Villes (Les) intelligentes
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France. Commissariat général au développement durable
Auteur secondaire
Résumé
"La ville « intelligente » estelle pour demain ? L'introduction des TIC (technologies de l'information et de la communication) dans l'espace urbain ouvre la voie à de nouvelles fonctionnalités, de nouvelles manières de gérer, de gouverner et de vivre la ville. Des projets émergent aujourd'hui en France et à l'étranger qui témoignent de l'intérêt des villes pour ces nouveaux dispositifs mais aussi des enjeux industriels sous-jacents. Si les TIC peuvent contribuer à rendre les villes plus durables, leur développement n'est pas sans poser de questions tant sur le plan de l'acceptabilité sociale que sur ceux de leur mode de financement ou des transformations quelles induisent dans la nature des services rendus et le rapport des citoyens/usagers à la ville." (extrait de l'ouvrage)
Descripteur Urbamet
innovation
;technologies de l'information et de la communication
;prospective
;gouvernance
;développement durable
Descripteur écoplanete
Thème
Collectivités territoriales
;Méthodes - Techniques
Texte intégral
COMMISSARIAT GÉNÉRAL AU DÉVELOPPEMENT DURABLE
n° 143
Septembre 2012
Les villes intelligentes
La ville « intelligente » estelle pour demain ? L'introduction des TIC (technologies de l'information et de la communication) dans l'espace urbain ouvre la voie à de nouvelles fonctionnalités, de nouvelles manières de gérer, de gouverner et de vivre la ville. Des projets émergent aujourd'hui en France et à l'étranger qui témoignent de l'intérêt des villes pour ces nouveaux dispositifs mais aussi des enjeux industriels sous-jacents. Si les TIC peuvent contribuer à rendre les villes plus durables, leur développement n'est pas sans poser de questions tant sur le plan de l'acceptabilité sociale que sur ceux de leur mode de financement ou des transformations quelles induisent dans la nature des services rendus et le rapport des citoyens/usagers à la ville.
DÉVELOPPEMENT DURABLE
De la ville intelligente à la ville durable Confrontées à la nécessité de réduire leurs émissions de CO2, d'économiser les matières premières, d'optimiser la gestion des ressources, mais aussi de s'adapter à l'évolution des besoins, les villes doivent imaginer de nouvelles réponses, innover tant sur le plan technologique, que social ou organisationnel. La ville intelligente doit être resituée dans ce contexte et constitue une réponse parmi d'autres aux enjeux posés par le développement durable. Elle a pour caractéristiques essentielles de : - Répondre à un objectif de sobriété dans l'utilisation des ressources. Économies d'eau, écrêtement des périodes de pointe dans la consommation d'électricité, consommation d'énergie maîtrisée grâce aux dispositifs de mesure en temps réel, minimisation des pertes dues au vieillissement des réseaux... Tous ces enjeux vont dans le sens d'une optimisation de la gestion des ressources, qui est un des objectifs principaux de la ville intelligente. Ses modalités de réalisation technique passent principalement par la mise en place de « smart grids » . - Permettre une approche systémique de la ville. Il s'agit de dépasser les approches sectorielles séparant
1 Réseaux intelligents. Il s'agit de réseaux augmentés de systèmes informatifs (technologies de l'information et de la communication) qui ont pour but d'optimiser la production, le fonctionnement et la distribution des ressources.
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transport, énergie, eau-assainissement, bâtiment... pour mettre l'accent sur les interactions entre ces différentes composantes rendues possibles par le développement des TIC. Cette approche systémique de la ville, dont tout le monde s'accorde à reconnaître aujourd'hui la nécessité, se heurte toutefois à de nombreux obstacles liés à la prédominance des approches traditionnelles cloisonnée par et « silos », à des à une gouvernance cultures
professionnelles spécialisées. - Mettre l'usager au coeur des dispositifs. Outre un accès à une gamme de services plus diversifiés, le citoyen/usager opérant systèmes un devient retour des lui-même sur producteur l'état de des de d'informations par exemple sur l'état du trafic ou en d'expérience services. et des fonctionnement L'utilisation moyens
d'information
communication internautiques permettent à l'habitant de signaler à la collectivité un dysfonctionnement, créant une boucle de rétroaction allant des utilisateurs aux fournisseurs de services. Sur le plan de la gouvernance, l'accès facilité aux informations « Open data » (répondant ainsi à l'impératif de transparence des activités publiques) comme la possibilité, grâce aux TIC, d'une interaction croissante entre le citoyen et le politique vont également participation dans des le sens d'une plus La grande ville parties prenantes.
