Pistes pour rendre efficiente l'obligation de créer des itinéraires cyclables en milieu urbain.
NATAF, Liza ;PONS, Jean-Louis
Auteur moral
France. Commissariat général au développement durable. Service de l'économie, de l'évaluation et de l'intégration du développement durable
Auteur secondaire
Résumé
Adoptée en 1996, la loi sur l'air et sur l'utilisation rationnelle de l'énergie a été une réponse forte au sein d'un contexte national français marqué par des pics de pollutions atmosphériques. Son objectif était de diminuer ces pollutions, notamment celles émises par les automobiles, très gourmandes en énergie et dont les rejets étaient sont nocifs pour l'air. Ce document analyse l'article 20 de cette loi. Cet article promeut l'utilisation du vélo en imposant aux collectivités territoriales d'aménager des itinéraires cyclables lorsque elles effectuent des travaux de voirie, et de ce fait, diminuer les pollutions atmosphériques. Cette analyse suggère des propositions afin que cet article 20 soit pleinement appliqué. En effet, malgré une amélioration certaine de sa mise en oeuvre, celui-ci rencontre encore des difficultés d'application. Depuis les années 1990, l'État s'est engagé à développer et à promouvoir l'usage du vélo. La bicyclette est devenue, en quelques années, un mode actif privilégié au sein de l'espace public.
Descripteur Urbamet
planification des transports
;mode de transport
;aménagement de réseau de transport
;itinéraire
;piste cyclable
;véloroute
;voie verte
;cadre institutionnel
;qualité de l'air
;politique de l'environnement
Descripteur écoplanete
Thème
Infrastructures - Ouvrages d'art
;Aménagement urbain
;Cadre juridique
Texte intégral
COMMISSARIAT GÉNÉRAL AU DÉVELOPPEMENT DURABLE
Études & documents
Pistes pour rendre efficiente l'obligation de créer des
n° 85
Mai 2013
itinéraires cyclables en milieu urbain
ÉCONOMIE ET ÉVALUATION
Service de l'économie, de l'évaluation et de l'intégration du développement durable
www.developpement-durable.gouv.fr
Mission nationale des Îloroutes et voies vertes
La Mission nationale des Îloroutes et voies vertes, qui diffuse ce document de recherche dans le cadre de son action pour le développement des itinéraires cyclables, est un organisme interministériel placé sous l'autorité du Commissariat général au développement durable, au sein du Ministère de l'Écologie, du Développement durable et de l'Énergie : il comprend des membres issus de plusieurs directions générales de ce ministère, ainsi que des Ministères chargés du Tourisme, des Sports, de l'Aménagement du Territoire et de l'Agriculture. Créée en 2001 par une circulaire interministérielle, elle exerce un rôle d'animation et de guide des initiatives locales, notamment par le biais de la mise en oeuvre du Schéma national des Îloroutes et voies vertes qui se décline au niveau régional (schémas régionaux des Îloroutes et voies vertes) et au niveau interrégional (comités d'itinéraires). Elle participe à la politique menée par le Coordonnateur interministériel pour le développement de l'usage du Îlo.
Ce document est la synthèse de recherches consignées dans le mémoire intitulé « L'article 20 de la loi sur l'air et sur l'utilisation rationnelle de l'énergie ; facteur de développement de la politique Îlo en milieu urbain, bilan et perspectives ». Ce mémoire a été réalisé dans le cadre du Master 2 Droit de l'Environnement de la Faculté Jean Monnet à Sceaux (Université Paris-Sud XI) grâce au travail mené au cours d'un stage à la Mission nationale des Îloroutes et voies vertes en 2012. Il peut être transmis à toute personne qui en ferait la demande, à l'adresse indiquée en dernière page de couverture, ou au numéro suivant : 01 40 81 85 16.
Collection « Études et documents » du Service de l'Économie, de l'Évaluation et de l'Intégration du Développement Durable (SEEIDD) du Commissariat Général au Développement Durable (CGDD) Titre du document : Directeur de la publication : Auteur(s) : Contacts : Date de publication : Pistes pour rendre efficiente l'obligation de créer des itinéraires cyclables en milieu urbain Xavier Bonnet Liza Nataf Jean-Louis Pons jean-louis.pons@developpement-durable.gouv.fr Mai 2013
Crédits photos : Page 8 : cycliste sur une bande cyclable avec carriole Thierry Degen (MEDDE/METL) ; cycliste sur piste cyclable à Lyon
Arnaud Bouissou (MEDDE/METL) ; panneau piste cyclable Laurent Mignaux (MEDDE/METL) ; Page 11 : l'aménagement d'itinéraires cyclables urbains - Cécile Fedecki (MEDDE/DICOM)
Ce document n'engage que ses auteurs et non les institutions auxquelles ils appartiennent. L'objet de cette diffusion est de stimuler le débat et d'appeler des commentaires et des critiques.
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SOMMAIRE
Synthèse....................................................................................................................................................2 Introduction...............................................................................................................................................3 1) L'obligation d'aménager des itinéraires cyclables lors de travaux de réalisation ou de rénovation de voirie..........................................................................................................................................................4 a) Rappel des différents éléments existants ..............................................................................................4 b) Les lacunes juridiques...............................................................................................................................5 c) Quels aménagements cyclables ?............................................................................................................8 d) Les difficultés d'application......................................................................................................................9 e) Les conséquences de la non-application de cet article........................................................................10
2) Convaincre les collectivités.................................................................................................................11 a) Un Plan national Îlo ............................................................................................................................11 b) Un nouvel outil : le plan d'urgence pour la qualité de l'air..................................................................12
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Synthèse
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Adoption de la loi sur l'air
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Difficultés engendrées par l'article 20 de la LAURE
La loi sur l'air et sur l'utilisation rationnelle de l'énergie, dite LAURE, promulguée le 19 décembre 1996 et publiée au Journal Officiel le 30 décembre 1996, a été prise en application de plusieurs textes communautaires ayant orienté les pouvoirs publics à adopter une loi contre les pollutions atmosphériques, puisque les autres lois nationales étaient insuffisantes en la matière.
