalies
Tout d'abord, la mention, au III de l'article de 27 de la loi ADOM de la date du « 1er janvier 2021 » pour le transfert, est a remplacer par celle du « 1er janvier 2025 ». Correlativement, au V du meme article, la mention du « 1er janvier 2020 » sera a decaler au « 1er janvier 2024 » pour la remise par le representant de l'Ètat aux presidents de la CTM et de la Region de Guadeloupe du « rapport comportant l'état des cessions et des enjeux d'aménagement qui y sont liés, une évaluation des charges liées à ce transfert ainsi qu'un bilan de l'activité de chacune des deux agences ». Ènfin, le IV du meme article sera a abroger en considerant que les documents strategiques d'amenagement existent deja. Sur ce meme article, il convient egalement de preciser que le transfert aux collectivites de niveau regional se limite aux seuls terrains du DPM au sein de zones U et UD alors que la loi stipule aujourd'hui que le transfert porte sur les zones U et UD, quand nombre des terrains qui s'y trouvent sont deja proprietes privees. La loi ADOM transfere aux collectivites de niveau regional, non seulement les terrains des zones U et UD appartenant a l'Ètat, mais egalement la competence des agences prevue au huitieme alinea de l'article 5 de la loi de 1996 : « A titre secondaire, elles peuvent réaliser les travaux de voies d'accès, de réseaux d'eau potable et d'assainissement lorsque les communes n'en assurent pas la conduite 68. » Cette disposition confere ainsi aux collectivites de niveau regional la competence d'amenageur alors que la maîtrise d'ouvrage operationnelle releve aujourd'hui des ÈPCI. Comme elle ne s'applique par construction que dans la bande de 81,20 m des cinquante pas, cette disposition se heurte a la difficulte operationnelle de devoir traiter des situations necessitant des projets sur des emprises plus larges, dans des continuites urbaines et de reseaux qui depassent cette bande etroite (Cf. § 3.4.1 supra). La mission propose que la loi rectificative annule cette disposition en supprimant au 1° et 2° du III de l'article 27 la mention « et de la faculté mentionnée au huitième alinéa de l'article 5 de la loi [de 1996] ».
68
« Dans ce cas, les voies et réseaux divers peuvent être cédés à la commune sur le territoire de laquelle ils sont situés. Une convention établie entre l'agence et la commune précise le programme d'équipement en voies et réseaux divers des terrains situés dans un périmètre qu'elle délimite ; cette convention prévoit également les mesures techniques, juridiques et financières nécessaires pour rendre les opérations de cession et d'équipement possibles. Elle fixe les contributions financières respectives de l'agence et de la commune nécessaires à la réalisation des opérations prévues. »
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Ènfin, a l'article 28, la mention « exposée à un risque naturel prévisible menaçant gravement des vies humaines », viendra remplacer « exposée à un risque naturel grave et prévisible menaçant des vies humaines ».
3.3.4 Ajuster les dispositions de la loi de 1996 et du CG3P relatives à la régularisation et au cadre d'intervention des agences
Èn ce qui concerne les dates d'echeance et les delais, il s'agit en premier lieu d'ajuster la date de forclusion des demandes de regularisation en lien avec la nouvelle date du transfert (1er janvier 2025), a savoir le 1er janvier 2024, aux deuxieme alinea du L5112-5 et troisieme alinea du L5112-6 du CG3P. Afin d'aligner les conditions d'anciennete du bati pour pretendre a la regularisation sur celles de la loi Letchimy (cf. § 3.2.2 supra), la mention « depuis plus de dix ans à la date de la demande » remplacera aux premiers alineas des L5112-5 et L5112-6 du CG3P la mention « avant le 1er janvier 1995 ». Ènfin, le « 1er janvier 2019 » pour la date butoir de delimitation des zones U et UD par decret en Conseil d'Ètat devra etre remplace par « 1er janvier 2024 » au premier alinea du L5112-1 du CG3P. La necessite de mettre en place une parade a la speculation en cas de cession avantageuse pourrait etre traitee par l'application d'un dispositif de recuperation partielle des plus-values (cf. § 3.2.2 supra). La mission propose en outre d'abroger l'article L5112-9 du CG3P instaurant un droit de preemption specifique et inoperable (cf. § 2.2.4 supra) et les articles reglementaires correspondants. Les communes pourront en tout etat de cause mobiliser, ou le mettre en place, leur droit de preemption urbain, voire le deleguer au cas par cas par convention aux agences. Èn ce qui concerne l'objectif de donner aux agences la capacite a agir en matiere d'amenagement, pour reloger en particulier les populations soumises a risque imminent pour les vies humaines et celles dont les habitations sont situees sur les emprises des futurs reseaux de desserte, des dispositions devront completer celles de la loi 1996 : Afin de mettre en coherence la duree de vie de l'operateur avec celles des projets, remplacer au premier alinea de l'article 4, la mention « 1er janvier 2021 » par « 1er janvier 2031 ». La precision que la mission principale de regularisation prendra fin au moment du transfert se traduira en ajoutant au premier alinea de l'article 5, apres « prioritairement », « jusqu'au 1er janvier 2025 ». Afin de leur permettre de prendre l'initiative et d'assurer la maîtrise d'ouvrage d'operations d'amenagement en agissant si necessaire au-dela de la limite etroite des cinquante pas, inserer, a l'article 5 definissant les missions des agences, apres le huitieme alinea, un nouvel alinea stipulant : « À cet effet, les agences sont compétentes pour réaliser pour leur compte ou, par voie de convention passée avec elles, pour celui de l'Etat, des collectivités territoriales et de leurs groupements ou d'un autre établissement public, et pour faire réaliser les opérations d'aménagement prévues par le Code de l'urbanisme et les acquisitions foncières et immobilières nécessaires à ces opérations. Dans ce cadre d'intervention et par dérogation au troisième alinéa de l'article 4, les agences peuvent intervenir dans le périmètre des communes littorales dès lors que lesdites opérations s'étendent au moins en partie dans la zone dite des cinquante pas géométriques ». Afin de leur permettre de disposer directement des fonciers de l'Ètat, inserer au premier alinea de l'article L5112-4 du CG3P, apres « d'habitat social », «, les agences pour la mise en valeur des espaces urbains de la zone dite des cinquante pas géométriques mentionnées à l'article 4 de la loi n°96-1241 du 96-1241 du 30 décembre 1996 relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur de la zone dite des cinquante pas géométriques dans les départements d'outre-mer ».
Il convient enfin de conferer aux agences par voie legislative le pouvoir de police du domaine et la capacite de dresser directement les contraventions de grande voirie (cf. § 3.2.1 supra).
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Recommandation 7. Prévoir par voie législative, au premier semestre 2020, une période de préparation du transfert. Prendre en compte les délais indispensables aux travaux de transfert et fixer la date limite de celui-ci au 1er janvier 2025 en modifiant en conséquence la loi ADOM, la loi de 1996 et le CG3P. Arrêter l'ensemble des dispositions législatives et réglementaires permettant de mettre en oeuvre les recommandations n° 1 à 6.
