Mission relative à l'évaluation de la situation et au soutien de la filière papier/carton

MESUROLLE, Christine ; GUIGNARD, Philippe ; MARITON, Hervé ; BROCART, Ghislain ; BEMOL, Jean ; DEBAINS, Olivier

Auteur moral
France. Conseil général de l'environnement et du développement durable ; France. Conseil général de l'économie, de l'industrie, de l'énergie et des technologies ; France. Direction générale du contrôle économique et financier
Auteur secondaire
Résumé
<div style="text-align: justify;">Quatorzième producteur mondial et quatrième producteur européen de papiers et cartons, la France est un acteur en déclin depuis plusieurs décennies, de façon plus précoce et plus marquée que ses partenaires européens, notamment l'Allemagne mais aussi l'Espagne ou l'Italie. Depuis de nombreuses années la collecte des papiers cartons à recycler s'est développée en France à un niveau très supérieur à la moyenne européenne (plus de 80 % vs. 72 %) assortie d'un taux d'incorporation élevé (rapport de la quantité de papiers recyclés à la quantité produite : 68 % vs. 52 %). En revanche, un excédent de produits collectés a été constaté depuis les années 2000, il décline légèrement depuis une dizaine d'années mais reste de l'ordre de 1.5 million de tonnes, soit un peu plus de 20 % de la collecte totale. L'industrie papetière est composée de quatre secteurs distincts : les papiers graphiques en fort déclin, les papiers cartons d'emballage et de conditionnement en croissance significative, les papiers d'hygiène en croissance faible et les papiers spéciaux stables. La consommation de papier par habitant diminue dans les pays développés, souvent plus fortement à l'étranger qu'en France. Il s'agit d'une industrie de base, fortement capitalistique et très spécialisée. Des reconversions sont possibles mais elles sont longues, onéreuses et difficiles. Enfin, les entreprises françaises sont désormais très majoritairement sous contrôle étranger. Cette filière est fortement consommatrice d'énergie sous forme de chaleur et d'électricité ; elle est très adaptée à leur production conjointe par cogénération. Les types de papiers sont eux-mêmes très différents par leurs exigences de résistance, d'imprimabilité, d'opacité, d'absorption ou de douceur, lesquelles correspondent à des types de fibres cellulosiques distincts et secondairement à des charges ou additifs variés. En conséquence, l'incorporation des fibres recyclées varie selon les types de papiers cartons produits car elle est soumise à de nombreuses contraintes techniques. Elle est facile et élevée pour l'emballage et le conditionnement ou pour les supports graphiques pour journaux et imprimés publicitaires (avec des taux d'incorporation supérieurs à 90 %) ; elle est plus réduite pour les papiers d'hygiène (moins de 30 %) et faible pour les autres papiers graphiques, notamment à usages bureautiques (10 à 15 % seulement). Le papier ou la pâte se transportent assez bien tandis que les produits intermédiaires ou finis doivent souvent être fabriqués localement. La production de papier est associée à ses utilisateurs, notamment l'industrie pour les emballages de ses produits finis. Pour cette raison, la filière souffre directement des difficultés économiques et de la désindustrialisation françaises. Le redressement de la filière papetière en France appelle plusieurs séries de mesures. Certaines sont partagées avec l'ensemble de l'industrie française et n'ont donc pas été particulièrement approfondies par la mission : fiscalité, pesanteurs et délais administratifs, etc. Des réponses sont apportées par l'actuel « plan de relance et de réindustrialisation ». La mission souligne le caractère potentiellement destructeur pour le tissu industriel de taux minima d'incorporation qui seraient fixés sans une analyse approfondie des coûts/bénéfices économiques et écologiques et sans une concertation préalable étroite avec l'ensemble des parties prenantes. En complément, le secteur de l'hygiène présente un potentiel qui ne pourra être valorisé que si les Français sont dans le même temps sensibilisés à l'intérêt d'utiliser davantage de papier recyclé. Les opérateurs industriels ont mis en avant l'importance des coûts de l'énergie pour leur production (de 10 à 30 % selon les périodes). Plusieurs mesures d'accompagnement spécifiques sont plus faciles à mettre en oeuvre : La filière a un grand besoin de recherche-développement pour surmonter les obstacles à des emplois accrus du papier, notamment pour les emballages alimentaires, ainsi que pour développer de nouveaux usages du papier et de la cellulose. La collecte et le tri des papiers à recycler souffre d'une qualité imparfaite que l'éco-organisme CITEO et les autres acteurs (collectivités, industriels, entreprises de l'économie sociale et solidaire...) doivent relever. De même, la collecte insuffisante des papiers à recycler de qualité supérieure (bureautique) semble pouvoir être accrue auprès des entreprises. Le mécanisme des éco-contributions doit aussi être développé pour concourir aux évolutions nécessaires d'éco-conception en vue de substituer ces matières au plastique et aussi faciliter la collecte, le tri puis le recyclage des papiers cartons. Enfin la mission a rencontré d'importantes difficultés pour analyser les flux de matières entre les différents secteurs et acteurs de la filière puisque certaines données étaient totalement incohérentes. Une structure pour répondre à ce problème doit donc être organisée ou confortée à partir de ce qui existe.</div>
Editeur
CGEDD ; CGEIET
Descripteur Urbamet
économie ; évaluation ; recyclage ; collecte des déchets ; traitement des déchets ; production ; consommation
Descripteur écoplanete
consommation d'énergie ; aide à l'innovation ; aide à l'entreprise
Thème
Economie
Texte intégral
CONSEIL GÉNÉRAL DE L'ENVIRONNEMENT ET DU DÉVELOPPEMENT DURABLE CONSEIL GÉNÉRAL DE L'ÉCONOMIE CONTROLE GÉNÉRAL ECONOMIQUE ET FINANCIER CGEDD n° 013455-01 CGE n° 2020/18/CGE/SG Jean Bémol, contrôleur général économique et financier Ghislain Brocart, ingénieur en chef des mines (avec la collaboration de) Olivier Debains, contrôleur général économique et financier Hervé Mariton, ingénieur général des mines Philippe Guignard, ingénieur général des ponts, des eaux et des forêts Christine Mesurolle, ingénieure générale des ponts, des eaux et des forêts P U Janvier 2021 B Mission relative à l'évaluation de la situation et au soutien de la filière papier/carton LI É CGEFI n° 20 07 12 2 SOMMAIRE SYNTHESE .................................................................................................................................... 4 TABLE DES RECOMMANDATIONS .................................................................................................. 6 INTRODUCTION ............................................................................................................................ 8 1 Un secteur industriel majeur et mondial lié aux activités de recyclage ...................................... 9 1.1 Eléments historiques et internationaux ..................................................................................... 9 1.2 Une technique complexe et des acteurs très spécialisés ......................................................... 10 1.2.1 Le cycle du papier ..................................................................................................................... 10 1.2.2 Les acteurs industriels et les types de papiers/cartons ............................................................ 11 1.2.2.1 1.2.2.2 1.2.2.3 1.2.2.4 Des produits très techniques ..................................................................................................... 11 La filière amont (pâtes et industries papetières stricto sensu) .................................................. 11 La filière aval (façonnage et emballage) .................................................................................... 14 Les activités de collecte et de tri ................................................................................................ 14 1.2.3 Une répartition géographique des activités conditionnée par le transport ............................. 15 1.3 Une industrie capitalistique et des marchés cloisonnés .......................................................... 15 1.3.1 Des marchés segmentés aux évolutions contrastées ............................................................... 15 1.3.1.1 1.3.1.2 Des évolutions lentes mais profondes ....................................................................................... 15 Des prix volatils tant pour les intrants que pour les produit finis .............................................. 17 1.3.2 Une industrie de base ............................................................................................................... 18 1.3.2.1 1.3.2.2 1.3.2.3 Un secteur très capitalistique .................................................................................................... 18 Une technologie énergético-intensive ....................................................................................... 19 Une concentration ancienne et vraisemblablement non achevée ............................................ 19 2 Une activité intégrée dans l'économie circulaire et la transition écologique ............................ 20 2.1 Un niveau d'incorporation de matière recyclée important mais soumis à de nombreuses contraintes................................................................................................................................ 20 2.2 Un impact environnemental sans discrimination évidente à ce jour en faveur des fibres vierges ou recyclées .............................................................................................................................. 24 2.2.1 Consommation d'énergie.......................................................................................................... 25 2.2.2 Émissions de gaz à effet de serre .............................................................................................. 26 2.2.3 Pollutions diffuses (solides, liquides, gazeuses) ........................................................................ 26 2.2.4 Consommation d'eau « fraîche » .............................................................................................. 27 2.2.5 Protection des espaces naturels et de la biodiversité .............................................................. 27 2.2.6 La hiérarchie de traitement des déchets .................................................................................. 27 PUBLIÉ 3 2.3 Une filière d'avenir appelant davantage de recherche ............................................................ 28 3 Les difficultés de la filière papetière en France, nombreuses et anciennes, impactent les quantités recyclées en France................................................................................................................ 30 3.1 Une industrie française en déclin ............................................................................................. 30 3.2 Un excédent de PCR important par rapport aux capacités de recyclage en France ................ 32 3.3 Des causes profondes qui dépassent la filière papetière et touchent l'attractivité industrielle de la France .............................................................................................................................. 33 3.3.1 Le coût de l'énergie ................................................................................................................... 33 3.3.2 Le déplacement du centre de gravité de l'économie européenne ........................................... 37 3.3.3 Les obstacles aux investissements et à la croissance des entreprises ...................................... 37 3.3.4 Un contrôle majoritairement étranger et l'absence de grands investisseurs nationaux.......... 38 3.4 Une insuffisante valorisation des atouts français .................................................................... 38 3.5 Une visibilité insuffisante sur la filière, des données statistiques incohérentes...................... 40 4 Elargir les perspectives pour inverser les tendances ................................................................ 42 4.1 Favoriser les opportunités pour de nouvelles capacités de production papetière en France . 42 4.2 Mieux collecter les papiers à recycler « supérieurs », notamment en entreprises. ................ 43 4.3 Améliorer la qualité opérationnelle et l'agilité des centres de tri de déchets ménagers pour mieux répondre aux besoins des papetiers français ................................................................ 44 4.4 Eviter d'imposer des taux minimaux d'incorporation de fibres recyclées ............................... 46 4.4.1 Les perspectives offertes par l'éco-modulation........................................................................ 46 4.4.2 Les risques des taux d'incorporation obligatoire ...................................................................... 48 4.5 Accroître l'incorporation des papiers à recycler dans les papiers d'hygiène ........................... 50 4.6 Développer de nouveaux usages et débouchés ....................................................................... 51 4.7 Disposer de données statistiques et commerciales fiables ...................................................... 52 Conclusion ................................................................................................................................. 54 ANNEXES.................................................................................................................................... 55 Annexe 1 : Lettre de mission ............................................................................................................ 56 Annexe 2 : Liste des acronymes utilisés ........................................................................................... 59 Annexe 3 : Liste des personnes contactées ou interrogées ............................................................. 61 Annexe 4 : Eléments techniques relatifs à la fabrication des papiers, des cartons et des pâtes à papier, notamment sous l'angle de l'énergie et des matières employées .............................. 65 Annexe 5 : Bibliographie .................................................................................................................. 75 Annexe 6 : implantation géographique des industries papetières en France ................................. 77 PUBLIÉ 4 SYNTHESE La production de papiers et cartons est une industrie ancienne en France qui a toujours été étroitement associée à des filières de récupération (les chiffons autrefois et désormais les papiers et cartons à recycler). Quatorzième producteur mondial et quatrième producteur européen de papiers et cartons, la France est un acteur en déclin depuis plusieurs décennies, de façon plus précoce et plus marquée que ses partenaires européens, notamment l'Allemagne mais aussi l'Espagne ou l'Italie. L'important déficit commercial de la branche existait déjà en 1990 ; il est en lente diminution, tout comme la consommation nationale de papiers et cartons. Depuis de nombreuses années la collecte des papiers cartons à recycler s'est développée en France à un niveau très supérieur à la moyenne européenne (plus de 80 % vs. 72 %) assortie d'un taux d'incorporation élevé (rapport de la quantité de papiers recyclés à la quantité produite : 68 % vs. 52 %). En revanche, un excédent de produits collectés a été constaté depuis les années 2000, il décline légèrement depuis une dizaine d'années mais reste de l'ordre de 1,5 million de tonnes, soit un peu plus de 20 % de la collecte totale. L'industrie papetière présente des caractéristiques fortes et particulières. En premier lieu, elle est composée de quatre secteurs distincts : les papiers graphiques en fort déclin, les papiers cartons d'emballage et de conditionnement en croissance significative, les papiers d'hygiène en croissance faible et les papiers spéciaux stables. La consommation de papier par habitant diminue dans les pays développés, souvent plus fortement à l'étranger qu'en France. En second lieu, il s'agit d'une industrie de base, fortement capitalistique et très spécialisée : les usines sont en général spécifiques pour un type de papier et un type de matière première (bois, papier et carton à recycler ou pâte marchande). Des reconversions sont possibles mais elles sont longues, onéreuses et difficiles. Enfin, les entreprises françaises sont désormais très majoritairement sous contrôle étranger. En troisième lieu, cette filière est fortement consommatrice d'énergie sous forme de chaleur et d'électricité ; elle est très adaptée à leur production conjointe par cogénération. Les types de papiers sont eux-mêmes très différents par leurs exigences de résistance, d'imprimabilité, d'opacité, d'absorption ou de douceur, lesquelles correspondent à des types de fibres cellulosiques distincts et secondairement à des charges ou additifs variés. En conséquence, l'incorporation des fibres recyclées varie selon les types de papiers cartons produits car elle est soumise à de nombreuses contraintes techniques. Elle est facile et élevée pour l'emballage et le conditionnement ou pour les supports graphiques pour journaux et imprimés publicitaires (avec des taux d'incorporation supérieurs à 90 %) ; elle est plus réduite pour les papiers d'hygiène (moins de 30 %) et faible pour les autres papiers graphiques, notamment à usages bureautiques (10 à 15 % seulement). Le papier ou la pâte se transportent assez bien tandis que les produits intermédiaires ou finis doivent souvent être fabriqués localement. La production de papier est associée à ses utilisateurs, notamment l'industrie pour les emballages de ses produits finis. Pour cette raison, la filière souffre directement des difficultés économiques et de la désindustrialisation françaises. PUBLIÉ 5 Le redressement de la filière papetière en France appelle plusieurs séries de mesures. Certaines sont partagées avec l'ensemble de l'industrie française et n'ont donc pas été particulièrement approfondies par la mission : fiscalité, pesanteurs et délais administratifs, etc. Des réponses sont apportées par l'actuel « plan de relance et de réindustrialisation ». La filière doit exploiter tous les atouts dont elle dispose notamment l'existence d'une industrie ancienne, valorisant la ressource forestière nationale mais dont les usines sont dans bien des cas nonadaptées à l'emploi de fibres recyclées. Par ailleurs la mission conclut qu'il n'y a pas d'argument environnemental décisif qui justifie, aujourd'hui, toujours et partout, l'utilisation d'une fibre vierge ou d'une fibre recyclée, puisqu`à ce jour le processus à partir de fibres vierges est plutôt favorable à la lutte au changement climatique, alors que le processus à partir de fibres recyclées évite des pollutions et préserve davantage la biodiversité. A la lumière de ces éléments, la mission souligne le caractère potentiellement destructeur pour le tissu industriel de taux minima d'incorporation qui seraient fixés sans une analyse approfondie des coûts/bénéfices économiques et écologiques et sans une concertation préalable étroite avec l'ensemble des parties prenantes. En complément, le secteur de l'hygiène présente un potentiel qui ne pourra être valorisé que si les Français sont dans le même temps sensibilisés à l'intérêt d'utiliser davantage de papier recyclé. Les opérateurs industriels ont mis en avant l'importance des coûts de l'énergie pour leur production (de 10 à 30 % selon les périodes). Si les prix des marchés européens tendent à converger efficacement, certaines dispositions semblent susceptibles de créer de réelles distorsions de concurrence. Les réductions tarifaires autorisées pour compenser le mécanisme des quotas d'émission de dioxyde de carbone liés à la production d'électricité et, surtout, le soutien de la cogénération de haute performance utilisant du gaz fossile chez certains membres de l'Union européenne alors que cette technique n'est plus encouragée en France ont été évoqués. La mission a constaté l'absence d'analyse approfondie de ces questions par les administrations. Plusieurs mesures d'accompagnement spécifiques sont plus faciles à mettre en oeuvre : La filière a un grand besoin de recherche-développement pour surmonter les obstacles à des emplois accrus du papier, notamment pour les emballages alimentaires, ainsi que pour développer de nouveaux usages du papier et de la cellulose. La France fait partie des quelques pays disposant d'un lieu de recherche dédié, le Centre technique du papier à Grenoble, qui mériterait d'être mieux reconnu et aidé. La collecte et le tri des papiers à recycler souffre d'une qualité imparfaite que l'éco-organisme CITEO et les autres acteurs (collectivités, industriels, entreprises de l'économie sociale et solidaire...) doivent relever. De même, la collecte insuffisante des papiers à recycler de qualité supérieure (bureautique) semble pouvoir être accrue auprès des entreprises. Le mécanisme des éco-contributions doit aussi être développé pour concourir aux évolutions nécessaires d'éco-conception en vue de substituer ces matières au plastique et aussi faciliter la collecte, le tri puis le recyclage des papiers cartons. Enfin la mission a rencontré d'importantes difficultés pour analyser les flux de matières entre les différents secteurs et acteurs de la filière puisque certaines données étaient totalement incohérentes. Une structure pour répondre à ce problème doit donc être organisée ou confortée à partir de ce qui existe. PUBLIÉ 6 TABLE DES RECOMMANDATIONS L'ordre dans lequel sont récapitulées ci-dessous les recommandations du rapport ne correspond pas à une hiérarchisation de leur importance mais simplement à leur ordre d'apparition au fil des constats et analyses du rapport. Recommandation n° 1. Ne pas concevoir les politiques relatives à la filière du papier et du carton sur le seul caractère recyclé ou non des fibres mises en oeuvre, puisque son impact environnemental n'est pas à ce jour discriminant. (MTE, MEFR)....................................................................................... 28 Réexaminer la suppression du soutien à la cogénération d'électricité et de chaleur à partir de gaz naturel pour les industries papetières avec le souci de trouver le bon équilibre entre une politique énergétique volontariste et la capacité d'adaptation de l'outil industriel français. (MEFR, MTE)....................................................................................... 36 Utiliser toutes les possibilités du plan de relance de 2020 pour soutenir la filière papetière, en s'appuyant notamment sur : les aides à la réindustrialisation, les contrats de plan avec les conseils régionaux, le soutien aux entreprises sociales et solidaires (pour la collecte), le plan de rénovation thermique des bâtiments, le développement des alternatives aux plastiques, etc. (MEFR) ............................................ 43 Revoir les barèmes de soutien aux collectivités et leur mode d'actualisation pour optimiser l'efficacité du recyclage par l'industrie papetière française. (DGPR, DGE) ...................................................... 46 Exiger de CITEO l'application ferme des barèmes associés aux standards de qualité avec des échéances temporelles précises. (DGPR) ............................................................................................................ 46 Recourir à l'éco-modulation pour inciter aux évolutions souhaitées, notamment encourager l'éco-conception, et suivre attentivement les principes retenus et leur transposition dans les barèmes des écocontributions. (DGPR) ........................................................................ 47 N'imposer des taux d'incorporation minimaux de fibres recyclées qu'après une étroite concertation avec l'ensemble des parties prenantes, une analyse approfondie des coûts/bénéfices Recommandation n° 2. Recommandation n° 3. Recommandation n° 4. Recommandation n° 5. Recommandation n° 6. Recommandation n° 7. PUBLIÉ 7 économiques et écologiques et, en dernier recours, si les autres outils incitatifs ont montré leur inefficacité (MTE et MEFR). ...................... 50 Recommandation n° 8. Sensibiliser les utilisateurs et les grands distributeurs de papiers graphiques et d'hygiène à l'intérêt environnemental et sanitaire d'utiliser des papiers moins blancs et si possible recyclés (MTE). ..... 51 Développer les soutiens au Centre technique du papier en lien avec les industriels concernés, si possible en y associant les opérateurs aval de la filière papetière, pour pouvoir répondre aux différents défis que pose l'accroissement de l'emploi des papiers et cartons à recycler dans les usages actuels ou nouveaux des fibres cellulosiques. Les fonds nécessaires à ces recherches pourraient être en partie apportés par CITEO. (DGPR, DGE)............................................................................ 52 Constituer une structure rassemblant, organisant et fiabilisant les données nécessaires au suivi du recyclage avec l'objectif de garantir leur cohérence (mise en marché, importation, exportation, des produit soumis à éco-contribution et des déchets qui en sont issus). (MTE, MEFR) ................................................................................................. 53 Recommandation n° 9. Recommandation n° 10. PUBLIÉ 8 INTRODUCTION La mission relative à l'évaluation de la situation et au soutien de la filière papier/carton et des capacités de recyclage a été demandée par une lettre des ministres compétents en annexe n° 1. La mission a commencé ses travaux au mois d'août 2020. La filière est composée de secteurs identifiés et différents tant dans leurs process que dans leurs sources d'approvisionnement : papiers d'emballages et cartons, papiers graphiques, papiers d'hygiène, papiers techniques. Ces secteurs connaissent des flux d'échanges import/export importants et tel est le cas aussi bien des produits finis que des papiers et cartons à recycler (PCR). Notre balance commerciale est déficitaire sur les produits finis, excédentaire pour les PCR. Cette dernière situation peut être fragile lors de la fermeture brutale d'un marché, comme récemment celui de la Chine. Par ailleurs, la production de PCR est « subie », au sens où elle est un « sous-produit » de la consommation des ménages et des entreprises en France. Les enjeux de l'économie circulaire du recyclage sont perçus depuis longtemps dans la filière, bien avant les initiatives les plus récentes comme la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire1 (dite loi AGEC) de février 2020. Le déplacement des incitations et des contraintes viendrait sur un terrain déjà très encadré ; des progrès sont possibles en termes de recyclage mais les industriels ont aussi souligné des risques d'effets pervers. Il y a, par ailleurs, selon les produits, des limites techniques au recyclage. La filière connaît une situation contrastée. Le déclin de la presse papier, du courrier et la numérisation des processus d'échanges entraînent un déclin irréversible du papier graphique. Inversement, le développement du e-commerce, l'augmentation (jusqu'à présent) des échanges mondiaux, les vertus écologiques du carton comparé au plastique ont induit la croissance du secteur du carton, particulièrement pour l'emballage. Le secteur de l'hygiène reste stable. Mais ces catégories de produits ne sont fabriquées ni par les mêmes entreprises, ni par les mêmes process, ni dans les mêmes usines. Les analyses et propositions de la mission portent sur des enjeux spécifiques à la filière, en particulier sur le développement de nouveaux usages et de nouveaux produits. Elle précise aussi que la filière souffre de handicaps communs à nombre de secteurs industriels comme le coût de l'énergie, le faible nombre d'entreprises familiales de taille intermédiaire (au profit de groupes internationaux au contrôle étranger), mais aussi de la faiblesse même de notre base industrielle : pour vendre davantage de cartons d'emballage, il faut qu'il y ait plus de produits fabriqués en France. 1 loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire ; legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000041553759 PUBLIÉ 9 La mission a été réalisée dans le contexte de l'état d'urgence sanitaire ; les visites de sites industriels ont été impossibles et la quasi-totalité des entretiens a été conduite en visio ou en audio-conférence. 1 UN SECTEUR INDUSTRIEL MAJEUR ET MONDIAL LIE AUX ACTIVITES DE RECYCLAGE 1.1 Eléments historiques et internationaux Essentiellement élaboré à partir de vieux tissus et cordages (chanvre, lin, etc.) jusqu'à la révolution industrielle, le papier engendrait une importante activité de récupération et de recyclage (les chiffonniers) ; laquelle était souvent le facteur limitant de la production. Au 19ème siècle, les procédés modernes d'obtention de pâte à partir de bois permirent, temporairement, le découplage entre la récupération/recyclage et la production avec une forte croissance de cette dernière. Graphique n° 1 consommation de papier en Europe ([2], p. 152) 2 Les nombres entre crochets « [xx] » renvoient aux références bibliographiques énumérées dans l'annexe n° 5. PUBLIÉ 10 Graphique n° 2 production de papier en Europe ([2], p. 15) Sur les cinquante dernières années l'augmentation de la consommation mondiale a été considérable passant d'environ 125 Mt en 1970 à 422 Mt en 2018. Toutefois, comme l'illustrent les graphiques n° 1 et 2 ci-dessus, la crise économique de 2008 a eu un impact majeur en Europe ; la consommation et la production s'y sont contractées de 10 à 15 % et stagnent depuis (après une augmentation de 50 % au cours des deux décennies précédentes). Une nouvelle réduction, apparue en 2019, a été aggravée par les conséquences de la crise sanitaire due au CoViD19. En 2017, une crise est apparue spécifiquement sur le recyclage du papier : la Chine était une grande utilisatrice de papiers cartons à recycler (PCR) indispensables à la fabrication des cartons nécessaires pour emballer sa production industrielle. Elle a soudainement arrêté ses importations, dans le cadre de mesures plus générales prises sur les importations de déchets, mettant en avant la mauvaise qualité du tri des PCR qu'elle recevait. Or la collecte, importante, dans les pays occidentaux développés et particulièrement en Europe impose de leur trouver des débouchés. En 2018 et 2019, les stocks de PCR se sont accumulés. Ce problème a particulièrement touché la France. 1.2 Une technique complexe et des acteurs très spécialisés3 1.2.1 Le cycle du papier La pâte est élaborée à partir de fibres issues de plantes ligneuses ou de déchets papetiers. Elle est transformée en papiers ou en cartons4, lesquels sont ensuite façonnés et utilisés avant d'être éventuellement jetés et récupérés (les papiers d'hygiène et de nombreux papiers spéciaux ne le sont 3 Des éléments complémentaires sont développés dans l'annexe 4. 4 Le carton est un papier au grammage plus élevé, pouvant être supérieur à 200 g/m2, parfois appelé « carton plat ». Le carton ondulé est réalisé par l'association de plusieurs feuilles de « papier pour ondulé » ou PPO. Le terme carton peut aussi recouvrir les emballages, parfois appelés « caisses ». PUBLIÉ 11 pas). Les PCR sont enfin triés par « sortes » pour être vendus aux fabricants de papier et réintroduits au début du cycle ou pour d'autres débouchés (ex : isolation de bâtiments). La part de papiers non récupérés, les pertes et la dégradation progressive des fibres cellulosiques constitutives des papiers et cartons rendent nécessaire d'ajouter des fibres vierges dans le cycle5. Lors du recyclage, le tri est impératif, d'une part pour éliminer les contaminants externes mais, d'autre part et surtout, parce que chaque type de PCR doit être utilisé préférentiellement ou exclusivement pour la production d'un ou quelques types de papier/carton. En 2019, le taux d'incorporation6 de PCR est de 71,3 % en France et de 54,5 % en Europe. Le taux de récupération7, souvent cité, est plus élevé : 79,2 % en France, 72 % en Europe en 2019 ; en 2005, il était d'environ 62 % pour la France et l'Europe, de 43 % dans le monde ([1], p. 21, [2], p. 21 et 23 et [5], p. 66). 1.2.2 Les acteurs industriels et les types de papiers/cartons 1.2.2.1 Des produits très techniques Quatre familles de papiers sont distinguées, par ordre d'importance quantitative : les papiers cartons pour emballage et conditionnement (papier pour ondulé - PPO -, cartons plats, papiers souples d'emballage), en expansion ; les papiers graphiques (pour l'impression de journaux, revues, magazines, prospectus, livres, les usages bureautiques, etc.), en régression ; les papiers d'hygiène, en croissance faible ; les papiers spéciaux (papiers peints, abrasifs, fiduciaires, pour étiquettes, etc.). Les papiers reçoivent des usages très divers qui leur imposent des capacités de résistance (essentiellement liée à la longueur des fibres de cellulose), de densité, d'opacité et d'imprimabilité (apportées principalement par les charges, les adjuvants et les fibres courtes), d'absorption des liquides, d'imperméabilité, de non-contamination par des composés potentiellement toxiques (ou simplement colorants), etc. 1.2.2.2 La filière amont (pâtes et industries papetières stricto sensu8) Le papier est produit à partir d'une suspension aqueuse très diluée (de l'ordre de 98 à 99 % d'eau) de fibres de la pâte à papier dont plusieurs méthodes de production existent : Les procédés mécaniques, thermomécaniques ou « semi-chimiques » consistent à rapper le bois en éléments très fins pour en dissocier les fibres, leur part dans la production diminue. Le papier obtenu comporte de la lignine et vieillit mal (ce papier était autrefois majoritairement utilisé par les quotidiens). Le rendement à partir du bois est élevé, de 80 à 98.5 % ([5], p. 487). 5 6 7 Il est assez couramment admis qu'une fibre de cellulose peut être recyclée, en moyenne, cinq à sept fois. consommation de papiers et cartons à recycler / production de papiers et cartons (parfois appelé taux d'utilisation) récupération de papiers usagés / consommation de papiers et cartons (parfois appelé taux de recyclage), ce taux dépend fortement du dénominateur ou gisement. L'Ademe fait état de valeurs plus élevées : près de 88 % en 2017 ([8], p. 53). 8 Correspondant au périmètre de COPACEL PUBLIÉ 12 Les procédés chimiques cuisent le bois dans une solution basique à température élevée (entre 155 et 175 °C pendant plusieurs heures), ce qui permet de récupérer les fibres de cellulose en éliminant la lignine et les hémicelluloses ; la pâte doit encore être blanchie pour de nombreuses applications. La pâte issue de PCR est obtenue en les fragmentant et les dilacérant dans un pulpeur, en épurant la suspension des éléments indésirables et en procédant à un désencrage si nécessaire (opération assez complexe). Quelle qu'elle soit, la pâte peut être déshydratée (ce qui a un coût énergétique important mais moindre que celui de la cuisson) et mise en « balle » pour être transportée avant d'être remise en suspension sur un site de production papetière (pâte dite « marchande »). Dans la machine à papier, installation longue de plusieurs dizaines de mètres, voire plus de cent, la suspension précitée est étalée ou pulvérisée sur des bandes de tissus ou « feutres », égouttée, pressée et enfin séchée sur des cylindres chauffés ; cette dernière phase est fortement consommatrice d'énergie9. Le papier est conditionné sous forme de bobines pesant plusieurs centaines de kilogrammes, voire quelques tonnes (cf. photographies p. 12). Vue partielle d'une unité de pâte chimique (International Paper, Saillat) lessiveur (International Paper, Saillat) pâte à papier (International Paper, Saillat- ) élément d'une machine à papier (Blue Paper, Strasbourg ) 9 Voir 1.3.2.2 et 2.2.1., l'annexe 4 apporte un éclairage plus spécifique sur les consommations de matières et d'énergie. PUBLIÉ 13 vue partielle d'une machine à papier (Blue Paper, Strasbourg) bobine-mère (Blue Paper, Strasbourg) Photographies communiquées par la COPACEL - crédit photo Adrien Daste PUBLIÉ 14 Les unités de production de pâte, comme les machines à papier, sont spécifiques pour un procédé ou pour un type de papier. Cette caractéristique explique la spécialisation stricte des établissements industriels et, parfois, de certains groupes. 1.2.2.3 La filière aval (façonnage et emballage) Les étapes ultérieures de valorisation du papier (hors bureautique) sont réalisées dans des établissements distincts des usines papetières. Ce sont des activités spécifiques, telles l'impression, ou qui conduisent à mettre en oeuvre des transformations, notamment pour la fabrication de carton ondulé qui consiste à coller une couche ondulée entre deux feuilles extérieures, chaque élément n'ayant pas nécessairement les mêmes caractéristiques de résistance, de perméabilité ou « d'imprimabilité ». Les dernières opérations, encore séparées, recouvrent la découpe et le pliage, éventuellement associé à de l'impression, pour confectionner les emballages (en cartons ondulé ou plat) avant leur remplissage. 1.2.2.4 Les activités de collecte et de tri La récupération après usage des papiers/cartons disséminés auprès de l'ensemble des agents économiques requiert d'organiser des circuits de collecte et de tri (qui peuvent être communs à d'autres produits et déchets). Les déchets de papier/carton n'ont de valeur significative que s'ils sont regroupés en lots propres et bien triés. Ils sont classés en de nombreuses catégories ou « sortes » définies par la norme européenne EN 64310 qui précise aussi les critères de sélection et les taux d'impuretés ou de contaminants acceptables.. En Europe en 2018, les flux représentaient environ 56 Mt collectés et 49 Mt y ont été valorisés11. L'essentiel (70% en France) de ces déchets sont récupérés directement auprès des industriels, des entreprises et des enseignes de grande distribution, ce qui limite leur souillure et permet souvent un pré-tri. Le reste (30% en France) est collecté auprès des ménages au travers du service public de gestion des déchets et transite au travers de nombreux centres de tri. 10 Il existe 95 sortes papetières. Les sortes ou groupements de sortes principaux (représentant individuellement environ 5 % ou plus de la production annuelle) sont ([7], p. 8) : - emballages commerciaux, ondulés et plats récupérés : 1.04, 1.05 et 5.02 ­ 51%, - papiers graphiques triés pour désencrage : 1.11 ­ 16%, - journaux et magazines mélangés : 1.09 (= anciennement 1.10, à distinguer du 1.11) ­ 5,4%, - papiers cartons mêlés : 1.02 et 5.01 ­ 5,2%, - papiers bureau et archives : 2.05, 2.06 et déclinaisons ­ 4,9%, - archives blanches sans bois : 3.05 à regrouper avec le 2.05, 2.06 ­ 4%, - chutes de production de caisserie (4.01) ­ 5,5%. 