Délégation au développement durable
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intelligente est celle qui ménagera la création d'un espace public numérique où l'aller-retour entre le gouvernant et le gouverné sera accéléré. Pour autant, au delà de ses fonctionnalités, la ville intelligente, pour être durable, doit aussi intégrer des éléments du cadre de vie qui la rende désirable, qu'il s'agisse des conditions sanitaires (qualité de l'air, bruit, présence Îgétale) ou de la qualité des projets urbains. La ville 2.0 : les perspectives ouvertes par les TIC Comme indiqué précédemment, la ville intelligente doit être comprise comme un système urbain où les différents « silos » (énergie, transport, éclairage public, bâtiments...), jusqu'alors considérés comme autonomes et déconnectés les uns des autres, sont réunis par un réseau rassemblant des données éparses pour les traiter comme un tout. Si aujourd'hui ces interactions sont encore réduites, la tendance est à des approches intégratrices qui constitueront la valeur ajoutée de la ville intelligente. Quelques exemples d'applications : Les réseaux intelligents (smart grids) : plusieurs projets sont lancés en France aujourd'hui dans une perspective d'optimisation de la gestion de l'énergie par une meilleure régulation de l'offre et de la demande et l'intégration sur le réseau de distribution de la production locale d'énergies renouvelables. À terme pourront être raccordés au réseau, les bornes de recharge pour les Îhicules électrique, l'éclairage public ainsi que d'autres infrastructures urbaines (réseaux d'eau, mobilier urbain...) concourant ainsi à créer des synergies et à rendre plus performante la gestion des services urbains. Issygrid : premier réseau de quartier intelligent à Issy-les-Moulineaux Lancé en 2012 dans le quartier d'affaires Seine Ouest à l'initiative d'un consortium d'entreprises priÎes installé dans d'autres quartiers
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équipements publics), pour mieux gérer certaines infrastructures d'éclairage public ou de rechargement des Îhicules électriques, mais aussi pour faciliter la production et le stockage de nouvelles énergies renouvelables (avec des panneaux photovoltaïques, des systèmes de cogénération...) qui seront raccordées au réseau. Issy Grid constitue une première réalisation pilote au sein du Grand Paris. « Smart water networks » : Il s'agit de capteurs et compteurs intelligents gérant les informations sur l'état du réseau d'eau, la consommation, les ressources disponibles. Avec l'appui d'IBM, Malte est en train de bâtir un réseau intelligent qui intégrera la distribution de l'eau et de l'électricité. Ce système sera capable d'identifier les fuites d'eau et les pertes d'énergie et permettra aux entreprises publiques gestionnaires de mieux planifier leurs investissements dans le réseau et de d'en améliorer les performances. 250 000 compteurs interactifs permettront aux usagers de mieux contrôler leur consommation et de bénéficier d'une tarification variable. À terme, ce réseau aidera le pays à remplacer les carburants fossiles par des sources d'énergie durables. L'intégration des réseaux d'eau et d'électricité constitue un marché prometteur et l'on voit aujourd'hui de nouveaux acteurs comme M2ocity se positionner. Opérateur de téléreleÎs, M2ocity associe les compétences de Veolia Eau qui possède 40 % du marché de l'eau en France et l'expertise d'Orange en matière de télécommunications. Le but de M2ocity est de mettre en place et de gérer un réseau de télécommunications permettant l'échange de données et la télérelève de compteurs d'eau. Plus globalement, l'intégrateur de solutions devient une fonction clé dans la construction de la ville intelligente et l'évolution des activités des entreprises se dirige vers l'intégration de solutions qui relèvent de compétences diversifiées. On assiste donc à l'émergence de nouveaux partenariats dont M2ocity est l'exemple mais aussi UrbanEra créé à l'initiative de Bouygues Immobilier qui vise à apporter une réponse globale et sur mesure aux collectivités pour la réalisation d'une nouvelle génération de quartiers durables tendant vers l'énergie positive. Systèmes d'informations multimodaux : la mise en place d'un système d'informations connectant tous les
partenaire de la ville, Issygrid sera progressivement (écoquartier résidentiel Fort d'Issy. L'objectif du projet consiste à mettre en place de nouveaux outils pour optimiser le pilotage de la consommation énergétique à l'échelle du quartier (bureaux, logements, commerces,
2 Notamment à Lyon et Grenoble (Green Lys), Nice (Nice Grid et Reflexe), région PACA (Premio), Issy les Moulineaux (Issy Grid). 3 Consortium unissant Alstom, Bouygues Immobilier, Bouygues Telecom, EDF, ERDF, ETDE, Microsoft, Schneider Electric, Steria, Total, et 4 start-up (EMBIX, IJENKO, NAVIDIS, SEVIL).