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Contexte d'absence de réglementation efficace sur la qualité de l'air
Jusqu'en 1996, trois textes constituaient le fondement du dispositif réglementaire de lutte contre la pollution atmosphérique et l'utilisation rationnelle de l'énergie : la loi n°48-400 du 10 mars 1948 sur l'utilisation de l'énergie, la loi n°61-642 du 2 août 1961 relative à la lutte contre la pollution atmosphérique et les odeurs, et la loi n°76-663 du 19 juillet 1976 sur les installations classées pour l'environnement. Ces textes précédant la LAURE étaient toutefois inefficaces concernant la qualité de l'air, car ils possédaient un caractère trop centralisé, ne se préoccupaient pas des rejets émis par le secteur des transports et surtout, leur champ touchant à la protection environnementale était trop restreint. Néanmoins, à cette période, plusieurs directives réglementaient la qualité de l'air. Parmi elles, la directive 92/72/CE, ou Directive Ozone, venant limiter les concentrations d'ozone dans l'air et posant désormais des seuils d'information et d'alerte à destination de la population. La deuxième directive était une directive-cadre : il s'agissait de la directive 96/62/CE concernant l'évaluation et la gestion de l'air ambiant et fixant des objectifs de qualité dudit air ambiant au sein de la Communauté. La LAURE fut adoptée en 1996, pour se conformer aux obligations prônées par les directives.
Cet article 20 impose aux collectivités territoriales de mettre en place des aménagements cyclables, lorsque celles-ci effectuent des travaux sur la voirie. Cette obligation légale a été consacrée de manière jurisprudentielle et codifiée dans le code de l'environnement. En effet, elle a posé des difficultés d'application aux collectivités, car elle imposait au maire des travaux non souhaités et supplémentaires sur la voirie alors que lui seul possède les pouvoirs en matière d'urbanisme sur la commune. Cet article comporte d'autres écueils, car il ne tient compte ni des difficultés techniques liées au projet, ni de l'intégration de ces aménagements au sein de l'espace public urbain, ni même du budget dont disposent les collectivités pour mettre en place ces aménagements. Les collectivités territoriales ont été très réserÎes face à cette obligation légale.
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Solutions proposées
Des solutions peuvent être envisagées afin de faciliter l'application de l'article 20. Le développement plus accentué de campagnes d'information et de sensibilisation quant à l'utilisation des modes actifs, notamment du Îlo, vise à sensibiliser la population et à convaincre les collectivités des bienfaits que procure le Îlo. Par ailleurs, la mise en place d'objectifs chiffrés au sein d'outils de planification locale va permettre une meilleure applicabilité de l'article 20 afin de réaliser ces objectifs : pour pratiquer le Îlo, il est nécessaire de circuler sur des itinéraires sécurisés et donc de respecter l'obligation de l'article 20 puisque celle-ci prévoit ces aménagements. En outre, le réseau technique et scientifique du Ministère (centre d'études sur les réseaux, les transports, l'urbanisme et les constructions publiques - CERTU) dispose d'une liste d'exemples d'aménagements réussis de nature à susciter l'adhésion des maires.
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Introduction
En 1996, la LAURE a été adoptée par les pouvoirs publics français désireux d'édicter une loi de protection contre les pollutions atmosphériques, là où les lois nationales antérieures étaient insuffisamment précises. Cette préoccupation environnementale est apparue en Europe lors de l'hiver 1952, avec l'épisode dit du « smog » londonien. Un nuage de fumées, provoqué par un rejet abondant d'émissions nocives dans l'atmosphère, avait causé la mort de plusieurs milliers de personnes. Ces fumées émanaient d'usines et de chauffages individuels, et l'épais nuage avait stagné sur le bassin londonien pendant plusieurs jours. Les pouvoirs publics du Royaume-Uni réagirent immédiatement en adoptant le « Clean Air Act », texte visant à diminuer les pollutions dans l'air et invitant les municipalités à prendre toutes les mesures nécessaires pour éviter qu'un tel épisode ne se reproduise. Par la suite, une révision du cadre législatif a été nécessaire. Cette situation est due à deux directives européennes qui ont conduit les pouvoirs publics à adopter une loi conforme aux nouvelles obligations communautaires, et plus ambitieuse : la LAURE. Cette loi a eu pour principale ambition de réduire les pollutions atmosphériques. Parmi ses dispositions, l'article 20, appelé également « amendement Îlo », proposé par Madame Lepage, alors Ministre de l'Environnement, souhaite une mise en avant du Îlo pour diminuer ces rejets atmosphériques, provenant essentiellement du secteur automobile :
Art. 20 : « A compter du 1er janvier 1998, à l'occasion des
réalisations ou des rénovations des voies urbaines, à l'exception des autoroutes ou voies rapides, doivent être mis au point des itinéraires cyclables pourvus d'aménagements sous forme de pistes, marquages au sol ou couloirs indépendants en fonction des besoins et contraintes de la circulation. L'aménagement de ces itinéraires cyclables doit tenir compte des orientations du plan de déplacements urbains, lorsqu'il existe ».
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1) L'obligation d'aménager des itinéraires cyclables lors de travaux de réalisation ou de rénovation de voirie
a) Rappel des différents éléments existants
Avant 1996, trois textes formaient le fondement du dispositif réglementaire de lutte contre la pollution atmosphérique et l'utilisation rationnelle de l'énergie (la loi du 10 mars 1948, la loi du 2 août 1961 et la loi du 19 juillet 1976 citées en introduction). La loi du 10 mars 1948 a été adoptée afin d'optimiser l'utilisation de l'énergie, pour arriver à une utilisation appropriée et éviter le gaspillage. Elle vise une rationalisation de l'énergie dans un souci purement économique et non dans un souci de protection environnementale. La loi du 2 août 1961 est une avancée intéressante contre les rejets dans l'air, avait des préoccupations environnementales limitées à l'échelon local. Enfin, la loi du 19 juillet 1976 a soumis à la surveillance de l'Administration les installations présentant des dangers ou des inconÎnients pour l'environnement au sens large ; les installations visées sont les installations fixes, visant donc seulement les rejets « à la cheminée ». Elle ne prend pas en compte toutes les installations potentiellement nuisibles à la qualité de l'air. Néanmoins ces textes ne suffisaient pas à réduire efficacement les pollutions atmosphériques. De plus, plusieurs directives furent adoptées par la suite, les textes nationaux devant être mis en conformité. En effet, entre 1982 et 1992, quatre directives vinrent réglementer la qualité de l'air concernant le plomb, le dioxine d'azote, les poussières et l'ozone. Il y eut ensuite la directive-cadre sur l'évaluation et la gestion de la qualité de l'air adoptée le 27 septembre 1996, fixant des objectifs de qualité concernant l'air ambiant au sein de la Communauté et visant à maintenir et à améliorer sa qualité. Son ambition était de protéger l'environnement dans son ensemble ainsi que la santé des personnes, de réduire les concentrations de polluants atmosphériques et de fixer des valeurs limites (ou seuils d'alerte) pour les niveaux de pollution de l'air ambiant.. Ces textes ont incité la France à adopter une nouvelle loi plus protectrice de l'air ambiant. Parallèlement en France, le contexte environnemental s'était dégradé de manière rapide et alarmante : dans les années 1994 et 1995, plusieurs pics de pollution furent atteints au cours de la période estivale, ne respectant pas les obligations posées par les directives précitées. Ce contexte faisait ressortir le besoin urgent de légiférer en la matière.