11 Les chiffres pour l'Europe sont approchés dans la présente note par les données de CEPI, confédération de l'industrie papetière européenne qui recouvre 18 pays (soit 16 pays de l'UE plus la Norvège et le Royaume-Uni) et dont les membres pèsent pour 92% de la production européenne (hors Russie), https://www.cepi.org/ et [2]. PUBLIÉ 15 En France, la masse totale collectée est d'environ 7 Mt12. La collecte auprès des entreprises traite 99% des sortes dites « supérieures », 85% des cartons, 38% des sortes à désencrer, et 23% des sortes mêlées (papiers et cartons). Les récupérateurs/trieurs, partie intégrante de la chaîne de valorisation/recyclage, sont de grands groupes, indépendants des groupes papetiers. Ils sont souvent multinationaux (Véolia, Suez, Paprec) ou des entreprises régionales de taille intermédiaire (ex. groupes Pizzorno ou Nicolin) ou des structures de l'économie sociale et solidaire. 1.2.3 Une répartition géographique des activités conditionnée par le transport La pâte à papier déshydratée ou les bobines de papiers voyagent facilement et font l'objet d'un commerce mondial. En revanche, le carton en plaques et surtout ondulé, en raison de sa faible masse volumique, est peu mobile car coûteux à déplacer ; enfin, les emballages façonnés sont réalisés sur leur lieu d'utilisation ou à proximité. Il est donc possible de délocaliser la production amont de pâte et de papier mais non les opérations de transformation et de façonnage. Le papier d'hygiène est fabriqué plutôt régionalement car son transport est onéreux en raison de sa faible masse volumique. Les opérations de collecte de PCR sont nécessairement locales ; les opérations de tri/regroupement peuvent être plus ou moins massifiées (plus en Allemagne13 par exemple qu'en France). Certaines sortes de PCR peuvent ne pas être valorisables localement par une usine en raison de contraintes techniques. Les sortes de qualité (ex : chutes d'imprimerie blanches) sont très prisées en France par les papetiers pour produire des papiers résistants et/ou sans contaminant. Elles peuvent donc parcourir de plus longues distances pour une intégration dans des produits qui le justifient plus. L'application du principe de proximité au sens de la réglementation des déchets14 doit tenir compte de ces meilleures valorisations possibles ; les opérateurs insistent pour dire que les coûts de transports la garantissent de facto. 1.3 Une industrie capitalistique et des marchés cloisonnés 1.3.1 Des marchés segmentés aux évolutions contrastées 1.3.1.1 Des évolutions lentes mais profondes Les marchés des quatre familles de produits papetiers n'évoluent pas de façon semblable. Dans les pays développés, le papier pour emballage est en augmentation, le papier graphique est en décroissance forte, les deux autres sont stables ou en croissance lente. En Europe, l'utilisation de bois tropicaux a augmenté sur les décennies précédentes tout en restant limitée (8,6% d'eucalyptus, importés sous forme de pâte essentiellement). 12 13 14 En diminution nette sur les trois dernières années 7 262 kt en 2017, 6 947 kt en 2018 et 6 736 kt en 2019 ([1], p. 21). L'Allemagne compte 80 centres de tri, alors que la France en compte 250. « organiser le transport des déchets et le limiter en distance et en volume », code de l'environnement, art.L-541-1, 4°. PUBLIÉ 16 Quelques données pour la France, quatorzième producteur mondial et quatrième européen avec 7,8 Mt et 5,7 G de production : (des compléments cartographiques sont apportés en annexe 6) 85 usines15 : 10 fabriquent de la pâte marchande 38 des papiers d'emballage et conditionnement 18 des papiers graphiques 16 des papiers d'hygiène 12 des papiers industriels et spéciaux Soit 12.000 emplois directs. dont 46 usines incorporent des papiers cartons recyclés : 1 de pâte marchande désencrée 4 de papiers graphiques 32 de papiers d'emballage et conditionnement 7 de papiers d'hygiène 2 de papiers industriels et spéciaux et 196 centres de tri de déchets ménagers16 et 300 entreprises de tri industriel 15 Chiffres COPACEL 2018, les valeurs 2019 traduisent une décroissance, notamment du personnel employé (11 000, soit ­ 8,3 %). Une même usine peut fabriquer plusieurs types de papier ou de la pâte et du papier (usines intégrées, 6). Trois usines produisent seulement de la pâte (non intégrées) dont WEPA à partir de PCR. Une usine produit de la pâte pour spécialités chimiques (« pâte à dissoudre). La carte ne reporte pas les usines de fibres vierges, il ne s'agit pas d'une carte figurant l'ensemble des sites français. 16 Source Citéo 2018 PUBLIÉ 17 En complément, il faut souligner, d'une part, une très forte disparité des consommations de papiers et cartons par habitant selon les pays (Belgique 293 kg/hab, 1er, Allemagne 246 kg/hab, 2nd, USA 215 kg/hab, 5ème, Suède 158 kg/hab, 16ème, France 130 kg/hab, 23ème, Norvège 114 kg/hab, 29ème en 2018), d'autre part, une très forte réduction de celles-ci au sein des pays les plus développés au cours des dix ou 15 dernières années (de l'ordre de 30 %), ([1], p. 28). 1.3.1.2 Des prix volatils tant pour les intrants que pour les produit finis Le marché des pâtes et des bobines de papier est mondial. L'existence de grosses capacités de production et les crises économiques engendrent périodiquement des tensions fortes et des restructurations industrielles plus ou moins importantes et brutales, conséquences des évolutions des marchés décrites au point précédent. Les évolutions de prix, retracées ci-après par les graphiques n° 3 à 6, traduisent ces tensions. Graphiques n° 3 et 4 : prix de la pâte marchande (NSBK : Northern Bleached Softwood Kraft), source COPACEL Graphique n° 5 : prix des papiers constitutifs du carton ondulé en France, source COPACEL PUBLIÉ 18 Graphique n° 6 : prix des papiers et cartons à recycler, source COPACEL (on note la stabilité de la « sorte supérieure », 3.17 : « rognures blanches », courbe en jaune)17 1.3.2 Une industrie de base A l'instar de celles de la chimie, de la sidérurgie ou de l'énergie, la filière papetière produit des biens intermédiaires et présente des caractéristiques comparables. 1.3.2.1 Un secteur très capitalistique Très technique et fabriqué le plus souvent de façon massive, le papier exige des installations de grandes dimensions, très spécialisées et onéreuses, qui sont de surcroît très difficilement ou nonconvertibles d'une production à une autre ou d'une matière première à une autre. Plusieurs responsables de sites ont indiqué que la construction d'une usine équivalente à celle dont ils sont responsables coûterait de l'ordre de 0.5 à 1 G (les usines intégrées, de pâte et papier, étant les plus onéreuses). Ils ont souligné que la fermeture d'un site était toujours une décision économique et financière difficile pour les actionnaires, prise parfois avec retard, mais procédant de l'arbitrage entre plusieurs sites industriels appartenant à un même groupe. A titre d'exemple, sur le site de Golbey, le groupe Norske Skog a annoncé récemment un projet de conversion d'une des deux machines à papier (d'une capacité actuelle de 235 000 tonnes de papier journal) pour produire 555 000 tonnes de papier et carton pour emballage 100 % recyclé fabriqués à partir de caisses en carton usagées. Non totalement confirmé, l'investissement serait de l'ordre de 250 M, il s'ajouterait à 160 M pour une nouvelle chaudière à biomasse et à 70 M pour une chaudière à combustibles solides de récupération (essentiellement des résidus plastiques extraits des papiers sur le site) pour un total de 480 M. Avec sa seconde machine, le site de Golbey conserverait une capacité de 330 000 tonnes de papier journal recyclé fabriqué à partir de « sortes » à désencrer, devenant le plus gros recycleur pour ce type de papier en France si l'absence de repreneur pour la Chapelle-Darblay était confirmée. 17 1.02 est une « sorte mêlée » ; 1.04 et 1.05 sont des « sortes kraftées » ou des caisses et cartons de récupération ; 1.11 est la principale « sorte à désencrer » (papiers graphiques triés pour désencrage, soit beaucoup de journaux et magazines, issus du tri des collectes ménagères, environ 1Mt/an en 2018) ; 2.05, 2.06 et 3.17 sont des « sortes supérieures ». PUBLIÉ 19 1.3.2.2 Une technologie énergético-intensive18 La production de papier requiert d'importantes quantités d'énergie, sous forme de chaleur principalement mais aussi de travail (électricité). Suivant les procédés utilisés et les types de produits, le besoin d'énergie pour fabriquer une tonne de papier à partir de pâte marchande ou de PCR varie, sauf exceptions, de 4 à 10 GJ de chaleur et de 0,4 à 1,5 MWh d'électricité (annexe 4, tableau n° 3, p. 69). Les papiers pour emballage sont les moins consommateurs au contraire des papiers d'hygiène (avec différentes méthodes de séchage plus ou moins énergivores) ou des papiers spéciaux dont la pâte exige parfois un raffinage très intense (papiers calques ou sulfurisés par exemple), jusqu'à 5,6 MWh/t, ([5], p. 694). Ce besoin énergétique peut aller du double au triple (10 à 22 GJ/t), en chaleur, pour une tonne de papier à partir de bois (annexe 4, tableau n° 4, p. 70) mais l'incinération des déchets (écorces, liqueurs de cuisson) peut alors fournir jusqu'à 90-95 % de ce besoin en électricité et en chaleur, en recourant à des unités de cogénération. Au-delà des besoins simultanés d'énergie calorifique et mécanique, à la différence de nombreuses industries (métallurgie, verrerie, certaines branches chimiques, cimenteries, etc.), les températures requises ne sont pas très élevées, ce qui permet d'utiliser des combustibles à faible pouvoir calorifique. Les besoins énergétiques sous forme de travail et de chaleur sont souvent très bien adaptés à des installations de production d'énergie par cogénération, pouvant utiliser de la biomasse, des déchets ou des combustibles fossiles. 1.3.2.3 Une concentration ancienne et vraisemblablement non achevée Depuis vingt à trente ans, la filière papetière a connu de nombreuses opérations de fusions et d'acquisitions confortant de grands groupes, souvent nord-américains ou scandinaves (en raison des ressources forestières abondantes de ces régions). Cette phase de concentration, vraisemblablement non-achevée, a conduit à une délocalisation des centres de décision d'investissement, particulièrement ressentie dans certains pays dont la France. Une autre concentration, intra-filière, de l'amont sur l'aval a été évoquée par quelques acteurs. Beaucoup moins avancée, elle consiste pour certains groupes spécialisés dans l'emballage à prendre le contrôle de cartonneries (où est fabriqué le carton ondulé en assemblant plusieurs feuilles de papier), voire de façonneurs d'emballage. En période de crise économique, la gestion de ces groupes est plus simple et la pression concurrentielle sur les cartonneries et façonneurs indépendants renforcée. 18 Voir pour plus de précisions l'annexe 4. PUBLIÉ 20 2 UNE ACTIVITE INTEGREE DANS L'ECONOMIE CIRCULAIRE ET LA TRANSITION ECOLOGIQUE 2.1 Un niveau d'incorporation de matière recyclée important mais soumis à de nombreuses contraintes Le papier-carton est, comme le verre et les métaux ferreux, un matériau pour lequel le taux d'incorporation de matière issue de la collecte des déchets est élevé. Rapporté à la production de papier-carton19, il s'élevait en France à 68,6% en 2018 et 71.3 % en 2019 ( [1], p. 21). Cependant, le type de produit fini est un déterminant essentiel du taux d'incorporation de PCR, avec des segments sur lesquels le taux est très élevé et d'autres sur lesquels il est faible comme le montre le tableau n° 1. Tableau n° 1 : taux d'incorporation de papier-carton à recycler en Europe en 201920 Europe Usages graphiques papier journal autres Emballage et conditionnement papier pour ondulé cartons papiers d'emballage souple et autres Papiers d'hygiène Autres 27,3% 93,0% 13,1% 75,0% 93,7% 35,0% 54,2% 37,7% 37,0% ([2], p. 21) 19 Cette définition du taux d'incorporation qui rapporte un tonnage d'intrant à un tonnage de sortant peut théoriquement conduire à un résultat supérieur à 100% compte tenu des pertes de matière dans le processus de transformation, lesquelles sont faibles pour le papier pour ondulé, 10 %, mais importantes pour ceux d'hygiène, 30 à 50 %, (cf. annexe 4, p. 71). 20 Données CEPI couvrant 92% de la production européenne (hors Russie), cf. note n° 11 p. 13 ; le taux d'incorporation est le rapport entre le tonnage de PCR incorporés et la production de papier-carton. PUBLIÉ 21 Même s'ils peuvent être impactés par des conditions d'accès à la ressource forestière, variables au sein de l'Europe (cf. infra), ces taux d'incorporation différenciés peuvent aussi s'expliquer par : les exigences relatives aux propriétés mécaniques, faibles pour le papier journal ou les imprimés publicitaires, mais plus élevées pour le papier bureautique (éviter le bourrage) et l'édition, fortes pour les cartons et très élevées pour certains emballages (sacs pour le ciment par exemple) ; les attentes en termes de blancheur en France, qui pèsent en particulier sur le taux d'incorporation des papiers graphiques autres que le papier journal (bureautique, édition) et les papiers d'hygiène dans la mesure où les PCR blancs sont en faible quantité et où les opérations de désencrage, outre leur coût, ont une portée nécessairement limitée ; les normes de contact alimentaire, en particulier pour les cartons, ou les standards relatifs aux papiers d'hygiène. les teneurs en charges et additifs qui sont éliminées lors du recyclage et qui accroissent les taux d'incorporation21. - - Ces facteurs et contraintes expliquent également les difficultés à recycler un déchet d'un type de papier dans un autre. Comme l'illustre le graphique n° 7, les cartons sont essentiellement recyclés dans des cartons, sans autre possibilité ; de même, les papiers d'impression pour journaux, revues et magazines le sont dans ces mêmes papiers. Seuls les déchets de qualité, ou « sortes » supérieures (chutes d'imprimerie, papiers de bureau, etc.) peuvent être facilement introduits dans plusieurs types de productions. La situation européenne est représentative de celle de la France ([1], p. 23). 21 Cet effet est paradoxalement inversement corrélé aux taux d'incorporation observés, faible ou nul pour les papiers pour emballage et élevé pour les papiers d'hygiène (pour ces derniers, sans charges importantes, sauf des résines de renforcement à l'état humide, le taux final de fibre recyclées sur l'ensemble des fibres peut être très faible, cf. annexe 4, p. 71). PUBLIÉ 22 Graphique n° 7, niveau d'incorporation de papier-cartons recyclés suivant les produits ([2], p. 22) L'analyse de l'évolution dans le temps des taux d'incorporation (cf. tableau n° 2 : évolution du taux d'incorporation en Europe22) met en évidence une certaine stabilité dans les usages graphiques et le papier pour ondulé (PPO), mais une baisse pour les cartons et les papiers d'hygiène. Cette baisse s'explique vraisemblablement par le renforcement des normes ou des exigences relatives au contact alimentaire23 ou humain. Les statistiques antérieures à l'an 200024 montrent un taux moyen d'incorporation plus faible (le recyclage des papiers et des cartons était moins développé) mais des taux substantiellement différents. Les interlocuteurs de la mission n'ont pas pu identifier d'explication à ces diminutions fortes pour les papiers d'hygiène et les cartons, des incertitudes de nomenclature pouvant y contribuer au moins partiellement. 22 23 cf. note n° 11 p. 13. Ainsi, les enquêtes réalisées par la DGCCRF en 2017 (cf. Bilan de tâche nationale - Plan de surveillance de la contamination des denrées alimentaires et, le cas échéant de leur conditionnement, par des hydrocarbures d'huiles minérales, DGCCRF, novembre 2018) ont mis en évidence qu' « une teneur élevée en hydrocarbures d'huiles minérales (MOH) dans la denrée alimentaire est fortement liée à l'utilisation de fibres recyclées dans les emballages associés » et que « la majorité des opérateurs contrôlés a remplacé ou procède au remplacement des emballages en carton fabriqués à partir de fibres recyclées par des emballages en carton fabriqués à partir de fibres vierges ou par d'autres types d'emballages, en plastique par exemple, dès lors qu'ils sont directement en contact avec la denrée alimentaire ». 24 1996 ou 1997 a priori. PUBLIÉ 23 Les taux moyens d'incorporation en Europe sont passés d'environ 45 % avant l'an 2000 à 55 % en 2019 (cf. 1.2.1., p. 10). Tableau n° 2 : évolution du taux d'incorporation en Europe 25 Avant 2000 Usages graphiques papier journal autres Emballage et conditionnement papier pour ondulé cartons papiers d'emballage souple et autres Papiers d'hygiène Autres n.d. 49 % n.d. n.d. 85,9 % 52 % n.d. 66,9 % n.d. 2011 28,6% 91,3% 10,3% 76,4% 94,7% 42,8% 53,3% 47,4% 38,3% 2019 27,3% 93,0% 13,1% 75,0% 93,7% 35,0% 54,2% 37,7% 37,0% Par ailleurs, il est nécessaire d'incorporer une quantité minimale de fibres vierges, d'une part pour compenser les pertes de matière, d'autre part pour conforter les propriétés mécaniques des papiers fabriqués à partir de PCR. C'est ainsi que l'incorporation de PCR dans le papier hygiénique nécessite d'intégrer du papier bureautique riche en fibres vierges. Le niveau d'incorporation dans une zone géographique donnée dépend aussi souvent des conditions dans lesquelles les matières premières essentielles que sont le bois ou les PCR y sont disponibles, éventuellement importées. Ainsi, la présence d'importantes forêts conduit les pays scandinaves à privilégier l'utilisation de fibres vierges. A contrario, l'Allemagne, qui pèse pour plus du quart du périmètre CEPI6, incorpore 17,2 Mt de PCR ; viennent ensuite la France (5,4 Mt), l'Italie (5,1 Mt) et l'Espagne (4,9Mt), ([12], données CEPI). En complément, des variations fortes reposent sur les pratiques industrielles et de consommation, comme le montrent les taux d'incorporation de PCR pour les papiers d'hygiène et ménagers (tableau n° 3) rapportés par le CEPI. Ces statistiques doivent néanmoins être prises avec un peu de prudence car la caractérisation des sortes papetières peut être interprétée différemment selon les pays. Tableau n° 3 : incorporation26 de PCR pour les papiers d'hygiène et ménagers dans plusieurs pays ([15]) 25 26 Source : CEPI, [2], p. 21, et [4], p. 29 (utilisant a priori des données du CEPI). Les valeurs ne sont pas totalement cohérentes avec celles de COPACEL qui donne un taux d'incorporation de 34.1 % pour les papiers d'hygiène ([1], p. 23), a priori pour des raisons de périmètres différents (cf. papiers ménagers). Le tableau est reconstruit par la mission. PUBLIÉ 24 sortes mêlées sortes kraftées et assimilées autres journaux et (sortes magazines supérieures ) utilisation totale part dans l'emploi de PCR production totale taux d'incorpora taux tion27 pour d'incorpora les papiers tion moyen d'hygiène pour tous et papiers ménagers % 43.1 50.9 7.6 134.0 18.8 59.9 49.7 % 71.3 77.7 56.8 89.1 80.0 11.3 80.7 kt France Allemagne Italie Pays-Bas Espagne Suède RoyaumeUni 18 71 0 53 0 13 14 kt 0 3 0 0 5 3 3 kt 24 16 15 3 7 111 0 kt 310 672 105 70 135 86 362 kt 352 762 120 126 146 214 379 % 6.7 4.4 2.4 4.9 2.8 19.7 12.2 kt 817 1498 1570 94 777 356 762 2.2 Un impact environnemental sans discrimination évidente à ce jour en faveur des fibres vierges ou recyclées Fibres vierges et recyclées sont toutes deux des matières issues de la biomasse et donc renouvelables, à la différence de la quasi-totalité des plastiques par exemple. Toutefois, l'impact environnemental de la filière papetière est important, même s'il a fortement diminué depuis 30 ans comme le montre le graphique n° 8. Cet impact, et notamment le volume des émissions de gaz à effet de serre, varie très sensiblement selon les critères retenus et surtout les technologies mises en oeuvre et donc les sites industriels. 27 Le taux d'incorporation est le rapport entre la quantité de papiers à recycler utilisée et la quantité de papier produite. En raison des pertes, notamment dues aux charges minérales éliminées des PCR, ce taux peut être supérieur à 100%, comme dans le cas des Pays-Bas. PUBLIÉ 25 Graphique n° 8 évolution des impacts environnementaux, source CEPI ([2], p. 28) Les « documents de référence sur les meilleures techniques disponibles » de la Commission européenne encore appelés BREF ([4] et [5])28 permettent de comparer l'impact des différentes technologies, avec fibres vierges (processus kraft, bisulfites, thermo-chimio-mécaniques) et avec fibres recyclées (avec ou sans désencrage). 2.2.1 Consommation d'énergie29 De façon générale, le processus à partir de PCR consomme approximativement de deux à trois fois moins d'énergie que le processus à partir de bois (absence de hachage, de cuisson du bois). Mais un point essentiel est que la production de pâte à papier chimique à partir de bois permet de produire de l'énergie si les sous-produits (écorces, lignine et hémicelluloses récupérées dans les liqueurs de cuisson) sont incinérés (approximativement un excédent de 5 GJ de chaleur et 0 à 0.2 MWh d'électricité pour une tonne de pâte, annexe 4, tableau n° 2, p. 67). Les usines intégrées (produisant de la pâte issue de fibres vierges et du papier) valorisent cet excédent pour les étapes ultérieures du process industriel. La production de papier utilise une énergie variable 28 BREF 2015 de la Commission européenne sur l'industrie papetière (Best available technique REFerence). Ce type de document liste les meilleures techniques disponibles (MTD) par secteurs industriels. Ces données, bien qu'un peu anciennes, sont utilisées, d'une part, parce que les meilleures techniques des années 1990 ­ 2010 doivent être assez répandues aujourd'hui, d'autre part, parce que la mission n'a pas pu en recueillir d'autres plus représentatives. 29 Ce point est plus particulièrement étudié dans l'annexe 4. PUBLIÉ 26 selon le type de papier (6-6,5 GJ et 0,7-0,8 MWh pour du papier pour ondulé, 7-12 GJ et 1,2-1,4 MWh pour du papier d'hygiène30 issus de papiers à recycler, annexe 4, tableau n° 3, p. 69). 2.2.2 Émissions de gaz à effet de serre Les industriels ou les « BREF » ([4] et [5]) font état d'usines intégrées de papier à partir de bois autosuffisantes à 90 voire 95 % en énergie (chaleur et électricité par cogénération) grâce à la valorisation énergétique des sous-produits d'origine végétale. Des compléments issus de l'exploitation forestière (souches, houppiers, etc.) peuvent être introduits pour atteindre 100 % d'énergies renouvelables. Dès lors, les émissions de gaz à effet de serre d'origine fossile sont très réduites31. En France, sur les dix usines de fabrication de pâte vierge, six sont intégrées. En Europe, les deux tiers de la pâte produite sont utilisés dans des usines intégrées, 60 % de l'énergie est issue de la biomasse (53 % en 2008 et moins de 50% en 2000) et 40% d'énergie fossile ; en France c'est l'inverse. Les émissions européennes de dioxyde de carbone sont passées de 0,54 t CO2/t à 0,30 t CO2/t entre 1991 et 2018, ([2], p. 26 et 27, [5], p. 16 et 29). A contrario, la production de papier à partir de PCR ne bénéficie pas de l'énergie inéluctablement produite (énergie fatale) pour l'étape du séchage, laquelle est souvent apportée par du gaz fossile. Cet argument est toutefois soumis à deux conditions : d'une part, la ou les machines à papier doivent être intégrées à l'usine de production de pâte vierge car, si celle-ci est déshydratée pour être expédiée, l'avantage est perdu, la fabrication s'apparentant alors à celle d'un papier issu de fibres recyclées ; d'autre part et aujourd'hui, les papeteries travaillant à partir de fibres recyclées n'utilisent pas en général d'énergies renouvelables. En France, la première condition n'est pas remplie pour plus de la moitié de la production de papier-carton à partir de pâte vierge. 2.2.3 Pollutions diffuses (solides, liquides, gazeuses) Les papèteries à partir de fibres vierges et recyclées sont des sources de pollutions aquatiques. Les usines de fibres vierges disposent de leurs propres stations d'épuration, mais rejettent quand même des substances organiques qui absorbent l'oxygène du milieu aquatique, des substances nutritives (azote, phosphore) qui peuvent provoquer une eutrophisation et des effluents toxiques, parfois organochlorés, en cas de blanchiment. L'usage de fibres recyclées exige aussi une épuration spécifique des effluents mais présente sur d'assez nombreux critères un impact plus faible que l'usage de fibres vierges (division par 2 ou 4 suivant les technologies). L'usage de papiers cartons recyclés engendre des déchets solides qui peuvent être incinérés. Les cendres produites peuvent être utilisées dans les produits de construction. Les émissions gazeuses varient avec les types de combustible (biologique renouvelable ou fossile), les températures de combustion, etc. ([4] et [5]). 30 Voire beaucoup plus en fonction du processus de séchage qui est essentiel pour conférer des qualités de douceur et d'absorption, notamment le procédé TAD (through air drying) pourrait doubler les consommations d'énergie mais doubler les qualités recherchées. 31 Les émissions de dioxyde de carbone lors de la combustion sont compensées par la capture de la même quantité lors de la croissance des végétaux qui remplacent ceux qui ont été utilisés et incinérés. PUBLIÉ 27 2.2.4 Consommation d'eau « fraîche » La consommation d'eau claire est trois à quatre fois plus importante avec les fibres naturelles qu'avec les fibres recyclées (même si l'intégration des eaux de refroidissement peut fausser le décompte). Cette eau peut être prélevée dans les eaux de surface ou plus rarement dans les nappes phréatiques et fait l'objet de très importants recyclages au cours du processus. Certaines usines en Europe affichent l'emploi de circuits fermés ; toutefois, les pertes inéluctables (dont l'évaporation d'environ 1,5 m3/t de papier) conduisent à une demande résiduelle de l'ordre de 4 m3/t). Certains types de papiers exigent plus d'eau pour leur fabrication, notamment les papiers d'hygiène qui requièrent des rinçages plus fréquents et intenses des composants de la machine à papier ([4] et [5]). 2.2.5 Protection des espaces naturels et de la biodiversité L'usage de fibres recyclées est favorable à la protection des forêts primaires et à la biodiversité. La production de fibres vierges peut toutefois s'intégrer dans l'exploitation contrôlée d'une ressource renouvelable, si les bois sont issus de forêts gérées de façon durable et si elle n'induit pas de surexploitation. De plus, s'il s'agit de bois d'éclaircies, cas fréquent en France, ces derniers peuvent servir à produire des panneaux de particules, des panneaux isolants, du papier ou de la biomasse à finalité énergétique ; ils peuvent participer à une bonne gestion sylvicole. En revanche, si les fibres sont issues de forêts ou de taillis mono-spécifiques à rotations rapides marqués par des coupes à blanc (cas de certaines cultures d'Eucalyptus), l'impact sera négatif. 2.2.6 La hiérarchie de traitement des déchets En Europe et en France, le traitement des déchets doit privilégier le recyclage à la valorisation énergétique et bien sûr à la mise en décharge. Une inversion technique ou locale de ces choix doit être dûment justifiée, notamment sur la base d'analyses de cycle de vie. Par ailleurs, le respect des objectifs européens de recyclage32 est une obligation qui s'impose à la France. 32 Toutefois, ces objectifs sont fixés par la directive 2008/98/CE du 19 novembre 2008, modifiée par la directive 2018/851/UE du 30 mai 2018, de façon assez générale : « a) d'ici 2020, la préparation en vue du réemploi et le recyclage des déchets tels que, au moins, le papier, le métal, le plastique et le verre contenus dans les déchets ménagers et, éventuellement, dans les déchets d'autres origines pour autant que ces flux de déchets soient assimilés aux déchets ménagers, passent à un minimum de 50 % en poids global ; b) ... c) d'ici 2025, ... à un minimum de 55 % en poids ; d) d'ici 2030, ... à un minimum de 60 % en poids ; e) d'ici 2035, ... à un minimum de 65 % en poids ». PUBLIÉ 28 A la lumière de cette analyse, il n'y a pas d'argument environnemental décisif qui justifie, toujours et partout, l'utilisation d'une fibre ou d'une autre. Recommandation n° 1. Ne pas concevoir les politiques relatives à la filière du papier et du carton sur le seul caractère recyclé ou non des fibres mises en oeuvre, puisque son impact environnemental n'est pas à ce jour discriminant. (MTE, MEFR33) 2.3 Une filière d'avenir appelant davantage de recherche Le papier/carton a développé de nombreux usages au cours du temps ; il est probable que cette tendance puisse se poursuivre. Le papier/carton apparaît déjà comme un substitut à des usages du plastique ; qui plus est, la volonté de réduire puis de supprimer le plastique à usage unique est une opportunité évidente pour le secteur papetier. Des emballages agroalimentaires, des barquettes pour les repas à emporter, de la vaisselle « jetable », des emballages de luxe, des éléments de calage moulés dans les emballages, etc. sont déjà développés. Ces applications pourraient être élargies avec des fibres de cellulose transformées ; ce qui relève de la chimie des bio-ressources végétales, secteur dans lequel les industries papetières sont parties prenantes depuis des décennies (production de cellulose sous forme de « pâte à dissoudre », de lignines, de tall oil34, d'essence de térébenthine, etc.). Ces pistes pourraient être une voie d'avenir et de rebond pour la filière papetière française, avec le recyclage associé, alors que les perspectives sur les marchés classiques sont plus sombres (surcapacités possibles en Europe, marchés aux évolutions incertaines). Il paraît utile de rappeler que plusieurs « matières plastiques anciennes » sont dérivées de la cellulose : cellophane (hydrate de cellulose), rhodoïd, rayonne, viscose (acétate de cellulose), vernis collodion et films, celluloïd (nitrate de cellulose ou nitrocellulose), notamment. De nombreuses recherches sont en cours et pourraient ouvrir des débouchés importants ; certaines sont en tests de production industrielle35, mais d'autres offrent des perspectives encore hypothétiques. Des problèmes techniques persistent et sont, semble-t-il, non facilement résolubles (les barrières aux fluides : gaz, eau, graisses et huiles, aux contaminants chimiques et biologiques, etc. paraissent difficiles à réaliser et surtout à maintenir dans le temps). La mousse de cellulose est également à l'étude pour remplacer le polystyrène dans les emballages. 33 34 ministère de la transition écologique, ministère de l'économie, des finances et de la relance. La Tall oil, huile de tall, ou encore tallolja (huile de pin) en suédois est un extrait de résine de conifères, sous-produit de la préparation de la pâte à papier par le procédé kraft, Cet extrait a diverses utilisations dans l'industrie chimique et parachimique (savons, lubrifiants, colles, vernis, peintures, ...), source : Wikipédia. 35 « bio-cup », un gobelet carton + couvercle carton intégrant la technologie de la chromatogénie ; films de routage alternatif en papier transparent thermoscellable, recyclable et compostable à domicile (Citéo, 2020). La chromatogénie est une modification chimique reposant sur la greffe de radicaux acides sur une petite partie des fibres de cellulose, ce qui change les caractéristiques du papier obtenu avec les fibres transformées. PUBLIÉ 29 L'effort de recherche-développement et d'innovation reste modeste en France pour plusieurs raisons, alors qu'il est entrepris avec des moyens a priori importants par les grands groupes papetiers étrangers. Les interlocuteurs de la mission ont évoqué : l'absence de grand groupe industriel français, un tissu économique essentiellement constitué de PME et de quelques ETI aux moyens humains et financiers insuffisants, enfin un centre technique industriel dont le financement est assuré par les seules industries amont (les papèteries et non les transformateurs) et par l'éco-organisme de la filière. PUBLIÉ 30 3 LES DIFFICULTES DE LA FILIERE PAPETIERE EN FRANCE, NOMBREUSES ET ANCIENNES, IMPACTENT LES QUANTITES RECYCLEES EN FRANCE 3.1 Une industrie française en déclin Le graphique n° 9, évolution de la production et de la consommation de papiers et cartons en France depuis 2000, illustre la baisse de la production de papiers et cartons en France depuis cette date, au moins, avec une réduction des volumes particulièrement marquée sur les usages graphiques. Cette diminution accompagne la baisse de la consommation. Mais le graphique met également en évidence un déficit de la balance commerciale, mesuré par l'écart entre la consommation et la production, important pour ces produits. Celui-ci préexistait en 2000. En 2018, le déficit en valeur était de 615 M, à comparer à un chiffre d'affaires du secteur de 5 729 M. Graphique 9 : évolution de la production et de la consommation de papiers et cartons en France depuis 2000 (source : COPACEL) Cette évolution défavorable de la production en France n'est pas observée dans le reste de l'Europe. Certes, la production européenne est stable ou en faible décroissance depuis une dizaine d'années après la crise de 2008 (graphiques n° 1 et 2, p. 9) mais, jusqu'à celle-ci, l'évolution négative française contrastait à la forte croissance observée alors en Europe. Encore aujourd'hui, la production des membres de CEPI en 2019 (89,6 Mt) a été proche de celle 2000 (90,8 Mt), après avoir connu un pic à plus de 100 Mt en 2007. Et le solde de la balance commerciale européenne est un excédent qui s'est accru depuis 2000, en atteignant 14,7 Mt en 2019. Le graphique n° 10, illustre sous une autre forme le déclin de l'industrie papetière française, avec une évolution de la production à la baisse nettement plus marquée que ce qui a été observé au niveau européen, notamment en Allemagne et en Espagne. PUBLIÉ 31 graphique 10 : évolution de la production de papiers et cartons en Europe depuis 2010 (source : COPACEL) La baisse de production qu'a connue la France est concrètement passée par une succession d'annonces d'arrêt de machines et de fermetures de sites dans le secteur des papiers graphiques. En dernier lieu, le papetier finlandais UPM a fermé en juillet 2020 l'usine de Chapelle Darblay, qui avait une capacité de production de 240 000 t de papier journal à base de PCR, sans qu'un projet de reprise et de conversion à la production de cartons d'emballage ait pu à ce stade déboucher. Encore plus récemment le site de production de Fibre Excellence à Tarascon (Bouches-du-Rhône) a été placé en redressement judiciaire en septembre 2020. Symétriquement, des acteurs européens ont réalisé ou vont réaliser des augmentations de capacités significatives dans le secteur du papier pour ondulé mais ces investissements se font dans d'autres pays que la France, principalement l'Allemagne, l'Italie et la Turquie. Plus précisément, le tableau n° 4 ci-dessous communiqué par COPACEL permet de visualiser les évolutions de capacités annoncées en Europe pour les secteurs du PPO et de l'hygiène. Tableau n° 4 : investissements prévus à court terme en Europe36 et en Turquie capacités en kt papier ondulé pour total dont France hygiène total dont France 2021 2 650 2022 625 245 30 2023 765 555 n.d. n.d. Total 4 040 555 C'est ainsi que, sauf annonces de reports destinés à éviter d'accroître les surcapacités, de nouvelles machines de papier pour ondulés devaient démarrer durant l'année 2020 en Europe : BURGO en Italie, KIPAS en Turquie, HAMBURGER et PROGROUP en Allemagne et MONDI en Slovaquie. 36 Europe au sens du CEPI (cf. note n° 11, p. 13), ici UE et Royaume-Uni. PUBLIÉ 32 3.2 Un excédent de PCR important par rapport aux capacités de recyclage en France La situation de l'industrie papetière française conduit à ce qu'un volume important de PCR collectés et triés en France ne peut pas y être recyclé. Le solde des utilisations et de la collecte des PCR s'est ainsi élevé à 1,5 Mt en 2019 (après 1,6 Mt en 2018 et 1,9 Mt en 2017) à comparer à un total de 6,7 Mt collectés. La fermeture de l'usine de la Chapelle Darblay en 2020 risque de plus d'aggraver, au moins temporairement, ce phénomène, en réduisant encore les débouchés locaux pour les PCR français. Il faut par ailleurs souligner que cet excédent est ancien et donc structurel, et en légère décroissance depuis 10 ans, comme le montre le graphique n° 11. Graphique n° 11 source COPACEL ([1], p. 21) La mission a cherché à préciser les excédents par grandes catégories de « sortes papetières ». Sur la base de la décomposition habituellement utilisée par COPACEL et l'ADEME en 4 grandes familles37 de PCR, il ressort que l'excédent est essentiellement composé de 2 familles : les cartons de récupération et les papiers à désencrer, chacune représentant de l'ordre de 760 kt sur une année38. Les autres sortes (mêlées et supérieures) sont en faible quantité. 37 38 sortes mêlées, cartons de récupération (CCR), sortes à désencrer, sortes supérieures. Cet excédent national n'est pas irréductible localement. L'exemple de Triselec peut être cité ; ce centre de tri de la métropole lilloise vend en direct ses productions principalement à des papetiers de proximité et, fin 2019, a eu un stock nul, alors que l'excédent français était de 1,5 Mt. Des possibilités d'optimisation locale existent donc. PUBLIÉ 33 La mission souligne que dans cet exercice, elle a rencontré des difficultés pour affiner certains chiffres et surtout, pour les mettre en accord avec les chiffres du commerce extérieur. Ces difficultés sont détaillées au paragraphe 3.5 sur les données. En accord avec l'Ademe, la mission considère que seule la répartition agrégée de l'ensemble des sortes papetières est statistiquement fiable (production, consommation, exportation, importations, solde). 3.3 Des causes profondes qui dépassent la filière papetière et touchent l'attractivité industrielle de la France 3.3.1 Le coût de l'énergie D'après COPACEL la facture énergétique (coût de l'électricité et de la vapeur) représente 10 à 30 % des coûts de production de l'industrie des pâtes, papiers et cartons39. La fabrication de pâte à papier étant gourmande en énergie, l'enjeu pour les papetiers est naturellement d'en diminuer le coût. L'enjeu pour la puissance publique est d'éviter que les arbitrages que font les industriels sur la localisation des investissements en fonction des coûts de l'énergie se fassent au détriment du territoire national. Le coût de la fourniture d'électricité aux industriels papetiers est dépendant : 1. du prix de l'énergie qui lui-même dépend des prix du marché et du coût d'accès à l'électricité nucléaire, 2. du prix du transport et de la distribution de l'électricité, 3. ainsi que du poids de la fiscalité. Selon la direction générale de l'énergie et du climat, les prix de l'électricité ont tendance à s'harmoniser entre les pays européens (en particulier l'Allemagne, la France, la Belgique et les PaysBas) en raison du développement des interconnexions et des mécanismes de couplage ; cependant le prix moyen spot d'électricité français resterait légèrement supérieur à celui de l'Allemagne qui bénéficie du caractère très compétitif par rapport aux autres filières du coût de la production électrique à partir de charbon et de sa proximité géographique avec les zones qui en sont équipées (ex-Allemagne de l'Est, Pologne notamment). Cet écart serait faible depuis deux ans. En revanche, les industriels français bénéficient de l'ARENH (accès régulé à l'électricité nucléaire historique) qui leur permet de se fournir à un prix régulé à 42 euros du MWh lorsque les prix de marché s'élèvent au-dessus de ce niveau ; l'industrie papetière française est donc largement protégée de la volatilité des prix de marché. Les marchés du gaz sont a priori plus uniformes en Europe même si la France est un peu désavantagée par sa situation en extrémité des principaux gazoducs d'alimentation continentaux. Les différences de prix ne seraient donc pas un élément déterminant. En revanche, d'autres mécanismes et dispositions peuvent avoir un effet important, notamment pour l'électricité. 