Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux

MARENDET, François ; GOELLNER, Jérôme ; PASCAL, Michel ; VO VAN QUI, Jean-Luc

Auteur moral
France. Conseil général de l'environnement et du développement durable ; France. Conseil général de l'économie, de l'industrie, de l'énergie et des technologies
Auteur secondaire
Résumé
La catastrophe du port de Beyrouth a remis en évidence les risques que peuvent présenter les produits à base de nitrate d'ammonium. Les engrais à base de nitrate d'ammonium, désignés sous le terme d'ammonitrates, sont les plus importants de ces produits. Parmi eux, les ammonitrates à haut dosage présentent un risque d'explosion. La mission s'est particulièrement axée sur les ammonitrates qui représentent des tonnages conséquents et dont la France est la plus grande consommatrice ouest-européenne. Ces engrais sont soumis à une réglementation qui impose de respecter certaines caractéristiques en matière de sécurité qui garantissent le caractère inerte de ces produits s'ils sont normalement stockés. Le contrôle de cette réglementation est assuré avec sérieux et depuis plusieurs années aucun cas d'engrais ammonitrates non conforme n'a été relevé. On ne constate depuis 2003 aucun accident grave en France du fait de ce produit, mais les incidents sont nombreux. Si la probabilité d'occurrence d'un accident est faible, le danger est élevé. Une explosion d'un stock même limité d'ammonitrates haut dosage peut provoquer des dégâts considérables, comme en témoigne la catastrophe d'AZF à Toulouse. Ceci justifie que ces ammonitrates fassent l'objet d'une attention toute particulière. Les ports maritimes, dont les plus concernés, Nantes, Rouen, Honfleur, Saint Malo, Le Légué, Les Sables d'Olonne et Rochefort, reçoivent ainsi environ 130 000 t sur les 1 500 000 t consommées en France. Des ammonitrates haut dosage, pour une quantité plus limitée, estimée à 50 000 t, arrivent aussi par voie fluviale, via la Seine, le Rhin ou la Moselle. Le transit des matières dangereuses et notamment des ammonitrates dans les ports maritimes fait l'objet d'un encadrement clair, par un règlement national complété par des règlements locaux. Ceux-ci font l'objet d'un contrôle formalisé par les capitaineries des ports. La mission considère que les risques y sont maîtrisés même si elle émet des recommandations pour améliorer encore la situation. Le transport des matières dangereuses par voie navigable fait l'objet d'une réglementation internationale. En revanche, les conditions de navigation et chargement ou déchargement des matières dangereuses dans les ports fluviaux sont moins encadrées, contrôlées, et même connues, que dans les ports maritimes. Seules les installations portuaires des ICPE importantes sont réglementées, ainsi que quelques ports importants faisant l'objet d'études de dangers. Aucun service de l'Etat n'est en charge de ces sujets. Ceci se traduit par des situations ponctuelles qui paraissent anormales de déchargements d'ammonitrates haut dosage dans des conditions de sécurité non optimales. La mission formule donc plusieurs recommandations pour améliorer la situation. Les ports, maritimes ou fluviaux, n'apparaissent pas comme les points les plus sensibles de la chaîne d'approvisionnement de l'agriculture. La mission a donc souhaité examiner également de manière plus générale la sécurité des ammonitrates utilisés en agriculture. En premier lieu, il lui semble légitime de s'interroger sur l'utilisation des ammonitrates à haut dosage comme engrais dans la mesure où plusieurs pays, y compris européens, l'ont interdit. Elle considère qu'il est souhaitable d'améliorer l'encadrement réglementaire de ces produits, et formule des recommandations, visant notamment à limiter l'usage des ammonitrates haut dosage en vrac. Les obligations de contrôle des très nombreuses installations de stockage soumises à déclaration ne sont souvent pas respectées. La réglementation ICPE concernant les stockages ne distingue pas suffisamment les ammonitrates haut dosage, de ceux à plus faible dosage. La réglementation devrait plus nettement favoriser les ammonitrates à moyen dosage, en fixant des exigences réglementaires et de contrôle, plus lourdes pour les ammonitrates à haut dosage. Enfin, la mission a constaté que les ammonitrates ne font pas l'objet d'une information simple et volontariste sur les risques en direction des agriculteurs, présentant les bonnes pratiques en matière de stockage. Elle formule une recommandation en ce sens.
Editeur
CGEDD ; CGEIET
Descripteur Urbamet
explosion ; agriculture ; gestion ; risques industriels ; port ; port maritime ; port fluvial ; transport de marchandises ; risques ; transport maritime ; transport fluvial
Descripteur écoplanete
nitrate ; engrais ; matière dangereuse ; réglementation ; prévention des risques ; stockage ; installation classée ; installation dangereuse
Thème
Ressources - Nuisances ; Infrastructures - Ouvrages d'art ; Transports
Texte intégral
P U B LI É 2 Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux PUBLIÉ Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux 3 ................................................................................................................................. 5 ....................................................................................... 8 Introduction ............................................................................................................................... 11 1 Le cadre général ..................................................................................................................... 13 1.1 Les produits concernés ............................................................................................................. 13 1.1.1 Les produits, fabrication et usages ........................................................................................... 13 1.1.2 Les risques présentés par ces produits ..................................................................................... 15 1.1.3 La nomenclature des produits .................................................................................................. 19 1.1.4 Les flux de produits ................................................................................................................... 21 1.2 La manutention, le dépôt à terre et le stockage des ammonitrates dans les ports................. 22 1.2.1 Les opérations dans les ports .................................................................................................... 22 1.2.2 La présence d'ammonitrates dans les ports ............................................................................. 23 2 La gestion des matières dangereuses, notamment les ammonitrates, dans les ports maritimes 24 2.1 Les ports maritimes .................................................................................................................. 24 2.2 Les flux d'ammonitrates dans les ports maritimes ................................................................... 25 2.3 La règlementation des ports maritimes pour les matières dangereuses et son application ... 25 2.4 Les constats de la mission et ses recommandations ................................................................ 26 2.5 Les difficultés à collecter l'information sur les flux de matières dangereuses ......................... 29 3 La gestion des matières dangereuses, notamment les ammonitrates, dans le transport fluvial et dans les ports fluviaux ................................................................................................................................. 31 3.1 Les ports fluviaux concernés par le trafic d'ammonitrates ...................................................... 31 3.2 Les flux d'ammonitrates dans les ports fluviaux ...................................................................... 31 3.3 La règlementation ports fluviaux pour les matières dangereuses et son application ............. 33 3.3.1 Le cadre général ........................................................................................................................ 33 3.3.2 Des différences notables de réglementation entre les ports maritimes et les ports fluviaux .. 34 3.3.3 L'application de la réglementation ........................................................................................... 34 4 La maîtrise des risques liés aux ammonitrates ........................................................................ 37 4.1 La règlementation propre aux ammonitrates .......................................................................... 37 4.1.1 La règlementation sur les matières fertilisantes ....................................................................... 37 4.1.2 La règlementation du transport des matières dangereuses ..................................................... 39 4.1.3 La règlementation ICPE ............................................................................................................. 41 4.2 Les mesures envisageables pour renforcer la maîtrise des risques liés aux ammonitrates..... 45 4.2.1 Le sujet des ammonitrates haut dosage ................................................................................... 45 PUBLIÉ 4 Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux 4.2.2 L'interdiction de l'usage des ammonitrates haut dosage en vrac ............................................ 46 4.2.3 Le développement des ammonitrates à moyen dosage ........................................................... 47 4.2.4 L'amélioration des conditions de stockage des ammonitrates haut dosage, notamment dans les exploitations agricoles .................................................................................................................................... 49 5 La gestion des situation inhabituelles ..................................................................................... 51 Conclusion .................................................................................................................................. 53 ................................................................................................................................ 55 .................................................................................................... 57 ................................................................................ 59 .......................................... 60 ........................................................................................................... 68 70 .. 73 A6.1 La nomenclature des produits ..................................................................................................... 73 A6.2 Les données sur les flux ............................................................................................................... 76 ........................................................................... 79 .............................................................................. 81 ................................................................. 84 PUBLIÉ Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux 5 La catastrophe du port de Beyrouth a remis en évidence les risques que peuvent présenter les produits à base de nitrate d'ammonium. Ces produits sont en outre régulièrement évoqués dans l'actualité nationale et sont considérés par une partie du public comme particulièrement dangereux. Les engrais à base de nitrate d'ammonium, sont les plus importants de ces produits. Ce sont eux qu'on désigne sous le terme d'ammonitrates. Parmi eux, on distingue les ammonitrates à haut dosage, qui contiennent une forte proportion de nitrate d'ammonium et présentent un risque d'explosion et les autres ammonitrates à moyenne teneur ou basse teneur qui présentent un risque moindre, et sont pour la plupart classés comme non dangereux au titre du règlement international du transport des matières dangereuses. Il faut souligner que le produit qui a explosé à Beyrouth était du nitrate d'ammonium technique, destiné à la fabrication d'explosifs et non des engrais, qui avait été entreposé pendant plusieurs années dans des conditions ignorant totalement les règles de base en matière de sécurité. Le trafic par voie maritime ou fluvial de nitrate d'ammonium technique est très faible. Aussi la mission s'est particulièrement axée sur les ammonitrates qui représentent des tonnages beaucoup plus conséquents. La France est la plus grande consommatrice ouest-européenne d'ammonitrates, et ceux-ci sont majoritaires dans les apports d'azote, même s'ils sont en légère décroissance. Ces engrais sont soumis à une réglementation qui impose de respecter certaines caractéristiques en matière de sécurité (tests de non détonabilité notamment) qui garantissent le caractère inerte de ces produits s'ils sont normalement stockés. Le contrôle de cette réglementation est assuré avec sérieux et depuis plusieurs années aucun cas d'engrais ammonitrates non conforme n'a été relevé. Les ammonitrates, même conformes, présentent néanmoins un risque potentiel s'ils sont stockés dans des conditions dégradées, sont pollués par des substances incompatibles et/ou pris dans un incendie de grande ampleur. On ne constate depuis 2003 (accident de Saint-Romain en Jarez) aucun accident grave en France du fait de ce produit, mais les incidents le mettant en cause (incendies dans des fermes ou au cours du transport par route) sont nombreux. Si la probabilité d'occurrence d'un accident est faible, le danger (importance des dégâts en cas d'accident) est élevé. Une explosion d'un stock même limité d'ammonitrates haut dosage peut provoquer des dégâts considérables, comme en témoigne la catastrophe d'AZF à Toulouse, où l'explosion de 300 t d'ammonitrates non-conformes a causé 31 morts et plus de 2000 blessés, et des dégâts majeurs dans la ville de Toulouse, jusqu'à 5 km de l'explosion. Ceci justifie que ces ammonitrates fassent l'objet d'une attention toute particulière. Alors que jusque dans les années 2000, le marché français des ammonitrates haut dosage était très international avec des importations d'origine lointaine (Moyen-Orient, Afrique, ex bloc soviétique) et de qualité incertaine, il apparaît qu'il s'est maintenant largement assaini avec, pour l'essentiel, cinq acteurs, dont deux ont des usines en France et les trois autres introduisent en France ces ammonitrates depuis des usines polonaises, lituaniennes, britanniques ou belges. Les ports maritimes, les plus concernés, Nantes, Rouen, Honfleur, Saint Malo, Le Légué, Les Sables d'Olonne et Rochefort, reçoivent ainsi environ 130 000 t sur les 1 500 000 t consommés en France. Des PUBLIÉ 6 Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux ammonitrates haut dosage, pour une quantité plus limitée, estimée à 50 000 t, arrivent aussi par voie fluviale, via la Seine, le Rhin ou la Moselle. Tous les autres ammonitrates sont distribués par route, le fer étant devenu marginal. La mission n'a pas identifié de trafic récent d'ammonitrates haut dosage sur la façade méditerranéenne et sur l'axe Rhône-Saône, qui était antérieurement concerné. Le transit des matières dangereuses et notamment des ammonitrates dans les ports maritimes fait l'objet d'un encadrement clair, par un règlement national complété par des règlements locaux. Ceux-ci font l'objet d'un contrôle formalisé par les capitaineries des ports, constitués de fonctionnaires d'Etat en charge de la sécurité portuaire. La mission considère que les risques y sont maîtrisés même si elle émet des recommandations pour améliorer encore la situation. Des situations « atypiques » telles que l'accueil d'un navire d'ammonitrates en détresse ou des cargaisons nonconformes restent toujours possibles. Mais la mission estime que celles-ci seraient identifiées et gérées au mieux de la sécurité par les autorités sous la direction des préfets. En clair la catastrophe de Beyrouth paraît peu vraisemblable en France. Le transport des matières dangereuses par voie navigable fait l'objet d'une réglementation internationale portant sur les bateaux, leur équipement, la qualification des intervenants... En revanche, les conditions de navigation et chargement ou déchargement des matières dangereuses dans les ports fluviaux sont moins encadrées, contrôlées, et même connues, que dans les ports maritimes : les trafics fluviaux de matières dangereuses ne sont pas identifiés et suivis, ni VNF, ni les ports fluviaux n'en ayant connaissance. Il n'y a pas, comme pour les ports maritimes, de règles de chargement et de déchargement et ces lieux de chargement ou déchargement ne sont pas tous désignés ou autorisés par l'autorité compétente, en l'occurrence les préfets, alors qu'ils devraient l'être règlementairement. Seules les installations portuaires des ICPE importantes sont réglementées, ainsi que quelques ports importants faisant l'objet d'études de dangers. Depuis la disparition des services de la navigation, à l'occasion de la création de VNF, aucun service de l'Etat n'est en charge de ces sujets. Ceci se traduit par des situations ponctuelles qui paraissent anormales de déchargements d'ammonitrates haut dosage dans des conditions de sécurité non optimales. La mission formule donc plusieurs recommandations pour améliorer la situation. Les ports, maritimes ou fluviaux, n'apparaissent pas comme les points les plus sensibles de la chaîne d'approvisionnement de l'agriculture en ammonitrates. La mission a donc souhaité examiner également de manière plus générale la sécurité des ammonitrates utilisés en agriculture. En premier lieu, il lui semble légitime de s'interroger sur l'utilisation des ammonitrates à haut dosage comme engrais dans la mesure où plusieurs pays, y compris européens, l'ont interdit. Ce sujet fait intervenir des considérations de sécurité mais aussi de sûreté (utilisation des ammonitrates à des fins malveillantes). La mission ne propose pas d'interdire les ammonitrates haut dosage pour raisons de sécurité. La mission considère qu'il est souhaitable d'améliorer l'encadrement réglementaire de ces produits, et formule des recommandations, visant notamment à limiter l'usage des ammonitrates haut dosage en vrac qui sont plus susceptibles de contamination par des substances indésirables, ce qui augmente le risque. La mission a constaté que les obligations de contrôle des très nombreuses installations de stockage d'ammonitrates soumises à déclaration n'étaient souvent pas respectées. Elle considère également que la réglementation ICPE concernant les stockages ne distingue pas suffisamment les ammonitrates haut dosage, de ceux à plus faible dosage. La réglementation devrait plus nettement favoriser les ammonitrates à moyen dosage, en fixant des exigences réglementaires et de contrôle, plus lourdes pour les ammonitrates à haut dosage. PUBLIÉ Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux 7 Enfin, la mission a constaté que les ammonitrates ne font pas l'objet d'une information simple et volontariste sur les risques en direction des agriculteurs, présentant les bonnes pratiques en matière de stockage. Elle formule une recommandation en ce sens. PUBLIÉ 8 Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux Recommandation n° 1. Afin d'augmenter l'efficacité des capitaineries des ports maritimes, notamment dans la gestion des matières dangereuses, la mission recommande que la Direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM) et la Direction générale de la prévention des risques (DGPR) assurent au niveau national le pilotage fonctionnel des capitaineries, notamment la coordination au moyen de réunions régulières, l'appui et le conseil, l'organisation de la formation, l'échange d'expérience, le pilotage de la mise à jour des règlements locaux Matières dangereuses. Elle recommande aussi que le ministère de la transition écologique, en liaison avec le ministère de l'intérieur, désigne, pour chaque région comportant plusieurs ports de commerce décentralisés avec capitainerie sous la responsabilité de l'Etat, une Direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) pilote chargée d'assurer le relais local de coordination de ces capitaineries, comme cela est pratiqué en Bretagne.................................................................... 28 La mission recommande que la DGITM, en liaison avec la DGPR, développe un système de gestion des matières dangereuses unique pour tous les ports et permettant une consolidation nationale, en profitant des travaux actuels sur la mise en place d'un guichet maritime unique, la déclinaison du règlement européen eFTI et les lignes directrices de la réunion commune RID/ADR/ADN (accords internationaux sur le transport des matières dangereuses par fer, route et voie navigable intérieure). ......................................................................... 30 Afin de traiter les sujets non couverts par l'ADN (accord européen sur le transport des matières dangereuses par voie de navigation intérieure), la mission recommande que la DGPR élabore un règlement de transport et de manutention des matières dangereuses transportées par voie fluviale, pendant du Règlement pour le transport et la manutention des matières dangereuses dans les ports maritimes (RPM) existant pour les ports maritimes, qui prévoie une déclinaison locale dans les Règlements particuliers de police de la navigation intérieure (RPPNI). ............................................................................................................ 36 Afin d'améliorer la connaissance et l'application de l'ADN par les acteurs concernés,la mission recommande que le ministère de la transition écologique désigne la direction régionale de l'environnement, de l'aménagemen et du logement (DREAL) comme appui de l'autorité compétente locale (préfet). Elle recommande également qu'il confie à Voies navigables de France (VNF) la responsabilité de décliner le règlement national de transport et de manutention des matières dangereuses transportées par voie fluviale dans les RPPNI, destinés à Recommandation n° 2. Recommandation n° 3. Recommandation n° 4. PUBLIÉ Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux 9 être présentés à la signature des autorités locales compétentes (préfets). Elle recommande en particulier à VNF et aux DREAL de veiller à ce que ces RPPNI identifient les lieux où peuvent être chargées ou déchargées des matières dangereuses, comme prévu par l'ADN. ............................................. 36 Recommandation n° 5. Afin de disposer d'informations sur le trafic de matières dangereuses par voie fluviale, la mission recommande que la DGITM veille à ce que soit rendue effective dans les RPPNI l'obligation d'annonce du transport de matières dangereuses prévue dans le RGPNI et que VNF intègre le suivi des transports de matières dangereuses par voie fluviale et la diffusion de cette information aux administrations concernées. .............................................................. 36 Afin de maîtriser le risque de cargaisons d'ammonitrates non-conformes, la mission recommande que la Direction générale de la concurrence ,de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et la DGPR définissent les importations d'ammonitrates à cibler dans le cadre du contrôle des produits et les modalités de coopération des services locaux, directions départementales (de l'emploi, du travail des solidarités et) de la protection des populations (DD(ETS)PP) et capitaineries (information systématique à l'arrivée des navires, organisation des prélèvements de contrôle...). .................................................................................... 39 Afin d'avoir une vision plus précise de la situation des stockages d'ammonitrates haut dosage, en vue d'éventuelles actions ultérieures, la mission recommande que, dans le cadre de l'action nationale 2021, la DGPR et les DREAL privilégient les installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) soumises à déclaration relevant de la rubrique 4702-II (ammonitrates haut dosage). 45 Afin de limiter les risques de contamination des ammonitrates à haut dosage qui accroît fortement leur réactivité, la mission recommande que les ministères de l'économie, des finances et de la relance et le ministère de l'agriculture rendent obligatoire le règlement européen 2019/1009 qui impose le conditionnement pour les ammonitrates haut dosage, et que le ministère de la transition écologique interdise le chargement/déchargement d'ammonitrates haut dosage en vrac dans les installations fluviales, comme c'est déjà le cas dans les ports maritimes, et baisse le seuil ICPE d'autorisation pour les stockages en vrac de la rubrique 4702-II. 47 Afin que les opérateurs soient encouragés à recourir aux ammonitrates moyen dosage plutôt qu'aux ammonitrates haut dosage, la mission recommande que le ministère de la transition écologique supprime la sur-transposition de la directive Seveso pour la rubrique 4702-III (ammonitrates moyen dosage) et relève le seuil actuel de déclaration de cette rubrique pour le rapprocher de celui de la rubrique 4702-IV (ammonitrates bas dosage). Elle recommande aussi qu'il renforce le contrôle des stockages d'ammonitrates à haut dosage (4702-II) et, en fonction des résultats de l'action nationale 2021, abaisse éventuellement les seuils de déclaration pour cette rubrique ou soumette les petites installations à enregistrement plutôt qu'à déclaration............................................. 49 Recommandation n° 6. Recommandation n° 7. Recommandation n° 8. Recommandation n° 9. PUBLIÉ 10 Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux Recommandation n° 10. Afin de mieux prévenir les risques dans les installations agricoles, la mission recommande que, mettant à profit le nouveau règlement européen sur les précurseurs d'explosifs, les ministères de l'agriculture, de l'intérieur et de la transition écologique fassent mettre au point, en liaison avec l'UNIFA, une information simple et pratique à destination des agriculteurs sur les risques d'accident et de malveillanceliés aux ammonitrates, ainsi que sur les mesures minimales à respecter pour les stocker de façon sûre, et veillent à sa large diffusion. ............................................................................................................ 50 PUBLIÉ Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux 11 INTRODUCTION Par lettre en date du 30 septembre 2020, la Ministre de la Transition écologique et le Ministre de l'Economie, des Finances et de la Relance ont demandé aux vice-présidents du Conseil général de l'économie, de l'industrie et des technologies (CGEIET) et du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) de diligenter une mission conjointe sur la gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux. En effet la catastrophe de à Beyrouth le 4 août a remis en évidence le danger que pourraient représenter des quantités importantes d'ammonitrates. En France, dans le cas des stockages, ceux-ci sont encadrés par la règlementation des Installations classées et la règlementation Seveso. Dans le cas du transit par des ports maritimes ou fluviaux, il existe des dispositions spécifiques pour assurer la manutention en sécurité des produits dangereux. Il est apparu nécessaires de s'assurer que celles-ci sont efficaces et appliquées, et permettent de gérer d'éventuelles situations atypiques. En conséquence, il était demandé à la mission de : S'assurer que le cadrage règlementaire actuel permet de déterminer sans ambiguïté ni lacune o Les responsabilités des différentes autorités concernées par le contrôle et la police des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports, o Et ce qui est attendu des différents acteurs Evaluer o les flux d'ammonitrates transitant dans les ports, et o les quantités présentes correspondantes, y compris outre-mer S'assurer sur le terrain, par sondage, que o les dispositions règlementaires de sécurité sont comprises et appliquées par les différents acteurs, o elles font l'objet de contrôles appropriés dans les différents régimes Evaluer la robustesse et l'applicabilité des dispositions pour le traitement des situations inhabituelles Proposer en tant que de besoin des évolutions du cadre règlementaire et/ou des modalités de contrôle. Une durée de quatre mois avait été fixée à la mission. Toutefois les contraintes liées à la situation sanitaire ont obligé à rallonger celle-ci pour permettre des visites de terrain et des échanges directs avec les différents acteurs. La mission a consulté les travaux des experts ayant traité des produits à base d'ammonitrates et les rapports faits antérieurement, notamment à la suite de l'accident de Toulouse, et dont certaines recommandations n'ont pas eu de suites. Elle a interrogé directement ou en visioconférence les principales parties prenantes identifiées. La liste complète des personnes entendues figure en annexe 2. La mission a interrogé tous les ports maritimes par écrit1. Il a été fait de même pour certains ports fluviaux concernés2. Lorsque les contraintes sanitaires l'ont permis, la mission s'est déplacée dans les principaux ports maritimes et fluviaux concernés par le trafic d'ammonitrates et y a rencontré les différents acteurs, administrations, autorité portuaire, capitainerie et manutentionnaires. La mission concernait la sécurité (prévention du risque accidentel). Elle n'avait pas vocation à traiter de la sûreté (prévention du risque de malveillance). Toutefois ce point est évoqué lorsqu'il est apparu opportun de le faire. La 1 La mission n'a pas eu de réponse de tous les ports maritimes interrogés. pour 21 ports. 2 L'identification des ports intérieurs est rendu difficile du fait des différents statuts et il n'en existe pas de liste formelle. Une réponse obtenue PUBLIÉ 12 Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux mission visait les opérations conduites dans les ports maritimes et fluviaux, et la présence d'ammonitrates dans ces lieux. Elle n'avait pas vocation à traiter de la fabrication des produits, de leur stockage en général dans les usines, dans les coopératives ou à la ferme, et de leur transport par voie maritime, fluviale ou routière. Toutefois certains de ces sujets sont évoqués lorsqu'ils apparaissent directement connexes au sujet de la mission. Le présent rapport présente : le cadre général de la manutention des ammonitrates dans les ports, la gestion des matières dangereuses, notamment les ammonitrates, dans les ports maritimes, la gestion des matières dangereuses, notamment les ammonitrates, dans le transport fluvial et dans les ports fluviaux, la question plus générale de la maîtrise des risques liés aux ammonitrates la gestion des situations inhabituelles. La catastrophe de Beyrouth du 4 aout 20203 Le 4 août 2020, l'explosion d'un entrepôt du port de Beyrouth contenant notamment 2 750 t de nitrate d'ammonium a ravagé une partie de la ville, faisant 204 morts et plus de 6 500 blessés et causant des dommages considérables. A l'origine de la catastrophe, se trouve une cargaison de nitrate d'ammonium presque pur, destinée à la fabrication d'explosifs, en provenance de Géorgie et à destination du Mozambique (il ne s'agissait donc pas d'une cargaison d'engrais). Le cargo a été bloqué dans le port de Beyrouth en 2013 en raison de la perte de son certificat de navigation et de défaillances techniques, puis abandonné avec la cargaison par son armateur et le propriétaire de celle-ci. Le nitrate d'ammonium, conditionné en sacs, a été déchargé en 2014 et entreposé dans un hangar pendant plusieurs années dans des conditions très médiocres (cf. photo ci-contre illustrant un article de l'OCCRP). Il apparaît que le danger de cet entreposage Figure 1: Etat du stockage avant l'accident (Source: OCCRP). avait été bien perçu par les diverses autorités locales, mais que des désaccords sont apparus pour identifier les responsabilités et la conduite à tenir. Au moment de l'accident étaient aussi présents dans le hangar des pneus et des feux d'artifice. Des travaux de soudage pour garantir la fermeture du hangar auraient provoqué un incendie des pneus, puis des feux d'artifice et l'explosion du nitrate d'ammonium. Il convient de noter que : le produit avait vocation à être employé comme explosif, il a été stocké au moins 7 ans, alors que le vieillissement du nitrate d'ammonium peut accroître sa sensibilité à la détonation, les conditions de stockage semblent avoir été propices à la contamination du produit, Le produit a été stocké au voisinage de combustibles et de produits pouvant déclencher une détonation (feux d'artifices). 3 Bibliographie [17], article de l'Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP). PUBLIÉ Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux 13 1 LE CADRE GENERAL En préambule, il est nécessaire de faire un point sur les produits en cause et notamment leurs risques, et sur leur présence dans les ports. 1.1 Les produits concernés Le mot « ammonitrates » est employé couramment pour désigner de nombreux produits très différents par leur nature comme par leurs risques, ce qui peut induire des malentendus. Il est donc important de clarifier ce dont nous parlons et de fixer le vocabulaire au moins pour le présent rapport. Dans celui-ci, le terme « ammonitrates » est réservé pour les engrais et le terme « produits à base de nitrate d'ammonium » est utilisé pour désigner l'ensemble des produits. Après l'identification des produits, nous examinerons les risques présentés par ceux-ci, les nomenclatures qui permettent de les identifier et leurs flux. 1.1.1 Les produits, fabrication et usages4 Il convient de distinguer les produits apparentés suivants qui contiennent la molécule chimique NH4NO3, et sont parfois désignés avec plus ou moins de raison sous le terme « ammonitrates » : L'espèce chimique Nitrate d'ammonium (NH4O3), Le nitrate d'ammonium technique, Le nitrate d'ammonium en solution chaude (NASC), Les engrais ammonitrates à haut dosage (AN HD), Les engrais ammonitrates à moyen dosage (AN MD), Les engrais composés à base d'ammonitrates : engrais complexes et engrais de mélange. 1.1.1.1 L'espèce chimique Nitrate d'ammonium (NH4O3)5 L'espèce chimique Nitrate d'ammonium (NH4O3) n'est pas une substance naturelle. Elle est le plus souvent obtenue par réaction de l'acide HNO3 sur la base NH3. Ses principales propriétés sont les suivantes : Elle contient 35% d'azote en masse. Elle se décompose sous l'effet de la chaleur en libérant des gaz en volume plus ou moins important6 ; A température ambiante, elle se présente sous la forme d'un solide cristallin blanc, qui fond à 170°C et à un changement de forme cristalline à 32°C ; Le nitrate d'ammonium absorbe bien l'humidité et est particulièrement soluble dans l'eau. De ces propriétés du nitrate d'ammonium résultent quelques caractéristiques qui expliquent les risques de cette substance : Le produit peut prendre en masse facilement en cas d'humidité, La décomposition produit des gaz dont certains sont toxiques, 4 La mission n'a pas traité le sujet très spécifique des explosifs à base de nitrate d'ammonium (ANFO). Les explosifs font l'objet d'une règlementation spécifique et l'ANFO n'est généralement constitué que in situ juste avant usage. Bibliographie [2]. Le volume de gaz varie de 1 à 2 selon la réaction de décomposition. Par ailleurs, il est important de souligner que les mécanismes de décomposition sont complexes et font intervenir d'autres paramètres tels que la pression ou l'acidité. 5 6 PUBLIÉ 14 Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux Cette décomposition peut devenir brutale et se transformer en explosion, La décomposition peut être catalysée par diverses substances en très faibles quantités, dérivés chlorés, certains oxydes métalliques... La sensibilité à la décomposition explosive est d'autant plus grande que la granulométrie est faible à l'état solide, et le produit fondu est instable, La transition entre états cristallins provoque la formation de fines : ainsi les variations de températures autour de 32°C accroissent la part des petits cristaux et donc la réactivité du produit, La décomposition explosive peut être amorcée par un choc violent, En cas de chauffage du produit, l'apparition d'une phase liquide et le confinement accroissent le risque de décomposition explosive, La présence de matières combustibles augmente considérablement le risque de décomposition explosive. 1.1.1.2 Le nitrate d'ammonium technique Compte tenu des propriétés explosives de l'espèce chimique NH4NO3, elle est utilisée pour fabriquer une base d'explosifs, en général appelée nitrate d'ammonium technique, constitué de l'élément chimique presque pur et se présentant de préférence sous forme de granulés poreux7 (nitrate d'ammonium basse densité). Le pouvoir explosif intrinsèque est limité, environ le tiers du même poids de l'explosif de référence, le TNT (trinitrotoluène). En revanche, il est très bon marché. Jusqu'à récemment la France produisait du nitrate d'ammonium technique à Mazingarbe (Pas-de-Calais)8. Pour son utilisation, le nitrate d'ammonium technique est additionné de fuel. Il est largement utilisé dans les carrières et les travaux publics. 1.1.1.3 Le nitrate d'ammonium en solution chaude (NASC) Le Nitrate d'ammonium en solution chaude (NASC) est un produit intermédiaire industriel. C'est donc une solution très concentrée de nitrate d'ammonium dans l'eau, qui est utilisée pour fabriquer les divers produits à base de nitrate d'ammonium par évaporation de l'eau. Le NASC ne doit pas être confondu avec les solutions azotées qui sont des engrais liquides constitués par dissolution dans l'eau de divers produits azotés. 1.1.1.4 Les engrais ammonitrates à haut dosage (AN HD) Les plantes ont besoin d'azote et l'agriculture conventionnelle actuelle exige des apports d'azote extérieurs importants. Pour cela l'espèce chimique NH4NO3 est intéressante car elle apporte des ions nitrates, directement assimilables par les plantes, et des ions ammonium qui doivent être transformées par les bactéries du sol pour être assimilables et ont donc un effet retard. Le NASC additionné notamment de produits inertants comme du carbonate de calcium, pour réduire la teneur en nitrate d'ammonium et donc réactivité du produit, est transformé9 en granulés, qui constituent l'engrais appelé ammonitrates. Ce produit est caractérisé, pour des raisons de sécurité10, par sa teneur en azote ainsi que : Sa porosité, 7 8 9 Pour faciliter l'absorption du combustible lors de la constitution de l'ANFO (cf. plus bas). Entreprise MAXAM TAN, mise en liquidation en janvier 2021. La transformation peut se faire par prilling (grain de 2mm), par prilling et grossissement du grain en cylindre (grain de 3,5 mm) ou par granulation en cylindre. Voir règlement européen (bibliographie [14]) et norme française (bibliographie [13]). 10 PUBLIÉ Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux 15 Son pourcentage de matières combustible (exigence de moins de 0,2%), Son pH, Sa granulométrie, Sa teneur en chlore, Sa teneur en métaux lourds. L'ammonitrate à haut dosage (ou à haute teneur) est un ammonitrate contenant plus de 28% d'azote (80% de nitrate d'ammonium pur)11. C'est en général un engrais simple (la seule matière fertilisante est le nitrate d'ammonium et le reste est constitué essentiellement d'inertants). L'ammonitrate 33,5 est le plus répandu en France, mais on distribue aussi des ammonitrates jusqu'à 34,4 % d'azote. 1.1.1.5 Les engrais à base d'ammonitrates, à moyen dosage (AN MD) : engrais simples et mélanges Il existe aussi des engrais à moindre teneur en nitrate d'ammonium. Entre 24,5% et 28% d'azote, on parle d'ammonitrates à moyen dosage ou à moyenne teneur. Le taux d'azote baisse soit parce que la quantité d'inertant est accrue12, soit parce qu'il y a mélange avec une autre substance (sulfate d'ammonium ou sulfate de calcium par exemple). 1.1.1.6 Les engrais composés à base d'ammonitrates : engrais complexes et engrais de mélange Les engrais composés sont des engrais qui associent plusieurs substances chimiques, soit sur un même grain (engrais complexes), soit par mélange de grains de nature différente (engrais de mélange). Ces engrais peuvent être à base d'ammonitrates, mais aussi d'autres engrais azotés comme de l'urée, du sulfate d'ammonium, du phosphate d'ammonium... On parle de NPK pour désigner un engrais contenant de l'azote (N), du phosphore (P) et du potassium (K) et on le caractérise par sa teneur en chacun de ces éléments (par exemple 15-15-15 ou 15-9-2213). 1.1.2 Les risques présentés par ces produits14 Les produits à base nitrate d'ammonium sont des produits très banals, mais leurs risques sont relativement mal connus, sans doute pour plusieurs raisons : Il s'agit de produits bon marché et il n'a pas toujours été jugé utile d'investir dans la recherche sur ceux-ci, Il s'agit de produits tellement banals que beaucoup d'utilisateurs ne leur prêtent guère attention : en particulier il ne semble pas que les exploitants agricoles soient particulièrement sensibilisés aux risques des ammonitrates dont ils stockent souvent des dizaines de tonnes ; 11 Correspondance entre teneur en nitrate d'ammonium et teneur en azote d'un engrais à base d'ammonitrates : Nitrate d'ammonium 98% 95% 80% 77% Teneur en azote 34,4 33,5 28 27 12 C'est le cas du produit appelé CAN27 qui ne contient que 77% de nitrate d'ammonium et est non classé comme matière dangereuse pour le transport. Voir infra § 1.3.3. Ce type de formule, où la teneur en en phosphate est nettement plus faible que les teneurs en azote et potassium, est dite « formule en V ». Bibliographie [2], [7] et [13] et annexe 5 sur l'accidentologie. 13 14 PUBLIÉ 16 Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux Si des accidents impliquant des ammonitrates se sont produits régulièrement, il s'est souvent avéré difficile de comprendre précisément les mécanismes en cause15. Nous passerons en revue quatre types de risques en les illustrant d'exemples : L'explosion, Le dégagement de fumées toxiques à la suite d'un incendie, La décomposition auto-entretenue, L'utilisation malveillante pour commettre des attentats. 1.1.2.1 L'explosion Le risque d'explosion de produits contenant du nitrate d'ammonium est conditionné par de nombreux facteurs, notamment : La granulométrie, et la dégradation de celle-ci par des passages au point de transition de 32°C, La présence de matières combustibles, La présence d'impuretés pouvant jouer un rôle de catalyseur de décomposition (chlore, certains métaux...), Le confinement. Dans certains cas l'explosion peut avoir lieu sans incendie : Explosion par amorçage, en particulier suite à des opérations pour désagréger le produit pris en masse, comme l'explosion d'ammonitrates mélangés à du sulfate d'ammonium à Oppau, Allemagne, en 1921 ; Explosion sans origine connue, comme l'explosion de nitrate d'ammonium « hors spécification » à Toulouse en 2001. Le plus souvent, l'explosion est consécutive à un incendie avec divers scénarios conduisant à l'explosion comme le confinement, ou la fonte du nitrate d'ammonium contenu et sa pollution par des combustibles. Les exemples sont nombreux, notamment l'explosion dans un stockage agricole où des ammonitrates (2 ou 3 t) voisinaient avec des matières combustibles, à Saint-Romain en Jarez, France, en 2003, ou la catastrophe de Beyrouth. Différentes mesures peuvent contribuer à limiter la capacité à exploser d'un produit à base de nitrate d'ammonium : Une limitation de la teneur en nitrate d'ammonium, notamment par ajout de produits inertants : c'est ainsi qu'un produit tel que le CAN27 présente a priori moins de risque que l'ammonitrate haut dosage ; toutefois cela fait débat16 ; Le plafonnement de la porosité, de la présence de composants combustibles ou de chlore et de la présence de fines dans les ammonitrates17 ; L'exigence d'un test de non-détonabilité de moins de trois mois pour les ammonitrates à haut dosage18 ; toutefois il convient de rappeler que les produits sont susceptible de « vieillir » (notamment du fait des 15 Un exemple intéressant est l'accident d'Oppau en Allemagne en 1921, dans une usine d'engrais de BASF. L'accident fit plus de 500 morts et des dégâts jusqu'à 90 km, et creusa un cratère de 15 m de profondeur et 75 m de diamètre. Il fut provoqué par un tir à la dynamite pour désagréger un tas d'ammonitrate et de sulfate d'ammonium pris en masse. Or cette procédure était courante et avait été utilisée sans dommage des milliers de fois auparavant. Les raisons exactes de la sensibilité des engrais en cause ne sont toujours pas claires. Les ammonitrates à moins de 28% d'azote ne sont pas classés « dangereux » dans les règlementations internationales sur le transport, mais ne sont pas reconnus comme « non-dangereux » dans la règlementation française ICPE. Voir pour les ammonitrates à haute teneur, les exigences de l'annexe III du règlement européen sur les engrais (Bibliographie [14]). Voir Règlement européen (Bibliographie [14]). 16 17 18 PUBLIÉ Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux 17 transitions autour du seuil de 32°C), et il a été constaté chez des fabricants que trois mois après un test négatif sur un lot, on pouvait obtenir un test positif19 ; Le conditionnement en sac du produit pour éviter qu'il soit souillé. C'est ainsi que l'ammonitrate haute teneur en vrac est interdit dans les ports maritimes français20 et que le règlement européen prévoit qu'il doit être livré en sac à l'utilisateur final21. Par ailleurs il est important que ces produits soient les moins exposés possibles, d'où les prescriptions de : Tenir à l'écart des explosifs, Tenir à l'écart des matières combustibles et des sources possibles d'incendie, Fractionner les stocks de produits. 1.1.2.2 La décomposition à la suite d'un incendie Des produits contenant du nitrate d'ammonium, pris dans un incendie, le plus souvent n'explosent pas, car la décomposition peut ne pas s'emballer. Toutefois, elle produit des fumées nocives, fumées d'acide nitrique, oxydes d'azote, ammoniac. Les incidents d'ammonitrates pris dans un incendie sont assez fréquents. Il y a des accidents sur des sites industriels mettant en cause des quantités importantes de produits. Il y a aussi une dizaine d'incidents par an de type incidents routiers ou feux de ferme. Dans ces derniers cas, il arrive souvent que les précautions de ségrégation des ammonitrates et des combustibles soient peu respectées22. 1.1.2.3 La décomposition auto-entretenue Un autre risque à prendre en compte, mais qui ne concerne que certains engrais NPK à base d'ammonitrates23 est le risque de décomposition auto-entretenue (DAE), qui a fait l'objet d'une étude relativement récente de l'INERIS24. Une réaction se déclenche dans une masse d'engrais, par exemple au contact d'un point chaud externe. L'engrais se décompose en émettant des gaz toxiques. Le front de décomposition avance dans la masse d'engrais sans apparition de flammes. Il y a eu deux cas notables en France : en 1987, à Nantes dans un entrepôt de 850 t d'engrais NPK 15-8-22, et en 2002, à Saint-Nazaire à bord d'un cargo chargé de 2 500 t NPK 15-12-24. Il y a eu aussi plusieurs cas à bord de navires25 La propension d'un engrais à la DAE fait l'objet d'un test spécifique dit « test en auge » reconnu au niveau international, et celui-ci sert à qualifier les différents produits. Toutefois il convient de noter que l'INERIS recommande de revoir ce test dont la fiabilité ne lui semble pas suffisante et que certains incidents concernaient 19 20 Incidents YARA Montoir de mai 2009 et Grande Paroisse Grand-Quevilly de décembre 2008. Règle qui fait suite à l'explosion d'un navire d'ammonitrates en vrac dans le port de Brest en 1947, mais qui ne s'applique pas dans les ports fluviaux. Mais les ammonitrates à haute teneur ne sont généralement pas vendus en France sous marquage CE pour échapper à cette contrainte et pouvoir être commercialisés en vrac (voir infra les aspects règlementaires). Certains interlocuteurs ont fait valoir qu'il n'y avait pas eu d'accident mortel dans des feux de ferme avec ammonitrates depuis 2003 et en tirent la conclusion que les risques sont mineurs. Au contraire, les SDIS rencontrés ont fait valoir que un de leurs premiers soins en cas de feu de ferme est de déterminer la présence ou non d'ammonitrates, et d'adapter leur conduite en conséquence pour prévenir une explosion. Cela ne concerne pas les engrais composés à base d'urée. Voir Bibliographie [13]. Voir annexe 5 sur l'accidentologie. 21 22 23 24 25 PUBLIÉ 18 Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux des engrais ayant satisfait au test et donc classés comme non-dangereux. L'INERIS a signalé qu'il y a des réflexions au niveau international pour revoir le classement « susceptibilité à DAE ». Dans la pratique, les produits actuellement déclarés comme susceptibles de DAE semblent peu nombreux. 1.1.2.4 Les actes de malveillance Le sujet de la malveillance n'est pas dans le champ strict de la mission. Néanmoins, il semble utile d'en dire un mot. Le nitrate d'ammonium n'est pas considéré comme un explosif par lui-même, mais il peut être très facilement être transformé en explosif, qu'il s'agisse de nitrate d'ammonium technique évidemment dont c'est la finalité, mais aussi qu'il s'agisse d'autres produits à base de nitrate d'ammonium. Plus la teneur en nitrate d'ammonium est élevée, mieux c'est, même si la fiabilité peut être incertaine. Une personne malveillante peut intervenir sur le produit pour le rendre plus réactif (broyage, addition de combustibles et/ou de catalyseurs...). Par ailleurs, une caractéristique des ammonitrates est leur grande disponibilité sous une forme aisément transportable et manipulable26. Parmi les cas avérés d'utilisation d'ammonitrates (engrais) à des fins terroristes, signalons les cas suivants : 1993 : attentat de Bishopsgate à Londres 1995 : attentat d'Oklahoma City, 2002 : attentat de Bali, 2011 : attentat d'Oslo27. Si les ammonitrates ne semblent pas le premier recours des terroristes, il n'est pas discutable que c'est une matière d'intérêt pour eux. En conséquence, divers pays ont fortement restreint ou règlementé l'usage d'ammonitrates à haut dosage (Irlande, Australie...)28. Au niveau européen, les ammonitrates sont visés par le règlement européen sur les précurseurs d'explosifs29. Il importe toutefois de noter que le risque présenté par un « ammonitrate » en situation accidentelle est très différent de celui qu'il peut présenter en cas de manipulation par une personne malveillante. 1.1.2.5 La synthèse des risques des grandes familles de produits Les risques des différents produits à base de nitrate d'ammonium peuvent être résumés comme suit : Explosion Décomposition DAE Malveillance suite à incendie NH4NO3 technique +++ +++ --+++ NASC +++ +++ ---30 AN HD ++ ++ --+++ AN MD + + --++ NPK + + Variable de - à ++ -/+ En conclusion, si les risques des produits à base de nitrate d'ammonium en général sont bien connus, il existe encore des zones d'incertitudes sur au moins deux points essentiels à une bonne maîtrise des risques de ces produits : 26 On peut envisager de purifier un produit peu riche en nitrate d'ammonium en faisant fondre celui-ci et en le séparant, mais ce n'est pas une opération sans risque, alors qu'il est facile de trouver de l'AN HD. Le terroriste avait créé une société à vocation agricole pour pouvoir acheter plusieurs tonnes d'ammonitrate haut dosage. D'autres pays comme l'Allemagne, la Belgique et les Pays-Bas ont imposé des restrictions comparables, mais en réponse aux accidents survenus entre les deux guerres (cf. accidentologie en annexe 5). Bibliographie [15]. La nature du NASC le rend peu accessible et d'un emploi peu pratique. 