Vers une prospective territoriale post-Grenelle de l'environnement : Questions et modes d'emploi.

SPOHR (Claude)

Auteur moral
France. Commissariat général au développement durable
Auteur secondaire
Résumé
Après un préliminaire rappelant quelques notions de base en matière de prospective et de stratégie territoriale, cette étude se situe entre guide technique et travail de clarification conceptuelle. Elle s'efforce de tirer les enseignements des travaux antérieurs pour appeler à une relance des activités de prospective et de stratégie à partir des interrogations et des exigences du Grenelle de l'Environnement. L'auteur décrit la préparation d'un exercice de prospective territoriale dans ce contexte et formule les questions à se poser en amont. Il décrit l'organisation de l'exercice de prospective, sa mise en oeuvre, le passage de la prospective à la stratégie d'action, puis commente le rôle des services déconcentrés.
Descripteur Urbamet
politique de l'environnement ; développement durable ; méthodologie du projet ; prospective ; évaluation ; services déconcentrés
Descripteur écoplanete
Thème
Environnement - Paysage ; Aménagement du territoire
Texte intégral
COMMISSARIAT GÉNÉRAL AU DÉVELOPPEMENT DURABLE Études & documents Vers une prospective territoriale post-Grenelle de l'environnement Questions et modes d'emploi n°12 novembre 2009 DÉVELOPPEMENT DURABLE PROSPECTIVE Délégation au développement durable www.developpement-durable.gouv.fr Collection « Études et documents » de la Délégation au Développement Durable (DDD) du Commissariat Général au Développement Durable (CGDD). Série « Prospective », sous la responsabilité de la Mission prospective. Titre du document : Vers une prospective territoriale post-Grenelle de l'environnement. Questions et modes d'emploi. Directeur de la publication : Michèle Pappalardo Rédacteur en chef : Jacques Theys Auteur(s) : Claude Spohr Coordination éditoriale : Nathalie Etahiri Maquette-réalisation : Belle Page Date de publication : Novembre 2009 Études & documents | n°12 | Novembre 2009 Vers une prospective territoriale post-Grenelle de l'environnement Questions et modes d'emploi Claude Spohr Octobre 2009 MISSION PROSPECTIVE Commissariat général au développement durable ­ Délégation au développement durable | Études & documents | n°12 | Novembre 2009 4 | Commissariat général au développement durable ­ Délégation au développement durable Études & documents | n°12 | Novembre 2009 Table des matières Introduction Développer une prospective territoriale « post-Grenelle de l'Environnement » à l'usage des services déconcentrés de l'État 1 3 5 7 7 7 Préliminaire L'activité de prospective et de stratégie dans les territoires. Rappel de quelques notions de base « Prévision », « vision », « stratégie » L'exercice de prospective intégré dans une démarche territoriale Engager un démarche territoriale de prospective de développement et d'aménagement durables. Modes d'emploi Introduction 1. Le développement durable a besoin de visions territoriales de l'avenir 2. Prospective et stratégie territorialisées du Grenelle de l'environnement 3. Un système d'action à débloquer 4. L'effort de prospective peut et doit aussi être porté par les services déconcentrés de l'Etat 11 13 13 13 14 14 15 15 16 17 17 21 21 21 22 25 25 28 28 29 29 31 31 33 33 33 34 35 35 35 35 36 36 39 Première partie : La préparation d'un exercice de prospective territoriale « post-Grenelle de l'environnement ». Les questions à se poser en amont 1. Partir des problèmes. Les enjeux importants pour le futur des territoires 2. La question des priorités 3. Les objectifs « stratégiques ». Que veut-on faire ? Où veut-on aller ? Avec qui ? 4. Les approches de la prospective territoriale confrontées aux priorités du Grenelle de l'environnement Deuxième partie : L'organisation de l'exercice de prospective 1. La maîtrise d'ouvrage et le pilotage 2. L'ingénierie intellectuelle 3. Le cahier des charges de la démarche de prospective Troisième partie : La mise en oeuvre d'un exercice de prospective 1. Connaître pour comprendre : études, diagnostics, dires d'experts 2. La prospective comme analyse de système 2.1 L'identification des facteurs de changement (ou variables-clés) 2.2 Les hypothèses d'évolution. Les scénarios 2.3 Les visions souhaitables 2.4 Les enjeux de l'avenir et les visions du futur. Que peut on tirer des scénarios ? 2.5 La prospective des « voies d'action », la recherche de « stratégies de durabilité » Quatrième partie : De la prospective à la stratégie d'action 1. Une recherche de changement de stratégie 2. De « la vision » à « la vision partagée » 3. La mise en débat Cinquième partie : Retour sur les services. Sur quelles ressources s'appuyer 1. L'exercice de prospective : des positionnements possibles pour les services 2. Le développement durable induit un besoin de stratégies partagées par les acteurs territoriaux 3. Les compétences et les moyens 4. L'exercice de prospective territoriale au sein de l'activité de prospective dans les services déconcentrés 5. Sur quelles ressources s'appuyer ? Conclusion : Vers une prospective territoriale post-Grenelle de l'environnement Annexe : La prospective territoriale dans l'activité des services. Les leçons des expérimentations antérieures L'atelier de référents pour la prospective territoriale dans les services déconcentrés de l'État. 2005 - 2007 Les enseignements de l'évaluation comparée de dix exercices de prospective 41 43 45 53 Bibliographie Commissariat général au développement durable ­ Délégation au développement durable | 1 Études & documents | n°12 | Novembre 2009 2 | Commissariat général au développement durable ­ Délégation au développement durable Études & documents | n°12 | Novembre 2009 Introduction Développer une prospective territoriale « post-Grenelle de l'Environnement » à l'usage des services déconcentrés de l'État L es politiques et l'action territoriales sont à reconsidérer à la lumière des orientations du Grenelle de l'environnement et de la SNDD1 : la lutte contre le réchauffement climatique, la préservation des ressources non renouvelables, le changement des comportements vers davantage de sobriété énergétique et de réduction d'émissions de gaz à effets de serre, la maîtrise de l'évolution de certains écosystèmes... Il s'agit de rendre l'action dans les territoires plus soutenable, à la mesure des menaces sur le devenir planétaire que des travaux scientifiques mettent en évidence avec de plus en plus de précision. Ces priorités énergétiques et écologiques ont été assez peu anticipées par les études de planification spatiale et de projets territoriaux de développement et d'aménagement. Leur intégration systématique dans les démarches territoriales structurantes aux échelles à la fois locale, régionale et interrégionale apparaît pourtant comme une exigence incontournable. Pour cela il est nécessaire de renouveler les visions d'avenir et d'ouvrir des choix stratégiques qui vont influer sur le devenir des territoires. La prospective est un outil pertinent pour contribuer à cette recherche de nouvelles finalités et des voies à prendre pour l'action dans les territoires. L'ensemble du champ des stratégies d'action et des gouvernances dans les territoires est largement ouvert. Les acteurs territoriaux n'y sont pas toujours et partout bien préparés. Il leur faut apprendre en faisant, travailler collectivement, mobiliser et stimuler les experts et les chercheurs, croiser les disciplines et les connaissances... Entre guide technique et travail de clarification conceptuelle, cet ouvrage se situe dans cette perspective. S'adressant avant tout aux services régionaux et départementaux de l'État, il s'efforce de tirer les enseignements des travaux antérieurs pour appeler à une relance des activités de prospective et de stratégie à partir des interrogations et des exigences du Grenelle de l'environnement. Il s'agit de regarder autrement les réalités territoriales, d'abord en construisant des visions du futur soutenables à long terme, puis en définissant les choix et orientations stratégiques indispensables pour y parvenir, et enfin en mettant ces visions et ces stratégies en débat pour qu'elles soient appropriées par le plus grand nombre d'acteurs concernés. Les propositions et recommandations qui sont faites dans l'ouvrage se situent très largement dans la continuité d'un effort engagé depuis trois ans pour développer les pratiques de prospective dans les services déconcentrés de l'État. Allant au delà des travaux menés de plus longue date sur les diagnostics territoriaux, cet effort, engagé à l'initiative conjointe de plusieurs services de l'exministère de l'équipement3 a débouché sur une dizaine d'exercices régionaux et locaux qui ont été suivis et mis en débat dans le cadre d'un « atelier de référents pour la prospective territoriale dans les services déconcentrés de l'État ». L'évaluation des travaux qui ont été suivis par l'atelier a permis de tirer d'utiles conclusions qui servent en grande partie à fonder le présent guide. Ces conclusions figurent en annexe. L'ouvrage propose des recommandations utiles pour les démarches de prospective futures appliquées aux questions et enjeux mis en avant par le Grenelle de l'environnement. Comme le propose la récente circulaire sur la « territorialisation de la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement »2 , les services de l'État doivent prendre leur part dans cette entreprise. S'appuyant sur les croisements de compétences résultant des réorganisations en cours, ils peuvent être des acteurs territoriaux légitimes et attendus pour interroger l'avenir, pour inciter et contribuer à cette recherche en finalités et pour se placer à des échelles de territoires et de temps aussi essentielles que peu investies par les collectivités territoriales. Le nouveau contexte encourage en effet à lancer et à expérimenter des travaux de prospective lors de l'élaboration des schémas régionaux du climat, de l'air et de l'énergie, des plans climat, des politiques de prévention des risques, des travaux de planification spatiale, des grands projets urbains... 1 - Stratégie Nationale du Développement Durable. 2 - Circulaire du ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire (MEEDDAT) en date du 23 mars 2009. http://intra.i2/IMG/pdf/circulaire_territorialisation_grenelle_230309_cle2e2a6a.pdf 3 - La Direction générale de l'urbanisme, de l'habitat et de la construction et le centre de prospective de la Direction de la recherche et de l'action scientifique et technique. Commissariat général au développement durable ­ Délégation au développement durable | 3 Études & documents | n°12 | Novembre 2009 Une partie préliminaire rappelle quelques notions de base en matière de prospective qui paraissent nécessaires pour suivre le fil de l'ouvrage Une partie en annexe synthétise les enseignements tirés de l'évaluation des travaux de prospective territoriale menés par des DRE et des DDE entre 2005 et 2007. Circulaire du 23 mars 2009 « Territorialisation de la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement » Extraits évoquant l'utilité des exercices de prospective Annexe n°1 : page 8 : « ...2 ­ Les conséquences pour les modalités d'actions des services de l'État sur les territoires... ...2.1 ­ La détermination des priorités de planification Pour une déclinaison des axes du Grenelle de l'environnement cohérente sur chaque territoire, les services déconcentrés de l'État doivent pouvoir proposer des outils pour que l'ensemble des acteurs partage un projet de territoire commun, dans une perspective de développement durable... ­ ... ­ Ces choix pourront notamment être éclairés par des exercices de prospective territoriale mettant en évidence les principaux enjeux à échéance d'une vingtaine d'années, et les solutions globales permettant de mettre en place des solutions pérennes dans de bonnes conditions. Le périmètre territorial pertinent pourra être infra-régional, régional ou interégional selon la nature des enjeux abordés... » Annexe n°2 : fiches thématiques Fiche 12 : Planification territoriale. « ... 3 ­ Actions à mener par les services déconcentrés ...3.2 ­ Action2 : prospective territoriale Les services de l'État sont encouragés à développer avec les partenaires locaux des exercices de prospective territoriale, mettant en évidence les principaux enjeux à échéance d'une vingtaine d'année ans, et les choix stratégiques partagés susceptibles d'orienter l'action des différents partenaires vers des solutions pérennes dans de bonnes conditions.. Les travaux de prospective doivent prioritairement être initiés sur les territoires les plus sensibles et les enjeux du Grenelle nécessitant prioritairement des déclinaisons territoriales : ­ la lutte contre l'effet de serre et l'atténuation des GES, ­ adaptation aux effets du changement climatique, ­ évolution de la biodiversité et exploitation des ressources de la biomasse, ­ mobilité et systèmes de transports, organisation spatiale, aménagement et construction durable. L'engagement d'un exercice de prospective territoriale doit faire l'objet d'une gouvernance régionale ou locale collective, être piloté de façon rigoureuse, mobiliser des compétences et connaissances variées (réalité des territoires, thématiques), au niveau local et national. Un exercice de prospective peut être engagé à plusieurs échelons : ­ interrégional, à l'initiative notamment des Missions d'Etude et de Développement des Coopérations Interrégionales et Européennes (MEDCIE), ­ régional, autour des DREAL ou des SGAR, ­ départemental ou local, autour des DDEA et/ou des futures directions départementales des territoires, à l'issue d'une coordination sur les priorités du programme d'étude avec les préfets de région et les directions régionales compétentes. La mission prospective (CGDD/DDD) prépare, au cours du premier semestre de cette année, un guide technique à l'usage des services qui souhaitent initier des travaux de prospective. Les productions prospectives dans ce domaine, notamment celles de la DIACT, du CAS et du CGDD constitueront un appui appréciable... » 4 | Commissariat général au développement durable ­ Délégation au développement durable Études & documents | n°12 | Novembre 2009 PRÉLIMINAIRE L'activité de prospective et de stratégie dans les territoires Quelques notions de base Commissariat général au développement durable ­ Délégation au développement durable | 5 Études & documents | n°12 | Novembre 2009 6 | Commissariat général au développement durable ­ Délégation au développement durable Études & documents | n°12 | Novembre 2009 La prospective4 territoriale : quelques notions de base. « Prévision », « vision », « stratégie » Les mots de la prospective Diagnostic Prévision Prospective Projet Évaluation Qu'est-ce qui se passe ? Qu'est-ce qui va se passer ? Qu'est-ce qui pourrait se passer (si) ? Qu'est-ce que je veux ? Qu'est ce qui s'est passé ? Les trois types ne sont pas exclusifs l'un de l'autre. Les points 2 et 3 sont le plus souvent liés et sont ensemble qualifiés de prospective normative. Le point 3 correspond au concept anglo-saxon de « Backcasting ». Il s'agit de partir d'une situation future jugée souhaitable et plausible pour revenir dans le présent et envisager les enjeux, les transformations, l'action et les projets qui permettront de raccorder le présent avec les objectifs de la situation future. L'objet de la prospective peut être un territoire dans son ensemble (espace, populations, activités, gouvernance, politiques d'action) ou un secteur d'activité ou une problématique territorialisés (la mobilité, la question de la réduction des gaz à effet de serre (GES), le vieillissement de la population, la compétitivité...). Il convient de distinguer « prospective » comme simulation d'un ensemble d'évolutions « toutes choses inégales par ailleurs » et « prévision » comme simulation « toute choses égales par ailleurs », par exemple prévoir et modéliser les nouveaux emplois et services susceptibles de découler d'une relance verte (travaux très développés au États-Unis). L'horizon de telles prévisions ne dépasse pas dix ans. L'exercice de prospective intégré dans une démarche territoriale La prospective s'inscrit dans une démarche territoriale. Il est souvent question de projet de territoire. Partir d'une analyse des réalités du passé et du présent pour aller vers des choix de stratégie et vers des plans d'action caractérise cette démarche ou ce processus d'action territorial. La finalité de la prospective est d'élaborer des visions d'avenir à plus ou moins long terme qui sont de nature à aider les acteurs et décideurs territoriaux à définir des choix de stratégie d'action. En ce sens il est possible de parler de « visions stratégiques », ainsi que de « visions partagées » dans la mesure où elles ont besoins d'être appropriées par les décideurs territoriaux et de plus en plus par les sociétés locales et civiles concernées par ces choix. En simplifiant, l'élaboration collective de visions d'avenir donne lieu à trois types de prospective : 1. Une prospective exploratoire pour élaborer des visions ou des « futurs » possibles. 2. Une prospective normative pour élaborer des visions de ce qui serait souhaitable et qui pourraient induire un (ou des) cap(s) à atteindre à un horizon donné. 3. Une prospective des voies à prendre (ou des projets à mettre en oeuvre) pour avoir une chance d'atteindre le (ou les caps) défini(s) au point 2. Par raccourci, il est possible, pour les territoires, de parler de prospective de l'action publique. La notion de vision : selon la nature de la vision à long terme, la question de la transition énergétique peut être perçue comme une contrainte, un ensemble de dépenses considérables et un problème sans solution globale, ou bien comme une opportunité ouvrant sur un potentiel de développement axé sur l'« économie verte ». La prospective : définition donnée par Philippe Destatte La prospective est une démarche indépendante, dialectique et rigoureuse, menée de manière transdisciplinaire et collective. Elle est destinée à éclairer les questions du présent et de l'avenir, d'une part en les considérant dans leur cadre systémique et complexe et, d'autre part, en les inscrivant dans la temporalité. http://www.wallonie-en-ligne.net/Wallonie_Prospective/2003-09-17_Destatte_Philippe_DATARgouvernance_files/frame.htm Source : http://www.wallonie-en-ligne.net/Wallonie_Prospective/2003-09-17_Destatte_Philippe_DATARgouvernance_files/frame.htm La prospective intégrée dans un processus d'action Il s'agit d'une démarche par étapes qui relève d'une logique qu'il est possible de caractériser de façon suivante : 1. Une conscience de la nécessité de réorienter l'action publique dans un territoire donné. 2. Cette réorientation implique de nouveaux choix stratégiques pour un ensemble de politiques et de domaines d'action. 3. Poser ces choix va se heurter aux incertitudes de l'avenir et va induire au préalable le besoin de construire des visions à plus ou moins long terme du territoires et du domaine d'action concerné. 4. Ces (ou cette) visions pour devenir opératoires et ouvrir sur des choix stratégiques ont besoin d''être appropriées et « partagées » par les décideurs et acteurs dans le territoire. 5. L'accord sur ces choix et sur l'intérêt collectif qu'ils sous tendent acquis, comment et avec qui arriver progressivement à les concrétiser ? C'est la dimension de l'action. La prospective territoriale vise à relier : ­ les réalités locales et leurs évolutions, dans un contexte global incertain qui change vite ; ­ les sociétés locales, les collectivités, les entreprises, les décideurs et l'évolution de leurs représentations de l'avenir ; ­ les « facteurs » et les « acteurs ». 4 - L'ÉTAT face aux FUTURS des TERRITOIRES. Analyse comparée et évaluation de démarches de prospective territoriale conduites par les services extérieurs de l'Equipement en 2005-2007. Guy Cauquil, Christian Lemaignan, Guy Loinger, François Rousseau. CIRESE-GEISTEL Septembre 2008. Commissariat général au développement durable ­ Délégation au développement durable | 7 Études & documents | n°12 | Novembre 2009 Une notion de « prospective » qui recouvre quatre approches très différentes. Au-delà des différences ­ qui viennent d'être faites ­ entre « prévisions », « visions », « scénario de backcasting »..., il est important, d'avoir à l'esprit que ce mot de « prospective » regroupe, en réalité, quatre types de démarche très dissemblables et même parfois opposées à la fois en terme de méthode et d'usage. Selon les contextes, ce ne sont pas les mêmes approches qui pourront être ainsi utilement mobilisées... Cette partition en quatre catégories résulte, elle-même, du croisement de deux grandes distinctions, classiques en prospective : Une première distinction, fondamentale, oppose une prospective dite « exploratoire » à une prospective « normative ». Dans le premier cas (« exploratoire ») il s'agit de partir du présent pour explorer des évolutions futures et évaluer leurs conséquences. Dans le second (de prospective « normative »), l'objectif est, au contraire de partir de visions contrastées de l'avenir pour apprécier, ensuite, les conditions de réalisation. Une seconde distinction traduit différentes façons d'aborder la question des incertitudes. Dans une première conception, ce qui est attendu de la prospective, c'est d'abord, qu'elle renforce les certitudes sur l'avenir. Dans la seconde son rôle majeur doit être au contraire, de révéler les incertitudes, les signaux faibles de changement, les risques de rupture... pour aider éventuellement à la définition de stratégies les prenant en compte explicitement. Cette seconde distinction conduit, finalement, à distinguer, au sein de la prospective exploratoire, une « prospective des tendances lourdes » ­ très proches de la prévision ­ et une « prospective des ruptures » ou « signaux faibles ». Et au sein de la prospective normative, une prospective centrée sur la « construction de visions contrastées du futur » et une « prospective stratégique » ­ où il s'agit de définir les conditions et possibilités de réalisation d'un objectif (ou scénario) considéré comme souhaitable à priori, malgré les incertitudes du contexte (« scénario du backcasting »). Ces quatre grandes approches, synthétisées dans le schéma suivant, sont souvent confondues dans les exercices de prospective territoriale : or, comme on le constatera, elles correspondent à des objectifs de connaissance ou d'action qui, de fait, sont extrêmement différents. Jacques THEYS Schéma : derrière le même mot de « prospective » quatre approches très différentes ARTICULATION PRESENT / FUTUR ATTITUDES FACE À L'INCERTITUDE PROSPECTIVE EXPLORATOIRE (présent futur) PROSPECTIVE NORMATIVE (futur présent) CONSTRUIRE DES « CERTITUDES » Prospective des « tendances lourdes » (prévisions...) Construction de visions contrastées (et, éventuellement partagées) du futur RÉVÉLER DE NOUVEAUX « RISQUES » ET AGIR FACE À L'INCERTITUDE Prospective des ruptures et « signaux faibles » Prospective stratégique (et scénarios de « backcasting ») Source : J. THEYS, mission prospective. 8 | Commissariat général au développement durable ­ Délégation au développement durable Études & documents | n°12 | Novembre 2009 Au sens strict du terme, l'exercice de prospective concerne l'étape de recherche collective de visions située entre une étape de diagnostic et de recherche de connaissances et l'étape de définition des choix stratégiques. Les articulations avec les étapes de diagnostic et de stratégie sont tellement interdépendantes que de nombreux spécialistes considérent que l'exercice de prospective couvre l'ensemble de ces trois étapes. L'exercice de prospective a besoin de s'appuyer sur : · un socle de connaissances et de diagnostic « partagé » à partir de l'analyse du passé, des réalités présentes, des tendances d'évolution, des « signaux faibles », · des ateliers ou des équipes de prospective incluant des acteurs, des experts, des personnes issues des sociétés locales, pour construire des scénarios et des visions à long terme susceptibles d'éclairer des choix et des projets stratégiques, · des démarches de concertation et de participation permettant une appropriation de visions et des choix qui en résultent. La prospective procède par exercices pour construire collectivement des visions à long terme. Un exercice se fonde sur deux dimensions : la connaissance et la participation. Un exercice n'est pas une étude. Il peut s'appuyer sur des études. Prospective Prospective dans les territoires Problèmes posés et finalité pour l'action Stratégie Stratégie d'action Choix stratégiques Décision projets Prospective de l'action publique dans les territoires Visions du futur Voies d'action possibles et réalistes Diagnostic Connaissances sur le futur Débats -échanges -concertations Appropriation interne et externe en vue de «visions partagées » Prospective d'experts Prospective participative Source : Claude Spohr, Mission prospective. Commissariat général au développement durable ­ Délégation au développement durable | 9 Études & documents | n°12 | Novembre 2009 Prospective et prospective territoriale. Définitions et champs. Guy Loinger Extraits d'un article publié dans la revue « Espaces naturels » (n° 25 janvier 2009) « 1) La prospective générale La prospective consiste à penser le temps long pour agir avec plus d'efficacité sur les mécanismes de prise de décision du court/moyen terme, d'où une relation itérative entre les temps longs des processus et le temps court de l'action et de la décision stratégique. « Que dois-je faire ici et maintenant en balayant les champs du futur? » Il existe une relation dialectique entre les horizons lointains de la recherche d'une vision partagée et les horizons proches des processus de décision, le lointain sert le proche et lui donne une perspective, un sens. La prospective repose sur l'affirmation d'un principe, celui selon lequel l'avenir n'est pas écrit, il est à construire, à bâtir, c'est une oeuvre collective. La prospective est une méthode. C'est aussi une attitude qui vise à construire un futur souhaitable à l'aune des contraintes du temps présent et des tendances à l'oeuvre dans ce qu'il est convenu d'appeler la prospective exploratoire, tendancielle et contrastées. » ... La prospective est... un outil d'aide à la décision.... » ... « Un outil d'aide à penser autrement c'està-dire qu'elle vise : 1°) à analyser de façon approfondie la réalité que l'on entend faire évoluer,... 2°) à anticiper les changements ... 3°) à réagir aux changements avant qu'ils n'imposent leur logique... 4°) à devancer les changements en étant « proactif » et anticiper la constructions des conditions pour maîtriser les changements 5°) à élaborer collectivement les discours du futur... 6°) à faire passer les représentations du futur par le filtre de la représentation d'un futur souhaitable parmi une variété de futurs possibles 7°) à transformer la vision d'un futur souhaitable en processus collectifs de nature à engager la réalité dans une voie différente que celle qui existe initialement... » « 2) La prospective territoriale La prospective territoriale est la forme localisée de la prospective générale. » ... « les territoires comme expressions localisées de phénomènes de société sont caractérisés par des séquences temporelles longues: les organisations urbaines connaissent des évolutions sur des périodes pouvant aller sur des périodes d'un siècle et plus. La gouvernance territoriale est marquée par l'existence d'une multitudes d'acteurs dont les enjeux sont souvent très divergents, à tout le moins sans pilotage unique. Les pratiques sociales de la société civile ne sont que rarement l'expression d'une gouvernance organisée. » Prospective et prospective territoriale. Définition et champ. Guy Loinger. Extraits d'un article publié dans la revue « Espaces naturels » (n° 25 janvier 2009) La notion d'appropriation « ...En se démarquant des affaires du court terme et de la vie de tous les jours, l'appropriation par la prospective dans des collectifs institutionnels proches du terrain, les communautés d'agglomération par exemple, les Pays, voire des collectifs informels de citoyens permettent de reposer les questions de fond noyées dans le bruissement des affaires du quotidien. « Lever la tête hors du guidon » est une expression qui revient souvent. Or le détour par le long terme permet de reposer autrement les pratiques de gouvernance habituelles. La prospective permet de reposer les termes du débat public, et donc d'insuffler des orientations nouvelles. » Prospective et stratégie «... le fait de dire et de faire explicitement de la prospective permet ... de montrer les dysfonctions qui résultent de pratiques non durables, de mesurer l'écart entre ce qu'il conviendrait de faire par rapport à ce que l'on fait. » « ... le fait de faire de la prospective ne débouche pas « mécaniquement » sur une activité stratégique. Disons que l'on accroît la capacité collective à prendre la bonne dimension des enjeux, à se poser les bonnes questions, à faire l'investigation systématique des possibles, avant de déboucher sur les souhaitables, puis de confronter les possibles avec les souhaitables, et enfin de se poser des questions de faisabilité et de stratégie, au sens pratique et opérationnel du terme. » Source : Guy Loinger Extraits d'un article publié dans la revue « Espaces naturels » (n° 25 janvier 2009). 10 | Commissariat général au développement durable ­ Délégation au développement durable Études & documents | n°12 | Novembre 2009 Engager une démarche territoriale de prospective de développement et d'aménagement durables Modes d'emploi Commissariat général au développement durable ­ Délégation au développement durable | 11 Études & documents | n°12 | Novembre 2009 12 | Commissariat général au développement durable ­ Délégation au développement durable Études & documents | n°12 | Novembre 2009 Introduction Le développement durable a besoin de visions territoriales de l'avenir. Pour se concrétiser, le développement durable a besoin d'éclairages sur les horizons lointains (20302050) et de visions partagées sur l'avenir. Des notions comme celle de « facteur 4 » (objectif de réduction par 4 des rejets de GES à l'horizon 2050), institutionalisées dans le domaine de la lutte contre l'effet de serre, ont ainsi fait prendre conscience de l'utilité ­ à côté de politiques de court ou moyen terme ­ de stratégies spécifiques de long terme s'appuyant sur des objectifs clairs et l'explicitation des transitions ­ et éventuellement des ruptures ­ nécessaires pour y parvenir. C'est dans cette perspective que se situe le Grenelle de l'Environnement... Intégrer dans la décision l'existence d'objectifs de long terme, prendre en compte l'éventualité ou la nécessité de ruptures, élaborer des stratégies de transition... ne se fait pas spontanément. D'où l'importance des approches prospectives qui ont, dans cette triple perspective, des contributions tout à fait décisives à apporter ­ qu'il s'agisse de transformer les imaginaires collectifs, de lever les blocages aux changements, ou d'élaborer en commun les voies d'évolution vers d'autres modes de consommer, de produire, d'habiter, de se déplacer ou d'accèder à la nature. L'expérience passée a montré qu'il s'agissait , par ailleurs, d'un instrument susceptible de contribuer au dialogue, et d'un outil utile pour aider à construire des compromis entre des positions qui peuvent être très divergentes. Par la nature des préoccupations qu'il met en avant et la priorité qu'il accorde au long terme et au changement des représentations, le Grenelle de l'Environnement en appelle indirectement à une utilisation accrue des démarches de prospective à l'échelle des territoires. Pour évoluer dans le sens d'une société plus soucieuse des ressources et moins « énergétivore », il est nécessaire d'imaginer et de mettre en débat des avenirs différents pour les territoires, pour les villes, pour la mobilité... et de définir concrètement des transitions vers le « facteur 4 en 2050 » ou vers « la société post-carbone » et « post-pétrole ». La prospective doit, pour cela, devenir une culture partagée... transitions énergétiques et écologiques et à terme de les réussir dans les territoires et dans les villes. L'analyse territoriale et la prospective sont nécessairement convoquées pour contribuer à cadrer et à orienter l'action susceptible de conduire à des « territoires durables », et ceci dans tous les champs d'intervention du ministère. Il s'agit de comprendre les réalités démographiques, sociales, économiques, environnementales, culturelles, entrepreneuriales, technologiques, institutionnelles. D'explorer leurs évolutions possibles. D'en débattre, pour mieux pouvoir agir dans le sens de comportements énergétiques plus sobres, de modes de production, de consommation et de déplacement plus économes en émissions de GES, de l'adaptation aux conséquences et aux menaces éventuelles du réchauffement climatique, de programmes de travaux pour réduire la consommation énergétique dans le bâtiment, de la préservation impérative de certains écosystèmes, d'une libération du potentiel d'initiatives et d'innovations local et régional, ou encore dans le sens d'une organisation d'une ville péri-urbaine appropriable par ses habitants et de la lutte contre les ségrégations et l'exclusion urbaine... I Des visions partagées de l'avenir portant sur : ­ des changements de l'action inspirés par le DD, ­ des anticipations de l'impact des activités et du changement climatique sur les écosystèmes, pour en adapter la gestion et la planification de l'action publique. Territorialisation du Grenelle de l'environnement et prospective donnent lieu à deux grands registres d'approches : Transition vers une société durable. D'une exigence planétaire et mondiale aux préoccupations locales : réussir les transitions de « ma » ville ou de « mon » territoire vers un modèle plus soutenable. ­ Le futur de toutes les activités est à repenser en fonction des exigences climatiques et énergétiques. Une prospective des déplacements ne peut plus faire autrement que de s'intéresser aux liens avec l'effet de serre et avec les contraintes énergétiques. Une prospective territoriale des risques ne peut plus faire abstraction des phénomènes climatiques planétaires et de la chaîne d'interactions résultante qui va modifier la nature des aléas (vagues de chaleur, tempêtes, houles puissantes...) susceptibles de survenir et de produire des effets graves sur les territoires les plus vulnérables. ­ les politiques spécifiques liées aux priorités du Grenelle doivent aussi pouvoir s'appuyer sur des exercices de prospective : les politiques climaténergie, l'adaptation au réchauffement climatique, la transformation des écosystèmes... Ces deux registres ouvrent des perspectives, des avenirs possibles qui interrogent fortement les politiques publiques. I À la fois une « grenélisation » de l'ensemble des activités et des sujets prioritaires à décliner dans les territoires. Prospective et stratégie territorialisées du Grenelle de l'environnement I Une prospective qui concerne tous les champs du MEEDDM Il convient enfin, de rappeler quelques évidences préalables : L'ambition liée à une territorialisation du Grenelle de l'environnement est de s'attaquer aux ­ Une prospective territorialisée à partir des enjeux du « Grenelle de l'environnement » est nécessai- Commissariat général au développement durable ­ Délégation au développement durable | 13 Études & documents | n°12 | Novembre 2009 rement globale : une entrée par des enjeux environnementaux induit aussi l'étude de leur acceptabilité et de l'équité sociales et de leurs conséquences sur le développement régional et local, tant à court terme qu'à l'horizon projeté. ­ Tout n'est pas territorialisé et encore moins local : les leviers réglementaires, les politiques fiscales et d'incitation, nationaux et communautaires, pour modifier l'offre et la demande en matières d'industrie, de transport, de construction peuvent être plus efficaces pour atteindre certains objectifs que les leviers locaux. Toutefois les objectifs chiffrés des stratégies européennes et nationales de développement durable ont de faibles chances de se concrétiser si les changements à anticiper ne sont pas déclinés de façon cohérente dans les territoires et appropriés par les acteurs dans les territoires. ­ À long terme, toutes sortes de ruptures sont possibles surtout en raisonnant « toutes choses inégales par ailleurs » mais c'est un des apports importants de la prospective que d'aider à déterminer celles qui justifient d'être plus que d'autres sérieusement étudiées. de l'environnement », en veillant à la cohérence des politiques nationales et au respect des engagements communautaires et internationaux. · Contribuer à susciter des travaux de prospective en se tournant vers les responsables locaux pour les inciter à construire des scénarios et des visions, d'avenir, à les mettre en débat et à les ouvrir sur des stratégies de développement durable et des plans d'action territoriaux. L'objectif est d'apporter des briques pour contribuer à cadrer des stratégies d'action nationales, régionales et locales. Selon le cadre de gouvernance locale ou régionale, ces apports doivent faciliter le débat et permettre de dégager certaines visions et priorités d'action en vue de « territoires plus durables ». En termes d'organisation, les services doivent faire et se confronter aux autres (les collectivités, les acteurs économiques, la « société civile », les experts et consultants...) pour apprendre et pour développer leur intelligence territoriale, leur capacité de raisonnement stratégique et d'expertise, et en définitive pour gagner en crédibilité auprès des collectivités territoriales et en légitimité par rapport à la stratégie nationale de DD. Dans ce contexte, la prospective est un outil, bien que complexe et encore peu utilisé dans le champ du développement et de l'aménagement durable des territoires, parmi d'autres au service d'une intelligence stratégique. Un système d'action à débloquer Le système actuel est inadapté pour faire face de front et de façon globale et intégrée aux ambitions du Grenelle de l'environnement reprises dans le projet de Stratégie nationale du développement durable 201020135 (SNDD). Le processus évaluation de l'action, visions à long terme, choix stratégiques partagés, plans d'action, ne fonctionne pas. Les maillons « visions » et « choix stratégiques » sont déficients. Pour les développer il faut un cadre de gouvernance territoriale qui le permet. Comment sortir de cette « ornière » qui tend à tenir séparées prospective et action territoriale, raisonnement « transversal » et action sectorielle et cloisonnée, alors que les enjeux de développement durable sont globaux et à long terme et que l'anticipation se situe au coeur de l'action ? Cristalliser des demandes de prospective stratégique dans les territoires, inciter les collectivités à en faire et développer des travaux spécifiques à l'État... L'effort de prospective peut et doit aussi être porté par les services déconcentrés de l'État Les services régionaux et départementaux peuvent apporter leur contribution pour faire bouger les gouvernances dans les territoires. Leur réflexion territoriale orientée par les objectifs de la SNDD est à organiser dans deux directions complémentaires. · Engager des travaux de prospective spécifiques à l'État afin de bâtir un « discours stratégique de l'État » autour de la « territorialisation du Grenelle Les pages qui suivent sont destinées à rendre l'outil de la prospective plus famillier à ceux qui souhaitent engager un exercice territorial fondé sur les préoccupations du Grenelle de l'environnement et de développement et d'aménagement durables. Il se compose de cinq parties ou chapitres : · La préparation d'un exercice de prospective territoriale « post-Grenelle de l'environnement » et les questions à se poser en amont. · L'organisation de l'exercice de prospective. · Sa mise en oeuvre. · Les passages vers la stratégie. · Les rôles pour les service de l'État et les ressources pour l`activité de prospective. 5 - Il est possible de se reporter à : « Le projet de stratégie nationale de développement durable 2009-2012 », collection « Le point sur », n°1, janvier 2009. 14 | Commissariat général au développement durable ­ Délégation au développement durable Études & documents | n°12 | Novembre 2009 Première partie La préparation d'un exercice de prospective territoriale « post-Grenelle de l'environnement » Les questions à se poser en amont L'engagement d'une stratégie d'action territorialisée incluant une exercice de prospective peut, pour une direction régionale ou départementale, se fonder sur la recherche de réponses à trois séries de questions. Elles concernent : · Les enjeux préoccupants pour le devenir du territoire. · Les objectifs à assigner à une démarche de prospective. · Le « positionnement » de l'État local et du service dans le jeu d'acteurs local ou régional (les questions de « gouvernance »). Les réponses à ces questions devraient permettre de préciser ce qui peut et doit être fait : quelles priorités d'action, avec qui engager la démarche, quelle « intelligence » mobiliser, quelle type d'exercice engager. Il s'agit de se donner une « problématique » d'étude et d'action axée sur les priorités du Grenelle de l'environnement et sur la Stratégie nationale de développement durable, susceptible d'induire une démarche de prospective. Avant de s'engager, il faut se donner une vision claire de ce qui doit et peut être fait. Une analyse préalable des enjeux : c'est la nature du regard sur une réalité complexe qui induit un besoin de vision à long terme. 1. Partir des problèmes Les enjeux importants pour le futur des territoires. Qu'est ce qui pose problème dans un territoire ? Quels sont les territoires à problèmes ? Le questionnement sur les préoccupations pour l'avenir des territoires se partage entre ces deux approches. Elles peuvent être plutôt sectorielles ou thématiques ou plutôt tirées vers la globalité d'un territoire et elles induisent dans ces deux cas deux registres différents : une prospective des jeunes dans un pays (par exemple) ou bien une prospective du devenir du pays dans ses différentes dimensions. Qu'est ce qui pose problème pour un territoire ou un ensemble de territoires et qui sera déterminant pour modeler son avenir à plus ou moins long terme ? · L'avenir de la viticulture? · L'érosion côtière, la disparition de plages ou la menace de submersion marine ? · La mobilité et l'accessibilité revues à la lumière des exigences énergétiques et climatiques ? · Une offre foncière devenue inaccessible aux sociétés locales ? · Réorganiser la ville existante pour réduire la consommation énergétique et les émissions de GES ? · Le développement de l'éolien en mer ? Le questionnement sur le devenir d'enjeux territoriaux est infini. Les questions « postGrenelle » commencent souvent par « si » : si on veut réaliser 20% de repas bio dans les cantines scolaires d'une agglomération importante, d'où faire venir les produits, quelles conditions réunir, avec quelles conséquences sur le système de production et de distribution agricole, sur le type de main-d'oeuvre, etc. ? Si on souhaite développer en Alsace les chaudières à bois dans un très grand nombre de bâtiments communaux, intercommunaux et privés, comment mobiliser la ressource pour les alimenter, organiser l'exploitation du massif forestier Vosgien, développer la filière « plaquette »,... ? Le titre de l'un des quatre cahiers qui compose le travail de prospective en LanguedocRoussillon est : « Si demain il y a moins d'argent public pour financer le développement territorial, quel devenir pour les territoires de LanguedocRoussillon ? » Une question simple peut se transformer en « bon » sujet de prospective. La mise en évidence des questions sur les enjeux est un point de départ incontestable. Quels enjeux de fond méritent une approche globale et intégrée et une recherche de choix stratégiques destinés à changer les modes d'action ? Lesquels paraissent cruciaux à long terme par rapport à un avenir d'autant plus pressant à préparer qu'il est incertain ? Lesquels partant nécessitent un détour par une démarche de prospective ? Les services ont besoin de se constituer une représentation stratégique des enjeux sur lesquels ils envisagent de travailler. Ces représentations peuvent être analysées de plusieurs façons : · Les enjeux importants pour l'avenir d'un territoire (ou d'un ensemble de territoires) en termes tant de menaces et de risques (cf plus loin le schéma des problématiques de Languedoc-Roussillon) que d'atouts à valoriser et de chances à saisir. · Les enjeux territoriaux au regard des questions de développement et d'aménagement durables et des axes du Grenelle de l'environnement. · Les enjeux importants suscités par la poursuite de politiques insuffisamment soutenables. · Les enjeux de développement et d'aménagement importants par rapport à des visions européenne, L'incertain justifie le recours à un travail de prospective. Le devenir d'un enjeu peut devenir un « bon » sujet de prospective lorsqu'il se situe à mi-chemin entre une « certitude » relative qui laisse entrevoir des solutions adaptées et une trop grande incertitude qui tend à rendre la question trop abstraite. Point de départ : une représentation stratégique des enjeux. Quels enjeux nécessitent des changements de politiques et de modes d'action ? Commissariat général au développement durable ­ Délégation au développement durable | 15 Études & documents | n°12 | Novembre 2009 nationale, supraterritoriale, régionale et en amont vis à vis de « dynamiques mondialisées ». · Les enjeux perçus de façon prioritaire par les collectivités territoriales, par les sociétés civiles et par l'État, et les enjeux marquants par rapport à une gouvernance plus ou moins bien intégrée. La nature des enjeux à décliner territorialement induit la nécessité de définir plus précisément la notion de territoire par ses échelles et son (ou ses) périmètre(s). Ce point renvoie aux gouvernances locales et/ou régionales ou interrégionales et aux acteurs susceptibles d'être associés à un exercice de prospective. La notion d'échelle est davantage associée aux analyses et aux regards à porter sur les phénomènes étudiés. Une approche par les enjeux est destinée à définir les problématiques qui vont justifier un exercice de prospective et sa nature. Les visions de long terme « en sortie » de l'exercice doivent permettre d'énoncer et d'élucider les « enjeux stratégiques » pour l'avenir qui sont susceptibles d'inspirer les changements de politiques et d'action. Les enjeux renvoient aux questions de périmètres des exercices à envisager et à leur pilotage et aux questions d'échelles d'analyse des phénomènes étudiés. Les enjeux à la fois point de départ et résultat d'une démarche de prospective. Le schéma des problématiques Source : Extrait de l'ouvrage « Futurs possibles. Impacts sur les territoires », Université Paul Valéry, Pôle prospective, DRE du Languedoc-Roussillon. 