3.4 Prévoir par voie législative l'abolition de la réserve des cinquante pas aux Antilles pour rapprocher la légalité et les valeurs et normes sociales dans ces territoires, dans un contexte de besoins importants et de faiblesse des capacités locales d'aménagement
Apres la succession quasi-historique d'atermoiements sur le statut et la gestion des cinquante pas, d'avancees et de retours en arriere, la mission considere qu'il est temps que la zone des cinquante pas soit totalement banalisee dans les Antilles et qu'elle ne se distingue plus en aucune maniere de ce qui existe en dehors des 81,20m. Ainsi, les situations d'occupations sans titre releveront des memes regimes de traitement que l'ensemble des occupations sans titre et sans autorisation de construire qui existent aussi en dehors des cinquante pas sur les terrains communaux, departementaux, ou aussi sur ceux des societes d'amenagement foncier et d'equipement rural (SAFÈR). Les responsabilites enchevetrees de l'Ètat et des collectivites locales sur les cinquante pas ne responsabilisent ni les uns ni les autres. Il est important que les situations relevant de cette zone de conception archaîque soient gerees au plus vite au sein du corps social antillais et de ses ediles. Èn tout etat de cause, l'Ètat, en instituant sur les cinquante pas des dispositions d'exception et selon un paradigme metropolitain, n'a pas non plus demontre sa capacite a garantir le retour a la legalite ni a installer les garde-fous empechant de nouvelles derives. Le rapport d'information senatorial sur le foncier de l'Ètat proposant « 30 propositions pour mettre fin à une gestion jalouse et stérile » 69 , evoque « l'épineuse question des régularisations dans la zone des cinquante pas géométriques, vestige archaïque de la période coloniale, [qui] attend toujours sa solution définitive » et developpe deux positions. Extraits du rapport sénatorial sur le foncier de l'Etat en outre-mer (juin 2015) « Il est désormais grand temps de refermer la phase postcoloniale du traitement de la ZPG et de renverser la logique à laquelle elle obéissait. Il ne convient plus de considérer comme normale et nécessairement légitime l'appropriation de la bande côtière par l'État [...]. Le principe directeur doit devenir l'autonomisation foncière des collectivités en leur garantissant la maîtrise des espaces urbains et urbanisables de la ZPG. [...] Ainsi le paysage foncier antillais se rapprochera-t-il du régime de droit commun, en mettant fin à des exceptions exorbitantes qui ne servent pas le développement des territoires ultramarins. » « En ce qui concerne les équipements et l'aménagement, les agences devraient [donner] une priorité [...] à ceux des travaux d'aménagement qui permettent d'ouvrir de nouvelles possibilités de cessionrégularisation en sécurisant les zones concernées contre les aléas naturels. À cet effet, autant que faire se peut, il faut tirer parti du fonds spécial, dit « Barnier » prévu à l'article L. 561-3 du code de l'environnement en matière de prévention des risques, qui en l'état demande que la maîtrise d'ouvrage des travaux revienne aux communes. »
69
Sénat, rapport d'information fait au nom de la délégation sénatoriale à l'outre-mer « Domaines public et privé de l'État en outre-mer, 30 propositions pour mettre fin à une gestion jalouse et stérile », juin 2015.
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Les propositions de la mission, en ce qui concerne tant les dispositions a mettre en oeuvre pendant la phase de transition que celles visant a mettre definitivement fin a la reserve des cinquante pas, s'inscrivent dans cette vision de coherence proposee par le rapport senatorial.
3.4.1 Dans les espaces urbains, prévoir le déclassement global du domaine public et préciser le niveau le plus adéquat de collectivités territoriales bénéficiaires du transfert
Comme evoque (cf. § 3.1.1 supra), la delimitation des zones U et UD d'une part et N d'autre part, qui doit etre formalisee depuis la loi ADOM de 2015 par un decret en Conseil d'Ètat, vise a proteger les parties naturelles des cinquante pas qui auront des lors vocation a etre affectees, dans leur totalite, aux operateurs de l'Ètat que sont l'ONF et le Conservatoire du littoral et des rivages lacustres. A l'inverse, les secteurs urbains et d'urbanisation diffuse ont vocation a reintegrer la gestion de droit commun des zones urbaines. Pour cela le statut de domaine public (maritime) doit etre abroge definitivement dans les zones U & UD. La mission propose en consequence que l'ensemble des terrains de ces memes zones, construits et non construits relevant du domaine de l'Ètat, donc depourvus au moment du transfert de titres de propriete opposables, soit declasse en bloc pour etre integre dans le domaine prive de l'Ètat70. L'Ètat n'ayant pas vocation a continuer a detenir du foncier dans les zones U & UD au sein de cette bande de 81,20 m, celui-ci doit revenir aux collectivites, dans leur domaine prive. La mission propose en consequence une premiere evolution par rapport a la loi ADOM qui prevoyait le transfert dans le domaine public des collectivites. Le declassement en bloc du domaine public et le transfert aux collectivites auront vocation a s'operer en meme temps. Il est a noter qu'entre les batis, qu'ils soient titres ou non titres, il reste des « dents creuses » ou des espaces non batis. Ceux-ci constituent un potentiel de densification utilisable notamment pour le relogement des occupants des zones de risques menaçant gravement les vies humaines, mais aussi dans les cas ou une construction doit etre demolie pour permettre la realisation d'un projet de viabilisation et d'amenagement. Le transfert de ces terrains non batis a la collectivite permettra de simplifier la question fonciere de ces operations. Aujourd'hui, la loi prevoit le transfert de propriete aux collectivites de niveau regional. Cependant, d'un point de vue operationnel, comme evoque precedemment (cf. § 2.2.4 et 3.2.3 supra), l'etroitesse de la bande de 81,20 m des cinquante pas constitue un obstacle pour concevoir les operations d'amenagement sur un perimetre pertinent, la plupart du temps bien plus large. Lorsque des terrains communaux jouxtent les cinquante pas, le transfert a la commune eviterait de reintroduire des complexites foncieres inutiles. Par ailleurs, comme evoque plus haut (cf. § 3.3.3), les competences institutionnelles d'amenagement sont du ressort des ÈPCI. Certes, les collectivites de niveau regional ont la competence d'amenagement du territoire sous l'angle de la planification, le schema d'amenagement regional (SAR), mais non de l'amenagement operationnel. Les responsabilites des collectivites du bloc communal couvrent meme tous les champs en jeu dans les operations a mener sur le littoral : le traitement de l'insalubrite, l'amenagement operationnel ou la gestion des milieux aquatiques et la prevention des inondations (GÈMAPI). Certes, les collectivites de niveau regional peuvent conduire des politiques financieres de soutien a ces operations, comme dans le cadre de leur fonction d'autorite de gestion des programmes
70
Ce principe pourrait s'appliquer de la même manière pour la Guyane et Mayotte, avec application des même règles et dispositions de gestion que l'ensemble du domaine privé de l'Etat existant dans ces deux départements.