39 Des calculs élémentaires fondés sur les cours de l'énergie, du papier et les quantités d'énergie consommées (cf. graphique n° 5, p. 16 et annexe 4) confirment cette évaluation. PUBLIÉ 34 Les règles communautaires interdisent aux Etats membres d'accorder des aides portant sur le coût de l'électricité à leurs entreprises à deux exceptions près, dont bénéficient la plupart des entreprises papetières en France : des prélèvements réduits, en tant qu'entreprises « électro intensives » : réduction du tarif d'utilisation des réseaux publics d'électricité (TURPE) et exonération partielle de la contribution au service public de l'électricité (CSPE) selon leur typologie de consommation, une « compensation carbone » (« compensation des coûts indirects », introduite par la directive 2009/29/CE) en tant qu'entreprises considérées comme exposées à un risque concurrentiel significatif suite aux coûts des quotas de CO2 imputables au SEQE (Système communautaire d'échange de quotas d'émission ou ETS40) et répercutés sur les prix de l'électricité. A ce titre, la modification de la part prise en charge proportionnellement au taux de carbonation de l'électricité pourrait créer une situation, non totalement logique, de distorsion de concurrence au désavantage des entreprises implantées en France. Les prix peuvent être légalement fortement réduits si les industriels-consommateurs sont capables de suspendre tout ou l'essentiel de leur consommation en moins de trois secondes pour contribuer à effacer des pointes de consommation (cette possibilité « d'effacement » ne concerne actuellement que quelques sites, une vingtaine en France, surtout de production chimique ou d'aluminium et aucun de la filière papetière). Les industriels se préoccupent également de diminuer le coût de l'énergie consommée et ont pu : accroître le recours à la biomasse, améliorer leur efficacité énergétique, utiliser les dispositifs de soutien à la cogénération autorisés par la réglementation européenne. Sur les premier et deuxième points, les industriels ont diminué l'usage des combustibles fossiles au profit de la biomasse. En parallèle, les chaudières au charbon ou au fioul ont été souvent remplacées par des installations au gaz et les économies d'énergie accrues, par récupération et recyclage des calories notamment. Pour le troisième point, la cogénération consiste à produire de l'électricité et à récupérer la chaleur fatale41 . Les installations permettant cette production simultanée de chaleur et d'électricité sont plus complexes et onéreuses et exigent une valorisation de la chaleur (par une industrie, du chauffage urbain, etc.). Pour les encourager, parce qu'elles permettent de mieux valoriser les ressources énergétiques, les autorités européennes autorisent l'achat de l'électricité produite à un prix garanti supérieur au prix du marché : ainsi, un industriel peut produire de la chaleur par cogénération, vendre l'énergie électrique produite au prix garanti et la racheter au prix du marché. La différence permet un soutien tout à fait légal pour couvrir les coûts d'investissement et aussi de facto abaisser le coût de l'énergie. La cogénération peut utiliser des ressources fossiles, notamment le gaz qui permet de hautes performances, de la biomasse ou des combustibles solides de récupération. 40 41 Emission trading scheme. à la différence de nombreuses centrales thermiques, dont les centrales nucléaires. PUBLIÉ 35 S'agissant des cogénérations à gaz en France, qui sont très compétitives et faciles d'exploitation, elles ne pourront plus bénéficier de soutiens publics à compter du 23 février 2021, en application du décret n° 2020-1079 du 21/08/2020 supprimant l'éligibilité au complément de rémunération et à l'obligation d'achat pour les installations de cogénération d'électricité et de chaleur valorisée à partir de gaz naturel et d'un arrêté du 21 août 2020 pris en conformité avec la feuille de route de la politique énergétique pour 2019-2028 laquelle impose une diminution de la consommation de gaz naturel en France de l'ordre de 10 % en 2023 et de 22 % en 2028. Pour remplacer des chaudières à gaz et en vertu du décret n° 2020-1485 du 1er décembre 2020, les entreprises papetières pourront bénéficier d'une aide à l'investissement pour « l'installation d'équipements produisant de la chaleur bas carbone pour un usage industriel, à partir de biomasse ou de combustibles solides de récupération » ainsi que d'une aide au fonctionnement pour « exploiter des installations produisant de la chaleur à partir de biomasse ou de combustibles solides de récupération ». Plusieurs projets de production simultanée de chaleur et d'électricité (cogénération) à partir de biomasse ont été mis en oeuvre dans l'industrie papetière, permettant de réduire les coûts de l'énergie dans un contexte international de volatilité des prix des énergies fossiles et de diminuer aussi les émissions de CO2. Ces projets ont été soutenus par le Fonds Chaleur dans le cadre des appels à projets nationaux Biomasse Chaleur Industrie Agriculture Tertiaire (BCIAT) lancés depuis 2009 par l'ADEME. Ont notamment été lauréats du dernier appel à projets triennal lancé en février 2016 : FIBRE EXCELLENCE pour une production de 25 MW sur le site de SAINT GAUDENS, GASCOGNE PAPIER pour une production de 19,38 MW sur le site de MIMIZAN, RDM LA ROCHETTE pour une production de 8 MW sur le site de LA ROCHETTE, GREEN VALLEY pour une production de 25 MW sur le site de GOLBEY ; une autre installation utilisant des combustibles solides de récupération serait prévue en complément après 2023. Dans un marché de l'électricité libéralisé, la puissance publique française utilise des moyens dont elle dispose en accord avec la réglementation européenne pour assurer une certaine compétitivité électrique des sites industriels situés en France par rapport à la concurrence internationale et au premier chef la concurrence européenne. Toutefois, la France encourage uniquement la cogénération à partir de biomasse (qui seule garantit une totale décarbonation fossile de l'électricité) ou de combustibles solides de récupération (CSR) alors que d'autres pays comme l'Allemagne, l'Espagne ou la Belgique continueraient de soutenir la cogénération au gaz haute performance au moins jusqu'en 2028 ou 202942. Ceci engendre plusieurs observations : seuls les sites intégrés ou les sites de production de pâte à papier issue de fibres vierges disposent d'un potentiel de biomasse économiquement compétitif ; ils sont peu nombreux en France (9) et ils n'utilisent en général pas de fibres recyclées (sauf 2 dont 1 bois et PCR) ; il faut une taille d'établissement suffisante pour justifier une unité de cogénération (sauf pour le gaz) ; 42 En fait plus loin dans le temps car les soutiens garantissent un prix de rachat pendant une durée de l'ordre de vingt ans. Pour cette raison des installations anciennes de cogénération au gaz bénéficient encore de soutien en France. PUBLIÉ 36 les sites utilisant des combustibles solides de récupérations semblent très rares en France43 alors qu'ils paraissent plus nombreux en Allemagne où l'utilisation de ce type de combustible bénéficie d'un soutien (au moins réglementaire de facto) ancien44 ; la distorsion de concurrence pourrait être tout à fait conséquente pour les installations ne pouvant recourir qu'aux énergies fossiles (le gaz), c'est-à-dire essentiellement les usines utilisant des fibres recyclées (alors qu'on souhaiterait les encourager). Malgré ses demandes et d'une façon qu'elle considère surprenante, la mission n'a été en mesure, ni d'obtenir, ni de dresser un état chiffré documenté des coûts finaux de l'énergie supportés par l'industrie papetière française et par ses principaux concurrents européens (ce qui ne semble pas être propre à cette industrie et ne paraît pas préoccuper les administrations en charge de cette question). A la lumière des entretiens qu'elle a conduits, la mission considère que : Les conséquences économiques de la politique énergétique nationale sur la compétitivité industrielle semblent insuffisamment prises en compte et nécessiteraient d'être approfondies entre les administrations concernées. Recommandation n° 2. Réexaminer la suppression du soutien à la cogénération d'électricité et de chaleur à partir de gaz naturel pour les industries papetières avec le souci de trouver le bon équilibre entre une politique énergétique volontariste et la capacité d'adaptation de l'outil industriel français. (MEFR, MTE) Il s'agit de soutenir les entreprises existantes, économiquement viables, qui recyclent des fibres cellulosiques et qui émettent, relativement, peu de CO2 et surtout de ne pas les obliger à revoir subitement leur organisation ou leurs équilibres économiques avec le risque toujours possible d'une délocalisation d'usines dans des pays moins vertueux ; ce qui contribuerait paradoxalement à une dégradation du bilan environnemental au plan mondial. Il serait a priori logique d'étendre cette recommandation aux industries comparables aux entreprises papetières (avec des besoins simultanés de chaleur à basse température et d'électricité), par exemple dans le secteur de la chimie, mais la mission n'a pas étudié ce point. En complément, la possibilité de soutenir plus intensément des installations au gaz haute performance ou celles utilisant une part substantielle de biogaz ou d'hydrogène « renouvelable », permettrait d'accélérer la transition énergétique française. 43 44 L'utilisation et la valorisation des CSR n'ont pas été particulièrement mises en avant par les interlocuteurs de la mission. L'interdiction de l'enfouissement, l'absence ou l'inefficacité de la planification de la gestion des déchets, la concurrence interentreprises et les différences de régulation entre les länder, semble avoir facilité l'apparition de cette situation (sans implication directe de politiques nationale et régionales), [6]. PUBLIÉ 37 3.3.2 Le déplacement du centre de gravité de l'économie européenne La consommation de papiers cartons est fortement corrélée au dynamisme de l'économie et plus précisément de l'activité de production de biens et services. Or la France et plus généralement l'Europe de l'Ouest (à l'exception de l'Allemagne) sont marquées par une désindustrialisation au bénéfice de l'Asie et de l'Europe de l'Est. S'agissant de l'industrie agroalimentaire, grosse consommatrice d'emballages, les exportations françaises vers l'Union européenne se réduisent, en raison d'un déficit de compétitivité ; pour la première fois depuis plusieurs décennies, la balance commerciale agroalimentaire française avec les pays européens a été négative en 2018. Cette évolution a des effets significatifs sur la localisation des sites de production de papiers-cartons. C'est en particulier le cas pour les sites de fabrication de cartonnages qui doivent être proches des clients utilisateurs des caisses, en raison du coût de transport. 3.3.3 Les obstacles aux investissements et à la croissance des entreprises Le maintien et à plus forte raison le développement de l'industrie papetière en France se heurtent aux mêmes obstacles que les autres industries, notamment à une fiscalité et à une réglementation plus lourdes que dans la plupart des autres pays européens et au handicap que constitue la faiblesse du tissu des entreprises de taille intermédiaire (ETI). Le premier obstacle est le poids de la fiscalité : La fiscalité de production est un élément majeur de distorsion de concurrence entre la France et les pays de la zone euro. En France, les impôts de production représentent 3 % du PIB, soit 75 milliards d'euros par an, c'est deux fois plus que la moyenne européenne mais leur réduction devrait être engagée désormais. Le taux de contribution économique territoriale qui est une sorte de taxe foncière est particulièrement en cause. La fiscalité environnementale peut être parfois pénalisante sans être incitative. C'est le cas de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) déchets lorsqu'elle pèse sur la filière dans son dernier maillon en taxant les déchets ultimes qui partent en centre d'enfouissement, souvent sans aucune possibilité de valorisation économiquement soutenable. L'impôt est perçu alors comme un coût supplémentaire sans aucun effet comportemental. Le deuxième obstacle est, selon les industriels, la complexité et la lenteur de la mise en oeuvre de la réglementation qui allongerait, d'environ deux ans, les délais d'instruction des dossiers et découragerait des investissements. Enfin, le développement en France, à l'aval de la filière, d'ETI positionnées sur des marchés de niche à forte valeur ajoutée et reposant sur des processus innovants bute sur la relative faiblesse du capitalisme familial et la relative absence d'investisseurs prêts à prendre des risques par rapport à des pays comme l'Allemagne et à un degré moindre l'Italie. Cet obstacle est d'autant plus important que les investissements à consentir sont d'un montant unitaire élevé, de l'ordre de plusieurs dizaines de millions d'euros, et que les perspectives d'évolution des marchés ne sont pas évidentes. PUBLIÉ 38 3.3.4 Un contrôle majoritairement étranger et l'absence de grands investisseurs nationaux Le tissu industriel papetier en France est caractérisé par la coexistence de grandes entreprises dans la production et d'une majorité de PME dans la transformation. La plupart des sites français sont détenus par des groupes étrangers internationaux tels que International Paper (Etats Unis), Smurfit Kappa (Irlande), DS SMITH (Grande Bretagne), SAICA (Espagne), NORSKE SKOG (Norvège), UPM (Finlande), RDM Group (Italie). Aujourd'hui, il n'existe plus de groupe français de taille mondiale. Ces groupes arbitrent leurs investissements dans un cadre européen en comparant les coûts et les contraintes et tenant compte du dynamisme des marchés. Il ressort des considérations précédentes que la France souffre de plusieurs handicaps qui expliquent à la fois les rachats d'entreprises françaises par des groupes étrangers et la fermeture de nombreux sites industriels. Toutefois, récemment, plusieurs entreprises françaises de taille moyenne, dans le secteur de l'hygiène ont mis en route leurs propres productions de papier (cf. 4.1., p. 40). L'objectif est à court terme de stopper la tendance trentenaire et si possible de l'inverser, ce qui supposerait un ensemble de mesures générales, comme celles annoncées dans le plan de relance et sectorielles, ambitieuses. Toutefois les investissements déjà prévus ailleurs en Europe seront un obstacle (cf. tableau n° 4, p. 29), (voir recommandation 3, p. 41). 3.4 Une insuffisante valorisation des atouts français La filière du recyclage du papier / carton ne se caractérise pas uniquement par les difficultés analysées dans ce rapport, mais présente également des atouts qui sont toutefois insuffisamment valorisés. Tout d'abord et d'une manière qui peut sembler, en première analyse, paradoxale, l'excédent de PCR constaté ces dernières années est le premier de ceux-ci. En effet, il pourrait se révéler comme un atout pour la consolidation des filières de recyclage, puisqu'il sécurise les approvisionnements de proximité nécessaires aux industriels et pourrait être utilisé pour de nouvelles capacités de production papetière. La proximité est essentielle au regard du montant des investissements réalisés pour la création ou pour l'adaptation de l'outil industriel. Ainsi, le volume de cartons à recycler en excédent en 2018 (764 kt) est du même ordre de grandeur que les volumes consommés par les nouvelles productions de carton en 2020 (170 kt) et celle prévue à Golbey en 2023 (555kt). Sur les dernières années, le taux de recyclage des papiers cartons est en moyenne de 80 % avec un taux dépassant 95% pour l'emballage et supérieur à 75% pour les papiers graphiques. La France est ainsi parmi les pays européens les plus performants (la moyenne européenne étant d'environ 72%). On compte en France un certain nombre de papeteries de taille moyenne, qui ont trouvé des marchés de niche (papier très fin, carton blanc, ...). Elles sont des sources possibles d'adaptation et de réponse en cas d'évolution de besoins nouveaux (boîtes de médicament et notices avec des papiers fins, ...) En deuxième lieu, la présence d'une importante forêt est également un atout français. La forêt française métropolitaine, selon l'inventaire forestier 2017 de l'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN), représente 17 millions d'hectares (sa superficie augmente de 0,7% par an depuis 1985), ce qui place la France au troisième rang des pays les plus boisés d'Europe, derrière la Suède et la Finlande. PUBLIÉ 39 Cependant, la gestion de cette forêt est morcelée entre de multiples acteurs, ce qui complique sa valorisation : les forêts publiques couvrent dans l'hexagone 4,7 millions ha : 1,8 million ha appartiennent à l'État et 2,8 millions ha aux collectivités territoriales. Ces forêts sont gérées par l'ONF ; les forêts privées représentent 12,6 millions d'hectares, soit les 3/4 des forêts, aux mains d'environ 3,5 millions de propriétaires forestiers. Il s'agit donc d'une propriété très morcelée, même si plusieurs structures fédèrent cette forêt privée : 19 coopératives forestières regroupent 120 000 propriétaires forestiers pour 2 millions d'hectares de forêts gérées ; le centre national de la propriété forestière (CNPF), établissement public en charge du développement de la gestion durable des forêts privées et la fédération « Forestiers Privés de France » qui regroupe 41 000 adhérents et 2 millions d'hectares. Enfin, la présence en France d'un centre technique du papier (CTP) doit être mieux valorisée. La France est un des quatre pays européens à disposer de ce type de structure (avec la Suède, l'Allemagne et la Finlande). Or, pour accroître l'utilisation de PCR, il est essentiel de développer de nouveaux usages papetiers et « non-papetiers » du papier et du carton tels que l'isolation pour le bâtiment (ouate de cellulose), la substitution au plastique, la cellulose moulée (pour remplacer le polystyrène dans les cartons d'emballage, des mousses de remplissage technique ...). Ces nouveaux usages supposent des efforts importants en recherche et développement afin de surmonter les obstacles techniques existants (par exemple, les propriétés barrières du carton vs celles du plastique). Si les grands groupes internationaux du secteur peuvent financer ces recherches pour leur propre compte, il n'en est pas de même pour les PME / PMI pour qui ces efforts peuvent être trop coûteux ou qui ne disposent pas des ressources humaines nécessaires au pilotage de ces recherches. Or l'existence d'un tissu de PME / PMI innovantes pourrait être un moyen de « réindustrialiser » la France, dans ce secteur. Ils supposent aussi de surmonter la difficulté de transformer une innovation en procédé industriel exploité. Les acteurs de la filière soulignent le fait que le CTP travaille au cas par cas avec des industriels mais qu'il n'existe pas vraiment de travail collectif sur ces sujets et que si les éco-organismes financent également des projets de recherche, comme CITEO le fait, ils sont insuffisamment transparents sur leurs actions et que la synergie avec le CTP devrait être améliorée, compte­tenu des enjeux importants de l'éco-conception45. Deux conventions ont été signées entre CITEO et le CTP : une sur le papier graphique46 : alternatives aux éléments perturbateurs du recyclage ; intégration de matière recyclée et nouveaux matériaux ; imprimés du futur ; recyclagedésencrage ; soit 1,42 M sur 6 ans pour la période 2017-2022. 45 Supprimer l'usage de colles fortement perturbatrices du recyclage, mousse de cellulose pour remplacer le polystyrène dans les emballages, suppression des encres minérales, ... 46 10% pour le programme de recherche commun, 60% de projets spécifiques CITEO ; 30% de projets d'industrialisation (source CITEO) PUBLIÉ 40 une sur l'emballage47 : solutions innovantes pour la recyclabilité, l'allègement (notamment pour le e-commerce), les propriétés barrières (résistance à l'eau, à l'air, au gras), l'aptitude au contact alimentaire ; soit 1,8 M sur 4 ans pour la période 2019-2022. Les sommes identifiables consacrées à la recherche-développement sont non négligeables (en moyenne 700 k/an) mais restent très modestes ou faibles au regard des chiffres d'affaires de CITEO (en 2019 seulement 0,3%48) ou du budget du CTP (11-12 M) et au regard des besoins et des enjeux (notamment pour développer des alternatives bio-sourcées aux plastiques et aux isolants du bâtiment). Cela se situe très loin de la cible des 3% de la valeur ajoutée usuellement citée pour les économies développées. L'investissement national dans la recherche pour le secteur papetier est insuffisant au regard des enjeux potentiels. 3.5 Une visibilité insuffisante sur la filière, des données statistiques incohérentes La filière papier carton est concernée par trois filières REP : deux existent actuellement : les emballages ménagers (CITEO) 49, les papiers graphiques (CITEO). La REP emballages du secteur économique est prévue pour 2023 : cela signifie l'absence actuelle d'écomodulation pour ces emballages et l'absence de soutien pour leur éco conception, alors qu'ils représentent une très forte majorité des emballages. En effet, selon Federec et COFEPAC, les cartons à recycler proviennent à 80% du monde économique et 20% seulement des ménages. Pour les papiers graphiques, les ménages sont majoritaires, compte-tenu des volumes de journaux et prospectus. La vision d'ensemble du champ papiers cartons à recycler est ainsi difficile à consolider. Concernant les données, les chiffres de l'ADEME, de FEDEREC et de la COPACEL sont cohérents (probablement issus de sources communes). Mais il est impossible de les recouper avec les chiffres de CITEO qui utilise des classifications de sortes papetières différentes et donne assez souvent des pourcentages sans les volumes globaux correspondants. De plus, les données ADEME et COPACEL ne sont pas cohérentes avec celles des douanes qui utilisent une autre classification pour le commerce extérieur. Ainsi, des résultats précis existent mais sont incohérents entre les sources, voire, de façon plus inquiétante, au sein d'une même source. Des excédents importants et a priori récurrents apparaissent pour des sortes fortement importées, a contrario des exportations peuvent être très supérieures aux quantités mobilisables à ce titre pour une année donnée, etc. 47 25% pour le programme de recherche commun, 50% de projets spécifiques CITEO ; 25% de projets d'industrialisation (source CITEO) 48 CA 2019 de CITEO pour les papiers cartons (emballage et papiers graphiques) : 254 M ; CA : emballages : 700 M dont 158 M pour les papiers cartons ; CA papiers graphiques : 96 M49 Les emballages des médicaments sont traités par Adelphe, petite filiale de CITEO (son capital est de 40.000, dont 14,75% du secteur des vins et spiritueux). Ils représentent une mise sur le marché de 23 kt/an. PUBLIÉ 41 L'importance des écarts est telle50 qu'ils ne peuvent aucunement être expliqués par des variations de stocks. Les interlocuteurs de la mission ont évoqué, directement ou indirectement, notamment : les erreurs fréquentes dans les nomenclatures douanières, dont les 6 codes « NC 8 » ne correspondent ni aux sortes de la norme EN 643, ni aux appellations commerciales ; les classes sont alors erronées mais non les quantités échangées et tracées ; le fait que des sortes pourraient être regroupées ou changer de classement dans certaines situations chez les opérateurs ; ainsi, les opérateurs de tri sont capables d'ajuster la part de production des mélanges dans leurs centres et faire par exemple baisser les quantités de caisses et cartons de récupération ou de sortes à désencrer au bénéfice de sortes mêlées51. des classements pour CITEO non exactement similaires à ceux utilisés par ailleurs. Quoi qu'il en soit, ces explications paraissent totalement insuffisantes lorsque les erreurs sont d'un montant comparable à celui des exportations et paraissent difficiles à comprendre et encore plus à justifier au niveau des regroupements en quatre grandes familles de sortes papetières (sortes mêlées, complexées et divers, caisses et cartons de récupération, sortes à désencrer, sortes supérieures). En résumé, il manque une REP emballages du secteur économique et une structure de coordination de l'ensemble qui permette de fournir des données cohérentes pour les PCR (cf. recommandation 10). 50 51 De plusieurs centaines de milliers de tonnes, voire dans le cas le plus extrême d'environ un million de tonnes ! L'intérêt économique de cette opération ne doit pas toujours être évident puisque les « sortes mêlées » sont souvent mal valorisées (cf. graphique n° 6, p. 17). PUBLIÉ 42 4 ELARGIR LES PERSPECTIVES POUR INVERSER LES TENDANCES La principale question posée à la mission est la résorption d'un excédent d'environ 15 Mt de PCR actuellement, avec un risque d'augmentation suite à la fermeture de l'usine la Chapelle-Darblay près de Rouen (cf. graphique n° 11, p. 30). 4.1 Favoriser les opportunités pour de nouvelles capacités de production papetière en France Les cartons et les papiers d'hygiène sont les deux secteurs où des investissements ont lieu actuellement en France : En 2020, Wizpaper, entreprise familiale d'emballage dans le Pas-de-Calais, a remis en marche une machine pour produire 130 kt/an de carton. Bluepaper, à Strasbourg, a augmenté sa capacité de production de 40 kt/an. En 2023, le projet d'investissement de Norske Skog à Golbey prévoit de produire du carton à partir de PCR et d'augmenter la capacité de production de 300 kt/an52. Dans le domaine de l'hygiène, Global Hygiène a investi 20 M sur un ancien site Arjowiggings en Isère pour produire 30 kt/an ; ICT (filiale française d'un groupe italien) à Montargis a créé en 2020 deux nouvelles lignes de transformation et en prévoit une autre prochainement. Il est également annoncé l'installation d'une deuxième machine de fabrication de papier hygiène à Annonay (MP hygiène + 60kt/an). Ces exemples montrent que de nouvelles capacités de production ne sont pas utopiques. Mais inverser la tendance du déclin français en cours depuis 20 à 40 ans et ses causes évoquées précédemment ne sera pas aisé. De surcroît, d'importantes nouvelles capacités sont prévues en Europe à court terme, de l'ordre de 4 Mt (cf. tableau n° 4, p. 29), et viendront en concurrence. Pour le secteur du carton, on fabrique des emballages s'il y a des produits à emballer à proximité53 : La perspective de réindustrialiser la France, notamment avec des relocalisations d'usines, serait une opportunité importante pour la filière (ex : les médicaments ont des emballages spécifiques : carton fin et notice à papier fin ; l'agroalimentaire de gamme supérieure demande des emballages de qualité, ...). Le développement du e-commerce est une autre opportunité : la logistique de distribution a besoin de nombreux cartons. Pour les emballages papiers-cartons ménagers, CITEO estime une croissance de 30% d'ici 10 ans. 52 53 +555 kt/an de carton ­ 200kt/an de papier presse On ne transporte pas d'emballages vides sur de longues distances. PUBLIÉ 43 Recommandation n° 3. Utiliser toutes les possibilités du plan de relance de 2020 pour soutenir la filière papetière, en s'appuyant notamment sur : les aides à la réindustrialisation, les contrats de plan avec les conseils régionaux, le soutien aux entreprises sociales et solidaires (pour la collecte), le plan de rénovation thermique des bâtiments, le développement des alternatives aux plastiques, etc. (MEFR) L'excédent de PCR d'environ 1,5 Mt, détaillé ci-avant, sera alors une disponibilité de matières premières pour développer de nouvelles capacités de production, auquel pourraient s'ajouter les volumes supplémentaires engendrés par un accroissement du taux de récupération. 4.2 Mieux collecter les papiers à recycler « supérieurs », notamment en entreprises. Les papiers « supérieurs » sont très appréciés pour les différentes productions (hygiène, emballage, papier graphique), notamment pour leurs fibres longues qui apportent résistance et qualité. Mais la conception de papiers contenant le moins de polluants possible pour alléger les processus de recyclage des PCR, les rendre moins chers et moins polluants, et élargir le champ de leurs utilisations (hygiène, alimentaire, ...) est un enjeu important pour la filière. CITEO, l'éco-organisme en charge des filières REP « emballages ménagers » et « papiers graphiques », est déjà impliqué pour soutenir l'éco-conception. La question se pose de savoir si cette implication ne devrait pas être beaucoup plus forte. La suppression des huiles minérales prévue de façon progressive entre 2022 et 2025 par la loi AGEC (art. 112) et le décret 2020-1725 du 29 décembre 2020 (art.2., 2°) devrait permettre de simplifier les processus et d'accroître les possibilités de recyclage, notamment pour les produits d'hygiène et pour l'alimentaire54. Les papiers graphiques de bureau dans les petites entreprises, bureaux, petits commerces et certaines administrations sont insuffisamment collectés. Selon l'ADEME ([18]), le papier graphique représente 75% des déchets des bureaux. Mais seulement 20% des papiers sont recyclés, contre 41% pour les ménages. Pour optimiser la qualité de collecte auprès des PME, il serait préférable que les circuits de collecte se distinguent sans ambiguïté de ceux du service public55. Suite à la loi AGEC (art. 74) et en fonction de leur secteur économique, les entreprises sont tenues de passer d'un tri de 5 à 7 flux ; il serait utile de préciser comment le déploiement va être organisé et soutenu et comment dans ce cadre favoriser 54 Il semblerait que la suppression de ces huiles minérales (et donc leurs polluants associés saturés, MOSH, et aromatiques, MOAH) soit plus aisée pour les impressions avec séchage (heat set) sur des papiers couchés (dont la conception est plus énergivore) que pour les papiers non couchés qui doivent plutôt absorber l'encre laquelle peut souvent être déposée sans séchage thermique (cold set) mais engendre un désencrage plus difficile. Les gains simultanés sur les plans énergétique et chimique seraient donc complexes à court terme. 55 Selon l'AMF, la collecte des PCR par le service public pose plusieurs problèmes ; d'une part un risque juridique car les collectivités pourraient être accusées de concurrence déloyale. De plus, elle nécessite souvent des spécificités techniques et d'exploitation liées à des exigences de confidentialité. De plus, il est difficile d'établir le calcul de la redevance spéciale, obligatoire. PUBLIÉ 44 l'organisation de collectes spécifiques pour les PCR pour avoir des flux de meilleure qualité et plus rémunérateurs (cf. exemple ci-dessous). Une initiative intéressante de mutualisation de déchets PCR d'entreprises56 dans le Grand Est va augmenter la qualité et la quantité de papiers graphiques collectés : le regroupement des flux sans les mélanger avec d'autres déchets va permettre de justifier de bacs spécifiques, de mieux négocier et valoriser les déchets auprès des collecteurs et ainsi d'intéresser davantage les entreprises à trier. De telles initiatives trouvent leur place dans des démarches d'économie circulaire soutenues déjà par l'ADEME57. Elles pourraient être portées aussi par les collectivités (notamment les conseils régionaux en charge de l'économie, de l'environnement et du plan régional de gestion des déchets) et par les CCI. Le potentiel de papier graphique à collecter a été estimé à 200 ­ 250 kt/an. L'intérêt de la REP emballages et papiers non-ménagers serait de garantir le financement et la mise en place de réseaux de collecte et de tri aujourd'hui peu simples à contrôler. 4.3 Améliorer la qualité opérationnelle et l'agilité des centres de tri de déchets ménagers pour mieux répondre aux besoins des papetiers français Les contrôles effectués58 par CITEO en 2019 montrent que les centres de tri ménagers sont très loin d'atteindre les standards qualité pour les papiers graphiques et les papiers cartons mêlés : seulement 25% respectent les objectifs de qualité. Le taux d'indésirables pourrait atteindre environ 7% à 8% alors que le seuil de tolérance est de 3% maximum (voire 2,5% pour les mêlés). La situation pourrait s'aggraver avec l'élargissement des consignes de tri qui concernent désormais les plastiques et augmenter la souillure des papiers cartons dans la « poubelle jaune ». Pour les cartons, la qualité est nettement meilleure. Seulement 5% ne respectent pas les standards. La majorité des acteurs se plaignent de la mauvaise qualité des productions des centres de tri : les papetiers, qui doivent faire des traitements supplémentaires pour éliminer ces indésirables entraînant des coûts supplémentaires ; les collectivités qui perdent des recettes, compte tenu des rabais demandés par les repreneurs ; les repreneurs qui relaient les plaintes des papetiers. 56 L'association de 230 entreprises « paroles d'entreprises » met en place une première mutualisation de collecte pour 35 entreprises. 57 L'ADEME aide à l'amorçage de la démarche en cofinançant un animateur qui travaille avec quelques entreprises pour repérer les flux entrants et sortants de chaque entreprise. Les gains réalisés par les entreprises au bout de quelques années dans cette économie circulaire permettent d'autofinancer l'animateur qui permet d'élargir le cercle des entreprises impliquées. 58 Source : [19], p. 17 et 18. PUBLIÉ 45 Cette non-qualité de PCR fragilise la France à double titre : En cas de retournement du marché ou d'événement perturbateur, les PCR deviennent difficiles à exporter. De plus, le caractère notoire de la faible qualité de certaines sortes de PCR pourrait freiner certains industriels à s'impliquer pour en augmenter l'incorporation. La mission s'est interrogée sur les raisons qui font que le non-respect de qualité des standards atteint des taux aussi importants (75%) ; alors qu'il s'agit d'une filière mature où l'éco-organisme CITEO est en place depuis longtemps. Bien que les soutiens versés aux collectivités soient conditionnés au respect des standards de qualité, les comptes de CITEO affichent les paiements sans préciser les pénalités et les déclassements éventuels ; les analyses sont difficiles, voire impossibles, en l'état. L'hypothèse d'une sévérité insuffisante de CITEO ne peut pas être écartée, voire apparaît probable pour partie. Elle s'est également interrogée sur la façon de sortir du cercle vicieux qui s'est installé au fil des ans entre les centres de tri et les repreneurs, puisque les repreneurs ne refusent pas les PCR non conformes, alors qu'ils devraient le faire, et préfèrent négocier des rabais. L'hypothèse que les collecteurs et trieurs pourraient parvenir à gérer cette non qualité en reconstituant des lots par un mélange de sortes issues des circuits industriels et commerciaux et de la collecte des déchets ménagers a été émise. Enfin, le manque de réactivité des centres de tri pour s'adapter à l'évolution des besoins des papetiers a également été souligné. En effet, le barème de soutien aux collectivités de CITEO est établi pour six ans, durée longue au regard de l'évolution de la demande à laquelle l'activité papetière doit s'adapter (par exemple développement du e-commerce nécessitant de nombreux emballages) ; de plus, dans le cadre du processus de validation par l'Etat des barèmes de soutien aux collectivités, les collectivités et la filière papetière du recyclage semblent ou déclarent être insuffisamment associées pour pouvoir apprécier les conséquences sur leurs activités et la cohérence d'ensemble. C'est pourquoi, pour améliorer l'adéquation de production des PCR avec les besoins des papetiers recycleurs français (sortes papetières et qualité), il serait bénéfique de : o revoir les barèmes de soutien aux collectivités et leur mode d'actualisation avec l'objectif de favoriser l'économie circulaire de proximité : Pour cela, l'association étroite des acteurs de la filière de recyclage, des collectivités jusqu'aux papetiers recycleurs, est nécessaire pour en apprécier l'impact. Ce travail devrait se faire sous l'autorité de l'Etat dans le cadre de son soutien à la filière papetière et à l'économie circulaire. renforcer le contrôle par CITEO de la qualité de production des centres de tri et des repreneurs et intensifier l'application des pénalités. Compte tenu de l'importance de l'écart à rattraper et du risque de mettre en difficulté les centres de tri et les collectivités, CITEO pourrait fixer un objectif de rattrapage échéancé pour une adaptation progressive des pratiques. o PUBLIÉ 46 o o accélérer la modernisation de ces centres de tri en cours59 pour maintenir une qualité des PCR triés malgré l'extension récente de la collecte des plastiques dans les poubelles jaunes ; partager les résultats des expérimentations qu'accompagne CITEO sur des dispositifs de tri complémentaire des PCR en sortie des centres de tri (et apprécier le modèle économique possible ou non pour augmenter la qualité) ; Revoir les barèmes de soutien aux collectivités et leur mode d'actualisation pour optimiser l'efficacité du recyclage par l'industrie papetière française. (DGPR, DGE) Recommandation n° 4. Ce travail devra être conduit par l'Etat (MEF et MTE) en associant l'ensemble de la filière d'économie circulaire (collectivités, papetiers recycleurs, repreneurs, éco-organisme). Recommandation n° 5. Exiger de CITEO l'application ferme des barèmes associés aux standards de qualité avec des échéances temporelles précises. (DGPR) 4.4 Eviter d'imposer des taux minimaux d'incorporation de fibres recyclées Il est nécessaire de rappeler que le taux d'incorporation de PCR dans la fabrication de papiers-cartons, en France, est supérieur à celui de la moyenne des pays européens : 71,3 % contre 54,5 % en 201960. Pour augmenter ce taux d'incorporation de PCR dans la fabrication des papiers et cartons, les pouvoirs publics peuvent recourir principalement à deux mesures : utiliser le système des éco-modulations pour inciter l'éco-conception, en différenciant les contributions payées aux éco-organismes pour la mise en marché des produits finis ; fixer par voie règlementaire un taux minimum d'incorporation de PCR dans la fabrication de certains papiers ou cartons. Ces deux outils peuvent être utilisés de manière concurrente ou complémentaire. 