2. La question des priorités. Pour finaliser une démarche territoriale et l'exercice de prospective qui s'y rapporte, il est utile de comprendre ce qui est important pour les principaux acteurs, soit la question des priorités et de la représentation que s'en font ces acteurs. Les enjeux identifiés sont-ils prioritaires, pour qui ? Sont-ils susceptibles de commander des travaux d'études et/ou un exercice de prospective pour éclairer l'action territoriale ? Les priorités peuvent se référer à des registres différents, pour l'État : · en terme d'aménagement du territoire par un fort rattachement territorial au « territoire national » dans l'espace communautaire (et au delà mondial); · par rapport à la Stratégie nationale du développement durable (SNDD); · par rapport aux études régionales du DREAL et du préfet de région; et pour les partenaires à associer à la démarche : les collectivités territoriales, les acteurs économiques, du social, de l'environnement, les experts... La confrontation des analyses et le dialogue avec les partenaires peuvent être nécessaires pour trouver des réponses susceptibles de faciliter les contours d'une démarche stratégique dans laquelle inscrire un exercice de prospective. En particulier vu du coté de l'État, est-ce qu'une lecture qui met en tension l'action publique nationale « post-Grenelle de l'environnement » et l'analyse régionale peut permettre de (re)penser l'action territoriale ? La circulaire du 23 mars sur la 16 | Commissariat général au développement durable ­ Délégation au développement durable Études & documents | n°12 | Novembre 2009 territorialisation du Grenelle de l'environnement ouvre une perspective de priorité nationale : appliquer un exercice de prospective aux territoires dont les enjeux nécessiteraient la mise en oeuvre d'une directive nationale d'aménagement et de développement durables. les acteurs en faisant « bouger leurs représentations », en préparant les esprits aux changements envisageables, pour rechercher une influence utile sur le dévéloppement et l'aménagement durables du territoire ou encore pour introduire davantage de développement durable dans l'action territoriale. Les objectifs d'une prospective des territoires littoraux par rapport au changement climatique, par exemple, peut être de comprendre la nature des aléas et menaces susceptibles de survenir, de raisonner sur les relations entre vulnérabilité du territoire, combinaison d'aléas, risque encouru et acceptabilité du risque et d'identifier des stratégies d'adaptation. Les deux premiers points peuvent constituer une première étape d'une grande ambition qui inclut visions prospectives et recherche de stratégie pour faire face à des menaces possibles. Avant de définir des choix d'adaptation entre recul stratégique des activités ou protection des biens et d'agir, il faut que les acteurs comprennent les phénomènes et les possibles. Les objectifs qui se rapportent aux enjeux territoriaux (par exemple intégrer le développement durable dans des projets d'aménagement, réduire l'empreinte écologique, optimiser les déplacements, développer l'attractivité et la compétivité...) sont à instrumentaliser : · par rapport aux participants à la démarche : apprendre à travailler en collectif, réduire les cloisonnements, développer l'intelligence territoriale, rechercher une « gouvernance à cinq »... · pour positionner le service et l'État : force de proposition, initiateur de dialogue, apporteur de connaissance... L'enjeu est notamment d'arriver à décloisonner les relations avec les collectivités territoriales. La finalité de la prospective est de contribuer à la stratégie post-Grenelle : anticiper pour arriver à définir des politiques soutenables en vue d'un monde vivable pour les générations futures. 3. Les objectifs « stratégiques ». Que veut-on faire ? Où veut-on aller ? Avec qui ? Le but pour les territoires et pour les services de l'État est de contribuer à définir des stratégies de développement durable. Pour être plus précis, il s'agit de se préparer pour un monde émettant très peu de GES et ne disposant plus que de très peu de ressources non renouvelables devenues rares et coûteuses, pour éviter la « catastrophe » climatique, géopolitique et environnementale (mais aussi économique et sociale) annoncée à plus ou moins long terme si la nature de la croissance, du développement des modes de vie ne change pas. Comment anticiper une crise profonde pour arriver à l'éviter ou à l'amoindrir ? Dès lors, quelles visions de cet avenir redouté, quelles visions territorialisées, où veut-on aller, que veut-on faire, que peut-on faire, avec qui ? Ces questions se posent tout en amont en même temps que la première réflexion sur les enjeux prioritaires. Elles sont tributaires du jeu d'acteurs et de partenaires (potentiels) tel que le service se la représente à ce stade de l'intention. Quelle est l'utilisation escomptée des connaissances, des scénarios et des visions qui résultent d'un exercice de prospective ? · Une production de connaissances de nature à alimenter la réflexion stratégique, à inciter au débat et à le renouveler avec les collectivités, les experts, les sociétés locales, en vue d'une analyse « partagée » d'un ensemble de dynamiques appliquées à un territoire ou à un écosystème ? · Une production de connaissances et de visions pour contribuer à changer les représentations que les services ont de leur action pour élaborer une ligne d'action et de conduite de l'État régional ou départemental pour un territoire ou un ensemble de territoires, ou pour un champ thématique appliqué à ce ou ces territoires ? · L'élaboration d'une vision partagée « normative » entre les principaux acteurs d'un territoire ouvrant sur des choix d'action ou sur les stratégies à élaborer pour avoir des chances d'atteindre le but figuré par une telle vision. Ces choix, selon la nature des gouvernances locales peuvent viser une projet de territoire, un agenda 21 local, un SCOT, un grand projet structurant, ou encore un ensemble d'actions plus sectorielles (déplacement/transport, habitat, prévention des risques, énergie-climat...) ? Dans une gradation entre connaissances sur l'avenir et visions à but stratégique, un exercice de prospective territoriale peut se résumer à agir sur Les objectifs de la prospective se partagent entre mieux connaître et comprendre la réalité et son avenir et contribuer à de nouveaux choix stratégiques. Changer de choix d'action signifie auparavant changer les visions que les acteurs peuvent avoir de l'avenir. La prospective sert à construire de telles visions. 4. Les approches de la prospective territoriale confrontées aux priorités du Grenelle de l'environnement. Diagnostic et recherche de connaissances sur l'avenir, exploration des futurs possibles, recherche de scénarios et de visions « normatifs » ou stratégiques, « back casting », prospective d'experts ou exercice fortement participatif... Autant d'approches différentes pour organiser une démarche de prospective. Les questions posées, la nature des enjeux, des objectifs et des priorités pour l'action, et le cadre de gouvernance dans lequel s'inscrit le service qui souhaite engager une démarche territoriale, induisent le type de prospective à envisager. Pour illustrer le propos, il est possible d'envisager quelques situations régionales ou locales « emblématiques » pour lesquelles « des thématiques issues du » Grenelle de l'environnement composent des enjeux d'avenir essentiels. Quel peut-être l'apport de l'État régional ou local dans la gouvernance territoriale du développement durable ? 6 - À notre connaissance, il n'existe pas d'exercice de prospective territoriale en France qui porte spécifiquement sur ce sujet. Un exercice en cours porte plus généralement sur l'étude des effets climatiques sur le grand sud-est (Auvergne, PACA, Rhône-Alpes, Corse, Languedoc-Roussillon), à l'initiative du MEDCIE Grand Sud Est. <http://www.bouches-du-rhone.pref.gouv.fr/dossier/medcie.htm> Commissariat général au développement durable ­ Délégation au développement durable | 17 Études & documents | n°12 | Novembre 2009 1° Une prospective territoriale pour lutter contre l'effet de serre. 1. La prospective d'un territoire à ambition « facteur 4 »6 La question centrale posée par les Agendas 21, par les plans climats territoriaux et par les futurs schémas régionaux du climat, de l'air et de l'énergie, est de nature prospective : comment s'y prendre pour réduire la part des énergies fossiles et pour lutter contre l'effet de serre de façon à diviser par 4 les émissions de gaz à effet de serre (GES) d'ici à 2050 dans un territoire (ou un ensemble de territoires) ? Elle mérite de donner lieu à des travaux de prospective territoriale en accompagnement de ces procédures, avant de s'engager dans un exercice de type « catalogue d'actions ». De tels travaux peuvent être focalisés : ­ sur la question de la réduction des GES et de la dépendance énergétique : avec quels leviers et à partir de quels « gisements » peut-on arriver à réduire les GES en simulant des changements territoriaux dans les domaines de la politique énergétique, de l'industrie, de l'agriculture, des déplacements/transports, du BTP et du logement, dans les comportements, dans les politiques européennes et nationales, dans l'action locale, ... ? Du point de vue énergétique, comment organiser une production locale d'énergie (par unités intégrées dans la ville ou le territoire) et quelle pourrait-être sa part par rapport à la production « industrielle » externe au territoire ? ­ ou bien sur la question de l'adaptation au réchauffement climatique : quels sont les effets que pourrait produire le réchauffement climatique associé à un certain nombre de phénomènes et comment s'y adapter ; ­ voire sur les deux aspects à la fois, avec une grande complexité, dans le cadre du même exercice, tout en s'interrogeant potentiellement sur la nature de la croissance ou de la décroissance, le maintien du niveau de l'industrie, les changements de comportements, les possibilités de maintenir un niveau de confort et une mobilité acceptable, l'organisation urbaine, les performances « carbone » et énergétiques des projets de développement et d'aménagement, les politiques fiscales et réglementaires envisageables... Une prospective « facteur 4 » pourrait se décliner de trois façons : 1° Une exploration de scénarios possibles pour comprendre le contexte évolutif de l'action pendant la période 2010 ­ 2030 voire 2050 et pour simuler des évolutions et des ruptures locales et « globales » (facteurs de changement) démographiques, économiques, technologiques, de découplage entre demande de transport et croissance économique, dans les façons d'habiter, de se déplacer, en matière de réglementation et de fiscalité, ..., qui vont faciliter ou handicaper l'action envisagée pour améliorer les performances énergétiques et réduire les gaz à effets, globalement et par secteur (batiment, transport, industrie, agriculture, forêt). 2° Une recherche de visions « normatives » du futur : l'« 'image » chiffrée du territoire à 2030 sur une trajectoire « facteur 4 » et à 2050, celle du territoire le but atteint. 3° Une démarche de « back casting » : les scénarios d'action qui permettent d'atteindre le but « facteur 4 » pour le territoire concerné. Les difficultés et le degré de complexité sont réelles. La pratique et les exemples aboutis font encore défaut. Pour aller dans cette voie, il faut s'appuyer sur une volonté politique de se donner une vision à long terme, constituer une solide ingénierie énergie-climat appuyée sur des travaux de recherche, réunir de bonnes conditions de gouvernance. L'avantage serait, outre une vision à disposition du « politique », de mobiliser et de souder les acteurs par une démarche participative que les études effectuées par un bureau d'étude ne permettent pas. 18 | Commissariat général au développement durable ­ Délégation au développement durable Études & documents | n°12 | Novembre 2009 2. Un territoire menacé par une remontée possible du niveau de la mer associée à certains phénomènes climatiques extrêmes pourrait se fixer le but de : ­ explorer la nature des phénomènes qui risquent de survenir et des menaces qui en résulteraient (première série d'hypothèses et de scénarios), ­ représenter les effets sur les écosystèmes marins, côtiers et terrestres, sur les activités du littoral (deuxième série à partir des premiers), ­ pour enfin explorer les politiques d'adaptation et de prévention qui permettraient de réduire les risques (nouvelle série de scénarios possibles). Il y a une analyse systémique qui porte tour à tour sur les phénomènes climatiques qui risquent de survenir, sur les menaces et les effets qui en résultent (vulnérabilité des territoires) et sur la nature de l'action publique envisageable. La première nécessite un fort engagement de scientifiques et d'experts (avec la limite des incertitudes scientifiques à un moment donné), la deuxième également, avec des capacités de modélisation et de représentation cartographique; la troisième exige une participation intégrant de multiples acteurs. L'ensemble peut constituer une prospective territoriale des risques. Elle est nécessairement une synthèse des trois approches spécifiques qui mettent en évidence les enjeux de vulnérabilité pour prétendre éclairer des décisions susceptibles d'être prises. Elle a un caractère exploratoire mais pourrait se transformer ensuite en prospective « normative » en cas de commande pour définir un scénario. 2° La prospective d'un territoire du littoral menacé par des risques climatiques. 3. Une volonté d'exploitation de la biomasse (déchets, forêt, agricole) confrontée aux évolutions de la biodiversité Trois questions pourraient mériter un détour par des visions prospectives. 1. L'exploitation de la biomasse : sur la base de quelles ressources, pour quelles utilités, avec quels projets, dans le cadre de quels procédés de production ? 2. Quels sont les effets de cette exploitation (conjugués avec d'autres phénomènes éventuellement liés au réchauffement climatique) sur la transformation et l'équilibre des écosystèmes et de la biodiversité ? 3. Quelles stratégies agricoles, forestières, de gestion urbaine, industrielles..., envisager ? Ces questions induisent une prospective exploratoire relative à l'exploitation de la biomasse pour en analyser les impacts sur la biodiversité et pour envisager des stratégie d'action pour les différentes parties prenantes. Une préparation de « gouvernance » politique, économique et scientifique est nécessaire pour arriver à engager des acteurs dans une telle entreprise. Un préfet et un DDEA, à l'instar du DDEA de l'Indre, pourraient y contribuer dans une position d'assembleur d'intentions et d'initiatives. De façon générale, l'étude des transformations et de l'érosion de la biodiversité et de leurs effets sur un système territorial ou bien une prospective des liens entre la biodiversité et les activités humaines sur un territoire, pose toute une série de questions d'avenir, à des échéances variées et avec de grandes marges d'incertitude, tant en terme d'exploitation agricole et forestière, de modes culturaux, de santé, de « services », d'impact sur certaines activités... Il est possible de l'aborder de façon prospective par le biais de multiples autres problématiques que l'exploitation de la biomasse. De telles démarches induisent tout du long un fort encadrement scientifique. Ces exercices nécessitent une série d'indicateurs pour restituer l'état de la biodiversité et pour l'évaluer dans le cadre de différents scénarios. 3° Une prospective de la biodiversité.. Commissariat général au développement durable ­ Délégation au développement durable | 19 Études & documents | n°12 | Novembre 2009 4° Une prospective des énergies renouvelables en vue d'une politique énergétique territoriale. 4. Une prospective territorialisée des énergies renouvelables. Les projets de fermes photovoltaïques et de champs éoliens se multiplient dans certaines régions : par exemple 1 100 hectares de projet de fermes solaires de plein champ dans les Pyrénées Orientales. Le capital paysager et patrimonial, les terres agricoles, l'espace littoral sont souvent en concurrence avec ces projets présentés sans aucune cohérence. Le cadre juridique reste encore flou, les conséquences et les impacts sur l'agriculture, l'environnement, les espaces sensibles et/ou à risques sont multiples et mal mesurés. Une élaboration de visions globales à long terme devient une exigence pour arriver à définir une politique énergétique territoriale. La prospective serait l'occasion de « modéliser » des scénarios de développement des énergies renouvelables et d'étudier leurs effets d'une part en terme de gains énergétiques et de réduction de gaz à effet de serre d'autre part sur le territoire (les activités, les espaces et les écosystèmes). Il s'agit d'une prospective sectorielle territorialisée de type exploratoire. La finalité d'une telle démarche serait, dans son prolongement, de contribuer à élaborer une doctrine pour l'action axée sur la volonté de diversifier les sources d'approvisionnement en énergie, par l'exploitation des ressources locales. Les échelles possibles peuvent être de plusieurs régions, d'une région voire d'un département si ce dernier est fortement sollicité. Une agglomération ou un territoire peuvent-ils devenir auto-suffisants en énergie ? Certaines villes font face à ce défi : « Novembre 2008 : Nice, capitale de la Côte d'Azur, connaît une longue panne d'électricité. Printemps 2029 : la ville est auto-suffisante en énergie 100 % verte. Rêve ou réalité ? », pour reprendre le titre d'un article d'anticipation de Romain Nouvel (http://energie.lexpansion.com) qui cite des travaux de Laurence Royer, étudiante à l'École Centrale de Paris. Ce type de vision d'avenir ou d'anticipation ouvre des marges de manoeuvre possibles. De la même façon et sans se départir d'une approche globale, il est possible, avec les agences de bassin, d'envisager des prospectives territorialisées des ressources et des usages de l'eau ; ou encore, avec l'ADEME des prospectives par filières d'énergie renouvelable. Les exemples 3 et 4 caractérisent clairement un type de prospective peu pratiqué mais correspondant à un besoin simple : simuler les devenirs en faisant varier des politiques d'action (exploiter la biomasse ou développer les énergies renouvelables) ou encore les éléments constitutifs d'une intention structurante (par exemple exprimée par une « trame verte et bleue », pour : · cristalliser des visions futures des territoires étudiés, · visualiser les conséquences positives et négatives, · examiner les performances qu'il est possible d'atteindre dans chaque scénario, · préciser les difficultés à surmonter, les voies à éviter, les doctrines à qualifier pour conduire l'action. Ce type de scénarios de prospective recherche des réponses à deux questions générales : les politiques envisagées sont-elles soutenables, permettent-elles de développer durablement des territoires où elles sont mises en oeuvre ? 20 | Commissariat général au développement durable ­ Délégation au développement durable Études & documents | n°12 | Novembre 2009 Deuxième partie L'organisation de l'exercice de prospective 1. La maîtrise d'ouvrage et le pilotage. Un exercice de prospective est assimilable à un projet complexe nécessitant un dispositif de pilotage serré. Le pilotage d'une démarche territoriale comprend deux dimensions : technique et institutionnnelle d'organisation de la « gouvernance » de l'exercice au service d'une volonté stratégique ou « politique ». La dimension organisationnelle Lorsque la maîtrise d'ouvrage de l'exercice est assurée par l'État déconcentré, le directeur régional ou départemental, parfois le préfet, anime un comité de pilotage où se retrouvent les principaux partenaires associés, internes et externes à la direction (selon les cas). Le comité suit l'avancement de l'exercice, débat de la pertinence des options choisies, des analyses, des visions à long terme et des résultats, oriente puis valide les travaux, envisage les changements à opérer dans l'action et les suites à donner en terme de « stratégie », d'études complémentaires, de communication, de débats à organiser pour faciliter une appropriation par certains acteurs des résultats de l'exercice. Le comité n'est pas l'atelier d'élaboration des scénarios mais un lieu plus ou moins large, à considérer comme un lieu important d'appropriation des visions et des résultats dans une perspective de stratégie d'action. Le pilotage technique À la notion de projet complexe correspond la figure centrale de chef de projet. Les rôles du chef de projet sont multiples : · En amont, il « porte » la réflexion qui conduit au sujet de la prospective et à la forme de l'exercice envisagé. · Il rédige le cahier des charges. · Il organise l'appel d'offre et le choix des consultants et des experts à mobiliser. · Il précise avec eux la « problématique » de la démarche, le programme de travail et la méthode. · Il coordonne l'ingénierie ainsi mobilisée en veillant à ce que les résultats de chaque étape correspondent au cahier des charges. · Il organise le dispositif de travail propre à l'exercice (ateliers, groupes de travail...), est responsable du choix des participants, des contacts en interne et en externe de la direction, du bon fonctionnement du processus. · Il est responsable de la cohérence des écrits (notes, rapports, documents de synthèse...) produits tout au long de la démarche. · Il assure le secrétariat du comité de pilotage. · Il organise le « service après vente » ou y contribue : réunions et séminaires prolongeant l'exercice, documents de communication, réfléchit aux effets sur l'action publique et sur sa gouvernance et propose les changements à opérer dans les stratégies d'action. Le chef de projet est confronté à l'adéquation d'un processus de travail collectif et participatif aux finalités recherchées de meilleure compréhension des mutations et de visions à long terme en vue de contribuer à la conduite du changement dans l'action territoriale. L'appréhension globale pour tenter d'établir un pont entre l'intention en amont et l'action territoriale en aval et pour conférer une portée stratégique à la prospective, demeure la difficulté principale de la maîtrise d'ouvrage. L'objectif est d'identifier de façon détaillée les attentes et d'apprécier les résultats à chaque étape de la démarche face à ces attentes. Ces dernières sont à exprimer en termes de production et de partage d'un diagnostic prospectif, de mobilisation de connaissances et d'expertise, de compétences d'animation des collectifs de travail, de capacité d'élaboration de scénarios et de visions, de leur portée stratégique et d'ouverture sur l'action publique, d'élaboration de messages à destination d'acteurs qui ne participent pas à l'exercice... 2. L'ingénierie intellectuelle. Trois types de prestations sont à distinguer : · les études de diagnostic et d'établissement de connaissances nécessaires aux ateliers de prospective ; · les expertises ou les « dires d'expert » sur des sujets « pointus », complémentaires à la fonction diagnostic/étude ; · les prestations d'un prospectiviste chargé d'apporter les méthodes, d'animer et de faire produire les ateliers ou groupes de prospective, d'aider à faire les synthèses. Les prestations de diagnostic/étude peuvent donner lieu à des combinaisons variées : · en régie, avec une petite équipe interne à l'administration régionale ou départementale qui a pris l'initiative, éventuellement avec l'apport d'une assistance technique, d'un « coach »7 ; Le chef de projet : une culture relative du travail collectif et de la prospective est nécessaire 7 - Comme dans le cas de la DDE des Bouches-du Rhône (prospective du Pays d'Aix-en-Provence). Se reporter en annexe. Commissariat général au développement durable ­ Délégation au développement durable | 21 Études & documents | n°12 | Novembre 2009 · avec une équipe mixte incluant des prestataires internes aux services qui se sont associés pour la circonstance (DREAL et service d'un conseil régional, DDEA ou future DDT8 et service d'une communauté d'agglomération ou agence d'urbanisme...) ; principal est de favoriser le questionnement induisant une recherche de connaissances, de permettre le raisonnement systémique et d'organiser la production collective de scénarios et de visions d'avenir. L'ensemble des prestataires gagne à être organisé en équipe-projet. Des prestations intégrées études/prospective peuvent paraître préférables à deux contrats séparés souvent difficile à coordonner. · par une équipe mixte, associant des personnes en interne et un (ou plusieurs) prestataire(s) externe(s) : consultant privé, réseau scientifique et technique (RST), laboratoire de recherche... ; · par des prestataires externes cadrés par un contrat d'étude ou par une convention, s'il s'agit d'un laboratoire universitaire ou de chercheurs issue du RST ou de l'ADÈME ; · la mixité peut, même pour des équipes entièrement externes, s'appuyer sur la nécessité de conjuguer études générales/cartographie plus ou moins pluridisciplinaires et fort apport scientifique pour arriver à maîtriser certaines questions d'environnement ou d'économie. 3. Le cahier des charges de la démarche de prospective Une note d'intention conclut l'étape de préparation et de questionnement et ouvre la phase proprement dite de l'exercice de prospective et des travaux d'étude et de diagnostic. Elle permet aux personnes et aux organismes, internes et externes, de prendre connaissance de la démarche envisagée. La note d'intention synthétise l'analyse qui conduit à un travail de prospective, précise la nature du questionnement et son contexte, la finalité (au sens de volonté stratégique ou « politique »), les objectifs, le type d'exercice envisagé, ses grandes lignes de son organisation (pilotage, ingénierie à mobiliser, acteurs à associer, calendrier indicatif...). Une diffusion « ciblée » d'une note d'intention peut être l'occasion de soumettre le questionnement à la critique et de recueillir des avis sur la pertinence de la démarche envisagée. Cette note est à compléter pour donner lieu au cahier des charges de la démarche. Le cahier des charges exprime la commande de prospective et constitue le support pour choisir l'équipe-projet et engager l'appel à concurrence ou l'appel d'offre afin de choisir les prestataires qui seront chargés de mener les travaux d'étude (en partie ou en totalité), d'animer les collectifs de prospective et de produire les synthèses. Le cahier des charges demande aux candidats de proposer une analyse montrant leur compréhension du sujet, une méthode, un calendrier, un devis (coût et temps passé), leurs références et indique les critères pondérés qui permettront à la commission d'appel d'offres de procéder au choix. Le mode de consultation dépend du partage des rôles entre prospectivistes, bureaux d'études ou consultants spécialisés, laboratoires de recherche, travaux en régie. Différentes combinaisons sont envisageables pour couvrir les trois types de prestations évoqués : · une prestation qui couvre la totalité du processus entre production de connaissances et animation, avec une contrat unique avec un consultant en prospective ou un BE (prestation dite intégrée) ; · une séparation entre les fonctions études et animation, la première confiée à un BE, à un CETE, à un laboratoire de recherche ou réalisée en régie (en totalité ou en partie), la seconde confiée à un consultant en prospective ou éventuellement menées par le commanditaire lui-même avec l'assistance technique d'un CETE ou d'un consultant. Pour des raisons d'apprentissage et d'acquisition de savoirfaire, favoriser une formule mixte : régie avec « coach », se « frottant » à des professionnels externes chevronnés. Les prestations diagnostic-étude peuvent être complétées par des consultations d'experts. Il est difficile en début de démarche de prévoir de façon précise la nature des experts dont les ateliers auront besoin pour être éclairés sur certains sujets. Des experts peuvent être associés à l'ensemble des travaux d'un atelier ou d'un groupe ou être auditionnés de façon ponctuelle sur la base d'un questionnement précis. Une telle intervention à caractère « léger » peut être complétée par une note de quelques pages. Selon le sujet, il est possible de les trouver dans le monde de la recherche et des universités, le monde des entreprises, dans le réseau scientifique et technique du ministère, parmi les consultants privés, parmi les services de l'administration centrale ou déconcentrée. Les professionnels de la prospective territoriale sont rares. Le savoir-faire du prospectiviste en tant qu'apporteur de méthodes et animateur des ateliers de prospective ne se trouve pas en interne, ni dans les services ni dans le réseau scientifique et technique. Il est nécessaire de la rechercher dans le privé. Les prospectivistes territoriaux sont sectoriellement peu spécialisés. Leur apport principal : ­ favoriser le questionnement, ­ faire produire collectivement les ateliers de prospective à partir d'un raisonnement systémique. Le cahier des charges exprime la commande de prospective. Ils exercent comme consultants indépendants ou intégrés dans des structures d'études plus importantes. Plutôt généralistes, rompus à des sujets (eau, santé, transports, sciences régionales, sociologie des organisations...) et à des clients extrêmement variés (collectivités territoriales, entreprises, chambres consulaires, services de l'État...), confrontés à la complexité des rapports local/global, aux liaisons entre toute sorte de disciplines, aux difficultés de la communication entre des publics variés, ils doivent impérativement accompagner toute la démarche et contribuer à en assurer la cohérence, en amont pour aider à préciser le questionnement afin d'y adapter la méthode, en aval pour aider à écrire une synthèse susceptible de déboucher sur des choix stratégiques et sur des modes de communication de nature à faciliter l'appropriation recherchée des résultats. Leur apport 8 - Direction départementale des territoires. 22 | Commissariat général au développement durable ­ Délégation au développement durable Études & documents | n°12 | Novembre 2009 La coopération entre un intervenant spécialisé dans le sujet à étudier et un prospectiviste est souvent nécessaire d'autant plus si le sujet requiert un socle scientifique important. Un appel d'offres peut demander aux candidats d'intégrer les prestations diagnostic/étude et d'animation prospective en vue d'un contrat unique. Si les prestataires viennent d'horizons différents, il appartient au chef de projet ou au pilote de la démarche de coordonner leurs interventions. Enfin, il peut être souhaitable, dès le départ, de prévoir une phase de concertation (communication/valorisation/appropriation), avec le cas échéant un buget spécifique. La DREAL des Pays-de-la-Loire a en 2009 lancé une enquête sur la demande et l'offre en matière de prospective territoriale auprès des collectivités de la région et auprès d'une sélection nationale de bureaux d'étude et de consultants. Cette enquête souligne : ­ une très faible proportion de collectivités se déclare à l'aise pour passer une commande. ­ Plus de la moitié des bureaux d'étude (BE) considère que les cahiers des charges ne sont pas de qualité. ­ Ils (les BE) se heurtent à des imprécisions non pas techniques mais plutôt à une incompréhension des volontés politiques. Source : http://intra.dreal-pays-de-la-loire.i2/rubrique.php3?id_rubrique=60 Commissariat général au développement durable ­ Délégation au développement durable | 23 Études & documents | n°12 | Novembre 2009 24 | Commissariat général au développement durable ­ Délégation au développement durable Études & documents | n°12 | Novembre 2009 Troisième partie La mise en oeuvre d'un exercice de prospective Un exercice peut se décomposer en quelques grandes étapes : · La connaissance et la compréhension du territoire, de son contexte, du sujet que l'on cherche à décliner sur ce territoire, les acteurs et leurs représentations : le diagnostic. · La prospective comme activité systémique : identification des variables-clé, élaboration des hypothèses et des scénarios d'évolution. · La construction des visions communes de l'avenir. · Les choix stratégiques à envisager. 1. Connaître pour comprendre : études, diagnostics, dires d'experts Il s'agit de comprendre comment les réalités passées, actuelles et à court terme conditionnent le long terme. Plusieurs types de connaissances sont à distinguer : · Le diagnostic territorial « de base » : à la fois les principales tendances d'évolution dans les dimensions démographiques, géographiques, économiques, sociales, incluant les aspects « retrospective », la situation actuelle et des projections de tendances. · La connaissance « territorialisée » et si possible chiffrée du sujet, lorsque la démarche envisagée est sectorielle, (par exemple, un état des lieux de la biodiversité et les tendances de l'érosion de certains milieux et de certaines espèces, un bilan carbone, une connaissance chiffrée et modellisée des déplacements et des tendances...), ainsi que la connaissance générale de ce sujet et de son contexte : les évolutions climatiques, les avancées technologiques par rapport à des prospectives énergie-climat, le fret maritime international pour une prospective portuaire,... ; il s'agit de connaissances à adosser à des travaux internationaux ou nationaux. · Des connaissances spécialisées pour documenter certaines variables considérées comme influentes en cours de travaux : la commercialisation des produits agricoles, l'exploitation forestière, la modification des régimes de tempêtes, les phénomènes d'érosion côtière... · La connaissance des politiques publiques, des leviers d'action et des stratégies d'acteurs, dans les territoires, celle des gouvernances et des jeux et représentations d'acteurs régionaux et locaux impliqués dans les processus d'action qui soustendent le sujet exploré. Les services déconcentrés peuvent être experts pour certaines questions, ils sont plutôt bien « équipés » pour le diagnostic territorial, un peu sur les logiques d'acteurs, beaucoup moins sur les autres types de connaissances. Les engagements prioritaires du Grenelle de l'environnement (adaptation au réchauffement climatique, économie d'énergie, lutte contre l'effet de serre, biodiversité, aménagement et construction durables...), induisent des compétences très spécialisées voire des prérequis scientifiques importants qui ne sont suffisamment maîtrisés ni par les services, ni par les prospectivistes, ni par les consultants en stratégies territoriales. Il est difficile d'imaginer une prospective des effets climatiques sur une façade ou une partie de façade maritime sans s'appuyer sur des climatologues, des océanographes, des géologues, des modélisateurs, autant de compétences que l'on peut trouver au sein d'opérateurs publics de recherche tels Météo-France, le BRGM, l'IFREMER, le Muséum d'histoire naturelle ou bien dans certains laboratoires de chercheurs du CNRS ou de l'université. De la même façon, si la prospective porte sur les scénarios de « décarbonisation » d'un territoire, il est important de pouvoir chiffrer les possibilités de réduction de GES et de comprendre les effets des choix énérgétiques actuels pour arriver à composer des scénarios à partir du croisement des émissions de GES avec des variables tels la démographie, le niveau des revenus par habitant, l'efficacité de la chaîne énergétique (de la production à la consommation) et des dispositifs fiscaux et d'incitation qui seront éventuellement mis en place... L'équipe-projet est confrontée à une triple question, celle des connaissances utiles, du repérage des experts compétents pour réunir ces connaissances et l'utilisation de ces ressources par les ateliers de prospective : mobiliser des experts et des chercheurs et les faire travailler avec les prospectivistes et avec les groupes d'acteurs. Le besoin de connaissances utiles pour les ateliers de prospective ne peut être entièrement prévu à l'avance. Plusieurs types de connaissances peuvent être nécessaires : ­ pour permettre à l'intelligence collective des ateliers de prospective de se « projeter dans l'avenir », en distinguant l'analyse des processus (économiques, sociaux, sociétaux...) et l'analyse de l'action et des acteurs ; ­ un diagnostic «dynamique» : à la fois enraciné dans la durée retrospective longue et présentant un état des lieux tourné vers la simulation de l'avenir. Les analyses énergétiques de la mobilité, des tissus urbains, des « gisements énergétiques » nécessaires pour simuler des scénarios, par exemple, d'étalement ou de resserrement, induisent : ­ une bonne liaison prospective-recherche, ­ une présence de quantitativistes ou de modélisateurs, en général absents des démarches de prospective territoriale. Commissariat général au développement durable ­ Délégation au développement durable | 25 Études & documents | n°12 | Novembre 2009 Le processus de la prospective 0 Évaluation du processus et des produits de l'exercice 7 6 Mûrissement et préparation Pilotage et suivi de la mise en oeuvre 1 Identification et diagnostic prospectif 5 Mesure et choix des actions concrètes Apports des participants 2 4 Désignation des axes stratégiques Définition des enjeux de long terme 3 Construction de la vision commune Le schéma de l'Institut Destrée propose un processus en boucle avec sept étapes précédées par une étape 0 de préparation.. Le centre constitué par les « apports des participants » figure l'idée que la prospective est une affaire collective et renvoit à la notion de collectifs de prospective. Un exercice de prospective territoriale proprement dit couvre les étapes de 0 à 3 ou à 4/5 selon que la partie « stratégie » est séparée ou incluse dans l'exercice. Source : http://www.intelliterwal.net/Documents/2006-12-19_Destatte_Philippe_Guide-Pr 26 | Commissariat général au développement durable ­ Délégation au développement durable Études & documents | n°12 | Novembre 2009 Prospective du Pays d'Aix ­ Jeux d'acteurs ; jeux de cartes La démarche prospective du Pays d'Aix en Provence : une approche spécifique dans laquelle le jeu d'acteurs tient une place aussi importante que la méthode prospective elle même. En effet l'exercice consiste, sur le territoire le plus dynamique de la métropole marseillaise, à la fois à tester la sensibilité des acteurs aux renversements de tendances ou à l'inverse à la poursuite de la tendance observée et à sensibiliser les élus au regard prospectif sur leur territoire afin d'en tirer les enseignements sur les modes d'actions et les orientations des politiques publiques qu'ils peuvent engager notamment dans le cadre de leur future approche du SCOT. Pour cela la démarche initiale du diagnostic a été construite sur la base d'un « mieux connaître, mieux comprendre » (MC²) certes très proche de la logique d'un diagnostic mais élaboré de façon didactique à partir du « jeu de cartes ». Pour repérer les impacts et les leviers d'action, le MC² n'a pas pour objectif l'exhaustivité des champs qui intéressent le Pays d'Aix. Il vise plutôt à se concentrer sur les principaux phénomènes à l'oeuvre qui seront abordés selon cinq angles « d'attaque » : 1. l'économie, l'emploi (les dynamiques, la structure de l'emploi; l'offre territoriale, les filières...), 2. l'habitat et le logement (les modes d'occupation de l'espace, les tensions sur le marché, les besoins, les phénomène démographiques)..., 3. les déplacements, la mobilité(flux internes, flux externes, l'offre de transport...), 4. l'environnement et le cadre et le mode de vie, 5. les échelles de territoire. La démarche consiste alors à croiser deux approches : L'une plus analytique, les « cartes rouges » exercice commun entre services techniques de la CPA (Communauté d'Agglomération du Pays d'Aix) et services de la DDE visant à analyser les phénomènes, les mécanismes de ce territoire à partir de quelques grands thèmes. Approche technique pour comprendre les dynamiques en cours et la particularité de la situation territoriale. L'autre plus politique, les « cartes grises » élaborées à partir d'entretiens avec les élus, comme représentants à la fois de l'expression des attentes et besoins « des gens du territoire » et comme décideurs et porteurs de projets sur ce territoire. Les documents de planification existants (Projet d'agglomération PDU, PLH, Schéma de développement économique, charte agricole, charte de l'environnement...) constituent également autant d'éléments de cadrage pour préparer les entretiens à l'issue desquels seront produites les cartes grises. 