27 28 29 30 PUBLIÉ Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux 19 A partir de quel seuil de teneur en nitrate d'ammonium, la réactivité des produits diminue-t-elle significativement en situation accidentelle ?31 Comment identifier de façon plus fiable les NPK susceptibles de DAE ? Afin de lever les incertitudes techniques restantes sur les risques des produits à base de nitrate d'ammonium, la mission considère qu'il serait utile que le Ministère de la transition écologique demande à l'INERIS de conduire deux études sur d'une part le seuil de teneur en nitrate d'ammonium sous lequel la réactivité des produits serait fortement réduite en situation accidentelle, d'autre part une méthode d'identification plus fiable des engrais susceptible de DAE. 1.1.3 La nomenclature des produits Les produits contenant du nitrate d'ammonium sont nombreux et présentent des risques différents. Il est donc souhaitable de pouvoir identifier clairement sinon chaque produit, du moins les principales catégories de produits. Pour cela nous disposons de plusieurs nomenclatures qui correspondent à des objectifs distincts et donc n'ont pas toujours des correspondances claires ; par ailleurs leur mise en oeuvre n'est pas toujours fiable, ce qui a un impact notamment sur les statistiques. Les principales nomenclatures sont : La codification ONU pour le transport des matières dangereuses, La nomenclature ICPE, La nomenclature des Douanes, La nomenclature statistique des transports. 1.1.3.1 La codification ONU pour le transport des matières dangereuses La codification ONU pour le transport des matières dangereuses a l'avantage d'être reconnue internationalement. Elle attribue aux différentes matières dangereuses un nombre à 4 chiffres et donne en regard une classe de danger. Elle vise le transport de marchandises. Le détail figure en annexe 6. Concrètement, elle distingue : Les explosifs à base de nitrate d'ammonium (ONU 0222), Le nitrate d'ammonium technique sous diverses formes (ONU 1942, ONU 3375), Le NASC (ONU 2426), L'ammonitrate haut dosage (ONU 2067), Les NPK à risques de DAE (ONU 2071). Dans cette nomenclature, les autres produits à base de nitrate d'ammonium ne sont pas classés et donc ne sont pas répertoriés comme dangereux. 1.1.3.2 La nomenclature ICPE La nomenclature ICPE vise les installations qui fabriquent et stockent les produits. Le détail figure en annexe 6. Elle distingue : Les explosifs à base de nitrate d'ammonium (4220), Le nitrate d'ammonium technique sous diverses formes et le NASC (4701), 31 Un rapport de 2004 (bibliographie [5] recommandait une étude sur le sujet, mais cela n'a pas eu de suite. PUBLIÉ 20 Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux Les ammonitrates haut dosage (4702-II), Les ammonitrates moyen dosage (4702-III), Les ammonitrates bas dosage (4702-IV), Les NPK à risques de DAE (4702-I), Les produits à base de nitrate d'ammonium et à forte teneur non-conformes (4703). Il est à noter que cette nomenclature classe des produits qui ne sont pas classés par la nomenclature internationale sur le transport des matières dangereuses. 1.1.3.3 La nomenclature des Douanes Les Douanes utilisent la nomenclature NC8 (nomenclature combinée à 8 chiffres), définie au niveau européen. Elle permet notamment de déterminer les droits de douanes et élaborer les statistiques du commerce extérieur. Elle est utilisée dans les DAU (document administratif unique rempli dans le cadre des opérations de commerce extérieur à l'Union européenne) et les DEB (déclaration d'échange de biens, entre la France et le reste de l'Union). 1.1.3.4 La nomenclature statistique des transports (NST) La nomenclature NST est utilisée par certains interlocuteurs, notamment dans le fluvial. Elle n'est pas utilisable dans le cadre de la mission car elle identifie au mieux les « engrais nitrés », sans distinction entre ammonitrates de diverses teneurs, NPK nitrés, nitrate de calcium, etc... 1.1.3.5 La correspondance entre les nomenclatures Remarques La correspondance approximative des nomenclatures est la suivante : Codification Réglementa Douanes (NC8) ONU tion ICPE NH4NO3 additionné de 0222 1312 3602 00 00 matières combustibles NH4NO3 technique 1942 et 3375 4701 3102 30 90 NASC 2426 4701 3102 30 10 AN HD 2067 4702-II 3102 40 90 AN MD néant 4702-III 3102 40 10 NPK susceptibles DAE Autres 2071 4702-I 4703 (rebuts de fabrication) (plus de 10% azote) La rubrique Douanes couvre aussi les ammonitrates bas dosage 3105 20 10 Il semble y avoir facilement confusion lors des déclarations de nomenclature entre le nitrate d'ammonium technique et l'ammonitrate haut dosage. Ce point nous a été signalé par le fabricant français de nitrate d'ammonium technique pour la nomenclature Douanes, et par exemple le port de Desgrad des Cannes en Guyane rend compte d'importations d'ammonitrates classés ONU 2067 par un fabricant d'explosifs32. Par ailleurs, l'utilisation de nomenclatures différentes rend difficile l'identification des produits présentant des risques. 32 La bonne nomenclature serait ONU 1942. PUBLIÉ Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux 21 Il est important de bien distinguer entre les différents produits à base de nitrate d'ammonium pour éviter des malentendus, notamment la confusion entre produits couramment qualifiés d'« ammonitrates » et présentant des niveaux de risques assez différents. 1.1.4 Les flux de produits33 S'il est possible d'avoir des ordres de grandeur des flux globaux, il est difficile d'avoir une vue précise des flux des différents produits par moyens de transport car les informations ne se recoupent pas toujours entre données interprofessionnelles, chiffres des douanes, données des ports maritimes et informations d'industriels. 1.1.4.1 Nitrate d'ammonium technique Il semble que le marché national métropolitain serait de de l'ordre de 50 000 t. Il existait un producteur national, MAXAM TAN, disparu en janvier 2021, qui exportait de l'ordre de 78 000t/an dont 14 000 t par voie fluviale, le reste par route. Il y a un importateur principal qui importe par voie routière de ses usines européennes (20 000t). Les ports maritimes de métropole ne signalent que du transit de produit en conteneurs. Il existe un trafic d'importation outremer pour les travaux publics. 1.1.4.2 Ammonitrate haut dosage Selon l'UNIFA, qui regroupe les principaux acteurs de l'industrie des engrais et fournit des statistiques sur leur consommation, la consommation d'AN HD en France métropolitaine est de l'ordre de 1 500 kt/an, avec des variations annuelles, mais une tendance à la décroissance. La France est l'un des principaux marchés européens et un gros producteur. Les exportations sont de l'ordre de 180 kt/an, dont 150 par voie maritime. Les importations seraient de l'ordre de 290 kt/an dont 110 kt/an par voie routière, de l'ordre de 130 kt par voie maritime et 50 kt par voie fluviale. Outre-mer, l'apport d'azote à l'agriculture se fait par de l'urée, selon les experts consultés, et les ports ultra-marin déclarent un trafic d'AN HD presque nul34. 1.1.4.3 Ammonitrates moyen dosage La consommation d'AN MD de la France métropolitaine est de l'ordre de 1 000 kt/an. Elle tend à décroître comme la consommation d'AN HD. Les ports n'ont pas de statistiques sur ces produits qui ne sont pas classés comme matières dangereuses. Les Douanes donnent des exportations couvertes par le secret statistique, et des importations de 865 kt/an, dont 264 kt/an par voie maritime et 99 kt/an par voie fluviale. 1.1.4.4 Engrais à risque DAE Les éléments disponibles ne permettent pas d'identifier les flux d'engrais à risque DAE. 33 34 Voir détail à l'annexe 6, §A6.2 A l'erreur d'imputation de la Guyane près. PUBLIÉ 22 En milliers de tonnes NH4NO3 AN HD AN MD NPK (DAE) Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux Marché national 50 1 500 1 000 n.d Importation 20 290 884 n.d Exportation 78 180 n.d n.d Voie maritime 0 150 export 130 import n.d export 264 import n.d Voie fluviale 14 export 50 n.d export 100 import n.d En conclusion, si le tableau ci-dessus donne des ordres de grandeurs des flux de produits à base de nitrate d'ammonium, il n'existe pas à ce jour de données précises, claires, fiables et recoupables sur les flux, faute d'un système de collecte et de centralisation des informations adapté35. Comme on le verra plus loin, cette difficulté s'accroît encore lorsque l'on veut identifier les flux par port. 1.2 La manutention, le dépôt à terre et le stockage des ammonitrates dans les ports 1.2.1 Les opérations dans les ports Un certain nombre de malentendus peuvent apparaître du fait de confusions concernant les opérations sur les produits à base de nitrate d'ammonium dans les ports. Il importe donc de préciser le vocabulaire et de distinguer36 entre : Le transit : dans le cas d'un transit, un bateau passe dans un port, stationne et éventuellement se met à quai, mais ne décharge pas37. Le transit relève de la règlementation sur la navigation. Le déchargement/chargement : dans ce cas la marchandise est retirée du bateau ou montée à bord. C'est une opération d'une durée limitée. Le transbordement : il s'agit d'un transfert direct d'un moyen de transport vers un autre, bateau, train ou camion. Le dépôt à terre : le transbordement direct n'est pas toujours possible et la marchandise doit séjourner sur le quai. Le dépôt à terre est en principe très temporaire ; il est encadré au moins dans la règlementation des ports maritimes (voir § 2) et lorsque le quai est rattaché à une ICPE (voir § 4). Le stockage : il s'agit d'entreposer la marchandise pour un temps plus ou moins long en un lieu déterminé, souvent un hangar, parfois à ciel ouvert pour des produits conditionnés. Toutes ces opérations impliquent la présence de marchandise, mais elles relèvent de règlementations distinctes. Comme cela sera vu ci-dessous, une question Figure 2: Dépôt à terre à Saint-Malo (Source: mission) 35 36 37 Voir plus loin, §2 et §3. Il faut toutefois noter que l'emploi de ce vocabulaire ne semble pas homogène, par exemple entre ports maritimes et ports fluviaux. Par exemple des navires fluvio-maritimes chargés d'ammonitrates haute teneur transitent par le port maritime de Rouen (où ils n'ont pas le droit de décharger), le temps de baisser leurs superstructures afin de passer sous les ponts de Rouen, avant d'aller décharger dans le port fluvial d'Elbeuf. PUBLIÉ Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux 23 importante est de savoir quelle marchandise reste dans le port sous quelle règlementation pendant combien de temps. La marchandise peut se présenter en vrac ou en sacs fermés et étanches de 600 kg environ (appelés big bags, voir figure 1) pour les engrais, et plutôt en sacs de 25 kg pour l'ammonitrate technique. Dans certains cas les sacs peuvent être eux-mêmes en conteneurs. Figure 3: Big bag d'ammonitrates (Source: mission). 1.2.2 La présence d'ammonitrates dans les ports Les produits présents dans les ports sont essentiellement des ammonitrates et non du nitrate d'ammonium technique. Hors ICPE, la présence d'ammonitrates dans les ports est constituée par les dépôts à terre. Dans les ports maritimes, comme cela est détaillé au § 2, ces dépôts sont strictement encadrés en ce qui concerne la localisation à l'intérieur du port, la quantité maximale admissible, les règles de stockage (ilots de taille limitée) et la durée de séjour (quelques jours). Dans les ports fluviaux, comme cela est détaillé aux § 3, il n` y a pas en général de dispositions particulières. Sauf cas particulier, l'information sur la quantité présente à un moment donné sur un port n'est pas disponible. PUBLIÉ 24 Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux 2 LA GESTION DES MATIERES DANGEREUSES, NOTAMMENT LES AMMONITRATES, DANS LES PORTS MARITIMES La gestion des matières dangereuses, et en particulier des produits à base de nitrate d'ammonium, dans les ports maritimes est encadrée par une règlementation adaptée et connue des acteurs, et assurée de façon rigoureuse, même si des améliorations du dispositif sont souhaitables, notamment en ce qui concerne la coordination fonctionnelle entre ports et la collecte et l'exploitation des informations sur le trafic des matières dangereuses. 2.1 Les ports maritimes Chaque port maritime relève d'un statut bien défini. Dans ce cadre seuls deux types de ports peuvent recevoir pour transit, déchargement ou chargement des matières dangereuses. Ce sont : les Grands ports maritimes, établissements publics de l'Etat, les ports de commerce décentralisés auprès des collectivités territoriales38 figurant sur une liste fixée par voie règlementaire (arrêté du 26/10/2006). Le tableau suivant synthétise pour ces deux catégories de port les autorités et leurs responsabilités39 : Fonction Autorité portuaire Autorité investie du pouvoir de police portuaire (AI3P) Grands ports maritimes Président du directoire Président du directoire Ports décentralisés Président de la collectivité ou équivalent Préfet de département Référence Art L5331-5 du code des transports Arrêté du 27 octobre 2006 fixant la liste des ports où l'AI3P est l'Etat Art L5331-6 du code des transports Art R 5331-6 du code des transports Art R 5331-5 du code des transports Art R5331-8 du code des transports Art L5331-8 du code des transports Art L5331-10 du code des transports et Art 11--3-1 du RPM Art R5333-14 du code des transports Autorité administrative Capitainerie Préfet de département Personnel appartenant au corps des officiers de port rémunérés par le GPM Préfet de département Règlementation générale des matières dangereuses Règlement local des matières dangereuses Police des dangereuses matières Personnel appartenant au corps des officiers de port, restant sous l'autorité de l'Etat, géré par une DDTM Ministre par arrêté du 18 juillet 2000 modifié, la dernière modification datant de Novembre 2020 Elaboré par la capitainerie, Elaboré par la capitainerie, signé par le préfet signé par le préfet Capitainerie sous l'autorité de l'AI3P, donc de la direction du port Capitainerie sous l'autorité de l'AI3P, donc du préfet 38 A la suite de la loi NOTre du 7 août 2015 portant organisation territoriale de la République 39 Article L5331-7 : L'autorité portuaire exerce la police de l'exploitation du port, qui comprend notamment l'attribution des postes à quai et l'occupation des terre-pleins. Elle exerce la police de la conservation du domaine public du port. Article L5331-8 : L'autorité investie du pouvoir de police portuaire exerce la police du plan d'eau qui comprend notamment l'organisation des entrées, sorties et mouvements des navires, bateaux ou autres engins flottants. Elle exerce la police des marchandises dangereuses. Elle contribue au recueil, à la transmission et à la diffusion de l'information nautique. PUBLIÉ Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux 25 2.2 Les flux d'ammonitrates dans les ports maritimes La mission a essayé d'identifier les ports qui ont un trafic de produits à base de nitrate d'ammonium, et en particulier d'ammonitrates. Les informations recueillies ne sont peut-être pas complètes, compte tenu des carences dans la gestion de l'information sur les matières dangereuses détaillées par ailleurs. Elles sont susceptibles d'évoluer avec le marché et la politique des acteurs, importateurs, exportateurs et clients. Les ports identifiés actuellement comme ayant un trafic de nitrate d'ammonium ou d'ammonitrates haut dosage classés comme matières dangereuse sont40 : Outre-mer : Grand port maritime de Guyane et port décentralisé de Mayotte (importation de nitrate d'ammonium technique), Grand port maritime de la Réunion (quelques tonnes d'ammonitrates haut dosage). Métropole : o GPM de Dunkerque (transit de nitrate d'ammonium technique en conteneurs) o GPM du Havre (transit de nitrate d'ammonium technique en conteneurs). o GPM de Rouen dont Honfleur (importation et exportation d'ammonitrates) o Saint-Malo (importation d'ammonitrates) o Saint-Brieuc (importation d'ammonitrates) o GPM de Nantes/Saint-Nazaire (importation et exportation d'ammonitrates) o Les Sables d'Olonne (importation d'ammonitrates) o Rochefort (importation d'ammonitrates) o GPM de Marseille (transit de nitrate d'ammonium technique en conteneurs) Parmi les précédents, seuls les ports d'Honfleur, de Nantes/Saint-Nazaire et des Sables d'Olonne comportent des ICPE soumises au moins à déclaration pour le stockage de produits à base de nitrate d'ammonium. Les ports de Rouen et Nantes/Saint-Nazaire comportent des ICPE d'industriels fabriquant des ammonitrates, respectivement Boréalis et Yara. Des stockages peuvent exister dans d'autres ports, notamment La Rochelle, Ambès et Bayonne mais ces ports n'ont plus aujourd'hui de trafic maritime d'ammonitrates et les stockages sont alors desservis uniquement par la route. 2.3 La règlementation des ports maritimes pour les matières dangereuses et son application La réglementation sur le transport des matières dangereuses par mer est exclusivement internationale, définie au niveau de l'Organisation maritime internationale (OMI) (cf. § 4.1.2). Cette réglementation internationale est complétée pour ce qui concerne les opérations de manutention dans les ports par le Règlement pour le Transport et la Manutention des Matières Dangereuses dans les ports Maritimes (RPM). Ce texte fait l'objet d'actualisations régulières par arrêté du ministère de la transition écologique. Le RPM fixe les prescriptions générales à respecter concernant l'admission de matières dangereuses dans les ports maritimes, qu'il s'agisse de leur prise en compte dans l'exploitation des ports, des dispositions particulières pour leur manutention ou des mesures de sécurité à prendre à bord des navires. Par ailleurs, il fixe des prescriptions particulières pour le traitement des différentes classes de matières dangereuses, éventuellement pour certains produits spécifiques. En particulier, il identifie les mesures à prendre pour les produits à base de nitrate d'ammonium de classe 5.1 et 9. 40 Voir tableau détaillé en annexe 6. PUBLIÉ 26 Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux Le RPM doit être décliné localement par un Règlement Local pour le Transport et la Manutention des Matières Dangereuses (RLMD). Celui-ci précise, par exemple, en fonction de l'organisation locale, des aménagements du port et de la nature des trafics : Les interdictions de certains trafics La liste des postes à quais où le navire de matières dangereuses peut être chargé ou déchargé en fonction de la classe des matières dangereuses Les conditions d'exploitation de ces postes spécialisés Éventuellement, les quantités maximales admissibles, la durée des opérations, les distances de séparation des îlots, la nécessité de gardiennage des dépôts à terre... Les systèmes d'incendie et leur contrôle Le projet de règlement local est établi par la capitainerie, examiné par le SDIS, la DDT et la DREAL et signé par le préfet. La mise en oeuvre des dispositions du RPM et du RLMD est assurée par la capitainerie. Concrètement, toute opération (import, export et transit) de produits à base de nitrate d'ammonium fait l'objet obligatoirement d'une demande préalable auprès de la capitainerie qui étudie, au vu des quantités et du poste d'accostage prévu, la conformité aux RPM et RLMD. Si c'est le cas, celle-ci communique à l'agent maritime les conditions d'acceptation ainsi que les consignes de sécurité et la fiche Alerte qui est transmises au navire. La capitainerie veille à la bonne exécution de ces consignes pendant toute la durée de l'escale et ce jusqu'au départ du navire dont le séjour doit être le plus court possible. Un gardiennage des dépôts à terre est obligatoire à partir de 200 t (cf. RPM). 2.4 Les constats de la mission et ses recommandations Sur la base de ses visites de terrain, la mission peut faire plusieurs constats. Tout d'abord, il apparaît que le contrôle de la manutention des matières des matières dangereuses est bien maîtrisé par les capitaineries, pour qui il s'agit d'une mission essentielle. La mission a pu observer une bonne coopération entre les capitaineries et les SDIS locaux, concernant notamment le fonctionnement et la formation pour les systèmes d'incendie sur les ports maritimes. Dans certains ports, des conventions existent traitant aussi bien de la formation des personnels que du financement éventuel de certains équipements. Dans certains ports, des mesures intéressantes pour améliorer la maîtrise de la manutention des matières dangereuses, notamment des ammonitrates, ont été mises en place au-delà de ce qui est prévu dans la réglementation nationale: inspection des navires préalablement au déchargement, information de la DD(ETS)PP41 référente régionale sur les ammonitrates pour lui donner la possibilité de faire des contrôles de qualité des produits... L'annexe 7 présente les différents RLMD des ports visités par la mission. Certains d'entre eux méritent quelques ajustements. La mission ne s'est intéressée qu'aux RLMD des ports maritimes ayant un trafic actuel d'ammonitrates. D'autres ports (par exemple Dieppe, Bayonne, La Rochelle, Ambès, Sète, Port la Nouvelle) 41 A la suite de la réforme de l'administration territoriale, ont été créées des directions départementales de l'emploi, du travail, des solidarités et de la protection des populations, regroupant notamment les services en charge du travail et ceux en charge de la concurrence et de la consommation, pour certains départements, d'autres conservant des directions départementales de la protection des populations. PUBLIÉ Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux 27 autorisent les trafics d'ammonitrates, mais n'ont pas eu de trafic au cours des dernières années. Si de tels trafics devaient reprendre, il serait souhaitable que les RLMD correspondants soient alors réexaminés. L'attention de la mission ayant été particulièrement attirée par les préfets sur les ports de Saint-Malo et des Sables d'Olonne, les annexes 8 et 9 décrivent la situation de ces ports et formulent des propositions à l'attention des autorités locales. Il est par ailleurs apparu quelques points d'amélioration possible de manière générale. Tout d'abord, les capitaineries, même celles des grands ports maritimes, sont apparues assez isolées : contacts limités avec le niveau national (DGITM ou DGPR selon les missions), inexistence d'une animation nationale ou locale formalisée, peu d'échanges de bonnes pratiques au-delà de certaines relations interpersonnelles... Les personnels font au mieux en recourant à des réseaux informels de connaissances (association des commandants de port) ou à des appuis syndicaux. Il est apparu clairement le besoin qu'une animation des capitaineries soit assurée au niveau national. Logiquement ce rôle devrait être assuré par la DGITM, avec la DGPR pour ce qui concerne les matières dangereuses, mais cela doit être formalisé et les moyens nécessaires identifiés. Par ailleurs, un relais local semble nécessaire, au moins pour les capitaineries des ports décentralisés. Il faut signaler l'initiative de la Bretagne où une seule DDTM a été désignée, celle du Finistère, à laquelle sont rattachées toutes les capitaineries de la région, quel que soit le département. Ceci avait déjà été signalé dans le rapport 010879-01 de 2017 du CGEDD sur les capitaineries dans les ports décentralisés42 comme une initiative particulièrement opportune. Une illustration de ce besoin de pilotage apparaît dans l'élaboration des RLMD. Ils étaient autrefois soumis à l'avis de la Commission Interministérielle des Matières dangereuses. Le processus a été déconcentré, mais cette déconcentration a été faite sans identifier les responsabilités. Ainsi le SDIS et la DREAL n'examinent que ce qui relèvent de leur champ de responsabilité direct et il n'y a pas de revue globale. Le résultat est que même le RLMD d'un grand port peut contenir des erreurs. En outre les bonnes pratiques développées par certains ports doivent être valorisées, plus systématiquement que par la voie d'échanges informels. Il existe une certaine ambiguïté entre les rôles d'Autorité portuaire(AP) et d'Autorité investie du pouvoir de police portuaire (AI3P). Dans les ports décentralisés, les capitaineries sont sous l'autorité du préfet (AI3P) pour une partie de leurs missions, dont la police du transport des matières dangereuses, et sous celle de l'autorité portuaire pour d'autres. Il peut y avoir des contradictions entre les deux autorités, mais leurs rôles sont clairs. En revanche, dans les grands ports maritimes, où les capitaineries ne relèvent que de la direction du port, qui cumule les fonctions d'Autorité portuaire et d'AI3P, la situation peut être paradoxalement moins claire dans la pratique. L'autorité portuaire ne se sent pas toujours investie des missions d'AI3P alors que la préfecture n'a pas de compétence officielle au-delà de la signature du Règlement local. Il peut en résulter une position inconfortable de la capitainerie, d'autant plus que celle-ci est assez isolée faute de l'existence d'un service national investi de la mission de leur coordination fonctionnelle. Par ailleurs, la mission a pu constater que la perception du travail réalisé par les ports varie suivant le degré de connaissance et le positionnement hiérarchique des interlocuteurs. La mission a pu observer un fonctionnement proche entre les capitaineries et les SDIS locaux, concernant notamment le fonctionnement et la formation pour les systèmes d'incendie sur les ports maritimes. La situation diffère lorsqu'il s'agit de relations plus institutionnelles au niveau de services de l'Etat et des préfets. Les préfets souhaitent légitimement avoir au sein de la direction du port, un interlocuteur qui maîtrise l'ensemble des questions de sécurité (et de sûreté) alors que l'Autorité portuaire n'est, en droit, pas directement responsable 42 Cf. bibliographie [12]. PUBLIÉ 28 Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux de la sécurité des opérations portuaires, notamment de la manutention des matières dangereuses, qui relève des exploitants portuaires (manutentionnaires) sous le contrôle de l'AI3P, en pratique de la capitainerie, et encore moins responsable de la sécurité des installations classées implantées sur l'espace portuaire qui relève des exploitants de ces installations sous le contrôle de la DREAL.43 En pratique, dans certains ports, la direction du port assure néanmoins un rôle de coordination de ces acteurs. Il existe ainsi dans certains ports des conventions traitant aussi bien de la formation des personnels que du financement éventuel et du partage de certains équipements de sécurité. Au niveau central de l'Etat le débat est ouvert entre le Ministère de l'Intérieur et le Ministère chargé des transports pour la modernisation d'une circulaire de 1975 régissant l'intervention des ports maritimes pour la sécurité contre l'incendie. Il serait souhaitable que les services sur le terrain puissent faire directement remonter leurs bonnes pratiques à ces deux ministères. Recommandation n° 1. Afin d'augmenter l'efficacité des capitaineries des ports maritimes, notamment dans la gestion des matières dangereuses, la mission recommande que la Direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM) et la Direction générale de la prévention des risques (DGPR) assurent au niveau national le pilotage fonctionnel des capitaineries, notamment la coordination au moyen de réunions régulières, l'appui et le conseil, l'organisation de la formation, l'échange d'expérience, le pilotage de la mise à jour des règlements locaux Matières dangereuses. Elle recommande aussi que le ministère de la transition écologique, en liaison avec le ministère de l'intérieur, désigne, pour chaque région comportant plusieurs ports de commerce décentralisés avec capitainerie sous la responsabilité de l'Etat, une Direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) pilote chargée d'assurer le relais local de coordination de ces capitaineries, comme cela est pratiqué en Bretagne. Il est apparu que si les capitaineries disposent de toutes les données sur les flux de matières dangereuses, les divers systèmes d'information ne sont pas interopérables et qu'aucune synthèse n'est possible. Ainsi il n'est pas possible de répondre de façon fiable à la question posée à la mission sur les flux d'ammonitrates dans les ports maritimes. Ce point est développé au § 2.5 ci-dessous. Dans le cadre de la mission, il est apparu que des compléments au RPM seraient souhaitables. Ainsi, les dispositions du RPM fixant les dispositifs d'intervention en cas d'incendie lors de chargement/déchargement d'ammonitrates semblent peu adaptées au cas de cargaisons en conteneurs. Aussi, il serait utile que la DGPR examine les aménagements à apporter au RPM pour mieux prendre en compte le trafic en conteneurs, en y associant notamment des représentants des capitaineries. Par ailleurs, il est aussi apparu que le RPM ne prévoyait pas le passage dans les ports de matières dangereuses transportées par des ferries et que les capitaineries ont également des attentes à ce sujet. 43 Ainsi les études de dangers qui sont imposées sur certains ports ne sont pas de la responsabilité de la direction des ports, mais de chacun des exploitants. L'Autorité portuaire assure parfois, mais pas toujours, une coordination de ces études (cahier des charges commun par exemple). PUBLIÉ Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux 29 La mission a pu observer que l'information de la population riveraine des ports sur les trafics de matières dangereuses est assez faible, ce qui peut conduire à des malentendus relayés dans la presse locale. La mission suggère que des réunions d'information soient organisées par l'autorité portuaire, avec les industriels et les entreprises concernées, pour faire connaitre aux élus et aux associations locales la réalité du trafic et les moyens mis en oeuvre localement pour assurer la sécurité des marchandises et des personnes. La mission considère que des telles réunions d'informations peuvent être organisées de manière informelle et qu'il n'est nullement nécessaire de constituer des Commissions locales d'information comme pour les usines Seveso pour conduire de telles actions. Les opérateurs de manutention ou les exploitants portuaires de terminaux ont obligation de faire appel à un conseiller à la sécurité TMD (transport de matières dangereuses), externe ou interne à l'entreprise, qui propose à l'entreprise les mesures utiles à la prévention des accidents ainsi que les procédures d'urgence appropriées en cas d'accidents ou d'incidents. Celui-ci établit un rapport annuel selon une trame fixée par la règlementation (article 6 alinéa 5 de l'arrêté TMD). La mission a le sentiment que ces rapports ne sont ni connus, ni exploités. Il serait utile que ces rapports annuels soient systématiquement transmis aux capitaineries des ports. 2.5 Les difficultés à collecter l'information sur les flux de matières dangereuses Les ports maritimes utilisent les codes ONU, et disposent de données fiables et exploitables car les armateurs sont obligés de fournir à la capitainerie les données relatives aux matières dangereuses, suivant le code ONU des marchandises selon un formulaire FAL n° 7. Certains grands ports maritimes ont élaboré un logiciel spécifique pour traiter ces informations, appelé TIMAD, logiciel que n'utilisent pas tous les ports, et diffusé à titre commercial. Cette situation est en train d'évoluer. Il existe en ce moment divers groupes de travail au niveau européen sur ce sujet : l'un pour la mise en oeuvre du règlement 2019/1239 du 20 juin 2019 établissant un système de guichet unique maritime européen (EMSWe) un autre pour le règlement européen 2020/1056 du 15 juillet 2020 concernant les informations électroniques relatives au transport de marchandises (eFTI) concernant tous les modes de transport (fluvial, routier et routes), à l'exception du maritime qui s'appuie sur l'OMI. En outre, la réunion commune RID/ADR/ADN est en train de fixer des lignes directrices permettant, conformément au règlement européen, d'assurer un suivi électronique multimodal des matières dangereuses. Par ailleurs, il conviendra de tenir compte du code des douanes de l'Union « Hazmat »44 qui fixe une liste de marchandises dangereuses et polluantes qui doivent être notifiées. Les autorités nationales peuvent fixer des exigences dans le droit national et les notifier à la Commission au plus tard le 21 août prochain d'après le règlement eFTI, sachant que les données sont anonymisées pour un traitement statistique. 44 Directive 2002/59/CE du 27 juin 2002 qui prévoit dans son annexe I §2 et § 3 les informations à fournir pour le navire. PUBLIÉ 30 Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux Il paraît opportun qu'une fois que ces travaux auront abouti, il puisse être développé, de manière mutualisée, un système commun à l'ensemble des ports (au moins aux GPM) plutôt que de laisser chacun d'entre eux développer son propre système. Recommandation n° 2. La mission recommande que la DGITM, en liaison avec la DGPR, développe un système de gestion des matières dangereuses unique pour tous les ports et permettant une consolidation nationale, en profitant des travaux actuels sur la mise en place d'un guichet maritime unique, la déclinaison du règlement européen eFTI et les lignes directrices de la réunion commune RID/ADR/ADN (accords internationaux sur le transport des matières dangereuses par fer, route et voie navigable intérieure). PUBLIÉ Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux 31 3 LA GESTION DES MATIERES DANGEREUSES, NOTAMMENT LES AMMONITRATES, DANS LE TRANSPORT FLUVIAL ET DANS LES PORTS FLUVIAUX 3.1 Les ports fluviaux concernés par le trafic d'ammonitrates Le trafic fluvial de matières dangereuses, et notamment d'ammonitrates, en France ne concerne que le réseau à grand gabarit. On distingue quatre zones : la Seine, le secteur Rhin-Moselle, l'axe Rhône-Saône, et les canaux des Hauts-de-France. La première difficulté rencontrée est celle de l'identification des ports fluviaux concernés par le trafic d'ammonitrates. En effet, il n'existe pas de statut bien défini pour ces ports intérieurs. On pourrait définir un port intérieur comme une partie d'un bord de voie d'eau concédé par VNF à un acteur, par exemple une CCI. Il y a des grands ports, comme ceux de Paris, de Strasbourg, de Lyon, qui ressemblent à des ports maritimes en taille et en tonnage, et qui s'étendent sur plusieurs dizaines d'hectares et plusieurs dizaines de km, et des ports beaucoup plus petits comme le port d'Elbeuf, réduit à un quai de 150 m de long. Le Rhône est concédé dans son entièreté à la Compagnie Nationale du Rhône (CNR). La mission a rencontré assez souvent des ports exploités par une CCI sur le domaine concédé par VNF, parfois des ports appartenant à des industriels, des ports exploités par des syndicats mixtes ouverts (port de Strasbourg, certains ports de la Moselle). Elle a trouvé au moins un port concédé à un manutentionnaire (Elbeuf). Le recensement des ports intérieurs est difficile. La DGITM n'est pas en mesure d'en fournir une liste. Il n'entre pas dans la mission de VNF de recenser ces ports. Il existe une association, l'association française des ports intérieurs (AFPI), mais elle ne regroupe pas tous les ports, Par exemple n'en fait pas partie le port d'Elbeuf, où sont déchargées environ 17 000 tonnes d'ammonitrates haute teneur par an. 3.2 Les flux d'ammonitrates dans les ports fluviaux La mission a rencontré des difficultés encore plus grandes pour connaître les trafics et les chargements/déchargements d'ammonitrates. Elle a élaboré un questionnaire pour les ports fluviaux, similaire à celui élaboré pour les ports maritimes, diffusé par l'AFPI, mais n'a pas eu de retours. Elle a eu également connaissance en mars, par l'AFPI, des résultats de son recensement des ammonitrates présents sur les ports, fait à la demande de la DGITM et transmis à celle-ci en septembre 2020. Ce recensement mentionne qu'aucun port membre de l'AFPI ne stocke en direct d'ammonitrate, mais ne donne pas de renseignement sur les stockages d'ammonitrates par les industriels présents sur les sites. La mission a fait procéder en octobre à une enquête auprès des DREAL, réalisée par la DGPR, la mission a ainsi disposé d'un tableau des ICPE connues dans ces ports. Au final, elle a procédé à une enquête par téléphone ou visioconférence lui permettant de reconstituer peu ou prou la carte des stockages et des flux, mais ceci n'est sans doute pas exhaustif. PUBLIÉ 32 Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux La mission a identifié des ammonitrates dans les ports fluviaux suivants : Voie d'eau Seine Moselle Moselle Rhin Rhin Rhône Rhône Saône Saône Ville Elbeuf Neuves-Maisons Metz Ottmarsheim Strasbourg Salaise sur Sanne Arles Villefranche-sur-Saône Pagny la ville Trafic fluvial Oui Oui Oui Oui Oui Non Non Non Non Stockage ICPE Non Oui Oui Oui : une coopérative agricole et Borealis, usine de production Oui Oui Oui Oui Oui Selon les ports il y a trafic fluvial et stockage, trafic sans stockage ou stockage de produits arrivés par route. Des trafics fluviaux d'ammonitrates haut dosage ont été identifiés à Elbeuf, Metz, Neuves-Maisons et Strasbourg. A Ottmarsheim, le trafic fluvial ne concerne que des ammonitrates moyen dosage, non classés matière dangereuse au titre de l'ADN. Sur le Rhône et la Saône, les stockages implantés sur les ports peuvent contenir des ammonitrates haut dosage mais sont desservis uniquement par camions. Figure 4: Lieux de déchargement identifiés (Source: mission). Le volume de trafic d'ammonitrates est faible mais mal connu (cf § 1.1.4). Il est nul sur le Rhône et les canaux du Nord45. Il est spécifique à un producteur et à un port (Elbeuf) sur la Seine, et est assez important sur la Moselle et sur le Rhin. Il s'agit à l'évidence d'un fonctionnement plus artisanal que dans les ports maritimes, du fait de la relative petitesse des ports, et de la modicité des trafics. La très grande majorité des ammonitrates transite par voie routière. VNF peut tenir à jour des statistiques, puisqu'il est informé de l'entrée et de la sortie sur son réseau des bateaux, et de leur chargement. Mais la nomenclature utilisée actuellement est la nomenclature NST, qui ne permet pas d'isoler les matières dangereuses, et a fortiori pas les ammonitrates. Il y a une classification « engrais », et une autre « produits chimiques ». A priori les ammonitrates sont rangés sous la rubrique engrais, au même titre que l'urée et les autres engrais. La règlementation générale prévoit la possibilité de mettre en place un système d'annonce incluant les données sur les matières dangereuses (notamment code ONU), mais celui-ci n'est généralement pas en place (cf. infra). 45 Jusqu'en 2020, il y a eu exportation de nitrate d'ammonium à partir du port de Béthune, mais l'entreprise concernée a cessé son activité en janvier 2021. PUBLIÉ Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux 33 Ainsi les données les plus fiables dont la mission a disposé à ce jour sont celles fournies par les industriels producteurs, qui sont précises. 3.3 La règlementation ports fluviaux pour les matières dangereuses et son application 3.3.1 Le cadre général La réglementation concernant la sécurité est constituée des textes principaux suivants L'ADN, transcrit en droit français par l'arrêté TMD, Le code de la navigation et en particulier le règlement général de police de la navigation intérieure (RGPNI). L'autorité compétente chargée de la police de la voie d'eau est le préfet, à l'exception du bassin de Strasbourg, où c'est la direction du port46, Les règlements particuliers de police de la navigation intérieure (RPPNI), propres à chaque itinéraire fluvial, Le code du travail (conseillers à la sécurité et protocoles de sécurité sûreté). Ces textes sont très longs (plus de 2000 pages pour l'ADN avec ses annexes). Ils contiennent des dispositions pour l'agrément des bateaux, des conducteurs, pour la circulation. En revanche, très peu de dispositions concernent spécifiquement la manutention des matières dangereuses47. Obligation d'annonce Sur certains secteurs de la voie d'eau, un bateau transportant des matières dangereuses a une obligation d'annonce de passage au gestionnaire de la voie d'eau. L'annonce est précisée par arrêté du ministre des transports48. Le conducteur du bateau fournit au gestionnaire de la voie d'eau le code ONU, sa quantité, le port de chargement et le port de déchargement. La mission a constaté que, sur le Rhin, cette obligation était effective ainsi que sur le Rhône. Toutefois elle n'en a trouvé aucune trace sur les autres itinéraires. En conséquence il existe un doute sur l'application générale de cette obligation. Sur le Rhin, le règlement particulier de police du Rhin, qui est un règlement international, impose que tout bateau transportant des matières dangereuses se signaler au CARING (centre d'alerte rhénan d'informations nautiques de Gambsheim), à l'entrée et la sortie de chaque secteur (un secteur pour la France). Cela permet aux autorités, en cas de crise (accident, épisode de pollution, crues...), de réagir à bon escient. Il s'agit d'un service ouvert 24h sur 24, composé de 12 agents de VNF en roulement. La faiblesse de ce système est que les informations ne sont pas conservées, ne permettant aucune statistique. Un autre rapport49 a proposé une extension de ce système à d'autres bassins, notamment dans la perspective de la liaison Seine-Nord. Sans aller jusque-là, la mission considère qu'a minima un dispositif d'annonce du transport de matières dangereuses devrait être mis en place partout. 46 Article D. 4261-14 du code des transports: Les autorités compétentes pour l'application des dispositions du règlement de police pour la navigation du Rhin sont les préfets du Bas-Rhin et du Haut-Rhin. Le directeur du Port autonome de Strasbourg est compétent sur l'étendue du domaine géré par ce port. 47 En outre ces rares dispositions ne paraissent pas toujours adaptées. Ainsi l'article A4251-55-2, 4°, qui prévoit la fermeture de toutes les ouvertures en cas d'incendie semble inapproprié pour une cargaison d'ammonitrates. Article A4241-55-1 - Code des transports - Légifrance (legifrance.gouv.fr) Rapport CGEDD 0103-80-01. 48 49 PUBLIÉ 34 Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux Lieux de chargement/déchargement dédiés L'ADN demande que, s'agissant des matières dangereuses, tout lieu de chargement ou de déchargement, port ou non, soit désigné par l'autorité compétente, à savoir le préfet50. En outre, le RGPNI stipule que le chargement et le déchargement d'un bateau ne peut se faire que dans un port ou un lieu désigné par le préfet. Il apparaît que cette disposition n'est pas mise en application, des déchargements ayant lieu dans certains ports ou sur certains appontements sans que ceux-ci soient connus des pouvoirs publics. 3.3.2 Des différences notables de réglementation entre les ports maritimes et les ports fluviaux Absence de capitainerie Les ports maritimes acceptant des matières dangereuses disposent d'une capitainerie. Celle-ci est gréée avec des fonctionnaires d'Etat. Elle est chargée d'élaborer les textes régissant le fonctionnement du port sous l'angle de la sécurité (RLMD), et de veiller à l'application de ceux-ci, au jour le jour. Il n'y a rien de tel dans le fluvial. Absence de règle de chargement/déchargement La mission n'a pas trouvé d'exigences réglementaires sur les modalités de chargement/déchargement de matières dangereuses dans les ports fluviaux, contrairement à ce qui figure dans le RPM. A titre d'exemple, le RPM précise la quantité maximale d'ammonitrates à ne pas dépasser en dépôt à terre (600t). De même le RPM précise les moyens d'extinction nécessaires sur le quai en termes de débit et de puissance de pompe. Seuls certains appontements desservant des stockages ICPE importants sont réglementés par connexité avec le stockage luimême par l'arrêté d'autorisation ICPE. Absence d'équivalent des RLMD A noter que, contrairement au transport maritime, il n'y a pas de règlement particulier s'appliquant au transport des matières dangereuses, et les règlements particuliers examinés par la mission (RPPNI), qui sont des règlements pour un itinéraire incluant des ports, ne contiennent pas d'élément concernant les matières dangereuses. Autorisation de transport en vrac Contrairement au transport maritime, l'ADN n'interdit pas le chargement/déchargement en vrac. La mission estime que celui-ci pose des problèmes de sécurité plus importants que le transport en big bags (risques de contamination). Il pose également des problèmes de sûreté supérieurs. 3.3.3 L'application de la réglementation Il existe des lacunes dans le dispositif règlementaire La mise en oeuvre de l'ADN et des règlements de police est contrôlée par l'autorité compétente qui est le préfet de département. Sous l'autorité du préfet, différentes administrations sont amenées à intervenir. Les autorisations concernant l'aptitude des bateaux sont données par six DDT spécialisées (la DRIEAT en IDF) couvrant tout le territoire. Cette réglementation paraît à la fois bien connue des acteurs et bien appliquée. Les gendarmeries fluviales contrôlent les bateaux en mouvement, y compris ceux transportant des matières dangereuses. Sur le Rhin, la gendarmerie fluviale réalise des contrôles orientés particulièrement sur les trafics de matières dangereuses et intervient sur les lieux de chargement/déchargement. Elle est en contact régulier avec les contrôleurs des transports terrestres des DREAL, spécialistes du TMD qui sont chargés de les appuyer. Cette bonne pratique ne semble pas généralisée. Le transport de matières dangereuses par la voie d'eau peut aussi être contrôlé par les contrôleurs des transports terrestres (CTT) des DREAL, qui interviennent principalement sur la route, accessoirement sur le 50 Article 7.1.4.7.1 de l'ADN : « Les marchandises dangereuses doivent être chargées ou déchargées uniquement sur les lieux désignés ou agréés par l'autorité compétente... » PUBLIÉ Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux 35 fer, mais sont compétents aussi sur les transports par voie d'eau. Or les CTT n'exercent pas de contrôle dans ce domaine, en application d'une circulaire conjointe de la DGPR et de la DGITM du 20 juillet 2017, qui leur demande de n'intervenir sur la voie d'eau qu'en appui d'autres services, en particulier les gendarmeries fluviales. Certaines parties de certains ports sont contrôlées par les DREAL quand il y a une ICPE. Dans ce cas, l'arrêté ICPE prévoit des dispositions semblables à celles des RLMD des ports maritimes. Mais ceci exclut totalement les ports où il n'y a pas d'ICPE, en particulier lorsqu'il n'y a qu'un transbordement d'un bateau vers des camions. y compris s'il y a des dépôts à terre temporaires relativement importants. Les lieux pouvant accueillir des opérations de chargement/déchargement de matières dangereuses doivent être désignés par le préfet. Cela ne semble fait que très partiellement. La mission de VNF est de mettre à disposition des utilisateurs une voie d'eau en bon état de fonctionner et de l'entretenir, mais il n'a pas de mission réglementaire, ni de police. La création de VNF est en effet le résultat de la fusion entre l'ancien VNF (EPIC) et les services de navigation (services de l'Etat). Plusieurs missions régaliennes de ces derniers ont été confiées à d'autres services de l'Etat, comme décrit plus haut (les agréments des bateaux, la police de l'eau), mais certaines missions régaliennes se sont retrouvées orphelines lors de la suppression de ces services de navigation. C'est en particulier le cas de la police de la voie d'eau. Malgré cela, VNF appuie l'autorité compétente pour les RPPNI (il rédige les projets), mais il n'est pas chargé du respect de leur application. Ainsi, il est difficile d'identifier un interlocuteur qui se sente globalement responsable pour le trafic de matières dangereuses. Un industriel nous a cité le cas d'un port à partir duquel il voulait charger ses produits classés matières dangereuses : il avait cherché un interlocuteur capable de lui dire comment procéder, justement en termes de réglementation et de règles de sécurité, et ne l'a jamais trouvé ; il a quand même expédié ses matières à partir de ce port. Les acteurs s'ils connaissent leur métier, peuvent exploiter les lacunes de la réglementation. Le fait que les lieux de chargement/déchargement ne soient pas désignés peut conduire à des situations étonnantes. Il en est ainsi pour le port d'Elbeuf, où sont déchargées chaque année 17 000 t d'ammonitrates haut dosage, soit une quantité équivalente à celle déchargée dans plusieurs ports maritimes. Cette situation était méconnue de l'ensemble des services de l'Etat et ces opérations ne font dès lors l'objet d'aucune prescription et d'aucun contrôle. En outre, ces ammonitrates haut dosage sont déchargés en vrac, ce qui est interdit dans les ports de Rouen ou du Havre, quelques km en aval. Il a également été rapporté que les pompiers avaient découvert la présence de près de 480 t de big bags d'ammonitrates haut dosage , sur le site d'une coopérative exploitant des silos de céréales sur le port de Strasbourg en se rendant sur place pour éteindre l'incendie d'un silo. Cette utilisation d'un appontement portuaire pour décharger des matières dangereuses était inconnue aussi bien de la direction du port de Strasbourg, que de l'ensemble des services de l'Etat. La mission a également constaté qu'un appontement desservant un dépôt d'ammonitrates haut dosage, simplement soumis à déclaration ICPE, avait été installé sans équipement d'extinction d'incendie, et en dessous d'une ligne à haute tension. Les seuls sites où on peut considérer qu'il y a une réelle désignation par le préfet sont ceux où une ICPE est présente, l'arrêté préfectoral ou le récépissé de déclaration pouvant faire office de désignation, et les installations portuaires de Metz et Strasbourg qui ont fait l'objet d'un arrêté préfectoral à la suite d'une étude de dangers. L'administration centrale ne dispose que de très peu de moyens humains, et en plus très éclatés. PUBLIÉ 36 Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux En administration centrale comme dans les services déconcentrés la question de la sécurité du transport fluvial apparaît comme le parent pauvre. A la suite du rapport de 2016 sur l'organisation du contrôle des transports des matières dangereuses51, celui-ci a été renforcé pour les modes routier et ferroviaire, mais pas vraiment pour le fluvial. Au niveau national, le suivi du fluvial relève de trois bureaux au sein de la sous-direction des ports et du transport fluvial de la DGITM, et de la Mission Transport de Matières dangereuses (MTMD) de la DGPR, qui tous les quatre ont des effectifs très réduits à consacrer à cette mission et n'ont pas de vision d'ensemble. L'administration devrait développer cette vision d'ensemble et gagnerait à s'appuyer davantage sur VNF en tant qu'opérateur de l'Etat. Recommandations Recommandation n° 3. Afin de traiter les sujets non couverts par l'ADN (accord européen sur le transport des matières dangereuses par voie de navigation intérieure), la mission recommande que la DGPR élabore un règlement de transport et de manutention des matières dangereuses transportées par voie fluviale, pendant du Règlement pour le transport et la manutention des matières dangereuses dans les ports maritimes (RPM) existant pour les ports maritimes, qui prévoie une déclinaison locale dans les Règlements particuliers de police de la navigation intérieure (RPPNI). Recommandation n° 4. Afin d'améliorer la connaissance et l'application de l'ADN par les acteurs concernés,la mission recommande que le ministère de la transition écologique désigne la direction régionale de l'environnement, de l'aménagemen et du logement (DREAL) comme appui de l'autorité compétente locale (préfet). Elle recommande également qu'il confie à Voies navigables de France (VNF) la responsabilité de décliner le règlement national de transport et de manutention des matières dangereuses transportées par voie fluviale dans les RPPNI, destinés à être présentés à la signature des autorités locales compétentes (préfets). Elle recommande en particulier à VNF et aux DREAL de veiller à ce que ces RPPNI identifient les lieux où peuvent être chargées ou déchargées des matières dangereuses, comme prévu par l'ADN. Recommandation n° 5. Afin de disposer d'informations sur le trafic de matières dangereuses par voie fluviale, la mission recommande que la DGITM veille à ce que soit rendue effective dans les RPPNI l'obligation d'annonce du transport de matières dangereuses prévue dans le RGPNI et que VNF intègre le suivi des transports de matières dangereuses par voie fluviale et la diffusion de cette information aux administrations concernées. 