4.4.1 Les perspectives offertes par l'éco-modulation Les critères de l'éco-modulation portent, notamment sur l'origine de la fibre ou la recyclabilité des papiers, en particulier la présence de perturbateurs pour le tri ou le recyclage, ainsi que de substances susceptibles de compromettre l'utilisation du matériau recyclé. 59 Engagé depuis plusieurs années, ce plan aurait un coût compris entre 900 et 1 500 M. Il pourrait bénéficier de la mesure « modernisation des centres de tri, recyclage et valorisation des déchets » du plan de relance de 2020 (volet à destination des entreprises), abondé d'environ 274 M, dont 40 à 50 % pourraient potentiellement aller vers les centres de tri. 60 cf. 1.2.1., p. 10. PUBLIÉ 47 Pour 2021, CITEO indique que les éco-modulations sur l'origine de la matière et la recyclabilité restent identiques à celles de 2020. Toutefois, afin de réduire la contamination des matières à recycler par les huiles minérales et en application de l'arrêté d'éco-modulation du 29 octobre 2019, un malus sur les huiles minérales est ajouté à partir du 1er janvier 2021 (taux majoré, +10% en 2021 et +20% en 2022). Il existe, ainsi, 4 critères d'éco-modulation pour les papiers, 3 inchangés et un nouveau : Schéma n° 1, source CITEO Outre la prise en compte les critères environnementaux décrits plus haut, les tarifs de l'éco-modulation aident à financer les soutiens versés au titre de la collecte et du tri des papiers en vue de leur recyclage. Ce dimensionnement des soutiens versés est le fruit d'une concertation entre les metteurs en marché, les collectivités locales et les pouvoirs publics lors de la préparation de l'agrément de l'éco-organisme. La filière papiers graphiques doit aussi se préparer pour le prochain agrément qui intègrera le fait qu`elle devra couvrir 50% des coûts nets optimisés supportés par le service public de gestion des déchets au plus tard le 1er janvier 2023 (article 72 de la loi AGEC) dans un contexte de baisse continue du gisement de papiers graphiques mis en marché. La mission s'interroge sur l'opportunité de faire peser sur la filière graphique, et notamment la presse, des charges nouvelles alors qu'elle est en situation fragile, qu'elle représente une part de plus en plus faible des volumes des déchets collectés et triés et des coûts associés. La presse et les livres sont des éléments essentiels à la démocratie puisqu'ils permettent à tous l'accès à l'information. Il serait dangereux de la fragiliser davantage. L'éco-modulation est un outil efficace s'il est correctement calculé pour dissuader la mise en marché de certains emballages ou papiers difficiles à recycler, voire perturbateurs de process industriels61. Frappant tous les produits français ou importés, les distorsions concurrentielles qu'elle induit sont par essence limitées Recommandation n° 6. Recourir à l'éco-modulation pour inciter aux évolutions souhaitées, notamment encourager l'éco-conception, et suivre attentivement les principes retenus et leur transposition dans les barèmes des écocontributions. (DGPR) 61 Situation fréquente avec certains polymères ou charges des plastiques ou certains verres et porcelaines. PUBLIÉ 48 4.4.2 Les risques des taux d'incorporation obligatoire La fixation par voie réglementaire d'un taux d'incorporation pour un type de produit peut être potentiellement perturbante pour les acteurs économiques. Elle a été prévue par la loi relative à la lutte contre le gaspillage et l'économie circulaire dans son article 61, II. (loi « AGEC », n° 2020-105 du 10 février 2020) : « afin d'atteindre les objectifs de recyclage fixés par la loi ou le droit de l'Union européenne et de soutenir les filières de recyclage, la mise sur le marché de certaines catégories de produits et matériaux peut être subordonnée au respect d'un taux minimal d'incorporation de matière recyclée dans ces produits et matériaux »62. Par ailleurs, l'article 58, impose que les « biens acquis annuellement par les services de l'Etat ainsi que par les collectivités territoriales et leurs groupements sont issus du réemploi ou de la réutilisation ou intègrent des matières recyclées dans des proportions de 20 % à 100 % selon le type de produit ». Pour les papiers « presse et magazines » : Un décret d'application de la loi AGEC doit fixer les conditions dans lesquelles la teneur minimale en papier recyclé sera progressivement augmentée de manière à ce que la part de papier recyclé dans les publications de presse atteigne, en moyenne, un taux d'au moins 50% avant le 1er janvier 2023. Il est prévu de faire de l'incorporation de papier recyclé dans les publications une condition préalable à la possibilité de contribuer en nature63 à la REP papier. Le papier journal et celui pour la « presse magazine » seraient distingués, chaque segment ayant des objectifs chiffrés d'incorporation de PCR différents. Le dispositif prendrait de plus en compte un certain nombre de sous-critères qui moduleraient la part d'éco-contribution entre contribution en nature et contribution en numéraire. Ce texte, en cours d'élaboration, fait l'objet de discussions entre les ministères concernés (transition écologique et culture) et les acteurs économiques de ce secteur. Ces derniers jugent les objectifs et les calendriers initialement proposés comme trop ambitieux et irréalistes au vu de la situation économique du secteur de la presse et des capacités de production industrielle de papier répondant aux nouvelles conditions imposées. Ils soulignent en particulier qu'il n'existe plus en France d'usine pour produire les papiers pour la presse avec les teneurs minimales requises en PCR telles qu'elles seraient envisagées. Il est très vraisemblable que, compte tenu de l'importance des investissements nécessaires pour doter une usine des unités de trituration et de désencrage indispensables et du caractère spécifique des installations industrielles, le papier sera in fine acheté à l'étranger, transporté sur de longues distances pour un bénéfice écologique discutable. A contrario, les entreprises françaises devront trouver de nouveaux débouchés ou réduire leur activité, éventuellement avant leur fermeture définitive dans le futur. 62 La mission note que cette incorporation n'est imposée, stricto sensu, par le droit européen que pour les bouteilles plastiques en polyéthylène téréphtalate (directive 2019/904, art. 6, 5°). 63 En sachant qu'en 2023, la possibilité pour la presse de contribuer en nature s'éteindra. La contribution en nature permet de s'exonérer des contributions financières à l'éco-organisme en échange de l'insertion de publicités vantant l'intérêt du recyclage. PUBLIÉ 49 Pour les papiers graphiques : Les professionnels citent d'une part la volonté, mise en oeuvre depuis quelques années et de façon interne, du ministère chargé de l'écologie d'utiliser du papier graphique recyclé, dont la production en France est très limitée et qui pourrait provenir principalement d'Allemagne ou d'Autriche. Les papetiers utilisant des fibres vierges dénoncent leur perte de marché ainsi qu'une décision contraire aux intérêts économiques français et écologiques. La mission n'a pas pu recueillir d'éléments contraires à ces divers propos ou de démenti. D'autre part, en application de l'article 58 de la loi AGEC, le projet d'une généralisation à l'ensemble des administrations d'Etat ou des collectivités d'une obligation d'achat de papier d'impression ou de photocopie recyclé à 80 % inquiète particulièrement les mêmes professionnels. Ils soulignent que seuls 10 % (60 kt sur 610 kt) des papiers de ce type produits en France, par trois entreprises, correspondent à des papiers recyclés, [17]. Ce sont deux entreprises de Clairefontaine à Everbal (100% recyclés) et Mandeure (mixte) ainsi que l'entreprise Double A dans l'Eure. Ces établissements utilisent en partie de la pâte recyclée fabriquée par l'usine WEPA de Château Thierry. Cette dernière usine produit 180.000 t/an de pâte marchande vendue pour moitié pour fabriquer du papier graphique et pour moitié du papier hygiène. Ses acheteurs sont en grande partie à l'étranger, notamment en Allemagne. Elle pourrait produire encore 30 kt supplémentaires. Fin 2020, la concurrence était rude avec de la pâte vierge dont le prix rendu dans les ports (un peu inférieur à 500 /t) était moins cher que le prix de revient de la pâte recyclée (550 à 650 /t). Le graphique n° 7, p. 20, confirme qu'en Europe les papiers graphiques autres que ceux pour les journaux et imprimés publicitaires sont ceux qui incorporent le moins de papiers à recycler (< 15 %). Pour mémoire 454 kt de « ramettes » de papier graphique ont été consommées en France en 2018 ([12], p. 35). Les exemples de ce marché public et des textes en gestation montrent que les outils « contraignants » doivent être utilisés avec de très grandes précautions par la puissance publique. Au-delà de la dimension « pédagogique », voire symbolique, dont l'intérêt ne saurait être écarté sans réflexion, il est nécessaire de fixer des objectifs « réalistes » prenant en compte, d'une part, l'impact économique ou la faisabilité technique ou industrielle de la mesure envisagée et, d'autre part, l'intérêt écologique global64 du taux imposé d'emploi de matières recyclées. Il serait aussi important d'associer à la mise en oeuvre d'un taux minimal imposé un certain nombre de mesures pour créer un contexte favorable et cohérent au développement d'une production de papier graphique recyclé en France (optimisation des barèmes des collectivités, soutien aux installations de cogénération à gaz haute performance, sensibilisation du public français, ...). Cela ne signifie pas que les pouvoirs publics ne peuvent ou ne doivent pas avoir de politique volontariste, mais que toute mesure dont l'impact peut aboutir à une rupture de l'équilibre technicoéconomique d'une filière fragilisée et en relatif déclin sur le territoire national doit être évaluée dans ses conséquences économiques et dans le gain écologique global qu'elle apporte, en concertation avec les acteurs de la filière, et suivre un calendrier de mise en oeuvre permettant à l'outil productif de s'adapter. 64 Cf. § 2.2 du présent rapport PUBLIÉ 50 La mission constate le caractère potentiellement dangereux de taux minima d'incorporation fixés sans approche globale et sans concertation préalable étroite. Recommandation n° 7. N'imposer des taux d'incorporation minimaux de fibres recyclées qu'après une étroite concertation avec l'ensemble des parties prenantes, une analyse approfondie des coûts/bénéfices économiques et écologiques et, en dernier recours, si les autres outils incitatifs ont montré leur inefficacité (MTE et MEFR). 4.5 Accroître l'incorporation des papiers à recycler dans les papiers d'hygiène L'incorporation accrue de papiers et cartons à recycler dans les papiers d'hygiène et domestiques semble une voie intéressante d'un point de vue théorique. Les quantités recyclées aujourd'hui sont relativement faibles, 279 kt pour 817 kt produites en 2019 (taux d'incorporation de 34.1 %) et l'Ademe s'est assez logiquement intéressée à cette question [10]. Les opérateurs, mais aussi l'analyse des données, mettent en avant plusieurs arguments pour considérer qu'il s'agirait d'une solution non-susceptible de résoudre l'excédent français : Même en doublant l'utilisation de PCR, cela ne représenterait que 20 % environ de l'excédent français et la France incorpore déjà beaucoup plus de PCR dans les papiers d'hygiène que d'autres pays comme l'Espagne ou l'Italie. La production de papiers d'hygiène est souvent réalisée sur des unités de taille plus réduite que pour les autres types de papier car le transport de ce produit peu dense est assez onéreux et exige des marchés de proximité. Cet argument connaît toutefois quelques limites en constatant l'absence d'unité de production de papier d'hygiène dans le quart sud-ouest de la France. La gestion de ces usines est plus simple à partir de pâte vierge que si elles doivent être associées à des unités de désencrages plus complexes à piloter. La conversion des établissements existants pour utiliser des papiers et cartons à recycler serait onéreuse. Les papiers d'hygiène demandent des fibres longues pour la solidité et une absence de contaminant65 ; les sortes utilisées sont les plus recherchées et correspondent à un marché déjà en tension ; ce ne sont pas celles qui sont en excédent pour la France. L'exigence de blancheur est une spécificité française qui est aujourd'hui inscrite par la grande distribution dans ses cahiers des charges, dans le souci de satisfaire les goûts des consommateurs, et qui limite l'utilisation de PCR. 65 Ce problème devrait être toutefois fortement réduit d'ici quatre ans avec l'application de la loi AGEC organisant l'interdiction des encres comportant des huiles minérales perturbant les opérations de recyclage. PUBLIÉ 51 Le bilan énergétique de la production de papier d'hygiène à partir de PCR est, d'un point de vue relatif, un peu moins favorable que d'autres (comme le papier pour ondulé) à cause du désencrage ou du raffinage et parce que ces papiers demandent plus d'énergie pour leur séchage. Pour autant l'analyse des données étrangères ou plus anciennes (cf. 2.1., p. 19) suggère que, dans le passé ou dans certains pays, l'incorporation a pu être plus importante et concerner des sortes moins nobles qu'en France (sortes mêlées en Allemagne et aux Pays-Bas, journaux et magazines en Suède). L'immobilisme ou l'attentisme paraissent peu satisfaisants. Cette conclusion est confortée par les échanges avec un producteur. Toutefois dans le cadre de cycles d'une durée de deux à trois ans et aujourd'hui, la pâte vierge d'Amérique du sud est peu chère (moins de 500 /t rendue dans les ports français en raison d'un fort ralentissement de la consommation depuis un an et demi alors que la pâte recyclée coûte actuellement 550 à 650 /t), ce qui n'encourage pas les investissements en faveur du papier d'hygiène issu de PCR. S'il paraît vraisemblablement peu opportun de prendre des dispositions réglementaires imposant l'incorporation de papiers et cartons à recycler dans les papiers d'hygiène ou d'y conditionner fortement d'éventuels aides et soutiens, il est vraisemblable que l'augmentation de ce recyclage puisse être explorée. A titre d'exemple, l'entreprise italienne Lucart utilise 55% de PCR et transforme les briques de boisson de type « Tetra Pak » depuis 2010 en papier hygiène. Dès 2011, cette technologie a été développée dans sa filiale à Laval en Vologne (88). Selon l'entreprise : Une brique alimentaire est composée de 6 couches avec 74% de cartons, 22% de polyéthylène, 4% d'aluminium. Il faut 100 briques produire pour un rouleau d'essuie-main. La recherche des causes de l'incorporation modérée en France est un préalable pour les surmonter : importance et raisons de la demande des consommateurs pour une intense blancheur du papier, craintes liées aux contaminants chimiques présents dans les encres, autres contraintes techniques, ... (cf. recommandation n° 9) Recommandation n° 8. Sensibiliser les utilisateurs et les grands distributeurs de papiers graphiques et d'hygiène à l'intérêt environnemental et sanitaire d'utiliser des papiers moins blancs et si possible recyclés (MTE). La traduction concrète de cette sensibilisation permettrait une réduction des agents polluants et le développement du recyclage. 4.6 Développer de nouveaux usages et débouchés Les PCR sont déjà utilisés depuis longtemps en isolation des bâtiments, notamment en vrac (ouate de cellulose). Le soutien accru à la rénovation thermique des bâtiments, notamment dans le plan de relance, peut être une opportunité pour élargir les débouchés des PCR. L'interdiction récente des plastiques à usage unique est une autre opportunité pour développer l'utilisation des PCR dans l'emballage alimentaire où les besoins sont très importants. Mais la plupart des nouvelles utilisations alimentaires nécessitent de donner au papier de nouvelles fonctionnalités PUBLIÉ 52 « barrières » (à l'eau, à la vapeur d'eau, au gras...). Des travaux de recherche sont en cours partout dans le monde, notamment dans les laboratoires des grandes entreprises internationales. La France dispose d'un outil de recherche précieux, le Centre technique du papier (CTP) à Grenoble66, qui semble posséder une bonne connaissance technologique sur ces sujets. Toutefois, le passage à l'industrialisation est encore insuffisant. Il est essentiel que les entreprises françaises de petite et moyenne taille puissent bénéficier des avancées de la recherche. C'est pourquoi, il serait utile de renforcer le rôle du CTP, des universités et des éco-organismes pour renforcer les programmes de recherche et de développement appliqués. Il convient également d'amplifier la synergie entre ces acteurs et les PME. Enfin, pour les fractions de PCR difficiles à recycler, sans autre possibilité de valorisation matière, y compris à l'export, la valorisation énergétique des PCR devrait pouvoir être possible et facilitée, pour des utilisations adaptées67 à leur spécificité calorifique, notamment sous forme de combustibles solides de récupération. La mission a constaté à plusieurs reprises l'importance de verrous technologiques à lever, notamment pour l'élimination des huiles minérales dans les encres, pour l'incorporation des « sortes nonsupérieures » dans les papiers d'hygiène, pour le développement des usages non-papetiers des PCR et plus généralement de la cellulose ou encore pour la détermination de critères, s'il en existe, suggérant dans quelques cas la supériorité d'une valorisation thermique au recyclage matière68. Le CTP semblerait la structure la plus à même de répondre à ces questions pour l'ensemble de la filière. Le soutien des opérateurs aval (façonniers, imprimeurs, etc.) pourrait être recherché. Recommandation n° 9. Développer les soutiens au Centre technique du papier en lien avec les industriels concernés, si possible en y associant les opérateurs aval de la filière papetière, pour pouvoir répondre aux différents défis que pose l'accroissement de l'emploi des papiers et cartons à recycler dans les usages actuels ou nouveaux des fibres cellulosiques. Les fonds nécessaires à ces recherches pourraient être en partie apportés par CITEO. (DGPR, DGE) Une dotation de l'ordre de 2 M/an paraîtrait adaptée compte-tenu du budget actuel du CTP (près de 11 M en 2018) et des besoins unanimement soulignés. Une brève mission au sein du CTP pourrait valider ce point non évalué par la mission, notamment en raison des contraintes sanitaires de 2020. 4.7 Disposer de données statistiques et commerciales fiables Les difficultés rencontrées lors de cette mission sur le recueil de données et leur exploitation qui a montré leur manque profond de cohérence entre les différentes sources (COPACEL et ADEME d'une 66 Ce centre travaille dans un environnement de recherche favorable, avec des laboratoires de recherche de l'université de Grenoble et l'école nationale d'ingénieur pour le papier. 67 Potentiel énergétique moindre que les plastiques, donc adapté à des installations de type production de vapeur industrielle ou chauffage urbain. 68 La production de gaz combustible de synthèse par pyrolyse est parfois évoquée. PUBLIÉ 53 part et CITEO d'autre part) mais aussi parfois au sein de mêmes sources (cf. 3.5., p. 38) montrent l'intérêt de mettre en place un observatoire spécifique pour les PCR qui rassemblerait les données des deux REP existantes (au sein de CITEO) et de la future REP sur les emballages du secteur économique. A ce titre, les données du secteur économique de la filière papiers graphiques paraissent trop difficilement accessibles. La mise en oeuvre de la REP pour les emballages du secteur économique sera utile pour développer l'éco-conception de ces emballages, qui pourrait faire augmenter la production de PCR. Pour améliorer le taux de collecte et la qualité du tri, la REP pourrait également soutenir les démarches d'économie circulaire entre les entreprises (cf. exemple du Grand Est, p. 42). La mise en place d'une structure de coordination dédiée pour ces REP permettrait de mettre en cohérence les données, ce qui est essentiel pour comprendre les phénomènes en cours, définir des perspectives et donner de la visibilité à l'Etat, aux collectivités (Régions et EPCI) et aux industriels69. Cette structure pourrait également faciliter la coordination entre les éco-organismes, notamment pour les actions de sensibilisation et de communication (ex : CITEO et CYCLAMED, entre CITEO et le futur éco organisme pour les emballages industriels70). Recommandation n° 10. Constituer une structure rassemblant, organisant et fiabilisant les données nécessaires au suivi du recyclage avec l'objectif de garantir leur cohérence (mise en marché, importation, exportation, des produit soumis à éco-contribution et des déchets qui en sont issus). (MTE, MEFR) La mission ne se prononce pas sur la localisation de cette structure, au sein d'une administration, d'un organisme parapublic (par exemple en renforçant la structure déjà existante au sein de l'Ademe avec la coopération des éco-organismes), ou d'un organisme affilié à un ou aux éco-organismes. En revanche, il est impératif que le rôle de l'Etat y soit affirmé et que celui-ci puisse garantir l'exhaustivité des données collectées et la transparence de leur traitement. 69 Plusieurs rapports d'inspection ou de contrôle non publiés ont, plus ou moins explicitement, souligné l'intérêt d'une structure de ce type (les formes, les compétences et les champs d'intervention restant variables ou peu précisés). 70 Par exemple, comment soutenir et développer les mutualisations entre les PME, à l'instar de « paroles d'entreprises » en Lorraine. PUBLIÉ 54 CONCLUSION La filière papier/carton est globalement performante en termes de recyclage. Le taux d'incorporation (quotient de papier carton à recycler sur la quantité de produits fabriqués) est supérieur à 71 %. Des progrès sont néanmoins encore possibles et souhaitables mais ils doivent être mesurés de sorte que des contraintes nouvelles, non suffisamment concertées, ne limitent pas d'abord les débouchés de l'industrie nationale puis concourent à sa fragilisation, voire sa destruction. La filière papier/carton répond à plusieurs objectifs de la transition écologique : logique d'économie circulaire, lutte contre l'effet de serre, protection de la biodiversité, source d'énergie renouvelable et doit être encouragée. Sa fragilité industrielle est pour une part celle de toute l'industrie française et il y est progressivement répondu dans un cadre plus général. Il peut aussi y être, en partie, remédié par la reconnaissance réfléchie de sa place dans une politique de transition écologique et d'économie circulaire, par l'amélioration des pratiques actuelles de recyclage comme par l'encouragement à la recherche de nouveaux débouchés. Les industries y travaillent ; l'Etat pourrait par quelques mesures ciblées amplifier ce mouvement au profit tant des objectifs environnementaux qu'en matière d'emploi et de commerce extérieur. Jean BEMOL Oliviers DEBAINS Contrôleur général économique et financier Hervé MARITON Contrôleur général économique et financier Philippe GUIGNARD Ingénieur général des mines Ingénieur général des ponts, eaux et forêts Christine MESUROLLE Ingénieure générale des ponts, eaux et forêts PUBLIÉ 55 ANNEXES PUBLIÉ 56 Annexe 1 : Lettre de mission PUBLIÉ 57 PUBLIÉ 58 PUBLIÉ 59 Annexe 2 : Liste des acronymes utilisés ADEME AGEC Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie loi AGEC : LOI n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire (1), NOR: TREP1902395L chambres de commerce et d'industrie Confédération européenne des industries du papier Conseil général de l'Economie CCI CEPI CGE ou CGEIET CGEDD CGEFi CO2 CSR EPCI ETI GJ J kWh Kt Tep MEFR MTE MWh PCI Conseil général de l'écologie et du développement durable Conseil général économique et financier dioxyde de carbone combustible solide de récupération établissement public de coopération intercommunale entreprises de taille intermédiaire giga-Joule (unité d'énergie, 0.28 MWh) Joule unité d'énergie kilo-Watt.heure (unité d'énergie) kilo-tonne soit mille tonnes tonne d'équivalent pétrole (unité d'énergie), environ 11.6 MWh ou 42 GJ ministère de l'économie, des finances et de la relance ministère de la transition écologique Méga-Watt.heure (unité d'énergie 106 Wh ou 3.6 GJ) pouvoir calorifique inférieur (ne tient pas compte de la chaleur latente de condensation des gaz de combustion) petites et moyennes entreprises PME PUBLIÉ 60 REP UE W Wh responsabilité élargie du producteur (filière) Union européenne Watt unité de puissance (un Joule par seconde) Watt.heure unité d'énergie (3 600 J) PUBLIÉ 61 Annexe 3 : Liste des personnes contactées ou interrogées Organismes publics et parapublics Cabinet de la ministre de la Transition Ecologique Mme. Estelle Sandré-Chardonnal, conseillère en charge de l'économie circulaire, M. Benjamin Despretz, chargé de mission, Cabinet du ministre chargé de l'industrie M. Pierre Jérémie, conseiller industries de base, de l'énergie et éco-industries, Direction générale de l'énergie et du climat M. Nicolas Clausset, sous-directeur, systèmes électriques et énergies renouvelables, M. Vincent Delporte, chef du bureau production électrique et énergies renouvelables, M. Timothée Furois, sous-directeur, marchés de l'énergie, Direction générale des entreprises M. Thomas Pillot, sous-directeur, chimie, matériaux et éco-industries, M. Pierre Leprince, chargé de mission industrie papetière, M. Rémi Lantreibecq, directeur de projet « développement de l'économie circulaire dans l'industrie », Direction générale de la prévention des risques M. Philippe Bodennez, chef de service, risques sanitaires liés à l'environnement, déchets et pollution diffuses, M. Vincent Coissard, sous-directeur, déchets et économie circulaire, M. Fabrice Moronval, chargé du suivi de la filière REP papier, Délégation interministérielle aux restructurations d'entreprises M. Clément Bethollet, adjoint au délégué interministériel, chef de la mission restructuration au sein de la direction générale des entreprises, PUBLIÉ 62 ADEME M. Jean-Charles Caudron, chef de service, produits et efficacité matières, M. Raphaël Guastavi, chef de service adjoint, M. Olivier Benoît, responsable du suivi de la filière papiers-cartons, Organisations professionnelles Centre technique du papier M. Olivier Tassel, Président, M. Gilles Lenon, directeur général, M. Frédéric Guillet, COPACEL (Union française des industries des cartons, papiers et celluloses) M. Philippe d'Adhémar, président, M. Paul-Antoine Lacour, délégué général, M. Yan Le Moux, directeur économie circulaire et politiques produits, COFEPAC (Comité français de l'emballage papier carton) M. Noël Mangin, coordonnateur, directeur général de REVIPAC (dispositif de responsabilité élargie du producteur dans le domaine des emballages), M. Stéphane Roussel, FNADE (Fédération nationale des activités de la dépollution et de l'environnement) M. Fabrice Rossignol, président, Mme Nadine Dargère, Mme Clothilde Vergnon, Mme Isabelle Ganeau, Mme Muriel Olivier PUBLIÉ 63 FEDEREC (Fédération professionnelle des entreprises du recyclage) M. Stéphane Panou, président de FEDEREC papiers-cartons, M. Manuel Burnand, directeur général, Mme Marion Halby, chargée de mission papier carton, Group'hygiène (syndicat professionnel représentant les fabricants d'articles à usage unique pour l'hygiène, la santé et l'essuyage, vendus sur le marché français) Mme Valérie Pouillat, délégué générale, M. Michel Pirson, consultant, Entreprises Groupe Gascogne M. Olivier Tassel, président, Papèteries de Vizille M. Pierre Bonnet, directeur général, M. Stéphane Malachie, directeur de la production, M. Romain Dunot, directeur commercial, International Paper (Site de Saillat en Haute-Vienne) M. Philippe d'Adhémar, directeur général Smurfit-Kappa M. Philippe Fouque, directeur des opérations de Smurfit-Kappa recycling France, WEPA M. Laurent Bedault, directeur de l'usine de Château-Thierry, PUBLIÉ 64 CITEO Mme Sophie Grenier, directrice du recyclage, M. Nicolas Furet, secrétaire général, M. Thibaud Bouchet, conseiller relations publiques, senior data scientist... M. Jean-François Robert, directeur technique produits fibreux, chief technology officer Adelphe Sophie Wolff, directrice déléguée, Stépahanie Lequeux, responsable développement commercial et gestion client, PUBLIÉ 65 Annexe 4 : Eléments techniques relatifs à la fabrication des papiers, des cartons et des pâtes à papier, notamment sous l'angle de l'énergie et des matières employées Synthèse Les éléments techniques qui suivent montrent que la fabrication du papier ne saurait être perçue comme une activité industrielle homogène et qu'aucune approche ne peut être retenue comme générale. Les quatre familles de papiers-cartons sont très différenciées, par leurs caractéristiques mais aussi leurs modes de fabrication, et possèdent des cycles relativement indépendants. La présence ou l'absence de charges et d'encre, la qualité des fibres, les qualités finales du papier expliquent que les papiers et cartons pour emballage se recyclent facilement entre eux avec un faible taux de perte ; il en est de même pour les papiers pour impression. Pour les papiers d'hygiène, les taux de perte significatifs et les consommations supérieures d'énergie pour la préparation des pâtes issues de papiers et cartons à recycler, les qualités supérieures des fibres utilisées qui doivent associer douceur, résistance et capacité d'absorption (éventuellement par des couches différentes), peuvent justifier un recours plus faible ou a minima moins facile aux fibres recyclées, ce qui est observé un peu partout en Europe et défendu par d'assez nombreux opérateurs. La production de papier-carton commence par la production de pâte à papier suivie par fabrication de la feuille de papier71. Ces deux étapes peuvent être réalisées sur un même site, dit intégré, ou dans des établissements distincts, ce qui engendre des distinctions importantes en termes de consommation énergétique, de consommation de matières premières et de pollution notamment. 1./ La fabrication de la pâte à papier La pâte à papier vierge Celle-ci est produite à partir de fibres végétales, issues principalement de bois forestier, plus marginalement de plantes ligneuses annuelles (e.g. Chanvre, Ortie). Les fibres cellulosiques du bois sont composées de cellulose (30 à 50 %), d'hémicellulose (30 à 45 %) et de lignine (15 à 25 %) : Les molécules de cellulose sont des polymères constitués par l'enchaînement linéaire d'unités de D-glucose par des liaisons -(14), de quelques centaines jusqu'à 15 000. L'agrégation des molécules de cellulose entre elles résulte de liaisons hydrogènes multiples. Les hémicelluloses sont des polymères ramifiés composés de divers sucres, glucose, xylose, mannose, galactose, rhamnose, arabinose ..., parfois dotés de radicaux acides. 71 Les phases de façonnage, impression, découpage, pliage, etc. ne sont pas abordées ici car elles ne sont pas différentes selon l'origine des fibres constitutives du papier (vierges ou recyclées). PUBLIÉ 66 Les lignines sont des polymères poly-phénoliques complexes, rigides, hydrophobes et tridimensionnels. Ces macromolécules sont essentiellement responsables de la rigidité du bois ; les conifères sont plus riches en lignine que les feuillus. Très schématiquement, les molécules de cellulose s'organisent en micro-fibrilles qui se structurent en macro-fibres (de l'ordre de 1 500 molécules). Les hémicelluloses et lignines assurent des pontages entre ces structures polymériques et permettent de constituer les fibres constitutives des parois cellulaires. Les teneurs en en cellulose sont variables selon les espèces, par exemple de 42% pour le Pin maritime à 55% pour l'Epicéa, l'Eucalyptus atteindrait 52-58 %, (valeurs extrêmes qui sont sensiblement les mêmes pour les feuillus et les résineux, [13] et [5] p. 255). Les plantes annuelles sont moins riches en cellulose. L'écorce est impropre à la fabrication de papier, elle représente en moyenne 12 à 15 % des produits forestiers en poids. La préparation de la pâte à papier a pour objectif d'individualiser les fibres et éventuellement de les séparer chimiquement pour en modifier les caractéristiques et la morphologie en en accroissant l'accessibilité à l'eau, la porosité, la fibrillation (séparation partielle de sous-fibres et fibrilles), ou en en diminuant la rigidité, les courbures, les coudes ou les torsions. Ces transformations peuvent être poursuivies par des opérations de raffinage (agitation mécanique intense de la pâte), de filtration, etc. avant l'introduction dans la machine à papier pour la fabrication de la feuille. Les différents procédés d'obtention de la pâte à papier à partir de fibres vierges Ils peuvent être regroupés en deux grandes catégories : Les pâtes mécaniques et chimio-thermo-mécaniques pour lesquelles les fibres du sont dissociées par des meules abrasives. La réalisation de cette opération, sous pression ou non, et son complément éventuel par une phase de cuisson limitée, en présence ou non de réactifs chimiques, permet de distinguer des sous-familles de procédés. Les pâtes obtenues, dites avec bois, sont riches en lignine et le papier qui en est issu peut jaunir rapidement. Elles totalisent 25 % des pâtes en Europe ([2], p.8). Les pâtes chimiques qui recouvrent deux méthodes : o Le procédé kraft (dit parfois au sulfate) procède à la cuisson pendant quelques heures (au minimum deux à température maximale) de copeaux de bois entre 155 et 175 °C dans une solution de soude (NaOH) et de sulfure de sodium (Na2S). La suspension obtenue est « lavée » pour extraire les lignines, hémicelluloses et produits chimiques au sein de la « liqueur noire », laquelle est concentrée avant d'être incinérée pour produire de l'énergie thermique et régénérer les additifs de cuisson. Le procédé Kraft est le plus répandu dans le monde et représente 70 % des pâtes en Europe (94 % des pâtes chimiques). o Les procédés aux bisulfites (de magnésium, Mg(HSO3)2 ou de calcium Ca(HSO3)2, plus rarement de sodium NaHSO3... ou d'oxyde de magnésium, MgO, associé à une solution de dioxyde de soufre SO2, conduisant à l'ion bisulfite), fournissent des pâtes aux moins bonnes qualités papetières mais parfois plus adaptées aux applications chimiques. Ce sont en particulier les pâtes dites à dissoudre utilisées pour la fabrication d'acétate de PUBLIÉ 67 cellulose [rayonne, viscose, rhodoïd], d'hydrate de cellulose [cellophane], de nitrate de cellulose ou nitrocellulose [explosifs, celluloïd, films, vernis collodion]. Ces procédés sont minoritaires (4 % des pâtes en Europe) et plutôt en régression. Les pâtes issues de papiers et cartons à recycler Les pâtes préparées à partir de papiers et cartons à recycler issus de la collecte et du tri des déchets sont plus simples à obtenir. Les « sortes » papetières sélectionnées (cf. infra) sont dilacérées dans de l'eau chaude, éventuellement additionnée de produits chimiques. Les composants non cellulosiques (contaminants solides externes, sable, fragments métalliques et plastiques, etc., les composants et contaminants internes, encres, charges minérales, amidon, films plastiques et vernis, etc.) sont éliminés. Le désencrage poussé est une étape particulière qui n'est pas toujours réalisée. Les papiers et cartons à recycler mis en oeuvre doivent être homogènes pour obtenir une pâte aux qualités précises d'où le regroupement préalable des déchets papetiers en « sortes » précisément caractérisées et de valeur marchande très variable. Les consommations d'énergie des usines de production de pâte La production de pâte à papier à partir de fibre vierges consomme d'importantes quantités d'énergie : Pour les pâtes chimiques, cette énergie est utilisée sous forme de chaleur majoritairement pour la cuisson chimique mais aussi d'électricité (travail mécanique) pour la réduction du bois en copeaux, l'agitation et le transport des matières au cours du processus d'élaboration. Pour les pâtes thermo-chimio-mécaniques la part due au travail électrique devient essentielle et, en partie, transformée en chaleur partiellement irrécupérable. Pour les pâtes issues de papiers et cartons à recycler, l'énergie nécessaire est plus faible, variable selon les « sortes papetières » employées et les produits finis recherchés (désencrage, raffinage, etc.). Les pâtes (liquides) reconstituées à partir de pâtes marchandes déshydratées exigent le moins d'énergie pour la remise en suspension des fibres (de l'ordre de 60 kW/t) et la mise en température avant l'introduction dans la machine à papier. D'éventuels raffinages sont parfois possibles ou nécessaires. Le tableau n° 1 ci-après donne quelques indications des consommations énergétiques d'installations européennes de productions de pâte performantes. Parfois un peu anciennes, ces indications peuvent être rapprochées des valeurs moyennes données par l'industrie européenne (CEPI, [2], p. 27, qui ne sont toutefois pas directement exploitables car recouvrant les productions de pâte et de papiers/cartons). Le séchage de la pâte commerciale consomme environ 25 % de l'énergie calorifique, soit 3 GJ/t et 15 à 20 % de l'énergie électrique pour les pompages, pressages, mise en dépression, etc., ([4], p. 84 et [5], p. 216). D'autres données livrent : 5.6 GJ/t et 0.15 MWh ([5], p. 518) ou 4.12 GJ/t et 0.1 MWh ([5], p. 395). Ce séchage est supprimé dans les usines intégrées qui utilisent la pâte produite sans délai de stockage important. PUBLIÉ 68 Consommation d'énergie (usines de pâte européennes) chaleur (GJ/tsa) usines non intégrées de pâte kraft blanchie usines non intégrées de pâte kraft usine non intégrée de pâte kraft usine non intégrée de pâte Kraft blanchie usine non intégrée de pâte au bisulfite blanchie usine non intégrée de pâte au bisulfite blanchie unités intégrées ou usines non-intégrées de pâte au bisulfite blanchie usines de pâte au bisulfite blanchie pour applications chimiques et viscose (donc non intégrée) usine pâte chimiothermomécanique (nonintégrée) 10 - 14 13.7 18.4 11 14.4 16 - 18 13.5 électricité (MWh/tsa) 0.6 - 0.8 0.7 - 0.8 0.7 0.76 0.7 - 0.8 0.88 commentaire référence L'excédent de chaleur pourrait être de 2 à [4], p. 159 2.5 GJ/t pour produire de l'électricité [5], p. 78 [5], p. 215 [4], p. 84 [4], p. 216 [5], p. 393 [5], p. 393 7.5 - 8.5 0.55 - 0.75 16.5 0.9 le défibrage mécanique produit beaucoup de chaleur