15 à 20 élus seront interrogés par un binôme CPA, DDE afin d'exprimer à partir de ces éléments non pas un simple « verbatim » des entretiens de chacun mais bien la synthèse entre les documents politiques de la CPA, les préoccupations de la population traduites par les élus, les objectifs, pistes d'action et ambitions portées par les élus sans gommer les contradictions qui pourraient apparaître. La différence de points de vue pourra apporter d'autant plus de richesses au débat lors de la partie de cartes. Une fois les cartes construites, comment jouer ? Au cours d'une séance spécifique de la Commission Aménagement de la Communauté d'Agglomération ou d'un séminaire, élus d'une part et techniciens CPA et DDE d'autre part, engageront la partie avec la mise sur la table d'une carte grise. Chaque carte grise sera confrontée à une ou plusieurs cartes rouges qui se rapportent (directement ou indirectement) au thème abordé et qui permettront d'élargir le champ d'approche (la question de l'emploi est elle indépendante de celle du logement..) ou au contraire de préciser le questionnement prospectif recherché (quelle dynamique de l'emploi recherche-ton entre des activités de pointe avec emplois qualifiés ou des activités de services avec une offre possible pour résidents locaux...). Il ne restera plus qu'à retenir la préoccupation et formaliser la question support pour la démarche prospective (phases 2 et 3). Il se peut que pour interpeller une carte grise, il soit encore nécessaire de mobiliser de la matière complémentaire. La question pourra faire l'objet d'une définition commune de piste d'études, ou d'expertise complémentaire. Le partenariat continue ainsi. Enfin, il se peut que les cartes grises n'abordent pas un phénomène ou une préoccupation identifiée dans les cartes rouges. Dans ce cas là, l'entrée en jeu pourra se faire par une carte rouge et interpellera l'ensemble des acteurs sur l'intérêt ou l'opportunité du questionnement prospectif correspondant et sa formalisation. Au final, ce sont trois à quatre questions principales qui seront sélectionnées, la phase 2 de la démarche pourra alors commencer. Alain Freyria Source : extrait du Bulletin de liaison de l'atelier N°2. Septembre 2006. Alain Freyria (DDE des Bouches-du-Rhône) a été le chef deprojet de l'exercice de prospective. Commissariat général au développement durable ­ Délégation au développement durable | 27 Études & documents | n°12 | Novembre 2009 2. La prospective comme analyse de système 2.1 L'identification des facteurs de changement (ou variables-clés) La prospective, pour simplifier, part du diagnostic d'un territoire ou d'un ensemble d'enjeux territorialisés (élévation du niveau de la mer/ aménagement du littoral, mobilité et demande de transport à long terme, trajectoires agricoles et rurales...), pour simuler des changements à des horizons donnés, et en imaginer les conséquences sur le territoire, à la fois sur les hommes, les activités, les écosystèmes, les gouvernances... Le travail de recensement des facteurs ou des variables du changement représente une part importante de l'activité des ateliers de prospective. Ces facteurs constitutifs du « système » de représentation de l'avenir, désignent des évènements, des phénomènes, des tendances et des ruptures, des décisions, qui peuvent advenir et qui vont influencer les évolutions, souvent en produisant des conséquences en chaîne. Les facteurs sont de nature très variée. Ils peuvent être « tendanciels » ou exprimer des « faits porteurs d'avenir » (signaux faibles). Ils sont « exogènes » ou extérieurs aux territoires étudiés (nouvelles technologies, évolution de certains comportements, coût des matières premières, coût des transports, réchauffement climatique, présence d'équipements influents en dehors du territoire étudié, stratégie d'un groupe industriel...), ou bien « endogènes » ou interne au territoire (potentialité urbaine, qualité des ressources locales, offre foncière, évolution démographique, capacité entrepreneuriale, intentions de planification existantes, état du parc immobilier...). Ces facteurs n'agissent pas de façon indépendante mais se conjuguent entre-eux. Il s'agit de les caractériser et de les documenter, de les classer (typologie de variables), de repérer les relations entreelles et d'analyser leurs influences croisées potentielles à des horizons définis. Il sera question de variables « motrices », « dépendantes », sensibles..., et de relations d'influence directe ou indirecte, potentielle ou décisionnelle, de faible ou de forte intensité... Le but est d'aboutir à des synthèses classant les facteurs jugés les plus déterminants pour l'évolution d'un ensemble de réalités. Ces synthèses reflètent les dynamiques potentielles du système territorial étudié qui faciliteront l'élaboration d'hypothèses pour construire des scénarios. Ce travail est réalisé collectivement par l'atelier (ou les ateliers) de prospective. L'analyse structurelle9 constitue un outil bien codifié pour conduire ce travail, pour établir des liens entre facteurs et pour examiner et hiérarchiser l'influence des uns sur les autres. Cette analyse doit être anticipée dès la phase de diagnostic. Le diagnostic apporte un questionnement prospectif, des regards sur les réalités présentes et passées qui vont préparer et faciliter la compréhension des tendances et un repérage des variables. C'est par une appropriation des travaux d'étude et de diagnostic que va se forger l'intelligence collective de l'atelier de prospective. Ce jeu collectif doit être régulé, à la fois par le prospectiviste-animateur et éclairé par des dires d'experts dès lors que des interactions de variables touchent à des enjeux qui ont besoin d'être mieux compris. Il subsistera toujours une part de subjectif lié à l'imaginaire des participants qui lui-même évolue en fonction de l'actualité et des grands évènements. Un système de facteurs de changement sera « colorié » différemment avant et après la crise économique, avant et après le Grenelle de l'environnement et la généralisation de la prise de conscience des menaces du réchauffement climatique. « Un système se présente sous la forme d'un ensemble d'éléments en relation. » « Afin d'identifier une liste la plus exhaustive possible des variables, caractérisant le système étudié et son environnement, aucune voie de recherche n'est à priori exclue. Tous les moyens de brainstorming et de créativité sont bons. » (M. Godet, Manuel de prospective stratégique, tome 2, « L'art et la méthode ». Dunod, 2004). Il y a a besoin d'allersretours « souples » entre des apports de connaissance et l'analyse systémique sans pour autant alourdir et retarder l'ensemble. L'analyse structurelle en bref : Définition Méthode permettant d'identifier les variables-clés d'un système et particulièrement celles porteuses d'enjeux pour son évolution. Commentaire L'analyse structurelle donne la possibilité de décrire un système à l'aide d'une matrice mettant en relation tous les éléments constitutifs de ce système. Source : « Les mots-clés de la prospective territoriale », sous la direction de P. Destatte et P. Durance, La Documentation Française, DIACT, 2009. L'exemple des variables thématiques prises en compte dans quelques cas de démarches territoriales de prospective 1) Prospective du Pays de Chateaubriant (DDE De Loire-Atlantique) Démographie, culture, habitat/foncier, communication/transport, déplacement, économie/zones d'activités, développement durable (bruit, éoliennes, déchets), TIC, risques naturels et industriels. 2) Prospective du Pays Centre-Ouest Bretagne (DRE Bretagne) Population résidant, grands équilibres économiques, logements, agro-industrie, tourisme, mobilitéréseau, organisation territotriale. 3) Prospective du Pays d'Aix-en-Provence (DDE des Bouches-du-Rhône) Démographie, habitat/logement, occupation de l'espace, déplacement/mobilité, métropolisation, économie/emploi, revenus, équipement, cadre de vie/environnement. Source : « CIRESE-GEISTEL, Évaluation des démarches de prospective territoriale, MEEDDAT, sept. 2008 .9 - Les méthodes de prospective sont téléchargeables sur le site du CNAM LIPSOR : http://www.3ie.fr/lipsor/ 28 | Commissariat général au développement durable ­ Délégation au développement durable Études & documents | n°12 | Novembre 2009 Le système territorial qui résulte de l'analyse structurelle peut être modélisé. L'outil informatique adapté pour visualiser les interactions de variables au sein du système, est le logiciel Micmac édité par le LIPSOR10. Il en résulte un plan motricitédépendance, c'est-à-dire un classement des variables en fonction de leur influence qu'elles exercent (variables motrices) et de leur dépendance au système (variables dépendantes). Une représentation du comportement du système se dégage progressivement. 2.2 Les hypothèses d'évolution ­ Les scénarios L'analyse sur les facteurs de changement conditionne la suite de la démarche. Une combinaison des facteurs classées en sous-système (de contexte ou exogènes, par domaine, de politiques et d'action locale...) permet d'établir des hypothèses d'évolution à partir desquelles il est possible soit de construire des scénarios soit de passer directement à l'identification des enjeux d'avenir et à la mise en évidence des visions du futur qui reflètent les travaux de l'atelier. L'analyse morphologique11 est l'outil qui permet de guider la combinaison des facteurs et l'élaboration des hypothèses d'évolution portant sur les variables-clés retenues. Comme pour les autres méthodes, il s'agit avant tout d'encadrer la créativité du groupe de prospective, qui constitue l'ingrédient principal pour assurer la réussite de l'exercice. Les choix d'hypothèses et de scénarios ne résultent pas mécaniquement d'une matrice de variables, ils peuvent être intuitifs et porter sur une question spécifique que le groupe choisit d'approfondir par un jeu de simulation : simuler ce qui pourrait se passer si tel évènement survenait ou si telle décision était prise. Une hypothèse de sanctuarisation des terres encore agricoles dans les périphéries d'une grande agglomération aurait des effets induits à simuler sur l'économie agricole, les réseaux de distribution, la mutualisation des initiatives, le foncier, la réorganisation des activités et de l'habitat, etc. De façon générale, une prospective qui porte sur les transitions énergétiques vers des territoires plus durables peut donner lieu à des situations simulées qui seraient le reflet de ce qui pourrait advenir en faisant varier un ensemble de facteurs et en insistant sur certaines combinaisons de facteurs pour composer des scénarios, par exemple : · le scénario de l'inaction, · le scénario d'un cadre réglementaire et fiscal contraignant, · le scénario des ruptures dans les modes de vie, · le scénario des politiques locales volontaristes. L'objectif n'est pas d'opposer les scénarios mais de grossir le trait pour mieux faire apparaître les contraintes et les résistances, les opportunités et les formes d'action à envisager, pour mieux mettre en évidence les enjeux d'avenir et les enjeux d'action. Des scénarios spécifiques peuvent s'emboîter avec des scénarios plus généraux. L'objectif est de simuler ce que peut devenir un territoire ou un ensemble d'activités territorialisées face à des environnements externes plus moins favorables. Des scénarios locaux confrontés à des scénarios de contexte pour examiner les impacts croisés et les interdépendances. Ou également, comme cela a été le cas pour la prospective en Midi-Pyrénées12, des scénarios locaux pour composer des scénarios régionaux : une première série de scénarios portant sur six territoires infra-régionaux a contribué à l'élaboration des « macro-scénarios » régionaux : l'étalement métropolitain en tache d'huile/, l'avènement des féodalités, logique locale concurrentielle/, la fin du rayonnement, territoire appauvri/, la Californie méridionale pour cadre supérieur (Région haut de gamme)/, le Régionalisme affirmé (développement équilibré et solidaire, pour un rayonnement local)/, Un pour tout, Tous pour un (développement local plus équilibré global, rayonnement national, international)13. Les scénarios résultent du travail collectif en atelier. Ils produisent des images et des « récits » informés et ouvrent vers une diversité de possibles non imaginés. Ils sont qualitatifs, exprimés de façon littéraire avec peu de représentations graphiques et en général non quantifiés. Les progrès de la modélisation (tous relatifs pour faire face à trop de complexité et à des ruptures de tendances) permettent d'envisager des scénarios partiellement chiffrés. Les priorités du Grenelle de l'environnement dont les objectifs à terme sont quantifiés (réduction des émissions de GES, énergies renouvelables...) devraient induire des travaux de modélisation incorporés à des démarches de prospective. Pour échafauder des scénarios de transition vers un territoire rejetant peu de GES, il faut évaluer les possibilités de réduction des émissions et les effets sur l'emploi et sur la mobilité. Pour y arriver, il faudrait savoir modéliser, « toutes choses inégales par ailleurs » des horizons de trente ans et davantage. Une quantification des scénarios de mobilité a été tentée en Baie de Seine14 avec des résultats encore peu probants. Des expérimentations sont à conduire. Cette perspective nécessitera d'introduire davantage de sciences économiques dans les démarches de prospective territoriale « post-Grenelle ». 2.3 Les visions souhaitables. La prospective normative consiste à élaborer une vision « souhaitable » du futur et à rechercher le L'analyse morphologique est un outil d'emboîtement des variables influentes, permettant de faciliter l'explicitation des hypothèses de scénarios. Le terme « scénario » exprime : ­ la multiplicité des images futures possibles et souhaitables ­ et la multiplicité des stratégies et des projets pour arriver à atteindre un but que l'on s'est fixé. Il est important de distinguer ces deux grandes familles : scénarios de contexte et scénarios locaux. Des scénarios de locaux confrontés à des scénarios de contexte : selon les hypothèses respectivement d'une agriculture pilotée par les grandes entreprises de l'agroalimentaire et d'une multifonctionnalité à orientation bio, les futurs possibles seront très différents. Des passerelles entre travaux prévisionnels chiffrés et démarches de prospective territoriale sont difficiles à établir. Pour quantifier les émissions de carbone dans les scénarios, il est nécessaire d'expérimenter à diverses échelles pour adapter la modélisation prévisionnelle aux démarches de prospective. 10 - Laboratoire d'Innovation, de Prospective Stratégique et d'Organisation. 11 - Les méthodes de prospective sont téléchargeables sur le site du CNAM LIPSOR : http://www.3ie.fr/lipsor/ 12- Cf. partie en annexe. 13 - L'ETAT face aux FUTURS des TERRITOIRES. Analyse comparée et évaluation de démarches de prospective territoriale conduites par les services extérieurs de l'Equipement en 2005-2007. Guy Cauquil, Christian Lemaignan, Guy Loinger, François Rousseau. CIRESE-GEISTEL Septembre 2008 14- il s'agit de l'exercice de prospective de la mobilité en baie de Seine. Cf. partie en annexe. Commissariat général au développement durable ­ Délégation au développement durable | 29 Études & documents | n°12 | Novembre 2009 Prospective scientifique et prospective stratégique. Les problématiques du Grenelle de l'environnement, souvent à contenu scientifique très affirmé, tendent à remettre en question la séparation plus ou moins convenue entre une prospective d'experts et de scientifiques qui n'auraient pas vocation à construire des stratégies et une prospective d'acteurs « stratégique », pour de plus en plus placer les chercheurs au coeur des stratégies territoriales et les acteurs au coeur des mutations scientifiques et technologiques le plus souvent exogènes par rapport aux territoires mais influents sur leur évolution. Les travaux du GIEC sont emblématiques de l'hybridation entre le scientifique et le stratégique et le politique. L'affirmation du caractère scientifique influe sur les façons de poser les problèmes, de comprendre les enjeux, de concevoir les démarches, de construire les scénarios et les visions. En même temps les incertitudes de la connaissances, les points de vues et approches variés des experts et des chercheurs, ont besoin d'être confrontés aux réalités des territoires, aux questions des controverses et d'acceptabilité sociale et économique. Des travaux de prospective territorialisés et les débats qui en résultent pourraient concrètement ambitionner de rapprocher des « mondes scientifiques » avec les acteurs, les services et les populations locales. Des prérequis scientifiques Certains sujets nécessitent des approches scientifiques et un environnement de chercheurs dès l'amont d'un exercice. Une prospective de l'élévation du niveau des mers et des phénomènes climatiques extrêmes susceptibles d'y être associés qui risquent de survenir et d'avoir des effets sur les milieux et les activités littorales et côtières, a besoin de s'appuyer sur un socle de connaissances climatiques, océanographiques, géomorphologiques... Ces connaissances qui incluent de grandes marges d'incertitudes, sont à décliner en fonction des réalités locales : humaines, géographiques, socioéconomiques, écosystémiques. Une connaissance spécialisée appliquée à un territoire détermine fortement la nature du diagnostic ainsi que le choix des variables de changement et des scénarios. L'ensemble des questions territorialisées de lutte contre les effets de serre et d'économie énergétique implique des approches quantitatives. Ce qui est possible pour les diagnostics : bilans carbones, analyses énergétiques de morceaux de villes et de formes urbaines..., doit l'être également pour la simulation de scénarios. Toutefois focaliser les efforts de quantification sur des dimensions spécifiques risque de déséquilibrer des travaux de prospective territoriaux qui visent des approches plus globales et plus complexes. Cette limite pose la question difficile de la modélisation prospective. La question de la modélisation prospective Le recours à des dires d'experts pour éclairer et accompagner un atelier de prospective risque de se révéler insuffisant lorsqu'il s'agit de simuler les conséquences de certains choix stratégiques sur l'activité, l'évolution sociale, l'environnement et pour apprécier si ces choix ont une chance d'atteindre les objectifs de décarbonification et de réduction énergétique. La recherche d'une quantification des scénarios obtenus par une combinaison de variables aussi divers que les taxes, l'ouverture de certains marchés de l'énergie, les évolutions technologiques, la raréfaction des ressources, les changements de comportement..., implique une modélisation prospective pour pouvoir véritablement déboucher sur des souhaitables réalistes et plausibles. Les travaux de modélisation sont appliqués à des grandes échelles continentales, supranationales, nationales. À titre d'exemple, l'IDDRI15 et l'EpE16 pilotent un exercice de modélisation des politiques climatiques en simulant un certain nombre de scénarios. L'objectif est de dégager quelques visions globales d'un monde « post-carbone » pour mieux caractériser des politiques de transition envisageables. Ce type de travaux est peu territorialisé et peu transposable aux échelles locales. Il serait intéressant de mener des expérimentions territoriales par un recours à des « modélisateurs créatifs » capables par approximations successives, de créer ou d'adapter un modèle en mesure d'intégrer des séries de variables et de simuler des scénarios très diversifiées. Source : Claude Spohr, Mission prospective. 15 - Institut du Développement Durable et des Relations Internationales et Entreprises pour l'Environnement. 16 - Entreprises pour l'Environnement 30 | Commissariat général au développement durable ­ Délégation au développement durable Études & documents | n°12 | Novembre 2009 consensus pour transformer cette vision en but vers lequel il faudrait aller, un but souhaitable, acceptable et plausible. Dans une perspective « Grenelle de l'environnement », c'est l'image du territoire « durable », ce qui peut être envisagé pour un nouvel équilibre entre croissance, cohésion et les contraintes de changement imposées par la nécessité de réduire les GES, de n`utiliser que très peu les ressources et les énergies « fossiles », de transformer la nature des activités et des emplois, des modes de vie, de consommation, de déplacement... Le « normatif » c'est aussi la recherche du but « nécessaire » à... contribuer à « sauver la planète », à atteindre les objectifs « facteur 4 » dans un territoire, à enrayer l'érosion de la biodiversité, à mobiliser les forces économiques et sociales en faveur de modes de production et de consommation plus « soutenables »... En ce sens il est possible de parler de « vision stratégique » et « partagée ». Ainsi, à Växjö, en Suède, la vision d'une ville sans carburant fossile, a contribué à une cristallisation des énergies et à une multiplication de projets qui ont permis d'augmenter la part des énergies renouvelables de 20 à 30% entre 1993 et 1998 et de réduire l'ensemble des émissions de CO2 de 16 à 17 %17. Ces très bons résultats se poursuivent et ont été récompensés par un prix d'excellence internationale en 2000. La prospective dite normative procède des mêmes méthodes que la prospective dite exploratoire : entre la « créativité subjective » (imaginer un avenir idéal pour votre ville) et des méthodes plus rigoureuses d'analyse structurelle pour déboucher sur des scénarios dits souhaitables ou nécessaires pour que... Ce qui change c'est la problématique de départ : quel territoire demain résultera d'une politique « vertueuse » ou jugée nécessaire dans les domaines énergie/climat, de la croissance verte, d'une agriculture plus « raisonnée », etc. 2.4 Les enjeux de l'avenir et les visions du futur. Que peut on tirer des scénarios ? Les scénarios qui décrivent de « possibles » et/ou « souhaitables » situations à un horizon donné ont leur utilité propre. Ils contribuent auprès de différents acteurs et participants à transformer leur façon d'envisager l'avenir. Leur portée pédagogique en fait des supports pour le débat, la communication voire selon la nature de leur instrumentalisation pour le « marketing stratégique ». Le travail de synthèse des scénarios et des visions qui en résultent doit conduire à un retour sur les enjeux pour arriver à expliciter les enjeux d'avenir qui vont conditionner positivement ou négativement les stratégies et les voies d'action à envisager. Il est possible d'achever l'exercice avec une telle synthèse qui met en évidence les enjeux du futur pour mettre au point les documents et outils qui vont permettre de restituer les résultats à des décideurs et à des acteurs ou plus largement à un public, qui n'ont pas participé à l'exercice : communiquer pour ouvrir un débat et pour rechercher une « appropriation » des visions et des enjeux. Dans cette hypothèse, la phase de recherche de stratégies est différée. Pour certains l'exercice reste inachevé. Dans la perspective de préparer des choix de stratégie pour l'action et dans le prolongement des politiques pour différents acteurs coordonnées entre elles et cohérentes avec les choix, que peut-on attendre d'autre des scénarios ? Il est possible d'analyser plus en profondeur certains des scénarios au regard des jeux et des stratégies d'acteurs, de l'acceptabilité de leurs impacts sur le social, l'économique et/ou l'environnemental. À titre d'exemple, l'atelier peut soumettre certains scénarios (et enjeux d'avenir) à une analyse « SWOT18 » (forces, faiblesses, opportunités, menaces) et simuler leurs effets sur les stratégies acteurs (collectivités locales, forces économiques, État..), pour identifier les problèmes, les changements à envisager, les fausses pistes à éviter... dans le but d'envisager des « politiques robustes et résilientes19 ». Plus généralement, il est possible de sélectionner deux scénarios (par exemple) pour engager un travail de simulation de stratégies d'acteurs pour décrire les voies de transition pour arriver à atteindre la situation future envisagée par ces scénarios. C'est une façon de rentrer dans le schéma évoqué d'une prospective de « backcasting », du futur au présent. 2.5 La prospective des « voies d'action », la recherche de « stratégies de durabilité » Les voies d'action pour arriver à atteindre la situation future qu'elle soit possible, nécessaire ou souhaitable sont multiples. Dès lors elles ouvrent un champ pour simuler des scénarios d'action et leurs conséquences. La question fondatrice d'une « prospective des chemins », de « back casting » (du futur vers le présent) est la suivante : quelles stratégies sont nécessaires pour réorienter l'action publique de telle façon à avoir une chance d'atteindre le but et les objectifs qui ont été fixés pour un horizon donné ? Il s'agit d'un pas de plus, non seulement l'image future susceptible de donner lieu à des choix de stratégie d'action mais la vision de l'action, publique notamment, cohérente avec ces choix. Il ne suffit pas de dire que tout exercice de prospective sérieux déroule les « chemins » pour accompagner les scénarios ou pour arriver à des finalités d'action. L'importance de cette dimension conduit à la Un scénario au fil de l'eau peut donner à voir les impasses d'une trajectoire engagée. La synthèse des scénarios doit aboutir à expliciter les enjeux de l'avenir. Des scénarios qui « ouvrent les horizons » à la simulation des voies d'action pour y conduire. La mutiplicité des voies d'action possibles ouvre un vaste champ pour simuler des scénarios axés sur les stratégies d'action. 17 - Se reporter au site : énergie-cités.org. 18 - Strengths, weaknesses, opportunities, threats. 19 - Pour reprendre l'objectif d'un exercice de "foresight" qui a adopté ce jeu de simulation à partir de quatre scénarios : "Powering our lives : sustainable energy management and the build environment", "Appendix II : using the scenarios. http://www.foresight.gov.uk/ Energy/EnergyFinal/final_project_report.pdf Commissariat général au développement durable ­ Délégation au développement durable | 31 Études & documents | n°12 | Novembre 2009 distinguer pour mieux la souligner et pour préconiser de la rendre explicite dans les exercices de prospective à envisager. Les thématiques du Grenelle doivent permettre de décliner la question des voies de la durabilité ou celles des politiques soutenables : · Pour arriver à réduire les émissions de GES en quantité suffisante pour atteindre une objectif de réduction de facteur 4 en 2050, comment s'y prendre, sur quels leviers agir et à quels coûts en fonction d'une série d'hypothèses sur l'urbanisation et sur une transformation progressive des « formes urbaines » qui va remodeler le territoire et la société locale d'ici 2050, sur l'évolution des demandes et des offres énergétiques, sur l'évolution des transports et du parc automobiles, sur les efforts de réhabilitation énergétique du parc d'immeubles, ... ? · Pour arriver en moins de 20 ans à réhabiliter thermiquement le parc immobilier existant, fautil détruire une partie du parc, déplacer une partie de la population, dans le cadre de quel urbanisme, comment financer l'effort, inciter aux initiatives privées, ... ? · Pour développer des systèmes d'assainissement sans procédés chimiques en milieu rural, comment se situer, avec quelles avancées techniques, avec quel type d'opérateurs, à quels coûts, avec quelles conséquences locales ? Pour ces exemples, de nombreux hypothèses sont envisageables, leur mise à plat comparative est une question de prospective de nature à renouveler de façon très positive le registre des « études techniques ». Une prospective qui simule des chemins d'action induit une recherche d'impacts. Si telle action ou tel projet est entrepris, quels seront les effets sociaux, économiques, environnementaux, financiers, ... ? Si la forêt est exploitée pour produire davantage d'énergie, quelles seront les conséquences sur la biodiversité, sur le développement économique local et régional, sur les filières concurrentes, sur les services récréatifs que peut procurer la forêt, ... ? Pour les territoires, les expérimentations qui se penchent sur les voies d'action sont prioritairement à conduire d'autant qu'elles sont peu pratiquées, en France moins que dans les pays anglo-saxons. La présence d'experts et de chercheurs dans les ateliers de prospective est à renforcer. Les thématiques « Grenelle de l'environnement » à territorialiser fournissent de nombreuses occasions. La recherche de stratégies pour l'action en réponse à la question « que faut-il faire pour que... ? » La complexité d'une telle recherche induit un travail de simulation de l'action et des projets et de leurs effets sur les sociétés locales, sur l'activité, sur l'environnement, pour en retour pouvoir apprécier le caractère acceptable et soutenable des politiques envisagées. Trois types d'exercices de prospective Point de départ Conscience de la nécessité de réorienter l'action territoriale Nature de l'exercice Buts recherchés Effets attendus Un questionnement sur l'avenir Que peut-il advenir? Prospective exploratoire Des connaissances sur le les enjeux pour l'avenir futur les visions possibles du futur Un décloisonnement des secteurs et des disciplines Un changement des représentations Un horizon à atteindre Une (ou des) vision(s) Une vision qui « mobilise » souhaitable(s) et réaliste(s) Un rapprochement des points de vue et une recherche de consensus Des représentations Les lignes d'action pour convergentes pour atteindre le but coordonner l'action Les conséquences de l'action Eclairer les décisions de réorientation de l'action Les conditions pour agir Où voulons-nous aller? Prospective normative Une vision de l'avenir Une intention/un projet Des objectifs à concrétiser Comment y aller? Prospective de l'action et des chemins Les trois types d'exercices peuvent se succéder dans le cadre d'un processus continu.Ils peuvent se pratiquer de façon indépendante. Source : Claude Spohr, Mission prospective 32 | Commissariat général au développement durable ­ Délégation au développement durable Études & documents | n°12 | Novembre 2009 Quatrième partie De la prospective à la stratégie d'action 1. Une recherche de changement de stratégie La prospective définit des visions d'avenir dans une perspective de stratégie d'action. La « stratégie » cherche à les transposer en action. Pour cela il est nécessaire que les principaux acteurs des territoires puissent adhérer aux visions proposées (ainsi que de plus en plus les sociétés locales et civiles) et que les « décideurs » puissent ajuster leurs stratégies avec les choix de long terme et conduire en cohérence des plans d'action et des projets de territoires. La prospective agit sur la transformation des représentations des acteurs qui ont pris conscience d'une nécessité de changer les lignes d'action. La prospective exploratoire en ouvrant de nouveaux horizons contribue à préparer les acteurs à changer de système d'action. La prospective « normative » s'attache à un horizon « souhaitable » pour proposer une ambition à un territoire orientée par les exigences du Grenelle de l'environnement. La prospective de l'action explore les cheminements pour concrétiser cette ambition. Une recherche de stratégie appuyée sur des visions à long terme représente un modèle de management de l'action publique encore peu usuel mais à développer à la mesure de l'ampleur des incertitudes et des risques de se tromper de ligne d'action. L'action sans vision prospective, globale et partagée est le plus souvent la règle. Convenablement instrumentalisées, les connaissances et les visions prospectives contribuent à une dynamique entre acteurs à la recherche de finalités pour l'action, susceptible de favoriser un passage vers des « stratégies territoriales ». En ce sens il est possible de parler de « prospective territoriale stratégique ». Par la qualité du travail sur les enjeux et les contenus, par celle de la dynamique entre acteurs, chaque exercice de prospective qui ambitionne une influence directe ou indirecte sur l'action, doit faire sa propre démonstration pour « mériter » ce qualificatif de « stratégique ». Concrètement la prospective aide à comprendre les mutations, modifie les visions des acteurs, contribue à en élaborer un discours (de changement) stratégique. Elle peut proposer une ambition à long terme et certaines pistes d'action mais il est plus difficile de transformer la (ou les) vision(s) qui en résulte(nt) en une volonté politique recueillant une adhésion active des acteurs et des « citoyens ». Il paraît également difficile de trouver les consensus pour rendre cohérente l'action entre des parties prenantes qui ont au départ des intérêts et des visions opposés sur ce qu'il faut faire. Comment établir un pont entre une production collective de connaissances et de visions et un processus complexe de décision et d'action ? Comment passer de récits et d'interpellations sur l'avenir à des choix de stratégies et de coopération de nature à transformer l'action et les projets structurants ? La prospective permet d'imaginer et de proposer des visions de l'avenir; celles-ci doivent être « partagées » : c'est la première condition pour que des décideurs acceptent de modifier leur système d'action. Passer de la vision à la stratégie revient à se poser la question : une vision alternative du territoire peut-elle influer sur le système de décision qui va organiser aujourd'hui et demain le territoire d'aprèsdemain ? 2. De « la vision » à « la vision partagée » L'exercice de prospective, même conçu de façon très participative, reste confiné à ceux qui y ont pris part. Les élus et les décideurs sont rarement présents dans les ateliers de prospective. La décision se situe hors du champs de la prospective et de l'élaboration de propositions. Elle porte sur des choix d'action complexes qui induisent des décideurs nombreux et des intérêts disparates. « De l'anticipation à l'action par l'appropriation »20 Dès lors, il s'agit de rechercher les meilleures conditions pour que ces décideurs et les acteurs influents et leurs organisations puissent s'approprier les résultats et les acquis du travail de prospective. L'appropriation permet de procéder à un « partage » des analyses et des représentations en mesure de préparer les esprits à orienter autrement certains choix stratégiques et à envisager une action plus « soutenable » et mieux intégrée. Dans quelle mesure une prospective du développement et de l'aménagement durables peut-elle concrètement préparer des changements de stratégies dans les territoires ? Trouver des passerelles entre la prospective et la stratégie. 20 - Michel Godet, "Manuel de prospective stratégique", Dunod, 2 tomes, 4ème édition, 2007. Commissariat général au développement durable ­ Délégation au développement durable | 33 Études & documents | n°12 | Novembre 2009 Anticipation (Logos) Appropriation (Ephitumia) Action (Erga) Le triangle grec « Le logos (la rationalité qui aboutit au bleu de l'anticipation) se conjugue à l'épithumia (le désir qui est à la source de toute appropriation) pour donner l'erga (les actions, les réalisations). » Source : Michel Godet 3. La mise en débat Le processus de recherche de visions et de finalités doit se prolonger par un processus de mise en débat des hypothèses et des scénarios qui résultent de l'exercice et de confrontation d'idées et de visions. Il devient ainsi nécessaire de représenter les scénarios, les résultats et les propositions de façon pédagogique (y compris par l'image et la vidéo) et de multiplier les lieux de débat à destination de divers publics. Une prospective réussie bouscule les « gouvernances ». Ainsi le détour par un futur plus lointain peut donner lieu à une « prise de hauteur » chez des acteurs de nature à progresser vers une « vision partagée » de ce que pourrait être l'intérêt collectif pour un ensemble de sujets donnés. Dès lors la « gouvernance territoriale » devrait se retrouver sur un terrain plus favorable pour changer certains choix d'action et pour susciter et soutenir des initiatives et des projets. 34 | Commissariat général au développement durable ­ Délégation au développement durable Études & documents | n°12 | Novembre 2009 Cinquième partie Retour sur les services Sur quelles ressources s'appuyer ? 1. L'exercice de prospective : des positionnements possibles pour les services. Les services sont invités à prendre leur part aux transformations des politiques territoriales pour les « grenelliser » et les rendre plus soutenables. Ils sont légitimes à faire de la prospective. Il leur est possible de s'engager dans trois voies : · Inciter à en faire. Analyser et questionner de façon à susciter le besoin d'un exercice de prospective sur un sujet et une problématique donnés auprès d'un ensemble de collectivités. · Engager un exercice en propre en suscitant un partenariat avec des collectivités et d'autres acteurs et une « gouvernance intégrée » pour conduire en commun un exercice. · Engager un exercice en propre pour rassembler les points de vue au sein de l'État et pour constituer, notamment au plan régional, des visions et des « discours stratégiques ». Les choix de posture de l'État territorial découlent d'une part de la nature des relations entre les services et les collectivités et de leurs négociations préalables, d'autre part de l'appréciation de la capacité des services à mener des travaux de prospective et à porter un « discours stratégique ». L'alternative se réduit à : travaillons ensemble sur les stratégies territoriales de développement durable ou bien de façon séparée en différant les occasions de débat et de confrontation des points de vue, des idées et des propositions. Dans tous les cas, il faut adosser les exercices envisagés à de réels enjeux de territoire : développement des différentes formes d'énergies renouvelables, devenir d'un grand équipement (par exemple Canal Europe-Seine du nord), directive territoriale d'aménagement et de développement durable (DTADD), érosion côtière sur une façade maritime, création d'un parc national ou régional... Cela a été dit, il est important de le répéter. sujets appliqués à un même territoire. Il intègre la nécessité de l'action à court terme et les horizons à long terme. Les services en prenant l'initiative de travaux de prospective, doivent intégrer le plus en amont possible l'idée que des débats et des confrontations devront se tenir pour avancer progressivement vers des visions partagées de ce qu'il faudrait entreprendre. Le processus peut-il intégrer la question d'un partage des visions avec différents niveaux de « représentation » de la « société civile » pour s'inspirer du modèle de « gouvernance à cinq21 » caractéristique des travaux du Grenelle de l'environnement ? L'État seul ne peut pas y apporter de réponse. La nature de la négociation avec les collectivités territoriales est déterminante. Eviter le problème peut affaiblir une démarche de prospective dès lors qu'elle ambitionne une recherche de stratégies. La prospective comme contribution et méthode pour construire l'intérêt collectif dans un territoire. 3. Les compétences et les moyens La question des compétences, des savoir-faire, des moyens des services n'est pas moins importante. Elle conditionne en partie la volonté et les modalités du positionnement de l'État régional et local. « Toutes les DREAL ont intégré l'enjeu de la connaissance des territoires dans leurs orientations stratégiques. »22 Cette logique d'étude territoriale nécessite une capacité d'observation et de compréhension des situations et des tendances d'évolution, d'analyse (souvent) systémique et prospective, qui a fait l'objet d'efforts continus depuis une dizaine d'années. La conjugaison du Grenelle de l'environnement, des réorganisations centrale, régionale et départementale et des grandes mutations de gouvernance en cours, implique un renouvellement de cette capacité. La période marquée par des réductions de moyens et d'effectifs y est peu favorable. Mais en même temps le regroupement de compétences et de personnels dans des services recomposés et moins émiettés peut être porteur d'un renouveau de « l'intelligence territoriale » par des approches moins cloisonnées, plus systémiques et plus stratégiques. 2. Le développement durable induit un besoin de stratégies partagées par les acteurs territoriaux L'intérêt collectif se construit avec les principaux acteurs préoccupés par un même ensemble de Une prospective adossée à des pôles de connaissance sur les territoires ; des connaissances à renouveler pour prendre en compte les « nouveaux » sujets du Grenelle de l'environnement. 21 - Collectivités, entreprises, syndicats, ONG, État. 22 - Groupe de travail du collège « aménagement, urbanisme, habitat durables sur la connaissance des territoires ». Document de travail CGEDD du 18 mars 2009. Commissariat général au développement durable ­ Délégation au développement durable | 35 Études & documents | n°12 | Novembre 2009 Pour arriver à « penser l'avenir », la capacité d'analyse territoriale doit se conjuguer avec le développement d'une connaissance scientifique et technique, dans les grands domaines du climat, de l'énergie et de la biodiversité notamment, sur une série de sujets encore peu maîtrisés par les services mais décisifs pour le devenir des territoires et pour une soutenablité des politiques publiques. Ces ressources sont de plusieurs types : · Le conseil sur mesure, l'assistance technique et méthodologique. · La « banque » d'exemples ou de bonnes pratiques. Un centre de ressources en ligne sur le site de la DIACT23 fait un inventaire des travaux de prospective territoriale. Des liens permettent d'en visualiser une grande partie. · La « banque » de travaux de prévision et de prospective internationaux et nationaux dans les domaines du développement durable. Un nombre considérable de travaux de prospective sectorielle sont réalisés telle « la forêt française en 2050210024 » pour ne citer qu'un ouvrage très récent. Ce type de travaux peut contribuer à éclairer le contexte local. Certains de ces travaux peuvent apporter des données et des connaissances utilisables, indiquer des tendances exploitables et fournir des scénarios de nature à stimuler l'imagination et de contribuer à orienter une démarche locale. Ces travaux, souvent en anglais, se trouvent sur internet. À titre d'exemple : les travaux anglais sur le changement climatique et sur l'adaptation à ces changements qui résultent d'un effort considérable de recherche et de prospective générale et territorialisée. Ils n'ont pas d'équivalent en France et se trouvent sur le site de l'UKSIP25. Autre exemple : le Millenium Ecosystem Assessment (MEA) présenté ci-après. De façon générale, les ressources sur internet portant sur le réchauffement climatique, les perspectives énergétiques, les solutions technologiques, l'épuisement de la nature, les politiques d'action et la gouvernance, sont importantes et foisonnantes. Pour se limiter aux aspects villes et énergie-climat, il est possible de citer deux réseaux principaux en Europe : Energie-Cités et The Climate Alliance of European Cities26. · Des réseaux d'échanges d'expériences et de bonnes pratiques. L'atelier des référents pour la prospective dans les services est un bon exemple. Le ministère est famillier de l'action en réseau qui prend la forme de clubs, d'ateliers, de groupes de travail, régionaux, interégionaux ou centraux, parfois ouverts à des partenaires et des professionnels externes, parfois réservés aux seuls services du ministère. Les têtes de réseau sont les services eux-mêmes, centraux ou déconcentrés, ou des opérateurs proches tels le CERTU27 ou les CETE, parfois des CIFP28 (notamment par une poursuite « déconcentrée » de l'atelier de référents par les CIFP de Toulouse et de Paris). L'organisation tourne le plus souvent autour d'une activité spécifique (par exemple le diagnostic territorial) souvent croisée avec une thématique (par exemple la prise en compte du développement économique), avec une double utilité : développer les pratiques et les savoir-faire locaux et faire progresser la « doctrine » centrale. Ce domaine, le diagnostic territorial, continue avec une forte dimension de Constituer un appareillage de connaissances et des services capables de les mobiliser apparaît à la fois comme une ambition nécessaire et un défi de gestion des ressources et des moyens considérable et difficile à concrétiser. La réussite du développement et du renouveau de pôles connaissances dans les DREAL en relais avec les futures directions départementales, ouverts sur le monde extérieur, appuyés sur le réseau technique et les savoirs de la recherche, constitue un fondement essentiel de l'apport stratégique de l'État dans la « territorialisation du Grenelle de l'environnement ». Ces pôles à constituer progressivement doivent fonctionner en réseau, s'ouvrir à des travaux de prospective à envisager comme des « productions » collectives en « mode projet ». Leur concrétisation interroge sur les moyens humains et les outils que les services pourront mobiliser et former, ainsi que sur leur adossement à des ressources techniques, scientifiques et méthodologiques et à des plates-formes d'échanges. 4. L'exercice de prospective territoriale au sein de l'activité de prospective dans les services déconcentrés Le passage de la connaissance sur l'avenir à un raisonnement et à un positionnement stratégiques dans le cadre d'une gouvernance territoriale en cours d'évolution, nécessite la recherche collective de visions globales à long terme. C'est là où il convient de situer l'exercice de prospective territoriale qui fait l'objet du présent ouvrage. L'activité de prospective dans les services ne s'y limite pas. L'exercice représente l'un des volets de cette activité, à côté des diagnostics prospectifs et des travaux de veille couplés aux travaux d'évaluation des politiques publiques et d'évaluation environnementale. L'exercice de prospective est à la croisée des stratégies de connaissance, de gouvernance, d'action et d'évaluation des politiques publiques. L'exercice, imaginer collectivement le territoire demain, contribue à une acculturation des services à la prospective de nature à favoriser la curiosité intellectuelle et une intelligence plus décloisonnée. Dans une telle perspective, il contribue aussi à la formation des agents au développement durable. 