Par ailleurs, un rapport rédigé par M. Richert, sénateur, renforça ces préoccupations environnementales en soulignant fermement 1 la nécessité d'adopter une loi nationale sur l'air . Lors des débats parlementaires datant de 1996, la Ministre de l'Environnement a insisté sur cette idée dans son projet de loi : « Il est indispensable de refondre et de compléter la
législation en vigueur, afin de disposer d'un ensemble cohérent permettant de faire face de façon efficace aux nouvelles dimensions de la pollution atmosphérique ».
La LAURE a alors été adoptée. Elle a posé un nouveau cadre fondateur pour l'action en faveur de la qualité de l'air. Elle est considérée comme « une sorte de boîte à outils pour la
planification locale » et permet « l'adoption de plusieurs mesures techniques nationales, l'affirmation du droit à information du public, l'institutionnalisation d'associations agréées de surveillance de la qualité de l'air et l'instauration d'un Conseil national de l'Air » comme l'explique Philippe Richert, dans un
autre rapport rédigé à l'occasion des dix ans de la LAURE en 2 2006 . Les objectifs de la LAURE sont les suivants : s'appliquant à toutes les agglomérations urbaines, elle vise à réduire drastiquement les nuisances, pollutions, ainsi que le trafic automobile. Elle met en place diverses mesures importantes, notamment le droit à information du public (article 4) ou encore la garantie pour chacun de respirer un air « ne nuisant pas à sa santé » (article 1er). La loi veut favoriser l'utilisation des transports en commun et les modes de déplacements économes en énergie et moins polluants, tels que la bicyclette. La LAURE vise également à aménager un réseau de voirie pour y développer les déplacements dits « déplacements doux ». C'est l'objet de l'article 20, les collectivités devant aménager des itinéraires cyclables lors de travaux de réalisation ou de restructuration de la voirie, ceci afin de permettre de créer, par exemple, des pistes cyclables destinées à faciliter l'usage du Îlo en garantissant aux cyclistes des itinéraires sécurisés. Cet article 20 de la LAURE a longtemps été perçu comme nonobligatoire par les collectivités, le texte étant jugé trop flou sur certains points. L'intervention du juge a, par la suite, leÎ ces lacunes juridiques et donné une Îritable portée à l'article 20.
1 Rapport sur « Les évolutions souhaitables pour le dispositif national de surveillance de la qualité de l'air » par Monsieur Philippe Richert, sénateur du Bas-Rhin. 2 Rapport au Premier Ministre, intitulé « Qualité de l'air et changement climatique, un même défi, une même urgence », La Documentation Française, par le sénateur M. Philippe Richert, 2006.
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b) Les lacunes juridiques
Ces lacunes reposent sur les termes mêmes de l'article 20. * Réalisations/rénovations de voirie : il est nécessaire d'effectuer des travaux pour construire lesdits itinéraires cyclables. Le législateur n'a pas prévu l'aménagement desdits itinéraires en dehors des travaux. La première difficulté d'interprétation relève des termes « réalisations » et « rénovations » des voies. A l'occasion de réalisations ou rénovation de voirie, des itinéraires cyclables adaptés doivent être mis en place. Il faut comprendre par cette formule que le législateur n'a pas prévu d'imposer une mise en place d'itinéraires cyclables en l'absence de travaux de réalisation ou de rénovation de voirie. Sans cela, le maire n'a aucune obligation légale de mettre en place des itinéraires cyclables. L'obligation légale posée par l'article 20 s'applique lorsque sont effectués ces travaux, c'est la condition impérative pour que ces itinéraires puissent voir le jour. A défaut de travaux sur la voirie, aucune obligation ne repose sur le maire, il n'a pas à construire d'itinéraires cyclables. Que faut-il entendre par « réalisation » et « rénovation » de voirie ? S'il est évident qu'il s'agit bien de travaux sur la voie, quels sont les travaux visés par l'article 20 ? Concernant la réalisation de voirie, il y a peu de difficultés : il s'agit de la réalisation d'une route. C'est une route nouvelle, que l'on est en train de créer. La difficulté d'interprétation réside dans le terme de rénovation. La réponse sur la notion exacte de « rénovation » appartient à la jurisprudence. Un contentieux pourrait éventuellement venir apporter des réponses à cette question et permettre de définir à partir de quel moment considérer que sont bien effectués des travaux de rénovation de voirie et quelle proportion de travaux fait jouer l'article 20. Mais le juge a simplement souligné qu'il s'agissait de « travaux relatifs de la voie, affectées principalement aux automobilistes et aux piétons » sans en dire davantage, dans une jurisprudence datant de 2003 développée ci-après. On suppose donc que tous les travaux de rénovation de voirie, aussi simples qu'ils soient, constituent une opportunité pour réorganiser différemment l'espace en faveur des cyclistes. Il en est ainsi pour les opérations touchant aux caractéristiques géométriques de la voirie (telle la modification de l'emplacement des bordures), la réorganisation ou la requalification de la voirie (telle la réorganisation du sens de la circulation) ou encore les simples travaux de rénovation de la totalité de la couche de roulement de la chaussée. Ces travaux de rénovation, de grande étendue ou de moindre importance, actionneront le mécanisme de l'article 20.
* Voirie « urbaine » : en dehors des autoroutes et voies rapides, toutes les autres voies sont concernées, car les cyclistes utilisent bien toute la voirie disponible. Une autre difficulté d'interprétation existe quant au terme de « voirie urbaine ». Le texte écarte expressément les autoroutes et les voies rapides, mais ne vient pas définir ce qu'il entend par ce terme. De ce fait, la loi semble donc signifier qu'à l'exception des autoroutes et voies rapides, toutes les voies sont urbaines. Qu'englobe cette délimitation à la voirie urbaine ? Elle pose des difficultés à la fois juridiques (par l'interprétation du terme) et techniques. Le mot ''urbain'' concerne la ville. Ces voies urbaines seraient donc des voies aménagées exclusivement au sein des villes. L'article 20 précise que sont exclues de ces voies les « autoroutes » et les « voies rapides », sans donner davantage de précision. En analysant le texte, les voies urbaines semblent donc être des voies existantes, mais la LAURE ne s'applique qu'aux agglomérations : les voies urbaines concerneraient donc toutes les voies situées en milieu urbain (donc, en agglomération), en y excluant les autoroutes et les voies rapides. Ces dernières sont des routes où les cyclistes ne peuvent, par définition, pas circuler, ce qui explique pourquoi l'article 20 les écarte de tout aménagement cyclable, ce qui est logique. C'est, par exemple, le cas d'une route départementale, considérée comme une voie rapide. Le cycliste n'y circulant pas, il n'y donc pas d'obligation d'aménager des itinéraires cyclables sur ces routes. Un contentieux datant de 1996 le confirme. Il ressort de cet arrêt que les routes express nationales, assimilées à des voies rapides, ne peuvent être considérées comme des voies 3 urbaines, les cyclistes ne pouvant y circuler . Les voies urbaines sont donc toutes les voies situées en agglomération, à l'exception des autoroutes et voies rapides et de toute autre voie urbaine qualifiée de voie rapide.