qui est récupérée pour la " cuisson " les consommations très variables dépendent des variantes des procédés employées et de la finesse de la pâte recherchée (plus élevée pour les papiers d'hygiène) ; les usines modernes récupèrent, au moins en partie, l'énergie calorifique de friction la pâte n'est pas séchée, il s'agit de calculs à partir d'usines intégrées [5], p. 393 0 2-3 [4], p. 277 usine pâte chimio-thermo0 mécanique (non-intégrées) 1.1 - 4.3 [5], p. 516 et [4], p. 240 unité de pâte issue de papiers et cartons à recycler unité de pâte issue de papiers et cartons à recycler pour papier d'emballage unité de pâte issue de papiers et cartons à recycler pour papier journal unité de pâte issue de papiers et cartons à recycler pour papier léger couché et super calandré unité de pâte issue de papiers et cartons à recycler pour papier d'hygiène et pâte désencrée marchande 0.2 - 0.3 0.23 - 0.3 0 0.45 0.9 0.65 1.2 0.15 - 0.25 [5], p. 571 et 572 produit à partir de cartons et de sortes [4], p. 94 et mêlées [5], p. 563 produit à partir de de sortes à désencrer [4], p. 94 et [5], p. 563 0.3 - 0.42 - 0.4 - 0.6 produit à partir de de sortes à désencrer [5], p. 563 0.65 1.1 - 0.4 - 0.5 produit à partir de de sortes à désencrer et [4], p. 94 et de papiers de bureau [5], p. 563 tableau n° 1 PUBLIÉ 69 données extraites de [4] et [5], tableau reconstruit par la mission Bien que les besoins en énergie, chaleur et travail, soient très importants, la plupart des usines de pâtes non-intégrées de pâte chimique sont autosuffisantes en énergie, voire excédentaires (au moins hors séchage de la pâte marchande), car elles brûlent environ la moitié de la matière ligneuse récupérée au sein des solutions de cuisson ou « liqueurs noires » (concentrées avant incinération) en complément des écorces. Les unités produisant de la pâte issue de papiers et cartons à recycler peuvent brûler les déchets issus de ces matières, la quantité de chaleur produite est moindre mais non négligeable. Elle peut être complétée par l'incinération de combustibles solides de récupération (cas de l'usine Norske Skog à Golbey dans les Vosges ou de plusieurs usines en Allemagne, [6]). Il est essentiel de souligner que les émissions de CO 2 associées issues de matières végétales renouvelables ne concourent pas aux émissions de gaz à effet de serre. L'excédent énergétique des usines de pâte à papier issu de la combustion des bio-déchets et matières végétales non-autrement valorisables est connu ou calculable sur plusieurs installations et repris dans le tableau n° 2. Cet excédent peut servir à sécher la pâte vendue sous forme marchande, produire de l'électricité bénéficiant souvent de tarifs préférentiels de rachat au titre de la cogénération utilisant de la biomasse ou fournir la chaleur à l'unité de fabrication de papier carton en cas d'usine intégrée. Excédent d'énergie (usines de pâte européennes) issu de la combustion des déchets chaleur (GJ/tsa) excédent d'énergie d'une usine non intégrée de pâte + 5.4 kraft écrue excédent d'énergie d'une usine non intégrée de pâte + 4.7 kraft blanchie excédent d'énergie d'une usine intégrée de pâte kraft + 4.9 blanchie électricité (MWh/tsa) + 0.16 [4] p. 86 à 87 0 [4] p. 86 à 87 0 [4] p. 86 à 87 référence Tableau n° 2 Données extraites de [4] et [5], tableau reconstruit par la mission PUBLIÉ 70 2./ la fabrication de papier : La « pâte » arrive sous la forme d'une suspension entre 98 et 99 % d'eau en tête de la machine où elle est pulvérisée sur des bandes de tissus ou feutres. Pour arriver à une teneur de l'ordre de 10 %, l'eau est éliminée par des moyens mécaniques (égouttage, pression, etc.) puis thermiques (séchage sur des cylindres chauffés à la vapeur, par rayons infrarouges, par insufflation d'air chaud, etc.). Malgré d'importants systèmes de récupération/recyclage de chaleur, il est avancé que la fabrication requiert l'évaporation de 1.5 t d'eau par tonne de papier. Les usines à papiers sont donc fortement consommatrices, sous forme tant de travail (mise en mouvement des cylindres de la machine à papier, pompages, pressage, aspiration de l'eau par dépression, etc.) que de chaleur pour le séchage de la feuille de papier, laquelle est enfin enroulée en bobines ou découpée avant expédition (pour impression, façonnage, vente directe, etc.). Il faut surtout retenir que les besoins en énergie sont très variables selon les types de papiers produits : Les papiers couchés par exemple font l'objet d'un apport complémentaire de matière sous forme de solutions sur une ou deux faces, parfois en plusieurs applications successives, ce qui engendre des évaporations supplémentaires. Les papiers d'hygiène exigent un séchage à haute température, parfois par insufflation d'air chaud au travers de la feuille (procédé TAD, through air drying), étape essentielle pour accroître leur capacité d'absorption, leur douceur, leur conférer éventuellement un aspect gaufré, etc. Les quantités de chaleur requises varient d'un facteur 2, voire 3, mais les qualités de douceur et d'absorption sont doublées. Les consommations d'énergie des usines de production de papier : Usines de production de papier non-intégrées (non-associées à une usine de production de pâte) : Le tableau n° 3 présente les consommations de différentes usines de papier non- intégrées afin de bien distinguer les étapes de la préparation de la pâte de celles de la fabrication du papier72. Son examen montre les variations en fonction des papiers produits mais aussi permet la comparaison entre les besoin d'une unité papetière et les excédents d'une unité de pâte chimique « kraft » (tableau n° 2). Dans quelques cas, ils sont équivalents ; mais même si le plus souvent ils sont un peu supérieurs, ils montrent l'intérêt non-discutable de l'intégration en termes d'émission de gaz à effet de serre notamment mais aussi d'efficacité énergétique. 72 Le document technique de référence ([5], p. 573), fournit en complément des données très précises pour des établissements allemands utilisant essentiellement des papiers-cartons à recycler, sauf pour les papiers d'hygiène (pâtes chimiques et mécaniques). PUBLIÉ 71 consommation d'énergie (usines papetières non-intégrées en Europe) chaleur (GJ/tsa) 4 3.6 5.3 4.3 8 7-8 7 -7.5 5.23 électricité (MWh/tsa) 0.3 0.45 0.58 0.9 0.67 0.6 - 1.1 0.6 -0.7 0.61 pâte chimique blanchie Commentaire papiers cartons à recycler sans désencrage papiers cartons à recycler avec désencrage papiers et cartons à recycler papiers cartons à recycler avec désencrage référence [5], p. 754 [5], p. 754 [5], p. 572 [5], p. 754 [4], p. 421 [4], p. 507 [4], p. 507 [4], p. 408 papiers pour emballage cartons pour emballage papier d'impression papiers pour impression usine de papier couché usine non intégrée de papier couché fin usine non intégrée de papier non couché fin usine non intégrée de papier couché et non couché fin (1997) usine non intégrée de papier couché et non couché fin (2012, a priori il s'agirait de la même usine que celle de la ligne précédente) usine non intégrée de papier non couché (<2007) usine non intégrée de papier couché (2005 - 2010) usine non intégrée de papier d'hygiène usine non intégrée de papier d'hygiène usine non intégrée de papier d'hygiène 4.08 0.57 pâte chimique blanchie [5], p. 679 4.7 6.5 7.2 4.6 - 21 5.5 -7.5 0.6 0.83 0.9 0.9 ­ 3.1 0.6 - 1.1 fibres vierges (+ additifs) fibres vierges (a priori) fibres vierges fibres vierges fibres vierges [5], p. 754 [5], p. 691 [5], p. 754 [5], p. 681 [4], p. 507 usine non intégrée de papier 5 -25 d'hygiène papier d'hygiène 6.8 - 10.1 1-3 0.8 -2 pâte chimique blanchie, les très fortes variations s'expliquent par les consommations [4], p. 410 des différents procédés, fournissant des qualités très différentes papiers et cartons à recycler [5], p. 78 Tableau n° 3 Données extraites de [4] et [5], tableau reconstruit par la mission PUBLIÉ 72 Usines de production de papier intégrées (associées à une usine de production de pâte) : Ainsi qu'indiqué précédemment, dans les usines intégrées, l'excédent de chaleur engendrée par l'unité de pâte chimique (et encore moins pour les unités chimio-thermo-mécaniques) n'est en général pas suffisant pour couvrir l'ensemble des besoins ; toutefois le complément nécessaire est faible, comme le montre le tableau n° 4. Ce complément dépend du type de papier produit et peut être compensé par des compléments de matières ligneuses non valorisables (souches, racines, fragments fins des houppiers, etc.) Consommation d'énergie (usines papetières intégrées en Europe) chaleur (GJ/tsa) production intégrée de pâte Kraft non blanchie et de papier carton dont apport extérieur production intégrée de pâte Kraft blanchie et de papier fin non-couché dont apport extérieur production intégrée procédé kraft (théorique) dont apport extérieur production intégrée chimiothermo-mécanique de papier non couché dont apport extérieur production intégrée chimiothermo-mécanique de papier couché dont apport extérieur production intégrée thermomécanique de papier journal dont apport extérieur 16.4 1.5 17.5 3.5 22.2 0 n.a. 3.6 - 5.8 n.a. 4.7 - 6.5 n.a. électricité (MWh/tsa) 0.96 0.39 1.22 0.71 1.25 - 0.29 n.a. 1.2 -1.4 n.a. 1.2 -2.1 n.a. [5], p. 79 [5], p. 79 un faible excédent d'électricité peut être revendu, toute la chaleur est consommée pour le process ou la production d'électricité [5], p. 215 [4], p. 85 commentaire référence [4], p. 85 [5], p. 79 1.2 2.5 - 2.7 Tableau n° 4 Données extraites de [4] et [5], tableau reconstruit par la mission PUBLIÉ 73 3./ bilans matières : Les pertes de matières sont importantes au cours des différents processus de fabrication de pâtes à papiers (hors écorces) : Les pâtes thermo-chimio-mécaniques ont les meilleurs rendements, de 80 à 98,5 % puisque la lignine et les hémicelluloses sont conservées ([5], p. 487). Les pâtes chimiques présentent des rendements souvent inférieurs à 50 % puisque les matières non cellulosiques sont éliminées ; il faut entre 3 et 6 m3 de bois pour une tonne de pâte chimique. Les pâtes issues de papier carton à recycler ont des rendements très variables, fonction du type de papier produit, des « sortes » papetières utilisées et de l'existence ou non d'une opération de désencrage (tableau n° 5, [5] p. 564 et 571 et [4] p. 315). rendement73 Papier pour cartons et 90 ­ 95 % emballages Papier pour impression 75 ­ 85 % (journaux et magazines) Papiers d'hygiène et pâte à 50 ­ 70 % papier marchande désencrée Tableau n° 5 Données extraites de [4] et [5], tableau reconstruit par la mission Avec l'utilisation de pâtes marchandes, les pertes en fibres sont très faibles, inférieures à 1 ou 2 % ([5], p. 574). quantité de papiers et cartons à recycler par tonne produite 1 100 kg 1 200 ­ 1 350 kg 2 000 kg Ces pertes de matières ont plusieurs origines : Il est souvent mis en avant l'usure des fibres de cellulose qui raccourcissent au cours de leurs utilisations successives et les plus petites sont éliminées. Cette affirmation, qui a été parfois nuancée et une fois contestée devant la mission, paraît réelle. Surtout des « sortes papetières » différentes sont utilisées pour les différents papiers. Le point essentiel est alors l'élimination des contaminants (encres notamment, liants, agent d'encollage, etc.) et des charges papetières (amidon, carbonate de calcium, kaolin, etc.) qui peuvent être importantes pour les papiers d'écriture avec 30 à 35 % ([4] p. 408 et [5], p. 679), voire plus pour les papiers spéciaux. A contrario, ces charges sont faibles pour les papiers pour journaux et magazines et très faibles pour les cartons et papiers d'emballage (souvent sans charge ajoutée), ([5], p. 683)74. Pour les papiers d'hygiène, l'élimination de ces charges, qui sont très présentes dans les « sortes supérieures » utilisées pour la qualité de leurs fibres, et le désencrage expliquent le fort taux de déchet observé pour la fabrication de ce type de papier. Ces épurations doivent de surcroît augmenter les pertes de fibres courtes. Les papiers d'hygiène ne comportant aucune charge mais seulement des 73 Les rendements les plus élevés sont issus de données antérieures à l'an 2000 et pourraient ne pas prendre en compte tous les contaminants externes. 74 En moyenne les charges et additifs représentent 10 % de la masse du papier ([5], p. 68). PUBLIÉ 74 résines renforçant la résistance à l'état humide, ces pertes ne sont pas compensées par de nouvelles charges et les taux d'incorporation peuvent être très supérieurs à 100 % (tableau n° 3, p. 22, le cas des Pays-Bas). La consommation d'eau « fraiche » est variable, supérieure avec des fibres vierges. La question majeure est sa purification avant le rejet au milieu naturel. La consommation d'eau est plus importante pour le papier d'hygiène, car les nettoyages et rinçages des machines à papier sont plus intenses. En effet, la feuille étant de très faible grammage, jusqu'à 12 g/m2, l'absence de corps étrangers, de salissures et autres dépôts est essentielle pour assurer les décollages et transferts de celle-ci. S'ajoutent, dans le cas de l'utilisation de fibres recyclées, les opérations accrues de lavage de la pâte pour retirer les charges, encres et autres contaminants. 4./ les pollutions La production de pâtes engendre des pollutions atmosphériques, aqueuses et solides (déchets) importantes mais qui peuvent être réduites par des opérations adaptées (stations de traitement, épuration des fumées, intégration des cendres d'incinération dans des ciments (en raison de la présence possible d'éléments contaminants) ou épandage sur des terrains forestiers et agricoles (fréquent avec des fibres vierges). L'élimination des pollutions aqueuses est plus facile avec des matières d'origine végétale mais butte sur des quantités de pollutions organiques importantes ; elle est complexifiée par les étapes de blanchiment, [4] et [5]. Ce point n'est pas longuement développé car il n'a pas été présenté comme central pour privilégier une ressource plutôt qu'une autre. Toutefois la mise en oeuvre des techniques de dépollution nécessaire peut être onéreuse. PUBLIÉ 75 Annexe 5 : Bibliographie [1] [2] [3] [4] [5] Rapport statistique 2019 de l'industrie papetière française, COPACEL, Union française des industries des cartons, papiers et celluloses, septembre 2020, https://www.copacel.fr/fr Key statistics 2019, European pulp & paper industry, CEPI, Confederation of European paper industries, juillet 2020, https://docplayer.net/195944350-Key-statistics-2019-european-pulp-paperindustry.html Contrat d'objectifs et de performances 2020 ­ 2023, CTP ­ COPACEL ­ Etat, CTP, Centre technique du papier, 18 février 2020, https://www.webctp.com/fr/le-ctp-scenariste-de-l-innovation Document de référence sur les meilleures techniques disponibles, industrie papetière, Commission européenne, décembre 2001, traduction V1, https://aida.ineris.fr/guides/directive-ied Best available techniques (BAT), Reference document for the production of pulp, paper and board, European Commission, JRC science and policy reports, 2015, https://ec.europa.eu/jrc/en/publication/eur-scientific-and-technical-researchreports/best-available-techniques-bat-reference-document-production-pulp-paperand-board-industrial [6] Parangonnage européen du marché des combustibles solides de récupération, études économiques, analyses, ministère de l'économie et des finances, direction générale des entreprises, cabinet RDC environnement, octobre 2018 https://www.entreprises.gouv.fr/files/files/directions_services/etudes-etstatistiques/Analyses/2019-02-ANALYSECombustibleSolidesRecuperation.pdf Etude sur l'adéquation entre les sortes papetières produites et les besoins des utilisateurs, expertises ­ rapport, Ademe, Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, mars 2017, https://www.ademe.fr/etude-ladequation-entre-sortes-papetieres-produitesbesoins-utilisateurs Bilan national du recyclage 2008 ­ 2017, expertises ­ rapport, Ademe, Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, cabinets Deloitte, In Extenso, RDC environnement, mars 2020, Le tarif 2021 pour le recyclage des emballages ménagers ­ Le guide, CITEO, 2020 Etude sur l'incorporation des sortes papetières dans le secteur hygiène, expertises ­ rapport, Ademe, Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, juin 2020 Plan de surveillance de la contamination des denrées alimentaires et, le cas échéant de leur conditionnement, par des hydrocarbures d'huiles minérales, bilan de tâche nationale, BTN/4B/PNE/316JM, PR/1C/PNE/005, direction générale de la concurrence et de la répression des fraudes, 1er trimestre 2017, Actualisation 2018 des flux de produits graphiques en France, expertises ­ rapport annuel, réalisé pour le compte de l'ADEME par SEREHO (Alain TRIPIER), Ademe, Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, octobre 2019, www.ademe.fr/mediatheque [7] [8] [9] [10] [11] [12] [13] [14] Caractérisation de la morphologie des fibres de bois, Grenoble INP ­ Pagora, Raphaël Passas, septembre 2008, http://www.cerig.pagora.grenoble-inp.fr/tutoriel/morphologie-fibres-bois/page06.htm Pâte à dissoudre : L'opportunité du couplage raffinage et traitement enzymatique, Grenoble-INP Pagora, Bastien Large et Ilyas Mourjane, mai 2017 PUBLIÉ 76 [15] [16] [17] [18] [19] Utilization of paper for recycling by sector and by country, CEP Recycling Committee, 2019, communiqué par COPACEL Rapport statistique 2018 de l'industrie papetière française, COPACEL, Union française des industries des cartons, papiers et celluloses, septembre 2020, https://www.copacel.fr/fr Achats publics de papiers bureautique et développement du recyclage, note de la COPACEL, 7 juillet 2020 Au quotidien - éco-responsables au bureau ­ actions efficaces et bonnes résolutions, clés pour agir, Ademe, Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, mai 2017 Suivi de la qualité des matériaux, observatoire de la qualité, bilan 2018, CITEO, juin 2019 Sites internet : http://cerig.efpg.inpg.fr/ https://fr.statista.com/themes/2964/l-industrie-du-papier-en-france-et-dans-le-monde/ https://fr.wikipedia.org/wiki/Cellulose https://www.ccfi.asso.fr/un-decret-menace-la-papeterie-de-golbey-et-ses-350-salaries/ PUBLIÉ 77 Annexe 6 : implantation géographique des industries papetières en France PUBLIÉ 78 PUBLIÉ 79 PUBLIÉ (ATTENTION: OPTION   40 ans et ses causes évoquées précédemment ne sera pas aisé. De surcroît, d'importantes nouvelles capacités sont prévues en Europe à court terme, de l'ordre de 4 Mt (cf. tableau n° 4, p. 29), et viendront en concurrence. Pour le secteur du carton, on fabrique des emballages s'il y a des produits à emballer à proximité53 : La perspective de réindustrialiser la France, notamment avec des relocalisations d'usines, serait une opportunité importante pour la filière (ex : les médicaments ont des emballages spécifiques : carton fin et notice à papier fin ; l'agroalimentaire de gamme supérieure demande des emballages de qualité, ...). Le développement du e-commerce est une autre opportunité : la logistique de distribution a besoin de nombreux cartons. Pour les emballages papiers-cartons ménagers, CITEO estime une croissance de 30% d'ici 10 ans. 52 53 +555 kt/an de carton ­ 200kt/an de papier presse On ne transporte pas d'emballages vides sur de longues distances. PUBLIÉ 43 Recommandation n° 3. Utiliser toutes les possibilités du plan de relance de 2020 pour soutenir la filière papetière, en s'appuyant notamment sur : les aides à la réindustrialisation, les contrats de plan avec les conseils régionaux, le soutien aux entreprises sociales et solidaires (pour la collecte), le plan de rénovation thermique des bâtiments, le développement des alternatives aux plastiques, etc. (MEFR) L'excédent de PCR d'environ 1,5 Mt, détaillé ci-avant, sera alors une disponibilité de matières premières pour développer de nouvelles capacités de production, auquel pourraient s'ajouter les volumes supplémentaires engendrés par un accroissement du taux de récupération. 4.2 Mieux collecter les papiers à recycler « supérieurs », notamment en entreprises. Les papiers « supérieurs » sont très appréciés pour les différentes productions (hygiène, emballage, papier graphique), notamment pour leurs fibres longues qui apportent résistance et qualité. Mais la conception de papiers contenant le moins de polluants possible pour alléger les processus de recyclage des PCR, les rendre moins chers et moins polluants, et élargir le champ de leurs utilisations (hygiène, alimentaire, ...) est un enjeu important pour la filière. CITEO, l'éco-organisme en charge des filières REP « emballages ménagers » et « papiers graphiques », est déjà impliqué pour soutenir l'éco-conception. La question se pose de savoir si cette implication ne devrait pas être beaucoup plus forte. La suppression des huiles minérales prévue de façon progressive entre 2022 et 2025 par la loi AGEC (art. 112) et le décret 2020-1725 du 29 décembre 2020 (art.2., 2°) devrait permettre de simplifier les processus et d'accroître les possibilités de recyclage, notamment pour les produits d'hygiène et pour l'alimentaire54. Les papiers graphiques de bureau dans les petites entreprises, bureaux, petits commerces et certaines administrations sont insuffisamment collectés. Selon l'ADEME ([18]), le papier graphique représente 75% des déchets des bureaux. Mais seulement 20% des papiers sont recyclés, contre 41% pour les ménages. Pour optimiser la qualité de collecte auprès des PME, il serait préférable que les circuits de collecte se distinguent sans ambiguïté de ceux du service public55. Suite à la loi AGEC (art. 74) et en fonction de leur secteur économique, les entreprises sont tenues de passer d'un tri de 5 à 7 flux ; il serait utile de préciser comment le déploiement va être organisé et soutenu et comment dans ce cadre favoriser 54 Il semblerait que la suppression de ces huiles minérales (et donc leurs polluants associés saturés, MOSH, et aromatiques, MOAH) soit plus aisée pour les impressions avec séchage (heat set) sur des papiers couchés (dont la conception est plus énergivore) que pour les papiers non couchés qui doivent plutôt absorber l'encre laquelle peut souvent être déposée sans séchage thermique (cold set) mais engendre un désencrage plus difficile. Les gains simultanés sur les plans énergétique et chimique seraient donc complexes à court terme. 55 Selon l'AMF, la collecte des PCR par le service public pose plusieurs problèmes ; d'une part un risque juridique car les collectivités pourraient être accusées de concurrence déloyale. De plus, elle nécessite souvent des spécificités techniques et d'exploitation liées à des exigences de confidentialité. De plus, il est difficile d'établir le calcul de la redevance spéciale, obligatoire. PUBLIÉ 44 l'organisation de collectes spécifiques pour les PCR pour avoir des flux de meilleure qualité et plus rémunérateurs (cf. exemple ci-dessous). Une initiative intéressante de mutualisation de déchets PCR d'entreprises56 dans le Grand Est va augmenter la qualité et la quantité de papiers graphiques collectés : le regroupement des flux sans les mélanger avec d'autres déchets va permettre de justifier de bacs spécifiques, de mieux négocier et valoriser les déchets auprès des collecteurs et ainsi d'intéresser davantage les entreprises à trier. De telles initiatives trouvent leur place dans des démarches d'économie circulaire soutenues déjà par l'ADEME57. Elles pourraient être portées aussi par les collectivités (notamment les conseils régionaux en charge de l'économie, de l'environnement et du plan régional de gestion des déchets) et par les CCI. Le potentiel de papier graphique à collecter a été estimé à 200 ­ 250 kt/an. L'intérêt de la REP emballages et papiers non-ménagers serait de garantir le financement et la mise en place de réseaux de collecte et de tri aujourd'hui peu simples à contrôler. 4.3 Améliorer la qualité opérationnelle et l'agilité des centres de tri de déchets ménagers pour mieux répondre aux besoins des papetiers français Les contrôles effectués58 par CITEO en 2019 montrent que les centres de tri ménagers sont très loin d'atteindre les standards qualité pour les papiers graphiques et les papiers cartons mêlés : seulement 25% respectent les objectifs de qualité. Le taux d'indésirables pourrait atteindre environ 7% à 8% alors que le seuil de tolérance est de 3% maximum (voire 2,5% pour les mêlés). La situation pourrait s'aggraver avec l'élargissement des consignes de tri qui concernent désormais les plastiques et augmenter la souillure des papiers cartons dans la « poubelle jaune ». Pour les cartons, la qualité est nettement meilleure. Seulement 5% ne respectent pas les standards. La majorité des acteurs se plaignent de la mauvaise qualité des productions des centres de tri : les papetiers, qui doivent faire des traitements supplémentaires pour éliminer ces indésirables entraînant des coûts supplémentaires ; les collectivités qui perdent des recettes, compte tenu des rabais demandés par les repreneurs ; les repreneurs qui relaient les plaintes des papetiers. 56 L'association de 230 entreprises « paroles d'entreprises » met en place une première mutualisation de collecte pour 35 entreprises. 57 L'ADEME aide à l'amorçage de la démarche en cofinançant un animateur qui travaille avec quelques entreprises pour repérer les flux entrants et sortants de chaque entreprise. Les gains réalisés par les entreprises au bout de quelques années dans cette économie circulaire permettent d'autofinancer l'animateur qui permet d'élargir le cercle des entreprises impliquées. 58 Source : [19], p. 17 et 18. PUBLIÉ 45 Cette non-qualité de PCR fragilise la France à double titre : En cas de retournement du marché ou d'événement perturbateur, les PCR deviennent difficiles à exporter. De plus, le caractère notoire de la faible qualité de certaines sortes de PCR pourrait freiner certains industriels à s'impliquer pour en augmenter l'incorporation. La mission s'est interrogée sur les raisons qui font que le non-respect de qualité des standards atteint des taux aussi importants (75%) ; alors qu'il s'agit d'une filière mature où l'éco-organisme CITEO est en place depuis longtemps. Bien que les soutiens versés aux collectivités soient conditionnés au respect des standards de qualité, les comptes de CITEO affichent les paiements sans préciser les pénalités et les déclassements éventuels ; les analyses sont difficiles, voire impossibles, en l'état. L'hypothèse d'une sévérité insuffisante de CITEO ne peut pas être écartée, voire apparaît probable pour partie. Elle s'est également interrogée sur la façon de sortir du cercle vicieux qui s'est installé au fil des ans entre les centres de tri et les repreneurs, puisque les repreneurs ne refusent pas les PCR non conformes, alors qu'ils devraient le faire, et préfèrent négocier des rabais. L'hypothèse que les collecteurs et trieurs pourraient parvenir à gérer cette non qualité en reconstituant des lots par un mélange de sortes issues des circuits industriels et commerciaux et de la collecte des déchets ménagers a été émise. Enfin, le manque de réactivité des centres de tri pour s'adapter à l'évolution des besoins des papetiers a également été souligné. En effet, le barème de soutien aux collectivités de CITEO est établi pour six ans, durée longue au regard de l'évolution de la demande à laquelle l'activité papetière doit s'adapter (par exemple développement du e-commerce nécessitant de nombreux emballages) ; de plus, dans le cadre du processus de validation par l'Etat des barèmes de soutien aux collectivités, les collectivités et la filière papetière du recyclage semblent ou déclarent être insuffisamment associées pour pouvoir apprécier les conséquences sur leurs activités et la cohérence d'ensemble. C'est pourquoi, pour améliorer l'adéquation de production des PCR avec les besoins des papetiers recycleurs français (sortes papetières et qualité), il serait bénéfique de : o revoir les barèmes de soutien aux collectivités et leur mode d'actualisation avec l'objectif de favoriser l'économie circulaire de proximité : Pour cela, l'association étroite des acteurs de la filière de recyclage, des collectivités jusqu'aux papetiers recycleurs, est nécessaire pour en apprécier l'impact. Ce travail devrait se faire sous l'autorité de l'Etat dans le cadre de son soutien à la filière papetière et à l'économie circulaire. renforcer le contrôle par CITEO de la qualité de production des centres de tri et des repreneurs et intensifier l'application des pénalités. Compte tenu de l'importance de l'écart à rattraper et du risque de mettre en difficulté les centres de tri et les collectivités, CITEO pourrait fixer un objectif de rattrapage échéancé pour une adaptation progressive des pratiques. o PUBLIÉ 46 o o accélérer la modernisation de ces centres de tri en cours59 pour maintenir une qualité des PCR triés malgré l'extension récente de la collecte des plastiques dans les poubelles jaunes ; partager les résultats des expérimentations qu'accompagne CITEO sur des dispositifs de tri complémentaire des PCR en sortie des centres de tri (et apprécier le modèle économique possible ou non pour augmenter la qualité) ; Revoir les barèmes de soutien aux collectivités et leur mode d'actualisation pour optimiser l'efficacité du recyclage par l'industrie papetière française. (DGPR, DGE) Recommandation n° 4. Ce travail devra être conduit par l'Etat (MEF et MTE) en associant l'ensemble de la filière d'économie circulaire (collectivités, papetiers recycleurs, repreneurs, éco-organisme). Recommandation n° 5. Exiger de CITEO l'application ferme des barèmes associés aux standards de qualité avec des échéances temporelles précises. (DGPR) 4.4 Eviter d'imposer des taux minimaux d'incorporation de fibres recyclées Il est nécessaire de rappeler que le taux d'incorporation de PCR dans la fabrication de papiers-cartons, en France, est supérieur à celui de la moyenne des pays européens : 71,3 % contre 54,5 % en 201960. Pour augmenter ce taux d'incorporation de PCR dans la fabrication des papiers et cartons, les pouvoirs publics peuvent recourir principalement à deux mesures : utiliser le système des éco-modulations pour inciter l'éco-conception, en différenciant les contributions payées aux éco-organismes pour la mise en marché des produits finis ; fixer par voie règlementaire un taux minimum d'incorporation de PCR dans la fabrication de certains papiers ou cartons. Ces deux outils peuvent être utilisés de manière concurrente ou complémentaire. 4.4.1 Les perspectives offertes par l'éco-modulation Les critères de l'éco-modulation portent, notamment sur l'origine de la fibre ou la recyclabilité des papiers, en particulier la présence de perturbateurs pour le tri ou le recyclage, ainsi que de substances susceptibles de compromettre l'utilisation du matériau recyclé. 59 Engagé depuis plusieurs années, ce plan aurait un coût compris entre 900 et 1 500 M. Il pourrait bénéficier de la mesure « modernisation des centres de tri, recyclage et valorisation des déchets » du plan de relance de 2020 (volet à destination des entreprises), abondé d'environ 274 M, dont 40 à 50 % pourraient potentiellement aller vers les centres de tri. 60 cf. 1.2.1., p. 10. PUBLIÉ 47 Pour 2021, CITEO indique que les éco-modulations sur l'origine de la matière et la recyclabilité restent identiques à celles de 2020. Toutefois, afin de réduire la contamination des matières à recycler par les huiles minérales et en application de l'arrêté d'éco-modulation du 29 octobre 2019, un malus sur les huiles minérales est ajouté à partir du 1er janvier 2021 (taux majoré, +10% en 2021 et +20% en 2022). Il existe, ainsi, 4 critères d'éco-modulation pour les papiers, 3 inchangés et un nouveau : Schéma n° 1, source CITEO Outre la prise en compte les critères environnementaux décrits plus haut, les tarifs de l'éco-modulation aident à financer les soutiens versés au titre de la collecte et du tri des papiers en vue de leur recyclage. Ce dimensionnement des soutiens versés est le fruit d'une concertation entre les metteurs en marché, les collectivités locales et les pouvoirs publics lors de la préparation de l'agrément de l'éco-organisme. La filière papiers graphiques doit aussi se préparer pour le prochain agrément qui intègrera le fait qu`elle devra couvrir 50% des coûts nets optimisés supportés par le service public de gestion des déchets au plus tard le 1er janvier 2023 (article 72 de la loi AGEC) dans un contexte de baisse continue du gisement de papiers graphiques mis en marché. La mission s'interroge sur l'opportunité de faire peser sur la filière graphique, et notamment la presse, des charges nouvelles alors qu'elle est en situation fragile, qu'elle représente une part de plus en plus faible des volumes des déchets collectés et triés et des coûts associés. La presse et les livres sont des éléments essentiels à la démocratie puisqu'ils permettent à tous l'accès à l'information. Il serait dangereux de la fragiliser davantage. L'éco-modulation est un outil efficace s'il est correctement calculé pour dissuader la mise en marché de certains emballages ou papiers difficiles à recycler, voire perturbateurs de process industriels61. Frappant tous les produits français ou importés, les distorsions concurrentielles qu'elle induit sont par essence limitées Recommandation n° 6. Recourir à l'éco-modulation pour inciter aux évolutions souhaitées, notamment encourager l'éco-conception, et suivre attentivement les principes retenus et leur transposition dans les barèmes des écocontributions. (DGPR) 61 Situation fréquente avec certains polymères ou charges des plastiques ou certains verres et porcelaines. PUBLIÉ 48 4.4.2 Les risques des taux d'incorporation obligatoire La fixation par voie réglementaire d'un taux d'incorporation pour un type de produit peut être potentiellement perturbante pour les acteurs économiques. Elle a été prévue par la loi relative à la lutte contre le gaspillage et l'économie circulaire dans son article 61, II. (loi « AGEC », n° 2020-105 du 10 février 2020) : « afin d'atteindre les objectifs de recyclage fixés par la loi ou le droit de l'Union européenne et de soutenir les filières de recyclage, la mise sur le marché de certaines catégories de produits et matériaux peut être subordonnée au respect d'un taux minimal d'incorporation de matière recyclée dans ces produits et matériaux »62. Par ailleurs, l'article 58, impose que les « biens acquis annuellement par les services de l'Etat ainsi que par les collectivités territoriales et leurs groupements sont issus du réemploi ou de la réutilisation ou intègrent des matières recyclées dans des proportions de 20 % à 100 % selon le type de produit ». Pour les papiers « presse et magazines » : Un décret d'application de la loi AGEC doit fixer les conditions dans lesquelles la teneur minimale en papier recyclé sera progressivement augmentée de manière à ce que la part de papier recyclé dans les publications de presse atteigne, en moyenne, un taux d'au moins 50% avant le 1er janvier 2023. Il est prévu de faire de l'incorporation de papier recyclé dans les publications une condition préalable à la possibilité de contribuer en nature63 à la REP papier. Le papier journal et celui pour la « presse magazine » seraient distingués, chaque segment ayant des objectifs chiffrés d'incorporation de PCR différents. Le dispositif prendrait de plus en compte un certain nombre de sous-critères qui moduleraient la part d'éco-contribution entre contribution en nature et contribution en numéraire. Ce texte, en cours d'élaboration, fait l'objet de discussions entre les ministères concernés (transition écologique et culture) et les acteurs économiques de ce secteur. Ces derniers jugent les objectifs et les calendriers initialement proposés comme trop ambitieux et irréalistes au vu de la situation économique du secteur de la presse et des capacités de production industrielle de papier répondant aux nouvelles conditions imposées. Ils soulignent en particulier qu'il n'existe plus en France d'usine pour produire les papiers pour la presse avec les teneurs minimales requises en PCR telles qu'elles seraient envisagées. Il est très vraisemblable que, compte tenu de l'importance des investissements nécessaires pour doter une usine des unités de trituration et de désencrage indispensables et du caractère spécifique des installations industrielles, le papier sera in fine acheté à l'étranger, transporté sur de longues distances pour un bénéfice écologique discutable. A contrario, les entreprises françaises devront trouver de nouveaux débouchés ou réduire leur activité, éventuellement avant leur fermeture définitive dans le futur. 62 La mission note que cette incorporation n'est imposée, stricto sensu, par le droit européen que pour les bouteilles plastiques en polyéthylène téréphtalate (directive 2019/904, art. 6, 5°). 63 En sachant qu'en 2023, la possibilité pour la presse de contribuer en nature s'éteindra. La contribution en nature permet de s'exonérer des contributions financières à l'éco-organisme en échange de l'insertion de publicités vantant l'intérêt du recyclage. PUBLIÉ 49 Pour les papiers graphiques : Les professionnels citent d'une part la volonté, mise en oeuvre depuis quelques années et de façon interne, du ministère chargé de l'écologie d'utiliser du papier graphique recyclé, dont la production en France est très limitée et qui pourrait provenir principalement d'Allemagne ou d'Autriche. Les papetiers utilisant des fibres vierges dénoncent leur perte de marché ainsi qu'une décision contraire aux intérêts économiques français et écologiques. La mission n'a pas pu recueillir d'éléments contraires à ces divers propos ou de démenti. D'autre part, en application de l'article 58 de la loi AGEC, le projet d'une généralisation à l'ensemble des administrations d'Etat ou des collectivités d'une obligation d'achat de papier d'impression ou de photocopie recyclé à 80 % inquiète particulièrement les mêmes professionnels. Ils soulignent que seuls 10 % (60 kt sur 610 kt) des papiers de ce type produits en France, par trois entreprises, correspondent à des papiers recyclés, [17]. Ce sont deux entreprises de Clairefontaine à Everbal (100% recyclés) et Mandeure (mixte) ainsi que l'entreprise Double A dans l'Eure. Ces établissements utilisent en partie de la pâte recyclée fabriquée par l'usine WEPA de Château Thierry. Cette dernière usine produit 180.000 t/an de pâte marchande vendue pour moitié pour fabriquer du papier graphique et pour moitié du papier hygiène. Ses acheteurs sont en grande partie à l'étranger, notamment en Allemagne. Elle pourrait produire encore 30 kt supplémentaires. Fin 2020, la concurrence était rude avec de la pâte vierge dont le prix rendu dans les ports (un peu inférieur à 500 /t) était moins cher que le prix de revient de la pâte recyclée (550 à 650 /t). Le graphique n° 7, p. 20, confirme qu'en Europe les papiers graphiques autres que ceux pour les journaux et imprimés publicitaires sont ceux qui incorporent le moins de papiers à recycler (< 15 %). Pour mémoire 454 kt de « ramettes » de papier graphique ont été consommées en France en 2018 ([12], p. 35). Les exemples de ce marché public et des textes en gestation montrent que les outils « contraignants » doivent être utilisés avec de très grandes précautions par la puissance publique. Au-delà de la dimension « pédagogique », voire symbolique, dont l'intérêt ne saurait être écarté sans réflexion, il est nécessaire de fixer des objectifs « réalistes » prenant en compte, d'une part, l'impact économique ou la faisabilité technique ou industrielle de la mesure envisagée et, d'autre part, l'intérêt écologique global64 du taux imposé d'emploi de matières recyclées. Il serait aussi important d'associer à la mise en oeuvre d'un taux minimal imposé un certain nombre de mesures pour créer un contexte favorable et cohérent au développement d'une production de papier graphique recyclé en France (optimisation des barèmes des collectivités, soutien aux installations de cogénération à gaz haute performance, sensibilisation du public français, ...). Cela ne signifie pas que les pouvoirs publics ne peuvent ou ne doivent pas avoir de politique volontariste, mais que toute mesure dont l'impact peut aboutir à une rupture de l'équilibre technicoéconomique d'une filière fragilisée et en relatif déclin sur le territoire national doit être évaluée dans ses conséquences économiques et dans le gain écologique global qu'elle apporte, en concertation avec les acteurs de la filière, et suivre un calendrier de mise en oeuvre permettant à l'outil productif de s'adapter. 