5. Les ressources pour l'activité de prospective Les prospectives territoriales restent rares. La répartition très inégale des compétences sur le territoire induit avec une certaine acuité la question des ressources sur lesquelles les maîtres d'ouvrage des exercices envisagés peuvent s'appuyer. 23 - http://www.diact.gouv.fr/fr_1/evaluation_prospective_48/br_prospective_239/ 24 - « La forêt française en 2050-2100. Essai de prospective » Conseil général de l'agriculture, de l'alimentation et des espaces ruraux, éditions Cêtre, mars 2009. 25 - UK Society of Investment Professionals, www.ukcip.org.uk/ (transformé récemment en CFA Society of the UK, cfainstitute.org). 26 - http://www.energie-cites.eu/ et http://www.klimabuendnis.org/ 27 - Centre d'étude sur les réseaux, les transports, l'urbanisme et les constructions publiques. 28 - Centres interégionaux de formation permanente. 36 | Commissariat général au développement durable ­ Délégation au développement durable Études & documents | n°12 | Novembre 2009 prospective, a faire l'objet d'une animation en réseau pilotée par la DGALN29. Les réseaux réguliers dans le domaine de la prospective territoriale sont rares. La DIACT par son réseau « Prospective Info » organise régulièrement des journées d'information, d'échanges et de débat. L'OIPR30 qui est une association, anime depuis dix ans cinq à six séminaires par an consacrés à la prospective territoriale. · La formation permanente. L'offre régulière est rare et se limite quasiment aux séminaires de prospective organisés par « Ponts-Formation » (filiale de l'ENPC31) et par Futuribles-International32. L'Institut de formation à l'environnement (IFORE) souhaite s'engager dans cette voie. Des ressources pour l'avenir En se recentrant sur une « prospective territoriale post-Grenelle de l'environnement », la « Mission prospective » constitue, aux côtés de la DIACT, le principal centre de ressources pour les services déconcentrés et pour les territoires. Elle a été mise en place au sein du Commissariat général au développement durable en se conjuguant avec les autres fonctions transversales du commissariat : observation/statistiques, évaluation, recherche et stratégie qui constituent autant de ressources potentiellement utiles pour les exercices de prospective territoriales aux côtés des expertises plus sectorielles que peuvent apporter les directions générales. La Mission peut apporter des conseils à la demande. Elle entreprend des travaux de prospective axés sur les transitions possibles vers des territoires et des sociétés plus durables et vers des politiques plus soutenables : transitions vers des « villes post-carbone », vers une « économie écologique »33. La Mission engage également un travail de veille internationale. Certains résultats de la veille et des travaux nationaux pourront être valorisés en direction des services et des territoires. De façon plus générale, la prospective s'organise au sein de l'État. Le Centre d'analyse stratégique (CAS) coordonne le réseau des centres de prospective ministériels. De tels centres sont clairement identifiés dans la plupart des ministères. Outre la Mission prospective du MEEDDM34, le centre de la DIACT et le CAS lui-même, les travaux des centres respectifs du ministère de l'agriculture et de la pêche et de la Délégation interministérielle de la ville peuvent le plus intéresser et inspirer les services territoriaux engagés dans des travaux de prospective. Enfin dans le prolongement du présent ouvrage, la Mission prospective souhaite aider les services à développer des travaux de prospective territoriale au service de la Stratégie nationale de développement durable. La principale voie ouverte est un appel à projets qui pourrait notamment s'appuyer sur les territoires « présentant des enjeux tels que l'État pourrait souhaiter élaborer, en association avec les collectivités, une directive territoriale d'aménagement et de développement durables » qui auront été identifiés en application de la circulaire du 23 mars, de territorialisation de la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement. Un débat avec les directeurs régionaux sur l'opportunité, les orientations et les modalités doit en être le préalable. 29 - Direction générale de l'aménagement, du logement et de la nature. Le réseau est plus précisément animé par le bureau des études de la sous-direction de la performance 30 - Observatoire International de Prospective Régionale. 31 - École Nationale des Ponts-et Chaussées. 32 - http://www.futuribles.com/ 33 - Pour une rève description des fonctions et programme de la Mission, voir : Horizons 2030-2050, Lettre de veille n°1, Missions prospective, Délégation au Développement Durable, juillet-août 2009. 34 - Ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer. Commissariat général au développement durable ­ Délégation au développement durable | 37 Études & documents | n°12 | Novembre 2009 Un exemple de prospective mondiale qui constitue une référence pour les exercices de prospective de la biodiversité Le Millenium Ecosystem Assessment (MEA)36 L'Évaluation pour le Millénaire (MEA ­ Millenium Ecosystem Assesment) a été lancée en 2001 par l'ONU afin de fournir une information scientifique sur les conséquences des changements dans les écosystèmes sur le bien-être humain (human well-being) ainsi que des options pour répondre à ces changements. Plus de 1 300 scientifiques de 95 pays ­ mais peu de Français ­ ont participé à ce projet. L'objectif de MEA était « d'évaluer les conséquences de l'évolution des écosystèmes sur le bien-être humain, dans le but d'identifier les actions nécessaires pour une meilleure préservation et utilisation des écosystèmes au service de l'homme ». Selon ses auteurs, le MEA peut s'utiliser : ­ pour identifier des priorités d'action; ­ comme repère pour de futures évaluations; ­ comme cadre et source d'outils d'évaluation, de planification, et de gestion; ­ comme source d'une vision anticipée relative aux conséquences des décisions affectant des écosystèmes; ­ pour l'identification des options de réponses en vue d'atteindre des objectifs de bien-être humain et de durabilité; ­ pour aider à bâtir une capacité individuelle et institutionnelle à entreprendre des évaluations intégrées d'écosystème et à agir au vu des résultats; ­ pour guider la recherche dans l'avenir. Le Millenium Ecosystem Assessment (MEA) Le MEA a développé quatre scénarios destinés à explorer des avenirs plausibles pour les écosystèmes et le bien-être de l'Homme en se basant sur différentes hypothèses relatives aux forces responsables des changements et leurs interactions possibles: · Orchestration globale (Global Orchestration) : ce scénario fait le portrait d'une société mondialement inter-connectée qui se concentre sur le commerce mondial et la libéralisation économique et adopte une approche réactive aux problèmes touchant les écosystèmes, mais qui prend également des mesures fortes pour réduire la pauvreté et l'inégalité et investir dans les secteurs d'utilité publique tels que les infrastructures et l'éducation. La croissance économique dans ce scénario est la plus élevée des quatre, tandis qu'on lui attribue le niveau de population le moins élevé en 2050. · Ordre suivant la force (Order from Strength) : ce scénario présente un monde régionalisé et fragmenté, préoccupé par des soucis de sécurité et de protection, et mettant l'accent principalement sur des marchés régionaux, en prêtant peu d'attention aux biens d'utilité publique et adoptant une approche réactive face aux problèmes touchant les écosystèmes. Les taux de croissance économique sont les plus bas de tous les scénarios. Ils sont particulièrement bas dans les pays en développement, et régressent avec le temps, alors que le taux de croissance démographique est le plus élevé. · Mosaïque d'adaptation (Adapting Mosaic) : selon ce scénario, les écosystèmes à l'échelle sont le centre de gravité de l'activité politique et économique. Les institutions locales sont renforcées et les stratégies de gestion locale des écosystèmes sont répandues; les sociétés développent une approche fortement proactive pour la gestion des écosystèmes. Les taux de croissance économiques sont faibles au départ mais augmentent avec le temps, et la population en 2050 est presque aussi importante que dans le cas du scénario précédent (ordre suivant la force). · Techno jardin (Techno Garden) : Ce scénario présente un monde inter-connecté à l'échelle globale et s'appuyant fortement sur une technologie de pointe dans le domaine environnemental, gérant parfaitement les écosystèmes, qui sont souvent aménagés pour délivrer des services, et adoptant une approche proactive de gestion des écosystèmes dans un effort de prévention des problèmes. La croissance économique est relativement élevée et s'accélère alors que la population en 2050 est moyenne. Source : « Étude de la faisabilité d'une analyse prospective de l'évolution de la biodiversité en France », TEC-Conseil pour le compte du MEDD (mai 2007). 38 | Commissariat général au développement durable ­ Délégation au développement durable Études & documents | n°12 | Novembre 2009 Conclusion Vers une prospective territoriale « post-Grenelle de l'environnement » U une grave crise climatique conjuguée à une pénurie de ressources non renouvelables risque de survenir et d'induire des effets géopolitiques, sociaux et économiques importants. Elle interviendrait avec une quasi certitude, dans les 30 à 50 ans à venir, si rien n'est entrepris pour « décarboner » les modes de production, de consommation, de déplacement, et pour limiter les prélèvements de ressources fossiles dont l'accès à faible coût contribue actuellement à la croissance, l'activité et l'emploi, pour préserver les ressources naturelles et la biodiversité. L'inaction, selon certains experts, pourrait conduire à un réchauffement mondial moyen de plus 5 degrés d'ici 2100, alors que plus 2 degrés serait déjà source d'un dérèglement de conséquence grave. développement, d'occupation de l'espace et de fonctionnement territorial. Les engagements de la stratégie nationale de développement durable (SNDD) incluent des objectifs nationaux chiffrés à moyen et à long terme. Ces objectifs à transposer pour un territoire induisent des questions dont les réponses peuvent en partie être apportées par des approches de prospective territoriale : quelle ville, quel type de développement, quels liens sociaux veulent les élus et les sociétés locales de ce territoire ? Il est ainsi impératif de partir des territoires, de leurs besoins et de leurs ressources, de l'avenir que ces territoires peuvent envisager, pour imaginer des solutions cohérentes avec les objectifs nationaux, des solutions en matière énergétique et climatique qui conjuguent simultanément sobriété, exploitation des ressources locales, politiques d'action locale, mobilisation des sociétés locales et civiles, coopération... Les visions stratégiques à long terme de l'action dans les territoires ont besoin d'être profondément renouvelées à toutes les échelles et avec l'ensemble des acteurs. L'avenir incertain inhérent à ces grandes transitions à envisager incite les acteurs des territoires à se tourner vers la prospective comme outil pour construire collectivement de telles visions. Ainsi des exercices de prospective territoriale spécifiquement axés sur ces transitions sont à expérimenter et à développer. Leur finalité va être de contribuer à construire un intérêt collectif pour les acteurs des territoires confrontés à la nécessité de changer l'action publique, notamment dans le domaine « climat-énergie » qui est tout nouveau dans l'action des collectivités. La prospective exploratoire en ouvrant de nouveaux horizons contribue à prendre conscience des enjeux à intégrer dans les politiques régionale et locale et à préparer les acteurs aux changements de l'action à envisager. La prospective « normative » s'attache à un horizon « souhaitable » pour proposer une ambition orientée par les exigences du Grenelle de l'environnement pour un territoire. La prospective de l'action simule les voies d'action pour constituer une offre politique compatible avec cette ambition de façon à conduire de façon flexible et cohérente les stratégies envisagées pour progressivement la concrétiser. À l'image de la notion de « catastrophisme éclairé35 », il est nécessaire d'anticiper une « crise systémique » de grande ampleur pour arriver à mettre en oeuvre des dispositifs d'action et de mobilisation « soutenables » capables de la prévenir et d'en minimiser les effets. Cette perspective touche tous les secteurs d'activité, engage des mutations dans les modes de vie et de déplacement, oriente la recherche scientifique et technologique, exige des efforts publics considérables pour développer l'« économie verte » modifier les transports et adapter le parc immobilier. Les régions et les territoires sont à leurs échelles confrontés à cette perspective ; il leurs est nécessaire d'interroger l'avenir pour, à la fois mieux comprendre ce qui peut arriver et se prémunir des effets négatifs et cadrer le mode de développement et les stratégies d'action en conséquence. Comment en effet concilier l'action d'un territoire sur le développement et l'urbanisation pour capter des activités à forte valeur ajoutée et des populations à haut revenu, lutter contre la pauvreté, préserver la biodiversité, développer le tourisme, rechercher des aménités et une économie du confort, inciter à davantage de sobriété et d'écoresponsabilité, avec les impératifs des stratégies européenne et française de développement durable et avec les opportunités, les menaces et les profondes mutations qui se dessinent et qui vont accompagner les transitions vers un « monde postcarbone » et « post-pétrole » à horizon de 20 à 50 ans ? De multiples incompatibilités risquent de se développer entre les modes actuels et futurs de 35 - « Pour un catastrophisme éclairé », Jean-Pierre Dupuis, Seuil 2002. Commissariat général au développement durable ­ Délégation au développement durable | 39 Études & documents | n°12 | Novembre 2009 Cette perspective nécessite de repenser le futur de toutes les activités en fonction des exigences climatiques et énergétiques et de faire émerger localement et régionalement des politiques spécifiques : des stratégies climat-énergie (une politique énergétique peut-elle se construire localement ?), d'adaptation au réchauffement climatique, de transformation maîtrisée des écosystèmes... Des initiatives se multiplient. De plus en plus de villes et de territoires en Europe mettent en oeuvre des plans d'action pour réduire globalement l'énergie et les rejets de GES et améliorer les performances écologiques des territoires. Des réseaux de villes et de compétences se sont constitués pour les aider. Le mouvement dans cette direction devient significatif en Europe. C'est dans ce contexte que les collectivités territoriales et les services de l'État sont confrontés au défi de construire des stratégies d'action pour « territorialiser » les objectifs de la stratégie nationale de développement durable. Une série de difficultés se présente à eux: ­ situer le territoire globalement et sectoriellement (l'économie, l'urbanisme, l'environnement, les transports, la construction, l'habitat, la santé...), au regard des objectifs des stratégies européenne et nationale du développement durable ; -- tenir compte des disparités entre les territoires en termes de démographie et de peuplement, de profils de populations, de consommation d'énergie, de systèmes de production, d'accès aux ressources, de services aux populations... ; ­ identifier les tensions et les contradictions, pour tenter de les réduire dans un même ensemble de territoires (par exemple, l'accroissement simultané des risques pour une large partie du littoral et pour les populations qui y résident, l'étalement de l'urbanisation et les surconsommations d'énergie résultantes...). Un travail collectif de prospective pourrait aider à surmonter ces difficultés. Cette situation est tout à fait nouvelle pour l'activité de prospective. La prospective territoriale devra se transformer, pas tant dans ses méthodes qui sont flexibles, pour s'adapter : ­ à l'effort tout particulier de sensibilisation et d'acculturation exigé pour inspirer d'autre façons de regarder et de raisonner sur l'avenir et pour intégrer ces nouvelles préoccupations dans les logiques d'action locale ; ­ aux « nouvelles problématiques » à investir, nécessitant des approches moins générales et englobantes, plus fouillées et plus « scientifiques »; faisant appel à des experts et à des acteurs qui auparavant n'étaient pas associés aux travaux de planification et de projets de territoires. Vers une prospective de ruptures susceptibles d'être provoquées par des changements de comportements, par des mutations économiques, par des situations de crise ; ­ ainsi à des ouvertures d'hypothèses d'évolution et de scénarios encore peu explorés ; ­ à l'importance des prospectives de l'action et des chemins (backcasting) pour arriver à proposer des stratégies solides, il s'agit d'un mode de travail encore peu développé en France ; ­ à la nécessité de simuler les conséquences des contraintes « post-Grenelle » sur les territoires et les sociétés locales, sur leur acceptabilité sociale et leur impact en terme de performances économiques ; ­ et à celle d'introduire davantage de quantification et si possible de modélisation et de coupler la prospective avec davantage de recherche et d'étude. Les questions de développement durable et les priorités « à territorialiser » issues du Grenelle de l'environnement jouent potentiellement un rôle de catalyseur d'un processus de prospective. Le renouvellement du questionnement sur l'avenir pour aller vers une recherche de stratégies en passant par une exercice de prospective, contribue à transformer l'imaginaire pour regarder autrement le futur et pour faciliter l'explicitation de visions susceptibles de favoriser auprès des décideurs le désir de faire autrement et de reconsidérer les projets de développement et d'aménagement des territoires. Cette perspective peut résulter d'une dynamique post-Grenelle qui devra s'installer dans les territoires. Celle-ci doit dépasser le stade des catalogues d'actions sectorielles que l'on trouve notamment dans les plans climat (réutilisation des déchets, réseaux de chaleur, photovoltaique, filière boischaleur, amélioration énergétique de l'éclairage et des bâtiments publics...), pour aller vers des visions et des stratégies qui relient les actions et donnent un sens visible pour les acteurs et les populations locales. L'importance des défis légitime les efforts des services déconcentrés de l'État de contribuer à la recherche de visions à long terme et de stratégies pour conduire les transitions dans les territoires. Selon la nature des jeux d'acteurs régionaux et locaux et des enjeux de développement prioritaires identifiés, ils peuvent être force d'initiative et de propositions, facilitateurs, apporteurs de connaissances sur l'avenir, ensembliers dans certains cas, « stratèges » pour leur propre ligne d'action. Ils peuvent ainsi inciter les collectivités à engager des exercices de prospective territoriale « post-Grenelle de l'environnement », les aider à les conduire et à les animer, en engager pour leur propre compte. 40 | Commissariat général au développement durable ­ Délégation au développement durable Études & documents | n°12 | Novembre 2009 ANNEXES La prospective dans l'activité des services Les leçons des expérimentations antérieures Commissariat général au développement durable ­ Délégation au développement durable | 41 Études & documents | n°12 | Novembre 2009 42 | Commissariat général au développement durable ­ Délégation au développement durable Études & documents | n°12 | Novembre 2009 L'atelier de référents pour la prospective territoriale dans les services déconcentrés de l'État. 2005­2007 S i la prospective stratégique est déjà « ancienne », elle a été peu pratiquée dans les territoires et dans les villes, encore moins dans les services de l'État. La nécessité de construire des visions à long terme susceptibles de contribuer à une réorientation de l'action dans les territoires ne s'est développée qu'au tournant des années 2000, en écho à des prises de conscience de plus en plus aiguës que la poursuite de certaines tendances et politiques risquaient de produire des dysfonctionnements et des déconvenues pour les « générations futures ». L'idée que les politiques n'étaient plus « soutenables » ainsi que l'absence croissante de visibilité à long terme a suscité un besoin de recherche de finalités « partagées » pour refonder l'action dans certains territoires. Vers 2004 la pratique d'exercices de prospective territoriale est apparue comme un outil à expérimenter au sein des services déconcentrés. Le contexte s'est avéré favorable pour concevoir et mettre en oeuvre un atelier de référents pour la prospective territoriale au cours de la période 20042007, immédiatement antérieure à la création du nouveau ministère et au Grenelle de l'environnement. L'atelier a été lancé suite à une journée nationale tenue en juin 2005, destinée à débattre de l'utilité d'engager des travaux de prospective territoriale à l'initiative de l'État déconcentré. Un appel à projets interne au ministère de l'Equipement a permis de sélectionner les exercices de prospective que les DRE et les DDE avaient prévus d'engager, ainsi que les personnes à former qui y participeraient. L'objectif affiché a été de former quelques personnes référentes en prospective et de promouvoir une culture fondée sur un début de pratique afin de faciliter le développement de cette activité dans les services régionaux et départementaux. Six sessions de l'atelier se sont tenues entre janvier 2006 et mars 2007. Une bonne vingtaine de personnes, toutes issues de DDE et de DRE, travaillant sur les exercices de prospective engagés par leurs directions, se sont réunies pour échanger et pour apprendre tout en faisant. L'animation et le secrétariat de cet atelier étaient assurés par l'administration centrale de l'ex ministère de l'Equipement (conjointement par les directions chargées de l'urbanisme et de la recherche) avec l'appui d'une prospectiviste privée et du CIFP de Paris. Ce cycle de six sessions de formation-action fondées sur une dizaine d'exercices s'est symétriquement achevé par un journée nationale de bilan, le 12 octobre 2007. Ces dix exercices ont fait l'objet en 2008 d'une évaluation comparative36. Les résultats de ce travail d'évaluation ont permis de fonder les bases du présent ouvrage. 36 - L'ÉTAT face aux FUTURS des TERRITOIRES. Analyse comparée et évaluation de démarches de prospective territoriale conduites par les services extérieurs de l'Equipement en 2005-2007. Guy Cauquil, Christian Lemaignan, Guy Loinger, François Rousseau. CIRESEGEISTEL Septembre 2008. Commissariat général au développement durable ­ Délégation au développement durable | 43 Études & documents | n°12 | Novembre 2009 Présentation générale Pilotage : DGUHC - DRAST(CPVST) -- CIFP Paris Objectifs : expérimenter, acculturer, donner envie professionnaliser des référents LE PUBLIC 30 personnes en formation Chefs de projet Chargés d'étude 13 exercices de prospective 8 en DRE, 5 en DDE 4 cas de référence (support pédagogique) 7 cas ont bénéficiés d'un « coach » Atelier 6 sessions formation action formation de référents échanges interactifs, écoute active apports de méthode apports de fond suivi collectif des 4 cas de référence réseau Animation générale : ALGOE Source : Centre de prospective et de veille scientifique et technique36. 36 - Le CPVST est devenu « Mission prospective » dans la nouvelle organisation du ministère. 44 | Commissariat général au développement durable ­ Délégation au développement durable Études & documents | n°12 | Novembre 2009 Les enseignements de l'évaluation comparée de dix exercices de prospective Les dix exercices de prospective menés par des DRE et par des DDE et suivis par l'atelier, qui ont fait l'objet d'une évaluation comparée en 2008, sont les suivants : Sept en DRE Midi-Pyrénées : diagnostic prospectif Bretagne : le Pays Centre-Ouest-Bretagne Pays-de-la-Loire : prospective régionale de l'habitat Nord-Pas-de-Calais : l'aire métropolitaine de Lille Centre : une prospective de l'aménagement du territoire Trois en DDE Bouches-du-Rhône : le Pays d'Aix-en-Provence Loire-Atlantique : le Pays de Chateaubriant Alpes-Maritimes : la mise en oeuvre de la DTA Languedoc-Roussillon : le devenir de l'agriculture, la hausse du coût de l'énergie et l'évolution des finances publiques Haute-Normandie : Baie de Seine, prospective de la mobilité et des transports L'analyse de ce qui a été fait permet de récapituler certains aspects essentiels qui sont regroupés en cinq points : ­ L'intérêt des exercices de prospective. ­ l'État et les acteurs régionaux et locaux. ­ Les thématiques. ­ Les conditions de réalisation. ­ Les suites. 1. Pourquoi engager un exercice de prospective ? Un exercice de prospective est une démarche exceptionnelle pour une direction. Il s'agit bien d'un « exercice » et non d'une activité de veille que les services peuvent développer par ailleurs. Les exercices analysés ont été conçus pour la plupart comme ouverts sur l'action et devant avoir une portée stratégique. Ils se situent sur un curseur « recherche de connaissances ­ stratégie d'action, gouvernance ». Comme l'indique le schéma suivant, les prospectives de territoires infra-régionales (tels les trois cas de Pays) sont plutôt tourné vers les orientations de l'action. Les échelles régionales sont davantage tirées vers la production de connaissances sur les enjeux du futur auxquels les territoires devront faire face. L'intention de réorientation stratégique est souvent indiquée dans le cahier des charges parfois de façon très générale. Trois types d'objectifs opérationnels et de « postures » apparaisent : 1° Dans une première configuration, il s'agit d'affirmer un point de vue ou une stratégie de l'État pour positionner les services déconcentrés sur certains enjeux et contenus spécifiques, vis à vis des collectivités et des autres principaux acteurs. La « posture » est plutôt régionale. Elle procède le plus souvent par une recherche de qualité des connaissances et des contenus dont l'utilisation doit à la fois servir à se fixer une ligne de conduite, à « se valoriser » auprès des autres acteurs dans les territoires et à nourrir des débats. Elle est obtenue par un exercice interne aux services de l'État avec apport d'experts externes. 2° Un positionnement mixte cherche à associer à l'exercice les services et experts des acteurs territoriaux (techniques et non élus). L'objectif, par exemple en Pays-de-la-Loire, est à la fois de cadrer l'action de l'État en vue d'une programmation du logement par une compréhension des enjeux urbains et d'habitat à long terme et de rechercher un alignement de quelques autres acteurs sur les visions à long terme, ou encore de définir des scénarios de mobilité et de déplacements à un horizon 2025 en baie de Seine. Dans les AlpesMaritimes, la démarche prospective a été l'occasion d'ouvrir un espace de coopération et de réflexion sur les façons de « gérer la DTA37 ». 3° Dans une troisième configuration, il s'agit de se situer en « position d'influence utile38 » par Un exercice de prospective a pour finalité première de définir des stratégies d'action à partir de visions à moyen et long terme obtenues par des simulations des évolutions du contexte et des stratégies supposées des acteurs. Le besoin de prospective (visions à long terme) se manifeste lorsqu'il y a une conscience qu'il faut changer l'action Trois attitudes correspondent à trois types d'objectifs : 1° Contribuer à bâtir une stratégie de l'État face aux autres acteurs. 2° Contribuer à bâtir une stratégie de l'État en intégrant d'autres acteurs à l'exercice. 3° Contribuer à bâtir des stratégies communes avec les collectivités territroriales et les acteurs les plus concernés. 37 - Directive Territoriale d'Aménagement. 38 - Pour reprendre une expression employée par Paul Serre (DDE dans les Bouches-du-Rhône). Commissariat général au développement durable ­ Délégation au développement durable | 45 Études & documents | n°12 | Novembre 2009 A (cubes oranges) = échelle régionale. B (cubes bleus) = échelle infrarégionale ou départementale. C (cubes roses) = échelle locale, « Pays », territoires de projet. NB : plus un site est proche des axes verticaux ou horizontaux, plus il relève des deux paramètres mis en tension, plus il se rapproche d'une des extrémités des axes fléchés, plus il se caractérise par le critère considéré. Source : « CIRESE-GEISTEL, Evaluation des démarches de prospective territoriale, MEEDDAT, sept. 2008. Préparer le « terrain » : un appui actif des préfets est déterminant Avant de s'engager dans un exercice de prospective long et coûteux, la préparation en amont est décisive pour confronter les représentations que les collectivités et l'Etat ont de leurs priorités et pour préciser les attentes vis-à-vis de l'Etat et par conséquent la nature des investigations (de prospective ou non) à engager. La loi "Grenelle 1" favorise cette préparation appuyée par le préfet. Deux exemples. ­ En novembre 2008, la DDE et le préfet de l'Ain ont organisé une réunion autour d'une conférence de Jean-Marc Jancovici et d'une table ronde avec plusieurs élus importants et le directeur départemental, sur le sujet « des enjeux sur la crise de l'énergie et le changement climatique et leur lien avec la responsabilité des collectivités en matière d'aménagement des territoires ». Thème affiché : l'aménagement du territoire face au défi énergétique et climatique. Cible : les élus. Audience : amphi rempli. ­ En juin 2008 le préfet des Pyrénées Orientales a présidé une assemblée de tous les maires et acteurs économiques du département pour les mobiliser sur les grands enjeux d'aménagement et de développement durable des territoires à l'horizon 2030. En conclusion, après un rappel des grands défis d'avenir pour le département, le préfet a appelé les décideurs publics à une démarche commune après les échéances municipales et cantonales des 9 et 16 mars prochains « pour voir si nous partageons le même diagnostic sur les atouts et les faiblesses du département, si nous pouvons ­ à partir de là ­ nous retrouver autour d'ambitions collectives et communes qui généreraient, ensuite, des politiques de territoires, coordonnées et complémentaires... » Cette proposition a fait l'objet d'un accord le même soir. Il serait possible de multiplier les exemples. Ce type de réunion d'information et de débat peut facilement donner lieu à un programme d'études et d'action et pourquoi pas de recherche de vision commune pour orienter certains choix d'action. Source : Claude Spohr, mission prospective. 46 | Commissariat général au développement durable ­ Délégation au développement durable Études & documents | n°12 | Novembre 2009 rapport aux politiques et aux actions locales. L'exercice est plus participatif, y compris par une ouverture aux élus, et attentif à une appropriation des résultats par les acteurs locaux. Le positionnement est plus local : c'est le cas des trois prospectives de Pays (Centre-Ouest-Bretagne, Chateaubriant et Aix-en-Provence). La concrétisation des intentions de peser sur les stratégies d'action est très difficile à évaluer faute de recul suffisant. 4. Les modalités de réalisation Un exercice de prospective n'est pas une « étude » au sens d'une prestation apportée par un bureau d'étude ou par un service de la direction travaillant « en régie » et discutée en comité de pilotage de l'étude. Il s'agit d'une production collective en ateliers ou en groupes de travail fondée sur des travaux de diagnostic ou d'études préalables et faisant appel à des méthodologies spécifiques : identification des facteurs ou variablesclé, analyse des interactions entre facteurs (analyse structurelle), choix des hypothèses d'évolution et élaboration de scénarios... Cette dimension de travail collectif a été perçue de façon très positive. Les énergies des acteurs et des services se sont mobilisées souvent de façon inattendue permettant de progresser dans le sens d'un décloisonnement des compétences et des savoir-faire ainsi que d'une prise de conscience et d'une appropriation de certains enjeux et de certaines préoccupations. Il a souvent été question de mobilisation d'une intelligence collective. L'exigence collective et participative a néanmoins besoin de s'appuyer sur un fort encadrement méthodologique. Huit cas sur dix ont fait appel à un consultant en prospective territoriale. Leur principal rôle est d'apporter des méthodes d'élaboration de scénarios et d'assurer l'animation des ateliers. Les prestations d'étude et les prestations de synthèse, d'animation et de productions prospectives ont été parfois séparées et partagées entre deux ou plusieurs organismes parfois confondus (prestation intégrée). Équilibrer et coordonner les deux s'est avéré délicat : ­ dans un premier cas de figure, l'attribution de la phase diagnostic/analyse préliminaire à un organisme distinct du prospectiviste s'est heurtée aux difficultés de partage et d'appropriation par les participants aux collectifs de prospective, ­ dans le second cas, le soin a été confié au consultant prospectiviste de mener et d'assembler les travaux de diagnostic d'enquêtes et/ou d'auditions, avec l'avantage d'un diagnostic bien en prise avec les ateliers de prospective et avec un risque d'apport d'études et d'expertise un peu superficiel pour constituer le socle de connaissances utile pour regarder l'avenir. Des prestataires d'inégale importance sont intervenus dans les démarches de prospective analysées : ­ bureaux d'études (ou consultants de stratégie urbaine), laboratoires universitaires, équipes de CETE et/ou équipes internes à la direction responsable de l'exercice (de façon assez marginale), ­ consultants en prospective territoriale (presque dans tous les cas), ­ experts internes à l'État ou externes pour des prestations ponctuelles en cours de route (assez rarement). Un exercice de prospective est assimilable à un projet complexe nécessitant un dispositif de Le dispositif de maîtrise d'oeuvre doit équilibrer les travaux de diagnostic, d'étude et d'expertise, de modélisation éventuelle et les techniques d'exploration collective du futur (qualitatives et quantitatives). 2. L'État et les acteurs régionaux et locaux La question omni-présente d'un positionnement des services de l'État s'est avérée très difficile à régler car les services, le plus souvent n'avaient de claire appréhension ni de ce qu'ils pouvaient apporter aux territoires ni de ce que les territoires pouvaient attendre de l'État.. Cette problématique qui renvoie à une décentralisation française inachevée dépasse toutefois de loin le sujet de la prospective. Cette faible visibilité du rôle de l'État dans le système d'acteurs locaux était dans beaucoup d'exercices liée à la conscience diffuse d'une légitimité technique insuffisante par rapport aux enjeux analysés et d'une légitimité plus politique, sutout régionalement, difficile à atteindre. Les travaux de prospective ont-ils permis d'avancer dans l'influence stratégique de l'État déconcentré ? Localement, cela semble avéré (pays de Chateaubriant et d'Aix), régionalement c'est plus difficile à apprécier. L'appui des sous-préfets (le sous-préfet de Chateaubriant a joué un rôle d'ensemblier et de facilitateur) et des préfets peut être déterminant, comme le montre l'encart ci-contre. 3. Approches globales, approches sectorielles Les exercices se sont intéressés : ­ soit aux territoires dans leur globalité (ensemble des secteurs et acteurs) pour définir des scénarios d'évolution possibles de développement et d'aménagement de ces territoires ; ­ soit à un secteur d'activité ou à une thématique qui a de forts effets sur : . l'aménagement d'un territoire : . l'habitat en Pays-de-la-Loire . les déplacements et les transports en Baie de Seine . l'agriculture et le monde rural en LanguedocRoussillon . une prospective de la filière maison individuelle dans le Vaucluse présentée plus tardivement dans la vie de l'atelier par la DDE du Vaucluse. ou encore à un facteur d'évolution spécifique de l'action publique et à ses conséquences dans la cas de la DTA des Alpes-Maritimes (approche acteurs). Le Grenelle de l'environnement a été peu anticipé. Les principales priorités qui en résultent (climat, biodiversité...) n'ont pas donné lieu à des travaux de prospective spécifiques. Commissariat général au développement durable ­ Délégation au développement durable | 47 Études & documents | n°12 | Novembre 2009 Un exemple : le diagnostic prospectif de Midi-Pyrénées8 Une typologie de l'espace régional en 8 sous-systèmes qui donneront lieu à une série de micro-scénarios : · Groupe 1 : Métropole toulousaine · Groupe 2 : Bassins industriels en crise · Groupe 3 : Espace métropolitain · Groupe 4 : Pôles d'emplois et leurs périphéries · Groupe 5 : Espace rural en mutation · Groupe 6 : Trame rurale agricole, vieillie et peu dense · Groupe 7 : Espace de montagne à vocation agro-touristique · Groupe 8 : Espace rural et montagnard du Massif Central Source : Bulletin de liaison de l'atelier N°1, février 2006. 48 | Commissariat général au développement durable ­ Délégation au développement durable Études & documents | n°12 | Novembre 2009 pilotage efficace ; pilotage souvent qualifié de stratégique et d'intégré, caractérisé par un chef de projet (en général inscrit à la formation de l'atelier et en principe destiné à devenir un référent pour sa direction). Ce chef de projet est responsable de la conception d'ensemble du processus ou de la démarche de prospective, du cahier des charges, de l'appel d'offres destiné à choisir les prestataires externes, de la mise en place et du suivi du dispositif de travail (composition des groupes de pilotage, des ateliers...), de la communication et des contacts avec les acteurs externes, garant de la qualité des contenus. Il peut s'appuyer sur une petite équipe de projet chargée d'aider au pilotage d'ensemble et, exceptionnellement pour la DDE des Bouches-duRhône, de produire en régie (maîtrise d'oeuvre). Il a bénéficié dans certains cas d'une mission de conseil assurée par un CETE (le CETE de l'Ouest pour les cas de la Bretagne et des Pays-de-la-Loire) par un « coach » financé par l'administration centrale à titre expérimental (dans 7 cas) ou encore, dans le cas de Baie de Seine, par un expert/chercheur. Ces savoir-faire de chef de projet « assembleur » sont indispensables, précieux car de plus en plus rares. Cette fonction de chef de projet est parfois confiée à des responsables de services et adossée le plus souvent directement au directeur ou à la direction générale. L'appui institutionnel du préfet est plus rare. ­ un « quatre pages » imprimé qui réume la démarche et présente les scénarios et les enjeux (Midi-Pyrénées notamment) ; ­ un film (Pays de Chateaubriant) ou un D.V.D. (DRE Nord-Pas-de-Calais) ; ­ la mise en ligne sur sites intra et/ou internet (presque tous) ; ­ les séminaires de restitution des travaux et de débat (Languedoc-Roussillon, notamment) ou les réunions de présentation ouvertes notamment aux collectivités territoriales ou restreinte aux services de l'État comme pour les Ateliers territoriaux de l'État en région, pour la région Centre. La prospective en Midi-Pyrénées qui a été la première à être achevée a fait l'objet d'une réflexion spécifique sur les moyens à mettre en oeuvre pour conférer aux travaux davantage de portée stratégique, avec la mise à disposition de la DRE d'un mission d'assistance39 dédiée à cette phase. Certaines suites indiquent une diffusion de la prospective à mettre au crédit des personnes formées dans le cadre de l'atelier de référents : ­ Le développement d'une véritable « vitrine » de la prospective territoriale sur le site intranet40 de la DRE Pays-de-la-Loire, appuyée par une enquête auprès des collectivités et des professionnels sur l'offre et la demande locale et régionale de prospective : « comment construire aujourd'hui les territoires de demain ? » ­ Nouveaux exercices de prospective directement à l'initiative de personnes issues du réseau de l'atelier : DDEA du Lot, de l'Indre-et-Loire et de la Sarthe, en Aquitaine, en Bretagne. ­ La mise en place de deux « ateliers » déconcentrés au niveau des CIFP de Toulouse et de Paris (2008/2009) pour former de nouveaux « référents » à partir d'une nouvelle série d'exercices de prospective engagés par des services régionaux ou départementaux (une petite dizaine). 5. Les suites, valorisation et mise en débat. La valorisation d'un travail important relève d'une tendance normale. Elle est principalement conçue pour communiquer avec un public externe et faciliter l'appropriation des résultats par des acteurs qui n'ont pas participé à la démarche elle-même. Les formes principales en sont : 39 - Mission dite de "coaching" financée par l'ex DGUHC et confiée à Daniel Béhar. 40 - http://intra.dreal-pays-de-la-loire.i2/rubrique.php3?id_rubrique=60 Commissariat général au développement durable ­ Délégation au développement durable | 49 Études & documents | n°12 | Novembre 2009 Extraits du rapport CIRESE/GEISTEL « L'ÉTAT face aux FUTURS des TERRITOIRES. Analyse comparée et évaluation de démarches de prospective territoriale conduites par les services extérieurs de l'Équipement en 2005-2007 » (ept. 2008) Les lignes de force et de faiblesse des expérimentations Une lecture horizontale des cinq types d'atouts examinés met en évidence les lignes de force et de faiblesse des dix premières expérimentations : Ce que ces expérimentations ont « fait bouger » Une lecture horizontale des cinq types d'impacts ou effets identifiés met en évidence ce que ces dix premières expérimentations ont pu ou non faire bouger : L'échelle de 0 à 30 représente la cotation qui résulte du référentiel d'évaluation adopté par CIRESE-GEISTEL qui a été chargé de l'évaluation des 10 cas de prospective. Source : Rapport CIRESE/GEISTEL « L'ÉTAT face aux FUTURS des TERRITOIRES. Analyse comparée et évaluation de démarches de prospective territoriale conduites par les services extérieurs de l'Equipement en 2005-2007 » (sept. 2008). 50 | Commissariat général au développement durable ­ Délégation au développement durable Études & documents | n°12 | Novembre 2009 BIBLIOGRAPHIE Commissariat général au développement durable ­ Délégation au développement durable | 51 Études & documents | n°12 | Novembre 2009 52 | Commissariat général au développement durable ­ Délégation au développement durable Études & documents | n°12 | Novembre 2009 Prospective et prospective territoriale, principes et méthodes · Bailly Jean-Paul : « Demain est déjà là. Prospective, débat, décision publique », 1999, éditions de l'Aube. · Bailly Jean-Paul : « Prospective territoriale et action publique », Futuribles, n° 314, décembre 2005. · Barré Rémi : « le Foresight britannique. Un nouvel instrument de gouvernance ? », Futuribles, n° 49, janvier 2000. · Clar Günter et Acheson Héléna et al. : « Stratégic Policy Intelligence: Tools for Better Policy Making in Europe's Regions. Guide », Compendium, Stuttgard, 2007. · Clar Günter et Destatte Philippe : « Regional Foresight, Boosting Regional Potential, Mutual Learning Platform », Regional Foresight Report, Commission européenne-comité des Régions, 2006. · Conseil général de l'armement : « Prospective et décision publique », ministère de la défense, mai 2009. · Courson Jacques de : « La prospective des territoires, concepts, méthodes, résultats », 1999, éditions du CERTU. · Courson Jacques de : « L'appétit du futur. Un voyage au coeur de la prospective. », éditions Charles Léopold Mayer, décembre 2005. · Delamarre Aliette, Malhomme Marie-Claude : « la prospective territoriale », la documentation FrançaiseDATAR, 2002. · Destatte Philippe : « Guide pour mener un exercice de prospective territoriale », Plateforme d'intelligence territoriale wallonne, Institut Destrée, DGATLP, http://www.intelliterwal.net/Documents.htm · Destatte Philippe et Durance Philippe (sous la direction de) : « Les mots-clés de la prospective territoriale », la documentation Française, 2009. · Durance Philippe, Godet Michel, Mirénowicz Philippe, Pacini Vincent : « La prospective territoriale, Pour quoi faire ? Comment faire? », CNAM, Cahiers du Lipsor, série « Recherche » n°7, janvier 2007. · Farhi F., Lecoq D. (CM International), Liles I., Keenan M. (PREST, Manchester), Clar G., Svanfeldt C. 