51 Bibliographie [11]. PUBLIÉ Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux 37 4 LA MAITRISE DES RISQUES LIES AUX AMMONITRATES 4.1 La règlementation propre aux ammonitrates Plusieurs ensembles de textes réglementaires s'appliquent aux ammonitrates et encadrent leur sécurité : - La réglementation relative à la mise sur le marché des substances fertilisantes, inscrite dans le code rural et de la pêche maritime, s'applique aux engrais, notamment ceux à base d'ammonitrates. Cette réglementation relève de la DGCCRF et est contrôlée par les DD(ETS)PP. - La réglementation du transport des matières dangereuses, inscrite dans le code des transports, s`applique à tous les transports par route, fer, voie navigable ou mer de matières dangereuses, notamment au nitrate d'ammonium technique et aux engrais contenant une forte concentration de nitrate d'ammonium. Cette réglementation relève de la DGPR et est contrôlée selon les modes de transport par les DREAL (contrôleurs des transports terrestres) ou les capitaineries des ports maritimes. - La réglementation des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE), inscrite dans le code de l'environnement, s'applique aux usines de production et aux stockages de nitrate d'ammonium ou d'engrais en contenant, au-dessus de certains seuils de quantité. Cette réglementation relève de la DGPR et est contrôlée par les DREAL (inspection des installations classées). D'autres textes concernent le nitrate d'ammonium ou les ammonitrates, notamment le règlement européen Reach, qui réglemente les produits chimiques, ou le règlement européen sur les précurseurs d'explosifs. Ils ne seront pas développés dans le présent rapport. 4.1.1 La règlementation sur les matières fertilisantes Pour pouvoir être mis sur le marché européen, les engrais doivent respecter un ensemble de prescriptions encadrant leur aptitude à l'usage. Celles-ci visent notamment à garantir que les engrais ont les caractéristiques annoncées par ceux qui les commercialisent, en matière de pouvoir fertilisant ou d'absence d'effet indésirable sur l'homme ou l'environnement. Elles sont fixées par un règlement européen UE 2019/100952qui définit les conditions et modalités du marquage CE des engrais. Concernant les engrais à base d'ammonitrates, elles imposent notamment un ensemble de critères de sécurité relatifs aux caractéristiques physico-chimique (composition, teneur en humidité, taux d'impuretés, porosité, potentiel d'absorption d'hydrocarbures...) et impose des tests (essai de détonabilité). Le règlement fixe également les modalités de certification. Toutefois contrairement à la plupart des autres textes européens conduisant à un marquage CE, l'application du règlement européen sur les matières fertilisantes n'est pas obligatoire, et si le marquage CE permet de bénéficier de la libre circulation dans l'ensemble de l'UE, il est aussi possible de commercialiser des engrais dans un État membre selon une réglementation nationale. Ainsi en France, il est possible de commercialiser des engrais, et notamment des ammonitrates, dès lors qu'ils sont conformes à la norme NF U 42-001. Les dispositions techniques du règlement européen et de la norme NF présentent deux différences principales : 52 Cf. bibliographie [14]. Ce règlement remplace le règlement 2003/2003 et entre en application le 16 juillet 2022. Le nouveau règlement a un champ d'application plus large mais ne modifie pas les prescriptions applicables aux engrais ammonitrates, sauf en ce qui concerne la procédure d'évaluation de la conformité qui fait intervenir des organismes notifiés indépendants pour réaliser des tests en cours de fabrication. PUBLIÉ 38 Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux le règlement européen impose que les ammonitrates haut dosage soient mis à disposition de l'utilisateur final sous une forme conditionnée (en sacs ou en big-bags53), ce qui n'est pas le cas de la norme NF. Dès lors, certains distributeurs souhaitant commercialiser des ammonitrates en vrac se réfèrent à la norme NF. le règlement européen, renforcé sur ce point en 2019, impose que des essais en cours de fabrication soient réalisés par des organismes notifiés indépendants, alors que le marquage NF repose sur l'auto certification. La réglementation prévoit également une troisième voie qui est celle de l'autorisation de mise sur le marché, délivrée par l'ANSES. En pratique, celle-ci n'est pas employée pour les engrais minéraux et notamment les ammonitrates54. Le contrôle du marché des matières fertilisantes est organisé par la DGCCRF au niveau national et réalisé localement par les DDPP ou DDETSPP. Celles-ci procèdent à des contrôles documentaires, mais aussi à des prélèvements en vue de faire réaliser des tests en laboratoire. Elles vérifient également le respect de l'interdiction de vente à des particuliers de certains engrais, notamment ceux à base d'ammonitrates. Les prélèvements sont réalisés le plus possible en amont des chaînes de distribution, donc en particulier chez les fabricants lorsqu'ils sont en France ou dans les ports maritimes pour les produits venant de l'étranger. En pratique, la DGCCRF émet annuellement un « plan de contrôle » prévoyant pour les DD(ETS)PP un objectif chiffré de prélèvements. Les ammonitrates sont explicitement visés et font ainsi l'objet d'une douzaine de prélèvements par an. Les produits contrôlés peuvent être librement commercialisés dans l'attente des résultats d'analyse (2 à 3 semaines de délai), sauf non-conformité détectée sans analyse. En cas de non-conformités et selon l'importance de celles-ci, la DGCCRF peut ordonner des mises en conformité ou le rappel des produits si la sécurité est en jeu. Il y a une dizaine de référents interdépartementaux ammonitrates dans les DD(ETS)PP. Ces contrôles par la répression des fraudes ont permis dans les années 2000, en particulier à la suite de l'accident d'AZF qui a conduit à fortement renforcer la surveillance, de détecter plusieurs cas de non-conformités importantes pouvant être sources de dangers. Depuis une dizaine d'années, la DGRRF n'a pas trace de non-conformités sur les ammonitrates mettant en cause la sécurité des produits. Si une non-conformité mettant en cause la sécurité des engrais était détectée à la suite de ces prélèvements, la DGCCRF, la DGPR et les préfets concernés seraient amenées à collaborer. L'examen des cas des années 2000 et des procédures développées à ces occasions montre qu'une non-conformité sur des engrais serait gérée de manière attentive tant au niveau national (DGCCRF et DGPR) qu'au niveau local (préfets, DREAL, DD(ETS)PP), et la traçabilité prévue par les différentes réglementations est effective. Le fait que la nomenclature des ICPE classe maintenant sous le régime de l'autorisation les stocks d'ammonitrates non conformes avec un seuil très bas de 10 t, fait que les stocks qui seraient détectés non conformes, chez les distributeurs, dans les coopératives agricoles ou encore à la ferme, deviendraient ipso facto des installations classées en situation irrégulière, ce qui donne au préfet des pouvoirs encore accrus pour ordonner le traitement approprié de ces stocks. Il ne semble dès lors pas plausible de voir bloqués des ammonitrates non conformes sans que les pouvoirs publics n'aient les moyens juridiques de prendre les mesures appropriées, et ne les prennent effectivement. Commentaires de la mission : La mission a pu constater une bonne implication de la DGCCRF et des DD(ETS)PP rencontrées dans le cadre de cette mission. Le contrôle du marché des ammonitrates, élément essentiel pour contribuer à garantir la qualité des produits vendus, est réalisé de manière effective. Toutefois, bien entendu, la conformité des ammonitrates au 53 54 La mission a préféré utiliser à l'instar des usages de toute la profession le terme anglais plus parlant. La mission a toutefois remarqué que le site internet du ministère de l'agriculture mentionnait l'AMM comme la seule voir de certification des ammonitrates. PUBLIÉ Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux 39 moment de leur fabrication ou importation ne garantit pas qu'ils le resteront dans l'ensemble de la chaîne de distribution puisque ces produits peuvent se dégrader s'ils sont stockés trop longtemps ou stockés ou transportés dans de mauvaises conditions. Un point délicat est toutefois celui du « ciblage » des cargaisons contrôlées dans les ports maritimes ; seules certaines DD(ETS)PP sont informées à l'avance de l'arrivée de navires transportant des ammonitrates. Elles peuvent alors organiser un prélèvement au cours du déchargement. La mission a ainsi pu constater qu'en Bretagne ceux-ci sont effectués au port du Légué à Saint Brieuc (Côtes d'Armor), mais pas à Saint Malo (Ille-et-Villaine). Le fait que ce soit la DDPP des Côtes d'Armor qui est chargée des prélèvements pour l'ensemble de la région, peut expliquer cette situation55. Par ailleurs, l'information des DD(ETS)PP par les capitaineries se fait par simple mail à l'agent en charge du sujet. Lorsque celui-ci arrive à un mauvais moment, par exemple pendant les congés de l'agent concerné, une cargaison « atypique » peut passer inaperçue. Ainsi, la mission a constaté qu'une importation par un opérateur inhabituel et d'une provenance inhabituelle (en l'occurrence la Bulgarie) en 2019 a échappé au contrôle du marché, alors même que le navire a été déchargé au port de Nantes et que la DDPP 44 est fortement sensibilisée à cette mission. Recommandation n° 6. Afin de maîtriser le risque de cargaisons d'ammonitrates non-conformes, la mission recommande que la Direction générale de la concurrence ,de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et la DGPR définissent les importations d'ammonitrates à cibler dans le cadre du contrôle des produits et les modalités de coopération des services locaux, directions départementales (de l'emploi, du travail des solidarités et) de la protection des populations (DD(ETS)PP) et capitaineries (information systématique à l'arrivée des navires, organisation des prélèvements de contrôle...). Par ailleurs, la mission déplore que le règlement européen ne soit pas appliqué systématiquement pour les ammonitrates. La raison pour laquelle les règles harmonisées définies par le règlement sont d'application facultative est de permettre de continuer à commercialiser et utiliser des matières fertilisantes sur un marché local sans passer par le marquage CE56. Cette tolérance, voulue pour des matières fertilisantes ayant un marché « extrêmement local » (fumier...), paraît peu justifiée pour des ammonitrates industriels commercialisés en grande quantité sur l'ensemble du marché européen. Dans la mesure où les engrais marqués CE présentent une sécurité supplémentaire du fait de leur obligation de conditionnement, la mission considère que, pour les ammonitrates, les règles définies par le règlement devraient être rendues obligatoires en France. (cf. recommandation 7 infra) 4.1.2 La règlementation du transport des matières dangereuses Le nitrate d'ammonium et certains ammonitrates sont des matières dangereuses et à ce titre relèvent de la réglementation du transport des matières dangereuses lorsqu'ils sont transportés par route, fer, voie navigable ou 55 56 Mais conformément au RLMD de Saint-Malo, des prélèvements peuvent néanmoins être réalisés par un organisme tiers. Un considérant du règlement explique : « Contrairement à la plupart des autres mesures d'harmonisation de produits du droit de l'Union, le règlement (CE) n° 2003/2003 n'empêche pas la mise à disposition sur le marché intérieur d'engrais non harmonisés, en conformité avec le droit national et les règles générales de libre circulation du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Compte tenu du caractère extrêmement local de certains marchés de produits, cette possibilité devrait être maintenue. Le respect des règles harmonisées devrait dès lors rester facultatif et ne devrait être exigé que pour les produits destinés à apporter des éléments nutritifs aux végétaux ou à améliorer l'efficacité nutritionnelle des végétaux qui portent le marquage CE lorsqu'ils sont mis à disposition sur le marché. Le présent règlement ne devrait donc pas s'appliquer aux produits qui ne sont pas porteurs du marquage CE lorsqu'ils sont mis à disposition sur le marché. » PUBLIÉ 40 Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux mer. Les transports traversant les frontières, ces réglementations sont complètement internationalisées depuis de nombreuses années au niveau mondial pour l'air ou la mer, ou au niveau de l'Europe en tant que continent (jusqu'à l'Asie centrale) pour la route, le fer et les voies navigables. La réglementation est modale, c'est-à-dire élaborée par mode de transport : l'ADR pour la route, le RID pour le fer, l'ADN pour les voies de navigation intérieures, l'IMSBC (vrac) et l'IMDG (produits conditionnés) pour la mer, mais certaines dispositions sont communes à tous les modes : c'est notamment le cas des règles de classification des matières dangereuses qui sont élaborées dans une instance commune sous l'égide de l'ONU ou encore la réglementation des emballages de transport (containeurs, bigs bags, fûts, bouteilles...). Le nitrate d'ammonium ou certains engrais au nitrate d'ammonium entrent dans ces réglementations internationales. Celles-ci sont très détaillées et ne sont pas figées, faisant l'objet de modifications régulières dans le cadre de réunions rassemblant les experts des différents Etats-membres et les parties prenantes. C'est notamment le cas pour les engrais au nitrate d'ammonium dont les conditions de classification ont été récemment révisées. Ces sujets ont été examinés de manière particulièrement attentive : ainsi la section 39 du manuel des épreuves et critères de l'ONU qui définit les règles de classification des engrais au nitrate d'ammonium présente un diagramme de décision de 3 pages prenant en compte de multiples paramètres. Cette classification ONU est mentionnée au point 1.1.3.1. Il y est notamment expliqué que seulement certains engrais ammonitrates sont classés comme matière dangereuses. Les différentes réglementations modales définissent des exigences portant sur la conception, la construction la maintenance et le contrôle des matériels de transport (camions, wagons, bateaux,...), ainsi que les règles d'exploitation (équipement, chargement, documentation, signalisation,...) ainsi que la qualification (formation, certification,...) des différents intervenants (transporteurs, chargeurs,...). Ces réglementations prévoient aussi un système de « contrôle interne », les principaux intervenants devant faire appel annuellement à un « conseiller à la sécurité », qui procède à un audit de l'ensemble des dispositions mises en place et rédige un rapport tenu à disposition des autorités. Pour les modes route, fer et voies navigables, le contrôle de ces dispositions relève des contrôleurs des transports terrestres placés au sein des DREAL, sous l'autorité des préfets et le pilotage fonctionnel de la DGPR. Pour la mer, le dispositif de contrôle par l'Etat est différent : il relève de la direction des affaires maritimes et des DIRM pour les navires en mer et des capitaineries des ports pour les ports. Commentaire de la mission : Les règlementations et dispositifs de contrôle dans les ports maritimes et sur la voie navigable sont décrits et commentés dans les chapitres 2 et 3. La mission ne s'est pas attardée sur le transport par fer, celui-ci étant devenu marginal pour les ammonitrates pour des raisons économiques. Le transport routier des ammonitrates, qu'ils soient ou non classés comme matières dangereuses, est, à partir des usines de fabrication et des ports, le mode de transport principal. Le contrôle des dispositions réglementaires par les DREAL est effectif et permet de maintenir une pression de contrôle qui semble suffisante. La mission n'a pas investigué ce sujet de manière approfondie, mais aux dires de ses différents interlocuteurs, l'ADR est bien connu et correctement appliqué57. Ceci n'empêche pas qu'il existe des accidents de transport qui peuvent mettre en cause des camions transportant des ammonitrates, même si aucun accident grave de ces transports n'a été constaté en France. La bonne connaissance par les sapeurs-pompiers des risques liés à ces produits et leur marquage extérieur bien connu contribuent à la maîtrise du risque. 57 Il convient toutefois de noter que les agriculteurs bénéficient d'une dérogation générale et peuvent transporter jusqu'à 12 t d'ammonitrates sur des engins agricoles sans avoir à respecter l'ADR. PUBLIÉ Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux 41 La question est souvent posée par les parties prenantes qui s'inquiètent de voir des camions de transport de matières dangereuses traverser des zones urbanisées, notamment pour desservir certains ports : la réglementation permet aux préfets d'imposer des itinéraires particuliers évitant les zones les plus urbanisées ou accidentogènes. L'attention de la mission a été attirée par des parties prenantes sur les modalités de transport par route des ammonitrates, conditionnés en bigs-bags. En effet, l'ADR n'impose pas que les bigs-bags soient transportés dans des camions fermés et bien souvent ceux-ci sont Figure 5: Camion de transport de big bags d'ammonitrates (Source: simplement sanglés sur des camions- plateaux. Un défaut de sanglage peut ainsi conduire à la chute d'un big bag mission). sur la voie publique. Les ammonitrates sont inertes en l'absence d'une très forte source de chaleur et ceci ne présente pas plus de risque que n'importe quelle autre chute d'objet lourd mal arrimé, mais de tels évènements peuvent faire douter du sérieux des dispositions réglementaires. L'obligation de transporter des ammonitrates haut dosage dans des camions fermés ne serait sans doute pas judicieuse dans la mesure où ceci serait de nature à augmenter le confinement de ces matières et par voie de conséquence le risque d'explosion, si le camion et son chargement étaient pris dans un violent incendie ; la mission laisse aux experts internationaux en charge de l'ADR le soin d'examiner si un arrimage des bigs bags par un dispositif plus fiable que des sangles serait opportun. 4.1.3 La règlementation ICPE 4.1.3.1 L'articulation entre règlementation du stockage et règlementation du transport La réglementation ICPE s'applique à tous les stockages de produits à base de nitrate d'ammonium au-dessus de certains seuils, quel que soit le lieu ou la nature du stockage et quel que soit le type d'exploitant : usines de fabrication, stocks intermédiaires, coopératives agricoles, éventuellement grosses exploitations agricoles. Ainsi, les entrepôts portuaires, c'est-à-dire situés dans l'emprise d'un port maritime ou fluvial, sont soumis de la même manière que tout autre stockage à la réglementation ICPE. En revanche, la réglementation ICPE, tout comme la directive Seveso, ne s'appliquent pas aux produits pendant une opération de transport, y compris si les produits sont temporairement déchargés dans le cadre d'un transbordement. Toutefois, les règles relatives au transport de matières dangereuses imposent que les arrêts au cours d'une opération de transport pour stationnement ou transbordement soient aussi limités et courts que possible. Cette distinction entre « produits stockés » relevant de la réglementation ICPE (et, pour les stocks les plus importants, de la directive Seveso) et « produits transportés » qui ne relèvent que de la réglementation « transports » est parfois mal comprise par les parties prenantes. La principale ambiguïté réside dans les « dépôts à terre » d'ammonitrates, provenant du déchargement d'un navire en attente d'un camion. Il convient de rappeler que ces deux ensembles réglementaires sont certes différents, mais fixent l'un et l'autre un cadre exigeant en matière de sécurité et qu'il n'existe pas de lacune entre ces deux ensembles réglementaires (un produit est soit stocké, soit transporté, mais ne peut pas être en situation floue intermédiaire). Le rassemblement depuis 2008 des PUBLIÉ 42 Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux équipes de l'administration centrale en charge de ces deux ensembles au sein d'une même direction générale et même d'une même sous-direction contribue à leur cohérence58. 4.1.3.2 La réglementation ICPE des stockages de nitrate d'ammonium Comme pour les autres substances dangereuses, les stockages les plus importants de nitrate d'ammonium ou d'ammonitrates relèvent de la directive Seveso. Les moins importants relèvent de la réglementation ICPE nationale. Les seuils de la directive Seveso et de la réglementation ICPE nationale sont définis dans la nomenclature des ICPE selon plusieurs niveaux : - Autorisation: autorisation délivrée par arrêté préfectoral qui fixe au cas par cas les prescriptions applicables, avec études d'impact et de dangers ; - Enregistrement : autorisation simplifiée délivrée par le préfet, les prescriptions étant fixées par la réglementation nationale, sans étude particulière ; - Déclaration avec contrôle : simple déclaration sans possibilité d'opposition dès lors que les prescriptions fixées par la réglementation nationale sont respectées ; les prescriptions doivent être contrôlées à la mise en service puis tous les 5 ans par un organisme agréé ; - Déclaration sans contrôle. Les stockages de nitrate d'ammonium ou d'engrais à base d'ammonitrate relèvent des rubriques 4701, 4702 et 4703 de la nomenclature des ICPE. Ces rubriques prévoient les régimes d'autorisation et de déclaration avec contrôle. Les régimes d'enregistrement et de simple déclaration ne sont pas utilisés pour ces stockages. La rubrique 4701 concerne le nitrate d'ammonium technique sous forme solide ou en solution chaude (NASC). Ces installations se trouvent chez les fabricants d'engrais ou chez les fabricants d'explosifs. La rubrique 4702 concerne les engrais à base d'ammonitrates, conformes à la réglementation. Ces installations sont largement répandues dans les chaînes logistiques du monde agricole (coopératives). En outre, certaines d'entre elles peuvent être situées dans des zones portuaires, exploitées soit par des coopératives agricoles implantées sur ces ports, soit par des manutentionnaires ou logisticiens : - La rubrique 4702-I concerne les engrais composés à risque de décomposition auto entretenue, - La rubrique 4702-II concerne les ammonitrates à haut dosage (plus de 28 % d'azote), - La rubrique 4702-III concerne les ammonitrates à moyen dosage (entre 24 et 28 % d'azote), - La rubrique 4702-IV concerne les autres engrais simples ou composés à base de nitrate d'ammonium. Non susceptibles de décomposition auto-entretenue, ni de détonation, ils peuvent émettre des substances toxiques en cas d'incendie. La rubrique 4703 concerne les engrais non conformes. Ce type de stockage peut se trouver chez les fabricants d'engrais (rebuts de fabrication) ou de manière fortuite dans les circuits de distribution si un stock d'engrais est dégradé. Le tableau ci-après présente les seuils et les régimes applicables, en correspondance (approximative) avec la classification ONU des matières dangereuses : 58 C'est le cas en particulier par la mise en place par la réglementation française d'études de dangers, similaires à celles des sites Seveso, pour les grandes infrastructures de transport de matières dangereuses (ports, gares de triage,...). PUBLIÉ Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux Correspondance code ONU TMD 1942, 2426 ou 3375 Seuil DC 100 t Seuil Autorisation 350 t Seveso bas 350 t Seuil Seveso haut 1250 t seuil 43 4701 nitrate d'ammonium technique 4702-I engrais à risque de DAE 4702-II ammonitrates haut dosage 4702-III ammonitrates moyen dosage 4702-IV autres engrais à base d'ammonitrates 4703 engrais ammonitrates non conformes 2071 2067 Non classé comme matière dangereuse Non classé comme matière dangereuse Matières non transportables sauf dérogation 500 t (somme I, II et III) 250 t 500 t (somme I, II et III) 1250 t 1250 t (somme I, II et III) 1250 t (somme I, II et III) 1250 t (somme I, II et III) néant 10 t 5 000 t 1250 t néant 5 000 t 5000 t 5000 t en France, néant dans la directive néant 50 t néant 10 t Ce tableau met en évidence une particularité dans la transposition de la directive Seveso. La France a fait le choix, d'appliquer également la directive Seveso aux ammonitrates moyen dosage : cette « sur-transposition » ne concerne que le seuil haut, et pas le seuil bas de la directive. Pour chacune de ces rubriques, ainsi que pour chacun des régimes applicables (autorisation ou déclaration avec contrôle), un arrêté ministériel fixe les prescriptions techniques applicables au stockage en termes de construction (nature des matériaux, résistance au feu, désenfumage, ventilation, ...) ou d'exploitation (tenue des stocks, nettoyage, sécurité électrique, moyens d'intervention contre l'incendie, ...). Pour les installations soumises à autorisation, ces prescriptions sont complétées au cas par cas par l'arrêté préfectoral d'autorisation en fonction de l'étude d'impact et de l'étude de dangers propres à chaque site. La mission a noté que les dispositions réglementaires précitées sont unanimement reconnues comme complètes et exigeantes, un gros travail ayant été effectué il y a une dizaine d'années pour renforcer les règles de sécurité des stockages d'ammonitrates. Ces exigences sévères portent aussi sur les stockages anciens bénéficiant de l'antériorité (c'est-à-dire créés avant que la réglementation n'existe), pour lesquels des « remises à niveau » ont été imposées avec des périodes transitoires aujourd'hui échues. C'est ainsi par exemple que les sols bitumés ou les parois en bois, largement utilisés dans le passé, ont été proscrits de tous les stockages d'engrais ICPE. Le contrôle des ICPE est réalisé par l'inspection des installations classées au sein des DREAL59, et pour certaines installations agricoles par les DD(ETS)PP60, sous le pilotage national de la DGPR. La doctrine nationale, établie dans le cadre d'un plan pluriannuel de contrôle, prévoit une périodicité minimale de contrôle en fonction des enjeux présentés par les installations soumises à autorisation ou à enregistrement: - au moins une fois par an pour les installations prioritaires, notamment les Seveso seuil haut, - au moins une fois tous les 3 ans pour les installations à enjeux, notamment les Seveso seuil bas, - au moins une fois tous les 7 ans pour les autres. Les installations soumises à déclaration avec contrôle sont normalement contrôlées par des organismes agréés. L'inspection peut procéder également à des contrôles sur les installations soumises à déclaration : elle ne le fait pas 59 Les DEAL en outre-mer, la DGTM en Guyane, la DRIEE en IDF. 60 Les DD(ETS)PP sont généralement en charge des élevages et de certaines installations agro-alimentaires ; il semble que les coopératives agricoles (silos, dépôts d'engrais) relèvent presque partout des DREAL. PUBLIÉ 44 Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux de manière systématique, mais seulement en cas d'incident, de plainte, ou encore de signalement d'une nonconformité persistante par un organisme agréé. Dans le cadre d'une circulaire annuelle « actions nationales », la DGPR est amenée à fixer des priorités particulières de contrôle aux DREAL et DD(ETS)PP, y compris, le cas échéant, sur des ICPE soumises à déclaration. Commentaires de la mission Les installations soumises à autorisation, qui, s'agissant des stockages d'ammonitrates, relèvent presque toujours de la directive Seveso, font l'objet d'un suivi très attentif de la part des DREAL et notamment de contrôles réguliers : celles situées sur les ports visités par la mission nous semblent en situation satisfaisante du point de vue de la sécurité, même si certaines ont fait l'objet de sanctions pour des problèmes de protection de l'environnement (émissions dans l'air en particulier). Le respect des prescriptions réglementaires applicables est incertain en ce qui concerne les installations soumises à déclaration. La situation ne paraît pas grave (la mission n'a pas eu connaissance de situations gravement anormales où la sécurité serait mise en jeu, et l'accidentologie ne montre pas non plus d'accidents significatifs au cours des 20 dernières années), mais elle n'est pas sous contrôle. Comme pour la plupart des autres installations soumises à déclaration, les bases de données dont disposent les DREAL ne sont souvent pas à jour. Outre les modifications de nomenclature qui compliquent le suivi, les déclarations ICPE, gérées aujourd'hui par un « téléservice », étaient dans un passé proche gérées non par les DREAL, mais par les bureaux administratifs chargés de l'environnement au sein des préfectures (ou des DDT) et n'étaient pas systématiquement enregistrées sur un système informatique national. Le « rattrapage » de tous ces éléments dans la base nationale des installations classées n'a pas été réalisé systématiquement. De plus, les exploitants, même s'ils sont réglementairement tenus de déclarer leur modification ou cessation d'activité, ont tendance à omettre cette formalité. La mission a ainsi pu constater dans ses visites portuaires plusieurs cas d'entrepôts figurant dans les bases de données comme stockant des ammonitrates et qui en réalité ne sont plus utilisés à cette fin. La mission a pu noter dans certains départements la volonté de corriger cette situation. Doit être ainsi soulignée l'action menée par l'Unité départementale (UD) de Moselle de la DREAL qui avec l'aide d'un stagiaire a remis à jour cette base de données. Par ailleurs, force est de constater que la réalisation des contrôles par un organisme agréé des installations soumises à déclaration avec contrôle n'est pas faite61. Au niveau national, les statistiques transmises par les organismes agréés à la DGPR font état de l'ordre d'une dizaine de contrôles réalisés par an sur les installations relevant des rubriques 4702 , alors que le nombre d'installations concernées est certainement de plusieurs centaines62 et que le contrôle devrait être réalisé tous les 5 ans. Cette obligation de contrôle paraît donc largement ignorée. La mission a ainsi pu rencontrer des exploitants d'entrepôts portuaires qui semblaient sincèrement découvrir son existence. La mission a noté qu'une action nationale de l'inspection pour 2021 porte sur le contrôle des stockages d'ammonitrates dans les ports et coopératives agricoles. Cette action est considérée par la mission comme devant 61 Certains stockages d'ammonitrates relevant du régime de la déclaration, sont situés dans une installation relevant globalement du régime de l'autorisation ou de l'enregistrement. C'est le cas par exemple des coopératives agricoles qui disposent de silos de stockage de céréales. Ces établissements qui relèvent alors globalement du régime de l'autorisation ou de l'enregistrement ne sont alors pas tenus de faire réaliser des contrôles par des organismes agréés. Ils sont en revanche contrôlés régulièrement par la DREAL, mais celle-ci fait porter prioritairement le contrôle sur les installations soumises à autorisation ou enregistrement (les silos dans l'exemple ci-dessus) sans nécessairement contrôler aussi le stockage d'engrais soumis à déclaration. La base de données fait apparaître 419 ICPE relevant du régime DC sous la rubrique 4702 et qui ne sont pas soumises à enregistrement ou autorisation pour une autre rubrique. 62 PUBLIÉ Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux 45 être une première étape dans l'amélioration du contrôle des stockages d'ammonitrates. À cette fin, elle recommande à la DGPR et aux DREAL de bien inclure un échantillonnage important d'installations soumises à déclaration dans cette opération de contrôle et de viser en priorité les stockages d'ammonitrates haut dosage (4702-II) qui présentent le plus haut potentiel de danger. La DGPR devrait ensuite en tirer des enseignements nationaux quant à l'état global des ICPE DC. Les éléments du § 4.2.3 donnent alors des pistes par ailleurs pour renforcer l'encadrement de ces installations. Recommandation n° 7. Afin d'avoir une vision plus précise de la situation des stockages d'ammonitrates haut dosage, en vue d'éventuelles actions ultérieures, la mission recommande que, dans le cadre de l'action nationale 2021, la DGPR et les DREAL privilégient les installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) soumises à déclaration relevant de la rubrique 4702-II (ammonitrates haut dosage). 4.2 Les mesures envisageables pour renforcer la maîtrise des risques liés aux ammonitrates 4.2.1 Le sujet des ammonitrates haut dosage Il ressort des chapitres précédents que les risques liés aux ammonitrates dans les ports paraissent globalement maîtrisés. Même si des recommandations sont exprimées ci-dessus pour améliorer l'encadrement réglementaire et le contrôle des activités portuaires, maritimes ou fluviales, ces activités ne paraissent pas les points les plus sensibles de la chaîne d'approvisionnement de l'agriculture en ammonitrates et la question de la sécurité de ces produits doit être examinée de manière plus globale. Au préalable, la mission a constaté que la question de l'amélioration de la sécurité des ammonitrates n'est pas nouvelle. Elle a été posée en particulier à la suite de l'accident de Toulouse et de l'explosion de quelques tonnes d'ammonitrates à Saint Romain en Jarez en 2003, dans le cadre de deux rapports63 réalisés en 2004. Ces rapports ont paru particulièrement pertinents à la mission aujourd'hui encore. Certaines des recommandations ont été suivies d'effet, notamment l'interdiction de la vente des ammonitrates haut dosage au grand public (précédemment, on pouvait en acheter dans n'importe quelle jardinerie) ou l'obligation de fourniture de fiche de données de sécurité aux utilisateurs. Certaines ont été suivies partiellement, en particulier le renforcement de la réglementation des stockages (précédemment, les stockages en dessous des seuils Seveso n'étaient pas réglementés). D'autres n'ont pas été suivies, notamment l'interdiction à moyen terme des ammonitrates haut dosage en vrac ou la réglementation par le ministère de l'agriculture des dépôts d'engrais à la ferme en dessous du seuil ICPE. Le fait que de nombreux pays ont interdit ou assujetti à des règles draconiennes l'usage des ammonitrates à haut dosage ne peut que nous interpeller. Il s'agit notamment de l'Allemagne, de la Belgique, de l'Irlande, de l'Australie, de la Turquie, de la Chine et de l'Inde64. Dès lors, la mission considère que la question de l'opportunité de maintenir en France l'utilisation des ammonitrates haut dosage peut être à nouveau posée. Les éléments à prendre en compte sur ce sujet délicat sont la sécurité (risque d'accident) et la sûreté (risque terroriste), et aussi les aspects économiques (pour l'agriculture et l'industrie des engrais) et la protection de l'environnement. La mission n'était 63 64 Rapports de mai 2004 et décembre 2004, non publiés du fait qu'ils abordent des aspects de sûreté (cf. bibliographie [3] et [5]. Il semble que ces interdictions ont motivées pour les plus anciennes par des préoccupations de sécurité, et pour les plus récentes par des préoccupations de sûreté (prévention du terrorisme). PUBLIÉ 46 Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux pas mandatée pour faire des propositions à ce sujet et considère qu'en l'absence de spécialistes de l'agriculture et de la sûreté, elle n'avait pas la composition adéquate pour cela. Le point 4.2.3 ci-après présente quelques éléments sur les avantages et inconvénients des ammonitrates par rapport à d'autres engrais azotés. La mission considère qu'il est souhaitable de faire évoluer la situation selon les trois voies suivantes Prohiber les ammonitrates haut dosage en vrac ; Favoriser dans la réglementation ICPE les ammonitrates moyen dosage par rapport au haut dosage ; Apporter une information sur la sécurité des stockages aux agriculteurs. 4.2.2 L'interdiction de l'usage des ammonitrates haut dosage en vrac Les ammonitrates transportés et stockés en vrac présentent un risque supplémentaire par rapport aux produits conditionnés. Le vrac est plus susceptible que les produits conditionnés de subir une pollution accidentelle ou d'être dégradé (humidité, mélange, ...). De plus, le vrac complique la traçabilité (il est plus facile de compter des sacs que de peser précisément des produits en vrac) et dès lors rend plus difficile de détecter un détournement de produits à des fins malveillantes. Les règlements européens successifs relatifs au marquage CE prohibent la vente de vrac d'ammonitrates haut dosage aux utilisateurs finaux (c'est-à-dire les agriculteurs) et le déchargement d'ammonitrates en vrac est prohibé dans les ports maritimes français. Trois des cinq grands fournisseurs d'ammonitrates proposent essentiellement des produits conditionnés. Enfin, dès 2004, le rapport des inspections générales recommandait déjà d'interdire à moyen terme après une période transitoire la vente en vrac des ammonitrates haut dosage. Ce mouvement de réduction des ventes de vrac au profit d'engrais conditionnés est déjà largement engagé. La grande majorité des agriculteurs se sont équipés d'outillages adaptés et sont aujourd'hui livrés en « bigs bags », soit directement depuis les fournisseurs d'engrais, soit depuis les coopératives agricoles qui procèdent au conditionnement. En tout état de cause, les agriculteurs qui souhaitent continuer à utiliser des ammonitrates en vrac pourront continuer à le faire dès lors qu'ils utiliseront des produits moins dosés (type CAN 27), dont la commercialisation et le transport en vrac sont autorisés tant par le règlement européen que par les règles relatives au transport, ce que la mission ne propose pas de restreindre. Dès lors, la mission considère que cette décision d'interdiction de la vente en vrac des ammonitrates haut dosage pourrait être prise rapidement, le plus logique étant qu'elle s'applique à la date d'application du nouveau règlement européen 2019/1019, à savoir le 22 juillet 2022 après la campagne d'épandage 2022. En pratique, le règlement européen peut être rendu d'application obligatoire pour les ammonitrates sans qu'il soit besoin de dispositions législatives mais simplement en modifiant l'arrêté interministériel du 5 septembre 2003 qui rend obligatoire la norme NF U 42-001. Dès lors que la norme NF ne serait plus reconnue et référencée pour les ammonitrates, la voie de l'application du règlement européen serait la seule possible. Le règlement européen n'impose le conditionnement que pour les produits destinés à l'utilisateur final. Dès lors il n'interdit pas à un intermédiaire (par exemple une coopérative agricole) de recevoir du vrac et de procéder au conditionnement, la mission considère qu'il n'est pas souhaitable que cette pratique puisse avoir lieu dans une installation peu (installation soumise à déclaration) ou pas (en dessous d'un stockage de 250 t) contrôlée. La mission propose dès lors, comme le proposait déjà le rapport de mai 200465 et conformément à l'avis du Conseil supérieur des installations classées du 16 novembre 2004, d'abaisser fortement (par exemple à 20 t) le seuil d'autorisation pour les stockages d'ammonitrates haut dosage (4702-II) en vrac. Dès lors seules les installations autorisées, 65 Cf. bibliographie [3]. PUBLIÉ Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux 47 notamment celles des fabricants ou des grosses coopératives agricoles, qui sont fortement encadrées et contrôlées, pourraient manipuler du vrac. En complément et si cela est juridiquement compatible avec les règles de l'ADN, le déchargement de bateaux d'ammonitrates haut dosage en vrac pourrait être interdit dans les ports fluviaux comme cela est déjà le cas dans les ports maritimes. Recommandation n° 8. Afin de limiter les risques de contamination des ammonitrates à haut dosage qui accroît fortement leur réactivité, la mission recommande que les ministères de l'économie, des finances et de la relance et le ministère de l'agriculture rendent obligatoire le règlement européen 2019/1009 qui impose le conditionnement pour les ammonitrates haut dosage, et que le ministère de la transition écologique interdise le chargement/déchargement d'ammonitrates haut dosage en vrac dans les installations fluviales, comme c'est déjà le cas dans les ports maritimes, et baisse le seuil ICPE d'autorisation pour les stockages en vrac de la rubrique 4702-II. 4.2.3 Le développement des ammonitrates à moyen dosage Les dangers liés aux ammonitrates, la pression réglementaire et la pression sociale qui en découlent ont pour conséquence de limiter progressivement la part de marché de ces ammonitrates. Cependant, des éléments rassemblés par la mission, il apparaît que les ammonitrates présentent des avantages bien réels par rapport à d'autres engrais azotés. En particulier, l'urée ou les solutions azotées ont un impact beaucoup plus fort sur la pollution atmosphérique66.Dès lors, la mission considère qu'une évolution souhaitable serait de développer l'usage d'ammonitrates moins dosés, qui présentent les mêmes avantages que les autres ammonitrates en matière agronomique, et qui présentent des risques d'accident que la mission considère comme nettement inférieurs. Les ammonitrates sont très majoritairement produits en France, contrairement aux engrais azotés à base d'urée exclusivement importée. Le passage à des ammonitrates moins dosés, que certaines usines françaises produisent déjà, semble ainsi possible avec une adaptation limitée des outils de production, alors que le passage à l'urée ou aux solutions azotées67 implique des importations supplémentaires. Pour l'agriculteur, un produit moins concentré, nécessitera un tonnage plus important pour obtenir le même résultat. Le surcoût induit semblerait toutefois limité dans la mesure où moins concentré, le produit est lui-même moins coûteux. Les experts insistent, comme ils l'ont déjà fait en 2004, pour indiquer que le risque d'explosion de ces ammonitrates moins dosés subsiste, si les produits sont pris dans un fort incendie qui provoquerait leur fusion. Toutefois, ces produits, du fait de leur composition incluant au moins 20 % de substances inertes, alors que les engrais haut dosage en ont moins de 5 % (et même moins de 2% pour le prill 34,4) sont moins sensibles à une pollution ou à une dégradation. L'accidentologie internationale sur l'ammonitrate ne mentionne aucun accident grave sur l'ammonitrate moyen dosage tel le CAN27, selon l'INERIS. Les experts internationaux en ont d'ailleurs depuis longtemps tiré les conséquences puisqu'au niveau international, les ammonitrates moyen dosage ne sont pas considérés comme des 66 Selon l'ADEME et le CITEPA, dans les mêmes conditions d'épandage, l'urée a un facteur d'émission d'ammoniac 7 fois supérieur aux ammonitrates, la solution azotée 4 fois supérieur. L'ammoniac est un précurseur des particules fines. Souvent à base d'urée. 67 PUBLIÉ 48 Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux matières dangereuses pour le transport international et ne sont pas visés par la directive Seveso. Pourtant, les réglementations ICPE sur les stockages d'ammonitrates haut et moyen dosage (4702-II et 4702-III) sont presque identiques : seul le seuil bas diffère de 250 à 500 t. Correspondance code ONU 4702-II ammonitrates haut dosage 4702-III ammonitrates moyen dosage 2067 Non classé comme matière dangereuse Seuil déclaration avec contrôles 250 t 500 t (somme I, II et III) Seuil autorisation 1250 t (somme I, II et III) 1250 t (somme I, II et III) Seveso bas 1250 t néant seuil Seveso haut 5000 t 5000 t en France, néant dans la directive seuil Comme les installations sont très souvent déclarées pour plusieurs des sous-rubriques 4702, I, II et III, les DREAL ne les différencient aucunement. D'ailleurs plusieurs de nos interlocuteurs agricoles ne différencient pas ces produits. De ce fait les ammonitrates moyen dosage ne bénéficient d'aucun allègement et les coopératives agricoles n'ont aucun intérêt d'ordre réglementaire à les stocker plutôt que des produits à haut dosage. La mission considère qu'il serait opportun de favoriser les ammonitrates moyen dosage : en supprimant la sur-transposition de la directive Seveso, en relevant le seuil de déclaration, actuellement de 500 t pour le rapprocher de celui des engrais 4702-IV, qui est de 1250 t, en baissant le seuil de déclaration pour les ammonitrates haut dosage, par exemple à 50 ou 100 tonnes. Corrélativement à un allègement de la réglementation sur la rubrique 4702-III, la mission considère qu'il conviendrait de renforcer le contrôle des stockages à haut dosage 4702-II. Les actions à mener sont à déterminer en fonction des résultats de l'action nationale pour 2021 mentionnée au §4.1. Il pourrait s'agir de s'assurer, en s'appuyant sur un recensement plus systématique, du respect de l'obligation de contrôle par organisme agréé. Une autre voie efficace serait de passer ces installations 4702-II sous le régime de l'enregistrement68. Au moment de la rédaction du présent rapport, le débat était ouvert au Parlement dans le cadre de la loi sur le climat sur l'opportunité de la mise en place d'une taxe ou redevance sur les engrais azotés. Si un tel instrument financier devait voir le jour, il serait opportun de tenir compte des risques présentés par les différents engrais et d'inciter au développement de l'usage des ammonitrates moyen dosage en prévoyant un niveau de taxation différencié en faveur de ces derniers. 68 Les stockages aujourd'hui déclarés bénéficieraient alors de l'antériorité et n'auraient pas à être à nouveau enregistrés mais un décret particulier pourrait alors prévoir qu'ils soient à nouveau déclarés au préfet pour bénéficier de cette antériorité en fournissant un PV de contrôle d'un organisme agréé dans un délai déterminé. PUBLIÉ Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux 49 Recommandation n° 9. Afin que les opérateurs soient encouragés à recourir aux ammonitrates moyen dosage plutôt qu'aux ammonitrates haut dosage, la mission recommande que le ministère de la transition écologique supprime la sur-transposition de la directive Seveso pour la rubrique 4702-III (ammonitrates moyen dosage) et relève le seuil actuel de déclaration de cette rubrique pour le rapprocher de celui de la rubrique 4702-IV (ammonitrates bas dosage). Elle recommande aussi qu'il renforce le contrôle des stockages d'ammonitrates à haut dosage (4702-II) et, en fonction des résultats de l'action nationale 2021, abaisse éventuellement les seuils de déclaration pour cette rubrique ou soumette les petites installations à enregistrement plutôt qu'à déclaration. Des dispositions législatives imposent la « non-régression » du code de l'environnement.69 La mission considère que les allègements réglementaires qu'elle propose sur les stockages d'ammonitrates moyen dosage ne doivent pas être considérés comme une « régression » mais bien au contraire comme une amélioration significative de la réglementation dans la mesure où elle a pour effet d'inciter à l'utilisation d'engrais moins dangereux mais aussi moins impactant pour l'environnement. A défaut de cette mesure, un renforcement du contrôle des ICPE déclarées aurait pour conséquence de pousser les coopératives agricoles qui auraient des difficultés à se mettre en conformité soit à renoncer au stockage d'engrais, ce qui multiplierait les stockages à la ferme en dessous des seuils ICPE mais beaucoup moins réglementés et contrôlés, soit à passer à d'autres types d'engrais azotés , l'urée ou les solutions azotées ce qui provoquerait des émissions supplémentaires d'ammoniac alors que les directives européennes sur la qualité de l'air ont précisément visé cette substance comme devant faire l'objet de réductions d'émissions importantes70. En outre, il s'agit non seulement de simplifier la réglementation pour les stockages « moyen dosage », mais aussi, de manière équilibrée de renforcer celle des stockages « haut dosage ». 4.2.4 L'amélioration des conditions de stockage des ammonitrates haut dosage, notamment dans les exploitations agricoles En dessous de 250 t, les stockages ne sont pas réglementés alors que le potentiel de dangers des stocks d'ammonitrates haut dosage reste important. Certes, l'examen de l'accidentologie montre que, s'il existe un très grand nombre d'évènements répertoriés (près de 200), impliquant des ammonitrates stockés dans des installations agricoles, notamment des incendies, on n'a constaté aucun cas d'explosion depuis l'accident de St Romain en Jarez en 2003 où quelques tonnes d'ammonitrates ont provoqué près de 30 blessés chez les pompiers. La mission a pu constater la très forte sensibilité de tous les pompiers à ce risque potentiel d'explosion, ce qui contribue également à en assurer la maîtrise. Cela étant, les incendies impliquant les ammonitrates sont fréquents, et on constate souvent que les produits ne sont pas stockés dans les meilleures conditions de sécurité, ce qui fait qu'un nouvel accident grave reste possible. Selon plusieurs intervenants rencontrés par la mission, la connaissance par les exploitants agricoles du risque lié aux ammonitrates est faible. Les producteurs d'engrais rappellent que ce n'est pas de leur responsabilité et se contentent de fournir les fiches de données de sécurité imposées par la réglementation. La mission a pu consulter certaines de ces fiches et considère qu'elles sont totalement inadaptées à la prise en compte des enjeux de sécurité. D'une trentaine de pages, elles ne présentent pas les risques en tant que tels, mais elles présentent directement 69 Article L 110-1 9° du code de l'environnement « Le principe de non-régression, selon lequel la protection de l'environnement, assurée par les dispositions législatives et réglementaires relatives à l'environnement, ne peut faire l'objet que d'une amélioration constante, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment. » 2016/2284 relative à la réduction des émissions nationales de certains polluants atmosphériques (Directive NEC, plafonds d'émission nationaux) fixe des engagements nationaux de réduction des émissions anthropiques de polluants et notamment d'ammoniac (NH3). La France, qui est après l'Allemagne le plus grand émetteur d'ammoniac de l'UE, doit réduire ses émissions d'ammoniac de 13 % d'ici 2030 par rapport à 2005. 