64 Cf. § 2.2 du présent rapport PUBLIÉ 50 La mission constate le caractère potentiellement dangereux de taux minima d'incorporation fixés sans approche globale et sans concertation préalable étroite. Recommandation n° 7. N'imposer des taux d'incorporation minimaux de fibres recyclées qu'après une étroite concertation avec l'ensemble des parties prenantes, une analyse approfondie des coûts/bénéfices économiques et écologiques et, en dernier recours, si les autres outils incitatifs ont montré leur inefficacité (MTE et MEFR). 4.5 Accroître l'incorporation des papiers à recycler dans les papiers d'hygiène L'incorporation accrue de papiers et cartons à recycler dans les papiers d'hygiène et domestiques semble une voie intéressante d'un point de vue théorique. Les quantités recyclées aujourd'hui sont relativement faibles, 279 kt pour 817 kt produites en 2019 (taux d'incorporation de 34.1 %) et l'Ademe s'est assez logiquement intéressée à cette question [10]. Les opérateurs, mais aussi l'analyse des données, mettent en avant plusieurs arguments pour considérer qu'il s'agirait d'une solution non-susceptible de résoudre l'excédent français : Même en doublant l'utilisation de PCR, cela ne représenterait que 20 % environ de l'excédent français et la France incorpore déjà beaucoup plus de PCR dans les papiers d'hygiène que d'autres pays comme l'Espagne ou l'Italie. La production de papiers d'hygiène est souvent réalisée sur des unités de taille plus réduite que pour les autres types de papier car le transport de ce produit peu dense est assez onéreux et exige des marchés de proximité. Cet argument connaît toutefois quelques limites en constatant l'absence d'unité de production de papier d'hygiène dans le quart sud-ouest de la France. La gestion de ces usines est plus simple à partir de pâte vierge que si elles doivent être associées à des unités de désencrages plus complexes à piloter. La conversion des établissements existants pour utiliser des papiers et cartons à recycler serait onéreuse. Les papiers d'hygiène demandent des fibres longues pour la solidité et une absence de contaminant65 ; les sortes utilisées sont les plus recherchées et correspondent à un marché déjà en tension ; ce ne sont pas celles qui sont en excédent pour la France. L'exigence de blancheur est une spécificité française qui est aujourd'hui inscrite par la grande distribution dans ses cahiers des charges, dans le souci de satisfaire les goûts des consommateurs, et qui limite l'utilisation de PCR. 65 Ce problème devrait être toutefois fortement réduit d'ici quatre ans avec l'application de la loi AGEC organisant l'interdiction des encres comportant des huiles minérales perturbant les opérations de recyclage. PUBLIÉ 51 Le bilan énergétique de la production de papier d'hygiène à partir de PCR est, d'un point de vue relatif, un peu moins favorable que d'autres (comme le papier pour ondulé) à cause du désencrage ou du raffinage et parce que ces papiers demandent plus d'énergie pour leur séchage. Pour autant l'analyse des données étrangères ou plus anciennes (cf. 2.1., p. 19) suggère que, dans le passé ou dans certains pays, l'incorporation a pu être plus importante et concerner des sortes moins nobles qu'en France (sortes mêlées en Allemagne et aux Pays-Bas, journaux et magazines en Suède). L'immobilisme ou l'attentisme paraissent peu satisfaisants. Cette conclusion est confortée par les échanges avec un producteur. Toutefois dans le cadre de cycles d'une durée de deux à trois ans et aujourd'hui, la pâte vierge d'Amérique du sud est peu chère (moins de 500 /t rendue dans les ports français en raison d'un fort ralentissement de la consommation depuis un an et demi alors que la pâte recyclée coûte actuellement 550 à 650 /t), ce qui n'encourage pas les investissements en faveur du papier d'hygiène issu de PCR. S'il paraît vraisemblablement peu opportun de prendre des dispositions réglementaires imposant l'incorporation de papiers et cartons à recycler dans les papiers d'hygiène ou d'y conditionner fortement d'éventuels aides et soutiens, il est vraisemblable que l'augmentation de ce recyclage puisse être explorée. A titre d'exemple, l'entreprise italienne Lucart utilise 55% de PCR et transforme les briques de boisson de type « Tetra Pak » depuis 2010 en papier hygiène. Dès 2011, cette technologie a été développée dans sa filiale à Laval en Vologne (88). Selon l'entreprise : Une brique alimentaire est composée de 6 couches avec 74% de cartons, 22% de polyéthylène, 4% d'aluminium. Il faut 100 briques produire pour un rouleau d'essuie-main. La recherche des causes de l'incorporation modérée en France est un préalable pour les surmonter : importance et raisons de la demande des consommateurs pour une intense blancheur du papier, craintes liées aux contaminants chimiques présents dans les encres, autres contraintes techniques, ... (cf. recommandation n° 9) Recommandation n° 8. Sensibiliser les utilisateurs et les grands distributeurs de papiers graphiques et d'hygiène à l'intérêt environnemental et sanitaire d'utiliser des papiers moins blancs et si possible recyclés (MTE). La traduction concrète de cette sensibilisation permettrait une réduction des agents polluants et le développement du recyclage. 4.6 Développer de nouveaux usages et débouchés Les PCR sont déjà utilisés depuis longtemps en isolation des bâtiments, notamment en vrac (ouate de cellulose). Le soutien accru à la rénovation thermique des bâtiments, notamment dans le plan de relance, peut être une opportunité pour élargir les débouchés des PCR. L'interdiction récente des plastiques à usage unique est une autre opportunité pour développer l'utilisation des PCR dans l'emballage alimentaire où les besoins sont très importants. Mais la plupart des nouvelles utilisations alimentaires nécessitent de donner au papier de nouvelles fonctionnalités PUBLIÉ 52 « barrières » (à l'eau, à la vapeur d'eau, au gras...). Des travaux de recherche sont en cours partout dans le monde, notamment dans les laboratoires des grandes entreprises internationales. La France dispose d'un outil de recherche précieux, le Centre technique du papier (CTP) à Grenoble66, qui semble posséder une bonne connaissance technologique sur ces sujets. Toutefois, le passage à l'industrialisation est encore insuffisant. Il est essentiel que les entreprises françaises de petite et moyenne taille puissent bénéficier des avancées de la recherche. C'est pourquoi, il serait utile de renforcer le rôle du CTP, des universités et des éco-organismes pour renforcer les programmes de recherche et de développement appliqués. Il convient également d'amplifier la synergie entre ces acteurs et les PME. Enfin, pour les fractions de PCR difficiles à recycler, sans autre possibilité de valorisation matière, y compris à l'export, la valorisation énergétique des PCR devrait pouvoir être possible et facilitée, pour des utilisations adaptées67 à leur spécificité calorifique, notamment sous forme de combustibles solides de récupération. La mission a constaté à plusieurs reprises l'importance de verrous technologiques à lever, notamment pour l'élimination des huiles minérales dans les encres, pour l'incorporation des « sortes nonsupérieures » dans les papiers d'hygiène, pour le développement des usages non-papetiers des PCR et plus généralement de la cellulose ou encore pour la détermination de critères, s'il en existe, suggérant dans quelques cas la supériorité d'une valorisation thermique au recyclage matière68. Le CTP semblerait la structure la plus à même de répondre à ces questions pour l'ensemble de la filière. Le soutien des opérateurs aval (façonniers, imprimeurs, etc.) pourrait être recherché. Recommandation n° 9. Développer les soutiens au Centre technique du papier en lien avec les industriels concernés, si possible en y associant les opérateurs aval de la filière papetière, pour pouvoir répondre aux différents défis que pose l'accroissement de l'emploi des papiers et cartons à recycler dans les usages actuels ou nouveaux des fibres cellulosiques. Les fonds nécessaires à ces recherches pourraient être en partie apportés par CITEO. (DGPR, DGE) Une dotation de l'ordre de 2 M/an paraîtrait adaptée compte-tenu du budget actuel du CTP (près de 11 M en 2018) et des besoins unanimement soulignés. Une brève mission au sein du CTP pourrait valider ce point non évalué par la mission, notamment en raison des contraintes sanitaires de 2020. 4.7 Disposer de données statistiques et commerciales fiables Les difficultés rencontrées lors de cette mission sur le recueil de données et leur exploitation qui a montré leur manque profond de cohérence entre les différentes sources (COPACEL et ADEME d'une 66 Ce centre travaille dans un environnement de recherche favorable, avec des laboratoires de recherche de l'université de Grenoble et l'école nationale d'ingénieur pour le papier. 67 Potentiel énergétique moindre que les plastiques, donc adapté à des installations de type production de vapeur industrielle ou chauffage urbain. 68 La production de gaz combustible de synthèse par pyrolyse est parfois évoquée. PUBLIÉ 53 part et CITEO d'autre part) mais aussi parfois au sein de mêmes sources (cf. 3.5., p. 38) montrent l'intérêt de mettre en place un observatoire spécifique pour les PCR qui rassemblerait les données des deux REP existantes (au sein de CITEO) et de la future REP sur les emballages du secteur économique. A ce titre, les données du secteur économique de la filière papiers graphiques paraissent trop difficilement accessibles. La mise en oeuvre de la REP pour les emballages du secteur économique sera utile pour développer l'éco-conception de ces emballages, qui pourrait faire augmenter la production de PCR. Pour améliorer le taux de collecte et la qualité du tri, la REP pourrait également soutenir les démarches d'économie circulaire entre les entreprises (cf. exemple du Grand Est, p. 42). La mise en place d'une structure de coordination dédiée pour ces REP permettrait de mettre en cohérence les données, ce qui est essentiel pour comprendre les phénomènes en cours, définir des perspectives et donner de la visibilité à l'Etat, aux collectivités (Régions et EPCI) et aux industriels69. Cette structure pourrait également faciliter la coordination entre les éco-organismes, notamment pour les actions de sensibilisation et de communication (ex : CITEO et CYCLAMED, entre CITEO et le futur éco organisme pour les emballages industriels70). Recommandation n° 10. Constituer une structure rassemblant, organisant et fiabilisant les données nécessaires au suivi du recyclage avec l'objectif de garantir leur cohérence (mise en marché, importation, exportation, des produit soumis à éco-contribution et des déchets qui en sont issus). (MTE, MEFR) La mission ne se prononce pas sur la localisation de cette structure, au sein d'une administration, d'un organisme parapublic (par exemple en renforçant la structure déjà existante au sein de l'Ademe avec la coopération des éco-organismes), ou d'un organisme affilié à un ou aux éco-organismes. En revanche, il est impératif que le rôle de l'Etat y soit affirmé et que celui-ci puisse garantir l'exhaustivité des données collectées et la transparence de leur traitement. 69 Plusieurs rapports d'inspection ou de contrôle non publiés ont, plus ou moins explicitement, souligné l'intérêt d'une structure de ce type (les formes, les compétences et les champs d'intervention restant variables ou peu précisés). 70 Par exemple, comment soutenir et développer les mutualisations entre les PME, à l'instar de « paroles d'entreprises » en Lorraine. PUBLIÉ 54 CONCLUSION La filière papier/carton est globalement performante en termes de recyclage. Le taux d'incorporation (quotient de papier carton à recycler sur la quantité de produits fabriqués) est supérieur à 71 %. Des progrès sont néanmoins encore possibles et souhaitables mais ils doivent être mesurés de sorte que des contraintes nouvelles, non suffisamment concertées, ne limitent pas d'abord les débouchés de l'industrie nationale puis concourent à sa fragilisation, voire sa destruction. La filière papier/carton répond à plusieurs objectifs de la transition écologique : logique d'économie circulaire, lutte contre l'effet de serre, protection de la biodiversité, source d'énergie renouvelable et doit être encouragée. Sa fragilité industrielle est pour une part celle de toute l'industrie française et il y est progressivement répondu dans un cadre plus général. Il peut aussi y être, en partie, remédié par la reconnaissance réfléchie de sa place dans une politique de transition écologique et d'économie circulaire, par l'amélioration des pratiques actuelles de recyclage comme par l'encouragement à la recherche de nouveaux débouchés. Les industries y travaillent ; l'Etat pourrait par quelques mesures ciblées amplifier ce mouvement au profit tant des objectifs environnementaux qu'en matière d'emploi et de commerce extérieur. Jean BEMOL Oliviers DEBAINS Contrôleur général économique et financier Hervé MARITON Contrôleur général économique et financier Philippe GUIGNARD Ingénieur général des mines Ingénieur général des ponts, eaux et forêts Christine MESUROLLE Ingénieure générale des ponts, eaux et forêts PUBLIÉ 55 ANNEXES PUBLIÉ 56 Annexe 1 : Lettre de mission PUBLIÉ 57 PUBLIÉ 58 PUBLIÉ 59 Annexe 2 : Liste des acronymes utilisés ADEME AGEC Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie loi AGEC : LOI n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire (1), NOR: TREP1902395L chambres de commerce et d'industrie Confédération européenne des industries du papier Conseil général de l'Economie CCI CEPI CGE ou CGEIET CGEDD CGEFi CO2 CSR EPCI ETI GJ J kWh Kt Tep MEFR MTE MWh PCI Conseil général de l'écologie et du développement durable Conseil général économique et financier dioxyde de carbone combustible solide de récupération établissement public de coopération intercommunale entreprises de taille intermédiaire giga-Joule (unité d'énergie, 0.28 MWh) Joule unité d'énergie kilo-Watt.heure (unité d'énergie) kilo-tonne soit mille tonnes tonne d'équivalent pétrole (unité d'énergie), environ 11.6 MWh ou 42 GJ ministère de l'économie, des finances et de la relance ministère de la transition écologique Méga-Watt.heure (unité d'énergie 106 Wh ou 3.6 GJ) pouvoir calorifique inférieur (ne tient pas compte de la chaleur latente de condensation des gaz de combustion) petites et moyennes entreprises PME PUBLIÉ 60 REP UE W Wh responsabilité élargie du producteur (filière) Union européenne Watt unité de puissance (un Joule par seconde) Watt.heure unité d'énergie (3 600 J) PUBLIÉ 61 Annexe 3 : Liste des personnes contactées ou interrogées Organismes publics et parapublics Cabinet de la ministre de la Transition Ecologique Mme. Estelle Sandré-Chardonnal, conseillère en charge de l'économie circulaire, M. Benjamin Despretz, chargé de mission, Cabinet du ministre chargé de l'industrie M. Pierre Jérémie, conseiller industries de base, de l'énergie et éco-industries, Direction générale de l'énergie et du climat M. Nicolas Clausset, sous-directeur, systèmes électriques et énergies renouvelables, M. Vincent Delporte, chef du bureau production électrique et énergies renouvelables, M. Timothée Furois, sous-directeur, marchés de l'énergie, Direction générale des entreprises M. Thomas Pillot, sous-directeur, chimie, matériaux et éco-industries, M. Pierre Leprince, chargé de mission industrie papetière, M. Rémi Lantreibecq, directeur de projet « développement de l'économie circulaire dans l'industrie », Direction générale de la prévention des risques M. Philippe Bodennez, chef de service, risques sanitaires liés à l'environnement, déchets et pollution diffuses, M. Vincent Coissard, sous-directeur, déchets et économie circulaire, M. Fabrice Moronval, chargé du suivi de la filière REP papier, Délégation interministérielle aux restructurations d'entreprises M. Clément Bethollet, adjoint au délégué interministériel, chef de la mission restructuration au sein de la direction générale des entreprises, PUBLIÉ 62 ADEME M. Jean-Charles Caudron, chef de service, produits et efficacité matières, M. Raphaël Guastavi, chef de service adjoint, M. Olivier Benoît, responsable du suivi de la filière papiers-cartons, Organisations professionnelles Centre technique du papier M. Olivier Tassel, Président, M. Gilles Lenon, directeur général, M. Frédéric Guillet, COPACEL (Union française des industries des cartons, papiers et celluloses) M. Philippe d'Adhémar, président, M. Paul-Antoine Lacour, délégué général, M. Yan Le Moux, directeur économie circulaire et politiques produits, COFEPAC (Comité français de l'emballage papier carton) M. Noël Mangin, coordonnateur, directeur général de REVIPAC (dispositif de responsabilité élargie du producteur dans le domaine des emballages), M. Stéphane Roussel, FNADE (Fédération nationale des activités de la dépollution et de l'environnement) M. Fabrice Rossignol, président, Mme Nadine Dargère, Mme Clothilde Vergnon, Mme Isabelle Ganeau, Mme Muriel Olivier PUBLIÉ 63 FEDEREC (Fédération professionnelle des entreprises du recyclage) M. Stéphane Panou, président de FEDEREC papiers-cartons, M. Manuel Burnand, directeur général, Mme Marion Halby, chargée de mission papier carton, Group'hygiène (syndicat professionnel représentant les fabricants d'articles à usage unique pour l'hygiène, la santé et l'essuyage, vendus sur le marché français) Mme Valérie Pouillat, délégué générale, M. Michel Pirson, consultant, Entreprises Groupe Gascogne M. Olivier Tassel, président, Papèteries de Vizille M. Pierre Bonnet, directeur général, M. Stéphane Malachie, directeur de la production, M. Romain Dunot, directeur commercial, International Paper (Site de Saillat en Haute-Vienne) M. Philippe d'Adhémar, directeur général Smurfit-Kappa M. Philippe Fouque, directeur des opérations de Smurfit-Kappa recycling France, WEPA M. Laurent Bedault, directeur de l'usine de Château-Thierry, PUBLIÉ 64 CITEO Mme Sophie Grenier, directrice du recyclage, M. Nicolas Furet, secrétaire général, M. Thibaud Bouchet, conseiller relations publiques, senior data scientist... M. Jean-François Robert, directeur technique produits fibreux, chief technology officer Adelphe Sophie Wolff, directrice déléguée, Stépahanie Lequeux, responsable développement commercial et gestion client, PUBLIÉ 65 Annexe 4 : Eléments techniques relatifs à la fabrication des papiers, des cartons et des pâtes à papier, notamment sous l'angle de l'énergie et des matières employées Synthèse Les éléments techniques qui suivent montrent que la fabrication du papier ne saurait être perçue comme une activité industrielle homogène et qu'aucune approche ne peut être retenue comme générale. Les quatre familles de papiers-cartons sont très différenciées, par leurs caractéristiques mais aussi leurs modes de fabrication, et possèdent des cycles relativement indépendants. La présence ou l'absence de charges et d'encre, la qualité des fibres, les qualités finales du papier expliquent que les papiers et cartons pour emballage se recyclent facilement entre eux avec un faible taux de perte ; il en est de même pour les papiers pour impression. Pour les papiers d'hygiène, les taux de perte significatifs et les consommations supérieures d'énergie pour la préparation des pâtes issues de papiers et cartons à recycler, les qualités supérieures des fibres utilisées qui doivent associer douceur, résistance et capacité d'absorption (éventuellement par des couches différentes), peuvent justifier un recours plus faible ou a minima moins facile aux fibres recyclées, ce qui est observé un peu partout en Europe et défendu par d'assez nombreux opérateurs. La production de papier-carton commence par la production de pâte à papier suivie par fabrication de la feuille de papier71. Ces deux étapes peuvent être réalisées sur un même site, dit intégré, ou dans des établissements distincts, ce qui engendre des distinctions importantes en termes de consommation énergétique, de consommation de matières premières et de pollution notamment. 1./ La fabrication de la pâte à papier La pâte à papier vierge Celle-ci est produite à partir de fibres végétales, issues principalement de bois forestier, plus marginalement de plantes ligneuses annuelles (e.g. Chanvre, Ortie). Les fibres cellulosiques du bois sont composées de cellulose (30 à 50 %), d'hémicellulose (30 à 45 %) et de lignine (15 à 25 %) : Les molécules de cellulose sont des polymères constitués par l'enchaînement linéaire d'unités de D-glucose par des liaisons -(14), de quelques centaines jusqu'à 15 000. L'agrégation des molécules de cellulose entre elles résulte de liaisons hydrogènes multiples. Les hémicelluloses sont des polymères ramifiés composés de divers sucres, glucose, xylose, mannose, galactose, rhamnose, arabinose ..., parfois dotés de radicaux acides. 71 Les phases de façonnage, impression, découpage, pliage, etc. ne sont pas abordées ici car elles ne sont pas différentes selon l'origine des fibres constitutives du papier (vierges ou recyclées). PUBLIÉ 66 Les lignines sont des polymères poly-phénoliques complexes, rigides, hydrophobes et tridimensionnels. Ces macromolécules sont essentiellement responsables de la rigidité du bois ; les conifères sont plus riches en lignine que les feuillus. Très schématiquement, les molécules de cellulose s'organisent en micro-fibrilles qui se structurent en macro-fibres (de l'ordre de 1 500 molécules). Les hémicelluloses et lignines assurent des pontages entre ces structures polymériques et permettent de constituer les fibres constitutives des parois cellulaires. Les teneurs en en cellulose sont variables selon les espèces, par exemple de 42% pour le Pin maritime à 55% pour l'Epicéa, l'Eucalyptus atteindrait 52-58 %, (valeurs extrêmes qui sont sensiblement les mêmes pour les feuillus et les résineux, [13] et [5] p. 255). Les plantes annuelles sont moins riches en cellulose. L'écorce est impropre à la fabrication de papier, elle représente en moyenne 12 à 15 % des produits forestiers en poids. La préparation de la pâte à papier a pour objectif d'individualiser les fibres et éventuellement de les séparer chimiquement pour en modifier les caractéristiques et la morphologie en en accroissant l'accessibilité à l'eau, la porosité, la fibrillation (séparation partielle de sous-fibres et fibrilles), ou en en diminuant la rigidité, les courbures, les coudes ou les torsions. Ces transformations peuvent être poursuivies par des opérations de raffinage (agitation mécanique intense de la pâte), de filtration, etc. avant l'introduction dans la machine à papier pour la fabrication de la feuille. Les différents procédés d'obtention de la pâte à papier à partir de fibres vierges Ils peuvent être regroupés en deux grandes catégories : Les pâtes mécaniques et chimio-thermo-mécaniques pour lesquelles les fibres du sont dissociées par des meules abrasives. La réalisation de cette opération, sous pression ou non, et son complément éventuel par une phase de cuisson limitée, en présence ou non de réactifs chimiques, permet de distinguer des sous-familles de procédés. Les pâtes obtenues, dites avec bois, sont riches en lignine et le papier qui en est issu peut jaunir rapidement. Elles totalisent 25 % des pâtes en Europe ([2], p.8). Les pâtes chimiques qui recouvrent deux méthodes : o Le procédé kraft (dit parfois au sulfate) procède à la cuisson pendant quelques heures (au minimum deux à température maximale) de copeaux de bois entre 155 et 175 °C dans une solution de soude (NaOH) et de sulfure de sodium (Na2S). La suspension obtenue est « lavée » pour extraire les lignines, hémicelluloses et produits chimiques au sein de la « liqueur noire », laquelle est concentrée avant d'être incinérée pour produire de l'énergie thermique et régénérer les additifs de cuisson. Le procédé Kraft est le plus répandu dans le monde et représente 70 % des pâtes en Europe (94 % des pâtes chimiques). o Les procédés aux bisulfites (de magnésium, Mg(HSO3)2 ou de calcium Ca(HSO3)2, plus rarement de sodium NaHSO3... ou d'oxyde de magnésium, MgO, associé à une solution de dioxyde de soufre SO2, conduisant à l'ion bisulfite), fournissent des pâtes aux moins bonnes qualités papetières mais parfois plus adaptées aux applications chimiques. Ce sont en particulier les pâtes dites à dissoudre utilisées pour la fabrication d'acétate de PUBLIÉ 67 cellulose [rayonne, viscose, rhodoïd], d'hydrate de cellulose [cellophane], de nitrate de cellulose ou nitrocellulose [explosifs, celluloïd, films, vernis collodion]. Ces procédés sont minoritaires (4 % des pâtes en Europe) et plutôt en régression. Les pâtes issues de papiers et cartons à recycler Les pâtes préparées à partir de papiers et cartons à recycler issus de la collecte et du tri des déchets sont plus simples à obtenir. Les « sortes » papetières sélectionnées (cf. infra) sont dilacérées dans de l'eau chaude, éventuellement additionnée de produits chimiques. Les composants non cellulosiques (contaminants solides externes, sable, fragments métalliques et plastiques, etc., les composants et contaminants internes, encres, charges minérales, amidon, films plastiques et vernis, etc.) sont éliminés. Le désencrage poussé est une étape particulière qui n'est pas toujours réalisée. Les papiers et cartons à recycler mis en oeuvre doivent être homogènes pour obtenir une pâte aux qualités précises d'où le regroupement préalable des déchets papetiers en « sortes » précisément caractérisées et de valeur marchande très variable. Les consommations d'énergie des usines de production de pâte La production de pâte à papier à partir de fibre vierges consomme d'importantes quantités d'énergie : Pour les pâtes chimiques, cette énergie est utilisée sous forme de chaleur majoritairement pour la cuisson chimique mais aussi d'électricité (travail mécanique) pour la réduction du bois en copeaux, l'agitation et le transport des matières au cours du processus d'élaboration. Pour les pâtes thermo-chimio-mécaniques la part due au travail électrique devient essentielle et, en partie, transformée en chaleur partiellement irrécupérable. Pour les pâtes issues de papiers et cartons à recycler, l'énergie nécessaire est plus faible, variable selon les « sortes papetières » employées et les produits finis recherchés (désencrage, raffinage, etc.). Les pâtes (liquides) reconstituées à partir de pâtes marchandes déshydratées exigent le moins d'énergie pour la remise en suspension des fibres (de l'ordre de 60 kW/t) et la mise en température avant l'introduction dans la machine à papier. D'éventuels raffinages sont parfois possibles ou nécessaires. Le tableau n° 1 ci-après donne quelques indications des consommations énergétiques d'installations européennes de productions de pâte performantes. Parfois un peu anciennes, ces indications peuvent être rapprochées des valeurs moyennes données par l'industrie européenne (CEPI, [2], p. 27, qui ne sont toutefois pas directement exploitables car recouvrant les productions de pâte et de papiers/cartons). Le séchage de la pâte commerciale consomme environ 25 % de l'énergie calorifique, soit 3 GJ/t et 15 à 20 % de l'énergie électrique pour les pompages, pressages, mise en dépression, etc., ([4], p. 84 et [5], p. 216). D'autres données livrent : 5.6 GJ/t et 0.15 MWh ([5], p. 518) ou 4.12 GJ/t et 0.1 MWh ([5], p. 395). Ce séchage est supprimé dans les usines intégrées qui utilisent la pâte produite sans délai de stockage important. PUBLIÉ 68 Consommation d'énergie (usines de pâte européennes) chaleur (GJ/tsa) usines non intégrées de pâte kraft blanchie usines non intégrées de pâte kraft usine non intégrée de pâte kraft usine non intégrée de pâte Kraft blanchie usine non intégrée de pâte au bisulfite blanchie usine non intégrée de pâte au bisulfite blanchie unités intégrées ou usines non-intégrées de pâte au bisulfite blanchie usines de pâte au bisulfite blanchie pour applications chimiques et viscose (donc non intégrée) usine pâte chimiothermomécanique (nonintégrée) 10 - 14 13.7 18.4 11 14.4 16 - 18 13.5 électricité (MWh/tsa) 0.6 - 0.8 0.7 - 0.8 0.7 0.76 0.7 - 0.8 0.88 commentaire référence L'excédent de chaleur pourrait être de 2 à [4], p. 159 2.5 GJ/t pour produire de l'électricité [5], p. 78 [5], p. 215 [4], p. 84 [4], p. 216 [5], p. 393 [5], p. 393 7.5 - 8.5 0.55 - 0.75 16.5 0.9 le défibrage mécanique produit beaucoup de chaleur qui est récupérée pour la " cuisson " les consommations très variables dépendent des variantes des procédés employées et de la finesse de la pâte recherchée (plus élevée pour les papiers d'hygiène) ; les usines modernes récupèrent, au moins en partie, l'énergie calorifique de friction la pâte n'est pas séchée, il s'agit de calculs à partir d'usines intégrées [5], p. 393 0 2-3 [4], p. 277 usine pâte chimio-thermo0 mécanique (non-intégrées) 1.1 - 4.3 [5], p. 516 et [4], p. 240 unité de pâte issue de papiers et cartons à recycler unité de pâte issue de papiers et cartons à recycler pour papier d'emballage unité de pâte issue de papiers et cartons à recycler pour papier journal unité de pâte issue de papiers et cartons à recycler pour papier léger couché et super calandré unité de pâte issue de papiers et cartons à recycler pour papier d'hygiène et pâte désencrée marchande 0.2 - 0.3 0.23 - 0.3 0 0.45 0.9 0.65 1.2 0.15 - 0.25 [5], p. 571 et 572 produit à partir de cartons et de sortes [4], p. 94 et mêlées [5], p. 563 produit à partir de de sortes à désencrer [4], p. 94 et [5], p. 563 0.3 - 0.42 - 0.4 - 0.6 produit à partir de de sortes à désencrer [5], p. 563 0.65 1.1 - 0.4 - 0.5 produit à partir de de sortes à désencrer et [4], p. 94 et de papiers de bureau [5], p. 563 tableau n° 1 PUBLIÉ 69 données extraites de [4] et [5], tableau reconstruit par la mission Bien que les besoins en énergie, chaleur et travail, soient très importants, la plupart des usines de pâtes non-intégrées de pâte chimique sont autosuffisantes en énergie, voire excédentaires (au moins hors séchage de la pâte marchande), car elles brûlent environ la moitié de la matière ligneuse récupérée au sein des solutions de cuisson ou « liqueurs noires » (concentrées avant incinération) en complément des écorces. Les unités produisant de la pâte issue de papiers et cartons à recycler peuvent brûler les déchets issus de ces matières, la quantité de chaleur produite est moindre mais non négligeable. Elle peut être complétée par l'incinération de combustibles solides de récupération (cas de l'usine Norske Skog à Golbey dans les Vosges ou de plusieurs usines en Allemagne, [6]). Il est essentiel de souligner que les émissions de CO 2 associées issues de matières végétales renouvelables ne concourent pas aux émissions de gaz à effet de serre. L'excédent énergétique des usines de pâte à papier issu de la combustion des bio-déchets et matières végétales non-autrement valorisables est connu ou calculable sur plusieurs installations et repris dans le tableau n° 2. Cet excédent peut servir à sécher la pâte vendue sous forme marchande, produire de l'électricité bénéficiant souvent de tarifs préférentiels de rachat au titre de la cogénération utilisant de la biomasse ou fournir la chaleur à l'unité de fabrication de papier carton en cas d'usine intégrée. Excédent d'énergie (usines de pâte européennes) issu de la combustion des déchets chaleur (GJ/tsa) excédent d'énergie d'une usine non intégrée de pâte + 5.4 kraft écrue excédent d'énergie d'une usine non intégrée de pâte + 4.7 kraft blanchie excédent d'énergie d'une usine intégrée de pâte kraft + 4.9 blanchie électricité (MWh/tsa) + 0.16 [4] p. 86 à 87 0 [4] p. 86 à 87 0 [4] p. 86 à 87 référence Tableau n° 2 Données extraites de [4] et [5], tableau reconstruit par la mission PUBLIÉ 70 2./ la fabrication de papier : La « pâte » arrive sous la forme d'une suspension entre 98 et 99 % d'eau en tête de la machine où elle est pulvérisée sur des bandes de tissus ou feutres. Pour arriver à une teneur de l'ordre de 10 %, l'eau est éliminée par des moyens mécaniques (égouttage, pression, etc.) puis thermiques (séchage sur des cylindres chauffés à la vapeur, par rayons infrarouges, par insufflation d'air chaud, etc.). Malgré d'importants systèmes de récupération/recyclage de chaleur, il est avancé que la fabrication requiert l'évaporation de 1.5 t d'eau par tonne de papier. Les usines à papiers sont donc fortement consommatrices, sous forme tant de travail (mise en mouvement des cylindres de la machine à papier, pompages, pressage, aspiration de l'eau par dépression, etc.) que de chaleur pour le séchage de la feuille de papier, laquelle est enfin enroulée en bobines ou découpée avant expédition (pour impression, façonnage, vente directe, etc.). Il faut surtout retenir que les besoins en énergie sont très variables selon les types de papiers produits : Les papiers couchés par exemple font l'objet d'un apport complémentaire de matière sous forme de solutions sur une ou deux faces, parfois en plusieurs applications successives, ce qui engendre des évaporations supplémentaires. Les papiers d'hygiène exigent un séchage à haute température, parfois par insufflation d'air chaud au travers de la feuille (procédé TAD, through air drying), étape essentielle pour accroître leur capacité d'absorption, leur douceur, leur conférer éventuellement un aspect gaufré, etc. Les quantités de chaleur requises varient d'un facteur 2, voire 3, mais les qualités de douceur et d'absorption sont doublées. Les consommations d'énergie des usines de production de papier : Usines de production de papier non-intégrées (non-associées à une usine de production de pâte) : Le tableau n° 3 présente les consommations de différentes usines de papier non- intégrées afin de bien distinguer les étapes de la préparation de la pâte de celles de la fabrication du papier72. Son examen montre les variations en fonction des papiers produits mais aussi permet la comparaison entre les besoin d'une unité papetière et les excédents d'une unité de pâte chimique « kraft » (tableau n° 2). Dans quelques cas, ils sont équivalents ; mais même si le plus souvent ils sont un peu supérieurs, ils montrent l'intérêt non-discutable de l'intégration en termes d'émission de gaz à effet de serre notamment mais aussi d'efficacité énergétique. 72 Le document technique de référence ([5], p. 573), fournit en complément des données très précises pour des établissements allemands utilisant essentiellement des papiers-cartons à recycler, sauf pour les papiers d'hygiène (pâtes chimiques et mécaniques). PUBLIÉ 71 consommation d'énergie (usines papetières non-intégrées en Europe) chaleur (GJ/tsa) 4 3.6 5.3 4.3 8 7-8 7 -7.5 5.23 électricité (MWh/tsa) 0.3 0.45 0.58 0.9 0.67 0.6 - 1.1 0.6 -0.7 0.61 pâte chimique blanchie Commentaire papiers cartons à recycler sans désencrage papiers cartons à recycler avec désencrage papiers et cartons à recycler papiers cartons à recycler avec désencrage référence [5], p. 754 [5], p. 754 [5], p. 572 [5], p. 754 [4], p. 421 [4], p. 507 [4], p. 507 [4], p. 408 papiers pour emballage cartons pour emballage papier d'impression papiers pour impression usine de papier couché usine non intégrée de papier couché fin usine non intégrée de papier non couché fin usine non intégrée de papier couché et non couché fin (1997) usine non intégrée de papier couché et non couché fin (2012, a priori il s'agirait de la même usine que celle de la ligne précédente) usine non intégrée de papier non couché (<2007) usine non intégrée de papier couché (2005 - 2010) usine non intégrée de papier d'hygiène usine non intégrée de papier d'hygiène usine non intégrée de papier d'hygiène 4.08 0.57 pâte chimique blanchie [5], p. 679 4.7 6.5 7.2 4.6 - 21 5.5 -7.5 0.6 0.83 0.9 0.9 ­ 3.1 0.6 - 1.1 fibres vierges (+ additifs) fibres vierges (a priori) fibres vierges fibres vierges fibres vierges [5], p. 754 [5], p. 691 [5], p. 754 [5], p. 681 [4], p. 507 usine non intégrée de papier 5 -25 d'hygiène papier d'hygiène 6.8 - 10.1 1-3 0.8 -2 pâte chimique blanchie, les très fortes variations s'expliquent par les consommations [4], p. 410 des différents procédés, fournissant des qualités très différentes papiers et cartons à recycler [5], p. 78 Tableau n° 3 Données extraites de [4] et [5], tableau reconstruit par la mission PUBLIÉ 72 Usines de production de papier intégrées (associées à une usine de production de pâte) : Ainsi qu'indiqué précédemment, dans les usines intégrées, l'excédent de chaleur engendrée par l'unité de pâte chimique (et encore moins pour les unités chimio-thermo-mécaniques) n'est en général pas suffisant pour couvrir l'ensemble des besoins ; toutefois le complément nécessaire est faible, comme le montre le tableau n° 4. Ce complément dépend du type de papier produit et peut être compensé par des compléments de matières ligneuses non valorisables (souches, racines, fragments fins des houppiers, etc.) Consommation d'énergie (usines papetières intégrées en Europe) chaleur (GJ/tsa) production intégrée de pâte Kraft non blanchie et de papier carton dont apport extérieur production intégrée de pâte Kraft blanchie et de papier fin non-couché dont apport extérieur production intégrée procédé kraft (théorique) dont apport extérieur production intégrée chimiothermo-mécanique de papier non couché dont apport extérieur production intégrée chimiothermo-mécanique de papier couché dont apport extérieur production intégrée thermomécanique de papier journal dont apport extérieur 16.4 1.5 17.5 3.5 22.2 0 n.a. 3.6 - 5.8 n.a. 4.7 - 6.5 n.a. électricité (MWh/tsa) 0.96 0.39 1.22 0.71 1.25 - 0.29 n.a. 1.2 -1.4 n.a. 1.2 -2.1 n.a. [5], p. 79 [5], p. 79 un faible excédent d'électricité peut être revendu, toute la chaleur est consommée pour le process ou la production d'électricité [5], p. 215 [4], p. 85 commentaire référence [4], p. 85 [5], p. 79 1.2 2.5 - 2.7 Tableau n° 4 Données extraites de [4] et [5], tableau reconstruit par la mission PUBLIÉ 73 3./ bilans matières : Les pertes de matières sont importantes au cours des différents processus de fabrication de pâtes à papiers (hors écorces) : Les pâtes thermo-chimio-mécaniques ont les meilleurs rendements, de 80 à 98,5 % puisque la lignine et les hémicelluloses sont conservées ([5], p. 487). Les pâtes chimiques présentent des rendements souvent inférieurs à 50 % puisque les matières non cellulosiques sont éliminées ; il faut entre 3 et 6 m3 de bois pour une tonne de pâte chimique. Les pâtes issues de papier carton à recycler ont des rendements très variables, fonction du type de papier produit, des « sortes » papetières utilisées et de l'existence ou non d'une opération de désencrage (tableau n° 5, [5] p. 564 et 571 et [4] p. 315). rendement73 Papier pour cartons et 90 ­ 95 % emballages Papier pour impression 75 ­ 85 % (journaux et magazines) Papiers d'hygiène et pâte à 50 ­ 70 % papier marchande désencrée Tableau n° 5 Données extraites de [4] et [5], tableau reconstruit par la mission Avec l'utilisation de pâtes marchandes, les pertes en fibres sont très faibles, inférieures à 1 ou 2 % ([5], p. 574). quantité de papiers et cartons à recycler par tonne produite 1 100 kg 1 200 ­ 1 350 kg 2 000 kg Ces pertes de matières ont plusieurs origines : Il est souvent mis en avant l'usure des fibres de cellulose qui raccourcissent au cours de leurs utilisations successives et les plus petites sont éliminées. Cette affirmation, qui a été parfois nuancée et une fois contestée devant la mission, paraît réelle. Surtout des « sortes papetières » différentes sont utilisées pour les différents papiers. Le point essentiel est alors l'élimination des contaminants (encres notamment, liants, agent d'encollage, etc.) et des charges papetières (amidon, carbonate de calcium, kaolin, etc.) qui peuvent être importantes pour les papiers d'écriture avec 30 à 35 % ([4] p. 408 et [5], p. 679), voire plus pour les papiers spéciaux. A contrario, ces charges sont faibles pour les papiers pour journaux et magazines et très faibles pour les cartons et papiers d'emballage (souvent sans charge ajoutée), ([5], p. 683)74. Pour les papiers d'hygiène, l'élimination de ces charges, qui sont très présentes dans les « sortes supérieures » utilisées pour la qualité de leurs fibres, et le désencrage expliquent le fort taux de déchet observé pour la fabrication de ce type de papier. Ces épurations doivent de surcroît augmenter les pertes de fibres courtes. Les papiers d'hygiène ne comportant aucune charge mais seulement des 73 Les rendements les plus élevés sont issus de données antérieures à l'an 2000 et pourraient ne pas prendre en compte tous les contaminants externes. 