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Guide de prospective territoriale à l'usage des acteurs locaux », éditions du CERTU, 2000. · Goux-Baudiment Fabienne, Soulet Ghislaine, Courson Jacques de : « Quiz pour conduire un exercice de prospective territoriale », éditions du CERTU, 2008. · Jouvenel. Hugues de : « La démarche de prospective, un bref guide méthodologique », Futuribles, n°247, novembre 1999. · Jouvenel. Hugues de : « Invitation à la prospective. An invitation to foresight. », collection « Perspectives», Futuribles, 2004. · Lemaignan Christian : « Perspectives territoriales pour 2020 », l'Harmattan, 2002. · Les séminaires de la Caisse des Dépôts : « Prospective et développement territorial », la documentation Française, 2003. · Loinger Guy (sous la direction de) : La prospective régionale, de chemins en desseins. 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Commissariat général au développement durable ­ Délégation au développement durable | 53 Études & documents | n°12 | Novembre 2009 Autres ouvrages. · « Agriculture, environnement et territoires. Quatre scénarios à l'horizon 2025 », La Documentation Française, 2006. · Ascher François : « Les nouveaux principes de l'urbanisme. La fin des villes n'est pas à l'ordre du jour », éditions de l'Aube, 2001. · Bain Pascal, Maujean Sébastien, Theys Jacques : « Agora 2020 », CPVS, DRAST, MEDAD 2008 (pour sa partie prospective). · Calame Pierre : « Mission possible : penser l'avenir de la planête.», éditions Charles Léopold Mayer, collection Dossier pour un débat, réédition 2003. · Callon Michel, Lascoumes Pierre, Barthe Yves : « Agir dans un monde incertain. Essai sur la démocratie technique », édition du Seuil, 2001. · Commissariat général au développement durable : « Le projet de stratégie nationale de développement durable 2009-2012 », collection « Le point sur », n°1, janvier 2009. · Commissariat général au développement durable : « Stratégie nationale de développement durable, 2003-2008. 5ème Rapport », collection « Références », 2009. · Conseil général de l'agriculture, de l'alimentation et des espaces ruraux : « la forêt française en 20502100. Essai de prospective », éditions Cêtre, mars 2009. · Debarbieux Bertrand et Vanier Martin : « Ces territorialités qui se dessinent », éditions de l'Aube, DATAR, 2002. · Dupuis Jean-Pierre : « Pour un catastrophisme éclairé », Seuil 2002. · Gaudin Thierry : « L'aménagement du territoire vu de 2100 » 1994, éditions de l'Aube. · INRA, groupe de travail nouvelles ruralités : « Les nouvelles ruralités en France à l'horizon 2030 », INRA, juillet 2008. · Jancovici Jean-Marc et Grandjean Alain : « C'est maintenant. Trois ans pour sauver le monde », Seuil, 2009. · Passet René et Theys Jacques (sous la direction) : « Héritiers du futur », éditions de l'Aube, DATAR, 1995. · Perthuis Christian de : « Et pour quelques degrés de plus... Nos choix économiques face au risque climatique », éditions Pearson, avril 2009. · Radanne Pierre :« Énergies de ton siècle ! Des crises à la mutation », éditions Lignes de Repères, 2005. · Spohr Claude :« Innover pour changer. L'expérience des DRE et des DDE au service de l'aménagement durable des territoires. », Note du CPVS n° 24, 2008. Réédition dans la collection «Études et documents » du CGDD, 2009. · Stern Nicolas : « The Economics of climatr Change: The Stern Review », Cambridge University Press, janvier 2007, Executive summary : http://62.164.176.164/d/Executive_Summary.pdf. · Stern Nicolas et Jouzel Jean : « Lutter contre les changements climatiques et maîtriser l'énergie », rapport du groupe 1 du Grenelle de l'environnement. http://www.legrenelle-environnement.gouv.fr/grenelleenvironnement/IMG/pdf/G1_Synthèse_rapport.pdf · Theys Jacques : « Développement durable, villes et territoires : innover et décloisonner pour anticiper les ruptures », note CPVS n°13, ministère de l'Équipement, du logement et des transports, janvier 2000. · Vandermotten Christian (sous la direction de) : « Le développement durable des territoires », 2002, éditions de l'Université de Bruxelles. · Vanier Martin (sous la direction) : « Territoires, territorialité, territorialisation, Controverses et perspectives », Rennes, PUR, collection « Espace et territoires », 2009. · Wachter Serge (DIR) : « Dictionnaire prospectif de l'aménagement du territoire », Belin et CPVS, 2008. 54 | Commissariat général au développement durable ­ Délégation au développement durable Vers une prospective territoriale post-Grenelle de l'environnement Le Grenelle de l'environnement ouvre une période de plusieurs dizaines d'années de transitions vers des territoires et des villes plus durables. Le défi de la « territorialisation de la mise en oeuvre du Grenelle » introduit un besoin de visions à long terme, locales, régionales et inter-régionales, du devenir des territoires pour faire face aux effets du réchauffement climatique, des pénuries énergétiques, de l'érosion de la biodiversité et de certaines ressources naturelles, afin de s'engager ainsi dans les voies d'un développement soutenable et de comportements plus sobres. Il s'agit de comprendre et de simuler ce qui peut advenir afin de prendre en compte, dans les territoires, les stratégies européennes et nationales de développement durable. Les exercices de prospective sont des outils pertinents pour élaborer des scénarios et des visions de l'avenir des territoires. L'ouvrage présente les démarches et méthodes de prospective pour intégrer les enjeux du Grenelle et pour en montrer les avantages et les limites. Il s'adresse avant tout aux services déconcentrés du ministère mais peut également intéresser les collectivités locales soucieuses d'engager des travaux de prospective territoriale. Mise en page : Belle Page Paris n°90636 ISSN : 0753-3454 (ATTENTION: OPTION cénarios partiellement chiffrés. Les priorités du Grenelle de l'environnement dont les objectifs à terme sont quantifiés (réduction des émissions de GES, énergies renouvelables...) devraient induire des travaux de modélisation incorporés à des démarches de prospective. Pour échafauder des scénarios de transition vers un territoire rejetant peu de GES, il faut évaluer les possibilités de réduction des émissions et les effets sur l'emploi et sur la mobilité. Pour y arriver, il faudrait savoir modéliser, « toutes choses inégales par ailleurs » des horizons de trente ans et davantage. Une quantification des scénarios de mobilité a été tentée en Baie de Seine14 avec des résultats encore peu probants. Des expérimentations sont à conduire. Cette perspective nécessitera d'introduire davantage de sciences économiques dans les démarches de prospective territoriale « post-Grenelle ». 2.3 Les visions souhaitables. La prospective normative consiste à élaborer une vision « souhaitable » du futur et à rechercher le L'analyse morphologique est un outil d'emboîtement des variables influentes, permettant de faciliter l'explicitation des hypothèses de scénarios. Le terme « scénario » exprime : ­ la multiplicité des images futures possibles et souhaitables ­ et la multiplicité des stratégies et des projets pour arriver à atteindre un but que l'on s'est fixé. Il est important de distinguer ces deux grandes familles : scénarios de contexte et scénarios locaux. Des scénarios de locaux confrontés à des scénarios de contexte : selon les hypothèses respectivement d'une agriculture pilotée par les grandes entreprises de l'agroalimentaire et d'une multifonctionnalité à orientation bio, les futurs possibles seront très différents. Des passerelles entre travaux prévisionnels chiffrés et démarches de prospective territoriale sont difficiles à établir. Pour quantifier les émissions de carbone dans les scénarios, il est nécessaire d'expérimenter à diverses échelles pour adapter la modélisation prévisionnelle aux démarches de prospective. 10 - Laboratoire d'Innovation, de Prospective Stratégique et d'Organisation. 11 - Les méthodes de prospective sont téléchargeables sur le site du CNAM LIPSOR : http://www.3ie.fr/lipsor/ 12- Cf. partie en annexe. 13 - L'ETAT face aux FUTURS des TERRITOIRES. Analyse comparée et évaluation de démarches de prospective territoriale conduites par les services extérieurs de l'Equipement en 2005-2007. Guy Cauquil, Christian Lemaignan, Guy Loinger, François Rousseau. CIRESE-GEISTEL Septembre 2008 14- il s'agit de l'exercice de prospective de la mobilité en baie de Seine. Cf. partie en annexe. Commissariat général au développement durable ­ Délégation au développement durable | 29 Études & documents | n°12 | Novembre 2009 Prospective scientifique et prospective stratégique. Les problématiques du Grenelle de l'environnement, souvent à contenu scientifique très affirmé, tendent à remettre en question la séparation plus ou moins convenue entre une prospective d'experts et de scientifiques qui n'auraient pas vocation à construire des stratégies et une prospective d'acteurs « stratégique », pour de plus en plus placer les chercheurs au coeur des stratégies territoriales et les acteurs au coeur des mutations scientifiques et technologiques le plus souvent exogènes par rapport aux territoires mais influents sur leur évolution. Les travaux du GIEC sont emblématiques de l'hybridation entre le scientifique et le stratégique et le politique. L'affirmation du caractère scientifique influe sur les façons de poser les problèmes, de comprendre les enjeux, de concevoir les démarches, de construire les scénarios et les visions. En même temps les incertitudes de la connaissances, les points de vues et approches variés des experts et des chercheurs, ont besoin d'être confrontés aux réalités des territoires, aux questions des controverses et d'acceptabilité sociale et économique. Des travaux de prospective territorialisés et les débats qui en résultent pourraient concrètement ambitionner de rapprocher des « mondes scientifiques » avec les acteurs, les services et les populations locales. Des prérequis scientifiques Certains sujets nécessitent des approches scientifiques et un environnement de chercheurs dès l'amont d'un exercice. Une prospective de l'élévation du niveau des mers et des phénomènes climatiques extrêmes susceptibles d'y être associés qui risquent de survenir et d'avoir des effets sur les milieux et les activités littorales et côtières, a besoin de s'appuyer sur un socle de connaissances climatiques, océanographiques, géomorphologiques... Ces connaissances qui incluent de grandes marges d'incertitudes, sont à décliner en fonction des réalités locales : humaines, géographiques, socioéconomiques, écosystémiques. Une connaissance spécialisée appliquée à un territoire détermine fortement la nature du diagnostic ainsi que le choix des variables de changement et des scénarios. L'ensemble des questions territorialisées de lutte contre les effets de serre et d'économie énergétique implique des approches quantitatives. Ce qui est possible pour les diagnostics : bilans carbones, analyses énergétiques de morceaux de villes et de formes urbaines..., doit l'être également pour la simulation de scénarios. Toutefois focaliser les efforts de quantification sur des dimensions spécifiques risque de déséquilibrer des travaux de prospective territoriaux qui visent des approches plus globales et plus complexes. Cette limite pose la question difficile de la modélisation prospective. La question de la modélisation prospective Le recours à des dires d'experts pour éclairer et accompagner un atelier de prospective risque de se révéler insuffisant lorsqu'il s'agit de simuler les conséquences de certains choix stratégiques sur l'activité, l'évolution sociale, l'environnement et pour apprécier si ces choix ont une chance d'atteindre les objectifs de décarbonification et de réduction énergétique. La recherche d'une quantification des scénarios obtenus par une combinaison de variables aussi divers que les taxes, l'ouverture de certains marchés de l'énergie, les évolutions technologiques, la raréfaction des ressources, les changements de comportement..., implique une modélisation prospective pour pouvoir véritablement déboucher sur des souhaitables réalistes et plausibles. Les travaux de modélisation sont appliqués à des grandes échelles continentales, supranationales, nationales. À titre d'exemple, l'IDDRI15 et l'EpE16 pilotent un exercice de modélisation des politiques climatiques en simulant un certain nombre de scénarios. L'objectif est de dégager quelques visions globales d'un monde « post-carbone » pour mieux caractériser des politiques de transition envisageables. Ce type de travaux est peu territorialisé et peu transposable aux échelles locales. Il serait intéressant de mener des expérimentions territoriales par un recours à des « modélisateurs créatifs » capables par approximations successives, de créer ou d'adapter un modèle en mesure d'intégrer des séries de variables et de simuler des scénarios très diversifiées. Source : Claude Spohr, Mission prospective. 15 - Institut du Développement Durable et des Relations Internationales et Entreprises pour l'Environnement. 16 - Entreprises pour l'Environnement 30 | Commissariat général au développement durable ­ Délégation au développement durable Études & documents | n°12 | Novembre 2009 consensus pour transformer cette vision en but vers lequel il faudrait aller, un but souhaitable, acceptable et plausible. Dans une perspective « Grenelle de l'environnement », c'est l'image du territoire « durable », ce qui peut être envisagé pour un nouvel équilibre entre croissance, cohésion et les contraintes de changement imposées par la nécessité de réduire les GES, de n`utiliser que très peu les ressources et les énergies « fossiles », de transformer la nature des activités et des emplois, des modes de vie, de consommation, de déplacement... Le « normatif » c'est aussi la recherche du but « nécessaire » à... contribuer à « sauver la planète », à atteindre les objectifs « facteur 4 » dans un territoire, à enrayer l'érosion de la biodiversité, à mobiliser les forces économiques et sociales en faveur de modes de production et de consommation plus « soutenables »... En ce sens il est possible de parler de « vision stratégique » et « partagée ». Ainsi, à Växjö, en Suède, la vision d'une ville sans carburant fossile, a contribué à une cristallisation des énergies et à une multiplication de projets qui ont permis d'augmenter la part des énergies renouvelables de 20 à 30% entre 1993 et 1998 et de réduire l'ensemble des émissions de CO2 de 16 à 17 %17. Ces très bons résultats se poursuivent et ont été récompensés par un prix d'excellence internationale en 2000. La prospective dite normative procède des mêmes méthodes que la prospective dite exploratoire : entre la « créativité subjective » (imaginer un avenir idéal pour votre ville) et des méthodes plus rigoureuses d'analyse structurelle pour déboucher sur des scénarios dits souhaitables ou nécessaires pour que... Ce qui change c'est la problématique de départ : quel territoire demain résultera d'une politique « vertueuse » ou jugée nécessaire dans les domaines énergie/climat, de la croissance verte, d'une agriculture plus « raisonnée », etc. 2.4 Les enjeux de l'avenir et les visions du futur. Que peut on tirer des scénarios ? Les scénarios qui décrivent de « possibles » et/ou « souhaitables » situations à un horizon donné ont leur utilité propre. Ils contribuent auprès de différents acteurs et participants à transformer leur façon d'envisager l'avenir. Leur portée pédagogique en fait des supports pour le débat, la communication voire selon la nature de leur instrumentalisation pour le « marketing stratégique ». Le travail de synthèse des scénarios et des visions qui en résultent doit conduire à un retour sur les enjeux pour arriver à expliciter les enjeux d'avenir qui vont conditionner positivement ou négativement les stratégies et les voies d'action à envisager. Il est possible d'achever l'exercice avec une telle synthèse qui met en évidence les enjeux du futur pour mettre au point les documents et outils qui vont permettre de restituer les résultats à des décideurs et à des acteurs ou plus largement à un public, qui n'ont pas participé à l'exercice : communiquer pour ouvrir un débat et pour rechercher une « appropriation » des visions et des enjeux. Dans cette hypothèse, la phase de recherche de stratégies est différée. Pour certains l'exercice reste inachevé. Dans la perspective de préparer des choix de stratégie pour l'action et dans le prolongement des politiques pour différents acteurs coordonnées entre elles et cohérentes avec les choix, que peut-on attendre d'autre des scénarios ? Il est possible d'analyser plus en profondeur certains des scénarios au regard des jeux et des stratégies d'acteurs, de l'acceptabilité de leurs impacts sur le social, l'économique et/ou l'environnemental. À titre d'exemple, l'atelier peut soumettre certains scénarios (et enjeux d'avenir) à une analyse « SWOT18 » (forces, faiblesses, opportunités, menaces) et simuler leurs effets sur les stratégies acteurs (collectivités locales, forces économiques, État..), pour identifier les problèmes, les changements à envisager, les fausses pistes à éviter... dans le but d'envisager des « politiques robustes et résilientes19 ». Plus généralement, il est possible de sélectionner deux scénarios (par exemple) pour engager un travail de simulation de stratégies d'acteurs pour décrire les voies de transition pour arriver à atteindre la situation future envisagée par ces scénarios. C'est une façon de rentrer dans le schéma évoqué d'une prospective de « backcasting », du futur au présent. 2.5 La prospective des « voies d'action », la recherche de « stratégies de durabilité » Les voies d'action pour arriver à atteindre la situation future qu'elle soit possible, nécessaire ou souhaitable sont multiples. Dès lors elles ouvrent un champ pour simuler des scénarios d'action et leurs conséquences. La question fondatrice d'une « prospective des chemins », de « back casting » (du futur vers le présent) est la suivante : quelles stratégies sont nécessaires pour réorienter l'action publique de telle façon à avoir une chance d'atteindre le but et les objectifs qui ont été fixés pour un horizon donné ? Il s'agit d'un pas de plus, non seulement l'image future susceptible de donner lieu à des choix de stratégie d'action mais la vision de l'action, publique notamment, cohérente avec ces choix. Il ne suffit pas de dire que tout exercice de prospective sérieux déroule les « chemins » pour accompagner les scénarios ou pour arriver à des finalités d'action. L'importance de cette dimension conduit à la Un scénario au fil de l'eau peut donner à voir les impasses d'une trajectoire engagée. La synthèse des scénarios doit aboutir à expliciter les enjeux de l'avenir. Des scénarios qui « ouvrent les horizons » à la simulation des voies d'action pour y conduire. La mutiplicité des voies d'action possibles ouvre un vaste champ pour simuler des scénarios axés sur les stratégies d'action. 17 - Se reporter au site : énergie-cités.org. 18 - Strengths, weaknesses, opportunities, threats. 19 - Pour reprendre l'objectif d'un exercice de "foresight" qui a adopté ce jeu de simulation à partir de quatre scénarios : "Powering our lives : sustainable energy management and the build environment", "Appendix II : using the scenarios. http://www.foresight.gov.uk/ Energy/EnergyFinal/final_project_report.pdf Commissariat général au développement durable ­ Délégation au développement durable | 31 Études & documents | n°12 | Novembre 2009 distinguer pour mieux la souligner et pour préconiser de la rendre explicite dans les exercices de prospective à envisager. Les thématiques du Grenelle doivent permettre de décliner la question des voies de la durabilité ou celles des politiques soutenables : · Pour arriver à réduire les émissions de GES en quantité suffisante pour atteindre une objectif de réduction de facteur 4 en 2050, comment s'y prendre, sur quels leviers agir et à quels coûts en fonction d'une série d'hypothèses sur l'urbanisation et sur une transformation progressive des « formes urbaines » qui va remodeler le territoire et la société locale d'ici 2050, sur l'évolution des demandes et des offres énergétiques, sur l'évolution des transports et du parc automobiles, sur les efforts de réhabilitation énergétique du parc d'immeubles, ... ? · Pour arriver en moins de 20 ans à réhabiliter thermiquement le parc immobilier existant, fautil détruire une partie du parc, déplacer une partie de la population, dans le cadre de quel urbanisme, comment financer l'effort, inciter aux initiatives privées, ... ? · Pour développer des systèmes d'assainissement sans procédés chimiques en milieu rural, comment se situer, avec quelles avancées techniques, avec quel type d'opérateurs, à quels coûts, avec quelles conséquences locales ? Pour ces exemples, de nombreux hypothèses sont envisageables, leur mise à plat comparative est une question de prospective de nature à renouveler de façon très positive le registre des « études techniques ». Une prospective qui simule des chemins d'action induit une recherche d'impacts. Si telle action ou tel projet est entrepris, quels seront les effets sociaux, économiques, environnementaux, financiers, ... ? Si la forêt est exploitée pour produire davantage d'énergie, quelles seront les conséquences sur la biodiversité, sur le développement économique local et régional, sur les filières concurrentes, sur les services récréatifs que peut procurer la forêt, ... ? Pour les territoires, les expérimentations qui se penchent sur les voies d'action sont prioritairement à conduire d'autant qu'elles sont peu pratiquées, en France moins que dans les pays anglo-saxons. La présence d'experts et de chercheurs dans les ateliers de prospective est à renforcer. Les thématiques « Grenelle de l'environnement » à territorialiser fournissent de nombreuses occasions. La recherche de stratégies pour l'action en réponse à la question « que faut-il faire pour que... ? » La complexité d'une telle recherche induit un travail de simulation de l'action et des projets et de leurs effets sur les sociétés locales, sur l'activité, sur l'environnement, pour en retour pouvoir apprécier le caractère acceptable et soutenable des politiques envisagées. Trois types d'exercices de prospective Point de départ Conscience de la nécessité de réorienter l'action territoriale Nature de l'exercice Buts recherchés Effets attendus Un questionnement sur l'avenir Que peut-il advenir? Prospective exploratoire Des connaissances sur le les enjeux pour l'avenir futur les visions possibles du futur Un décloisonnement des secteurs et des disciplines Un changement des représentations Un horizon à atteindre Une (ou des) vision(s) Une vision qui « mobilise » souhaitable(s) et réaliste(s) Un rapprochement des points de vue et une recherche de consensus Des représentations Les lignes d'action pour convergentes pour atteindre le but coordonner l'action Les conséquences de l'action Eclairer les décisions de réorientation de l'action Les conditions pour agir Où voulons-nous aller? Prospective normative Une vision de l'avenir Une intention/un projet Des objectifs à concrétiser Comment y aller? Prospective de l'action et des chemins Les trois types d'exercices peuvent se succéder dans le cadre d'un processus continu.Ils peuvent se pratiquer de façon indépendante. Source : Claude Spohr, Mission prospective 32 | Commissariat général au développement durable ­ Délégation au développement durable Études & documents | n°12 | Novembre 2009 Quatrième partie De la prospective à la stratégie d'action 1. Une recherche de changement de stratégie La prospective définit des visions d'avenir dans une perspective de stratégie d'action. La « stratégie » cherche à les transposer en action. Pour cela il est nécessaire que les principaux acteurs des territoires puissent adhérer aux visions proposées (ainsi que de plus en plus les sociétés locales et civiles) et que les « décideurs » puissent ajuster leurs stratégies avec les choix de long terme et conduire en cohérence des plans d'action et des projets de territoires. La prospective agit sur la transformation des représentations des acteurs qui ont pris conscience d'une nécessité de changer les lignes d'action. La prospective exploratoire en ouvrant de nouveaux horizons contribue à préparer les acteurs à changer de système d'action. La prospective « normative » s'attache à un horizon « souhaitable » pour proposer une ambition à un territoire orientée par les exigences du Grenelle de l'environnement. La prospective de l'action explore les cheminements pour concrétiser cette ambition. Une recherche de stratégie appuyée sur des visions à long terme représente un modèle de management de l'action publique encore peu usuel mais à développer à la mesure de l'ampleur des incertitudes et des risques de se tromper de ligne d'action. L'action sans vision prospective, globale et partagée est le plus souvent la règle. Convenablement instrumentalisées, les connaissances et les visions prospectives contribuent à une dynamique entre acteurs à la recherche de finalités pour l'action, susceptible de favoriser un passage vers des « stratégies territoriales ». En ce sens il est possible de parler de « prospective territoriale stratégique ». Par la qualité du travail sur les enjeux et les contenus, par celle de la dynamique entre acteurs, chaque exercice de prospective qui ambitionne une influence directe ou indirecte sur l'action, doit faire sa propre démonstration pour « mériter » ce qualificatif de « stratégique ». Concrètement la prospective aide à comprendre les mutations, modifie les visions des acteurs, contribue à en élaborer un discours (de changement) stratégique. Elle peut proposer une ambition à long terme et certaines pistes d'action mais il est plus difficile de transformer la (ou les) vision(s) qui en résulte(nt) en une volonté politique recueillant une adhésion active des acteurs et des « citoyens ». Il paraît également difficile de trouver les consensus pour rendre cohérente l'action entre des parties prenantes qui ont au départ des intérêts et des visions opposés sur ce qu'il faut faire. Comment établir un pont entre une production collective de connaissances et de visions et un processus complexe de décision et d'action ? Comment passer de récits et d'interpellations sur l'avenir à des choix de stratégies et de coopération de nature à transformer l'action et les projets structurants ? La prospective permet d'imaginer et de proposer des visions de l'avenir; celles-ci doivent être « partagées » : c'est la première condition pour que des décideurs acceptent de modifier leur système d'action. Passer de la vision à la stratégie revient à se poser la question : une vision alternative du territoire peut-elle influer sur le système de décision qui va organiser aujourd'hui et demain le territoire d'aprèsdemain ? 2. De « la vision » à « la vision partagée » L'exercice de prospective, même conçu de façon très participative, reste confiné à ceux qui y ont pris part. Les élus et les décideurs sont rarement présents dans les ateliers de prospective. La décision se situe hors du champs de la prospective et de l'élaboration de propositions. Elle porte sur des choix d'action complexes qui induisent des décideurs nombreux et des intérêts disparates. « De l'anticipation à l'action par l'appropriation »20 Dès lors, il s'agit de rechercher les meilleures conditions pour que ces décideurs et les acteurs influents et leurs organisations puissent s'approprier les résultats et les acquis du travail de prospective. L'appropriation permet de procéder à un « partage » des analyses et des représentations en mesure de préparer les esprits à orienter autrement certains choix stratégiques et à envisager une action plus « soutenable » et mieux intégrée. Dans quelle mesure une prospective du développement et de l'aménagement durables peut-elle concrètement préparer des changements de stratégies dans les territoires ? Trouver des passerelles entre la prospective et la stratégie. 20 - Michel Godet, "Manuel de prospective stratégique", Dunod, 2 tomes, 4ème édition, 2007. Commissariat général au développement durable ­ Délégation au développement durable | 33 Études & documents | n°12 | Novembre 2009 Anticipation (Logos) Appropriation (Ephitumia) Action (Erga) Le triangle grec « Le logos (la rationalité qui aboutit au bleu de l'anticipation) se conjugue à l'épithumia (le désir qui est à la source de toute appropriation) pour donner l'erga (les actions, les réalisations). » Source : Michel Godet 3. La mise en débat Le processus de recherche de visions et de finalités doit se prolonger par un processus de mise en débat des hypothèses et des scénarios qui résultent de l'exercice et de confrontation d'idées et de visions. Il devient ainsi nécessaire de représenter les scénarios, les résultats et les propositions de façon pédagogique (y compris par l'image et la vidéo) et de multiplier les lieux de débat à destination de divers publics. Une prospective réussie bouscule les « gouvernances ». Ainsi le détour par un futur plus lointain peut donner lieu à une « prise de hauteur » chez des acteurs de nature à progresser vers une « vision partagée » de ce que pourrait être l'intérêt collectif pour un ensemble de sujets donnés. Dès lors la « gouvernance territoriale » devrait se retrouver sur un terrain plus favorable pour changer certains choix d'action et pour susciter et soutenir des initiatives et des projets. 34 | Commissariat général au développement durable ­ Délégation au développement durable Études & documents | n°12 | Novembre 2009 Cinquième partie Retour sur les services Sur quelles ressources s'appuyer ? 1. L'exercice de prospective : des positionnements possibles pour les services. Les services sont invités à prendre leur part aux transformations des politiques territoriales pour les « grenelliser » et les rendre plus soutenables. Ils sont légitimes à faire de la prospective. Il leur est possible de s'engager dans trois voies : · Inciter à en faire. Analyser et questionner de façon à susciter le besoin d'un exercice de prospective sur un sujet et une problématique donnés auprès d'un ensemble de collectivités. · Engager un exercice en propre en suscitant un partenariat avec des collectivités et d'autres acteurs et une « gouvernance intégrée » pour conduire en commun un exercice. · Engager un exercice en propre pour rassembler les points de vue au sein de l'État et pour constituer, notamment au plan régional, des visions et des « discours stratégiques ». Les choix de posture de l'État territorial découlent d'une part de la nature des relations entre les services et les collectivités et de leurs négociations préalables, d'autre part de l'appréciation de la capacité des services à mener des travaux de prospective et à porter un « discours stratégique ». L'alternative se réduit à : travaillons ensemble sur les stratégies territoriales de développement durable ou bien de façon séparée en différant les occasions de débat et de confrontation des points de vue, des idées et des propositions. Dans tous les cas, il faut adosser les exercices envisagés à de réels enjeux de territoire : développement des différentes formes d'énergies renouvelables, devenir d'un grand équipement (par exemple Canal Europe-Seine du nord), directive territoriale d'aménagement et de développement durable (DTADD), érosion côtière sur une façade maritime, création d'un parc national ou régional... Cela a été dit, il est important de le répéter. sujets appliqués à un même territoire. Il intègre la nécessité de l'action à court terme et les horizons à long terme. Les services en prenant l'initiative de travaux de prospective, doivent intégrer le plus en amont possible l'idée que des débats et des confrontations devront se tenir pour avancer progressivement vers des visions partagées de ce qu'il faudrait entreprendre. Le processus peut-il intégrer la question d'un partage des visions avec différents niveaux de « représentation » de la « société civile » pour s'inspirer du modèle de « gouvernance à cinq21 » caractéristique des travaux du Grenelle de l'environnement ? L'État seul ne peut pas y apporter de réponse. La nature de la négociation avec les collectivités territoriales est déterminante. Eviter le problème peut affaiblir une démarche de prospective dès lors qu'elle ambitionne une recherche de stratégies. La prospective comme contribution et méthode pour construire l'intérêt collectif dans un territoire. 3. Les compétences et les moyens La question des compétences, des savoir-faire, des moyens des services n'est pas moins importante. Elle conditionne en partie la volonté et les modalités du positionnement de l'État régional et local. « Toutes les DREAL ont intégré l'enjeu de la connaissance des territoires dans leurs orientations stratégiques. »22 Cette logique d'étude territoriale nécessite une capacité d'observation et de compréhension des situations et des tendances d'évolution, d'analyse (souvent) systémique et prospective, qui a fait l'objet d'efforts continus depuis une dizaine d'années. La conjugaison du Grenelle de l'environnement, des réorganisations centrale, régionale et départementale et des grandes mutations de gouvernance en cours, implique un renouvellement de cette capacité. La période marquée par des réductions de moyens et d'effectifs y est peu favorable. Mais en même temps le regroupement de compétences et de personnels dans des services recomposés et moins émiettés peut être porteur d'un renouveau de « l'intelligence territoriale » par des approches moins cloisonnées, plus systémiques et plus stratégiques. 2. Le développement durable induit un besoin de stratégies partagées par les acteurs territoriaux L'intérêt collectif se construit avec les principaux acteurs préoccupés par un même ensemble de Une prospective adossée à des pôles de connaissance sur les territoires ; des connaissances à renouveler pour prendre en compte les « nouveaux » sujets du Grenelle de l'environnement. 21 - Collectivités, entreprises, syndicats, ONG, État. 22 - Groupe de travail du collège « aménagement, urbanisme, habitat durables sur la connaissance des territoires ». Document de travail CGEDD du 18 mars 2009. Commissariat général au développement durable ­ Délégation au développement durable | 35 Études & documents | n°12 | Novembre 2009 Pour arriver à « penser l'avenir », la capacité d'analyse territoriale doit se conjuguer avec le développement d'une connaissance scientifique et technique, dans les grands domaines du climat, de l'énergie et de la biodiversité notamment, sur une série de sujets encore peu maîtrisés par les services mais décisifs pour le devenir des territoires et pour une soutenablité des politiques publiques. Ces ressources sont de plusieurs types : · Le conseil sur mesure, l'assistance technique et méthodologique. · La « banque » d'exemples ou de bonnes pratiques. Un centre de ressources en ligne sur le site de la DIACT23 fait un inventaire des travaux de prospective territoriale. Des liens permettent d'en visualiser une grande partie. · La « banque » de travaux de prévision et de prospective internationaux et nationaux dans les domaines du développement durable. Un nombre considérable de travaux de prospective sectorielle sont réalisés telle « la forêt française en 2050210024 » pour ne citer qu'un ouvrage très récent. Ce type de travaux peut contribuer à éclairer le contexte local. Certains de ces travaux peuvent apporter des données et des connaissances utilisables, indiquer des tendances exploitables et fournir des scénarios de nature à stimuler l'imagination et de contribuer à orienter une démarche locale. Ces travaux, souvent en anglais, se trouvent sur internet. À titre d'exemple : les travaux anglais sur le changement climatique et sur l'adaptation à ces changements qui résultent d'un effort considérable de recherche et de prospective générale et territorialisée. Ils n'ont pas d'équivalent en France et se trouvent sur le site de l'UKSIP25. Autre exemple : le Millenium Ecosystem Assessment (MEA) présenté ci-après. De façon générale, les ressources sur internet portant sur le réchauffement climatique, les perspectives énergétiques, les solutions technologiques, l'épuisement de la nature, les politiques d'action et la gouvernance, sont importantes et foisonnantes. Pour se limiter aux aspects villes et énergie-climat, il est possible de citer deux réseaux principaux en Europe : Energie-Cités et The Climate Alliance of European Cities26. · Des réseaux d'échanges d'expériences et de bonnes pratiques. L'atelier des référents pour la prospective dans les services est un bon exemple. Le ministère est famillier de l'action en réseau qui prend la forme de clubs, d'ateliers, de groupes de travail, régionaux, interégionaux ou centraux, parfois ouverts à des partenaires et des professionnels externes, parfois réservés aux seuls services du ministère. Les têtes de réseau sont les services eux-mêmes, centraux ou déconcentrés, ou des opérateurs proches tels le CERTU27 ou les CETE, parfois des CIFP28 (notamment par une poursuite « déconcentrée » de l'atelier de référents par les CIFP de Toulouse et de Paris). L'organisation tourne le plus souvent autour d'une activité spécifique (par exemple le diagnostic territorial) souvent croisée avec une thématique (par exemple la prise en compte du développement économique), avec une double utilité : développer les pratiques et les savoir-faire locaux et faire progresser la « doctrine » centrale. Ce domaine, le diagnostic territorial, continue avec une forte dimension de Constituer un appareillage de connaissances et des services capables de les mobiliser apparaît à la fois comme une ambition nécessaire et un défi de gestion des ressources et des moyens considérable et difficile à concrétiser. La réussite du développement et du renouveau de pôles connaissances dans les DREAL en relais avec les futures directions départementales, ouverts sur le monde extérieur, appuyés sur le réseau technique et les savoirs de la recherche, constitue un fondement essentiel de l'apport stratégique de l'État dans la « territorialisation du Grenelle de l'environnement ». Ces pôles à constituer progressivement doivent fonctionner en réseau, s'ouvrir à des travaux de prospective à envisager comme des « productions » collectives en « mode projet ». Leur concrétisation interroge sur les moyens humains et les outils que les services pourront mobiliser et former, ainsi que sur leur adossement à des ressources techniques, scientifiques et méthodologiques et à des plates-formes d'échanges. 4. L'exercice de prospective territoriale au sein de l'activité de prospective dans les services déconcentrés Le passage de la connaissance sur l'avenir à un raisonnement et à un positionnement stratégiques dans le cadre d'une gouvernance territoriale en cours d'évolution, nécessite la recherche collective de visions globales à long terme. C'est là où il convient de situer l'exercice de prospective territoriale qui fait l'objet du présent ouvrage. L'activité de prospective dans les services ne s'y limite pas. L'exercice représente l'un des volets de cette activité, à côté des diagnostics prospectifs et des travaux de veille couplés aux travaux d'évaluation des politiques publiques et d'évaluation environnementale. L'exercice de prospective est à la croisée des stratégies de connaissance, de gouvernance, d'action et d'évaluation des politiques publiques. L'exercice, imaginer collectivement le territoire demain, contribue à une acculturation des services à la prospective de nature à favoriser la curiosité intellectuelle et une intelligence plus décloisonnée. Dans une telle perspective, il contribue aussi à la formation des agents au développement durable. 5. Les ressources pour l'activité de prospective Les prospectives territoriales restent rares. La répartition très inégale des compétences sur le territoire induit avec une certaine acuité la question des ressources sur lesquelles les maîtres d'ouvrage des exercices envisagés peuvent s'appuyer. 23 - http://www.diact.gouv.fr/fr_1/evaluation_prospective_48/br_prospective_239/ 24 - « La forêt française en 2050-2100. Essai de prospective » Conseil général de l'agriculture, de l'alimentation et des espaces ruraux, éditions Cêtre, mars 2009. 25 - UK Society of Investment Professionals, www.ukcip.org.uk/ (transformé récemment en CFA Society of the UK, cfainstitute.org). 26 - http://www.energie-cites.eu/ et http://www.klimabuendnis.org/ 27 - Centre d'étude sur les réseaux, les transports, l'urbanisme et les constructions publiques. 28 - Centres interégionaux de formation permanente. 36 | Commissariat général au développement durable ­ Délégation au développement durable Études & documents | n°12 | Novembre 2009 prospective, a faire l'objet d'une animation en réseau pilotée par la DGALN29. Les réseaux réguliers dans le domaine de la prospective territoriale sont rares. La DIACT par son réseau « Prospective Info » organise régulièrement des journées d'information, d'échanges et de débat. L'OIPR30 qui est une association, anime depuis dix ans cinq à six séminaires par an consacrés à la prospective territoriale. · La formation permanente. L'offre régulière est rare et se limite quasiment aux séminaires de prospective organisés par « Ponts-Formation » (filiale de l'ENPC31) et par Futuribles-International32. L'Institut de formation à l'environnement (IFORE) souhaite s'engager dans cette voie. Des ressources pour l'avenir En se recentrant sur une « prospective territoriale post-Grenelle de l'environnement », la « Mission prospective » constitue, aux côtés de la DIACT, le principal centre de ressources pour les services déconcentrés et pour les territoires. Elle a été mise en place au sein du Commissariat général au développement durable en se conjuguant avec les autres fonctions transversales du commissariat : observation/statistiques, évaluation, recherche et stratégie qui constituent autant de ressources potentiellement utiles pour les exercices de prospective territoriales aux côtés des expertises plus sectorielles que peuvent apporter les directions générales. La Mission peut apporter des conseils à la demande. Elle entreprend des travaux de prospective axés sur les transitions possibles vers des territoires et des sociétés plus durables et vers des politiques plus soutenables : transitions vers des « villes post-carbone », vers une « économie écologique »33. La Mission engage également un travail de veille internationale. Certains résultats de la veille et des travaux nationaux pourront être valorisés en direction des services et des territoires. De façon plus générale, la prospective s'organise au sein de l'État. Le Centre d'analyse stratégique (CAS) coordonne le réseau des centres de prospective ministériels. De tels centres sont clairement identifiés dans la plupart des ministères. Outre la Mission prospective du MEEDDM34, le centre de la DIACT et le CAS lui-même, les travaux des centres respectifs du ministère de l'agriculture et de la pêche et de la Délégation interministérielle de la ville peuvent le plus intéresser et inspirer les services territoriaux engagés dans des travaux de prospective. Enfin dans le prolongement du présent ouvrage, la Mission prospective souhaite aider les services à développer des travaux de prospective territoriale au service de la Stratégie nationale de développement durable. La principale voie ouverte est un appel à projets qui pourrait notamment s'appuyer sur les territoires « présentant des enjeux tels que l'État pourrait souhaiter élaborer, en association avec les collectivités, une directive territoriale d'aménagement et de développement durables » qui auront été identifiés en application de la circulaire du 23 mars, de territorialisation de la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement. Un débat avec les directeurs régionaux sur l'opportunité, les orientations et les modalités doit en être le préalable. 