70 La Directive (UE) PUBLIÉ 50 Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux les précautions à prendre pour le stockage, en quelques lignes au milieu de nombreuses autres informations que la mission juge difficilement compréhensibles. Les bigs bags portent un marquage réglementaire mais il n'est pas harmonisé d'un producteur à l'autre et peut être difficilement compréhensible. Les coopératives agricoles qui achètent les engrais pour leurs adhérents ont sans doute des pratiques diverses, mais plusieurs ont reconnu devant la mission ne pas assurer de rôle de conseil sur la sécurité. La profession regroupée au sein de l'UNIFA a élaboré des documents intéressants, mais ils ne semblent pas connus des acteurs. Pourtant, il est essentiel comme l'écrivaient déjà les auteurs du rapport de 2004 que les agriculteurs soient sensibilisés sur quelques principes très simples pour stocker des ammonitrates : les éloigner des produits combustibles (paille, pneus, cuve de fuel,...) ne pas confiner les produits dans un local fermé non ventilé, et ne pas mettre sur rétention. Il serait disproportionné de réglementer tous ces stockages au titre des ICPE. Le rapport de 2004 proposait néanmoins de les réglementer au titre de l'article L 255-6 du code rural. La mission n'a pas d'avis sur la question, n'ayant pas en son sein de spécialiste de l'agriculture. Quel que soit le vecteur réglementaire s'il en faut un, elle plaide pour que les acteurs s'engagent à améliorer l'information. Le moment est particulièrement propice puisque le règlement européen sur les précurseurs d'explosifs, qui devient applicable en 2021, prévoit qu'une information sur la sûreté soit obligatoirement donnée par les vendeurs de produits dans l'ensemble de la chaîne de distribution, sans préciser la forme de celle-ci. Il serait ainsi opportun de profiter de ce nouveau règlement pour préparer le cadre d'une information pédagogique portant à la fois sur les aspects de sécurité et de sûreté. Au-delà de l'obligation faite aux vendeurs de ces produits de porter une telle information, celle-ci pourrait être utilement également diffusée par l'ensemble des acteurs : chambres d'agriculture, assureurs, ainsi que par les différents services de l'Etat en contact avec le monde agricole. La signature d'une charte d'engagement d'information des agriculteurs par l'ensemble des acteurs pourrait être proposée. Recommandation n° 10. Afin de mieux prévenir les risques dans les installations agricoles, la mission recommande que, mettant à profit le nouveau règlement européen sur les précurseurs d'explosifs, les ministères de l'agriculture, de l'intérieur et de la transition écologique fassent mettre au point, en liaison avec l'UNIFA, une information simple et pratique à destination des agriculteurs sur les risques d'accident et de malveillanceliés aux ammonitrates, ainsi que sur les mesures minimales à respecter pour les stocker de façon sûre, et veillent à sa large diffusion. PUBLIÉ Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux 51 5 LA GESTION DES SITUATION INHABITUELLES Compte tenu de la demande de la lettre de mission, les missionnaires ont essayé d'identifier les situations inhabituelles les plus envisageables, notamment sur la base des expériences passées, et d'évaluer la capacité des dispositifs existants à y faire face. Les situations identifiées sont : Un navire d'ammonitrates en difficulté au large des côtes françaises cherchant un port refuge Un bateau d'ammonitrates en difficulté sur une voie d'eau française Un navire d'ammonitrates bloqué dans un port pour des raisons techniques ou juridiques Une cargaison d'ammonitrates non conforme Un stockage irrégulier d'« ammonitrates » dans un port 5.1 Un navire d'ammonitrates en difficulté au large des côtes françaises cherchant un port refuge Le cas d'un navire d'ammonitrates en difficulté au large des côtes françaises cherchant un port refuge s'est présenté plusieurs fois71. C'est la préfecture maritime qui décide de l'accueil ou non du navire et c'est à l'Autorité investie des pouvoirs de police portuaire (AI3P), en liaison avec le préfet, de prendre les dispositions pour assurer la sécurité si le navire est accueilli dans un port. L'organisation des ports maritimes permet d'identifier clairement les responsabilités. 5.2 Un bateau d'ammonitrates en difficulté sur une voie d'eau française Les interlocuteurs de la mission dans le domaine fluvial n'ont pas signalé de précédent. Toutefois une telle situation est possible. La mission n'a pas identifié les responsabilités dans un tel cas, ni qui informerait le représentant de l'Etat. C'est l'un des points à traiter dans les compléments à apporter à la règlementation fluviale (voir §4) 5.3 Un navire d'ammonitrates bloqué dans un port pour des raisons techniques ou juridiques Cette situation s'est déjà produite, et il y a encore dans le port de Sète un navire qui était initialement chargé d'engrais NPK et qui a été bloqué par des défaillances techniques, puis abandonné par son armateur. Toutefois la cargaison avait été déchargée. Cette situation, qui est celle du navire retenu à Beyrouth, ne semble pas pouvoir passer inaperçue dans un port maritime français, et le port et le préfet semblent avoir les outils et les compétences pour traiter un tel cas. 5.4 Une cargaison d'ammonitrates non conforme Par le passé, il est arrivé que des cargaisons d'ammonitrates se révèlent non conformes et donc potentiellement présentent des risques supérieurs à ce qui est acceptable. Cela s'est produit dans les années 2000, lorsque une cargaison venant de Roumanie a été identifiée comme non-conforme, alors qu'une partie des produits avait déjà été distribuée. Les Pouvoirs publics ont obligé l'importateur à récupérer ce qui pouvait l'être pour faire neutraliser 71 Il y a quelques années, un navire a dû faire escale au port du Havre parce que sa cargaison était mal amarrée et déstabilisait le navire. Le problème a pu être réglé sans déchargement. En 2019, le Karkloe, transportant de l'AN HD, en panne de machines, cherchait un port refuge : la préfecture maritime lui a refusé l'accès à un port français, mais a accompagné son remorquage jusqu'à Rotterdam. PUBLIÉ 52 Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux le produit selon un protocole validé par l'INERIS (ajout de 50% de matière inerte puis épandage comme engrais). Par ailleurs des recommandations particulières ont été données aux agriculteurs. La profession insiste sur le fait que le risque de non-conformité est limité lorsque les importations viennent de sources habituelles, et que les cargaisons « atypiques » venant de producteurs moins fiables et importées par des acteurs faisant des opérations ponctuelles auraient disparu. Toutefois la mission a identifié pour 2019 une cargaison « atypique » d'AN HD, importée par un opérateur intervenant rarement sur ce produit. Ni la capitainerie concernée, ni les services de contrôle n'avaient identifié le caractère atypique de la cargaison. La mission considère que la conduite à tenir en cas de cargaison non-conforme est connue et le partage des responsabilités claires. Toutefois la vraie question est d'identifier de telles non-conformités. Il n'est pas réaliste de tester toutes les cargaisons. En revanche, il est souhaitable de cibler les contrôles sur les opérations « atypiques » qui sont facilement identifiables à partir de l'origine de la cargaison et de l'identité de l'importateur. Cela devrait pouvoir se faire facilement dans le cadre de la coopération entre ports et DD(ETS)PP72. 5.5 Un dépôt à terre ou un stockage irrégulier d'ammonitrates dans un port Comme signalé plus haut, il est arrivé de constater la présence dans un port fluvial de plusieurs centaines de tonnes d'ammonitrates haut dosage dont les autorités ignoraient tout73. Une telle situation n'aurait pas pu se produire s'il y avait eu une vraie gestion des flux de matières dangereuses dans le port concerné. En revanche, une fois l'anomalie identifiée, les Pouvoirs publics ont su le traiter. En conclusion, les dispositions actuelles semblent de nature à permettre de faire face aux situations inhabituelles lorsqu'elles ont été identifiées, car les responsabilités des acteurs sont claires et le représentant de l'Etat est en mesure d'assurer une coordination et de trancher en cas d'urgence, sauf dans le cas du fluvial où le partage des responsabilités est plus incertain, comme souligné § 3. Toutefois les recommandations du rapport visent à traiter cette lacune. Une faiblesse peut venir de la non-détection de telles situations inhabituelles dans deux cas, cargaison non-conforme et dépôt à terre ou stockage irrégulier. Dans le premier cas, il serait bon que les contrôles ciblent les trafics atypiques qui sont les plus susceptibles de concerner des cargaisons à problèmes (cf. recommandation 6). Dans le second cas, une gestion plus stricte des matières dangereuses est de nature à identifier rapidement les irrégularités : ainsi il semble difficile dans un port maritime qu'une telle irrégularité échappe à la vigilance de la capitainerie. Un renforcement de la gestion des matières dangereuses dans le domaine fluvial est de nature à réduire le risque d'un tel incident (cf. recommandations 2 et 5). 72 73 Voir § 4.1.1 Incident sur le port de Strasbourg en juin 2018. PUBLIÉ Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux 53 CONCLUSION Aux questions posées par la lettre de mission, peuvent être apportées les réponses suivantes. La situation dans les ports maritimes est satisfaisante, même si quelques améliorations sont souhaitables : En ce qui concerne le cadre règlementaire concernant les produits à base de nitrate d'ammonium, le partage des responsabilités et les attentes vis-à-vis des différents acteurs sont clairs ; En ce qui concerne l'évaluation des flux de produits à base de nitrate d'ammonium, l'information est disponible, mais difficile à synthétiser faute de systèmes compatibles entre ports ; En ce qui concerne les quantités présentes dans les ports, hors ICPE, elles sont limitées en quantité et en durée et font l'objet d'un bon suivi par les capitaineries ; En ce qui concerne l'application des dispositions et leur robustesse par rapport à des situations inhabituelles, l'action des capitaineries permet une surveillance efficace propre à détecter et traiter des anomalies. La situation est assez différente pour le transport fluvial où l'on constate des lacunes règlementaires, une information insuffisante sur les transports de matières dangereuses en général et de produits à base de nitrate d'ammonium en particulier, et un manque de clarté sur les responsabilités des divers acteurs. Le rapport formule donc des recommandations pour y remédier et mettre en place une police effective. Cela étant, il faut relativiser la question des ports lorsque l'on considère les risques des produits à base de nitrate d'ammonium. Le produit présentant des risques le plus abondant est l'ammonitrate haut dosage. Or pour une consommation annuelle de 1 500 kt, le trafic des ports maritimes ne représente que quelque 130 kt et le trafic fluvial quelque 50 kt. La plus grande partie du transport se fait par voie routière. Par ailleurs, la consommation ne se faisant que sur quelques mois, il y a des stocks importants répartis dans tout le pays, dans les coopératives ou chez les négociants, mais aussi chez les agriculteurs. C'est pourquoi il semble utile de prendre en considération l'ammonitrate haut dosage dans son ensemble et de veiller à ce que les mesures prises pour renforcer la sécurité soient cohérentes sur toute la chaîne de distribution du produit. C'est dans cet esprit que le rapport fait des recommandations plus générales concernant l'ammonitrate haut dosage. Parmi les recommandations, celles qui sont prioritaires sont les recommandations R3 (mise en place d'un pendant au RPM pour le transport fluvial), R4 (clarification des responsabilités pour le transport de matières dangereuses par voie fluviale) et R5 (suivi du trafic de matières dangereuses par voie fluviale) qui visent à combler une lacune dans le contrôle des ammonitrates transportés par voie fluviale, et la recommandation R6 qui vise à prévenir le risque de cargaisons non-conforme. Il s'agit de mesures peu coûteuses qui relèvent essentiellement du ministère de la transition écologique. PUBLIÉ 54 Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux Les recommandations R1 (amélioration du pilotage des capitaineries) et R2 (développement d'un système de gestion des matières dangereuses unique) visent à améliorer une situation des ports maritimes globalement satisfaisante et nécessitent aussi peu de moyens. En ce qui concerne les quatre recommandations visant les ammonitrates en général, si la recommandation R7 (priorité sur les ICPE stockant des ammonitrates haut dosage dans l'action d'inspection lancée en 2021) est une mesure technique simple interne au ministère de la transition écologique, les trois autres (R8 (réduction des ammonitrates haut dosage en vrac), R9 (incitation à l'usage des ammonitrates moyen dosage) et R10 (amélioration de l'information sur les risques)), nécessitent d'impliquer les agriculteurs, les industriels et le ministère de l'agriculture. Il faut toutefois noter que la recommandation R8 correspond à ce qu'a déjà fait spontanément depuis plus de 15 ans le plus gros industriel des engrais, et aux pratiques générales de trois des cinq vendeurs principaux actifs sur le marché français. La recommandation R10 est à très faible coût et aurait un fort impact en matière de prévention. PUBLIÉ Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux 55 PUBLIÉ 56 Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux PUBLIÉ Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux 57 PUBLIÉ 58 Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux PUBLIÉ Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux 59 PUBLIÉ 60 Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux PFAUVADEL PUBLIÉ Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux 61 PUBLIÉ 62 Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux PUBLIÉ Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux 63 PUBLIÉ 64 Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux PUBLIÉ Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux 65 PUBLIÉ 66 Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux ODEADOM Directeur PUBLIÉ Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux 67 PUBLIÉ 68 Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux PUBLIÉ Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux 69 PUBLIÉ 70 Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux La liste ci-dessous n'est pas exhaustive. Elle permet d'illustrer divers cas de figure. Il convient de noter que la nature exacte du produit en cause n'est pas toujours connue, ainsi que les pollutions éventuelles de celui-ci. Pour ce que l'on peut identifier, les produits sont très divers, du nitrate d'ammonium destiné à la fabrication d'explosifs, de l'ANFO, du NASC, des engrais ammonitrates, des NPK... Il faut aussi souligner que cette liste sous-représente sans doute les incidents sans explosion, tels qu'un feu de ferme ayant donné lieu à décomposition d'ammonitrates, mais sans suites dramatiques. Les sources sont Bibliographie [7], [13] et INERIS. Code couleur : Explosion à la suite d'un amorçage Explosion à la suite d'un incendie Autre explosion Simple décomposition suite à un incendie Décomposition auto-entretenue Année 1904 1916 1921 1921 1924 1940 1942 1947 1947 1953 1960 1960 1961 1963 1963 1965 1966 1966 1969 1970 Lieu Tessenderloo, Belgique Faversham, UK Knurow, Pologne Oppau, Allemagne New Jersey, USA Miramas, France Tessenderloo, Belgique Texas City, USA Brest Port Soudan, Soudan Boron, USA Traskwood, USA Francfort, Allemagne Vlaardingen, Pays-Bas Finlande Au large Azores USA Allemagne Suisse France des Produits en cause 700 t de nitrate d'ammonium technique 30 t ammonitrates 4 500 t d'engrais ammonitrates et sulfate d'ammonium Evénement Explosion Incendie suivi d'une explosion Amorçage suite à démottage à l'explosif. Explosion Amorçage suite à démottage à l'explosif. Explosion Explosion dans une unité de fabrication. Présence de contaminants. Incendie puis explosion Amorçage suite à démottage à l'explosif. Explosion Incendie à bord d'un navire (Grancamp) suivi d'une explosion. Deux navires impliqués. Incendie à bord d'un navire (Ocean Liberty) suivi d'une explosion Incendie suivi d'une explosion à bord d'un navire Incendie suivi d'une décomposition Déraillement d'un train. Incendie puis explosion DAE DAE Introduction accidentelle d'agents antimottants. Explosion. Navire Sophocles Incendie du explosion DAE Contamination Explosion. DAE stockage, puis Conséquences Centaines de morts 115 morts 19 morts 561 morts, 1952 blessés 18 morts Installation Stockage Stockage Fabrication 240 t d'ammonitrates 150 t d'ammonitrates Engrais ammonitrates 32,5 conditionné en sacs papier imperméabilisés par du bitume 740 t d'ammonitrate. Présence d'un chargement de paraffine. 4 00t ammonitrates, 420 t papier, 160 t sels de cuivre 20 t ammonitrates prill en sacs Ammonitrates, hydrocarbures et produits chimiques 8 000t NPK 12.12.17 4 500 t NPK 12.12.12 8 t NASC 5 300 t NPK 14.14.14 Ammonitrates, pesticides, matières combustibles 7 200 t NPK 16.11.14 NASC NPK ensachés 189 morts 581 morts, 3500 blessés 26 morts, 1000 blessés Stockage Navire Navire Navire Stockage Train Stockage Stockage 10 morts, 16 blessés Naufrage, 3 morts Fabrication Navire Stockage Stockage Fabrication Stockage accidentelle. PUBLIÉ Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux 1972 1972 1973 1975 1975 1976 1982 1987 1988 Taroom, Australie France Cherokee, USA USA Allemagne Manfredonia, Italie UK Nantes, France Kansas City, USA 18,5 t nitrate d'ammonium faible densité en sacs NASC 14 000 t ammonitrates haute densité NPK 12.12.12 Vrac NPK Incendie d'un camion, pollution par le carbone des pneus, explosion. Chargement dans citerne contaminée. Explosion. Incendie du stockage, puis explosion Echauffement par défaut électrique Point chaud soudage. Explosion et incendie Explosion Incendie suivi d'une décomposition Initiation par point chaud dû à une installation électrique défectueuse dans le stockage Incendie 3 morts 71 Camion Stockage 8 blessés 1000 personnes évacuées 28 blessés, 1000 personnes évacuées Stockage Stockage Stockage 1988 1989 Yougoslavie Jonova, Lithanie Ammonitrates stockés avec des meubles en bois 1 450 t NPKdont 850 t NPK 15.8.22, 750 t ammonitrates, 150 t urée Explosifs à base de nitrate d'ammonium, nitrate d'ammonium, essence, aluminium 17 000 t NPK 20 000 t NPK 11.11.11 Stockage 30 000 évacuées personnes Stockage 6 morts, 1 blessé 1990 1993 1994 1997 1998 1998 1998 2000 2001 2002 2002 2002 2003 2003 2004 2004 2004 2004 2007 2004 2007 2009 Barbezieux-StHilaire, France Humberside, UK Sioux City, USA Brasilia, Brésil USA Walden, Canada France Aunay-sousCrécy, France Toulouse, France Murcie, Espagne Pays-Bas Saint-Nazaire, France Palerme, Italie Saint-Romainen-Jarez, France Iran Barracas Ryongchon, Corée du Nord Mihailesti, Roumanie Monclova, Mexique Köping, Suède En mer au large de l'Espagne Bryan, USA 400 t d'ammonitrates en sacs 3 00 t NPK 75 t nitrate d'ammonium Nitrate d'ammonium technique 420 t d'ammonitrates ensachés ou en conteneurs 18 t d'ANFO ou émulsion de nitrate d'ammonium 300 t NPK 14.8.24 Accident ayant provoqué un incendie dont celui d'une bande transporteuse qui s'est effondrée sur un tas d'engrais Incendie suivi d'une décomposition DAE suite à point chaud électrique Explosion en cours de fabrication d'engrais Collision d'un camion avec un camion d'hydrocarbures. Incendie. Explosion Incendie suivi d'une décomposition Incendie suivi d'une explosion DAE Décomposition Explosion. Hypothèse d'une incompatibilité avec un produit chloré 20 000 personnes évacuées 7 morts, 57 blessés, 30 000 personnes évacuées Stockage Stockage Stockage Confinement 4 morts, 18 blessés 17 morts Navire Fabrication Camion Stockage 2 blessés Camion Stockage Ammonitrates déclassés, 300400 t 15 400 t NPK 15.15.15 en vrac 2 500 t NPK 12.12.17 2 500 t NPK 15.12.24 4 000 t NPK 2-3 t engrais ammonitrates 33,5 en big bags, caisses en plastique 420 t d'engrais (pas de précisions) 20 t ammonitrates 33,5 en vrac Ammonitrates 20 t ammonitrates en sacs 25 t ANFO Engrais DAE et non-DAE NPK 15.15.15 30 morts Confinement 170 000 personnes Confinement dans un rayon de 1 km Stockage Stockage Navire Navire Navire Stockage Train Camion Suite à travaux de soudure Incident électrique sur un navire dans le port. DAE Incendie du stockage suivi d'une explosion. Présence de matières combustible. Déraillement Incendie du camion de transport, puis explosion Collision entre citerne routière et train. Incendie puis explosion Incendie d'un camion suivi d'une explosion Incendie du camion de transport, puis explosion Incendie d'un stockage de produits combustible se propageant au stockage d'engrais Sur cargo en mer (Ostedijk). Amorçage par point chaud. Incendie 26 blessés 328 morts 161 morts, 1300 blessés 18 morts, 11 blessés 28 morts, 250 blessés Train Camion Camion Stockage Navire 34 blessés Stockage PUBLIÉ 72 2013 2013 2014 2015 2015 2017 2017 2019 2020 Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux West Texas, USA Sao Francisco do Sul, Brésil Charlotteville, Australie Tianjin, Chine En mer au large de l'Allemagne Logron, France Au large des Canaries, Espagne Camden, USA Beyrouth, Liban 150 t ammonitrates, autres engrais 10 000 t engrais NK 22.0.21 56 t 800 t d'ammonitrates, nombreuses autres matières dangereuses NPK 15.15.15 3 t d'ammonitrates en big bags 40 000 t NPK, 15.15.15 et 16.16.1674 20 t de nitrate d'ammonium technique 2 750 t de nitrate d'ammonium technique Incendie dans un bâtiment connexe séparé par une paroi de bois. Explosion. DAE Incendie du camion de transport, puis explosion Incendie sur une plateforme logistique suivi d'une explosion DAE sur un cargo (Purple Beach) Incendie suivi décomposition DAE sur le cargo Cheshire d'une 15 morts, 200 blessés 100 blessés, 30 000 personnes évacuées 3 blessés 173 morts, 800 blessés Stockage Stockage Camion Stockage Navire Stockage Navire 1 mort 204 morts, plus de 6500 bléssés Camion Stockage Incendie du camion de transport, puis explosion Incendie suivi d'une explosion 74 Il est à noter que la cargaison avait été déclarée non dangereuse, alors que les événements conduisent à penser qu'elle aurait dû être considérée « susceptible de DAE » et donc être classée ONU 2071. PUBLIÉ Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux 73 A6.1 La nomenclature des produits A6.1.1 La codification ONU pour le transport des matières dangereuses La codification ONU pour le transport des matières dangereuses a l'avantage d'être reconnue internationalement. Elle attribue aux différentes matières dangereuses un nombre à 4 chiffres et donne en regard une classe de danger. Elle vise le transport de marchandises. Les produits ou familles de produits répertoriés sont les suivants : ONU 0222 : nitrate d'ammonium avec plus de 0,2% de substances combustibles, y compris toute substance organique calculée en contenu carbone, à l'exclusion de toute autre substance ajoutée : en gros il s'agit d'explosifs au nitrate d'ammonium tel que le nitrate fuel ou ANFO (ammonium nitrate fuel oil) ONU 1942 : nitrate d'ammonium avec moins de 0,2% de substances combustibles, y compris toute substance organique calculée en contenu carbone, à l'exclusion de tout autre substance ajoutée : en gros il s'agit de nitrate d'ammonium technique généralement destiné à la fabrication d'explosif, mais qui en l'état n'est pas considéré comme un explosif compte tenu de la très faible teneur en carbone ONU 2067 : engrais à base de nitrate d'ammonium ; mélange uniforme et non-susceptible de ségrégation de nitrate d'ammonium avec un additif qui est inorganique et chimiquement inerte vis-à-vis du nitrate d'ammonium, o ne contenant pas moins de 90% de nitrate d'ammonium et pas plus de 0,2% de matières combustibles : o ou contenant pas moins de 70% de nitrate d'ammonium, pas plus de 0,4% de matières combustibles, et moins de 5% de sulfate d'ammonium ; o ou contenant pas moins de 70% de nitrate d'ammonium, pas plus de 0,4% de matières combustibles, et plus de 5% de sulfate d'ammonium, mais contenant au moins 10% de matières inorganiques à l'exclusion du nitrate d'ammonium et du sulfate d'ammonium. Il s'agit, en gros, d'engrais ammonitrates à haut dosage en azote tel que les ammonitrates haute teneur 33,5% ou les ammonitrates prill 34,4%. ONU 2071 : engrais à base de nitrate d'ammonium ; mélange uniforme et non-susceptible de ségrégation de types N/P ou N/K ou de type N/P/K, ne contenant pas plus de 70% de nitrate d'ammonium et pas plus de 0,4% de matériau combustible ou organique calculé en carbone, ou ne contenant pas plus de 45% de nitrate d'ammonium et une quantité non-limitée de matériau combustible, susceptible de DAE : il s'agit notamment des engrais complexes NP, NK ou NPK à teneur en azote inférieure à 24,5% sans matière organique, ou d'engrais complexes contenant des matières organiques, mais à teneur en azote inférieure à 15,75%, susceptibles de DAE. ONU 2426 : solution chaude concentrée de nitrate d'ammonium) : il s'agit du produit industriel appelé NASC à partir duquel sont élaborés les engrais contenant du nitrate d'ammonium tels que les ammonitrates en prill, les ammonitrates en granulés et les engrais complexes en granulés. 0NU 3375 : (émulsion, suspension ou gel de nitrate d'ammonium) Les engrais à base d'ammonitrates, autre que les 2067 et 2071 n'ont pas de nomenclature ONU. Ce sont notamment les engrais ammonitrates à moyenne teneur tels que le CAN27 (nitrate d'ammonium associé à du carbonate de calcium dont la teneur en azote est de 27%) ou les ammonitrates soufrés, dont la teneur en azote est inférieure à 28% (seuil européen). La correspondance de risques est la suivante : PUBLIÉ 74 Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux Classement ONU 0222 1942 2067 2071 2426 3375 Type de risque Classe 1.1 : Explosifs/Risque de détonation en masse Classe 5.1 : Comburants Classe 5.1 : Comburants Classe 9 : Divers dangereux pour l'environnement Classe 5.1 : Comburants Classe 5.1 : Comburants A6.1.2 La nomenclature ICPE La nomenclature ICPE vise les installations qui fabriquent et stockent les produits. A6.1.3 La nomenclature des douanes Les Douanes utilisent la nomenclature NC8 (nomenclature combinée à 8 chiffres), définie au niveau européen. Elle permet notamment de déterminer les droits de douanes et élaborer les statistiques du commerce extérieur. Elle est utilisée dans les DAU (document administratif unique rempli dans le cadre des opérations de commerce extérieur à l'Union européenne) et les DEB (déclaration d'échange de biens, entre la France et le reste de l'Union). Elle distingue notamment : Le nitrate d'ammonium reconnaissable comme explosif préparé (donc additionné de substances sensibilisantes telles que le nitrate de glycérol ou le glycol, par exemple) se classe sous la position 3602 00 00. Le nitrate d'ammonium technique : position 3102 30 90 s'il se présente sous forme solide, et position 3102 30 10 s'il est en solution aqueuse, même s'il est utilisé pour fabriquer des explosifs. Dans le cas peu probable où il serait conditionné en tablettes ou similaires ou en emballage d'un poids n'excédant pas 10 kg, il relèverait alors de la position 3105 10 00. Le NASC ou nitrate d'ammonium en solution chaude se classe sous la position 3102 30 10. PUBLIÉ Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux 75 Les ammonitrates à haut dosage, soit plus de 28% d'azote, se classent sous la position 3102 40 90. Les ammonitrates à moyen dosage, soit inférieur ou égal à 28% d'azote, se classent sous la position 3102 40 10. Les engrais complexes contenant de l'azote, NPK, NP et NK : - position 3105 10 00 pour les NPK, NP, et NK conditionnés en tablettes ou similaires ou en emballage d'un poids n'excédant pas 10 kg - position 3105 20 10 pour les NPK autrement conditionnés, et si la teneur en azote est supérieure à 10% en poids - position 3105 20 90 pour les NPK autrement conditionnés, et si la teneur en azote est inférieure ou égale à 10% en poids - position 3105 30 00 pour l'hydrogénoorthophosphate de diammonium (NP) - position 3105 40 00 pour le dihydrogénoorthophosphate d'ammonium (NP) - position 3105 51 00 et 3105 59 00 pour les autres NP - position 3105 90 20 pour les NK si la teneur en azote est supérieure à 10% en poids - position 3105 90 80 pour les NK si la teneur en azote est inférieure ou égale à 10% en poids Cette nomenclature appelle les remarques suivantes : elle ne tient pas compte du caractère dangereux ou non des produits ; la comparaison des chiffres des Douanes et des informations recueillies auprès des industriels laisse penser qu'il y a des confusions entre rubriques, notamment pour le nitrate d'ammonium technique75. Par ailleurs les DAU sont nécessaires pour les opérations de dédouanement, mais sont enregistrées au lieu de dédouanement. Les DEB sont effectuées a posteriori sur une base déclarative. En conséquence, les données sont peu utilisables pour localiser précisément les flux76. Enfin, les informations issues des DEB sont confidentielles lorsqu'un nombre limité d'opérateurs assure la plus grande part du trafic. A6.1.4 La nomenclature NST Cette nomenclature utilisée pour les statistiques de transport et peu détaillée et n'identifie pas les produits dangereux. Les engrais apparaissent dans la rubrique 7 qui se décompose comme suit : 7=Engrais 71=Engrais naturels 711=Nitrate de soude naturel 712=Phosphates naturels bruts 713=Sels de potasse naturels bruts 719=Autres engrais naturels 72=Engrais manufacturés 721=Scories de déphosphoration 722=Autres engrais phosphatés 723=Engrais potassiques 724=Engrais nitrés 729=Engrais composés et autres engrais manufacturés Le nitrate d'ammonium technique n'est pas non plus isolable parmi les produits chimiques. 75 76 La somme des importations affichée semble très supérieure au marché. Les statistiques douanières donnent des importations nulles d'AN HD par voie fluviale alors que le trafic d'un seul industriel serait selon lui de 47 000 t. PUBLIÉ 76 Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux A6.2 Les données sur les flux A6.2.1 Données sur le nitrate d'ammonium technique Les fournisseurs pour la France seraient, selon les industriels, MAXAM TAN qui avait une production à Mazingarbe, jusqu'à sa mise en liquidation début 2021 et qui distribuait par voie routière pour le marché français et européen, et par voie fluviale à partir du port de Béthune pour la grande exportation, et YARA qui importe d'une usine européenne par voie routière. A6.2.2 Données de l'UNIFA L'UNIFA fournit des données sur la consommation d'engrais en France métropolitaine Campagne en kt 08-09 1 888 1 158 09-10 1 934 1 122 10-11 1 818 1 286 11-12 1 733 1 211 12-13 1 848 1 175 13-14 1 734 1 099 14-15 1 683 1 173 15-16 1 611 978 16-17 1 588 1 126 17-18 1 525 1 003 18-19 1 488 858 19-20 AN HD AN MD La consommation d'ammonitrates haut dosage est de 1 534 kt en moyenne sur les trois dernières campagnes, et de 996 kt pour l'ammonitrate moyen dosage. On constate une érosion de la consommation comparable pour les deux types d'ammonitrates (la moyenne des trois dernières campagnes représente 90% de la moyenne sur les onze dernières campagnes), compensée par la croissance du recours à l'urée et aux solutions azotées. Les principaux acteurs sont les suivants : Boréalis et Yara sont des groupes internationaux qui produisent en France (respectivement à Grand-Quevilly, Grandpuits et Ottmarsheim, et à Montoir-de-Bretagne et Ambès), Yara approvisionnant aussi le marché français depuis son usine belge du Tertre. Les autres sont des importateurs, notamment Eurochem, qui importe de Belgique PUBLIÉ Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux 77 (usine d'Anvers), Litfert qui importe de Lituanie, et Unifert qui importe de Pologne et accessoirement du RoyaumeUni. A6.2.3 Données des Douanes Les Douanes fournissent les données suivantes pour 2019. En t Total Mer Fer Route Fluvial Nitrate Import DEB 223 167 147 505 0 54 451 21 211 d'ammonium DAU 121 121 0 0 0 Export DEB C C 0 C 0 DAU 28 572 21 867 0 506 6 200 AN HD Import DEB 86 400 C C 78 975 0 DAU 0 0 0 0 0 Export DEB 176 898 C C C 0 DAU 245 0 0 245 0 AN MD Import DEB 865 123 245 813 0 520 056 99 254 DAU 18 546 18 546 0 0 0 Export DEB C C 0 91 326 C DAU 8 620 0 0 7 420 1 200 Les chiffres DEB correspondent aux mouvements de marchandises vers ou depuis l'Europe et les chiffres DAU les mouvements hors Europe. Certains chiffres DEB sont occultés pour des raisons de confidentialité (C). Ces chiffres appellent les réserves suivantes : les importations de nitrate d'ammonium semblent bien trop élevées pour correspondre au seul nitrate d'ammonium technique. Il est vraisemblable qu'il y a une part d'AN HD. Les exportations de nitrate d'ammonium correspondent à l'activité du seul producteur français de nitrate d'ammonium technique. Les importations d'AN HD sont sous-évaluées : notamment n'apparaissent pas les 47 000 t/an d'importation par voie fluviale d'un importateur identifié77. En gros, si on retient le chiffre des industriels pour les importations de nitrate d'ammonium technique (20 kt/an par route), l'ammonitrate haut dosage représenterait : 290 kt/an d'importation, dont : o Mer et fluvial : 180 kt au plus, dont environ 50 kt par voie fluviale o Route : 110kt Le nitrate d'ammonium moyen dosage représente : 884 kt/an d'importation, dont o Mer : 264 kt o Fluvial : 100 kt o Route : 520 kt. En ce qui concerne particulièrement l'outre-mer, les ammonitrates sont peu ou pas employés et leur est préférée l'urée. Les données des Douanes, confirmées par celles fournies par les ports, donnent : Martinique : trafic nul, Guadeloupe : trafic nul, 77 17 000 t via Elbeuf et 30 000 t via les voies fluviales de l'est de la France. PUBLIÉ 78 Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux Guyane : trafic de nitrate d'ammonium technique (98 t en 2020), Réunion : trafic d'ammonitrates haut dosage (24 t en 2020) et de nitrate d'ammonium technique (50t en 2020), Mayotte : trafic de nitrate d'ammonium technique (25 t en 2020). PUBLIÉ Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux 79 Accueil des navires Article du RPM Contenu du RPM Tonnage maxi par navire 514 À définir par RLMD Quais de chargement/ déchargement A définir par RLMD Dépôts à terre 516 250t /îlot pour nitrate ammonium 600 t/îlot pour engrais 2 ilots de 250 t max éloignés d'au moins 10 m Durée dépôt à terre 516 Le moins de temps possible 72 h en tout , 24 heures après départ navire Gardiennage 517 Si plus de 200t Disponibilité en eau 518 Au moins 100t/h jusqu'à 200t, puis croissante si 1 300 m3/h Contrôle disponibilité en eau 519 A définir RLMD Observations missions Saint Malo Nov 2020 Lundi matin, jusque mercredi pour décharger avant vendredi Non précisé 3 500 t Un poste : poste Vauban 10 Permanent ammonitrates présents Rouen Juillet 2019 de 2000 15 000 (expédition Borealis) à t Nombreux quais autorisés, pas réellement utilisés Selon quai 4 îlots de 50 ou 410 t 3 jours Renvoie RPM vers fonctionnement à chaque arrivée de navire Contrôle annuel par org agréé présenté à commission Fonctionnement à chaque arrivée de navire. Justification sur demande Honfleur (fait partie du GPM de Rouen) idem 5 000 t quai QSH 6 îlots de 250 t éloignés de 20 m 10 jours idem idem Le Havre Mars 2018 Nantes Déc 2017 Visite expert si pas containeurs 800 t par poste à bord navire 6 000 t 4 postes containeurs Cheviré CHV3 et CHV4 Terminal containeurs Montoir Terminal agro alimentaire Entre 37 et 95 t /poste Un seul îlot de 600 t Obligatoire Réseau incendie + remorqueur si 1250 m3/h Par commission de contrôle Restreindre aux quais pertinents Qttés autorisées sur quai semblent excessives. Pas de contrôle systématique des pompes Devrait préciser pas de déchargement si terminal croisières voisin utilisé Durée et quantités semblent excessives Dispositions du RPM mal adaptées aux terminaux containeurs Permanent dépôt 4 000t PUBLIÉ 80 Montoir (YARA) non utilisé Sables d'Olonne Janvier 2016 Saint Brieuc Le Légué Décembre 2019 Admis si déchargement possible sans interruption Visite préalable par expert Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux 4 000 t 3 500 t sur navire 4 500 t en tout sur le port 3 000 t Poste 3-4, poste 2 subsidiaire Un poste En principe interdit, possible jusque 600 t par aut ; except ; 600 t en 3 îlots distants de 16 m sur autorisation exceptionnelle 24 h (aut. excep.) Permanent dépôt Permanent dépôt si 1250 m3/h Contrôle annuel org agréé présenté en commission Contrôle annuel org agréé + essai devant commission 48 h (autorisation ) si Renvoie RPM PUBLIÉ Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux 81 La mission a été particulièrement alertée par le sous-préfet, au nom du préfet d'Ille-et-Vilaine, préfet de Bretagne, sur la situation du port de Saint Malo. Le port de Saint Malo est en effet un des ports accueillant un trafic important d'engrais ammonitrates haut dosage et présente la particularité d'être situé à proximité du centre-ville. Les riverains expriment des interrogations et inquiétudes relancées par l'accident de Beyrouth. Le préfet a dès lors souhaité que la mission puisse s'exprimer sur la situation du port et notamment l'acceptabilité des déchargements d'ammonitrates, même si les règles de sécurité fixées par le règlement local matières dangereuses ont déjà été renforcées sans attendre la mission en novembre 2020. Le préfet s'interroge en particulier sur l'opportunité d'imposer la réalisation d'une étude de dangers, le port n'étant normalement pas soumis à cette obligation par la réglementation nationale. Le port de St Malo présente un trafic significatif d'ammonitrates haute teneur : deux industriels, ayant des usines respectivement en Pologne et en Lituanie l'utilisent régulièrement pour alimenter leurs clients notamment ceux situés en Bretagne. Les mêmes industriels utilisent également le port du Légué à St Brieuc, mais l'indisponibilité temporaire du système de pompage incendie au Légué a fait que les ammonitrates n'ont pas pu y être accueilli et le trafic s'est alors déporté en totalité sur St Malo au cours de l'année 2020. Le port de St Malo est à l'intérieur de la ville et à proximité de l'intra-muros : les ammonitrates sont déchargés à moins de 400 m de la ville close, juste de l'autre côté du bassin Vauban. Il n'y a aucune installation qui stocke des ammonitrates sur le port, mais il existe à quelques centaines de mètres sur le port le siège social du groupe Roullier et une usine du groupe, la Timac qui fabrique des produits destinés à la nutrition animale et végétale, dont des engrais. Cette société ne reçoit, ni ne fabrique, des engrais aux ammonitrates et son activité est totalement indépendante des trafics d'ammonitrates qui ont lieu à quelques centaines de mètres. Cette société, qui par ailleurs présente des problèmes de pollution atmosphérique, entrepose sur son quai de nombreux bigs-bags de produits qui ne sont pas dangereux mais créent une confusion avec les bigsbags d'engrais aux ammonitrates. Le règlement local matières dangereuses a été modifié en novembre 2020, en particulier pour préciser les lieux de déchargement des ammonitrates (un seul poste autorisé au lieu de 3 auparavant), la durée et la quantité maximales de dépôt à terre, le contrôle annuel des moyens incendie par un organisme tiers. Le nouveau règlement ainsi complété apparaît comme un des plus opérationnels et des plus précis parmi ceux consultés par la mission (cf en annexe 7) La mission a par ailleurs pu assister au déchargement d'un navire d'ammonitrates et au chargement des camions. Elle a pu constater que ces opérations se passent de manière fluide et rapide (évacuation des ammonitrates du quai dans un délai de l'ordre de 24 heures). Elle a pu constater également que les mesures de sécurité prévues par la réglementation générale et le règlement (présence des moyens de lutte contre l'incendie, d'un gardiennage permanent, contrôle des accès et des dispositions prévues par l'ADR...) étaient bien mises en place, ainsi que l'absence sur les quais ou à proximité de toute matière combustible ou inflammables autres que les engins de manutention et les camions en cours de chargement. La mission a enfin pu constater que les sapeurs-pompiers ont une bonne connaissance des activités exercées sur le port et des risques potentiels. Un plan « établissement répertorié » a été élaboré pour préparer une éventuelle intervention et des exercices sont réalisés. La mission considère dès lors que les conditions de sécurité sur le port de St Malo sont bonnes et que l'hypothèse d'un accident majeur ne semble pas plausible. PUBLIÉ 82 Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux Figure 6: Navire d'ammonitrates dans le port de Saint-Malo (Source : mission). La poursuite de ce type d'opérations dans les conditions actuelles ne devrait dès lors pas être remise en cause. En particulier, la mission n'estime pas utile de faire réaliser une étude de dangers, qui ne paraît pas de nature à pouvoir apporter des éléments nouveaux ou à améliorer la sécurité. Pour autant, la mission émet quelques recommandations à l'intention des autorités locales : la première porte sur le contrôle de la qualité des ammonitrates déchargés sur le port : le RLMD antérieur prévoyait la possibilité de faire réaliser des prélèvements et des tests par un organisme indépendant. Le problème est que ces prélèvements et tests ne sont pas réalisés dans le cadre des procédures prévues par le code de la consommation (réalisation de plusieurs échantillons témoins pour laisser la possibilité de faire des contre-expertises par exemple), ce qui rendrait sans doute délicate l'intervention de l'État en cas de détection d'une non-conformité. La mission considère qu'il serait préférable que ces contrôles s'inscrivent dans le cadre de ceux réalisés par les services de la répression des fraudes, ce qui n'était pas le cas jusqu'à présent pour les raisons indiquées § 4.1.178. la deuxième porte sur l'intérêt de préciser « qui fait quoi » en cas d'incident, notamment en matière d'alerte et de première intervention. Le rôle de « tour de contrôle » de la capitainerie ne fait pas de doute, mais les circuits d'alerte et les responsabilités sur la première intervention ne sont pas explicites. Ainsi il conviendrait par exemple de préciser qui prévient les pompiers en cas d'incident (départ de feu sur un camion par exemple) : directement l'exploitant qui procède au déchargement ou via la capitainerie ? De même, la direction des opérations de secours dans l'attente de l'arrivée des sapeurs- pompiers n'est pas parfaitement claire. la troisième porte sur l'intérêt d'améliorer la concertation et l'information auprès des élus et des parties prenantes, associations ou riverains. Comme indiqué ci-dessus, des confusions existent avec l'activité de la TIMAC et des questions légitimes sont posées sur le port mais aussi sur la sécurité des transports de matières dangereuses qui traversent la ville. La forme de cette concertation est à décider, mais la mission considère que la Commission locale de suivi déjà mise en place autour de la TIMAC, pourrait aussi être 78 Depuis la visite de la mission, des contacts ont été pris avec la DDPP 35 qui va réaliser des prélèvements sur les ammonitrates déchargés sur le port de Saint Malo PUBLIÉ Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux 83 utilisée pour faire le point sur la sécurité du port et des transports, même si cette commission n'a pas été créée à cette fin, à défaut d'en créer une spécifique sur le sujet des matières dangereuses. Si elle est possible, une visite pour quelques représentants d'associations ou mesures de sécurité qui ont été mises en place. Recommandations La sécurité des trafics d'ammonitrates sur le port de Saint Malo est pleinement satisfaisante. La mission recommande toutefois : - que les contrôles sur la qualité des ammonitrates s'inscrivent dans le cadre prévu par la répression des fraudes - de préciser qui fait quoi en matière d'alerte et de première intervention - d'améliorer l'information des parties prenantes. PUBLIÉ 84 Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux La mission a été particulièrement alertée par le sous-préfet, relayant la position du préfet de Vendée, sur la situation du port des Sables d'Olonne. Il a été visité par la mission le 17 février 2021. Ce port est en effet dans une situation particulière dans la mesure où il cumule deux caractéristiques : - le port de commerce est situé en centre-ville ; - il accueille, en face du quai de déchargement, un dépôt ICPE d'ammonitrates haut dosage d'une coopérative agricole, dépôt classé Seveso bas jusqu'à peu. Ces caractéristiques peuvent se retrouver ailleurs mais pas simultanément : ainsi des entrepôts ICPE sont présents sur d'autres ports comme à Nantes, mais ils ne sont pas en zone urbaine et d'autres ports, par exemple celui de St Malo, sont également très proches de la ville, mais n'ont pas de stockages d'ammonitrates. La présence d'un important stockage sur le port au centre de la ville constitue effectivement une situation particulière et cela d'autant plus que le port de commerce des Sables est aujourd'hui un port « ouvert » où le public a librement accès à la plupart des zones portuaires. Le port n'est fermé à la circulation que pendant l'affluence touristique de l'été pour éviter le stationnement sauvage. La zone où se trouve le quai de manutention des ammonitrates a été munie, assez récemment, à la demande du préfet, pour des raisons autant de sécurité que de sûreté, d'un dispositif de clôture et de contrôle, mais il a été indiqué à la mission que cette zone n'est effectivement interdite au public que pendant les opérations de manutention. A noter aussi que, pendant le Vendée globe, aucun trafic d'ammonitrates n'est autorisé dans le port. La mission note la volonté du préfet de faire évoluer cette situation, même si les risques liés aux ammonitrates paraissent aujourd'hui maîtrisés aussi bien au niveau du déchargement des navires qui est réalisé sans aucun dépôt à terre sur le quai, qu'au niveau de l'entrepôt de la CAVAC., Le RLMD qui a tout récemment été renforcé à la suite de l'étude de dangers qui était motivée par les transferts d'explosifs, prévoit en particulier que le déchargement des navires est réalisé sans aucun dépôt à terre. Une initiative particulièrement intéressante a été la mise en place d'un inventaire commun, mis à jour de manière hebdomadaire de l'ensemble des matières dangereuses présentes sur le port, ammonitrates et autres. L'ensemble des exploitants, manutentionnaires, mais aussi exploitants ICPE transmettent ainsi l'état actualisé des stocks à la capitainerie chaque semaine qui en fait la synthèse et la tient à disposition des services de secours. Le dépôt de la CAVAC coopérative agricole, est utilisé comme stock tampon. 80% des ammonitrates déchargés quittent directement le port par camion, 20% sont stockés, temporairement. Auparavant Seveso seuil bas, ce dépôt est régulièrement inspecté par la DREAL, qui n'a pas relevé de non-conformité à la réglementation. Le dépôt n'est pas gardé en permanence, mais le dispositif de protection contre les intrusions a été renforcé par une barrière à l'entrée et des caméras de vidéo-surveillance, à la demande de l'Etat. Dans la mesure où l'exploitant respecte la réglementation, la mission confirme qu'il n'est légalement pas possible de lui imposer de réduire ou supprimer son activité. Pour améliorer encore la situation, la mission considère en premier lieu que l'ouverture au public du port de commerce, souhaitée par la municipalité, mérite d'être réexaminée. En effet, l'activité industrielle d'un port de commerce, qui comprend non seulement des activités de manutention mais aussi des activités industrielles, telle la réparation navale, est peut être difficilement compatible avec une activité touristique, notamment en haute saison, et une activité de loisir. La mission a noté que deux accidents mortels ont déjà eu lieu, deux voitures de particuliers étant tombées dans les darses du port. Ceci relève des exigences de « sécurité » publiques et non pas de « sureté ». Les exigences de sûreté n'ont pas été examinées de près par la mission, mais il convient aux services de la préfecture, en lien avec l'autorité portuaire et le concessionnaire, de savoir si le maintien du public à proximité, notamment lors de la présence d'ammonitrates sur le port, semble compatible. La fermeture de tout ou PUBLIÉ Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux 85 partie du port de commerce pendant l'ensemble de l'année est une hypothèse à envisager, d'autant qu'à première vue, elle semble assez facile à concrétiser. La CAVAC est un utilisateur important du port : elle y dispose de deux entrepôts pour différents types d'engrais, où les ammonitrates haut dosage constituent une part très minoritaire du stockage ; elle dispose également dans une autre partie du port de commerce de silos de céréales. Le trafic d'ammonitrates (avec ou sans stockage) représente une part non négligeable des revenus du port. La CAVAC a déjà fait un effort important en acceptant volontairement de diminuer la quantité maximale d'ammonitrates stockés dans son dépôt du port. Le stockage qui relevait de la directive Seveso, seuil bas, a été ramené à 1249 t au maximum et n'est dès lors plus soumis qu'à déclaration ICPE. Malgré ce déclassement, la DREAL s'est engagée à continuer à inspecter régulièrement le site qui continuera à faire l'objet d'un POI. La relation entre le SDIS, le port et la CARAC se passe bien avec des exercices réguliers. Le conseil départemental n'est pas favorable au départ du stockage. La mairie n'a pas été rencontrée. La population ne se mobilise pas. A noter aussi que le sujet n'a pas été abordé en Conseil portuaire, mais il y a eu une réunion sous l'égide de l'Etat avec les industriels et le concessionnaire après Beyrouth. La CAVAC a plusieurs autres dépôts d'engrais dans les environs (notamment à environ 30km près de Fougeray) et semble ouverte à l'idée de réduire encore le stock d'ammonitrates sur le port des Sables, ce qui peut néanmoins impliquer le relèvement du seuil de stockage dans les autres entrepôts. Il importe en effet que la réduction du stockage sur le port ne se traduise pas par un report des stocks d'engrais dangereux vers les exploitations agricoles, où la sécurité est beaucoup moins encadrée, et donc que la capacité globale de stockage de la CAVAC puisse être maintenue. La mission appelle dès lors à une négociation avec la CAVAC pour qu'elle soit accompagnée, y compris si possible financièrement, dans la création ou l'extension d'un stockage d'ammonitrates en zone non urbanisée qui pourrait ainsi compenser celui du port. Dès lors que ce nouveau stockage est soumis à simple déclaration ou même si une évolution de la nomenclature le soumettait à enregistrement comme envisagé par ailleurs dans le présent rapport, la procédure peut être rapide et simple. Dans la mesure où l'évacuation immédiate des ammonitrates par camions au fur et à mesure du déchargement est complexe compte tenu de l'exiguïté du port (un navire représente plus de 100 camions), une solution intermédiaire tout à fait acceptable selon la mission serait de maintenir le dépôt d'ammonitrates de la CAVAC en le limitant à un stockage très temporaire de quelques jours après l'arrivée d'un navire, et à un tonnage plus limité qu'actuellement. Ces durées et quantités maximales à proposer par la CAVAC pourraient être entérinées dans l'arrêté ICPE du site. Une mesure d'accompagnement souhaitable pour fluidifier l'évacuation immédiate des big bags serait de déterminer entre le manutentionnaire, l'exploitant portuaire et la municipalité, un plan de circulation préservant suffisamment d'espace pour les camions en attente de chargement ou de départ. L'attention de la mission a en effet été attirée sur la réduction récente de places de stationnement, permettant aux chauffeurs de préparer les camions chargés avant leur départ (sanglage, bâchage, contrôles,..), qui peut occasionner des « bouchons » et retarder le départ des marchandises. Recommandations : La sécurité des ammonitrates sur le port des Sables est satisfaisante. Néanmoins pour mettre fin à la proximité immédiate entre un dépôt et le public, ce port étant le seul port à accueillir un stockage d'ammonitrates en zone urbanisée, la mission suggère : - d'engager une négociation avec la coopérative agricole exploitant le stockage pour le report de ce stockage d'ammonitrates vers un autre de ses sites et de limiter celui du port aux quelques jours nécessaires, et à un tonnage réduit, sans bien entendu remettre en cause les autres stockages ; - d'étudier de plus près le circuit des camions pour fluidifier l'évacuation des ammonitrates, en liaison avec l'exploitant du port ; - de discuter d'une meilleure régulation de l'accès du public sur la zone du port de commerce. PUBLIÉ 86 Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux Plan du port de commerce des Sables d'Olonne En liseré rouge, les limites des installations portuaires en termes de sûreté : - Quai de déchargement pour les ammonitrates - Quai de déchargement pour les céréales au niveau des silos - Entrée du bassin avec porte basculante PUBLIÉ (ATTENTION: OPTION al de transport et de manutention des matières dangereuses transportées par voie fluviale dans les RPPNI, destinés à être présentés à la signature des autorités locales compétentes (préfets). Elle recommande en particulier à VNF et aux DREAL de veiller à ce que ces RPPNI identifient les lieux où peuvent être chargées ou déchargées des matières dangereuses, comme prévu par l'ADN. Recommandation n° 5. Afin de disposer d'informations sur le trafic de matières dangereuses par voie fluviale, la mission recommande que la DGITM veille à ce que soit rendue effective dans les RPPNI l'obligation d'annonce du transport de matières dangereuses prévue dans le RGPNI et que VNF intègre le suivi des transports de matières dangereuses par voie fluviale et la diffusion de cette information aux administrations concernées. 