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operationnels europeens, mais elles ne disposent pas pour autant de la competence de maîtrise d'ouvrage. Pour ces differentes raisons, la mission fait sienne la recommandation de la mission IGA-CGÈDD de 2013 : « transférer préférentiellement la propriété de la zone urbanisée et semi-urbanisée de la zone des cinquante pas géométriques à titre gratuit aux EPCI en associant les conseils régionaux aux conventions de transfert. A défaut, envisager un transfert au conseil régional de Guadeloupe et à la collectivité [territoriale] de Martinique en prévoyant un conventionnement obligatoire avec les intercommunalités. » Èn tout etat de cause, cette option concernant les collectivites beneficiaires du transfert, necessite une seconde evolution de la loi ADOM qui devra etre instruite dans le cadre de la preparation du projet de loi d'abolition.
3.4.2 S'organiser pour prendre en compte les très forts enjeux d'aménagement pour les décennies qui viennent, dans un contexte de fragilité des capacités opérationnelles locales
Des lors que la notion de reserve des cinquante pas disparaît, la fermeture des agences en tant qu'intrinsequement liees a cette zone, va de soi. Èn revanche, la question de l'utilite ou de la necessite de maintenir leur fonction d'operateur d'amenagement, en tant qu'etablissement public de l'Ètat, reste ouverte. Dans les decennies a venir, les besoins d'amenagement et de restructuration urbaine resteront massifs aux Antilles, aussi bien en matiere de resorption de l'insalubrite que vis-a-vis des changements climatiques qui vont impacter de façon frontale les condensations urbaines du littoral. Dans la seule bande des cinquante pas, les agences ont denombre de l'ordre de 9 000 constructions en Martinique et pres de 4 000 en Guadeloupe presentant une insalubrite collective par defaut de viabilisation et de reseaux d'assainissement et de l'ordre de 2 500 a 3 000 constructions des operations plus globales de RHI/RHS (cf. § 2.3.2 supra). Le reamenagement du littoral dans le contexte du dereglement climatique doit etre anticipe des maintenant. Il necessitera en effet de replacer et reconstruire plus a l'abri un ensemble de zones habitees aujourd'hui particulierement exposees. Des reflexions et actions sont deja amorcees, comme celle conduite par la ville du Precheur en Martinique avec l'accompagnement du plan construction urbanisme et architecture (PUCA), ou bien la strategie d'anticipation fonciere impulsee par l'etablissement public foncier local de Guadeloupe, ou bien encore les travaux de projection du SAR dans le cadre de sa revision prochaine en Guadeloupe. Ces grands projets de long terme vont necessiter des besoins massifs d'interventions operationnelles d'amenagement71. Dans le contexte decentralise de la Republique, la logique voudrait que les fonctions d'amenageur soient remplies comme en metropole par des operateurs locaux mandates par les autorites competentes en la matiere - les ÈPCI -, pour mettre en oeuvre des projets operationnels. Cependant, comme la mission le releve (cf. § 2.3.4 supra), les capacites locales actuelles sont fragiles. Dans ce contexte de besoins massifs, la question d'un operateur d'Ètat, de type ÈPA, reste donc clairement
71
La révision des PPR est en cours avec des évolutions vraisemblablement importantes concernant les zones d'aléas forts et très forts (cf. § 2.2.5 supra). L'importance massive aux Antilles des urbanisations confrontées à des risques majeurs d'aléas forts et très forts constitue une véritable difficulté technique et politique de gestion, tant en matière d'acceptation par les populations et leurs édiles que d'un point de vue technique et opérationnel. En témoignent les violents événements survenus à Saint-Martin en 2019. Il est vraisemblable qu'un bon aboutissement de la révision des PPR aux Antilles passera alors par divers travaux permettant de visualiser, expérimenter et mettre en oeuvre des opérations pilotes de réagencement du littoral, afin d'apporter des démonstrations de ce qui pourra être réalisé.
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posee. Il n'aurait pas vocation a etre l'intervenant exclusif en la matiere, mais y apporterait ses forces supplementaires. Bien au contraire, l'emulation en la matiere avec des operateurs locaux ne peut qu'etre fructueuse, a condition qu'ils puissent etre serieusement regeneres. Ce sujet devra etre instruit dans le cadre de la preparation du projet de loi d'abolition. La phase transitoire pendant laquelle les agences conduiront des operations de relogement pour repondre aux situations de risques imminent pour les vies humaines ou pour preserver le passage des voiries et reseaux, permettra d'experimenter l'efficacite de pratiques operationnelles d'intervention d'un etablissement d'Ètat de gouvernance partagee entre l'Ètat et les collectivites, dans le cadre renove propose par la mission. Un ÈPA d'Ètat, qui pourrait etre cree au moment de l'abolition de la reserve des cinquante pas, reprendrait bien evidemment ces principes de gouvernance et d'action. Il aurait vocation a reprendre et poursuivre les operations menees par les agences dans le cadre de leur mission d'amenageur prorogee jusqu'en 2031 (cf. § 3.2.3 supra). La mission souhaite insister sur l'importance qui s'attache a gerer ces evolutions structurelles de maniere aussi anticipee que possible, afin qu'elles s'operent de la maniere la plus fluide en tirant tout le benefice des competences acquises et des ressources humaines disponibles, et dans le respect des individus qui en sont porteurs.
3.4.3 Mettre fin à l'ensemble des dispositions d'exception à la loi « littoral » au titre de la réserve des cinquante pas
La disparition definitive de la zone des cinquante pas conduit, comme evoque precedemment (§ 3.4.1 supra), a abroger la disposition de la loi « littoral » incluant cette zone dans le domaine public maritime. Les dispositions de protection du littoral releveraient alors des principes prevalant en metropole, en s'appuyant sur l'ensemble des documents de planification urbaine, a toutes les echelles emboîtees (SAR, SCoT72 et PLUi73) ainsi que sur les servitudes longitudinales et transversales. Il conviendra alors de revenir a la definition metropolitaine de la bande littorale : « cent mètres à compter de la limite haute du rivage » (L121-16 du code de l'urbanisme) en effaçant toute reference a la zone des cinquante pas geometriques74. La loi pourrait aussi etre reprise de façon a ce qu'il n'y ait plus de disposition specifique concernant les Antilles en la matiere. Les fondements legislatifs et reglementaires des servitudes littorales, longitudinales et transversales, auraient ainsi une ecriture identique en metropole et aux Antilles. Ceci mettrait definitivement fin aux atermoiements qui par exemple ont conduit a n'installer la servitude transversale qu'en 201075. Plus globalement, toutes les dispositions legislatives et reglementaires designant ou concernant la zone des cinquante pas aux Antilles seront a abroger. Ce sera notamment le cas de la loi de 1996 comme des articles du CG3P qu'elle a generes, notamment les L5112 (et R5112 subsequents). L'article 27 de la loi ADOM sera aussi a reprendre. ***** Par souci de simplification, il aurait ete souhaitable que l'ensemble des evolutions legislatives proposees par la mission fasse l'objet d'un seul et meme texte. Cependant, alors que l'urgence de deplacer la date butoir du 1er janvier 2021 necessite une promulgation tres rapide des dispositions correspondantes, la preparation des dispositions d'abolition necessite quant a elle un travail rigoureux
72 73
Schéma de cohérence territoriale. Plan local d'urbanisme intercommunal. 74 Ce principe pourrait s'appliquer de la même manière pour la Guyane et Mayotte. 75 Loi ENE (article 32, et codifié au L121-51 du code de l'urbanisme).