*« En fonction des besoins et des contraintes de la circulation » : si de telles contraintes existent, l'aménagement doit-il malgré tout se faire ou pas ; si oui ces contraintes rendent-elles les options de travaux différentes ? La mise en place d'itinéraires cyclables doit se faire « en fonction des besoins et contraintes de la circulation ». C'est imprécis. Il semble que ces contraintes impliquent uniquement que ce contexte concerne la circulation automobile selon le juge administratif. Mais quels sont ces besoins ? Quelles sont ces contraintes ? Ceci a donné lieu à des interprétations très divergentes de la part des collectivités mais aussi de la part des associations de défense des cyclistes.
3 Conseil d'Etat, Association Collectif pour Chevire, 18 mars 1996, req : 137069
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L'aménagement en tant que tel doit-il se faire ou pas selon ces contraintes, ou au contraire doit-il effectivement se faire mais en laissant le choix des options à la collectivité, par rapport à ces besoins et contraintes spécifiques de la circulation ? Dans ce cas, le juge va apporter une réponse précise : l'aménagement doit être effectué dans tous les cas, mais les contraintes et besoins de la circulation permettent à la collectivité d'avoir une certaine latitude quant au choix des aménagements qu'elle va mettre en place afin de répondre efficacement à ces spécificités. Elle est libre de moduler les aménagements à sa guise, mais uniquement afin d'optimiser l'utilisation de l'espace public. Elle doit, dans tous les cas, mettre en place l'aménagement exigé par le texte. Ces contraintes et besoins de la circulation ne l'exonèrent pas de cette obligation. Ils lui permettent simplement de mettre en place l'aménagement que la commune jugera le plus adéquat. Cette décision du juge émane de la jurisprudence de la Cour administrative d'appel de Douai, rendue le 30 décembre 2003 (référencée page 7).
Selon l'article 14 de la LAURE, « l'élaboration d'un plan de
déplacements urbains est obligatoire dans les périmètres de transports urbains de plus de 100 000 habitants ».
Si le PDU existe dans l'agglomération effectuant des travaux de réalisation ou de rénovation d'une voirie, le maire doit en tenir compte afin de mettre en place des itinéraires cyclables adaptés. Mais ce plan ne peut en aucun cas être un frein à leur mise en place puisque comme le précise l'article 28 de la Loi d'orientation des transports intérieurs, dite LOTI, le PDU doit promouvoir « les modes les moins polluants et les moins consommateurs d'énergie » dont le Îlo fait partie. Le PDU ne peut donc, par définition, être un obstacle à l'application de l'article 20. Il est tout à fait compatible et permet sa mise en oeuvre. « Ces plans ont des effets juridiques : les décisions prises par les
autorités chargées de la voirie et de la police de la circulation ayant des effets sur les déplacements dans le périmètre des transports urbains doivent être compatibles avec les orientations 4 du plan » . précise Sébastien Degommier.
Le PDU n'est là que pour guider la manière dont doivent être mis en place ces aménagements. Il peut les limiter, donner des indications sur les choix adaptés ou sur la mise en oeuvre de ces itinéraires cyclables, mais en aucun cas empêcher l'application de l'article 20 de la LAURE. En cas d'absence du PDU, l'article 20 s'applique pleinement : à chaque réalisation de travaux sur la voirie, le maire mettra en place l'aménagement cyclable, de son choix, celui qu'il estimera le plus approprié.
* « conformément au PDU » : le PDU peut-il venir restreindre
la portée de cet article 20 ? Le juge a limité les cas.
Le contenu du plan de déplacements urbains, appelé PDU, est régi par les dispositions du chapitre II du titre II de la loi n°821153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs en son article 28. Cet article est repris par l'article 14 de la LAURE. L'article 20 dispose que les collectivités doivent tenir compte de ces PDU, lorsqu'ils existent. En réalité certaines collectivités ont interprété cette formule pour justement éviter d'aménager ces itinéraires, considérant de l'existence d'un PDU comme permettant de s'exonérer de l'application de l'article 20. L'article 14 de la LAURE dispose pourtant que le PDU a « comme objectif [...] la promotion des
modes les moins polluants et les moins consommateurs d'énergie ». Le PDU a pour objet de promouvoir le
développement de l'usage des modes doux dont fait parti le Îlo. Il ne peut donc s'opposer à la mise en place d'aménagements cyclables facilitant cet usage. Si une première jurisprudence (TA Rennes, voir encadré) avait laissé planer un doute dans un premier temps, laissant croire à une éventuelle possibilité pour les collectivités de ne pas appliquer l'article 20 grâce à ces plans de déplacements urbains, la jurisprudence suivante (CAA Nantes, 26 juin 2009, voir encadré également) a dissipé toutes les interrogations qui existaient sur ce point en posant le principe d'obligation d'aménager lesdits itinéraires de manière ferme. Cette nouvelle jurisprudence précise bien que lorsque le PDU existe, il ne peut être qu'un léger tempérament venant simplement moduler le choix de la collectivité quant à ces itinéraires, et non pas être considéré comme un obstacle à la mise en place de l'article 20.
4 Sébastien Degommier, L'obligation de créations d'itinéraires cyclables lors de la réalisation ou de la rénovation de voies urbaines, ADJA, 9 novembre 2009, p. 2054
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| n°xxx | Avril 2013
Le cheminement de la jurisprudence
CAA Lyon 28 juillet 2003 Allain et Associations Roulons en ville à Îlo n°99LY2169 : cet arrêt pose le principe qu'en
l'absence d'aménagements cyclables, la collectivité a une obligation particulière de motivation pour justifier de ce nonaménagement. En l'espèce, il n'y avait pas de besoins ni de contraintes de la circulation faisant obstacle aux travaux (on parle ici de circulation automobile). La collectivité devait donc aménager. Par interprétation extensive de cet arrêt, au cas où certaines contraintes ou besoins de la circulation auraient éventuellement existé, on comprend que la collectivité aurait pu être dispensée desdits travaux si elle avait présenté un argumentaire solide. Par ailleurs le juge précise que le PDU est une condition de mise en oeuvre de l'exigence légale posée par l'article 20. Annulation du jugement du TA de Grenoble de 1999 qui avait donné raison à la collectivité.