51 Bibliographie [11]. PUBLIÉ Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux 37 4 LA MAITRISE DES RISQUES LIES AUX AMMONITRATES 4.1 La règlementation propre aux ammonitrates Plusieurs ensembles de textes réglementaires s'appliquent aux ammonitrates et encadrent leur sécurité : - La réglementation relative à la mise sur le marché des substances fertilisantes, inscrite dans le code rural et de la pêche maritime, s'applique aux engrais, notamment ceux à base d'ammonitrates. Cette réglementation relève de la DGCCRF et est contrôlée par les DD(ETS)PP. - La réglementation du transport des matières dangereuses, inscrite dans le code des transports, s`applique à tous les transports par route, fer, voie navigable ou mer de matières dangereuses, notamment au nitrate d'ammonium technique et aux engrais contenant une forte concentration de nitrate d'ammonium. Cette réglementation relève de la DGPR et est contrôlée selon les modes de transport par les DREAL (contrôleurs des transports terrestres) ou les capitaineries des ports maritimes. - La réglementation des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE), inscrite dans le code de l'environnement, s'applique aux usines de production et aux stockages de nitrate d'ammonium ou d'engrais en contenant, au-dessus de certains seuils de quantité. Cette réglementation relève de la DGPR et est contrôlée par les DREAL (inspection des installations classées). D'autres textes concernent le nitrate d'ammonium ou les ammonitrates, notamment le règlement européen Reach, qui réglemente les produits chimiques, ou le règlement européen sur les précurseurs d'explosifs. Ils ne seront pas développés dans le présent rapport. 4.1.1 La règlementation sur les matières fertilisantes Pour pouvoir être mis sur le marché européen, les engrais doivent respecter un ensemble de prescriptions encadrant leur aptitude à l'usage. Celles-ci visent notamment à garantir que les engrais ont les caractéristiques annoncées par ceux qui les commercialisent, en matière de pouvoir fertilisant ou d'absence d'effet indésirable sur l'homme ou l'environnement. Elles sont fixées par un règlement européen UE 2019/100952qui définit les conditions et modalités du marquage CE des engrais. Concernant les engrais à base d'ammonitrates, elles imposent notamment un ensemble de critères de sécurité relatifs aux caractéristiques physico-chimique (composition, teneur en humidité, taux d'impuretés, porosité, potentiel d'absorption d'hydrocarbures...) et impose des tests (essai de détonabilité). Le règlement fixe également les modalités de certification. Toutefois contrairement à la plupart des autres textes européens conduisant à un marquage CE, l'application du règlement européen sur les matières fertilisantes n'est pas obligatoire, et si le marquage CE permet de bénéficier de la libre circulation dans l'ensemble de l'UE, il est aussi possible de commercialiser des engrais dans un État membre selon une réglementation nationale. Ainsi en France, il est possible de commercialiser des engrais, et notamment des ammonitrates, dès lors qu'ils sont conformes à la norme NF U 42-001. Les dispositions techniques du règlement européen et de la norme NF présentent deux différences principales : 52 Cf. bibliographie [14]. Ce règlement remplace le règlement 2003/2003 et entre en application le 16 juillet 2022. Le nouveau règlement a un champ d'application plus large mais ne modifie pas les prescriptions applicables aux engrais ammonitrates, sauf en ce qui concerne la procédure d'évaluation de la conformité qui fait intervenir des organismes notifiés indépendants pour réaliser des tests en cours de fabrication. PUBLIÉ 38 Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux le règlement européen impose que les ammonitrates haut dosage soient mis à disposition de l'utilisateur final sous une forme conditionnée (en sacs ou en big-bags53), ce qui n'est pas le cas de la norme NF. Dès lors, certains distributeurs souhaitant commercialiser des ammonitrates en vrac se réfèrent à la norme NF. le règlement européen, renforcé sur ce point en 2019, impose que des essais en cours de fabrication soient réalisés par des organismes notifiés indépendants, alors que le marquage NF repose sur l'auto certification. La réglementation prévoit également une troisième voie qui est celle de l'autorisation de mise sur le marché, délivrée par l'ANSES. En pratique, celle-ci n'est pas employée pour les engrais minéraux et notamment les ammonitrates54. Le contrôle du marché des matières fertilisantes est organisé par la DGCCRF au niveau national et réalisé localement par les DDPP ou DDETSPP. Celles-ci procèdent à des contrôles documentaires, mais aussi à des prélèvements en vue de faire réaliser des tests en laboratoire. Elles vérifient également le respect de l'interdiction de vente à des particuliers de certains engrais, notamment ceux à base d'ammonitrates. Les prélèvements sont réalisés le plus possible en amont des chaînes de distribution, donc en particulier chez les fabricants lorsqu'ils sont en France ou dans les ports maritimes pour les produits venant de l'étranger. En pratique, la DGCCRF émet annuellement un « plan de contrôle » prévoyant pour les DD(ETS)PP un objectif chiffré de prélèvements. Les ammonitrates sont explicitement visés et font ainsi l'objet d'une douzaine de prélèvements par an. Les produits contrôlés peuvent être librement commercialisés dans l'attente des résultats d'analyse (2 à 3 semaines de délai), sauf non-conformité détectée sans analyse. En cas de non-conformités et selon l'importance de celles-ci, la DGCCRF peut ordonner des mises en conformité ou le rappel des produits si la sécurité est en jeu. Il y a une dizaine de référents interdépartementaux ammonitrates dans les DD(ETS)PP. Ces contrôles par la répression des fraudes ont permis dans les années 2000, en particulier à la suite de l'accident d'AZF qui a conduit à fortement renforcer la surveillance, de détecter plusieurs cas de non-conformités importantes pouvant être sources de dangers. Depuis une dizaine d'années, la DGRRF n'a pas trace de non-conformités sur les ammonitrates mettant en cause la sécurité des produits. Si une non-conformité mettant en cause la sécurité des engrais était détectée à la suite de ces prélèvements, la DGCCRF, la DGPR et les préfets concernés seraient amenées à collaborer. L'examen des cas des années 2000 et des procédures développées à ces occasions montre qu'une non-conformité sur des engrais serait gérée de manière attentive tant au niveau national (DGCCRF et DGPR) qu'au niveau local (préfets, DREAL, DD(ETS)PP), et la traçabilité prévue par les différentes réglementations est effective. Le fait que la nomenclature des ICPE classe maintenant sous le régime de l'autorisation les stocks d'ammonitrates non conformes avec un seuil très bas de 10 t, fait que les stocks qui seraient détectés non conformes, chez les distributeurs, dans les coopératives agricoles ou encore à la ferme, deviendraient ipso facto des installations classées en situation irrégulière, ce qui donne au préfet des pouvoirs encore accrus pour ordonner le traitement approprié de ces stocks. Il ne semble dès lors pas plausible de voir bloqués des ammonitrates non conformes sans que les pouvoirs publics n'aient les moyens juridiques de prendre les mesures appropriées, et ne les prennent effectivement. Commentaires de la mission : La mission a pu constater une bonne implication de la DGCCRF et des DD(ETS)PP rencontrées dans le cadre de cette mission. Le contrôle du marché des ammonitrates, élément essentiel pour contribuer à garantir la qualité des produits vendus, est réalisé de manière effective. Toutefois, bien entendu, la conformité des ammonitrates au 53 54 La mission a préféré utiliser à l'instar des usages de toute la profession le terme anglais plus parlant. La mission a toutefois remarqué que le site internet du ministère de l'agriculture mentionnait l'AMM comme la seule voir de certification des ammonitrates. PUBLIÉ Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux 39 moment de leur fabrication ou importation ne garantit pas qu'ils le resteront dans l'ensemble de la chaîne de distribution puisque ces produits peuvent se dégrader s'ils sont stockés trop longtemps ou stockés ou transportés dans de mauvaises conditions. Un point délicat est toutefois celui du « ciblage » des cargaisons contrôlées dans les ports maritimes ; seules certaines DD(ETS)PP sont informées à l'avance de l'arrivée de navires transportant des ammonitrates. Elles peuvent alors organiser un prélèvement au cours du déchargement. La mission a ainsi pu constater qu'en Bretagne ceux-ci sont effectués au port du Légué à Saint Brieuc (Côtes d'Armor), mais pas à Saint Malo (Ille-et-Villaine). Le fait que ce soit la DDPP des Côtes d'Armor qui est chargée des prélèvements pour l'ensemble de la région, peut expliquer cette situation55. Par ailleurs, l'information des DD(ETS)PP par les capitaineries se fait par simple mail à l'agent en charge du sujet. Lorsque celui-ci arrive à un mauvais moment, par exemple pendant les congés de l'agent concerné, une cargaison « atypique » peut passer inaperçue. Ainsi, la mission a constaté qu'une importation par un opérateur inhabituel et d'une provenance inhabituelle (en l'occurrence la Bulgarie) en 2019 a échappé au contrôle du marché, alors même que le navire a été déchargé au port de Nantes et que la DDPP 44 est fortement sensibilisée à cette mission. Recommandation n° 6. Afin de maîtriser le risque de cargaisons d'ammonitrates non-conformes, la mission recommande que la Direction générale de la concurrence ,de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et la DGPR définissent les importations d'ammonitrates à cibler dans le cadre du contrôle des produits et les modalités de coopération des services locaux, directions départementales (de l'emploi, du travail des solidarités et) de la protection des populations (DD(ETS)PP) et capitaineries (information systématique à l'arrivée des navires, organisation des prélèvements de contrôle...). Par ailleurs, la mission déplore que le règlement européen ne soit pas appliqué systématiquement pour les ammonitrates. La raison pour laquelle les règles harmonisées définies par le règlement sont d'application facultative est de permettre de continuer à commercialiser et utiliser des matières fertilisantes sur un marché local sans passer par le marquage CE56. Cette tolérance, voulue pour des matières fertilisantes ayant un marché « extrêmement local » (fumier...), paraît peu justifiée pour des ammonitrates industriels commercialisés en grande quantité sur l'ensemble du marché européen. Dans la mesure où les engrais marqués CE présentent une sécurité supplémentaire du fait de leur obligation de conditionnement, la mission considère que, pour les ammonitrates, les règles définies par le règlement devraient être rendues obligatoires en France. (cf. recommandation 7 infra) 4.1.2 La règlementation du transport des matières dangereuses Le nitrate d'ammonium et certains ammonitrates sont des matières dangereuses et à ce titre relèvent de la réglementation du transport des matières dangereuses lorsqu'ils sont transportés par route, fer, voie navigable ou 55 56 Mais conformément au RLMD de Saint-Malo, des prélèvements peuvent néanmoins être réalisés par un organisme tiers. Un considérant du règlement explique : « Contrairement à la plupart des autres mesures d'harmonisation de produits du droit de l'Union, le règlement (CE) n° 2003/2003 n'empêche pas la mise à disposition sur le marché intérieur d'engrais non harmonisés, en conformité avec le droit national et les règles générales de libre circulation du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Compte tenu du caractère extrêmement local de certains marchés de produits, cette possibilité devrait être maintenue. Le respect des règles harmonisées devrait dès lors rester facultatif et ne devrait être exigé que pour les produits destinés à apporter des éléments nutritifs aux végétaux ou à améliorer l'efficacité nutritionnelle des végétaux qui portent le marquage CE lorsqu'ils sont mis à disposition sur le marché. Le présent règlement ne devrait donc pas s'appliquer aux produits qui ne sont pas porteurs du marquage CE lorsqu'ils sont mis à disposition sur le marché. » PUBLIÉ 40 Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux mer. Les transports traversant les frontières, ces réglementations sont complètement internationalisées depuis de nombreuses années au niveau mondial pour l'air ou la mer, ou au niveau de l'Europe en tant que continent (jusqu'à l'Asie centrale) pour la route, le fer et les voies navigables. La réglementation est modale, c'est-à-dire élaborée par mode de transport : l'ADR pour la route, le RID pour le fer, l'ADN pour les voies de navigation intérieures, l'IMSBC (vrac) et l'IMDG (produits conditionnés) pour la mer, mais certaines dispositions sont communes à tous les modes : c'est notamment le cas des règles de classification des matières dangereuses qui sont élaborées dans une instance commune sous l'égide de l'ONU ou encore la réglementation des emballages de transport (containeurs, bigs bags, fûts, bouteilles...). Le nitrate d'ammonium ou certains engrais au nitrate d'ammonium entrent dans ces réglementations internationales. Celles-ci sont très détaillées et ne sont pas figées, faisant l'objet de modifications régulières dans le cadre de réunions rassemblant les experts des différents Etats-membres et les parties prenantes. C'est notamment le cas pour les engrais au nitrate d'ammonium dont les conditions de classification ont été récemment révisées. Ces sujets ont été examinés de manière particulièrement attentive : ainsi la section 39 du manuel des épreuves et critères de l'ONU qui définit les règles de classification des engrais au nitrate d'ammonium présente un diagramme de décision de 3 pages prenant en compte de multiples paramètres. Cette classification ONU est mentionnée au point 1.1.3.1. Il y est notamment expliqué que seulement certains engrais ammonitrates sont classés comme matière dangereuses. Les différentes réglementations modales définissent des exigences portant sur la conception, la construction la maintenance et le contrôle des matériels de transport (camions, wagons, bateaux,...), ainsi que les règles d'exploitation (équipement, chargement, documentation, signalisation,...) ainsi que la qualification (formation, certification,...) des différents intervenants (transporteurs, chargeurs,...). Ces réglementations prévoient aussi un système de « contrôle interne », les principaux intervenants devant faire appel annuellement à un « conseiller à la sécurité », qui procède à un audit de l'ensemble des dispositions mises en place et rédige un rapport tenu à disposition des autorités. Pour les modes route, fer et voies navigables, le contrôle de ces dispositions relève des contrôleurs des transports terrestres placés au sein des DREAL, sous l'autorité des préfets et le pilotage fonctionnel de la DGPR. Pour la mer, le dispositif de contrôle par l'Etat est différent : il relève de la direction des affaires maritimes et des DIRM pour les navires en mer et des capitaineries des ports pour les ports. Commentaire de la mission : Les règlementations et dispositifs de contrôle dans les ports maritimes et sur la voie navigable sont décrits et commentés dans les chapitres 2 et 3. La mission ne s'est pas attardée sur le transport par fer, celui-ci étant devenu marginal pour les ammonitrates pour des raisons économiques. Le transport routier des ammonitrates, qu'ils soient ou non classés comme matières dangereuses, est, à partir des usines de fabrication et des ports, le mode de transport principal. Le contrôle des dispositions réglementaires par les DREAL est effectif et permet de maintenir une pression de contrôle qui semble suffisante. La mission n'a pas investigué ce sujet de manière approfondie, mais aux dires de ses différents interlocuteurs, l'ADR est bien connu et correctement appliqué57. Ceci n'empêche pas qu'il existe des accidents de transport qui peuvent mettre en cause des camions transportant des ammonitrates, même si aucun accident grave de ces transports n'a été constaté en France. La bonne connaissance par les sapeurs-pompiers des risques liés à ces produits et leur marquage extérieur bien connu contribuent à la maîtrise du risque. 57 Il convient toutefois de noter que les agriculteurs bénéficient d'une dérogation générale et peuvent transporter jusqu'à 12 t d'ammonitrates sur des engins agricoles sans avoir à respecter l'ADR. PUBLIÉ Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux 41 La question est souvent posée par les parties prenantes qui s'inquiètent de voir des camions de transport de matières dangereuses traverser des zones urbanisées, notamment pour desservir certains ports : la réglementation permet aux préfets d'imposer des itinéraires particuliers évitant les zones les plus urbanisées ou accidentogènes. L'attention de la mission a été attirée par des parties prenantes sur les modalités de transport par route des ammonitrates, conditionnés en bigs-bags. En effet, l'ADR n'impose pas que les bigs-bags soient transportés dans des camions fermés et bien souvent ceux-ci sont Figure 5: Camion de transport de big bags d'ammonitrates (Source: simplement sanglés sur des camions- plateaux. Un défaut de sanglage peut ainsi conduire à la chute d'un big bag mission). sur la voie publique. Les ammonitrates sont inertes en l'absence d'une très forte source de chaleur et ceci ne présente pas plus de risque que n'importe quelle autre chute d'objet lourd mal arrimé, mais de tels évènements peuvent faire douter du sérieux des dispositions réglementaires. L'obligation de transporter des ammonitrates haut dosage dans des camions fermés ne serait sans doute pas judicieuse dans la mesure où ceci serait de nature à augmenter le confinement de ces matières et par voie de conséquence le risque d'explosion, si le camion et son chargement étaient pris dans un violent incendie ; la mission laisse aux experts internationaux en charge de l'ADR le soin d'examiner si un arrimage des bigs bags par un dispositif plus fiable que des sangles serait opportun. 4.1.3 La règlementation ICPE 4.1.3.1 L'articulation entre règlementation du stockage et règlementation du transport La réglementation ICPE s'applique à tous les stockages de produits à base de nitrate d'ammonium au-dessus de certains seuils, quel que soit le lieu ou la nature du stockage et quel que soit le type d'exploitant : usines de fabrication, stocks intermédiaires, coopératives agricoles, éventuellement grosses exploitations agricoles. Ainsi, les entrepôts portuaires, c'est-à-dire situés dans l'emprise d'un port maritime ou fluvial, sont soumis de la même manière que tout autre stockage à la réglementation ICPE. En revanche, la réglementation ICPE, tout comme la directive Seveso, ne s'appliquent pas aux produits pendant une opération de transport, y compris si les produits sont temporairement déchargés dans le cadre d'un transbordement. Toutefois, les règles relatives au transport de matières dangereuses imposent que les arrêts au cours d'une opération de transport pour stationnement ou transbordement soient aussi limités et courts que possible. Cette distinction entre « produits stockés » relevant de la réglementation ICPE (et, pour les stocks les plus importants, de la directive Seveso) et « produits transportés » qui ne relèvent que de la réglementation « transports » est parfois mal comprise par les parties prenantes. La principale ambiguïté réside dans les « dépôts à terre » d'ammonitrates, provenant du déchargement d'un navire en attente d'un camion. Il convient de rappeler que ces deux ensembles réglementaires sont certes différents, mais fixent l'un et l'autre un cadre exigeant en matière de sécurité et qu'il n'existe pas de lacune entre ces deux ensembles réglementaires (un produit est soit stocké, soit transporté, mais ne peut pas être en situation floue intermédiaire). Le rassemblement depuis 2008 des PUBLIÉ 42 Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux équipes de l'administration centrale en charge de ces deux ensembles au sein d'une même direction générale et même d'une même sous-direction contribue à leur cohérence58. 4.1.3.2 La réglementation ICPE des stockages de nitrate d'ammonium Comme pour les autres substances dangereuses, les stockages les plus importants de nitrate d'ammonium ou d'ammonitrates relèvent de la directive Seveso. Les moins importants relèvent de la réglementation ICPE nationale. Les seuils de la directive Seveso et de la réglementation ICPE nationale sont définis dans la nomenclature des ICPE selon plusieurs niveaux : - Autorisation: autorisation délivrée par arrêté préfectoral qui fixe au cas par cas les prescriptions applicables, avec études d'impact et de dangers ; - Enregistrement : autorisation simplifiée délivrée par le préfet, les prescriptions étant fixées par la réglementation nationale, sans étude particulière ; - Déclaration avec contrôle : simple déclaration sans possibilité d'opposition dès lors que les prescriptions fixées par la réglementation nationale sont respectées ; les prescriptions doivent être contrôlées à la mise en service puis tous les 5 ans par un organisme agréé ; - Déclaration sans contrôle. Les stockages de nitrate d'ammonium ou d'engrais à base d'ammonitrate relèvent des rubriques 4701, 4702 et 4703 de la nomenclature des ICPE. Ces rubriques prévoient les régimes d'autorisation et de déclaration avec contrôle. Les régimes d'enregistrement et de simple déclaration ne sont pas utilisés pour ces stockages. La rubrique 4701 concerne le nitrate d'ammonium technique sous forme solide ou en solution chaude (NASC). Ces installations se trouvent chez les fabricants d'engrais ou chez les fabricants d'explosifs. La rubrique 4702 concerne les engrais à base d'ammonitrates, conformes à la réglementation. Ces installations sont largement répandues dans les chaînes logistiques du monde agricole (coopératives). En outre, certaines d'entre elles peuvent être situées dans des zones portuaires, exploitées soit par des coopératives agricoles implantées sur ces ports, soit par des manutentionnaires ou logisticiens : - La rubrique 4702-I concerne les engrais composés à risque de décomposition auto entretenue, - La rubrique 4702-II concerne les ammonitrates à haut dosage (plus de 28 % d'azote), - La rubrique 4702-III concerne les ammonitrates à moyen dosage (entre 24 et 28 % d'azote), - La rubrique 4702-IV concerne les autres engrais simples ou composés à base de nitrate d'ammonium. Non susceptibles de décomposition auto-entretenue, ni de détonation, ils peuvent émettre des substances toxiques en cas d'incendie. La rubrique 4703 concerne les engrais non conformes. Ce type de stockage peut se trouver chez les fabricants d'engrais (rebuts de fabrication) ou de manière fortuite dans les circuits de distribution si un stock d'engrais est dégradé. Le tableau ci-après présente les seuils et les régimes applicables, en correspondance (approximative) avec la classification ONU des matières dangereuses : 58 C'est le cas en particulier par la mise en place par la réglementation française d'études de dangers, similaires à celles des sites Seveso, pour les grandes infrastructures de transport de matières dangereuses (ports, gares de triage,...). PUBLIÉ Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux Correspondance code ONU TMD 1942, 2426 ou 3375 Seuil DC 100 t Seuil Autorisation 350 t Seveso bas 350 t Seuil Seveso haut 1250 t seuil 43 4701 nitrate d'ammonium technique 4702-I engrais à risque de DAE 4702-II ammonitrates haut dosage 4702-III ammonitrates moyen dosage 4702-IV autres engrais à base d'ammonitrates 4703 engrais ammonitrates non conformes 2071 2067 Non classé comme matière dangereuse Non classé comme matière dangereuse Matières non transportables sauf dérogation 500 t (somme I, II et III) 250 t 500 t (somme I, II et III) 1250 t 1250 t (somme I, II et III) 1250 t (somme I, II et III) 1250 t (somme I, II et III) néant 10 t 5 000 t 1250 t néant 5 000 t 5000 t 5000 t en France, néant dans la directive néant 50 t néant 10 t Ce tableau met en évidence une particularité dans la transposition de la directive Seveso. La France a fait le choix, d'appliquer également la directive Seveso aux ammonitrates moyen dosage : cette « sur-transposition » ne concerne que le seuil haut, et pas le seuil bas de la directive. Pour chacune de ces rubriques, ainsi que pour chacun des régimes applicables (autorisation ou déclaration avec contrôle), un arrêté ministériel fixe les prescriptions techniques applicables au stockage en termes de construction (nature des matériaux, résistance au feu, désenfumage, ventilation, ...) ou d'exploitation (tenue des stocks, nettoyage, sécurité électrique, moyens d'intervention contre l'incendie, ...). Pour les installations soumises à autorisation, ces prescriptions sont complétées au cas par cas par l'arrêté préfectoral d'autorisation en fonction de l'étude d'impact et de l'étude de dangers propres à chaque site. La mission a noté que les dispositions réglementaires précitées sont unanimement reconnues comme complètes et exigeantes, un gros travail ayant été effectué il y a une dizaine d'années pour renforcer les règles de sécurité des stockages d'ammonitrates. Ces exigences sévères portent aussi sur les stockages anciens bénéficiant de l'antériorité (c'est-à-dire créés avant que la réglementation n'existe), pour lesquels des « remises à niveau » ont été imposées avec des périodes transitoires aujourd'hui échues. C'est ainsi par exemple que les sols bitumés ou les parois en bois, largement utilisés dans le passé, ont été proscrits de tous les stockages d'engrais ICPE. Le contrôle des ICPE est réalisé par l'inspection des installations classées au sein des DREAL59, et pour certaines installations agricoles par les DD(ETS)PP60, sous le pilotage national de la DGPR. La doctrine nationale, établie dans le cadre d'un plan pluriannuel de contrôle, prévoit une périodicité minimale de contrôle en fonction des enjeux présentés par les installations soumises à autorisation ou à enregistrement: - au moins une fois par an pour les installations prioritaires, notamment les Seveso seuil haut, - au moins une fois tous les 3 ans pour les installations à enjeux, notamment les Seveso seuil bas, - au moins une fois tous les 7 ans pour les autres. Les installations soumises à déclaration avec contrôle sont normalement contrôlées par des organismes agréés. L'inspection peut procéder également à des contrôles sur les installations soumises à déclaration : elle ne le fait pas 59 Les DEAL en outre-mer, la DGTM en Guyane, la DRIEE en IDF. 60 Les DD(ETS)PP sont généralement en charge des élevages et de certaines installations agro-alimentaires ; il semble que les coopératives agricoles (silos, dépôts d'engrais) relèvent presque partout des DREAL. PUBLIÉ 44 Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux de manière systématique, mais seulement en cas d'incident, de plainte, ou encore de signalement d'une nonconformité persistante par un organisme agréé. Dans le cadre d'une circulaire annuelle « actions nationales », la DGPR est amenée à fixer des priorités particulières de contrôle aux DREAL et DD(ETS)PP, y compris, le cas échéant, sur des ICPE soumises à déclaration. Commentaires de la mission Les installations soumises à autorisation, qui, s'agissant des stockages d'ammonitrates, relèvent presque toujours de la directive Seveso, font l'objet d'un suivi très attentif de la part des DREAL et notamment de contrôles réguliers : celles situées sur les ports visités par la mission nous semblent en situation satisfaisante du point de vue de la sécurité, même si certaines ont fait l'objet de sanctions pour des problèmes de protection de l'environnement (émissions dans l'air en particulier). Le respect des prescriptions réglementaires applicables est incertain en ce qui concerne les installations soumises à déclaration. La situation ne paraît pas grave (la mission n'a pas eu connaissance de situations gravement anormales où la sécurité serait mise en jeu, et l'accidentologie ne montre pas non plus d'accidents significatifs au cours des 20 dernières années), mais elle n'est pas sous contrôle. Comme pour la plupart des autres installations soumises à déclaration, les bases de données dont disposent les DREAL ne sont souvent pas à jour. Outre les modifications de nomenclature qui compliquent le suivi, les déclarations ICPE, gérées aujourd'hui par un « téléservice », étaient dans un passé proche gérées non par les DREAL, mais par les bureaux administratifs chargés de l'environnement au sein des préfectures (ou des DDT) et n'étaient pas systématiquement enregistrées sur un système informatique national. Le « rattrapage » de tous ces éléments dans la base nationale des installations classées n'a pas été réalisé systématiquement. De plus, les exploitants, même s'ils sont réglementairement tenus de déclarer leur modification ou cessation d'activité, ont tendance à omettre cette formalité. La mission a ainsi pu constater dans ses visites portuaires plusieurs cas d'entrepôts figurant dans les bases de données comme stockant des ammonitrates et qui en réalité ne sont plus utilisés à cette fin. La mission a pu noter dans certains départements la volonté de corriger cette situation. Doit être ainsi soulignée l'action menée par l'Unité départementale (UD) de Moselle de la DREAL qui avec l'aide d'un stagiaire a remis à jour cette base de données. Par ailleurs, force est de constater que la réalisation des contrôles par un organisme agréé des installations soumises à déclaration avec contrôle n'est pas faite61. Au niveau national, les statistiques transmises par les organismes agréés à la DGPR font état de l'ordre d'une dizaine de contrôles réalisés par an sur les installations relevant des rubriques 4702 , alors que le nombre d'installations concernées est certainement de plusieurs centaines62 et que le contrôle devrait être réalisé tous les 5 ans. Cette obligation de contrôle paraît donc largement ignorée. La mission a ainsi pu rencontrer des exploitants d'entrepôts portuaires qui semblaient sincèrement découvrir son existence. La mission a noté qu'une action nationale de l'inspection pour 2021 porte sur le contrôle des stockages d'ammonitrates dans les ports et coopératives agricoles. Cette action est considérée par la mission comme devant 61 Certains stockages d'ammonitrates relevant du régime de la déclaration, sont situés dans une installation relevant globalement du régime de l'autorisation ou de l'enregistrement. C'est le cas par exemple des coopératives agricoles qui disposent de silos de stockage de céréales. Ces établissements qui relèvent alors globalement du régime de l'autorisation ou de l'enregistrement ne sont alors pas tenus de faire réaliser des contrôles par des organismes agréés. Ils sont en revanche contrôlés régulièrement par la DREAL, mais celle-ci fait porter prioritairement le contrôle sur les installations soumises à autorisation ou enregistrement (les silos dans l'exemple ci-dessus) sans nécessairement contrôler aussi le stockage d'engrais soumis à déclaration. La base de données fait apparaître 419 ICPE relevant du régime DC sous la rubrique 4702 et qui ne sont pas soumises à enregistrement ou autorisation pour une autre rubrique. 62 PUBLIÉ Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux 45 être une première étape dans l'amélioration du contrôle des stockages d'ammonitrates. À cette fin, elle recommande à la DGPR et aux DREAL de bien inclure un échantillonnage important d'installations soumises à déclaration dans cette opération de contrôle et de viser en priorité les stockages d'ammonitrates haut dosage (4702-II) qui présentent le plus haut potentiel de danger. La DGPR devrait ensuite en tirer des enseignements nationaux quant à l'état global des ICPE DC. Les éléments du § 4.2.3 donnent alors des pistes par ailleurs pour renforcer l'encadrement de ces installations. Recommandation n° 7. Afin d'avoir une vision plus précise de la situation des stockages d'ammonitrates haut dosage, en vue d'éventuelles actions ultérieures, la mission recommande que, dans le cadre de l'action nationale 2021, la DGPR et les DREAL privilégient les installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) soumises à déclaration relevant de la rubrique 4702-II (ammonitrates haut dosage). 4.2 Les mesures envisageables pour renforcer la maîtrise des risques liés aux ammonitrates 4.2.1 Le sujet des ammonitrates haut dosage Il ressort des chapitres précédents que les risques liés aux ammonitrates dans les ports paraissent globalement maîtrisés. Même si des recommandations sont exprimées ci-dessus pour améliorer l'encadrement réglementaire et le contrôle des activités portuaires, maritimes ou fluviales, ces activités ne paraissent pas les points les plus sensibles de la chaîne d'approvisionnement de l'agriculture en ammonitrates et la question de la sécurité de ces produits doit être examinée de manière plus globale. Au préalable, la mission a constaté que la question de l'amélioration de la sécurité des ammonitrates n'est pas nouvelle. Elle a été posée en particulier à la suite de l'accident de Toulouse et de l'explosion de quelques tonnes d'ammonitrates à Saint Romain en Jarez en 2003, dans le cadre de deux rapports63 réalisés en 2004. Ces rapports ont paru particulièrement pertinents à la mission aujourd'hui encore. Certaines des recommandations ont été suivies d'effet, notamment l'interdiction de la vente des ammonitrates haut dosage au grand public (précédemment, on pouvait en acheter dans n'importe quelle jardinerie) ou l'obligation de fourniture de fiche de données de sécurité aux utilisateurs. Certaines ont été suivies partiellement, en particulier le renforcement de la réglementation des stockages (précédemment, les stockages en dessous des seuils Seveso n'étaient pas réglementés). D'autres n'ont pas été suivies, notamment l'interdiction à moyen terme des ammonitrates haut dosage en vrac ou la réglementation par le ministère de l'agriculture des dépôts d'engrais à la ferme en dessous du seuil ICPE. Le fait que de nombreux pays ont interdit ou assujetti à des règles draconiennes l'usage des ammonitrates à haut dosage ne peut que nous interpeller. Il s'agit notamment de l'Allemagne, de la Belgique, de l'Irlande, de l'Australie, de la Turquie, de la Chine et de l'Inde64. Dès lors, la mission considère que la question de l'opportunité de maintenir en France l'utilisation des ammonitrates haut dosage peut être à nouveau posée. Les éléments à prendre en compte sur ce sujet délicat sont la sécurité (risque d'accident) et la sûreté (risque terroriste), et aussi les aspects économiques (pour l'agriculture et l'industrie des engrais) et la protection de l'environnement. La mission n'était 63 64 Rapports de mai 2004 et décembre 2004, non publiés du fait qu'ils abordent des aspects de sûreté (cf. bibliographie [3] et [5]. Il semble que ces interdictions ont motivées pour les plus anciennes par des préoccupations de sécurité, et pour les plus récentes par des préoccupations de sûreté (prévention du terrorisme). PUBLIÉ 46 Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux pas mandatée pour faire des propositions à ce sujet et considère qu'en l'absence de spécialistes de l'agriculture et de la sûreté, elle n'avait pas la composition adéquate pour cela. Le point 4.2.3 ci-après présente quelques éléments sur les avantages et inconvénients des ammonitrates par rapport à d'autres engrais azotés. La mission considère qu'il est souhaitable de faire évoluer la situation selon les trois voies suivantes Prohiber les ammonitrates haut dosage en vrac ; Favoriser dans la réglementation ICPE les ammonitrates moyen dosage par rapport au haut dosage ; Apporter une information sur la sécurité des stockages aux agriculteurs. 4.2.2 L'interdiction de l'usage des ammonitrates haut dosage en vrac Les ammonitrates transportés et stockés en vrac présentent un risque supplémentaire par rapport aux produits conditionnés. Le vrac est plus susceptible que les produits conditionnés de subir une pollution accidentelle ou d'être dégradé (humidité, mélange, ...). De plus, le vrac complique la traçabilité (il est plus facile de compter des sacs que de peser précisément des produits en vrac) et dès lors rend plus difficile de détecter un détournement de produits à des fins malveillantes. Les règlements européens successifs relatifs au marquage CE prohibent la vente de vrac d'ammonitrates haut dosage aux utilisateurs finaux (c'est-à-dire les agriculteurs) et le déchargement d'ammonitrates en vrac est prohibé dans les ports maritimes français. Trois des cinq grands fournisseurs d'ammonitrates proposent essentiellement des produits conditionnés. Enfin, dès 2004, le rapport des inspections générales recommandait déjà d'interdire à moyen terme après une période transitoire la vente en vrac des ammonitrates haut dosage. Ce mouvement de réduction des ventes de vrac au profit d'engrais conditionnés est déjà largement engagé. La grande majorité des agriculteurs se sont équipés d'outillages adaptés et sont aujourd'hui livrés en « bigs bags », soit directement depuis les fournisseurs d'engrais, soit depuis les coopératives agricoles qui procèdent au conditionnement. En tout état de cause, les agriculteurs qui souhaitent continuer à utiliser des ammonitrates en vrac pourront continuer à le faire dès lors qu'ils utiliseront des produits moins dosés (type CAN 27), dont la commercialisation et le transport en vrac sont autorisés tant par le règlement européen que par les règles relatives au transport, ce que la mission ne propose pas de restreindre. Dès lors, la mission considère que cette décision d'interdiction de la vente en vrac des ammonitrates haut dosage pourrait être prise rapidement, le plus logique étant qu'elle s'applique à la date d'application du nouveau règlement européen 2019/1019, à savoir le 22 juillet 2022 après la campagne d'épandage 2022. En pratique, le règlement européen peut être rendu d'application obligatoire pour les ammonitrates sans qu'il soit besoin de dispositions législatives mais simplement en modifiant l'arrêté interministériel du 5 septembre 2003 qui rend obligatoire la norme NF U 42-001. Dès lors que la norme NF ne serait plus reconnue et référencée pour les ammonitrates, la voie de l'application du règlement européen serait la seule possible. Le règlement européen n'impose le conditionnement que pour les produits destinés à l'utilisateur final. Dès lors il n'interdit pas à un intermédiaire (par exemple une coopérative agricole) de recevoir du vrac et de procéder au conditionnement, la mission considère qu'il n'est pas souhaitable que cette pratique puisse avoir lieu dans une installation peu (installation soumise à déclaration) ou pas (en dessous d'un stockage de 250 t) contrôlée. La mission propose dès lors, comme le proposait déjà le rapport de mai 200465 et conformément à l'avis du Conseil supérieur des installations classées du 16 novembre 2004, d'abaisser fortement (par exemple à 20 t) le seuil d'autorisation pour les stockages d'ammonitrates haut dosage (4702-II) en vrac. Dès lors seules les installations autorisées, 65 Cf. bibliographie [3]. PUBLIÉ Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux 47 notamment celles des fabricants ou des grosses coopératives agricoles, qui sont fortement encadrées et contrôlées, pourraient manipuler du vrac. En complément et si cela est juridiquement compatible avec les règles de l'ADN, le déchargement de bateaux d'ammonitrates haut dosage en vrac pourrait être interdit dans les ports fluviaux comme cela est déjà le cas dans les ports maritimes. Recommandation n° 8. Afin de limiter les risques de contamination des ammonitrates à haut dosage qui accroît fortement leur réactivité, la mission recommande que les ministères de l'économie, des finances et de la relance et le ministère de l'agriculture rendent obligatoire le règlement européen 2019/1009 qui impose le conditionnement pour les ammonitrates haut dosage, et que le ministère de la transition écologique interdise le chargement/déchargement d'ammonitrates haut dosage en vrac dans les installations fluviales, comme c'est déjà le cas dans les ports maritimes, et baisse le seuil ICPE d'autorisation pour les stockages en vrac de la rubrique 4702-II. 4.2.3 Le développement des ammonitrates à moyen dosage Les dangers liés aux ammonitrates, la pression réglementaire et la pression sociale qui en découlent ont pour conséquence de limiter progressivement la part de marché de ces ammonitrates. Cependant, des éléments rassemblés par la mission, il apparaît que les ammonitrates présentent des avantages bien réels par rapport à d'autres engrais azotés. En particulier, l'urée ou les solutions azotées ont un impact beaucoup plus fort sur la pollution atmosphérique66.Dès lors, la mission considère qu'une évolution souhaitable serait de développer l'usage d'ammonitrates moins dosés, qui présentent les mêmes avantages que les autres ammonitrates en matière agronomique, et qui présentent des risques d'accident que la mission considère comme nettement inférieurs. Les ammonitrates sont très majoritairement produits en France, contrairement aux engrais azotés à base d'urée exclusivement importée. Le passage à des ammonitrates moins dosés, que certaines usines françaises produisent déjà, semble ainsi possible avec une adaptation limitée des outils de production, alors que le passage à l'urée ou aux solutions azotées67 implique des importations supplémentaires. Pour l'agriculteur, un produit moins concentré, nécessitera un tonnage plus important pour obtenir le même résultat. Le surcoût induit semblerait toutefois limité dans la mesure où moins concentré, le produit est lui-même moins coûteux. Les experts insistent, comme ils l'ont déjà fait en 2004, pour indiquer que le risque d'explosion de ces ammonitrates moins dosés subsiste, si les produits sont pris dans un fort incendie qui provoquerait leur fusion. Toutefois, ces produits, du fait de leur composition incluant au moins 20 % de substances inertes, alors que les engrais haut dosage en ont moins de 5 % (et même moins de 2% pour le prill 34,4) sont moins sensibles à une pollution ou à une dégradation. L'accidentologie internationale sur l'ammonitrate ne mentionne aucun accident grave sur l'ammonitrate moyen dosage tel le CAN27, selon l'INERIS. Les experts internationaux en ont d'ailleurs depuis longtemps tiré les conséquences puisqu'au niveau international, les ammonitrates moyen dosage ne sont pas considérés comme des 66 Selon l'ADEME et le CITEPA, dans les mêmes conditions d'épandage, l'urée a un facteur d'émission d'ammoniac 7 fois supérieur aux ammonitrates, la solution azotée 4 fois supérieur. L'ammoniac est un précurseur des particules fines. Souvent à base d'urée. 67 PUBLIÉ 48 Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux matières dangereuses pour le transport international et ne sont pas visés par la directive Seveso. Pourtant, les réglementations ICPE sur les stockages d'ammonitrates haut et moyen dosage (4702-II et 4702-III) sont presque identiques : seul le seuil bas diffère de 250 à 500 t. Correspondance code ONU 4702-II ammonitrates haut dosage 4702-III ammonitrates moyen dosage 2067 Non classé comme matière dangereuse Seuil déclaration avec contrôles 250 t 500 t (somme I, II et III) Seuil autorisation 1250 t (somme I, II et III) 1250 t (somme I, II et III) Seveso bas 1250 t néant seuil Seveso haut 5000 t 5000 t en France, néant dans la directive seuil Comme les installations sont très souvent déclarées pour plusieurs des sous-rubriques 4702, I, II et III, les DREAL ne les différencient aucunement. D'ailleurs plusieurs de nos interlocuteurs agricoles ne différencient pas ces produits. De ce fait les ammonitrates moyen dosage ne bénéficient d'aucun allègement et les coopératives agricoles n'ont aucun intérêt d'ordre réglementaire à les stocker plutôt que des produits à haut dosage. La mission considère qu'il serait opportun de favoriser les ammonitrates moyen dosage : en supprimant la sur-transposition de la directive Seveso, en relevant le seuil de déclaration, actuellement de 500 t pour le rapprocher de celui des engrais 4702-IV, qui est de 1250 t, en baissant le seuil de déclaration pour les ammonitrates haut dosage, par exemple à 50 ou 100 tonnes. Corrélativement à un allègement de la réglementation sur la rubrique 4702-III, la mission considère qu'il conviendrait de renforcer le contrôle des stockages à haut dosage 4702-II. Les actions à mener sont à déterminer en fonction des résultats de l'action nationale pour 2021 mentionnée au §4.1. Il pourrait s'agir de s'assurer, en s'appuyant sur un recensement plus systématique, du respect de l'obligation de contrôle par organisme agréé. Une autre voie efficace serait de passer ces installations 4702-II sous le régime de l'enregistrement68. Au moment de la rédaction du présent rapport, le débat était ouvert au Parlement dans le cadre de la loi sur le climat sur l'opportunité de la mise en place d'une taxe ou redevance sur les engrais azotés. Si un tel instrument financier devait voir le jour, il serait opportun de tenir compte des risques présentés par les différents engrais et d'inciter au développement de l'usage des ammonitrates moyen dosage en prévoyant un niveau de taxation différencié en faveur de ces derniers. 68 Les stockages aujourd'hui déclarés bénéficieraient alors de l'antériorité et n'auraient pas à être à nouveau enregistrés mais un décret particulier pourrait alors prévoir qu'ils soient à nouveau déclarés au préfet pour bénéficier de cette antériorité en fournissant un PV de contrôle d'un organisme agréé dans un délai déterminé. PUBLIÉ Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux 49 Recommandation n° 9. Afin que les opérateurs soient encouragés à recourir aux ammonitrates moyen dosage plutôt qu'aux ammonitrates haut dosage, la mission recommande que le ministère de la transition écologique supprime la sur-transposition de la directive Seveso pour la rubrique 4702-III (ammonitrates moyen dosage) et relève le seuil actuel de déclaration de cette rubrique pour le rapprocher de celui de la rubrique 4702-IV (ammonitrates bas dosage). Elle recommande aussi qu'il renforce le contrôle des stockages d'ammonitrates à haut dosage (4702-II) et, en fonction des résultats de l'action nationale 2021, abaisse éventuellement les seuils de déclaration pour cette rubrique ou soumette les petites installations à enregistrement plutôt qu'à déclaration. Des dispositions législatives imposent la « non-régression » du code de l'environnement.69 La mission considère que les allègements réglementaires qu'elle propose sur les stockages d'ammonitrates moyen dosage ne doivent pas être considérés comme une « régression » mais bien au contraire comme une amélioration significative de la réglementation dans la mesure où elle a pour effet d'inciter à l'utilisation d'engrais moins dangereux mais aussi moins impactant pour l'environnement. A défaut de cette mesure, un renforcement du contrôle des ICPE déclarées aurait pour conséquence de pousser les coopératives agricoles qui auraient des difficultés à se mettre en conformité soit à renoncer au stockage d'engrais, ce qui multiplierait les stockages à la ferme en dessous des seuils ICPE mais beaucoup moins réglementés et contrôlés, soit à passer à d'autres types d'engrais azotés , l'urée ou les solutions azotées ce qui provoquerait des émissions supplémentaires d'ammoniac alors que les directives européennes sur la qualité de l'air ont précisément visé cette substance comme devant faire l'objet de réductions d'émissions importantes70. En outre, il s'agit non seulement de simplifier la réglementation pour les stockages « moyen dosage », mais aussi, de manière équilibrée de renforcer celle des stockages « haut dosage ». 4.2.4 L'amélioration des conditions de stockage des ammonitrates haut dosage, notamment dans les exploitations agricoles En dessous de 250 t, les stockages ne sont pas réglementés alors que le potentiel de dangers des stocks d'ammonitrates haut dosage reste important. Certes, l'examen de l'accidentologie montre que, s'il existe un très grand nombre d'évènements répertoriés (près de 200), impliquant des ammonitrates stockés dans des installations agricoles, notamment des incendies, on n'a constaté aucun cas d'explosion depuis l'accident de St Romain en Jarez en 2003 où quelques tonnes d'ammonitrates ont provoqué près de 30 blessés chez les pompiers. La mission a pu constater la très forte sensibilité de tous les pompiers à ce risque potentiel d'explosion, ce qui contribue également à en assurer la maîtrise. Cela étant, les incendies impliquant les ammonitrates sont fréquents, et on constate souvent que les produits ne sont pas stockés dans les meilleures conditions de sécurité, ce qui fait qu'un nouvel accident grave reste possible. Selon plusieurs intervenants rencontrés par la mission, la connaissance par les exploitants agricoles du risque lié aux ammonitrates est faible. Les producteurs d'engrais rappellent que ce n'est pas de leur responsabilité et se contentent de fournir les fiches de données de sécurité imposées par la réglementation. La mission a pu consulter certaines de ces fiches et considère qu'elles sont totalement inadaptées à la prise en compte des enjeux de sécurité. D'une trentaine de pages, elles ne présentent pas les risques en tant que tels, mais elles présentent directement 69 Article L 110-1 9° du code de l'environnement « Le principe de non-régression, selon lequel la protection de l'environnement, assurée par les dispositions législatives et réglementaires relatives à l'environnement, ne peut faire l'objet que d'une amélioration constante, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment. » 2016/2284 relative à la réduction des émissions nationales de certains polluants atmosphériques (Directive NEC, plafonds d'émission nationaux) fixe des engagements nationaux de réduction des émissions anthropiques de polluants et notamment d'ammoniac (NH3). La France, qui est après l'Allemagne le plus grand émetteur d'ammoniac de l'UE, doit réduire ses émissions d'ammoniac de 13 % d'ici 2030 par rapport à 2005. 