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de balayage du corpus legislatif et reglementaire ainsi que differentes consultations et negociations d'ordre politique qu'il convient de mener a bien en leur accordant les temps necessaires. Recommandation 8. Abolir par la loi avant le 1er janvier 2023 la zone des cinquante pas aux Antilles en supprimant toute référence à cette réserve de 81,20 m dans le corpus de droit français. Notamment, déclasser en bloc dans le domaine privé de l'Etat les terrains restés domaniaux au sein des zones U & UD et les transférer dans le domaine privé des collectivités. Déterminer le niveau de collectivité le plus pertinent pour bénéficier du transfert, en fonction de ses compétences institutionnelles en matière d'aménagement opérationnel. Examiner les besoins d'outils d'aménagement de l'Etat pour faire face aux enjeux massifs de résorption de l'insalubrité et d'adaptation structurelle du littoral antillais aux dérèglements climatiques.
3.5 Instaurer un pilotage interministériel dédié
Le delai supplementaire de quatre annees pour la periode transitoire de preparation du transfert et l'abolition de la reserve des cinquante pas aux Antilles devra imperativement etre tenu. Cette nouvelle periode devra en consequence etre en rupture avec l'absence de pilotage central telle qu'elle a ete relevee dans tous les rapports : il conviendra imperativement de s'assurer que, contrairement au passe, les objectifs annonces sont effectivement atteints. La diversite des sujets a gerer et la charge de travail necessaire requierent un pilotage et une animation en mode projet a un haut niveau. C'est pourquoi la mission recommande instamment la nomination d'un(e) haut(e) fonctionnaire assurant la direction interministerielle de projet mandatee par au moins les cinq ministeres en charge des outre-mer, de la cohesion des territoires et de la relation avec les collectivites territoriales, de la ville et du logement, de la transition ecologique et solidaire et de l'action et des comptes publics. Dans le cadre de son mandat interministeriel et des dispositions legislatives et reglementaires de preparation du transfert, la direction de projet aura a charge d'une part, de piloter la mise en place concrete de la periode transitoire et l'accomplissement de ses differents volets, et d'autre part, de preparer la loi d'abolition. L'entree en vigueur de cette seconde loi devrait en tout etat de cause preceder d'au moins deux ans la date de fin de la periode de transition, en particulier de façon a ce que les regles du jeu du transfert aux collectivites comme de la fermeture des agences soient definitivement posees dans un laps de temps suffisant pour que les organisations puissent gerer leurs evolutions. Cette loi d'abolition devrait en consequence etre promulguee avant le 1er janvier 2023. La loi corrective de 2020 pourrait s'intituler « Loi de transition en vue de l'abolition de la reserve des cinquante pas geometriques aux Antilles » afin de viser des maintenant de maniere explicite l'abolition et pourrait meme comporter un article instaurant l'echeance de promulgation de cette seconde loi. Le(la) directeur(trice) de projet interministeriel(le) aura en particulier a charge de s'assurer que le corpus legislatif et reglementaire qui sera issu de la loi d'abolition sera bien complet et coherent. L'experience sur les cinquante pas montre qu'il n'en pas vraiment ete ainsi dans ces dernieres decennies. Le delai du 1er janvier 2023 permet en consequence d'explorer, analyser et concevoir l'ensemble des modifications et evolutions des textes concernes par les cinquante pas aux Antilles afin d'eviter les precipitations legislatives, sources d'approximations susceptibles d'entrainer des blocages lors de la mise en oeuvre au moment de la confrontation avec les realites concretes.
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La question des moyens du transfert (TSÈ des agences notamment) et la devolution des actifs des agences a leur fermeture devra en particulier y etre traitee. Sous l'egide d'un pilotage interministeriel, le(a) haut(e) fonctionnaire aura la responsabilite de coordonner les actions des differents ministeres au niveau central et, en cooperation etroite avec les prefets de Martinique et Guadeloupe, d'assurer la mise en oeuvre au niveau local de la strategie de transfert par l'ensemble des acteurs concernes. Èn conduisant son action en mode projet, il(elle) mobilisera, sous ses instructions, les responsabilites de chacun des acteurs concernes et veillera a ce qu'ils cooperent entre eux ; il(elle) agencera les calendriers de travail assurant la progression des etapes du transfert en vue de son echeance finale du 1er janvier 2025. Il(elle) veillera ainsi a l'articulation et a la coherence des actions et conceptions sectorielles relevant des differents departements ministeriels mobilises. Il(elle) pourra utilement s'appuyer sur le corpus de reflexions et de propositions des rapports emanant de differents corps d'inspection et de controle ou du parlement identifies par la mission et qui sont largement convergentes avec ses propres recommandations. La personne chargee de cette mission devra, en tout etat de cause, de par son parcours anterieur, disposer d'une legitimite suffisante aupres de ses futurs interlocuteurs, tant par son expertise sur les questions d'amenagement et de foncier, que par une pratique des relations avec les collectivites territoriales et par une connaissance fine des problematiques outre-mer. Une lettre de mission adressee par l'ensemble des ministres concernes au (a la) haut(e) fonctionnaire permettra de legitimer pleinement cette fonction interministerielle, d'en fixer les modalites de pilotage et de preciser sa feuille de route. Recommandation 9. Mandater dès le premier semestre 2020 un(e) haut(e) fonctionnaire en charge d'une direction de projet interministérielle (MOM, MCTRCT, MLV, MTES, MACP) pour piloter la période transitoire de mise en oeuvre du transfert comme la préparation de la loi d'abolition.