29 - Direction générale de l'aménagement, du logement et de la nature. Le réseau est plus précisément animé par le bureau des études de la sous-direction de la performance 30 - Observatoire International de Prospective Régionale. 31 - École Nationale des Ponts-et Chaussées. 32 - http://www.futuribles.com/ 33 - Pour une rève description des fonctions et programme de la Mission, voir : Horizons 2030-2050, Lettre de veille n°1, Missions prospective, Délégation au Développement Durable, juillet-août 2009. 34 - Ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer. Commissariat général au développement durable ­ Délégation au développement durable | 37 Études & documents | n°12 | Novembre 2009 Un exemple de prospective mondiale qui constitue une référence pour les exercices de prospective de la biodiversité Le Millenium Ecosystem Assessment (MEA)36 L'Évaluation pour le Millénaire (MEA ­ Millenium Ecosystem Assesment) a été lancée en 2001 par l'ONU afin de fournir une information scientifique sur les conséquences des changements dans les écosystèmes sur le bien-être humain (human well-being) ainsi que des options pour répondre à ces changements. Plus de 1 300 scientifiques de 95 pays ­ mais peu de Français ­ ont participé à ce projet. L'objectif de MEA était « d'évaluer les conséquences de l'évolution des écosystèmes sur le bien-être humain, dans le but d'identifier les actions nécessaires pour une meilleure préservation et utilisation des écosystèmes au service de l'homme ». Selon ses auteurs, le MEA peut s'utiliser : ­ pour identifier des priorités d'action; ­ comme repère pour de futures évaluations; ­ comme cadre et source d'outils d'évaluation, de planification, et de gestion; ­ comme source d'une vision anticipée relative aux conséquences des décisions affectant des écosystèmes; ­ pour l'identification des options de réponses en vue d'atteindre des objectifs de bien-être humain et de durabilité; ­ pour aider à bâtir une capacité individuelle et institutionnelle à entreprendre des évaluations intégrées d'écosystème et à agir au vu des résultats; ­ pour guider la recherche dans l'avenir. Le Millenium Ecosystem Assessment (MEA) Le MEA a développé quatre scénarios destinés à explorer des avenirs plausibles pour les écosystèmes et le bien-être de l'Homme en se basant sur différentes hypothèses relatives aux forces responsables des changements et leurs interactions possibles: · Orchestration globale (Global Orchestration) : ce scénario fait le portrait d'une société mondialement inter-connectée qui se concentre sur le commerce mondial et la libéralisation économique et adopte une approche réactive aux problèmes touchant les écosystèmes, mais qui prend également des mesures fortes pour réduire la pauvreté et l'inégalité et investir dans les secteurs d'utilité publique tels que les infrastructures et l'éducation. La croissance économique dans ce scénario est la plus élevée des quatre, tandis qu'on lui attribue le niveau de population le moins élevé en 2050. · Ordre suivant la force (Order from Strength) : ce scénario présente un monde régionalisé et fragmenté, préoccupé par des soucis de sécurité et de protection, et mettant l'accent principalement sur des marchés régionaux, en prêtant peu d'attention aux biens d'utilité publique et adoptant une approche réactive face aux problèmes touchant les écosystèmes. Les taux de croissance économique sont les plus bas de tous les scénarios. Ils sont particulièrement bas dans les pays en développement, et régressent avec le temps, alors que le taux de croissance démographique est le plus élevé. · Mosaïque d'adaptation (Adapting Mosaic) : selon ce scénario, les écosystèmes à l'échelle sont le centre de gravité de l'activité politique et économique. Les institutions locales sont renforcées et les stratégies de gestion locale des écosystèmes sont répandues; les sociétés développent une approche fortement proactive pour la gestion des écosystèmes. Les taux de croissance économiques sont faibles au départ mais augmentent avec le temps, et la population en 2050 est presque aussi importante que dans le cas du scénario précédent (ordre suivant la force). · Techno jardin (Techno Garden) : Ce scénario présente un monde inter-connecté à l'échelle globale et s'appuyant fortement sur une technologie de pointe dans le domaine environnemental, gérant parfaitement les écosystèmes, qui sont souvent aménagés pour délivrer des services, et adoptant une approche proactive de gestion des écosystèmes dans un effort de prévention des problèmes. La croissance économique est relativement élevée et s'accélère alors que la population en 2050 est moyenne. Source : « Étude de la faisabilité d'une analyse prospective de l'évolution de la biodiversité en France », TEC-Conseil pour le compte du MEDD (mai 2007). 38 | Commissariat général au développement durable ­ Délégation au développement durable Études & documents | n°12 | Novembre 2009 Conclusion Vers une prospective territoriale « post-Grenelle de l'environnement » U une grave crise climatique conjuguée à une pénurie de ressources non renouvelables risque de survenir et d'induire des effets géopolitiques, sociaux et économiques importants. Elle interviendrait avec une quasi certitude, dans les 30 à 50 ans à venir, si rien n'est entrepris pour « décarboner » les modes de production, de consommation, de déplacement, et pour limiter les prélèvements de ressources fossiles dont l'accès à faible coût contribue actuellement à la croissance, l'activité et l'emploi, pour préserver les ressources naturelles et la biodiversité. L'inaction, selon certains experts, pourrait conduire à un réchauffement mondial moyen de plus 5 degrés d'ici 2100, alors que plus 2 degrés serait déjà source d'un dérèglement de conséquence grave. développement, d'occupation de l'espace et de fonctionnement territorial. Les engagements de la stratégie nationale de développement durable (SNDD) incluent des objectifs nationaux chiffrés à moyen et à long terme. Ces objectifs à transposer pour un territoire induisent des questions dont les réponses peuvent en partie être apportées par des approches de prospective territoriale : quelle ville, quel type de développement, quels liens sociaux veulent les élus et les sociétés locales de ce territoire ? Il est ainsi impératif de partir des territoires, de leurs besoins et de leurs ressources, de l'avenir que ces territoires peuvent envisager, pour imaginer des solutions cohérentes avec les objectifs nationaux, des solutions en matière énergétique et climatique qui conjuguent simultanément sobriété, exploitation des ressources locales, politiques d'action locale, mobilisation des sociétés locales et civiles, coopération... Les visions stratégiques à long terme de l'action dans les territoires ont besoin d'être profondément renouvelées à toutes les échelles et avec l'ensemble des acteurs. L'avenir incertain inhérent à ces grandes transitions à envisager incite les acteurs des territoires à se tourner vers la prospective comme outil pour construire collectivement de telles visions. Ainsi des exercices de prospective territoriale spécifiquement axés sur ces transitions sont à expérimenter et à développer. Leur finalité va être de contribuer à construire un intérêt collectif pour les acteurs des territoires confrontés à la nécessité de changer l'action publique, notamment dans le domaine « climat-énergie » qui est tout nouveau dans l'action des collectivités. La prospective exploratoire en ouvrant de nouveaux horizons contribue à prendre conscience des enjeux à intégrer dans les politiques régionale et locale et à préparer les acteurs aux changements de l'action à envisager. La prospective « normative » s'attache à un horizon « souhaitable » pour proposer une ambition orientée par les exigences du Grenelle de l'environnement pour un territoire. La prospective de l'action simule les voies d'action pour constituer une offre politique compatible avec cette ambition de façon à conduire de façon flexible et cohérente les stratégies envisagées pour progressivement la concrétiser. À l'image de la notion de « catastrophisme éclairé35 », il est nécessaire d'anticiper une « crise systémique » de grande ampleur pour arriver à mettre en oeuvre des dispositifs d'action et de mobilisation « soutenables » capables de la prévenir et d'en minimiser les effets. Cette perspective touche tous les secteurs d'activité, engage des mutations dans les modes de vie et de déplacement, oriente la recherche scientifique et technologique, exige des efforts publics considérables pour développer l'« économie verte » modifier les transports et adapter le parc immobilier. Les régions et les territoires sont à leurs échelles confrontés à cette perspective ; il leurs est nécessaire d'interroger l'avenir pour, à la fois mieux comprendre ce qui peut arriver et se prémunir des effets négatifs et cadrer le mode de développement et les stratégies d'action en conséquence. Comment en effet concilier l'action d'un territoire sur le développement et l'urbanisation pour capter des activités à forte valeur ajoutée et des populations à haut revenu, lutter contre la pauvreté, préserver la biodiversité, développer le tourisme, rechercher des aménités et une économie du confort, inciter à davantage de sobriété et d'écoresponsabilité, avec les impératifs des stratégies européenne et française de développement durable et avec les opportunités, les menaces et les profondes mutations qui se dessinent et qui vont accompagner les transitions vers un « monde postcarbone » et « post-pétrole » à horizon de 20 à 50 ans ? De multiples incompatibilités risquent de se développer entre les modes actuels et futurs de 35 - « Pour un catastrophisme éclairé », Jean-Pierre Dupuis, Seuil 2002. Commissariat général au développement durable ­ Délégation au développement durable | 39 Études & documents | n°12 | Novembre 2009 Cette perspective nécessite de repenser le futur de toutes les activités en fonction des exigences climatiques et énergétiques et de faire émerger localement et régionalement des politiques spécifiques : des stratégies climat-énergie (une politique énergétique peut-elle se construire localement ?), d'adaptation au réchauffement climatique, de transformation maîtrisée des écosystèmes... Des initiatives se multiplient. De plus en plus de villes et de territoires en Europe mettent en oeuvre des plans d'action pour réduire globalement l'énergie et les rejets de GES et améliorer les performances écologiques des territoires. Des réseaux de villes et de compétences se sont constitués pour les aider. Le mouvement dans cette direction devient significatif en Europe. C'est dans ce contexte que les collectivités territoriales et les services de l'État sont confrontés au défi de construire des stratégies d'action pour « territorialiser » les objectifs de la stratégie nationale de développement durable. Une série de difficultés se présente à eux: ­ situer le territoire globalement et sectoriellement (l'économie, l'urbanisme, l'environnement, les transports, la construction, l'habitat, la santé...), au regard des objectifs des stratégies européenne et nationale du développement durable ; -- tenir compte des disparités entre les territoires en termes de démographie et de peuplement, de profils de populations, de consommation d'énergie, de systèmes de production, d'accès aux ressources, de services aux populations... ; ­ identifier les tensions et les contradictions, pour tenter de les réduire dans un même ensemble de territoires (par exemple, l'accroissement simultané des risques pour une large partie du littoral et pour les populations qui y résident, l'étalement de l'urbanisation et les surconsommations d'énergie résultantes...). Un travail collectif de prospective pourrait aider à surmonter ces difficultés. Cette situation est tout à fait nouvelle pour l'activité de prospective. La prospective territoriale devra se transformer, pas tant dans ses méthodes qui sont flexibles, pour s'adapter : ­ à l'effort tout particulier de sensibilisation et d'acculturation exigé pour inspirer d'autre façons de regarder et de raisonner sur l'avenir et pour intégrer ces nouvelles préoccupations dans les logiques d'action locale ; ­ aux « nouvelles problématiques » à investir, nécessitant des approches moins générales et englobantes, plus fouillées et plus « scientifiques »; faisant appel à des experts et à des acteurs qui auparavant n'étaient pas associés aux travaux de planification et de projets de territoires. Vers une prospective de ruptures susceptibles d'être provoquées par des changements de comportements, par des mutations économiques, par des situations de crise ; ­ ainsi à des ouvertures d'hypothèses d'évolution et de scénarios encore peu explorés ; ­ à l'importance des prospectives de l'action et des chemins (backcasting) pour arriver à proposer des stratégies solides, il s'agit d'un mode de travail encore peu développé en France ; ­ à la nécessité de simuler les conséquences des contraintes « post-Grenelle » sur les territoires et les sociétés locales, sur leur acceptabilité sociale et leur impact en terme de performances économiques ; ­ et à celle d'introduire davantage de quantification et si possible de modélisation et de coupler la prospective avec davantage de recherche et d'étude. Les questions de développement durable et les priorités « à territorialiser » issues du Grenelle de l'environnement jouent potentiellement un rôle de catalyseur d'un processus de prospective. Le renouvellement du questionnement sur l'avenir pour aller vers une recherche de stratégies en passant par une exercice de prospective, contribue à transformer l'imaginaire pour regarder autrement le futur et pour faciliter l'explicitation de visions susceptibles de favoriser auprès des décideurs le désir de faire autrement et de reconsidérer les projets de développement et d'aménagement des territoires. Cette perspective peut résulter d'une dynamique post-Grenelle qui devra s'installer dans les territoires. Celle-ci doit dépasser le stade des catalogues d'actions sectorielles que l'on trouve notamment dans les plans climat (réutilisation des déchets, réseaux de chaleur, photovoltaique, filière boischaleur, amélioration énergétique de l'éclairage et des bâtiments publics...), pour aller vers des visions et des stratégies qui relient les actions et donnent un sens visible pour les acteurs et les populations locales. L'importance des défis légitime les efforts des services déconcentrés de l'État de contribuer à la recherche de visions à long terme et de stratégies pour conduire les transitions dans les territoires. Selon la nature des jeux d'acteurs régionaux et locaux et des enjeux de développement prioritaires identifiés, ils peuvent être force d'initiative et de propositions, facilitateurs, apporteurs de connaissances sur l'avenir, ensembliers dans certains cas, « stratèges » pour leur propre ligne d'action. Ils peuvent ainsi inciter les collectivités à engager des exercices de prospective territoriale « post-Grenelle de l'environnement », les aider à les conduire et à les animer, en engager pour leur propre compte. 40 | Commissariat général au développement durable ­ Délégation au développement durable Études & documents | n°12 | Novembre 2009 ANNEXES La prospective dans l'activité des services Les leçons des expérimentations antérieures Commissariat général au développement durable ­ Délégation au développement durable | 41 Études & documents | n°12 | Novembre 2009 42 | Commissariat général au développement durable ­ Délégation au développement durable Études & documents | n°12 | Novembre 2009 L'atelier de référents pour la prospective territoriale dans les services déconcentrés de l'État. 2005­2007 S i la prospective stratégique est déjà « ancienne », elle a été peu pratiquée dans les territoires et dans les villes, encore moins dans les services de l'État. La nécessité de construire des visions à long terme susceptibles de contribuer à une réorientation de l'action dans les territoires ne s'est développée qu'au tournant des années 2000, en écho à des prises de conscience de plus en plus aiguës que la poursuite de certaines tendances et politiques risquaient de produire des dysfonctionnements et des déconvenues pour les « générations futures ». L'idée que les politiques n'étaient plus « soutenables » ainsi que l'absence croissante de visibilité à long terme a suscité un besoin de recherche de finalités « partagées » pour refonder l'action dans certains territoires. Vers 2004 la pratique d'exercices de prospective territoriale est apparue comme un outil à expérimenter au sein des services déconcentrés. Le contexte s'est avéré favorable pour concevoir et mettre en oeuvre un atelier de référents pour la prospective territoriale au cours de la période 20042007, immédiatement antérieure à la création du nouveau ministère et au Grenelle de l'environnement. L'atelier a été lancé suite à une journée nationale tenue en juin 2005, destinée à débattre de l'utilité d'engager des travaux de prospective territoriale à l'initiative de l'État déconcentré. Un appel à projets interne au ministère de l'Equipement a permis de sélectionner les exercices de prospective que les DRE et les DDE avaient prévus d'engager, ainsi que les personnes à former qui y participeraient. L'objectif affiché a été de former quelques personnes référentes en prospective et de promouvoir une culture fondée sur un début de pratique afin de faciliter le développement de cette activité dans les services régionaux et départementaux. Six sessions de l'atelier se sont tenues entre janvier 2006 et mars 2007. Une bonne vingtaine de personnes, toutes issues de DDE et de DRE, travaillant sur les exercices de prospective engagés par leurs directions, se sont réunies pour échanger et pour apprendre tout en faisant. L'animation et le secrétariat de cet atelier étaient assurés par l'administration centrale de l'ex ministère de l'Equipement (conjointement par les directions chargées de l'urbanisme et de la recherche) avec l'appui d'une prospectiviste privée et du CIFP de Paris. Ce cycle de six sessions de formation-action fondées sur une dizaine d'exercices s'est symétriquement achevé par un journée nationale de bilan, le 12 octobre 2007. Ces dix exercices ont fait l'objet en 2008 d'une évaluation comparative36. Les résultats de ce travail d'évaluation ont permis de fonder les bases du présent ouvrage. 36 - L'ÉTAT face aux FUTURS des TERRITOIRES. Analyse comparée et évaluation de démarches de prospective territoriale conduites par les services extérieurs de l'Equipement en 2005-2007. Guy Cauquil, Christian Lemaignan, Guy Loinger, François Rousseau. CIRESEGEISTEL Septembre 2008. Commissariat général au développement durable ­ Délégation au développement durable | 43 Études & documents | n°12 | Novembre 2009 Présentation générale Pilotage : DGUHC - DRAST(CPVST) -- CIFP Paris Objectifs : expérimenter, acculturer, donner envie professionnaliser des référents LE PUBLIC 30 personnes en formation Chefs de projet Chargés d'étude 13 exercices de prospective 8 en DRE, 5 en DDE 4 cas de référence (support pédagogique) 7 cas ont bénéficiés d'un « coach » Atelier 6 sessions formation action formation de référents échanges interactifs, écoute active apports de méthode apports de fond suivi collectif des 4 cas de référence réseau Animation générale : ALGOE Source : Centre de prospective et de veille scientifique et technique36. 36 - Le CPVST est devenu « Mission prospective » dans la nouvelle organisation du ministère. 44 | Commissariat général au développement durable ­ Délégation au développement durable Études & documents | n°12 | Novembre 2009 Les enseignements de l'évaluation comparée de dix exercices de prospective Les dix exercices de prospective menés par des DRE et par des DDE et suivis par l'atelier, qui ont fait l'objet d'une évaluation comparée en 2008, sont les suivants : Sept en DRE Midi-Pyrénées : diagnostic prospectif Bretagne : le Pays Centre-Ouest-Bretagne Pays-de-la-Loire : prospective régionale de l'habitat Nord-Pas-de-Calais : l'aire métropolitaine de Lille Centre : une prospective de l'aménagement du territoire Trois en DDE Bouches-du-Rhône : le Pays d'Aix-en-Provence Loire-Atlantique : le Pays de Chateaubriant Alpes-Maritimes : la mise en oeuvre de la DTA Languedoc-Roussillon : le devenir de l'agriculture, la hausse du coût de l'énergie et l'évolution des finances publiques Haute-Normandie : Baie de Seine, prospective de la mobilité et des transports L'analyse de ce qui a été fait permet de récapituler certains aspects essentiels qui sont regroupés en cinq points : ­ L'intérêt des exercices de prospective. ­ l'État et les acteurs régionaux et locaux. ­ Les thématiques. ­ Les conditions de réalisation. ­ Les suites. 1. Pourquoi engager un exercice de prospective ? Un exercice de prospective est une démarche exceptionnelle pour une direction. Il s'agit bien d'un « exercice » et non d'une activité de veille que les services peuvent développer par ailleurs. Les exercices analysés ont été conçus pour la plupart comme ouverts sur l'action et devant avoir une portée stratégique. Ils se situent sur un curseur « recherche de connaissances ­ stratégie d'action, gouvernance ». Comme l'indique le schéma suivant, les prospectives de territoires infra-régionales (tels les trois cas de Pays) sont plutôt tourné vers les orientations de l'action. Les échelles régionales sont davantage tirées vers la production de connaissances sur les enjeux du futur auxquels les territoires devront faire face. L'intention de réorientation stratégique est souvent indiquée dans le cahier des charges parfois de façon très générale. Trois types d'objectifs opérationnels et de « postures » apparaisent : 1° Dans une première configuration, il s'agit d'affirmer un point de vue ou une stratégie de l'État pour positionner les services déconcentrés sur certains enjeux et contenus spécifiques, vis à vis des collectivités et des autres principaux acteurs. La « posture » est plutôt régionale. Elle procède le plus souvent par une recherche de qualité des connaissances et des contenus dont l'utilisation doit à la fois servir à se fixer une ligne de conduite, à « se valoriser » auprès des autres acteurs dans les territoires et à nourrir des débats. Elle est obtenue par un exercice interne aux services de l'État avec apport d'experts externes. 2° Un positionnement mixte cherche à associer à l'exercice les services et experts des acteurs territoriaux (techniques et non élus). L'objectif, par exemple en Pays-de-la-Loire, est à la fois de cadrer l'action de l'État en vue d'une programmation du logement par une compréhension des enjeux urbains et d'habitat à long terme et de rechercher un alignement de quelques autres acteurs sur les visions à long terme, ou encore de définir des scénarios de mobilité et de déplacements à un horizon 2025 en baie de Seine. Dans les AlpesMaritimes, la démarche prospective a été l'occasion d'ouvrir un espace de coopération et de réflexion sur les façons de « gérer la DTA37 ». 3° Dans une troisième configuration, il s'agit de se situer en « position d'influence utile38 » par Un exercice de prospective a pour finalité première de définir des stratégies d'action à partir de visions à moyen et long terme obtenues par des simulations des évolutions du contexte et des stratégies supposées des acteurs. Le besoin de prospective (visions à long terme) se manifeste lorsqu'il y a une conscience qu'il faut changer l'action Trois attitudes correspondent à trois types d'objectifs : 1° Contribuer à bâtir une stratégie de l'État face aux autres acteurs. 2° Contribuer à bâtir une stratégie de l'État en intégrant d'autres acteurs à l'exercice. 3° Contribuer à bâtir des stratégies communes avec les collectivités territroriales et les acteurs les plus concernés. 37 - Directive Territoriale d'Aménagement. 38 - Pour reprendre une expression employée par Paul Serre (DDE dans les Bouches-du-Rhône). Commissariat général au développement durable ­ Délégation au développement durable | 45 Études & documents | n°12 | Novembre 2009 A (cubes oranges) = échelle régionale. B (cubes bleus) = échelle infrarégionale ou départementale. C (cubes roses) = échelle locale, « Pays », territoires de projet. NB : plus un site est proche des axes verticaux ou horizontaux, plus il relève des deux paramètres mis en tension, plus il se rapproche d'une des extrémités des axes fléchés, plus il se caractérise par le critère considéré. Source : « CIRESE-GEISTEL, Evaluation des démarches de prospective territoriale, MEEDDAT, sept. 2008. Préparer le « terrain » : un appui actif des préfets est déterminant Avant de s'engager dans un exercice de prospective long et coûteux, la préparation en amont est décisive pour confronter les représentations que les collectivités et l'Etat ont de leurs priorités et pour préciser les attentes vis-à-vis de l'Etat et par conséquent la nature des investigations (de prospective ou non) à engager. La loi "Grenelle 1" favorise cette préparation appuyée par le préfet. Deux exemples. ­ En novembre 2008, la DDE et le préfet de l'Ain ont organisé une réunion autour d'une conférence de Jean-Marc Jancovici et d'une table ronde avec plusieurs élus importants et le directeur départemental, sur le sujet « des enjeux sur la crise de l'énergie et le changement climatique et leur lien avec la responsabilité des collectivités en matière d'aménagement des territoires ». Thème affiché : l'aménagement du territoire face au défi énergétique et climatique. Cible : les élus. Audience : amphi rempli. ­ En juin 2008 le préfet des Pyrénées Orientales a présidé une assemblée de tous les maires et acteurs économiques du département pour les mobiliser sur les grands enjeux d'aménagement et de développement durable des territoires à l'horizon 2030. En conclusion, après un rappel des grands défis d'avenir pour le département, le préfet a appelé les décideurs publics à une démarche commune après les échéances municipales et cantonales des 9 et 16 mars prochains « pour voir si nous partageons le même diagnostic sur les atouts et les faiblesses du département, si nous pouvons ­ à partir de là ­ nous retrouver autour d'ambitions collectives et communes qui généreraient, ensuite, des politiques de territoires, coordonnées et complémentaires... » Cette proposition a fait l'objet d'un accord le même soir. Il serait possible de multiplier les exemples. Ce type de réunion d'information et de débat peut facilement donner lieu à un programme d'études et d'action et pourquoi pas de recherche de vision commune pour orienter certains choix d'action. Source : Claude Spohr, mission prospective. 46 | Commissariat général au développement durable ­ Délégation au développement durable Études & documents | n°12 | Novembre 2009 rapport aux politiques et aux actions locales. L'exercice est plus participatif, y compris par une ouverture aux élus, et attentif à une appropriation des résultats par les acteurs locaux. Le positionnement est plus local : c'est le cas des trois prospectives de Pays (Centre-Ouest-Bretagne, Chateaubriant et Aix-en-Provence). La concrétisation des intentions de peser sur les stratégies d'action est très difficile à évaluer faute de recul suffisant. 4. Les modalités de réalisation Un exercice de prospective n'est pas une « étude » au sens d'une prestation apportée par un bureau d'étude ou par un service de la direction travaillant « en régie » et discutée en comité de pilotage de l'étude. Il s'agit d'une production collective en ateliers ou en groupes de travail fondée sur des travaux de diagnostic ou d'études préalables et faisant appel à des méthodologies spécifiques : identification des facteurs ou variablesclé, analyse des interactions entre facteurs (analyse structurelle), choix des hypothèses d'évolution et élaboration de scénarios... Cette dimension de travail collectif a été perçue de façon très positive. Les énergies des acteurs et des services se sont mobilisées souvent de façon inattendue permettant de progresser dans le sens d'un décloisonnement des compétences et des savoir-faire ainsi que d'une prise de conscience et d'une appropriation de certains enjeux et de certaines préoccupations. Il a souvent été question de mobilisation d'une intelligence collective. L'exigence collective et participative a néanmoins besoin de s'appuyer sur un fort encadrement méthodologique. Huit cas sur dix ont fait appel à un consultant en prospective territoriale. Leur principal rôle est d'apporter des méthodes d'élaboration de scénarios et d'assurer l'animation des ateliers. Les prestations d'étude et les prestations de synthèse, d'animation et de productions prospectives ont été parfois séparées et partagées entre deux ou plusieurs organismes parfois confondus (prestation intégrée). Équilibrer et coordonner les deux s'est avéré délicat : ­ dans un premier cas de figure, l'attribution de la phase diagnostic/analyse préliminaire à un organisme distinct du prospectiviste s'est heurtée aux difficultés de partage et d'appropriation par les participants aux collectifs de prospective, ­ dans le second cas, le soin a été confié au consultant prospectiviste de mener et d'assembler les travaux de diagnostic d'enquêtes et/ou d'auditions, avec l'avantage d'un diagnostic bien en prise avec les ateliers de prospective et avec un risque d'apport d'études et d'expertise un peu superficiel pour constituer le socle de connaissances utile pour regarder l'avenir. Des prestataires d'inégale importance sont intervenus dans les démarches de prospective analysées : ­ bureaux d'études (ou consultants de stratégie urbaine), laboratoires universitaires, équipes de CETE et/ou équipes internes à la direction responsable de l'exercice (de façon assez marginale), ­ consultants en prospective territoriale (presque dans tous les cas), ­ experts internes à l'État ou externes pour des prestations ponctuelles en cours de route (assez rarement). Un exercice de prospective est assimilable à un projet complexe nécessitant un dispositif de Le dispositif de maîtrise d'oeuvre doit équilibrer les travaux de diagnostic, d'étude et d'expertise, de modélisation éventuelle et les techniques d'exploration collective du futur (qualitatives et quantitatives). 2. L'État et les acteurs régionaux et locaux La question omni-présente d'un positionnement des services de l'État s'est avérée très difficile à régler car les services, le plus souvent n'avaient de claire appréhension ni de ce qu'ils pouvaient apporter aux territoires ni de ce que les territoires pouvaient attendre de l'État.. Cette problématique qui renvoie à une décentralisation française inachevée dépasse toutefois de loin le sujet de la prospective. Cette faible visibilité du rôle de l'État dans le système d'acteurs locaux était dans beaucoup d'exercices liée à la conscience diffuse d'une légitimité technique insuffisante par rapport aux enjeux analysés et d'une légitimité plus politique, sutout régionalement, difficile à atteindre. Les travaux de prospective ont-ils permis d'avancer dans l'influence stratégique de l'État déconcentré ? Localement, cela semble avéré (pays de Chateaubriant et d'Aix), régionalement c'est plus difficile à apprécier. L'appui des sous-préfets (le sous-préfet de Chateaubriant a joué un rôle d'ensemblier et de facilitateur) et des préfets peut être déterminant, comme le montre l'encart ci-contre. 3. Approches globales, approches sectorielles Les exercices se sont intéressés : ­ soit aux territoires dans leur globalité (ensemble des secteurs et acteurs) pour définir des scénarios d'évolution possibles de développement et d'aménagement de ces territoires ; ­ soit à un secteur d'activité ou à une thématique qui a de forts effets sur : . l'aménagement d'un territoire : . l'habitat en Pays-de-la-Loire . les déplacements et les transports en Baie de Seine . l'agriculture et le monde rural en LanguedocRoussillon . une prospective de la filière maison individuelle dans le Vaucluse présentée plus tardivement dans la vie de l'atelier par la DDE du Vaucluse. ou encore à un facteur d'évolution spécifique de l'action publique et à ses conséquences dans la cas de la DTA des Alpes-Maritimes (approche acteurs). Le Grenelle de l'environnement a été peu anticipé. Les principales priorités qui en résultent (climat, biodiversité...) n'ont pas donné lieu à des travaux de prospective spécifiques. Commissariat général au développement durable ­ Délégation au développement durable | 47 Études & documents | n°12 | Novembre 2009 Un exemple : le diagnostic prospectif de Midi-Pyrénées8 Une typologie de l'espace régional en 8 sous-systèmes qui donneront lieu à une série de micro-scénarios : · Groupe 1 : Métropole toulousaine · Groupe 2 : Bassins industriels en crise · Groupe 3 : Espace métropolitain · Groupe 4 : Pôles d'emplois et leurs périphéries · Groupe 5 : Espace rural en mutation · Groupe 6 : Trame rurale agricole, vieillie et peu dense · Groupe 7 : Espace de montagne à vocation agro-touristique · Groupe 8 : Espace rural et montagnard du Massif Central Source : Bulletin de liaison de l'atelier N°1, février 2006. 48 | Commissariat général au développement durable ­ Délégation au développement durable Études & documents | n°12 | Novembre 2009 pilotage efficace ; pilotage souvent qualifié de stratégique et d'intégré, caractérisé par un chef de projet (en général inscrit à la formation de l'atelier et en principe destiné à devenir un référent pour sa direction). Ce chef de projet est responsable de la conception d'ensemble du processus ou de la démarche de prospective, du cahier des charges, de l'appel d'offres destiné à choisir les prestataires externes, de la mise en place et du suivi du dispositif de travail (composition des groupes de pilotage, des ateliers...), de la communication et des contacts avec les acteurs externes, garant de la qualité des contenus. Il peut s'appuyer sur une petite équipe de projet chargée d'aider au pilotage d'ensemble et, exceptionnellement pour la DDE des Bouches-duRhône, de produire en régie (maîtrise d'oeuvre). Il a bénéficié dans certains cas d'une mission de conseil assurée par un CETE (le CETE de l'Ouest pour les cas de la Bretagne et des Pays-de-la-Loire) par un « coach » financé par l'administration centrale à titre expérimental (dans 7 cas) ou encore, dans le cas de Baie de Seine, par un expert/chercheur. Ces savoir-faire de chef de projet « assembleur » sont indispensables, précieux car de plus en plus rares. Cette fonction de chef de projet est parfois confiée à des responsables de services et adossée le plus souvent directement au directeur ou à la direction générale. L'appui institutionnel du préfet est plus rare. ­ un « quatre pages » imprimé qui réume la démarche et présente les scénarios et les enjeux (Midi-Pyrénées notamment) ; ­ un film (Pays de Chateaubriant) ou un D.V.D. (DRE Nord-Pas-de-Calais) ; ­ la mise en ligne sur sites intra et/ou internet (presque tous) ; ­ les séminaires de restitution des travaux et de débat (Languedoc-Roussillon, notamment) ou les réunions de présentation ouvertes notamment aux collectivités territoriales ou restreinte aux services de l'État comme pour les Ateliers territoriaux de l'État en région, pour la région Centre. La prospective en Midi-Pyrénées qui a été la première à être achevée a fait l'objet d'une réflexion spécifique sur les moyens à mettre en oeuvre pour conférer aux travaux davantage de portée stratégique, avec la mise à disposition de la DRE d'un mission d'assistance39 dédiée à cette phase. Certaines suites indiquent une diffusion de la prospective à mettre au crédit des personnes formées dans le cadre de l'atelier de référents : ­ Le développement d'une véritable « vitrine » de la prospective territoriale sur le site intranet40 de la DRE Pays-de-la-Loire, appuyée par une enquête auprès des collectivités et des professionnels sur l'offre et la demande locale et régionale de prospective : « comment construire aujourd'hui les territoires de demain ? » ­ Nouveaux exercices de prospective directement à l'initiative de personnes issues du réseau de l'atelier : DDEA du Lot, de l'Indre-et-Loire et de la Sarthe, en Aquitaine, en Bretagne. ­ La mise en place de deux « ateliers » déconcentrés au niveau des CIFP de Toulouse et de Paris (2008/2009) pour former de nouveaux « référents » à partir d'une nouvelle série d'exercices de prospective engagés par des services régionaux ou départementaux (une petite dizaine). 5. Les suites, valorisation et mise en débat. La valorisation d'un travail important relève d'une tendance normale. Elle est principalement conçue pour communiquer avec un public externe et faciliter l'appropriation des résultats par des acteurs qui n'ont pas participé à la démarche elle-même. Les formes principales en sont : 39 - Mission dite de "coaching" financée par l'ex DGUHC et confiée à Daniel Béhar. 40 - http://intra.dreal-pays-de-la-loire.i2/rubrique.php3?id_rubrique=60 Commissariat général au développement durable ­ Délégation au développement durable | 49 Études & documents | n°12 | Novembre 2009 Extraits du rapport CIRESE/GEISTEL « L'ÉTAT face aux FUTURS des TERRITOIRES. Analyse comparée et évaluation de démarches de prospective territoriale conduites par les services extérieurs de l'Équipement en 2005-2007 » (ept. 2008) Les lignes de force et de faiblesse des expérimentations Une lecture horizontale des cinq types d'atouts examinés met en évidence les lignes de force et de faiblesse des dix premières expérimentations : Ce que ces expérimentations ont « fait bouger » Une lecture horizontale des cinq types d'impacts ou effets identifiés met en évidence ce que ces dix premières expérimentations ont pu ou non faire bouger : L'échelle de 0 à 30 représente la cotation qui résulte du référentiel d'évaluation adopté par CIRESE-GEISTEL qui a été chargé de l'évaluation des 10 cas de prospective. Source : Rapport CIRESE/GEISTEL « L'ÉTAT face aux FUTURS des TERRITOIRES. Analyse comparée et évaluation de démarches de prospective territoriale conduites par les services extérieurs de l'Equipement en 2005-2007 » (sept. 2008). 50 | Commissariat général au développement durable ­ Délégation au développement durable Études & documents | n°12 | Novembre 2009 BIBLIOGRAPHIE Commissariat général au développement durable ­ Délégation au développement durable | 51 Études & documents | n°12 | Novembre 2009 52 | Commissariat général au développement durable ­ Délégation au développement durable Études & documents | n°12 | Novembre 2009 Prospective et prospective territoriale, principes et méthodes · Bailly Jean-Paul : « Demain est déjà là. Prospective, débat, décision publique », 1999, éditions de l'Aube. · Bailly Jean-Paul : « Prospective territoriale et action publique », Futuribles, n° 314, décembre 2005. · Barré Rémi : « le Foresight britannique. Un nouvel instrument de gouvernance ? », Futuribles, n° 49, janvier 2000. · Clar Günter et Acheson Héléna et al. : « Stratégic Policy Intelligence: Tools for Better Policy Making in Europe's Regions. Guide », Compendium, Stuttgard, 2007. · Clar Günter et Destatte Philippe : « Regional Foresight, Boosting Regional Potential, Mutual Learning Platform », Regional Foresight Report, Commission européenne-comité des Régions, 2006. · Conseil général de l'armement : « Prospective et décision publique », ministère de la défense, mai 2009. · Courson Jacques de : « La prospective des territoires, concepts, méthodes, résultats », 1999, éditions du CERTU. · Courson Jacques de : « L'appétit du futur. Un voyage au coeur de la prospective. », éditions Charles Léopold Mayer, décembre 2005. · Delamarre Aliette, Malhomme Marie-Claude : « la prospective territoriale », la documentation FrançaiseDATAR, 2002. · Destatte Philippe : « Guide pour mener un exercice de prospective territoriale », Plateforme d'intelligence territoriale wallonne, Institut Destrée, DGATLP, http://www.intelliterwal.net/Documents.htm · Destatte Philippe et Durance Philippe (sous la direction de) : « Les mots-clés de la prospective territoriale », la documentation Française, 2009. · Durance Philippe, Godet Michel, Mirénowicz Philippe, Pacini Vincent : « La prospective territoriale, Pour quoi faire ? Comment faire? », CNAM, Cahiers du Lipsor, série « Recherche » n°7, janvier 2007. · Farhi F., Lecoq D. (CM International), Liles I., Keenan M. (PREST, Manchester), Clar G., Svanfeldt C. (Bruxelles) : « Guide pratique de prospective territoriale en France », Commission européenne, Direction générale de la recherche, 2003. · Gaudin Thierry : « La prospective », Que sais-je, PUF, 2005. · Godet Michel : « Manuel de prospective stratégique », 2 tomes, Dunod, 1997, 2ème éd. 2002. · Godet Michel : « Crise de la prévision, essor de la prospective, exemple et méthodes », PUF 1997. · Godet Michet et Durance Philippe : « La prospective stratégique pour les entreprises et les territoires », Dunot, 2008. · Gonod Pierre : « La prospective systemique », Plateforme d'intelligence territoriale wallonne, Institut Destrée. http://www.intelliterwal.net/Documents/2009-05-21_Gonod_Pierre_La-prospective-systemique.pdf · Goux-Baudiment Fabienne : « Quand les territoires pensent leurs futurs », 2001, éditions de l'Aube. · Goux-Baudiment Fabienne : « Donner du futur aux territoires. Guide de prospective territoriale à l'usage des acteurs locaux », éditions du CERTU, 2000. · Goux-Baudiment Fabienne, Soulet Ghislaine, Courson Jacques de : « Quiz pour conduire un exercice de prospective territoriale », éditions du CERTU, 2008. · Jouvenel. Hugues de : « La démarche de prospective, un bref guide méthodologique », Futuribles, n°247, novembre 1999. · Jouvenel. Hugues de : « Invitation à la prospective. An invitation to foresight. », collection « Perspectives», Futuribles, 2004. · Lemaignan Christian : « Perspectives territoriales pour 2020 », l'Harmattan, 2002. · Les séminaires de la Caisse des Dépôts : « Prospective et développement territorial », la documentation Française, 2003. · Loinger Guy (sous la direction de) : La prospective régionale, de chemins en desseins. Neuf expériences de prospective régionale, éditions de l'Aube, février 2004. · Loinger Guy et Gonod Pierre : « Méthodologie de la prospective régionale », Rapport à la DATAR, GEISTEL, 1994. · Mermet Laurent (sous la direction) : « Prospectives pour l'environnement. Quelles recherches ? Quelles ressources ? Quelles méthodes ? », La Documentation Française, 2003. · Parrad Frédérique : « Quand les villes pensent leurs futurs. », DRAST/CPVST, octobre 2004. · Piveteau Vincent : « Prospective et territoire. Apports d'une réflexion sur le jeu », Cemagref, collection « Études », « Gestion des territoires », n°15, 1995. · Spohr Claude et Loinger Guy : « Prospective et plainification territoriales : état des lieux et propositions. », Note du CPVS n° 19, 2004 ou Travaux et recherches de prospective n° 24 (Futuribles International, CCP, DATAR, LIPSOR), février 2005. Commissariat général au développement durable ­ Délégation au développement durable | 53 Études & documents | n°12 | Novembre 2009 Autres ouvrages. · « Agriculture, environnement et territoires. Quatre scénarios à l'horizon 2025 », La Documentation Française, 2006. · Ascher François : « Les nouveaux principes de l'urbanisme. La fin des villes n'est pas à l'ordre du jour », éditions de l'Aube, 2001. · Bain Pascal, Maujean Sébastien, Theys Jacques : « Agora 2020 », CPVS, DRAST, MEDAD 2008 (pour sa partie prospective). · Calame Pierre : « Mission possible : penser l'avenir de la planête.», éditions Charles Léopold Mayer, collection Dossier pour un débat, réédition 2003. · Callon Michel, Lascoumes Pierre, Barthe Yves : « Agir dans un monde incertain. Essai sur la démocratie technique », édition du Seuil, 2001. · Commissariat général au développement durable : « Le projet de stratégie nationale de développement durable 2009-2012 », collection « Le point sur », n°1, janvier 2009. · Commissariat général au développement durable : « Stratégie nationale de développement durable, 2003-2008. 