70 La Directive (UE) PUBLIÉ 50 Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux les précautions à prendre pour le stockage, en quelques lignes au milieu de nombreuses autres informations que la mission juge difficilement compréhensibles. Les bigs bags portent un marquage réglementaire mais il n'est pas harmonisé d'un producteur à l'autre et peut être difficilement compréhensible. Les coopératives agricoles qui achètent les engrais pour leurs adhérents ont sans doute des pratiques diverses, mais plusieurs ont reconnu devant la mission ne pas assurer de rôle de conseil sur la sécurité. La profession regroupée au sein de l'UNIFA a élaboré des documents intéressants, mais ils ne semblent pas connus des acteurs. Pourtant, il est essentiel comme l'écrivaient déjà les auteurs du rapport de 2004 que les agriculteurs soient sensibilisés sur quelques principes très simples pour stocker des ammonitrates : les éloigner des produits combustibles (paille, pneus, cuve de fuel,...) ne pas confiner les produits dans un local fermé non ventilé, et ne pas mettre sur rétention. Il serait disproportionné de réglementer tous ces stockages au titre des ICPE. Le rapport de 2004 proposait néanmoins de les réglementer au titre de l'article L 255-6 du code rural. La mission n'a pas d'avis sur la question, n'ayant pas en son sein de spécialiste de l'agriculture. Quel que soit le vecteur réglementaire s'il en faut un, elle plaide pour que les acteurs s'engagent à améliorer l'information. Le moment est particulièrement propice puisque le règlement européen sur les précurseurs d'explosifs, qui devient applicable en 2021, prévoit qu'une information sur la sûreté soit obligatoirement donnée par les vendeurs de produits dans l'ensemble de la chaîne de distribution, sans préciser la forme de celle-ci. Il serait ainsi opportun de profiter de ce nouveau règlement pour préparer le cadre d'une information pédagogique portant à la fois sur les aspects de sécurité et de sûreté. Au-delà de l'obligation faite aux vendeurs de ces produits de porter une telle information, celle-ci pourrait être utilement également diffusée par l'ensemble des acteurs : chambres d'agriculture, assureurs, ainsi que par les différents services de l'Etat en contact avec le monde agricole. La signature d'une charte d'engagement d'information des agriculteurs par l'ensemble des acteurs pourrait être proposée. Recommandation n° 10. Afin de mieux prévenir les risques dans les installations agricoles, la mission recommande que, mettant à profit le nouveau règlement européen sur les précurseurs d'explosifs, les ministères de l'agriculture, de l'intérieur et de la transition écologique fassent mettre au point, en liaison avec l'UNIFA, une information simple et pratique à destination des agriculteurs sur les risques d'accident et de malveillanceliés aux ammonitrates, ainsi que sur les mesures minimales à respecter pour les stocker de façon sûre, et veillent à sa large diffusion. PUBLIÉ Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux 51 5 LA GESTION DES SITUATION INHABITUELLES Compte tenu de la demande de la lettre de mission, les missionnaires ont essayé d'identifier les situations inhabituelles les plus envisageables, notamment sur la base des expériences passées, et d'évaluer la capacité des dispositifs existants à y faire face. Les situations identifiées sont : Un navire d'ammonitrates en difficulté au large des côtes françaises cherchant un port refuge Un bateau d'ammonitrates en difficulté sur une voie d'eau française Un navire d'ammonitrates bloqué dans un port pour des raisons techniques ou juridiques Une cargaison d'ammonitrates non conforme Un stockage irrégulier d'« ammonitrates » dans un port 5.1 Un navire d'ammonitrates en difficulté au large des côtes françaises cherchant un port refuge Le cas d'un navire d'ammonitrates en difficulté au large des côtes françaises cherchant un port refuge s'est présenté plusieurs fois71. C'est la préfecture maritime qui décide de l'accueil ou non du navire et c'est à l'Autorité investie des pouvoirs de police portuaire (AI3P), en liaison avec le préfet, de prendre les dispositions pour assurer la sécurité si le navire est accueilli dans un port. L'organisation des ports maritimes permet d'identifier clairement les responsabilités. 5.2 Un bateau d'ammonitrates en difficulté sur une voie d'eau française Les interlocuteurs de la mission dans le domaine fluvial n'ont pas signalé de précédent. Toutefois une telle situation est possible. La mission n'a pas identifié les responsabilités dans un tel cas, ni qui informerait le représentant de l'Etat. C'est l'un des points à traiter dans les compléments à apporter à la règlementation fluviale (voir §4) 5.3 Un navire d'ammonitrates bloqué dans un port pour des raisons techniques ou juridiques Cette situation s'est déjà produite, et il y a encore dans le port de Sète un navire qui était initialement chargé d'engrais NPK et qui a été bloqué par des défaillances techniques, puis abandonné par son armateur. Toutefois la cargaison avait été déchargée. Cette situation, qui est celle du navire retenu à Beyrouth, ne semble pas pouvoir passer inaperçue dans un port maritime français, et le port et le préfet semblent avoir les outils et les compétences pour traiter un tel cas. 5.4 Une cargaison d'ammonitrates non conforme Par le passé, il est arrivé que des cargaisons d'ammonitrates se révèlent non conformes et donc potentiellement présentent des risques supérieurs à ce qui est acceptable. Cela s'est produit dans les années 2000, lorsque une cargaison venant de Roumanie a été identifiée comme non-conforme, alors qu'une partie des produits avait déjà été distribuée. Les Pouvoirs publics ont obligé l'importateur à récupérer ce qui pouvait l'être pour faire neutraliser 71 Il y a quelques années, un navire a dû faire escale au port du Havre parce que sa cargaison était mal amarrée et déstabilisait le navire. Le problème a pu être réglé sans déchargement. En 2019, le Karkloe, transportant de l'AN HD, en panne de machines, cherchait un port refuge : la préfecture maritime lui a refusé l'accès à un port français, mais a accompagné son remorquage jusqu'à Rotterdam. PUBLIÉ 52 Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux le produit selon un protocole validé par l'INERIS (ajout de 50% de matière inerte puis épandage comme engrais). Par ailleurs des recommandations particulières ont été données aux agriculteurs. La profession insiste sur le fait que le risque de non-conformité est limité lorsque les importations viennent de sources habituelles, et que les cargaisons « atypiques » venant de producteurs moins fiables et importées par des acteurs faisant des opérations ponctuelles auraient disparu. Toutefois la mission a identifié pour 2019 une cargaison « atypique » d'AN HD, importée par un opérateur intervenant rarement sur ce produit. Ni la capitainerie concernée, ni les services de contrôle n'avaient identifié le caractère atypique de la cargaison. La mission considère que la conduite à tenir en cas de cargaison non-conforme est connue et le partage des responsabilités claires. Toutefois la vraie question est d'identifier de telles non-conformités. Il n'est pas réaliste de tester toutes les cargaisons. En revanche, il est souhaitable de cibler les contrôles sur les opérations « atypiques » qui sont facilement identifiables à partir de l'origine de la cargaison et de l'identité de l'importateur. Cela devrait pouvoir se faire facilement dans le cadre de la coopération entre ports et DD(ETS)PP72. 5.5 Un dépôt à terre ou un stockage irrégulier d'ammonitrates dans un port Comme signalé plus haut, il est arrivé de constater la présence dans un port fluvial de plusieurs centaines de tonnes d'ammonitrates haut dosage dont les autorités ignoraient tout73. Une telle situation n'aurait pas pu se produire s'il y avait eu une vraie gestion des flux de matières dangereuses dans le port concerné. En revanche, une fois l'anomalie identifiée, les Pouvoirs publics ont su le traiter. En conclusion, les dispositions actuelles semblent de nature à permettre de faire face aux situations inhabituelles lorsqu'elles ont été identifiées, car les responsabilités des acteurs sont claires et le représentant de l'Etat est en mesure d'assurer une coordination et de trancher en cas d'urgence, sauf dans le cas du fluvial où le partage des responsabilités est plus incertain, comme souligné § 3. Toutefois les recommandations du rapport visent à traiter cette lacune. Une faiblesse peut venir de la non-détection de telles situations inhabituelles dans deux cas, cargaison non-conforme et dépôt à terre ou stockage irrégulier. Dans le premier cas, il serait bon que les contrôles ciblent les trafics atypiques qui sont les plus susceptibles de concerner des cargaisons à problèmes (cf. recommandation 6). Dans le second cas, une gestion plus stricte des matières dangereuses est de nature à identifier rapidement les irrégularités : ainsi il semble difficile dans un port maritime qu'une telle irrégularité échappe à la vigilance de la capitainerie. Un renforcement de la gestion des matières dangereuses dans le domaine fluvial est de nature à réduire le risque d'un tel incident (cf. recommandations 2 et 5). 72 73 Voir § 4.1.1 Incident sur le port de Strasbourg en juin 2018. PUBLIÉ Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux 53 CONCLUSION Aux questions posées par la lettre de mission, peuvent être apportées les réponses suivantes. La situation dans les ports maritimes est satisfaisante, même si quelques améliorations sont souhaitables : En ce qui concerne le cadre règlementaire concernant les produits à base de nitrate d'ammonium, le partage des responsabilités et les attentes vis-à-vis des différents acteurs sont clairs ; En ce qui concerne l'évaluation des flux de produits à base de nitrate d'ammonium, l'information est disponible, mais difficile à synthétiser faute de systèmes compatibles entre ports ; En ce qui concerne les quantités présentes dans les ports, hors ICPE, elles sont limitées en quantité et en durée et font l'objet d'un bon suivi par les capitaineries ; En ce qui concerne l'application des dispositions et leur robustesse par rapport à des situations inhabituelles, l'action des capitaineries permet une surveillance efficace propre à détecter et traiter des anomalies. La situation est assez différente pour le transport fluvial où l'on constate des lacunes règlementaires, une information insuffisante sur les transports de matières dangereuses en général et de produits à base de nitrate d'ammonium en particulier, et un manque de clarté sur les responsabilités des divers acteurs. Le rapport formule donc des recommandations pour y remédier et mettre en place une police effective. Cela étant, il faut relativiser la question des ports lorsque l'on considère les risques des produits à base de nitrate d'ammonium. Le produit présentant des risques le plus abondant est l'ammonitrate haut dosage. Or pour une consommation annuelle de 1 500 kt, le trafic des ports maritimes ne représente que quelque 130 kt et le trafic fluvial quelque 50 kt. La plus grande partie du transport se fait par voie routière. Par ailleurs, la consommation ne se faisant que sur quelques mois, il y a des stocks importants répartis dans tout le pays, dans les coopératives ou chez les négociants, mais aussi chez les agriculteurs. C'est pourquoi il semble utile de prendre en considération l'ammonitrate haut dosage dans son ensemble et de veiller à ce que les mesures prises pour renforcer la sécurité soient cohérentes sur toute la chaîne de distribution du produit. C'est dans cet esprit que le rapport fait des recommandations plus générales concernant l'ammonitrate haut dosage. Parmi les recommandations, celles qui sont prioritaires sont les recommandations R3 (mise en place d'un pendant au RPM pour le transport fluvial), R4 (clarification des responsabilités pour le transport de matières dangereuses par voie fluviale) et R5 (suivi du trafic de matières dangereuses par voie fluviale) qui visent à combler une lacune dans le contrôle des ammonitrates transportés par voie fluviale, et la recommandation R6 qui vise à prévenir le risque de cargaisons non-conforme. Il s'agit de mesures peu coûteuses qui relèvent essentiellement du ministère de la transition écologique. PUBLIÉ 54 Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux Les recommandations R1 (amélioration du pilotage des capitaineries) et R2 (développement d'un système de gestion des matières dangereuses unique) visent à améliorer une situation des ports maritimes globalement satisfaisante et nécessitent aussi peu de moyens. En ce qui concerne les quatre recommandations visant les ammonitrates en général, si la recommandation R7 (priorité sur les ICPE stockant des ammonitrates haut dosage dans l'action d'inspection lancée en 2021) est une mesure technique simple interne au ministère de la transition écologique, les trois autres (R8 (réduction des ammonitrates haut dosage en vrac), R9 (incitation à l'usage des ammonitrates moyen dosage) et R10 (amélioration de l'information sur les risques)), nécessitent d'impliquer les agriculteurs, les industriels et le ministère de l'agriculture. Il faut toutefois noter que la recommandation R8 correspond à ce qu'a déjà fait spontanément depuis plus de 15 ans le plus gros industriel des engrais, et aux pratiques générales de trois des cinq vendeurs principaux actifs sur le marché français. La recommandation R10 est à très faible coût et aurait un fort impact en matière de prévention. PUBLIÉ Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux 55 PUBLIÉ 56 Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux PUBLIÉ Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux 57 PUBLIÉ 58 Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux PUBLIÉ Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux 59 PUBLIÉ 60 Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux PFAUVADEL PUBLIÉ Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux 61 PUBLIÉ 62 Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux PUBLIÉ Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux 63 PUBLIÉ 64 Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux PUBLIÉ Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux 65 PUBLIÉ 66 Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux ODEADOM Directeur PUBLIÉ Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux 67 PUBLIÉ 68 Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux PUBLIÉ Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux 69 PUBLIÉ 70 Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux La liste ci-dessous n'est pas exhaustive. Elle permet d'illustrer divers cas de figure. Il convient de noter que la nature exacte du produit en cause n'est pas toujours connue, ainsi que les pollutions éventuelles de celui-ci. Pour ce que l'on peut identifier, les produits sont très divers, du nitrate d'ammonium destiné à la fabrication d'explosifs, de l'ANFO, du NASC, des engrais ammonitrates, des NPK... Il faut aussi souligner que cette liste sous-représente sans doute les incidents sans explosion, tels qu'un feu de ferme ayant donné lieu à décomposition d'ammonitrates, mais sans suites dramatiques. Les sources sont Bibliographie [7], [13] et INERIS. Code couleur : Explosion à la suite d'un amorçage Explosion à la suite d'un incendie Autre explosion Simple décomposition suite à un incendie Décomposition auto-entretenue Année 1904 1916 1921 1921 1924 1940 1942 1947 1947 1953 1960 1960 1961 1963 1963 1965 1966 1966 1969 1970 Lieu Tessenderloo, Belgique Faversham, UK Knurow, Pologne Oppau, Allemagne New Jersey, USA Miramas, France Tessenderloo, Belgique Texas City, USA Brest Port Soudan, Soudan Boron, USA Traskwood, USA Francfort, Allemagne Vlaardingen, Pays-Bas Finlande Au large Azores USA Allemagne Suisse France des Produits en cause 700 t de nitrate d'ammonium technique 30 t ammonitrates 4 500 t d'engrais ammonitrates et sulfate d'ammonium Evénement Explosion Incendie suivi d'une explosion Amorçage suite à démottage à l'explosif. Explosion Amorçage suite à démottage à l'explosif. Explosion Explosion dans une unité de fabrication. Présence de contaminants. Incendie puis explosion Amorçage suite à démottage à l'explosif. Explosion Incendie à bord d'un navire (Grancamp) suivi d'une explosion. Deux navires impliqués. Incendie à bord d'un navire (Ocean Liberty) suivi d'une explosion Incendie suivi d'une explosion à bord d'un navire Incendie suivi d'une décomposition Déraillement d'un train. Incendie puis explosion DAE DAE Introduction accidentelle d'agents antimottants. Explosion. Navire Sophocles Incendie du explosion DAE Contamination Explosion. DAE stockage, puis Conséquences Centaines de morts 115 morts 19 morts 561 morts, 1952 blessés 18 morts Installation Stockage Stockage Fabrication 240 t d'ammonitrates 150 t d'ammonitrates Engrais ammonitrates 32,5 conditionné en sacs papier imperméabilisés par du bitume 740 t d'ammonitrate. Présence d'un chargement de paraffine. 4 00t ammonitrates, 420 t papier, 160 t sels de cuivre 20 t ammonitrates prill en sacs Ammonitrates, hydrocarbures et produits chimiques 8 000t NPK 12.12.17 4 500 t NPK 12.12.12 8 t NASC 5 300 t NPK 14.14.14 Ammonitrates, pesticides, matières combustibles 7 200 t NPK 16.11.14 NASC NPK ensachés 189 morts 581 morts, 3500 blessés 26 morts, 1000 blessés Stockage Navire Navire Navire Stockage Train Stockage Stockage 10 morts, 16 blessés Naufrage, 3 morts Fabrication Navire Stockage Stockage Fabrication Stockage accidentelle. PUBLIÉ Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux 1972 1972 1973 1975 1975 1976 1982 1987 1988 Taroom, Australie France Cherokee, USA USA Allemagne Manfredonia, Italie UK Nantes, France Kansas City, USA 18,5 t nitrate d'ammonium faible densité en sacs NASC 14 000 t ammonitrates haute densité NPK 12.12.12 Vrac NPK Incendie d'un camion, pollution par le carbone des pneus, explosion. Chargement dans citerne contaminée. Explosion. Incendie du stockage, puis explosion Echauffement par défaut électrique Point chaud soudage. Explosion et incendie Explosion Incendie suivi d'une décomposition Initiation par point chaud dû à une installation électrique défectueuse dans le stockage Incendie 3 morts 71 Camion Stockage 8 blessés 1000 personnes évacuées 28 blessés, 1000 personnes évacuées Stockage Stockage Stockage 1988 1989 Yougoslavie Jonova, Lithanie Ammonitrates stockés avec des meubles en bois 1 450 t NPKdont 850 t NPK 15.8.22, 750 t ammonitrates, 150 t urée Explosifs à base de nitrate d'ammonium, nitrate d'ammonium, essence, aluminium 17 000 t NPK 20 000 t NPK 11.11.11 Stockage 30 000 évacuées personnes Stockage 6 morts, 1 blessé 1990 1993 1994 1997 1998 1998 1998 2000 2001 2002 2002 2002 2003 2003 2004 2004 2004 2004 2007 2004 2007 2009 Barbezieux-StHilaire, France Humberside, UK Sioux City, USA Brasilia, Brésil USA Walden, Canada France Aunay-sousCrécy, France Toulouse, France Murcie, Espagne Pays-Bas Saint-Nazaire, France Palerme, Italie Saint-Romainen-Jarez, France Iran Barracas Ryongchon, Corée du Nord Mihailesti, Roumanie Monclova, Mexique Köping, Suède En mer au large de l'Espagne Bryan, USA 400 t d'ammonitrates en sacs 3 00 t NPK 75 t nitrate d'ammonium Nitrate d'ammonium technique 420 t d'ammonitrates ensachés ou en conteneurs 18 t d'ANFO ou émulsion de nitrate d'ammonium 300 t NPK 14.8.24 Accident ayant provoqué un incendie dont celui d'une bande transporteuse qui s'est effondrée sur un tas d'engrais Incendie suivi d'une décomposition DAE suite à point chaud électrique Explosion en cours de fabrication d'engrais Collision d'un camion avec un camion d'hydrocarbures. Incendie. Explosion Incendie suivi d'une décomposition Incendie suivi d'une explosion DAE Décomposition Explosion. Hypothèse d'une incompatibilité avec un produit chloré 20 000 personnes évacuées 7 morts, 57 blessés, 30 000 personnes évacuées Stockage Stockage Stockage Confinement 4 morts, 18 blessés 17 morts Navire Fabrication Camion Stockage 2 blessés Camion Stockage Ammonitrates déclassés, 300400 t 15 400 t NPK 15.15.15 en vrac 2 500 t NPK 12.12.17 2 500 t NPK 15.12.24 4 000 t NPK 2-3 t engrais ammonitrates 33,5 en big bags, caisses en plastique 420 t d'engrais (pas de précisions) 20 t ammonitrates 33,5 en vrac Ammonitrates 20 t ammonitrates en sacs 25 t ANFO Engrais DAE et non-DAE NPK 15.15.15 30 morts Confinement 170 000 personnes Confinement dans un rayon de 1 km Stockage Stockage Navire Navire Navire Stockage Train Camion Suite à travaux de soudure Incident électrique sur un navire dans le port. DAE Incendie du stockage suivi d'une explosion. Présence de matières combustible. Déraillement Incendie du camion de transport, puis explosion Collision entre citerne routière et train. Incendie puis explosion Incendie d'un camion suivi d'une explosion Incendie du camion de transport, puis explosion Incendie d'un stockage de produits combustible se propageant au stockage d'engrais Sur cargo en mer (Ostedijk). Amorçage par point chaud. Incendie 26 blessés 328 morts 161 morts, 1300 blessés 18 morts, 11 blessés 28 morts, 250 blessés Train Camion Camion Stockage Navire 34 blessés Stockage PUBLIÉ 72 2013 2013 2014 2015 2015 2017 2017 2019 2020 Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux West Texas, USA Sao Francisco do Sul, Brésil Charlotteville, Australie Tianjin, Chine En mer au large de l'Allemagne Logron, France Au large des Canaries, Espagne Camden, USA Beyrouth, Liban 150 t ammonitrates, autres engrais 10 000 t engrais NK 22.0.21 56 t 800 t d'ammonitrates, nombreuses autres matières dangereuses NPK 15.15.15 3 t d'ammonitrates en big bags 40 000 t NPK, 15.15.15 et 16.16.1674 20 t de nitrate d'ammonium technique 2 750 t de nitrate d'ammonium technique Incendie dans un bâtiment connexe séparé par une paroi de bois. Explosion. DAE Incendie du camion de transport, puis explosion Incendie sur une plateforme logistique suivi d'une explosion DAE sur un cargo (Purple Beach) Incendie suivi décomposition DAE sur le cargo Cheshire d'une 15 morts, 200 blessés 100 blessés, 30 000 personnes évacuées 3 blessés 173 morts, 800 blessés Stockage Stockage Camion Stockage Navire Stockage Navire 1 mort 204 morts, plus de 6500 bléssés Camion Stockage Incendie du camion de transport, puis explosion Incendie suivi d'une explosion 74 Il est à noter que la cargaison avait été déclarée non dangereuse, alors que les événements conduisent à penser qu'elle aurait dû être considérée « susceptible de DAE » et donc être classée ONU 2071. PUBLIÉ Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux 73 A6.1 La nomenclature des produits A6.1.1 La codification ONU pour le transport des matières dangereuses La codification ONU pour le transport des matières dangereuses a l'avantage d'être reconnue internationalement. Elle attribue aux différentes matières dangereuses un nombre à 4 chiffres et donne en regard une classe de danger. Elle vise le transport de marchandises. Les produits ou familles de produits répertoriés sont les suivants : ONU 0222 : nitrate d'ammonium avec plus de 0,2% de substances combustibles, y compris toute substance organique calculée en contenu carbone, à l'exclusion de toute autre substance ajoutée : en gros il s'agit d'explosifs au nitrate d'ammonium tel que le nitrate fuel ou ANFO (ammonium nitrate fuel oil) ONU 1942 : nitrate d'ammonium avec moins de 0,2% de substances combustibles, y compris toute substance organique calculée en contenu carbone, à l'exclusion de tout autre substance ajoutée : en gros il s'agit de nitrate d'ammonium technique généralement destiné à la fabrication d'explosif, mais qui en l'état n'est pas considéré comme un explosif compte tenu de la très faible teneur en carbone ONU 2067 : engrais à base de nitrate d'ammonium ; mélange uniforme et non-susceptible de ségrégation de nitrate d'ammonium avec un additif qui est inorganique et chimiquement inerte vis-à-vis du nitrate d'ammonium, o ne contenant pas moins de 90% de nitrate d'ammonium et pas plus de 0,2% de matières combustibles : o ou contenant pas moins de 70% de nitrate d'ammonium, pas plus de 0,4% de matières combustibles, et moins de 5% de sulfate d'ammonium ; o ou contenant pas moins de 70% de nitrate d'ammonium, pas plus de 0,4% de matières combustibles, et plus de 5% de sulfate d'ammonium, mais contenant au moins 10% de matières inorganiques à l'exclusion du nitrate d'ammonium et du sulfate d'ammonium. Il s'agit, en gros, d'engrais ammonitrates à haut dosage en azote tel que les ammonitrates haute teneur 33,5% ou les ammonitrates prill 34,4%. ONU 2071 : engrais à base de nitrate d'ammonium ; mélange uniforme et non-susceptible de ségrégation de types N/P ou N/K ou de type N/P/K, ne contenant pas plus de 70% de nitrate d'ammonium et pas plus de 0,4% de matériau combustible ou organique calculé en carbone, ou ne contenant pas plus de 45% de nitrate d'ammonium et une quantité non-limitée de matériau combustible, susceptible de DAE : il s'agit notamment des engrais complexes NP, NK ou NPK à teneur en azote inférieure à 24,5% sans matière organique, ou d'engrais complexes contenant des matières organiques, mais à teneur en azote inférieure à 15,75%, susceptibles de DAE. ONU 2426 : solution chaude concentrée de nitrate d'ammonium) : il s'agit du produit industriel appelé NASC à partir duquel sont élaborés les engrais contenant du nitrate d'ammonium tels que les ammonitrates en prill, les ammonitrates en granulés et les engrais complexes en granulés. 0NU 3375 : (émulsion, suspension ou gel de nitrate d'ammonium) Les engrais à base d'ammonitrates, autre que les 2067 et 2071 n'ont pas de nomenclature ONU. Ce sont notamment les engrais ammonitrates à moyenne teneur tels que le CAN27 (nitrate d'ammonium associé à du carbonate de calcium dont la teneur en azote est de 27%) ou les ammonitrates soufrés, dont la teneur en azote est inférieure à 28% (seuil européen). La correspondance de risques est la suivante : PUBLIÉ 74 Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux Classement ONU 0222 1942 2067 2071 2426 3375 Type de risque Classe 1.1 : Explosifs/Risque de détonation en masse Classe 5.1 : Comburants Classe 5.1 : Comburants Classe 9 : Divers dangereux pour l'environnement Classe 5.1 : Comburants Classe 5.1 : Comburants A6.1.2 La nomenclature ICPE La nomenclature ICPE vise les installations qui fabriquent et stockent les produits. A6.1.3 La nomenclature des douanes Les Douanes utilisent la nomenclature NC8 (nomenclature combinée à 8 chiffres), définie au niveau européen. Elle permet notamment de déterminer les droits de douanes et élaborer les statistiques du commerce extérieur. Elle est utilisée dans les DAU (document administratif unique rempli dans le cadre des opérations de commerce extérieur à l'Union européenne) et les DEB (déclaration d'échange de biens, entre la France et le reste de l'Union). Elle distingue notamment : Le nitrate d'ammonium reconnaissable comme explosif préparé (donc additionné de substances sensibilisantes telles que le nitrate de glycérol ou le glycol, par exemple) se classe sous la position 3602 00 00. Le nitrate d'ammonium technique : position 3102 30 90 s'il se présente sous forme solide, et position 3102 30 10 s'il est en solution aqueuse, même s'il est utilisé pour fabriquer des explosifs. Dans le cas peu probable où il serait conditionné en tablettes ou similaires ou en emballage d'un poids n'excédant pas 10 kg, il relèverait alors de la position 3105 10 00. Le NASC ou nitrate d'ammonium en solution chaude se classe sous la position 3102 30 10. PUBLIÉ Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux 75 Les ammonitrates à haut dosage, soit plus de 28% d'azote, se classent sous la position 3102 40 90. Les ammonitrates à moyen dosage, soit inférieur ou égal à 28% d'azote, se classent sous la position 3102 40 10. Les engrais complexes contenant de l'azote, NPK, NP et NK : - position 3105 10 00 pour les NPK, NP, et NK conditionnés en tablettes ou similaires ou en emballage d'un poids n'excédant pas 10 kg - position 3105 20 10 pour les NPK autrement conditionnés, et si la teneur en azote est supérieure à 10% en poids - position 3105 20 90 pour les NPK autrement conditionnés, et si la teneur en azote est inférieure ou égale à 10% en poids - position 3105 30 00 pour l'hydrogénoorthophosphate de diammonium (NP) - position 3105 40 00 pour le dihydrogénoorthophosphate d'ammonium (NP) - position 3105 51 00 et 3105 59 00 pour les autres NP - position 3105 90 20 pour les NK si la teneur en azote est supérieure à 10% en poids - position 3105 90 80 pour les NK si la teneur en azote est inférieure ou égale à 10% en poids Cette nomenclature appelle les remarques suivantes : elle ne tient pas compte du caractère dangereux ou non des produits ; la comparaison des chiffres des Douanes et des informations recueillies auprès des industriels laisse penser qu'il y a des confusions entre rubriques, notamment pour le nitrate d'ammonium technique75. Par ailleurs les DAU sont nécessaires pour les opérations de dédouanement, mais sont enregistrées au lieu de dédouanement. Les DEB sont effectuées a posteriori sur une base déclarative. En conséquence, les données sont peu utilisables pour localiser précisément les flux76. Enfin, les informations issues des DEB sont confidentielles lorsqu'un nombre limité d'opérateurs assure la plus grande part du trafic. A6.1.4 La nomenclature NST Cette nomenclature utilisée pour les statistiques de transport et peu détaillée et n'identifie pas les produits dangereux. Les engrais apparaissent dans la rubrique 7 qui se décompose comme suit : 7=Engrais 71=Engrais naturels 711=Nitrate de soude naturel 712=Phosphates naturels bruts 713=Sels de potasse naturels bruts 719=Autres engrais naturels 72=Engrais manufacturés 721=Scories de déphosphoration 722=Autres engrais phosphatés 723=Engrais potassiques 724=Engrais nitrés 729=Engrais composés et autres engrais manufacturés Le nitrate d'ammonium technique n'est pas non plus isolable parmi les produits chimiques. 75 76 La somme des importations affichée semble très supérieure au marché. Les statistiques douanières donnent des importations nulles d'AN HD par voie fluviale alors que le trafic d'un seul industriel serait selon lui de 47 000 t. PUBLIÉ 76 Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux A6.2 Les données sur les flux A6.2.1 Données sur le nitrate d'ammonium technique Les fournisseurs pour la France seraient, selon les industriels, MAXAM TAN qui avait une production à Mazingarbe, jusqu'à sa mise en liquidation début 2021 et qui distribuait par voie routière pour le marché français et européen, et par voie fluviale à partir du port de Béthune pour la grande exportation, et YARA qui importe d'une usine européenne par voie routière. A6.2.2 Données de l'UNIFA L'UNIFA fournit des données sur la consommation d'engrais en France métropolitaine Campagne en kt 08-09 1 888 1 158 09-10 1 934 1 122 10-11 1 818 1 286 11-12 1 733 1 211 12-13 1 848 1 175 13-14 1 734 1 099 14-15 1 683 1 173 15-16 1 611 978 16-17 1 588 1 126 17-18 1 525 1 003 18-19 1 488 858 19-20 AN HD AN MD La consommation d'ammonitrates haut dosage est de 1 534 kt en moyenne sur les trois dernières campagnes, et de 996 kt pour l'ammonitrate moyen dosage. On constate une érosion de la consommation comparable pour les deux types d'ammonitrates (la moyenne des trois dernières campagnes représente 90% de la moyenne sur les onze dernières campagnes), compensée par la croissance du recours à l'urée et aux solutions azotées. Les principaux acteurs sont les suivants : Boréalis et Yara sont des groupes internationaux qui produisent en France (respectivement à Grand-Quevilly, Grandpuits et Ottmarsheim, et à Montoir-de-Bretagne et Ambès), Yara approvisionnant aussi le marché français depuis son usine belge du Tertre. Les autres sont des importateurs, notamment Eurochem, qui importe de Belgique PUBLIÉ Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux 77 (usine d'Anvers), Litfert qui importe de Lituanie, et Unifert qui importe de Pologne et accessoirement du RoyaumeUni. A6.2.3 Données des Douanes Les Douanes fournissent les données suivantes pour 2019. En t Total Mer Fer Route Fluvial Nitrate Import DEB 223 167 147 505 0 54 451 21 211 d'ammonium DAU 121 121 0 0 0 Export DEB C C 0 C 0 DAU 28 572 21 867 0 506 6 200 AN HD Import DEB 86 400 C C 78 975 0 DAU 0 0 0 0 0 Export DEB 176 898 C C C 0 DAU 245 0 0 245 0 AN MD Import DEB 865 123 245 813 0 520 056 99 254 DAU 18 546 18 546 0 0 0 Export DEB C C 0 91 326 C DAU 8 620 0 0 7 420 1 200 Les chiffres DEB correspondent aux mouvements de marchandises vers ou depuis l'Europe et les chiffres DAU les mouvements hors Europe. Certains chiffres DEB sont occultés pour des raisons de confidentialité (C). Ces chiffres appellent les réserves suivantes : les importations de nitrate d'ammonium semblent bien trop élevées pour correspondre au seul nitrate d'ammonium technique. Il est vraisemblable qu'il y a une part d'AN HD. Les exportations de nitrate d'ammonium correspondent à l'activité du seul producteur français de nitrate d'ammonium technique. Les importations d'AN HD sont sous-évaluées : notamment n'apparaissent pas les 47 000 t/an d'importation par voie fluviale d'un importateur identifié77. En gros, si on retient le chiffre des industriels pour les importations de nitrate d'ammonium technique (20 kt/an par route), l'ammonitrate haut dosage représenterait : 290 kt/an d'importation, dont : o Mer et fluvial : 180 kt au plus, dont environ 50 kt par voie fluviale o Route : 110kt Le nitrate d'ammonium moyen dosage représente : 884 kt/an d'importation, dont o Mer : 264 kt o Fluvial : 100 kt o Route : 520 kt. En ce qui concerne particulièrement l'outre-mer, les ammonitrates sont peu ou pas employés et leur est préférée l'urée. Les données des Douanes, confirmées par celles fournies par les ports, donnent : Martinique : trafic nul, Guadeloupe : trafic nul, 77 17 000 t via Elbeuf et 30 000 t via les voies fluviales de l'est de la France. PUBLIÉ 78 Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux Guyane : trafic de nitrate d'ammonium technique (98 t en 2020), Réunion : trafic d'ammonitrates haut dosage (24 t en 2020) et de nitrate d'ammonium technique (50t en 2020), Mayotte : trafic de nitrate d'ammonium technique (25 t en 2020). PUBLIÉ Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux 79 Accueil des navires Article du RPM Contenu du RPM Tonnage maxi par navire 514 À définir par RLMD Quais de chargement/ déchargement A définir par RLMD Dépôts à terre 516 250t /îlot pour nitrate ammonium 600 t/îlot pour engrais 2 ilots de 250 t max éloignés d'au moins 10 m Durée dépôt à terre 516 Le moins de temps possible 72 h en tout , 24 heures après départ navire Gardiennage 517 Si plus de 200t Disponibilité en eau 518 Au moins 100t/h jusqu'à 200t, puis croissante si 1 300 m3/h Contrôle disponibilité en eau 519 A définir RLMD Observations missions Saint Malo Nov 2020 Lundi matin, jusque mercredi pour décharger avant vendredi Non précisé 3 500 t Un poste : poste Vauban 10 Permanent ammonitrates présents Rouen Juillet 2019 de 2000 15 000 (expédition Borealis) à t Nombreux quais autorisés, pas réellement utilisés Selon quai 4 îlots de 50 ou 410 t 3 jours Renvoie RPM vers fonctionnement à chaque arrivée de navire Contrôle annuel par org agréé présenté à commission Fonctionnement à chaque arrivée de navire. Justification sur demande Honfleur (fait partie du GPM de Rouen) idem 5 000 t quai QSH 6 îlots de 250 t éloignés de 20 m 10 jours idem idem Le Havre Mars 2018 Nantes Déc 2017 Visite expert si pas containeurs 800 t par poste à bord navire 6 000 t 4 postes containeurs Cheviré CHV3 et CHV4 Terminal containeurs Montoir Terminal agro alimentaire Entre 37 et 95 t /poste Un seul îlot de 600 t Obligatoire Réseau incendie + remorqueur si 1250 m3/h Par commission de contrôle Restreindre aux quais pertinents Qttés autorisées sur quai semblent excessives. Pas de contrôle systématique des pompes Devrait préciser pas de déchargement si terminal croisières voisin utilisé Durée et quantités semblent excessives Dispositions du RPM mal adaptées aux terminaux containeurs Permanent dépôt 4 000t PUBLIÉ 80 Montoir (YARA) non utilisé Sables d'Olonne Janvier 2016 Saint Brieuc Le Légué Décembre 2019 Admis si déchargement possible sans interruption Visite préalable par expert Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux 4 000 t 3 500 t sur navire 4 500 t en tout sur le port 3 000 t Poste 3-4, poste 2 subsidiaire Un poste En principe interdit, possible jusque 600 t par aut ; except ; 600 t en 3 îlots distants de 16 m sur autorisation exceptionnelle 24 h (aut. excep.) Permanent dépôt Permanent dépôt si 1250 m3/h Contrôle annuel org agréé présenté en commission Contrôle annuel org agréé + essai devant commission 48 h (autorisation ) si Renvoie RPM PUBLIÉ Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux 81 La mission a été particulièrement alertée par le sous-préfet, au nom du préfet d'Ille-et-Vilaine, préfet de Bretagne, sur la situation du port de Saint Malo. Le port de Saint Malo est en effet un des ports accueillant un trafic important d'engrais ammonitrates haut dosage et présente la particularité d'être situé à proximité du centre-ville. Les riverains expriment des interrogations et inquiétudes relancées par l'accident de Beyrouth. Le préfet a dès lors souhaité que la mission puisse s'exprimer sur la situation du port et notamment l'acceptabilité des déchargements d'ammonitrates, même si les règles de sécurité fixées par le règlement local matières dangereuses ont déjà été renforcées sans attendre la mission en novembre 2020. Le préfet s'interroge en particulier sur l'opportunité d'imposer la réalisation d'une étude de dangers, le port n'étant normalement pas soumis à cette obligation par la réglementation nationale. Le port de St Malo présente un trafic significatif d'ammonitrates haute teneur : deux industriels, ayant des usines respectivement en Pologne et en Lituanie l'utilisent régulièrement pour alimenter leurs clients notamment ceux situés en Bretagne. Les mêmes industriels utilisent également le port du Légué à St Brieuc, mais l'indisponibilité temporaire du système de pompage incendie au Légué a fait que les ammonitrates n'ont pas pu y être accueilli et le trafic s'est alors déporté en totalité sur St Malo au cours de l'année 2020. Le port de St Malo est à l'intérieur de la ville et à proximité de l'intra-muros : les ammonitrates sont déchargés à moins de 400 m de la ville close, juste de l'autre côté du bassin Vauban. Il n'y a aucune installation qui stocke des ammonitrates sur le port, mais il existe à quelques centaines de mètres sur le port le siège social du groupe Roullier et une usine du groupe, la Timac qui fabrique des produits destinés à la nutrition animale et végétale, dont des engrais. Cette société ne reçoit, ni ne fabrique, des engrais aux ammonitrates et son activité est totalement indépendante des trafics d'ammonitrates qui ont lieu à quelques centaines de mètres. Cette société, qui par ailleurs présente des problèmes de pollution atmosphérique, entrepose sur son quai de nombreux bigs-bags de produits qui ne sont pas dangereux mais créent une confusion avec les bigsbags d'engrais aux ammonitrates. Le règlement local matières dangereuses a été modifié en novembre 2020, en particulier pour préciser les lieux de déchargement des ammonitrates (un seul poste autorisé au lieu de 3 auparavant), la durée et la quantité maximales de dépôt à terre, le contrôle annuel des moyens incendie par un organisme tiers. Le nouveau règlement ainsi complété apparaît comme un des plus opérationnels et des plus précis parmi ceux consultés par la mission (cf en annexe 7) La mission a par ailleurs pu assister au déchargement d'un navire d'ammonitrates et au chargement des camions. Elle a pu constater que ces opérations se passent de manière fluide et rapide (évacuation des ammonitrates du quai dans un délai de l'ordre de 24 heures). Elle a pu constater également que les mesures de sécurité prévues par la réglementation générale et le règlement (présence des moyens de lutte contre l'incendie, d'un gardiennage permanent, contrôle des accès et des dispositions prévues par l'ADR...) étaient bien mises en place, ainsi que l'absence sur les quais ou à proximité de toute matière combustible ou inflammables autres que les engins de manutention et les camions en cours de chargement. La mission a enfin pu constater que les sapeurs-pompiers ont une bonne connaissance des activités exercées sur le port et des risques potentiels. Un plan « établissement répertorié » a été élaboré pour préparer une éventuelle intervention et des exercices sont réalisés. La mission considère dès lors que les conditions de sécurité sur le port de St Malo sont bonnes et que l'hypothèse d'un accident majeur ne semble pas plausible. PUBLIÉ 82 Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux Figure 6: Navire d'ammonitrates dans le port de Saint-Malo (Source : mission). La poursuite de ce type d'opérations dans les conditions actuelles ne devrait dès lors pas être remise en cause. En particulier, la mission n'estime pas utile de faire réaliser une étude de dangers, qui ne paraît pas de nature à pouvoir apporter des éléments nouveaux ou à améliorer la sécurité. Pour autant, la mission émet quelques recommandations à l'intention des autorités locales : la première porte sur le contrôle de la qualité des ammonitrates déchargés sur le port : le RLMD antérieur prévoyait la possibilité de faire réaliser des prélèvements et des tests par un organisme indépendant. Le problème est que ces prélèvements et tests ne sont pas réalisés dans le cadre des procédures prévues par le code de la consommation (réalisation de plusieurs échantillons témoins pour laisser la possibilité de faire des contre-expertises par exemple), ce qui rendrait sans doute délicate l'intervention de l'État en cas de détection d'une non-conformité. La mission considère qu'il serait préférable que ces contrôles s'inscrivent dans le cadre de ceux réalisés par les services de la répression des fraudes, ce qui n'était pas le cas jusqu'à présent pour les raisons indiquées § 4.1.178. la deuxième porte sur l'intérêt de préciser « qui fait quoi » en cas d'incident, notamment en matière d'alerte et de première intervention. Le rôle de « tour de contrôle » de la capitainerie ne fait pas de doute, mais les circuits d'alerte et les responsabilités sur la première intervention ne sont pas explicites. Ainsi il conviendrait par exemple de préciser qui prévient les pompiers en cas d'incident (départ de feu sur un camion par exemple) : directement l'exploitant qui procède au déchargement ou via la capitainerie ? De même, la direction des opérations de secours dans l'attente de l'arrivée des sapeurs- pompiers n'est pas parfaitement claire. la troisième porte sur l'intérêt d'améliorer la concertation et l'information auprès des élus et des parties prenantes, associations ou riverains. Comme indiqué ci-dessus, des confusions existent avec l'activité de la TIMAC et des questions légitimes sont posées sur le port mais aussi sur la sécurité des transports de matières dangereuses qui traversent la ville. La forme de cette concertation est à décider, mais la mission considère que la Commission locale de suivi déjà mise en place autour de la TIMAC, pourrait aussi être 78 Depuis la visite de la mission, des contacts ont été pris avec la DDPP 35 qui va réaliser des prélèvements sur les ammonitrates déchargés sur le port de Saint Malo PUBLIÉ Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux 83 utilisée pour faire le point sur la sécurité du port et des transports, même si cette commission n'a pas été créée à cette fin, à défaut d'en créer une spécifique sur le sujet des matières dangereuses. Si elle est possible, une visite pour quelques représentants d'associations ou mesures de sécurité qui ont été mises en place. Recommandations La sécurité des trafics d'ammonitrates sur le port de Saint Malo est pleinement satisfaisante. La mission recommande toutefois : - que les contrôles sur la qualité des ammonitrates s'inscrivent dans le cadre prévu par la répression des fraudes - de préciser qui fait quoi en matière d'alerte et de première intervention - d'améliorer l'information des parties prenantes. PUBLIÉ 84 Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux La mission a été particulièrement alertée par le sous-préfet, relayant la position du préfet de Vendée, sur la situation du port des Sables d'Olonne. Il a été visité par la mission le 17 février 2021. Ce port est en effet dans une situation particulière dans la mesure où il cumule deux caractéristiques : - le port de commerce est situé en centre-ville ; - il accueille, en face du quai de déchargement, un dépôt ICPE d'ammonitrates haut dosage d'une coopérative agricole, dépôt classé Seveso bas jusqu'à peu. Ces caractéristiques peuvent se retrouver ailleurs mais pas simultanément : ainsi des entrepôts ICPE sont présents sur d'autres ports comme à Nantes, mais ils ne sont pas en zone urbaine et d'autres ports, par exemple celui de St Malo, sont également très proches de la ville, mais n'ont pas de stockages d'ammonitrates. La présence d'un important stockage sur le port au centre de la ville constitue effectivement une situation particulière et cela d'autant plus que le port de commerce des Sables est aujourd'hui un port « ouvert » où le public a librement accès à la plupart des zones portuaires. Le port n'est fermé à la circulation que pendant l'affluence touristique de l'été pour éviter le stationnement sauvage. La zone où se trouve le quai de manutention des ammonitrates a été munie, assez récemment, à la demande du préfet, pour des raisons autant de sécurité que de sûreté, d'un dispositif de clôture et de contrôle, mais il a été indiqué à la mission que cette zone n'est effectivement interdite au public que pendant les opérations de manutention. A noter aussi que, pendant le Vendée globe, aucun trafic d'ammonitrates n'est autorisé dans le port. La mission note la volonté du préfet de faire évoluer cette situation, même si les risques liés aux ammonitrates paraissent aujourd'hui maîtrisés aussi bien au niveau du déchargement des navires qui est réalisé sans aucun dépôt à terre sur le quai, qu'au niveau de l'entrepôt de la CAVAC., Le RLMD qui a tout récemment été renforcé à la suite de l'étude de dangers qui était motivée par les transferts d'explosifs, prévoit en particulier que le déchargement des navires est réalisé sans aucun dépôt à terre. Une initiative particulièrement intéressante a été la mise en place d'un inventaire commun, mis à jour de manière hebdomadaire de l'ensemble des matières dangereuses présentes sur le port, ammonitrates et autres. L'ensemble des exploitants, manutentionnaires, mais aussi exploitants ICPE transmettent ainsi l'état actualisé des stocks à la capitainerie chaque semaine qui en fait la synthèse et la tient à disposition des services de secours. Le dépôt de la CAVAC coopérative agricole, est utilisé comme stock tampon. 80% des ammonitrates déchargés quittent directement le port par camion, 20% sont stockés, temporairement. Auparavant Seveso seuil bas, ce dépôt est régulièrement inspecté par la DREAL, qui n'a pas relevé de non-conformité à la réglementation. Le dépôt n'est pas gardé en permanence, mais le dispositif de protection contre les intrusions a été renforcé par une barrière à l'entrée et des caméras de vidéo-surveillance, à la demande de l'Etat. Dans la mesure où l'exploitant respecte la réglementation, la mission confirme qu'il n'est légalement pas possible de lui imposer de réduire ou supprimer son activité. Pour améliorer encore la situation, la mission considère en premier lieu que l'ouverture au public du port de commerce, souhaitée par la municipalité, mérite d'être réexaminée. En effet, l'activité industrielle d'un port de commerce, qui comprend non seulement des activités de manutention mais aussi des activités industrielles, telle la réparation navale, est peut être difficilement compatible avec une activité touristique, notamment en haute saison, et une activité de loisir. La mission a noté que deux accidents mortels ont déjà eu lieu, deux voitures de particuliers étant tombées dans les darses du port. Ceci relève des exigences de « sécurité » publiques et non pas de « sureté ». Les exigences de sûreté n'ont pas été examinées de près par la mission, mais il convient aux services de la préfecture, en lien avec l'autorité portuaire et le concessionnaire, de savoir si le maintien du public à proximité, notamment lors de la présence d'ammonitrates sur le port, semble compatible. La fermeture de tout ou PUBLIÉ Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux 85 partie du port de commerce pendant l'ensemble de l'année est une hypothèse à envisager, d'autant qu'à première vue, elle semble assez facile à concrétiser. La CAVAC est un utilisateur important du port : elle y dispose de deux entrepôts pour différents types d'engrais, où les ammonitrates haut dosage constituent une part très minoritaire du stockage ; elle dispose également dans une autre partie du port de commerce de silos de céréales. Le trafic d'ammonitrates (avec ou sans stockage) représente une part non négligeable des revenus du port. La CAVAC a déjà fait un effort important en acceptant volontairement de diminuer la quantité maximale d'ammonitrates stockés dans son dépôt du port. Le stockage qui relevait de la directive Seveso, seuil bas, a été ramené à 1249 t au maximum et n'est dès lors plus soumis qu'à déclaration ICPE. Malgré ce déclassement, la DREAL s'est engagée à continuer à inspecter régulièrement le site qui continuera à faire l'objet d'un POI. La relation entre le SDIS, le port et la CARAC se passe bien avec des exercices réguliers. Le conseil départemental n'est pas favorable au départ du stockage. La mairie n'a pas été rencontrée. La population ne se mobilise pas. A noter aussi que le sujet n'a pas été abordé en Conseil portuaire, mais il y a eu une réunion sous l'égide de l'Etat avec les industriels et le concessionnaire après Beyrouth. La CAVAC a plusieurs autres dépôts d'engrais dans les environs (notamment à environ 30km près de Fougeray) et semble ouverte à l'idée de réduire encore le stock d'ammonitrates sur le port des Sables, ce qui peut néanmoins impliquer le relèvement du seuil de stockage dans les autres entrepôts. Il importe en effet que la réduction du stockage sur le port ne se traduise pas par un report des stocks d'engrais dangereux vers les exploitations agricoles, où la sécurité est beaucoup moins encadrée, et donc que la capacité globale de stockage de la CAVAC puisse être maintenue. La mission appelle dès lors à une négociation avec la CAVAC pour qu'elle soit accompagnée, y compris si possible financièrement, dans la création ou l'extension d'un stockage d'ammonitrates en zone non urbanisée qui pourrait ainsi compenser celui du port. Dès lors que ce nouveau stockage est soumis à simple déclaration ou même si une évolution de la nomenclature le soumettait à enregistrement comme envisagé par ailleurs dans le présent rapport, la procédure peut être rapide et simple. Dans la mesure où l'évacuation immédiate des ammonitrates par camions au fur et à mesure du déchargement est complexe compte tenu de l'exiguïté du port (un navire représente plus de 100 camions), une solution intermédiaire tout à fait acceptable selon la mission serait de maintenir le dépôt d'ammonitrates de la CAVAC en le limitant à un stockage très temporaire de quelques jours après l'arrivée d'un navire, et à un tonnage plus limité qu'actuellement. Ces durées et quantités maximales à proposer par la CAVAC pourraient être entérinées dans l'arrêté ICPE du site. Une mesure d'accompagnement souhaitable pour fluidifier l'évacuation immédiate des big bags serait de déterminer entre le manutentionnaire, l'exploitant portuaire et la municipalité, un plan de circulation préservant suffisamment d'espace pour les camions en attente de chargement ou de départ. L'attention de la mission a en effet été attirée sur la réduction récente de places de stationnement, permettant aux chauffeurs de préparer les camions chargés avant leur départ (sanglage, bâchage, contrôles,..), qui peut occasionner des « bouchons » et retarder le départ des marchandises. Recommandations : La sécurité des ammonitrates sur le port des Sables est satisfaisante. Néanmoins pour mettre fin à la proximité immédiate entre un dépôt et le public, ce port étant le seul port à accueillir un stockage d'ammonitrates en zone urbanisée, la mission suggère : - d'engager une négociation avec la coopérative agricole exploitant le stockage pour le report de ce stockage d'ammonitrates vers un autre de ses sites et de limiter celui du port aux quelques jours nécessaires, et à un tonnage réduit, sans bien entendu remettre en cause les autres stockages ; - d'étudier de plus près le circuit des camions pour fluidifier l'évacuation des ammonitrates, en liaison avec l'exploitant du port ; - de discuter d'une meilleure régulation de l'accès du public sur la zone du port de commerce. PUBLIÉ 86 Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux Plan du port de commerce des Sables d'Olonne En liseré rouge, les limites des installations portuaires en termes de sûreté : - Quai de déchargement pour les ammonitrates - Quai de déchargement pour les céréales au niveau des silos - Entrée du bassin avec porte basculante PUBLIÉ INVALIDE) (ATTENTION: OPTION ). Elle recommande en particulier à VNF et aux DREAL de veiller à ce que ces RPPNI identifient les lieux où peuvent être chargées ou déchargées des matières dangereuses, comme prévu par l'ADN. Recommandation n° 5. Afin de disposer d'informations sur le trafic de matières dangereuses par voie fluviale, la mission recommande que la DGITM veille à ce que soit rendue effective dans les RPPNI l'obligation d'annonce du transport de matières dangereuses prévue dans le RGPNI et que VNF intègre le suivi des transports de matières dangereuses par voie fluviale et la diffusion de cette information aux administrations concernées. 