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Conclusion
De memoire des missionnes, l'objet de cette mission etait de loin le plus complexe de tous ceux abordes jusqu'a present. Complexe de par l'historique charge de ces societes antillaises, façonnees par un systeme esclavagiste pendant un temps plus long que celui ecoule depuis l'abolition de 1848 : ce passe a profondement et durablement impregne les mentalites locales, au point de rendre parfois difficilement comprehensible a travers un prisme metropolitain la perception aigue, par ces populations, de l'injustice entre possedants et « possedes » - ou leurs descendants et la primaute qu'elles accordent a la legitimite sur une legalite decidee depuis l'hexagone. C'est pourquoi la mission insiste, en preambule de ses recommandations, sur l'importance de prendre en compte les valeurs et normes sociales specifiques aux Antilles pour assurer l'efficacite d'une politique renovee de gestion des cinquante pas. Complexe egalement en raison de la multitude des sujets a traiter sur cette etroite bande de territoire littoral : la question fonciere, au coeur de la problematique des cinquante pas et de leur occupation massive sans droit ni titre ; la question de l'organisation des pouvoirs publics, notamment l'articulation entre les differents niveaux de collectivites et les competences qui leur sont devolues, et entre ces collectivites antillaises et l'Ètat central ; la question du logement, social et tres social, dont le manque est la cause premiere de la « colonisation » des cinquante pas par des populations tres modestes la question des risques, etant donnee la presence dans ces îles d'un cocktail inegale de risques naturels majeurs, et la situation surexposee de la bande littorale a certains d'entre eux ; enfin, la question de l'amenagement, capitale aussi bien pour pallier les lacunes de l'habitat spontane en matiere d'organisation urbaine que pour terminer de combler le retard d'equipement, en particulier d'assainissement, observe dans ces regions, mais aussi pour resorber l'habitat insalubre encore trop present ou encore pour anticiper les changements climatiques en preparant la mise a l'abri les populations exposees.
Complexe enfin par l'ampleur des dispositions legislatives et reglementaires, due en partie a la quantite de sujets traites, mais aussi a la sedimentation dans le temps des tentatives successives et parfois contradictoires de regler le probleme, chacune survenant sur le constat de l'echec de la precedente. Face a cette complexite, la faiblesse numerique de ces îles ou territoires lointain(e)s que sont les departements et regions d'outre-mer ils representent a eux tous moins de 3% de la population française, et a peine plus de 1% pour la Guadeloupe et la Martinique se traduit par une allocation de moyens a due proportion alors qu'il s'agit pour l'Ètat de definir des regles et appliquer des textes repondant a des situations tres specifiques ne relevant pas du droit commun generique. La mission espere bien entendu que les propositions contenues dans ce rapport, qui se veulent exigeantes et en rupture par rapport a l'inertie constatee, seront retenues par les commanditaires. Au cas ou elles le seraient, il faudrait eviter, compte tenu de la complexite evoquee ci-dessus, que leur mise en oeuvre peine a etre effective et a produire les resultats attendus, pour des raisons qui seraient uniquement liees a l'insuffisance des moyens alloues.
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Cela justifie la presence dans ce rapport, apres huit recommandations portant sur le fond, d'une derniere - mais non la moindre - relative a la mise en place d'une direction de projet interministerielle dediee, condition sine qua non aux yeux de la mission pour parvenir a mener de front les differents aspects de la reforme et coordonner les differents acteurs concernes par la multiplicite des sujets a traiter. La mission a pu constater en effet que nombre de propositions effectuees depuis 15 ans dans les rapports de corps d'inspection ou de controle, ou du Parlement, sont largement convergentes et sont en phase avec ses propres recommandations. Tout est maintenant ecrit ; la question est desormais de faire.
François LEFORT
Jacques TOUCHEFEU
Inspecteur de l'administration du developpement durable
Ingenieur general des ponts, des eaux et des forets
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Annexes
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1 Lettre de mission
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2 Liste des personnes rencontrées
National
DGALN/DHUP François ADAM Marie-Christine ROGER Jean-Baptiste BUTLEN Christophe SUCHEL Jean-Christophe FRANCHI Kathleen MONOD Emmanuel BERTHIER Etienne DESPLANQUES Stanislas ALFONSI Hélène CAPLAT LANCRY Laure TOURJANSKY Katy NARCY Dimitri CHAILLOU Lucie SOLIGNAC Emmanuelle DURANDAU Serge LETCHIMY Directeur Chargée de mission outre-mer auprès du directeur Sous-directeur de l'aménagement durable (AD) Adjoint au sous-directeur AD Adjoint au chef du bureau des politiques foncières (AD3) Cheffe du bureau de la gestion des espaces maritimes et littoraux (ELM2) Directeur général Sous-directeur des politiques publiques Adjoint au sous-directeur des politiques publiques Cheffe du bureau BELDAD Cheffe du service des risques naturels et hydrauliques (SRNH) Adjointe à la cheffe du SRNH Chargé de mission au bureau de l'action territoriale (BAT) Chargée de mission au bureau des risques inondation et littoraux (BRIL) Secrétaire permanente adjointe Député
DGALN/DEB Administrations DGOM
DGPR
PUCA Parlementaire
Guadeloupe
Président Directrice générale Agence des 50 pas Cadres et personnel Camille PELAGE Myriam ROCH-BERGOPSOM Philippe BIKHI Rony SAINT-CHARLES Claire LESCOUT Keniatha LEBRERE Rivard JASAWANT Philippe HURGON Préfet Philippe GUSTIN Jean-François BOYER Nicolas ROUGIER Anne-Laure BARBEROUSSE Administrations DEAL Jean-François GUÉRIN Gauthier GRIENCHE Frantz DELANNAY Franck MAZÉAS Patricia LÉPINE Ywenn DE LA TORRE Yoann LEGENDRE Marie-Aurore ADROVER-MALNOURY Jean-Louis PESTOUR Corinne VINGATARAMIN Directeur Directeur-adjoint Cheffe du service Prospective, Aménagement et Connaissance du Territoire (PACT) Chef du service Risques, Energie, Déchets (RED) Chef du service Habitat et Bâtiment Durable (HBD) Responsable SIG Chef du pôle Risques naturels Responsable du Pôle domanial et stratégie immobilière de l'Etat Directeur régional Géologue Déléguée adjointe de rivages d'outre-mer en charge des rivages français d'Amérique, responsable de l'antenne Guadeloupe Directeur régional Directrice générale Chef du département technique Chef du département administratif et financier Urbaniste Délégués du personnel