5ème Rapport », collection « Références », 2009. · Conseil général de l'agriculture, de l'alimentation et des espaces ruraux : « la forêt française en 20502100. Essai de prospective », éditions Cêtre, mars 2009. · Debarbieux Bertrand et Vanier Martin : « Ces territorialités qui se dessinent », éditions de l'Aube, DATAR, 2002. · Dupuis Jean-Pierre : « Pour un catastrophisme éclairé », Seuil 2002. · Gaudin Thierry : « L'aménagement du territoire vu de 2100 » 1994, éditions de l'Aube. · INRA, groupe de travail nouvelles ruralités : « Les nouvelles ruralités en France à l'horizon 2030 », INRA, juillet 2008. · Jancovici Jean-Marc et Grandjean Alain : « C'est maintenant. Trois ans pour sauver le monde », Seuil, 2009. · Passet René et Theys Jacques (sous la direction) : « Héritiers du futur », éditions de l'Aube, DATAR, 1995. · Perthuis Christian de : « Et pour quelques degrés de plus... Nos choix économiques face au risque climatique », éditions Pearson, avril 2009. · Radanne Pierre :« Énergies de ton siècle ! Des crises à la mutation », éditions Lignes de Repères, 2005. · Spohr Claude :« Innover pour changer. L'expérience des DRE et des DDE au service de l'aménagement durable des territoires. », Note du CPVS n° 24, 2008. Réédition dans la collection «Études et documents » du CGDD, 2009. · Stern Nicolas : « The Economics of climatr Change: The Stern Review », Cambridge University Press, janvier 2007, Executive summary : http://62.164.176.164/d/Executive_Summary.pdf. · Stern Nicolas et Jouzel Jean : « Lutter contre les changements climatiques et maîtriser l'énergie », rapport du groupe 1 du Grenelle de l'environnement. http://www.legrenelle-environnement.gouv.fr/grenelleenvironnement/IMG/pdf/G1_Synthèse_rapport.pdf · Theys Jacques : « Développement durable, villes et territoires : innover et décloisonner pour anticiper les ruptures », note CPVS n°13, ministère de l'Équipement, du logement et des transports, janvier 2000. · Vandermotten Christian (sous la direction de) : « Le développement durable des territoires », 2002, éditions de l'Université de Bruxelles. · Vanier Martin (sous la direction) : « Territoires, territorialité, territorialisation, Controverses et perspectives », Rennes, PUR, collection « Espace et territoires », 2009. · Wachter Serge (DIR) : « Dictionnaire prospectif de l'aménagement du territoire », Belin et CPVS, 2008. 54 | Commissariat général au développement durable ­ Délégation au développement durable Vers une prospective territoriale post-Grenelle de l'environnement Le Grenelle de l'environnement ouvre une période de plusieurs dizaines d'années de transitions vers des territoires et des villes plus durables. Le défi de la « territorialisation de la mise en oeuvre du Grenelle » introduit un besoin de visions à long terme, locales, régionales et inter-régionales, du devenir des territoires pour faire face aux effets du réchauffement climatique, des pénuries énergétiques, de l'érosion de la biodiversité et de certaines ressources naturelles, afin de s'engager ainsi dans les voies d'un développement soutenable et de comportements plus sobres. Il s'agit de comprendre et de simuler ce qui peut advenir afin de prendre en compte, dans les territoires, les stratégies européennes et nationales de développement durable. Les exercices de prospective sont des outils pertinents pour élaborer des scénarios et des visions de l'avenir des territoires. L'ouvrage présente les démarches et méthodes de prospective pour intégrer les enjeux du Grenelle et pour en montrer les avantages et les limites. Il s'adresse avant tout aux services déconcentrés du ministère mais peut également intéresser les collectivités locales soucieuses d'engager des travaux de prospective territoriale. Mise en page : Belle Page Paris n°90636 ISSN : 0753-3454 INVALIDE) (ATTENTION: OPTION nduire des travaux de modélisation incorporés à des démarches de prospective. Pour échafauder des scénarios de transition vers un territoire rejetant peu de GES, il faut évaluer les possibilités de réduction des émissions et les effets sur l'emploi et sur la mobilité. Pour y arriver, il faudrait savoir modéliser, « toutes choses inégales par ailleurs » des horizons de trente ans et davantage. Une quantification des scénarios de mobilité a été tentée en Baie de Seine14 avec des résultats encore peu probants. Des expérimentations sont à conduire. Cette perspective nécessitera d'introduire davantage de sciences économiques dans les démarches de prospective territoriale « post-Grenelle ». 2.3 Les visions souhaitables. La prospective normative consiste à élaborer une vision « souhaitable » du futur et à rechercher le L'analyse morphologique est un outil d'emboîtement des variables influentes, permettant de faciliter l'explicitation des hypothèses de scénarios. Le terme « scénario » exprime : ­ la multiplicité des images futures possibles et souhaitables ­ et la multiplicité des stratégies et des projets pour arriver à atteindre un but que l'on s'est fixé. Il est important de distinguer ces deux grandes familles : scénarios de contexte et scénarios locaux. Des scénarios de locaux confrontés à des scénarios de contexte : selon les hypothèses respectivement d'une agriculture pilotée par les grandes entreprises de l'agroalimentaire et d'une multifonctionnalité à orientation bio, les futurs possibles seront très différents. Des passerelles entre travaux prévisionnels chiffrés et démarches de prospective territoriale sont difficiles à établir. Pour quantifier les émissions de carbone dans les scénarios, il est nécessaire d'expérimenter à diverses échelles pour adapter la modélisation prévisionnelle aux démarches de prospective. 10 - Laboratoire d'Innovation, de Prospective Stratégique et d'Organisation. 11 - Les méthodes de prospective sont téléchargeables sur le site du CNAM LIPSOR : http://www.3ie.fr/lipsor/ 12- Cf. partie en annexe. 13 - L'ETAT face aux FUTURS des TERRITOIRES. Analyse comparée et évaluation de démarches de prospective territoriale conduites par les services extérieurs de l'Equipement en 2005-2007. Guy Cauquil, Christian Lemaignan, Guy Loinger, François Rousseau. CIRESE-GEISTEL Septembre 2008 14- il s'agit de l'exercice de prospective de la mobilité en baie de Seine. Cf. partie en annexe. Commissariat général au développement durable ­ Délégation au développement durable | 29 Études & documents | n°12 | Novembre 2009 Prospective scientifique et prospective stratégique. Les problématiques du Grenelle de l'environnement, souvent à contenu scientifique très affirmé, tendent à remettre en question la séparation plus ou moins convenue entre une prospective d'experts et de scientifiques qui n'auraient pas vocation à construire des stratégies et une prospective d'acteurs « stratégique », pour de plus en plus placer les chercheurs au coeur des stratégies territoriales et les acteurs au coeur des mutations scientifiques et technologiques le plus souvent exogènes par rapport aux territoires mais influents sur leur évolution. Les travaux du GIEC sont emblématiques de l'hybridation entre le scientifique et le stratégique et le politique. L'affirmation du caractère scientifique influe sur les façons de poser les problèmes, de comprendre les enjeux, de concevoir les démarches, de construire les scénarios et les visions. En même temps les incertitudes de la connaissances, les points de vues et approches variés des experts et des chercheurs, ont besoin d'être confrontés aux réalités des territoires, aux questions des controverses et d'acceptabilité sociale et économique. Des travaux de prospective territorialisés et les débats qui en résultent pourraient concrètement ambitionner de rapprocher des « mondes scientifiques » avec les acteurs, les services et les populations locales. Des prérequis scientifiques Certains sujets nécessitent des approches scientifiques et un environnement de chercheurs dès l'amont d'un exercice. Une prospective de l'élévation du niveau des mers et des phénomènes climatiques extrêmes susceptibles d'y être associés qui risquent de survenir et d'avoir des effets sur les milieux et les activités littorales et côtières, a besoin de s'appuyer sur un socle de connaissances climatiques, océanographiques, géomorphologiques... Ces connaissances qui incluent de grandes marges d'incertitudes, sont à décliner en fonction des réalités locales : humaines, géographiques, socioéconomiques, écosystémiques. Une connaissance spécialisée appliquée à un territoire détermine fortement la nature du diagnostic ainsi que le choix des variables de changement et des scénarios. L'ensemble des questions territorialisées de lutte contre les effets de serre et d'économie énergétique implique des approches quantitatives. Ce qui est possible pour les diagnostics : bilans carbones, analyses énergétiques de morceaux de villes et de formes urbaines..., doit l'être également pour la simulation de scénarios. Toutefois focaliser les efforts de quantification sur des dimensions spécifiques risque de déséquilibrer des travaux de prospective territoriaux qui visent des approches plus globales et plus complexes. Cette limite pose la question difficile de la modélisation prospective. La question de la modélisation prospective Le recours à des dires d'experts pour éclairer et accompagner un atelier de prospective risque de se révéler insuffisant lorsqu'il s'agit de simuler les conséquences de certains choix stratégiques sur l'activité, l'évolution sociale, l'environnement et pour apprécier si ces choix ont une chance d'atteindre les objectifs de décarbonification et de réduction énergétique. La recherche d'une quantification des scénarios obtenus par une combinaison de variables aussi divers que les taxes, l'ouverture de certains marchés de l'énergie, les évolutions technologiques, la raréfaction des ressources, les changements de comportement..., implique une modélisation prospective pour pouvoir véritablement déboucher sur des souhaitables réalistes et plausibles. Les travaux de modélisation sont appliqués à des grandes échelles continentales, supranationales, nationales. À titre d'exemple, l'IDDRI15 et l'EpE16 pilotent un exercice de modélisation des politiques climatiques en simulant un certain nombre de scénarios. L'objectif est de dégager quelques visions globales d'un monde « post-carbone » pour mieux caractériser des politiques de transition envisageables. Ce type de travaux est peu territorialisé et peu transposable aux échelles locales. Il serait intéressant de mener des expérimentions territoriales par un recours à des « modélisateurs créatifs » capables par approximations successives, de créer ou d'adapter un modèle en mesure d'intégrer des séries de variables et de simuler des scénarios très diversifiées. Source : Claude Spohr, Mission prospective. 15 - Institut du Développement Durable et des Relations Internationales et Entreprises pour l'Environnement. 16 - Entreprises pour l'Environnement 30 | Commissariat général au développement durable ­ Délégation au développement durable Études & documents | n°12 | Novembre 2009 consensus pour transformer cette vision en but vers lequel il faudrait aller, un but souhaitable, acceptable et plausible. Dans une perspective « Grenelle de l'environnement », c'est l'image du territoire « durable », ce qui peut être envisagé pour un nouvel équilibre entre croissance, cohésion et les contraintes de changement imposées par la nécessité de réduire les GES, de n`utiliser que très peu les ressources et les énergies « fossiles », de transformer la nature des activités et des emplois, des modes de vie, de consommation, de déplacement... Le « normatif » c'est aussi la recherche du but « nécessaire » à... contribuer à « sauver la planète », à atteindre les objectifs « facteur 4 » dans un territoire, à enrayer l'érosion de la biodiversité, à mobiliser les forces économiques et sociales en faveur de modes de production et de consommation plus « soutenables »... En ce sens il est possible de parler de « vision stratégique » et « partagée ». Ainsi, à Växjö, en Suède, la vision d'une ville sans carburant fossile, a contribué à une cristallisation des énergies et à une multiplication de projets qui ont permis d'augmenter la part des énergies renouvelables de 20 à 30% entre 1993 et 1998 et de réduire l'ensemble des émissions de CO2 de 16 à 17 %17. Ces très bons résultats se poursuivent et ont été récompensés par un prix d'excellence internationale en 2000. La prospective dite normative procède des mêmes méthodes que la prospective dite exploratoire : entre la « créativité subjective » (imaginer un avenir idéal pour votre ville) et des méthodes plus rigoureuses d'analyse structurelle pour déboucher sur des scénarios dits souhaitables ou nécessaires pour que... Ce qui change c'est la problématique de départ : quel territoire demain résultera d'une politique « vertueuse » ou jugée nécessaire dans les domaines énergie/climat, de la croissance verte, d'une agriculture plus « raisonnée », etc. 2.4 Les enjeux de l'avenir et les visions du futur. Que peut on tirer des scénarios ? Les scénarios qui décrivent de « possibles » et/ou « souhaitables » situations à un horizon donné ont leur utilité propre. Ils contribuent auprès de différents acteurs et participants à transformer leur façon d'envisager l'avenir. Leur portée pédagogique en fait des supports pour le débat, la communication voire selon la nature de leur instrumentalisation pour le « marketing stratégique ». Le travail de synthèse des scénarios et des visions qui en résultent doit conduire à un retour sur les enjeux pour arriver à expliciter les enjeux d'avenir qui vont conditionner positivement ou négativement les stratégies et les voies d'action à envisager. Il est possible d'achever l'exercice avec une telle synthèse qui met en évidence les enjeux du futur pour mettre au point les documents et outils qui vont permettre de restituer les résultats à des décideurs et à des acteurs ou plus largement à un public, qui n'ont pas participé à l'exercice : communiquer pour ouvrir un débat et pour rechercher une « appropriation » des visions et des enjeux. Dans cette hypothèse, la phase de recherche de stratégies est différée. Pour certains l'exercice reste inachevé. Dans la perspective de préparer des choix de stratégie pour l'action et dans le prolongement des politiques pour différents acteurs coordonnées entre elles et cohérentes avec les choix, que peut-on attendre d'autre des scénarios ? Il est possible d'analyser plus en profondeur certains des scénarios au regard des jeux et des stratégies d'acteurs, de l'acceptabilité de leurs impacts sur le social, l'économique et/ou l'environnemental. À titre d'exemple, l'atelier peut soumettre certains scénarios (et enjeux d'avenir) à une analyse « SWOT18 » (forces, faiblesses, opportunités, menaces) et simuler leurs effets sur les stratégies acteurs (collectivités locales, forces économiques, État..), pour identifier les problèmes, les changements à envisager, les fausses pistes à éviter... dans le but d'envisager des « politiques robustes et résilientes19 ». Plus généralement, il est possible de sélectionner deux scénarios (par exemple) pour engager un travail de simulation de stratégies d'acteurs pour décrire les voies de transition pour arriver à atteindre la situation future envisagée par ces scénarios. C'est une façon de rentrer dans le schéma évoqué d'une prospective de « backcasting », du futur au présent. 2.5 La prospective des « voies d'action », la recherche de « stratégies de durabilité » Les voies d'action pour arriver à atteindre la situation future qu'elle soit possible, nécessaire ou souhaitable sont multiples. Dès lors elles ouvrent un champ pour simuler des scénarios d'action et leurs conséquences. La question fondatrice d'une « prospective des chemins », de « back casting » (du futur vers le présent) est la suivante : quelles stratégies sont nécessaires pour réorienter l'action publique de telle façon à avoir une chance d'atteindre le but et les objectifs qui ont été fixés pour un horizon donné ? Il s'agit d'un pas de plus, non seulement l'image future susceptible de donner lieu à des choix de stratégie d'action mais la vision de l'action, publique notamment, cohérente avec ces choix. Il ne suffit pas de dire que tout exercice de prospective sérieux déroule les « chemins » pour accompagner les scénarios ou pour arriver à des finalités d'action. L'importance de cette dimension conduit à la Un scénario au fil de l'eau peut donner à voir les impasses d'une trajectoire engagée. La synthèse des scénarios doit aboutir à expliciter les enjeux de l'avenir. Des scénarios qui « ouvrent les horizons » à la simulation des voies d'action pour y conduire. La mutiplicité des voies d'action possibles ouvre un vaste champ pour simuler des scénarios axés sur les stratégies d'action. 17 - Se reporter au site : énergie-cités.org. 18 - Strengths, weaknesses, opportunities, threats. 19 - Pour reprendre l'objectif d'un exercice de "foresight" qui a adopté ce jeu de simulation à partir de quatre scénarios : "Powering our lives : sustainable energy management and the build environment", "Appendix II : using the scenarios. http://www.foresight.gov.uk/ Energy/EnergyFinal/final_project_report.pdf Commissariat général au développement durable ­ Délégation au développement durable | 31 Études & documents | n°12 | Novembre 2009 distinguer pour mieux la souligner et pour préconiser de la rendre explicite dans les exercices de prospective à envisager. Les thématiques du Grenelle doivent permettre de décliner la question des voies de la durabilité ou celles des politiques soutenables : · Pour arriver à réduire les émissions de GES en quantité suffisante pour atteindre une objectif de réduction de facteur 4 en 2050, comment s'y prendre, sur quels leviers agir et à quels coûts en fonction d'une série d'hypothèses sur l'urbanisation et sur une transformation progressive des « formes urbaines » qui va remodeler le territoire et la société locale d'ici 2050, sur l'évolution des demandes et des offres énergétiques, sur l'évolution des transports et du parc automobiles, sur les efforts de réhabilitation énergétique du parc d'immeubles, ... ? · Pour arriver en moins de 20 ans à réhabiliter thermiquement le parc immobilier existant, fautil détruire une partie du parc, déplacer une partie de la population, dans le cadre de quel urbanisme, comment financer l'effort, inciter aux initiatives privées, ... ? · Pour développer des systèmes d'assainissement sans procédés chimiques en milieu rural, comment se situer, avec quelles avancées techniques, avec quel type d'opérateurs, à quels coûts, avec quelles conséquences locales ? Pour ces exemples, de nombreux hypothèses sont envisageables, leur mise à plat comparative est une question de prospective de nature à renouveler de façon très positive le registre des « études techniques ». Une prospective qui simule des chemins d'action induit une recherche d'impacts. Si telle action ou tel projet est entrepris, quels seront les effets sociaux, économiques, environnementaux, financiers, ... ? Si la forêt est exploitée pour produire davantage d'énergie, quelles seront les conséquences sur la biodiversité, sur le développement économique local et régional, sur les filières concurrentes, sur les services récréatifs que peut procurer la forêt, ... ? Pour les territoires, les expérimentations qui se penchent sur les voies d'action sont prioritairement à conduire d'autant qu'elles sont peu pratiquées, en France moins que dans les pays anglo-saxons. La présence d'experts et de chercheurs dans les ateliers de prospective est à renforcer. Les thématiques « Grenelle de l'environnement » à territorialiser fournissent de nombreuses occasions. La recherche de stratégies pour l'action en réponse à la question « que faut-il faire pour que... ? » La complexité d'une telle recherche induit un travail de simulation de l'action et des projets et de leurs effets sur les sociétés locales, sur l'activité, sur l'environnement, pour en retour pouvoir apprécier le caractère acceptable et soutenable des politiques envisagées. Trois types d'exercices de prospective Point de départ Conscience de la nécessité de réorienter l'action territoriale Nature de l'exercice Buts recherchés Effets attendus Un questionnement sur l'avenir Que peut-il advenir? Prospective exploratoire Des connaissances sur le les enjeux pour l'avenir futur les visions possibles du futur Un décloisonnement des secteurs et des disciplines Un changement des représentations Un horizon à atteindre Une (ou des) vision(s) Une vision qui « mobilise » souhaitable(s) et réaliste(s) Un rapprochement des points de vue et une recherche de consensus Des représentations Les lignes d'action pour convergentes pour atteindre le but coordonner l'action Les conséquences de l'action Eclairer les décisions de réorientation de l'action Les conditions pour agir Où voulons-nous aller? Prospective normative Une vision de l'avenir Une intention/un projet Des objectifs à concrétiser Comment y aller? Prospective de l'action et des chemins Les trois types d'exercices peuvent se succéder dans le cadre d'un processus continu.Ils peuvent se pratiquer de façon indépendante. Source : Claude Spohr, Mission prospective 32 | Commissariat général au développement durable ­ Délégation au développement durable Études & documents | n°12 | Novembre 2009 Quatrième partie De la prospective à la stratégie d'action 1. Une recherche de changement de stratégie La prospective définit des visions d'avenir dans une perspective de stratégie d'action. La « stratégie » cherche à les transposer en action. Pour cela il est nécessaire que les principaux acteurs des territoires puissent adhérer aux visions proposées (ainsi que de plus en plus les sociétés locales et civiles) et que les « décideurs » puissent ajuster leurs stratégies avec les choix de long terme et conduire en cohérence des plans d'action et des projets de territoires. La prospective agit sur la transformation des représentations des acteurs qui ont pris conscience d'une nécessité de changer les lignes d'action. La prospective exploratoire en ouvrant de nouveaux horizons contribue à préparer les acteurs à changer de système d'action. La prospective « normative » s'attache à un horizon « souhaitable » pour proposer une ambition à un territoire orientée par les exigences du Grenelle de l'environnement. La prospective de l'action explore les cheminements pour concrétiser cette ambition. Une recherche de stratégie appuyée sur des visions à long terme représente un modèle de management de l'action publique encore peu usuel mais à développer à la mesure de l'ampleur des incertitudes et des risques de se tromper de ligne d'action. L'action sans vision prospective, globale et partagée est le plus souvent la règle. Convenablement instrumentalisées, les connaissances et les visions prospectives contribuent à une dynamique entre acteurs à la recherche de finalités pour l'action, susceptible de favoriser un passage vers des « stratégies territoriales ». En ce sens il est possible de parler de « prospective territoriale stratégique ». Par la qualité du travail sur les enjeux et les contenus, par celle de la dynamique entre acteurs, chaque exercice de prospective qui ambitionne une influence directe ou indirecte sur l'action, doit faire sa propre démonstration pour « mériter » ce qualificatif de « stratégique ». Concrètement la prospective aide à comprendre les mutations, modifie les visions des acteurs, contribue à en élaborer un discours (de changement) stratégique. Elle peut proposer une ambition à long terme et certaines pistes d'action mais il est plus difficile de transformer la (ou les) vision(s) qui en résulte(nt) en une volonté politique recueillant une adhésion active des acteurs et des « citoyens ». Il paraît également difficile de trouver les consensus pour rendre cohérente l'action entre des parties prenantes qui ont au départ des intérêts et des visions opposés sur ce qu'il faut faire. Comment établir un pont entre une production collective de connaissances et de visions et un processus complexe de décision et d'action ? Comment passer de récits et d'interpellations sur l'avenir à des choix de stratégies et de coopération de nature à transformer l'action et les projets structurants ? La prospective permet d'imaginer et de proposer des visions de l'avenir; celles-ci doivent être « partagées » : c'est la première condition pour que des décideurs acceptent de modifier leur système d'action. Passer de la vision à la stratégie revient à se poser la question : une vision alternative du territoire peut-elle influer sur le système de décision qui va organiser aujourd'hui et demain le territoire d'aprèsdemain ? 2. De « la vision » à « la vision partagée » L'exercice de prospective, même conçu de façon très participative, reste confiné à ceux qui y ont pris part. Les élus et les décideurs sont rarement présents dans les ateliers de prospective. La décision se situe hors du champs de la prospective et de l'élaboration de propositions. Elle porte sur des choix d'action complexes qui induisent des décideurs nombreux et des intérêts disparates. « De l'anticipation à l'action par l'appropriation »20 Dès lors, il s'agit de rechercher les meilleures conditions pour que ces décideurs et les acteurs influents et leurs organisations puissent s'approprier les résultats et les acquis du travail de prospective. L'appropriation permet de procéder à un « partage » des analyses et des représentations en mesure de préparer les esprits à orienter autrement certains choix stratégiques et à envisager une action plus « soutenable » et mieux intégrée. Dans quelle mesure une prospective du développement et de l'aménagement durables peut-elle concrètement préparer des changements de stratégies dans les territoires ? Trouver des passerelles entre la prospective et la stratégie. 20 - Michel Godet, "Manuel de prospective stratégique", Dunod, 2 tomes, 4ème édition, 2007. Commissariat général au développement durable ­ Délégation au développement durable | 33 Études & documents | n°12 | Novembre 2009 Anticipation (Logos) Appropriation (Ephitumia) Action (Erga) Le triangle grec « Le logos (la rationalité qui aboutit au bleu de l'anticipation) se conjugue à l'épithumia (le désir qui est à la source de toute appropriation) pour donner l'erga (les actions, les réalisations). » Source : Michel Godet 3. La mise en débat Le processus de recherche de visions et de finalités doit se prolonger par un processus de mise en débat des hypothèses et des scénarios qui résultent de l'exercice et de confrontation d'idées et de visions. Il devient ainsi nécessaire de représenter les scénarios, les résultats et les propositions de façon pédagogique (y compris par l'image et la vidéo) et de multiplier les lieux de débat à destination de divers publics. Une prospective réussie bouscule les « gouvernances ». Ainsi le détour par un futur plus lointain peut donner lieu à une « prise de hauteur » chez des acteurs de nature à progresser vers une « vision partagée » de ce que pourrait être l'intérêt collectif pour un ensemble de sujets donnés. Dès lors la « gouvernance territoriale » devrait se retrouver sur un terrain plus favorable pour changer certains choix d'action et pour susciter et soutenir des initiatives et des projets. 34 | Commissariat général au développement durable ­ Délégation au développement durable Études & documents | n°12 | Novembre 2009 Cinquième partie Retour sur les services Sur quelles ressources s'appuyer ? 1. L'exercice de prospective : des positionnements possibles pour les services. Les services sont invités à prendre leur part aux transformations des politiques territoriales pour les « grenelliser » et les rendre plus soutenables. Ils sont légitimes à faire de la prospective. Il leur est possible de s'engager dans trois voies : · Inciter à en faire. Analyser et questionner de façon à susciter le besoin d'un exercice de prospective sur un sujet et une problématique donnés auprès d'un ensemble de collectivités. · Engager un exercice en propre en suscitant un partenariat avec des collectivités et d'autres acteurs et une « gouvernance intégrée » pour conduire en commun un exercice. · Engager un exercice en propre pour rassembler les points de vue au sein de l'État et pour constituer, notamment au plan régional, des visions et des « discours stratégiques ». Les choix de posture de l'État territorial découlent d'une part de la nature des relations entre les services et les collectivités et de leurs négociations préalables, d'autre part de l'appréciation de la capacité des services à mener des travaux de prospective et à porter un « discours stratégique ». L'alternative se réduit à : travaillons ensemble sur les stratégies territoriales de développement durable ou bien de façon séparée en différant les occasions de débat et de confrontation des points de vue, des idées et des propositions. Dans tous les cas, il faut adosser les exercices envisagés à de réels enjeux de territoire : développement des différentes formes d'énergies renouvelables, devenir d'un grand équipement (par exemple Canal Europe-Seine du nord), directive territoriale d'aménagement et de développement durable (DTADD), érosion côtière sur une façade maritime, création d'un parc national ou régional... Cela a été dit, il est important de le répéter. sujets appliqués à un même territoire. Il intègre la nécessité de l'action à court terme et les horizons à long terme. Les services en prenant l'initiative de travaux de prospective, doivent intégrer le plus en amont possible l'idée que des débats et des confrontations devront se tenir pour avancer progressivement vers des visions partagées de ce qu'il faudrait entreprendre. Le processus peut-il intégrer la question d'un partage des visions avec différents niveaux de « représentation » de la « société civile » pour s'inspirer du modèle de « gouvernance à cinq21 » caractéristique des travaux du Grenelle de l'environnement ? L'État seul ne peut pas y apporter de réponse. La nature de la négociation avec les collectivités territoriales est déterminante. Eviter le problème peut affaiblir une démarche de prospective dès lors qu'elle ambitionne une recherche de stratégies. La prospective comme contribution et méthode pour construire l'intérêt collectif dans un territoire. 3. Les compétences et les moyens La question des compétences, des savoir-faire, des moyens des services n'est pas moins importante. Elle conditionne en partie la volonté et les modalités du positionnement de l'État régional et local. « Toutes les DREAL ont intégré l'enjeu de la connaissance des territoires dans leurs orientations stratégiques. »22 Cette logique d'étude territoriale nécessite une capacité d'observation et de compréhension des situations et des tendances d'évolution, d'analyse (souvent) systémique et prospective, qui a fait l'objet d'efforts continus depuis une dizaine d'années. La conjugaison du Grenelle de l'environnement, des réorganisations centrale, régionale et départementale et des grandes mutations de gouvernance en cours, implique un renouvellement de cette capacité. La période marquée par des réductions de moyens et d'effectifs y est peu favorable. Mais en même temps le regroupement de compétences et de personnels dans des services recomposés et moins émiettés peut être porteur d'un renouveau de « l'intelligence territoriale » par des approches moins cloisonnées, plus systémiques et plus stratégiques. 2. Le développement durable induit un besoin de stratégies partagées par les acteurs territoriaux L'intérêt collectif se construit avec les principaux acteurs préoccupés par un même ensemble de Une prospective adossée à des pôles de connaissance sur les territoires ; des connaissances à renouveler pour prendre en compte les « nouveaux » sujets du Grenelle de l'environnement. 21 - Collectivités, entreprises, syndicats, ONG, État. 22 - Groupe de travail du collège « aménagement, urbanisme, habitat durables sur la connaissance des territoires ». Document de travail CGEDD du 18 mars 2009. Commissariat général au développement durable ­ Délégation au développement durable | 35 Études & documents | n°12 | Novembre 2009 Pour arriver à « penser l'avenir », la capacité d'analyse territoriale doit se conjuguer avec le développement d'une connaissance scientifique et technique, dans les grands domaines du climat, de l'énergie et de la biodiversité notamment, sur une série de sujets encore peu maîtrisés par les services mais décisifs pour le devenir des territoires et pour une soutenablité des politiques publiques. Ces ressources sont de plusieurs types : · Le conseil sur mesure, l'assistance technique et méthodologique. · La « banque » d'exemples ou de bonnes pratiques. Un centre de ressources en ligne sur le site de la DIACT23 fait un inventaire des travaux de prospective territoriale. Des liens permettent d'en visualiser une grande partie. · La « banque » de travaux de prévision et de prospective internationaux et nationaux dans les domaines du développement durable. Un nombre considérable de travaux de prospective sectorielle sont réalisés telle « la forêt française en 2050210024 » pour ne citer qu'un ouvrage très récent. Ce type de travaux peut contribuer à éclairer le contexte local. Certains de ces travaux peuvent apporter des données et des connaissances utilisables, indiquer des tendances exploitables et fournir des scénarios de nature à stimuler l'imagination et de contribuer à orienter une démarche locale. Ces travaux, souvent en anglais, se trouvent sur internet. À titre d'exemple : les travaux anglais sur le changement climatique et sur l'adaptation à ces changements qui résultent d'un effort considérable de recherche et de prospective générale et territorialisée. Ils n'ont pas d'équivalent en France et se trouvent sur le site de l'UKSIP25. Autre exemple : le Millenium Ecosystem Assessment (MEA) présenté ci-après. De façon générale, les ressources sur internet portant sur le réchauffement climatique, les perspectives énergétiques, les solutions technologiques, l'épuisement de la nature, les politiques d'action et la gouvernance, sont importantes et foisonnantes. Pour se limiter aux aspects villes et énergie-climat, il est possible de citer deux réseaux principaux en Europe : Energie-Cités et The Climate Alliance of European Cities26. · Des réseaux d'échanges d'expériences et de bonnes pratiques. L'atelier des référents pour la prospective dans les services est un bon exemple. Le ministère est famillier de l'action en réseau qui prend la forme de clubs, d'ateliers, de groupes de travail, régionaux, interégionaux ou centraux, parfois ouverts à des partenaires et des professionnels externes, parfois réservés aux seuls services du ministère. Les têtes de réseau sont les services eux-mêmes, centraux ou déconcentrés, ou des opérateurs proches tels le CERTU27 ou les CETE, parfois des CIFP28 (notamment par une poursuite « déconcentrée » de l'atelier de référents par les CIFP de Toulouse et de Paris). L'organisation tourne le plus souvent autour d'une activité spécifique (par exemple le diagnostic territorial) souvent croisée avec une thématique (par exemple la prise en compte du développement économique), avec une double utilité : développer les pratiques et les savoir-faire locaux et faire progresser la « doctrine » centrale. Ce domaine, le diagnostic territorial, continue avec une forte dimension de Constituer un appareillage de connaissances et des services capables de les mobiliser apparaît à la fois comme une ambition nécessaire et un défi de gestion des ressources et des moyens considérable et difficile à concrétiser. La réussite du développement et du renouveau de pôles connaissances dans les DREAL en relais avec les futures directions départementales, ouverts sur le monde extérieur, appuyés sur le réseau technique et les savoirs de la recherche, constitue un fondement essentiel de l'apport stratégique de l'État dans la « territorialisation du Grenelle de l'environnement ». Ces pôles à constituer progressivement doivent fonctionner en réseau, s'ouvrir à des travaux de prospective à envisager comme des « productions » collectives en « mode projet ». Leur concrétisation interroge sur les moyens humains et les outils que les services pourront mobiliser et former, ainsi que sur leur adossement à des ressources techniques, scientifiques et méthodologiques et à des plates-formes d'échanges. 4. L'exercice de prospective territoriale au sein de l'activité de prospective dans les services déconcentrés Le passage de la connaissance sur l'avenir à un raisonnement et à un positionnement stratégiques dans le cadre d'une gouvernance territoriale en cours d'évolution, nécessite la recherche collective de visions globales à long terme. C'est là où il convient de situer l'exercice de prospective territoriale qui fait l'objet du présent ouvrage. L'activité de prospective dans les services ne s'y limite pas. L'exercice représente l'un des volets de cette activité, à côté des diagnostics prospectifs et des travaux de veille couplés aux travaux d'évaluation des politiques publiques et d'évaluation environnementale. L'exercice de prospective est à la croisée des stratégies de connaissance, de gouvernance, d'action et d'évaluation des politiques publiques. L'exercice, imaginer collectivement le territoire demain, contribue à une acculturation des services à la prospective de nature à favoriser la curiosité intellectuelle et une intelligence plus décloisonnée. Dans une telle perspective, il contribue aussi à la formation des agents au développement durable. 5. Les ressources pour l'activité de prospective Les prospectives territoriales restent rares. La répartition très inégale des compétences sur le territoire induit avec une certaine acuité la question des ressources sur lesquelles les maîtres d'ouvrage des exercices envisagés peuvent s'appuyer. 23 - http://www.diact.gouv.fr/fr_1/evaluation_prospective_48/br_prospective_239/ 24 - « La forêt française en 2050-2100. Essai de prospective » Conseil général de l'agriculture, de l'alimentation et des espaces ruraux, éditions Cêtre, mars 2009. 25 - UK Society of Investment Professionals, www.ukcip.org.uk/ (transformé récemment en CFA Society of the UK, cfainstitute.org). 26 - http://www.energie-cites.eu/ et http://www.klimabuendnis.org/ 27 - Centre d'étude sur les réseaux, les transports, l'urbanisme et les constructions publiques. 28 - Centres interégionaux de formation permanente. 36 | Commissariat général au développement durable ­ Délégation au développement durable Études & documents | n°12 | Novembre 2009 prospective, a faire l'objet d'une animation en réseau pilotée par la DGALN29. Les réseaux réguliers dans le domaine de la prospective territoriale sont rares. La DIACT par son réseau « Prospective Info » organise régulièrement des journées d'information, d'échanges et de débat. L'OIPR30 qui est une association, anime depuis dix ans cinq à six séminaires par an consacrés à la prospective territoriale. · La formation permanente. L'offre régulière est rare et se limite quasiment aux séminaires de prospective organisés par « Ponts-Formation » (filiale de l'ENPC31) et par Futuribles-International32. L'Institut de formation à l'environnement (IFORE) souhaite s'engager dans cette voie. Des ressources pour l'avenir En se recentrant sur une « prospective territoriale post-Grenelle de l'environnement », la « Mission prospective » constitue, aux côtés de la DIACT, le principal centre de ressources pour les services déconcentrés et pour les territoires. Elle a été mise en place au sein du Commissariat général au développement durable en se conjuguant avec les autres fonctions transversales du commissariat : observation/statistiques, évaluation, recherche et stratégie qui constituent autant de ressources potentiellement utiles pour les exercices de prospective territoriales aux côtés des expertises plus sectorielles que peuvent apporter les directions générales. La Mission peut apporter des conseils à la demande. Elle entreprend des travaux de prospective axés sur les transitions possibles vers des territoires et des sociétés plus durables et vers des politiques plus soutenables : transitions vers des « villes post-carbone », vers une « économie écologique »33. La Mission engage également un travail de veille internationale. Certains résultats de la veille et des travaux nationaux pourront être valorisés en direction des services et des territoires. De façon plus générale, la prospective s'organise au sein de l'État. Le Centre d'analyse stratégique (CAS) coordonne le réseau des centres de prospective ministériels. De tels centres sont clairement identifiés dans la plupart des ministères. Outre la Mission prospective du MEEDDM34, le centre de la DIACT et le CAS lui-même, les travaux des centres respectifs du ministère de l'agriculture et de la pêche et de la Délégation interministérielle de la ville peuvent le plus intéresser et inspirer les services territoriaux engagés dans des travaux de prospective. Enfin dans le prolongement du présent ouvrage, la Mission prospective souhaite aider les services à développer des travaux de prospective territoriale au service de la Stratégie nationale de développement durable. La principale voie ouverte est un appel à projets qui pourrait notamment s'appuyer sur les territoires « présentant des enjeux tels que l'État pourrait souhaiter élaborer, en association avec les collectivités, une directive territoriale d'aménagement et de développement durables » qui auront été identifiés en application de la circulaire du 23 mars, de territorialisation de la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement. Un débat avec les directeurs régionaux sur l'opportunité, les orientations et les modalités doit en être le préalable. 29 - Direction générale de l'aménagement, du logement et de la nature. Le réseau est plus précisément animé par le bureau des études de la sous-direction de la performance 30 - Observatoire International de Prospective Régionale. 31 - École Nationale des Ponts-et Chaussées. 32 - http://www.futuribles.com/ 33 - Pour une rève description des fonctions et programme de la Mission, voir : Horizons 2030-2050, Lettre de veille n°1, Missions prospective, Délégation au Développement Durable, juillet-août 2009. 34 - Ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer. Commissariat général au développement durable ­ Délégation au développement durable | 37 Études & documents | n°12 | Novembre 2009 Un exemple de prospective mondiale qui constitue une référence pour les exercices de prospective de la biodiversité Le Millenium Ecosystem Assessment (MEA)36 L'Évaluation pour le Millénaire (MEA ­ Millenium Ecosystem Assesment) a été lancée en 2001 par l'ONU afin de fournir une information scientifique sur les conséquences des changements dans les écosystèmes sur le bien-être humain (human well-being) ainsi que des options pour répondre à ces changements. Plus de 1 300 scientifiques de 95 pays ­ mais peu de Français ­ ont participé à ce projet. L'objectif de MEA était « d'évaluer les conséquences de l'évolution des écosystèmes sur le bien-être humain, dans le but d'identifier les actions nécessaires pour une meilleure préservation et utilisation des écosystèmes au service de l'homme ». Selon ses auteurs, le MEA peut s'utiliser : ­ pour identifier des priorités d'action; ­ comme repère pour de futures évaluations; ­ comme cadre et source d'outils d'évaluation, de planification, et de gestion; ­ comme source d'une vision anticipée relative aux conséquences des décisions affectant des écosystèmes; ­ pour l'identification des options de réponses en vue d'atteindre des objectifs de bien-être humain et de durabilité; ­ pour aider à bâtir une capacité individuelle et institutionnelle à entreprendre des évaluations intégrées d'écosystème et à agir au vu des résultats; ­ pour guider la recherche dans l'avenir. Le Millenium Ecosystem Assessment (MEA) Le MEA a développé quatre scénarios destinés à explorer des avenirs plausibles pour les écosystèmes et le bien-être de l'Homme en se basant sur différentes hypothèses relatives aux forces responsables des changements et leurs interactions possibles: · Orchestration globale (Global Orchestration) : ce scénario fait le portrait d'une société mondialement inter-connectée qui se concentre sur le commerce mondial et la libéralisation économique et adopte une approche réactive aux problèmes touchant les écosystèmes, mais qui prend également des mesures fortes pour réduire la pauvreté et l'inégalité et investir dans les secteurs d'utilité publique tels que les infrastructures et l'éducation. La croissance économique dans ce scénario est la plus élevée des quatre, tandis qu'on lui attribue le niveau de population le moins élevé en 2050. · Ordre suivant la force (Order from Strength) : ce scénario présente un monde régionalisé et fragmenté, préoccupé par des soucis de sécurité et de protection, et mettant l'accent principalement sur des marchés régionaux, en prêtant peu d'attention aux biens d'utilité publique et adoptant une approche réactive face aux problèmes touchant les écosystèmes. Les taux de croissance économique sont les plus bas de tous les scénarios. Ils sont particulièrement bas dans les pays en développement, et régressent avec le temps, alors que le taux de croissance démographique est le plus élevé. · Mosaïque d'adaptation (Adapting Mosaic) : selon ce scénario, les écosystèmes à l'échelle sont le centre de gravité de l'activité politique et économique. Les institutions locales sont renforcées et les stratégies de gestion locale des écosystèmes sont répandues; les sociétés développent une approche fortement proactive pour la gestion des écosystèmes. Les taux de croissance économiques sont faibles au départ mais augmentent avec le temps, et la population en 2050 est presque aussi importante que dans le cas du scénario précédent (ordre suivant la force). · Techno jardin (Techno Garden) : Ce scénario présente un monde inter-connecté à l'échelle globale et s'appuyant fortement sur une technologie de pointe dans le domaine environnemental, gérant parfaitement les écosystèmes, qui sont souvent aménagés pour délivrer des services, et adoptant une approche proactive de gestion des écosystèmes dans un effort de prévention des problèmes. La croissance économique est relativement élevée et s'accélère alors que la population en 2050 est moyenne. Source : « Étude de la faisabilité d'une analyse prospective de l'évolution de la biodiversité en France », TEC-Conseil pour le compte du MEDD (mai 2007). 