74 En moyenne les charges et additifs représentent 10 % de la masse du papier ([5], p. 68). PUBLIÉ 74 résines renforçant la résistance à l'état humide, ces pertes ne sont pas compensées par de nouvelles charges et les taux d'incorporation peuvent être très supérieurs à 100 % (tableau n° 3, p. 22, le cas des Pays-Bas). La consommation d'eau « fraiche » est variable, supérieure avec des fibres vierges. La question majeure est sa purification avant le rejet au milieu naturel. La consommation d'eau est plus importante pour le papier d'hygiène, car les nettoyages et rinçages des machines à papier sont plus intenses. En effet, la feuille étant de très faible grammage, jusqu'à 12 g/m2, l'absence de corps étrangers, de salissures et autres dépôts est essentielle pour assurer les décollages et transferts de celle-ci. S'ajoutent, dans le cas de l'utilisation de fibres recyclées, les opérations accrues de lavage de la pâte pour retirer les charges, encres et autres contaminants. 4./ les pollutions La production de pâtes engendre des pollutions atmosphériques, aqueuses et solides (déchets) importantes mais qui peuvent être réduites par des opérations adaptées (stations de traitement, épuration des fumées, intégration des cendres d'incinération dans des ciments (en raison de la présence possible d'éléments contaminants) ou épandage sur des terrains forestiers et agricoles (fréquent avec des fibres vierges). L'élimination des pollutions aqueuses est plus facile avec des matières d'origine végétale mais butte sur des quantités de pollutions organiques importantes ; elle est complexifiée par les étapes de blanchiment, [4] et [5]. Ce point n'est pas longuement développé car il n'a pas été présenté comme central pour privilégier une ressource plutôt qu'une autre. Toutefois la mise en oeuvre des techniques de dépollution nécessaire peut être onéreuse. PUBLIÉ 75 Annexe 5 : Bibliographie [1] [2] [3] [4] [5] Rapport statistique 2019 de l'industrie papetière française, COPACEL, Union française des industries des cartons, papiers et celluloses, septembre 2020, https://www.copacel.fr/fr Key statistics 2019, European pulp & paper industry, CEPI, Confederation of European paper industries, juillet 2020, https://docplayer.net/195944350-Key-statistics-2019-european-pulp-paperindustry.html Contrat d'objectifs et de performances 2020 ­ 2023, CTP ­ COPACEL ­ Etat, CTP, Centre technique du papier, 18 février 2020, https://www.webctp.com/fr/le-ctp-scenariste-de-l-innovation Document de référence sur les meilleures techniques disponibles, industrie papetière, Commission européenne, décembre 2001, traduction V1, https://aida.ineris.fr/guides/directive-ied Best available techniques (BAT), Reference document for the production of pulp, paper and board, European Commission, JRC science and policy reports, 2015, https://ec.europa.eu/jrc/en/publication/eur-scientific-and-technical-researchreports/best-available-techniques-bat-reference-document-production-pulp-paperand-board-industrial [6] Parangonnage européen du marché des combustibles solides de récupération, études économiques, analyses, ministère de l'économie et des finances, direction générale des entreprises, cabinet RDC environnement, octobre 2018 https://www.entreprises.gouv.fr/files/files/directions_services/etudes-etstatistiques/Analyses/2019-02-ANALYSECombustibleSolidesRecuperation.pdf Etude sur l'adéquation entre les sortes papetières produites et les besoins des utilisateurs, expertises ­ rapport, Ademe, Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, mars 2017, https://www.ademe.fr/etude-ladequation-entre-sortes-papetieres-produitesbesoins-utilisateurs Bilan national du recyclage 2008 ­ 2017, expertises ­ rapport, Ademe, Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, cabinets Deloitte, In Extenso, RDC environnement, mars 2020, Le tarif 2021 pour le recyclage des emballages ménagers ­ Le guide, CITEO, 2020 Etude sur l'incorporation des sortes papetières dans le secteur hygiène, expertises ­ rapport, Ademe, Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, juin 2020 Plan de surveillance de la contamination des denrées alimentaires et, le cas échéant de leur conditionnement, par des hydrocarbures d'huiles minérales, bilan de tâche nationale, BTN/4B/PNE/316JM, PR/1C/PNE/005, direction générale de la concurrence et de la répression des fraudes, 1er trimestre 2017, Actualisation 2018 des flux de produits graphiques en France, expertises ­ rapport annuel, réalisé pour le compte de l'ADEME par SEREHO (Alain TRIPIER), Ademe, Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, octobre 2019, www.ademe.fr/mediatheque [7] [8] [9] [10] [11] [12] [13] [14] Caractérisation de la morphologie des fibres de bois, Grenoble INP ­ Pagora, Raphaël Passas, septembre 2008, http://www.cerig.pagora.grenoble-inp.fr/tutoriel/morphologie-fibres-bois/page06.htm Pâte à dissoudre : L'opportunité du couplage raffinage et traitement enzymatique, Grenoble-INP Pagora, Bastien Large et Ilyas Mourjane, mai 2017 PUBLIÉ 76 [15] [16] [17] [18] [19] Utilization of paper for recycling by sector and by country, CEP Recycling Committee, 2019, communiqué par COPACEL Rapport statistique 2018 de l'industrie papetière française, COPACEL, Union française des industries des cartons, papiers et celluloses, septembre 2020, https://www.copacel.fr/fr Achats publics de papiers bureautique et développement du recyclage, note de la COPACEL, 7 juillet 2020 Au quotidien - éco-responsables au bureau ­ actions efficaces et bonnes résolutions, clés pour agir, Ademe, Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, mai 2017 Suivi de la qualité des matériaux, observatoire de la qualité, bilan 2018, CITEO, juin 2019 Sites internet : http://cerig.efpg.inpg.fr/ https://fr.statista.com/themes/2964/l-industrie-du-papier-en-france-et-dans-le-monde/ https://fr.wikipedia.org/wiki/Cellulose https://www.ccfi.asso.fr/un-decret-menace-la-papeterie-de-golbey-et-ses-350-salaries/ PUBLIÉ 77 Annexe 6 : implantation géographique des industries papetières en France PUBLIÉ 78 PUBLIÉ 79 PUBLIÉ INVALIDE) (ATTENTION: OPTION 9), et viendront en concurrence. Pour le secteur du carton, on fabrique des emballages s'il y a des produits à emballer à proximité53 : La perspective de réindustrialiser la France, notamment avec des relocalisations d'usines, serait une opportunité importante pour la filière (ex : les médicaments ont des emballages spécifiques : carton fin et notice à papier fin ; l'agroalimentaire de gamme supérieure demande des emballages de qualité, ...). Le développement du e-commerce est une autre opportunité : la logistique de distribution a besoin de nombreux cartons. Pour les emballages papiers-cartons ménagers, CITEO estime une croissance de 30% d'ici 10 ans. 52 53 +555 kt/an de carton ­ 200kt/an de papier presse On ne transporte pas d'emballages vides sur de longues distances. PUBLIÉ 43 Recommandation n° 3. Utiliser toutes les possibilités du plan de relance de 2020 pour soutenir la filière papetière, en s'appuyant notamment sur : les aides à la réindustrialisation, les contrats de plan avec les conseils régionaux, le soutien aux entreprises sociales et solidaires (pour la collecte), le plan de rénovation thermique des bâtiments, le développement des alternatives aux plastiques, etc. (MEFR) L'excédent de PCR d'environ 1,5 Mt, détaillé ci-avant, sera alors une disponibilité de matières premières pour développer de nouvelles capacités de production, auquel pourraient s'ajouter les volumes supplémentaires engendrés par un accroissement du taux de récupération. 4.2 Mieux collecter les papiers à recycler « supérieurs », notamment en entreprises. Les papiers « supérieurs » sont très appréciés pour les différentes productions (hygiène, emballage, papier graphique), notamment pour leurs fibres longues qui apportent résistance et qualité. Mais la conception de papiers contenant le moins de polluants possible pour alléger les processus de recyclage des PCR, les rendre moins chers et moins polluants, et élargir le champ de leurs utilisations (hygiène, alimentaire, ...) est un enjeu important pour la filière. CITEO, l'éco-organisme en charge des filières REP « emballages ménagers » et « papiers graphiques », est déjà impliqué pour soutenir l'éco-conception. La question se pose de savoir si cette implication ne devrait pas être beaucoup plus forte. La suppression des huiles minérales prévue de façon progressive entre 2022 et 2025 par la loi AGEC (art. 112) et le décret 2020-1725 du 29 décembre 2020 (art.2., 2°) devrait permettre de simplifier les processus et d'accroître les possibilités de recyclage, notamment pour les produits d'hygiène et pour l'alimentaire54. Les papiers graphiques de bureau dans les petites entreprises, bureaux, petits commerces et certaines administrations sont insuffisamment collectés. Selon l'ADEME ([18]), le papier graphique représente 75% des déchets des bureaux. Mais seulement 20% des papiers sont recyclés, contre 41% pour les ménages. Pour optimiser la qualité de collecte auprès des PME, il serait préférable que les circuits de collecte se distinguent sans ambiguïté de ceux du service public55. Suite à la loi AGEC (art. 74) et en fonction de leur secteur économique, les entreprises sont tenues de passer d'un tri de 5 à 7 flux ; il serait utile de préciser comment le déploiement va être organisé et soutenu et comment dans ce cadre favoriser 54 Il semblerait que la suppression de ces huiles minérales (et donc leurs polluants associés saturés, MOSH, et aromatiques, MOAH) soit plus aisée pour les impressions avec séchage (heat set) sur des papiers couchés (dont la conception est plus énergivore) que pour les papiers non couchés qui doivent plutôt absorber l'encre laquelle peut souvent être déposée sans séchage thermique (cold set) mais engendre un désencrage plus difficile. Les gains simultanés sur les plans énergétique et chimique seraient donc complexes à court terme. 55 Selon l'AMF, la collecte des PCR par le service public pose plusieurs problèmes ; d'une part un risque juridique car les collectivités pourraient être accusées de concurrence déloyale. De plus, elle nécessite souvent des spécificités techniques et d'exploitation liées à des exigences de confidentialité. De plus, il est difficile d'établir le calcul de la redevance spéciale, obligatoire. PUBLIÉ 44 l'organisation de collectes spécifiques pour les PCR pour avoir des flux de meilleure qualité et plus rémunérateurs (cf. exemple ci-dessous). Une initiative intéressante de mutualisation de déchets PCR d'entreprises56 dans le Grand Est va augmenter la qualité et la quantité de papiers graphiques collectés : le regroupement des flux sans les mélanger avec d'autres déchets va permettre de justifier de bacs spécifiques, de mieux négocier et valoriser les déchets auprès des collecteurs et ainsi d'intéresser davantage les entreprises à trier. De telles initiatives trouvent leur place dans des démarches d'économie circulaire soutenues déjà par l'ADEME57. Elles pourraient être portées aussi par les collectivités (notamment les conseils régionaux en charge de l'économie, de l'environnement et du plan régional de gestion des déchets) et par les CCI. Le potentiel de papier graphique à collecter a été estimé à 200 ­ 250 kt/an. L'intérêt de la REP emballages et papiers non-ménagers serait de garantir le financement et la mise en place de réseaux de collecte et de tri aujourd'hui peu simples à contrôler. 4.3 Améliorer la qualité opérationnelle et l'agilité des centres de tri de déchets ménagers pour mieux répondre aux besoins des papetiers français Les contrôles effectués58 par CITEO en 2019 montrent que les centres de tri ménagers sont très loin d'atteindre les standards qualité pour les papiers graphiques et les papiers cartons mêlés : seulement 25% respectent les objectifs de qualité. Le taux d'indésirables pourrait atteindre environ 7% à 8% alors que le seuil de tolérance est de 3% maximum (voire 2,5% pour les mêlés). La situation pourrait s'aggraver avec l'élargissement des consignes de tri qui concernent désormais les plastiques et augmenter la souillure des papiers cartons dans la « poubelle jaune ». Pour les cartons, la qualité est nettement meilleure. Seulement 5% ne respectent pas les standards. La majorité des acteurs se plaignent de la mauvaise qualité des productions des centres de tri : les papetiers, qui doivent faire des traitements supplémentaires pour éliminer ces indésirables entraînant des coûts supplémentaires ; les collectivités qui perdent des recettes, compte tenu des rabais demandés par les repreneurs ; les repreneurs qui relaient les plaintes des papetiers. 56 L'association de 230 entreprises « paroles d'entreprises » met en place une première mutualisation de collecte pour 35 entreprises. 57 L'ADEME aide à l'amorçage de la démarche en cofinançant un animateur qui travaille avec quelques entreprises pour repérer les flux entrants et sortants de chaque entreprise. Les gains réalisés par les entreprises au bout de quelques années dans cette économie circulaire permettent d'autofinancer l'animateur qui permet d'élargir le cercle des entreprises impliquées. 58 Source : [19], p. 17 et 18. PUBLIÉ 45 Cette non-qualité de PCR fragilise la France à double titre : En cas de retournement du marché ou d'événement perturbateur, les PCR deviennent difficiles à exporter. De plus, le caractère notoire de la faible qualité de certaines sortes de PCR pourrait freiner certains industriels à s'impliquer pour en augmenter l'incorporation. La mission s'est interrogée sur les raisons qui font que le non-respect de qualité des standards atteint des taux aussi importants (75%) ; alors qu'il s'agit d'une filière mature où l'éco-organisme CITEO est en place depuis longtemps. Bien que les soutiens versés aux collectivités soient conditionnés au respect des standards de qualité, les comptes de CITEO affichent les paiements sans préciser les pénalités et les déclassements éventuels ; les analyses sont difficiles, voire impossibles, en l'état. L'hypothèse d'une sévérité insuffisante de CITEO ne peut pas être écartée, voire apparaît probable pour partie. Elle s'est également interrogée sur la façon de sortir du cercle vicieux qui s'est installé au fil des ans entre les centres de tri et les repreneurs, puisque les repreneurs ne refusent pas les PCR non conformes, alors qu'ils devraient le faire, et préfèrent négocier des rabais. L'hypothèse que les collecteurs et trieurs pourraient parvenir à gérer cette non qualité en reconstituant des lots par un mélange de sortes issues des circuits industriels et commerciaux et de la collecte des déchets ménagers a été émise. Enfin, le manque de réactivité des centres de tri pour s'adapter à l'évolution des besoins des papetiers a également été souligné. En effet, le barème de soutien aux collectivités de CITEO est établi pour six ans, durée longue au regard de l'évolution de la demande à laquelle l'activité papetière doit s'adapter (par exemple développement du e-commerce nécessitant de nombreux emballages) ; de plus, dans le cadre du processus de validation par l'Etat des barèmes de soutien aux collectivités, les collectivités et la filière papetière du recyclage semblent ou déclarent être insuffisamment associées pour pouvoir apprécier les conséquences sur leurs activités et la cohérence d'ensemble. C'est pourquoi, pour améliorer l'adéquation de production des PCR avec les besoins des papetiers recycleurs français (sortes papetières et qualité), il serait bénéfique de : o revoir les barèmes de soutien aux collectivités et leur mode d'actualisation avec l'objectif de favoriser l'économie circulaire de proximité : Pour cela, l'association étroite des acteurs de la filière de recyclage, des collectivités jusqu'aux papetiers recycleurs, est nécessaire pour en apprécier l'impact. Ce travail devrait se faire sous l'autorité de l'Etat dans le cadre de son soutien à la filière papetière et à l'économie circulaire. renforcer le contrôle par CITEO de la qualité de production des centres de tri et des repreneurs et intensifier l'application des pénalités. Compte tenu de l'importance de l'écart à rattraper et du risque de mettre en difficulté les centres de tri et les collectivités, CITEO pourrait fixer un objectif de rattrapage échéancé pour une adaptation progressive des pratiques. o PUBLIÉ 46 o o accélérer la modernisation de ces centres de tri en cours59 pour maintenir une qualité des PCR triés malgré l'extension récente de la collecte des plastiques dans les poubelles jaunes ; partager les résultats des expérimentations qu'accompagne CITEO sur des dispositifs de tri complémentaire des PCR en sortie des centres de tri (et apprécier le modèle économique possible ou non pour augmenter la qualité) ; Revoir les barèmes de soutien aux collectivités et leur mode d'actualisation pour optimiser l'efficacité du recyclage par l'industrie papetière française. (DGPR, DGE) Recommandation n° 4. Ce travail devra être conduit par l'Etat (MEF et MTE) en associant l'ensemble de la filière d'économie circulaire (collectivités, papetiers recycleurs, repreneurs, éco-organisme). Recommandation n° 5. Exiger de CITEO l'application ferme des barèmes associés aux standards de qualité avec des échéances temporelles précises. (DGPR) 4.4 Eviter d'imposer des taux minimaux d'incorporation de fibres recyclées Il est nécessaire de rappeler que le taux d'incorporation de PCR dans la fabrication de papiers-cartons, en France, est supérieur à celui de la moyenne des pays européens : 71,3 % contre 54,5 % en 201960. Pour augmenter ce taux d'incorporation de PCR dans la fabrication des papiers et cartons, les pouvoirs publics peuvent recourir principalement à deux mesures : utiliser le système des éco-modulations pour inciter l'éco-conception, en différenciant les contributions payées aux éco-organismes pour la mise en marché des produits finis ; fixer par voie règlementaire un taux minimum d'incorporation de PCR dans la fabrication de certains papiers ou cartons. Ces deux outils peuvent être utilisés de manière concurrente ou complémentaire. 4.4.1 Les perspectives offertes par l'éco-modulation Les critères de l'éco-modulation portent, notamment sur l'origine de la fibre ou la recyclabilité des papiers, en particulier la présence de perturbateurs pour le tri ou le recyclage, ainsi que de substances susceptibles de compromettre l'utilisation du matériau recyclé. 59 Engagé depuis plusieurs années, ce plan aurait un coût compris entre 900 et 1 500 M. Il pourrait bénéficier de la mesure « modernisation des centres de tri, recyclage et valorisation des déchets » du plan de relance de 2020 (volet à destination des entreprises), abondé d'environ 274 M, dont 40 à 50 % pourraient potentiellement aller vers les centres de tri. 60 cf. 1.2.1., p. 10. PUBLIÉ 47 Pour 2021, CITEO indique que les éco-modulations sur l'origine de la matière et la recyclabilité restent identiques à celles de 2020. Toutefois, afin de réduire la contamination des matières à recycler par les huiles minérales et en application de l'arrêté d'éco-modulation du 29 octobre 2019, un malus sur les huiles minérales est ajouté à partir du 1er janvier 2021 (taux majoré, +10% en 2021 et +20% en 2022). Il existe, ainsi, 4 critères d'éco-modulation pour les papiers, 3 inchangés et un nouveau : Schéma n° 1, source CITEO Outre la prise en compte les critères environnementaux décrits plus haut, les tarifs de l'éco-modulation aident à financer les soutiens versés au titre de la collecte et du tri des papiers en vue de leur recyclage. Ce dimensionnement des soutiens versés est le fruit d'une concertation entre les metteurs en marché, les collectivités locales et les pouvoirs publics lors de la préparation de l'agrément de l'éco-organisme. La filière papiers graphiques doit aussi se préparer pour le prochain agrément qui intègrera le fait qu`elle devra couvrir 50% des coûts nets optimisés supportés par le service public de gestion des déchets au plus tard le 1er janvier 2023 (article 72 de la loi AGEC) dans un contexte de baisse continue du gisement de papiers graphiques mis en marché. La mission s'interroge sur l'opportunité de faire peser sur la filière graphique, et notamment la presse, des charges nouvelles alors qu'elle est en situation fragile, qu'elle représente une part de plus en plus faible des volumes des déchets collectés et triés et des coûts associés. La presse et les livres sont des éléments essentiels à la démocratie puisqu'ils permettent à tous l'accès à l'information. Il serait dangereux de la fragiliser davantage. L'éco-modulation est un outil efficace s'il est correctement calculé pour dissuader la mise en marché de certains emballages ou papiers difficiles à recycler, voire perturbateurs de process industriels61. Frappant tous les produits français ou importés, les distorsions concurrentielles qu'elle induit sont par essence limitées Recommandation n° 6. Recourir à l'éco-modulation pour inciter aux évolutions souhaitées, notamment encourager l'éco-conception, et suivre attentivement les principes retenus et leur transposition dans les barèmes des écocontributions. (DGPR) 61 Situation fréquente avec certains polymères ou charges des plastiques ou certains verres et porcelaines. PUBLIÉ 48 4.4.2 Les risques des taux d'incorporation obligatoire La fixation par voie réglementaire d'un taux d'incorporation pour un type de produit peut être potentiellement perturbante pour les acteurs économiques. Elle a été prévue par la loi relative à la lutte contre le gaspillage et l'économie circulaire dans son article 61, II. (loi « AGEC », n° 2020-105 du 10 février 2020) : « afin d'atteindre les objectifs de recyclage fixés par la loi ou le droit de l'Union européenne et de soutenir les filières de recyclage, la mise sur le marché de certaines catégories de produits et matériaux peut être subordonnée au respect d'un taux minimal d'incorporation de matière recyclée dans ces produits et matériaux »62. Par ailleurs, l'article 58, impose que les « biens acquis annuellement par les services de l'Etat ainsi que par les collectivités territoriales et leurs groupements sont issus du réemploi ou de la réutilisation ou intègrent des matières recyclées dans des proportions de 20 % à 100 % selon le type de produit ». Pour les papiers « presse et magazines » : Un décret d'application de la loi AGEC doit fixer les conditions dans lesquelles la teneur minimale en papier recyclé sera progressivement augmentée de manière à ce que la part de papier recyclé dans les publications de presse atteigne, en moyenne, un taux d'au moins 50% avant le 1er janvier 2023. Il est prévu de faire de l'incorporation de papier recyclé dans les publications une condition préalable à la possibilité de contribuer en nature63 à la REP papier. Le papier journal et celui pour la « presse magazine » seraient distingués, chaque segment ayant des objectifs chiffrés d'incorporation de PCR différents. Le dispositif prendrait de plus en compte un certain nombre de sous-critères qui moduleraient la part d'éco-contribution entre contribution en nature et contribution en numéraire. Ce texte, en cours d'élaboration, fait l'objet de discussions entre les ministères concernés (transition écologique et culture) et les acteurs économiques de ce secteur. Ces derniers jugent les objectifs et les calendriers initialement proposés comme trop ambitieux et irréalistes au vu de la situation économique du secteur de la presse et des capacités de production industrielle de papier répondant aux nouvelles conditions imposées. Ils soulignent en particulier qu'il n'existe plus en France d'usine pour produire les papiers pour la presse avec les teneurs minimales requises en PCR telles qu'elles seraient envisagées. Il est très vraisemblable que, compte tenu de l'importance des investissements nécessaires pour doter une usine des unités de trituration et de désencrage indispensables et du caractère spécifique des installations industrielles, le papier sera in fine acheté à l'étranger, transporté sur de longues distances pour un bénéfice écologique discutable. A contrario, les entreprises françaises devront trouver de nouveaux débouchés ou réduire leur activité, éventuellement avant leur fermeture définitive dans le futur. 62 La mission note que cette incorporation n'est imposée, stricto sensu, par le droit européen que pour les bouteilles plastiques en polyéthylène téréphtalate (directive 2019/904, art. 6, 5°). 63 En sachant qu'en 2023, la possibilité pour la presse de contribuer en nature s'éteindra. La contribution en nature permet de s'exonérer des contributions financières à l'éco-organisme en échange de l'insertion de publicités vantant l'intérêt du recyclage. PUBLIÉ 49 Pour les papiers graphiques : Les professionnels citent d'une part la volonté, mise en oeuvre depuis quelques années et de façon interne, du ministère chargé de l'écologie d'utiliser du papier graphique recyclé, dont la production en France est très limitée et qui pourrait provenir principalement d'Allemagne ou d'Autriche. Les papetiers utilisant des fibres vierges dénoncent leur perte de marché ainsi qu'une décision contraire aux intérêts économiques français et écologiques. La mission n'a pas pu recueillir d'éléments contraires à ces divers propos ou de démenti. D'autre part, en application de l'article 58 de la loi AGEC, le projet d'une généralisation à l'ensemble des administrations d'Etat ou des collectivités d'une obligation d'achat de papier d'impression ou de photocopie recyclé à 80 % inquiète particulièrement les mêmes professionnels. Ils soulignent que seuls 10 % (60 kt sur 610 kt) des papiers de ce type produits en France, par trois entreprises, correspondent à des papiers recyclés, [17]. Ce sont deux entreprises de Clairefontaine à Everbal (100% recyclés) et Mandeure (mixte) ainsi que l'entreprise Double A dans l'Eure. Ces établissements utilisent en partie de la pâte recyclée fabriquée par l'usine WEPA de Château Thierry. Cette dernière usine produit 180.000 t/an de pâte marchande vendue pour moitié pour fabriquer du papier graphique et pour moitié du papier hygiène. Ses acheteurs sont en grande partie à l'étranger, notamment en Allemagne. Elle pourrait produire encore 30 kt supplémentaires. Fin 2020, la concurrence était rude avec de la pâte vierge dont le prix rendu dans les ports (un peu inférieur à 500 /t) était moins cher que le prix de revient de la pâte recyclée (550 à 650 /t). Le graphique n° 7, p. 20, confirme qu'en Europe les papiers graphiques autres que ceux pour les journaux et imprimés publicitaires sont ceux qui incorporent le moins de papiers à recycler (< 15 %). Pour mémoire 454 kt de « ramettes » de papier graphique ont été consommées en France en 2018 ([12], p. 35). Les exemples de ce marché public et des textes en gestation montrent que les outils « contraignants » doivent être utilisés avec de très grandes précautions par la puissance publique. Au-delà de la dimension « pédagogique », voire symbolique, dont l'intérêt ne saurait être écarté sans réflexion, il est nécessaire de fixer des objectifs « réalistes » prenant en compte, d'une part, l'impact économique ou la faisabilité technique ou industrielle de la mesure envisagée et, d'autre part, l'intérêt écologique global64 du taux imposé d'emploi de matières recyclées. Il serait aussi important d'associer à la mise en oeuvre d'un taux minimal imposé un certain nombre de mesures pour créer un contexte favorable et cohérent au développement d'une production de papier graphique recyclé en France (optimisation des barèmes des collectivités, soutien aux installations de cogénération à gaz haute performance, sensibilisation du public français, ...). Cela ne signifie pas que les pouvoirs publics ne peuvent ou ne doivent pas avoir de politique volontariste, mais que toute mesure dont l'impact peut aboutir à une rupture de l'équilibre technicoéconomique d'une filière fragilisée et en relatif déclin sur le territoire national doit être évaluée dans ses conséquences économiques et dans le gain écologique global qu'elle apporte, en concertation avec les acteurs de la filière, et suivre un calendrier de mise en oeuvre permettant à l'outil productif de s'adapter. 64 Cf. § 2.2 du présent rapport PUBLIÉ 50 La mission constate le caractère potentiellement dangereux de taux minima d'incorporation fixés sans approche globale et sans concertation préalable étroite. Recommandation n° 7. N'imposer des taux d'incorporation minimaux de fibres recyclées qu'après une étroite concertation avec l'ensemble des parties prenantes, une analyse approfondie des coûts/bénéfices économiques et écologiques et, en dernier recours, si les autres outils incitatifs ont montré leur inefficacité (MTE et MEFR). 4.5 Accroître l'incorporation des papiers à recycler dans les papiers d'hygiène L'incorporation accrue de papiers et cartons à recycler dans les papiers d'hygiène et domestiques semble une voie intéressante d'un point de vue théorique. Les quantités recyclées aujourd'hui sont relativement faibles, 279 kt pour 817 kt produites en 2019 (taux d'incorporation de 34.1 %) et l'Ademe s'est assez logiquement intéressée à cette question [10]. Les opérateurs, mais aussi l'analyse des données, mettent en avant plusieurs arguments pour considérer qu'il s'agirait d'une solution non-susceptible de résoudre l'excédent français : Même en doublant l'utilisation de PCR, cela ne représenterait que 20 % environ de l'excédent français et la France incorpore déjà beaucoup plus de PCR dans les papiers d'hygiène que d'autres pays comme l'Espagne ou l'Italie. La production de papiers d'hygiène est souvent réalisée sur des unités de taille plus réduite que pour les autres types de papier car le transport de ce produit peu dense est assez onéreux et exige des marchés de proximité. Cet argument connaît toutefois quelques limites en constatant l'absence d'unité de production de papier d'hygiène dans le quart sud-ouest de la France. La gestion de ces usines est plus simple à partir de pâte vierge que si elles doivent être associées à des unités de désencrages plus complexes à piloter. La conversion des établissements existants pour utiliser des papiers et cartons à recycler serait onéreuse. Les papiers d'hygiène demandent des fibres longues pour la solidité et une absence de contaminant65 ; les sortes utilisées sont les plus recherchées et correspondent à un marché déjà en tension ; ce ne sont pas celles qui sont en excédent pour la France. L'exigence de blancheur est une spécificité française qui est aujourd'hui inscrite par la grande distribution dans ses cahiers des charges, dans le souci de satisfaire les goûts des consommateurs, et qui limite l'utilisation de PCR. 65 Ce problème devrait être toutefois fortement réduit d'ici quatre ans avec l'application de la loi AGEC organisant l'interdiction des encres comportant des huiles minérales perturbant les opérations de recyclage. PUBLIÉ 51 Le bilan énergétique de la production de papier d'hygiène à partir de PCR est, d'un point de vue relatif, un peu moins favorable que d'autres (comme le papier pour ondulé) à cause du désencrage ou du raffinage et parce que ces papiers demandent plus d'énergie pour leur séchage. Pour autant l'analyse des données étrangères ou plus anciennes (cf. 2.1., p. 19) suggère que, dans le passé ou dans certains pays, l'incorporation a pu être plus importante et concerner des sortes moins nobles qu'en France (sortes mêlées en Allemagne et aux Pays-Bas, journaux et magazines en Suède). L'immobilisme ou l'attentisme paraissent peu satisfaisants. Cette conclusion est confortée par les échanges avec un producteur. Toutefois dans le cadre de cycles d'une durée de deux à trois ans et aujourd'hui, la pâte vierge d'Amérique du sud est peu chère (moins de 500 /t rendue dans les ports français en raison d'un fort ralentissement de la consommation depuis un an et demi alors que la pâte recyclée coûte actuellement 550 à 650 /t), ce qui n'encourage pas les investissements en faveur du papier d'hygiène issu de PCR. S'il paraît vraisemblablement peu opportun de prendre des dispositions réglementaires imposant l'incorporation de papiers et cartons à recycler dans les papiers d'hygiène ou d'y conditionner fortement d'éventuels aides et soutiens, il est vraisemblable que l'augmentation de ce recyclage puisse être explorée. A titre d'exemple, l'entreprise italienne Lucart utilise 55% de PCR et transforme les briques de boisson de type « Tetra Pak » depuis 2010 en papier hygiène. Dès 2011, cette technologie a été développée dans sa filiale à Laval en Vologne (88). Selon l'entreprise : Une brique alimentaire est composée de 6 couches avec 74% de cartons, 22% de polyéthylène, 4% d'aluminium. Il faut 100 briques produire pour un rouleau d'essuie-main. La recherche des causes de l'incorporation modérée en France est un préalable pour les surmonter : importance et raisons de la demande des consommateurs pour une intense blancheur du papier, craintes liées aux contaminants chimiques présents dans les encres, autres contraintes techniques, ... (cf. recommandation n° 9) Recommandation n° 8. Sensibiliser les utilisateurs et les grands distributeurs de papiers graphiques et d'hygiène à l'intérêt environnemental et sanitaire d'utiliser des papiers moins blancs et si possible recyclés (MTE). La traduction concrète de cette sensibilisation permettrait une réduction des agents polluants et le développement du recyclage. 4.6 Développer de nouveaux usages et débouchés Les PCR sont déjà utilisés depuis longtemps en isolation des bâtiments, notamment en vrac (ouate de cellulose). Le soutien accru à la rénovation thermique des bâtiments, notamment dans le plan de relance, peut être une opportunité pour élargir les débouchés des PCR. L'interdiction récente des plastiques à usage unique est une autre opportunité pour développer l'utilisation des PCR dans l'emballage alimentaire où les besoins sont très importants. Mais la plupart des nouvelles utilisations alimentaires nécessitent de donner au papier de nouvelles fonctionnalités PUBLIÉ 52 « barrières » (à l'eau, à la vapeur d'eau, au gras...). Des travaux de recherche sont en cours partout dans le monde, notamment dans les laboratoires des grandes entreprises internationales. La France dispose d'un outil de recherche précieux, le Centre technique du papier (CTP) à Grenoble66, qui semble posséder une bonne connaissance technologique sur ces sujets. Toutefois, le passage à l'industrialisation est encore insuffisant. Il est essentiel que les entreprises françaises de petite et moyenne taille puissent bénéficier des avancées de la recherche. C'est pourquoi, il serait utile de renforcer le rôle du CTP, des universités et des éco-organismes pour renforcer les programmes de recherche et de développement appliqués. Il convient également d'amplifier la synergie entre ces acteurs et les PME. Enfin, pour les fractions de PCR difficiles à recycler, sans autre possibilité de valorisation matière, y compris à l'export, la valorisation énergétique des PCR devrait pouvoir être possible et facilitée, pour des utilisations adaptées67 à leur spécificité calorifique, notamment sous forme de combustibles solides de récupération. La mission a constaté à plusieurs reprises l'importance de verrous technologiques à lever, notamment pour l'élimination des huiles minérales dans les encres, pour l'incorporation des « sortes nonsupérieures » dans les papiers d'hygiène, pour le développement des usages non-papetiers des PCR et plus généralement de la cellulose ou encore pour la détermination de critères, s'il en existe, suggérant dans quelques cas la supériorité d'une valorisation thermique au recyclage matière68. Le CTP semblerait la structure la plus à même de répondre à ces questions pour l'ensemble de la filière. Le soutien des opérateurs aval (façonniers, imprimeurs, etc.) pourrait être recherché. Recommandation n° 9. Développer les soutiens au Centre technique du papier en lien avec les industriels concernés, si possible en y associant les opérateurs aval de la filière papetière, pour pouvoir répondre aux différents défis que pose l'accroissement de l'emploi des papiers et cartons à recycler dans les usages actuels ou nouveaux des fibres cellulosiques. Les fonds nécessaires à ces recherches pourraient être en partie apportés par CITEO. (DGPR, DGE) Une dotation de l'ordre de 2 M/an paraîtrait adaptée compte-tenu du budget actuel du CTP (près de 11 M en 2018) et des besoins unanimement soulignés. Une brève mission au sein du CTP pourrait valider ce point non évalué par la mission, notamment en raison des contraintes sanitaires de 2020. 