DRFiP BRGM direction régionale Etablissements publics Conservatoire du littoral ONF Guadeloupe EPFL de Guadeloupe Collectivités Deshaies
Jeanny MARC José SÉVÉRIEN
Maire, ancienne députée et ancienne présidente de l'agence des 50 pas 1er adjoint au Maire DGA aménagement urba Directrice urbanisme Maire Adjoints au Maire Membre du bureau exécutif, Président de la commission des affaires financières Directeur de cabinet adjoint de la présidente Élu, Président de la commission aménagement et rééquilibrage du territoire Élu, Vice-Président (également maire-adjoint du Gosier) Conseiller du président Directrice générale adjointe aménagement logement transports Directeur de l'aménagement
Communes
Le Gosier
Jean-Emile ARBAU Emma GELARD-THOMACHOT Luc ADEMAR 4 élus Daniel DULAC Michaël CERIVAL Camille PELAGE
Gourbeyre
Département
Conseil départemental
Région
Conseil régional
Jean-Claude CHRISTOPHE Richard SAMUEL Monique APPAT Patrick RILCI
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Chambres consulaires
Chambre des géomètres experts
Emilie AIROLA Jean-Marie ALLÈS Louis CAUDRELIER Harold MOURILLON Jean-Luc CAFOURNET José MARAGNES Directeur Ingénieur « social » (MOUS)
Bureau d'études urbain et social
URBIS
Martinique
Présidente Directeur Agence des 50 pas Cadres et personnel Nadia LIMIER Hervé EMONIDES Didier YOKESSA Alain ALEXANDRE Emeline CLAIR Lovely CINAUR Joanne AUGUSTIN Préfet DEAL Franck ROBINE Nadine CHEVASSUS Eric BATAILLER Bruno LAZZARINI Gisèle MONDÉSIR Administrations Isabelle GERGON Charles CAILLET Clémentine MONTANÉ Jean ROGISTER Myriam Le DUFF DRFiP BRGM Conservatoire du littoral Etablissements publics et assimilés ONF Martinique EPFL Martinique ADUAM Parlementaire Anne EL-GHAZI-ALVES Claire RENÉ DIT ROUSSEAU Benoît VITTECOQ Marie-Michèle MOREAU Pierre VERRY Ivan SOBESKY Joëlle TAÏLAMÉ Anne PETERMANN Serge LETCHIMY Directrice Adjointe, chargée de l'intérim du directeur Directeur Adjoint Chef du pôle biodiversité nature et paysages au service paysages, eau et biodiversité (PEB/BNP) Cheffe de l'unité littoral (PEB/UL) Cheffe du service risques énergie climat (REC) Chef du pôle risques naturels (REC/RN) Responsable de l'unité risques naturels Chef de l'unité SIG au Service connaissance, prospective et développement territorial (PACT/SIG) Cheffe de la mission enquêtes publiques affaires juridiques (EPAJ) Directrice du pôle gestion publique Adjointe à la directrice du pôle gestion publique Directeur régional Responsable de l'antenne Martinique Directeur général Directeur général Directrice Architecte, Chargé d'opération Chargé d'opération, Responsable Pôle Aménagement, adjoint au directeur Urbaniste Délégués du personnel Conseillère territoriale
Député, ancien président de la Région, ancien maire de Fort de France
Collectivités
Fort-de-France Sainte-Marie Communes Schoelcher Le Vauclin Intercommunalité CAP Nord Emile GONIER Raymond OCCOLIER Priscilla BORNE Pierre-Yves LAURENCE Didier LAGUERRE Elisabeth LÉONIDAS Roger BONIFACE Maire Cheffe du service Médiation et régularisations d'occupations Adjoint au Maire Adjoint au Maire, également vice-président de la communauté d'agglomération du Centre de la Martinique (CACEM) et président de la commission aménagement Maire Chargée de mission urbanisme et aménagement du territoire Directeur Général Adjoint Aménagement, Transports et Environnement Élu, Membre du Conseil Exécutif de la CTM, en charge de l'aménagement, du "PADMA" (SAR) et environnement-transports DGS Chargé de mission "Padma" (SAR) Vice-présidente Président d'honneur (ancien pdt) Responsable de la commission juridique Membre de la commission juridique
Collectivité territoriale de Martinique (CTM)
Louis BOUTRIN Guy MERCAN Philippe JANVIER
Chambres consulaires Associations
Chambre des géomètres experts ASSAUPAMAR (Association pour la sauvegarde du patrimoine martiniquais)
Emmanuelle Onfray Henri LOUIS-RÉGIS Pascal TOURBILLON Pierre GALLET de SAINT-AURIN
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3 Florilège photographique des cinquante pas géométriques
Zones U et Ud non (encore) aménagées
Sur les 25 000 constructions situées en zones U et Ud dans les deux départements, les agences en ont recensé environ 13 000 nécessitant une opération d'aménagement76, pour un montant total qu'elles ont estimé à 300 M. Le taux de réalisation de ces travaux voisinait 15% à la fin 2019. La grande majorité des constructions concernées n'a donc pas bénéficié à ce jour des aménagements nécessaires, ou seulement de manière très partielle.
« Petite rivière salée », la Trinité (Martinique)
Constructions de tôle et de planches posées sans cohérence.
Certaines finissent en ruines.
La barque témoigne ici d'une activité de pêche que l'on retrouve fréquemment pour les constructions situées en bordure immédiate du rivage.
La discrétion est souvent recherchée lorsque l'habitat est diffus. Cela contribue au moins à réduire l'impact négatif sur le paysage ...
76
Cf. corps du rapport, § 2.4.2
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Rapport n° 012883-01
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Zones U et Ud non (encore) aménagées (Suite)
« Pointe Jean-Claude », Le Robert (Martinique)
Construction sans permis, de piètre qualité et sans droit de propriété
.... qui ne respecte pas forcément l'environnement naturel
Clôtures, grillages, palissades, murs, ...
... marquent la propriété privée ...
... qui s'affiche ostensiblement.
Certains ont même obtenu une autorisation d'occupation temporaire.
Cette zone urbanisée de fait (45 maisons accueillant 115 habitants), isolée au sein d'une zone naturelle, à vocation à faire l'objet d'un aménagement complet.
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Zones U et Ud traitées ou en cours de projet
Les aménagements peuvent être modestes et ne sont pas tous visibles (notamment l'assainissement. Mais, couplés à la régularisation, ils sont un levier pour inciter les occupants à investir dans l'amélioration de leur maison, et peuvent avoir des effets spectaculaires.
« Pointe Rouge », Le Robert (Martinique)
Le quartier est maintenant desservi par une voirie et l'ensemble des réseaux.