38 | Commissariat général au développement durable ­ Délégation au développement durable Études & documents | n°12 | Novembre 2009 Conclusion Vers une prospective territoriale « post-Grenelle de l'environnement » U une grave crise climatique conjuguée à une pénurie de ressources non renouvelables risque de survenir et d'induire des effets géopolitiques, sociaux et économiques importants. Elle interviendrait avec une quasi certitude, dans les 30 à 50 ans à venir, si rien n'est entrepris pour « décarboner » les modes de production, de consommation, de déplacement, et pour limiter les prélèvements de ressources fossiles dont l'accès à faible coût contribue actuellement à la croissance, l'activité et l'emploi, pour préserver les ressources naturelles et la biodiversité. L'inaction, selon certains experts, pourrait conduire à un réchauffement mondial moyen de plus 5 degrés d'ici 2100, alors que plus 2 degrés serait déjà source d'un dérèglement de conséquence grave. développement, d'occupation de l'espace et de fonctionnement territorial. Les engagements de la stratégie nationale de développement durable (SNDD) incluent des objectifs nationaux chiffrés à moyen et à long terme. Ces objectifs à transposer pour un territoire induisent des questions dont les réponses peuvent en partie être apportées par des approches de prospective territoriale : quelle ville, quel type de développement, quels liens sociaux veulent les élus et les sociétés locales de ce territoire ? Il est ainsi impératif de partir des territoires, de leurs besoins et de leurs ressources, de l'avenir que ces territoires peuvent envisager, pour imaginer des solutions cohérentes avec les objectifs nationaux, des solutions en matière énergétique et climatique qui conjuguent simultanément sobriété, exploitation des ressources locales, politiques d'action locale, mobilisation des sociétés locales et civiles, coopération... Les visions stratégiques à long terme de l'action dans les territoires ont besoin d'être profondément renouvelées à toutes les échelles et avec l'ensemble des acteurs. L'avenir incertain inhérent à ces grandes transitions à envisager incite les acteurs des territoires à se tourner vers la prospective comme outil pour construire collectivement de telles visions. Ainsi des exercices de prospective territoriale spécifiquement axés sur ces transitions sont à expérimenter et à développer. Leur finalité va être de contribuer à construire un intérêt collectif pour les acteurs des territoires confrontés à la nécessité de changer l'action publique, notamment dans le domaine « climat-énergie » qui est tout nouveau dans l'action des collectivités. La prospective exploratoire en ouvrant de nouveaux horizons contribue à prendre conscience des enjeux à intégrer dans les politiques régionale et locale et à préparer les acteurs aux changements de l'action à envisager. La prospective « normative » s'attache à un horizon « souhaitable » pour proposer une ambition orientée par les exigences du Grenelle de l'environnement pour un territoire. La prospective de l'action simule les voies d'action pour constituer une offre politique compatible avec cette ambition de façon à conduire de façon flexible et cohérente les stratégies envisagées pour progressivement la concrétiser. À l'image de la notion de « catastrophisme éclairé35 », il est nécessaire d'anticiper une « crise systémique » de grande ampleur pour arriver à mettre en oeuvre des dispositifs d'action et de mobilisation « soutenables » capables de la prévenir et d'en minimiser les effets. Cette perspective touche tous les secteurs d'activité, engage des mutations dans les modes de vie et de déplacement, oriente la recherche scientifique et technologique, exige des efforts publics considérables pour développer l'« économie verte » modifier les transports et adapter le parc immobilier. Les régions et les territoires sont à leurs échelles confrontés à cette perspective ; il leurs est nécessaire d'interroger l'avenir pour, à la fois mieux comprendre ce qui peut arriver et se prémunir des effets négatifs et cadrer le mode de développement et les stratégies d'action en conséquence. Comment en effet concilier l'action d'un territoire sur le développement et l'urbanisation pour capter des activités à forte valeur ajoutée et des populations à haut revenu, lutter contre la pauvreté, préserver la biodiversité, développer le tourisme, rechercher des aménités et une économie du confort, inciter à davantage de sobriété et d'écoresponsabilité, avec les impératifs des stratégies européenne et française de développement durable et avec les opportunités, les menaces et les profondes mutations qui se dessinent et qui vont accompagner les transitions vers un « monde postcarbone » et « post-pétrole » à horizon de 20 à 50 ans ? De multiples incompatibilités risquent de se développer entre les modes actuels et futurs de 35 - « Pour un catastrophisme éclairé », Jean-Pierre Dupuis, Seuil 2002. Commissariat général au développement durable ­ Délégation au développement durable | 39 Études & documents | n°12 | Novembre 2009 Cette perspective nécessite de repenser le futur de toutes les activités en fonction des exigences climatiques et énergétiques et de faire émerger localement et régionalement des politiques spécifiques : des stratégies climat-énergie (une politique énergétique peut-elle se construire localement ?), d'adaptation au réchauffement climatique, de transformation maîtrisée des écosystèmes... Des initiatives se multiplient. De plus en plus de villes et de territoires en Europe mettent en oeuvre des plans d'action pour réduire globalement l'énergie et les rejets de GES et améliorer les performances écologiques des territoires. Des réseaux de villes et de compétences se sont constitués pour les aider. Le mouvement dans cette direction devient significatif en Europe. C'est dans ce contexte que les collectivités territoriales et les services de l'État sont confrontés au défi de construire des stratégies d'action pour « territorialiser » les objectifs de la stratégie nationale de développement durable. Une série de difficultés se présente à eux: ­ situer le territoire globalement et sectoriellement (l'économie, l'urbanisme, l'environnement, les transports, la construction, l'habitat, la santé...), au regard des objectifs des stratégies européenne et nationale du développement durable ; -- tenir compte des disparités entre les territoires en termes de démographie et de peuplement, de profils de populations, de consommation d'énergie, de systèmes de production, d'accès aux ressources, de services aux populations... ; ­ identifier les tensions et les contradictions, pour tenter de les réduire dans un même ensemble de territoires (par exemple, l'accroissement simultané des risques pour une large partie du littoral et pour les populations qui y résident, l'étalement de l'urbanisation et les surconsommations d'énergie résultantes...). Un travail collectif de prospective pourrait aider à surmonter ces difficultés. Cette situation est tout à fait nouvelle pour l'activité de prospective. La prospective territoriale devra se transformer, pas tant dans ses méthodes qui sont flexibles, pour s'adapter : ­ à l'effort tout particulier de sensibilisation et d'acculturation exigé pour inspirer d'autre façons de regarder et de raisonner sur l'avenir et pour intégrer ces nouvelles préoccupations dans les logiques d'action locale ; ­ aux « nouvelles problématiques » à investir, nécessitant des approches moins générales et englobantes, plus fouillées et plus « scientifiques »; faisant appel à des experts et à des acteurs qui auparavant n'étaient pas associés aux travaux de planification et de projets de territoires. Vers une prospective de ruptures susceptibles d'être provoquées par des changements de comportements, par des mutations économiques, par des situations de crise ; ­ ainsi à des ouvertures d'hypothèses d'évolution et de scénarios encore peu explorés ; ­ à l'importance des prospectives de l'action et des chemins (backcasting) pour arriver à proposer des stratégies solides, il s'agit d'un mode de travail encore peu développé en France ; ­ à la nécessité de simuler les conséquences des contraintes « post-Grenelle » sur les territoires et les sociétés locales, sur leur acceptabilité sociale et leur impact en terme de performances économiques ; ­ et à celle d'introduire davantage de quantification et si possible de modélisation et de coupler la prospective avec davantage de recherche et d'étude. Les questions de développement durable et les priorités « à territorialiser » issues du Grenelle de l'environnement jouent potentiellement un rôle de catalyseur d'un processus de prospective. Le renouvellement du questionnement sur l'avenir pour aller vers une recherche de stratégies en passant par une exercice de prospective, contribue à transformer l'imaginaire pour regarder autrement le futur et pour faciliter l'explicitation de visions susceptibles de favoriser auprès des décideurs le désir de faire autrement et de reconsidérer les projets de développement et d'aménagement des territoires. Cette perspective peut résulter d'une dynamique post-Grenelle qui devra s'installer dans les territoires. Celle-ci doit dépasser le stade des catalogues d'actions sectorielles que l'on trouve notamment dans les plans climat (réutilisation des déchets, réseaux de chaleur, photovoltaique, filière boischaleur, amélioration énergétique de l'éclairage et des bâtiments publics...), pour aller vers des visions et des stratégies qui relient les actions et donnent un sens visible pour les acteurs et les populations locales. L'importance des défis légitime les efforts des services déconcentrés de l'État de contribuer à la recherche de visions à long terme et de stratégies pour conduire les transitions dans les territoires. Selon la nature des jeux d'acteurs régionaux et locaux et des enjeux de développement prioritaires identifiés, ils peuvent être force d'initiative et de propositions, facilitateurs, apporteurs de connaissances sur l'avenir, ensembliers dans certains cas, « stratèges » pour leur propre ligne d'action. Ils peuvent ainsi inciter les collectivités à engager des exercices de prospective territoriale « post-Grenelle de l'environnement », les aider à les conduire et à les animer, en engager pour leur propre compte. 40 | Commissariat général au développement durable ­ Délégation au développement durable Études & documents | n°12 | Novembre 2009 ANNEXES La prospective dans l'activité des services Les leçons des expérimentations antérieures Commissariat général au développement durable ­ Délégation au développement durable | 41 Études & documents | n°12 | Novembre 2009 42 | Commissariat général au développement durable ­ Délégation au développement durable Études & documents | n°12 | Novembre 2009 L'atelier de référents pour la prospective territoriale dans les services déconcentrés de l'État. 2005­2007 S i la prospective stratégique est déjà « ancienne », elle a été peu pratiquée dans les territoires et dans les villes, encore moins dans les services de l'État. La nécessité de construire des visions à long terme susceptibles de contribuer à une réorientation de l'action dans les territoires ne s'est développée qu'au tournant des années 2000, en écho à des prises de conscience de plus en plus aiguës que la poursuite de certaines tendances et politiques risquaient de produire des dysfonctionnements et des déconvenues pour les « générations futures ». L'idée que les politiques n'étaient plus « soutenables » ainsi que l'absence croissante de visibilité à long terme a suscité un besoin de recherche de finalités « partagées » pour refonder l'action dans certains territoires. Vers 2004 la pratique d'exercices de prospective territoriale est apparue comme un outil à expérimenter au sein des services déconcentrés. Le contexte s'est avéré favorable pour concevoir et mettre en oeuvre un atelier de référents pour la prospective territoriale au cours de la période 20042007, immédiatement antérieure à la création du nouveau ministère et au Grenelle de l'environnement. L'atelier a été lancé suite à une journée nationale tenue en juin 2005, destinée à débattre de l'utilité d'engager des travaux de prospective territoriale à l'initiative de l'État déconcentré. Un appel à projets interne au ministère de l'Equipement a permis de sélectionner les exercices de prospective que les DRE et les DDE avaient prévus d'engager, ainsi que les personnes à former qui y participeraient. L'objectif affiché a été de former quelques personnes référentes en prospective et de promouvoir une culture fondée sur un début de pratique afin de faciliter le développement de cette activité dans les services régionaux et départementaux. Six sessions de l'atelier se sont tenues entre janvier 2006 et mars 2007. Une bonne vingtaine de personnes, toutes issues de DDE et de DRE, travaillant sur les exercices de prospective engagés par leurs directions, se sont réunies pour échanger et pour apprendre tout en faisant. L'animation et le secrétariat de cet atelier étaient assurés par l'administration centrale de l'ex ministère de l'Equipement (conjointement par les directions chargées de l'urbanisme et de la recherche) avec l'appui d'une prospectiviste privée et du CIFP de Paris. Ce cycle de six sessions de formation-action fondées sur une dizaine d'exercices s'est symétriquement achevé par un journée nationale de bilan, le 12 octobre 2007. Ces dix exercices ont fait l'objet en 2008 d'une évaluation comparative36. Les résultats de ce travail d'évaluation ont permis de fonder les bases du présent ouvrage. 36 - L'ÉTAT face aux FUTURS des TERRITOIRES. Analyse comparée et évaluation de démarches de prospective territoriale conduites par les services extérieurs de l'Equipement en 2005-2007. Guy Cauquil, Christian Lemaignan, Guy Loinger, François Rousseau. CIRESEGEISTEL Septembre 2008. Commissariat général au développement durable ­ Délégation au développement durable | 43 Études & documents | n°12 | Novembre 2009 Présentation générale Pilotage : DGUHC - DRAST(CPVST) -- CIFP Paris Objectifs : expérimenter, acculturer, donner envie professionnaliser des référents LE PUBLIC 30 personnes en formation Chefs de projet Chargés d'étude 13 exercices de prospective 8 en DRE, 5 en DDE 4 cas de référence (support pédagogique) 7 cas ont bénéficiés d'un « coach » Atelier 6 sessions formation action formation de référents échanges interactifs, écoute active apports de méthode apports de fond suivi collectif des 4 cas de référence réseau Animation générale : ALGOE Source : Centre de prospective et de veille scientifique et technique36. 36 - Le CPVST est devenu « Mission prospective » dans la nouvelle organisation du ministère. 44 | Commissariat général au développement durable ­ Délégation au développement durable Études & documents | n°12 | Novembre 2009 Les enseignements de l'évaluation comparée de dix exercices de prospective Les dix exercices de prospective menés par des DRE et par des DDE et suivis par l'atelier, qui ont fait l'objet d'une évaluation comparée en 2008, sont les suivants : Sept en DRE Midi-Pyrénées : diagnostic prospectif Bretagne : le Pays Centre-Ouest-Bretagne Pays-de-la-Loire : prospective régionale de l'habitat Nord-Pas-de-Calais : l'aire métropolitaine de Lille Centre : une prospective de l'aménagement du territoire Trois en DDE Bouches-du-Rhône : le Pays d'Aix-en-Provence Loire-Atlantique : le Pays de Chateaubriant Alpes-Maritimes : la mise en oeuvre de la DTA Languedoc-Roussillon : le devenir de l'agriculture, la hausse du coût de l'énergie et l'évolution des finances publiques Haute-Normandie : Baie de Seine, prospective de la mobilité et des transports L'analyse de ce qui a été fait permet de récapituler certains aspects essentiels qui sont regroupés en cinq points : ­ L'intérêt des exercices de prospective. ­ l'État et les acteurs régionaux et locaux. ­ Les thématiques. ­ Les conditions de réalisation. ­ Les suites. 1. Pourquoi engager un exercice de prospective ? Un exercice de prospective est une démarche exceptionnelle pour une direction. Il s'agit bien d'un « exercice » et non d'une activité de veille que les services peuvent développer par ailleurs. Les exercices analysés ont été conçus pour la plupart comme ouverts sur l'action et devant avoir une portée stratégique. Ils se situent sur un curseur « recherche de connaissances ­ stratégie d'action, gouvernance ». Comme l'indique le schéma suivant, les prospectives de territoires infra-régionales (tels les trois cas de Pays) sont plutôt tourné vers les orientations de l'action. Les échelles régionales sont davantage tirées vers la production de connaissances sur les enjeux du futur auxquels les territoires devront faire face. L'intention de réorientation stratégique est souvent indiquée dans le cahier des charges parfois de façon très générale. Trois types d'objectifs opérationnels et de « postures » apparaisent : 1° Dans une première configuration, il s'agit d'affirmer un point de vue ou une stratégie de l'État pour positionner les services déconcentrés sur certains enjeux et contenus spécifiques, vis à vis des collectivités et des autres principaux acteurs. La « posture » est plutôt régionale. Elle procède le plus souvent par une recherche de qualité des connaissances et des contenus dont l'utilisation doit à la fois servir à se fixer une ligne de conduite, à « se valoriser » auprès des autres acteurs dans les territoires et à nourrir des débats. Elle est obtenue par un exercice interne aux services de l'État avec apport d'experts externes. 2° Un positionnement mixte cherche à associer à l'exercice les services et experts des acteurs territoriaux (techniques et non élus). L'objectif, par exemple en Pays-de-la-Loire, est à la fois de cadrer l'action de l'État en vue d'une programmation du logement par une compréhension des enjeux urbains et d'habitat à long terme et de rechercher un alignement de quelques autres acteurs sur les visions à long terme, ou encore de définir des scénarios de mobilité et de déplacements à un horizon 2025 en baie de Seine. Dans les AlpesMaritimes, la démarche prospective a été l'occasion d'ouvrir un espace de coopération et de réflexion sur les façons de « gérer la DTA37 ». 3° Dans une troisième configuration, il s'agit de se situer en « position d'influence utile38 » par Un exercice de prospective a pour finalité première de définir des stratégies d'action à partir de visions à moyen et long terme obtenues par des simulations des évolutions du contexte et des stratégies supposées des acteurs. Le besoin de prospective (visions à long terme) se manifeste lorsqu'il y a une conscience qu'il faut changer l'action Trois attitudes correspondent à trois types d'objectifs : 1° Contribuer à bâtir une stratégie de l'État face aux autres acteurs. 2° Contribuer à bâtir une stratégie de l'État en intégrant d'autres acteurs à l'exercice. 3° Contribuer à bâtir des stratégies communes avec les collectivités territroriales et les acteurs les plus concernés. 37 - Directive Territoriale d'Aménagement. 38 - Pour reprendre une expression employée par Paul Serre (DDE dans les Bouches-du-Rhône). Commissariat général au développement durable ­ Délégation au développement durable | 45 Études & documents | n°12 | Novembre 2009 A (cubes oranges) = échelle régionale. B (cubes bleus) = échelle infrarégionale ou départementale. C (cubes roses) = échelle locale, « Pays », territoires de projet. NB : plus un site est proche des axes verticaux ou horizontaux, plus il relève des deux paramètres mis en tension, plus il se rapproche d'une des extrémités des axes fléchés, plus il se caractérise par le critère considéré. Source : « CIRESE-GEISTEL, Evaluation des démarches de prospective territoriale, MEEDDAT, sept. 2008. Préparer le « terrain » : un appui actif des préfets est déterminant Avant de s'engager dans un exercice de prospective long et coûteux, la préparation en amont est décisive pour confronter les représentations que les collectivités et l'Etat ont de leurs priorités et pour préciser les attentes vis-à-vis de l'Etat et par conséquent la nature des investigations (de prospective ou non) à engager. La loi "Grenelle 1" favorise cette préparation appuyée par le préfet. Deux exemples. ­ En novembre 2008, la DDE et le préfet de l'Ain ont organisé une réunion autour d'une conférence de Jean-Marc Jancovici et d'une table ronde avec plusieurs élus importants et le directeur départemental, sur le sujet « des enjeux sur la crise de l'énergie et le changement climatique et leur lien avec la responsabilité des collectivités en matière d'aménagement des territoires ». Thème affiché : l'aménagement du territoire face au défi énergétique et climatique. Cible : les élus. Audience : amphi rempli. ­ En juin 2008 le préfet des Pyrénées Orientales a présidé une assemblée de tous les maires et acteurs économiques du département pour les mobiliser sur les grands enjeux d'aménagement et de développement durable des territoires à l'horizon 2030. En conclusion, après un rappel des grands défis d'avenir pour le département, le préfet a appelé les décideurs publics à une démarche commune après les échéances municipales et cantonales des 9 et 16 mars prochains « pour voir si nous partageons le même diagnostic sur les atouts et les faiblesses du département, si nous pouvons ­ à partir de là ­ nous retrouver autour d'ambitions collectives et communes qui généreraient, ensuite, des politiques de territoires, coordonnées et complémentaires... » Cette proposition a fait l'objet d'un accord le même soir. Il serait possible de multiplier les exemples. Ce type de réunion d'information et de débat peut facilement donner lieu à un programme d'études et d'action et pourquoi pas de recherche de vision commune pour orienter certains choix d'action. Source : Claude Spohr, mission prospective. 46 | Commissariat général au développement durable ­ Délégation au développement durable Études & documents | n°12 | Novembre 2009 rapport aux politiques et aux actions locales. L'exercice est plus participatif, y compris par une ouverture aux élus, et attentif à une appropriation des résultats par les acteurs locaux. Le positionnement est plus local : c'est le cas des trois prospectives de Pays (Centre-Ouest-Bretagne, Chateaubriant et Aix-en-Provence). La concrétisation des intentions de peser sur les stratégies d'action est très difficile à évaluer faute de recul suffisant. 4. Les modalités de réalisation Un exercice de prospective n'est pas une « étude » au sens d'une prestation apportée par un bureau d'étude ou par un service de la direction travaillant « en régie » et discutée en comité de pilotage de l'étude. Il s'agit d'une production collective en ateliers ou en groupes de travail fondée sur des travaux de diagnostic ou d'études préalables et faisant appel à des méthodologies spécifiques : identification des facteurs ou variablesclé, analyse des interactions entre facteurs (analyse structurelle), choix des hypothèses d'évolution et élaboration de scénarios... Cette dimension de travail collectif a été perçue de façon très positive. Les énergies des acteurs et des services se sont mobilisées souvent de façon inattendue permettant de progresser dans le sens d'un décloisonnement des compétences et des savoir-faire ainsi que d'une prise de conscience et d'une appropriation de certains enjeux et de certaines préoccupations. Il a souvent été question de mobilisation d'une intelligence collective. L'exigence collective et participative a néanmoins besoin de s'appuyer sur un fort encadrement méthodologique. Huit cas sur dix ont fait appel à un consultant en prospective territoriale. Leur principal rôle est d'apporter des méthodes d'élaboration de scénarios et d'assurer l'animation des ateliers. Les prestations d'étude et les prestations de synthèse, d'animation et de productions prospectives ont été parfois séparées et partagées entre deux ou plusieurs organismes parfois confondus (prestation intégrée). Équilibrer et coordonner les deux s'est avéré délicat : ­ dans un premier cas de figure, l'attribution de la phase diagnostic/analyse préliminaire à un organisme distinct du prospectiviste s'est heurtée aux difficultés de partage et d'appropriation par les participants aux collectifs de prospective, ­ dans le second cas, le soin a été confié au consultant prospectiviste de mener et d'assembler les travaux de diagnostic d'enquêtes et/ou d'auditions, avec l'avantage d'un diagnostic bien en prise avec les ateliers de prospective et avec un risque d'apport d'études et d'expertise un peu superficiel pour constituer le socle de connaissances utile pour regarder l'avenir. Des prestataires d'inégale importance sont intervenus dans les démarches de prospective analysées : ­ bureaux d'études (ou consultants de stratégie urbaine), laboratoires universitaires, équipes de CETE et/ou équipes internes à la direction responsable de l'exercice (de façon assez marginale), ­ consultants en prospective territoriale (presque dans tous les cas), ­ experts internes à l'État ou externes pour des prestations ponctuelles en cours de route (assez rarement). Un exercice de prospective est assimilable à un projet complexe nécessitant un dispositif de Le dispositif de maîtrise d'oeuvre doit équilibrer les travaux de diagnostic, d'étude et d'expertise, de modélisation éventuelle et les techniques d'exploration collective du futur (qualitatives et quantitatives). 2. L'État et les acteurs régionaux et locaux La question omni-présente d'un positionnement des services de l'État s'est avérée très difficile à régler car les services, le plus souvent n'avaient de claire appréhension ni de ce qu'ils pouvaient apporter aux territoires ni de ce que les territoires pouvaient attendre de l'État.. Cette problématique qui renvoie à une décentralisation française inachevée dépasse toutefois de loin le sujet de la prospective. Cette faible visibilité du rôle de l'État dans le système d'acteurs locaux était dans beaucoup d'exercices liée à la conscience diffuse d'une légitimité technique insuffisante par rapport aux enjeux analysés et d'une légitimité plus politique, sutout régionalement, difficile à atteindre. Les travaux de prospective ont-ils permis d'avancer dans l'influence stratégique de l'État déconcentré ? Localement, cela semble avéré (pays de Chateaubriant et d'Aix), régionalement c'est plus difficile à apprécier. L'appui des sous-préfets (le sous-préfet de Chateaubriant a joué un rôle d'ensemblier et de facilitateur) et des préfets peut être déterminant, comme le montre l'encart ci-contre. 3. Approches globales, approches sectorielles Les exercices se sont intéressés : ­ soit aux territoires dans leur globalité (ensemble des secteurs et acteurs) pour définir des scénarios d'évolution possibles de développement et d'aménagement de ces territoires ; ­ soit à un secteur d'activité ou à une thématique qui a de forts effets sur : . l'aménagement d'un territoire : . l'habitat en Pays-de-la-Loire . les déplacements et les transports en Baie de Seine . l'agriculture et le monde rural en LanguedocRoussillon . une prospective de la filière maison individuelle dans le Vaucluse présentée plus tardivement dans la vie de l'atelier par la DDE du Vaucluse. ou encore à un facteur d'évolution spécifique de l'action publique et à ses conséquences dans la cas de la DTA des Alpes-Maritimes (approche acteurs). Le Grenelle de l'environnement a été peu anticipé. Les principales priorités qui en résultent (climat, biodiversité...) n'ont pas donné lieu à des travaux de prospective spécifiques. Commissariat général au développement durable ­ Délégation au développement durable | 47 Études & documents | n°12 | Novembre 2009 Un exemple : le diagnostic prospectif de Midi-Pyrénées8 Une typologie de l'espace régional en 8 sous-systèmes qui donneront lieu à une série de micro-scénarios : · Groupe 1 : Métropole toulousaine · Groupe 2 : Bassins industriels en crise · Groupe 3 : Espace métropolitain · Groupe 4 : Pôles d'emplois et leurs périphéries · Groupe 5 : Espace rural en mutation · Groupe 6 : Trame rurale agricole, vieillie et peu dense · Groupe 7 : Espace de montagne à vocation agro-touristique · Groupe 8 : Espace rural et montagnard du Massif Central Source : Bulletin de liaison de l'atelier N°1, février 2006. 48 | Commissariat général au développement durable ­ Délégation au développement durable Études & documents | n°12 | Novembre 2009 pilotage efficace ; pilotage souvent qualifié de stratégique et d'intégré, caractérisé par un chef de projet (en général inscrit à la formation de l'atelier et en principe destiné à devenir un référent pour sa direction). Ce chef de projet est responsable de la conception d'ensemble du processus ou de la démarche de prospective, du cahier des charges, de l'appel d'offres destiné à choisir les prestataires externes, de la mise en place et du suivi du dispositif de travail (composition des groupes de pilotage, des ateliers...), de la communication et des contacts avec les acteurs externes, garant de la qualité des contenus. Il peut s'appuyer sur une petite équipe de projet chargée d'aider au pilotage d'ensemble et, exceptionnellement pour la DDE des Bouches-duRhône, de produire en régie (maîtrise d'oeuvre). Il a bénéficié dans certains cas d'une mission de conseil assurée par un CETE (le CETE de l'Ouest pour les cas de la Bretagne et des Pays-de-la-Loire) par un « coach » financé par l'administration centrale à titre expérimental (dans 7 cas) ou encore, dans le cas de Baie de Seine, par un expert/chercheur. Ces savoir-faire de chef de projet « assembleur » sont indispensables, précieux car de plus en plus rares. Cette fonction de chef de projet est parfois confiée à des responsables de services et adossée le plus souvent directement au directeur ou à la direction générale. L'appui institutionnel du préfet est plus rare. ­ un « quatre pages » imprimé qui réume la démarche et présente les scénarios et les enjeux (Midi-Pyrénées notamment) ; ­ un film (Pays de Chateaubriant) ou un D.V.D. (DRE Nord-Pas-de-Calais) ; ­ la mise en ligne sur sites intra et/ou internet (presque tous) ; ­ les séminaires de restitution des travaux et de débat (Languedoc-Roussillon, notamment) ou les réunions de présentation ouvertes notamment aux collectivités territoriales ou restreinte aux services de l'État comme pour les Ateliers territoriaux de l'État en région, pour la région Centre. La prospective en Midi-Pyrénées qui a été la première à être achevée a fait l'objet d'une réflexion spécifique sur les moyens à mettre en oeuvre pour conférer aux travaux davantage de portée stratégique, avec la mise à disposition de la DRE d'un mission d'assistance39 dédiée à cette phase. Certaines suites indiquent une diffusion de la prospective à mettre au crédit des personnes formées dans le cadre de l'atelier de référents : ­ Le développement d'une véritable « vitrine » de la prospective territoriale sur le site intranet40 de la DRE Pays-de-la-Loire, appuyée par une enquête auprès des collectivités et des professionnels sur l'offre et la demande locale et régionale de prospective : « comment construire aujourd'hui les territoires de demain ? » ­ Nouveaux exercices de prospective directement à l'initiative de personnes issues du réseau de l'atelier : DDEA du Lot, de l'Indre-et-Loire et de la Sarthe, en Aquitaine, en Bretagne. ­ La mise en place de deux « ateliers » déconcentrés au niveau des CIFP de Toulouse et de Paris (2008/2009) pour former de nouveaux « référents » à partir d'une nouvelle série d'exercices de prospective engagés par des services régionaux ou départementaux (une petite dizaine). 5. Les suites, valorisation et mise en débat. La valorisation d'un travail important relève d'une tendance normale. Elle est principalement conçue pour communiquer avec un public externe et faciliter l'appropriation des résultats par des acteurs qui n'ont pas participé à la démarche elle-même. Les formes principales en sont : 39 - Mission dite de "coaching" financée par l'ex DGUHC et confiée à Daniel Béhar. 40 - http://intra.dreal-pays-de-la-loire.i2/rubrique.php3?id_rubrique=60 Commissariat général au développement durable ­ Délégation au développement durable | 49 Études & documents | n°12 | Novembre 2009 Extraits du rapport CIRESE/GEISTEL « L'ÉTAT face aux FUTURS des TERRITOIRES. Analyse comparée et évaluation de démarches de prospective territoriale conduites par les services extérieurs de l'Équipement en 2005-2007 » (ept. 2008) Les lignes de force et de faiblesse des expérimentations Une lecture horizontale des cinq types d'atouts examinés met en évidence les lignes de force et de faiblesse des dix premières expérimentations : Ce que ces expérimentations ont « fait bouger » Une lecture horizontale des cinq types d'impacts ou effets identifiés met en évidence ce que ces dix premières expérimentations ont pu ou non faire bouger : L'échelle de 0 à 30 représente la cotation qui résulte du référentiel d'évaluation adopté par CIRESE-GEISTEL qui a été chargé de l'évaluation des 10 cas de prospective. Source : Rapport CIRESE/GEISTEL « L'ÉTAT face aux FUTURS des TERRITOIRES. Analyse comparée et évaluation de démarches de prospective territoriale conduites par les services extérieurs de l'Equipement en 2005-2007 » (sept. 2008). 50 | Commissariat général au développement durable ­ Délégation au développement durable Études & documents | n°12 | Novembre 2009 BIBLIOGRAPHIE Commissariat général au développement durable ­ Délégation au développement durable | 51 Études & documents | n°12 | Novembre 2009 52 | Commissariat général au développement durable ­ Délégation au développement durable Études & documents | n°12 | Novembre 2009 Prospective et prospective territoriale, principes et méthodes · Bailly Jean-Paul : « Demain est déjà là. Prospective, débat, décision publique », 1999, éditions de l'Aube. · Bailly Jean-Paul : « Prospective territoriale et action publique », Futuribles, n° 314, décembre 2005. · Barré Rémi : « le Foresight britannique. Un nouvel instrument de gouvernance ? », Futuribles, n° 49, janvier 2000. · Clar Günter et Acheson Héléna et al. : « Stratégic Policy Intelligence: Tools for Better Policy Making in Europe's Regions. Guide », Compendium, Stuttgard, 2007. · Clar Günter et Destatte Philippe : « Regional Foresight, Boosting Regional Potential, Mutual Learning Platform », Regional Foresight Report, Commission européenne-comité des Régions, 2006. · Conseil général de l'armement : « Prospective et décision publique », ministère de la défense, mai 2009. · Courson Jacques de : « La prospective des territoires, concepts, méthodes, résultats », 1999, éditions du CERTU. · Courson Jacques de : « L'appétit du futur. Un voyage au coeur de la prospective. », éditions Charles Léopold Mayer, décembre 2005. · Delamarre Aliette, Malhomme Marie-Claude : « la prospective territoriale », la documentation FrançaiseDATAR, 2002. · Destatte Philippe : « Guide pour mener un exercice de prospective territoriale », Plateforme d'intelligence territoriale wallonne, Institut Destrée, DGATLP, http://www.intelliterwal.net/Documents.htm · Destatte Philippe et Durance Philippe (sous la direction de) : « Les mots-clés de la prospective territoriale », la documentation Française, 2009. · Durance Philippe, Godet Michel, Mirénowicz Philippe, Pacini Vincent : « La prospective territoriale, Pour quoi faire ? Comment faire? », CNAM, Cahiers du Lipsor, série « Recherche » n°7, janvier 2007. · Farhi F., Lecoq D. (CM International), Liles I., Keenan M. (PREST, Manchester), Clar G., Svanfeldt C. (Bruxelles) : « Guide pratique de prospective territoriale en France », Commission européenne, Direction générale de la recherche, 2003. · Gaudin Thierry : « La prospective », Que sais-je, PUF, 2005. · Godet Michel : « Manuel de prospective stratégique », 2 tomes, Dunod, 1997, 2ème éd. 2002. · Godet Michel : « Crise de la prévision, essor de la prospective, exemple et méthodes », PUF 1997. · Godet Michet et Durance Philippe : « La prospective stratégique pour les entreprises et les territoires », Dunot, 2008. · Gonod Pierre : « La prospective systemique », Plateforme d'intelligence territoriale wallonne, Institut Destrée. http://www.intelliterwal.net/Documents/2009-05-21_Gonod_Pierre_La-prospective-systemique.pdf · Goux-Baudiment Fabienne : « Quand les territoires pensent leurs futurs », 2001, éditions de l'Aube. · Goux-Baudiment Fabienne : « Donner du futur aux territoires. Guide de prospective territoriale à l'usage des acteurs locaux », éditions du CERTU, 2000. · Goux-Baudiment Fabienne, Soulet Ghislaine, Courson Jacques de : « Quiz pour conduire un exercice de prospective territoriale », éditions du CERTU, 2008. · Jouvenel. Hugues de : « La démarche de prospective, un bref guide méthodologique », Futuribles, n°247, novembre 1999. · Jouvenel. Hugues de : « Invitation à la prospective. An invitation to foresight. », collection « Perspectives», Futuribles, 2004. · Lemaignan Christian : « Perspectives territoriales pour 2020 », l'Harmattan, 2002. · Les séminaires de la Caisse des Dépôts : « Prospective et développement territorial », la documentation Française, 2003. · Loinger Guy (sous la direction de) : La prospective régionale, de chemins en desseins. Neuf expériences de prospective régionale, éditions de l'Aube, février 2004. · Loinger Guy et Gonod Pierre : « Méthodologie de la prospective régionale », Rapport à la DATAR, GEISTEL, 1994. · Mermet Laurent (sous la direction) : « Prospectives pour l'environnement. Quelles recherches ? Quelles ressources ? Quelles méthodes ? », La Documentation Française, 2003. · Parrad Frédérique : « Quand les villes pensent leurs futurs. », DRAST/CPVST, octobre 2004. · Piveteau Vincent : « Prospective et territoire. Apports d'une réflexion sur le jeu », Cemagref, collection « Études », « Gestion des territoires », n°15, 1995. · Spohr Claude et Loinger Guy : « Prospective et plainification territoriales : état des lieux et propositions. », Note du CPVS n° 19, 2004 ou Travaux et recherches de prospective n° 24 (Futuribles International, CCP, DATAR, LIPSOR), février 2005. Commissariat général au développement durable ­ Délégation au développement durable | 53 Études & documents | n°12 | Novembre 2009 Autres ouvrages. · « Agriculture, environnement et territoires. Quatre scénarios à l'horizon 2025 », La Documentation Française, 2006. · Ascher François : « Les nouveaux principes de l'urbanisme. La fin des villes n'est pas à l'ordre du jour », éditions de l'Aube, 2001. · Bain Pascal, Maujean Sébastien, Theys Jacques : « Agora 2020 », CPVS, DRAST, MEDAD 2008 (pour sa partie prospective). · Calame Pierre : « Mission possible : penser l'avenir de la planête.», éditions Charles Léopold Mayer, collection Dossier pour un débat, réédition 2003. · Callon Michel, Lascoumes Pierre, Barthe Yves : « Agir dans un monde incertain. Essai sur la démocratie technique », édition du Seuil, 2001. · Commissariat général au développement durable : « Le projet de stratégie nationale de développement durable 2009-2012 », collection « Le point sur », n°1, janvier 2009. · Commissariat général au développement durable : « Stratégie nationale de développement durable, 2003-2008. 5ème Rapport », collection « Références », 2009. · Conseil général de l'agriculture, de l'alimentation et des espaces ruraux : « la forêt française en 20502100. Essai de prospective », éditions Cêtre, mars 2009. · Debarbieux Bertrand et Vanier Martin : « Ces territorialités qui se dessinent », éditions de l'Aube, DATAR, 2002. · Dupuis Jean-Pierre : « Pour un catastrophisme éclairé », Seuil 2002. · Gaudin Thierry : « L'aménagement du territoire vu de 2100 » 1994, éditions de l'Aube. · INRA, groupe de travail nouvelles ruralités : « Les nouvelles ruralités en France à l'horizon 2030 », INRA, juillet 2008. · Jancovici Jean-Marc et Grandjean Alain : « C'est maintenant. Trois ans pour sauver le monde », Seuil, 2009. · Passet René et Theys Jacques (sous la direction) : « Héritiers du futur », éditions de l'Aube, DATAR, 1995. · Perthuis Christian de : « Et pour quelques degrés de plus... Nos choix économiques face au risque climatique », éditions Pearson, avril 2009. · Radanne Pierre :« Énergies de ton siècle ! Des crises à la mutation », éditions Lignes de Repères, 2005. · Spohr Claude :« Innover pour changer. L'expérience des DRE et des DDE au service de l'aménagement durable des territoires. », Note du CPVS n° 24, 2008. Réédition dans la collection «Études et documents » du CGDD, 2009. · Stern Nicolas : « The Economics of climatr Change: The Stern Review », Cambridge University Press, janvier 2007, Executive summary : http://62.164.176.164/d/Executive_Summary.pdf. · Stern Nicolas et Jouzel Jean : « Lutter contre les changements climatiques et maîtriser l'énergie », rapport du groupe 1 du Grenelle de l'environnement. http://www.legrenelle-environnement.gouv.fr/grenelleenvironnement/IMG/pdf/G1_Synthèse_rapport.pdf · Theys Jacques : « Développement durable, villes et territoires : innover et décloisonner pour anticiper les ruptures », note CPVS n°13, ministère de l'Équipement, du logement et des transports, janvier 2000. · Vandermotten Christian (sous la direction de) : « Le développement durable des territoires », 2002, éditions de l'Université de Bruxelles. · Vanier Martin (sous la direction) : « Territoires, territorialité, territorialisation, Controverses et perspectives », Rennes, PUR, collection « Espace et territoires », 2009. · Wachter Serge (DIR) : « Dictionnaire prospectif de l'aménagement du territoire », Belin et CPVS, 2008. 54 | Commissariat général au développement durable ­ Délégation au développement durable Vers une prospective territoriale post-Grenelle de l'environnement Le Grenelle de l'environnement ouvre une période de plusieurs dizaines d'années de transitions vers des territoires et des villes plus durables. Le défi de la « territorialisation de la mise en oeuvre du Grenelle » introduit un besoin de visions à long terme, locales, régionales et inter-régionales, du devenir des territoires pour faire face aux effets du réchauffement climatique, des pénuries énergétiques, de l'érosion de la biodiversité et de certaines ressources naturelles, afin de s'engager ainsi dans les voies d'un développement soutenable et de comportements plus sobres. Il s'agit de comprendre et de simuler ce qui peut advenir afin de prendre en compte, dans les territoires, les stratégies européennes et nationales de développement durable. Les exercices de prospective sont des outils pertinents pour élaborer des scénarios et des visions de l'avenir des territoires. L'ouvrage présente les démarches et méthodes de prospective pour intégrer les enjeux du Grenelle et pour en montrer les avantages et les limites. Il s'adresse avant tout aux services déconcentrés du ministère mais peut également intéresser les collectivités locales soucieuses d'engager des travaux de prospective territoriale. Mise en page : Belle Page Paris n°90636 ISSN : 0753-3454 INVALIDE)

puce  Accés à la notice sur le site du portail documentaire du Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires

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