4.7 Disposer de données statistiques et commerciales fiables Les difficultés rencontrées lors de cette mission sur le recueil de données et leur exploitation qui a montré leur manque profond de cohérence entre les différentes sources (COPACEL et ADEME d'une 66 Ce centre travaille dans un environnement de recherche favorable, avec des laboratoires de recherche de l'université de Grenoble et l'école nationale d'ingénieur pour le papier. 67 Potentiel énergétique moindre que les plastiques, donc adapté à des installations de type production de vapeur industrielle ou chauffage urbain. 68 La production de gaz combustible de synthèse par pyrolyse est parfois évoquée. PUBLIÉ 53 part et CITEO d'autre part) mais aussi parfois au sein de mêmes sources (cf. 3.5., p. 38) montrent l'intérêt de mettre en place un observatoire spécifique pour les PCR qui rassemblerait les données des deux REP existantes (au sein de CITEO) et de la future REP sur les emballages du secteur économique. A ce titre, les données du secteur économique de la filière papiers graphiques paraissent trop difficilement accessibles. La mise en oeuvre de la REP pour les emballages du secteur économique sera utile pour développer l'éco-conception de ces emballages, qui pourrait faire augmenter la production de PCR. Pour améliorer le taux de collecte et la qualité du tri, la REP pourrait également soutenir les démarches d'économie circulaire entre les entreprises (cf. exemple du Grand Est, p. 42). La mise en place d'une structure de coordination dédiée pour ces REP permettrait de mettre en cohérence les données, ce qui est essentiel pour comprendre les phénomènes en cours, définir des perspectives et donner de la visibilité à l'Etat, aux collectivités (Régions et EPCI) et aux industriels69. Cette structure pourrait également faciliter la coordination entre les éco-organismes, notamment pour les actions de sensibilisation et de communication (ex : CITEO et CYCLAMED, entre CITEO et le futur éco organisme pour les emballages industriels70). Recommandation n° 10. Constituer une structure rassemblant, organisant et fiabilisant les données nécessaires au suivi du recyclage avec l'objectif de garantir leur cohérence (mise en marché, importation, exportation, des produit soumis à éco-contribution et des déchets qui en sont issus). (MTE, MEFR) La mission ne se prononce pas sur la localisation de cette structure, au sein d'une administration, d'un organisme parapublic (par exemple en renforçant la structure déjà existante au sein de l'Ademe avec la coopération des éco-organismes), ou d'un organisme affilié à un ou aux éco-organismes. En revanche, il est impératif que le rôle de l'Etat y soit affirmé et que celui-ci puisse garantir l'exhaustivité des données collectées et la transparence de leur traitement. 69 Plusieurs rapports d'inspection ou de contrôle non publiés ont, plus ou moins explicitement, souligné l'intérêt d'une structure de ce type (les formes, les compétences et les champs d'intervention restant variables ou peu précisés). 70 Par exemple, comment soutenir et développer les mutualisations entre les PME, à l'instar de « paroles d'entreprises » en Lorraine. PUBLIÉ 54 CONCLUSION La filière papier/carton est globalement performante en termes de recyclage. Le taux d'incorporation (quotient de papier carton à recycler sur la quantité de produits fabriqués) est supérieur à 71 %. Des progrès sont néanmoins encore possibles et souhaitables mais ils doivent être mesurés de sorte que des contraintes nouvelles, non suffisamment concertées, ne limitent pas d'abord les débouchés de l'industrie nationale puis concourent à sa fragilisation, voire sa destruction. La filière papier/carton répond à plusieurs objectifs de la transition écologique : logique d'économie circulaire, lutte contre l'effet de serre, protection de la biodiversité, source d'énergie renouvelable et doit être encouragée. Sa fragilité industrielle est pour une part celle de toute l'industrie française et il y est progressivement répondu dans un cadre plus général. Il peut aussi y être, en partie, remédié par la reconnaissance réfléchie de sa place dans une politique de transition écologique et d'économie circulaire, par l'amélioration des pratiques actuelles de recyclage comme par l'encouragement à la recherche de nouveaux débouchés. Les industries y travaillent ; l'Etat pourrait par quelques mesures ciblées amplifier ce mouvement au profit tant des objectifs environnementaux qu'en matière d'emploi et de commerce extérieur. Jean BEMOL Oliviers DEBAINS Contrôleur général économique et financier Hervé MARITON Contrôleur général économique et financier Philippe GUIGNARD Ingénieur général des mines Ingénieur général des ponts, eaux et forêts Christine MESUROLLE Ingénieure générale des ponts, eaux et forêts PUBLIÉ 55 ANNEXES PUBLIÉ 56 Annexe 1 : Lettre de mission PUBLIÉ 57 PUBLIÉ 58 PUBLIÉ 59 Annexe 2 : Liste des acronymes utilisés ADEME AGEC Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie loi AGEC : LOI n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire (1), NOR: TREP1902395L chambres de commerce et d'industrie Confédération européenne des industries du papier Conseil général de l'Economie CCI CEPI CGE ou CGEIET CGEDD CGEFi CO2 CSR EPCI ETI GJ J kWh Kt Tep MEFR MTE MWh PCI Conseil général de l'écologie et du développement durable Conseil général économique et financier dioxyde de carbone combustible solide de récupération établissement public de coopération intercommunale entreprises de taille intermédiaire giga-Joule (unité d'énergie, 0.28 MWh) Joule unité d'énergie kilo-Watt.heure (unité d'énergie) kilo-tonne soit mille tonnes tonne d'équivalent pétrole (unité d'énergie), environ 11.6 MWh ou 42 GJ ministère de l'économie, des finances et de la relance ministère de la transition écologique Méga-Watt.heure (unité d'énergie 106 Wh ou 3.6 GJ) pouvoir calorifique inférieur (ne tient pas compte de la chaleur latente de condensation des gaz de combustion) petites et moyennes entreprises PME PUBLIÉ 60 REP UE W Wh responsabilité élargie du producteur (filière) Union européenne Watt unité de puissance (un Joule par seconde) Watt.heure unité d'énergie (3 600 J) PUBLIÉ 61 Annexe 3 : Liste des personnes contactées ou interrogées Organismes publics et parapublics Cabinet de la ministre de la Transition Ecologique Mme. Estelle Sandré-Chardonnal, conseillère en charge de l'économie circulaire, M. Benjamin Despretz, chargé de mission, Cabinet du ministre chargé de l'industrie M. Pierre Jérémie, conseiller industries de base, de l'énergie et éco-industries, Direction générale de l'énergie et du climat M. Nicolas Clausset, sous-directeur, systèmes électriques et énergies renouvelables, M. Vincent Delporte, chef du bureau production électrique et énergies renouvelables, M. Timothée Furois, sous-directeur, marchés de l'énergie, Direction générale des entreprises M. Thomas Pillot, sous-directeur, chimie, matériaux et éco-industries, M. Pierre Leprince, chargé de mission industrie papetière, M. Rémi Lantreibecq, directeur de projet « développement de l'économie circulaire dans l'industrie », Direction générale de la prévention des risques M. Philippe Bodennez, chef de service, risques sanitaires liés à l'environnement, déchets et pollution diffuses, M. Vincent Coissard, sous-directeur, déchets et économie circulaire, M. Fabrice Moronval, chargé du suivi de la filière REP papier, Délégation interministérielle aux restructurations d'entreprises M. Clément Bethollet, adjoint au délégué interministériel, chef de la mission restructuration au sein de la direction générale des entreprises, PUBLIÉ 62 ADEME M. Jean-Charles Caudron, chef de service, produits et efficacité matières, M. Raphaël Guastavi, chef de service adjoint, M. Olivier Benoît, responsable du suivi de la filière papiers-cartons, Organisations professionnelles Centre technique du papier M. Olivier Tassel, Président, M. Gilles Lenon, directeur général, M. Frédéric Guillet, COPACEL (Union française des industries des cartons, papiers et celluloses) M. Philippe d'Adhémar, président, M. Paul-Antoine Lacour, délégué général, M. Yan Le Moux, directeur économie circulaire et politiques produits, COFEPAC (Comité français de l'emballage papier carton) M. Noël Mangin, coordonnateur, directeur général de REVIPAC (dispositif de responsabilité élargie du producteur dans le domaine des emballages), M. Stéphane Roussel, FNADE (Fédération nationale des activités de la dépollution et de l'environnement) M. Fabrice Rossignol, président, Mme Nadine Dargère, Mme Clothilde Vergnon, Mme Isabelle Ganeau, Mme Muriel Olivier PUBLIÉ 63 FEDEREC (Fédération professionnelle des entreprises du recyclage) M. Stéphane Panou, président de FEDEREC papiers-cartons, M. Manuel Burnand, directeur général, Mme Marion Halby, chargée de mission papier carton, Group'hygiène (syndicat professionnel représentant les fabricants d'articles à usage unique pour l'hygiène, la santé et l'essuyage, vendus sur le marché français) Mme Valérie Pouillat, délégué générale, M. Michel Pirson, consultant, Entreprises Groupe Gascogne M. Olivier Tassel, président, Papèteries de Vizille M. Pierre Bonnet, directeur général, M. Stéphane Malachie, directeur de la production, M. Romain Dunot, directeur commercial, International Paper (Site de Saillat en Haute-Vienne) M. Philippe d'Adhémar, directeur général Smurfit-Kappa M. Philippe Fouque, directeur des opérations de Smurfit-Kappa recycling France, WEPA M. Laurent Bedault, directeur de l'usine de Château-Thierry, PUBLIÉ 64 CITEO Mme Sophie Grenier, directrice du recyclage, M. Nicolas Furet, secrétaire général, M. Thibaud Bouchet, conseiller relations publiques, senior data scientist... M. Jean-François Robert, directeur technique produits fibreux, chief technology officer Adelphe Sophie Wolff, directrice déléguée, Stépahanie Lequeux, responsable développement commercial et gestion client, PUBLIÉ 65 Annexe 4 : Eléments techniques relatifs à la fabrication des papiers, des cartons et des pâtes à papier, notamment sous l'angle de l'énergie et des matières employées Synthèse Les éléments techniques qui suivent montrent que la fabrication du papier ne saurait être perçue comme une activité industrielle homogène et qu'aucune approche ne peut être retenue comme générale. Les quatre familles de papiers-cartons sont très différenciées, par leurs caractéristiques mais aussi leurs modes de fabrication, et possèdent des cycles relativement indépendants. La présence ou l'absence de charges et d'encre, la qualité des fibres, les qualités finales du papier expliquent que les papiers et cartons pour emballage se recyclent facilement entre eux avec un faible taux de perte ; il en est de même pour les papiers pour impression. Pour les papiers d'hygiène, les taux de perte significatifs et les consommations supérieures d'énergie pour la préparation des pâtes issues de papiers et cartons à recycler, les qualités supérieures des fibres utilisées qui doivent associer douceur, résistance et capacité d'absorption (éventuellement par des couches différentes), peuvent justifier un recours plus faible ou a minima moins facile aux fibres recyclées, ce qui est observé un peu partout en Europe et défendu par d'assez nombreux opérateurs. La production de papier-carton commence par la production de pâte à papier suivie par fabrication de la feuille de papier71. Ces deux étapes peuvent être réalisées sur un même site, dit intégré, ou dans des établissements distincts, ce qui engendre des distinctions importantes en termes de consommation énergétique, de consommation de matières premières et de pollution notamment. 1./ La fabrication de la pâte à papier La pâte à papier vierge Celle-ci est produite à partir de fibres végétales, issues principalement de bois forestier, plus marginalement de plantes ligneuses annuelles (e.g. Chanvre, Ortie). Les fibres cellulosiques du bois sont composées de cellulose (30 à 50 %), d'hémicellulose (30 à 45 %) et de lignine (15 à 25 %) : Les molécules de cellulose sont des polymères constitués par l'enchaînement linéaire d'unités de D-glucose par des liaisons -(14), de quelques centaines jusqu'à 15 000. L'agrégation des molécules de cellulose entre elles résulte de liaisons hydrogènes multiples. Les hémicelluloses sont des polymères ramifiés composés de divers sucres, glucose, xylose, mannose, galactose, rhamnose, arabinose ..., parfois dotés de radicaux acides. 71 Les phases de façonnage, impression, découpage, pliage, etc. ne sont pas abordées ici car elles ne sont pas différentes selon l'origine des fibres constitutives du papier (vierges ou recyclées). PUBLIÉ 66 Les lignines sont des polymères poly-phénoliques complexes, rigides, hydrophobes et tridimensionnels. Ces macromolécules sont essentiellement responsables de la rigidité du bois ; les conifères sont plus riches en lignine que les feuillus. Très schématiquement, les molécules de cellulose s'organisent en micro-fibrilles qui se structurent en macro-fibres (de l'ordre de 1 500 molécules). Les hémicelluloses et lignines assurent des pontages entre ces structures polymériques et permettent de constituer les fibres constitutives des parois cellulaires. Les teneurs en en cellulose sont variables selon les espèces, par exemple de 42% pour le Pin maritime à 55% pour l'Epicéa, l'Eucalyptus atteindrait 52-58 %, (valeurs extrêmes qui sont sensiblement les mêmes pour les feuillus et les résineux, [13] et [5] p. 255). Les plantes annuelles sont moins riches en cellulose. L'écorce est impropre à la fabrication de papier, elle représente en moyenne 12 à 15 % des produits forestiers en poids. La préparation de la pâte à papier a pour objectif d'individualiser les fibres et éventuellement de les séparer chimiquement pour en modifier les caractéristiques et la morphologie en en accroissant l'accessibilité à l'eau, la porosité, la fibrillation (séparation partielle de sous-fibres et fibrilles), ou en en diminuant la rigidité, les courbures, les coudes ou les torsions. Ces transformations peuvent être poursuivies par des opérations de raffinage (agitation mécanique intense de la pâte), de filtration, etc. avant l'introduction dans la machine à papier pour la fabrication de la feuille. Les différents procédés d'obtention de la pâte à papier à partir de fibres vierges Ils peuvent être regroupés en deux grandes catégories : Les pâtes mécaniques et chimio-thermo-mécaniques pour lesquelles les fibres du sont dissociées par des meules abrasives. La réalisation de cette opération, sous pression ou non, et son complément éventuel par une phase de cuisson limitée, en présence ou non de réactifs chimiques, permet de distinguer des sous-familles de procédés. Les pâtes obtenues, dites avec bois, sont riches en lignine et le papier qui en est issu peut jaunir rapidement. Elles totalisent 25 % des pâtes en Europe ([2], p.8). Les pâtes chimiques qui recouvrent deux méthodes : o Le procédé kraft (dit parfois au sulfate) procède à la cuisson pendant quelques heures (au minimum deux à température maximale) de copeaux de bois entre 155 et 175 °C dans une solution de soude (NaOH) et de sulfure de sodium (Na2S). La suspension obtenue est « lavée » pour extraire les lignines, hémicelluloses et produits chimiques au sein de la « liqueur noire », laquelle est concentrée avant d'être incinérée pour produire de l'énergie thermique et régénérer les additifs de cuisson. Le procédé Kraft est le plus répandu dans le monde et représente 70 % des pâtes en Europe (94 % des pâtes chimiques). o Les procédés aux bisulfites (de magnésium, Mg(HSO3)2 ou de calcium Ca(HSO3)2, plus rarement de sodium NaHSO3... ou d'oxyde de magnésium, MgO, associé à une solution de dioxyde de soufre SO2, conduisant à l'ion bisulfite), fournissent des pâtes aux moins bonnes qualités papetières mais parfois plus adaptées aux applications chimiques. Ce sont en particulier les pâtes dites à dissoudre utilisées pour la fabrication d'acétate de PUBLIÉ 67 cellulose [rayonne, viscose, rhodoïd], d'hydrate de cellulose [cellophane], de nitrate de cellulose ou nitrocellulose [explosifs, celluloïd, films, vernis collodion]. Ces procédés sont minoritaires (4 % des pâtes en Europe) et plutôt en régression. Les pâtes issues de papiers et cartons à recycler Les pâtes préparées à partir de papiers et cartons à recycler issus de la collecte et du tri des déchets sont plus simples à obtenir. Les « sortes » papetières sélectionnées (cf. infra) sont dilacérées dans de l'eau chaude, éventuellement additionnée de produits chimiques. Les composants non cellulosiques (contaminants solides externes, sable, fragments métalliques et plastiques, etc., les composants et contaminants internes, encres, charges minérales, amidon, films plastiques et vernis, etc.) sont éliminés. Le désencrage poussé est une étape particulière qui n'est pas toujours réalisée. Les papiers et cartons à recycler mis en oeuvre doivent être homogènes pour obtenir une pâte aux qualités précises d'où le regroupement préalable des déchets papetiers en « sortes » précisément caractérisées et de valeur marchande très variable. Les consommations d'énergie des usines de production de pâte La production de pâte à papier à partir de fibre vierges consomme d'importantes quantités d'énergie : Pour les pâtes chimiques, cette énergie est utilisée sous forme de chaleur majoritairement pour la cuisson chimique mais aussi d'électricité (travail mécanique) pour la réduction du bois en copeaux, l'agitation et le transport des matières au cours du processus d'élaboration. Pour les pâtes thermo-chimio-mécaniques la part due au travail électrique devient essentielle et, en partie, transformée en chaleur partiellement irrécupérable. Pour les pâtes issues de papiers et cartons à recycler, l'énergie nécessaire est plus faible, variable selon les « sortes papetières » employées et les produits finis recherchés (désencrage, raffinage, etc.). Les pâtes (liquides) reconstituées à partir de pâtes marchandes déshydratées exigent le moins d'énergie pour la remise en suspension des fibres (de l'ordre de 60 kW/t) et la mise en température avant l'introduction dans la machine à papier. D'éventuels raffinages sont parfois possibles ou nécessaires. Le tableau n° 1 ci-après donne quelques indications des consommations énergétiques d'installations européennes de productions de pâte performantes. Parfois un peu anciennes, ces indications peuvent être rapprochées des valeurs moyennes données par l'industrie européenne (CEPI, [2], p. 27, qui ne sont toutefois pas directement exploitables car recouvrant les productions de pâte et de papiers/cartons). Le séchage de la pâte commerciale consomme environ 25 % de l'énergie calorifique, soit 3 GJ/t et 15 à 20 % de l'énergie électrique pour les pompages, pressages, mise en dépression, etc., ([4], p. 84 et [5], p. 216). D'autres données livrent : 5.6 GJ/t et 0.15 MWh ([5], p. 518) ou 4.12 GJ/t et 0.1 MWh ([5], p. 395). Ce séchage est supprimé dans les usines intégrées qui utilisent la pâte produite sans délai de stockage important. PUBLIÉ 68 Consommation d'énergie (usines de pâte européennes) chaleur (GJ/tsa) usines non intégrées de pâte kraft blanchie usines non intégrées de pâte kraft usine non intégrée de pâte kraft usine non intégrée de pâte Kraft blanchie usine non intégrée de pâte au bisulfite blanchie usine non intégrée de pâte au bisulfite blanchie unités intégrées ou usines non-intégrées de pâte au bisulfite blanchie usines de pâte au bisulfite blanchie pour applications chimiques et viscose (donc non intégrée) usine pâte chimiothermomécanique (nonintégrée) 10 - 14 13.7 18.4 11 14.4 16 - 18 13.5 électricité (MWh/tsa) 0.6 - 0.8 0.7 - 0.8 0.7 0.76 0.7 - 0.8 0.88 commentaire référence L'excédent de chaleur pourrait être de 2 à [4], p. 159 2.5 GJ/t pour produire de l'électricité [5], p. 78 [5], p. 215 [4], p. 84 [4], p. 216 [5], p. 393 [5], p. 393 7.5 - 8.5 0.55 - 0.75 16.5 0.9 le défibrage mécanique produit beaucoup de chaleur qui est récupérée pour la " cuisson " les consommations très variables dépendent des variantes des procédés employées et de la finesse de la pâte recherchée (plus élevée pour les papiers d'hygiène) ; les usines modernes récupèrent, au moins en partie, l'énergie calorifique de friction la pâte n'est pas séchée, il s'agit de calculs à partir d'usines intégrées [5], p. 393 0 2-3 [4], p. 277 usine pâte chimio-thermo0 mécanique (non-intégrées) 1.1 - 4.3 [5], p. 516 et [4], p. 240 unité de pâte issue de papiers et cartons à recycler unité de pâte issue de papiers et cartons à recycler pour papier d'emballage unité de pâte issue de papiers et cartons à recycler pour papier journal unité de pâte issue de papiers et cartons à recycler pour papier léger couché et super calandré unité de pâte issue de papiers et cartons à recycler pour papier d'hygiène et pâte désencrée marchande 0.2 - 0.3 0.23 - 0.3 0 0.45 0.9 0.65 1.2 0.15 - 0.25 [5], p. 571 et 572 produit à partir de cartons et de sortes [4], p. 94 et mêlées [5], p. 563 produit à partir de de sortes à désencrer [4], p. 94 et [5], p. 563 0.3 - 0.42 - 0.4 - 0.6 produit à partir de de sortes à désencrer [5], p. 563 0.65 1.1 - 0.4 - 0.5 produit à partir de de sortes à désencrer et [4], p. 94 et de papiers de bureau [5], p. 563 tableau n° 1 PUBLIÉ 69 données extraites de [4] et [5], tableau reconstruit par la mission Bien que les besoins en énergie, chaleur et travail, soient très importants, la plupart des usines de pâtes non-intégrées de pâte chimique sont autosuffisantes en énergie, voire excédentaires (au moins hors séchage de la pâte marchande), car elles brûlent environ la moitié de la matière ligneuse récupérée au sein des solutions de cuisson ou « liqueurs noires » (concentrées avant incinération) en complément des écorces. Les unités produisant de la pâte issue de papiers et cartons à recycler peuvent brûler les déchets issus de ces matières, la quantité de chaleur produite est moindre mais non négligeable. Elle peut être complétée par l'incinération de combustibles solides de récupération (cas de l'usine Norske Skog à Golbey dans les Vosges ou de plusieurs usines en Allemagne, [6]). Il est essentiel de souligner que les émissions de CO 2 associées issues de matières végétales renouvelables ne concourent pas aux émissions de gaz à effet de serre. L'excédent énergétique des usines de pâte à papier issu de la combustion des bio-déchets et matières végétales non-autrement valorisables est connu ou calculable sur plusieurs installations et repris dans le tableau n° 2. Cet excédent peut servir à sécher la pâte vendue sous forme marchande, produire de l'électricité bénéficiant souvent de tarifs préférentiels de rachat au titre de la cogénération utilisant de la biomasse ou fournir la chaleur à l'unité de fabrication de papier carton en cas d'usine intégrée. Excédent d'énergie (usines de pâte européennes) issu de la combustion des déchets chaleur (GJ/tsa) excédent d'énergie d'une usine non intégrée de pâte + 5.4 kraft écrue excédent d'énergie d'une usine non intégrée de pâte + 4.7 kraft blanchie excédent d'énergie d'une usine intégrée de pâte kraft + 4.9 blanchie électricité (MWh/tsa) + 0.16 [4] p. 86 à 87 0 [4] p. 86 à 87 0 [4] p. 86 à 87 référence Tableau n° 2 Données extraites de [4] et [5], tableau reconstruit par la mission PUBLIÉ 70 2./ la fabrication de papier : La « pâte » arrive sous la forme d'une suspension entre 98 et 99 % d'eau en tête de la machine où elle est pulvérisée sur des bandes de tissus ou feutres. Pour arriver à une teneur de l'ordre de 10 %, l'eau est éliminée par des moyens mécaniques (égouttage, pression, etc.) puis thermiques (séchage sur des cylindres chauffés à la vapeur, par rayons infrarouges, par insufflation d'air chaud, etc.). Malgré d'importants systèmes de récupération/recyclage de chaleur, il est avancé que la fabrication requiert l'évaporation de 1.5 t d'eau par tonne de papier. Les usines à papiers sont donc fortement consommatrices, sous forme tant de travail (mise en mouvement des cylindres de la machine à papier, pompages, pressage, aspiration de l'eau par dépression, etc.) que de chaleur pour le séchage de la feuille de papier, laquelle est enfin enroulée en bobines ou découpée avant expédition (pour impression, façonnage, vente directe, etc.). Il faut surtout retenir que les besoins en énergie sont très variables selon les types de papiers produits : Les papiers couchés par exemple font l'objet d'un apport complémentaire de matière sous forme de solutions sur une ou deux faces, parfois en plusieurs applications successives, ce qui engendre des évaporations supplémentaires. Les papiers d'hygiène exigent un séchage à haute température, parfois par insufflation d'air chaud au travers de la feuille (procédé TAD, through air drying), étape essentielle pour accroître leur capacité d'absorption, leur douceur, leur conférer éventuellement un aspect gaufré, etc. Les quantités de chaleur requises varient d'un facteur 2, voire 3, mais les qualités de douceur et d'absorption sont doublées. Les consommations d'énergie des usines de production de papier : Usines de production de papier non-intégrées (non-associées à une usine de production de pâte) : Le tableau n° 3 présente les consommations de différentes usines de papier non- intégrées afin de bien distinguer les étapes de la préparation de la pâte de celles de la fabrication du papier72. Son examen montre les variations en fonction des papiers produits mais aussi permet la comparaison entre les besoin d'une unité papetière et les excédents d'une unité de pâte chimique « kraft » (tableau n° 2). Dans quelques cas, ils sont équivalents ; mais même si le plus souvent ils sont un peu supérieurs, ils montrent l'intérêt non-discutable de l'intégration en termes d'émission de gaz à effet de serre notamment mais aussi d'efficacité énergétique. 72 Le document technique de référence ([5], p. 573), fournit en complément des données très précises pour des établissements allemands utilisant essentiellement des papiers-cartons à recycler, sauf pour les papiers d'hygiène (pâtes chimiques et mécaniques). PUBLIÉ 71 consommation d'énergie (usines papetières non-intégrées en Europe) chaleur (GJ/tsa) 4 3.6 5.3 4.3 8 7-8 7 -7.5 5.23 électricité (MWh/tsa) 0.3 0.45 0.58 0.9 0.67 0.6 - 1.1 0.6 -0.7 0.61 pâte chimique blanchie Commentaire papiers cartons à recycler sans désencrage papiers cartons à recycler avec désencrage papiers et cartons à recycler papiers cartons à recycler avec désencrage référence [5], p. 754 [5], p. 754 [5], p. 572 [5], p. 754 [4], p. 421 [4], p. 507 [4], p. 507 [4], p. 408 papiers pour emballage cartons pour emballage papier d'impression papiers pour impression usine de papier couché usine non intégrée de papier couché fin usine non intégrée de papier non couché fin usine non intégrée de papier couché et non couché fin (1997) usine non intégrée de papier couché et non couché fin (2012, a priori il s'agirait de la même usine que celle de la ligne précédente) usine non intégrée de papier non couché (<2007) usine non intégrée de papier couché (2005 - 2010) usine non intégrée de papier d'hygiène usine non intégrée de papier d'hygiène usine non intégrée de papier d'hygiène 4.08 0.57 pâte chimique blanchie [5], p. 679 4.7 6.5 7.2 4.6 - 21 5.5 -7.5 0.6 0.83 0.9 0.9 ­ 3.1 0.6 - 1.1 fibres vierges (+ additifs) fibres vierges (a priori) fibres vierges fibres vierges fibres vierges [5], p. 754 [5], p. 691 [5], p. 754 [5], p. 681 [4], p. 507 usine non intégrée de papier 5 -25 d'hygiène papier d'hygiène 6.8 - 10.1 1-3 0.8 -2 pâte chimique blanchie, les très fortes variations s'expliquent par les consommations [4], p. 410 des différents procédés, fournissant des qualités très différentes papiers et cartons à recycler [5], p. 78 Tableau n° 3 Données extraites de [4] et [5], tableau reconstruit par la mission PUBLIÉ 72 Usines de production de papier intégrées (associées à une usine de production de pâte) : Ainsi qu'indiqué précédemment, dans les usines intégrées, l'excédent de chaleur engendrée par l'unité de pâte chimique (et encore moins pour les unités chimio-thermo-mécaniques) n'est en général pas suffisant pour couvrir l'ensemble des besoins ; toutefois le complément nécessaire est faible, comme le montre le tableau n° 4. Ce complément dépend du type de papier produit et peut être compensé par des compléments de matières ligneuses non valorisables (souches, racines, fragments fins des houppiers, etc.) Consommation d'énergie (usines papetières intégrées en Europe) chaleur (GJ/tsa) production intégrée de pâte Kraft non blanchie et de papier carton dont apport extérieur production intégrée de pâte Kraft blanchie et de papier fin non-couché dont apport extérieur production intégrée procédé kraft (théorique) dont apport extérieur production intégrée chimiothermo-mécanique de papier non couché dont apport extérieur production intégrée chimiothermo-mécanique de papier couché dont apport extérieur production intégrée thermomécanique de papier journal dont apport extérieur 16.4 1.5 17.5 3.5 22.2 0 n.a. 3.6 - 5.8 n.a. 4.7 - 6.5 n.a. électricité (MWh/tsa) 0.96 0.39 1.22 0.71 1.25 - 0.29 n.a. 1.2 -1.4 n.a. 1.2 -2.1 n.a. [5], p. 79 [5], p. 79 un faible excédent d'électricité peut être revendu, toute la chaleur est consommée pour le process ou la production d'électricité [5], p. 215 [4], p. 85 commentaire référence [4], p. 85 [5], p. 79 1.2 2.5 - 2.7 Tableau n° 4 Données extraites de [4] et [5], tableau reconstruit par la mission PUBLIÉ 73 3./ bilans matières : Les pertes de matières sont importantes au cours des différents processus de fabrication de pâtes à papiers (hors écorces) : Les pâtes thermo-chimio-mécaniques ont les meilleurs rendements, de 80 à 98,5 % puisque la lignine et les hémicelluloses sont conservées ([5], p. 487). Les pâtes chimiques présentent des rendements souvent inférieurs à 50 % puisque les matières non cellulosiques sont éliminées ; il faut entre 3 et 6 m3 de bois pour une tonne de pâte chimique. Les pâtes issues de papier carton à recycler ont des rendements très variables, fonction du type de papier produit, des « sortes » papetières utilisées et de l'existence ou non d'une opération de désencrage (tableau n° 5, [5] p. 564 et 571 et [4] p. 315). rendement73 Papier pour cartons et 90 ­ 95 % emballages Papier pour impression 75 ­ 85 % (journaux et magazines) Papiers d'hygiène et pâte à 50 ­ 70 % papier marchande désencrée Tableau n° 5 Données extraites de [4] et [5], tableau reconstruit par la mission Avec l'utilisation de pâtes marchandes, les pertes en fibres sont très faibles, inférieures à 1 ou 2 % ([5], p. 574). quantité de papiers et cartons à recycler par tonne produite 1 100 kg 1 200 ­ 1 350 kg 2 000 kg Ces pertes de matières ont plusieurs origines : Il est souvent mis en avant l'usure des fibres de cellulose qui raccourcissent au cours de leurs utilisations successives et les plus petites sont éliminées. Cette affirmation, qui a été parfois nuancée et une fois contestée devant la mission, paraît réelle. Surtout des « sortes papetières » différentes sont utilisées pour les différents papiers. Le point essentiel est alors l'élimination des contaminants (encres notamment, liants, agent d'encollage, etc.) et des charges papetières (amidon, carbonate de calcium, kaolin, etc.) qui peuvent être importantes pour les papiers d'écriture avec 30 à 35 % ([4] p. 408 et [5], p. 679), voire plus pour les papiers spéciaux. A contrario, ces charges sont faibles pour les papiers pour journaux et magazines et très faibles pour les cartons et papiers d'emballage (souvent sans charge ajoutée), ([5], p. 683)74. Pour les papiers d'hygiène, l'élimination de ces charges, qui sont très présentes dans les « sortes supérieures » utilisées pour la qualité de leurs fibres, et le désencrage expliquent le fort taux de déchet observé pour la fabrication de ce type de papier. Ces épurations doivent de surcroît augmenter les pertes de fibres courtes. Les papiers d'hygiène ne comportant aucune charge mais seulement des 73 Les rendements les plus élevés sont issus de données antérieures à l'an 2000 et pourraient ne pas prendre en compte tous les contaminants externes. 74 En moyenne les charges et additifs représentent 10 % de la masse du papier ([5], p. 68). PUBLIÉ 74 résines renforçant la résistance à l'état humide, ces pertes ne sont pas compensées par de nouvelles charges et les taux d'incorporation peuvent être très supérieurs à 100 % (tableau n° 3, p. 22, le cas des Pays-Bas). La consommation d'eau « fraiche » est variable, supérieure avec des fibres vierges. La question majeure est sa purification avant le rejet au milieu naturel. La consommation d'eau est plus importante pour le papier d'hygiène, car les nettoyages et rinçages des machines à papier sont plus intenses. En effet, la feuille étant de très faible grammage, jusqu'à 12 g/m2, l'absence de corps étrangers, de salissures et autres dépôts est essentielle pour assurer les décollages et transferts de celle-ci. S'ajoutent, dans le cas de l'utilisation de fibres recyclées, les opérations accrues de lavage de la pâte pour retirer les charges, encres et autres contaminants. 4./ les pollutions La production de pâtes engendre des pollutions atmosphériques, aqueuses et solides (déchets) importantes mais qui peuvent être réduites par des opérations adaptées (stations de traitement, épuration des fumées, intégration des cendres d'incinération dans des ciments (en raison de la présence possible d'éléments contaminants) ou épandage sur des terrains forestiers et agricoles (fréquent avec des fibres vierges). L'élimination des pollutions aqueuses est plus facile avec des matières d'origine végétale mais butte sur des quantités de pollutions organiques importantes ; elle est complexifiée par les étapes de blanchiment, [4] et [5]. Ce point n'est pas longuement développé car il n'a pas été présenté comme central pour privilégier une ressource plutôt qu'une autre. Toutefois la mise en oeuvre des techniques de dépollution nécessaire peut être onéreuse. PUBLIÉ 75 Annexe 5 : Bibliographie [1] [2] [3] [4] [5] Rapport statistique 2019 de l'industrie papetière française, COPACEL, Union française des industries des cartons, papiers et celluloses, septembre 2020, https://www.copacel.fr/fr Key statistics 2019, European pulp & paper industry, CEPI, Confederation of European paper industries, juillet 2020, https://docplayer.net/195944350-Key-statistics-2019-european-pulp-paperindustry.html Contrat d'objectifs et de performances 2020 ­ 2023, CTP ­ COPACEL ­ Etat, CTP, Centre technique du papier, 18 février 2020, https://www.webctp.com/fr/le-ctp-scenariste-de-l-innovation Document de référence sur les meilleures techniques disponibles, industrie papetière, Commission européenne, décembre 2001, traduction V1, https://aida.ineris.fr/guides/directive-ied Best available techniques (BAT), Reference document for the production of pulp, paper and board, European Commission, JRC science and policy reports, 2015, https://ec.europa.eu/jrc/en/publication/eur-scientific-and-technical-researchreports/best-available-techniques-bat-reference-document-production-pulp-paperand-board-industrial [6] Parangonnage européen du marché des combustibles solides de récupération, études économiques, analyses, ministère de l'économie et des finances, direction générale des entreprises, cabinet RDC environnement, octobre 2018 https://www.entreprises.gouv.fr/files/files/directions_services/etudes-etstatistiques/Analyses/2019-02-ANALYSECombustibleSolidesRecuperation.pdf Etude sur l'adéquation entre les sortes papetières produites et les besoins des utilisateurs, expertises ­ rapport, Ademe, Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, mars 2017, https://www.ademe.fr/etude-ladequation-entre-sortes-papetieres-produitesbesoins-utilisateurs Bilan national du recyclage 2008 ­ 2017, expertises ­ rapport, Ademe, Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, cabinets Deloitte, In Extenso, RDC environnement, mars 2020, Le tarif 2021 pour le recyclage des emballages ménagers ­ Le guide, CITEO, 2020 Etude sur l'incorporation des sortes papetières dans le secteur hygiène, expertises ­ rapport, Ademe, Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, juin 2020 Plan de surveillance de la contamination des denrées alimentaires et, le cas échéant de leur conditionnement, par des hydrocarbures d'huiles minérales, bilan de tâche nationale, BTN/4B/PNE/316JM, PR/1C/PNE/005, direction générale de la concurrence et de la répression des fraudes, 1er trimestre 2017, Actualisation 2018 des flux de produits graphiques en France, expertises ­ rapport annuel, réalisé pour le compte de l'ADEME par SEREHO (Alain TRIPIER), Ademe, Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, octobre 2019, www.ademe.fr/mediatheque [7] [8] [9] [10] [11] [12] [13] [14] Caractérisation de la morphologie des fibres de bois, Grenoble INP ­ Pagora, Raphaël Passas, septembre 2008, http://www.cerig.pagora.grenoble-inp.fr/tutoriel/morphologie-fibres-bois/page06.htm Pâte à dissoudre : L'opportunité du couplage raffinage et traitement enzymatique, Grenoble-INP Pagora, Bastien Large et Ilyas Mourjane, mai 2017 PUBLIÉ 76 [15] [16] [17] [18] [19] Utilization of paper for recycling by sector and by country, CEP Recycling Committee, 2019, communiqué par COPACEL Rapport statistique 2018 de l'industrie papetière française, COPACEL, Union française des industries des cartons, papiers et celluloses, septembre 2020, https://www.copacel.fr/fr Achats publics de papiers bureautique et développement du recyclage, note de la COPACEL, 7 juillet 2020 Au quotidien - éco-responsables au bureau ­ actions efficaces et bonnes résolutions, clés pour agir, Ademe, Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, mai 2017 Suivi de la qualité des matériaux, observatoire de la qualité, bilan 2018, CITEO, juin 2019 Sites internet : http://cerig.efpg.inpg.fr/ https://fr.statista.com/themes/2964/l-industrie-du-papier-en-france-et-dans-le-monde/ https://fr.wikipedia.org/wiki/Cellulose https://www.ccfi.asso.fr/un-decret-menace-la-papeterie-de-golbey-et-ses-350-salaries/ PUBLIÉ 77 Annexe 6 : implantation géographique des industries papetières en France PUBLIÉ 78 PUBLIÉ 79 PUBLIÉ INVALIDE)

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