CAA Douai 30 décembre 2003 Association Droit au Îlo n°02DA00204 : cet arrêt pose l'obligation de création d'itinéraires cyclables par un considérant de principe : « il ressort [...] que le législateur a voulu imposer aux collectivités [...] une obligation de mise au point d'itinéraires cyclables pourvus d'aménagements adaptés à l'occasion de réalisations ou de rénovations des voies urbaines » Le juge affirme ici l'applicabilité et l'effectivité pleine et entière de l'article 20, en
annulant le jugement du TA de Lille du 18 décembre 2001. Les contraintes et besoins de circulation ne permettent apparemment pas de déroger à la règle et ne constituent donc pas des exceptions. Ce considérant de principe est repris dans d'autres nombreuses affaires venant donner raison aux associations de défense du Îlo.
TA Rennes du 18 octobre 2008 Association Brest à pied et à Îlo c/ Communauté urbaine de Brest, n°0601136 : cet arrêt
éclaire sur la notion de besoins et contraintes de la circulation. Le juge explique que si ceux-ci peuvent en effet avoir un impact sur la nature des aménagements à mettre au point par la collectivité, cela n'affecte en aucun cas la décision en ellemême desdits travaux d'aménagements. Les besoins et contraintes de la circulation ne sont pas des obstacles à la mise en place de l'article 20. Si la collectivité a le choix des aménagements qu'elle peut mettre en oeuvre, sa marge de manoeuvre est limitée de façon générale : elle ne saurait se soustraire à l'obligation imposée par la loi de créer des itinéraires cyclables.
CAA Nantes 26 juin 2009 Communauté Urbaine Brest Métropole Océane. Si le plan de déplacements urbains existe dans
l'agglomération effectuant des travaux de réalisation ou de rénovation d'une voirie, le maire doit en tenir compte afin de mettre en place des itinéraires cyclables adaptés. Mais ce plan ne peut en aucun cas être un frein à leur mise en place puisque comme le précise l'article 28 de la LOTI, le PDU doit promouvoir « les modes les moins polluants et les moins consommateurs d'énergie » dont le Îlo fait partie. Le PDU ne peut donc, par définition, être un obstacle à l'application de l'article 20. Il est tout à fait compatible et permet sa mise en oeuvre. Les collectivités ne sauraient échapper à cette obligation légale.
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| n°85 | Mai 2013
c) Quels aménagements cyclables ?
Construire un aménagement ne peut suffire, encore doit-il respecter certaines caractéristiques indispensables : l'itinéraire cyclable doit être sécurisé, cohérent, sans détour, attractif et 5 confortable . Ces cinq critères sont impératifs aux yeux des utilisateurs de la « petite reine ». Ces besoins spécifiques ont été recensés par le guide néerlandais « Sign Up for the bike » datant de 1993 et repris par le rapport européen « Promising » publié en 1999 pour promouvoir la réalisation d'aménagements cyclables de qualité. Les itinéraires cyclables que la collectivité doit aménager selon l'article 20 de la LAURE sont multiples, lui permettant de choisir parmi différentes possibilités. - Les pistes cyclables : « ce sont des chaussées réserÎes exclusivement aux cycles » selon l'article R110-2 du code de la route. Ces pistes sont séparées de la chaussée générale. De ce fait, elles nécessitent un certain espace et ne peuvent donc pas se développer sur tous les axes routiers. La principale difficulté tient à la réintégration du cycliste dans le flot de la circulation : le cycliste va en effet quitter la piste qui lui est exclusivement dédiée pour regagner l'axe général où circulent les automobilistes. Le cycliste doit donc pouvoir retourner au sein de la circulation en toute sécurité, à la fois pour lui mais également pour l'automobiliste. La perception du cycliste par l'automobiliste est essentielle. La piste cyclable doit enfin être facilement accessible pour le cycliste. Ces difficultés sont à résoudre afin de permettre la fluidité du déplacement mais surtout une sécurité optimale pour les utilisateurs.
- Les bandes cyclables : « ce sont des voies exclusivement
réserÎes aux cycles de deux à trois roues sur une chaussée à plusieurs voies ». La circulation des autres Îhicules est interdite
sur lesdites voies selon l'article R 110-2 du Code de la route. La particularité de la bande cyclable est que, si le cycliste possède bien une voie qui lui est propre, comme pour la piste cyclable, le cycliste doit cohabiter avec les autres utilisateurs de la voirie, c'est-à-dire les automobilistes. La chaussée dédiée à la bande cyclable n'est pas séparée de la chaussée générale ; la bande cyclable est délimitée par une ligne blanche discontinue. Automobilistes et cyclistes roulent donc sur la même chaussée, sur deux voies différentes.
5 Recommandations pour les itinéraires cyclables, CERTU, Ministère des Transports, de l'Équipement, du Tourisme et de la Mer, 2005
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- La zone de rencontre : le décret n°2008-754 du 30 juillet 2008 introduit ce concept dans le code de la Route au même article R 110-2, cette zone de rencontre organisant la cohabitation de l'ensemble des modes de déplacement. Elles doivent faire l'objet d'un aménagement approprié, la priorité est donnée aux piétons qui n'ont pas l'obligation de circuler sur les trottoirs ; la vitesse des Îhicules motorisés est limité à 20 km/h ; le stationnement des Îhicules est limité aux seuls emplacements prévus à cet effet et, enfin, les chaussées sont à double sens pour les cyclistes alors qu'elles sont à sens unique pour les autres Îhicules (sauf décision contraire expresse). - La zone 30 : elle est définie au même article du code de la route. Il s'agit d'une « section ou ensemble de sections de voies
L'analyse en conclut que les coûts des aménagements cyclables sont relativement faibles, comparés aux coûts des autres aménagements de l'espace public (notamment les aménagements routiers). Pour autant, ils peuvent représenter des difficultés s'ils n'ont pas été prévus dès le départ. Par ailleurs, l'étude souligne que plus les études concernant les itinéraires cyclables sont intégrées en amont des études d'aménagement, moins les coûts de ces aménagements sont éleÎs : cela permettra une meilleure anticipation des dépenses. Néanmoins, face à ce coût, certaines collectivités préfèrent ne pas appliquer l'article 20. Or, l'étude citée démontre que le non-aménagement d'itinéraires cyclables n'est pas une économie en soit. Lorsqu'une collectivité aménage des itinéraires cyclables, elle permet à sa population de pratiquer une activité physique et donc d'être en meilleure santé. A défaut d'aménagement, le budget sera réparti autrement, dans d'autres infrastructures de transports et de déplacements, dans la santé, l'environnement, sans être Îritablement un gain pour la 6 collectivité dans son ensemble . En réalité, ne pas faire d'aménagement cyclable serait plus coûteux qu'en faire. Les collectivités ne devraient donc pas Îritablement invoquer les contraintes budgétaires pour refuser d'appliquer l'article 20. La seconde cause découle de l'idée qu'une majorité de citoyens 7 serait « pro-voiture ». Dominique Lebrun, Coordonnateur interministériel pour le développement de l'usage du