51 Bibliographie [11]. PUBLIÉ Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux 37 4 LA MAITRISE DES RISQUES LIES AUX AMMONITRATES 4.1 La règlementation propre aux ammonitrates Plusieurs ensembles de textes réglementaires s'appliquent aux ammonitrates et encadrent leur sécurité : - La réglementation relative à la mise sur le marché des substances fertilisantes, inscrite dans le code rural et de la pêche maritime, s'applique aux engrais, notamment ceux à base d'ammonitrates. Cette réglementation relève de la DGCCRF et est contrôlée par les DD(ETS)PP. - La réglementation du transport des matières dangereuses, inscrite dans le code des transports, s`applique à tous les transports par route, fer, voie navigable ou mer de matières dangereuses, notamment au nitrate d'ammonium technique et aux engrais contenant une forte concentration de nitrate d'ammonium. Cette réglementation relève de la DGPR et est contrôlée selon les modes de transport par les DREAL (contrôleurs des transports terrestres) ou les capitaineries des ports maritimes. - La réglementation des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE), inscrite dans le code de l'environnement, s'applique aux usines de production et aux stockages de nitrate d'ammonium ou d'engrais en contenant, au-dessus de certains seuils de quantité. Cette réglementation relève de la DGPR et est contrôlée par les DREAL (inspection des installations classées). D'autres textes concernent le nitrate d'ammonium ou les ammonitrates, notamment le règlement européen Reach, qui réglemente les produits chimiques, ou le règlement européen sur les précurseurs d'explosifs. Ils ne seront pas développés dans le présent rapport. 4.1.1 La règlementation sur les matières fertilisantes Pour pouvoir être mis sur le marché européen, les engrais doivent respecter un ensemble de prescriptions encadrant leur aptitude à l'usage. Celles-ci visent notamment à garantir que les engrais ont les caractéristiques annoncées par ceux qui les commercialisent, en matière de pouvoir fertilisant ou d'absence d'effet indésirable sur l'homme ou l'environnement. Elles sont fixées par un règlement européen UE 2019/100952qui définit les conditions et modalités du marquage CE des engrais. Concernant les engrais à base d'ammonitrates, elles imposent notamment un ensemble de critères de sécurité relatifs aux caractéristiques physico-chimique (composition, teneur en humidité, taux d'impuretés, porosité, potentiel d'absorption d'hydrocarbures...) et impose des tests (essai de détonabilité). Le règlement fixe également les modalités de certification. Toutefois contrairement à la plupart des autres textes européens conduisant à un marquage CE, l'application du règlement européen sur les matières fertilisantes n'est pas obligatoire, et si le marquage CE permet de bénéficier de la libre circulation dans l'ensemble de l'UE, il est aussi possible de commercialiser des engrais dans un État membre selon une réglementation nationale. Ainsi en France, il est possible de commercialiser des engrais, et notamment des ammonitrates, dès lors qu'ils sont conformes à la norme NF U 42-001. Les dispositions techniques du règlement européen et de la norme NF présentent deux différences principales : 52 Cf. bibliographie [14]. Ce règlement remplace le règlement 2003/2003 et entre en application le 16 juillet 2022. Le nouveau règlement a un champ d'application plus large mais ne modifie pas les prescriptions applicables aux engrais ammonitrates, sauf en ce qui concerne la procédure d'évaluation de la conformité qui fait intervenir des organismes notifiés indépendants pour réaliser des tests en cours de fabrication. PUBLIÉ 38 Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux le règlement européen impose que les ammonitrates haut dosage soient mis à disposition de l'utilisateur final sous une forme conditionnée (en sacs ou en big-bags53), ce qui n'est pas le cas de la norme NF. Dès lors, certains distributeurs souhaitant commercialiser des ammonitrates en vrac se réfèrent à la norme NF. le règlement européen, renforcé sur ce point en 2019, impose que des essais en cours de fabrication soient réalisés par des organismes notifiés indépendants, alors que le marquage NF repose sur l'auto certification. La réglementation prévoit également une troisième voie qui est celle de l'autorisation de mise sur le marché, délivrée par l'ANSES. En pratique, celle-ci n'est pas employée pour les engrais minéraux et notamment les ammonitrates54. Le contrôle du marché des matières fertilisantes est organisé par la DGCCRF au niveau national et réalisé localement par les DDPP ou DDETSPP. Celles-ci procèdent à des contrôles documentaires, mais aussi à des prélèvements en vue de faire réaliser des tests en laboratoire. Elles vérifient également le respect de l'interdiction de vente à des particuliers de certains engrais, notamment ceux à base d'ammonitrates. Les prélèvements sont réalisés le plus possible en amont des chaînes de distribution, donc en particulier chez les fabricants lorsqu'ils sont en France ou dans les ports maritimes pour les produits venant de l'étranger. En pratique, la DGCCRF émet annuellement un « plan de contrôle » prévoyant pour les DD(ETS)PP un objectif chiffré de prélèvements. Les ammonitrates sont explicitement visés et font ainsi l'objet d'une douzaine de prélèvements par an. Les produits contrôlés peuvent être librement commercialisés dans l'attente des résultats d'analyse (2 à 3 semaines de délai), sauf non-conformité détectée sans analyse. En cas de non-conformités et selon l'importance de celles-ci, la DGCCRF peut ordonner des mises en conformité ou le rappel des produits si la sécurité est en jeu. Il y a une dizaine de référents interdépartementaux ammonitrates dans les DD(ETS)PP. Ces contrôles par la répression des fraudes ont permis dans les années 2000, en particulier à la suite de l'accident d'AZF qui a conduit à fortement renforcer la surveillance, de détecter plusieurs cas de non-conformités importantes pouvant être sources de dangers. Depuis une dizaine d'années, la DGRRF n'a pas trace de non-conformités sur les ammonitrates mettant en cause la sécurité des produits. Si une non-conformité mettant en cause la sécurité des engrais était détectée à la suite de ces prélèvements, la DGCCRF, la DGPR et les préfets concernés seraient amenées à collaborer. L'examen des cas des années 2000 et des procédures développées à ces occasions montre qu'une non-conformité sur des engrais serait gérée de manière attentive tant au niveau national (DGCCRF et DGPR) qu'au niveau local (préfets, DREAL, DD(ETS)PP), et la traçabilité prévue par les différentes réglementations est effective. Le fait que la nomenclature des ICPE classe maintenant sous le régime de l'autorisation les stocks d'ammonitrates non conformes avec un seuil très bas de 10 t, fait que les stocks qui seraient détectés non conformes, chez les distributeurs, dans les coopératives agricoles ou encore à la ferme, deviendraient ipso facto des installations classées en situation irrégulière, ce qui donne au préfet des pouvoirs encore accrus pour ordonner le traitement approprié de ces stocks. Il ne semble dès lors pas plausible de voir bloqués des ammonitrates non conformes sans que les pouvoirs publics n'aient les moyens juridiques de prendre les mesures appropriées, et ne les prennent effectivement. Commentaires de la mission : La mission a pu constater une bonne implication de la DGCCRF et des DD(ETS)PP rencontrées dans le cadre de cette mission. Le contrôle du marché des ammonitrates, élément essentiel pour contribuer à garantir la qualité des produits vendus, est réalisé de manière effective. Toutefois, bien entendu, la conformité des ammonitrates au 53 54 La mission a préféré utiliser à l'instar des usages de toute la profession le terme anglais plus parlant. La mission a toutefois remarqué que le site internet du ministère de l'agriculture mentionnait l'AMM comme la seule voir de certification des ammonitrates. PUBLIÉ Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux 39 moment de leur fabrication ou importation ne garantit pas qu'ils le resteront dans l'ensemble de la chaîne de distribution puisque ces produits peuvent se dégrader s'ils sont stockés trop longtemps ou stockés ou transportés dans de mauvaises conditions. Un point délicat est toutefois celui du « ciblage » des cargaisons contrôlées dans les ports maritimes ; seules certaines DD(ETS)PP sont informées à l'avance de l'arrivée de navires transportant des ammonitrates. Elles peuvent alors organiser un prélèvement au cours du déchargement. La mission a ainsi pu constater qu'en Bretagne ceux-ci sont effectués au port du Légué à Saint Brieuc (Côtes d'Armor), mais pas à Saint Malo (Ille-et-Villaine). Le fait que ce soit la DDPP des Côtes d'Armor qui est chargée des prélèvements pour l'ensemble de la région, peut expliquer cette situation55. Par ailleurs, l'information des DD(ETS)PP par les capitaineries se fait par simple mail à l'agent en charge du sujet. Lorsque celui-ci arrive à un mauvais moment, par exemple pendant les congés de l'agent concerné, une cargaison « atypique » peut passer inaperçue. Ainsi, la mission a constaté qu'une importation par un opérateur inhabituel et d'une provenance inhabituelle (en l'occurrence la Bulgarie) en 2019 a échappé au contrôle du marché, alors même que le navire a été déchargé au port de Nantes et que la DDPP 44 est fortement sensibilisée à cette mission. Recommandation n° 6. Afin de maîtriser le risque de cargaisons d'ammonitrates non-conformes, la mission recommande que la Direction générale de la concurrence ,de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et la DGPR définissent les importations d'ammonitrates à cibler dans le cadre du contrôle des produits et les modalités de coopération des services locaux, directions départementales (de l'emploi, du travail des solidarités et) de la protection des populations (DD(ETS)PP) et capitaineries (information systématique à l'arrivée des navires, organisation des prélèvements de contrôle...). Par ailleurs, la mission déplore que le règlement européen ne soit pas appliqué systématiquement pour les ammonitrates. La raison pour laquelle les règles harmonisées définies par le règlement sont d'application facultative est de permettre de continuer à commercialiser et utiliser des matières fertilisantes sur un marché local sans passer par le marquage CE56. Cette tolérance, voulue pour des matières fertilisantes ayant un marché « extrêmement local » (fumier...), paraît peu justifiée pour des ammonitrates industriels commercialisés en grande quantité sur l'ensemble du marché européen. Dans la mesure où les engrais marqués CE présentent une sécurité supplémentaire du fait de leur obligation de conditionnement, la mission considère que, pour les ammonitrates, les règles définies par le règlement devraient être rendues obligatoires en France. (cf. recommandation 7 infra) 4.1.2 La règlementation du transport des matières dangereuses Le nitrate d'ammonium et certains ammonitrates sont des matières dangereuses et à ce titre relèvent de la réglementation du transport des matières dangereuses lorsqu'ils sont transportés par route, fer, voie navigable ou 55 56 Mais conformément au RLMD de Saint-Malo, des prélèvements peuvent néanmoins être réalisés par un organisme tiers. Un considérant du règlement explique : « Contrairement à la plupart des autres mesures d'harmonisation de produits du droit de l'Union, le règlement (CE) n° 2003/2003 n'empêche pas la mise à disposition sur le marché intérieur d'engrais non harmonisés, en conformité avec le droit national et les règles générales de libre circulation du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Compte tenu du caractère extrêmement local de certains marchés de produits, cette possibilité devrait être maintenue. Le respect des règles harmonisées devrait dès lors rester facultatif et ne devrait être exigé que pour les produits destinés à apporter des éléments nutritifs aux végétaux ou à améliorer l'efficacité nutritionnelle des végétaux qui portent le marquage CE lorsqu'ils sont mis à disposition sur le marché. Le présent règlement ne devrait donc pas s'appliquer aux produits qui ne sont pas porteurs du marquage CE lorsqu'ils sont mis à disposition sur le marché. » PUBLIÉ 40 Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux mer. Les transports traversant les frontières, ces réglementations sont complètement internationalisées depuis de nombreuses années au niveau mondial pour l'air ou la mer, ou au niveau de l'Europe en tant que continent (jusqu'à l'Asie centrale) pour la route, le fer et les voies navigables. La réglementation est modale, c'est-à-dire élaborée par mode de transport : l'ADR pour la route, le RID pour le fer, l'ADN pour les voies de navigation intérieures, l'IMSBC (vrac) et l'IMDG (produits conditionnés) pour la mer, mais certaines dispositions sont communes à tous les modes : c'est notamment le cas des règles de classification des matières dangereuses qui sont élaborées dans une instance commune sous l'égide de l'ONU ou encore la réglementation des emballages de transport (containeurs, bigs bags, fûts, bouteilles...). Le nitrate d'ammonium ou certains engrais au nitrate d'ammonium entrent dans ces réglementations internationales. Celles-ci sont très détaillées et ne sont pas figées, faisant l'objet de modifications régulières dans le cadre de réunions rassemblant les experts des différents Etats-membres et les parties prenantes. C'est notamment le cas pour les engrais au nitrate d'ammonium dont les conditions de classification ont été récemment révisées. Ces sujets ont été examinés de manière particulièrement attentive : ainsi la section 39 du manuel des épreuves et critères de l'ONU qui définit les règles de classification des engrais au nitrate d'ammonium présente un diagramme de décision de 3 pages prenant en compte de multiples paramètres. Cette classification ONU est mentionnée au point 1.1.3.1. Il y est notamment expliqué que seulement certains engrais ammonitrates sont classés comme matière dangereuses. Les différentes réglementations modales définissent des exigences portant sur la conception, la construction la maintenance et le contrôle des matériels de transport (camions, wagons, bateaux,...), ainsi que les règles d'exploitation (équipement, chargement, documentation, signalisation,...) ainsi que la qualification (formation, certification,...) des différents intervenants (transporteurs, chargeurs,...). Ces réglementations prévoient aussi un système de « contrôle interne », les principaux intervenants devant faire appel annuellement à un « conseiller à la sécurité », qui procède à un audit de l'ensemble des dispositions mises en place et rédige un rapport tenu à disposition des autorités. Pour les modes route, fer et voies navigables, le contrôle de ces dispositions relève des contrôleurs des transports terrestres placés au sein des DREAL, sous l'autorité des préfets et le pilotage fonctionnel de la DGPR. Pour la mer, le dispositif de contrôle par l'Etat est différent : il relève de la direction des affaires maritimes et des DIRM pour les navires en mer et des capitaineries des ports pour les ports. Commentaire de la mission : Les règlementations et dispositifs de contrôle dans les ports maritimes et sur la voie navigable sont décrits et commentés dans les chapitres 2 et 3. La mission ne s'est pas attardée sur le transport par fer, celui-ci étant devenu marginal pour les ammonitrates pour des raisons économiques. Le transport routier des ammonitrates, qu'ils soient ou non classés comme matières dangereuses, est, à partir des usines de fabrication et des ports, le mode de transport principal. Le contrôle des dispositions réglementaires par les DREAL est effectif et permet de maintenir une pression de contrôle qui semble suffisante. La mission n'a pas investigué ce sujet de manière approfondie, mais aux dires de ses différents interlocuteurs, l'ADR est bien connu et correctement appliqué57. Ceci n'empêche pas qu'il existe des accidents de transport qui peuvent mettre en cause des camions transportant des ammonitrates, même si aucun accident grave de ces transports n'a été constaté en France. La bonne connaissance par les sapeurs-pompiers des risques liés à ces produits et leur marquage extérieur bien connu contribuent à la maîtrise du risque. 57 Il convient toutefois de noter que les agriculteurs bénéficient d'une dérogation générale et peuvent transporter jusqu'à 12 t d'ammonitrates sur des engins agricoles sans avoir à respecter l'ADR. PUBLIÉ Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux 41 La question est souvent posée par les parties prenantes qui s'inquiètent de voir des camions de transport de matières dangereuses traverser des zones urbanisées, notamment pour desservir certains ports : la réglementation permet aux préfets d'imposer des itinéraires particuliers évitant les zones les plus urbanisées ou accidentogènes. L'attention de la mission a été attirée par des parties prenantes sur les modalités de transport par route des ammonitrates, conditionnés en bigs-bags. En effet, l'ADR n'impose pas que les bigs-bags soient transportés dans des camions fermés et bien souvent ceux-ci sont Figure 5: Camion de transport de big bags d'ammonitrates (Source: simplement sanglés sur des camions- plateaux. Un défaut de sanglage peut ainsi conduire à la chute d'un big bag mission). sur la voie publique. Les ammonitrates sont inertes en l'absence d'une très forte source de chaleur et ceci ne présente pas plus de risque que n'importe quelle autre chute d'objet lourd mal arrimé, mais de tels évènements peuvent faire douter du sérieux des dispositions réglementaires. L'obligation de transporter des ammonitrates haut dosage dans des camions fermés ne serait sans doute pas judicieuse dans la mesure où ceci serait de nature à augmenter le confinement de ces matières et par voie de conséquence le risque d'explosion, si le camion et son chargement étaient pris dans un violent incendie ; la mission laisse aux experts internationaux en charge de l'ADR le soin d'examiner si un arrimage des bigs bags par un dispositif plus fiable que des sangles serait opportun. 4.1.3 La règlementation ICPE 4.1.3.1 L'articulation entre règlementation du stockage et règlementation du transport La réglementation ICPE s'applique à tous les stockages de produits à base de nitrate d'ammonium au-dessus de certains seuils, quel que soit le lieu ou la nature du stockage et quel que soit le type d'exploitant : usines de fabrication, stocks intermédiaires, coopératives agricoles, éventuellement grosses exploitations agricoles. Ainsi, les entrepôts portuaires, c'est-à-dire situés dans l'emprise d'un port maritime ou fluvial, sont soumis de la même manière que tout autre stockage à la réglementation ICPE. En revanche, la réglementation ICPE, tout comme la directive Seveso, ne s'appliquent pas aux produits pendant une opération de transport, y compris si les produits sont temporairement déchargés dans le cadre d'un transbordement. Toutefois, les règles relatives au transport de matières dangereuses imposent que les arrêts au cours d'une opération de transport pour stationnement ou transbordement soient aussi limités et courts que possible. Cette distinction entre « produits stockés » relevant de la réglementation ICPE (et, pour les stocks les plus importants, de la directive Seveso) et « produits transportés » qui ne relèvent que de la réglementation « transports » est parfois mal comprise par les parties prenantes. La principale ambiguïté réside dans les « dépôts à terre » d'ammonitrates, provenant du déchargement d'un navire en attente d'un camion. Il convient de rappeler que ces deux ensembles réglementaires sont certes différents, mais fixent l'un et l'autre un cadre exigeant en matière de sécurité et qu'il n'existe pas de lacune entre ces deux ensembles réglementaires (un produit est soit stocké, soit transporté, mais ne peut pas être en situation floue intermédiaire). Le rassemblement depuis 2008 des PUBLIÉ 42 Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux équipes de l'administration centrale en charge de ces deux ensembles au sein d'une même direction générale et même d'une même sous-direction contribue à leur cohérence58. 4.1.3.2 La réglementation ICPE des stockages de nitrate d'ammonium Comme pour les autres substances dangereuses, les stockages les plus importants de nitrate d'ammonium ou d'ammonitrates relèvent de la directive Seveso. Les moins importants relèvent de la réglementation ICPE nationale. Les seuils de la directive Seveso et de la réglementation ICPE nationale sont définis dans la nomenclature des ICPE selon plusieurs niveaux : - Autorisation: autorisation délivrée par arrêté préfectoral qui fixe au cas par cas les prescriptions applicables, avec études d'impact et de dangers ; - Enregistrement : autorisation simplifiée délivrée par le préfet, les prescriptions étant fixées par la réglementation nationale, sans étude particulière ; - Déclaration avec contrôle : simple déclaration sans possibilité d'opposition dès lors que les prescriptions fixées par la réglementation nationale sont respectées ; les prescriptions doivent être contrôlées à la mise en service puis tous les 5 ans par un organisme agréé ; - Déclaration sans contrôle. Les stockages de nitrate d'ammonium ou d'engrais à base d'ammonitrate relèvent des rubriques 4701, 4702 et 4703 de la nomenclature des ICPE. Ces rubriques prévoient les régimes d'autorisation et de déclaration avec contrôle. Les régimes d'enregistrement et de simple déclaration ne sont pas utilisés pour ces stockages. La rubrique 4701 concerne le nitrate d'ammonium technique sous forme solide ou en solution chaude (NASC). Ces installations se trouvent chez les fabricants d'engrais ou chez les fabricants d'explosifs. La rubrique 4702 concerne les engrais à base d'ammonitrates, conformes à la réglementation. Ces installations sont largement répandues dans les chaînes logistiques du monde agricole (coopératives). En outre, certaines d'entre elles peuvent être situées dans des zones portuaires, exploitées soit par des coopératives agricoles implantées sur ces ports, soit par des manutentionnaires ou logisticiens : - La rubrique 4702-I concerne les engrais composés à risque de décomposition auto entretenue, - La rubrique 4702-II concerne les ammonitrates à haut dosage (plus de 28 % d'azote), - La rubrique 4702-III concerne les ammonitrates à moyen dosage (entre 24 et 28 % d'azote), - La rubrique 4702-IV concerne les autres engrais simples ou composés à base de nitrate d'ammonium. Non susceptibles de décomposition auto-entretenue, ni de détonation, ils peuvent émettre des substances toxiques en cas d'incendie. La rubrique 4703 concerne les engrais non conformes. Ce type de stockage peut se trouver chez les fabricants d'engrais (rebuts de fabrication) ou de manière fortuite dans les circuits de distribution si un stock d'engrais est dégradé. Le tableau ci-après présente les seuils et les régimes applicables, en correspondance (approximative) avec la classification ONU des matières dangereuses : 58 C'est le cas en particulier par la mise en place par la réglementation française d'études de dangers, similaires à celles des sites Seveso, pour les grandes infrastructures de transport de matières dangereuses (ports, gares de triage,...). PUBLIÉ Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux Correspondance code ONU TMD 1942, 2426 ou 3375 Seuil DC 100 t Seuil Autorisation 350 t Seveso bas 350 t Seuil Seveso haut 1250 t seuil 43 4701 nitrate d'ammonium technique 4702-I engrais à risque de DAE 4702-II ammonitrates haut dosage 4702-III ammonitrates moyen dosage 4702-IV autres engrais à base d'ammonitrates 4703 engrais ammonitrates non conformes 2071 2067 Non classé comme matière dangereuse Non classé comme matière dangereuse Matières non transportables sauf dérogation 500 t (somme I, II et III) 250 t 500 t (somme I, II et III) 1250 t 1250 t (somme I, II et III) 1250 t (somme I, II et III) 1250 t (somme I, II et III) néant 10 t 5 000 t 1250 t néant 5 000 t 5000 t 5000 t en France, néant dans la directive néant 50 t néant 10 t Ce tableau met en évidence une particularité dans la transposition de la directive Seveso. La France a fait le choix, d'appliquer également la directive Seveso aux ammonitrates moyen dosage : cette « sur-transposition » ne concerne que le seuil haut, et pas le seuil bas de la directive. Pour chacune de ces rubriques, ainsi que pour chacun des régimes applicables (autorisation ou déclaration avec contrôle), un arrêté ministériel fixe les prescriptions techniques applicables au stockage en termes de construction (nature des matériaux, résistance au feu, désenfumage, ventilation, ...) ou d'exploitation (tenue des stocks, nettoyage, sécurité électrique, moyens d'intervention contre l'incendie, ...). Pour les installations soumises à autorisation, ces prescriptions sont complétées au cas par cas par l'arrêté préfectoral d'autorisation en fonction de l'étude d'impact et de l'étude de dangers propres à chaque site. La mission a noté que les dispositions réglementaires précitées sont unanimement reconnues comme complètes et exigeantes, un gros travail ayant été effectué il y a une dizaine d'années pour renforcer les règles de sécurité des stockages d'ammonitrates. Ces exigences sévères portent aussi sur les stockages anciens bénéficiant de l'antériorité (c'est-à-dire créés avant que la réglementation n'existe), pour lesquels des « remises à niveau » ont été imposées avec des périodes transitoires aujourd'hui échues. C'est ainsi par exemple que les sols bitumés ou les parois en bois, largement utilisés dans le passé, ont été proscrits de tous les stockages d'engrais ICPE. Le contrôle des ICPE est réalisé par l'inspection des installations classées au sein des DREAL59, et pour certaines installations agricoles par les DD(ETS)PP60, sous le pilotage national de la DGPR. La doctrine nationale, établie dans le cadre d'un plan pluriannuel de contrôle, prévoit une périodicité minimale de contrôle en fonction des enjeux présentés par les installations soumises à autorisation ou à enregistrement: - au moins une fois par an pour les installations prioritaires, notamment les Seveso seuil haut, - au moins une fois tous les 3 ans pour les installations à enjeux, notamment les Seveso seuil bas, - au moins une fois tous les 7 ans pour les autres. Les installations soumises à déclaration avec contrôle sont normalement contrôlées par des organismes agréés. L'inspection peut procéder également à des contrôles sur les installations soumises à déclaration : elle ne le fait pas 59 Les DEAL en outre-mer, la DGTM en Guyane, la DRIEE en IDF. 60 Les DD(ETS)PP sont généralement en charge des élevages et de certaines installations agro-alimentaires ; il semble que les coopératives agricoles (silos, dépôts d'engrais) relèvent presque partout des DREAL. PUBLIÉ 44 Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux de manière systématique, mais seulement en cas d'incident, de plainte, ou encore de signalement d'une nonconformité persistante par un organisme agréé. Dans le cadre d'une circulaire annuelle « actions nationales », la DGPR est amenée à fixer des priorités particulières de contrôle aux DREAL et DD(ETS)PP, y compris, le cas échéant, sur des ICPE soumises à déclaration. Commentaires de la mission Les installations soumises à autorisation, qui, s'agissant des stockages d'ammonitrates, relèvent presque toujours de la directive Seveso, font l'objet d'un suivi très attentif de la part des DREAL et notamment de contrôles réguliers : celles situées sur les ports visités par la mission nous semblent en situation satisfaisante du point de vue de la sécurité, même si certaines ont fait l'objet de sanctions pour des problèmes de protection de l'environnement (émissions dans l'air en particulier). Le respect des prescriptions réglementaires applicables est incertain en ce qui concerne les installations soumises à déclaration. La situation ne paraît pas grave (la mission n'a pas eu connaissance de situations gravement anormales où la sécurité serait mise en jeu, et l'accidentologie ne montre pas non plus d'accidents significatifs au cours des 20 dernières années), mais elle n'est pas sous contrôle. Comme pour la plupart des autres installations soumises à déclaration, les bases de données dont disposent les DREAL ne sont souvent pas à jour. Outre les modifications de nomenclature qui compliquent le suivi, les déclarations ICPE, gérées aujourd'hui par un « téléservice », étaient dans un passé proche gérées non par les DREAL, mais par les bureaux administratifs chargés de l'environnement au sein des préfectures (ou des DDT) et n'étaient pas systématiquement enregistrées sur un système informatique national. Le « rattrapage » de tous ces éléments dans la base nationale des installations classées n'a pas été réalisé systématiquement. De plus, les exploitants, même s'ils sont réglementairement tenus de déclarer leur modification ou cessation d'activité, ont tendance à omettre cette formalité. La mission a ainsi pu constater dans ses visites portuaires plusieurs cas d'entrepôts figurant dans les bases de données comme stockant des ammonitrates et qui en réalité ne sont plus utilisés à cette fin. La mission a pu noter dans certains départements la volonté de corriger cette situation. Doit être ainsi soulignée l'action menée par l'Unité départementale (UD) de Moselle de la DREAL qui avec l'aide d'un stagiaire a remis à jour cette base de données. Par ailleurs, force est de constater que la réalisation des contrôles par un organisme agréé des installations soumises à déclaration avec contrôle n'est pas faite61. Au niveau national, les statistiques transmises par les organismes agréés à la DGPR font état de l'ordre d'une dizaine de contrôles réalisés par an sur les installations relevant des rubriques 4702 , alors que le nombre d'installations concernées est certainement de plusieurs centaines62 et que le contrôle devrait être réalisé tous les 5 ans. Cette obligation de contrôle paraît donc largement ignorée. La mission a ainsi pu rencontrer des exploitants d'entrepôts portuaires qui semblaient sincèrement découvrir son existence. La mission a noté qu'une action nationale de l'inspection pour 2021 porte sur le contrôle des stockages d'ammonitrates dans les ports et coopératives agricoles. Cette action est considérée par la mission comme devant 61 Certains stockages d'ammonitrates relevant du régime de la déclaration, sont situés dans une installation relevant globalement du régime de l'autorisation ou de l'enregistrement. C'est le cas par exemple des coopératives agricoles qui disposent de silos de stockage de céréales. Ces établissements qui relèvent alors globalement du régime de l'autorisation ou de l'enregistrement ne sont alors pas tenus de faire réaliser des contrôles par des organismes agréés. Ils sont en revanche contrôlés régulièrement par la DREAL, mais celle-ci fait porter prioritairement le contrôle sur les installations soumises à autorisation ou enregistrement (les silos dans l'exemple ci-dessus) sans nécessairement contrôler aussi le stockage d'engrais soumis à déclaration. La base de données fait apparaître 419 ICPE relevant du régime DC sous la rubrique 4702 et qui ne sont pas soumises à enregistrement ou autorisation pour une autre rubrique. 62 PUBLIÉ Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux 45 être une première étape dans l'amélioration du contrôle des stockages d'ammonitrates. À cette fin, elle recommande à la DGPR et aux DREAL de bien inclure un échantillonnage important d'installations soumises à déclaration dans cette opération de contrôle et de viser en priorité les stockages d'ammonitrates haut dosage (4702-II) qui présentent le plus haut potentiel de danger. La DGPR devrait ensuite en tirer des enseignements nationaux quant à l'état global des ICPE DC. Les éléments du § 4.2.3 donnent alors des pistes par ailleurs pour renforcer l'encadrement de ces installations. Recommandation n° 7. Afin d'avoir une vision plus précise de la situation des stockages d'ammonitrates haut dosage, en vue d'éventuelles actions ultérieures, la mission recommande que, dans le cadre de l'action nationale 2021, la DGPR et les DREAL privilégient les installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) soumises à déclaration relevant de la rubrique 4702-II (ammonitrates haut dosage). 4.2 Les mesures envisageables pour renforcer la maîtrise des risques liés aux ammonitrates 4.2.1 Le sujet des ammonitrates haut dosage Il ressort des chapitres précédents que les risques liés aux ammonitrates dans les ports paraissent globalement maîtrisés. Même si des recommandations sont exprimées ci-dessus pour améliorer l'encadrement réglementaire et le contrôle des activités portuaires, maritimes ou fluviales, ces activités ne paraissent pas les points les plus sensibles de la chaîne d'approvisionnement de l'agriculture en ammonitrates et la question de la sécurité de ces produits doit être examinée de manière plus globale. Au préalable, la mission a constaté que la question de l'amélioration de la sécurité des ammonitrates n'est pas nouvelle. Elle a été posée en particulier à la suite de l'accident de Toulouse et de l'explosion de quelques tonnes d'ammonitrates à Saint Romain en Jarez en 2003, dans le cadre de deux rapports63 réalisés en 2004. Ces rapports ont paru particulièrement pertinents à la mission aujourd'hui encore. Certaines des recommandations ont été suivies d'effet, notamment l'interdiction de la vente des ammonitrates haut dosage au grand public (précédemment, on pouvait en acheter dans n'importe quelle jardinerie) ou l'obligation de fourniture de fiche de données de sécurité aux utilisateurs. Certaines ont été suivies partiellement, en particulier le renforcement de la réglementation des stockages (précédemment, les stockages en dessous des seuils Seveso n'étaient pas réglementés). D'autres n'ont pas été suivies, notamment l'interdiction à moyen terme des ammonitrates haut dosage en vrac ou la réglementation par le ministère de l'agriculture des dépôts d'engrais à la ferme en dessous du seuil ICPE. Le fait que de nombreux pays ont interdit ou assujetti à des règles draconiennes l'usage des ammonitrates à haut dosage ne peut que nous interpeller. Il s'agit notamment de l'Allemagne, de la Belgique, de l'Irlande, de l'Australie, de la Turquie, de la Chine et de l'Inde64. Dès lors, la mission considère que la question de l'opportunité de maintenir en France l'utilisation des ammonitrates haut dosage peut être à nouveau posée. Les éléments à prendre en compte sur ce sujet délicat sont la sécurité (risque d'accident) et la sûreté (risque terroriste), et aussi les aspects économiques (pour l'agriculture et l'industrie des engrais) et la protection de l'environnement. La mission n'était 63 64 Rapports de mai 2004 et décembre 2004, non publiés du fait qu'ils abordent des aspects de sûreté (cf. bibliographie [3] et [5]. Il semble que ces interdictions ont motivées pour les plus anciennes par des préoccupations de sécurité, et pour les plus récentes par des préoccupations de sûreté (prévention du terrorisme). PUBLIÉ 46 Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux pas mandatée pour faire des propositions à ce sujet et considère qu'en l'absence de spécialistes de l'agriculture et de la sûreté, elle n'avait pas la composition adéquate pour cela. Le point 4.2.3 ci-après présente quelques éléments sur les avantages et inconvénients des ammonitrates par rapport à d'autres engrais azotés. La mission considère qu'il est souhaitable de faire évoluer la situation selon les trois voies suivantes Prohiber les ammonitrates haut dosage en vrac ; Favoriser dans la réglementation ICPE les ammonitrates moyen dosage par rapport au haut dosage ; Apporter une information sur la sécurité des stockages aux agriculteurs. 4.2.2 L'interdiction de l'usage des ammonitrates haut dosage en vrac Les ammonitrates transportés et stockés en vrac présentent un risque supplémentaire par rapport aux produits conditionnés. Le vrac est plus susceptible que les produits conditionnés de subir une pollution accidentelle ou d'être dégradé (humidité, mélange, ...). De plus, le vrac complique la traçabilité (il est plus facile de compter des sacs que de peser précisément des produits en vrac) et dès lors rend plus difficile de détecter un détournement de produits à des fins malveillantes. Les règlements européens successifs relatifs au marquage CE prohibent la vente de vrac d'ammonitrates haut dosage aux utilisateurs finaux (c'est-à-dire les agriculteurs) et le déchargement d'ammonitrates en vrac est prohibé dans les ports maritimes français. Trois des cinq grands fournisseurs d'ammonitrates proposent essentiellement des produits conditionnés. Enfin, dès 2004, le rapport des inspections générales recommandait déjà d'interdire à moyen terme après une période transitoire la vente en vrac des ammonitrates haut dosage. Ce mouvement de réduction des ventes de vrac au profit d'engrais conditionnés est déjà largement engagé. La grande majorité des agriculteurs se sont équipés d'outillages adaptés et sont aujourd'hui livrés en « bigs bags », soit directement depuis les fournisseurs d'engrais, soit depuis les coopératives agricoles qui procèdent au conditionnement. En tout état de cause, les agriculteurs qui souhaitent continuer à utiliser des ammonitrates en vrac pourront continuer à le faire dès lors qu'ils utiliseront des produits moins dosés (type CAN 27), dont la commercialisation et le transport en vrac sont autorisés tant par le règlement européen que par les règles relatives au transport, ce que la mission ne propose pas de restreindre. Dès lors, la mission considère que cette décision d'interdiction de la vente en vrac des ammonitrates haut dosage pourrait être prise rapidement, le plus logique étant qu'elle s'applique à la date d'application du nouveau règlement européen 2019/1019, à savoir le 22 juillet 2022 après la campagne d'épandage 2022. En pratique, le règlement européen peut être rendu d'application obligatoire pour les ammonitrates sans qu'il soit besoin de dispositions législatives mais simplement en modifiant l'arrêté interministériel du 5 septembre 2003 qui rend obligatoire la norme NF U 42-001. Dès lors que la norme NF ne serait plus reconnue et référencée pour les ammonitrates, la voie de l'application du règlement européen serait la seule possible. Le règlement européen n'impose le conditionnement que pour les produits destinés à l'utilisateur final. Dès lors il n'interdit pas à un intermédiaire (par exemple une coopérative agricole) de recevoir du vrac et de procéder au conditionnement, la mission considère qu'il n'est pas souhaitable que cette pratique puisse avoir lieu dans une installation peu (installation soumise à déclaration) ou pas (en dessous d'un stockage de 250 t) contrôlée. La mission propose dès lors, comme le proposait déjà le rapport de mai 200465 et conformément à l'avis du Conseil supérieur des installations classées du 16 novembre 2004, d'abaisser fortement (par exemple à 20 t) le seuil d'autorisation pour les stockages d'ammonitrates haut dosage (4702-II) en vrac. Dès lors seules les installations autorisées, 65 Cf. bibliographie [3]. PUBLIÉ Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux 47 notamment celles des fabricants ou des grosses coopératives agricoles, qui sont fortement encadrées et contrôlées, pourraient manipuler du vrac. En complément et si cela est juridiquement compatible avec les règles de l'ADN, le déchargement de bateaux d'ammonitrates haut dosage en vrac pourrait être interdit dans les ports fluviaux comme cela est déjà le cas dans les ports maritimes. Recommandation n° 8. Afin de limiter les risques de contamination des ammonitrates à haut dosage qui accroît fortement leur réactivité, la mission recommande que les ministères de l'économie, des finances et de la relance et le ministère de l'agriculture rendent obligatoire le règlement européen 2019/1009 qui impose le conditionnement pour les ammonitrates haut dosage, et que le ministère de la transition écologique interdise le chargement/déchargement d'ammonitrates haut dosage en vrac dans les installations fluviales, comme c'est déjà le cas dans les ports maritimes, et baisse le seuil ICPE d'autorisation pour les stockages en vrac de la rubrique 4702-II. 4.2.3 Le développement des ammonitrates à moyen dosage Les dangers liés aux ammonitrates, la pression réglementaire et la pression sociale qui en découlent ont pour conséquence de limiter progressivement la part de marché de ces ammonitrates. Cependant, des éléments rassemblés par la mission, il apparaît que les ammonitrates présentent des avantages bien réels par rapport à d'autres engrais azotés. En particulier, l'urée ou les solutions azotées ont un impact beaucoup plus fort sur la pollution atmosphérique66.Dès lors, la mission considère qu'une évolution souhaitable serait de développer l'usage d'ammonitrates moins dosés, qui présentent les mêmes avantages que les autres ammonitrates en matière agronomique, et qui présentent des risques d'accident que la mission considère comme nettement inférieurs. Les ammonitrates sont très majoritairement produits en France, contrairement aux engrais azotés à base d'urée exclusivement importée. Le passage à des ammonitrates moins dosés, que certaines usines françaises produisent déjà, semble ainsi possible avec une adaptation limitée des outils de production, alors que le passage à l'urée ou aux solutions azotées67 implique des importations supplémentaires. Pour l'agriculteur, un produit moins concentré, nécessitera un tonnage plus important pour obtenir le même résultat. Le surcoût induit semblerait toutefois limité dans la mesure où moins concentré, le produit est lui-même moins coûteux. Les experts insistent, comme ils l'ont déjà fait en 2004, pour indiquer que le risque d'explosion de ces ammonitrates moins dosés subsiste, si les produits sont pris dans un fort incendie qui provoquerait leur fusion. Toutefois, ces produits, du fait de leur composition incluant au moins 20 % de substances inertes, alors que les engrais haut dosage en ont moins de 5 % (et même moins de 2% pour le prill 34,4) sont moins sensibles à une pollution ou à une dégradation. L'accidentologie internationale sur l'ammonitrate ne mentionne aucun accident grave sur l'ammonitrate moyen dosage tel le CAN27, selon l'INERIS. Les experts internationaux en ont d'ailleurs depuis longtemps tiré les conséquences puisqu'au niveau international, les ammonitrates moyen dosage ne sont pas considérés comme des 66 Selon l'ADEME et le CITEPA, dans les mêmes conditions d'épandage, l'urée a un facteur d'émission d'ammoniac 7 fois supérieur aux ammonitrates, la solution azotée 4 fois supérieur. L'ammoniac est un précurseur des particules fines. Souvent à base d'urée. 67 PUBLIÉ 48 Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux matières dangereuses pour le transport international et ne sont pas visés par la directive Seveso. Pourtant, les réglementations ICPE sur les stockages d'ammonitrates haut et moyen dosage (4702-II et 4702-III) sont presque identiques : seul le seuil bas diffère de 250 à 500 t. Correspondance code ONU 4702-II ammonitrates haut dosage 4702-III ammonitrates moyen dosage 2067 Non classé comme matière dangereuse Seuil déclaration avec contrôles 250 t 500 t (somme I, II et III) Seuil autorisation 1250 t (somme I, II et III) 1250 t (somme I, II et III) Seveso bas 1250 t néant seuil Seveso haut 5000 t 5000 t en France, néant dans la directive seuil Comme les installations sont très souvent déclarées pour plusieurs des sous-rubriques 4702, I, II et III, les DREAL ne les différencient aucunement. D'ailleurs plusieurs de nos interlocuteurs agricoles ne différencient pas ces produits. De ce fait les ammonitrates moyen dosage ne bénéficient d'aucun allègement et les coopératives agricoles n'ont aucun intérêt d'ordre réglementaire à les stocker plutôt que des produits à haut dosage. La mission considère qu'il serait opportun de favoriser les ammonitrates moyen dosage : en supprimant la sur-transposition de la directive Seveso, en relevant le seuil de déclaration, actuellement de 500 t pour le rapprocher de celui des engrais 4702-IV, qui est de 1250 t, en baissant le seuil de déclaration pour les ammonitrates haut dosage, par exemple à 50 ou 100 tonnes. Corrélativement à un allègement de la réglementation sur la rubrique 4702-III, la mission considère qu'il conviendrait de renforcer le contrôle des stockages à haut dosage 4702-II. Les actions à mener sont à déterminer en fonction des résultats de l'action nationale pour 2021 mentionnée au §4.1. Il pourrait s'agir de s'assurer, en s'appuyant sur un recensement plus systématique, du respect de l'obligation de contrôle par organisme agréé. Une autre voie efficace serait de passer ces installations 4702-II sous le régime de l'enregistrement68. Au moment de la rédaction du présent rapport, le débat était ouvert au Parlement dans le cadre de la loi sur le climat sur l'opportunité de la mise en place d'une taxe ou redevance sur les engrais azotés. Si un tel instrument financier devait voir le jour, il serait opportun de tenir compte des risques présentés par les différents engrais et d'inciter au développement de l'usage des ammonitrates moyen dosage en prévoyant un niveau de taxation différencié en faveur de ces derniers. 68 Les stockages aujourd'hui déclarés bénéficieraient alors de l'antériorité et n'auraient pas à être à nouveau enregistrés mais un décret particulier pourrait alors prévoir qu'ils soient à nouveau déclarés au préfet pour bénéficier de cette antériorité en fournissant un PV de contrôle d'un organisme agréé dans un délai déterminé. PUBLIÉ Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux 49 Recommandation n° 9. Afin que les opérateurs soient encouragés à recourir aux ammonitrates moyen dosage plutôt qu'aux ammonitrates haut dosage, la mission recommande que le ministère de la transition écologique supprime la sur-transposition de la directive Seveso pour la rubrique 4702-III (ammonitrates moyen dosage) et relève le seuil actuel de déclaration de cette rubrique pour le rapprocher de celui de la rubrique 4702-IV (ammonitrates bas dosage). Elle recommande aussi qu'il renforce le contrôle des stockages d'ammonitrates à haut dosage (4702-II) et, en fonction des résultats de l'action nationale 2021, abaisse éventuellement les seuils de déclaration pour cette rubrique ou soumette les petites installations à enregistrement plutôt qu'à déclaration. Des dispositions législatives imposent la « non-régression » du code de l'environnement.69 La mission considère que les allègements réglementaires qu'elle propose sur les stockages d'ammonitrates moyen dosage ne doivent pas être considérés comme une « régression » mais bien au contraire comme une amélioration significative de la réglementation dans la mesure où elle a pour effet d'inciter à l'utilisation d'engrais moins dangereux mais aussi moins impactant pour l'environnement. A défaut de cette mesure, un renforcement du contrôle des ICPE déclarées aurait pour conséquence de pousser les coopératives agricoles qui auraient des difficultés à se mettre en conformité soit à renoncer au stockage d'engrais, ce qui multiplierait les stockages à la ferme en dessous des seuils ICPE mais beaucoup moins réglementés et contrôlés, soit à passer à d'autres types d'engrais azotés , l'urée ou les solutions azotées ce qui provoquerait des émissions supplémentaires d'ammoniac alors que les directives européennes sur la qualité de l'air ont précisément visé cette substance comme devant faire l'objet de réductions d'émissions importantes70. En outre, il s'agit non seulement de simplifier la réglementation pour les stockages « moyen dosage », mais aussi, de manière équilibrée de renforcer celle des stockages « haut dosage ». 4.2.4 L'amélioration des conditions de stockage des ammonitrates haut dosage, notamment dans les exploitations agricoles En dessous de 250 t, les stockages ne sont pas réglementés alors que le potentiel de dangers des stocks d'ammonitrates haut dosage reste important. Certes, l'examen de l'accidentologie montre que, s'il existe un très grand nombre d'évènements répertoriés (près de 200), impliquant des ammonitrates stockés dans des installations agricoles, notamment des incendies, on n'a constaté aucun cas d'explosion depuis l'accident de St Romain en Jarez en 2003 où quelques tonnes d'ammonitrates ont provoqué près de 30 blessés chez les pompiers. La mission a pu constater la très forte sensibilité de tous les pompiers à ce risque potentiel d'explosion, ce qui contribue également à en assurer la maîtrise. Cela étant, les incendies impliquant les ammonitrates sont fréquents, et on constate souvent que les produits ne sont pas stockés dans les meilleures conditions de sécurité, ce qui fait qu'un nouvel accident grave reste possible. Selon plusieurs intervenants rencontrés par la mission, la connaissance par les exploitants agricoles du risque lié aux ammonitrates est faible. Les producteurs d'engrais rappellent que ce n'est pas de leur responsabilité et se contentent de fournir les fiches de données de sécurité imposées par la réglementation. La mission a pu consulter certaines de ces fiches et considère qu'elles sont totalement inadaptées à la prise en compte des enjeux de sécurité. D'une trentaine de pages, elles ne présentent pas les risques en tant que tels, mais elles présentent directement 69 Article L 110-1 9° du code de l'environnement « Le principe de non-régression, selon lequel la protection de l'environnement, assurée par les dispositions législatives et réglementaires relatives à l'environnement, ne peut faire l'objet que d'une amélioration constante, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment. » 2016/2284 relative à la réduction des émissions nationales de certains polluants atmosphériques (Directive NEC, plafonds d'émission nationaux) fixe des engagements nationaux de réduction des émissions anthropiques de polluants et notamment d'ammoniac (NH3). La France, qui est après l'Allemagne le plus grand émetteur d'ammoniac de l'UE, doit réduire ses émissions d'ammoniac de 13 % d'ici 2030 par rapport à 2005. 