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services de mobilité disponibles sur un territoire, publics et priÎs, devient la clé d'accès à une mobilité durable. Impulsés par les Investissements d'avenir dans le cadre du programme sur les Îhicules du futur, plusieurs projets sont lancés actuellement à l'initiative de collectivités. Optimod'Lyon : un projet pour faciliter la mobilité quotidienne Si l'agglomération de Lyon dispose de nombreuses infrastructures de transports et de services, toutes ces données sont éclatées entre les différentes organisations qui gèrent les transports. La solution ? Regrouper ces infos et les restituer sous la forme d'un navigateur unique. C'est l'objectif du projet Optimod'Lyon. Avec l'aide de partenaires comme IBM, Orange, Renault Trucks et Autoroutes Trafic, le projet va élaborer pendant 36 mois un « entrepôt de données », qui sera complété par des données issues de nouveaux capteurs fixes et mobiles. L'objectif est de proposer d'ici 2014 au plus tard des services innovants sur le Grand Lyon : - une prévision de trafic à 1h, ce qui permettra d'optimiser le système de gestion des 1500 carrefours à feux de l'agglomération, qui assure la priorité aux transports en commun et la fluidité du trafic routier. - le développement d'un navigateur tous modes, temps réel, sur téléphonie mobile. Ce service développera un calculateur multimodal donnant toutes les options modales pour aller d'un point A à B sur le territoire, en fonction de différents critères. Il intégrera les alertes en temps réel en cas d'imprévus, et toutes les fonctions associées au GPS et permettra de fournir à l'usager un Îritable outil de navigation urbaine en temps réel. Par ailleurs, le projet comprend un volet sur le transport de marchandises. Il prévoit le test d'un outil d'optimisation des tournées pour les opérateurs de fret urbain et d'un outil de guidage sur mobile pour les conducteurs de fret, intégrant la topologie fret des réseaux (les hauteurs des ponts, les rayons de courbure, les ondes vertes...), les données trafic historisées, temps réel et prévisionnel à 1h, ainsi que la disponibilité des aires de livraison qui seront instrumentées.
Le B Pass à Nice (sur mobile NFC) fournit des informations, optimise les transports, permet l'acquisition et le paiement de titres de transport via son mobile et donne ainsi accès à tous les modes de déplacement urbains : transports en commun, Îlos en libre service, auto partage, parkings-relais... Audelà des transports, de nombreuses applications sont actuellement développées par d'autres partenaires (banques, commerçants, équipements de loisirs ou de tourisme..) qui font du mobile NFC une plate-forme multi-services. Mobilier urbain interactif : L'installation sur l'espace public de nouveaux éléments de mobilier urbain interactif instaure un nouveau type de rapport entre le citadin et l'espace public. La rue qui était jusqu'à présent une infrastructure une matérielle devient et dorénavant infrastructure numérique
informationnelle. Nouvelle génération d'horodateurs à Nice Implantés dans la ville à partir de mars 2012, les nouveaux horodateurs, grâce à des systèmes d'information déployés par des capteurs et des systèmes de mesure implantés dans la chaussée, permettront aux conducteurs, via leur smartphone, de savoir dans quelles rues ils peuvent trouver des places libres pour se garer, limitant du même coup leur temps de recherche et les embouteillages. Une fois garés, ils seront prévenus en cas de dépassement horaire, ce qui devrait éviter nombre de contraventions... et un important manque à gagner pour les caisses de la ville. Les informations seront relayées par le centre informatique de la Semiacs (SEM gestionnaire du stationnement en voirie et des parcs autos) qui connaîtra en temps réel l'état du stationnement dans chacune des 10 000 places en voirie. Brevetés, équipés d'un écran tactile et du Wi-Fi, les horodateurs deviendront à terme de Îritables kiosques, capables de fournir toute une palette d'informations aux utilisateurs telles que programmes d'animations et horaires de bus ainsi que des applications comme la location de Îlo. L'Open data La mise à disposition des données publiques nécessaires constitue un moyen de revivifier la vie démocratique par une plus grande transparence de l'action publique. C'est aussi un moyen de la rénover car chacun peut contribuer à résoudre des problèmes
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collectifs
en
faisant
remonter
l'information
et
exclusion basée sur des critères économiques mais aussi démographiques (âge) ou culturels.