Îlo, nous éclaire sur le refus des collectivités de mettre en place les itinéraires cyclables imposés par la LAURE : « Les collectivités sont quelque peu réticentes face à l'idée d'aménager des itinéraires cyclables là où la population est majoritairement voire totalement pro-voiture ». On entend par « pro-voiture » le citoyen préférant sa voiture à tous les autres modes de déplacement, car celle-ci est, selon lui, plus pratique. Le problème n'est pas réellement centré autour des retombées économiques. La difficulté se pose sur les rapports de force existant entre ceux qui soutiennent et ceux qui sont contre la mise en place de ces aménagements. Ce point rejoint la question du partage harmonisé de la voirie précédemment développé. Des collectivités peuvent considérer que construire ces aménagements cyclables ne serait pas opportun là où les citoyens préfèrent se déplacer en voiture, car lesdits aménagements ne seront pas utilisés. Il n'y aurait donc pas d'intérêt à les mettre en place, d'autant que cela viendrait réduire l'espace des couloirs réserÎs aux Îhicules terrestres à moteur sur la voirie. Cela ne serait pas satisfaisant, ni pour la commune, ni pour les automobilistes, car ils seraient mécontents
6 « Le coût des aménagements cyclables », Le club des Villes cyclables, J. M. Herry, 4 mai 2004 7 Expression utilisée dans le magasine Ville et Vélo, numéro 24, novembre décembre 2006, « Laure fête ses dix ans », en page 9
constituant une zone affectée à la circulation de tous les usagers. Dans cette zone, la vitesse des Îhicules est limitée à 30 km/h, toutes les chaussées sont à double-sens pour les cyclistes ». La
zone 30 est un espace public où l'on cherche à instaurer un équilibre entre les pratiques de la vie locale et le fonctionnement circulatoire en abaissant la vitesse maximale autorisée pour les Îhicules. Ceci doit aider au développement de l'usage de la marche en facilitant les traversées pour les piétons ainsi que l'usage du Îlo en favorisant la cohabitation des Îlos avec les Îhicules motorisés sur la chaussée. La circulation est ici apaisée entre cyclistes, automobilistes et piétons. C'est un aménagement au sens de la LAURE, car, depuis l'été 2010, toute zone 30 a obligation de mettre en place un double-sens cyclable.
d) Les difficultés d'application
Les collectivités ont eu quelques difficultés à mettre en place des itinéraires cyclables. Plusieurs raisons l'expliquent. En effet, le fait de leur imposer des obligations en matière d'aménagement posait quelques contraintes. Au départ, les collectivités pouvaient ne pas connaître la portée de l'article 20. Malgré une codification en 2000 au sein du Code de l'environnement en son article L 228-2, certaines collectivités ignorent encore Îritablement cette obligation légale, même seize ans après. Ces cas sont de moins en moins répandus, néanmoins ils perdurent toujours. En réalité, les refus d'aménager qui perdurent tiennent à des raisons plus profondes. La première cause est d'ordre économique. La mise en place de ces aménagements représente un coût que les collectivités doivent entièrement supporter. Le club des villes cyclables a rendu en mai 2004 une étude analysant précisément le coût de ces aménagements. Il en ressort les montants suivants : · · · · pour cent mètres de bandes cyclables sur une chaussée, avec marquages et logo : 700 euros ; pour cent mètres de double-sens cyclable sur une chaussée : 1 000 euros ; pour cent mètres de jalonnement de la circulation cyclable sur une chaussée : 300 euros ; pour la mise en place de stationnements Îlo (arceaux) : 220 euros l'unité.
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de ce partage. Toutefois, l'article 20 est une obligation légale et la collectivité doit le mettre en place, pour répondre à la fois aux besoins des « pro-voitures », mais également aménager des itinéraires adéquats et sécurisés pour les « pro-Îlos », aussi minoritaires qu'ils soient. En cas de non-application, plusieurs conséquences en découleront. Bien entendu, la première d'entre elles sera le non-développement du nombre de cyclistes en France, ce qui va préciser en contre-sens de l'article 20. Plus encore, cette non-application provoquera d'autres conséquences, qui, quant à elles, porteront préjudice à la collectivité elle-même.
La collectivité ne pourra réaliser les travaux prévus sur le tronçon routier litigieux sans risquer une intervention du juge ou du préfet. En cela, l'aspect financier peut être un élément décisif causant l'avortement du projet. De plus, le non-respect de cette obligation légale, même après la réalisation du projet, pourrait déclencher, en cas d'accident impliquant un cycliste après la réalisation de l'aménagement sur la portion de voirie contestée, le mécanisme de la responsabilité pénale personnelle du maire prévu à l'article L 2123-34 du code général des collectivités territoriales. La non-application de l'article 20 pourrait donc avoir de lourdes conséquences pour le maire. Le mécanisme de la responsabilité pénale du maire serait alors actionné pour des faits non intentionnels. Cette responsabilité repose sur le fondement d'une infraction résultant d'une imprudence ou d'une négligence. La situation serait donc peu protectrice pour les maires si leur responsabilité venait à être recherchée. Selon la loi n°2000-647 du 10 juillet 2000, la responsabilité pénale d'un élu peut être recherchée sur le fondement du délit non intentionnel que lorsqu'il sera établi qu'il aura soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute d'une exceptionnelle gravité exposant autrui à un danger qu'il ne pouvait ignorer. Dans le cas de l'article 20, l'absence d'aménagements cyclables expose les cyclistes à un danger dont le maire a connaissance. Si un accident survient sur cette portion de voirie, sa responsabilité pourra être recherchée. Il est important de souligner qu'aucun contentieux se fondant sur l'article 20 et recherchant cette responsabilité n'est apparu après la réalisation d'un projet n'ayant pas mis en place des itinéraires cyclables. Cependant, lors du déroulé de la procédure d'appel du procès « Victor Hugo » en 2003 (CAA de Lyon, 28 juillet 2003, voir encadré), un cycliste avait eu un accident grave, ayant nécessité une chirurgie réparatrice. L'accident avait été une conséquence indirecte du non-aménagement des itinéraires cyclables sur la portion de rue concernée puisque l'accident avait eu lieu rue Victor Hugo. Ce fait avait été porté à la connaissance de la Cour. Mais la responsabilité pénale du maire n'avait pas été recherchée puisque l'article L 2123-34 du CGCT n'avait pas été invoqué. Toutefois, si cela avait été souleÎ, l'interprétation qu'en aurait faite le juge aurait sans doute conduit à une condamnation du maire, qui n'avait pas, en l'espèce, accompli les diligences normales, faute d'aménagements d'itinéraires cyclables. Il avait, de ce fait, exposé le cycliste à un danger qu'il ne pouvait ignorer, puisqu'il connaissait l'existence de l'obligation légale posée par l'article 20. La commune doit donc respecter l'article 20 lorsqu'elle effectue des travaux de voirie. Dans le cas contraire, son maire encourt le risque de voir actionner sa responsabilité pénale par les requérants.