Des maisons trop dégradées ou trop exposées à la submersion ont été démolies et remplacées par des cabanons destinés aux pêcheurs ou autres artisans
Extrait de la fiche réalisée par l'agence des 50 pas
Opération montée en collaboration avec l'ONF afin de résorber l'insalubrité et le saccage d'une zone sensible à Pointe-Rouge. Travaux de viabilisation et de valorisation paysagère dans le but de régulariser les occupants sans titres et le cas échéant les délocaliser dans les parties aménagées afin de préserver les zones naturellement sensibles, libérer la Forêt Domaniale Littorale ou les soustraire aux risques naturels. ETAT DES LIEUX Superficie : 8 hectares, 66 constructions dont 35 en zone ONF Pas de réseau d'assainissement collectif de la zone d'étude Les systèmes individuels quand ils existent sont anciens et défectueux Rapport n° 012883-01 Rapprocher légitimité et légalité : vers l'abolition des cinquante pas géométriques aux Antilles Page 70/86
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Rejet direct dans la mer à proximité de la mangrove et d'un site de baignade (fond blanc) Chemins d'accès empierrés, en mauvais état Des constructions anciennes, en ruines, insalubres ou abandonnées qui côtoient des villas cossues Des constructions à délocaliser, implantées soit sur la plage, soit en dessous de la ligne de surcote cyclonique (exposition aux risques littoraux) Un quartier ouvert sur l'océan atlantique Un quartier isolé, à l'écart du bruit mais mal desservi
LES ENJEUX ET ELEMENTS DE PROGRAMME Une idée forte : équiper et valoriser Optimiser l'assainissement (dispositif individuels aux normes ou collectif) Améliorer l'accessibilité interne, les déplacements et le stationnement Réaliser un réseau durable de voiries et trottoirs Requalifier les espaces publics existants et en créer de nouveaux Mettre en valeur la plage Régularisation du foncier projet de parcellaire Canaliser les eaux de ruissellement Optimiser l'ensemble des réseaux secs (enfouissements, sous--marin ou aérien) Créer des espaces publics Répondre au besoin de relogements en dégageant du foncier viabilisé Traitements paysagers
LES TRAVAUX D'AMENAGEMENT 1. Actions sur le bâti Relocalisation des habitations situées sur la plage et en dessous de la ligne de surcote, ou encore exposées aux risques naturels littoraux 2. Actions sur les voiries Régularisation de l'emprise foncière de la voie d'accès principale au quartier (voie privée) Réalisation voieries et de trottoirs Réorganisation d'espaces de stationnement Actions sur les réseaux Amélioration des branchements pour l'alimentation en eau potable Réalisation d'un réseau d'assainissement (Station d'épuration 400 Eq Hab et pompes de refoulement) Reprise des E P Optimisation de l'organisation des réseaux aériens (basse tension, téléphone et éclairage public) Actions sur les équipements Aménagement d'un espace dédié à l'activité pêche (abris et espace de travail) Aménagement du sentier littoral Aménagements paysagers Plantations Mobilier urbain Espace ludique
3.
4.
5.
ÉLÉMENTS FINANCIERS BILAN PRÉVISIONNEL TTC ENGAGÉ CE JOUR PAYÉ CE JOUR AE 2019 CP 2019 5 708 000 4 789 764 4 564 536 225 228 27 938
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Zones U et Ud traitées ou en cours de projet (Suite)
« Mansarde Rancée », Le François (Martinique)
A la suite de cette opération importante, aujourd'hui clôturée, les occupants ont complètement rénové leur maison une fois régularisés.
Celle-ci, qui dispose d'une armoire électrique, du tout-à-l'égout et dont la parcelle a été bornée, a également été régularisée et connaîtra peut-être le même sort.
Une partie des constructions, vouées à la démolition dans le projet, demeurent aujourd'hui dans le paysage, pour diverses raisons. La dynamique créée par l'opération se poursuivra au rythme des initiatives des occupants.
Des logements sociaux ont été construits pour reloger une partie des occupants de maisons démolies.
Extrait de la fiche réalisée par l'agence des 50 pas
ETAT DES LIEUX Superficie : 17 hectares 68 constructions Pas de réseau d'assainissement collectif de la zone d'étude Les systèmes individuels quand ils existent sont anciens et défectueux Rejet direct dans la mer Chemins d'accès empierrés, en mauvais état Des constructions, anciennes, pour certaines en ruines, insalubres ou abandonnées Des constructions à délocaliser, implantées en dessous de la ligne de surcote cyclonique (exposition aux risques littoraux) Une vue sur la baie une ouverture sur l'océan atlantique Un quartier isolé, à l'écart du bruit mais mal desservi Rapport n° 012883-01 Rapprocher légitimité et légalité : vers l'abolition des cinquante pas géométriques aux Antilles Page 72/86
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LES ENJEUX ET ELEMENTS DE PROGRAMME Une idée forte : équiper et valoriser Optimiser l'assainissement (dispositif individuels aux normes ou collectif) Améliorer l'accessibilité interne, les déplacements et le stationnement Réaliser un réseau durable de voirie et trottoirs Requalifier les espaces publics existants et en créer de nouveaux Mettre en valeur la plage Régularisation du foncier projet de parcellaire Canaliser les eaux de ruissellement Optimiser l'ensemble des réseaux secs (enfouissements, sous--marin ou aérien) Créer des espaces publics Répondre au besoin de relogements en dégageant du foncier viabilisé Traitements paysagers LES TRAVAUX D'AMENAGEMENT 6. 7.
Cout de l'opération : 8 300 000 (travaux réceptionnés en septembre 2011)
Actions sur le bâti Relocalisation des habitations situées sur la plage et en dessous de la ligne de surcote, ou encore exposées aux risques naturels littoraux Actions sur les voiries Régularisation de l'emprise foncière de la voie d'accès principale au quartier (voie privée) Réalisation voieries et de trottoirs Réorganisation d'espaces de stationnement Marquer l'entrée de quartier Actions sur les réseaux Amélioration des branchements pour l'alimentation en eau potable Réalisation d'un réseau d'assainissement Reprise des E P Optimisation de l'organisation des réseaux aériens (basse tension, téléphone et éclairage public) Actions sur les équipements Aménagement d'espace dédié à la pêche Aménagement du sentier littoral
8.
9.
10.
11. Aménagements paysagers Plantations Mobilier urbain Espace ludique
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Zones U et Ud traitées ou en cours de projet (Suite)
« Rivière Sens », Gourbeyre (Guadeloupe)
Cette maison située au niveau de la mer (zone verte hachurée sur le plan d'aménagement) sera démolie.
Celle-ci également (zone vert foncé), au bord de la falaise.
Celle-ci également ...
Il ne reste plus qu'à lancer l'opération.
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Zones U et Ud traitées ou en cours de projet (Fin)
« Pointe ouest de la Batterie », Trois-Rivières (Guadeloupe)
Voirie de desserte réalisée dans le cadre de l'opération
Cheminement piéton et espace de détente
... valorisant l'espace vert
Aménagement réalisé par l'agence des cinquante pas, comprenant : régularisation de 21 parcelles, démolition de 15 habitations et 7 annexes, sécurisation de l'accès aux constructions (création de voies de desserte), création d'un cheminement en bordure littorale, mise en valeur de points de vue, valorisation d'un espace naturel, aménagement d'un espace de détente. Rapport n° 012883-01 Rapprocher légitimité et légalité : vers l'abolition des cinquante pas géométriques aux Antilles Page 75/86
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Des zones N comportant des regroupements de constructions
Quartier « Citerne », le François (Martinique)
Des habitations ...