l'expertise diffuse dans la société. Ainsi, la mise en ligne du répertoire des 360 000 arrêts de bus du Royaume-Uni a permis aux usagers de signaler et de corriger 18 000 erreurs. Les collectivités ouvrent aussi leurs données pour permettre à d'autres de les exploiter dans l'espoir de faire naître des applications utiles. Rennes, pionnière de l'open data Suite à l'ouverture des données publiques, Rennes Métropole a lancé en 2011 un concours de développement de services et d'applications. Parmi les 43 applications qui ont été recensées, l'une d'elles -handi.map.orgconcerne un calcul d'itinéraire pour les personnes à mobilité réduite. A partir des données libérées par la ville sur les trottoirs surbaissés mixées avec d'autres données sur l'emplacement des passages piétons, les développeurs ont pu proposer une application indiquant aux personnes en fauteuil les itinéraires à suivre pour être sûrs de rencontrer des trottoirs surbaissés ou des ascenseurs en état de marche, ou aux aveugles des feux sonores. « Smart city » : un idéal à atteindre ? Si la ville intelligente propose un ensemble de solutions aux problèmes posés notamment en terme de préservation de l'environnement ou d'adaptation au changement climatique, le développement des TIC soulève un certain nombre de questions. Parmi elles : - La crainte d'une perte de liberté individuelle et la question de la préservation de l'intimité (« privacy ») et de la confidentialité dans une ville où tout est enregistré et mémorisé. Avec le développement des smart grids, quel sera le degré d'autonomie des usagers pour réguler leur consommation d'énergie ? A qui appartiendront les données collectées ? Comment s'assurer qu'elles ne soient pas utilisées à des fins commerciales ou autres ? - Le risque d'émergence de nouvelles formes
- L'absence
d'appropriation
de
ces
nouveaux
dispositifs par les usagers du fait de la prééminence des logiques d'offre, sans que soient suffisamment pris en compte en amont les besoins et l'acceptabilité sociale de nouveaux dispositifs. - Qui va payer quoi ? Si les financements liés aux « Investissements d'Avenir » ont permis en France de couvrir une partie des investissements pour certains programmes pilotes, la question du financement du fonctionnement des nouveaux services ou dispositifs reste posée, et le modèle économique de la ville intelligente reste encore à trouver. Le modèle de la smart city tel qu'il est souvent Îhiculé par les médias à travers les exemples de Masdar (Emirats Arabes Unis) et Songdo (Corée) doit donc être considéré avec une certaine prudence. Il présente une vision de ville très instrumentalisée où les TIC sont censées être le vecteur d'une intelligence communautaire, d'initiatives de durabilité environnementale et sociale, et le gage d'une bonne qualité de vie urbaine. Cette vision est principalement portée par des ingénieurs ou des investisseurs dont la connaissance du milieu urbain est souvent limitée. En effet la ville n'est pas seulement un ensemble de matérialités, de fonctionnalités techniques : on y trouve d'abord des personnes, des cultures, des ressources qui lui donnent son dynamisme et lui permettent de s'adapter et de se renouveler. Dès lors, si les TIC en sont une composante forte, l'avenir de la « smart city» tiendra à la capacité qu'aura la ville de devenir intelligente en mettant en place de nouvelles formes de gouvernance, en favorisant l'appropriation par les usagers de ces nouveaux dispositifs, en identifiant des modèles économiques viables qui en soutiendront le développement et en étant agréable à vivre Comme le rappelait la sociologue américaine Saskia Sassen lors de la conférence Lift tenue en juillet 2011 à Marseille, « l'enjeu est d'urbaniser les technologies plutôt que d'utiliser des technologies qui désurbanisent la ville ».
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Commissariat général au développement durable Délégation au développement durable 3 Place de Fontenoy 75007 Paris Tel. : 01.40.81.21.22 Directrice de la publication Catherine Larrieu ISSN 2100-1634 Dépôt légal Septembre 2012
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d'exclusion liées à la non-accessibilité aux TIC : Pour en savoir plus : Anne Charreyron-Perchet (DDD)
Tel : 01 40 81 34 73
anne.charreyron-perchet@developpement-durable.gouv.fr
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