e) Les conséquences de la non-application de cet article
* Vers une instabilité juridique du projet : comme toutes les obligations qui incombent aux collectivités territoriales, le nonrespect des dispositions prévues par l'article L.228-2 du code de l'environnement peut aboutir à l'annulation des délibérations approuvant le projet, soit par la voie d'un déféré préfectoral, soit à la demande d'un administré ou d'une association d'usagers cyclistes qui ferait un recours. En effet, nombreux sont les cas où des associations d'usagers cyclistes saisissent le juge et déposent une requête tendant à faire annuler ces délibérations. Ces associations sont très vigilantes et font office de garde-fou puisqu'elles veillent à l'application effective de l'article 20. Dès lors, une fois le juge saisi et la non-application dudit article constatée, le projet de réalisation ou de rénovation de voirie sera annulé ; le juge reprenant le considérant de principe rendu par la Cour administrative d'appel de Douai de 2003. Malgré une position jurisprudentielle réaffirmée, cela n'empêche malheureusement pas l'émergence de nouveaux contentieux. Plusieurs cas récents ont été jugés en ce sens. On citera par exemple l'arrêt récent rendu par la Cour administrative d'appel de Marseille, où une commune avait dérogé à son obligation de mise en place d'itinéraires cyclables, arguant que cet aménagement n'était pas nécessaire sur la voie litigieuse, « les
cyclistes [pouvant] accéder facilement au centre-ville depuis la 8 périphérie de la commune » .
Dans ce contentieux, le juge a précisément appliqué la solution dégagée lors de la jurisprudence de la Cour administrative d'appel (page 7) en condamnant la collectivité qui n'avait pas fait d'aménagement cyclable. Sans aménager les itinéraires cyclables requis, l'opération demeure incertaine juridiquement parlant et les délibérations peuvent, à tout moment, être annulées. Ces annulations peuvent d'ailleurs parfois remettre en cause très directement la faisabilité budgétaire de l'opération si des études complémentaires, voire des aménagements non prévus au moment de la réalisation, deviennent nécessaires pour une mise en conformité avec la loi et que le budget prévu n'en tient pas compte.
8 Cour administrative d'appel de Marseille, Commune de Digne les
Bains, 21 mars 2011, n°8MA03960
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A la suite de ces difficultés, évoquées précédemment, l'on constate que, dans la pratique, l'article 20 a été peu appliqué malgré de nombreuses tentatives pour diffuser le contenu du texte et malgré la continuité de la politique cyclable française (décret du 16 septembre 2004 venant modifier le code de la route sur les bandes et les pistes cyclables, les destinant uniquement aux cycles ; création par décret du 14 avril 2006 de la fonction de Coordonnateur interministériel pour le développement de l'usage du Îlo...). Ces efforts n'ont pas permis de faciliter l'application de l'article 20 pourtant obligatoire. Dès lors, il convient de s'interroger sur les solutions à apporter pour remédier à ce bilan mitigé. Que peuvent faire les pouvoirs publics pour relancer l'application de ce texte ? Un dépoussiérage est-il souhaitable ? Plusieurs outils, mis en synergie, devraient pouvoir permettre d'arriver à un résultat concluant, ces outils ayant pour objectif de développer davantage l'usage du Îlo.
Les objectifs chiffrés précis mis en place dans ce plan visaient à développer la part modale du Îlo, là où l'article 20 ne détenait justement pas de base chiffrée. Cette combinaison avait pour but de relancer efficacement la pratique du Îlo en France. Le PNV visait également à développer parallèlement des campagnes de sensibilisation et d'information afin d'inciter à utiliser le Îlo. Cet outil doit être remplacé : dans sa lettre de cadrage pour la transition écologique pour 2013 datant du 23 janvier 2013, le Premier Ministre promet une politique de transports contribuant à cette transition écologique. Pour ce faire, la Ministre de l'Écologie, dont le ministère est un des acteurs fondamentaux de ce grand chantier, se voit chargée d'adopter concernant les Îlos «un plan ambitieux de développement de leur usage ». De nouvelles dispositions sur le Îlo vont être proposées dans la feuille de route pour la transition écologique. L'objectif d'augmenter la part modale du Îlo va-t-il évoluer ? A l'heure actuelle, on ne peut pas y répondre. - Les campagnes d'information et de sensibilisation La difficulté d'appliquer l'article 20 résulte du fait que des collectivités ne sont pas Îritablement convaincues des bénéfices que va engendrer la pratique du Îlo grâce à la mise en place d'itinéraires cyclables au sein de leur territoire. De plus, faute de caractère contraignant pour appliquer l'article 20 (absence de sanctions), celles-ci n'ont pas réellement de craintes quant à cette non-application. Convaincre les acteurs locaux des avantages procurés par le Îlo est un enjeu fondamental qui favoriserait une application de l'article 20.
2) Convaincre les collectivités
L'enjeu consiste à convaincre les collectivités de l'utilité d'appliquer l'article 20. Pris isolément, cet article peut être perçu comme une contrainte, car il impose des aménagements aux collectivités. Associer à l'article 20 de nouveaux outils lui permettrait d'être mieux appliqué. Le plan national Îlo, proposé en janvier 2012, était un outil adapté, en conférant à l'article L 228-2 du code de l'environnement une nouvelle légitimité pour favoriser sa bonne application.
Il serait judicieux que le nouveau plan Îlo prévoit des campagnes de communication, comme son prédécesseur, afin de relancer la politique Îlo en France et convaincre les collectivités territoriales d'appliquer l'article 20 (campagnes d'information et de sensibilisation sur le développement de l'usage du Îlo et sur les bienfaits de celui-ci : santé, risques cardio-vasculaires,...) associées à des d'objectifs chiffrés que devront respecter les collectivités. L'objectif de ces campagnes sera de démontrer les avantages procurés par le Îlo : elles permettront de diffuser des informations sur les effets positifs du Îlo sur la santé de la population, le faible coût de la mise en place d'aménagements cyclables pour les collectivités par rapport au coût de la voirie routière, la diminution des pollutions atmosphériques et le développement de l'attractivité de la ville. Le Îlo permet d'effectuer de petits déplacements, déplacements de proximité dans les quartiers, et contribue au maintien des activités locales de commerce et de service public. C'est un facteur de cohésion sociale et territoriale. La démarche « Une voirie pour tous » qui associe les services de l'État et ceux des collectivités territoriales doit encore être
a) Un Plan national Îlo
- Un outil pour le développement de la politique Îlo Le Plan National Vélo présenté le 26 janvier 2012 vise à mettre en place plusieurs objectifs suivant un calendrier et à développer parallèlement des campagnes de sensibilisation et d'information afin d'inciter à utiliser le Îlo. Ce plan s'est fixé comme objectif de faire passer la part modale du Îlo de trois pour cent à dix pour cent en 2020.