70 La Directive (UE) PUBLIÉ 50 Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux les précautions à prendre pour le stockage, en quelques lignes au milieu de nombreuses autres informations que la mission juge difficilement compréhensibles. Les bigs bags portent un marquage réglementaire mais il n'est pas harmonisé d'un producteur à l'autre et peut être difficilement compréhensible. Les coopératives agricoles qui achètent les engrais pour leurs adhérents ont sans doute des pratiques diverses, mais plusieurs ont reconnu devant la mission ne pas assurer de rôle de conseil sur la sécurité. La profession regroupée au sein de l'UNIFA a élaboré des documents intéressants, mais ils ne semblent pas connus des acteurs. Pourtant, il est essentiel comme l'écrivaient déjà les auteurs du rapport de 2004 que les agriculteurs soient sensibilisés sur quelques principes très simples pour stocker des ammonitrates : les éloigner des produits combustibles (paille, pneus, cuve de fuel,...) ne pas confiner les produits dans un local fermé non ventilé, et ne pas mettre sur rétention. Il serait disproportionné de réglementer tous ces stockages au titre des ICPE. Le rapport de 2004 proposait néanmoins de les réglementer au titre de l'article L 255-6 du code rural. La mission n'a pas d'avis sur la question, n'ayant pas en son sein de spécialiste de l'agriculture. Quel que soit le vecteur réglementaire s'il en faut un, elle plaide pour que les acteurs s'engagent à améliorer l'information. Le moment est particulièrement propice puisque le règlement européen sur les précurseurs d'explosifs, qui devient applicable en 2021, prévoit qu'une information sur la sûreté soit obligatoirement donnée par les vendeurs de produits dans l'ensemble de la chaîne de distribution, sans préciser la forme de celle-ci. Il serait ainsi opportun de profiter de ce nouveau règlement pour préparer le cadre d'une information pédagogique portant à la fois sur les aspects de sécurité et de sûreté. Au-delà de l'obligation faite aux vendeurs de ces produits de porter une telle information, celle-ci pourrait être utilement également diffusée par l'ensemble des acteurs : chambres d'agriculture, assureurs, ainsi que par les différents services de l'Etat en contact avec le monde agricole. La signature d'une charte d'engagement d'information des agriculteurs par l'ensemble des acteurs pourrait être proposée. Recommandation n° 10. Afin de mieux prévenir les risques dans les installations agricoles, la mission recommande que, mettant à profit le nouveau règlement européen sur les précurseurs d'explosifs, les ministères de l'agriculture, de l'intérieur et de la transition écologique fassent mettre au point, en liaison avec l'UNIFA, une information simple et pratique à destination des agriculteurs sur les risques d'accident et de malveillanceliés aux ammonitrates, ainsi que sur les mesures minimales à respecter pour les stocker de façon sûre, et veillent à sa large diffusion. PUBLIÉ Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux 51 5 LA GESTION DES SITUATION INHABITUELLES Compte tenu de la demande de la lettre de mission, les missionnaires ont essayé d'identifier les situations inhabituelles les plus envisageables, notamment sur la base des expériences passées, et d'évaluer la capacité des dispositifs existants à y faire face. Les situations identifiées sont : Un navire d'ammonitrates en difficulté au large des côtes françaises cherchant un port refuge Un bateau d'ammonitrates en difficulté sur une voie d'eau française Un navire d'ammonitrates bloqué dans un port pour des raisons techniques ou juridiques Une cargaison d'ammonitrates non conforme Un stockage irrégulier d'« ammonitrates » dans un port 5.1 Un navire d'ammonitrates en difficulté au large des côtes françaises cherchant un port refuge Le cas d'un navire d'ammonitrates en difficulté au large des côtes françaises cherchant un port refuge s'est présenté plusieurs fois71. C'est la préfecture maritime qui décide de l'accueil ou non du navire et c'est à l'Autorité investie des pouvoirs de police portuaire (AI3P), en liaison avec le préfet, de prendre les dispositions pour assurer la sécurité si le navire est accueilli dans un port. L'organisation des ports maritimes permet d'identifier clairement les responsabilités. 5.2 Un bateau d'ammonitrates en difficulté sur une voie d'eau française Les interlocuteurs de la mission dans le domaine fluvial n'ont pas signalé de précédent. Toutefois une telle situation est possible. La mission n'a pas identifié les responsabilités dans un tel cas, ni qui informerait le représentant de l'Etat. C'est l'un des points à traiter dans les compléments à apporter à la règlementation fluviale (voir §4) 5.3 Un navire d'ammonitrates bloqué dans un port pour des raisons techniques ou juridiques Cette situation s'est déjà produite, et il y a encore dans le port de Sète un navire qui était initialement chargé d'engrais NPK et qui a été bloqué par des défaillances techniques, puis abandonné par son armateur. Toutefois la cargaison avait été déchargée. Cette situation, qui est celle du navire retenu à Beyrouth, ne semble pas pouvoir passer inaperçue dans un port maritime français, et le port et le préfet semblent avoir les outils et les compétences pour traiter un tel cas. 5.4 Une cargaison d'ammonitrates non conforme Par le passé, il est arrivé que des cargaisons d'ammonitrates se révèlent non conformes et donc potentiellement présentent des risques supérieurs à ce qui est acceptable. Cela s'est produit dans les années 2000, lorsque une cargaison venant de Roumanie a été identifiée comme non-conforme, alors qu'une partie des produits avait déjà été distribuée. Les Pouvoirs publics ont obligé l'importateur à récupérer ce qui pouvait l'être pour faire neutraliser 71 Il y a quelques années, un navire a dû faire escale au port du Havre parce que sa cargaison était mal amarrée et déstabilisait le navire. Le problème a pu être réglé sans déchargement. En 2019, le Karkloe, transportant de l'AN HD, en panne de machines, cherchait un port refuge : la préfecture maritime lui a refusé l'accès à un port français, mais a accompagné son remorquage jusqu'à Rotterdam. PUBLIÉ 52 Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux le produit selon un protocole validé par l'INERIS (ajout de 50% de matière inerte puis épandage comme engrais). Par ailleurs des recommandations particulières ont été données aux agriculteurs. La profession insiste sur le fait que le risque de non-conformité est limité lorsque les importations viennent de sources habituelles, et que les cargaisons « atypiques » venant de producteurs moins fiables et importées par des acteurs faisant des opérations ponctuelles auraient disparu. Toutefois la mission a identifié pour 2019 une cargaison « atypique » d'AN HD, importée par un opérateur intervenant rarement sur ce produit. Ni la capitainerie concernée, ni les services de contrôle n'avaient identifié le caractère atypique de la cargaison. La mission considère que la conduite à tenir en cas de cargaison non-conforme est connue et le partage des responsabilités claires. Toutefois la vraie question est d'identifier de telles non-conformités. Il n'est pas réaliste de tester toutes les cargaisons. En revanche, il est souhaitable de cibler les contrôles sur les opérations « atypiques » qui sont facilement identifiables à partir de l'origine de la cargaison et de l'identité de l'importateur. Cela devrait pouvoir se faire facilement dans le cadre de la coopération entre ports et DD(ETS)PP72. 5.5 Un dépôt à terre ou un stockage irrégulier d'ammonitrates dans un port Comme signalé plus haut, il est arrivé de constater la présence dans un port fluvial de plusieurs centaines de tonnes d'ammonitrates haut dosage dont les autorités ignoraient tout73. Une telle situation n'aurait pas pu se produire s'il y avait eu une vraie gestion des flux de matières dangereuses dans le port concerné. En revanche, une fois l'anomalie identifiée, les Pouvoirs publics ont su le traiter. En conclusion, les dispositions actuelles semblent de nature à permettre de faire face aux situations inhabituelles lorsqu'elles ont été identifiées, car les responsabilités des acteurs sont claires et le représentant de l'Etat est en mesure d'assurer une coordination et de trancher en cas d'urgence, sauf dans le cas du fluvial où le partage des responsabilités est plus incertain, comme souligné § 3. Toutefois les recommandations du rapport visent à traiter cette lacune. Une faiblesse peut venir de la non-détection de telles situations inhabituelles dans deux cas, cargaison non-conforme et dépôt à terre ou stockage irrégulier. Dans le premier cas, il serait bon que les contrôles ciblent les trafics atypiques qui sont les plus susceptibles de concerner des cargaisons à problèmes (cf. recommandation 6). Dans le second cas, une gestion plus stricte des matières dangereuses est de nature à identifier rapidement les irrégularités : ainsi il semble difficile dans un port maritime qu'une telle irrégularité échappe à la vigilance de la capitainerie. Un renforcement de la gestion des matières dangereuses dans le domaine fluvial est de nature à réduire le risque d'un tel incident (cf. recommandations 2 et 5). 72 73 Voir § 4.1.1 Incident sur le port de Strasbourg en juin 2018. PUBLIÉ Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux 53 CONCLUSION Aux questions posées par la lettre de mission, peuvent être apportées les réponses suivantes. La situation dans les ports maritimes est satisfaisante, même si quelques améliorations sont souhaitables : En ce qui concerne le cadre règlementaire concernant les produits à base de nitrate d'ammonium, le partage des responsabilités et les attentes vis-à-vis des différents acteurs sont clairs ; En ce qui concerne l'évaluation des flux de produits à base de nitrate d'ammonium, l'information est disponible, mais difficile à synthétiser faute de systèmes compatibles entre ports ; En ce qui concerne les quantités présentes dans les ports, hors ICPE, elles sont limitées en quantité et en durée et font l'objet d'un bon suivi par les capitaineries ; En ce qui concerne l'application des dispositions et leur robustesse par rapport à des situations inhabituelles, l'action des capitaineries permet une surveillance efficace propre à détecter et traiter des anomalies. La situation est assez différente pour le transport fluvial où l'on constate des lacunes règlementaires, une information insuffisante sur les transports de matières dangereuses en général et de produits à base de nitrate d'ammonium en particulier, et un manque de clarté sur les responsabilités des divers acteurs. Le rapport formule donc des recommandations pour y remédier et mettre en place une police effective. Cela étant, il faut relativiser la question des ports lorsque l'on considère les risques des produits à base de nitrate d'ammonium. Le produit présentant des risques le plus abondant est l'ammonitrate haut dosage. Or pour une consommation annuelle de 1 500 kt, le trafic des ports maritimes ne représente que quelque 130 kt et le trafic fluvial quelque 50 kt. La plus grande partie du transport se fait par voie routière. Par ailleurs, la consommation ne se faisant que sur quelques mois, il y a des stocks importants répartis dans tout le pays, dans les coopératives ou chez les négociants, mais aussi chez les agriculteurs. C'est pourquoi il semble utile de prendre en considération l'ammonitrate haut dosage dans son ensemble et de veiller à ce que les mesures prises pour renforcer la sécurité soient cohérentes sur toute la chaîne de distribution du produit. C'est dans cet esprit que le rapport fait des recommandations plus générales concernant l'ammonitrate haut dosage. Parmi les recommandations, celles qui sont prioritaires sont les recommandations R3 (mise en place d'un pendant au RPM pour le transport fluvial), R4 (clarification des responsabilités pour le transport de matières dangereuses par voie fluviale) et R5 (suivi du trafic de matières dangereuses par voie fluviale) qui visent à combler une lacune dans le contrôle des ammonitrates transportés par voie fluviale, et la recommandation R6 qui vise à prévenir le risque de cargaisons non-conforme. Il s'agit de mesures peu coûteuses qui relèvent essentiellement du ministère de la transition écologique. PUBLIÉ 54 Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux Les recommandations R1 (amélioration du pilotage des capitaineries) et R2 (développement d'un système de gestion des matières dangereuses unique) visent à améliorer une situation des ports maritimes globalement satisfaisante et nécessitent aussi peu de moyens. En ce qui concerne les quatre recommandations visant les ammonitrates en général, si la recommandation R7 (priorité sur les ICPE stockant des ammonitrates haut dosage dans l'action d'inspection lancée en 2021) est une mesure technique simple interne au ministère de la transition écologique, les trois autres (R8 (réduction des ammonitrates haut dosage en vrac), R9 (incitation à l'usage des ammonitrates moyen dosage) et R10 (amélioration de l'information sur les risques)), nécessitent d'impliquer les agriculteurs, les industriels et le ministère de l'agriculture. Il faut toutefois noter que la recommandation R8 correspond à ce qu'a déjà fait spontanément depuis plus de 15 ans le plus gros industriel des engrais, et aux pratiques générales de trois des cinq vendeurs principaux actifs sur le marché français. La recommandation R10 est à très faible coût et aurait un fort impact en matière de prévention. PUBLIÉ Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux 55 PUBLIÉ 56 Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux PUBLIÉ Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux 57 PUBLIÉ 58 Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux PUBLIÉ Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux 59 PUBLIÉ 60 Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux PFAUVADEL PUBLIÉ Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux 61 PUBLIÉ 62 Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux PUBLIÉ Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux 63 PUBLIÉ 64 Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux PUBLIÉ Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux 65 PUBLIÉ 66 Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux ODEADOM Directeur PUBLIÉ Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux 67 PUBLIÉ 68 Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux PUBLIÉ Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux 69 PUBLIÉ 70 Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux La liste ci-dessous n'est pas exhaustive. Elle permet d'illustrer divers cas de figure. Il convient de noter que la nature exacte du produit en cause n'est pas toujours connue, ainsi que les pollutions éventuelles de celui-ci. Pour ce que l'on peut identifier, les produits sont très divers, du nitrate d'ammonium destiné à la fabrication d'explosifs, de l'ANFO, du NASC, des engrais ammonitrates, des NPK... Il faut aussi souligner que cette liste sous-représente sans doute les incidents sans explosion, tels qu'un feu de ferme ayant donné lieu à décomposition d'ammonitrates, mais sans suites dramatiques. Les sources sont Bibliographie [7], [13] et INERIS. Code couleur : Explosion à la suite d'un amorçage Explosion à la suite d'un incendie Autre explosion Simple décomposition suite à un incendie Décomposition auto-entretenue Année 1904 1916 1921 1921 1924 1940 1942 1947 1947 1953 1960 1960 1961 1963 1963 1965 1966 1966 1969 1970 Lieu Tessenderloo, Belgique Faversham, UK Knurow, Pologne Oppau, Allemagne New Jersey, USA Miramas, France Tessenderloo, Belgique Texas City, USA Brest Port Soudan, Soudan Boron, USA Traskwood, USA Francfort, Allemagne Vlaardingen, Pays-Bas Finlande Au large Azores USA Allemagne Suisse France des Produits en cause 700 t de nitrate d'ammonium technique 30 t ammonitrates 4 500 t d'engrais ammonitrates et sulfate d'ammonium Evénement Explosion Incendie suivi d'une explosion Amorçage suite à démottage à l'explosif. Explosion Amorçage suite à démottage à l'explosif. Explosion Explosion dans une unité de fabrication. Présence de contaminants. Incendie puis explosion Amorçage suite à démottage à l'explosif. Explosion Incendie à bord d'un navire (Grancamp) suivi d'une explosion. Deux navires impliqués. Incendie à bord d'un navire (Ocean Liberty) suivi d'une explosion Incendie suivi d'une explosion à bord d'un navire Incendie suivi d'une décomposition Déraillement d'un train. Incendie puis explosion DAE DAE Introduction accidentelle d'agents antimottants. Explosion. Navire Sophocles Incendie du explosion DAE Contamination Explosion. DAE stockage, puis Conséquences Centaines de morts 115 morts 19 morts 561 morts, 1952 blessés 18 morts Installation Stockage Stockage Fabrication 240 t d'ammonitrates 150 t d'ammonitrates Engrais ammonitrates 32,5 conditionné en sacs papier imperméabilisés par du bitume 740 t d'ammonitrate. Présence d'un chargement de paraffine. 4 00t ammonitrates, 420 t papier, 160 t sels de cuivre 20 t ammonitrates prill en sacs Ammonitrates, hydrocarbures et produits chimiques 8 000t NPK 12.12.17 4 500 t NPK 12.12.12 8 t NASC 5 300 t NPK 14.14.14 Ammonitrates, pesticides, matières combustibles 7 200 t NPK 16.11.14 NASC NPK ensachés 189 morts 581 morts, 3500 blessés 26 morts, 1000 blessés Stockage Navire Navire Navire Stockage Train Stockage Stockage 10 morts, 16 blessés Naufrage, 3 morts Fabrication Navire Stockage Stockage Fabrication Stockage accidentelle. PUBLIÉ Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux 1972 1972 1973 1975 1975 1976 1982 1987 1988 Taroom, Australie France Cherokee, USA USA Allemagne Manfredonia, Italie UK Nantes, France Kansas City, USA 18,5 t nitrate d'ammonium faible densité en sacs NASC 14 000 t ammonitrates haute densité NPK 12.12.12 Vrac NPK Incendie d'un camion, pollution par le carbone des pneus, explosion. Chargement dans citerne contaminée. Explosion. Incendie du stockage, puis explosion Echauffement par défaut électrique Point chaud soudage. Explosion et incendie Explosion Incendie suivi d'une décomposition Initiation par point chaud dû à une installation électrique défectueuse dans le stockage Incendie 3 morts 71 Camion Stockage 8 blessés 1000 personnes évacuées 28 blessés, 1000 personnes évacuées Stockage Stockage Stockage 1988 1989 Yougoslavie Jonova, Lithanie Ammonitrates stockés avec des meubles en bois 1 450 t NPKdont 850 t NPK 15.8.22, 750 t ammonitrates, 150 t urée Explosifs à base de nitrate d'ammonium, nitrate d'ammonium, essence, aluminium 17 000 t NPK 20 000 t NPK 11.11.11 Stockage 30 000 évacuées personnes Stockage 6 morts, 1 blessé 1990 1993 1994 1997 1998 1998 1998 2000 2001 2002 2002 2002 2003 2003 2004 2004 2004 2004 2007 2004 2007 2009 Barbezieux-StHilaire, France Humberside, UK Sioux City, USA Brasilia, Brésil USA Walden, Canada France Aunay-sousCrécy, France Toulouse, France Murcie, Espagne Pays-Bas Saint-Nazaire, France Palerme, Italie Saint-Romainen-Jarez, France Iran Barracas Ryongchon, Corée du Nord Mihailesti, Roumanie Monclova, Mexique Köping, Suède En mer au large de l'Espagne Bryan, USA 400 t d'ammonitrates en sacs 3 00 t NPK 75 t nitrate d'ammonium Nitrate d'ammonium technique 420 t d'ammonitrates ensachés ou en conteneurs 18 t d'ANFO ou émulsion de nitrate d'ammonium 300 t NPK 14.8.24 Accident ayant provoqué un incendie dont celui d'une bande transporteuse qui s'est effondrée sur un tas d'engrais Incendie suivi d'une décomposition DAE suite à point chaud électrique Explosion en cours de fabrication d'engrais Collision d'un camion avec un camion d'hydrocarbures. Incendie. Explosion Incendie suivi d'une décomposition Incendie suivi d'une explosion DAE Décomposition Explosion. Hypothèse d'une incompatibilité avec un produit chloré 20 000 personnes évacuées 7 morts, 57 blessés, 30 000 personnes évacuées Stockage Stockage Stockage Confinement 4 morts, 18 blessés 17 morts Navire Fabrication Camion Stockage 2 blessés Camion Stockage Ammonitrates déclassés, 300400 t 15 400 t NPK 15.15.15 en vrac 2 500 t NPK 12.12.17 2 500 t NPK 15.12.24 4 000 t NPK 2-3 t engrais ammonitrates 33,5 en big bags, caisses en plastique 420 t d'engrais (pas de précisions) 20 t ammonitrates 33,5 en vrac Ammonitrates 20 t ammonitrates en sacs 25 t ANFO Engrais DAE et non-DAE NPK 15.15.15 30 morts Confinement 170 000 personnes Confinement dans un rayon de 1 km Stockage Stockage Navire Navire Navire Stockage Train Camion Suite à travaux de soudure Incident électrique sur un navire dans le port. DAE Incendie du stockage suivi d'une explosion. Présence de matières combustible. Déraillement Incendie du camion de transport, puis explosion Collision entre citerne routière et train. Incendie puis explosion Incendie d'un camion suivi d'une explosion Incendie du camion de transport, puis explosion Incendie d'un stockage de produits combustible se propageant au stockage d'engrais Sur cargo en mer (Ostedijk). Amorçage par point chaud. Incendie 26 blessés 328 morts 161 morts, 1300 blessés 18 morts, 11 blessés 28 morts, 250 blessés Train Camion Camion Stockage Navire 34 blessés Stockage PUBLIÉ 72 2013 2013 2014 2015 2015 2017 2017 2019 2020 Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux West Texas, USA Sao Francisco do Sul, Brésil Charlotteville, Australie Tianjin, Chine En mer au large de l'Allemagne Logron, France Au large des Canaries, Espagne Camden, USA Beyrouth, Liban 150 t ammonitrates, autres engrais 10 000 t engrais NK 22.0.21 56 t 800 t d'ammonitrates, nombreuses autres matières dangereuses NPK 15.15.15 3 t d'ammonitrates en big bags 40 000 t NPK, 15.15.15 et 16.16.1674 20 t de nitrate d'ammonium technique 2 750 t de nitrate d'ammonium technique Incendie dans un bâtiment connexe séparé par une paroi de bois. Explosion. DAE Incendie du camion de transport, puis explosion Incendie sur une plateforme logistique suivi d'une explosion DAE sur un cargo (Purple Beach) Incendie suivi décomposition DAE sur le cargo Cheshire d'une 15 morts, 200 blessés 100 blessés, 30 000 personnes évacuées 3 blessés 173 morts, 800 blessés Stockage Stockage Camion Stockage Navire Stockage Navire 1 mort 204 morts, plus de 6500 bléssés Camion Stockage Incendie du camion de transport, puis explosion Incendie suivi d'une explosion 74 Il est à noter que la cargaison avait été déclarée non dangereuse, alors que les événements conduisent à penser qu'elle aurait dû être considérée « susceptible de DAE » et donc être classée ONU 2071. PUBLIÉ Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux 73 A6.1 La nomenclature des produits A6.1.1 La codification ONU pour le transport des matières dangereuses La codification ONU pour le transport des matières dangereuses a l'avantage d'être reconnue internationalement. Elle attribue aux différentes matières dangereuses un nombre à 4 chiffres et donne en regard une classe de danger. Elle vise le transport de marchandises. Les produits ou familles de produits répertoriés sont les suivants : ONU 0222 : nitrate d'ammonium avec plus de 0,2% de substances combustibles, y compris toute substance organique calculée en contenu carbone, à l'exclusion de toute autre substance ajoutée : en gros il s'agit d'explosifs au nitrate d'ammonium tel que le nitrate fuel ou ANFO (ammonium nitrate fuel oil) ONU 1942 : nitrate d'ammonium avec moins de 0,2% de substances combustibles, y compris toute substance organique calculée en contenu carbone, à l'exclusion de tout autre substance ajoutée : en gros il s'agit de nitrate d'ammonium technique généralement destiné à la fabrication d'explosif, mais qui en l'état n'est pas considéré comme un explosif compte tenu de la très faible teneur en carbone ONU 2067 : engrais à base de nitrate d'ammonium ; mélange uniforme et non-susceptible de ségrégation de nitrate d'ammonium avec un additif qui est inorganique et chimiquement inerte vis-à-vis du nitrate d'ammonium, o ne contenant pas moins de 90% de nitrate d'ammonium et pas plus de 0,2% de matières combustibles : o ou contenant pas moins de 70% de nitrate d'ammonium, pas plus de 0,4% de matières combustibles, et moins de 5% de sulfate d'ammonium ; o ou contenant pas moins de 70% de nitrate d'ammonium, pas plus de 0,4% de matières combustibles, et plus de 5% de sulfate d'ammonium, mais contenant au moins 10% de matières inorganiques à l'exclusion du nitrate d'ammonium et du sulfate d'ammonium. Il s'agit, en gros, d'engrais ammonitrates à haut dosage en azote tel que les ammonitrates haute teneur 33,5% ou les ammonitrates prill 34,4%. ONU 2071 : engrais à base de nitrate d'ammonium ; mélange uniforme et non-susceptible de ségrégation de types N/P ou N/K ou de type N/P/K, ne contenant pas plus de 70% de nitrate d'ammonium et pas plus de 0,4% de matériau combustible ou organique calculé en carbone, ou ne contenant pas plus de 45% de nitrate d'ammonium et une quantité non-limitée de matériau combustible, susceptible de DAE : il s'agit notamment des engrais complexes NP, NK ou NPK à teneur en azote inférieure à 24,5% sans matière organique, ou d'engrais complexes contenant des matières organiques, mais à teneur en azote inférieure à 15,75%, susceptibles de DAE. ONU 2426 : solution chaude concentrée de nitrate d'ammonium) : il s'agit du produit industriel appelé NASC à partir duquel sont élaborés les engrais contenant du nitrate d'ammonium tels que les ammonitrates en prill, les ammonitrates en granulés et les engrais complexes en granulés. 0NU 3375 : (émulsion, suspension ou gel de nitrate d'ammonium) Les engrais à base d'ammonitrates, autre que les 2067 et 2071 n'ont pas de nomenclature ONU. Ce sont notamment les engrais ammonitrates à moyenne teneur tels que le CAN27 (nitrate d'ammonium associé à du carbonate de calcium dont la teneur en azote est de 27%) ou les ammonitrates soufrés, dont la teneur en azote est inférieure à 28% (seuil européen). La correspondance de risques est la suivante : PUBLIÉ 74 Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux Classement ONU 0222 1942 2067 2071 2426 3375 Type de risque Classe 1.1 : Explosifs/Risque de détonation en masse Classe 5.1 : Comburants Classe 5.1 : Comburants Classe 9 : Divers dangereux pour l'environnement Classe 5.1 : Comburants Classe 5.1 : Comburants A6.1.2 La nomenclature ICPE La nomenclature ICPE vise les installations qui fabriquent et stockent les produits. A6.1.3 La nomenclature des douanes Les Douanes utilisent la nomenclature NC8 (nomenclature combinée à 8 chiffres), définie au niveau européen. Elle permet notamment de déterminer les droits de douanes et élaborer les statistiques du commerce extérieur. Elle est utilisée dans les DAU (document administratif unique rempli dans le cadre des opérations de commerce extérieur à l'Union européenne) et les DEB (déclaration d'échange de biens, entre la France et le reste de l'Union). Elle distingue notamment : Le nitrate d'ammonium reconnaissable comme explosif préparé (donc additionné de substances sensibilisantes telles que le nitrate de glycérol ou le glycol, par exemple) se classe sous la position 3602 00 00. Le nitrate d'ammonium technique : position 3102 30 90 s'il se présente sous forme solide, et position 3102 30 10 s'il est en solution aqueuse, même s'il est utilisé pour fabriquer des explosifs. Dans le cas peu probable où il serait conditionné en tablettes ou similaires ou en emballage d'un poids n'excédant pas 10 kg, il relèverait alors de la position 3105 10 00. Le NASC ou nitrate d'ammonium en solution chaude se classe sous la position 3102 30 10. PUBLIÉ Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux 75 Les ammonitrates à haut dosage, soit plus de 28% d'azote, se classent sous la position 3102 40 90. Les ammonitrates à moyen dosage, soit inférieur ou égal à 28% d'azote, se classent sous la position 3102 40 10. Les engrais complexes contenant de l'azote, NPK, NP et NK : - position 3105 10 00 pour les NPK, NP, et NK conditionnés en tablettes ou similaires ou en emballage d'un poids n'excédant pas 10 kg - position 3105 20 10 pour les NPK autrement conditionnés, et si la teneur en azote est supérieure à 10% en poids - position 3105 20 90 pour les NPK autrement conditionnés, et si la teneur en azote est inférieure ou égale à 10% en poids - position 3105 30 00 pour l'hydrogénoorthophosphate de diammonium (NP) - position 3105 40 00 pour le dihydrogénoorthophosphate d'ammonium (NP) - position 3105 51 00 et 3105 59 00 pour les autres NP - position 3105 90 20 pour les NK si la teneur en azote est supérieure à 10% en poids - position 3105 90 80 pour les NK si la teneur en azote est inférieure ou égale à 10% en poids Cette nomenclature appelle les remarques suivantes : elle ne tient pas compte du caractère dangereux ou non des produits ; la comparaison des chiffres des Douanes et des informations recueillies auprès des industriels laisse penser qu'il y a des confusions entre rubriques, notamment pour le nitrate d'ammonium technique75. Par ailleurs les DAU sont nécessaires pour les opérations de dédouanement, mais sont enregistrées au lieu de dédouanement. Les DEB sont effectuées a posteriori sur une base déclarative. En conséquence, les données sont peu utilisables pour localiser précisément les flux76. Enfin, les informations issues des DEB sont confidentielles lorsqu'un nombre limité d'opérateurs assure la plus grande part du trafic. A6.1.4 La nomenclature NST Cette nomenclature utilisée pour les statistiques de transport et peu détaillée et n'identifie pas les produits dangereux. Les engrais apparaissent dans la rubrique 7 qui se décompose comme suit : 7=Engrais 71=Engrais naturels 711=Nitrate de soude naturel 712=Phosphates naturels bruts 713=Sels de potasse naturels bruts 719=Autres engrais naturels 72=Engrais manufacturés 721=Scories de déphosphoration 722=Autres engrais phosphatés 723=Engrais potassiques 724=Engrais nitrés 729=Engrais composés et autres engrais manufacturés Le nitrate d'ammonium technique n'est pas non plus isolable parmi les produits chimiques. 75 76 La somme des importations affichée semble très supérieure au marché. Les statistiques douanières donnent des importations nulles d'AN HD par voie fluviale alors que le trafic d'un seul industriel serait selon lui de 47 000 t. PUBLIÉ 76 Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux A6.2 Les données sur les flux A6.2.1 Données sur le nitrate d'ammonium technique Les fournisseurs pour la France seraient, selon les industriels, MAXAM TAN qui avait une production à Mazingarbe, jusqu'à sa mise en liquidation début 2021 et qui distribuait par voie routière pour le marché français et européen, et par voie fluviale à partir du port de Béthune pour la grande exportation, et YARA qui importe d'une usine européenne par voie routière. A6.2.2 Données de l'UNIFA L'UNIFA fournit des données sur la consommation d'engrais en France métropolitaine Campagne en kt 08-09 1 888 1 158 09-10 1 934 1 122 10-11 1 818 1 286 11-12 1 733 1 211 12-13 1 848 1 175 13-14 1 734 1 099 14-15 1 683 1 173 15-16 1 611 978 16-17 1 588 1 126 17-18 1 525 1 003 18-19 1 488 858 19-20 AN HD AN MD La consommation d'ammonitrates haut dosage est de 1 534 kt en moyenne sur les trois dernières campagnes, et de 996 kt pour l'ammonitrate moyen dosage. On constate une érosion de la consommation comparable pour les deux types d'ammonitrates (la moyenne des trois dernières campagnes représente 90% de la moyenne sur les onze dernières campagnes), compensée par la croissance du recours à l'urée et aux solutions azotées. Les principaux acteurs sont les suivants : Boréalis et Yara sont des groupes internationaux qui produisent en France (respectivement à Grand-Quevilly, Grandpuits et Ottmarsheim, et à Montoir-de-Bretagne et Ambès), Yara approvisionnant aussi le marché français depuis son usine belge du Tertre. Les autres sont des importateurs, notamment Eurochem, qui importe de Belgique PUBLIÉ Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux 77 (usine d'Anvers), Litfert qui importe de Lituanie, et Unifert qui importe de Pologne et accessoirement du RoyaumeUni. A6.2.3 Données des Douanes Les Douanes fournissent les données suivantes pour 2019. En t Total Mer Fer Route Fluvial Nitrate Import DEB 223 167 147 505 0 54 451 21 211 d'ammonium DAU 121 121 0 0 0 Export DEB C C 0 C 0 DAU 28 572 21 867 0 506 6 200 AN HD Import DEB 86 400 C C 78 975 0 DAU 0 0 0 0 0 Export DEB 176 898 C C C 0 DAU 245 0 0 245 0 AN MD Import DEB 865 123 245 813 0 520 056 99 254 DAU 18 546 18 546 0 0 0 Export DEB C C 0 91 326 C DAU 8 620 0 0 7 420 1 200 Les chiffres DEB correspondent aux mouvements de marchandises vers ou depuis l'Europe et les chiffres DAU les mouvements hors Europe. Certains chiffres DEB sont occultés pour des raisons de confidentialité (C). Ces chiffres appellent les réserves suivantes : les importations de nitrate d'ammonium semblent bien trop élevées pour correspondre au seul nitrate d'ammonium technique. Il est vraisemblable qu'il y a une part d'AN HD. Les exportations de nitrate d'ammonium correspondent à l'activité du seul producteur français de nitrate d'ammonium technique. Les importations d'AN HD sont sous-évaluées : notamment n'apparaissent pas les 47 000 t/an d'importation par voie fluviale d'un importateur identifié77. En gros, si on retient le chiffre des industriels pour les importations de nitrate d'ammonium technique (20 kt/an par route), l'ammonitrate haut dosage représenterait : 290 kt/an d'importation, dont : o Mer et fluvial : 180 kt au plus, dont environ 50 kt par voie fluviale o Route : 110kt Le nitrate d'ammonium moyen dosage représente : 884 kt/an d'importation, dont o Mer : 264 kt o Fluvial : 100 kt o Route : 520 kt. En ce qui concerne particulièrement l'outre-mer, les ammonitrates sont peu ou pas employés et leur est préférée l'urée. Les données des Douanes, confirmées par celles fournies par les ports, donnent : Martinique : trafic nul, Guadeloupe : trafic nul, 77 17 000 t via Elbeuf et 30 000 t via les voies fluviales de l'est de la France. PUBLIÉ 78 Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux Guyane : trafic de nitrate d'ammonium technique (98 t en 2020), Réunion : trafic d'ammonitrates haut dosage (24 t en 2020) et de nitrate d'ammonium technique (50t en 2020), Mayotte : trafic de nitrate d'ammonium technique (25 t en 2020). PUBLIÉ Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux 79 Accueil des navires Article du RPM Contenu du RPM Tonnage maxi par navire 514 À définir par RLMD Quais de chargement/ déchargement A définir par RLMD Dépôts à terre 516 250t /îlot pour nitrate ammonium 600 t/îlot pour engrais 2 ilots de 250 t max éloignés d'au moins 10 m Durée dépôt à terre 516 Le moins de temps possible 72 h en tout , 24 heures après départ navire Gardiennage 517 Si plus de 200t Disponibilité en eau 518 Au moins 100t/h jusqu'à 200t, puis croissante si 1 300 m3/h Contrôle disponibilité en eau 519 A définir RLMD Observations missions Saint Malo Nov 2020 Lundi matin, jusque mercredi pour décharger avant vendredi Non précisé 3 500 t Un poste : poste Vauban 10 Permanent ammonitrates présents Rouen Juillet 2019 de 2000 15 000 (expédition Borealis) à t Nombreux quais autorisés, pas réellement utilisés Selon quai 4 îlots de 50 ou 410 t 3 jours Renvoie RPM vers fonctionnement à chaque arrivée de navire Contrôle annuel par org agréé présenté à commission Fonctionnement à chaque arrivée de navire. Justification sur demande Honfleur (fait partie du GPM de Rouen) idem 5 000 t quai QSH 6 îlots de 250 t éloignés de 20 m 10 jours idem idem Le Havre Mars 2018 Nantes Déc 2017 Visite expert si pas containeurs 800 t par poste à bord navire 6 000 t 4 postes containeurs Cheviré CHV3 et CHV4 Terminal containeurs Montoir Terminal agro alimentaire Entre 37 et 95 t /poste Un seul îlot de 600 t Obligatoire Réseau incendie + remorqueur si 1250 m3/h Par commission de contrôle Restreindre aux quais pertinents Qttés autorisées sur quai semblent excessives. Pas de contrôle systématique des pompes Devrait préciser pas de déchargement si terminal croisières voisin utilisé Durée et quantités semblent excessives Dispositions du RPM mal adaptées aux terminaux containeurs Permanent dépôt 4 000t PUBLIÉ 80 Montoir (YARA) non utilisé Sables d'Olonne Janvier 2016 Saint Brieuc Le Légué Décembre 2019 Admis si déchargement possible sans interruption Visite préalable par expert Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux 4 000 t 3 500 t sur navire 4 500 t en tout sur le port 3 000 t Poste 3-4, poste 2 subsidiaire Un poste En principe interdit, possible jusque 600 t par aut ; except ; 600 t en 3 îlots distants de 16 m sur autorisation exceptionnelle 24 h (aut. excep.) Permanent dépôt Permanent dépôt si 1250 m3/h Contrôle annuel org agréé présenté en commission Contrôle annuel org agréé + essai devant commission 48 h (autorisation ) si Renvoie RPM PUBLIÉ Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux 81 La mission a été particulièrement alertée par le sous-préfet, au nom du préfet d'Ille-et-Vilaine, préfet de Bretagne, sur la situation du port de Saint Malo. Le port de Saint Malo est en effet un des ports accueillant un trafic important d'engrais ammonitrates haut dosage et présente la particularité d'être situé à proximité du centre-ville. Les riverains expriment des interrogations et inquiétudes relancées par l'accident de Beyrouth. Le préfet a dès lors souhaité que la mission puisse s'exprimer sur la situation du port et notamment l'acceptabilité des déchargements d'ammonitrates, même si les règles de sécurité fixées par le règlement local matières dangereuses ont déjà été renforcées sans attendre la mission en novembre 2020. Le préfet s'interroge en particulier sur l'opportunité d'imposer la réalisation d'une étude de dangers, le port n'étant normalement pas soumis à cette obligation par la réglementation nationale. Le port de St Malo présente un trafic significatif d'ammonitrates haute teneur : deux industriels, ayant des usines respectivement en Pologne et en Lituanie l'utilisent régulièrement pour alimenter leurs clients notamment ceux situés en Bretagne. Les mêmes industriels utilisent également le port du Légué à St Brieuc, mais l'indisponibilité temporaire du système de pompage incendie au Légué a fait que les ammonitrates n'ont pas pu y être accueilli et le trafic s'est alors déporté en totalité sur St Malo au cours de l'année 2020. Le port de St Malo est à l'intérieur de la ville et à proximité de l'intra-muros : les ammonitrates sont déchargés à moins de 400 m de la ville close, juste de l'autre côté du bassin Vauban. Il n'y a aucune installation qui stocke des ammonitrates sur le port, mais il existe à quelques centaines de mètres sur le port le siège social du groupe Roullier et une usine du groupe, la Timac qui fabrique des produits destinés à la nutrition animale et végétale, dont des engrais. Cette société ne reçoit, ni ne fabrique, des engrais aux ammonitrates et son activité est totalement indépendante des trafics d'ammonitrates qui ont lieu à quelques centaines de mètres. Cette société, qui par ailleurs présente des problèmes de pollution atmosphérique, entrepose sur son quai de nombreux bigs-bags de produits qui ne sont pas dangereux mais créent une confusion avec les bigsbags d'engrais aux ammonitrates. Le règlement local matières dangereuses a été modifié en novembre 2020, en particulier pour préciser les lieux de déchargement des ammonitrates (un seul poste autorisé au lieu de 3 auparavant), la durée et la quantité maximales de dépôt à terre, le contrôle annuel des moyens incendie par un organisme tiers. Le nouveau règlement ainsi complété apparaît comme un des plus opérationnels et des plus précis parmi ceux consultés par la mission (cf en annexe 7) La mission a par ailleurs pu assister au déchargement d'un navire d'ammonitrates et au chargement des camions. Elle a pu constater que ces opérations se passent de manière fluide et rapide (évacuation des ammonitrates du quai dans un délai de l'ordre de 24 heures). Elle a pu constater également que les mesures de sécurité prévues par la réglementation générale et le règlement (présence des moyens de lutte contre l'incendie, d'un gardiennage permanent, contrôle des accès et des dispositions prévues par l'ADR...) étaient bien mises en place, ainsi que l'absence sur les quais ou à proximité de toute matière combustible ou inflammables autres que les engins de manutention et les camions en cours de chargement. La mission a enfin pu constater que les sapeurs-pompiers ont une bonne connaissance des activités exercées sur le port et des risques potentiels. Un plan « établissement répertorié » a été élaboré pour préparer une éventuelle intervention et des exercices sont réalisés. La mission considère dès lors que les conditions de sécurité sur le port de St Malo sont bonnes et que l'hypothèse d'un accident majeur ne semble pas plausible. PUBLIÉ 82 Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux Figure 6: Navire d'ammonitrates dans le port de Saint-Malo (Source : mission). La poursuite de ce type d'opérations dans les conditions actuelles ne devrait dès lors pas être remise en cause. En particulier, la mission n'estime pas utile de faire réaliser une étude de dangers, qui ne paraît pas de nature à pouvoir apporter des éléments nouveaux ou à améliorer la sécurité. Pour autant, la mission émet quelques recommandations à l'intention des autorités locales : la première porte sur le contrôle de la qualité des ammonitrates déchargés sur le port : le RLMD antérieur prévoyait la possibilité de faire réaliser des prélèvements et des tests par un organisme indépendant. Le problème est que ces prélèvements et tests ne sont pas réalisés dans le cadre des procédures prévues par le code de la consommation (réalisation de plusieurs échantillons témoins pour laisser la possibilité de faire des contre-expertises par exemple), ce qui rendrait sans doute délicate l'intervention de l'État en cas de détection d'une non-conformité. La mission considère qu'il serait préférable que ces contrôles s'inscrivent dans le cadre de ceux réalisés par les services de la répression des fraudes, ce qui n'était pas le cas jusqu'à présent pour les raisons indiquées § 4.1.178. la deuxième porte sur l'intérêt de préciser « qui fait quoi » en cas d'incident, notamment en matière d'alerte et de première intervention. Le rôle de « tour de contrôle » de la capitainerie ne fait pas de doute, mais les circuits d'alerte et les responsabilités sur la première intervention ne sont pas explicites. Ainsi il conviendrait par exemple de préciser qui prévient les pompiers en cas d'incident (départ de feu sur un camion par exemple) : directement l'exploitant qui procède au déchargement ou via la capitainerie ? De même, la direction des opérations de secours dans l'attente de l'arrivée des sapeurs- pompiers n'est pas parfaitement claire. la troisième porte sur l'intérêt d'améliorer la concertation et l'information auprès des élus et des parties prenantes, associations ou riverains. Comme indiqué ci-dessus, des confusions existent avec l'activité de la TIMAC et des questions légitimes sont posées sur le port mais aussi sur la sécurité des transports de matières dangereuses qui traversent la ville. La forme de cette concertation est à décider, mais la mission considère que la Commission locale de suivi déjà mise en place autour de la TIMAC, pourrait aussi être 78 Depuis la visite de la mission, des contacts ont été pris avec la DDPP 35 qui va réaliser des prélèvements sur les ammonitrates déchargés sur le port de Saint Malo PUBLIÉ Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux 83 utilisée pour faire le point sur la sécurité du port et des transports, même si cette commission n'a pas été créée à cette fin, à défaut d'en créer une spécifique sur le sujet des matières dangereuses. Si elle est possible, une visite pour quelques représentants d'associations ou mesures de sécurité qui ont été mises en place. Recommandations La sécurité des trafics d'ammonitrates sur le port de Saint Malo est pleinement satisfaisante. La mission recommande toutefois : - que les contrôles sur la qualité des ammonitrates s'inscrivent dans le cadre prévu par la répression des fraudes - de préciser qui fait quoi en matière d'alerte et de première intervention - d'améliorer l'information des parties prenantes. PUBLIÉ 84 Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux La mission a été particulièrement alertée par le sous-préfet, relayant la position du préfet de Vendée, sur la situation du port des Sables d'Olonne. Il a été visité par la mission le 17 février 2021. Ce port est en effet dans une situation particulière dans la mesure où il cumule deux caractéristiques : - le port de commerce est situé en centre-ville ; - il accueille, en face du quai de déchargement, un dépôt ICPE d'ammonitrates haut dosage d'une coopérative agricole, dépôt classé Seveso bas jusqu'à peu. Ces caractéristiques peuvent se retrouver ailleurs mais pas simultanément : ainsi des entrepôts ICPE sont présents sur d'autres ports comme à Nantes, mais ils ne sont pas en zone urbaine et d'autres ports, par exemple celui de St Malo, sont également très proches de la ville, mais n'ont pas de stockages d'ammonitrates. La présence d'un important stockage sur le port au centre de la ville constitue effectivement une situation particulière et cela d'autant plus que le port de commerce des Sables est aujourd'hui un port « ouvert » où le public a librement accès à la plupart des zones portuaires. Le port n'est fermé à la circulation que pendant l'affluence touristique de l'été pour éviter le stationnement sauvage. La zone où se trouve le quai de manutention des ammonitrates a été munie, assez récemment, à la demande du préfet, pour des raisons autant de sécurité que de sûreté, d'un dispositif de clôture et de contrôle, mais il a été indiqué à la mission que cette zone n'est effectivement interdite au public que pendant les opérations de manutention. A noter aussi que, pendant le Vendée globe, aucun trafic d'ammonitrates n'est autorisé dans le port. La mission note la volonté du préfet de faire évoluer cette situation, même si les risques liés aux ammonitrates paraissent aujourd'hui maîtrisés aussi bien au niveau du déchargement des navires qui est réalisé sans aucun dépôt à terre sur le quai, qu'au niveau de l'entrepôt de la CAVAC., Le RLMD qui a tout récemment été renforcé à la suite de l'étude de dangers qui était motivée par les transferts d'explosifs, prévoit en particulier que le déchargement des navires est réalisé sans aucun dépôt à terre. Une initiative particulièrement intéressante a été la mise en place d'un inventaire commun, mis à jour de manière hebdomadaire de l'ensemble des matières dangereuses présentes sur le port, ammonitrates et autres. L'ensemble des exploitants, manutentionnaires, mais aussi exploitants ICPE transmettent ainsi l'état actualisé des stocks à la capitainerie chaque semaine qui en fait la synthèse et la tient à disposition des services de secours. Le dépôt de la CAVAC coopérative agricole, est utilisé comme stock tampon. 80% des ammonitrates déchargés quittent directement le port par camion, 20% sont stockés, temporairement. Auparavant Seveso seuil bas, ce dépôt est régulièrement inspecté par la DREAL, qui n'a pas relevé de non-conformité à la réglementation. Le dépôt n'est pas gardé en permanence, mais le dispositif de protection contre les intrusions a été renforcé par une barrière à l'entrée et des caméras de vidéo-surveillance, à la demande de l'Etat. Dans la mesure où l'exploitant respecte la réglementation, la mission confirme qu'il n'est légalement pas possible de lui imposer de réduire ou supprimer son activité. Pour améliorer encore la situation, la mission considère en premier lieu que l'ouverture au public du port de commerce, souhaitée par la municipalité, mérite d'être réexaminée. En effet, l'activité industrielle d'un port de commerce, qui comprend non seulement des activités de manutention mais aussi des activités industrielles, telle la réparation navale, est peut être difficilement compatible avec une activité touristique, notamment en haute saison, et une activité de loisir. La mission a noté que deux accidents mortels ont déjà eu lieu, deux voitures de particuliers étant tombées dans les darses du port. Ceci relève des exigences de « sécurité » publiques et non pas de « sureté ». Les exigences de sûreté n'ont pas été examinées de près par la mission, mais il convient aux services de la préfecture, en lien avec l'autorité portuaire et le concessionnaire, de savoir si le maintien du public à proximité, notamment lors de la présence d'ammonitrates sur le port, semble compatible. La fermeture de tout ou PUBLIÉ Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux 85 partie du port de commerce pendant l'ensemble de l'année est une hypothèse à envisager, d'autant qu'à première vue, elle semble assez facile à concrétiser. La CAVAC est un utilisateur important du port : elle y dispose de deux entrepôts pour différents types d'engrais, où les ammonitrates haut dosage constituent une part très minoritaire du stockage ; elle dispose également dans une autre partie du port de commerce de silos de céréales. Le trafic d'ammonitrates (avec ou sans stockage) représente une part non négligeable des revenus du port. La CAVAC a déjà fait un effort important en acceptant volontairement de diminuer la quantité maximale d'ammonitrates stockés dans son dépôt du port. Le stockage qui relevait de la directive Seveso, seuil bas, a été ramené à 1249 t au maximum et n'est dès lors plus soumis qu'à déclaration ICPE. Malgré ce déclassement, la DREAL s'est engagée à continuer à inspecter régulièrement le site qui continuera à faire l'objet d'un POI. La relation entre le SDIS, le port et la CARAC se passe bien avec des exercices réguliers. Le conseil départemental n'est pas favorable au départ du stockage. La mairie n'a pas été rencontrée. La population ne se mobilise pas. A noter aussi que le sujet n'a pas été abordé en Conseil portuaire, mais il y a eu une réunion sous l'égide de l'Etat avec les industriels et le concessionnaire après Beyrouth. La CAVAC a plusieurs autres dépôts d'engrais dans les environs (notamment à environ 30km près de Fougeray) et semble ouverte à l'idée de réduire encore le stock d'ammonitrates sur le port des Sables, ce qui peut néanmoins impliquer le relèvement du seuil de stockage dans les autres entrepôts. Il importe en effet que la réduction du stockage sur le port ne se traduise pas par un report des stocks d'engrais dangereux vers les exploitations agricoles, où la sécurité est beaucoup moins encadrée, et donc que la capacité globale de stockage de la CAVAC puisse être maintenue. La mission appelle dès lors à une négociation avec la CAVAC pour qu'elle soit accompagnée, y compris si possible financièrement, dans la création ou l'extension d'un stockage d'ammonitrates en zone non urbanisée qui pourrait ainsi compenser celui du port. Dès lors que ce nouveau stockage est soumis à simple déclaration ou même si une évolution de la nomenclature le soumettait à enregistrement comme envisagé par ailleurs dans le présent rapport, la procédure peut être rapide et simple. Dans la mesure où l'évacuation immédiate des ammonitrates par camions au fur et à mesure du déchargement est complexe compte tenu de l'exiguïté du port (un navire représente plus de 100 camions), une solution intermédiaire tout à fait acceptable selon la mission serait de maintenir le dépôt d'ammonitrates de la CAVAC en le limitant à un stockage très temporaire de quelques jours après l'arrivée d'un navire, et à un tonnage plus limité qu'actuellement. Ces durées et quantités maximales à proposer par la CAVAC pourraient être entérinées dans l'arrêté ICPE du site. Une mesure d'accompagnement souhaitable pour fluidifier l'évacuation immédiate des big bags serait de déterminer entre le manutentionnaire, l'exploitant portuaire et la municipalité, un plan de circulation préservant suffisamment d'espace pour les camions en attente de chargement ou de départ. L'attention de la mission a en effet été attirée sur la réduction récente de places de stationnement, permettant aux chauffeurs de préparer les camions chargés avant leur départ (sanglage, bâchage, contrôles,..), qui peut occasionner des « bouchons » et retarder le départ des marchandises. Recommandations : La sécurité des ammonitrates sur le port des Sables est satisfaisante. Néanmoins pour mettre fin à la proximité immédiate entre un dépôt et le public, ce port étant le seul port à accueillir un stockage d'ammonitrates en zone urbanisée, la mission suggère : - d'engager une négociation avec la coopérative agricole exploitant le stockage pour le report de ce stockage d'ammonitrates vers un autre de ses sites et de limiter celui du port aux quelques jours nécessaires, et à un tonnage réduit, sans bien entendu remettre en cause les autres stockages ; - d'étudier de plus près le circuit des camions pour fluidifier l'évacuation des ammonitrates, en liaison avec l'exploitant du port ; - de discuter d'une meilleure régulation de l'accès du public sur la zone du port de commerce. PUBLIÉ 86 Gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux Plan du port de commerce des Sables d'Olonne En liseré rouge, les limites des installations portuaires en termes de sûreté : - Quai de déchargement pour les ammonitrates - Quai de déchargement pour les céréales au niveau des silos - Entrée du bassin avec porte basculante PUBLIÉ INVALIDE)

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