...et une activité de tourisme
Au total 20 bâtis répartis dans 3 secteurs, pour une occupation familiale comprenant 12 résidences principales, 6 résidences secondaires, 1 hangar et 1 local professionnel (35 à 40 personnes au total)
... sur le site exceptionnel d'une ancienne « habitation » (plantation de canne Monnerot) Rapport n° 012883-01 Rapprocher légitimité et légalité : vers l'abolition des cinquante pas géométriques aux Antilles Page 76/86
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Des zones N comportant des regroupements de constructions (suite)
« Pointe Théogène », le Vauclin (Martinique)
D'après le maire, quelques pêcheurs se sont installés au bord de la mer dans cette zone naturelle en 1977, et s'y maintiennent encore aujourd'hui ...
malgré les propositions de relogement du maire, qui avait négocié avec un
investisseur la construction de bungalows dans un secteur à vocation touristique.
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Des cas (limités) de péril imminent menaçant les vies humaines, qui appellent une démolition
Des maisons victimes de l'érosion de la falaise côté mer...
... Capesterre-Belle-Eau, quartier Ste-Marie Four à chaux (Guadeloupe)
Petit-Bourg (Guadeloupe)
Capesterre-Belle-Eau, quartier Doyon poirier (Guadeloupe)
... érosion du talus côté terre,
effondrement des maisons, Basse-Terre (Guadeloupe)
Une maison qui couvre la ravine Trois-Rivières (Guadeloupe)
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Des atteintes importantes à l'environnement, elles-mêmes génératrices d'insalubrité
Les installations illicites portent, d'une façon générale, atteinte aux espaces naturels en les polluant notamment par des rejets directs d'eaux usées et de déchets divers (déchets ménagers, véhicules hors d'usage, etc.) et le stockage de matériaux dangereux. Elles contribuent également la plupart du temps à la dégradation du paysage. Plus particulièrement, les remblais sauvages effectués pour gagner sur les milieux humides (rivages de la mer, mangrove, bords de rivières), les dégradent en les grignotant, ce qui a en même temps pour effet d'exposer les occupants à des situations d'insalubrité due à la présence d'eaux plus ou moins stagnantes et d'humidité.
Maison empiétant sur la mangrove, les pieds dans l'eau à marée haute - Le Robert (Martinique)
Remblai au bord d'une rivière Capesterre-Belle-Eau (Guadeloupe)
Terrain gagné sur la mer avec des matériaux « divers » Le Robert (Martinique)
Remblais à l'embouchure de la rivière Le Robert (Martinique)
Capesterre-Belle-Eau (Guadeloupe) Rapport n° 012883-01
Le Robert (Martinique) Page 79/86
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Des atteintes importantes à l'environnement, elles-mêmes génératrices d'insalubrité (Suite)
Les pieds dans l'eau Capesterre-Belle-Eau (Guadeloupe)
Les pieds dans l'eau Le Robert (Martinique)
Les pieds dans l'eau - Le Robert (Martinique
3-en-1 : Arrivée d'eau potable, évacuation eaux usées, stagnation d'eau croupie
Capesterre-Belle-Eau (Guadeloupe)
Cette maison menacée par l'effondrement au bord de la falaise ...
... rejette directement ses eaux sur celle-ci, contribuant ainsi à son délitement !
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Des atteintes importantes à l'environnement, elles-mêmes génératrices d'insalubrité (Fin)
Le Robert (Martinique)
Cette maison a été construite au milieu de la mangrove, remblayée à cet effet ... Le Robert (Martinique)
La petite maison dans la mangrove ...
... Tous les moyens sont bons pour ...
... y accéder au sec ... (Suite)
(Fin)
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L'alimentation en eau potable
Ici, la collectivité apporte l'eau à l'entrée du quartier. Les piquages individuels courent sur le sol. Trois-Rivières - Grande-Anse (Guadeloupe)
Gourbeyre Rivière Sens (Guadeloupe)
Basse-Terre Calebassier (Guadeloupe)
Presqu'île de la pointe Thalémont, Le François (Martinique) Rapport n° 012883-01 Rapprocher légitimité et légalité : vers l'abolition des cinquante pas géométriques aux Antilles Page 82/86
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Diverses curiosités
Face à face sur le même site, ces deux constructions de qualité inégale (Capesterre-belle-eau, Guadeloupe)
Une construction illégale en pleine construction dans un quartier dont le projet d'aménagement est bien avancé
La folie des grandeurs, aussi dans la zone des 50 pas, en toute illégalité.
Raccordement électrique en pleine mangrove ... Rapport n° 012883-01
Pas sûr que le facteur arrive jusque ...
... là. « Rivière Sens »Gourbeyre (Guadeloupe) Page 83/86
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4 Glossaire des sigles et acronymes
(Loi) ADOM (Loi) ALUR AOT ASSAUPAMAR BRGM CGEDD CTM DEAL DGPR DRFiP DPM (Loi) ENE EPA EPCI EPF EPFL EPIC FDL FEI FEDER CG3P GEMAPI IGA IGF IGN LODEOM MACP MCTRCT MOM MLV MTES N ONF OPAH PLUi PO PPR PUCA RHI RHS SAFER SAR SIG SCoT SEMAG SEMSAMAR TSE U UD ZAC ZPG Loi d'actualisation des outre-mer Loi pour l'accès au logement et à un urbanisme rénové Autorisation d'occupation temporaire Association pour la sauvegarde du patrimoine martiniquais Bureau de recherches géologiques et minières Conseil général de l'environnement et du développement durable Collectivité territoriale de Martinique Direction de l'environnement, de l'aménagement et du logement Direction générale de la prévention des risques Direction régionale des finances publiques Domaine public maritime Loi portant engagement national pour l'environnement (Grenelle II) Etablissement public d'aménagement Etablissement public de coopération intercommunale Etablissement public foncier Etablissement public foncier local Etablissement public à caractère industriel et commercial Forêt du littoral Fonds européen d'investissement Fonds européen de développement régional Code général de la propriété des personnes publiques Gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations Inspection général de l'administration Inspection générale des finances Institut national de l'information géographique et forestière Loi pour le développement économique des outre-mer Ministère de l'action et des comptes publics Ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales Ministère des outre-mer Ministère du logement et de la ville Ministère de la transition écologique et solidaire Espaces naturels Office national des forêts Opération programmée d'amélioration de l'habitat Plan local d'urbanisme intercommunal Programme opérationnel (fonds européens) Plan de prévention des risques naturels Plan construction, urbanisme et architecture Résoprtion de l'habitat insalubre Résoprtion de l'habitat spontané Société d'aménagement foncier et d'équipement rural Schéma d'aménagement régional Système d'information géographique Schéma de cohérence territoriale Société d'économie mixte d'aménagement de la Guadeloupe Société d'économie mixte de Saint-Martin Taxe spéciale d'équipement Espaces urbains Secteurs d'urbanisation diffuse Zone d'aménagement concerté Zone des cinquante pas géométriques
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Credits photographiques : mission CGÈDD, sauf mention contraire en legende et photos aeriennes pages 76 et 81 (Google maps)
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Site internet du CGÈDD : « Les derniers rapports »
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INVALIDE)