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poursuivi. Il y a donc nécessité de développer ces campagnes d'information et de sensibilisation sur les modes de déplacement les plus fragiles, ici le Îlo. Ces campagnes ont pour tâche de convaincre les collectivités mais également les autres acteurs de la vie locale, notamment les citoyens, directement concernés, car utilisateurs, ou utilisateurs potentiels du Îlo. Les citoyens sont en effet également ciblés dans ces campagnes. L'appropriation de l'espace public par les cyclistes, incitera davantage les collectivités à aménager ces itinéraires cyclables. Dès lors, par la volonté des usagers et une bonne communication, les aménagements cyclables résultant de l'article 20 seront mis en place systématiquement. - De la réduction de l'utilisation de l'automobile Il est impératif que les campagnes de sensibilisation conduisent à une Îritable prise de conscience concernant le poids qu'occupe désormais le Îlo en France. L'application concrète de l'article 20 ne peut se faire qu'au travers du prisme d'une sincère volonté des pouvoirs locaux d'intégration des modes de transports doux dans une logique d'intermodalité, et par conséquent, d'une mise entre parenthèse de la politique du ``tout automobile''. Le développement de l'usage du Îlo ne peut se faire que dans un contexte partenarial, pour cela il est impératif que les collectivités territoriales mettent en oeuvre l'article 20 dans le cadre d'une gouvernance adaptée. Pour ce faire, l'augmentation de la part modale du Îlo pourrait utilement s'accompagner de la réduction de l'utilisation de l'automobile puisque la moitié des déplacements de moins de 3 km sont effectués en Îhicule à moteur. Face à un article 20 peu appliqué, la diminution de l'utilisation de l'automobile serait appropriée pour relancer cet article. Cette idée figurait déjà dans la LOTI de 1982, elle est par ailleurs reprise par la LAURE en son article 14, prônant une « diminution du trafic automobile ». Cette diminution accompagnerait efficacement l'article 20 afin de réduire l'usage de la voiture et, de ce fait, développer les déplacements faits en Îlo, l'ancien automobiliste cherchant désormais un nouveau moyen de se déplacer. L'article 14 et l'article 20 poursuivent la même logique de protection de la qualité de l'air, et leur combinaison, en réduisant la circulation automobile (article 14), permettait un développement effectif de la part modale du Îlo et donc, une application effective de l'article 20 : la réalisation d'itinéraires cyclables deviendrait désormais Îritablement nécessaires pour garantir aux nouveaux cyclistes des aménagements sécurisés (article 20).
b) Un nouvel outil : le plan d'urgence pour la qualité de l'air
Un nouvel outil, associé à l'article 20 de la LAURE, permettrait de lui conférer une application effective. En février 2013, un plan d'urgence pour la qualité de l'air a été présenté par la Ministre de l'Écologie. Élaboré par le Comité interministériel de la qualité de l'air, ce plan préconise diverses mesures d'urgence, visant à réorienter la politique de l'air vers plus d'efficacité, de durabilité et de justice sociale, en repensant les moyens de transport existants, les politiques de mobilité et les moyens de chauffage domestique. Cinq priorités sont définies. Parmi elles, favoriser le développement de transports et de mobilités propres et réguler le flux de Îhicules dans les zones particulièrement affectées par la pollution atmosphérique. L'aspect sensibilisation des citoyens est également prévu dans ce plan d'urgence, précisément à des fins de sensibilisation des populations aux enjeux de la qualité de l'air. Ce plan d'urgence comporte un volet intitulé « Développer le Îlo et la marche » où sont inclus trois mesures pour parvenir à ces objectifs, notamment la mesure 25 :
« Les collectivités sont invitées, avec les Autorités organisatrices de la mobilité durable (AOMD), à développer une politique cohérente d'intermodalité intégrant des itinéraires cyclables sous forme de bandes, pistes, ou zones à circulation apaisée (zone 30, zones de rencontre, aires piétonnes) ».
Le levier permettant d'atteindre ce but est l'application de l'article L 228-2 du code de l'environnement. En mettant en place des itinéraires cyclables lors des travaux de voirie, les collectivités territoriales rempliront l'objectif assigné par ce plan d'urgence, afin de répondre à leur obligation ainsi qu'améliorer la qualité de l'air. Guidé par la transition écologique, soucieuse de développer davantage les modes de transports doux, le Îlo devrait occuper désormais une place privilégiée et l'article 20 de la LAURE lui permet de conforter ce statut.
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Commissariat général au développement durable Service de l'économie, de l'évaluation et de l'intégration du développement durable Tour Voltaire 92055 La Défense cedex Tél : 01.40.81.21.22 Retrouvez cette publication sur le site : http://www.developpementdurable.gouv.fr/developpementdurable/
Résumé
Adoptée en 1996, la loi sur l'air et sur l'utilisation rationnelle de l'énergie a été une réponse forte au sein d'un contexte national français marqué par des pics de pollutions atmosphériques. Son objectif était de diminuer ces pollutions, notamment celles émises par les automobiles, très gourmandes en énergie et dont les rejets étaient sont nocifs pour l'air. Ce document analyse l'article 20 de cette loi. Cet article promeut l'utilisation du Îlo en imposant aux collectivités territoriales d'aménager des itinéraires cyclables lorsque elles effectuent des travaux de voirie, et de ce fait, diminuer les pollutions atmosphériques. Cette analyse suggère des propositions afin que cet article 20 soit pleinement appliqué. En effet, malgré une amélioration certaine de sa mise en oeuvre, celui-ci rencontre encore des difficultés d'application. Depuis les années 1990, l'État s'est engagé à développer et à promouvoir l'usage du Îlo. La bicyclette est devenue, en quelques années, un mode actif privilégié au sein de l'espace public.
MISSION NATIONALE DES VELOROUTES ET VOIES VERTES
Brochure imprimée sur du papier certifié écolabel européen
Dépôt légal : Mai 2013 ISSN : 2102 - 4723
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www.developpement-durable.gouv.fr